DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE CONTENANT L’EXPOSÉ DES LEURS DOCTRINES DE LA THEOLOGIE CATHOLIQUE ET PREUVES HISTOIRE LEUR COMMENCÉ SOUS LA DIRECTION DB A. VACANT E. FROFKBSKUR AU GH AND SÉMINAIRE DB NANCY MANGENOT PROHOLO ÜR A L’INSTITUT CATHOLIQUE DR TAIUS CONTINUÉ «OUF CELER DE E. AMANN rnOWOSEUIl A IA FACULTÉ DB ΤΠΙΟΙΧΧΗΒ AVEC LE CONCOURS CITHOUQUB GRAND D’UN DB L’UNTTFRSîTÉ NOMBRE DE DE FnUFDOUBO. COLLABORATEURS TOME SEPTIÈME PREMIERE PARTIE IMMUNITÉS HOBBES PARIS-VI LIBRAIRIE LETOUZEY ET ANE 87, Boulevard Raspail, 87 1927 TOUS droits réservés imprimatur : Parisiis, die 17 mens. mart. 1921. t Ludovicus, Card. Duuois, Arci). Par. DICTIO N N AIR E DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE ( Suite) HO B BES Thomas, philosophe anglais, né à Mal­ mesbury, dans le Willshire, le 5 avril 1588, mort à Hardwick le 4 décembre 1G79.— I. Vie et œuvres. II. Idées et influence. I. Vie et œuvres, — Fils d’un ministre anglican, qui lui inspira de bonne heure l’amour de la royauté et le goût des langues anciennes, Hobbes entra en 1603 au Magdalen Hall ù Oxford. Il y prit l’habitude d’une dialectique serrée, mais s’y fatigua de la scolas­ tique. 11 en sortit en 1608 pour devenir précepteur de William Cavendish (15917-1628), ills aîné de William Cavendish, futur comte de Devonshire. Toute sa vie, il fut en relations des plus étroites avec celte famille. En 1610, il lit avec son éfeve un premier voyage en France et en Italie. Revenu en Angleterre, il est mis en rapports avec Bacon, dont il traduit en latin quel­ ques ouvrages et qui l initio au mouvement scienti­ fique et politique du temps; entre lui et Bacon toute­ fois subsisteront de très profondes différences. Voir Leslie Stephen, Hobbes, p. 13. A la mort de son élève (1628), qui était devenu son protecteur, Hobbes revint ù Paris; mais en 1629, il retourna en Angleterre, y fut le précepteur d’un jeune Clifton, d’une famille noble du Nottinghamshire, repassa avec lui sur le continent et en 1631 rentra dans la famille Cavendish comme précepteur du jeune comte de Devonshire (1617-1681), fils de son ancien élève. Ces années orientent sa vie. D’abord, en face des troubles d’An­ gleterre, il se préoccupe du problème politique cl, imbu d’absQlutismc, il publie à Londres en 1629 une traduction de Thucydide, Translation of Thucydides. in-fol., « pour démontrer, dit-il dans son autobio­ graphie en vers latins, democrat in .. qunm sit Inepta Et quantum cœtu plus Mipit unus homo. Pins, en 1631, il fait avec son élève un quatrième voyage en France cl un second séjour en Italie; à Florence. 11 voit Galilée; ù Paris, il se lie avec le P. Mersenne, qui lui fera connaître Gassendi et le mettra en relations avec Descartes. (Les Objectiones tertio:, pu­ bliées dans toutes les éditions complètes de Descartes à la suite de scs Meditationes de prima philosophia. sont de Hobbes. Cf. Œuvres de Descartes, édit. Adam, Paris, 1901, t. va, p. I, 171-196. Voir aussi Correspon­ DI CT. DE THÙOL. CATHOU dance. ibid.. 1899, t. ni, lettres ccxxx, ccxxx v de I lobbes à Mersenne pour Descartes et ccxxxi, ccxxxn, ccxxxvi, ccxxxvn de Descartes A Mersenne pour Ilobbes ou à son sujet ) Dans ce milieu, il rejette défi­ nitivement la philosophie traditionnelle pour le méca­ nisme, qu il applique à toutes choses: enfin, a H suite de la découverte des Éléments d Euclide. il se met à cultiver les mathématiques, dont il prétend appliquer la méthode à toutes choses également. En 1637, il rentrait en Angleterre et il travaillait a un grand ouvrage où il exposait ses doctrines mathématiques, physiques, philosophiques politiques cl religieuses. • Cet ouvrage, dit-il dans la préface du De cive, devait traiter : Ie du corps et de ses propriétés générales; 2° de l’homme, de scs facultés et de ses affections; 3° de la société civile et des devoirs des citoyens. Le travail était assez avancé pour qu’il en ait tiré plus tard les deux traités de VHuman nature et du De corporc politico, lorsque l’agitation religieuse et politique de son pays le ramena en France (1640) et lui inspira l’idée de développer et de publier avant toute autre la troisième partie de son ouvrage. Telle est l'origine du De cive qui parut en 1642, ù Paris, sous ce titre : Elementa philosophica seu politica de cire, id est. de vita civili et politica prudenter instituenda, in-4°. Ce livre, qui prétendait déterminer · Je droit de l’Êtat et le devoir des sujets », étudiait dans sa première partie, intitulée : Libertas, les devoirs des hommes en tant qu hommes; dans sa seconde. Impe­ rium, leurs devoirs en tant que citoyens, et dans 6a troisième, llcltyio, leurs devoirs en tant que chrétiens. IIn’avait été tiré qu’à un très petit nombre d’exem­ plaires; mais, en 1647, Sorbièrv, un des amis de Hobbes, encouragé par Gassendi et par Mersenne, donnait à Amsterdam une seconde édition du De cive. in-12, en y introduisant les notes ajoutées par l'au­ teur sur son exemplaire de la première édition. En 1619, il donna aussi une traduction française de cette nouvelle édition : Éléments philosophiques du citoyen, traité de politique ou tes fondements de la société civile par Thomas Hobbes traduits en français par un de ses amis. in-8°, Amsterdam. En 1651, 1 lobbes en donna une version anglaise. Enfin en 1660, du Verdus publia une traduction française de la première partie sous ce litre: Éléments de la philosophie de M. Hobbes. Paris. VIL — 1 3 HOBBES 4 dès le début, la Ir< partie, ln-4®, A Londres, en 1655, Dans l'intervalle» en 1616, Buckingham, qui, au sous ce titre: Elementorum philosophia: sectio prima, dire sans preuves de Bumct, cherchait A donner au Jeune prince cnne de mourrir en catholique, il s'y était refusé et s'était préparé à mourrir selon le culte natio­ nal. D’autre part, il consacre de longs passages à une exégèse des Ecritures pour démontrer qu'il n'est pas en contradiction aveeelles et, plus d une fois,il en cite 7 IIOBBES les paroles comme d’incontestables vérités. Une chose est ccrt: inc : le système de Hobbes peut 1res bien se concevoir en dehors de toute idée religieuse et sa cité en dehors de toute religion. Mais Hobbes ne pouvait échapper au problème religieux : son temps l’agit ait avec passion ; son pays le mêlait au problème politique; il y avait dans les consciences anglaises des conflits entre l’obéissance duc à Dieu et l’obéissance duc aux souverains» et Hobbes comprenait que son système politique ne faisait qu’accentuer ces conflits. De cive, préface. En matière religieuse, Hobbes est agnostique. C’est la conséquence logique de sa philosophie. Et celte conséquence, il l’accepte. Excludit a se philosophia theologiam, dlco de natura et attributis Dei... doctrinam. Logica, e. n. Il ne nie pas toutefois l'existence de Dieu. · Tous ceux qui veulent y faire attention sont à portée de savoir que Dieu est, quoiqu’ils ne puissent savoir ce qu’il est. > De la nature humaine, trad. d’Hol­ bach, c. xi, 2. 11 ne se met pas en peine, il est vrai, de la démontrer. « En remontant de causes en causes, nous arrivons à un pouvoir éternel, c’est-à-dire anté­ rieur à tout, qui est le pouvoir de tous les pouvoirs, la cause de toutes les causes, d ibid. Bien de plus Nous ne pouvons rien savoir de Dieu. « La raison ne nous dicte qu’un seul nom qui signifie la nature de Dieu, à savoir, celui... qui est; et un autre par lequel 11 se rapporte à nous, à savoir, celui-là même de Dieu, qui comprend en sa signification ceux de roi, de sei­ gneur et de père. » J bid. L’homme construit Dieu άνύρωποπαΰώ* et d’après ce que lui dicte le res­ pect. «Les attributs que nous donnons à la Divinité ne signifient que notre incapacité et le respect que nous avons pour elle... Si Dieu se donne à lui-même des noms dans la sainte Écriture, ce n’est que ... pour s’accommoder à notre façon de parler, b J bid., 3. Ainsi, « il réduit l’homme à n’être qu’un corps, l’âme une fonction et Dieu un inconnu. » Taine, loc. cit. Il faut signaler aussi la théorie que soutient Hobbes de la corporéilé de Dieu. Il nous est impossible de conce­ voir « des esprits incorporels ». Mais « c’est une manière de lui (à Dieu) marquer notre respect que cet eflort en nous de faire abstraction en lui de toute substance corporelle et grossière. » De la nature humaine, c. xi, 5. Et dans V Appendix ad Leviathan, c. ni, Hobbes, soutenant que Dieu est corps, se dit en accord avec TcrtulUen et rappelle que l’opinion de la corporélté de Dieu n’a pas élé condamnée par les trois premiers conciles œcuméniques. Quant aux rapports de l’homme avec Dieu, à la religion, il en distingue de deux ordres : les rapports du règne de nature, ceux que fixe la raison; du règne prophétique de Dieu, c’est-à-dire que détermine la révélation. De cive, Religio, c. xv, ni, iv; Levia­ than, De civitate, c. xxxi. Dans le règne de nature, le dioit de Dieu sur l’homme vient de sa toute-puissance: Regni Dei naturalis jus... non a b eo derivatur quod homines creaverit cum non essent, sed abeo quod divina· Patientia resistere impossibile est. Leviathan, De civi­ tate, c. xxxi. « Le droit de régner vient à ceux ù la puissance desquels on ne peut résister et par con­ séquent à Dieu, qui est tout-puissant. » De cive. Religio, c. xv, v. C’est donc de la crainte qu’est née la religion. Metus potentiarum invisibilium... est reli­ gio. Leviathan, De homine, c. vi. Dieu, sous ce règne, if Impose à 1 homme comme lois morales que les lois naturelles et, comme lois religieuses, que l’obligation du culte, c’est-à-dire de certaines croyances et de certains actes en son honneur. Mais c’est au magistrat à interpréter les lois inorales, à fixer par conséquent le Juste et 1 injuste, même au icgard de Dieu; c’est à lui aussi à interpréter les lois sacrées et, par consé­ quent, à fixer les croyances et les manifestations reli­ 8 gieuses. D’où · les sujets pèchent... s’ils enfreignent les lois morales.... s’ils transgressent les lois et les ordonnances de l’Etat en ce qui concerne la justice..., s’ils n’adorent pas Dieu selon les lois et coutumes do leur pays, » et ils commettent « le crime de lèse-majesté divine... s’ils ne confessent pas devant tout le monde qu’il y a un Dieu très bon, très grand, très heureux, roi suprême de l’univers..., c’est-à-dire s’ils ne l’ado­ rent point par cette confession, car ils tombent dans l’athéisme. » · Dans le règne de Dieu par nature », on ne saurait donc jamais se dispenser d’obéir au souverain, sous Je prétexte d’obéir à Dieu, c Tout ce que Dieu commande, il le commande par la bouche du magistrat; comme, au contraire, tout ce que l’Êtat ordonne touchant le service de Dieu et touchant les choses temporelles doit être reçu de même que s’il était commandé de Dieu immédiatement. » Il est vrai que, si l’Etat commandait « une chose injurieuse à Dieu », il ne faudrait pas lui obéir; mais il faut que cette chose soit directement injurieuse à Dieu et non pas seulement par voie de conséquence ou au juge­ ment de quelques-uns. De cive, Religio, cxvi, exix; Leviathan, De civitate, c. x v. Et il en est de même sous le règne de Dieu par la révélation. Cela va de sol pour le régime théocrat ique de l’ancienne alliance. Mais cela n’est pas tellement évi­ dent sous la nouvelle que des chrétiens ne se croient autorisés à demander « les uns la liberté de conscience, les autres pour la religion une place au-dessus de la puissance civile ou au moins indépendante; ils disent que Noire-Seigneur n’a pas donné au souverain cette autorité, » mais « au pape universel ou à un synode démocratique dans chaque république... ou à un synode aristocratique. » De corporc politico, part. II, c. Vf. Ils ont tort. L’avènement du Christ n’a pas changé les conditions générales de l’humanité : le pouvoir souverain garde toute son autorité sous le règne de Dieu par la révélation comme sous le régne de Dieu par nature. Hobbes fait valoir évidemment qu’aucune loi humaine ne saurait contraindre les consciences, mais règle seulement les paroles et les actes, que le chris­ tianisme prêche l’obéissance absolue à l’autorité humaine dans un gouvernement, mais il traite la question à fond. Par une exégèse que lui dictent à la fois la logique de son système et son éducation, il s’efforce de démontrer que dans les États chrétiens l’autorité religieuse appartient au prince. Le Christ en tant que Christ n’est pas roi de ce monde: « son royaume n’est pas de ce monde, son règne ne commen­ cera qu’au dernier jour n. Sa mission ici-bas ne fut point celle d’un législateur souverain, mais celle d’un pas­ teur, d’un conseiller. C’est aussi celle du clergé. Il n’a pas établi une Église universelle, avec un chef au commandement duquel elle obéisse tout entière, avec un pouvoir souverain au-dessus des pouvoirs souve­ rains des États, qui puisse, par exemple, délier les sujets du sonnent de fidélité. C’est une erreur de Bcllarmin de prétendre, De romano pontifice, c. xxix, que, « quand les princes se firent chrétiens... aussitôt ils devinrent les sujets du prélat de la hiérarchie ecclé­ siastique. » Chaque cité est une Église, celle-là, assem­ blée d’hommes sous un pouvoir souverain; celle-ci, assemblée des mêmes hommes sous le même pouvoir, mais considérés comme chrétiens. Et il n’y a pas à craindre une application de la parole sacrée : « Il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, d Toutes les choses nécessaires au salut sont comprises dans la foi et dans l’obéissance; l’obéissance — au pouvoir souverain — suffirait si elle pouvait être parfaite; mais c’est impossible. La fol intervient alors et assure la rémission des péchés. Mais quelle fol est nécessaire? Hobbes se sert ici de la fameuse distinc­ tion de la Réforme entre les articles fondamentaux 9 HOBBES cl les articles controversés. Un seul article est fonda­ mental, à son sens, et parlant nécessaire : la foi en Cbrlst· C’est le seul pour lequel il faudrait, non pas résister au pouvoir souverain, mais aller au martyre. Les articles controversés « regardent l'ambition de dominer, ou l’avarice ou gain, ou la gloire «le l'esprit >; en effet, « les controverses touchant le purgatoire ou les indulgences sont pour le gain; celles du francarbitre, de la just i fleat ion, de la manière de recevoir Christ dans le sacrement de 1 eucharistie sont des questions de philosophie », etc. Pour entrer dans le royaume des deux, il n’y a qu'à accepter extérieure­ ment les solutions du pouvoir souverain sur ces ques­ tions. I lobbes reconnaît ainsi au magistrat le pouvoir noa seulement de gouverner l’Église, mais de lui im­ poser une interprétation officielle de Γ Écriture et de fixer par conséquent les croyances — extérieures — de ses sujets. De corpore politico, part. II, c. vu, vnr; De cive, Bdigio, c. xvn; Leviathan, De civitate Chris­ tiana. II est impossible de résumer ici toutes les vues religieuses de Hobbes. Il faut signaler cependant scs vues sur l’inspiration et sur le miracle: elles font pré­ voir les théories les plus avancées du xvnr· siècle. Il parle «les Écritures comme de livres inspirés et il écrit néanmoins : c Dire que Dieu a parlé en rêve à un homme, c’est dire simplement que cet homme a rêvé que Dieu lui parlait...; dire qu’il a eu une vision ou entendu une voix, c’est dire qu’il a eu un rêve qui tenait du sommeil et de la veille...; dire qu’il parle par une inspiration surnaturelle, c’est dire qu’il trouve en hii-mcmc un ardent désir de parler. » Leviathan, De civitate catholica, c. xxxn. Il estime que le miracle est une des raisons de notre foi et l une des preuves des missions divines et il consacre tout le c. XXX ni du Leviathan à chercher, semble-t-il, quelle raison peut le mieux nous empêcher v. Cours de tirait naturel, l. n. 1« çoiu 11 IIODBES — il OC II S I KA ΓΕΝ 12 Colonicnsis egregie permunitum, Jn-4°, s. 1. n. a. Voir N. Paulus. Diedcutschen Dominlkaner im Eamp/e yegen Luther (1518-1563), Fribourg-cn-Brisgau, 1903, p. 88. Vers la fin de l’année 1507, l'occasion se présenta pour Hochstratcn d’entrer de nouveau en lice et dans un débat qui devait avoir plus de retentissement. En effet, dans le cours de l’été 1506, un juriste italien, Pierre Tomasi de Ravcnne, qui avait entrepris le tour des universités allemandes, vint aussi à Cologne pour y faire quelques leçons. Mais bientôt, il émit des pro­ positions si osées que le sénat de l’université, dans le courant de mars 1507, lui demanda de se justifier des HOCH KIRCHEN Antolno, augustin allemand accusations dont il était l’objet. Il promit de donner du xvni· siècle, docteur en théologie ct professeur de satisfaction, mais quelques mois après il n'en recom­ droit canon, donna au public les ouvrages suivants: mença pas moins à soutenir des propositions irritantes. 1* Assertiones philosophica' paraphrastico-critica·, inDans une nouvelle édition de son Compendium de droit fol. Brunn, 1725 ; 2e Elementa juris pontificii, site ecclésiastique, paru dans l’été de 1507, il prétendit (pic expositio regularum juris canonici, ln’49 Brunn, 1727; les princes allemands n'avalent pas le droit de laisser 3’ Dissertatio polcmica de jure naturali divino ct hu­ au gibet le corps des suppliciés ct que c’était contraire mano, Brunn, 1728; 1° Enchiridion urbanitatis nobilis au droit naturel et au droit divin ; il affirmait, en outre, et christlanæ, in-8°, Cologne, 1718, ouvrage traduit en français sous le titre : Manuel de la bienséance et honnê­ qu’ils commettaient, en agissant ainsi, un péché mor­ tel. La faculté de théologie s’émut ct opposa autant teté noble et chrétienne, ibid.; 5° Ethica Christiana sive d’antithèses aux quatre thèses que le juriste italien orthodoxa juris naturalis ct gentium prudentia, 2 in-4°, prétendait défendre; en même temps plusieurs théo­ Utrecht, 1751; 6° Syntagma /uris ecclesiastici universi, logiens se présentèrent pour le confondre dans une t. e. succincta, limata ct perspicua expositio omnium dispute publique. Le juriste se déroba et déclara qu’il titulorum qui in quinque Decretalium libris continentur, démontrerait le bien-fondé de sa doctrine au cours de 3 ir>4% Liège, 1762. ses leçons. Hochstratcn n’était pas demeuré inactif ct à la fin de l'année 1507 ou au commencement de 1508. Rcuista agustlntana, Vnllndolld, 1881. t. vn, p. 353; il fit paraître contre Tomasi, en faveur des princes Lantcri, Postrema sxcula sex religionis augustlnlanx, t. ili, p. 209; (hslngcr, Bibliotheca augustintana, Ingolstadt, allemands, un traité intitulé : Justificatorium princi1768, p. 412; Hurter, Nomenclator, 1910, t. tv, coi. 1606. pum Alcmaniic... dissolvens rationes clarissimi ulriusque N. MllU.tV. juris docturis et equitis magistri Petri Ravennatis quibus HOCHSTRATEN, ou mieux HOOGSTRAprincipum judicia carpsit, s. L n. d.; 2· édit., Cologne, TEN Jacob, naquit ù Hoogslractcn,cn Brabant, d'où 8 mai 1508. La conclusion d'Hochstratcn est que l’on son nom. B étudia la philosophic^ Lou vain cty fu t promu peut fort bien laisser les corps des suppliciés au gibet, maître ès arts en 1485. Biographie nationale de Bel­ sans péché, et que même l’on n’est pas tenu de rendre gique, Bruxelles, 1889, t. x, p. 77. 11 était aussi licencié les derniers honneurs aux condamnés repentants. de la faculté de théologie de Louvain ct pendant Tomasi répondit sur un ton injurieux cl ayant appris quelque temps H fut professeur à la pédagogie du Fau­ qu'Hochstraten préparait une seconde brochure contre con. De Jongh, L'ancienne faculté de théologie de Lou­ lui, il le prévint par un nouvel écrit : Anticipatio prevain, Ibid., 1911, p. 100. 11 entra à Cologne dans l’ordre veniens opus F. Jacobi Hochstratcn... nova quedam, ut des frères prêcheurs à une date incertaine, mais peu fertur, parturientis, s. 1. n. d. Peu après, Pierre de après 1485. Une fois prêtre, il fut envoyé ù l'université Ravcnne quittait Cologne pour Mayence. La réplique de Cologne pour y poursuivre ses études théologiques; de Hochstratcn ne se fit pas attendre. Elle avait pour il y fut immatriculé le 10 septembre 1495. L. Enncn, titre : Defensio scholastica principum Alamunic in co Geschichlc der Stadl Kôln, 1875, p. 92. Le chapitre quod sceleratos detinent insepultos in ligno, in-1°, Colo­ général, tenu à Ferrate en 1198, assigna Hochstratcn gne» 8 mai 1508. En même temps un autre théologien a Cologne, comme second lecteur. B. Reichert, Acta de Cologne faisait paraître contre Tomasi : Tractatus cap. gêner., Rome, 1900, L in, p. 132. En 1500, il est de cadaveribus maleficorum morte punitorum, Cologne, élu prieur d'Anvers; puis, en 1504, il est promu maître 1508. Tomasi répondit à l'un ct ù l'autre dans son en théologie à Cologne. II. Cremans, De Jacobi HochCompendium breve et pulcherrimum in materia consue­ slrati vita et scriptis, Bonn, 18G9, p. G. Le chapitre de tudinum feudorum, Cologne, 1508. Sa réponse était des Milan (1505) ct celui de Pavle (1507) le rappelèrent à plus vives;il ne fut pas moins violent dans un écrit Cologne en qualité de régent des études. Acta cap. paru dans le courant de l'été, sous ce titre : Prima pars gen., L iv, p. 52, 72. Régent, Hochstratcn devenait par egregii ct salutiferi operis celeberrimi juris ulriusque le fait même titulaire d'une chaire de théologie à l'uni­ ductoris Petri Ravennatis contra Ghcrardum de Zutphaversité de Cologne. Pendant sa régence, il fut chargé, nia ct fratrem Jacobum théologie professores, Mayence, avec Fr. Jérôme, prieur de Cologne, de la réforme du 1508. Tomasi n'avait pas reculé devant la diffamai Ion, couvent de Wesel; la commission se trouve signée de aussi scs adversaires de Cologne en appelèrent-ils ù maître Cajctan, le 6 décembre 1509, à Pise. Mortier, l'archevêque de Mayence. Le 10 septembre, le vicaire Histoire des maîtres généraux, Paris, 1911, t. v, p. 392. général de Mayence rendait compte au doyen de la 1° Premières polémiques de l'ordre des frères prê­ i faculté de théologie de Cologne qu'il allait instruire cheurs.— A Cologne, Hochstratcn ne tarda pas ù se la cause. De fait, la seconde partie du traité de Tomasi, montrer polémiste ardent. 11 débuta par un plaidoyer dirigée surtout contre Ilochstraten, ne parut pas; do en faveur des ordres mendiants. En effet, un canoniste plus, le nonce, Bernardino Carvajal, qui sc trouvait avait prétendu que les fidèles ne pouvaient satisfaire alors à Mayence, sc prononça en faveur des théologiens au précepte de la confession annuelle qu’en s’adressant de Cologne contre Tomasi. Celui-ci en appela au pape, mais son appel n’eut pas de suite, car il mourut l'année à leur propre pasteur et non pas à des religieux. C’est suivante Λ Worms (1509). Entre temps, Hochstratcn contre cette prétention qu’Hochstraten fit paraître en avait préparé une réponse aux quatre propositions 1507 : Dcfensorium fratrum mendicantium contra curatos émises autrefois par Tomasi. Elle est datée du illos qui privilegia fratrum injuste impugnant, signaturis 20 juin 1509. Hochstratcn la communiqua à plusieurs doctorum ulriusque juris de alma universitate studii xi ct xii ; Cousin. Philosophie srntualirtc, cour, de 1919, leçons vu. vm. ix. ct cours de 1828, Premiers essais: Damiron. Essais sur rhistoire de la philosophie en France, 1816. I. i; Tnlnc, Littérature anglaise, 1863, t. ni; de Rérmisat, Histoire de la philosophie en Angleterre, 1878, t, i; Janet. Histoire de ci .science politique dans scs rapports orta son jugement le 2 août 1514. Voir Du Boulay, * Hist. unio. Paris., L vi» p. 47-69, 107; d’Argentré, dicer, Gand, 1889, t. i, p. -198-502. 2° Hochstratcn ct le procès de Rcuchlin. — Un juif Collectio judiciorum, L 1, p. 350-351. L'année suivante, converti de Cologne, PfetTerkorn, pour hâter le retour le 2 mai 1515» elle intervint de nouveau pour hâter de scs anciens coreligionnaires, pensa que le meilleur la condamnation du livre de Reuchlin. Voir L. Delisle, Notice sur un Registre des procès-verbaux de la faculté moyen serait de leur enlever les livres talmudiques. A cet effet, il obtint de l’empereur un premier mandat, I de théologie de Parts, 1899, p. 39. Fort de cet appui. Iloclistratcn entra en scène le 19 août 1509, l'autorisant à rechercher et à détruire, comme inquisiteur. Au mois de septembre 1513, il en présence du curé du lieu ct de deux représentants, tous les livres qu’il pourrait trouver opposés à la foi citait Rcuchlin à comparaître à Mayence, devant son tribunal; mais celui-ci en appela au pape. Léon X chrétienne ou à la fol juive. Par un autre décret impé­ rial, du 10 novembre 1509, la conduite de toute cette remit alors la chose à l’archevêque de Spire, le comte affaire était confiée à l'archevêque do Mayence, Uriel. palatin, Georges, qui de son côté chargea le prévôt Il devait s'assurer du concours des sa rants des univer­ Thomas Tmchsctz, un disciple de Reuchlin» de tran­ sités de Mayence. Cologne, Erfurt ct Heidelberg, ainsi cher le différend. La sentence fut portée le 29 mars 1511 ; il était déclaré que le livre de Reuchlin, Augen­ que de l'inquisiteur Hochstratcn, du juif converti VictorCarbenct du savant hébralsant Jean Rcuchlin; spiegd, ne contenait aucune hérésie» ni ne favorisait les juifs; par conséquent sa lecture était non seulement d'après un troisième reserit impérial, du 16 juillet 1510, il devait recueillir l'opinion des uns ct des autres. permise, mais même à recommander. Au contraire, Hochstratcn était condamne à payer les frais du procès Rcuchlin fut d’avis que seuls les pamphlets des juifs, ouvertement dirigés contre la fol chrétienne,devaient qui se montaient à l 100 florins dor, et deplusà s’abs­ tenir désormais de sc mêler de ces questions. Comme être recherchés ct détruits; quant aux autres livres, on pouvait s’y attendre. Hochstratcn uc voulut point on pouvait les conscrver. 1 .es autres consultcurs furent sc rendre à une sentence aussi blessante pour lui et, par d’un avis beaucoup plus rigoureux; 1 lochstratcn ct les docteurs de Funlvcrsité de Cologne furent pour qu’on l'intermédiaire de son procureur à Spire, Fr. Jean Host ne laissât aux juifs que la Bible; les livres talmudiques de Romberg, il interjeta aussitôt appel nu pape de la devaient être confisqués, ainsi que plusieurs papes sentence du tribunal de Spire. Le pape nomma le car­ l’avaient déjà maintes fols ordonné. Voir le vote de dinal Grimant juge de l'affaire. Le 8 juin 1511, le car­ dinal appela les partis à Rome; seul Hochstratcn s’y I lochstratcn, en date du 9 octobre 1510, dans Bücklng, Hutlent operum supplementum, t. I, p. 99 sq. L'empe­ rendit; son grand âge empêcha Reuchlin de s y pré­ reur appela l’affaire à lui et elle n'eut pas d’autre suite, senter, mais il s’y fit défendre par un procureur. Les sous cette forme du moins, car la question des livres choses traînèrent en longueur. Sur ces entrefaites, les partisans de Rcuchlin ct tous ceux que l’on désignait juifs allait entrer dans une nouvelle phase. — Rcuchlin 15 HOCHSTRATEN sous le nnm de portes triomphaient: dans le courant de l’année 1515 commencèrent aussi de paraître les Littera- virorum obscurorum, qui cherchaient à jeter le discredit sur les religieux et à les tourner en ridicule. Sur ces Lilteræ, voir F. Griffin Stokes. Epistolæ obscu­ rorum virorum, The Latin text un th an English rendering, notes and a historical introduction, Londres, 1909. Λ Home, on avait nommé une commission de vingt mem­ bres pour examiner cl juger l'affaire. Dans la séance du 2 juillet 1516, presque tous les membres se montrèrent favorables au livre de Rcuchlin: on n’avait plus qu’à passer au vote, lorsque, par ordre du pape, la sentence fut ajournée. I lochstraten demeura encore quelque temps & Borne, dans l’espérance de voir se terminer le procès. 11 ne fut de retour à Cologne que dans le courant de l’été 1517. Après l’ajournement du procès, étant encore à Home, Hochstraten s’était offert à défendre, devant le synode du Latran alors assemblé, toute une suite de thèses contre le livre de Rcuchlin; sa demande fut rejetée. Les thèses n’en parurent pas moins sous ce titre : Erronea: assertiones in oculari Speculo /. Hcuchlin verbatim posite et conclusiones per magistrum Johannem de alta platea, in-1°, 1517. Cet écrit inconnu ά Cremans, û Geiger et à Bôcking se trouve au British Museum (3836). A Cologne, où il venait de rentrer après une absence de près de trois ans, Hochstraten retrouvait les partisans de Rcuchlin tout disposés à triompher du silence de Borne. Au mois de septembre 1517, le prévôt, Hermann de Neuenahr, fit paraître un dialogue entre un savant italien et l’ar­ chevêque de Nazareth, Georges Benignus, un des membres de la commission romaine. Rcuchlin y était glorifié et sa cause représentée comme celle de la justice et de la vérité. Hochstraten répondit par une longue apologie, qui parut en février 1518, sous ce titre: Ad sanctissimum dominum nostrum Leonem decimum ac divum Maximilianum imperatorem semper augustum Apologia reverendi Patris lacobi Hochstraten, Cologne. 1518. Geiger. Rcuchlin, p. 40Ι-Π2. Rcuchlin et scs partisans exhalèrent leur mauvaise humeur contre i lochstraten en des lettres adressées au comte de Neue­ nahr, qui n’eut rien de plus pressé que de les faire paraître avec une préface et l’une des deux apologies romaines de Rcuchlin. Force fut donc ù Hochstraten de répondre; il le lit dans une seconde apologie, qui, bien que terminée en août 1518, ne vit le jour qu’au commencement de 1519: Apologia secunda, Cologne, 1519. Geiger, op. cil., p 121-127. Vers ce temps le terrain de la lutte se déplaça. En 1517, Rcuchlin avait fait paraître son traite De acte cubalistica libri 111, Leoni X dicati, 1 lagucnau. Ce livre offrait certainement des dangers pour la foi : aussi Hochstraten, au mois d’avril 1519, publia-t-il sa De­ structio Cabale, Cologne, dédiée au pape Léon X; il montrait que la doctrine secrète des juifs, loin de four­ nir des arguments à la fol catholique, ne pouvait que de venir une source d’erreurs. Geiger, op, cil., p. 199201. Érasme Intervint alors auprès de Hochstraten, par un écrit du 11 août 1519, pour lui demander de ne plus inquiéter Rcuchlin; peu auparavant, Franz von Sicklngen. le 2G juillet, était intervenu dans le même dessein. Celle intervention était accompagnée de menaces; aussi, dans une conférence tenue à Francfort au mois de mai 1520, il fut décidé que le provincial des dominicains solliciterait du pape la solution du conflit, qu’on prononcerait l'annulation du jugement de Spire et que I on imposerait silence aux deux partis. Entre temps, le chapitre provincial des dominicains, réuni à Francfort, relevait de sa charge de prieur de Cologne I loch* traten, qui par le fait même cessait d’être inquisi­ teur. et on lui imposait silence. Pourtant cette solution ne fut pas goûtée à Rome. L éclat que venait de faire Luther avait enfin ouvert IG les yeux au pape; on pouvait voir maintenant que l’opposition à Rome venait précisément du groupe de ceux qui s'étalent montrés le plus chaudement par­ tisans de Rcuchlin. De ce chef, Hochstraten venait de trouver dans les événements, qui allaient changer la face des choses en Allemagne, un secours ines­ péré. Aussi, le 23 juin 1520, le pape cassait la sentence de Spire, condamnait VAugenspicl de Rcuchlin et son auteur aux frais du procès. En même temps, I lochstraten, par autorité du pape, était rétabli dans toutes scs charges. H sortait enfin vainqueur de la lutte. Gel épisode de la lutte contre l’humanisme a été souvent exploité contre l’Église en général, et contre les ordres religieux en particulier, surtout les mendiants, pour montrer leur intransigeance et aussi leur mépris de tout progrès intellectuel. Qu’il y ait eu, de la part de I lochstraten aussi bien que du côté de scs adversaires, un excès dans l’attaque et la riposte, que trop souvent on soit allé chercher ses arguments dans des allusions personnelles, blessantes, c’est certain. Pourtant, on ne peut nier, et les événements l’ont prouvé, que la vérité était du côté de Hochstraten. Voir N. Paulus, op. cil., p. 99 sq. 3° Hochstraten et le protestantisme. — Dès le com­ mencement, Hochstraten avait attiré l’attention du pape sur les dangers que faisaient courir ù la foi les doctrines des novateurs. Même dans son traité De­ structio Cabale, il avait dès le mois d’avril 1519 signalé le danger des doctrines de Luther, sans pourtant le nommer. Celui-ci néanmoins s’y était vite reconnu et il avait répondu d’une façon très violente dans un pla­ card : Scheda adversus lacobum Hochstraten, 1519. Il représentait I lochstraten comme un homme de sang et le pire des hérétiques. Voir N. Paulus, op. cil., p. 102. Vers le meme temps, la faculté de théologie de Lou­ vain présenta ô celle de Cologne, pour y être examinée, toute une série d’écrits de Luther. Voir de Jongh, L’ancienne /acuité de théologie de Louvain, p. 207-208. Peu de jours après, la faculté de Cologne députa à Louvain Jacques Hochstraten pour y porter la con­ damnation prononcée à Cologne contre les écrits de Luther. De Jongh, op. cil., p. 208 et 15·. Érasme veut que ce soit Hochstraten qui ait surtout excité ses col­ lègues contre Luther. Opera, 1703, l. ni, col. 1361; de Jongh, op. cil., p. 216. Le 30 août 1519, la faculté de théologie de Cologne condamna les écrits de Luther et celui-ci fut invité à une rétractation publique. Après la sentence d’excommunication lancée contre Luther, juin 1520, Hochstraten lit, au mois de novembre sui­ vant, brûler publiquement les écrits du novateur. De plus, il composa contre les erreurs de Luther tout un traité, qui dans sa pensée devait présenter quatre par­ ties, mais dont deux seulement parurent. Il est conçu sous forme de dialogue, où saint Augustin lui-même prend à tâche de refuter les doctrines nouvelles. La seconde partie parut la première sous ce titre ; Ad Illustrissimum ac serenissimum principem Carolum ccsarem... cum divo Augustino colloquia contra enormes algue perversos Martini Lutheri errons. Pars secunda, Cologne, 1521. Puis, l’année suivante, il donna la pre­ mière partie : Ad sanctissimum dominum nostrum pontificem modernum cupis nomen pontificale nondum innotuit... cum divo Augustino colloquia... Pars prima cui compendium quoddam generale premittilur, Cologne, 1522. Dans cet ouvrage Hochstraten se proposait sur­ tout de répondre à l’apologie qu’avait faite Luther de sA thèses de Leipzig en 1519; ce n’est qu’en passant qu’il est fait allusion aux autres écrits de Luther. L’année précédente, Hochstraten avait publié un ouvrage de philosophie morale plus import an , inti­ tulé : Margarita moralis philosophie in iuodccim redacta libros, omnia ejusdem principia jnaximeguc 17 * IISTRATEN — IIOFFÉF. secreta ac cognitu summopere necessaria luculenter com­ plectens, Cologne. 1521. Hochstraten eut encore l’occasion de combattre le courant des idées nouvelles, en faisant paraître contre Jean Lonicerus, cx-augustin, Dialogus de veneratione ft invocatione sanctorum, contra perfidiam Luiheranam. Authore L Phylalcthe, vigtlardissimo turret ica· pravitatis inquisitore, Cologne, 1521. L'année suivante, il publiait un écrit de moindre importance De purgatorio, Anvers, 1525. La doctrine fondamentale de Luther sur la jus­ tification et les œuvres trouva dans Hochstraten un adversaire déclaré. Il publia d’abord son Epitome de fide et operibus, adversus chimrricam illam atque mons· (rosam Murtini Luther i libertatem, quam ipse /also ac perdite Christianam appellat. Per venerandum hcrclice pravitatis inquisitorem, Cologne, 1525. Vers le même temps il composa aussi Dialogus adversus pestiferum Lulhcri tractatum de Christiana libertate, Anvers, 152G. Dans un autre traité il explique la doctrine catholique de la valeur des bonnes œuvres; cet écrit est intitulé : Catholiac aliquot disputationes. Contra Lutheranos, Scopus totius operis : Opera bona non justificant, sed hominem beatificant, s. I.. 1526. Ce fut le dernier ouvrage de Hochstraten: en eflet, il mourut quelques mois après, le 27 janvier 1527. Scs adversaires lui avaient prédit une triste fin et aussitôt qu’ils apprirent sa mort, ils répandirent a ce propos toutes sortes de bruits mensongers sur lui. Echnrd, Scriptores ordinis præd iratorum, Paris, 17191721. t. il, p. 57-62; 1 L Cremans, De Jacobi Hochntrati vita cl scriptis, Bonn, 1869, dont les jugements sont parfois corrigés par N. Paulus, Die deutschen Dominikanrr im Kainp/e gegen Luther, Fribourg-rn-Brisgnu, 1903. p. 87106 : c’est do beaucoup la meilleure biographie qui existe et qui résume toutes 1rs études précédentes. Voir sa biblio­ graphie. A. Mortier, Histoire des maîtres généraux de Tordre des frères prêcheurs, Paris .191 l,t. v, p. 391 sq.; lf.de Jongh, L9ancienne faculté de théologie de Lounain au premier siècle de son existence ( 1132-1S10), Louvain, 1911, passim; voir en particulier, le c. v : La lutte contre Erasme et Luther, p. 87 sq ; F. Pîjpcr, Bibliotheca reformatoria ncerlandica, lui Haye, 1903, t. ni, p.377, donne une vue d’ensemble du procès de Rcuchlin et indique les principaux ouvrages; p. 382. Il note les principaux pamphlets écrits contre 1 lochstraten. B. Covlox· HOCQUARD Bonavonturo, originaire de la Lor­ raine, appartenait par sa profession religieuse aux frères mineurs reformés de la province de Gènes. 11 y avait été attiré parson oncle, le P. Théodore 1 locquard, longtemps professeur au couvent de Pavlc et lui-même obtint le titre et exerça les fonctions de lecteur général en théologie. Vraisemblablement il avait été envoyé dans la province d’Autriche, â en juger par son ouvrage Intitulé: Perspectivam luthcranorum cl calvinistarum in duas partes divisum, ad orthodoxorum omnium confir­ mationem cl nutantium instructionem, hostiumque verte fidet confusionem,,., 2 in-8°, Vienne, 1648. Le tome ι·Γ est dédié aux seigneurs hongrois, promoteurs et fau­ teurs de la religion catholique en Hongrie. Dans cet ouvrage de controverse le P. Hocquard réfute une a une les erreurs des calvinistes et des luthériens, procé­ dant avec méthode et argumentant avec une solidité qui ne permettait pas de réplique; aussi, nous dit un auteur contemporain, causa-t-il une grande irritation chez les protestants. Au commencement de son travail l’auteur donne la liste de tontes les sectes issues de la Bétonne, d’après le catalogue dressé par Guillaume Vanderlinden, évêque de Hurcmondc. Suivant Lcqullle, le P. Bonaventure retourna ensuite en Lorraine, apud suos Lotharingos, où il vivait encore en 1667. Dldncc de Lcqullle, Franciscos 1er legislator coangcltcns, Rome, 1667. t. ir, p. 266; Calme I. Bibliothèque lorraine, Nancy, 1751, col. 502; Sbanigll.t, Supplementum et castigatio 18 ad scriptores ord Info minorum. Rome, 1807 ; Hurter, Nomen­ clator, Inipruck, 1907, t. in, col. 1011. P. Édouard d’Alençon. HOEHN Nicolae,théologien allemand,né â Amor­ | , | | I bach le 6 décembre 1681,admis au noviciat de la Com­ pagnie de Jésus dans la province du Rhin supérieur le 11 juillet 1701, professa d’abord la philosophie à Molsheim, à Würzbourg, où 11 publia scs Prærequisita et theoremata in primam philosophia: partem sive logi­ cam, 1719, puis Λ Mayence, où il composa un manuel de philosophie remarquable de concision et de clarté : Prirrequisita et theoremata in universam Aristoteli philosophiam succinctis thesibus explicata, 2 in-S·, Mayence. 1720.1 )cvcnu professeur de théologie à Fulda, puis â Bamberg et à Mayence, il ne tarda pas à acqué­ rir un renom de science que sa modestie se plaisait à décliner. Son œuvre théologique est considérable par le nombre des dissertations ou des traités mis au jour : Thèses cl theoremata in ///·« partem D. Thomæ Aqui­ natis de incarnatione, Bamberg. 1721, 1726; Theore­ mata theologica in Il^a J l e D. Thomæ Aquinatis de fide et virtutibus reliquis, Fulda, 1724 ; Theses et theore­ mata de sacramentis novæ legis, Mayence, 1728; In librum IIIam Sententiarum et II jjm n, Thomæ de virtutibus theologicis et moralibus, Mayence, 1730; Theses theologiae de fine ultimo et actibus humanis per theoremata ct reflexiones adversarias succincte expli­ cat ir, .Mayence, 1731 ; De peccatis et gratia, ibid., 173! ; De legibus, i bid., 1731 ; Summula theologica, sive theses selectæ de Deo uno et trino, ibid., 1733; Summula theo­ logica de incarnato Dei Verbo, ibid., 1733. Tous ces traités constituent un eflort méritoire pour mettre la théologie scolastique, dans ce qu’elle a d’essentiel ct de plus fécond, â la portée du clergé. Le P. I foehn est au premier rang des vulgarisateurs de son époque et, sur bien des points, il fut un initiateur. Il mourut à Mannheim en 1739. Sommervogel, nibliothègur de la C9 de Jésus, t. iv, col. 409-111; Hurter. Nomenclator, 3· édit.. Inspruck. 1910, t. iv, col. 1009. P. Bernaud. H O FFÉE Paul, jésuite allemand, néà Munster, près de Bingen, lit ses éludes latines Λ Emmerich et à Cologne et, sur l’avis du P. Léonard Kessel, alla à Rome en 1552 poursuivre ses études sujïéricures au Collège germanique, dont il fut un des premiers élèves. Reçu dans la Compagnie de Jésus par saint Ignace lui-même peu de temps avant sa mort, son talent le met telle­ ment hors de pair que, trois ans après son entrée au noviciat, H est nommé professeur do philosophie à l’uni­ versité de Prague et recteur du collège, puis chargé de remplir bientôt après les mêmes fonctions ù Vienne, à Ingolstadt, à Munich. Partout où il passe, il relève les études, rend la confiance aux esprits inquiets ou décou­ ragés. fonde des œuvres solides et durables contre les­ quelles viendront se heurter vainement les efforts du protestantisme. Son premier soin fut de travailler à l’inslnietion religieuse du clergé et du peuple. Il tra­ duisit ct publia dans ce but le catéchisme du concile de Trente : Hcemischer Katechismus, ln-4°, Dillingcn, 4568, 157G; Ingolstadt, 1577. Il composa dans le même but un livre de controverse sur la communion sous les deux espèces qui eut la plus grande diffusion : De com­ munione sub una tantum specie. Dillingen, 1565. Publié sous le pseudonyme de Theologiam Bavariœ, ce traité fut attaqué violemment par Smidclin et Spandcbcrg» contre lesquels HotTéc dirigea une ferme ct décisive réponse : Liber quo Smidelinum ct Spandebergium con­ futavit, dit Sotwel.qul reporte cet écrit ù Tannée 15G6. Cf. Agricola, Historia provincia: Germani» superioris S. J., t. i. p. 92. Devenu provincial de la province du Rhin supérieur en 1568, charge qu’il remplit avec le plus fécond succès pendant treize ans il fut appelé à 19 HOFFÉE — IIOFFMEISTER 20 Rome par le P. Claude Aquaviva comme assistant de 3° Verbum Dei caro (actum h. e. Jesus Christus servator noster, Ecdcsiœ suœ unicum propitiatorium ac perpe­ Germanie en 1581. Revenu en Germanie en 1591 comme visiteur des deux provinces, il mourut recteur tuum sacrificium, in-4°, Mayence, 1545; Home, 1554; du collège d’Ingolstadt le 17 décembre 1608 après une in-12, Paris, 1573; 4°Expositioprtcumelcwrcnumiarum vie extraordinairement active et remplie. Savant théo­ quarum usus in quotidiano sacro, in-4°, Mayence, 1545; logien et controvcrsistc habile, il publia divers écrits Anvers, 1545; in-8°, 1552; Rome, 1554; in-4 °, Paris, 1572; in-12,1573 ;5° Judicium de articulis fidei, a. 1530, contre les protestants; il est difficile de les identifier Augustee Vindelicorum Carolo V imperatori exhibitis, aujourd'hui. Cf. Karl Prantl, Geschichle der LudivigMaximilians üniversit&t in Ingolstadt, Landshut, Mün­ quatenus a catholicis admittendi sint aut rejiciendi, in-8°, Mayence, 1559; le même ouvrage en allemand, chen, Munich, 1872, t. n, p. 267 sq. Une traduction allemande de la Bible sur le texte hébreu, achevée par Constance, 1597; 6° Enarrationes piie et catholicæ in D. Pauli Epistolas ad Philippenses ex commentariis lui en 1560, ne parut qu’après sa mort avec une foule d'interpolations insérées dans le texte par les pro­ tam priscorum quam neotericorum collecta:, in-8 °, Fribourg-en-Brisgau, 1513-1545; Ί9 Canones sive claves testants. Le nom d'HoÎTée est également célèbre dans l'histoire de la pédagogie. Ce grand maître a aliquot ad interpretandum sacras Bibliorum Scrip­ su donner à l’organisation des études dans les collèges turas theologis non lam utiles quam necessaria,in-\°, de l'Allemagne catholique, à une époque de transi­ Mayence, 1545; in-12, Cologne, 1577 Qoint à l'ou­ tion et de troubles, une orientation vigoureuse et vrage de Sixte de Sienne qui a pour titre : Ars inter­ sage qu’elles ont conservée nu cours des siècles pretandi S. Scripturas absolutissima); 8° In utramque suivants. S. Pauli ad Corinthios Epistolam homiliœ vivie vocis auctoris populo Colmaricnsi depredicatic, in-l°, Colo­ Sommcrvogcl, Bibliothèque de la O® de Jésus, t. rv, gne, 1545; 9° Articuli conciliati inter purioris doctrina: col. 422 sq.; B. Duhr, dans Zeitschrift fïïr katholische Théo­ nothos ministros, ab anno 1519 ad annum 1516, in-8°, logie, 1899, L xxni, p. 605-631; Hurter, Nomenclator, 3· édit., Inspruck, 1907, t. ni, col. 430; Agricola, Historia Ingolstadt, 1546; 10° Loci communes rerum theo· proi incite Germanite superioris, t. i, p. 92; Nlcrcrnbcrg, logicarum quæ hodie in controversia agitantur, ad Honor del gran Pairlarca, p. 487 sq.; Verdière, Histoire de regulam et consensum verse calholicirque Ecclesia: e l’uniœrsitê ιΓ Ingolstadt, Paris, 1887, t. it, p. 14-24; A. Steinsanctorum Patrum scriptis confecti, in-8°, s. L, 1546; hubcr, Geschichle des Collegium Germanicum Hungarleam s. 1., 1547; Ingolstadt, 1517, 1550, 1551. 1555, 1582; in Hom, Fribourg-cn-Brisgau, 1895, t. I, p. 36; Duhr, Venise, 1554; Paris, 1564, 1575, 1585;Anvers, 1546; Geschlclde der Jesutten in den lAndcrn deutscher Zunge, 11° Homiliæ in Euangelia dominicalia cl festorum Fribourg-cn-Brbgau, L i, p. 780-798. P. Bernard. | dierum ac in dominicis quadragesimae, 2 in-8°, In­ golstadt, 1547, 1549;Anvcrs, 1549; Paris, 1555, 1567; HOFFMEISTER Joan,augustinallemand, grand le même ouvrage en allemand : Katolische Postill, oder antagoniste du protestantisme de Luther, prédicateur PredigleûbcrSonn und Eciertag mil Jlolzschnittcn,Ingol­ et exégète renommé, naquit à Oberndorf dans le Wurtemberg en 1509 ou 1510. Entré très jeune en stadt, 1601; et parles soins do Haller, évêque de Phila­ religion, il fit scs éludes d'abord à Mayence, où il se delphie, ibid,, 1548, 1554, 1562, 1575; 12°Ein fruchlbar trouvait en 1526, puis à Fribourg (1528). Plein de und klare Auslegung des schône Buchs Tabic, welches promesses d'avenir, à une époque où la révolte de ein Spiegel dec guten Sitter und waren christlichcn Luther avait jeté le désarroi parmi les august ins d'Alle­ Zuchtc indicsem gegcniDertigen Lebenmagbillich gencnnetiverden, Mayence,s. d. ; 13° Commentaria in Marcum magne, entraînant entre autres la défection presque complète de la Congrégation de Saxe dont l’héré­ el Lucam euangelistas, 2 in-fol., Louvain, 1562; Paris, 1562 ; Cologne,1572 ; 1 l°Commcntaria induodecim priora siarque avait fait partie, le jeune Hoftmeister fut nommé prieur ù Colmar dès l'âge de 24 ans. Immé­ capita Actuum apostolorum, in-fol., Cologne, 1567; diatement on le vit s'adonner sans relâche à la prédi- · Paris, 1568; 15° Commentaria in Psalterium (au dire de Sixte de Sienne dans son catalogue des interprètes cation, dans le but d’arrêter les progrès de la Réforme, et c'est en grande partie grâce à ses discours que la , de la sainte Écriture); 16° Epistola ad Eerdinandum ville de Colmar se conserva fidèle à la fol catholique, serenissimum Hungariæ atque Bohemia: regem, etc. (comple rendu de ses propres travaux pour la conser­ l’eu d’années après, le provincial des augustius de vation de la foi, daté du 1er septembre 1516 et édité Souubc, sentant sa fin approcher, recommanda cha­ par I lôhn : Chronologia provinciæ Itheno-Sueviæ EE. leureusement qu’on le choisit comme son successeur, eremitarum S. Augustini, etc., p. 185-188); 17° di­ charge à laquelle il fut élevé effectivement, en 1543, verses lettres adressées ù J. I loiTincistcr par le général à l’unanimité des électeurs. Il y jouit jusqu’à sa mort de la plus entière confiance et approbation de son prieur Séripandi ont été éditées par ΓAcadémie de Munich général, Jérôme Séripandi, qui, dans de nombreuses sous le titre : Correspondenz des Elsûsser Gcneralvicars Johann Iloffmcistcr des Augustincr Ordens Generals. lettres, n’hésitait pas à lui prodiguer les éloges et les Une autre de l’empereur Charlcs-Qulnt, datée du encouragements. Sa renommée de prédicateur étant 18 mai 1515, dont l’original so conserve ù la bibliopan enue sur ces entrefaites aux oreilles de l’empereur thèque des augustlns de Wurzbourg,a été imprimée Churlcs-Qulnt, celui-ci le manda à Worms, puis à dans l'ouvrage susdit du P. Huhn, p. 177-181; 18° Veris­ Rallsbonnc(l545), où il prit part aux conférences avec sima narratio adorum colloquii Ratisbonensis ultimi, les protestants. Ayant plu tout particulièrement au roi Ferdinand, il en reçut le titre de prédicateur de la jussu Cxsarex Majestatis conscripta, in-4°, Ingolstadt, 1546; 19° Expositio tn Euangelium Matthiri ;20° Com­ cour, tandis que Séripandi lui déléguait de son côté mentaria in Epistolas D. Pauli ad Timotheum et les pouvoirs de vicaire général pour l'Allemagne. Titum; 21· Sermones controversistici, ms.; 22° on lui C'est en cette charge qu’il mourut en 1517, âgé seule­ attribuo aussi la première édition du recueil suivant : ment de 38 ou 39 ans, miné par les travaux et les soucis à moins qu'il n’ait été empoisonné par des gens habi­ Petri Venerabilis abbatis Cluniacensis epistola: dine contra henricianorum et petrobrusionorum hicreses, qui­ lement soudoyés par les protestants, comme certains bus adduntur 1res sermones super Cantica Canticorum écrivains le font entendre. Voici la longue liste de ses ouvrages : 1° Dialogorum libri duo quibus aliquot et epistola: novem S. Bernardi Clarauallensi · in-fol., Ingolstadt, 1546. Eceles i je calholtae dogmata Lutheranorum et verbis et sententiis roborantur, Fribourg-cn-Brisgiiu, 1538; Ingol­ Hrntsta agiuUniana, Valladolid, 1H84, t. vn, p. 355-358; stadt. 1646; 2· Hxrdicorum malæ artes a sanctis Patri­ lenteri, Postrema s/rcula religionis atigushnlanoe, bus descripta, Rome, 1534; Paris, 1567; Venise, 1554; Tolentino, 1859, t. ii, p 90-94; Osilngcr, Ihbllotheca au- 21 IIOFFMEISTER — HOLBACH 22 gusliniana, p. 449-451; Hurter, X amendator, t. h, col. écrit en haut-allemand, sc pique, quand Diderot a 1437-1430. refait scs manuscrits, d’écrire comme Voltaire s. Ce N. Merlin. qui est de d Holbach en tous ccs ouvrages» c'est HOFLER Augustin,religieux augûsUndo la pro­ l’étendue et la brutalité de la négation. Il s’attaque vince de Bavière dont il fut deux fols provincial, vécut non seulement aux religions révélées, comme l'a­ à la lin du xvn· et au commencement du xvin«sièclc vaient fait les déistes anglais dont il traduit les ou­ (mort en 1713). il mit au jour ; Γ* mus seu vrages, mais au déisme de Voltaire et au théisme de yuicslioncs de causis hominum, in-l°, Munich, 168-1; [ Rousseau; il est pleinement matérialiste et athée : 2° Sapientia et providentia Dei in gubernanda rcpublica il n’admet même pas comme Voltaire qu'il faut une humana ad mentem S. Augustini, S. Prosperi Aqui­ religion pour Icpeuple; ilestathée d'uncfaçoncontlnuc: tani, etc., in-fol^ Munich, 1685; 3° Controversia: ex i il n’a pas, comme Diderot, des paroles ou des mou­ universa theologia scolastica, in-4°, Munich, 1688; vements de croyance; il l’est nettement: il n’use 4° De bonis religiosorum, in-l°, Munich, 1700. ni des réticences ni des détours des autres encyclo­ pédistes. Mais il compose en un tel secret que ses amis Revista augustiniana, 1881, Valladolid, t. vn, p. 353; eux-mêmes l’ignorent; il ne signe pas scs écrits : ils Lan teri, Postrema surcula,sex religionis augustiniana:, Lm, paraissent anonymes ou comme ouvrages posthumes p. 120; Hurler,Nomenclator, 1910,t. xv»coi. 647; Ossingcr, d’un contemjwmin, Boulanger, Frêrct» Mirabaud; Bibliotheca augustiniana, p. 442. N. Merlin. I 11 les publie à l’étranger, la plupart à Amsterdam, HOLBACH (Ptiul-Henrl-Thiery, baron d»), en­ où Nalgeon les porte. Ces ouvrages sont : 1 ° L'anti­ cyclopédiste du xvni· siècle, né à Hcide&heim dans , quité dévoilée, œuvre posthume de 3f. Boulanger, re­ le Palalinat, en 1723, mort ’le 21 janvier 1789 à | faite sur le manuscrit original, in-4· et 3 in-12, Ams­ Paris. — j. Vie et ouvrages. II. Le Système de la i terdam, 1766; 2® Le christianisme dévoilé ou examen des principes et des effets de la religion chrétienne par nature. feu M. Boulanger, in-12, Londres (Nancy), 1767, I. Vie et ouvrages. — Venu dès sa jeunesse à Paris, cet Allemand s'y plut, s’y fixa et s y maria. 1 que La Harpe attribue à Danidaville, qui est de Il y devint môme bientôt un personnage du monde ( d'Holbach et dont la préface» une Lettre de fauteur à Monsieur ♦·**, fait déjà connaître toutes tes vues reli­ philosophique par son érudition (il avait une mémoire gieuses cl politiques de l’auteur.C’est «comme citoyen» prodigieuse), par sa magnifique bibliothèque, par sa qu’il pretend juger le christianisme et la religion en fortune qui était immense et dont il usait largement général, p. xxvii. Or non seulement «aux yeux du pour les autres, et par scs dîners : «premier maître bon sens le christianisme ne paraîtra jamais qu’un d’hôtel de la philosophie » (Galiani) : il recevait à sa tissu d'absurdités..., le produit informe de presque table les dimanche et jeudi de chaque semaine les toutes les anciennes superstitions inventées par te penseurs du temps. Dans son hôtel, rue Royale à despotisme oriental », mais il a créé dans ses adeptes Paris, ou dans son château de Gmndval (Puy-de< un esprit intolérant > qui leur a fait commettre «des Dôme), vinrent en habitués d’Alembert, Condorcet, Button, Helvétius, Mannonlcl, Morellet, Saint- horreurs » et il empêche ■ les princes et tes peuples... esclaves de la superstition et de scs prêtres.., de Lambert, Raynal, Mercier, Nalgeon, Condillac, Grimm, son compatriote, le Napolitain Galiani, Diderot.sur- | connaître leurs véritables intérêts tes rend sourds ù la raison et les détourne des grands objets qui de­ tout et même un moment Rousseau, et dénièrent vraient les occuper, * p. n. «La morale enthousiaste, des étrangers de marque comme# 1 lume, Shelburne, Impraticable, contradictoire, incertaine que nous lisons Priestley, Franklin. En ces réunions, comme en ... dans l’ÉMingile n'est propre qu'à dégrader l’esprit, d’autres de l’époque, on agite les questions les plus qu’à rendre la vertu haïssable, qu’à former des es­ élevées cl les plus graves, mais avec une impiété, claves abjects ou bien... des fanatiques turbulents », un libertinage, une grossièreté de propos, surtout p. xviu. Partout d'ailleurs « les préjugés religieux de la part du maître de la maison, qui ne sc rcncon... ont corrompu la politique et la morale... C’est la tient que là. religion qui lit éclore les despotes et les tyrans» et Aucun événement important dans cette vie, sinon • sous des chefs corrompus par des notions religieuses, la publication de multiples ouvrages· On en trouve les nations n’eurent aucun motif pour pratiquer la l'énumération au t. il du Système de la nature, édition vertu », p. vni. Les hommes n’écoutent enfin la reli­ de 1821, et dans la Biographie universelle de Michaud, gion, «de l’aveu même de ses ministres... que lors­ d’après le Dictionnaire de Barbier. Il y en a qui qu’elle parle ù l’unisson de leurs désirs», p. xi. Malgré concernent la querelle à propos de la musique ita­ lienne et de la musique française ;d autres sont des tra­ cela, l’on prétend que «sans religion l’on ne peut avoir des mœurs ». Quelle erreur ! « 11 faut bien dis­ ductions d’ouvrages allemands de chimie et de sciences tinguer la morale religieuse de la morale politique : naturelles, sans parler des articles de même nature que l’une fait des hommes inutiles ou même nuisibles d'Holbach donna Λ ΓEncyclopédie; plus de 30 enfin l’autre doit avoir pour objet de former ù la société sont , Amsterdam, 1776; 28° Principes de la législation universelle, 2 in-8°, Amsterdam, 1776; 29° Éléments de la politique, 6 in-8°, Londres, 1776; 30° L'éthocratie ou le gouvernement fondé sur la morale, in-8° (Amsterdam), 1776; 31° La morale universelle ou les devoirs de l'homme fondés sur la nature, in-P, Amsterdam, 1776, plusieurs fois réimprimé. Barbier lui attribue aussi Les éléments de la morale universelle ou catéchisme de la nature, in-18, Paris, 1789, qui est un exposé sommaire de ses prin­ cipales idées. D’Holbach collabora ù Γ Histoire phi­ losophique et politique de Baynal. Dans la préface du Christianisme dévoilé, il affirmait que les livres ne sont pas faits pour le peuple; cependant il a écrit quelques-uns de ses ouvrages d'un style très simple, comme des ouvrages de propagande, entre autres les Lettres à Eugénie, Le bon sens et La morale universelle. IL Le «Système de nature». — L’ouvrage de d’Holbach qui fit le plus de bruit en son temps est presque le seul dont on s’occupe aujourd'hui. Il panit ù Londres (Amsterdam) en 1770, sous ce titre: Système de la nature ou des lois du monde physique et du monde moral, par M. Mirabaud, secrétaire per­ pétuel, l'un des Quarante de Γ Académie française, avec cette épigraphe : Naturae rerum vis atque ma­ jestas in omnibus momentis fide caret, st quis modo partes cjus, ac non totam complectatur animo. Pline, Hist, natur., 1. VIL Un avis de l'éditeur (Naigeon) s’efiorçait de rendre vraisemblable cette attribution à Mirabaud, mort depuis 1760, et qualifiait ainsi l’ouvrage: « le plus hardi et le plus extraordinaire que l’esprit humain ait osé produire jusqu’à présent. » Le public ne se laissa pas prendre, mais personne ne soupçonna l'auteur, pas même scs amis. On parla de Lagrange, qui avait été précepteur chez lui, d’Helvétius et de Diderot. La postérité a été fixée par Grimm et Naigeon. LeSystèmede la nature continue une série d'ouvrages, d'une part: Benoît de Maillet, Telliamed ou entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire français, 1718; Diderot, Pensées sur l'interprétation de la nature, 1758; Bonnet, Contemplation de la nature, 1764 ; Robinet, De la nature, 1766, livre bizarre qui eut grand succès en Allemagne, et d’autre part, l’Histoire naturelle de l’âme, 17 41, et V Homme-machine, 1748, de La Mcttric, mais il est plus important quo tous dans 1’histoirc du matérialisme. Dans une préface très courte d’Holbach indique son dessein. Comme tous les encyclopédistes, il a un but utilitaire: fixer les lois du bonheur humain, et comme eux il ne volt qu’un moyen : s'adresser uniquement « h la raison et à l'expérience», et en substituer les don­ nées aux erreurs et aux préjugés toujours funestes qu’ont répandus les tyrans et les prêt res. < Le but de cet ouvrage est de ramener l'homme à la nature, de lui rendre la raison chère, de lui faire adorer la vertu, de dissiper les ombres qui lui cachent la seule voie propre à le conduire sûrement à la félicité qu’il désire. > En fuit, d’Holbach ne s’en prend guère qu’aux prêtres et à la religion, et ii est vrai de dire que, «si le matérialisme anglais, depuis Hobbes et I Newton jusqu'à Hartley et Priestley, n'avait cessé de se concilier avec la foi religieuse et le déisme, il 25 HOLBACH devint en France un Instrument d’opposition contre les croyances catholiques. » Lange, Histoire du ma­ térialisme. Le Système de la nature se divise en deux parties. Ln première, d’après son titre, traite : De la nature cl de ses lois, c. 1-v; De l'homme, c. vi; De l'âme et de ses facultés, c. vn-xii; Du dogme de Γ immortalité, c. xm; Du bonheur, c. xrv-xvn. Comment l'homme doit-il se concevoir? Uniquement comme une partie de ce grand tout matériel et physique qui renferme tous les êtres et qui est la nature. Elle est la seule réalité : rien en dehors : « L’homme est l’ouvrage de la nature; il existe dans la nature; il est soumis à ses lois; il ne peut s’en affranchir; il ne peut même par la pensée en sortir », c. i. Or la nature est uniquement matière et mou­ vement. «L’univers, ce vaste assemblage de tout ce qui existe, ne nous offre partout que de la matière et du mouvement. » Ibid. Cela est vn i de l’ensemble, • chaîne immense et non interrompue de causes et d’effets », et de chaque être, c le tout qui résulte... des propriétés, des combinaisons, des mouvements ou façons d’agir qui le distinguent des autres êtres »; de l’homme par conséquent. «On a abusé de la distinc­ tion de l’homme physique et de l’homme moral. L’homme est un être purement physique. » Ibid. Mais d’où viennent la matière et le mouvement? « L’éduction du néant ou la création n’est qu’un mot. » Et • cette notion est plus obscure encore quand on at­ tribue la création ou la formation de la matière à un être spirituel qui n’a aucune analogie, aucun point de contact avec elle», c. n. La matière «a toujours existé 9 et «elle a dû sc mouvoir de toute éternité, vu que le mouvement est une suite nécessaire de son existence, de son essence et de ses propriétés primi­ tives... » Ibid. Qu’est la matière en elle-même? D’Holbach admet des molécules élémentaires, mais il avoue que l’essence des éléments lui est inconnue; nous n’en connaissons que quelques propriétés cl «nous distinguons les différentes matières par les effets ou changements qu’elles produisent sur nos sens », c. in. Quelle est l’origine des êtres? Comme scs contemporains, d’après la loi de continuité formulée par Leibnitz, il a une vague intuition du transfor­ misme. «C’est nu mouvement seul que sont ducs... toutes les modifications de la matière... Dans ce que les physiciens appellent les trois règnes, il se fait... une circulation continuelle des molécules de la ma­ tière... Depuis la pierre,... depuis l’huilre engourdie jusqu’à l’homme... nous voyons une chaîne perpé­ tuelle de combinaisons et de mouvements dont il résulte les êtres, qui ne diffèrent entre eux que par la variété de leurs matières élémentaires et des pro­ portions de ces mêmes éléments. » Ibid. A côté des actions mécaniques, d’Holbach admet en effet dans les éléments premiers de la matière des affinités et des répulsions, sortes de qualités mentales, piésidnnt à leur combinaison spontanée. Il se souvient même des cosmogonies anciennes et parle do «l’élément du feu, plus actif et plus mobile que l’élément de la terre, » etc. Ibid. Les vivants ont commencé par gé­ nérations spontanées et sous l in fluence de ces com­ binaisons. Ibid, et c. vi pour l’origine de l’homme. C'est un des points que réfute particulièi ement Voltaire dans son article Dieu du Dictionnaire phi­ losophique. Quant au mouvement, il est ou commu­ niqué, imprimé de l’extérieur et sensible pour nous, ou interne et caché, dépendant do l’énergie propre à un corps et que nous ne pouvons immédiatement saisir par les sens. «J >c ce genre sont les mouvements cachés que la fermentation fait subir aux molécules de la farine,... pai lesquels nous voyons une plante ou un animai s’accroître... et que dans l’homme nous i i i ; I ( 2G avons nommés ses facultés intellectuelles, ses passion s, ses pensées, scs volontés », c. it. Mais mouve­ ments communiqués et mouvements internes sont tous soumis à la loi de la nécessité, c. iv. 11 n’y a ni ordre, ni désordre, ni hasard : ce sont là des façons commodes d’envisager les choses et qui «’appar­ tiennent qu’à notre entendement. Il n’y a pas davan­ tage de miracles, c. v. D’après cela, il est aisé de conclure que l’homme est « un être matériel », mais· organisé ou conformé de manière à sentir, à penser, à être modifié de cer­ taines façons propres à lui seul, semblable en cela à tous les êtres de la nature et nullement « être privi­ légié », c. vi. L’àme ne se distingue pas du corps; « clic est le corps lui-même considéré relativement à quelques-unes des fonctions dont la nature et son organisation particulière le rendent susceptible », Ibid. Elle périt avec lui, entraînée par le mouvement de la nature qui détruit toutes les individualités pour en faire naître d’autres, c. xin. Aux opérations dites de l’àme» d’Holbach, qui s’inspire de Ix>cke comme tout son temps, donne pour point de départ unique la sensation, « secousse donnée à nos organes » et sou­ mise au travail «de l'organe intérieur»,le cerveau, a 1 effet de comparer, de Juger et d imaginer. < Les noms de sensations, de perceptions, d'idées ne dési­ gnent que des changements produits dans l’organe intérieur à l’occasion des impressions que font sur les organes extérieurs les corps qui agissent sur eux... Les modifications successives de notre cerveau de­ viennent des causes elles-mêmes et produisent dans 1 âme de nouvelles modifications que l'on nomme pensées, réflexions, mémoire, imagination, jugement, volontés, actions » et qui toutes ont la sensation pour base,c. vin. Et par xoie de conséquence encore, il n’y a pas de liberté. Elle est «une inqiossibiHtê ». Povr être libre, il faudrait que l'homme, «partie subor­ donnée d’un grand tout, fût tout seul plus fort que la nature entière », et aussi, « qu il n’eût plus de sensi­ bilité physique», puisque notre volonté est néces­ sairement déterminée par la qualité bonne ou mau­ vaise... de l’objet ou du motif qui agit sur nos sens, c. xi. Enfin, c’est la différence des organismes qui fuit la différence entre les hommes et « que les uns sont appelés bons et les autres méchants, vertueux et vicieux, savants et ignorants », c. ix. D’Holbach détermine ensuite les bases de la mo­ rale. La morale est pour lui la science du bonheur. Or Je bonheur, pour être vrai, doit tire conforme à la nature de l’homme, il faut donc se délivrer de la morale religieuse, qui comprime la nature et fait le malheur de l’homme, ainsi que de la société, c. xu et XYi. 11 faut partir de la tendance de l’homme «à sc conserver et à être heureux », c. ix et xv. 11 y a ce­ pendant un choix à faire; il faut chercher évidem­ ment le bonheur le plus grand, et « le bonheur le plus grand est celui qui est le plus durable»,c. ix; enfin il doit être recherché dans l’accord avec le bonheur des autres. L’homme vil en société; il a fait avec scs semblables, «soit formellement, soit tacitement, un pacte par lequel ils se sont engagés à sc rendre des services et à ne point sc nuire ». C’est la conséquence de l’inégalité inévitable des forces et des talents. Ibid. Son intérêt exige donc qu’il serve l’intérêt d’au­ trui. C’est en cela que consiste la vertu et c’est pour cela qu elle est une des conditions du bonheur, « L’homme de bien est celui à qui des idées vraies ont montré son intérêt ou son bonheur dans uno façon d’agir que les autres sont forcés d’aimer ou d’approu­ ver pour leur propre intérêt... L'homme vertueux est celui qui communique le bonheur à des êtres néces­ saires à sa conservation... à portée de lui procurer une existence heureuse », c. xv. Pas de vie intérieure HOLBACH 28 donc; pas d’autres vertus que les veitus sociales : ' vitée û la vertu par des récompenses..., dégagée d’illujustice, bienfaisance, philanthropie, et pas de sacrifices I lions, de mensonges et de chimères, serait infiniment même. Cette solidarité est également la source des plus honnête et plus vertueuse que ces sociétés reli­ devoirs. « De la nécessite des rapports subsistants gieuses où tout conspire... à corrompre le cœur. » il entre des êtres sensibles et réunis en société dans la ! lui parait impossible cependant «de jamais parvenir vue de travailler par des efforts communs à leur fé­ Λ faire oublier ù tout un peuple scs opinions reli­ licité réciproque, naît la nécessité de leurs devoirs. » gieuses ». L'athéisme est une doctrine aristocratique, Conclusion. Elle est également la source du progrès qu'il ne faut pas craindre toutefois de répandre : « ia vérité ne nuit jamais qu’ù ceux qui trompent les social, c. xvi. Comment dés lors amener les hommes hommes ». C’est sans doute pourquoi il fit du Sys­ â celte vertu qui ne coûte aucun sacrifice? En les y déterminant par un bon système d’éducation — tème de la nature l’abrégé populaire: Le bon sens, qui comme tout son siècle d’Holbach croit à la puis­ mettait l’athéisme «à la portée des femmes de sance morale de l'instruction : l’homme éclairé est chambre et des coiffeurs » (Grimm). Le chapitre final, nécessairement bon — par un bon système de récom­ intitulé : Abrégé du code de la nature, attribué par les penses et de peines, par de bonnes lois, par le désir uns ù Diderot, par d'autics Λ Morelli, renferme de (’immortalité développé dans les âmes et la crainte d’abord un appel ardent de la Nature ù l’homme, à de la mort bannie des cœurs (justification du suicide). qui elle parle comme une divinité protectrice; puis Vue originale : d’Holbach voudrait que la morale et une invocation non moins ardente Λ la Nature « soula poli tique s’appuient sur la physiologie. « Aidés de I vernine de tous les êtres », et cà scs filles adorables, l’expérience, si nous connaissions les éléments qui la Vertu, la Raison, la Vérité. » C’est une vraie religion font la base du tempérament d’un homme ou du que l’auteur semble appeler en l’honneur de ces di­ plus grand nombre des individus dont un peuple est vinités, avec son clergé : · l’apôtre de la nature ne composé, nous saurions... les lois qui leur sont néces­ prêtera point son organe à des chimères trompeuses...» saires, les Institutions qui leur sont utiles. En un mot. et ses fidèles : « l’adorateur de la vérité ne compo­ la morale et la politique pourraient retirer du maté· sera point avec le mensonge... » Mais ce culte ne peut rialisme des avantages que Je dogme de la spiritualité s’élever que sur les ruines totales de l’ancien : · Ce ne leur fournira jamais », c. vin. n’est qu’en extirpant jusqu’aux racines l’arbre em­ Dans le monde ainsi conçu Dieu est inutile, « une poisonné qui depuis tant de siècles obombro l’univers machine a compliquer les choses > — comme l’on di­ que les yeux... apercevant la lumière propre à les sait ù Grandvol— et la religion, une source d’erreurs éclairer... » Comparer le projet d’un temple à la et de maux. Mais d’Holbach consacre encore Λ la Nature, dans l’article de Diderot, Cabinet d'histoire question religieuse toute la seconde partie du Système naturelle, de VEncyclopédie. de la nature. 11 l’intitule : De la divinité; des preuves Ce livre était » un vrai code de l'athéisme». Il • de son existence, de ses attributs; de la manière dont ! produisit un scandale énorme en France et a l’étranger. elle influe sur le bonheur des hommes. C’est « l'lgno- I Galiani, Correspondance, t. i, p. 142, comparait l’au­ rance de la nature qui donna naissance aux dieux ·. ΐ teur à Tcrray, qui venait de faire banqueroute. « Il c. U. C est elle qui explique la mythologie et les idées ' est, disait-il, un vrai abbé Tcrray de la métaphy­ confuses et contradictoires de la théologie, c. n, ni. sique. » Gœlhe, alors étudiant à Strasbourg, raconte, Mais il veut dissiper ce vain fantôme de Dieu, car dans Wahreit and Dichtuny, quelle répulsion éprouva • celui qui parviendrait ù détruire cette notion fatale son milieu. Le 18 août 1770, le Parlement de Paris, ou du moins à diminuer ses terribles influences se­ sur réquisitoire de l’avocat général Séguier, condam­ rait à coup sûr l’ami du genre humain », c. ni. Il nait au feu le Système de la nature et six antres ou­ examine d’abord, après Hume, les preuves théolo­ vrages dont la Contagion sacrée et le Christianisme giques de l’existence de Dieu données par Clarke, dévoilé. Ségulcr, dont le réquisitoire se trouve â la c. iv, par Descartes, par Malebranche et par Newton. fin du t. π du Système de la nature, édit, de 1771, in­ c. v, cl il conclut : < L’univers est de lui-même ce qu’il siste surtout sur cet ouvrage. Diderot, soupçonné est; il existe nécessairement et de toute éternité. plus que tout autre de l’avoir écrit, jugea bon do Quelque cachées que soient les voies de la nature, quitter Paris un moment. Les philosophes eux-mêmes son existence est Indubitable et sa façon d’agir nous furent choqués de ces négations radicales. J.-J. Rous­ est au moins bien plus connue que celle de l’être in­ seau prêtait à son Wolmar, dans la Nouvelle Héloïse. concevable... qu’on a distingué d’elle-mèmc, que l’on les idées du Système de la nature et s’élevait contre a supposé nécessaire et existant par lui-même, tandis elles; Voltaire, qui tenait Λ son déisme et Λ sa théorie que jusqu ici On n’a pu démontrer son existence, ni de l’ordre dans le monde, consacre la section iv de le définir, ni en dire rien de raisonnable. » Mais il ne son art. Dieu, dieux, dans le Dictionnaire philoso­ s’en tient pas lâ et il s’attaque au panthéisme (de phique, à réfuter le Système de la nature; il y revient Spinoza), au déisme (de Voltaire) et au théisme (de encore ù l’art. Style cl plusieurs fols dans sa Corres­ Rousseau), c. vif vu. Et il n’y a pas ù déplorer le fan­ pondance. Tout occupé qu’il fût de la Pologne, tôme dissipé : « Les idées sur la divinité ne sont pas Frédéric H crut devoir intervenir et composa un plus propres & procurer le bien-être, le contentement Examen critique du Système de la nature, (Envers com­ et la paix aux individus qu’aux sociétés », c. ix. Et I plètes, 1805, t. IX, et il s’en souvient dans son épître plus loin : · I-a théologie et ses notions... sont les bien connue h d’Alembert. 1773. A ces réfutations, vraies sources des maux qui affligent la terre, des il faut ajouter: Lettres philosophiques contre te Sys­ erreurs qui l’aveuglent,.·» des vices qui la tourmentent, tème de la nature, dans le Portefeuille hebdomadaire des gouvernements qui l’oppriment», c. x. Les Cha­ de Bruxelles, 1770, par l’abbé J.-F. Rive; Examen plin s 1rs plus neufs de cette seconde partie sont ceux du matérialisme ou rélutation du Système de la na­ où <1 Holbach démontre qu’il y a des alliées, contre ture, par Bcrgicr, 2 in-12, Paris, 1771; Pensées di­ k théologiens « qui semblent souvent avoli douté... verses contre le système du matérialisme d l'occasion du Système de la nature, par Dubois de Rochefort, «’il y avait des gens qui pussent nier de bonne foi in-12, Paris, 1771 ; Principes contre I incrédulité ά 1 existence d’un Dieu», c. xi ; que l’athéisme peut Γoccasion du Système de la nature, par Camusel, 1771 ; sc concilier axec la morale, c. xii, et enfin où il se pose Lettres aux auteurs du Militaire philosophe et du la qurstion : Tout un peuple peut-il êtie athée? Système de la nature, par l’abbé Max-Antoine Regnnud, c. xiii. A son avis, «une société d'athées privée de toute religion, formée par une bonne éducation, in- i cure de Vaux, diocèse d’Auxerre, 2 in-12, 1769-1772; 29 HOLBACH — HOI.COT Préjugés dts anciens et des nouveaux philosophes sur l'âme humaine, par Denuslc, in-12, Paris, 1775; Défense de la religion, de la morale, de la vertu, de la politique cl de la société, par Ch.-L. Richard, qui avait déjà réfuté le De la nature do Robinet, in-8·» 1775; J.ivre des erreurs... ou les hommes rappelés au principe universel de la science par un phil....inc ... (SaintMartin), in-8°, Édimbourg (Lyon), 1775; Observations sur un ouvrage intitulé le S y sic me de la nature, par Nouël de Busonmèrc, tn-8% 1776; et ces ouvrages de Duvoisin : L'autorité des livres du Nouveau Testanient, contre les Incrédules, in-12, Paris, 1775; L'au­ torité de Moïse établie et défendue contre 1rs incrédules, in-12, Paris, 1778; Essai polémique sur la religion naturelle, in-12, Paris, 1781. En 1771, le P. PauHan publiait : Le véritable système de. la nature, 2 in-12. A l'étranger parurent d’autres réfutations : Observa­ tions sur le système de la nature, par G.-F. Castillon (Salvemini di Castiglione), in-8°, Berlin, 1771, et Réflexions philosophiques sur le Système de la nature, par M. Holland, 2 in-8% Neuchâtel, 1772. Ces réfutations n’empêchèrcnt pas le Système de la nature d’etre lu. il fut réimprimé en 1770, en 1771 avec le Réquisitoire de Séguicr; en 1774, avec ce même Réquisitoire et le Vrai sens du Système de la nature, publié sous le nom d’Helvétius, mais attribué par 13. de Roquefort à Diderot; en 1775 et 1776; en 1789 avec le Réquisitoire et une Réponse de l'auteur; en l’an III (1795), 3 in-18. En 1820, à Paris, parurent deux nouvelles éditions, avec des notes et des correc­ tions de Diderot, 2 in-8°; l’une (de B. de Roquefort) donne une série de pièces ajoutées jm>uf servir à l’his­ toire du Système de la nature et autres ouvrages d’Hel­ vétius. Le Système de la nature fut traduit en alle­ mand, en 1783, par Schrcitcr; en 18-11, par Biedcrinann, et, en 1871, par Ailhufcn; et en espagnol, en 1822, par F. A. F*·*. Büchner le cite souvent dans Matière et force, mais l’influence de d’Holbach se fit plus sentir dans le domaine religieux que dans le strict domaine philosophique. Il fournit aux déchristianisateurs de l’an H,aux hébcrlLstes, aux promoteurs du culte de la Raison et aux athées de la Révolution, en grande partie du moins, leurs idées, leurs argu­ ments et leurs formules. Divers ouvrages du baron d'Holbach ont été réprouvés par la S. C. de 1 index ou le Snint-OlBcc. Le Salnl-OHice condamnait, lo jeudi 9 novembre 1710, le Sy de me de la nature ou des lois du monde physique ou du monde moral, publié sous le pseudonyme de Mirabnud. Le militaire philosophe, ou difficultés sur la religion proposées au P. Malebranche, fut mis ù l’index, le 27 novembre 1771; Le bon sens, ou Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles, y était aussi Inscrit.avec le Système social, ou principes naturels de la morale et de la politique avec un examen de l'influence du gouvernement sur les mœurs. le 18 août 1775; L'histoire critique de Jésus-Christ ou analyse raisonnée des Évangiles. fut frappée par l'index, lu 16 février 1778, et par le Suint-Ofllcc, le S août 1782; La contagion sacrée ou histoire naturelle de la superstition. par décret du 17 décembre 1821 ; Le christianisme dévoilé, ou examen des principes et des effets de la religion chrétienne. le 26 janvier 1823; La morale universelle, ou les devoirs de l'homme fondés sur la natureJe i juillet lS37.Cf.Il.Rcusch, Drr Index drr verbotenen Bûcher. Bonn, 1885, t. n, p. 912913* Les Correspondances et les Mémoires du temps, principa­ lement Grimm, Correspondance littéraire; Diderot, Corres­ pondance avec Mlle Volland; G allait!, Voltaire, CorrcsTen­ dance; Morellet. M armon tel, Mémoires; Dnmlron, Élude sur la philosophie de. d*Holbach, in-8·. 1851 ; AvcxacI-a vigne. Diderot et la Société du baron d'Holbach.\n-S*.lS73; Allqcmcine deutsche Biographie; les historiens de la litté­ rature française et des Idées au xvin· siècle, Villcmnln, Dnml, Bersot ; les historiens de la philosophie, entre autres, Lnngc, Geschtchte des Matrrialismus, 2· édit., 1908; trad, franç. par B. Pommerai, Paris, 1910, t. i, p. 371-108; les 30 historiens de Diderot : Ducrot, Diderot, Γhomme et Γécrivain, In-12, Paris, 1891; J. Hcinach, Diderot, in-12. Pari», 1894; A. Collignon, Diderot. Sa vie, ses ouvrages, sa correspondance, In-12, Paris, 1895; Karl Rownkrantz, Diderot9s Leben und W rrke, I^lpzlg. 1866, t. u, p. 50-56, 78-90; Hcttncr, LtUeraturgeschichtc des achtzehntm Jahrhunderts, t. n, Gese.hichtr drr franzostschen Literalur, Braunschweig, 1881 ; Morley, Diderot and the encyclopedists, 2 In-12, Londres, 1897, t. 11, c. vi. C. Constantin. HOLCOT Robert, dominicain anglais, un des personnages les plus savants de son temps, naquit à Northampton. 11 semble n’étre entré dans l'ordre que dans un âge assez mûr, car il remplissait auparavant les fonctions de juge pour le comté. Une fois domini­ cain, il prit les grades à Cambridge, bien que l'univer­ sité d Oxford le revendique aussi pour un de ses mem­ bres. Il enseigna pendant longtemps Γ Écriture sainte et la théologie morale au couvent d’Oxford; il fut le commensal de l’évêque de Durliam, Richard de Bury (t 1345). Holcot mourut à Northampton, en 1349, victime de sa charité, en soignant les pestiférés, au cours du fléau qui, à cette époque, ravagea VAngleterre. Holcot fut un passionné de l'étude et un liseur infati­ gable : Nunquam aut labori aut oleo pepercit quo hieras tandem quarum amore totus conflagrabat assequeretur. Leland, CommrnL de scriptoribus Britanniae, c. cdxi^ p. 370. Il fut maître en théologie et régent des études. L’activité littéraire dvHolcot fut considérable. 11 a laissé vingt-six traités sur les diverses parties de La phi­ losophie et de La théologie. Les manuscrits où ses écrits sont conservés sc rencontrent partout et nous ne pou­ vons songer à en faire rémunération. Parmi scs œuvres qui ont vu le jour, citons : 1° Qmestiones super 1V libros Sententiarum. Qucdam confcrentic. De ùnputabilitate peccati questio longa. Determinationes quarumdam aliarum questionum. Tabube duplices omnium predictorum. Lyon, 1197, 1510,1518. On a reproché parfois à Holcot de n’avoir pas suffisamment établi le rôle de la liberté dans la théorie du mérite ou du démérite, mais c’est tout à fait à tort, car il s’en tient, au contraire, à la doctrine stricte de saint Augustin. Cf. en particu­ lier, L II, q. xxxii, a. 2; L I, q. i, a. 2. Il est vrai que. 1. I, q. i, a. 4, Holcot écrit : Deus, si vellet, posset accep­ tare ad vitam atemam omnes actus naturales alicufus hominis. Personne ne saurait en douter, mais c’est une hypothèse vainc et qui n’infirme en rien la loi morale présente. 11 faut reconnaître qu’Holcot abuse parfois de ces propositions hypothétiques, lorsqu'il veut faire ressortir davantage la toute-puissance de Dieu. Dans les questions de la science divine et de la prédestina­ tion, Holcot parait s’écarter un peu de la doctrine de saint Thomas, mais on doit remarquer, ainsi que le note Ecbard, Scriptores ord. prtrd., t. n, p. 629, que les pas­ sages où il en est traité ne doivent être attribués à Holcot qu’avec réserve et paraissent être plutôt de scs disciples. Le lecteur en est d’ailleurs averti en ces termes : Sequuntur dctrrminalioncs quarumdam quaes­ tionum ejusdem magistri, quas licet nonnullœ earum semiplena: sint, pratermissas tamen non oportuit. Non desunt qui eas a discipulis Holcot collectas putent, aut ab ipso inter profitendum tn gymnasio publico dictatas, cum alii etiam scriptas ab eo velint, postmodum quod neglexisse videtur recognoscendas ct perficiendas. On ne peut donc rien en conclure contre l’orthodoxie tho­ miste de l’auteur. 2° Opus super Sapientiam Salomo­ nis, ouvrage souvent édité: s. L, 1481; Venise, 1483, 1500; Spire, 1183, I486; Paris, 1486, 1489, 1511, 1518; Bâle, 1488, 1489, 1506, 1586; Reutlingen, 1489; Haguenau, 1494; Cologne, 1689. Sur les nombreux manuscrits de ce commentaire, voir Echard, op. at., p. 630. Il fait remarquer que, dans l'édition de Bâle, 1586, p. 532, lecl. i.vmr il manque seize lignes qui se lisent dans les autres éditions et qui sont comprises 31 IIOLCOT — HOLLEN entre cc passage: El hire futi prima sanctificatio in utero matris sua, cl cet autre, p. 533 : Sed secunda fuit in conceptione filii. Alva y Astorga,Sol. verit. rad, 107, col. 1127 sq., qui a examiné un grand nombre de manuscrits de cet ouvrage, déclare que le passage représenté par ces seize lignes fait également défaut dans tous les manuscrits, sauf pourtant en celui qui se conservait de son temps au monastère de Sainte-Croix à Cologne et un autre ù la Chartreuse de Rurcmondc. Mais, comme il ne dit pas si dans ces deux manuscrits le passage en question était ajouté ou faisait partie du texte primitif, on ne peut rien conclure, en particulier, s’il n été ajouté avant ou après le concile de Bâle. Cc qu’il y a de certain, c’est que cc passage ne se trouve pas dans les manuscrits du xvi· siècle. C’est sans doute ù cause du décret du concile de Bâle que ceux qui firent l'édition de Spire, 1183, l’intercalèrent. 3° Explana­ tiones Proverbiorum Salomonis, Paris, 1510; Lauingen, 1591. Cet ouvrage est souvent attribué à Thomas de Rlngstcad, O. P. Voir Echard, op. cil., p. 630. 4° In Cantica canticorum et In Ecclesiastici capita septem priora, Venise, 1509; ce dernier tout seul, s. 1. n. a. 5° Moratizationcs historiarum, avec le traité In Sapien­ tiam, Bâle, 1586. Édité auparavant avec la Tabula aureaD. Thomæsuperevangeliaetepistolastotiusanni, Venise, 1505; Paris, 1507, 1510, 1513. 6° De origine, definitione et remedio peccatorum, Paris, 1517. 7° Philobiblion scu de amore librorum, eide institutione biblio­ thecarum. Cet ouvrage fort apprécié des bibliophiles a été imprimé sous le nom de Richard d'Aungcrville, plus connu sous le nom de Richard de Bury, évêque de Durham, le nom de cc personnage se trouvant en tête du prologue. Cc traité fut achevé le 21 janvier 1311, dans la résidence épiscopale d’Aukland. Richard de Bury, chancelier d’Edouard III, avait fondé à grands frais la bibliothèque d’Oxford et c’est à cette occasion que le livre fut composé. Il a eu un très grand nombre d’éditions: Cologne, 1173; Spire, 1189; Paris, 1500; Oxford, 1599; édité aussi à la suite des Centuria epis­ tolarum philologicarum de Goldast, Francfort, 1610 et 1614, 1671, 1703; trad, angl., Londres, 1832; Albany (États-Unis), 1861 ; trad, franç., Paris, 1856; édition critique du Philobiblion pa-Ern. C.Thomas, Londres, 1888, sur 28 manuscrits. En plus de ces ouvrages édites, on conserve d'Ho*cot un grand nombre d’écrits inédits. Voir Echard, op. cil., p. 631-632. Echard, Scriptores nnlinis prœdlcatorum, Paris, 17191721, 1.1. p. 629-632; en t< te,une? énumération de sources; II. Palmer, The frlar-preathrrs, or blacfrlars, of Northamp­ ton, p. 30; Hurter, Nomenclator literari us, Inspruck, 190G, t. ir, col. 539. R. Coulon. HOLDEN Henri, théologien catholique anglais, naquit en 1596 â Chaigley, dans le Lancashire· En 1618 II entra au collège anglais de Douai, sous le nom de Johnson, et y resta jusqu’en 1623; il alla alors â Paris, où il reçut le bonnet de docteur en théologie, et devint professeur à la Sorbonne; l’archcvéquc de Paris en fit même un de scs vicaires généraux. Il s'intéressa toujours beaucoup aux affaires de ses compatriotes catholiques en Angleterre et en France, et fit preuve d’une grande activité. Lors de la dispute entre les réguliers et les séculiers à propos de la présence d'un évêque en Angleterre, il fut en­ voyé à Rome en 1631 comme représentant du clergé séculier. Lorsque la question se rouvrit en 1655, il se compromit en soutenant son ami Blackloc, de son vrai nom Thomas White» dont plusieurs ouvrages furent censurés par le Saint-Siège : cependant il lui persuada de se soumettre et de rétracter ses erreurs. Pendant ce temps il était supérieur du séminaire de Saint-Grégoire à Paris, où son administration financière eut si peu de succès que l'archevêque fut obligé de le remplacer en 1655; alors il eut l’idée de se faire nommer président du collège anglais de Saint-Omer, fondé par les jésuites, qui allait se trou­ ver vacant par suite de la suppression de lu Compa­ gnie en France. Il intrigua si bien que sa conduite donna quelque couleur à l’accusation de complot que les jésuites anglais portèrent plus lard contre lo clergé séculier; mais il ne réussit pas à obtenir le poste convoité, et mouiut dans une obscurité relative en 1767. 11 sut échapper au jansénisme, et signa la condamnation des cinq propositions, ainsi que la censure par la Sorbonne de la lettre d'Arnauld au duc de Liancourt; mais il se montra, comme on peut l’attendre d’un professeur de Sorbonne ù cette époque, très imbu des doctrines du gallicanisme sur l'autorité du pape. On le voit dans une curieuse pétition, pré­ sentée par lui au Parlement anglais en 1617, où il dit entre autres choses : Bien que tous les évêques soient tenus de regarder le pape comme leur chef, il ne peut cependant leur imposer aucun précepte de quelque nature que ce soit, ù moins que les évêques eux-mêmes, et i’État qu’ils habitent, ne le jugent expédient. C’est d'ailleurs la doctrine qu’il enseigne ex professo dans son Analyse de la fol divine. 11 mourut en 1662. Scs ouvrages principaux sont : Divines fidet ana­ lysis, cum Appendice de schismate, Paris, 1652; réimprimé au vi® volume du Thcologiæ cu/sus com­ pletus de Migne, col. 791-878, sans la prcihière partie, qui contient bon nombre de propositions censurées; et dans la Bibliotheca rcgulæ fidei de Braun, 1844; il a été longuement analysé par Dupin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du XVH9 siècle, Paris, 1719, t. n, p. 151-175; Tractatus de usura, dans la seconde édition de l'ouvrage précèdent, Cologne, 1655; Lettres d Arnauld et d Férel, dans les éditions suivantes; 1685, 1767, 1782; Answer to Dr. Laney's queries concerning certain points of controversy; Dr Holden's letter lo a friend of his, upon the occasion of Mr. Blackloiu submitting his writings to (he see of Borne, Paris, 1657; Novum Testa­ mentum brevibus annotationibus illustratum, 2 in-12, Paris, 1660 ; Hcnricl Holden epistola ad D. D. N. N. Anglumin qua de 22 propositionibus ex libris Thoma Angli ex Albiiscxccrptis cl a facultate theologica Duacena damnatis, sententiam suam dicit, Paris, 16G1 ; A letter to Mr. Graunt concerning Mr. White's treatise De medio animarum statu, Paris, 1661; A check, or enquiry into the late act of the Boman Inquisition, busily and prcssingly dispersed over all England by the Jesuits, Paris, 1662. Dood, Church history, Bruxelles, 1737-1712; Herington, Memoirs of Pansant, Birmingham, 1793 ; Plowden, Bcmarks on Herington's Panzanl, Liège, 179 i; Butler, Historical memoirs of English catholics, Londres, 1822; Glllon, Biblio­ graphical dictionary of English catholics·. Dictionary of national biography; Burton, The life and times of bishop Chailoner, Londres, 1909; Kirchenlrxikon, t. vi, col. 180182; P. Fêrct, Dt faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, Epoque moderne, Paris, 1901. t. in, p. 220, note, 221, note 1 ; Hurter, Nomenclator, 3· édit., 1907, t. ni, col. UH 1-1012. A. Gataho. HOLLANDE. Voir Pays-Bas. HOLLEN Qotschnlk, Augustin allemand de la province de Saxe, vécut au xv· siècle au couvent d'Osnabruck. où H mourut en 1181. On a de lui : 1® Pneccptorium divinic legis seu commentarium in decalogum (sous forme de sermons), in-fol., Cologne, 1481 ; ίη-4°, 1521 ; Nuremberg, 1197, 1500, 1503; 2° Opus sermonum dominlcaUum super Epistolas cele­ berrimi et excellentissimi verbi divini declamatoris Gotschalci Hollen, par H. Gram, in-fol., Ilagenau, 1517, 1520; 3° Gotschalci Hollen librum de /estis 33 HOLLEN— HOMICIDE mobilibusctastronomia clrr/col/, Florence, 1514; ‘^Ser­ mones de. B. Virgine; 5° Volumina duo super 'Epistolas D. Pauli; ()9 Volumen de septem peccatis mortalibus; 7° De novem precatis alienis; 8° Volumen de septem sacramentis; 9° Volumen de offleto missa; 10° De sacramento eucharistia· in Blomenberg; 11° Passionale sive de Passione Christi. HOhn, Ciironologta prhdnclir Rheno-Survltr FF. erem. S. Augustini, p. 109; Ilcrista agtiStiniana. Valladolid, 1884, t. vu, p. 557; laintcri, Postrema ssrcula sex religionis augusttniana, t. n, p. 69: Ilurtcr, Nomenclator. t. n, coi. 1072. N. Merlin. théologien allemand, né a Hadamar le 28 décembre 1716, reçu au noviciat de la Compagnie de Jésus le 27 septembre 1736, enseigna d’abord la philosophie A Würzbourg, où il se fit remar­ quer parses dissertations sur la lumière et les couleurs et par une étude ingénieuse sur les préjugés de l'esprit : De præjudiciis, in-4°, Wurzbourg, 1753. Professeur d’Écriture sainte, puis de théologie dogmatique À Molsheim et à Mayence, il revint à Wurzbourg en 1760 et pendant vingt-trois ans professa la théologie et l’Écriture sainte avec le plus grand et le plus légitime succès. Son nom reste attaché, avec celui des Pères Neubauer, Kilber, Munier, au célèbre cours publié de 1766 à 1771 par les professeurs de Wurzbourg. Le P. I loltzclau a donné pour sa part, sous le titre général de Theologia dogmatico-polem ico-scholast ica profectio­ nibus accommodata acadcmlcis, qui résume assez nette­ ment sa méthode et ses tendances, le De sacramentis in gcncrc, Wurzbourg, 1770; De sacramentis tribus prioribus, ibid., 1770; De sacramentis ordinis et matri­ monii, ibid., 1766; De jure, ibid., 1768; De justitia, ibid., 1768; De Verbo Dei incarnato, ibid., 1768. Tous ces traités ont été reproduits dans l’édition de la Théologie de Wurzbourg publiée en 1852 par les Pères Tailhan, de Guilhemiy et Lctiercc, t. il, fasc. 2; t. in, fasc. 2; L v, fasc. 2. Esprit positif et curieux, le P. Holtzclau s’attache de préférence aux questions concrètes et élague dans une bonne mesure les subti­ lités d’école. Sa doctrine est sûre, claire, précise : elle justifie le succès dont elle jouit encore aujourd’hui, malgré les défectuosités d’une méthode qui réserve trop souvent A la solution des objections une part importante de l'exposé doctrinal. En dehors de nom­ breuses thèses de théologie sur les vertus, les péchés, la grâce, le droit et la justice, etc., le P. Holtzclau a laissé deux dissertations relatives Λ l’histoire du dogme: Honorius 1 summus pontifex fidelis et innocens, in-4 °, Wurzbourg, 1762; Dissertatio de Clemente Alexandrino ejusque morali doctrina, ibid., 1779. Outre de nombreuses dissertations scripturaires relatives aux livres historiques de la Bible, des Prolégomènes sur l’Écriture sainte, une concordance des Évangiles et surtout une dissertation fort intéressante, même au­ jourd'hui, sur la méthode dans les études théologiques : Dissertatio de studio theologico rite instituendo, Wurz­ bourg, 1775, insérée dans la Nova bibliotheca Ecclesia Friburgcnsis, t. ni, p. 167 sq. Ix P. Holtzclau mourut à Wurzbourg le 4 juin 1783. Somxncrvogel, Bibliothèque de la Ct<* de Jisus, t. iv, col. 437-441 ; 11urter. Nomenclator. 3· édit., Inspruck, 1912, t. v, col. 262 sq. P. Bernard. HOLY WOOD Christoph·, jésuite irlandais, né à Dublin en 1562, admis au noviciat de Dôle en 1582, enseigna plus tard la théologie dans cette ville et Γ fi­ eri turc sainte A Padoue. Il intervint avec succès dans les polémiques suscitées chez les protestants par les écrits de Bcllannin et s’appliqua surtout A défendre l'autorité de la Vulgate contre les attaques de Whit­ taker. Il publia sur ce sujet un Important ouvrage : HOLTZCLAU Thoma·, DICT. DE THÉOL. CATIIOL. 34 Defensio decreti tridentinl et sentent ire Robertl Bellarminl de author date Vulgatæ editionis, Anvers, 1604. En 1599, le P. I lolywood était rentré en Angleterre pour soutenir le courage et ranimer la foi des catholiques persécutés. Traqué par les hérétiques, il fut emprisonné. Une inter­ vention puissante obtint pour lui la lilærté. Il passa en Irlande, où il fut supérieur de la mission pendant vingttrois ans et mourut à Dublin le 4 septembre 1626. Son traité des marques de la véritable Église : De investi­ ganda vera ac visibili Christi Ecclesia tractatus, Anvers, 1604 ; 2· édit., in-8°, 1619, fit le plus grand bien aux catholiques anglais et détermina d’éclatantcs conver­ sions parmi les anglicans. Il reste, en outre, de lui une série de lettres insérées par le P. Hogan dans Jbemia Ignatiana, t. i, p. 45, 115 sq., et une relation sur les supplices infligés aux catholiques irlandais par les persécuteurs de la foi catholique : Magna supplicia a persecutoribus in Ibrrnia sumnta, insérée dans Irish ecclesiastical record, 1873. Somm ervogel, Bibliothèque de la C*e de Jesus, t. rv, col. 146 sq.; Hurter, Nomenclator, 3· édiL, Inspruck, 1907, t. in, col. 743; Sotwrll, Bibliotheca scriptarum Societatis Jesu. Home, 1676, p. 144. P. Bernard. HOLZAEPPEL Louie, jésuite autrichien, né â Klattau le 29 février 1727, admis au noviciat le 21 octobre 1746, enseigna les humanités et la philosophie à Olmutz, puis fut chargé de l’enseignement de la théologie mo­ rale et de la théologie dogmatique à Prague, où il re­ cueillit pendant près de vingt ans le plus brillant succès. Son œuvre théclogique comprend les traités suivants : Institutiones théologien: de Deo incarnato, Prague, 1769, 1772; De sacramentis in genere et in specie de bap­ tismo, confirmatione et eucharistia, in-4 °, ibid., 1770; : De pænitentia, extrema unctione et matrimonio, in-4·, ; ibid., 1771; De Deo uno et trino, in-4®, ibid., 1773. La 1 suppression de la Compagnie de Jésus par Clément XIV le 16 août 1773 l’arracha à son enseignement et A ses savants travaux. Il s’occupa humblement du ministère des à mes auprès des délaissés et des pauvres· On ignore la date et le lieu de sa mort. Sommcrvogel, Bibliothèque de la C‘· de Jésus, t. IV, col. 447; Hurtcr, Nomenclator, 3· édit., Inspruck, 1912, t. v, col. 20. P. Bernard. HOMÉOUSIENS. Voir Arianisme, t. i, col. 1825-1828,1831-1832’ 1 Iila ire (Saint), t. vî, col. 2391- 2392, 2421-2425. HOMEY Jacques, augustln français de la pro­ I vince de Bourges, né A Sage en Normandie, mort le 24 oc­ tobre 1713, se distingua par son érudition en matière d’histoire et de théologie patristique. Il a laissé : 1° Millcloquium morale desumptum ex operibus S. Gregorii Magni, Innocentia XI nuncupatum, in-fol., Lyon, 1683; 2° Diarium eurapirum historico-Utteranum annï 1703; 3° Supplementum Patrum complectens mulla SS. Patrum, conciliorum, scriptorumque ecclesiasticorum opera c manuscriptis eruta et illustrata, in-8°, Paris, 1686; 4° De translatione corporis S. Fulgentii Puspensis episcopi Bituricas; 5° Editio libellorum Fabii Claudii Gordiani cum notis. LnntcrL Postrema sncula sex religionis augu.dinianie, t. iit. p. 74; A. Beaugcndre, dans mi préface A l'édition des œuvres du V. Hildobert, Paris, 1708, p. 2, 5; Osslnger, Bibliotheca augustinlana, Ingohtndt, 1768. N. Merlin. HOMICIDE.— I. Définition. IL Division. III. Prohibition. 1. Définition.— 1° Le mot homicide, pris nu sens grammatical et dans sa signification étymologique, exprime seulement l'action d’enlever la vie A une créature humaine, sans préciser si cette action est VIL —2 35 HOMICIDE juste ou Injuste, indifférente. bonne, ou répréhensible. — 2° Au point de vue moral, Γ homicide est le crime de celui qui ôte la vie à son semblable, sans autorité légitime, et sans que rien justifie un pareil acte. Dans ce cas, il est aussi appelé meurtre. Code penal français, a. 295.— 3° Le mot homicide, en français, désigne aussi bien et le crime lui-même et l'individu qui s’en rend coupable. Il est donc, à la fois, la traduc­ tion des deux mots latins homicidium et homicida. IL Division. — L'homicide» homicidium, est : 1° volontaire ou involontaire, selon qu’il est le résul­ tat naturel d’un acte accompli dans le but bien déter­ miné d’enlever la vie à quelqu’un; ou qu’il est la conséquence plus ou moins prévue d’une imprudence, d’une maladresse, d'une négligence, ou d’une omis­ sion plus ou moins coupable. 2> Il est direct ou indirect, suivant qu’il est voulu positivement en lui-même, ou que l’on fait un acte qui peut entrainer la mort d’une créature humaine : par exemple, des coups portés à une femme enceinte, et qui mettraient en danger la vie de son enfant. 3° Il est simple ou qualifié, suivant qu’à l'homicide ne s’ajoute pas, ou s'ajoute quelque aggravation spéciale de culpabilité» provenant d’une circonstance qui l’accompagne; comme, par exemple, de la qualité delà personne tuée, du lieu où le meurtre a été commis, de la manière dont il a été perpétré. 1. Par rapport à la victime, le meurtre du père ou de la mère s'appelle parricide; celui du frère ou delà sœur, fratricide; celui d’un enfant nouveau-iié, infanticide; celui de soi-même, suicide; celui d’une personne con­ sacrée à Dieu, sacrilège; celui d’un chef d'État monar­ chique, régicide. Les mots latins matricidium, uxoricidium et sororicidium n’ont pas d'équivalents en notre langue. Certains auteurs pensent que cette expression d'Aomicide qualifié, comportant une aggravation de cul­ pabilité morale, du chef de la personne victime du meurtre, s’étend jusqu'au quatrième degré de consan­ guinité. Layman, Theologia moralis, 1. Ill, tr. Ill, c. IV, n. 1,2 in-fol., Venise» 1G83,1.1, p. 289. 2. Dans le droit français, si l’homicide a été commis avec préméditation, ou guet-apens, il s'appelle assas­ sinat. Code pénal, a. 296. Cette distinction n'existait ni dans le droit romain formulé par la loi Cornelia. ni dans le droit pénal du moyen âge. Les meurtriers et assassins y étaient compris sous le terme générique d'Aomfcfde. Le mot assassinat, en usage dès le xv· siè­ cle, ne semble pas cependant avoir eu, alors, et pen­ dant deux ou trois cents ans, une acception particu­ lière, car, dans l'Ordonnance criminelle de 1670, il parait être encore synonyme do meurtre, de même que dans certains textes du droit canon, par exemple, c. i, Pro humani. De homicidio, in Sexto. Du reste, comme le fait remarquer le continuateur de Ferraris, le mot assassinium, non latina sed barbara vox est. Ferraris, Prompta bibliotheca, canonica, juridica, moralis, lhcologica.au mot Assassinium, Additiones, η. 1 sq-rlO ln-i°, Home, 1781-1790, t. i, p. 283. La distinction complète sc trouve pour la première fols dans la lol du 25 septembre 1791, tit. n, a. 8 ct 11, où il est spécifié que < l’homicide prémédité sera qua­ lifié d’assassinat >. C'est de là que cette distinction est passée dans le Code pénal français de 1810, a. 295, 296, et dans la plupart des législations moder­ nes. L'Angleterre, néanmoins, depuis assez longtemps, avait déjà fait,dans la pratique, une distinction entre le meurtre de propos délibéré ct prémédité, murder, et l'homicide accompli sans préméditation, ou guetapens, manslaughter. 3. Si l’homicide est commis à l'aide de substances toxiques, U est dit empoisonnement. Code pénal, a. 301. distinction en usage depuis longtemps chez les théo­ 36 logiens, qui l’exprimaient par les mois veneficium naturale. 4. Les théologiens distinguaient on outre : a) le latrocinium, quand l’homicide est commis dans le but de s'emparer du bien d'autrui; b) le proditorium, s’il est fait par traîtrise, en se parant du voile de l’amitié; c) le veneficium magicum et (e maleficium, quand il est le résultat de la magic, ou de l’aide du démon, demandée ct obtenue. 5. Plusieurs auteurs ont prétendu que toutes ces circonstances de l'homicldo qualifié en changent tellement l'espèce, qu’il faut nécessairement les accu­ ser séparément en confession. Néanmoins» parmi ces circonstances, il en est certainement qui sont pu­ rement aggravantes. La connaissance de celles-ci est très utile dans les tribunaux séculiers, pour que les juges puissent apprécier l'étendue de la faute, ct, par suite, iniliger une peine proportionnée à la grandeur du crime commis; mais on aurait tort assurément de supposer que leur connaissance est, pour un motif analogue, nécessaire au tribunal de la pénitence, comme si elle devait y être le fondement de la dist fac­ tion spécifique des péchés» sur lesquels le prêtre doit porter son jugement, avant de donner ou de refuser l'absolution. «) Quant au parricide, tous les auteurs sont d'avis qu'il ajoute à l'homicide, défendu par le cinquième commandement de Dieu, une malice spécifique dis­ tincte» provenant de la violation de la piété filiale envers les ascendants à un degré quelconque, pres­ crite par le quatrième commandement. Il en est de même de l’infanticide, commis par le père ou la mère, le grand-père ou la grand'mèrc, etc. Pour la même raison, il y a une malice spéciale dans le meurtre du frère ou de la sœur, du mari ou de l’épouse. Cette malice spéciale se retrouve-t-elle dans le meurtre des autres personnes unies au meurtrier en ligne collatérale» par des liens de consanguinité, ou d’affinité, à des degrés plus éloignés que le premier? La plupart des auteurs le nient, ou disent que. s’il y a là une circonstance qui change l’espèce» cette cir­ constance, du moins, n'atteint pas dans son ordre, ratione sui, la gravité de matière nécessaire pour imposer l’obligation de l'accusation; pas plus, par exemple, qu’une mauvaise pensée, ou une conver­ sation inconvenante dans une église, un cimetière, ou un autre lieu sacré. Tamburlni, Explicatio decalogi et Meth, exped. confess., 1. II, c. vi, § 2» η. 9, Opera omnia, 2 in-fol., Venise, 1707, t. r, p. 387; Lugo, De pœnitcnlia, disp. XVI, sect, vi, n. 308, Opera omnia, 8 in-4 Paris, 1868-1869 ;Donacina, Theologia morulis, tr.De pœnitcnlia, disp. V, q. v, sect, it, p. n, § 3, dilfic. 3» n. 15» 3In-fol.» Venise, 1716, t. I, p. 145; S. Alphonse, Theologia moralis, L III, tr. Ill, c. in, n. 361-365, 4 fa-1 °» Home, édit. Gau dé» 1905-1912. t. in, p.353 sq. b) Il n'est pas douteux, non plus, que, si le meurtre est commis sur une personne consacrée à Dieu, à la faute de l’homicide s'ajoute une malice spécifique­ ment distincte, celle du sacrilège. De même, si le meurtre est commis dans un Heu sacré. Tamburlni, op. cil., 1. II, c. vu, § 5. n. 39,1.i, p. 177; Lugo, De pœnileniia. disp. XVI, sect, xi, n. 468. c) Dans le latrocinium, le coupable, donnant la mort pour s'emparer du bien d'autrui, commet une faute qui a bien évidemment deux malices distinctes. Ce n'est pas, cependant, une raison d'affirmer que le la­ trocinium est une espèce particulière d'homicide, pas plus que ne le serait le meurtre perpétré dans le but de pouvoir ensuite satisfaire une passion impure. Le but, quel qu'il soit, ne change pas l’espèce même de l’homicide, quoiqu'il puisse lui ajouter une autre malice spécifiquement distincte. 37 HOMICIDE — HOMMES DE L’INTELLIGENCE 38 d) Cette remarque concerne également le veneficium les peines afflictives les plus graves contre les meur­ magicum ct le maleficium, triers, produisaient si peu de résultats, même au sein r) Dans l'assassinat avec guet-apens ct prémédi­ I des sociétés qui se prétendent civilisées, mais qui, tation; dans l’empoisonnement au moyen de sub­ par orgueil ct par esprit de folle indépendance, re­ stances vénéneuses ct naturelles; dans le meurtre çussent de toutes leurs forces le frein salutaire de commis pour gagner une somme d’argent, en agis­ l’autorité religieuse. Plus ces sociétés s’écartent de sant au nom d’une tierce personne, comme le font les la vole Indiquée par l’Évangile, plus elles retournent sicaircs; dans le proditorium, où le meurtrier se cache rapidement aux horreurs de Pin fidélité. sous l’apparence de l’amitié, il n'y n que des circon­ Pour les divers cas particuliers d’homicides, voir stances aggravantes, mais non pas de nature à chan- Avortement, Embryotomie, Duel, Infanticide, gerl'cspèce même du péché. Layman, Theologia moral is, I Suicide, Guerre, Vengeance. 1. III, De justitia, tr. Ill, c. iv, n. 1,1.1, p. 289. Layman, Theologia moralis, 1. TH, tr. HI, port. Ill, III. Prohibition.— 1° Avant d’être prohibé par c. iv, n. 1 sq., 2 In-foL, Venise, 1683, t.î,p.289>q«; Ferraris, ic décalogue, l'homicide fut, dès l'origine du monde, Prompta blblfolhrca canonica, juridica, moralis, theologica, condamné par la loi naturelle, inscrite au fond de la nu mot Assassinium, 10 in-4·, Borne, 1785-1790,1.1, p.28Oconscience. Néanmoins, le premier crime commis par 285 ;S. Alphonse, Theologia moralis, L Ill, tr. IV, η. 360 «q., le fils aîné d’Adam fut l'homicide, ou plutôt le fra­ 4 1η-|·, Home, édit» Gaudé, 1905-1912, t. I, p. G2O tq.; Palmieri, Opus theologicum morale in Busembaum medu Ham, tricide. Pour lui faire comprendre l’énormité de ce tr. VI, De prirecptls decalogi, sect, v, c. i, ~ in-8s, I^to, forfait, Jéhovah fit entendre au coupable celte ter­ 1R89-1893, t. ii, p. 590 sq.; OJrttl, Synopsis rerum moralium rible sentence : La voix du sang de ton frère crie de la el furls ponttflcli alphabetic ordine digesta, 2 ίη-4·, Prato, terre vers moi. Maintenant tu es maudit de la terre, 1905, ou mot Homicidium, t. n, p. 15 sq.;Noldin, Summa qui a ouvert sa bouche pour recevoir de tn main le theologica moralis, 3 ίη-8·, Impruck, 1908, t. Π, p. 356 sq. T. Ortolan. sang de ton frère. Quand tu la cultiveras, elle note HOMMES DE L’INTELLIGENCE. H. C. donnera plus ses fruits; mais tu seras errant ct fugitif Lea, liistoiredci Inquistlionau moyen âge, trad. S. Reisur la terre. Gen., rv, 10-12. En même temps que la voix redoutable de Jéhovah, celle de la conscience nach, Paris, 1901, t. n, p. 486, pense que la secte des hommes de l'intelligence n’adopta ce nom que pour bourrelée par le remords retentissait au plus intime de l’être du malheureux fratricide, lui donnant cette dissimuler son atliliation à l’association proscrite des frères du libre esprit. Ce n’est pas probable : l'unité conviction profonde que la seule peine adéquate au meurtre était l'effusion du sang du meurtrier lui- proprement dite d’une secte du libre esprit au moyen même. « Mon crime est t rop grand pour que je puisse âge est loin d’être établie, voir t. vi, col. 801-804, et obtenir le pardon, s'écria-t-il. Vous me chassez au­ parler d’ ■ afllliatlon à l'association proscrite» est se lancer en plein arbitraire. Les hommes de l'intelli­ jourd’hui de cette terre : je serai errant ct fugitif, ct quiconque me trouvera, me tuera. » Gen., rv, 13-14. gence eurent des idées communes avec les groupe­ ments hérétiques qui, tout en professant des théories 2° Après le déluge. Dieu, parlant aux enfants de Noé, défend de nouveau l'homicide» sous la peine la plus diflérentcs, se réclamèrent de la liberté de l’esprit : sévère : celle du talion. « SI quelqu'un verse le sang voilà tout ce qu’il est pennis d'afflnncr. Quant à humain, son sang à lui sera répandu aussi, car l'homme leur dénomination, elle s'explique sans doute par est fait à l'image de Dieu.» Gen., ix,G. Et, pour incul­ ce fait, qu'un des articles de leur créance était que quer à tous le respect de la vie de leurs semblables, ΓEsprit-Saint allait éclairer l'intelligence des hommes le Seigneur prescrit que même les animaux qui auraient plus que par le passé, plus même qu’il ne l’avait fait versé le sang humain soient punis de mort. Gen., ix, 5. dans les apôtres, qui n’avalent eu que l’écorce de Toutes ces prescriptions sont renouvelées dans la loi I la vérité. A la suite d’uno révélation, Guillaume donnée par Dieu à Moïse; elles y sont réitérées plu­ d'Hildemlssc aurait dit quod eram totaliter alitcratus sieurs fois, ct en détail. Exod., xxi, 12-29; Num., ct sine labore ct studio inldligebam sacram Scripturam xxxv, 1G-33. On les retrouve dans le livre de la Sagesse, clarius quam arde, et quod non poteram decipi, ct n, 21-23. quod praedicationes mar erant ultra humanum intel· 3° Dans le Nouveau Testament, Jésus-Christ pro­ lectum. Cf. Errores scctee hominum intcUigerdiæ, dans Baluze, Miscellanea, Paris, L ii, p. 28G, 295. Les mulgue de nouveau les prescriptions du décalogue, Matth., xxvi, 52, ct l’écho s’en retrouve jusque dans sectaires se croyaient en possession des lumières du l’Apocalypse, xm, 10. Mais, pour diminuer le nombre Saint-Esprit; ils étalent donc les < intelligents ». des meurtres parmi les hommes, Jésus condamna la î Jusqu’à quel point les enseignements de deux vengeance individuelle. Matth., v, 21-24. Depuis, les femmes, la Blocrmadinnc de Bruxelles ct Marie de siècles sont là pour témoigner que, dans tous les temps Valenciennes, qui écrivirent, la première vers 1330, ct dans tous les pays, ce crime est devenu infiniment la seconde vers la fin du xiv· siècle, voir t. vi, col. 806moins fréquent chez les peuples chrétiens que dans les 807, frayèrent la vole aux hommes de l intelligence, nations infidèles, parmi lesquelles la vie hurmdnc a c'est ce qu’il est impossible de déterminer. Nous toujours compté pour si peu ct compte encore pour si savons seulement que le fondateur de la soote fut peu, à l’heure actuelle. Dans ces nations, en effet, un laïque, Gilles le Chantre ou Sanghers, lequel maintenant, comme aux siècles passés, l'avortement se mit à dogmatiser à Bruxelles, vers 1399. 11 recruta volontaire, le meurtre des enfants mal conformés, des adhésions particulièrement dans les rangs des celui des petites tilles ou des garçons que les parents femmes, à Anvers ct dans tout le Brabant. La prin­ Jugent inutiles pour eux, le meurtre des esclaves, cipale recrue fut un carme, Guillaume d Hildcrnisse, les combats de gladiateurs ou de boxeurs, qui se né vers 1358, dans un village de ce nom, aux envi­ donnent la mort pour amuser les foules de specta­ rons'd'Anvers. teurs : toutes ces abominations et autres semblables Vers 1410, Pierre d’Allly, évêque de Cambrai, de ne sont pas considérées comme des crimes de lèse- qui dépendait Bruxelles, instruisit un procès contre humanité. Gc ne sont pas les déclamations des rhé­ Guillaume, devenu le cl>ei de la secte après la mort teurs, les chants des poètes ou les lois civiles qui de Gilles le Chantre. Guillaume se rétracta, mais avec les feront disparaître. Seules les prescriptions de des restrictions ct en des tonnes tels que scs partisans l’Evangile ct les lois de l'ÉgUsc ont contribué effica­ virent dans son langage ht confirmation plutôt que cement à mettre en sûreté la vie des hommes, quand le rejet de ses doctrines. En 1411, Pierre d'Ailly tous les décrets des législateurs, même prononçant reprit la poursuite. Guillaume fut conduit à Cambrai. 39 HOMMES DE L’INTELLIGENCE — HONGNANT Il dut abjurer de nouveau, et fut condamné à être enfermé pendant trois ans dans un des châteaux de l'évêque, après avoir subi l’épreuve de In purgation canonique. Faut-il rattacher aux hommes de l’in­ telligence un frère Thoenken ou Antoine, dont les sentiments hérétiques furent punis, en 1411, par la dégradation et un bannissement de dix années hors du Brabant? Cf. P. Fredericq, Corpus documentorum Inquisitionis hærcticæ pravitatis Neerlandicæ, Gand, 1896, t. π, p. 198. FL Haupt, Realencyklopâdie, 3· édit., Leipzig, 1900, t. vin, p. 311, estime que oui; c’est possible, mais non prouvé. Nous ignorons l’histoire ultérieure de Guillaume d'Hildemisse; ses adhérents s’aventuraient encore à prêcher sa doctrine subver­ sive» dix ans après sa rétractation, dans les villes et les bourgades brabançonnes. Panthéisme, illuminisme, avènement du troisième Age de l’humanité, l’âge du Saint-Esprit» et de la < liberté spirituelle », légitimation dotons les instinct s de la chair, mépris des bonnes œuvres, de Γ Église» du sacerdoce» telles sont les doctrines saillantes pro­ fessées par les hommes de l'intelligence. Autant qu’on peut l’entrevoir à travers le texte du procès de Pierre d'Ailly, Gilles le Chantre ne formula pas toutes ces idées. C’était un esprit sans culture, étranger aux spéculations subtiles, mais un illuminé de la pire espèce, qui parait avoir sombré dans la folie pure. 11 déclarait tout simplement être le sauveur des hommes; par lui on verrait le Christ, comme, par le Christ, le Père. Le Saint-Esprit lui avait dit qu’il était transféré à l’état d’un enfant de trois ans. 11 prétendait agir Mais l’inspiration de l’Esprit; il s'en autorisait pour rller, un jour, tout nu sur le chemin. Sous ce même prétexte, il ne tenait aucun compte de la loi du jeûne et do l’abstinence, et, en général, des préceptes de 1 Église. La luxure n’avait à scs yeux rien de ré­ préhensible; les délectations charnelles étaient a dé­ lectations du paradis». Comme Gilles le Chantre, les femmes qui entrèrent dans la secte semblent y avoir vu surtout la suppression de toute barrière morale. On n'avait pas assez de reproches et de mauvais trai­ tements pour l’une d'elles qui restait chaste. Une certaine Séraphin, une des autorités de la secte, disait ouvertement que l’acte de la chair en dehors du mariage est purement naturel comme le manger et le boire, et sans péché. Guillaume se défendit, au cours du procès, d’avoir prôné ces doctrines scandaleuses. Mais la sincérité de scs dénégations fut toujours cuspcctc. En tout cas, d’autres doctrines furent sou­ tenues par lui qui aboutissaient logiquement à des conséquences pernicieuses, celles-ci par exemple : tout ce que l’homme fait ne contribue en rien ù son salut ou ù sa damnation, mais seulement la passion du Christ, qui a satisfait pour tous; l’homme extérieur ne souille pas l’homme intérieur; l’homme intérieur ne sera pas damné. Sans parler de formules plus ex­ plicites que la rumeur publique lui attribua, ces pro­ posions étaient susceptibles d'entraîner loin, sur­ tout quand on admettait, avec Guillaume, que l’homme intérieur pouvait avoir de Dieu une illu­ mination et un embrassement tels que l'éternité serait assurée, que l’on comprendrait l'Écriturc mieux et autrement qu’auparavant, unde et quandoque asserui quod mallem praedicare secundum sensum proprium et intellectum meum (remarquez cette cxpicssion qui confirme ce quo nous avons dit de 1 appellation < hommes de l'intelligence >) quam secundum Scrip­ turam. Cf. Baluze, toc. cil., p. 287. A l’instar de beau­ coup de ceux qui saluèrent l'arrivée de l'âge du SaintEsprit et de la < liberté spirituelle o et la cessation de la loi présente» Guillaume professa le panthéisme, mais sous une forme relativement discrète, disant que Dieu est partout dans les pierres, dans les mem­ 40 bres de l'homme et dans l’enfer, ainsi que dans le sacrement do l'autel, et que chacun possède Dieu par­ faitement avant de communier, et niant la résurrec­ tion future, parce que, disait-il, nous sommes les mem­ bres du Christ et que la tête n’est pas ressuscitée sans les membres: il rejetait aussi l'eucharistiel'en­ fer. Quant à l'antisaccrdotalismc de Guillaume» un mot l’exprime tout entier: Asserui revelationem habuisse contra presbyteros et audivisse vocem dicentem : Ego veni ad mortificandum presbyteros. Cf. Baluze, loc.cit., p.287. « Qui veut faire l'ange fait la bête » : les prétendus e hommes de l’intelligence » en furent, à leur heure, une preuve saisissante. I. Sources. — Errores sertir hominum tntelligcntlœ et processus /actus contra /ratrem Willclmum de Hildcnesscm ordinis B. Maria: de Monte Carmeli per Petrum de Alliaco episcopum Cameraceeseni anno Christi MCCCCXI, dans Baluze, Miscellanea, Paris, L n, p. 277-297; C. Du Plessis d’Argentré, Collectio Judiciorum de nonis erroribus qui ab initio duodecimi saxuli ad annum 1713 in Ecclesia proscripti sunt et notati, Paris, t. n, p. 201-299; P. Fredericq, Corpus documentorum Inquisitionis hard ico: pravitatis Xecrlandica, Gand, 1889, t. i, p. 207-279» II. Travaux. — Baynnldl, Annal., an. 1411, n. 11; [Paquot], Mémoires pour servir ά Γhistoire littéraire des PaysBas, Louvain, 1766, t. vin, p. 91-103; C. U. Hohn, Gcschlchlc der Ketzer im Mittelalter, Stuttgart, 1847, t. n, p. 526532; A. Jundt, Histoire du panthéisme populaire au moyen Age, Paris, 1875, p. 111 ; E. Varenberg, art. Gilles le Chantre, dans la Biographie nationale, publiée par l'Académlo royale de Belgique, Bruxelles, 1883, t. vu, p. 771-772; A. Wauters, arL Guillaume dTlildcrnlsse, dans la Biographie nationale, Bruxelles, 188-1, t. vin, p. 481-484; J.-J. Allmeyer, Les précurseurs de la Réforme aux Pays-Bas, Paris, 1886, t. i, p. 82-8-1; H. C. Lea, /1 history o/ the Inquisition o/ the middle ages. New York, 1888. t. li, p. 405-106 ; trad. S. Bcinach, Paris, 1001, t. n, p. 486-487 ; II. Haupt, dans la Realencyklopîidie, 39 édit., Leipzig, 1900.. t. vm, p. 311-312; G. Eek· bond, Ixs libertins d'Anvers: légende et histoire des lois tes, Paris, 1912, p. 74. F. Vernet. HONGNANT Claude-René, jésuite français, nô à Paris le 14 novembre 1671, entré au noviciat le 7 sep­ tembre 1687, professa la philosophie et la théologie et fut associé à la rédaction des Mémoires de Trévoux, où il publia de nombreux articles de critique littéraire et théologique. En réponse au livre de l’abbé d’Houtteville : La religion prouvée par les faits, Paris, 1722, il rédigea les Lettres de l'abbé à Monsieur l'abbé Houttcville, Paris, 1722; Suite des lettres de l'abbé d Mon­ sieur l'abbé Houttevillc, ibid., 1723. Cf. Journal des savants, 1723, p. 204 sq.» 277 sq. Ces lettres furent attri­ buées au P. Bouillé, S. J., qui protesta dans les Obser­ vations sur les écrits modernes, t. vni. p. 69; il est pro­ bable que l’abbé Desfontaines n'étaitpas étranger A leur publication et qu’il en avait retouché le stylo. Dans la discussion soulevée par le P. Le Brun de l’Oratoirc sur la forme de la consécration de l'eucharistie, le P. Ilongnant intervint pour défendre la thèse de Claude de Saintes et d’Ysambert: Apologie des anciens docteurs de la faculté de Paris, Paris, 1728. Cf. Mémoires de Trévoux, juillet 1728, p. 1306; Journal des savants, 1729, p. 181 sq. Une polémique plus ardente s'engagea au sujet de la publication du nouveau bréviaire do Paris. Ixj P. Hongnant publia une première Lettre sur le nouveau bréviaire de Paris imprimé en 1736, s. 1. n. d., suivie d'une Remontrance ou seconde lettre A Μ. Γarche­ vêque de Paris, puis d’une Troisième lettre sur le nouveau bréviaire de Paris, dirigée contre le P. Vignier de l’Ora­ toire» qui avait pris la défense du bréviaire. La première lettre du P. 1 longnant fut condamnée au feu par nrrêt du Parlement le 8 juin 1736. Le P. Hongnant mourut A Paris le 15 mars 1745. Sommervogcl, Bibliothèque de la C1· de Jeun, t. jv col. 433-435; Oudin, dans Morérl, Le grand dictionnaire HONGNANT— HONGRIE historique, Paris, 1712. t. v. p. 333; Miclmult. Mélanges historiques et philologiques, t. n, p. 254; Journal des sainints, 1727, p. 124; Hurler, Nomenclator, 3· édit., Impruck, 1910, t. iv, col. 1123, 1315, 1389. 1 103. P. Bernard. 42 lui reconnaissait un certain nombre de privilèges et confirmait les dispositions prises en vue de l'organi­ sation des diocèses. Dès lors, LÉglisc occupa la pre­ mière place dans l'État, que le roi organisa sur le modelé de l’empire carolingien, mais en laissant sub­ sister quelques usages nationaux. Il fonda dix évê­ HONGRIE,— I. Bapldc aperçu de l’histoire de chés; l'archevêché d’Esztergom eut pour sufïragants la Hongrie, permettant de se rendre compte de sa Gyôr, Vcszprém, Pécs, Vùcz et Eger. En 1010. Kalocsa situation actuelle au point de vue religieux. II. Orga­ fut élevé au rang d’archevêché, avec Bihar, la Transyl­ nisation de l'Église catholique romaine et situation vanie et Marosvàr comme sufïragants. Des couvents intellectuelle des catholiques, en Hongrie. furent créés à Zobor, à Pécsvarèd, à Zalav.ir et à 1. Aperçu rapide de l’histoire de la 1 Iongîui .— Bakonybél. Les droits des archevêques et des évêques — La Hongrie (en hongrois, Magyarorszàg), bornée nu nord et ù l'est par les monts Carpathes, au sud par étaient réglés par la constitution stéphanique; les biens attribués aux évêchés leur restaient attachés, le Danube et la Save, forme un ensemble géographique non aux évêques personnellement; les ecclésiastiques d’une rare unité, délimité par la nature elle-même. devaient s’occuper de l’instruction du peuple et veiller Malgré ses frontières naturelles, ce territoire fut le lieu de nombreuses migrations des peuples. Avant | au maintien de la justice, les laïques devaient obéis­ l’époque chrétienne, il fut occupé par les '1 h races et sance aux prêtres, mais ne pouvaient témoigner contre eux. Le haut clergé, jouissant des memes droits les Celles; les llomains allèrent jusqu’au Danube; la que la noblesse, fut tenu comme elle de défendre la Pannonie et la Dacic firent alors partie de l’empire romain. Les Huns, sous la conduite d’Attila, occupè­ patrie. Soixante églises furent Construites sous le rent ces territoires, qui devaient plus lard appartenir règne d’Étienne; H fonda plus de cent couvents, créa aux Avars. Leur puissance fut brisée par Charle­ des hôpitaux et aussi des hôtelleries pour les pèlerins. Il consacra son royaume à notre grande Dame, qui magne; les peuples, plus ou moins soumis, restèrent dans le pays. En 895, un autre peuple, venant de ; devint la palrona Jiungariir; son image fut brodée l’est, pénétra, par trois points différents, sur le terri­ sur les drapeaux, cl, sous le règne de Béla IV, les monnaies furent frappées à l’effigie de la Vierge. toire oil il allait se fixer; le peuple magyar, guidé Étienne eut à combattre quelques révoltes du paga­ par ses sept chefs dont le plus important était Arpâd, nisme; il laissa vivre en paix les catholiques orien­ fit encore des incursions dans les pays voisins, mais taux, qu’il considérait comme des « frères séparés », vaincu à Mersebourg, trahi à Augsbourg par les et fit même construire, près de Vcszprém, un couvent Allemands, il décida de rentrer dans la fertile contrée pour des religieuses grecque». Le fondateur du royaume du Danube et d'y vivre en paix. La religion chrétienne avait été apportée en Pan­ chrétien de Hongrie lui donna des bases solides qui en assuraient la pérennité, car, en 1896. les Magyars nonie par les légions romaines; les Huns détruisirent tout ce qui en subsistait ù leur arrivée; ù l’époque de célébraient, par des fêtes nationales, l’existence millénaire de la Hongrie. Charlemagne, le christianisme fit une nouvelle appa­ Le roi Étienne ayant eu la douleur de perdre son rition. fils unique, Imrc. son successeur fut choisi parmi sa Cyrille et Méthode, en travaillant Λ la conversion famille; des dissensions éclatèrent; le trône étant des Slaves, avaient créé quelques centres chrétiens occupé par des rois peu énergiques, le paganisme dans la région ouest de la Pannonie; au milieu du crut pouvoir réapparaître; l’évêque do Csanad, ix· siècle, des églises subsistaient encore; les Magyars Gcllért, fut jeté par les païens dans le Danube, en les respecteront, car eux aussi croyaient en un Dieu 1016. Le roi André rétablit l’ordre, qui ne fut plus unique, · père de l’humanité, créateur du monde, troublé qu’une fois sous Béla 1er (1060-1063). mais maître de toutes choses, veillant sur son peuple ». Le duc Geiza, qui dirigeait alors les Magyars, avait com­ ce fut un de ses successeurs, Ladislas (1077-1095), qui vit le christianisme régner sans conteste dans son pris la nécessité pour son peuple de se rapprocher royaume. Un synode eut lieu à Szabolcs, 1092; di(Tédes peuples voisins en adoptant leur religion ; cédant à l’influence de sa femme, la princesse Adélaïde, sœur rentes décisions y furent prises, concernant le célibat des prêtres, l’indissolubilité du mariage, la célébra­ du duede Pologne, Mieczyslaw, il se convertit au chris­ tion des fêtes religieuses, etc. Après la réunion de la tianisme cl reçut, avec son fils, le baptême des mains Croatie à la Hongrie, Ladislas y fonda l’évêché de d’Adalbert, archevêque de Prague, 985. Dès lors, la ZAgràb, il fit construire des églises, créa des monas­ conversion du pays fil de rapides progrès. En 997, tères, prit des mesures pour la conversion des Ismaé­ Geiza mourut, son fils Étienne lui succéda; il avait lites et des Bulgares,qu’il avait accueillis; il prescrivit épousé Gisèle, sœur du duc I lenri de Bavière. Des que tout accusé devait être interrogé, dans les trois missionnaires vinrent en grand nombre en Hongrie; jours, par un juge. Il eut à repousser une invasion les Allemands étaient animés d’un zèle inouï, car ils des Coumans, encore païens. Durant son règne, l’Égllse avaient en vue, selon les désirs de l’empereur, non fut quelque peu soumise à l’autorité royale; il mourut seulement la conversion du pays, mais sa soumission en 1095, considéré comme un héros national par les à l’empire. Le duc Étienne, ne voulant pas admettre Hongrois, qui lui décernèrent le titre de Grand, et la suzeraineté de l’empereur, appela plus de prêtres comme un saint par ΓÉglise, qui le canonisa, en 1192; italiens ; il décida que le peuple devait adopter lu pendant son règne. Home avait placé au nombre des­ religion chrétienne, ce qui, trois ans plus tard, était un fait accompli; il fonda des évêchés, des monas­ saints le roi Étienne et son fils linre, Gellért. etc. Kôlmïin (1095-1111) améliora et compléta les lois tères, puis, tous ces préparatifs étant terminés, il de Ladislas; il supprima les procès de sorcellerie envoya Astrik, évoque de Kalocsa et supérieur du • parce que les sorciers if existent pas ». Les réformes monastère des bénédictins de Pannonhalmu, à Home, de Grégoire VH furent adoptées en Hongrie. Béla Ill pour solliciter du pape Sylvestre II la reconnaissance du nouveau pays comme royaume chrétien. Le pape semblait avoir quelque prédilection pour la civili­ acquiesça à ce désir, envoya une couronne avec la­ sation byzantine; son mariage avec Marguerite de France, sœur de Philippe-Auguste, dissipa les craintes quelle le duc Étienne fut couronné roi de Hongrie, du clergé, qui fut tout à fait rassuré en voyant les le 17 août 1001, Λ Esztcrgom, ville qui roi ta toujours la métropole religieuse de la Hongrie; de plus, Syl­ dispositions prises par le roi pour recevoir les croisés. Voulant appeler les cisterciens, il leur fit construire une vestre H accordait au roi le titre d’«apostolique . 43 HONGRIE abbaye, et le supérieur du monastère de Citcaux alla lui-même le voir en Hongrie. Son fils Émcric lui succéda et voulut accomplir son vœu d'aller en Terre Sainte, mais il dut combattre des Slaves et des Serbes hérétiques qui se trouvaient dans le sud de la Hongrie, et le pape Innocent III considéra cette campagne comme une guerre contre les infidèles, en lui recom­ mandant de combattre pour obtenir la réunion de In Serbie au saint-siège. Le xu· siècle fut marqué par la lutte de la Hongrie contre l’influence de l'empire byzantin, qui menaçait l'indépendance nationale; ce fut aussi l'époque où les ordres religieux se multi­ plièrent; aux cisterciens, qui jouissaient des mêmes privilèges qu'en France, se joignirent les préniontres, puis les chevaliers de Saint-Jean. Au siècle suivant était réservé de voir la rapide extension des domini­ cains et des franciscains; ces derniers furent vite populaires et le sont encore. André II (1205-1235) avait épousé Agnès de Méranie; parmi leurs enfants, il faut citer sainte Élisabeth. Après la mort de sa première femme, André 11 épousa Yolande de Cour­ tenay, de la famille des empereurs de Constantinople, ctsongea, un instant, & réunir Byzance à son royaume; on lui préféra son beau-père, Pierre de Courtenay. André partit pour la Terre Sainte, remporta unimpor­ tant succès nu Mont Thabor, puis rentra en Hongrie. Il avait accordé A la nation la bulla aurea, charte assez analogue à celle que la noblesse anglaise venait d'ob­ tenir du roi Jean. EUo prescrivait la convocation régulière des diètes, elle assura quelques garanties ù la liberté individuelle et reconnut à la noblesse le droit doprcndrolcs annes si le roi n’observait pas fidèlement la constitution. Le clergé avait vu quelques-uns de scs privilèges confirmés; aussi, lorsque, vers la fin de son règne, André II, dont les prodigalités à l'égard des religieux avaient rnis le trésor A sec, voulut pré­ lever un impôt sur les possessions de l'Église, le primat s’y opposa-t-il formellement; reprochant au roi les faveurs accordées aux ismaélites et aux juifs, il lança l'interdit sur le royaume (1232),voulant surtout, par cette mesure, assurer l'inviolabilité des domaines ecclésiastiques. Des négociations eurent lieu avec Rome, l’interdit fut levé, mais le clergé se fit attribuer do nouveaux revenus et confirmer quelques privilèges. Le règne de Béla IV (1235-1270) fut marqué par l'invasion des Tartarcs, qui menaça sérieusement l'Europe centrale. Après la bataille de Mold (1241), les Tartarcs dévastèrent tout le pays, des milliers d’habitants furent massacrés, des centaines d'églises pillées, des villages saccagés; aussi, après le départ do ces hordes sauvages, le territoire n’était qu’un vaste désert inhabité; pour le repeupler, le roi fit venir des Allemands et des Bohémiens, puis des Coumans, encore païens, qui ne furent entièrement convertis que vers le milieu du xiv·siècle; pour réor­ ganiser le pays, le roi fit de grands sacrifices; l’arche­ vêque d’Esztergom, Étienne Vancsai, se consacra à la régénération de la Hongrie, il fut créé cardinal; c'était le premier cardinal magyar. Sous le règne de Ladislas IV (1272-1290), la discipline du clergé a'étant relâchée, un évêque fut envoyé de Rome; comme légat du pape, il convoqua un synode ù Buda (1279), pour la défense des droits de l'Église, le respect des lois religieuses; le roi promit de rétablir l’ordre dans le domaine politique et ecclésiastique, mais ne put guère tenir sa parole. André Ill (1290-1300) fut le dernier descendant de la famille d’Arpâd, qui avait fondé le royaume chrétien de Hongrie et en avait assuré, en même temps que le développement, l’indé­ pendance A l’égard des trois grandes puissances de l'Europe : Rome, Byzance, l'Allemagne. La succession donne lieu A des rivalités, qui ne cessèrent que par l'accession nu trône de Charles- 44 Robert d'Anjou (1309-1342), fils de Charles-Martel et neveu de Charles 11, roi de Naples, ainsi que do saint Louis, roi de France. 11 avait été choisi par la noblesse et soutenu par le saint-siège ; son règne fut marqué par la réorganisation du pays; des impôt» furent établis, les revenus des évêchés vacants, attri­ bués au roi, qui voulut faire payer des redevances plus ou moins importantes pour la collation de cer­ taines dignités ecclésiastiques. Aussi, en 1338, une partie de l’épiscopat envoya un mémoire, fort exagéré, au saint-siège; le pape y répondit par une admones­ tation paternelle, adressée au roi, pour lui demander de mettre fin aux infractions relatives aux droits de l'Église. Louis le Grand (1342-1382), fils do Charles Robert, fut lo champion du christianisme et conduisit la Hongrie à la plus grande prospérité. 11 combattit le prince de Serbie, qui, après avoir promis de devenir catholique, menaçait, au contraire^ de faire crever les yeux à ceux de scs sujets qui adopteraient lo catholicisme romain. Il convertit une partie des Pala­ rius et aussi des Serbes, des Vainques, des Bulgares, qui habitaient le sud de la Hongrie.. Lorsque lo sultan Mourad eut conquis Andrinople, le roi Louis vit le danger qui allait menacer l'Europe; aussi, quand l’empereur Jean Paiéologue alla lui olïrir d’adopter le catholicisme romain, si des secours lui étaient assurés, Louis trouva le moment favorable A la création d’une Ligue de la chrétienté; le pape Urbain V, craignant le manque de sincérité des grecs, n’accueillit pas cette proposition. Louis le Grand fit ériger de belles églises A Esztergom, A Eger, à Nagy-Vôrad ; il établit le pèle­ rinage de Maria-Zell, fonda la chapelle des Magyars, A Aix-la-Chapelle, dota de nombreux monastères, fonda l’université de Pécs et attacha une grande importance au choix des évêques. Le juriste Wcrboczl, résumant l'histoire du xiv· siècle, dit qu'à cette époque, la Hongrie fut sous l’influence de la France. La fille de Louis le Grand, Marie d'Anjou, que les Hon­ grois reconnurent comme < roi de Hongrie » (13821395), s'occupa des intérêts de l’Église; elle fit con­ struire quelques églises destinées à l’adoration perpé­ tuelle. Elle réunit, ù Esztergom, un synode qui fut consacré à l’instruction du clergé, « dont il fallait relever le niveau pour augmenter le respect du peuple A l’égard de l'Église ». A Marie succéda son époux, Sigismond (1395-1436), dont le règne fut marqué par le schisme; aussi s'occupa-t-il activement du concile de Constance. Des concordats furent conclus, notamment avec l'Allemagne; on voulait assurer A la Hongrie certains droits, ce fut ainsi que Sigismond Introduisit le ]us placed, en même temps qu'il s'assu­ rait la collation des bénéfices et le choix desévêques. Ce droit ne fut peut-être pas formellement reconnu, car on n'a pas retrouvé la bulle s'y rapportant cepen­ dant Werbôczi, dans son Opus tripartitum juris consue» tudinarii regni Ilungariie, affirme quo ce droit fut reconnu au roi de I longric, par le concile de Constance; le cardinal PAzmfiny s'y réfère également. Les doc­ trines de Jean Huss, condamnées par le concile, s'é­ talent répandues, du nord de la Hongrie, dans les régions du sud; elles furent victorieusement combat­ tues par Jacobus de Marchta, envoyé par le pape. A peine le schisme d’Occidcnt terminé et la paix reli­ gieuse rétablie, un nouveau danger menaça le monde, le péril déjà entrevu so précisa; les Turcs franchis­ saient les frontières de la Hongrie. Jean Hunyady surgit, fl remporta sur les Osmanlis des succès assez importants pour décider Mourad A demander la paix ; ce ne fut qu'une trêve. Le cardinal Julien, soutenu par quelques étrangers, voulait la continuation de la guerre; Hunyady, connaissant les ressources intaris­ sables des Turcs, voulait la paix : le roi la conclut. Usant d** sophismes, le légat Cesarinl la fit rompre; 45 HONGRIE le roi l lâszlô partit pour la frontière. Il périt dans la bataille de Varna (MH), et ce fut vraisemblablement cette défaite des chrétiens qui amena la chute de Constantinople. L'Europe comprit alors quel danger la menaçait, mais aucune puissance ne se mit en devoir d’y parer; seule, la Hongrie, ■ le mur, disait /Encas Sylvius, sans lequel la religion chrétienne ne pouvait être en sûreté », se dressa et, pendant un siècle et demi, supporta tout le poids de la lutte contre les Osmanlis Λ l'apogée de leur puissance. Hunyady, secondé par le moine Jean Capistrano, continua la lutte et rem­ porta, à Belgrade, une victoire qui obligea Mahomet 11 à fuir. Quelques jours plus tard, Hunyady succombait, sa victoire lui avait coûté la vie. La diète rc réunit à Buda et acclama son ills Màlyàs comme roi de Ilongric. Le pape Callxte III lui envoya scs félici­ tations, disant ne savoir comment exprimer sa Joie de cette élection qui donnait à la Hongrie et ù la chrétienté tout entière un défenseur contre l'isla­ misme. Mâtyûs (1458-1490) délivra la Bosnie et entre­ prit la lutte contre les hussites; pendant ce temps, les Turcs envahissaient la Hongrie au sud et s'avan­ çaient jusqu'à Nagy-Vârad, où ils violaient le tom­ beau de saint Ladislas. En 1479, une année turque, commandée par douze pachas, entrait en Transylvanie; Étienne Bâthory et Paul Kinizsi remportèrent une victoire qui donna à l’Europe un demi-siècle de sécu­ rité; mais la I longric restait seule â lutter, et le pape Sixte IV lit tellement attendre les secours promis qu'il laissa passer le moment favorable, résultant de la mort de Mahomet IL On peut considérer Mâtyàs comme un souverain constitutionnel, il convoqua la diète et régla, d’accord avec les représentants du pays, des questions importantes; il s'eiToiça de faire triom­ pher l’Église, mais n'admit cependant aucun empié­ tement, il maintint ferme tous les privilèges royaux et les droits acquis, ce qui n'empêcha pas le cardinal Castella, envoyé parle pape auprès de Métyés, d'écrire à Rome : < Si l'on considère chez lui l'intelligence, le caractère, les mœurs, il dépasse de beaucoup tous les princes que je connais. » Métyûs avait appelé de nombreux savants et artistes de l’étranger,surtout de l'Italie; les humanistes, que le roi appréciait beaucoup, furent peu compris du peuple, et la Renais­ sance n'exerça guère d'influence sur la littérature hongroise. La célèbre bibliothèque Corvina fut fondée parMàtyàs. Le cardinal Bakées, en revenant du conclave qui avait élu pape Léon X, rapportait une bulle ordonnant la croisade contre les Turcs; mais les dissensions pour la succession au trône avaient amené le trouble dans le pays et une jacquerie éclata, dirigée par Dozsa; elle fut cruellement réprimée, ce qui n’empêchait pas la noblesse de disputer le pouvoir à un roi trop faible, puis Λ un roi trop jeune; pendant ce temps, les Turcs faisaient de formidables préparatifs. Sélim le Féroce était remplacé par Soliman le Magnifique, qui voulait s'emparer de Belgrade, forteresse qui avait résisté ù Mahomet. Il envahit la Hongrie, avec une année consi­ dérable, prit la forteresse de Szabâcs et Unit par s'emparer de Belgrade (1521), où il installa son quar­ tier général. La consternation fut grande en I longric; elle s'adressa à tous pour demander des secours; lo projet ne devait être adoptée que plus tard. L'épiscopat s’inquiéta, prit des mesures énergiques, mais tout fut en vain. Une diète fut convoquée, on y prit la décision nommée Luthrrani comburantur; on n'a pas de preuves qu’elle ait jamais été appliquée; elle effraya néanmoins les hérétiques, dont un grand nombre revinrent à la vraie ; foi. Déjà à la cour de Louis H, les idées nouvelles avaient trouvé une rapide diHuslon panni les Alle­ mands, qui y étaient nombreux; ils voulurent même faire croire à Luther que la reine Marie, sœur de Charlcs-Quint, était au nombre de leurs partisans. Les mesures prises contre les protestants ne purent être appliquées en Transylvanie, où déjà, dans certaines villes, ils avalent la majorité; ainsi ù Nagy-Szeben, où ils décident qu'avant trois jours, les moines et tous leurs partisans doivent avoir adopté la nouvelle reli­ gion, ils chassent le chapitre de la cathédrale et inspi­ rent, par leur violence, tant de terreur, qu'à la date fixée il n'y a plus de catholiques dans la ville. A Brasso, les mêmes scènes se reproduisent; à Kassa, les Alle­ mands s'emparent de l'église de Sainte-Elisabeth, partout ils s'approprient les trésors des églises, bri­ sent les autels, chassent les prêtres et les moines à coups de pierres. Dans les villes minières du nord, Kassa, Lôcse, Eperjes, Bértîa, la violence fut moins grande, peut-être parce que la résistance était moins vive; des familles de la noblesse adoptaient l'innova­ tion religieuse et envoyaient leurs fils étudier en Alle­ magne, d’autres accueillaient les · prédieants » chez elles. Le palatin Thurzô so fit protestant et s'attri­ bua les biens de l’évêché de Nyitra, qu’il laissa par testament à son frère HONGRIE L'occupation de Buda par les Turcs (1541) avait été pour la Hongrie une blessure fort douloureuse, qui eut des conséquences très’ graves; presque tout le pays était au pouvoir des Osmanlis, qui l’adminis­ traient en maîtres, ou plutôt en conquérants. Ce n’était guère que par la ruse qu’ils obligeaient un chrétien Λ prendre leur religion, mais, directement et indirectement, ils favorisaient le protestantisme, en soutenant scs adeptes et en persécutant, avec eux, les catholiques. Les diètes de 1512, 1514 et 1518 essayèrent de réagir en votant des lois pour la protec­ tion des catholiques, le bannissement des prédicanls étrangers, la restitution des biens aux églises, etc., mais le pays était trop troublé et les lois ne purent être appliquées. La découverte de l'imprimerie avait largement contribué à la diffusion des idées alle­ mandes, car les prédicants écrivirent, imprimèrent et distribuèrent dans les villes des livres inspirés par une profonde animosité contre la foi et dans lesquels tous les dogmes catholiques étaient bafoués. En 1545, les protestants convoquèrent deux synodes, l’un à Medgycs, l’autre ùErdod; le premier décida l’adoption de la Confession d’Augsbourg, et ordonna que la (Mme du dixième, verséc jusqu'alors à l’Église, serait remise aux pasteurs protestants· A Erdod, un règlement en douze articles fut élaboré. Ce qui avait contribué à la rapide diffusion du protestantisme, cp fut l'état déplo­ rable où sc trouva le clergé après la bataille de Mohées. Les évêchés étaient sans titulaires et les seigneurs s'étalent attribué les revenus; ainsi à Esztergom, à Vâcz, à Nyitra, tandis que les évêchés de Pécs, \ arad, Csanâd, Kalocsa étaient aux mains des Turcs, qui refusaient le moindre traitement aux rares prêtres qui restaient encore dans ces diocèses. Maximilien (1564-1576), indifférent en matière religieuse, facilita les progrès du protestantisme; de nombreux généraux sc firent protestants, les grandes charges de la cour étaient occupées par des réformés; à l’avènement de Rodolphe H (1576-1608),la partie de la 1 longric non occupée par les Osmanlis comptait 900 communes luthériennes et autant de calvinistes. Le pays semblait destiné à devenir protestant; on y comptait alors ù peine 300 prêtres et religieux. L'archevêque d’Esztergom, Nicolas Olàh, parvint à rouvrir le séminaire de Nagy-Szombat; les jésuites, que l’on venait d'appeler en 1 longric, y formèrent des prêtres qui, au commencement du xvn· siècle, purent soutenir, par la plume et par la parole, la luttecontre les protestants. Les catholiques réclamèrent leurs églises, que les réformés occupaient, quelques nobles revinrent ù la vraie foi, mais le soulèvement d’Étienne Boeskay fut nuisible pour le catholicisme. Le traité de Vienne (1606) accorda la liberté religieuse aux protestants comme aux catholiques; sous le règne de Mâtyâs II (1608-1619), ce traité fut confirmé par la diète de 1608, et la liberté du culte fut étendue aux villes et villages; les protestants pouvaient élire leurs pasteurs et ils formaient un corps indépendant. La dignité politique la plus élevée, celle de palatin, pouvait être attribuée à un protestant ; elle fut occupée par llléshàzl et par Thurzô, qui naturellement favo­ risèrent leurs partisans. Ne doutant plus de leur puissance, les dissidents avalent demandé l'expulsion des jésuites. Pierre Pazmâny. élève et disciple de Bcllarmin, né dans une famille protestante, revint, ù l'âge de treize ans, à la fol catholique, entra à dixsept ans au noviciat des jésuites, étudia ù Vienne et ù Rome, puis fut envoyé en mission en Hongrie. Animé d’une foi ardente, énergique autant qu’élo­ quent, il fit reculer le protestantisme. A la demande d'expulsion formulée contre les jésuites, il répondit par une brochure; scs arguments, appuyés sur les lois, sur les droits reconnus à tous les Magyars, sur Ή les traités, étalent irréfutables; aussi l’effet produit par cette défense fut-il si grand quo le projet d'expul­ sion fut abandonné, quoiqu'il ce moment le palatin et de nombreux membres de la dlèto fussent protes­ tants. Ce point acquis, Pôzmâny continua son œuvre de prédilection, la conversion des dissidents; parson éloquence persuasive, son patriotisme ardent, sa foi enthousiaste, il parvint à convaincre quelques familles de la noblesse, dont le retour ù la fol catholique fut d'un entraînant exemple. Pour les affermir dans la foi, pour y ramener d’autres familles, le jésulto se fit polémiste. En 1608, il publia deux volumes qui sem­ blèrent aux protestants si dangereux qu’ils deman­ dèrent au palatin de châtier ce « jésuite impie ». La même année, il défendit, ù la diète de Près bourg, les droits des catholiques; il put les maintenir dans toutes les questions dogmatiques, mais il dut accepter les exigences politiques des protestants, car il les savait prêtsùse soumetIreauxTurcs plutôt que délaisser res­ treindre les droits qu’ils s'étalent arrogés. Quelques années plus tard, en 1613, il publia lo Guide vers la vérité divine, œuvre aussi éminente au point de vue religieux que littéraire. Expliquée par Pâzmâny, la religion catholique apparaît lumineuse, les points attaqués par les protestants sont réfutés par des argu­ ments indiscutables. Le style du Guide est énergique, catégorique, belliqueux même. Pour accepter l’arche­ vêché d’Esztergom que le roi lui oflrait, Pâzmâny dut quitter l'ordre des jésuites; il eut des discussions de préséance avec le palatin Thurzô, protestant. Pen­ dant le règne de Ferdinand II (1619-1635), le palatin fut un catholique; un mouvement pour la défense des droits des réformés fut dirigé par Gabriel Belhlen, qui, en 1619, prit Kassa, mais une attaque des Turcs l’obligea à conclure un armistice, qui aboutit à la paix de Nicoisbourg, basée, quant aux questions religieuses, sur le traité de Vienne. La diète de Sopron (1622) vota soixante-dix-neuf lois, sans que la reli­ gion y occupât la première place. Pâzmâny fit un voyage ù Rome pour demander au pape d'intervenir auprès du roi de France, Louis XIH, pour organiser une liguo des États catholiques contrôle roi de Suède; it obtint de vagues promesses. Continuant son apos­ tolat, Pâzmâny fonda des écoles, réorganisa les sémi­ naires, créa l'université de Nagy-Szombat et eut la satisfaction de voir les retours au catholicisme de­ venir de plus en plus nombreux; quand il mourut (1637), la Hongrie était revenue ù la fol catholique. Cependant les protestants ne renonçaient pas sans lutte aux droits qu'ils avalent acquis; mais, pendant le règne do Ferdinand III (1637-1657), leur nombre diminua; la paix de Linz (1645) assura à leurs vas­ saux la liberté du culte. L'évêque grec de Munkâcs conclut, en 1649, une Union par laquelle il entrait dans l’Église catholique avec son clergé et lo peuple. Le traité de Wcstphalle avait enlevé aux protestants l’espoir de secours étrangers, mais ne les empêchait pas, où ils avaient la majorité, d’opprimer les catho­ liques, restreignant leurs droits de citoyens. A Kassa, Us firent subir le martyre ù deux jésuites et ù ün cha­ noine. Léopold Ι·Γ ne vit dans la 1 longrlequ'un terri­ toire occupé parles Turcs; aussi la paix qu'ilslgna.cn 1664.à Vasvôr, provoqua-t-elle une grande irritation; on pensait, non sans apparence de raison, qu'elle tendait à la suppression de la Constitution. La no­ blesse s'unit pour chercher les moyens de lutter, mais le complot fut découvert; Zrinyi. Nâdasdy et Frangcpân payèrent de leur vie le désir de sauver leur patrie; leur sacrifice ne fut pas vain : catholiques et protestants, malgré leurs revendications opposées, s'unirent pour conquérir l'indépendance. Les familles nobles continuaient â revenir au catholicisme, mais le retour de lu veuve de George RâkOczy 11, Sophie 49 HONGRIE Bâthory, avec son Dis, Λ la fol de leurs ancêtres, pro­ duisit un cflct considerable, ù cause de la situation prépondérante qu’occupait celte famille. Du côté des Turcs, le danger devenait imminent ; ils avalent remporté des succès, cl Kara-Mustapha approchait de Menue. A l'appel lancé par Innocent NI. pour sauver l'Europe du Joug ottoman, des chevaliers avalent répondu; Jean Soblcszky délivra Vienne (1683), et Charles de Lorraine, poursuivant les Turcs, les défit Λ Pârkâny; aidé par les Hongrois, il s’empara de Buda (1086), cl. le lendemain, le grand-vizir reprenait la route de Belgrade. Le drapeau chrétien flotta sur l’église Notre-Dame, où, durant un siècle et demi, le croissant avait été substitué à la croix. Poursui­ vant leur marche victorieuse, les années chrétiennes repoussèrent les Turcs vers leurs frontières; l'Europe était enfin délivrée de la terreur qui l’avait si long­ temps oppressée. Le commencement du χνιι· siècle fut marqué par le soulèvement de François Râkôczi II, qui sc mit ù la tète des « mécontents » pour conquérir l’indé­ pendance de la Hongrie et lutter contre la germanisa­ tion que Léopold 1er poursuivait depuis qu’il avait obtenu l’hérédité de la maison de Habsbourg au trône de Hongrie. La diète convoquée en 1705, à Szécsény, par Râkôczi, traita de questions intérieures et confirma les libertés religieuses; la diète d’Onod (1707) proclama l’indépendance de la Hongrie et la déchéance du roi. La paix de Szatmâr (1711) mit fin à ce soulèvement. La réorganisation du pays, ruiné par une occupation étrangère plus que séculaire, s’imposait; à Joseph Ier avait succédé Charles 111 (1711-1740); il appela en Hongrie des étrangers, no­ tamment des Allemands, pour repeupler les régions dévastées; les protestants virent les droits qui leur avaient été accordés confirmés, mais ils durent res­ tituer les églises revendiquées par les catholiques. Une commission fut instituée pour régler les ques­ tions litigieuses entre catholiques et protestants. Les prêtres furent astreints à la résidence et ne purent plus posséder plusieurs bénéfices; les mariages mixtes furent autorisés, les enfants devaient appartenir à la religion catholique. Charles HI assum aux prêtres une existence matérielle honorable et posa les pre­ mières bases de la Congrua ; il organisa renseigne­ ment cl créa un séminaire dans chaque diocèse; les frais d’entretien étaient prélevés sur les revenus des monastères. Toutes ces mesures curent pour résultat l’augmentation du nombre des catholiques, qui firent preuve alors d’une plus grande activité. N’ayant pas de successeur mâle, Charles 111 avait fait reconnaître, parla diète de 1723, la succession par la ligne féminine, et ainsi sa fille Marie-Thérèse (1740-1780) lui succéda; avec l'assentiment du pape Clément NUI, elle prit (1758) le titre de reine apostolique. Elle fit des ré­ formes dans tous les domaines, administratifs, intel­ lectuels et religieux, où elle alla plus loin que scs pré­ décesseurs. Elle passa outre à la résistance qu'avaient opposée certains évêques au partage do leurs évêchés et , réalisant les projets de son père, créa de nouveaux évêchés; le 1*r janvier 1776, elle fonda les évêchés de Besztcrczc-Bânya, de Stepes et de Rozsnyô; l’année suivante, ceux de Székcsfehérvâr et de Szombalhely. Pour les grecs-unis, qui jusqu’alors n’avaient eu que des vicaires apostoliques, elle créa les évêchés de Munkâcs et de Nagy-Vârad. En cas de guerre ou de calamités, les rois do I longric, de la maison de Habs­ bourg, prélevaient un impôt sur les évêchés, après en avoir demandé l’autorisation à Rome; MarieThérèse décida de sc passer de cette autorisation cl. de plus. Imposa aux nouveaux évêques le paiement d’une redevance ù verser au fonds de 1'^ccttc somme était fixée suivant les circonstances. Elle fit 50 cfieduer le recensement des ordres religieux, qui s'étalent beaucoup développés; on constata qu’il y avait 147 couvents, avec 3 570 religieux, plus 191 ermites; il fut décidé que ce nombre ne devait plus être dépassé. Les droits de châtiment des supérieurs furent limités, et le droit d’asile, supprimé. Il fut en même temps défendu d’envoyer de l’argent aux supé­ rieurs des ordres résidant à Rome. La publication des brefs était soumise à l’autorisation royale· MarieThérèse appréciait les services rendus par les jésuites, elle dut cependant leur infliger le sort exigé par Clément XIV, et les proscrire, non sans avoir long­ temps hésité. Us dirigeaient, à ce moment, l’univer­ sité de Nagy-Szombat, les académies de Kassa, Gyôr, Zâgriib et Buda, 30 collèges, 12 séminaires pour le clergé séculier et 9 établissements divers. Les biens qui leur furent confisqués s’élevaient à quelques mil­ lions de florins, qui furent consacrés à des œuvres de religion et d’instruction. Le fonds de religion fut constitué par les biens confisqués aux congrégations. Après le départ des religieux, une nouvelle orga­ nisation de renseignement devint nécessaire. MarieThérèse donna, en 1777, le Ratio educationis, elle fonda le Theresianum et institua le régime des bourses d’étude; elle fit ouvrir des écoles dans les villages, et, sans rendre l’instruction primaire obligatoire, la rendit tout au moins plus générale. Elle contraignit les établissements d’enseignement protestants à se soumettre aux règlements édictés pour tous après le départ des jésuites. Pénétrée du droit absolu de la monarchie, Marie-Thérèse avait voulu rétablir l’unité de la foi dans scs États; elle n’y parvint pas et fut cependant taxée d’intolérance par les protestants, qui pourtant la préférèrent à son successeur, son fils Joseph H (1780-1790). Le nouveau souverain avait des convictions religieuses, mais il considérait lesbiens des religieux comme un contresens économique et la soumission à Rome comme un amoindrissement des droits de l'État. En octobre 1781. il publia ï’Êdtt de tolérance, annulant la Resolutio Carolina; cet édit accordait de larges droits aux protestants, tandis que les droits des catholiques étaient restreints. Le primat protesta, mais en vain, et Joseph, après avoir dissous presque toutes les congrégations, puis confisqué leurs biens, réglementa les cérémonies religieuses. Interdit les processions et les pèlerinages, fixa le nombre de cierges à allumer pour les offices et alla même jusqu’à régler la façon d’enterrer les morts. Aux protestations du primat de Hongrie contre l’intrusion du roi dans les questions religieuses, s’ajoutèrent celles du nonce; elles furent tout aussi vaines. Le pape Pic VI décida d’aller ù Vienne pour s’entretenir personnellement avec Joseph IL Le peuple acclama le pape; les évêques hongrois sc rendirent ù Vienne pour exposer leurs griefs au souverain pontife, qui eut plusieurs conférences avec Joseph II; tous les pourparlers échouèrent. Pie VI, qui était arrivé à Vienne le 22 mars 1782, en partit le 24 du mois suivant sans avoir obtenu la moindre atténuation aux mesures édictées contre l’Église. Pénétré des idées philosophiques du xviîi· siècle et de la doctrine de Febronius, Joseph II sc considérait comme le maître de < son Église >; aussi, quand il se rendit ù Rome, était-il décidé à rompre avec le pape; l’ambassadeur d’Espagne le détourna de ce projet. Joseph II s’entretint avec Tie VI et changea d'attitude ù l’égard du saint-siège. 11 n’avait pas limité son action à la religion, mais avait voulu réglementer tous les domaines; le 28 janvier 1790, il se reconnaissait vaincu et rapportait, saut Y i'dil de tolérance, presque tous scs décrets, réta­ blissant les choses dans l'état où elles sc trouvaient â la mort de Marie-Tbérèsoc II mourut peu après et son frère Léopold (1790-1792) lui succéda. Les catholiques 51 no HONGRIE furent rétablis dans leurs droits essentiels, et la diète de 1790-1791 régla un grand nombre de ques­ tions. Le libre exercice de la religion fut assuré à tous et les emplois furent accessibles à tous les nationaux, sans distinction de religion; les biens confisqués furent rendus, les religieux purent rentrer, les ques­ tions matrimoniales des protestants étaient réglées par leurs consistoires, etc., etc. Le cardinal Batthyâny protesta contre certaines décisions avantageant trop les protestants, néanmoins la paix religieuse était établie pour assez longtemps. Au cours du règne de François Ι·Γ (1792-1835), les évêchés de Kassa et de SzatmAr furent fondés; en 1802, les bénédictins, les cisterciens et les prémontrés rouvrirent leurs établis­ sements. Le prince-primat Rudnay tint, en 1822, un synode qui s'occupa des questions relatives à la discipline dans le clergé et aussi de renseignement du peuple. Ce fut seulement en 1832 que les questions religieuses reparurent à la diète, ù propos des ma­ riages mixtes et du passage d’une religion ù une autre. Les protestants demandaient l'abrogation de la loi obligeant ceux qui voulaient devenir protestants à en obtenir l’autorisation du roi; ils attendirent jus­ qu’en 1844 cette abrogation; ils ne furent plus tenus dès lors qu'à une simple déclaration au curé, en pré­ sence de deux témoins; si le curé refusait d'en donner acte, on pouvait passer outre. L’agitation continua longtemps autour de l’engagement ù prendre, pour la religion des enfants, dans les mariages mixtes. La révolution de 1818, en France, eut une réper­ cussion en Hongrie; le 15 mars, le peuple, conduit par les étudiants, revendiquait la liberté de la presse et obtenait de Ferdinand V (1835-1848) la nomina­ tion d'un ministère hongrois. La diète de 1848rcconnut l’égalité des religions; un projet d'autonomie de l'Église fut présenté, mais les événements empê­ chèrent la réalisation de tous les projets libéraux. Ferdinand V ayant abdiqué, François-Joseph lui succéda; s’il eût reconnu les droits séculaires de la Hongrie, il pouvait endiguer le mouvement libéral; il voulut l'étoulier et la nation dut défendre son indé­ pendance : elle le fit avec le courage que donne la conviction. Le clergé répondit à l'appel de la patrie; la croix et l’épée en mains, il prit rang dans l'armée nationale. Vaincus par le nombre, les Hongrois dépo­ sèrent les armes à VilAgos. Les patriotes magyars payèrent chèrement leur lutte pour l'indépendance; les chefs furent exécutés, les autres passèrent de longues années en prison; l'évêque de Beszterczobânya passa huit années dans les cachots des forte­ resses autrichiennes, l'évêque de Nagy-Varad y resta vingt ans, d'autres furent enfermés dans des couvents. L'absolutisme régna en Hongrie, et les efforts de F Autriche tendaient à placer le clergé hongrois sous la dépendance de Vienne. Le prince-primat et l’assem­ blée des évêques protestèrent, en s'adressant à Home, qui leur donna raison. En 1855, un concordat fut conclu avec Home; il réglait les rapports entre l'Église et l’État, il autorisait les relations directes entre le saint-siège et le clergé magyar, le rétablissement des congrégations la suppression du placet, etc. Plu­ sieurs synodes furent tenus, ils donnèrent une certaine Impulsion à la vie spirituelle; des évêques, se préoccu­ pant de l'enseignement des jeunes filles, appelèrent en Hongrie (1857) les religieuses de Saint-Vincent-dePaul et de Notre-Dame. L’absolutisme continuait à sévir en Hongrie, mais la guerre d’Italie, puis celle d'Allemagne, avec Sadowa, obligèrent l’Autriche à renoncer à ce système abhorré. Le Compromis qui fut signé en 1867 rétablissait la constitution hongroise; François-Joseph se fit couronner, à Buda, roi de Hongrie. En 1870, une partie de l’épiscopat jugea inopportun le moment de la proclamation du dogme de l’infaillibilité; cependant, après la décision du concile du Vatican, l’assemblée des évêques proclama, à l'unanimité, le dogme nouveau. Le Kulturkamp/, qui se déroula en Allemagne (1872-1875), eut en Hon­ grie des répercussions hostiles à l'Église. Les ques­ tions religieuses occupèrent une grande place dans les discussions politiques. Des réformes furent réali­ sées. La liberté de changer de religion fut accordée à tous, ù partir de l’âge de dix-huit ans. La < réception » d'un converti dans une nouvelle religion devait être officiellement signalée au représentant de la religion qu'il venait de quitter. Les mariages mixtes purent être conclus légitimement devant le représentant de la religion d’une des deux parties contractantes. Les enfants devaient suivre la religion, les fils, du père, les filles, de la mère. Les procès matrimoniaux furent jugés par deux instances différentes, et opposées : la cour de Rome pour les catholiques, les tribunaux hongrois pour les protestants. Sur une simple demande des parents, les prêtres et les pasteurs inscrivaient les enfants isSus des mariages mixtes et qui eussent dû appartenir a une autre religion. En 1890, une ordon­ nance institua des registres spéciaux pour l'inscription des enfants issus des mariages mixtes. Déjà, en 1882, un projet de loi sur les mariages entre chrétiens et Israé­ lites avait été élaboré; la Chambre des magnats l’avait rejeté. On parla alors du mariage civil obli­ gatoire. Le clergé catholique protesta et, après un entretien du primat avec le roi, le ministre retira le projet. On reconnaissait cependant qu’une réglemen­ tation était nécessaire. Une grande assemblée des catholiques, présidée par les évêques, eut lieu en 1891 ; elle ne put empêcher, trois mois plus tard, le Parle­ ment d'adopter, pçr 281 voix contre 10G, la loi rela­ tive au mariage civil obligatoire; la Chambre Haute l'adoptait bientôt, par 21 voix de majorité, malgré l’opposition du haut clergé et d’une partie de la presse. 11 en avait été de même pour la loi sur l'état-civlL A partir du 1·< octobre 1895,les naissances, les mariages et les décès furent enregistrés par des fonctionnaires de l’État, sur les registres spéciaux de l’état-clvil. Jusqu'alors, ce service avait été assuré par les repré­ sentants des différents cultes. La même année, la religion Israélite était admise parmi les confessions « reconnues » par l’État. Jusqu'au moment où fut pro­ mulgué l'article xlîii de la loi de 1895, chacun devait appartenir à une religion « reconnue > ou < acceptée » ; désonnais, on put n’appartenir à aucune religion. La religion des enfants est assurée par les lois de 1868 et de 1894, et les parents doivent les faire élever dans la religion ù laquelle eux-mêmes appartiennent» S'ils n'en ont pas, leurs enfants doivent être instruits dans une religion « reconnue ». Les lois matrimoniales ont eu pour conséquence l'augmentation du nombre des mariages mixtes; il est monté de 7,25 p. 100 à 10,25 p. 100. Quelques années plus tard, une loi sur les élections législatives fut votée; le clergé considéra les paragraphes dits do la « chaire » comme une res­ triction de ses droits oratoires. IL Organisation de l’Église catholique et SITUATION ÎNTl LLECTUELLE DLS CATHOLIQUES. ---- 1° Statistique, — La superficie de la Hongrie est de 325 411 kilomètres carrée. Ιλ population du royaume est de 20 886 487 habitants, sc répartissent, quant è la religion, ainsi qu’il uit : Catholiquesromains..·,·............ 10 888 133 — grecs........ ............... 2 025 508 Grec* orientaux................... 2 087 163 Calvinistes................. 2 621 329 Luthérien'. ............................. 1 310 213 bméUtes....................................... 932 4 >8 Unitaires............. . ..... .. 74 290 Divers........................................... 17 152 53 54 HONGRIE Proportion des différentes religions, par rapport à la population totale : en 1809 en 1910 Catholiques romains.····· — grecs............. Grecs orientaux................. Calvinistes......................... Luthériens.......................... Israélite·............................ Unitaire*............................ Divers................................. 48.7 104 16.7 13.1 7,2 3.6 0,1 — % 52,1 % % 9.7 % % 14.3 % % 12,6 % % 6,4 % % 4.5 % % 0.3 % % 0,1 % 2° Organisation du clergé. — Conformément à la constitution magyare, le roi de Hongrie doit appar­ tenir à la religion catholique romaine; il est sacré par l'archevêque d'Esztcrgom, primat de Hongrie; la reine doit être couronnée par .'évêque de Vcszprém. L'organisation ecclésiastique du pays est basée. en partie, sur les droits religieux du roi; l'archevêque d'Esztcrgom est le gains nains du saint-siège, il est de droit membre de la Chambre Haute; de plus, il jouit du droit de préséance sur tous les dignitaires. I-c re­ présentant du saint-siège est accrédité pour l'Autriche et pour la l longric, avec résidence à Vienne. La ville d’Esztcrgom. choisie par saint Étienne pour être la métropole du royaume qu’il fondait, est restée la capitale religieuse de la Hongrie; c’est là que résident le primat et le chapitre, composé de 24 chanoines, dirigeant chacun un département de Γadministration ecclésiastique· Le roi est «protecteur · de l'Église de Hongrie, il peut fonder des archevêchés des évêchés, des abbayes, il nomme les évêques auxiliaires, les chanoines honoraires et prébendés, il jouit du droit de dévolution. Le primat est chef de ΓÉglise magyare, il peut convoquer le synode national et le préside, il a le droit de visite sur tous les évêchés, les couvents» les abbayes etc., excepté l’abbaye des bénédictins de Pannonhalma, dont l'abbé mit ré occupe une place spéciale dans la hiérarchie épiscopale; il traite direc­ tement avec Borne. Les archevêchés et les évêchés possèdent chacun un chapitre; chaque chapitre possède des droits déterminés et, comme institution privilégiée, jouit l’autonomie et de la libre dispo­ sition de scs biens. Les cures sont soumises au droit de patronage, droit qui peut être exercé soit par un magnat, soit par le fonds de religion, soit par le chapitre ou par la ville. Les aumôniers militaires sont placés hors des cadres du clergé séculier; ils ont à leur tête un « vi­ caire apostolique du camp >. qui n le titre d'évêque, mais n'en exerce les droits qu’à l’armée· Les aumô­ niers sont nommés par le ministre de la guerre. L'Église de Hongrie possède le fonds de religion, créé par Ferdinand 111, en 1G47, et le fonds d'ensei­ gnement, formé des biens confisqués aux jésuites. Ces deux fonds sont consacrés, le premier, aux besoins des églises, le second, ù l’instruction publique; ils sont administrés par l'assemblée des évêques et par une commission nommée par le ministre des cultes et de l'instruction publique. Les ressources des évêchés sont fournies par les biens immobiliers, provenant de dons royaux, de donations, héritages; les chapitres possèdent également des biens immobiliers, des capi­ taux, auxquels s'ajoutent des fondations de messes, le casuel, etc. Le traitement des prêtres est fixé à 1 ooo couronnes, cc qui représente la congrua. Depuis de longues années, le clergé revendique Y autonomie, qui 1m assurerait la libre disposition de scs biens; en 1870, eut lieu une première réunion qui eût dû l'organiser, mais le ministre ne soumit pas scs travaux au roi. Sur les instances réitérées des catholiques, une assemblée fut convoquée, en 1897, qui rechercha les bases d'un nouveau projet. En 1901, on constata que ce projet n'était pas satisfaisant; une nouvelle commission fut nommée, le gouvernement promit de s'en occuper;la question de l'autonomie n'est pas encore résolue. On comptait, en Hongrie, à la fin do 1903 : 6 633 prêtres, 2 200 religieux et 5 112 religieuses. L'Église de I longric est divisée ainsi qu'il suit : Pa­ roles Curés, religieux. chape­ lains. etc. Or­ dres reli­ gieux Archevêché (TEstler^m............ Évêché de Brsztrrcreliânya... — Gyôr........................ — Nyitrn.................... — Pécs........................ — Székcsfchérvur........ — Szombathcly.......... — Vâcz....................... — Vcszprém................ 478 111 239 148 165 93 186 133 226 1512 193 507 265 359 193 348 362 495 27 3 15 4 8 8 11 / 12 Archevêché d'Eger.................... Évêché de Kusjui...................... — Rozsnjô.................. — Sxntmâr................. — Szepcs .................... 200 197 99 94 161 416 369 198 226 2SS i 11 5 6 5 Archevêché de Kalrc^a............... Évêché do Csanâd.................... — Gyulafchérvûr........ — Nagyvârod............ 122 235 223 72 369 469 563 207 7 8 8 9 Archiabbajc de Pannonhalma. 15 247 4 Archevêché dr Zàgrâb................ Évêché de Dinkovâr............... — Zcng-Modrus........... 348 93 13t 677 215 295 8 6 3 Dépendant dr 1 év. de Pécs....... — — Zâgrûb .. 13 22 20 35 1 3 Les liens Immobiliers ecclésiastiques appartenant aux différentes confessions couvrent une superficie de 1 3G3 253 hectares, dont l'Église catholique romaine possède 087 0/9 hectares, soit 72,40 p. 100, sc répartissant ainsi : Λ l’épiscopat............................. aux chapitres........................... mix abbaye»............................. nux couvents.......................... nux communautés................... nux presbytères....................... aux école*................................. 402 280 80 78 50 72 23 587 hectares 031 — 258 470 212 317 204 L'Église grccque-unic possède 167 811 hectares, soit 12,64 p. 100, sc répartissant ainsi : ù l’épiscopnt............................... nux chapitres............................. aux communautés..................... nux prêtres................................. nux écoles................................... 85 5 47 19 10 723 hectares 108 — 78-1 — 147 — 049 — L'Église grecque orientale possède 60 032 hectares se répartissant ainsi : à l'épiscopat............................... 7 507 hectares 20 351 aux prêtres................................. aux communautés..................... 27 038 — 5 133 — nux écoles................................... Les revenus de l’Église de Hongrie sont approxi­ mativement de (la couronne valant 1 fr· 05) : Archevêché d*Exdergom................... Évêché de Ik-szlcrczcbânyn............ — Gyôr.............................. — Nyitrn............................. — Pécs................................ — Szêkcsfchérvâr............... — Szomballiclv ......... — Vâcz .............................. — Veszprém.................. .. 1 000 70 150 000 300 60 70 500 400 000 couronne· 000 ooo 000 000 000 ono 000 000 » 1— ■ M ■ — ■— «a» HONGRIE 55 Archevêché d'Egée „......... Évêché de Kassa............................. — — SzntmAr......................... Sxepes............................ Archevêché de Katocsa.............. Évêché de CsanAd......................... — Gyulafehérvar............... — NagyvArad ................... 600 100 80 160 100 000 couronnes •■ 000 000 000 ■ 000 800 400 360 800 000 000 000 000 — ■■ Abbaye de Pannonhalnui (ne donne pas le chiffre de scs revenus). 050 000 couronnes 550 000 — 450 000 — Archevêché de Zàgrab..................... Évêché de Dtakovftr ................. — Zeng-Modrus................. 3° Église grccquc-unie. — L’Église grecque existait en Hongrie avant que l’Églisc romaine y fût connue, mais elle avait peu de fidèles. Au xvn· siècle, les Serbes se réunirent à l’Églisc romaine par l'intcnné* diairc du moine Vratanja, que le pape Paul V nomma premier évêque des catholiques orientaux serbes. Marie-Thérèse fonda l'évêché catholique-grec de KÔrûs. Les Busses et les Buthènes, établis au pied des Carpathes, se rapprochèrent, en 1649, de l’Églisc ro­ maine, en posant certaines conditions..En 1816, fut fondé pour eux l’évêché catholique-grec d'Eperjes, que Pic VII sanctionna en 1818. En Transylvanie, les Vainques, restés fidèles à la liturgie slave, se soumirent à Borne, en 1697, au synode de Gyulafchérvâr. Charles III fonda l’évêché de Fogaros, que Borne sanctionna en 1721. Ce fut en 1853 que Pic IX créa les évêchés grecs-unis de SzâmosUJvâr et de Lugos et en fit, avec l'évêché grec-uni de Nagy-Vérad, qu’avait fondé Marie-Thérèse, les sufTragants de l'archevêché de Gyulafchérvâr. Pa­ roisses Or­ Prêtres, dres reli-. chape­ lains, etc. gicux Archevêché d'hAztcrgoni......... Évêché d'Eperjes..................... —» MunkAcs................... 189 387 240 482 1 1 Archevêché de Ggidafthérvür . Évêché de Lugos...................... — Nagy-VArnd............ — Szâinos-l'jvAr......... 702 163 166 490 686 174 198 512 1 ■ — ■1 " Évêché de ICérôs....................... 24 35 WM • · 11 y a 4 écoles de théologie; & Eperjes et à Ungvar, les cours sont faits en hongrois; à Balàzsfalva et à Szâinos-Ujvâr, en roumain. 1° Église grccquc-oricntalc. — Cette Église possé­ dait une organisation sacerdotale avant sa < récep­ tion » par l'État. En 1507 et en 1538, des Serbes se fixèrent en Hongrie. Plus tard, l’invasion ottomane chassant les Serbes de leur pays, 38 000 familles allè­ rent s'établir en Hongrie, où le libre exercice de leur culte leur fut assuré; ils furent autorisés à conserver leur calendrier, à choisir leur patriarche, qui sacre les évêques, à convoquer un synode, etc. Ces privi­ lèges furent confirmés; Marie-Thérèse organisa la Députation illyricnne de la cour, qui publia le Regulamentum constitutionis nationis Illyriae. En 1792, une loi accorda aux archevêques cl aux évêques grcc^-oricntaux le droit de siéger à la Chambre 1 faute. Des lots spéciales, promulguées en 1818 et en 1868. règlent les rapports de l’Églisc orientale avec les Églises reconnues. L’Église grccquc-oricntalc comprend : l’archevêché, du rite serbe, de Karlôcza, avec les évêchés de Bées, Buda, Ternes vâr et Vcrsccz; l’archevêché, du rite roumain, de Nagy-Szeben, avec les évêchés d’Arad et 56 Karanscbcs, de Karolyvâros et Pakraez, Ces diffé­ rents diocèses comprennent 3 123 paroisses et sucsursalcs, 8 ordres avec 154 religieux et environ 3 080 popes, chapelains, etc. Les grecs-orientaux comprennent des Serbes et des Roumains ; les premiers ont une école de théologie à Karlôcza ; les seconds, à Nagy-Szeben. 5° Protestantisme.— On peut diviser l’histoire du protestantisme, en Hongrie, en quatre périodes. La première part de l’introduction même des doctrines de Luther et s'étend jusqu'il la paix de Vienne, 1517 à 1606. Après le désastre de Mohôcs, la Hongrie fut ouverte à une double invasion; Mahomet et Luther se disputèrent le sol et les esprits, couvrant le pays de ruines et jetant le trouble dans les consciences. Après un siècle et demi de luttes, les Turcs furent chassés de la Hongrie; il ne put en être de même des doctrines germaniques, elles s'insinuèrent, se déve­ loppèrent en profitant des difficultés qui accablaient le pays et, quand elles curent triomphé, leurs adeptes usèrent sans ménagements de leur situât ion. La seconde période s'étend jusqu'il la paix de Szatmôr, 1606 à 1711 ; les protestants luttent pour maintenir les droits qu'ils ont obtenus et pour combattre l'influence des jésuites; ils parviennent encore à se faire reconnaître des privilèges et des droits. La troisième période est close par la diète de 1791; les protestants gardent tous les droits qu'ils possédaient et conservent même dans l'enseignement une autonomie relative, malgré les lois restrictives qui frappent les catholiques. La quatrième période s'étend jusqu'à nos jours; les pro­ testants conservent toutes leurs libertés, auxquelles le principe d'égalité en ajoute d'autres; Γ Église ré­ formée gagne chaque jour eu importance et en puis­ sance, grâce aux protestants qui font partie du gou­ vernement et imposent à l'État leur politique. Trois évêques luthériens et trois évêques calvinistes font partie de la Chambre Haute. Les calvinistes ont par­ tagé leur territoire religieux en 5 districts, ayant chacun à leur tête un évêque réformé et un président séculier. Ces 5 districts comprennent 56 diocèses, avec 2 011 temples et 2 145 pasteurs ou adjoints. Les calvinistes possèdent des domaines représentant 81 280 hectares dont 51 223 appartiennent aux com­ munautés, 18 275 aux pasteurs et 11 782 aux écoles. Les luthériens ont également 5 districts, repré­ sentant 49 diocèses, avec 896 temples, desservis par 1 062 pasteurs et adjoints. Ils possèdent 40 141 hec­ tares dont 34 566 appartiennent aux pasteurs et 5 875 aux écoles. Les protestants consacrent chaque année environ 6 000 000 de couronnes aux écoles cl aux œuvres intellectuelles. Ils ont créé récemment une association de missionnaires pour répandre leurs doctrines et les développer à l’intérieur du pays. 6° Religion Israélite. — A l'époque île la domina­ tion romaine, des Israélites étaient fixés en Pannonie, ils vécurent en bons termes avec les Magyars, qui vinrent s'y établir au x· siècle. Le roi KAhnAn prit des mesures pour les protéger contre les croisés, qui, en traversant le pays pour aller en Terre Sainte, les massacraient. Ils avaient le droit de posséder et fai­ saient du commerce, plus particulièrement avec la Germanie; Ils pratiquaient surtout les prêts d'argent, qui furent alors soumis à des règles déterminées. Pendant le règne d'André II, leur influence et aussi leur puissance avaient grandi, mais le roi, par un article de la bulle d'or. interdit « aux juifs et aux ismaélites » les hauts emplois dans les finances du royaume. De cette époque date l’obligation de porter des signes apparents les distinguant des chrétiens; ils durent habiter des quartiers spéciaux, mais curent un juge particulier, fade* fudicorum. Pour repeupler le pays, dévasté par l'invasion mongole, Béla IV 57 HONGRIE leur accorda des privilèges et, sous son règne, on volt encore un comtc-caméricr Israélite. Louis le Grand voulut les bannir, mais il fut obligé de les rappeler dans le pays. Le roi Mâtyâs créa la préfecture juive, dont le titulaire représentait les Israélites, soumettait leurs plaintes aux autorités, etc. Pendant l'occupa­ tion turque, ils vécurent en bons t ci mes avec les envahisseurs, faisant avec eux du commerce, surtout des prêts d'argent. En Transylvanie, ils jouissaient d'assez nombreux privilèges.. Après quo les Turcs curent été chassés de la Hongrie, le sort des Israélites devint plus dur: le cardinal Kollonlcs leur imposa de nombreuses restrictions. Marie-Thérèse les frappa d’un nouvel impôt, la taxe de tolérance, qui subsista jusqu’en 1818. La diète de 1790-1791 confirma les droits accordes par Joseph II, celle de 1839-18-10 voulut s'occuper de la réception de la religion Israélite, mais elle échoua. Néanmoins, un mouvement de magyarisation so produisit, auquel la gucirc pour l’indépendance» en 1848, donna une vive impulsion. L'a émancipation a des juifs fut accordée en 1867 seulement; la < réception ■ de leur religion fut deman­ dée au Parlement en 1894; deux fois, la Chambre Haute la refusa; elle l’accepta enfin en 1895; le roi la sanctionna. 7° Enseignement. — Dès que saint Étienne eut fondé son royaume, il y organisa renseignement, qui fut confié ù l’Églisc; l’histoire de l'école magyare commence donc avec l’établissement du christianisme en Hongrie; la première école fut celle que les béné­ dictins adjoignirent à leur monastère de Pannonhalma. Le roi saint Étienne avait repoussé l'influence allemande pour l'organisation de son royaume. Il fit de même pour l'enseignement, qu’il confia aux moines du Mont-Cassin, et qui subit vraisemblablement l’influence de la France, puisque le premier roi de Hongrie fut en rapport avec le supérieur de Cluny, et que l'évêque de Chartres fut egalement en rapport avec le chef du diocèse de Pécs, qui lui avait demandé des manuscrits. Des moines français se rendirent en Hongrie; saint Ladislas fonda, en 1091, le monastère de Saint-Gilles, ù Somogyvhr, qu’il plaça c pour des temps éternels □ sou sla juridiction de l’abbaye de Saint Gilles, près Nîmes. Un abbé de Saint-Gilles, Odilon, se rendit en Hongrie avec quelques moines; il eut plusieurs entretiens avec le roi Ladislas, qui lui promit que l’abbé et les novices du monastère qu’il venait de créer seraient toujours des Français; cette pro­ messe fut tenue tant qu'exista ce couvent, qui dis­ parut pendant l’occupation turque. L'Influence de la Franco fut continuée par les cisterciens, qui se fixèrent en Hongrie sous Gclza H; son successeur, Bêla III, leur marqua un plus grand empressement encore et leur accorda do nombreux privilèges, dont l'abbé de Citeaux alla lui-même le remercier en Hon­ grie. C’est alors que fut fondé le monastère de Pilis pour les cisterciens du diocèse de Besançon. Le roi André II demanda à l’abbaye de Clairvaux de lui envoyer des religieux. Souvent des religieux se ren­ daient en France pour y suivre les cours de l’univer­ sité de Paris; quelques prêtres, qui devinrent évêques, avaient fait des études en France. Ce fut au xn· siècle que les prémontrés allèrent se fixer en Hongrie. L'université que Béla III fonda à Veszpréin fut orga­ nisée sur le modèle do celle de Paris; Louis le Grand fonda une université à Pécs, Urbain V la reconnut par une bulle, datée d’Avignon. En vue de développer plus rapidement le christianisme, l'enseignement avait été donné, au début, en hongrois, mais bientôt, la langue nationale fit place au lutin, suivant en cela l'usage admis, au xiv® siècle, dans les centres univer­ sitaires où la communauté de langue attirait les étudiants. Après le désastre de Mohâcs, qui eut pour 53 conséquence l'occupation turque, renseignement subit un temps d'arrêt, et la vie intellectuelle en fut grandement troublée; ces perturbations furent utili­ sées par la Réforme, qui se développa sans ren­ contrer l'opposition contre laquelle elle se fût heurtée en temps normal. Les catholiques parvinrent à réagir, ils rouvrirent des écoles, et le primat appela les jé­ suites. Ce fut la période des dissensions religieuses; mais ce fut aussi l’époque où l'État comprit mieux la responsabilité lui Incombant au sujet de la culture intellectuelle du peuple; les premières dispositions législatives datent du xvi· siècle au χντπ· siècle; les droits de la couronne, dans l'administration du fonds de religion et la création des écoles, furent fixés; ils tendaient ù limiter et à controlcrl'cnseigncment confes­ sionnel ou libre. Le reserit de Marie-Thérèse» Ratio educationis, marque l'emprise de l’État sur l'ensei­ gnement, qu'on veut adapter aux exigences du gou­ vernement. Les règlements édictés partaient de l’école primaire pour arriver aux universités, en passant parl'cnsclgncment secondaire. Ces règlements devaient s'appliquer aux protestants aussi, mais ils invoquè­ rent leur autonomie et refusèrent d’admettre un res­ erit n’émanant pas du pou voir législatif. Marie-Thérèse transféra à Buda l'université de Nagy-Szombat, fondée par le· cardinal Pâzmâny, elle y adjoignit une faculté de médecine, puis créa l'Académie des mines. Joseph II voulait faire de 1 État le maître absolu de tout renseignement ; de plus, il rendit la langue alle­ mande obligatoire dans toutes les écoles de la Hongrie, mais cette décision rencontra dans tout le pays une invincible opposition, qui donna à la vie intellectuelle une nouvelle direction : elle devint nationale, et quoique le latin restât encore la langue du haut enseignement, la littérature hongroise prit un certain essor. Un demi-siècle s’écoula encore avant d'arriver nu moment où, en 1841, le hongrois devint obliga­ toire pour renseignement secondaire. Le Parlement de 18-18 avait élaboré des lois libérales, qui ne purent être votées ù cause des événements qui se déroulèrent. Le gouvernement, absolutiste de l'Autriche appliqua de nombreuses mesures restrictives à la Hongrie, mais elles ne purent triompher de la résistance du peuple, soutenu par une littérature nationaliste fort développée. Après le Compromis, l'oppression cessa et. en 1868, une loi rendait l'instruction primaire obliga­ toire pour tous les enfants ; une autre loi reconnais­ sait l’égalité des nationalités et des confessions, en matière d’enseignement. Une loi fixant la limite du droit de surveillance de l'État sur les écoles confes­ sionnelles fut votée en 1883; elle admit ces écoles à recevoir des subventions de l’État. En prenant l’enseignement à sa base même, on constate quo la première école maternelle fut fondée en 1828; en 1903, on comptait 2768 écoles, asiles permanents, asiles d’été, pour 249331 enfants, en ûgc do fréquenter les écoles maternelles. L'enseigne­ ment primaire est obligatoire pour tous les enfants de six à douze ans; la création des écoles incombe aux communes; la présence de trente enfants, soumis à l'obligation scolaire, suffit pour rendre nécessaire i la création d'une école. En 1848, la législation voulait que l'entretien des écoles confessionnelles incombât à l'État, mais il fallut tenir compte des droits histo­ riques, et l’État créa l’école publique. Les Églises peuvent prélever un impôt pour l'entretien de leurs écoles primaires. L’État impose aux diflérentes écoles des conditions qui assurent l’uniformité de renseigne­ ment. L'instruction religieuse est réservée aux difiérentes confessions. En 1903, la Hongrie comptait 18 783 écoles pri­ maires, dont le personnel enseignant était de 32 762 personnes pour 2 495 319 élèves. HONGRIE 59 Les établissements mentionnés se répartissent ainsi : Étit-......................................... Communes........... ..................... Cathotiques romains.................. — grecs..................... Grccs-orirntnux........................... Calvinistes................................. Luthériens................................. Israélites.................................... Unitaires..................................... Associations................................ Écoles privées............................. 1 071 3 026 5 523 2 071 1 817 2 083 1 103 502 38 91 258 D'après la religion, les élèves se répartissent ainsi : Catholiques romains.......... — grecs................. Grecs-orientaux:................. Calvinistes......................... Luthériens.......................... Israélites............................ Unitaires............................. Divers.................................. 1 308 219 259 367 201 127 10 582 1 il 679 973 501 215 706 522 La loi de 1883 a réorganisé renseignement secon­ daire. Autrefois, l'enseignement se donnait en latin ou en allemand; la loi de 1868 imposa le hongrois, mais en laissant les établissements confessionnels libres de Oxer la Langue de renseignement; en 1883, le hongrois devint obligatoire; l'État ne peut imposer ses programmes qu’à certains établissements ct à ceux qui sont entretenus par le fonds d’enseignement. Le droit de l’État sur cotte catégorie d’établissements est absolu, sauf qu’il no peut y nommer que des pro­ fesseurs catholiques. Un second groupe est formé d'établissements subventionnés par les villes, les communes, les associations ct aussi par les évêques et les ordres religieux. Les établissements apparte­ nant aux communautés religieuses sont absolument libres, quant aux questions pédagogiques; l'État n’a qu’un droit de surveillance. L'instruction reli­ gieuse est obligatoire dans tous les établissements de renseignement secondaire; jusqu'à l'ûgo de dix-huit ans, les élèves doivent être instruits dans la religion choisie par leurs parents. L'enseignement secondaire des jeunes filles est organisé. En 1903, on comptait, en Hongrie, 243 établisse­ ments d’enseignement secondaire, avec 4 801 pro­ fesseurs pour 61 500 élèves. Les élèves se répartissent suivant la religion : Proportion­ nellement 4330 % Catholiques romains................. 26 G28 — grecs.......................... 2648 431 Grvcs-orimtuux........................... 2996 437 Calvinistes.................................. 8777 14.27 Luthériens.............................. 5 907.......... 9.60 Israélites.................................. 14 079..........2239 Unitaires................................... 465.......... 0.76 % % % co % % La législation de 1848 proclama la liberté de l'en­ seignement ct plaça l’université sous l’autorité du ministre des cultes ct de l'instruction publique; pendant la période absolutiste, on restreignit consi­ dérablement les libertés accordées. Avec le réta­ blissement de la constitution, en 1867, une ère nou­ velle s'ouvrit pour le haut enseignement. La Hongrie possède deux universités, une école polytechnique, des académies royales de droit, une école des mines, une école d’agriculture, etc., etc. Presque tous les diocèses possèdent un grand séminaire; notamment les archevêchés d'Esztcrgom, d’Eger, de Kalocsa, les évêchés de Bcsztcrczebânyn, de Csanêd, de Gyôr, de Kassa, de Nagy-Vàrad, de Nyltra, de Pécs, de Rozsnyô, de Szatmàr, de Szepes, de Székcsfchérvàr, de Szombathely, de VAez, de Veszprém ct de Transyl­ vanie. Il n'existe pas de petits séminaires; quelques GO ordres religieux ont des écoles de théologie : les béné­ dictins, à Pannonhahoa; les cisterciens ct les plaristes, à Budapest ct à KolozsvAr; les prémontrés, à JàszovAr ; les franciscains, A Szeged, à Galgocz, à Kees' kemét, ù iTcsbourg, à Baja, à Vajda-Hunyad, à Malaczka ; les capucins, à Presbourg. Pour l’ensei­ gnement religieux supérieur, il existe, à Vienne, le Pazmaneum, fondé par le cardinal P'izm/mv, rece­ vant 60 élèves hongrois, qui y complètent leurs éludes théologiques; V Augustincum, qui reçoit 35 ù 40 prê­ tres, de toute la monarchie, préparant leur doctorat en théologie. De plus, il y n à Rome le collegium Germanico-Hungaricum, fondé par Jules 111. en 1552. ’ En 1579, les revenus de la fondation faite par saint 1 Étienne pour les pèlerins hongrois y furent adjoints ct l'on organisa une section spéciale pour 12 prêtres de nationalité hongroise. 8θ Littérature. — Le mouvement littéraire catho­ lique a été assez important, au cours du xix· siècle, d'autant plus qu'il ne prit son essor qu’après lo réveil national, suscité par le grand patriote Étienne Szcchényi, fondateur de Γ Académie hongroise (1825). Ce mouvement fut bientôt enrayé par la guerre pour l’indépendance, car le régime absolutiste qui suivit no fut pas favorable au développement de la littéra­ ture. Depuis lors, les écrivains se sont dédommagés, de même les savants, et la Hongrie occupe, au point de vue littéraire cl scientifique, un rang fort hono­ rable Parmi les écrivains qui se sont occupés plus spécialement de la religion catholique, on peut citer, I dans les sciences bibliques : la traduction de la Bible par l'évêque de Pécs, J. Szepessy, cl plus tard, celle du chanoine B. Tàrkihiyi (d'après la traduction du jésuite Kàkly), qu'approuva le saint-siège; parmi les travaux herméneutiques : ceux de l'évêque de Vesz­ prém, J. Ranolder, du bénédictin S. MArkfi, du Dr E. Szekely, etc. Parmi les ouvrages d'apologétique, il faut mentionner ceux de l'évêque O. Prohaszka, Terre et ciel. Sur le péché et la pénitence. Pensées, etc.; de J. Dudek, Apologie du christianisme, 1'Autonomie catholique. Parmi les hagiographes, le Dr E. Piszter, Vie de saint Bernard. Dans la littérature ascétique, la première place était occupée par le doyen J. NogAll, qui traduisit V Imitation; viennent ensuite les jésuites M. Toth, R. Rosty, le chanoine A. Ruschek, le pré­ dicateur F. Szanislô, etc. Parmi les auteurs de livres de prières, on peut citer : Sujanszky ct IL TârkényL L'histoire est représentée par G. Fraknôl, /{apports du saint-siège avec la Hongrie. Pierre Pazmâny, Époque de Hunyady cl des Jagellons; J. de Forster, Béla lit; Rubles, Histoire ct beaux-arts; Knauz, Histoire de CÉglise ; R. Bckéfi, Histoire des abbayes cisterciennes; J. Karficsonyl, Les nationalités magyares, Les chartes; Rajner, Histoire des investitures; N. Szechényf, Histoire de l'abbaye de Jàük; A. Aldàsy, Les anabaptistes en Hongrie, XVPctXVll· siècles; M. Toi h, Les ordres religieux en Hongrie; Λ. Pôr, Les An/ous; V. Bunyitay, L'éoéché de Hagy-Vdrad, etc. Les béné­ dictins ont publié des travaux relatifs à leur ordre: T. Fussy, Histoire de l'abbaye de Zahwâr; V. Réesey, Bccherchcs archéologiques ; S. Pongràcz, Histoire de t’archiabbaye de Pannonhalma; J. Zoltvàny, Grégoire i Czuczàr, etc. Pnnnl les autres écrivains, on peut encore citer : J. Vàrosy, Histoire de l'enseignement en Hon­ grie; A. MiàlhyH, Les universités. Les séminaires et leur esprit; A. Giessweln, Questions sociales; C. DlvAld, Archéologie, Beaux-arts; Flschec-Colbrie, Avenir di. catholicisme; Margnhts, J. KAposl, etc. D’autres auteurs se sont occupés de ΓÉglise, au point de vue juridique : KollAnyl, Les droits de l'éoéque dr Veszprém pour le couronnement; Zx? droit de (ester du haut clergé; F. Hanuy, Les mariages mixtes, etc. Le cardinal Haymdd, latiniste remarquable, s'occupa do selcrux» Cl HONGRIE — HONNETETE PUBLIQUE rat urciles ; le cardinal Schlnuch s'occupa, lui, de philo- f sopliio ct de droit· Le cardinal Vaszary est un histo­ rien apprécié; le cardinal Samassa publie scs travaux en latin. On publie, en 1 longric, un assez grand nombre de traductions d’ouvrages français ct allemands) parmi les principales œuvres traduites, on peut citer celles de Bossuet, de Bougaud, de X. Weninger, du P. Weiss» de l’abbé de Broglie, de Dupanloup, de G. Goyau» d’Émllo Horn, d’Henri Joly, etc· 11 y a quelques sociétés littéraires catholiques : la Société hongroise, créée par le grand séminaire; son but est d’aider ses membres à compléter leurs études uni­ versitaires ct à traduire en hongrois des œuvres fran­ çaises, anglaises, allemandes, etc. La Société de SaintÉtienne est la plus importante; par scs publications religieuses ct patriotiques, elle entretient l’esprit na­ tional. En 1887, elle créa une section scientifique ct littéraire, qui publie des ouvrages historiques; elle recrute scs membres par élection; les principaux auteurs en font partie, La Société de Saint-Étienne public u ne revue, la Jlevue catholique; cilesubvcntionnc une société, le Stephaneum, qui publie 4 journaux quotidiens, 11 journaux hebdomadaires, 5 bi-hebdomadaircs» 11 annales» bulletins mensuels; elle édite de nombreuses brochures de propagande. La Société de Saint-Thonias-d'Aquin publie la Revue philoso­ phique. La Société Pàimàiiy s'occupe de la propa­ gation des idées religieuses par la littérature. Elle a créé une section pour la défense des intérêts des ecclésiastiques. Il y a de nombreux cercles catho­ liques pour les jeunes gens, les ouvriers» etc. Les œuvres de bienfaisance ct les associations de piété sont assez nombreuses ct répondent à une grande partie des besoins. Cet article donne un aperçu de la situation de la Hongrie avant la guerre de 191 i. Nous renvoyons les lecteurs A l’article Mauyaiui; (ancienne appellation de la Hongrie), qui donnera, si les circonstances le permettent à ce moment, un exposé des modifications qui se sont produites. Acs&dy, MaguarnnzâgtÜrténclc ; Balles, A ruinai kalhoItkus cgyhâz torténete Magyarorszàgban; Bckéll, A Ctsterclek tôrténele; Fraknôl, Magyarorszâg égyhàzt és politikal ôsssekûlleUstl a romal szenbzékkcl; Pazmâny Peter; llorvâth, A Kcrcszténysêg ebo szAzada Magyarorszâgon ; Knràcsonyl, Szenl IstvAn ktràly oklct^elet es a SdlvexderHuila; Knauz» Magyar cgyhâz torténdem; Marcuill» ManaThatzla; Pôr» Kagy Ixijos; Az Anjouk kora; Paulcr» A magyar nenizrt tûrténctc ; Szilûgyi, A magyar nemzel tÔrlénele ; Bcrcczky, A magyar protestais egyhàz tôrfénde; Finàczy, A mayyarorszAgl kôzktatâs tôrlénele; Jckelfnlusiy, A magyar àllam ; MagyarorszAg kôzoktatAsilgye az 1903 évbcn ; É, Horn, Suint Lttrnnc, rot apostolique de Hongrie; Le christianisme en Hongrie. É. Horn, HONNÊTETÉ PUBLIQUE. — I. Le sens et le motif de l’empêchement. H. Histoire. III. Le droit formé. L Le motif de l'empêchement kt sa signification. — On donne ce nom A un empêchement dirimant de mariage qui rentre dans ce que l'on peut nommer la catégorie des parentés légales. Gasparri, De matrimonio (1904), n. 798, définit ainsi d'après saint Thomas la justitia publica: honestatis ; Propinquitas er sponsa­ libus (seu de futuro, seu de præsenti) proveniens, robur trahens ab Ecclesiie institutione propter ejus honestatem : une alliance provenant soit des fiançailles, soit du mariage, créée par l'Églisc, qui lui donne sa force juri­ dique pour des motifs d'honnêteté publique. Void en quoi consiste ce motif d’honnêteté publique. Les sponsalia soit de futuro (fiançailles), soit, à plus forte raison, Je præsenti (mariage), supposaient préa­ lablement chez les époux ct ont confirmé entre eux un rapprochement des Ames ct des volontés qui en fait 62 déjà par quelque côté cor unum et anima una, un rap­ prochement qui fait, par le cœur et l'Arnc, entrer l’un ct l’autre dans la famille de son conjoint ou futur con­ joint; ou plutôt, l’époux, même simplement de juturo, est déjà entré dans la famille de son épouse, ct récipro­ quement, par l'Amc ct par le cœur; par ce qu'il y a de plus élevé ct de plus délicat «tins son être, chacun est devenu le parent des parents de son sponsus. Ixs motifs de haute convenance morale qui interdisent le mariage entre parents doivent donc interdire aussi, bien qu’avec moins de rigueur, le mariage entre l'un des sponsi et les parents de l'autre. Telles sont les rai­ sons fondamentales qui ont inspiré la création de cet empêchement. Mais parce que cette propinquitas est uniquement spirituelle, elle ne s'impose pas encore de soi aussi fortement que la propinquitas provenant des relations chamelles. Vis-à-vis de celle-ci, c'est-à-dire de l'aillnlté, elle n'est qu'une sorte d’empêchement préparatoire ct provisoire qui, selon une opinion soli­ dement fondée, cédera la place à l'empêchement d’afllnité quand les deux époux seront devenus unum corpus et una caro. II. Histoire. — 1 ' Origines. — Précisément parce que ce rapprochement, cette propinquitas, est d’ordre purement spirituel, la création de l’empêchement sup­ pose un affinement de moralité qui n’était pas le lot des civilisations ct des législations anciennes, ct parce que l’empêchement n'est qu’un provisoire destiné à se transformer en affinité quand se réaliseront les rela­ tions conjugales, on n’a pas cru, pendant longtemps» à la nécessité de le créer. Cette création n'a eu lieu que lorsque s’est présenté un certain état de relations socia­ les et juridiques entre époux; il a dépendu d’un certain état social d'en rendre nécessaire l’établissement. Le droit romain. — L'empêchement d’honnêteté publique est inconnu des législations étrangères au christianisme. Il est inconnu au droit romain ancien, qui n’imposait pas de prohibitions matrimoniales entre alliés même en ligne directe. Mais quand le droit des derniers temps de la république ct celui de 1 empire créent l’empêchement d’afllnité en ligne directe, Digeste, 1. XXIII, tlL il, lex 11, §4; Cod. (Dioclétien ct Maximien), l.V,tit. rv, De nuptiis,\ck 17,1c motif invo­ qué» c’est, dit Modestin : quod affinitatis causa parentum tiberorumque loco habentur, Dig., I. XXXVIH, tit. x, lex 4, § 7, c’est done 1c motif que l’on invoquera pour celui d’honnêteté publique, ct, le droit romain faisant résulter l’aillnlté, non des relations sexuelles, comme le droit canonique actuel, mais de l’état de mariage qui est créé par un acte surtout consensuel, les lois du Digeste ct du Code qui instituaient l’empêchement d’afllnité instituaient aussi par là même ct sous ce nom d’afllnité un empêchement d’honnêteté publique. De même en fut-il pour l’empêchement d’afllnité en ligne collatérale, entre bcau-frère ct belle-sœur, quand, sous la pression des papes, les empereurs chrétiens, ConsUmcect ses successeurs, l’eurent ajouté au précédent. Toutefois, ce n’étalt là qu’une conclusion de principe que les juristes pouvaient déduire, ce n’était pas une conclusion de pratique. En pratique» on ne tenait pas compte de l’empêchement quand le mariage d’où résul­ tait l’empêchement d’afllnité n’avait pas été confirmé par les relations sexuelles. La preuve, nous l’avons en particulier dans un texte bien intéressant du Code, dû à l’empereur Zénon (474-491), cl qu'il convient de citer en dépit de sa longueur: Licet quidam Æguptiorum idcirco mortuorum fratrum sibi conjuges matrimonio copulaverint, quod post illorum mortem mansisse virgines dicebantur, arbitrati scilicet (quod certis legum condi­ toribus placuit) cum corpore non convenerint, nuptias non videri (re) esse contractas; et hujusmodi connubia tunc temporis celebrata firmata sunt, tamen præsenti lege sancimus, si quic hujusmodi contradic fuerint, eas 63 HONNETETE PUBLIQUE earumque contractores, et ex his progenitos, antiquarum legum tenori subjacere, nec ad exemplum Ægyptiorum (de quibus supra dictum est) eas videri fuisse firmas, vel esse firmandas. Cod., 1. V, tiL v, lex 8. Ce texte prouve bien ce qu’était en pratique la prohibition avant que Zénon ne la confirmât· Ces prohibitions, qui entrèrent St malaisément dans les mœurs, ne visaient donc que l’affinité en ligne directe à l'infini, et, en ligne collatérale, au premier degré seulement· Et encore, si elles visaient les rela­ tions résultant du mariage proprement légal, celui que l’on nommait les justæ nuptiœ, visaient-elles aussi celles qui résultaient de mariages d’ordre inférieur comme le concublnat? C’est douteux, au moins au point de vue légal; or, l’on sait que toute prohibition est de droit strict· 2° Le droit canonique Jusqu'à Pierre Lombard. — Ce point fixé, quand l’empêchement fut-il vraiment établi dans Γ Église? Nous pouvons déclarer tout d’abord qu’il ne le fut pas en vertu d’une loi ni d’un décret, mais qu’il fut introduit par renseignement et l’autorité des docteurs, tout en reconnaissant néan­ moins qu’il le fut en conformité avec les intentions de l’Égllsc. Nous en avons comme indice les efforts signa­ lés plus haut en ce qui concerne l’introduction légale de l'empêchement d’affinité collatérale, affinité qui com­ prenait certainement ce que l’on ne nommait pas encore l'honnêteté publhpic, puisqu’elle résultait aussi du mariage non consommé. Cependant il fallut plu­ sieurs siècles avant de faire du justitia publias hones­ tatis une prohibition autonome. La discipline ancienne nous est manifestée dans le Décret de Graticn. Or, les plus anciens textes cités par Graticn manifestent une discipline d’hésitation et de contradiction, en quoi ils s’accordent avec les docu­ ments contemporains. Dans Graticn les c. 11, 12, 14 cl 15, causa XXVII, q. n, dont le premier et les deux derniers doivent être unosortc d’abrégé du can. 41 de Tribur (895), et dont le c. 12 appartiendrait peutêtre au concile romain de 721, affirment la prohibition ! du mariage entre un époux veuf et toute la parenté de | son conjoint décédé, même si les relations conjugales n’avaient pas eu lieu entre les époux durant le mariage. Par contre, le c· 18, qui est une palea, et d’ailleurs apo­ cryphe, affirme que le mariage qui n’a pas été confirmé par les relations conjugales n’cntralne pas d’empêche­ ment avec les parents du conjoint décédé. De même, 1 linemar de Reims (f 882) n’admet encore dans cette catégorie d’autre empêchement que celui qui résulte de V unitas carnis, c’est-à-dire l’affinité proprement dite : tant qu’il n’y a pas eu la copula entre le sponsus et la sponsa, celle-ci peut épouser le frère de son sponsus. Il semblerait donc qu’à la lin du xx· siècle, l'honnêteté publique ou quasi-affinité n'était pas encore un empê­ chement certain. De fait, ni Benoit Lévite, ni le pseudoIsldore. ni Réginon n'en disent mot, au moins comme empêchement à part distinct de l’affinité; de même Burchard de Worms; de même Anselme de Lucqucs; d’ailleurs ni les uns ni les autres ne posent le problème comme nous le faisons. Yves de Chartres ne dira pas davantage le mot, mats II affirmera, en citant le concile de Tribur, que la desponsatio même non consommée crée la prohibition de mariage; il sera, de plus, l’un de ceux qui Insisteront particulièrement sur les motifs de cette prohibition, parce que,si le mariage était permis dans ces conditions, per hanc licentiam, possent multa inhonesta cl incestuosa prnoenireconjugia. Epist., ccxi.vi, A L., t, exxn, col. 138. Ce serait dans le Polycarpus, vi, t, 34, du cardinal Gregorius (vers 1115) qu'on ver­ rait apparaître pour la première fols le terme même de juddia publier honestatis. Graticn ne marque rien qui tranche sur la discipline courante; il cite en vérité foi textes que nous avons Indiqués plu·» haut, g; causa XXVII,q. n.c. Il, 12, 11, 15, mais 11 n’y volt pas autre chose que l’empêchement d’affinité, et toute la conclusion qu’il en tire, c'est que, selon ces textes, le mariage serait acquis même avant que ne soient éta­ blies les relations sexuelles : dicturn après le c. 15 : His omnibus auctoritatibus probantur isti conjuges esse. Bien plus, en dépit des textes prohibitifs, la coutume permettait ces mariages entre les patents du sponsus défunt et son ancien conjoint : c’est ce que nous déclare l’auteur d’une Summa Coloniensis (vers 1170), qui affirme: in Exiravagantibus sic legitur: licet secundam filiam ejus nuptiis copulare, cui prior dejuncta despon­ sata fuerat, et il ajoute: Novimus etiam generalem Ecclesia: consuetudinem talia tolerare, quæ doctissima legum interpres est. Et nous avons un témoin plus carac­ téristique et plus typique encore de ces hésitations dans les décrétales d’un disciple de Graticn, le pape Alexan­ dre III, dont les décisions ne paraissent pas s'accorder toujours entre elles : en effet, dans l’une, c. 2, 1. IV, lit. i, compiL 1·, il dit expressément : Non surit una caro vir et mulier, nisi cohæserint copula maritali; idcirco dejuncta sponsa intacta, ejus soror a sponso hoc non impediente libere ducitur in uxorem; dans d’autres, au contraire, qui ont été maintenues par saint Raymond de Pcnnafort pour la collect ion officielle de Grégoire IX, 1. IV, tit. π, c· 4 et 5, le mariage est Interdit entre les sponsi et les parents de leur conjoint. Mais, parallèlement à ces hésitations de pratique une doctrine se précisait qui allait préciser aussi la notion de l’empêchement et qui aboutirait à fixer le caractère de l'empêchement d'affinité et à lui donner comme préparation l'empêchement, distinct, d’hon­ nêteté publique. Voici comment on y parvint. On sait que la notion que le mariage était un contrat purement consensuel ne se révéla pas tout d'abord dans la dis­ cipline ecclésiastique aussi claire et aussi nette qu’aujourd’huL Longtemps le mariage, le mariage in fieri, comme dit la terminologie scolastique, apparut comme la synthèse d'un certain nombre d'actes qui, commen­ cés par des promesses mutuelles, des accords dotaux, des cérémonies civiles et liturgiques, se complétaient et se réalisaient dans les relations conjugales. Les mul­ tiples circonstances de la vie pratique avalent bien montré que tous ces actes n'avalent pas la même valeur et que chacun des premiers ne faisait pas le mariage. Graticn et son école crurent donner une réponse suffi­ sante en distinguant entre ce qu'ils nommaient le matrimonium initiatum, qui résultait du consentement seul, et le matrimonium ratum, qui résultait des rela­ tions conjugales : conjugium desponsatione initiatur, commixtione perficitur : unde inter sponsum et sponsam conjugium est, sed initiatum; inter copulatos est conju­ gium ratum. Didum sur le c. 34, causa XXVII, q. n. Cette théorie devait avoir des conséquences impor­ tantes dans la discipline, et c’est de là que dérive encore la pratique de la dispense du mariage non consommé, car le matrimonium initiatum n’était pas tout A fait indissoluble. Mais d’autre part cette théorie ne dis­ tinguait pas A fond dans la desponsatio les deux élé­ ments qu’y devait discerner et séparer Pierre Lom­ bard· La théorie de celui-ci est plus serrée. Elle prend l’élément essentiel du mariage dans une catégorie plus philosophique : dans le consentement; ce qui l’amène à étudier de plus près cet élément consensuel. Et aussi­ tôt il distingue entre le consentement actuel, celui par lequel deux sponsi se prennent réciproquement, hic et mine, pour mari et femme, et le consentement de juturo: le consentement de pnvscnti, voilà le mariage; le con­ sentement de futuro n'est en réalité qu’une promesse, de quelques serments qu’il soit accompagné · Sufficiens causa matrimonii est consensus, non quilibet sed per i verba expressus, nec de juturo sed de prasenti. SI enim l 65 HONNETÉTÉ PUBLIQUE 66 consentiunt in Juturum dicentes: Accipiam te in virum Unde rt affinitas contrahitur ex Ipso contractu matrimonii et ego te m uxorem, non est iste consensus efficax malri· per verba de prirsenti ante carnalem copulam : et simi­ munii. Sent., 1. IV, dlsL XXVIL liter cx sponsalibus, in quibus fit quædam padio conju­ 11 est plus aisé d'élaborer une théorie solide cl satis­ gulis societatis, contrahitur aliquid affinitati simile, faisante que de modifier une discipline vécue. L'effet scilicet publiât honestatis justitia. Sum. theol., Ill·** logique de la théorie de Pierre Lombard eût dû être Suppi., q. lv, a. 4. Il résultait de toutes les fiançailles, de ne faire résulter aucun empêchement des sponsalia sauf de celles qui étalent milles pour défaut de consen­ de Juturo, puisqu'elles ne constituaient pas le mariage, tement : si elles étaient milles pour un autre motif, elles ne supposant pas un consentement vraiment matrimo­ n en produisaient pas moins l’empêchement d’honnê­ nial. Sur ce point ce fut la théorie de Graticn, plus teté publique. Encore ne parvint-on pas à ces précisions proche des réalités pratiques, qui l'emporta. Puisque le sans de multiples tâtonnements. De même il y eut quelques tâtonnements quant à l'extension de l'empê­ matrimonium initiatum, qui pour une partie équivalait chement. Bernard de Pavic, dans les premières années aux sponsalia de futuro, était néanmoins un mariage, on continua de lui appliquer les canons qui interdi­ du xiii· siècle, écrivait dans ses Casus, que des spon­ saient le mariage entre le sponsus survivant et les salia contractées avec un enfant au-dessous de sept ans ne résultait pas l'empêchement, mais in septennis parentes de la sponsa décédée avant la consommation primus gradus, in proxima pubertati etiam gradus du mariage, avant que le matrimonium initiatum ne fût reliqui prohibentur, in c. 5, coinplL 1>, L IV, tlt. n; devenu ratum. Plus tard, quand la théorie de Pierre et au contraire Richard Anglic us vers la même époque Lombard, partout acceptée dans les écoles, fut devenue paraissait affirmer, Glose in c. 11, causa XXVII, q. n, la théorie reçue, on continua d’attribuer à ce que l’on que l’extension était la même après les sponsalia de ne nommait plus quo les sponsalia de Juturo la création præscnli qu’après les sponsalia de Juturo. de l'empêchement. Mais ce fut sous un autre nom, qui Il résulte de ces constatations que l’empêchement peu à peu s’imposa, celui de publica honestas, ou jus­ d’honnêteté publique fut, comme tel et dans son indi­ titia publica? honestatis ; on avait dit aussi parfois quasi vidualité précise, assez tardivement constitué; qu’il affinitas, commença de l’être, sans texte légal proprement dit, 3° De Pierre Lombard â lioniface Vlll. — A quelle par renseignement et la coutume, avant que ne fût époque commence cette dénomination technique de totalement victorieuse la théorie de Pierre Lombard publica honestas? Il est malaisé de le fixer avec pré­ sur ce qui fait l’essence du mariage et pendant qu’était cision. Ce qui est certain, c’est qu’elle est employée encore suivie par un bon nombre de canonistes la couramment comme un terme connu cl compris des théorie spéciale de Graticn; que. au temps même où canonistes dans la Summa de matrimonio de Bernard saint Thomas d’Aquin composait son commentaire sur de Ravie, composée avant les dernières années du pon­ les Sentences de Pierre Lombard, le nom d’honnêteté tificat d'Alexandre III (f 1181): Bernard y énonce publique était encore réservé à la prohibition de simple deux espèces d’honnêteté publique, deux casus publica honestatis, le second, inter subolem susceptam ex secun­ affinité qui résulte des sponsalia de futuro: qu’il ne fautdonc pas s’étonner que dans lec. L du IV· concile dis nuptiis et cognationem prioris viri (c’est un empêche­ de Latran (1215), c. Non debet reprehensibile, 3, X, ment abrogé depuis, au IV· concile de laitran), le pre­ De consanguinitate d affinitate, où il réduisait au qua­ mier, inter relictam sponsi et consanguineos ejus, mais trième degré la prohibition qui résultait des empêche­ il s’agirait de sponsalia de pncscnli non consommées. ments d’affinité et de parenté. Innocent 111 n’ait pas Robert de Flamcsbury (fin du xn· siècle) l’emploiera mentionné l’empêchement d’honnêteté publique créé aussi, la faisant résulter d’ailleurs uniquement des par les sponsalia de pressentL Le premier texte précis fiançailles proprement dites ou sponsalia de Juturo : et de valeur officielle et générale qui décidait que les Justitia publiese honestatis impedit matrimonium, ut, fiançailles milles, sauf si elles étaient nullcs par defaut per verba de Juturo contraxisti sponsalia cum septenni de Consentement, produisaient néanmoins l'empêche­ vel majori. Licet ulterius non est processum, nullam ejus ment d’honnêteté publique, est le c. Ex sponsalibus, consanguineam habere poteris. Bref, la dénomination De sponsalibus d matrimonio in VI®, de Boniface VIII. est acquise et clic suppose donc que l’empêchement a III. Le droit formé. — Ce fut donc à partir de pris son individualité â part. Non seulement on avait donné un nom à l'empêche­ Boniface VIII seulement que l’empêchement d’hon­ nêteté publique fut totalement et légalement formé. Il ment, mais on avait précisé de quel contrat il résultait nous reste ù en étudier la loi et les obligations précises. et jusqu'où il s'étendait. Il résultait, on vient de le voir Il résultait des fiançailles et‘du mariage non con­ expressément déclaré, des sponsalia de Juturo. Ce fut sommé. Dans un cas comme dans l’autre il s’étendait non seulement l’enseignement de docteurs privés, ce aussi loin, jusqu'au quatrième degré. Et il en fut ainsi fut même l'enseignement quasi-officiel, car ce fut sous jusqu’au concile de Trente. Celui-ci apporta une nou­ ce terme que les rubriques des Décrétales annonçaient velle modification, mais seulement en ce qui concerne et résumaient les textes des papes comme Alexan­ l’empêchement né des fiançailles : il déclara que les dre 111 et les autres. Qu’il suffise de citer les suivantes : fiançailles nullcs, quel que fût le motif de la nullité, sponsalia nulla ex dejectu consensus, non creant publica: ne produiraient plus aucun empêchement: Justiliæ honestatis justitiam (c. 5, 1. IV, tit. ii ). Ex sponsalibus publias honestatis impedimentum, ubi sponsalia qua­ contradis cum impubère majore septennio oritur publica cumque ratione valida non erunt, sanda synodus prorsus honestas. Ibid., c. G; cf. c. 1,12. Il résultait des sponsalia tollit; que les fiançailles valides ne produiraient Γem­ de pnesenti qui n’avalent pas encore été consommées : nous le savons par des textes nombreux cités ou indi­ pêchement quojusqu’au premier degré :uâiaule/n valida fuerint, primum gradum non excedant. Scss. XXIV, qués ci-dessus. Mais, par un phénomène assez curieux, De reform, matrim., c. ni. Enfin, le décret Ne temere, ce fut iï cette forme de l’empêchement que le nom du 2 août 1907, a. 1. De sponsalibus, imposait pour la d’honnêteté publique fut le plus tardivement appliqué. validité des fiançailles des conditions nouvelles : Eu Après le milieu du xni· siècle, saint Thomas d’Aquin ne donnait encore le nom d’honnêteté publique qu’à tantum sponsalia habentur valida d canonicos sortiuntur l’empêchement résultant des fiançailles; celui qui résul­ 1 ejjcctus, quæ contracta Jucrinl per scripturam subsigna­ tam a partibus d vel a parocho, aula loci ordinario, vel tait du mariage non consommé, des sponsalia de prirsaltem a duobus testibus. Quod si utraque vel alterutra senti, il le désignait encore sous le nom d’alfinlté : Matrimonium affinitatem causal, non solum ratione pars scribere nesciat, id in ipsa scriptura adnotdur; et alius testis addatur, qui cum parocho, aut loci ordinario, carnalis copula·, sed diam ratione socidalis conjugalis... DICT. DE THÉOL. CATHOL. VII.— 3 67 HONNÊTETÉ PUBLIQUE 68 que l'on déduit du c. Ex sponsalibus, De sponsat. d vel duobus fatibus, de quibus supra, scripturam subsignet. Une décision de la S. C. du Concile, du 28 mars malrirn., in VI°, qui vise toutes les épousailles (spon­ 1908, déclarait qu'un délégué ne pouvait tenir la place salia), et qui, sur cc point, n’a pas été restreint par le c. ni, sess. XXIV, De reform, matrimonii, du concile du curé ou de l'ordinaire, ad 6u,n; en lin, une autre de Trente. décision de la meme S. C. du Concile, du 27 juillet 1908, Tels sont les points certains. Voici cc qui est l’objet déclarait que l’écrit des fiançailles devait être daté et de discussion ou qui a besoin d'être précisé. D’abord signé par les parties ensemble avec le cure, l’ordinaire, en ce qui concerne le rapt : l'empêchement résulte du ou les témoins. mariage si, en dépit de la présomption juridique con­ De toute cette législation voici maintenant un bref traire, la femme victime du rapt a donné son consen­ commentaire. tement. Quant au mariage purement civil, dans les 1° Fiançailles. — Créent l’empêchement toutes les fiançailles valides, et celles-là seulement; depuis le régions où le mariage est valide sans la présence du décret Ne temere, il faut ajouter que l’empêchement ne curé ou des témoins spéciaux requis ù défaut du curé résulte que des fiançailles publiques, faites en la forme par le décret Ne temere, a. 8, le mariage civil produit prescrite. Les autres, étant invalides, ne produisent l'empêchement d’honnêteté publique, comme tout autre mariage valide; dans les régions et pour les catho­ aucun effet. On coupc court ainsi à de nombreuses difficultés étudiées autrefois par les canonistes. Ainsi liques soumis au décret Tametsi et au décret Ne temere, on ne verra plus les fiançailles entre pubère et impu­ de sol, le mariage civil, quoique nul. produirait le même bère : aucun curé ne s'y prêterait, et les autres témoins I empêchement comme fait le mariage nul par suite de refuseraient d’ordipairc d'y ptHer leur concours. De tout autre empêchement que le défaut de consentemême deviendront plus rares les fiançailles douteuses, i ment; mais pour des raisons particulières aux circonles fiançailles conditionnelles, et en tout cas, la condi­ stanccs dans lesquelles parut la législation sur le mariage civil, l'Égllse, afin de mieux montrer sa répul­ tion ne vaudra que si elle a été déclarée et exprimée dans l’écrit des fiançailles. Enfin, quant aux fiançailles sion, ne voulut même pas considérer ce mariage civil faites selon toutes les formes requises, mais nullcs par comme un mariage de fait, et elle décida, décret du suite d'un vice purement interne, elles seront tenues 7 avril 1879, que ce mariage civil ne serait pas traité comme mariage et ne produirait pas l'empêchement pour valides et produisant l'empêchement tant que la preuve de nullité n’aura pas détruit la présomption d'honnêteté publique. Qu’en est-il des autres mariages légale qui résulte de l’acte publie. L’empêchement ne nuis du chef de clandestinité, par exemple, parce qu’ils dépasse pas le premier degré de parenté : il n'interdit ont été contractés devant un autre que le propre curé? donc le mariage du fiancé qu’avec la mère, la sœur ou C'est une question controversée, mais Gasparrl pense la fille de sa fiancée, et de celle-ci qu’avec le père, le que, dans le cas où la nullité vient simplement de ce frère ou le fils de son fiancé. 11 ne produit aucun cfTet qu’il y a eu erreur sur le propre curé, l’empêchement envers les alliés du fiancé ou de la fiancée. Une fois d'honnêteté publique résulterait nécessairement de ce créé, il continue d’exister après la dissolution des fian­ ni. (e nul. Op. cil., n. 826. çailles, do quelque manière que se soit produite cette L'empêchement peut se multiplier avec les motifs dissolution, fût-ce une résolution par consentement ou les causes qui le font encourir, fiançailles ou mutuel. En d’autres termes : du jour où il a été produit mariages. il est permanent Cependant l'empêchement ne peut agir au dét riment 2° Mariage. — L’empêchement n'existe qu’avant de fiançailles valides, comme le montrera l'exemple la consommation. C’est du moins une opinion qui suivant. Supposons qu’en dépit de fiançailles valides, paraît solidement fondée. Pourtant un grand nombre un jeune homme contracte un mariage, nul par consé­ d'auteurs, plerlque, dit même Gasparrl, De matri­ quent, avec la sœur de sa fiancée : cc mariage, nul du monio, n. 818, affirment la coexistence et la superpo­ chef d'honnêteté publique seulement, ne créo pas en sition de l’empêchement d’honnêteté publique et de retour un empêchement d'honnêteté publique qui l'empêchement d’affinité, et la liste dans Rosset, De interdise le mariage avec la première fiancée. Cf. Gassacramento matrimonii, η. 2001, et ce, parce que l’em­ parri, ibid., n. 828. pêchement existant n'est pas abrogé ni supprimé et Corollaires.— l°Dispcnsc.—(ætempêchement étant que rien ne s'oppose à cette coexistence et à cette de droit purement ecclésiastique, bien qu’il soit fondé superposition. Cc n'est pas la pensée de Benoit XIV, sur des considérations de monde générale, l’Égllse De synodo dicecesana, 1. IX. c. xm, n. 4, qui, plus peut en dispenser, et elle en dispense sous scs deux informé de l’histoire, sait très bien qu’en ce qui con­ formes résultant soit des fiançailles, soit du mariage cerne le mariage non consommé l’empêchement non consommé, même pour le premier degré de la ligne d'honnêteté publique représente simplement sous un directe. Cf. cette déclaration du Saint-Office du nom nouveau, depuis que la doctrine a voulu que Γaffi­ 20 mars 1893 : S. Sedem super impedimento publica nité proprement dite ne résulte que de la copula, ce honestatis in. primo gradu lineæ reelte proveniente ex qui auparavant, sous le même nom d’affinité ou de matrimonio rato, quando urgent graves causæ reipsa dispensare. Mais il faut quo la non-consommation soit quasi-affinité, résultait de tout mariage même non bien certaine. La dis[>ensc relève de la S» C. des Sacre­ consommé. Et, ajoute Gasparrl, en pratique quand on ments. demande, en vue d’un nouveau mariage, dispense 2q Pour le même motif, c’est-à-dire que l'empêche­ d’affinité résultant d’un mariage consommé, on n'y ment est de droit ecclésiastique seulement, il ne joint jamais une demande pour dispense d’honnêteté résulte pas des épousailles (fiançailles ou mariage) publique. Il faut sous-entendre que l'empêchement ne peut entre infidèles. Nous avons sur ce point une réponse du Saint-Office du 19 avril 1837 (Gaspard, n. 830, résulter que d’un mariage valide quant au consente­ donne comme date le 2G septembre, mais le Collectanea ment, que cc défaut de consentement vienne de l’erreur sur la personne, d’insuffisance mentale, de consente­ delà Propagande, 2*édlt., n. 857, publication officielle, donne le 19 avril) : Matrimonium ratum non consum­ ment simulé, même de crainte et violence, de nullité pour erreur sur la condition servile. Si la nullité vient matum paganorum producible honestatem publicam, vel cens furne impedimentum dirimens post eorum d'ailleurs que du défaut de consentement, par exemple, convcr Ionem ?... Jdemque estne de sponsalibus paga­ impuissance, empêchement de lien, de vœu, parenté, etc., le mariage, quoique nul, produit néanmoins l’em­ norum ac de matrimonio rato?— Tl. Impedimentum pêchement d'honnêteté publique. C'est l’enseignement nonsubsistere Si le mariage avait eu lieu entre un fidèle 69 HONNÊTETÉ PUBLIQUE — HONORAIRES DE MESSES 70 et un infidèle, le fidèle semble contracter pour sa part · 1746; et son autre constitution Quod expensis, du l'empêchement, mais si le second mariage devait être 26 août 1748; constitution de Pie VJ, Auctorem fidei, contracté avec un parent infidèle du décédé, la dis­ du 28 août 1794, condamnant les 30· et 54e proposi­ pense de disparité de culte accordée dans cc cas est tions du synode de Pistole; Instruction de la S. C. de censée comprendre nu besoin la dispense d'honnêteté la Propagande du 15 février 1716, pour les grecspublique. mclchltes; décret de la même Congrégation du 13 avril Le nouveau Code du droit canonique, promulgué 1807, n. 16, etc. Cette vérité est, en outre, formel­ par la bulle Provtdentissima, du 27 mal 1917, et qui lement rappelée dans le nouveau Code de droit canon, est entré totalement en vigueur le 17 mai 1918, trouble can. 824, $ 1. assez violemment la discipline jusqu'ici reçue sous Même dans le cas où le prêtre est riche, ou possède le nom d'empêchement d'honnêteté publique* L'ex­ des revenus par ailleurs, l’acceptation de l'honoraire pression prend un sens tout nouveau. L'empêche­ est licite. Salman licenses. Theologia moralis, Lr. V, ment résultait : a) des fiançailles valides ; b) du mariage De sacrificio missa, c. v, p. i, n. 2, 6 in-fol., Madrid, non consommé, mais valide quant au consentement. 1717, t. L P· 120; Suarez. In IIP1*, disp. LXXXVI, a) Il ne résulte plus du tout des fiançailles, b) il sed. in, η. 1, Opera omnia, 28 in-4Q, Paris, 1861-1378, ne résulte plus du mariage valido consommé ou non. t. XXI, p. 913 sq. lequel crée dans les deux cas l'empêchement d’affi­ 2° Il s'ensuit que faire un pacte au sujet de l’hono­ nité. Le canon 1078 définit le nouvel empêchement raire de messe, c'est-à-dire ne s'engager à appliquer d’honnêteté publique : Impedimentum publica! ho­ la messe à telle ou telle intention qu'à la condition que nestatis oritur ex matrimonio invalido, sive consum­ l'honoraire soit versé» ne constitue pas un acte illicite· mato sive non. et ex publico vel notorio concubinatu; si l'honoraire dont il s’agit est juste, soit en raison et nuptias dirimit in primo et secundo gradu linea de la taxe fixée dans le diocèse, soit en raison de redœ inter virum et consanguineas mulieris, ac vice certaines circonstances particulières. Suivant l’axiome versa. Il résulte donc du mariage invalide consommé quod jure exigis si aliquid faci as, potes deducere in ou non, de quelque cause que vienne l'invalidité; il pactum. En vertu de cc contrat qui n'est pas un résulte d’un concubinat public et notoire qui créait contrat de vente, mais que Suarez appelle contrat de jusqu'ici l’empêchement d'affinité illicite. do ut jacias, le prêtre qui a reçu l'honoraire est tenu, Son extension. Elle est très réduite : elle ne dépasse sub gravi, en stride justice, et non seulement en cha­ pas la ligne directe, et ne va donc pas en ligne colla­ rité» ni même simplement à titre de fidélité à sa pro­ térale. L’empêchement existe entre l'homme et les messe, d’offrir la messe à l’intention du donateur, puis­ parentes de la femme en ligne directe jusqu'au second que, dès lors, un contrat onéreux est intervenu entre degré inclus, et vice versa. celui qui, donnant l'honoraire» demandait l'applica­ tion de la messe, et le prêtre qui. en acceptant l’ho­ La question est traitée dans les traités du mariage ou les noraire, s’était engagé à célébrer à l’intention désignée. commentaires du 1. IV des Décrétales. —Pour le point de Avant le contrat, le prêtre était libre de célébrer, ou vue spécialement historique. Jos. Freisen, Geschichte des non; libre aussi d'appliquer la messe à une intention canonlschcn Ehcrcchts bis zum Verfall der Glosscnlitleratur, plutôt qu’à une autre; après le contrat, il est obligé 2· édit., Pndcrbom, 1893; A. Esmein, Le mariage en drû/f à célébrer, et à le faire à l'intention que le donateur a canonique. Paris, 1891; E. Philippe, dans le Canoniste con­ indiquée. Mais, s’il ne célèbre pas, il n'est tenu, en temporain, 1892. p. 467 sq.—En cc qui concerne le droit formé: Gasparrl, Tractatus canonicus de matrimonio. Paris. stricte justice» suivant plusieurs théologiens, qu’à 190-1; Fr. X. Wcmz, Jus Decretalium, t. IV. Jus matri­ rendre l'honoraire, et nullement à réparer d'une moniale Ecclesia: catholicx, 2· édit., Prato, 1911; E. Burd, autre façon, car le dommage spirituel résultant pour Etude sur l'empêchement d'honnêteté publique (thèse), Paris, une personne de l’omission de la messe n'est pas s. d. (1911); DeSmet, Les fiançailles et le mariage, Bruges. matériellement appréciable. Cependant, si, par sa 1912; sans oublier pour maint détail et mainte discussion faute, comme suite de cette omission, le prêtre était les auteurs plus volumineux comme Hosset, De sacramento matrimonii, 1893-1896, et Sanchez, De matrimonio. cause de cc dommage spirituel. U devrait, par une A. VlLLIEN. raison d'équité et de justice» réparer en priant pour HONORAIRES DE MESSES.— I. Licéité. la personne lésée. Cf. Salmantlccnses, Theologia moralis, IL Historique pendant les seize premiers siècles. II LA tr. V, c. v, p. i. t. i, p. 119; Suarez» In III^, disp. qui appartient-il d’en fixer le taux? IV. Obligation LXXXVI. sect.î, n. 4-7, t. xxi, p. 908-910; Palmieri, de célébrer résultant de l’acceptation des honoraires. Opus theologicum morale in Dusembaum medullam, tr. X, V. Devoir strict de transmettre intégralement les De sacramentis, sect, ni. De eucharistia, c. in» Desacrificio honoraires quand on fait célébrer la messe par d'autres. nüssæ.dub. i, n. 246. 250, 7 ln-8®, Prato, 1889-1895, t- iv, p.720sq.; Gasparri, Tradatus canonicus de sanctis­ VL Prohibitions au sujet du trafic des honoraires de messes. VH. Peut-on recevoir plusieurs honoraires sima eucharistia, c. iv, sect. n,a. 2, § 2, n. 539, 2 in-8°, pour plusieurs messes célébrées le même jour? Paris, 1897. t. i, P.391-394. 3° Si le prêtre exigeait quelque chose au-dessus de 1. Licéité.— 1° L'acceptation d’un honoraire pour | la taxe régulière, ou dccc à quoi il a droit, il pécherait la célébration de la messe est licite, car, dit saint Tho­ mas, Sum. theol., ID 11·»', q. c, a. 2. ad 2'im, le prêt re célé- t et pourrait être la cause d’un scandale; mais il ne brant n'accepte pas Γhonoraire comme prix de la con­ serait pas cependant coupable de simonie, dont la sécration de l’eucharistie, ou de la célébration de la : malice spéciale consiste précisément à vendre le spi­ rituel pour le matériel, à moins qu'il n'eût réelle­ messe, cc qui serait simoniaque; mais il l’accepte ment l'intention perverse de vendre le fruit spi­ comme contribution ά son entretien, cc qui est par­ faitement licite. Saint Paul, en effet, l’ailinne, ceux - rituel du saint sacrifice. Néanmoins, la cupidité exces­ sive de cc prêtre, dans le cas dont nous parlons, pour­ qui remplissent les fonctions sacrées vivent du temple, et ceux qui servent à l’autel participent aux offrandes 1 rait facilement faire planer sur lui le soupçon de simo­ nie. Cf. Palmieri, Opus theologicum, tr. VI, sect, i, faites A l’autel. I Cor., ix, 13. c. n. De simonia. n. 275 sq., t. n, p. 325 sq. A diverses reprises, l’Églisc a proclamé cc point de II. Historique pendant les seize premiers doctrine. Cf. constitution de Martin V, Inter eundas, siècles. — 1° Origine de la coutume d'offrir des hono­ du 22 février 1418, a. 25, au concile de Constance, raires de messes. — Dans l’antiquité chrétienne, soit contre les erreurs de Uns et do Wlclcff ; encyclique de parce que le nombre des fidèles n’était pas assez grand, Benoit XIV. Demandatam, du 24 décembre 1743, § 10; soit pour tout autre motif, il fut d'usage de ne célébrer constitution du même pape, Prodaris, du 18 mars 71 HONORAIRES DE MESSES 72 dans chaque église qu’une messe par jour. Cette pra­ dominicis diebus altaris oblatio ab omnibus viris et mu· tique se continua durant plusieurs siècles. Tous les I lienibus offeratur, tam panis quam vini... Omnes autem fidèles, alors, participaient à cette unique messe par qui definitiones nostras per tnobedientiam evacuare contendunt, anathemate percellantur. Hardouin, Acta des offrandes publiques, soit en apportant le pain conciliorum, t. ni, coi. 461. ct le vin nécessaires pour la matière du sacrifice, soit 4. Lepain et levin, offerts par les fidèles, dépassaient en faisant d'autres dons qui étaient ensuite distribués la quantité qui devait être consacrée par le prêtre au clergé ct aux pauvres. I .a messe, à cette époqüc, était et ensuite distribuée aux communiants. Le surplus appliquée pour tous indistinctement. Cf. Benoit XIV, était distribué aux prêtres et aux autres membres De sacrosancto missæ sacrificio, I. III. c. xxn, η. 1 sq., in-4% Parme, 1768, p. 224; Hardouin, Acta du clergé. Voir les documents rapportés par Lupus, Synodorum generalium et provincialium decreta ct conciliorum, 12 in-fol., Paris, 1715, t. ni, col. 461; canones scholiis et nolis illustrati, dissert. II, proant, Lupus, Synod, general., Ί in-fol., Venise, 1724, t. ni, 7 in-fol., Venise, 1721-1726, l. ni, p. 1 «S3, ct par Thomasр. 183. sin, Anciennect nouvelle discipline de ΓÉglise, part. III, Peu â peu le nombre des prêtres et des simples chrétiens s’étant considérablement augmenté, une 1. I,c. j, n. 11, c. n,n. 1, t. m, p. 7, 13. messe par jour ne suffit plus dans chaque église pour 5. Dans les premiers temps, on offrait à l'autel, en satisfaire la dévotion du peuple. Dès lors, il ne fut plus du pain ct du vin, d’autres dons, du miel, du plus possible que tous les fidèles fissent leur offrande lait, du froment, des raisins, de l’huile, de l’encens. Cet usage est autorisé par le 6e canon apostolique. ù chaque messe. Ils se partagèrent donc ce soin, ct chez eux naquit comme naturellement le désir que Bruns, Concil., t. i, p. 1. Néanmoins, l’usage d’offrir les messes â la célébration desquelles ils coopéraient d’autres choses, par exemple, des oiseaux ct un barillet par leurs oblations personnelles, fussent plus spécia­ de vin, mais avant la messe ou l’offertoire,est signalé lement appliquées â leurs intentions. Saint Augustin par Réginon, De ccd. disciplinis, 1. 1, n. 72-73, P. L., présente comme licite la pratique de recevoir pour t. cxxxn, col. 190. Il s’est conservé dans le cérémonial la célébration du sacrifice, en mémoire des défunts des canonisations; on offre aussi des Heurs artificielles ou pour tout autre motif, par exemple, une grâce à aux solennités de la béatification. Fornari, Codex pro obtenir, non seulement les offrandes en nature, mais postulatoribus causarum beatifleat ion is et canoniza· aussi de l’argent, pourvu qu’il soit spontanément tionis, in-4°, Rome, 1909, p. 72, 79. offert. Epist.,xxii,ad Aurelianum episcopum, c. i, n. 6, 6. D’après le 4® canon apostolique, les fruits, autres P. £., t. xxxiii, col. 92. Le pape saint Grégoire le que le pain ct le vin, ne (levain t pas être offerts à l’au­ Grand parle de même, au commencement du vu® siè­ tel; ils étaient remis, comme prémices, au domicile cle. Epist., 1. III, 63, P. £., t. lxxvii. col. 660. Cf. de l’évêque ct des prêtres, qui les distribuaient euxBenoît XIV, De sacrosancto missæ sacrificio, loc. cit., mêmes aux diacres ct aux autres clercs inférieurs. n. 5, p. 226. 7. Unoccriainc atténuai ion, cependant, fut apportée, 2° Caractère obligatoire des oblations.— 1. Ces obla­ en certains endroits, à cette prohibition. Le 111® con­ tions, faites par les fidèles â la messe, n’étaient pas cile de Carthage, tenu en 397, par son canon 24®, qui considérées comme facultatives, mais comme obliga­ est le 37® dans quelques éditions, permettait d’offrir, toires. Cette prescription est clairement énoncée dans le jour de la fètede Pâques, du lait ct du miel, que, sui­ les Constitutions apostoliques, 1. II, c. xxxv, Thomasvant la coutume, on distribuait à ceux qui venaient sin, Ancienne cl nouvellcdisciplinedc Γ Église,part. III, d'êtrcsolenncllemcnt baptisés. 1 lardouin, Acta concilio­ 1. I, c. i, 3 in-fol., Paris, 1725, t. ni, p. 11. rum,t. i, col. 883; cardinal Bona, Rerum liturgicarum, 2. Au milieudu ni® siècle,saintCypricn adresse à ce 1. I,c. xvi, n. 3, Opera omnia, in-fol., Anvers, 1694. propos un reproche sévère à une femme de noble qua­ p. 237. C'était la mise en pratique du texte litur­ lité, qui prétendait participer au sacrifice, sans faire gique emprunté à saint Pierre : Quasi modo gcnill ellc-mèmeuncoffrande: Locuples ct dives es, et domini­ infantes... lac concupiscite. I Pet., n, 2. cum celebrare te credere, quæ corbonam omnino non res­ 8. Il y avait donc deux sortes d'oblations : a) celles picis,quæ in dominicumsinesacrificiovcnis, quæpartem qu’on faisait au moment de l’offertoire, ct elles ne de sacrificio quod pauper obtulit, sumis. De opere ct elee­ comportaient que du pain ct du vin; b) celles, plus mosynis, c. xv, P. L., t. iv, coi. 612. Saint Augustin, variées, qu'on faisait avant la messe, ou, du moins, ou, du moins, l'auteur des sermons qui lui sont attri­ avant l’évangile; elles comprenaient tout ce qui pou­ bués, parle de même : Erubescere debes homo idoneus, vait être nécessaire ou utile aux prêtres. Marlène, De si de aliena oblatione communicaveris. Serm., ccxv, antiquisEcclcsiæ ritibus, 1. I, c. iv,a.G, 2 in-4°, Rouen, de tempore, n. 2, P. £., t. xxxix, coi. 2233. C’est pour 1700, t. i. D’autres, en dehors de la liturgie, étaient ce motif que Tcrtulllen appelle tous les chrétiens portées à la maison de l’évêque ou des prêtres, pour prêtres, non en ce sens qu’ils aient tous le pouvoir de l'entretien de tout le clergé. Thomassin, Ancienne consacrer le pain ct le vin, mais parce que tous of­ et nouvelle discipline de Γ Église, part. Ill, 1. I, c. m, fraient le pain ct le vin à l’autel du Seigneur, De exhor­ n. 5, t. ni, p. 19. D’après Marlène, loc. cit., les obla­ tatione castitatis, c. vn, P. L., t. n, col. 922, comme l’ex­ tions liturgiques étaient abrogées çà ct lâ au xii® siècle, plique très nettement Petau, De potestate consecrandi ou n’étalent plus pratiquées â la messe que par les ct sacrificandi sacerdotibus a Deo concessa, Diatriba, clercs. с. i-π, Dogmata theologica, 8 in-4°, Paris, 1865-1867, 3° Des honoraires proprement dits.—. L Dans l’an­ t. vn, p. 381-388. tiquité chrétienne, offrait-on aussi de l'argent, soit 3. Quand, à la fin du vi® siècle, ces prescriptions com­ avant la messe, soit avant l'offertoire? Ce point d'his­ mencèrent ù ne plus être observées par tous, les con­ toire est controversé; mois ce qui est certain, c’est que, ciles rappelèrent aux fidèles, trop souvent portés dans toutes les églises, il y avait un tronc, pour rece­ à l’oublier, cette obligation de faire les oblations voir les aumônes des fidèles. Comme chez les juifs, comme prescrite par Dieu lui-même. Le second con­ ce tronc s'appelait gazophylacium, ct quelquefois cor­ cile de Mâcon, tenu en 585, s'exprime ainsi, can. 4·: Re­ bona, en souvenir de ce qui est relaté dans l’Evan­ sidentibus nobis in sancto concilio cognovimus gile : Marc., xii, 44; Luc., xxi, 1; Matth., xxvn, 6; quosdam Christianos Λ Mandatis Dei aliquibus locis Joa.,vni,20. Plusieurs fois les anciens Pères on ont fait deviasse, ita ut nullus eorum legitimo obsecundationis mention. Tvrtulhcn, Apologet., c. xxxix, p. L., t. i, col. 470;cf Justin, Apolog., I,n.67, P. G., t.vi,col.429.’ parere velit officio Deitatis, dum sacris altaribus nullam admovens hostiam. Propterea decernimus, ut omnibus On rappelait aussi area ct concha. Baronlus, Annales 73 HONORAIRES DE MESSES ecclesiastici, an. 4 t, n. G9, 12 in-fol., Venise, 1705, 1.i, gnages qui prouvent que l'usage de donner un hono­ p. 269; Thomassin, Ancienne ct nouvelle discipline de I raire au prêtre qui célébrait la messe ù une intention l Église, pari. III, î. I, c. H, n. 9, t. ni, p. 15. L’ar­ particulière, existait partiellement avant le vin· siecle. gent qu'on y recueillait était pour subvenir aux be· , Bcde, Jhstoria Anglorum, L IV, c. xxn, P. L., t. xcv, soins des pauvres,«les veuves, des orphelins, des pri- I col. 205-207, rapporte, sur l’année 679 environ, que les fideles, en dehors de la messe, donnaient aux Sonniers, des malades, des pèlerins, etc., en un mot, des indigents de tou le nature. Cetlecoulumccst rapportée prêtres de l’argent pour célébrer une messcen vue de comme existant encore au iv· siècle, par saint Augus­ leur faire obtenir une grâce spirituelle ou temporelle. Saint Jean 1 Aumônier, é\ éque d'Alexandrie (610-616), tin, Ser/n., ccclvi, n. 13, P. L., t. xxxix, col. 1580, et au v· siècle par saint Paulin, Epid., xxxiv, sloe j a dit une messe,sur la demande d’un père, afin d’obte­ nir, comme il advint, le retour de son fils. Vita, c. ix, scrm. de gazophylacio, n. 1 sq., P· L., t. xux,col. 515sq. n. 50, Acta sanctorum, au 23 janvier, Anvers, p. 508. Saint Justin dit, Apolog., I, n. 67, P. G., t. xn, col. I itrogothe, femme de Childebcrt. fit au tombeau de 429, que, sous le nom d’indigents, étaient compris aussi les ministres des autels ctdcl’égllsc, qui devaient , saint Martin des présents, en demandant des messes. vivre des oblations des fidèles. Or, très vraiscmbla- i S. Grégoire de Tours, De miraculis S. Martini, 1. I, c. xn, P.L., L cxxi, col. 926. Saint Benoit donna de sa blemcnt, s’ils en eussent été réduits à n’avoir que le main quelque chose pour une messe en faveur de pain ct le vin offerts à l’autel, ils n’auraient pu, même avec le prix de ce qu’ils ne consommaient pas, sc deux moniales. S. Grégoire le Grand, Dialogi. 1. Il, c. xxm, P. L., L lxvi, col. 178. Selon saint Epiphane, procurer tout ce qui est nécessaire a l’existence. Hair., xxx, n. 6, P. G., t. xu,col. 414, un patriarche 2. Λ quelle époque l’argent destiné au soutien des prêtres et du clergé cessa-t-il d’etre déposé dans le juif, converti vers 347, donna de l’argent à l’évêque qui l’avait baptisé, en disant : « Offre pour moi. > gazophylacium, pour être offert à l’autel même? Voila Au xi· siècle, la coutume de donner au prêtre un encore un point d’histoire qui ne peut être exactement défini. Saint Auguslinparlebicn.ùccrtains endroits,dc honoraire était très répandue, puisque les enfants eux-mêmes la connaissaient. Saint Pierre Damien, sommes d’argent offertes ά l'autel, au moment de l’oblation, aux messes des morts; mais il semble pré- ; encore enfant, ayant trouvé une pièce d’argent, s’em­ pressa de la porter à un prêtre, afin que celui-ci fércr que cet argent, au lieu d’etre remis par les fidèles célébrât une messe pour le repos de l âme de son père aux diacres qui senent à l’autel, soit, au contraire, distribué plutôtparcux-mêmcsauxpauvrcs.OWafiones défunL λ ita sancti Petri Damiani per Joannem mona­ chum ejus discipulum, c. n, P. L., L exuv, coi. 117. pro spiritibus dormientium, (pios vere aliquid adjuvare 4° Abus et réglementation. — 1. Dans la première credendum est, super ipsas memorias non sint sumpluosie, atque omnibus petentibus sine typho ct cum moitié du νι· siècle, les oblations faites à l’occasion alacritate prrebeantur. Si quis pro religione aliquid des messes célébrées même dans de simples oratoires, pecuniæ offerre voluerit, in praesenti pauperibus eroget. étaient devenues déjà si considérables, que des laïques, masquant leur avarice sous les dehors de la piété, se EpisL. xxn, ad Aurelianum episcopum, c. i, n. G, P. L., mirent à bâtir des chapelles ct même de vastes églises, t. xxxin,col. 92. 3. Plusieurs anciens auteurs, tels que Honorius dans l’intention d’avoir part aux offrandes que les fidèles y apporteraient. Ce fut. là, une entreprise Augustoduncnsis, qui écrivait au xu· siècle, Gemma financière contre laquelle plusieurs conciles durent animtc, 1. I, c. i.xvi, P. L., t. ci.xxn, col. 564, suppo­ sé\ir. Le 6e canon du H· concile de Braga, en Galice, sent que la coutume d’offrir de l’argent, au lieu de pain et de vin, s'introduisit à l’époque où les fidèles ces­ qui est à proprement parler le III·, ayant été tenu en 572, a pour titre : ΓΙ si quis oratorium pro qumtu suo sèrent de communier chaque fois qu’ils assistaient à la messe. 11 n'était pas nécessaire, alors, de consacrer in terra propria fecerit, non consecretur, et cette teneur : Placuit, ut si quis basilicam, non pro devo­ tant de pain, ct le peuple continua ù contribuer aux tione fidei, sed pro quicstu cupiditatis, adificat, ut frais du culte par l’offrande, non de pain ct de vin, mais quidquid ibidem oblatione populi colligetur, medium d’argent. 11 n’indique pas l’époque où cette coutume cum clericis dividat, eo quod basilicam in terra sua ipse commença. condiderit, quod in aliquibus locis usque modo dicitur 4. Quoi qu’il en soit, il est certain que l’offrande, fieri, hoc ergo dc attero observari debet, ut nullus soit du pain, soit ensuite de l’argent, était faite au clergé en général, et non Λ un prêtre individuellement. | episcoporum tam abominabili voto consentiat, ut basi­ pour que celui-ci célébrât une messe Λ l’intention de licam quic non pro sanctorum patrocinio, sed magis tri­ butarii conditione est condita, audeat consecrare. Mansi, celui qui faisait celte offrande. Thomassin, Ancienne Concil., t. ix, coi. 835; P. L., t. lxxxiv, coi. 572. ct nouvelle discipline de Γ Église, part. Ill, 1. I, c. n, 2. Au siècle suivant, le XVII·concilcde Tolède, tenu n. S, t. m, p. 14 sq. 5. La coutume d’offrir de l’argent à un prêtre, pour en G9I, signala une aberration bien plus étrange encore. que celui-ci célébrât la messe à l’intention du dona­ Des particuliers faisaient célébrer la messe des défunts pour leurs ennemis vivants, afin de leur causer la teur, ne sc montre pas avant le vin· siècle, et ne fut pas universellement reçue avant le xu·. d’après Mabil- mort. Le canon 6· prononça la peine dc Γexcommuni­ lon : Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, Priefatio cat ion ct de la prison perpétuelle, contre ceux qui donneraient des honoraires de messes dans ce but ad phrt. saeculi ltl\n. 62,9 in-fol., Paris, 1688-1702. impie, et contre les prêtres qui ne rougiraient pas de p. 27. Saint Chrodegang.évêque de Melz (7 13-760),dit souiller leur ministère en coopérant à cette supersti­ expressément : Si aliquis uni sacerdoti pro sua missa... tion sacrilège. En outre, ces prêtres seraient déposés. aliquid in eleemosyna dare voluerit, hoc sacerdos... a Mansi, Concil., t. xxi,col. 99. tribuente accipiet ct exinde quod voluerit faciet. Regula 3. Les conciles de Rome dc 816 ct dc 853, can. 17, canonicorum, can. 12, P. L., t. lxxxix, coi. 1076. Mansi, Concil., t.xiv.col. 904,1005, recommandaient Peut-être est-il question de cet usage dans le canon 3 aux prêtres dc ne pas recevoir d’oblations dc tous en du concile germain, présidé par saint Boniface en 742, tous lieux. Quelques-uns prétendaient qu’aucune où il est question du compte que le prêtre, au carême, aumône n’était profitable aux défunts, si elle n’était doit rendre ù l'évequc de precibus et ordine missarum. Mansi, Concil., t. xn, col. 3GG. Cf. concile de Scptlnc pas faite pour célébrer des messes en leur faveur. (h· 743, c. i. ibid., col. 370. Jonas, évêque dOrléans, réfuta cette erreur. De institutione laicali, 1. 111, c. xv, P. L., t. cvi, De Bcrlendis, De oblationibus ad altare, part. Il, § 2, Venise, 1713, p. 289-299, a recueilli des témoi­ col. 264. HONORAIRES DE MESSES 4. La coutume des fidèles de donner une rétribution, même en argent, aux prêtres, afin que le saint sacri­ fice de la messe fût célébré à l’intention des donateurs, se généralisant de plus en plus, l’Église n’y vit aucun inconvénient; elle l’approuva meme, pourvu que les prêtres n’eussent pas l’imprudence de sc charger de plus de messes qu'ils n'en pouvaient dire, ct qu’ils n'acceptassent jamais plusieurs honoraires pour une seule messe. Thomassin, Ancienne ct nouvelle disci­ pline de Γ Église, part. Ill, 1. Ill, c. xv, n. 9, t. ni, p. 407. 5. Sous ce rapport encore les abus, en effet, n'a­ vaient pas tardé à sc glisser, à cause de la sordide avarice de quelques prêtres indignes, jetant, par leur manière d'agir, le discrédit sur ce qui est en soi très licite. Quelques-uns, lorsqu'il n’était pascncorcdéfcndu de célébrer plusieurs messes le même jour, en célé­ braient plusieurs uniquement pour augmenter leurs revenus, ce qui les faisait appeler non Christi, sed Mammonæ sacerdotes. D’eux aussi un ancien auteur disait : non tam consecrant, quam dilaniant Filium Dei. 6. Ces abus furent rigoureusement condamnés par le pape Alexandre II, en 1065, et sa sentence fut insérée dans le Décret de Gratien, part. III, De conse­ cratione, (list. I, c. 53, Sufllcit. Elle se termine par ces paroles sévères : Qui vero pro pecuniis, aut adulatio­ nibus sæcularium, unadie præsumil piares facere missas, non rest imo evadere damnationem. Innocent 111 renou­ vela cette défense, qui se trouve dans les Décrétales de Grégoire IX, 1. Ill, tlt. xu, De celebratione mis­ sarum, c. 12. 7. Quelques prêtres indignes, pour accroître leurs gains, consacraient autant d’hosties, dans la même messe, qu'ils avaient reçu d'honoraires, pensant, parce moyen, satisfaire, en même temps, Λ toutes leurs obli­ gations. D'autres réunissaient et concentraient plu­ sieurs messes en une seule : ils recommençaient, autant de fois qu'ils avalent reçu d’honoraires, la messe jusqu’à l'offertoire; puis iis répétaient, le même nombre de fois, les oraisons secrètes, mais ils ne récitaient qu’une fols le canon, ct ne consacraient qu’une fois. A la fin, ils répétaient autant de fois les oraisons après la communion, qu’ils avaient répété de lois les prières avant l’offertoire et les secrètes. On disait que ces messes avaient deux faces, trois faces, et plus encore. Has autem missas, barbaro vocabulo, blfaciatas aut trifaciatas, Petrus Cantor qui floruit anno 1200, nuncupat, quia duplicem vel triplicem habe· bant faciem : quas vcluti monstruosas et contrarias in­ stitutioni ct consuetudini Ecclesia: improbat ct detes­ tatur. Cardinal Bona, Herum liturgicarum, 1. I, c. xv, n. 7, Opera omnia, in-fol., Anvers, 1694, p. 235. 5® Attaques contre la coutume de donner des hono­ raires pour la célébration et l'application de la messe. — 1. A l'époque où cette coutume commença à se ré­ pandre, divers théologiens sc levèrent, pour en con­ tester la légitimité. Un des plus anciens est Wulafrid Stnibon, moine de Fulda, qui écrivait au milieu du lx· siècle. Il la combattit, indirectement du moins, en enseignant que le saint sacrifice ne sert pas plus à ceux pour lesquels il est spécialement offert, qu'à toute la société des fidèles. Voici scs paroles : Scien­ dum autem quosdam inordinate offerre, qui, attendentes numerum oblationum, potius quam virtutem sacra­ mentorum, sape in illis transeunter offerunt missis, ad quas persistere nolunt. Rationabilius siquuhm est tbi offerre, ubi velis persistere, ut qui munus Domino obtulisti, offeras pariter pro eodem munere suscipiendo postulationem devotam. Sed in hoc error non modicus videtur, quod quidam se non posse aliter plenam com­ memorationem eorum facere, pro quibus offerunt, nist singulas oblationes pro singulis offerant, vel pro vivis 76 ct defunctis non simul œstimant Immolandum, cum vere sciamus unum pro omnibus mortuorum, et unum panem esse ct sanguinem, quem universalis Ecclesia offert. Quod, si cui placet, pro singulis singulatim offerre, pro solius devotionis amplitudine, ct orationum augendarum delectatione id faciat; non autem pro stulta opinatione qua puter, unum Del sacramentum non esse generale medicamentum. Quodam modo enim in fide imperfectus est, qui putat Dominum non discernere, quando una petitione pro multis rogatur, quid cui sit necesse. De ecclesiasticarum rerum exordiis ct incre­ mentis ad Reglmbertum episcopum, c. xxn, P. L., t. cxiv, coi. 948. L'erreur de Walafrid fut de n’avoir pas compris, ou admis, que, si le saint sacrifice de la messe a une valeur infinie, soit à cause du principal sacrificateur, soit à cause de la victime, puisque l’un ct l’autre sont le Christ, Fils de Dieu ; cependant, par suite de la vo­ lonté même du Christ qui l’a institué, l'application n’en est pas infinie. D'où il suit que cette application limitée est plus profitable à celui pour lequel elle est faite qu'aux autres, soit que l'on considère le fruit satisfactolre, soit que l'on considère le fruit impétratoirc. Comme le remarque saint Thomas, In 1V Sent., 1. lV,dist. XLV,n.4,q. i, n. Dieu est porté à répandre plus largement scs bienfaits sur celui pour lequel le prêtre immole plus spécialement la divine Victime, ct pour lequel il Je prie. • 2. Mais si Walafrid n'a blâmé qu'Indirectement la coutume de donner des honoraires de messes, Wiclef, Luther, Calvin et leurs disciples l'ont réprouvée formellement, sous prétexte qu’il y avait, là, une simo­ nie manifeste, comme si l’honoraire était le prix même de la messe, ct que ce qu'il y a de plus spirituel pût être acheté et vendu à prix d’argent. Longtemps avant qu'elles fussent formellement condamnées par l’Église, saint Thomas avait réfuté ces erreurs, par cette affirmation dq principe si claire ct si concluante : Sacerdos non accipit pecuniam quasi pretium consecrationis eucharisties, hoc enim esset simoniacum; sed quasi stipendium suie sustentationis. Sum. theol., Il» II», q.c, a. 2, ad 2uni. Ailleurs déjà il avait dit: Si sacerdos non habet alios sumplus, et non tenetur ex officio missam cantare, potest accipere denarios, sicuti conducti sacerdotes faciunt, non quasi pretium missic, sed quasi sustentamentum vitœ. In IV Sent., 1. IV, dlst· XXV, q. m, a· 2, q. x, ad 1° 3. Plus récemment le pseudo-synode de Pistoic, en 1786, a renouvelé ces erreurs. Quoique l'oblation du saint sacrifice s’étende à tous, cette assemblée schis­ matique avoue, néanmoins, qu'on peut, dans la litur­ gie, faire une commémoralson spéciale de quelques personnes, vivantes ou défuntes, precando Deum spe­ cialiter pro ipsis; mais ensuite elle nie que le prêtre puisse appliquer à qui il veut une partie du fruit du sacrifice, ct, pour cela, recevoir un honoraire : non tamen quod credamus in arbitrio esse sacerdotis appli­ cari fructus sacrificii cui vult; tmd damnamus hunc errorem vclut magnopere offendentem jura Dei, qui solus distribuit fructus sacrificii cui vult ct secundum mensuram qua: (Ut placet. 1 lie condamne donc ouver­ tement la coutume contraire, approuvée cependant par l’Église universelle, ct elle la proclame falsam opinionem Invectam in populumquod illi qui eleemosynam subministrant sacerdoti sub conditione quod celebret unam missam, specialem fractum ex ea percipiant. Mais Ple VI, par m constitution Auctorem fides, du 28 août 1794. η. 30, condamne ceti υ doctrincdu pseudo*? s\ node de Pistole, comme fausse, téméraire, per­ nicieuse ct injurieuse à ΓEglise ct à ses ministres, et renom dont l'erreur de Wiclef déjà condamnée» Il montre que l’Église, nu contraire, en vertu d'undrolt promulgué par les apôtres de recevoir des biens tem- 77 HONORAIRES DE MESSES porcls de ceux à qui l’on confère des biens spirituels, approuve l'application de la messe en faveur de per- ' sonnes individuelles ct commande môme aux pas­ teurs d'âmes de l’appliquer ainsi à leurs ouailles, comme il est formellement exprimé par le concile de I Trente, st-ss. XXI ll,c.i, Derr/onn.,ct par Benoit XIV, ' dans sa constitution Cum semper oblatas, § 2. 1 En effet, ce qui est nécessaire pour l'administration d’un bien spirituel, n’est pas le prix matériel de ce bien, non estimable à prix d'argent. A ce sujet, De Lugo, De sacramento eucharistie, disp. XXI, n. 2, fait une comparaison qui met cette vérité en lumière. Supposons, dit-il, qu’un peintre ne veuille pas vendre ses œuvres, mais que, mû par un sentiment de piété, il s'engage, meme par vœu, à décorer gratuitement ] une église. Il ne manquerait pas à son vœu, s’il de­ mandait à celte église de lui fournir les couleurs, les toiles et tout ce qui serait nécessaire; ou s’il demandait à cette église les sommes d’argent pour acquérir tous ces objets. Il pourrait dire encore qu’il peint gratui­ tement. Bien plus, si, pour accomplir parfaitement ce travail, il avait besoin d’une nourriture spéciale, il pourrait, même en la demandant, dire encore qu’il peint gratuitement. Supposons egalement qu'un saint ail reçu de Dieu un don surnaturel pour guérir certains genres de maladie, ct qu'il veuille donner gratuitement ce qu’il a gratuitement reçu; supposons qu’il soit appelé par un prince, dans ce but, comme saint François de Paule fut appelé par le roi Louis'XI. Demanderait-il les sommes nécessaires pour faire le voyage, ct, du­ rant son séjour dans le palais du prince, serait-il nourri aux frais de celui-ci, il pourrait dire encore qu’il le guérit gratuitement, car ces sommes ne seraient pas le prix de la guérison, mais seulement le prix de ce qui est nécessaire pour que le thaumaturge puisse exercer son ministère bienfaisant. On doit raisonner d’une manière analogue pour l’application spéciale du sacri lice de la messe. Pour que cette application gratuite puisse être faite, la première condition est que le prêtre puisse vivre. L'offrande pour l’entretien du prêtre n'est pas le prix du bien spirituel que le prêtre donne gratuitement; mais seulement le prix de ce qui est nécessaire pour que ce bien spirituel, non estimable à prix d’argent, puisse être gratuitement donné. Celui qui reçoit ce bien spi­ rituel, ct qui, pour l'avoir, a promis quelque chose pour 1’entrct tendu prêtre, est obligé en justice à donner ce qu’il a promis pour cet entretien ; comme le prêtre, de son côté, est obligé en justice à donner ce bien spi­ rituel, quand il l’a promis à celui qui a voulu coopérer en partie à son entretien. Voir Le canoniste contem­ porain, 1893, p. 73; Gaspard, Tractatus canonicus de sanctissima eucharistia, c. iv, sect, n, a. 2, § 2, n. 466, 538, 1.1, p. 329, 391 sq.; Many, Prœlectiones de missa, p. S3-90. 4. Peut-on accuser de simonie le prêtre qui célèbre parce qu’il a un honoraire, ct qui ne célébrerait pas s’il n’en avait point? Assurément la conduite de ce prêtre n’est pas digne d’cloges; mais on ne peut affir­ mer qu’il ait commis le crime de simonie, à moins que réellement il ne considère l’honoraire comme le prix du sacri lice lui-même. Sans doute, l’honoraire est pour lui un motif de secouer sa nonchalance ct d'être moins négligent; mais ce prêtre n’équipare pas la messe à une pièce de monnaie. A cette solution n’est pas opposée la condamnation de la 46e proposition réprouvée par le papo Inno­ cent X I. et qui est ainsi conçue : Dare temporale pro spirituali, non est simonia... etiamsi temporale sit principale motivum dandi spirituale, imo etiam sit finis ipsius rei spiritualis, sic ut illud pluris adimetur (piam res spiritualis. Dans cette propo­ 78 sition, en cilct, les mots principale motivum sont syno­ nymes de pretium rei spiritualis, comme Γ explique saint Alphonse, Theologia moralis, 1. Ill, De prae­ ceptis decalogi et EcclesUr, I. I, c. n, dub. n, a. 1, n. 54, 4 In-4·, Rome, 1905-1912, édit. Gaudé, t. i, p. 401 ; tandis que, dans le cas proposé, l’hono­ raire est le prix non du bien spirituel conféré par l’application de la messe, mais le prix du soutien du prêtre. Gury-Ballcrinl, Compendium lheologiæ mora­ lis, Tractatus de eucharistia, part. H, c. in, a. 3/ n. 370, q. vn, 2 ln-8°, Rome, 1882, L n, p. 233; Lchmkuhl, Theologia moralis, parL II, 1. I, tr. IV, sect, n. De sanctissima eucharistia ut est sacrificium, c. n. § 3, n. 198, ad 5^, 2 in-8®, Fribourg-en-Brisgau, 1893, t. n, p. 116; Gaspard, Tractatus canonicus de sanctis­ sima eucharistia, c. iv, n. 544, 1.1, p. 395. 6° Fondation de messes à perpétuité.— Au xx· siècle, la coutume des honoraires de messes était déjà très répandue. Bien plus, on ne sc contentait pas de faire dire des messes, de son vivant; on voulait, après la mort, en assurer la célébration à perpétuité. Les capitulaires de Charlemagne nous ont transmis le formulaire dont on sc servait pour les fondations de ce genre, I. VI, c. cclxxxv. Cet usage ne fut pas moins en vigueur durant les siècles suivants. Vita S. Pétri Dormant per Joannem monachum ejus discipulum, c. xx. P. L., t. cxliv, col. 117;Baronlus, Annales eccle­ siastici, 12in-fol., Rome, 1593-1607, an. 1054, t. xx, p. 230; Decretum Gratiani, part. III. De consecrat., dist. I, c. 53, Su/ficit; concile d’York (1194), can. 3, Mansi, t. xxxi, col. 842; concile de Paris (1212), can. 5, n. 12, Mansi, t. xxin.col. 822; (concile de Wurzbourg (1287), .Mansi, t. xxiv, col. 943; concile Me Palencc, en Espagne (1322), Mansi, t. xxiv, col. 70-1; concile de Tolède (1324), can. 67, (Mansi, t. xxv, col. 733, 734; concile de Malines (1570). tit.xiv, De decanis pasto­ ribus,c. 12;I3ail, Summa conciliorum omnium, 2 in-fol.» Paris, 1672» t. xi, p. 717, col. 1. 7° Fixation du taux. — Plusieurs auraient souhaité que l'honoraire de chaque messe fût, en général, suffisant pour l'entretien quotidien du prêtre chargé de la dire. Nous trouvons un exemple de ce désir dans le canon 23 du concile tenu à Avignon en 1594 : Omnes hortamur qui missas celebrare jaciunt, ut sacer­ dotibus tantum, clecmosijnæ nomine, impendantquantum pro victu decenti et honesto illius sufficiat. Æquum est enim ut, juxta apostoli sententiam, qui altari servit, de altari vivat. Cf. Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l'ÉglUe, part IV, 1. Ill, c. vi, n. 5. t. V, p. 475. Les anciens cérémonlaux appelaient, pour ce motif, l’honoraire de messe le presbyterium. L’emploi de ce terme, pris en ce sens, s’est conservé en divers endroits jusqu’à nos jours, on particulier dans la basilique vnticanc de Saint-Pierre. Quand le pape y n chanté la messe pontificale, soit à l'occasion d’une canonisa­ tion, soit pour quelque fête solennelle, le cardinalnrchlprêtre de la basilique, accompagné de deux chanoines préposés à la sacristie, s'approche du souverain pontife, ct lui offre une bourse contenant vingt-cinq pièces d'argent, en lui disant ces paroles : licatlssime Pater, capitulum et canonici huius sacro­ sancta9 basilica: sanctitati vestræ consuetum oj/erunt presbyterium pro missa bene cantata. Cf. Benoît XIV, De servorum Dei beatificatione ct beatonim canoniza­ tion?, J. I, c. xxxvi.§ 10, n. 26, 16 ln-8°, Naples, 17731775, t. II, p. 145 sq. III. A QUI ΛΓΡΛΠΤΙΕΧΤ-IL I>E FIXER LE TAUX DES iioNoKAini s de messes?— 1° A partir du xvii· siècle, les décrets des Congrégations romaines sc multiplient, au sujet de la discipline plus sévère qui tend à s'éta­ blir par rapport aux honoraires de messes. Signalons en particulier les décrets de la S. C. du Concile du 79 HONORAIRES DE MESSES 80 21 juin 1625, du 13 janvier 1629, du 15 janvier 1639, ! est également entrée maintenant dans les lois géné­ du 17 juillet 1655, du 13 décembre 1659, du 5 juillet rales de l’Église. Cf. Codex juris canonici, can. 830. 6° 11 est permis au prêtre d’accepter un honoraire 1664, du 12 juillet 1670, du 22 novembre 1697, du de messe plus élevé que le tarif ordinaire, s'il lui est 23 décembre de la même année, du 15 novembre 1698. spontanément ollcrt ; il peut accepter aussi un hono­ Au siècle suivant, ils ne sont pas moins nombreux : raire inférieur A celui du tarif, a moins que l’évêque 23 juin et ltrscplcmbrc 1712,25 mars et 9 juillet 1757, ne l’ait défendu. Cf. décrets de la S. C. du Concile, etc. 11 en résulte, d’abord, que, pour le taux de du 16 janvier IG 19, du 16 juillet 1689, du 25 novembre l’honoraire, s’il n'y a pas une coutume locale qui le 1697; constitution d’innocent XII, Nuper, du 23 fixe, c’est ù l’évêque qu’il appartient de le fixer, soit par une loi synodale, soit autrement : Attendendam esse décembre 1697, § 15, ad 3um, § 30; décrets plus ré­ consuetudinem loci, vd legem sijnodalem, quatenus cents de la S. C. du Concile du 8 mai 1905 et du 15 octobre 1915; Codex juris canonici, can. 832. adsit; sin minus statuendam esse per episcopum deemosynam competentem ejus arbitrio (15 novembre IV. Obligation de célébbeix hêsultant de l’acceptation des iionohaihes. — 1° Quant au 1698). Ci. Benoit XIV, De synodo diœccsana. 1. V, c. vm, n. 11, t. i, p. 375 sq. Celte règle, basée sur un nombre de messes à célébrer.— 1. Il y a obligation décret du concile de Trente, sess. XXII, De observan­ grave de célébrer autant de messes qu'on a accepté dis et evitandis in celebratione missœ, se retrouve dans d’honoraires, fussent-ils inférieurs au taux réglé par la constitution du pape Innocent XII, Nuper, du la coutume, ou par les lois diocésaines, et ce serait une 23 décembre 1697, § 15, ad 5^,5 30, et dans celle faute grave aussi de satisfaire par une seule messe de Benoît XIV, Quod expensis, du 26 août 1718. Les à plusieurs obligations ainsi contractées. Cela ressort religieux, même exempts, doivent pour le taux des d'abord de la constitution d’Innocent XII, Nuper, honoraires de messes se conformer aux décrets de du 23 décembre 1697, dont voici la teneur, qui ne sau­ l'évêque diocésain, ou aux coutumes locales. S. C. du rait être plus explicite : Ubi pro pluribus missis cele­ Concile, 15 janvier 1639,16 juillet 1689 et 8 mai 1905. brandis st ipend ia, Q ua A’ t UM cumque zazo.v ge ua Cette règle ainsi formulée, même dans ses détails, et exigua, sive ab una, sive a pluribus personis est maintenant une loi générale de ! église, insérée collatu fuerunt... absolute TOT misstc celebrentur QUOT dans le nouveau Code de droit canon, can. 831, § 1-3. ad rationem attributio eleemosynte pnrscripia fuerint, Cf. Salman licenses, Theologia moralis, tr. V, c. V, ita utalioquin ii ad quos perlinet suæ obligationi satisfa- > р. i,n.l,t.i,p. 120; Suarez, In ///4rn, disp. LXXXVI, cianl, quin imo graviter peccent, ct ad restitution^ sect, it, n. 1-4, Opera omnia, t. xxi, p. 910 sq. ; Pal­ teneantur. Le même pape renouvela ccs prescriptions mieri. Opus theologicum morale, tr. X, sect, xv, c. in, deux ans plus tard, dans son autre constitution, Nuper n. 246, l. iv, p. 719. a Congregatione, du 24 avril 1699. Voir aussi les dé­ 2° Ce n’est pas ά dire, cependant, que l’honoraire crets du Saint-Office du 24 septembre 1655 ct de de la messe doive être tellement élevé qu’il suffise à la S. C. du Concile du 21 juin 1625, du 7 février 1632, la nourriture quotidienne du prêtre, car, comme le fait du 23 novembre 1697, du IG décembre 1893; et ceux remarquer Benoît XIV, De synodo ducccsana, 1. V, de la S. C. de La Propagande du 13 avril 1807, du с. vin, il ne faut pas le jour entier pour célébrer la 2 août 1844, du 20 janvier 1893. Cf. Codex juris messe, ni même la plus grande partie du jour : idco canonici, can. 828. non est cur sacerdos propter hoc solum ministerium Beaucoup d’auteurs font, cependant, justement alatur ab eo pro quo sacrificium offert. Cf. Salman li­ remarquer qu'il faut que le prêtre ait accepté sciem­ censes, Theologia moralis, tr. V, c. v, p. x, n. 3, t. i, ment de célébrer un certain nombre de messes pour p. 120; Suarez, In 111 -^dlsp. LXXXVI, sect, i, n.5, un taux inférieur au tarif en usage; car, s’il a reçu, Opera, t. xxi, p. 911 sq. sans le savoir, des honoraires d'un taux inférieur, 3” Il est pourtant d'usage, néanmoins, que l’hono­ il n'est pas tenu à célébrer ces messes. C’est ce qu'en raire soit plus élevé que le tarif ordinaire pour une seigne saint Alphonse, interprétant la loi promulguée messe tardive, ou célébrée A un endroit éloigné, ù par Innocent XI l : Hoc tumen sane intdligcndum, cause du surcroît de fatigue qui en résulte dans l’un quando sacerdos 801ENTER ACCEPTAVIT pro tali sti­ et l’autre cas. Cet usage très légitime est confirmé pendio tot missas celebrandas; secus si ignoranter, ut par le nouveau Code de droit canon, can. 821, § 2. Mais recte dicunt Tourncly, Roncaglia, Layman, etc. Theolo on ne pourrait exiger un honoraire plus élevé pour gia moralis, 1. VI, tr. III. c. in, n. 320, dub. n, 4 in-4°, une messe célébrée à un autel privilégié. Décrets de la Rome, 1905-1912. édit. Gaudé, t. ni, p. 305. S. C. des Indulgences, du 19 mars 1761 ; de la S. C. de 2. Si ccs honoraires inférieurs ont été remis par la Propagande, du 13 août 1774; Codex juris canonici, la même personne au prêtre, qui s’aperçoit ensuite do can. 918, $ 2. son erreur, celui-ci peut, en sûreté de conscience, ne 4° On doit remarquer, en outre, que, quoiqu’il dire que le nombre de messes dont ic montant des appartienne de droit à l'évêque de fixer le tarif des honoraires, évalués suivant le tarif diocésain, équi­ honoraires de messes, il ne peut, pour aucun motif, vaut ù la somme reçue. Le donateur, en diet, ne peut imposer un tribut, ou une retenue, en faveur de raisonnablement exiger que les lois diocésaines ne lui n'importe quelle bonne œuvre, sur les honoraires de soient pas applicables. messes, soit qu’il s’agisse de messes dites manuelles, Mais si ccs honoraires ont été offerts par diverses c'est-à-dire données directement par les fidèles au personnes, on ne peut en réunir plusieurs pour par­ jour le jour, soit qu’il s'agisse de messes de fondations. faire le tarif diocésain, ct s’en acquitter par la célébra­ Codex juris canonici, can. 1506. tion d'un nombre moindre de messes, chacune de 5° Quand les fidèles offrent une certaine somme Celles-ci étant comptée pour plusieurs honoraires pour l'application de messes, sans indiquer le nombre inférieurs. Cette pratique est condamnée depuis fort de celles-ci, on doit le compter suivant le tarif en longtemps, car on trouve cette prohibition dans le usage dans le diocèse où ces fidèles demeurent, à ne chapitre du concile tenu A Lambeth, faubourg de moins qu’on ne puisse légitimement présumer que Londres, en 1281, cl dans lequel furent reçus les dé­ leur intention était différente. Cf. Décret de la S. C. crets du concile œcuménique tenu à Lyon en 1274. du Concile, du 23 novembre 1697;constitution du sou­ Voici le texte d<· ce décret très t xpliclte : .Von credat verain pontife Innocent XIf, Nuper, du 23 décembre celebrans se, dicendo missam unam, posse satisjaccrc 1697, § 15, 30; décrets de la S. C. du Concile, du 13 no­ pro duabus, pro quo utroque promisit Specialiter Licet ipsorum sacrificium sil infinita virtutis, non tavembre 1698 et du 10 mal 1710. Cette prescription 81 HONORAIRES DE MESSES men ih star immensitatisstimmaniplcnitudlncmopcralur. Hardouin, Acta conciliorum; t. vu. col. 862. Cf. Gas­ par ri. De sanctissima eucharistia, c. îv, sect. n. a. 2, § 2. n. 585 sq.. t. i. p. 121 sq. 3. Malgré ces lois si formelles, les abus ne cessant pas, on chercha à les appuyer sur de bonnes raisons théologiques. Si, en effet, les théologiens ct les cano­ nistes les plus renommés reconnaissent que le fruit du sacrifice de la messe, attache par Dieu à l'intention du célébrant, est fini in actu secundo, c'est-à-dire dans son application; quelques-uns. cependant, ont enseigné que l'application de la messe ù plusieurs est aussi profitable à chacun que si elle était faite à un seul. Non seulement cette opinion ne fut pas, d’abord, explicitement condamnée, mais on cite un certain nombre d’induits, accordés, soit à des particuliers, soit à des communautés, permettant d’acquitter, même ù titre de justice, par un seul sacrifice, diverses obligations résultant de plusieurs honoraires reçus. Cf. Palmieri, Opus theologicum, tr. X, sect. îv, c. ut, n. 215, 252, t. iv, p. 719. 723. Toutefois, par l’application trop étendue de cette doctrine, ct peut-être par la multiplication des induits de ce genre, les abus grandirent à tel point, que le saint-siège dut intervenir rigoureusement à diverses reprises. Nous citerons ici, en particulier, un décret d'Urbain VIII, révoquant tous les induits précédemment accordés ct ordonnant de célébrer dé­ sormais autant de messes qu’on aurait accepté d’honoraires divers: Id ut deinceps observetur exactius, S. Congregatio revocat privilegia ct indulta omnia quibusve personis, ecclesiis ac locis piis, tam saecula­ ribus (piam regularibus cujuscumque ordinis, congre­ gationis ct instituti, quamcumque ob causam concessa, quibus indulgetur, ut certarum missarum, vel anni­ versariorum celebratione, aut aliquibus collectis, seu orationibus, plurium missarum oneribus in futurum suscipiendis satisfiat. 4. Gc ne fut pas encore assez de ces prescriptions sévères, pour faire cesser les abus. On distingua entre le fruit général du sacrifice, qui est appliqué par l'Égllse; le fruit spécial, ou moyen, ou ministériel, dont le prêtre peut disposer ct qu’il applique à ceux pour lesquels il dit la messe; ct enfin le fruit très spécial, qui lui appartient en propre, ct dont, préten­ daient certains auteurs, il pouvait disposer pour un second honoraire. Benoit XIV, De synodo dloecesana, 1. V. c. IX, n. 4, t. i, p. 379-381 ; Institut, eccles., LVI, n. 5, Opera omnia, 18 in-l°, Prato, 1837-1817, t. x, р. 247sq.;S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI,tr. III. с. in, n. 318, t. π, p. 303. Quoi qu’il en soit, au point de vue théorique, de cette question controversée entre les théologiens, il est certain, au point de vue pra­ tique, que des lois positives ct très formelles de l’Égllse défendent, sous peine de péché mortel, de recevoir, ù ce titre, plusieurs honoraires. Décret de la S. C. du Concile du 13 décembre 1659, ct proposition 8· condamnée parle pape Alexandre VII. Voir t. I, col. 734-735. Pour échapper à cette condamnation, plusieurs en vinrent ù distinguer deux parties séparables, dans le fruit spécial ou moyen dont le prêtre peut disposer : la première de ccs parties était constituée par le mérite satisfacto ire, plus directement applicable aux défunts; la seconde, par le mérite impétratoire, plus directement applicable aux vivants, en vue, par exem­ ple, de demander à Dieu la guérison d’un malade, le succès d’une entreprise, etc. Selon eux. il était loi­ sible au célébrant d'appliquer la première partie de ce fmlt à une personne défunte, et la seconde ù une autre personne vivante, afin de pouvoir recevoir ainsi deux honoraires. Cette doctrine fut également formellement réprouvée par un décret de la S. C. du Concile du 1.3 décembre 1659. Cf. proposition 10% condamnée par Alexandre VII, L l, col. 735-736. Voir en outre, à ce sujet, de nombreux documents pontificaux : décrets d’Urbain VIH, du 21 juin 1625; du 28 avril 1629, et du 13 juillet 1630; encyclique de Benoit XIV, Demandatam, du 24 décembre 1743, § 10; encyclique Cum semper oblatas, du 19 août 1744, § 2; constitution Quod expensis, du 26 août 174Ç; décrets de la S. C. de la Propagande du 13 avril 1807 ; de la S. C. des Bites du 1 t juin 1845; delà S. C. du Concile du 24 mars 1861; lettre apostolique de Léon XIII, In suprema, du 10 juin 1882. De cette prohibition est excepté, bien entendu, le cas où les donateurs qui auraient offert plusieurs honoraires consentiraient spontanément à ce qu’il y fût satisfait par une seule messe. Il n’y aurait, alors, aucune injustice, car. suivant l'axiome bien connu, scienti et volenti non fil injuria. Cf. Tamburlni. Method, celebranda misses, I. Ill, c. i, § 3, Opera omnia, 2 In­ fol., Venise, 1707, t. il. p. 486. De même est excepté le cas où il serait absolument certain que l’honoraire de messe eût été offert pour la seule célébration, sans l’application. Cf. Codex juris canonici, can. 825, η. 4; Gasparri, Tractatus canonicus de sanctissima eucha­ ristia, c. iv, sect, π, a. 2, § 2, n. 586-587, t. i, p. 422424. 5. Ce décret d'Urbain VIII. du 21 juin 1625, con­ firmé par Innocent XII dans sa constitution Nuprr, du 23 décembre 1697, déclare, en outre. § 2, que ni les gé­ néraux d’ordres, ni les abbés dans leurs chapitres, ni les évêques dans leurs synodes diocésains, ne peuvent diminuer le nombre de messes manuelles, ou de fon­ dations, correspondant au chiffre des honoraires perçus. Ce droit est formellement réservé au saintsiège, qui, après mûr examen de chaque cas particu­ lier, réglera la chose secundum quod magis in Domino expedire arbitrabitur. Toutes les réductions de ce genre faites par une autorité autre que celle du saint-siège sont déclarées Illicites ct de nulle valeur. Seul le saintsiège peut opérer cette réduction, car seul il peut sup­ pléer du trésor spirituel de l’Église. Décrets de la S. C. du Concile du 30 mars 1776. du 24 janvier 1778, du 27 avril 1805. du 31 août 1819, du 11 décembre 1822, du 21 janvier 1825. La faculté que le concile de Trente, sess. XXV, c. îv. De reform., avait donnée aux évêques de réduire le nombre de messes accumu­ lées avant cette époque, pourvu qu’elles ne fussent pas de fondations, devait s'exercer dans le premier synode tenu après le concile, ct n’était que pour une seule fois. Elle est donc depuis fort longtemps péri­ mée, ct il ne saurait plus en être question. Cf. S. Alphonse, Theologia moralis, 1. V1. tr. 111. c. ni. n. 321, t. in, p. 306; Belffenstuel, Jus canonicum universum juxta titulos quinque librorum Decretalium, 1. HI. tit. v, n. 115. 6in-fol., Venise, 1730-1735, t. ni. p. 72; Lucidi, Dc visitatione sacrorum liminum, c. vn. § 1, n. 78, 3 in-4 °, Home, 1887, t. n. p. 447 sq.; Gasparri.Tract, can. de sanctissima eucharistia, toc. cit., n. 617. t. i, p. 450. Le cas serait différent si les revenus des fondations avalent tellement diminué par la suite ou le malheur des temps qu'ils ne représenteraient plus le chiffre des honoraires dus pour ce nombre de messes. Dans ce cas, en effet, ce ne serait pas ù proprement parler une réduction qui devrait s opérer sur le nombre des messes dues pour la perception des honoraires; mais ce serait simplement la constatation de la cessation dc l’obligation, puisque les honoraires ne pourraient plus être perçus. Benoit XIV, De synodo dicrcesana, 1. XIII, cap. ult.,n. 9, 18, 22, 23; Suarez, In III disp. LXXXVI, sect, il, n. 1, t. xxi, p. 910; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI. tr. III.c in. n. 265, I 331, t. in, p. 320; Palmieri, Opus theologicum, tr. X, 83 HONORAIRES DE MESSES sect, iv, c. ni. dub. i, n. 270-271, t. iv, p. 737-739; Gaspard, De sanctissima eucharistia, toc, cit., n. 588, 62 . . i, p. 424, 452. 2° Quant au lieu où il /aut afcbrcr.— 1. Si le dona­ teur de l’honoraire a spécifié qu’il veut que la messe soit dite dans telle église, ou tel sanctuaire, ou à tel autel plutôt qu’à tout autre, on doit se conformer à sa volonté. Cependant, l’omission de cette circonstance n’est pas de soi un péché mortel. Il n’y aurait même aucune faute, si cette omission était faite pour de justes motifs. Benoît XIV, bulle Quanta cura, § 2, institut. LVI, n. 14, Opera omnia, t. x, p. 252; S. Alphonse, Theologiamoralis,VI, tr. III,c. ni, n.327, t. in, p. 316; Palmieri, Opus theologicum, tr. X, sect, iv, c. ni, n. 268, t. iv, p. 736. 2. Ce serait différent si le donateur avait spécifié que la messe devrait être célébrée à un autel privi­ légié. Le célébrant ne pourrait pas satisfaire à celte obligation, même en s'efforçant de gagner pour le défunt une indulgence plénière, d’après les décrets de la S. C. des Indulgences du 8 mai 1852 et du 24 juil­ let 1885, contredisant, sous ce rapport, l’enseigne­ ment de saint Alphonse, Theologia moralis, 1. VI. tr. Ill, c. ni, n. 329, note 2, t. ni, p. 318. La raison en est que l’indulgence plénière de l’autel privilégié diffère des autres indulgences plénières, en ce que le gain de celles-ci dépend des dispositions personnelles de celui qui veut la gagner; tandis que la première, plus probablement, dépend du fait de la célébration de la messe à tel ou tel autel. Ne pas célébrer à l’autel privilégié, quand on y est obligé à cause de l’honoraire donné pour co motif, semble être une faute mortelle, vu le dommage grave qui en résulte pour celui à qui la messe est appliquée. Ojetti, Synopsis rerum moralium et juris pontificii alphabctico online digesta, au mot Stipendium, 2 in-4 °, Prato, 1905, t. ii, p. 596. Lc célébrant devrait, en outre, restituer ce qui a été donné en plus de l'honoraire ordinaire pour que la messe fût célébrée à un autel privilégié. S. Alphonse, Theologia moralis, loc. cil., n. 329, t. m, p. 318; Pal­ mieri, Opus theologicum, tr. X. sect, iv, c. ni, dub. i, n. 269, t. iv, p. 736 sq. 3. A diverses reprises, le saint-siège avait exprimé le désir que, dans les sanctuaires où les fidèles offrent plus d’honoraires qu'on n’y peut célébrer de messes, ils soient avertis que les messes en excédent seront célébrées ailleurs. Réponses de la S. C. du Concile du 8 mars 1659 et du 9 avril 1783; décret d’inno­ cent XII, du 23 décembre 1697, § 9. Ce désir est main­ tenant une prescription générale et explicite du nou­ veau Code de droit canon, qui, dans le canon 836, l'a ainsi libellée : In ecclesiis in quibus, ob fidelium peculiarem devotionem, missarum elcemosqnæ ita affluunt, ut omnes misses celebrari ibidem debito tem­ pore nequeant, moneantur fideles, per tabellam in loco patenti et obvio positam, missas oblatas celebratum iri vel ibidem, cum commode poterit, vel alibi. 3° Quant aux autres circonstances.— Si, en offrant les honoraires de messes, le donateur a exprimé sa volonté relativement à d'autres circonstances du saint sacrifice, le prêtre qui accepte les honoraires à ces conditions doit s'y conformer. Décrets de la S. C. du Concile du 13 juin 1653, du 5 août 1662, du l«r dé­ cembre 1666, du 13 août 1669, du 4 juin 1689, du 29 septembre 1714, du 13 juin 1899, du 19 décem­ bre 1904; décret du Saint-Office du 20 février 1913; Codex juris canonici, can. 833. De l’omission de ces circonstances, cependant, il no résulte pas toujours une faute grave, quoique, par­ fois, il puisse y en avoir une. Palmieri, Opus theologicum, tr. X, sect. IV, c. m, dub. i, n. 2671, t. iv, p.733; Gasparri, Tractatus canonicus de sanctissima eucha­ ristia, c. iv, sect, n, a. 2, § 2, n. 593-598,1.1, p. 430· 136. 84 4° Quant au temps. — 1. Si le temps a été fixé par le donateur, il faut absolument s'y conformer. Décrets de la S. C. du Concile, du 12 juillet 1670, du 23 juin et du 1er septembre 1742; Suarez, tr. IV, 1. IV, c.xxix, n. 11, Opera omnia, t. xiv, p. 430; Codex juris cano­ nici, can. 834, § 2. 2. SI le temps n’a pas été fixé par le donateur, le délai pour célébrer les messes dont on a accepté les honoraires fut d'abord fixé ù un mois par un décret de la S. C. du Concile du 17 juillet 1655. Saint Al­ phonse, cependant, enseigne que cette décision s'ap­ plique surtout aux messes pour les défunts; mais que, pour les autres, le prêtre peut probablement, sans charger sa conscience, attendre jusqu'à deux mois. Theologia moralis, I. VI, tr. Ill, c. in, η. 317, t. ni, р. 299. Voir Reiffenstuel, Jus canonicum universum juxta titulos quinque librorum Decretalium, 1. III, tit. xli. De celebratione missa*, n. 8 sq., t. in, p. 397 sq.; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X, sect, vi, с. ni, n. 247 sq., p. 730 sq. C'est aussi ce qui semble résulter d'une autre déclaration de la S. C. du Concile du 22 novembre 1697· 3. S’il s’agit d’une personne récemment décédée, le délai d’un mois serait une faute grave, selon beaucoup de théologiens. S. Alphonse, Theologia moralis, loc. at., η. 317, q. IX, t. ΠΙ, p. 301. 4. Six mois sont une limite qu'on ne devrait jamais dépasser, selon une déclaration de la S. C. du Concile, du 24 avril 1875, à moins, bien entendu, que les dona­ teurs ne consentent spontanément à un délai plus considérable. IL faut considérer, cependant, que ces règles ne sont pas tellement absolues, qu'elles ne puissent varier sensiblement suivant les coutumes locales, fort légi­ times, quand elles sont basées sur le petit nombre de prêtres et l'abondance des demandes de messes, et réciproquement sur le petit nombre de demandes et la multitude de prêtres. Innocent XII, constitution Nuper, du 23 décembre 1697, § 15, 30; S. C. du Concile, du 23 novembre 1697; décret Ut debita, du 11 mai 1904, n. 2; Codex juris canonici, can. 834, § 2, η. 2. Quand une même personne donne en même temps un grand nombre de messes à un prêtre, par exemple, plusieurs centaines, on peut facilement supposer qu'elle consent à un délai notable, car elle ne peut pas exiger, sauf stipulation formelle, que le prêtre n’accepte aucune autre obligation d'ailleurs, avant qu’il n’ait acquitté toutes les messes qu’elle lui de­ mande. Le saint-siège a plusieurs fols accordé, pour des causes particulières, des délais assez longs pour la célébration des messes. Analecta juris pontificii, t. χιιι, p. 792. 5. Par le décret de la S. C. du Concile, II debita, du 11 mal 1901, le délai fut fixé à un mois pour une messe, à six mois pour cent messes, et à un temps plus long encore (sans autre précision), pour un nom­ bre de messes plus considérable. En même temps, défense était faite de recevoir plus d'honoraires de messes qu’on en pourrait probablement acquitter durant une année, en comptant celle année a die sus­ ceptes obligationis. Celte dernière danse se retrouve dans le nouveau Code de droit canon, eau. 837, 811, § 2. Celui-ci a étendu à un an le délai qu'on ne doit pas dépasser pour la célébration des messes acceptées. Lc canon 835, en effet, ι-st ainsi libellé : Ntmini licet tot missarum onera per se celebrandarum recipere, quibus intra λ.'·χιτμ satisjac' re n> queat. Maie il a spécifié aussi que, contre l'obligation résultant do l’acceptation des honoraires de messes, ne saurait prévaloir aucune prescription, can. 1509, n. 5, car c’est une obligation sacrée. CL S. Alphonse, Throlugia morali r, I. V'I, tr. Ill.c.m n. 324,1. in. p. 312sq. 85 HONORAIRES DE MESSES 5° En cas de ftcrte des honoraires.— Même si les ho­ norai! es sc perdent sans aucune faute de la part de celui qui les a reçus et acceptés, l'obligation de célé­ brer les messes ne cesse pas. Codex /uris canonici, can. 829. Ce serait différent si le capital laissé pour une fondation de messes devenait infructueux, car, suivant 1’axiome bien connu, rsité. Cf. décret do la S. C. du Concile du 10 septem­ rum conciliorum nova et amplissima collectio, 31 in-fol., Florence, 1759-1798, t. ix, col. 775; l. XII, col. 99; bre 1887. Dans ce cas, si un prêtre, pour sa seconde 91 HONORA IKES DE MESSES — HONORE DE SAINTE-MARIE t. xxn.col. 822. 842; t. xxiv, col. 701. 0-13 ; t. xxv, col. 733 sq·; Bail» Sumina conciliorum omnium, 2 in-fol., Pari», 1672, t. H» p.717 ; Ferraris, Prompta bibliotheca canonica, juridica, moralis, theologica, au mot Missa· sacrificium, n. 2-4, 10 fn-4% Home, 1784-1790, t. v, p. 278-310; S. Al­ phonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. Ill, c, m, n. 315-333, 4 in-4®, Rome, 1905-1912, édit. Gnudê, t. in, p. 298-324; Pallottlni, Collectio omnium conclusionum et resolutionum quse in causis propositis apud S. Congregationem cardina­ lium S. condiit Tridenllni interpretum, prodierunt. 11 in-4·, Rome et Turin, 1878-1884, passim; Lucidi, De visitatione sacrorum liminum, c. vn, § 2. n. 1-6, 3 in-4·, Rome, 1887, t. n, p. 414-174; Gnsparri, Tractatus canonicus de sanctis­ sima eucharistia, c. iv, sect, n, n. 2, § 2. n. 533-644, 2 in-8·, Paris, 1897, t. I, p. 388-169; Palmieri, Opus theologicum morale tn Pusembaum medullam, tr. X, De sacramentis, sect, xv. De eucharistia, c. n. De sacrificio missa, dub. 1, n. 245-276; tr. XI, De censuris, t. n, n. 463-465, 7 in-8·, ITato, 1899 1895, t. xv, p. 718-742; U vn, p. 258-260; S. Many, Prirlcctiones de missa, tit. r, c. xv, Paris, 1903, p. 76-124; Bargllint, Les honoraires de messes, in-8·, Paris, 1905, contenant le texte et le commentaire du décret VI débita, du 11 mai 1904; Ojetll, Synopsis rerum moralium et juris pontificii alphabetic^ ordine digesta, aux mots Collectores missarum, Deductio missarum. Stipen­ dium. 2 in-4·, Prato, 1905, t. x, p. 363-365 ; t. n, p. 117-121, 592-599; Wcms, Jus Decretalium, 5 in-8®, Rome, 18981907, Jus admlntstratlonts, part. Π, sect. I, c. xv, tit. xx, § l»n. 537, t. ιιι,ρ. 530-537; Coder juris canonici, LIU, part. I, tit. ni, c. x, De sacrosancto missx sacrificio, n. 4, am. 824-844, in-8·, Rome, 1917, p. 160-164. T. Ohtolan. HONORÉ DE SAINTE-MARIE, religieux carme, théologien et historien, sc nommait dans le siècle biaise Vauzelle. 11 était né à Limoges, Je 4 juillet 1651, d’honnêtes parents. Scs études littéraires ache­ vées, il entra chez les carmes déchaussés et lit pro­ fession à Toulouse, le 8 mars 1671. Après avoir étudié la philosophie et la théologie, il sc voua aux missions et travailla avec zèle â la conversion des pécheurs. Il fut sous-prieur à Malte; il revint ensuite dans sa province d’Aquitaine et il fut nommé professeur de philosophie et de théologie. 11 fut successivement prieur, déflnitcur provincial, en 1701, et visiteur gé­ néral des trois provinces de France, à diverses épo­ ques. il mourut pieusement à Lille, le 3 novembre 1729. Quelques-uns de ses écrits l’ont rendu célèbre. 11 publia d’abord des thèses de philosophie et de théologie : Philosophiæ disputationes, soutenues à Clermont, le 13 et le 14 août 1686; il y avait joint un parallèle entre la philosophie thomiste et la phi­ losophie plus récente de Descartes et de Gassendi et il montrait que cette dernière différait de l’enseigne­ ment de l’Écriture, des conciles, des saints Pères et des académies; Theologica propositiones, dédiées aux chanoines d'Elne sous ce titre : Expositio symboli apostolorum dogmatica, hislorico-hæretica, historicopositiva-scholastica, etc., éditées et défendues à Per­ pignan, 1689 ; Theologiae propositiones circa Scripturam sacram, Toulouse, 1706; les unes portaient sur toutes les difllcultés chronologiques, depuis la création du monde jusqu’à Jésus-Christ, et les autres sur l’inspi­ ration, le canon de ΓAncien Testament et les tradi­ tions divines. Il avait paru à Bordeaux un libelle, oeuvre d’un franciscain anonyme, que l’auteur pré­ sentait comme un extrait de l’ouvrage du canne Jean Chéron, ancien provincial de la province de Gascogne: Examen de ta théologie mystique. Le P. Honoré de Sainte-Marie y répondit par sa Dissertation apologé­ tique, ou réfutation de ce qu'on impose aux mystiques dans quelques extraits tirés depuis peu de ΓExamen de la théologie mystique, in-12, Bordeaux, 1701. Cf. Mé­ moires de Trévoux, juillet et août 1701, p. 81. Traité des indulgences et du jubilé, in-12, ibid., 1701 ; 2· édi­ tion augmentée, Clermont; 3* en Belgique, 1725(à l’oc­ casion du jubilé); La tradition des Pères et des auteurs etclésiastiques sur la contemplation, où l'on explique 92 ce qui regarde le dogme cl la pratique de ce saint exercice, 2 in-8°, Paris, 1708, ouvrage solide et érudit,Cf. Mé­ moires de Trévoux, 1709, p. 201-224 ; Journal des savants, t. xu, p. 299-311. 11 en fut fait une traduction ita­ lienne par un oratorien et une traduction espagnole. Les moti/s et la pratique de l'amour divin, in-8% Bor­ deaux, 1713. C’est le complément du volume précé­ dent, l'auteur y traite de l’amour pur et réfute les erreurs des faux mystiques. Cf. Mémoires de Trévoux, 1714, p. 2192. Problème proposé aux savants louchant les livres attribués ά S. Denys l'Aréopagitc, où ion demande s'il faut dire que cet auteur a tiré scs principes, une partie de sa doctrine et le traité de sa théologie mys­ tique de saint Clément d1 Alexandrie d de saint Grégoire . de Nysse, ou si ces deux Pères ont pris de lut, in-8°, ibid., 1708. L’auteur y propose avec érudition et clarté les arguments pour ou contre l’authenticité des œuvres du pscudo-Aréopaglte. CL Mémoires de Trévoux, 1709, p. 743-777. Mais l’ouvrage qui a fait le renom du P. Honoré de Sainte-Marie, ce sont ses Réflexions sur les règles d l'usage de la critique touchant Γhistoire de l’Église, les ouvrages des Pères, les actes des anciens martyrs, les vies des saints, d sur la méthode qu'un écrivain (Ri­ chard Simon) a donnée pour /aire une version de la Bible plus exacte que tout ce qui a paru jusqu'à pré­ sent, avec des notes historiques, chronologiques d critiques, 3 in-4°, Paris, 1713, t. x; 1717, t. ix; Lyon, 1720, L ni. Cet ouvrage très érudit fut bien accueilli du public. L’auteur a relevé dans les historiens les plus célèbres, Tillemont, Baillct, Lnunoy, 11. Simon, Ellies Dupin, Noël Alexandre, l’absence de principes fixes de critique et par suite des erreurs; il a exposé les principes généraux qui rendront la critique histo­ rique plus ferme et plus certaine. Dans la seconde partie, qui est moins estimée que la première, il a fait preuve d’une trop grande crédulité. Cf. Mémoires de Trévoux, 1713, p. 1305, 1336; 1718, p. 83-117; 1722, p. 1991-2013, 2033-2050; Journal des savants, t. lui, p. 509-520; L lxii, p. 551-560; t. lxiii, p. 920; Acta eruditorum, Leipzig, 1714, p. 145-154; Supplementum, t. vu, p. 49-54 ; avril 1724, p. 180-183. Cet ouvrage fut traduit en latin par le canne Marc de Saint-François, 3 in-4°, Venise, 1738, en italien et en espagnol. Le P. Honoré de Sainte-Marie a encore publié les ouvrages suivants : Dissertations historiques et criti­ ques sur la chevalerie ancienne d moderne, séculière et régulière, avec des notes, in-4°, Paris, 1718; Brescia, 1761; Difficultés proposées à l'auteur de VExamen théologique, 2 in-12, s. 1., 1710; 2 autres in-12, 1722. L’auteur de VExamen théologique était un bénédictin, doin Marien Brockies, prieur des Écossais au monas­ tère de Ratisbonnc, et son Examen avait paru ù Erfurt en 1720. Dans le t. Ier, le P. Honoré de Sainte-Mario traite de la grâce nécessitante des jansénistes et de la délectation victorieuse; dans le n®, il compare la grâce avec les principaux miracles de la toute-puis­ sance divine et il montre que Qucsnel n’a admis la grâce suffisante qu'en parole ; dans le t.ni, il montre que Dieu veut réellement le salut de tous les hommes, et dans let. xv, que Jésus-Christ est mort pour tous. Justification des lettres en /orme de bref de Sa Sainteté llenott XIII à tous les professeurs de l'ordre des prê­ cheurs contre les calomnies répandues sur les disciples de saint Augustin et de saint Thomas, in-4?, Bruxelles, 1725; Observations dogmatiques, historiques, critiques des oeuvres de Jansénius, Saint-Cyran, Arnauld, Quesncl, Petitpied, etc., ln-4°, Ypres, 1724; Viccnce, 1786; Fulginate, 1792; Lettre d'un théologien à un abbé (sur la constitution Unigenitus), 2 juillet 1725; Seconde lettre d'un théologien à un abbé. Douai, 1726 (à l’occasion d’un miracle qui a eu lieu à Paris en 1725 93 HONORE DE SAINTE-MARIE — HONORIUS 1" 94 Λ la processio» de la Fête-Dieu); Dissertations choi­ milieu de graves et multiples difficultés : indiffé­ sies sur la constitution Unigenitus, In-P, Bruxelles, rence ou hostilité des rois anglo-saxons et de leurs 1727, avec l'approbation de l'évêque de Bruges; peuples, mécontentement, poussé jusqu'au schisme, Vie de saint Jean de la Croix, Tournai, 1727 (aprê » 1 des vieilles chrétientés bretonnes. Honorius envoya la canonisation qui eut lieu le 26 décembre 1726); de nouveaux missionnaires dans le Wessex, Jaffé, Dénonciation de Γ Histoire ecclésiastique de l'abbé 1 n. 2023, s’efforça de décider les Scots (Irlandais) a Fleury au clergé de France, s. a. n. 1.(1726); 2· édit., revenir aux usages généraux de i Église romaine, Malines, 1727 ; elle est reproduite dans la Continuation Jaffé, n. 2022; ci. Bède, H, E., 1. 11, c. xrx, entretint de Γ Histoire ecclésiastique de Fleury, Augsbourg, 1772, des relations avec le roi de Northumbrie, Edwin, 1. u, p. 603-709. Le P. I lonôré de Sainte-Marie y l'exhortant à rester fidèle aux enseignements de Gré­ relève et y réfute diverses erreurs de Henry. On con­ goire. Jaffé, n. 2019. En même temps, il essayait de servait chez les carmes de Lille plusieurs ouvrages donner à 1 Église d Angleterre une organisation dé­ finitive, en réglant les droits respectifs d'York et de manuscrits du P. Honoré. Cantorbéry. L'un et l’autre sièges auraient rang de Martial de Salnt-Jcan-Baptiitc, Bibliotheca carmeUtarum métropole, et Honorius envoyait le pallium à Hono­ excalceatorum, Bordeaux, 1730, p. 197-206; Cosine de Vil­ rius deCantorbéry et à Paulin d'York. Jaffé, n. 2020. liers, Bibliotheca carmelilana, Orlênn*, 1752,1.i, p. 661-665; Dorénavant, Je survivant des deux métropolitains Continuation de l'H istoire ccdésindiquede Fleury, Augsbourg, désignerait le successeur du défunt, Jaflé, n. 2019; 1772, t. l.xxin, p. 180 wp; Bibliographie unioerselle de cf. Bède, ILE., 1. H, c. xvn; mais Cantorbéry avait Michaud, t. xx, p. 516; Kirchenlexikon, l’riboiirg-cnBrisgnu, 1889, t. Vf, col. 228-230; Hurler, Nomenclator, néanmoins un droit de primauté sur toutes les Églises Impruck, 1910, t. iv, col. 1163-1168; The catholic encyclo­ , τον μία ένκργιία, employé Je! pour la première fois) une I αυτόν cvx Χριστόν xal υιόν ένεργουντα τα Οεωπρεπή χαί ανθρώπινα μια Οεανθριχη ίνεργείχ χατά τόν έν άγίοιςΔιοΐώ· seule faculté, un seul mode d'action. Bien qu’aucune précision ne fût donnée, il allait de sol que, dans I σιον. Mansl, Conci!., t. xî. col. 564-5G5. Cet adjectif l’activité unique, reconnue dans le Christ, la divinité thêandrlquc était une vraie trouvaille. Les écrits du pseudo-Denys commençaient à circuler ; nul ne se avait la part principale, si prépondérante, pour­ rait-on dire, qu’elle en absorbait tonte activité hu­ doutait de la fraude pieuse qui mettait sous le nom maine. Quelque confiance qu’il eût dans scs lumières de l’Aréopaglto les élucubrations d'une philosophie fortement teintée de monophysisme; l'antiquité que théologiques, Héraclius devait sentir confusément DICT. DE THÙOL. CATHOL. VIL —4 99 HONORIUS 1er l’on supposait à la formule en garantissait fort hodoxic, et Je mot était destiné à une fortune brillante. En attendant qu’on lui trouvât une interprétation catholique, il devenait la tessère du monothéisme officiel. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, le formulaire ima­ giné par Cyrus et l'empereur semblait réussir à mer­ veille; les monophysiles se réconciliaient en foule* disait le patriarche d’Alexandrie, avec l’Églisc officielle. Au fond, la grâce divine n'avait guère de place en ces abondantes conversions : «Nous ne sommes point allés à Chaicédoinc, disaient les dissidents; c’est Chalcédoine qui est venue à nous, υ Tandis qu’à Constantinople on s’applaudissait, plus que de raison, de ces résultats si chèrement achetés, les couvents palestiniens, refuges de la science et de la piété orthodoxes, commençaient à s’inquiéter. Un moine surtout, nommé Sophronius, plus au courant des habitudes d'agir et de discuter de la secte monophyslte, avait compris le danger qui menaçait l’or­ thodoxie chalcédonienne. Il était accouru à Alexan­ drie, avait discuté avec le patriarche, lui avait repré­ senté le danger de sa formule d’union. Mais le moine et le patriarche ne pouvaient s’entendre; l’un parlait théologie, l’autre intérêt politique. Quel moyen de trouver un terrain commun? Sophronius s’était alors adressé par lettre au chef tout désigné de l’Églisc d’Orient, au patriarche de Constantinople. Puis il n'avait pas hésité à se rendre en personne dans la capitale, pour convaincre de vive voix Sergius. En apparence il n'obtint pas grand résultat; le patriarche écrivit seulement à Alexandrie pour prescrire le silence sur les expressions en litige; on devrait à l'avenir éviter de parler d’une ou de deux opérations. En réalité, la démarche de Sophronius devait avoir de bien autres conséquences; elle amenait Sergius à se tourner vers Rome et à chercher auprès du gardien né de la foi catholique la réponse aux doutes qui très certainement agitaient sa conscience. La lettre de Sergius au pape Honorius a été con­ servée dans les actes du VIe concile. Mansi, Concil., t. xî, col. 529-537. Il est nécessaire de l’étudier de près, la réponse du pape étant calquée sur la demande du patriarche. Au préalable, il faut remarquer que la bonne foi de Sergius dans cette afTairc n’est pas con­ testable. Les événements précédents l’ont montré anxieux de concilier les scrupules de son orthodoxie avec le souci de plaire à l’empereur. 11 croyait avoir trouvé un moyen d’y parvenir. Sa conscience eût été pleinement en repos si la plus haute autorité de l’Églisc avait voulu approuver son attitude. La lettre commence par rappeler les origines historiques du débat : conférences de l’empereur avec Paul le monophysltc, avec Cyrus de Phase; question adressée par celui-ci au patriarche; réponse qui lui a été faite. Sergius fait remarquer que, dans cette dernière, il s'est gardé de rien définir. Puls Cyrus est devenu pa­ triarche d’Alexandrie et Sergius Insiste avec quelque complaisance, peut-être avec quelque exagération, sur les merveilles d'union accomplies en la capitale de l'Égypte par la formule « d’une seule énergie ·. Sophronius, par contre, est présenté au pape sous un Jour légèrement défavorable; il apparaît un peu comme un brouillon qui vient compromettre par des scrupule! Intempestifs l’œuvre d’union si bien commencée. C’est à peine si Sergius mentionne qu’un changement considérable, et tort digne de fixer l'attention du pape, l'est passé pour le moine, qui vient d’être élu patriarche de Jérusalem. Un peu dédaigneusement, le prélat se contente de dire qu’il a entendu parler de cette élection, mais qu'il n’a point reçu encore la synodique la lui annonçant officiellement. Quoi qu'il en soit, lors de la visite de Sophronius à Constanti­ nople, Sergius s'est eflorcé de lui faire préciser son 100 point de vue. Il lui a demandé de fournir les preuves patristiques qui appuient l'enseignement des deux opérations, δυο βητώς χαί αύταΐς λέξίσιν ένιργιίας Μ Χριστόν παραδ’.δούσας; Sophronius n’a pu le fail e. A la suite de ce débat, continuo Sergius, nous avons écrit au patriarche d’Alexandrie. Sachant bien comment les querelles théologiques ont toujours pour origine 1’introduction de mots nouveaux, nous avons exhorté Cyrus «à ne plus permettre qu’on parlât à l'avenir d’une ou de deux énergies. Il valait beaucoup mieux confesser que le seul et même unique Fils de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ, opère les actions divines et les humaines, que toute activité, aussi bien la divine que l'humaine» procède sans division du seul et même Verbe de Dieu incarné et doit se rapporter à lui seul.> On le voit, Sergius écartait la question toujours brûlante des natures, pour accentuer l’unité de la personne; c’est de cette personne unique que procède finalement et en dernière analyse toute activité du Christ, et les termes mêmes du patriarche indi­ quaient que cette activité était double, Οιοπριπή χαι άνθρωποπριπη. Mais c’étaient les mots · simple ou double d oui lui faisaient peur. « Le mot une seule acti­ vité, μία cvspyria, continue-t-il, bien qu'il ait été em­ ployé par certains Pères (il s'agit évidemment de Cyrille d’Alexandrie, peut-être aussi de pseudo-Aréopagite), surprend et trouble certaines oreilles. On pourrait supposer qu'il entraîne la suppression des deux natures. L'autre formule, deux activités, scan­ dalise d’autres personnes. Outre qu'elle n’a pas été employée par les docteurs, il semblerait s’ensuivre qu’il existe dans le Christ deux volontés opposées l'une à l’autre, comme si, par exemple, le Verbe divin avait voulu accomplir la passion salutaire, tandis que l’humanité aurait résisté à cette volonté. Ce serait introduire deux (personnes) qui voudraient des choses opposées, ce qui est une impiété. 11 est Impossible, en eflct, que, dans un seul et même sujet, subsistent en même temps deux volontés opposées sur le même objet. doctrine des Pères nous enseigne, en cfiet, que Jamais la chair animée du Sauveur (expression pour signi lier simplement la nature humaine) ne s'est mise en mouvement d’ellc-mêmc cl contrairement à la direction (τω νο^αατι) du Verbe de Dieu qui lui est hypos ta tiquement uni, mais qu'elle voulait quand le Verbe voulait, comme 11 voulait, autant qu'il voulait. De même, en cfiet, que notre corps est conduit, orné, disposé par notre âme raisonnable, semblablement dans le Christ, toute la délibération humaine était, partout et toujours, divinement dirigéepar le Verbe. » Telles étalent, continue Sergius, les consignes en­ voyées par nous à Alexandrie; elles y ont rétabli la paix. Il semble bien que l’intention du patriarche de Constantinople est de demander au pape la confir­ mation pure et simple de cette attitude un peu expectante sans doute, mais correcte dans le fond. Au dernier moment, toutefois, Sergius, comme quel­ qu’un qui rôde autour d’une tentation, revient à ce fameux discours de Mennns, dont 11 avait jadis révélé l'existence à Cyrus et par lui à Iléracllus. Le théolo­ gien couronné a voulu en prendre plus ample connais­ sance, et l’a fait demander à la bibliothèque du pa­ triarcat. En envoyant au prince des extraits de ce factum qui est intitulé: Ikpl μιας cvtpytfaç χαί ένό; Οίλή’ίατος, Sergius s'est permis quelques observations. Il a fait remarquer la subtilité et la délicatesse du problème. Le mieux serait encore de s'en tenir à l’enseignement unanime des Pères, et de confesser tout simplement que le Fils unique de Dieu, vrai Dieu et vrai homme tout ensemble, opère dans l’unité de sa personne les actions divines et les hu­ maines; que c’est du seul et mémo Verbe de Dieu que procède, sans séparation, sans division, toute 101 HONORIUS 1er activité divine et humaine. C'est )a doctrine même de .saint Leon: chaque nature opère en communauté avec Γ autre ce qui lui est propre. L'empereur s’était déclaré satisfait de l’explication. Telles étaient, ajou­ tait Sergius, les démarches faites par lui dans toute cette affaire, et dont il éprouvait le besoin de rendre compte au pape. Visiblement deux préoccupations dominent cette longue épîlre. La première est de mettre en garde le pape contre les accusations que Sophronius pour­ rait lancer contre le patriarche de Constantinople. Sergius est mieux informé qu'il ne le dit de l’élection du moine au siège patriarcal de Jérusalem; un jour ou l'autre, une synodique va paraître, qui sera en­ voyée ù Home, aussi bien qu'à Alexandrie et à Con­ stantinople, et qui mettra au jour les responsabilités du patriarche byzantin dans le développement de l’agitation monothélite. Sergius, dés lors, s'applique ù présenter sa conduite sous le jour le plus favorable. Sa pensée, telle qu’il l’exprime, est en définitive or­ thodoxe. Il reste des questions de formules. Entre les symboles rivaux : « une énergie », < deux énergies », Sergius n’a mémo point pris parti; l’un et l’autre a ses inconvénients, abandonnons-les l’un et l’autre. Oui, mais voici qu'une autre préoccupation se fait jour. L'empereur, très certainement, penche pour la ptx ένιργιία, dont s'accommodent ses préoccupa­ tions politiques. Divers passages de la lettre sont destinés ù faire comprendre à Honorius le vif intérêt quo le prince porte à la question. C'est un moyen de détourner de la formule impériale une condamnation qui est la conséquence nécessaire des décrets de Chaicédoinc. D’ailleurs, pour dangereuse qu'elle soit, la formule ne laisse pas que d’être susceptible d’une interprétation orthodoxe. A maintes reprises, Sergius revient sur la personne du Verbe incarné, considérée comme le principe d’où dérive plus ou moins immédiatement toute activité. Par contre, il Insiste avec un peu de lourdeur sur l'antagonisme quo semblerait* devoir créer l'admission dans la personne du Christ de deux principes d’opération qui pour­ raient être en lutte l’un contre l’autre. Bref. il pré­ vient le pape en faveur de la formule impériale, il lui présente sous un jour fâcheux le mot de ralliement imaginé par Sophronius. Le moins que le pape puisse faire est de prescrire aux deux partis le silence que Sergius prétend avoir lui-même Imposé ù Alexandrie. La tâche d’Honorius était infiniment délicate; ce n’était pas la première fois que Borne était sollicitée d’intervenir dans les querelles byzantines, et on de­ vait savoir nu Lût ran ù quoi s'en tenir sur les dange­ reuses subtilités où se complaisait l’esprit grec. Le précédent du pape Vigile devait rester très vivant dans le souvenir de la chancellerie apostolique. ?\vant de donner une réponse définitive au patriarche de Constantinople, qui, trop évidemment, était le re­ présentant d’un parti, il convenait tout au moins d’entendre le porte-parole de l'autre camp. Sergius voulait faire juger par Home le différend qu’il avait avec Sophronius; encore convenait-Il d’entendre ce dernier avant de rendre la sentence. Dans l’espoir peut-être de prévenir un schisme, Honorius se dé­ cida à répondre immédiatement; peut-être aussi voulait-il, par cet empressement, donner ù l’empe­ reur un gage de ses bonnes dispositions. La lettre d’Honorius est conservée dans les actes du VI* concile. Mansi, t. xi, col. 537. Malheureuse­ ment, nous ne possédons point l'original latin, mais seulement la traduction grecque, faite sans doute à Constantinople. La version latine, souvent inintelli­ gible, qu’on lit aujourd’hui dans les actes du concile, ne peut rendre aucun service pour la reconstitution du texte original. Tout mauvais cas étant niable, 102 l'authenticité de la lettre d’Honorius a été contestée A diverses époques par certains tenants de l'ultramontanisme. Nous aurons a revenir sur cette ques­ tion en discutant l'authenticité générale des actes du VI· concile. Sauf quelques égarés, nul ne songe plus depuis longtemps à défendre cette position dé­ sespérée. La seule chose qu'il convienne de retenir, c’est que notre texte ne doit pas être serré de trop près : si exacte soit-elle, une traduction ne rend ja­ mais toutes les nuances de l’original; cela est tout particulièrement vrai quand il s'agit de questions aussi subtiles que celles avec qui se trous ait aux prises la sagacité d’Honorius. Le début de la lettre est une approbation sans réserve de l'attitude de Sergius. «Nous louons votre fraternité d’avoir écrit (à Alexandrie) avec tant de prudence et de circonspection, en demandant de supprimer tous ces mots nouveaux, fort capables de scandaliser les âmes simples. » 11 convient, en effet, de s’en tenir uniquement aux expressions tradition­ nelles en confessant · que le Seigneur Jésus-Christ, médiateur de Dieu et des hommes, opère les actions divines (τα Oeîa : il s’agit é\ Idemment des miracles) par l’intermédiaire de l’humanité qui lui est hypostaliqucment unie, à lui Dieu Verbe, et qu’il accom­ plit également les actions humaines (τά άνΟρόπνχ, les souffrances de la passion par exemple) d'une manière Indicible et unique (μονογίνώ; ?), puisque la divinité s’est unie sans division, sans conversion, sans confusion, une chair parfaite (le mot σ£ρξ équi­ vaut strictement à humanité) ». Suit une longue pé­ riode sur l’union intime des deux natures, la nature divine qui est du ciel, la nature terrestre prise à la sainte Théotokos. Jusqu'Ici, rien de plus exact; s! l’on voulait éviter les termes litigieux d'une ou deux énergies, et qu'on voulût néanmoins insister sur la double manière dont le Verbe Incarné opère en ce bas monde, on ne pouvait être plus précis. La seule différence avec la façon de parler de Soplirordus, qui sera consacrée officiellement par le VI· concile, est dans le point de départ des développements. Sophro­ nius et, après lui, les théologiens orthodoxes partent des actions accomplies par le Christ,As les rattachent directement ù l une ou l’autre des deux natures, et les rapportent finalement à la personne. Honorius, suivant en cela les Indications mimes de Sergius, met tout d’abord l’accent sur la personne d’où dé­ rivent les deux catégories d’actions, lesquelles en dérivent non pas directement, mais bien par l’in­ termédiaire des deux natures. Et cette préoccupation de l’unité de personne pour­ suit.si bien le pape, qu il finira par aboutir à une phrase qui, au premier nbord, semble en contradiction avec les principes qu'il vient de poser. Le développement dont nous parlions plus haut s'achevait par ces mots : «C’est pourquoi on peut dire et que Dieu a souffert, et que l’humanité est descendue du ciel avec la divinité. » Ceci est déjù fort surprenant; ce qui l’est davantage, c’est la phrase suivante, qui xlcnl comme une conséquence du développement sur l'unité de personne : < C’est pourquoi aussi nous confessons une volonté unique du Seigneur JésusChrist, parce que, selon toute évidence, la divinité a pris notre nature, mais non point le péché qui est en elle, la nature telle qu’elle était au sortir des mains du créateur, avant le péché, non point celle qui a été corrompue après la prévarication. » Suit le dé­ veloppement classique sur l’impcccabilité de Jésus : • Il n’y avait point en lui cette autre loi des membres (dont parle saint Paul), ou bien une volonté différente (de celle de la divinité) ou (qui lui fût) opposée.» Nous sommes Ici au point le plus litigieux de la lettre d’Honorius. Nul doute que, si Je problème so 103 HONORII S Kr fût posé aussi clair pour lui qu’il l’est pour nous, les expressions du pape ne fussent particulièrement re­ grettables. A celte question : < Y a-t-il dans le Christ une ou deux volontés? > le mieux, si l’on est persuadé, avec la foi orthodoxe, qu'il y en a deux, est de ne pas commencer par répondre qu’il n’y en a qu’une seule. Mais il convient de ne pas oublier que, tout au moins dans le document qu’il avait sous les yeux, je veux dire la lettre de Sergius, la question d’une ou de deux volontés n’était même pas posée. C’est a peine si l'expression « une seule volonté » apparaît, et c’est dans le fameux discours apocryphe de Mon nas. A Alexandrie non plus, dans le formulaire officiel imposé par Cyrus aux monophysites convertis, il n’en était point question, mais bien «d’une seule opération ·, μία Ινιργιία. La seule chose qu’eût faite Sergius, ç avait été d’indiquer que plusieurs trou­ vaient des inconvénients à la formule deux énergies, sous le prétexte plus ou moins sincère qu’elle sem­ blait installer la lutte de deux volontés dans la personne du Sauveur. C’est sous l’empire de cette préoccupation qu’Honorius rédige sa lettre. Suivons le développement de sa pensée. La personne du Verbe incarné est le principe dernier de toutes les manifes­ tations d’activité du Dieu fait homme; c’est en ce principe dernier que prend racine tout Tetre et donc aussi toutes les opérations de la nature humaine. Appliquons ceci aux netes de volonté. Ils reconnais­ sent comme source dernière la volonté du Verbe incarné. C’est elle qui met en branle la volonté hu­ maine, en qui elle ne trouvera certainement aucune résistance. De même, peut-on dire (et c’est bien la pensée d’IIonorius que nous croyons exprimer), de même que la volonté d'Adam avant le péché exécutait sans résistance, sous la poussée de la grâce divine, la volonté du créateur, en sorte qu’il n’y avait point de différence entre ce que l’honunc voulait et ce que Dieu voulait, de même en Jésus, et beaucoup plus parfaitement, la volonté humaine exécute avec tant de souplesse et de promptitude les commandements du Verbe, l’impulsion de ce dernier se transmet si parfaitement dans les profondeurs de la nature hu­ maine, qu’il n’y a, à vrai dire, qu'un seul acte de volonté. On souhaiterait, pour le bon renom de sa mémoire, qu’Honorius eût exprimé d’une manière plus précise et plus claire ce qu’à coup sûr il pensait. Deux textes scripturaires, les memes qui seront verses au procès du monothéllsme, arrivent sous sa plume, qui étaient bien faits pour clari Her scs Idées et leur expression : «Je ne suis pas venu, dit Jésus, faire ma volonté, mais celle du Père qui m’a envoyé, > Joa., vi, 38, et ailleurs, durant l’agonie : « Non point comme je veux, Père, mais comme tu veux. » Matth.» xxvi, 40. Hélas! Honorius les cite cl, au lieu de s’en servir pour déterminer la part de l'humanité et celle de la divi­ nité dans les volitions du Sauveur, il cherche à les plier à sa fâcheuse et si inopportune théorie. « Ces textes, dit-il. et d’autres du même genre, n’indiquent point une volonté différente, ils traduisent seulement l’éconoinlo de l’humanité qu’il a prise. Ces paroles ont été dites à cause de nous, pour nous donner 1 exemple, pour nous apprendre à préférer la volonté de Dieu à notre propre vouloir. » A notre avis, ces lignes sont les plus délicates à expliquer de toute la lettre. Bien de plus facile que d’en tirer une preuve du monothéllsme Inconscient d’Honorius. Le pape vient de déclarer qu’il n’y a en définitive, dans le Verbe Incarné, qu’une seule vo­ lonté; mais on lui objectera les textes scripturaires où Jésus distingue si nettement sa volonté humaine, qui dans la scène de l’agonie semble reculer devant la mort, de la volonté de son Père, laquelle se con 104 fond avec la volonté du Verbe. « Qu’à cela ne tienne, reprendrait Honorius, ces paroles n’expriment pas la pensée Intime du Sauveur: c’est une simple ma­ nière de parier dont il se sert (οικονομία) pour nous donner un exemple de soumission aux ordres divins. · Ainsi raisonnent ceux qui veulent à toutes forces trouver dans la lettre pontificale du monothélismo caractérisé. Mais celle manière d’argumenter est simpliste, et repose sur une traduction rapide cl, pour tout dire, inexacte du mot οικονομία. Ce mot, qui dans les textes de l’époque signifie quelquefois simplement l’incarnation, s’applique aussi, d’une manière plus précise, au libre abaissement par lequel le Christ se soumet aux conditions de l’humanité cl plus spécialement aux souffrances de la passion. Dès iors, la phrase obscure d’I fonorius peut se paraphraser ainsi : c Les paroles du Christ traduisent l’existence en lui non point d’une volonté différente de la vo­ lonté divine (c'est-à-dire qui lui serait essentielle­ ment opposée), mais bien de sentiments humains, en contradiction apparente peut-être avec l’ordre divin, mais en réalité librement admis et permis par le Verbe en sa qualité de principe personnel. » Ce n’est peut-être pas une explication lumineuse, c’est celle, pensons-nous, qui éclaire le mieux un texte difficile. Comme le dit très bien dom Leclercq, «si le Christ voulait nous apprendre comment nous devions surmonter les impulsions naturelles, ce n’était pas assez à lui de se les attribuer par simple accommo­ dation, mais il devait les faire entrer réellement dans sa nature. Il faut en dire de même pour la prière, pour la mort, pour toutes les manifestations de son acti­ vité humano-divinc. L'exemple ne s’y trouvait qu’à la condition, pour le Sauveur, de faire une prière réelle, de subir une mort véritable, d’éprouver dans son âme les états douloureux ou violents pour lesquels il voulait nous instruire. » Hcfcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ni, p. 361, η. 1. C’est ce qn'llonorius voulait dire : que ne l’a-t-il dit plus clairement? Ayant résumé, dans la première partie de sa lettre, que nous avons dû expliquer longuement, sa pensée sur l'activité personnelle du Verbe incarné, le pape consacre la seconde partie à une critique sommaire et beaucoup trop hâtive des deux expressions en litige : μία η δυο ένιργιίαι. Reprenant presque mot pour mot les expressions de Sergius, il déclare que ni les écrits apostoliques, ni les décisions des con­ ciles n’ont rien défini sur ce point; c'est en somme une question bonne à laisser aux grammairiens. Y a-t-il en Jésus-Christ une ou deux opérations? Ques­ tion oiseuse. « Nous savons bien que Jésus opérait de façons très nombreuses, n De même que, dans les fidèles, Γ Esprit du Christ opère d’une manière mul­ tiforme, donnant aux uns le don de prophétie, aux autres le don dcsmlraclcs, à d’autrescclui des langues, de même, et à plus forte raison, devons-nous affirmer que, par suite de l’union de ses deux natures, Je Sau­ veur opérait les œuvres les plus variées et les plus parfaites, d’une manière multiforme et indicible. | Par ces phrases, il est trop clair que, consciemment ou non, Honorius a joué sur le sens du mot εν<ργ:ία. Dans la pensée de Sergius, comme dans celle de Gyrus ou de Sophronius, il s’agissait de faculté, de puissance, d’action; le pape traduit par le mot acte, opération, , et enlève ainsi tout sens au litige. Puis 11 revient au sens d’activité, de puissance, pour déclarer que la formule « deux énergies » pourrait entraîner le soup­ çon de nestorianisme; qu’inversement, en ne procla­ mant qu’une seule énergie, on pourrait prêter liane à l'accusation d’cutychlanismc : Prenons garde, con­ clut-il, de ressusciter les vieilles querelles, « confessons en toute simplicité et vérité que le Seigneur JésusChrist, un seul et le même, opère dans la nature dl- 105 n on on lus pr 106 vine cl dans la nature humaine. Voila ce que votre lutte avec sa décision habituelle. Il est vraisemblable fraternité prêchera avec nous, de même que nous le que le patriarche de Constantinople écrixit nu pape prêcherons avec elle. Fuyons ces mots nouveaux, pour se plaindre de ce manquement nu pacte convenu. • une ou deux opérations*, et confessons un seul Ifonorius lui répondit par une seconde lettre, qui n’a Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, qui été conservée que par fragments, et en grec, dans opère en deux natures ce qui est de la divinité et ce les actes du VI· concile. Mansi, t. xi, coi. 577-581. qui est de l'humanité. » « Nous avions écrit également A Cyrus d’Alexandrie, La lettre d’Honorius doit être de Vannée 631: dit le pape, de laisser de côté ces Inventions nouvelles elle était à peine arrivée ù Constantinople que par­ d'une ou de deux énergies; car il ne faut pas obnu­ vint dans les deux capitales une pièce impatiemment biler le brillant message des Églises de Dieu par le attendue, La synodique du nouveau patriarche de brouillard de discussions pleines d'ombre. Il faut, Jérusalem, Sophronius, annonçant son élection et au contraire, bannir l’appellation nouvellement im­ exposant son point de vue dans la querelle qui com­ portée d’une seule ou de deux énergies de la prédi­ mençait à agiter l’Oricnt. Ce document considérable, cation de la foi. » Cette question nouxellc d’une ou de Mansi, t. xi, col. 461-510, tant par son étendue que deux énergies a été manifestement calquée sur l'an­ par la gravité des questions qu’il traite, marquait tique formule d’une ou de deux natures; mais tandis nettement la divergence qui séparait Sophronius, que,sur le point des natures, l’enseignement de ΓÉcri­ vrai représentant de l’orthodoxie chalcédonienne, ture est très clair, parler d’une ou de deux énergies, cl Cyrus ou Sergius, plus ou moins compromis avec y penser, est tout à fait inepte. les monophysilcs. Avec une précision toute théolo­ La lettre continuait pur des développements qui, gique, la synodiquo mettait le problème lù où il fal­ par malheur, n’ont pas été conservés. Autant que lait d’abord rétablir, non point sur la question de I on en peut juger par la formule qui les résume, l’unité de personne, que nul ne songeait ù contester, il s'agissait de recommandations propres à ramener mais sur celle de la dualité des natures. Les deux na­ les dissidents, et à supprimer les discussions entre tures, hyposlat iquement unies dans le Christ, étant catholiques. « Pour le reste, continuait le pape, et en toutes deux parfaites, il ne fallait refuser à l’huma­ ce qui concerne le dogme ecclésiastique, il y a des nité du Christ aucune des facultés, aucune des opé­ choses qu’il faut tenir (ou proclamer) à cause de la rations qui caractérisent la nature humaine: le Christ simplicité des hommes. D'autre part, et pour couper avait donc eu une volonté semblable à la nôtre, avec court aux recherches dilhciles et tortueuses, il con­ cette différence toutefois, qu'elle ne connaissait point vient de ne définir, βρίζαν, ni une ni deux opérations le déséquilibre amené en nous par la faute originelle, du médiateur entre Dieu et les hommes. * On le voit, qu'elle se trouvait donc toujours prêle ù obéir aux le pape distingue nettement deux choses : les ques­ Impulsions souveraines de la volonté divine. Aussi tions de vocabulaire, qui dans sa pensée restent tou­ bien, si dans le Sauveur chaque nature conserve conti­ jours litigieuses, et le fond,sur lequel il va se prononcer nuellement (άνίλλιπΛ;) ses particularités, chacune avec une netteté qui n’est point dans ses habitudes. néanmoins opere avec le concours de l’autre ce qui Voici, dit-il, ce qu’il faut confesser et admettre : · Les lui est propre. C'est la phrase même de saint Léon, deux natures étroitement unies dans l’unité d'un seul celle qu’invoquaient, eux aussi, Sergius et Honorius. Christ agissent et passent ù l’action chacune en union avec l’autre, la nature divine opérant ce qui est de Mais, sur la question de vocabulaire, Sophronius de nouveau se séparait d’eux. Allant droit â la formule Dieu, l’humaine accomplissant ce qui est de la chair, < une seule opération théandrique », empruntée par sans séparation, ni confusion, sans que la nature di­ Cyrus au pseudo-Denys. il arrivait ù lui «faire signifier vine soit convertie en l’humanité, ni l’humaine en la non point une seule activité, mais bien deux activités divinité. » On ne saurait être plus clair dans l'affir­ hétérogènes et différentes. Mansi, t. ni, coi. 488. mation de Γexistence en Jésus-Christ de deux ma­ La lettre était apportée ù Rome par une légation nières distinctes d’opérer, de deux facultés, de deux activités, Mettre sur le même pied le terme δνό ivcpynxi, qui représente la plus pure doctrine chalcédonienne, et l'expression jûa mp-pia, qui, prise en sol et sans correctif, est l’expression concrète du monophysisme, c'était à coup sûr une maladresse, sinon une erreur. Il n’y eut pas, de la part du pape, erreur doctrinale, en cc sens qu'il réprouvait l'ex­ pression Lipyriat, pour autant que certains y voulaient trouver une atteinte à l’unité de la per­ sonne divine; mais quelle inconséquence et quelle légèreté I Condamner en même temps les deux for­ mules, c’était Involontairement favoriser 1 hérésie; avec quelle justesse le VI· concile aura-t-il le droit de faire ce reproche à Honorius l Mais cc n'est pas tout, et le document pontifical révèle à un examen plus approfondi un défaut plus grave encore. 11 ne rectifie pas les fausses doctrines plus ou moins latentes dans la lettre, peut-être dans la conscience, de Sergius. J’ai dit, au début, que Sergius était vraisemblablement de bonne foi en soumettant à la plus haute autori/é de 1 Église la question litigieuse qui troublait 1 Orient· Comme de juste, il a présenté les choses sous le jour qui lui était le plus favoçpble, il a donné à l’expression de sa doc­ trine le tour le plus avantageux, il en a masqué les insuffisances, s’est bien gardé de mettre en relief les dangers qu’elle pouvait faire courir à l’orthodoxie. 11 était là dans son rôle. Parler à cc propos de l’astuce byzantine me semble un moyen imaginé pour dé­ placer des responsabilités. C’était au pape, en déflnitive, de s’entourer, avant de répondre à cc factum doctrinal, de tous les conseils nécessaires, de percer à jour l’astuce du Byzantin, si astuce il y avait, de remettre dans la voie droite une intelligence inquiète et une conscience hésitante, au cas, plus vralscmblablc, où Sergius agissait en toute bonne foL Le pape ne l’a pas fait. Soit manque de sagacité, soit désir de maintenir à toute force les bonnes relations de Borne avec le basilcüs, il a approuvé purement et simplement l’attitude de Sergius· 11 me semble donc bien difficile de souscrire au jugement que, après Baronius, tant de théologiens ont porté sur les deux lettres d’iîonorius : Bis quidem nil magis ca­ tholicum dici potuisse, ni! magis pium ac sanctum, nil denique his temporibus ad pacem in Ecclesia con­ servandam utilius excogitari videri potuit. Annales. Comme le fait très bien remarquer Combéfls, mieux valait la guerre qu’une semblable paix. Hislana monothclitarum, p. 188. Un dernier mot sur les deux lettres d Honorius. Ont-elles le caractère d’un document ex cathedra? C’est un des points sur lesquels ont le plus vivement discuté autrefois partisans et adversaires de l’infail­ libilité personnelle du souverain pontife. Les derniers voulaient à toute force reconnaître dans les deux lettres un document ex cathedra; on en voit aisément la raison. Non moins bien se découvre la raison pour laquelle les ultramontains voulaient faire des deux lettres d’iîonorius des documents strictement privés· Si elles étaient telles, il n’y avait même pas à s’attarder à discuter leur contenu. Il ne saurait être question de dépouiller ici toute la littérature de cc point parti­ culier. Je m’arrêterai seulement Λ la formule la plus récente qui ait été donnée pour résoudre le pro- Ill HONORIUS I<>r blême. Dans un tout petit volume paru à Londres en 1907, The condemnation of pope Honorius, doni Chapman écrit, p. IG : « Il est absurde de regarder la lettre d’IIonorius comme une definitio ex cathedra, ainsi que l’ont fait I Icicle (adversaire de la définition de l'infaillibilité), Pcnnachl (partisan) et d’autres.·» Dont Chapman admet que, dans l’émotion de la po­ lémique autour du concile du Vatican, on ait pu soutenir cette opinion, mais on a eu depuis le temps d’analyser le texte du décret conciliaire. Or les do­ cuments que nous étudions ne remplissent pas les conditions exigées par le concile du Vatican pour qu'il y ait enseignement ex cathedra: I" Honorius s’adresse au seul Sergius ct non à l’Église entière; 2* scs lettres ne définissent ni ne condamnent rien; clics ne promulguent aucun anathème, mais approu­ vent simplement le maintien du silence. 11 nous semble bien difficile de souscrire aux consi­ dérants de ce jugement sommaire ct où le raison­ nement per absurdum joue un rôle trop considérable, p. 16. Faire des lettres d’IIonorius des documents privés (écrits c privato homine), sous prétexte qu elles sont adressées au seul Sergius, c’est rayer de la littérature théologique les trois quarts des lettres pontificales. Les papes peuvent adresser leurs déci­ sions doctrinales à un évêque ou à une Église parti­ culière, à celle surtout qui serait menacée de quelque erreur, ct en meme temps manifester leur volonté d’en faire une obligation générale. Ç’à été le cas pour le plus grand nombre des anciennes décisions pontificales, ct, pour n’en citer qu’une seule, du fameux Tome de Léon à hlavlen d’Antioche. Qui nous fera croire que nous ayons affaire ici à une pi Sans doute, il n’y a point d’anathème contre la doctrine contraire, mais où a-t-on pris que la condamnation de la doctrine adverse soit de l’es­ sence d’une définition dogmatique? Vouloir condam­ ner toutes les définitions ex cathedra à reproduire la disposition ct le schéma de la constitution dogma­ tique de Pic IX sur l'immaculée conception est une souveraine imprudence ; évitons de la com­ mettre. Pour nous, les deux lettres du pape Honorius re­ présentent une intervention doctrinale du pontife romain dans une question débattue : sc référant aux décidons précédentes, sans y rien ajouter de nouveau que la manière, le pape enseigne la théorie des deux natures, opérant chacune ce qui lui est propre, et. de cette doctrine il exige une acceptation entière. A côté de cet enseignement doctrinal se trouve nue pres­ cription bien fâcheuse sur le silence à garder, relati­ vement aux formules en litige, Mansi, ibid., col. 665. Le discours est également signé par tout le monde, y compris l’empereur. Cinq copies authentiques sont faites des actes du concile, qui, dûment scellées du sceau Impérial, seront envoyées aux cinq sièges pa­ triarcaux. Enfin, on lut une lettre destinée au pape Agathon, le très saint et très bienheureux pape de l’ancienne Rome (en réalité, Agathon était mort depuis le 10 janvier, mais l’annonce officielle de sa mort n'était pas encore parvenue ù Constantinople). Le concile, s’adressant au pape comme au chef de l’Églisc œcuménique, établie sur la pierre solide de la foi, lui communiquait le compte rendu de scs actes. 11 n’avait fait en somme que sc conformer à la déci­ sion du pontife supremo, en anathématisantThéodorc, Sergius, Jlonorius, Cyrus, Pyrrhus, Paul et Pierre, auxquels il avait cru devoir ajouter les hérétiques encore vivants, entre autres Macairc ct Étienne. Il demandait donc au pape de vouloir bien confirmer les décisions du concile. Mansi, ibid., col. 684. Le même jour, le basilcus faisait afficher, dans le troisième narthex de Sainte-Sophie, cc qui, des travaux du concile, devait être connu du public. L'édit impérial rappelait que c’était presque toujours par les gens d’Églisc que le diable avait trouvé le moyen de répandre le venin de l'erreur (en voulant sans doute donner le change sur les agissements d’Héraclius ct de Constant), témoin les anciens héré­ tiques, Apollinaire, Thémistius, Eutychès, Dioscorc; témoin, à une époque plus récente, Thépdorc de Pharan, Sergius ct aussi Honorius, jadis pape de l’ancienne Rome, lequel n contribué à affermir l’hé­ résie ct qui s'est contredit lui-même. Mail'd, ibid., col. 700. Suivait la profession de foi dyothélitr, avec preuves à l'appui, cl enfin l’anathème à toutes les hérésies qui, depuis Simon le Magicien jusqu’à main­ tenant, sc sont Insinuées dans l’Églisc. «Avec elles, continuait l’édit, nous anathématIsons les nouveaux hérésiarques ct leurs soutiens, nous voulons dire, Théodore de Pharan, ct Sergius qui a partagé scs idées ct son impiété, ct encore Honorius qui s’est montré en tout leur compagnon d'hérésie, ct qui a affermi l’hérésie. Mansi, ibid., coi. 709. Enfin, la nouvelle de la mort du pape Agathon étant arrivée à Constantinople avant le départ des légats romains. Je basilcus crut convenable de remettre à ceux-ci une lettre pour le nouvel élu, le pape Léon 11, dont ils emportèrent sans doute en même temps la continuation (Léon ne fut consacré que le 17 août 682). La lettre impériale rappelait la sollicitude té­ moignée par le basilcus pour le rétablissement de la 117 HONORIUS Ie' paix dans l'Églisc, ct comment le pape Agathon , axait su entrer dans les mêmes vues. La lettre de ce dernier n été reçue avec la plus grande révérence·· A la lire, disait Constantin, il nous a semblé entendre le chef même du chœur apostolique, Pierre, le chef de l’Églisc, nous exposant tout le mysU rc de 1 incarna­ tion ct redisant comme dans les saintes Lettres: · Vous «Clos IvChri· !, iilsdcDicu vivant» > · nuent le do­ cument pontifical nous décrivait le Christ tout entier. . Aussi tous nous l'avons reçu avec le témoignage du t plus vil respect ct comme si ç’avait été Pierre luimême que nous recevions dans nos bras. » Mans), ibid.t col. 71 fi. Je ne crois pas qu’aucun concile oriental ait multi­ plié davantage les protestations de respect cl d’obéis­ sance doctrinale à l’égard du siège romain. Sans qu’il y ait lieu de douter de la sincérité de ces protestations, il n'est pas Interdit de penser qu’elles étaient surtout destinées à ménager les justes susceptibilités de Home ct ù faire passer ce qu’avait de cruellement sévère pour elle la condamnation d’Ilonorius. Le compte rendu sommaire que nous avons donné des sessions du con­ cile suffit pour que chacun se fasse une idée exacte de la pensée de la haute assemblée· On Ht, aujourd’hui encore, dans nombre de manuels d’histoire ecclésias­ tique ou de théologie, que le concile distingua entre les auteurs proprement dits de l’hérésie ct le pape incriminé, frappé seulement pour la coupable négli­ gence qu’il avait montrée dans la défense de la foi menacée. Les lecteurs ont eu sous les yeux tous les passages conciliaires où sc trouve le nom d’Honorius; ils ont pu voir que, dans le passage capital de la XIIIe session, aussi bien que dans les anathèmes répétés aux sessions suivantes, on ne trouve aucune trace d’une semblable distinction. Honorius est condamné • pour avoir suivi en tout l’opinion de Sergius ct pour avoir sanctionné ses enseignements impies ». Quant à l'édit impérial affiché à Sainte-Sophie, il sc montre encore plus sévère à l’égard de la mémoire d’Honorius; le pape y est déclaré sans plus « l’affcrmisscur de l’hérésie», δ βββαιωτηςτήςαίρίσιως. Je n’essaierai pas un compte rendu même som­ maire de l’énonne littérature qui s’est développée autour des actes du \ Ie concile. La condamnation d’un pape par un concile, réuni dans les conditions les plus régulières qui sc soient jamais rencontrées, ct présidé par les légats du siège romain, est un fait si considérable, s! surprenant, que l’on comprend qu’il ait été ûprement discuté par les adversaires aussi bien que par les partisans de I infaillibilité pontificale. Ajoutons qu’il posait une autre question non moins grave. Si l’on estime, comme le faisaient les ultra­ montains, que les lettres d’Honorius ne contenaient aucune erreur (Baronius, Bellnrmin), on soulevait un bien autre problème, celui de l'infaillibilité du con­ cile ct de l’EgUso en général. Sans doute, l’erreur qui consistait Λ condamner un pape innocent portait exclusivement sur un fait dogmatique; niais l’on sait avec quelle Apreté s'est discutée, entre les jansénistes ct les théologiens orthodoxes, la question de l’Infailli­ bilité de l’Églisc en général, du pape en particulier, dans le cas des faits dogmatiques. Dangers de tous côtésI Le plus sûr moyen d’y parer n’était-il pas de nier sans ambages le fait que le concile ait osé con­ damner le pape? On s’est porté à cette extrémité. Il est douloureux d’avoir ù faire remonter jusqu’à Baronius la pater­ nité d’une opinion qui, vingt fois réfutée, s’est essayée encore à reparaître au cours du xix· siècle. Damberger, Synchronistiche Geschichle des Mittelalters, 1817, t. n, p. 119 sq.; Albert Dumont, dans les Annales de philo­ sophie chrétienne, série D, t. vin, p. 52-60, 115-438. A soutenir cette indéfendable position, Baronius a 118 consacré toutes les subtilités d’une critique histo­ rique que l’on voudrait voir au service d'une meil­ leure cause. Sa thèse remplit toute une dissertation de l’année 681, n. 19-31; surtout n. 25 sq. Voici, en bref, comment il argumente. · Les actes du VI· con­ cile, tels que nous les possédons, ont été altérés par l’artifice des grecs, aussitôt apres la tenue de 1 assem­ blée, ct avant qu’ils fussent envoyés aux cinq sièges patriarcaux. En certains passages, le nom d Honorius a été substitué apres grattage au nom d’un autre personnage condamné; dans les endroits où il est ques­ tion de lui plus longuement, nous avons affaire à la substitution d un cahier nouveau au cahier primitif. » Baronius connaît meme le nom de l’imposteur; c’est Théodore de Constantinople, qui avait été déposé pour monolhélisme avéré, quelque temps avant le concile, ct qui remonta sur le siège patriarcal après la mort du patriarche Georges, lequel représentait au concile l'Eglisc de Constantinople. A ce moment, l’assemblée sc terminait, Théodore, qui avait certai­ nement été anathématisé par elle, biffa tranquillement son propre nom des actes conciliaires ct le remplaça par celui d’Honorius. Pour le bon renom de la science catholique, ajou­ tons tout de suite que Baronius n'a pas été suivi par ceux qui comptent dans le domaine de la critique historique. Déjà l’illustre annotateur des Annales, Pagi, réfutait avec beaucoup de verve la these du grand cardinal. Combéûs et Garnier au χνπ· siècle, Noël Alexandre au xvni % ct, au xix% des théologiens aussi favorables à Γultramontanisme que les Ballerini ct que PennachI ont montré que nous lisions les actes de VI· concile tels qu'ils sont sortis de la plume des secrétaires officiels. On trouvera dans Hefcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ni, p. 523 sq., une réfu­ tation en règle de la théorie malencontreuse de Ba­ ronius. Contentons-nous d’exposer un seul argu­ ment: il est décisif; les légats romains étalent présents au concile; on les imagine difficilement rapportant à Rome un texte falsifié, où sc serait lu quelque chose d’aussi énorme que la- fausse condamnation du pape Honorius; gardant ensuite le silence, ne dénonçant pas au pape d’abord, à toute l'Églisc ensuite, l’abomi­ nable fraude; ct laissant le pape approuver des actes altérés, souscrire à la condamnation de son prédéces­ seur! Baronius, il est vrai, fut contraint par l'esprit de système de déclarer apocryphes à leur tour les actes pontificaux qui mentionnent la condamnation d Ho­ norius. Mais qui donc alors est responsable de ces der­ nières falsifications?Ce n’est pourtant pas la main de Théodore de Constantinople qui est allée, dans les re­ gistres de la chancellerie apostolique, gratter le nom de Théodore sur la lettre de Léon 11, pour y sub­ stituer celui d’Honorius. Les actes du VI· concile sont à prendre tels que nous les transmettent tous les manuscrits, toutes les versions; cl il faut espérer, pour l’honneur de la théo­ logie, qu’il ne se trouvera plus personne d'assez mal­ avisé pour faire sortir de l’ombre une hypothèse qui aurait toujours dû y rester. Il faut espérer également qu'on reculera devant la discussion de l’œcuménlclté du concile qui a rempli les controverses du xvii· au xix· siècle. Si, comme le déclare PennachI, le VI· concile n’est pas œcuménique, il faudra donc rayer do la liste des vénérables assemblées considérées de | tout temps, par toutes les Églises, comme ayant pro­ mulgué les règles de la foi, tous les synodes antérieurs nu concile do Latran en 1123. Les règles suivant les­ quelles ΓÉglise catholique a discerné l’autorité de ces grandes assemblées de l’épiscopat ont varié au cour* des âges; ct 11 serait contraire à l’esprit historique de vou­ loir appliquer aux synodes du passé le schéma élaboré 1 nar les théologiens au moment du concile du Vatican. 119 honorius κ·γ 120 H reste donc qu’un concile légitime» reconnu connue geait n accepter purement ct simplement les décisions le représentant dc la catholicité, aussi bien par le du concile, y compris le jugement sévère porté sur la mémoire d’Honorius. La lettre de réponse du pape pape ct scs légats que par le consentement général Léon semble faire allusion à un échange rie notes entre de l’Égllse, a condamné légitimement Honorius. Ce les légats demeurés à Constantinople ct la chancellerie concile s’est-il trompé? Il 1 aurait fait à coup sûr si. pontificale; en tout cas, la rédaction de la notice du prenant la question au point dc vue exclusivement Liber pontificalis relative au pape Agathon montre dogmatique, il avait porté un Jugement doctrinal ct bien que l’on avait à Rome des nouvelles de ce qui motivé sur l’enseignement même d’Honorius, Car, nous l’avons montré, la pensée du pontife était dans s’ôtait passé sur le Bosphore, avant le retour des lé­ gats ct la lecture du rapport officiel qu’ils devaient le fond orthodoxe, ct son expression même pouvait, en y mettant quelque bonne volonté, se raccorder apporter. A Constantinople, d’autre part, on ne devait pas avec la terminologie qu’allait canoniser le concile. Mais, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, l’as­ être sans inquiétude, les légats éloignés, sur les suites semblée s'érigeait en juge beaucoup moins d’une que comporterait l'affaire. Comment Rome accepternit-cfic la condamnation d’Honorius? Comment le théologie que d’une politique ct des personnages qui l’avaient représentée. Celle attitude était conforme siège romain prendrait-il celle atteinte à l’axiome à un précédent. Qu’on se rappelle les lui les obscures (courant, bien que d’origine apocryphe): Prima sedes autour «les Trois Chapitres, les variations du pape a nemine judicaturi Le pape Agathon avait, dans sa lettre au concile, espéré parer le coup, en insistant Vigile ct la condamnation portée finalement contre sur le magistère infaillible du siège romain, et voici Théodore dc Mopsueste ct Théodorct par le concile dc 553. Qu'on se rappelle également comment la qua­ que le concile avait répliqué en déclarant qu’il no faisait que se conformer, en proscrivant la mémoire lification d’hérétique, que nous réservons aujourd’hui à celui qui avec opiniâtreté persévère dans une doc­ d’Honorius, aux ordres mêmes d'Agathon. Allait-on trine condamnée par l’Égllse, s’était élargie au νι· rentrer dans une période deconfilts pénibles entre les deux capitales du monde chrétien? siècle jusqu Λ menacer tous ceux, quels qu’eussent Le pape Léon II eut la sagesse dc vouloir fermer élé par ailleurs leurs mérites et leur bonne foi, qui n'avaient pas parlé ct pensé comme les théologiens cette période dc conflits, et les légats l’encouragèrent officiels dc Byzance. Pêle-mêle avec le problématique sans doute à entrer dans la voie des concessions. Tout prouve que nul ne songea à leur tenir rigueur ii Rome Simon le Magicien ct les auteurs vrais ou supposés du des compromissions auxquelles ils avaient dû se prê­ gnosticisme, on avait condamné comme hérétiques, ter; le diacre Jean ne lardera pas à devenir archi­ en 553, Origéne, Didyme ΓAveugle, d’autres encore dont le crime était dc n’avoir pas prévu le développe­ diacre de l’Égllse romaine ct, en 685, sous le nom de Jean V, il succédera à Benoit II, l’éphémère succes­ ment dc la pensée ct dc la terminologie postérieures. Quoi (l’étonnant, étant données ccs dispositions d’es­ seur de l’éphémère Léon IL Quoi qu’il en soit d'ail­ leurs, le pape accepta l’inévitable. Le 7 mai 683 (peutprit (que I on retrouve beaucoup plus développées à Constantinople qu’à Rome), quoi d’étonnant que être plus tôt déjà, en août 682), il envoyait à Constan­ tin IV une lettre qui approuvait le concile. Mansi, l’on se soit montré sévère pour la mémoire d'HonoL xi, col. 730 sq. Après avoir loué la conduite de ses rius? Quelle qu'eût été sa pensée intime à l’occasion légats pendant le synode, après avoir déclaré s’être d’une controverse ct d’une terminologie nouvelles, rendu un compte exact, aussi bien par la lecture des quelle qu’eût été sa bonne foi, quelles qu’eussent été les circonstances de fait qui excusaient sa démarche actes que par celle des rapports et des dépêches de inconsidérée, il n’en restait pas moins que cette dé­ ses envoyés, dc la marche (les délibérations, il ajou­ tait: «C’est pourquoi nous-meme, et par nous ce vé­ marche avait été exploitée en faveur d’une doctrine nérable siège apostolique, nous consentons, d’un dont le caractère hérétique s’était précisé par la même cœur ct d’un même esprit, aux définitions por­ suite. Du moment que les conciles orientaux s’étalent tées par le concile, ct nous les continuons par l’auto­ mis en tête dc juger des morts, avaient exclu dès lors rité du bienheureux Pierre. Dc meme donc que nous toute recherche de la pensée, des intentions, des na­ tifs d’agir, il élait inévitable qu’Honorius fût con­ recevons les cinq premiers conciles, nous recevons également celui (pii vient d'être célébré en sixième damné. 11 l’était, il devait l’être, au même titre que Ser­ Heu dans votre ville; il sera mis sur le meme pied que gius et que Cyrus, dont il avait en tout suivi lu politique; les autres, les Pères qui y siégèrent sont des docteurs les Pères du concile l’ont voulu dire ct ils l’ont dit, dc la fol au même titre que les anciens Pères. » Di­ avec peut-être dans le fond une joie maligne ct bien peu évangélique d'humilicr les chefs de la vieille | rait-on, à lire cette phrase si affirmative ct d'une por­ tée si universelle, que le pape distingue entre certains Rome. Mais cette arrière-pensée n’enlève rien à la portée de la condamnation. Pour emprunter les pa­ actes du concile ct d’autres? Cette déclaration géné­ roles dc Combéfls, «les Pères ont agi avec autant de I rale doit servir à Illustrer ce qui suit. « En outre, con­ justice que de prudence; dc justice, parce qu’en réa­ tinue le pape, nous anathématisons toutes les hérésies, lité 11 se trouvait en I lonorius des erreurs répréhen­ leurs auteurs ct fauteurs (suit la liste classique, depuis sibles; dc prudence, car il s'agissait de couper court Arlus jusqu'aux hérétiques du veslècle). Semblablement à tous les subterfuges des hérétiques. Patres egerunt nous anathématisons les Inventeurs de la nouvelle erreur, c'est-à-dire Théodore de Pharan, Gyrus tum aconomla turn justitia, « ° Approbation par les papes des décisions du Vf· d’Alexandrie, Sergius, Pyrrhus, Paul ct Pierre de concile ircumenique, — Les légats romains séjournè­ l’Égllse de Constantinople, et aussi Honorius, qui n’a rent un certain temps encore a Constantinople après point fait effort pour faire resplendir celle Église la clôture du concile-, puisque c'est seulement en juillet apostolique par renseignement de la tradition apos­ 682 qu’ils rentrèrent à Rome. Ils apportaient avec 1 tolique, mais a pennis par une trahison exécrable eux, outre les octc? du concile, la permission, donnée que celte Église sans tache fût souillée. » Mansi, ibid., par le basikus, de procéder à la consécration du nou­ col. 733. Que l’on veuille bien comparer eel I c décision veau pape Léon 11, élu en janvier 681 pour remplacer du pape Léon H avec la sentence du concile dans la Agathon. Il n’est point invraisemblable de supposer XII session. On verra que le paporeproduit exacte­ quelles raisons firent prolonger aux Occidentaux leur ment la disposition des noms adoptée par le synode; séjour Λ Byzance. Le basilcus, sans doute, ne voulait à l’exception de Théodore dc Pharan, mis en tête Ici, approuver l’élection du pape que si celui-ci s’enga­ c’est exactement la même liste; d’abord les coupa- 121 1I0N0B H S Ier blcs Λ Alexandrie ct :Ί Constantinople, puls Hono­ rius. Si, coniine le prétendent nombre d'apologiste*, Léon II fait une distinction, que n'avait point faite le concile, entre les inventeurs de l'hérésie ct Hono­ rius, qui aurait seulement favorisé l'erreur par son altitude hésitante, il faut bien avouer que cette dis­ tinction est beaucoup plus dans la pensée du pape quo dans la manière dont H l'a exprimée. Deux choses sont reprochées ù 1 fonorius : il n’a pas fait les efforts nécessaires pour faire resplendir dc l’éclat convenable la tradition apostolique. Voilà qui est négatif. 11 n'a pas rempli convenablement son magistère de pontife romain; ceci est Je reproche dc négligence que cer­ tains prétendent exclusivement découvrir dans la sentence de Léon IL II y en a un autre; cette négli­ gence a causé une souillure à l’Égllse romaine, jusquelà immaculée. Pourquoi, sinon parce que Honorius a laissé pénétrer dans son enseignement l’erreur avec laquelle il fut trop complaisant? Le concile avait dit de lui «qu'il avait suivi la doctrine de Sergius, ct sanctionné scs enseignements impies >. 11 y a une nuance Importante entre l'expression de Léon II ct celle du concile ; je n’arrive pas à y découvrir l’oppo­ sition que veut y voir k P. Grisar, apres Pcnnachl. c Par ccs paroles, dit-il, Léon II n’interprétait pas seulement d’une manière modérée la sentence conci­ liaire, il lui substituait un jugement dc sa façon, et d'aillcursfort sévère.» A'ircàen/exicon,t.vT9coL 255-257· J'ai dit, plus haut, en quel sens il me semble que le concile a condamné Honorius; pourquoi voudrait-on que, sans prévenir d’aucune manière, le pape eût adopté un sens différent dc celui qui ressort des tenues mêmes dc rassemblée? Il semble conforme aux prin­ cipes dc la saine critique d’admettre que la lettre dc Léon II à Constantin ratifie purement ct simplement les décisions du \ Ie concile. Écrivant aux évêque\ d’Espagne pour leur rendre compte dc ce qui s'est passé en Orient ct porter à leur connaissance les condamnations prononcées, le pape Léon II sera plus libre dc mettre une nuance entre la sentence portée contre les fauteurs mêmes de l'hérésie et celle qui atteignait le malheureux I lonorius.· Ceux, dit-il, qui ont combattu contre la pureté dc la tradi­ tion apostolique ont été frappés d’une éternelle con­ damnation, c’est ù savoir Théodore dc Pharan, Cyrille d'Alexandrie, les Constantinopolitains Sergius, Pyr­ rhus, Paul ct Pierre, avec Honorius, qui n’a point, comme il convenait à l’autorité apostolique, éteint la flamme commençante du dogme hérétique, mais l’a entretenue par sa négligence. » Mansi, t. xt, col. 1050. La lettre au roi des Wklgoths Erwige (qu'elle soit de Léon II ou de son successeur Benoît II) reproduit plutôt la pensée ct l’expression de la lettre à Constan­ tin. Elle annonce au monarque la condamnation des chefs dc l’hérésie; «avec eux fut également anathématlsé Honorius dc Borne, qui a laissé souiller la règle Immaculée dc la tradition apostolique qu’il avait reçue de scs prédécesseurs. ■ Mnnsl, ibid.t col. 1057. La notice du Liber pontificalis relative ù Léon II, ct qui a été rédigée très peu de temps après la mort do ce pape, s’exprime avec une parfaite sérénité sur la réception du \ !♦ concile par le souverain pontife. • Léon II, dit-elle, reçut le VI* saint concile qui, par la providence dc Dieu, a été récemment célébré dans la capitale (in regia urbe)... et où furent condamnés Cyrus, Sergius, Honorius, Pyrrhus, Paul ct Pierre.* C’est le texte même qui se lisait au bréviaire romain pour la fête dc saint Léon II (28 juin) jusqu’au mo­ ment dc la réforme dc saint Pic V, où les correcteurs romains jugèrent prudent dc supprimer dc la liste des condamnés le nom d’Honorius. Les Ilturglstcs romains du vin· siècle n’avaient pas de ccs scrupules. 11 s’est conservé sous le nom dc 122 Liber diurnas un curieux recueil des formules en usage dans le cérémonial pontifical. On y Ht plusieurs professions dc foi que le pape devait prononcer en diverses circonstances, à son élection, a son couron­ nement, etc. Voici un extrait de celle où le souverain pontife promettait de défendre la foi du Christ, «que les apôtres ont proclamée, que les disciples des apô­ tres ont enseignée, que nos prédécesseurs apostoli­ ques dignes de vénération ont immuablement conservée ct défendue. * Suit la liste des cinq premiers conciles avec une brève caractéristique de chacun d’eux, une notice plus longue sur le VI· concile ct les conditions où 11 fut célébré, ct une claire affirmation du dogme dyothélite, enfin la liste des condamnés, c’est à sa­ voir les auteurs du nouveau dogme hérétique, Ser­ gius, Pyrrhus, Paul ct Pierre dc Constantinople, en même temps qu’Honorius, lequel a favorisé leurs assertions perverses, et semblablement Théodore de Pharan, etc. P. JL, t. cv, coL 52. Le souvenir de la condamnation d’un pape par un concile ne disparaîtrait donc pas de si tôt dc la mé­ moire des pontifes romains. Un texte particulière­ ment intéressant ct de nature à créer des embarras ù ceux qui veulent à toutes forces pUer les faits à leurs théories* est relatif aux graves démêlés qui éclatent au milieu du ix· siècle entre Home et Bvzance. Le patriarche Photius n’a pas seulement osé rompre l’union avec Home, il est allé jusqu'à juger le pape ct à le déposer. Puis la fortune a tourné contre l'am­ bitieux Byzantin. Le VIII· concile œcuménique cé­ lébré à Constantinople a proclamé une fois dc plus l'union avec Borne ct accepté la condamnation portée par Hadrien II contre le prélat rebelle dans le synode romain de 869. Les artes dc ce synode furent îus et approuvés dans la VII· session. Mansi, ConciL, t. xvr, coL 126. Hadrien y exhalait son indignation contre la tentative inouïe du patriarche de Constantinople. • Qui d entre vous, disait-il, a jamais entendu quel­ que chose dc semblable? Nous lisons (dans les textes) que le pontife romain juge les chefs de toutes les Églises, nous ne lisons nulle part que quelqu'un l'ait jamais jugé. Bien qu’en effet l’anathème ait été pro­ noncé contre Honorius par les Orientaux après sa mort, il faut savoir que la raison en est qu’Honorius avait été accusé d’hérésie, seule cause pour laquelle II est licite aux inférieurs dc résister à leurs supérieurs ct de repousser leurs sentiments pervers. Et encore dans ce cas même, il n’eût été permis ni aux patriarches, ni à quelqu’un des autres évêques, de porter à son sujet une sentence quelconque, sans la permission préalable ct l’autorité du nouveau pontife. » Par où l’on voit qu'Hndrlen exprimait comme une Incontestable v érité ce (pie nous avons énoncé à titre de conjecture, à savoir que l’attitude des légal s romains, lors dc la condam­ nation d’Honorius, s’explique par le caractère fort large des instructions qu'ils auraient reçues du papa Agathon, soit avant leur départ pour le concile, soit au cours même des délibérations. Résumons dans les questions suivantes tout le pro­ cès d’Honorius. Dans ses deux lettres ù Sergius, le pape a-t-il propagé un enseignement hérétique, au sens précis où se prend le mot aujourd'hui? Non, cer­ tainement. Ces lettres ont-elles le caractère d’un docu­ ment officiel dc l'Église romaine, ou ne doivent-elles être considérées que comme une correspondance pri­ vée? La seconde hypothèse est ù écarter; nous sommes en présence d’un document où le pape engage sa res­ ponsabilité de chef suprême de l’Egllse. Ce document ne contient-il pas un certain nombre d’expressions ct surtout de déductions regrettables, propres à favo­ riser le développement d’une doctrine hétérodoxe? Ceci est Incontestable ct, dans le fait, l’évolution du monothélisme officiel en fut certainement accélérée. 123 HONORIUS pr Dans l'examen des responsabilités, le VI” concile eut-il raison do faire retomber sur Honorius une large part de celles-ci? Sans aucun doute. Était-il autorisé par les faits a dire qu’il n'y avait point dc différence entre les Orientaux coupables ct le pape de Home? A ne considérer que les faits, d’une part, les termes mômes des lettres d'Honorius, dc l’autre, il ne pouvait guère échapper â cette conclusion. Les papes dc Home ontils ratifié la sentence du V1° concile? Oui, dans le docu­ ment officiel adressé â Constantinople. Ne constatet-on pas chez eux une tendance ù distinguer le cas d'Honorius dc celui des Orientaux condamnés? Cette tendance existe. A peine marquée dans la lettre d’approbation du VIe concile, elle sc précise dans les documents postérieurs, mais cette distinction est tou­ jours hasardée avec quelque timidité; nulle part elle ne s’affirme comme l’acte d’autorité d’un pape, cas­ sant les décisions du VIe concile ct leur en substituant une autre. 4° Histoire de la question d'Honorius, — Les Orien­ taux, on le comprend sans peine, ne devaient pas perdre le souvenir de la condamnation d’un pape de Rome par un concile œcuménique. Tous les synodes successifs répétèrent la sentence portée contre Ho­ norius : c'est le concile in Trulto de 692, qui met sans aucune distinction le malheureux pape sur la liste des hérétiques, Mansi, t. xi, col. 937; le VIIe concile, deuxième de Nicée, en 787, qui renouvelle d'une ma­ nière générale les condamnations anterieures. Mansi, t. xin, col. 377. (Que l’on compare aussi les docu­ ments joints aux actes dc ce dernier concile, Mansi, t. xi, col. 1123, profession dc foi d'un patriarche; col. 1142, autre profession dc foi; t. xin, col. 401, lettre du concile â l’empereur; col. 412, lettre au clergé de Constantinople^ Le VIII· concile, qui réta­ blit en 869 l'union des Eglises troublée par Photius, renouvelle une fois de plus la sentence portée contre Honorius. Mansi, t. xvi, col. 180-181. La majorité des écrivains grecs, commentateurs, théologiens, histo­ riographes, s'accorde à considérer Honorius comme anathématisé. Il y a bien quelques exceptions; le chronographe Théophane, à propos de l’explosion du monothélisme, ne elle meme pas le nom d'Hono­ rius ct raconte toute l'histoire du VI· concile sans faire mention du pape condamné, P. G., t. cvm, col. 680684, 732 ; saint Jean Damascène semble l’ignorer également, soit dans l’opuscule ΠιρΙ δρΟοδοξής πίστιως, soit dans son traité des hérésies. A l’article consacré au monothélisme, il <111 seulement que les monothélites tirent leur origine de Cyrus d’Alexandrie, ct furent affermis dans leur erreur par Sergius dc Constantinople. De hæresibus, n. 99, P. G., t. xciv, col. 762. Dans sa préface au traité Des deux volontés du même saint, Le Quicn fait remarquer qu’on n’y trouve pas men­ tion du rôle d'Honorius dans la controverse dyothélitc. 11 ajoute que, vers la même époque, saint Ger­ main de Constantinople, dans un synode qu’il célébra en 715, anathématisa seulement Sergius, Cyrus ct Pyrrhus, sans faire mention d’Honorius. P. G., t. xcxv, col. 127. Dans les deux cas, nous avons affaire ù des écrivains tout dévoués au siège de Rome, ct qui cherchent dans le pape un appui contre les ten­ dances hérétiques ct séparatistes qui de plus en plus entraînent l'OricnL Mais cesdeux saints sont des Isolés; la tradition qu’ils représentent ne sera reprise qu’au xiv· siècle, lors des essais d'union entre les deux Églises; l’ensemble del’Église grecque reste persuadée de la culpabilité, disons plus, dc l’hérésie du pape Honorius. Nous avons déjà eu l’occasion dc dire comment le pape Jean IV avait cru pouvoir défendre la mémoire dc son prédécesseur. L'explication a dû rester clas­ sique dans les milieux romains. Officiellement sans 124 doute on proscrivait le nom d’Honorius avec ceux des chefs du monothélisme, mais, fort do la conviction que le siège romain ne pouvait errer dans la foi, on s'efforçait d’éluder la portée de la sentence du VI· concile. Cette sentence n'empêche nullement le pape Nicolas 1·Γ, dans sa correspondance avec l'empereur Michel â propos des affaires Bossuet a été plus dur encore pour la mémoire du pape, dans sa Defensio declarationis cleri Gallicani, Œuvres, édit. Lâchât, t. xxi. 11 établit successivement qu'Honorius n cer­ tainement erré, bien que parlant ex cathedra, et qu’il ne peut subsister aucun doute sur le sens de la con­ damnation portée contre lui par le VI· concile. Avec une éloquence un peu emphatique, il fait le procès dc ceux qui ne partagent pas son avis : Ad turc nos adactos volunt I In his sedis apostolica ac fidei catholica· presidium reponemus? Absit hoc ab Ecclesiæ majes­ tate I Et pour finir, il s’en prend au cardinal d'Aguirre, un Espagnol qui avait cru devoir attaquer la fa­ meuse Déclaration. Parlant ù propos d'Honorius dc la lettre du pape Léon H, le cardinal avait écrit, sans y voir malice : «Baronlus, ct d'autres après lui» se sont efforcés d’en démontrer la fausseté. > Voilà un conatus est, conclut Bossuet, qui en dit long, aussi 127 HONORIUS Pr bien que le docte silence, sur cette question difficile, du docte cardinal! On peut juger par IA du ton que prenait aisément la polémique quand il s'agissait de la question d’Ho­ norius. Elle continuera sur le même ton au cours du xvtn· siècle, as ce cette différence pourtant qu'on voit reparaître chez plusieurs ultramontains la solu­ tion désespérée de Baronlus. Le minime Boucat, au­ teur d'une Theologia Patrum dogmatico scholastico· positivo, parue pour la première fols en 1718, soutient qu'oprès la XI· session les légats se sont éloignés; que l'office célébré ù Sainte-Sophie par l'évêque Jean de Porto marque la fin du concile, que dès lors les sessions suivantes ne sont plus que la réunion d’un conciliabule. On n’est pas plus cavalier avec des do­ cuments historiques· Quelques années plus tard, en 1750, Bartoll, évêque de Fellrc, Apologia pro Honorio, soutient encore la falsification des deux lettres, et prétend que la seconde a été fabriquée de toutes pièces. Il ne faudrait pas croire cependant que cette attitude soit générale; autant que j’ai pu m’en rendre compte, les théologiens de cette époque résolvent plutôt la difficulté en soutenant la bonne fol d’IIonorius, en détendant avec plus ou moins d’énergie scs deux lettres, en déclarant que le concile a jugé plutôt sur les apparences que sur le fond des choses. Le ma­ nuel de Tourncly, longtemps classique en France, donnerait A peu près l’idée d· cet état d’esprit. On en restera IA, ou peu s’en faut, dans toute la pre­ mière moitié du xix· siècle. Ce serait une erreur de penser que la question d’Honorius sc soit réveillée seulement à l’époque du concile du Vatican. La renaissance des études histo­ riques et théologiques en France et en Allemagne devait amener, sinon une nouvelle position du pro­ blème (il est difficile d’en Imaginer.d’aulres que celles dont nous avons fait la revue), du moins une applica­ tion plus grande A en étudier les détails. On sait, d’autre part, comment, le deuxième tiers du siècle amenant une recrudescence d'ultramontanisme, les attardés des doctrines gallicanes crurent devoir mettre tout en œuvre pour contrebattre cette avance. C’est à une préoccupation de ce genre qu’il faut attribuer l’opuscule de Doellinger, Die Papstfabeln des Mtttelalters, 1863, où un paragraphe assez long était consacré A la question d’Honorius; le pauvre pape en sortait bien meurtri. Plus sereine, non moins sévère, était la dissertation qu'Hefelo, dans sa pre­ mière édition de Γ Histoire des conciles, accordait au même problème. Mais les théologiens ultramontains ne restaient pas sans réponse. Le très remarquable travail du jésuite G. Schneemann, Studicn tlber die Honorius Frage, 1864, réplique directe A Doellinger, est sans conteste ce qui a paru de mieux, au point de vue théologique,sur la questiond’Honorius. Dœllingcr avait résumé en un mot la théologie soi-disant monothélitc du pape : Enfin, ajoutait la commission, il y a un principe reçu dans toutes les sciences et qui, à plus forte raison, s’impose ici : Quand une vérité s’impose en vertu même des principes de la science dont elle fait partie, une solution probable, une raison grave suffit pour résoudre les difllcultés ou les hypothèses contraires (ce sont, on le voit, des casuistes qui par­ lent). Or, des réponses probables et des solutions graves ont été apportées à toutes les objections historiques contre l’infaillibilité pontificale. Et làdessus la commission renvoie a un certain nombre d’ouvrages sur le cas d’Honorius qu’elle juge propres à éclairer la religion des Pères. Notons, parmi les anciens, Bellarmin, Noël Alexandre et Zaccaria, Anti/ebronius, part. II, 1. IV, et parmi les modernes, Schneemann et Pcnnachi, dont nous avons déjà parlé. Tels étaient les raisonnements de la Députation de la foi et de la très grande majorité du concile. A vou­ loir faire prendre les choses d'un biais plus historique, les évêques de la minorité mirent toute leur science, toute leur habileté, Hcfcle venait de faire paraître à Naples un opuscule de 28 pages, où 11 répondait au professeur Pcnnachi; le 17 mai 1870, dans la 52· congrégation générale, il défendit avec ûprelé les conclusions de son mémoire, critiqua vivement le rapport que nous avons analysé plus haut, et fit de justes observations sur la liste des livres tout spécia­ lement recommandés aux méditations des Pères. Les débats se poursuivirent sur le même sujet aux réunions des 18, 19, 23 mai, reprirent encore après le passage à la discussion des articles (le 15 juin, par exemple, à la 72· congrégation). Mais la méthode même de travail adoptée par le concile devait rendre stériles toute celte éloquence et toute cette science. Les changements, minimes d’ailleurs, apportés par le concile au texte sur l’infaillibilité proposé par la Députation de la foi, ne devraient rien, ou presque rien, à ces joutes oratoires. Granderath, Gcschlclde des Vatikanischcn Condls, t. in, p. 15, 31 sq., 164 sq., 171 sq., 175, 187, 385 sq. La définition du concile du Vatican fait entrer la question d’Honorius dans une phase plus sereine. Elle ne supprimera pas, bien au contraire, les attaques des protestants de toutes nuances; le cas d’Hono­ rius restera toujours pour eux une arme de choix contre la doctrine do l’infaillibilité pontificale; mais entre catholiques on est d’accord pour Interpréter cet incident regrettable de l’histoire de l’Eglisc, ans porter atteinte à la souveraineté du magistère ecclésiastique incamé dans Je pontife romain. Quels que soient les moyens de défense adoptés (et nous croyons les avoir énumérés tous), il reste vrai que ja­ mais, dans un document ex cathedra, un pape n’a erré dans la foi. La théologie affirme que ce n’est pas posDICT. DE T1IÉOL· CATHOL. slide, l'histoire est heureuse de souscrire à ce juge­ ment en déclarant que cela n’a Jamais été. 1. JTrvroniE dv povttfîcat. — 1· Sources : Liber pontificalis, édit. Duchesne, 1.1, p. 323; Jaffé, Regesta romanorum pontificum, t. J, p. 625-038, on y trouvera le* réfé­ rences de* différentes lettres citées*— 2· Travaux : Kruger, IIrate ncuctnjdidic fur protrdantiche Théologie und Kirche, t. vm, p. 313-314; Grlsar, Kirchenlexikon, t.vi.p. 230-234. 11. La q< i stiox d'Honohiis. — « On formerait une bibliothèque des ouvrages composés pour ou contre le VI· concile œcuménique, et je ne crois pas qu’aucune question ait donné lieu û des polémiques plus vives quo celles de l'innocence et de la culpabili té d’Hono­ rius, · ainsi s’exprime E. de Boziérc, Liber diurnus, ou Recueil des formules usitées j>ar la chancellerie pontificale du I'· au XI· siècle, Paris. 1860, Introduction, p. cxxxn. On comprendra qu’il soit impossible de citer ici tout ce qui a été écrit sur la question. 1® Sources, — Mansi, Concilia, donne tous les textes essentiels; on notera que le texte grec des netes est le seul officiel. El version latine qui l'accompagne dans toutes les éditions des actes est fort médiocre, parfois inintelligible. A la suite ri us. 11 est inutile de les mentionner. Pour Baronlus et Bellannin, voir les références dans le corps de l’article. 2. Généraux, — Ixs histoires du nionothéllsmc s’oc­ cupent forcement d’Honorius. Combêtb, Historia mono· thelitarum, dans Auctarium novissimum, 16-18; j\ssémani, Bibliotheca juris orientalis, 1761, cherche â excuser Honorius d’erreur; J. Chmel, Vindicia· conctlil crcununid VI, prie missa dissertatione historica de origine ha rests monothclllarum, Prague, 1777 ; J. B. Tamagnigni (ou Tngmanini « Fouqueré), Celebris historia monolhelllarum atque Honant controversia, Paris, 1678; Oswepian. Die Entstrhungsgeschichlr des Monothclismus, nach ihrm Quclhn gepru/t und dargeslelll, Leipzig. 1897. 3. Particuliers, — Je distinguerai entre les ouvrages anciens, et la littérature qui n fleuri autour du condlc du Vatican. On trouvera une bibliographie plus détaillée, mais forcément partielle, dans de Backer, Bibliothèque des êcrivains de la Coniixignic de Jésus, 1x72. t. n, p. 1259-12'2. a) TraiKiux anciens. — Nœl Alexandre, Historia cede· siadica, sæc. vu, dissert. II; réimprimée dans Zaccaria, Thesaurus thi\Jogiciis, l. vu, p. 1378-1408; l’ouvrage avait été censuré; les censeurs auraient demandé cette rectifica­ tion, qu'llonorlus avnlt parlé comme docteur privé; J. B. Bartoli, Ajtologia pro Honorio I, R, P„ Feltrr, 1750; Biner, Apparatus eruditionis ad Jurisprudentiam pranerttm ecclesiasticam, 1754-1766 : un des ouvrages préconisés par la Députation de la fol, nu concile du Vatican; Candidlo Bomano, Honorius I ab hartsi monothelitarum uindicatus, 1778; Casteel, Controversia· historia· ecclesiastica·, 1757; Cavalcanti, Vindicia· mmanurum pontificum, Home. 1749; S. Demarco, DiJesa di S, Pietro a di allri pontifici accusati di errore, 1780; H. Fischer, De Honorio papa in synodo generati VI vm et Juste condemnato. 1767; Garnier, préface nu Liber diurnus. P. L., t. cv; J. Gisbert, De Honorio pon­ tifice in causa morudhelitarum, dnns Zaccaria, Thésaurus theologicus, t. vir, p. 1109-1413 : dissertation médiocre, fait un pénible contraste avec celle de Noel Alexandre, qui la précÀlc dans le recueil; Th. Holtzclau (un des H’irccburgcnscs), Honorius I, summus pontifex, fidelis et Innocens, sfue dlsscHatlo theologica qua Honorius in causa fidei contra monothelitas ab omni ha-rest, mala ctconomia et ncyligcntia, novamdhodovindicatur, Wurzbourg, 1762; cardina! Huslu^ VH. — 5 > 131 HONORU S Ier— HONORII S II De loco et authorltate romant pontificii, 1566; Franc. Mar chcsiii*. C/ppttu lartium sive vindicia; Honorii paper, Home, 1680; Ch. Merlin, Examen exact et détaillé du fait d* Hono­ rius, 1738; Marc Molkrnbuhr, Dissertatio critica an Hono­ rius I anno C&0 damnatus fuerit a concilio generali VJ, 1798; réimprimée P. L., t, lxxx, col. 991-1080 : pour Vautour, le* actes conciliaires 'ont fa-dissime interpolator U. Munior, Vindicatio Honorii I, Würzbourg, 1718; cardinal Orsi, Le Irreformabili romani pontificis in definiendis fidei contro­ versiis judicio, 17X3, c. xxi-xxvin, cité par la Députation de la toi du concile du Vatican : la lettre d’Honorius ne peut Cire un document ex cathedra·, l’ighi, JJicrarchia; eccle­ siastica· assertio, Cologne, 1X38; L. Slcna, Disserlazione tn dlfeui di Onnrlo papa, Sinlgaglin. 1744; Ughl, De Hono­ rio I, P, R., Bologne, 1784 : les pièces sur lesquelles s'ap­ puyait le concile étaient Interpolées; trompé par elles, le concile n prononcé l’anathème; Zaccaria, Anlifebronius, 1767, part. H, 1. IV. b) travaux plus récents (la liste, d’après Ulysse Chevalier, Répertoire des sources historiques. Bio-bibliographie, 2· édit., Paris, 1905, article Honorius, t. n, col. 2171-2176). — G. Andrullo, Onnria 1 c la scuola Italiana, dans La scicnza e la fede, 1870, t. x. p. 177-197; t. xi, p. 283-307; B. d'Avanzo, II papa Onnrlo e finfullibilila pontificia, Ibid., t. xvn, p. 5-15; Ch. lùirthélcmy, Erreurs historiques, 1881, t. xiv ; R. Baxmnnn, Die PolittJcder Pdpste, Elberfeld, 1868, 1.1, p. 159 sq.; [K. Bauer). Die Honoriusfrage, cine kritischc Bcleuchtung der Schrift des [Hefele], Batisbonne, 1870; J'apst Honorius und D. A. Rûckgaber, ibid., 1871 ; P. Bélct, I.a chute du pape Honorius, Tourcoing, 1870; P. BottaOn, Pope Honorius before the tribunal of reason and history, Londres, 1868; The orthodoxy of the pope Honorius, dans Dublin review, 1872, t. xix, p. 85-103; The condemnation o/ pope Honorius, ibid., t. xx, p. 137-158; réponses à Le Page Rcnotif. voir plus loin; C.-J.-M. Bottemanne, De Honorii papa· epistolarum corruptione, Bar-lc-Duc, 1870; J. Chantre!, Jjt pape Honorius, ir· lettre, Paris, 1870; J. Coldcfy, Ix pape Honorius, Paris, 1870; L. Colin, Le pape Honorius, Montréal, 1870; 1I.-M. Colombier, La condamnation d’Honorius et Γ infaillibilité du pape, dans les Etudes des PP. jésuites, 4’ série, t. iv, p. 819-811 ; t. v, p. 31-46,275-286,373-399. 533-518; 5· série, t.Xi!,p.274281 ; 1^ pape Honorius, dans la Revue du monde catholique, 1871, l. xxix, p. 487-500; J. Contest in, Le pape Honorius, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, 3· série, 1870, t. i, p. 97-132; V.-A. Deschamps (archevêque de Malines), La question d’Honorius, lettre au R. I\ Gratry, Paris, 1870; puis une deuxième et une troisième lettre : pièce très impor­ tante de la controverse autour du concile du Vatican; B. Désirant, Honorius papa vindicatus, salva integritate concilii VI, Aqulsgram, 1870; J. von Dadlinger, Dic Papslfabeln des Mitlclalters, cin Beitrag zur Elrchcngrschichtc, Munich. 1863, tout à fait indépendant de in polémique conciliaire; Λ. Du Haut, 1m vérité sur le jHipe Honorius, Axignon. 1870; E. Dumont, La question dfHonorius, dans 1rs Annales de philosophie chrétienne, 1853, série D, t. vin, p. 54-60. 115-138; 1871, série F, t. n. p. 273-292; [J. Fabi). Pro Honorio cl sede aposloRca, contra J.-C. de Hefele, Flo­ rence. 1870; (J.-T. Ghilardusj, Honorius papa ab accusa­ tionibus veterum et novorum infallibilltalis summi pontificii odocnariorum vindicatus, Turin. 1870; Gratry, IJévéque d’Orléans et .Mgr de Malines, /'· lettre d Mgr Deschamps ; ///· lettre, Paris, 1870; Grisar, Paralipomena zur Honoriusfragt. dans Zeitschrift für katholische Théologie, 1887, t. XI, p. 675-688; Guéranger, Défense de V Eglise romaine contre (es accusations du R. P. Gratry, 2· défense, Paris. 1890; Hefele, outre VHistoire des conciles, déjà citée : Causa Honorii paper, Naples, 1870; c’est la brochure dont il est question plus haut; B. Jungmnnn, Dissertationes selecta· in historiam ecclesiasticam, Batisbonne, 1881, t. it. p. 382-138 ; Larnxpie, Im question d'Honorius. Toulouse, 1870; E- Le Page Rrnouf (anglican converti). The con­ demnation of pope Honor ius, Londres, 1868; The case of pope Honorius reconsidered, Londres, 1870; Marci. Du concile général et de la paix religieuse. Parts, 1869, L 1, p. 287-300; t. tu p. 117; A. île Margerie, Réponse d Mgr Hefele, Paris, 1870; Prnnachi, De Honorii Z, romani pontifici», causa tn X l concilio dh^rrtatln, Rntisbonnr et Rome. 1870; L. Pélétot, l^l-K riptum sur Honorius, Paris, 1870; Rambouillet, Le pape Honorius, i* infaillibilité et le V/· cnndîr. Paris, 1870; Rivière. Lr ;xi/*r Honorius et le gallicanisme mwierne, Nîmes, 1870; F. H. Reinerding, Bel trage zur Honorius und Idbrrlusfrugt. Munster, 1865,1870; Roques, Rei>onscau 1*.Gra­ 132 try, Lavaur, 1870; E. Rückgaber, Die Jrrlehrcdes Honorius und dus vatlkantiche Decret uber die püpstliche Unfehlberbelt, 1871 ; G. Schnecmnnn, Studicn ubt rdic Honariusfrage, Fribourg, 1864 ; Tlzzani, Concilia generalia, 1868, t. i, p. .371-175;[Well et Loth), Im caused*Honorius, documents originaux, traduction, notes et conclusions, Paris, 1870; E. F. Willis, Pope Honortus, and the roman dogma of papal infallibility, irréconciliable with the condemnation of a pope for heresy by 3 oecumenical councils, to which is appended an examination of PennachCs treatise on the ease of Honorius, Londres, 1879; en outre quelques anonymes ; Causa Honorii papie, Naples, 1870; In epistolas Honorii papm ad Sergium commentatio, Rome, 1870; Dic Honorlusjrage, Ratlsbonne, 1870; Momumenta qiwdam causam Honorii papa spectantia, cum notulis, Rome, 1S70; Papa Honorio cd tlconcilio VI, Rome, 1870. Il reste à mentionner comme travaux plus récents cl plus dégagés de la tendance polémisanlc des précédents : dans le Dictionary o/ Christian biography, l'article de J. Bamy, représente bien Intendance anglicane; dans Je Klrchcnlcxikon, art. du P. Grisar, dont on s’est souvent inspiré pour le présent travail; dans lo Dictionnaire apologétique de la foi catholique, édit. d’Alès, art. de dom Cabrol, 1912. t. n, col. 514-519; enfin, deux opuscules récents consacrés à la polémique contre les angli­ cans : Coupe, The alleged failures of infallibility on the case of Liberius, Honorius, Londres, 1897; dom Chapman, The condemnation of pope Honorius, Londres. 1907; article do Gôrres, dans Zeitschrift fur ivisscnschaftlichc Théologie, 1903, t. XLVi.p. 269-274,512-524. E. Amann. 2. HONORIUS II, pape (1124-1130). Lambert, le futur pape Honorius II, était né à Fagniano, aux environs d'Imola, d’une famille modeste. Déjà remarqué par le pape Urbain II, pour son intel­ ligence et son savoir, il avait été créé par Pascal II (évêque de Vellet ri, puis) cardinal-évêque d’Ostic. En celte qualité, il accompagne Gélilse II en France, lors de sa retraite forcée, et prend part, au monastère de Cluny, à l’élection de Callisto 11. De celui-ci il restera le conseiller le plus fidèle, le plus aimé, le plus écoulé. De lui, il recevra en 1122 la très importante mission de se rendre en Allemagne, pour négocier les termes du traité qui porte dans l'histoire le nom de concordat de Worms, et qui met fin & la querelle des investitures. Lambert fit montre en ces négociations d’une atti­ tude conciliante, bien propre à lui gagner la faveur de la partie de la noblesse romaine plus ou moins inféodée ù l’empereur. Il lui devra son élection au trône pontifical. Callisto H était mort le 13 ou le 14 décembre 1124. Deux factions de la noblesse romaine se trouvaient en présence, les Picrleoni d’une part, les Fraiapani de l’autre, ceux-ci dévoués ά la cause impériale. Le 16 décembre, cardinaux, noblesse et peuple se réunis­ saient pour l’élection. Dès l’abord, les Picrleoni réus­ sirent à faire proclamer leur candidat, Timinas Buccapccci, cardinal de Sainte-Sabine. Celui-ci semble accepter, prend le nom de Célcst in lî, revêt la chape rouge et l’on entonne le Te Deum, que tous, y com­ pris Lambert, continuent avec entrain. Mais au milieu de l’hymne, Robert Fraiapani impose le silence, acclame le nom de Lambert d’Ostie, et fait si bien, par tous scs affidés répandus dans l’église, que celui-ci, reconnu par plusieurs des cardinaux présents, est finalement intronisé sous le nom d’Honorius. Que fit Célcstin II? 11 est assez difficile de préciser son attitude. Le cardinal Pandulphe, à qui nous devons le récit de l’élection et qui était l’ennemi déclaré des Fraiapani, dit de Thomas Buccapeccl qu'il avait accepté avec résignation ce pontificat qu’il allait bientôt refuser, patitur Ca test inus (ego nescio cur) aliquando quæ nollet. On peut en conclure qu'il so sera résigné d’assez bonne grâce à reconnaître l'élection de son compétiteur. Scs partisans ne se rangèrent pas sans doute aussi aisément à cette solu­ tion : il y cul des troubles. Honorius II crut bon d’y 133 HONORIUS II 13ό mettre fin en se soumettant à une nouvelle élection· difficultés que le pouvoir temporel du pape rencontrait Le 21 decembre, devant les cardinaux réunis, il so en Italie. Tant qu’il ne s'agissait que de réduire à dépouille des ornements pontificaux. < Les cardi­ l’obéissance les barons féodaux de la Campanie, le naux, dit Boson, voyant son humilité et fort désireux pape s’en tirait encore. Mais l'affaire de la succession pour l'avenir de ne point introduire éry devrait être considéré connue légat un grand nombre des princes séculiers. Finalement du pape pour l’Angleterre et l’Écosse. Jaffé, n. 7284. Lothaire V fut reconnu par tous. Mais il dut, soit En France, Honorius dut s’interposer dans la que­ aussitôt avant son élection, soit peut-être seulement relle qui mit aux prises le roi Louis VI, d'une part, après, faire a l’Église une concession fort importante et, de l'autre, l’évêque de Paris appuyé bar son métro­ et qui amendait considérablement le concordat de politain l’archevêque de Sens et les autres évêques Worms. « L’Église aurait la liberté qu’elle avait tou­ de la province. Pour des raisons qu'il est assez difficile jours souhaitée, c’est-à-dire les élections (aux digni­ de déterminer, l’évêque de Paris avait encouru la tés ecclésiastiques) libres et non des élections extor­ disgrâce du roi et s’était vu dépouiller de scs biens; quées par la crainte du roi, ni gênées comme autrefois sa vie même, paraît-il, aurait été en danger. Réfu­ par la présence du prince, ni restreintes par aucune gié à Clteaux, il avait répondu à ces mesures vexademande de sa part· l'empereur, de son côté, confé­ tolrcs en jetant l’interdit sur le domaine royal· rerait l’investiture par le sceptre à celui qui aurait été Louis VI fut assez habile pour extorquer d'Hoélu librement et canoniquement consacré.» Narratio norius la levée de l’interdit. Saint Bernard, qui de electione Lotharii iti regem Romanorum. avait pris fait et cause pour les évêques, se plaignit Lothaire alla plus loin encore dans la vole des conces­ amèrement dans plusieurs lettres au pape du funeste sions; il semble bien qu’il envoya à Borne une délé­ résultat qu'avait produit la condescendance ponti­ gation pour demander au pape 1 lonorius de le confir­ ficale. Epist., xlv-l, P. L., L clxxxji, col. 119 sq. Si­ mer dans sa dignité de roi des Bomains. C’est du gnalons enfin l’envoi d’un légat en Écosse, Jaffé, moins ce qu'indiquent les Annales de Disemberg n. 7204, et la protection accordée à un évêque de (près de Mayence). Si le fait est exact, il est caracté­ Norvège, contre le roi Sigurd. Jaffé, n. 7224. ristique de la victoire remportée par le sacerdoce Honorius dut également imposer son autorité aux sur l’empire. Moins de cent ans auparavant, c’étaient dignitaires ecclésiastiques tentés de la méconnaître. les empereurs qui désignaient les papes, et le décret L’évêque de Verdun, I Icnri, une créature d’Henri V, de Nicolas II, en 1059, reconnaissait encore nu roi avait essayé a diverses reprises de se soustraire aux des Bomains le droit de confirmer l’élection du suc­ légitimes exigences de Callistc H et d’Honorius, qui cesseur de Pierre. L’entente cordiale entre les deux le sommaient de venir s’expliquer à Rome sur les pouvoirs persévéra durant tout le pontificat d’Hono­ nombreux griefs qui lui étalent imputés. Honorius rius II. Lothniro eut recours au pape dans sa lutte finit par en avoir raison. Plutôt que de se soumettre contre Conrad de Hohenstaufen, qui, après avoir au jugement du légat, le cardinal Matthieu, évêque d’Albano, Henri préféra, sur le conseil amical de pris en Allemagne le titre de roi des Bomains, était descendu en Italie pour ceindre à Milan la couronne saint Bernard, donner sa démission en 1129. (L'affaire de fer. L'nntlcmpcreur avait trouvé appui dans le tout nu long dans 1’Historia brevis episcoporum Vir· clergé du nord de ht péninsule soit en Lombardie, dunensium. Monumenta Germanhe historica. Scrip· soit en Vénltic. Mais le pape demeura fldèlcà Lothaire; tons, t. X, p. 501 sq.) L’abbé de Cluny, Ponce, ne fut le jour de Pâques, 22 avril 1128, il lança l’excommuni­ pas plus heureux. Ce personnage, plus politique que cation solennelle contre Conrad, son frère Frédéric religieux, avait dû son élévation au rôle qu’il avait et tous leurs adhérents. Le cardinal Jean de Crémone joué en 1119, lors du décès de Gélasc II et de l'élec­ fut chargé de déposer l’archevêque de Milan, fa­ tion de Callistc IL Sous sa direction, l’abbaye ne vorable à Conrad, cl, quelque temps après, Ho­ tarda pas ù se relâcher de l’idéal monastique; les norius envoyait Λ B ivcnnc le cardinal Pierre, pour couvents voisins qui la reconnaissaient comme leur déposer en son nom les patriarches d'Aquilée et supérieure se détachèrent de son obédience. C'était de Venise, qui avaient pris parti pour Conrad, et le commencement de la décadence de ces clunislens qui continuaient d’ailleurs à reconnaître pour pape qui avaient été durant un siècle le plus ferme appui le fameux Maurice Bourdin, qu'l Icnri V avait jadis de l’Église. Averti, le pape Callistc força Ponce à opposé à Gélnse IL démissionner et lui imposa le pèlerinage en Terre En retour des services rendus par lui à Lothaire, Ho­ Sainte. Pierre le Vénérable, qui succéda à Ponce, fit refleurir dans l'abbaye les vertus monastiques et norius attendait de celui-ci aide et protection dans lc> 135 HONORIUS II — HONORIUS III 136 Honorius II l’aida à ramener à l'obéissance les monas­ 1198); et à la mort du grand pape, il fut choisi pour tères qui s’étaient séparés.' Jaffé, n. 7193-7197. Mais lui succéder le 18 juillet 1216. l'année suivante, 1126, Ponce revint, s’empara par Les écrits d'Honorius III ont été rassemblés par force du pouvoir à Cluny et s’y maintint quelque Horoy, Medii avi bibliotheca patrislieu, Paris, 1879temps malgré les anathèmes pontificaux. Jaffé, 1883, t. i-v. Le plus célèbre est le Liber censuum ou n. 7259, 7268. Il dut céder pourtant devant les index des revenus de l’Églisc romaine, de scs privi­ foudres d’Honorius, vint Λ Home pour discuter contra­ lèges, des dons reçus, des contrats conclus, etc., source dictoirement avec Pierre ses droits à la dignité abba­ capitale pour l’élude des possessions de l’Églisc au tiale; il y mourut. Par egard pour les services qu’il moyen âge. Déjà édité par Muratori, Antiquitates lia· avait rendus jadis à la papauté, par égard aussi pour liae, t. v, p. 851-908, il fut réédité par Paul Fabre, Bi­ Cluny, le pape consentit à lui laisser donner une sépul­ bliothèque des Écoles françaises d'Athènes cl de Borne, ture honorable. En Italie, les moines du Mont-Cassin Paris, 1889-1902. Cf. du même, Étude sur te Liber cen­ créèrent également au pape Honorius des difficultés suum del' Église romaine, Paris, 1892. Au Liber censuum considérables; il fallut plusieurs Interventions per­ est adjoint un Catalogus romanorum pontificum et impe­ sonnelles du pontife, cl même finalement une expé­ ratorum, édité en entier par L. Weiland, dans Archio dition armée pour avoir raison des résistances de de Pertz, 1871, t. xn, p. 60-77, et partiellement par l'abbé Odéric II. Au demeurant, Honorius resta vain­ Waltz, dans Monumenta Germanies historica· Scrip­ tons, t. XXIV, p. 102-107. queur. Pendant que les vieux ordres monastiques témoi­ Honorius a écrit encore un Ordo roman us de gnaient de dispositions si étranges, d’autres moines consuetudinibus et observantiis, où il indique les règles ?e levaient qui devaient être, dans la période suivante, à suivre dans les principales solennités de l’Églisc les défenseurs de la papauté. Nous avons déjà signalé romaine. C’est VOrdo Nil de Mabillon, Musirum l’activité de saint Bernard. Honorius vit naître et Italicum. Paris, 1689, t. n, p. 167-220. encouragea les deux ordres nouveaux de Fontevrault, Honorius III a écrit encore une Compilatio Jaffé, n. 7270, et de Prémontré· Jaffé, n. 7211, 7380. Decretalium en cinq livres, publiée en 1226; un Ordo Les derniers jours d’Honorius furent assombris ad coronandum imperatorem; une Sancti Gregarii Vil par les luttes intestines qui n’avaient guère cessé vita; des Sermones per totius anni circulum; enfin un à Borne entre les Pierleoni cl les Fraiapani. Au début Provinciale roman tun relatif aux provinces et évêchés de 1130, le pape, très grièvement malade, ne se sentit sous la dépendance immédiate de l’Églisc romaine. plus en sûreté dans le Latran. Escomptant la future Les historiens s'accordent, en général, pour placer vacance du siège pontifical, les factions rivales sous le règne d’Innocent J11 l’apogéedu pouvoir ponti­ commençaient à user de violence l’une contre l’autre. fical. On peut ne pas partager celte opinion. La doc­ Le pape se fit transporter au couvent fortifié de trine même du pouvoir pontifical n'atteint scs déve­ Saint-André. C'est là qu’il expira, dans la nuit du loppements extrêmes que dans le De ecclesiastica 13 au 14 février 1130, peut-être avec le pressentiment potestate de Gilles de Rome, composé en 1301. du schisme dont sa mort allait donner le signal. Quoi qu’il en soit, si l’on veut s'en tenir au point de vue théologique, il ne semble pas que, ni dans scs L Sources. — Les documents dans Juffé, Regesta ponti· écrits ni dans son action pontificale, Honorius III ficum romanorum, t. ï, p. 824-839; t. n, p, 755; lu plupart des lettres sont dans P. L„ t. CLXVi, col. 1217-1316; ait rien innové. Il partage les principes d'Innocent 111, Mgr Duchesne, dans le Liber pontificalis, t. il, donne deux sans en avoir l'énergie ni l'ampleur de conception. Les notices sur Honorius II; l°p. 327-328, c'est l'édition du Liber principaux événements de son règne sont : scs efforts de Pierre Guillaume, qui reproduit, avec des coupures et des infructueux pour la croisade d’outre-mer; l’appui arrangements, la Vie d'Honorius par le cardinal Pandulphc, qu'il accorda au roi d’Angleterre Jean sans Terre voir l’introduction, p. xxxt sq.; 2· p. 373, c'est la Vie contre Louis, fils de Philippe-Auguste; l’approbation écrite par le cardinal Boson. On trouvera les deux mêmes qu’il donna à l'ordre naissant de saint Dominique documents et les Annales diverses se rcpporlant Λ Honorius et à celui de saint François d'Assisc;le couronne­ dani Watlcrich, Pontificum romanorum vitiv, Leipzig, 1862, p. 157-173. — Pour les affaires d’Allemagne : Narratio de ment de Frédéric II, empereur d'Allemagne; enfin electione Lothar il regis, dans Monumenta Germaniae historica. la répression de l’hérésie albigeoise, condamnée par Scriptores, t. XII, p. 509-512, et Annales Sancti Disibndi, le IV· concile de Latran(1215). (bid., t. xvn, p. 23, lignes 25-35. — Pour les difficultés ita­ Cette dernière manifestation de l’activité pontifi­ liennes : Annales Ceccanenses, dans Monumenta, t. xix; cale mérite de fixer l'attention du théologien. On Chronica Montis Castnensts, ibid., t. vu, p.804-811.— Pour y voit poindre une application des plus audacieuses de t'affaire de Verdun : Historia breuis episcoporum Vlrdu· nenstum, ibid., t. x; cf. aussi Gallia Christiana, t. χιπ. la doctrine théocratiquc : la croisade contre les héré­ p, 1197. — Pour les affaires de France : Lettres de saint tiques. Au xn· siècle, la théorie des deux glaives est Bernard, P. L., t. clxxxu, col. 149 sq.; voir surtout la bien constituée. Il suffit de rappeler le passage signi­ note de Mabillon. ficatif de saint Bernard : « Pourquoi cherches-tu II. Travaux.— Ils sont fort nombreux. On en trouvera encore, dit-il au pape, à usurper le glaive que déjà une liste détaillée dans la Healencyklopadie fur protestanune fols tu asreçu l’ordre de remettre dans lefourreau ? Usehe Théologie und Klrchr cl dans Ulysse Chevalier, Qu'il t'appartienne pourtant, celui qui le nie ne fait Répertoire des sources historiques du moyen ûye. Blo~ pas assez attention à la parole du Seigneur : Converte bibliographie. gladium Τϋϋλί in vaginam. Il est donc à toi. à ton E· Amann. ordre peut-être, mais non dans ta main. Autrement, 3. HONORIUS 111, pape (1216-1227). Conclus Savclli, fils d’Amalrich, tire son nom de l’un des châ­ s’il ne te concernait en aucune manière, aux apôtres teaux de sa famille, le Sabellum près d*Albano. L’an­ qui disaient : Ecce duo gladil hic, le Seigneur n’eût pas répondu : Satis es/, mais Nimis est. Le glaive spi­ née de sa naissance est inconnue. Dès sa première rituel et le glaive matériel appartiennent donc l’un jeunesse, il reçut une éducation ecclésiastique. Puis II devint chanoine de Sainle-Marie-Majeure. Selon son et l'autre à l’Églisc; mais celui-ci doit être tiré pour propre témoignage dans le Liber censuum, il était l’Églisc et celui-là par l’Églisc; l'un est dans la main déjà· en 1188, trésorier du saint-siège, sous le pape du prêtre, l'autre dans la main du soldat, maisàl’ordrc Clément IIL II conserva celte charge sousCélestin IIL du prêtre et au commandement de l'empereur, ad qui le nomma cardinal-diacre de Sainte-Lucie. Sous I nutum sacerdotis et jussum imperatoris. · De considera­ tione, 1. IV. c. ni, η. 7. La théorie des deux glaives, le pontificat d’Innocent III, il fut élevé à la dignité lentement élaborée sous la pression des idées domid · cardinal-prêtre de Saint-Jcan-ct-Saint-Paul ( 13 mars 137 HONORIUS III — HONORIUS IV 138 nantes et des besoins profonds du moyen âge, abou­ tout pour lui. Cependant les démarches prolongées et souvent infructueuses d’Honorius 111 furent les tissait à les remettre l’un et l'autre entre les mains du dernières tentatives de croisade organisée directement pape. par le pape en France. Elles n'en jettent pas moins De là à s'en servir pour armer les chrétiens contre un reflet curieux sur la doctrine du pouvoir pontifical les hérétiques, la distance était courte. Honorius III à cette époque. hi franchit. Mais là encore, il n’a rien innové. C'est Alexandre III qui, pour la première fois, proclama la I. Sources. — Honorii ni opera nmnla. édit. Horoy, croisade contre les hérétiques, au 111· concile de Latran en 1179. 11 assimile, dans le canon 27, les dans Medii avi bibliotheca patridica J n-8·, Paris, 1879-1883, chrétiens qui s’enrôleraient pour combattre les albi­ 1.1 -v; B. Hauréau, Quelques lettres d'Honorius J11.extraites manuscrits de la Bibliothèque impériale, dans Notices geois aux fidèles qui se croisaient pour la délivrance des et extraits des manuscrits, 1865, t. xxi b, p 163-201 ; Liber du Saint-Sépulcre. Innocent 111 marche dans cette censuum Ecclrsitr romanar, édit. P. Fabre et L. Duchesne, vole. En 1197, il décide Pierre d’Aragon à faire la 1885; Pressuli, 1 regesti del ponte flee Onor io 11I.dall'anno 121C guerre à ses sujets hérétiques. En 1205, il ordonne all'anno 1227, compilati sui codici dell* archlido ini t letino ed à ses légats de faire effort pour convertir les hétéro­ altre fonti doriche, ίη-8·. Borne, 1884 ; Id., Begeda Honorii papae 111. 2 Ln-ί , Home, 1888-1895; C. Rodenberg* doxes cl, en cas d’échec, il leur enjoint de recourir au Epistolae secuti XH1, dans Monumenta Germanice hi»lo­ bras séculier : < Avertissez avec zèle le roi de l'rance, rica, Berlin. 1883, t. I, p. 1-260; Liber pontificalis, édit. son ills Louis, puis les comtes, vicomtes et barons, Duchesne, 1892, t. n. p. 453 ; Potthast, Regesta pontificum suzerains en Languedoc, et cnjoigncz-lcur de notre romanorum, n. 1873-1875 ;XVattcrich,Ponfi/Irum romanorum part de confisquer les biens des hérétiques et de vtbc, 1862, 1.1, p. Lxxi-Lxxxiv ; Fabricius. Bibliotheca medii proscrire leurs personnes...; il faut qu’à défaut du n’vl, t. I, p. 1018-1019; t. in, p. 809-813; Bôhmcr, Fickerct glaive spirituel, le glaive matériel en vienne à Minkclmann. Regesta imperii. 1892. t.v, p. 1120-1170.2136; bout. » Lettres d'innocent II7.1. VH,cpisbi>xxix. L., Baronius-Rnynaldi, Annales cedestastici, an. 1216-1227. II. Travaux. — J. Clausen* Papd Honorius III (121S· t. eexu. Il va plus loin. Après 1207, il développe 1227), eine Monographic, in-8·, Bonn. 1895; E. Cai Hem er, fa théorie qui, depuis lors, s’est appelée la doctrine lx pape Honorius 111 et le droit ciml. in-8·, Lyon, 1881; de i'exposition en proie. Dans une lettre aux prélats Λ. Pokorny. Die Wirksamktil der Ixqatcn des Papstes du Midi, il déclare que l’Églisc peut se passer de l’in­ Honorius 111 in Frankreich und Deutschland, ln-8·. Kreins, termédiaire du bras séculier pour exterminer l'hérésie 1886; F. Verart, Eludes sur les sermons d'Honorius 111, in-8·, Lyon. 1888; P. T. Mnsettl, 1 pontifici Onorio III, dans un pays. Quand le suzerain s'y refuse, elle a le Gregorio IX ed Innoccnzo IV a fronte drll'imperatore Fede­ droit de prendre elle-même l’initiative des hostilités, rico 11 nd sreolo H1I. in-8·, Rome, 1881; F. Rocquain, de disposer des territoires contaminés par l’hérésie, cour dr Borne et t'espnt dr Réforme avant Luther, 3 in-8·. de les ollrir comme butin aux conquérants, sans qu’il Paris, 1893, t. n; Knobel, K. Friedrich II und Honorius III, leur soit nécessaire de demander l’assentiment du Munster, 1905; L. Bréhlcr, L’Eglise et I* Orient au moyen suzerain. L. XI, epist. xxvi. Ils succéderont d'ailleurs Age. Ixs croisades, in-12. Paris, 1907; II. Pissard. La guerre à toutes les obligations du seigneur dépossédé envers suinte en pays chrdien, in-12* Paris, 1912. le titulaire du domaine éminent (dominus principalis, H.-X. AnQUILLIÈRE. 4. HONORIUS IV, pape (1285-1287). Jacques comte, due ou roi) et lui devront la prestation de Savclli, pctit-nevcu d’Honorius HI, naquit en 1210. l'hommage en qualité de vassaux. Il fit scs études à Paris. En 1261. il fut élevé par Ur­ Les légats du pape devaient garder la haute main bain IV à la dignité de cardinal-diacre de Sancta sur les opérations militaires. C’est ainsi que Simon de Maria in Cosmedin, Bien qu'il fût infirme, il avait Montfort reconnut sa dépendance en droit et en fait, entrant en campagne et suspendant les hostilités conquis assez d’ascendant au Sacré-Collège pour être élu à l’unanimité, quatre jours après la mort de quand l'autorité ecclésiastique lui en intimait l’ordre. Martin IV, à Pérouse, le 2 avril 1285. 11 fut couronné La doctrine de la croisade contre les hérétiques le 20 mal de la même année. Prou, Registres d‘Hono­ s'était donc achevée sous Innocent III. Cette doctrine, insérée tout entière dans le IV· concile de La- : rius IV, Introd.* c. n. Il mourut deux ans après, le Iran (1215), fut Invoquée fréquemment par les théolo­ 3 avril 1287. La question la plus pressante qu’il eut à résoudre giens et les canonistes.les jurisconsultes et les papes, fut celle du conflit de la papauté avec le roi Pierre dans toutes les croisades en pays chrétien. Désormais la guerre sainte est rangée parmi les châtiments d'Aragon. Les vêpres siciliennes du 20 mars 1282 avalent enlevé au protégé de 1 Église romaine. Charles réguliers des faidits et constitue une des applications officielles du devoir qui incombe à la papauté de d'Anjou, la moitié de son domaine dans le sud de garder le dépôt de la foi contre toute atteinte héré­ l'Italie. Pierre d’Aragon s'était fait couronner ù Pa­ ïenne, en excipant des droits qu’il prétendait tenir tique. de sa femme, fille de Manfred. Martin IV et Charles Honorius III n'avait donc qu'à utiliser les armes d'Anjou lui firent une guerre acharnée. forgées par ses prédécesseurs pour réprimer l'hérésie La situation s’éclaircit pour Honorius IV par le albigeoise. C’est ce qu’il fit. En 1217, il confirme à fait de la mort des principaux adversaires. Charles Amaury de Montfort les possessions que son père d’Anjou, Marlin IV et Pierre d'Aragon mouraient avait conquises sur les hérétiques. En 1218, il fait en 1285. Philippe le Bel ne songeait pas à s’interposer encore prêcher la croisade. En 1219, il devient plus dans les complications siciliennes. Charles II, l’héri­ pressant, ofTrant à ceux qui ont fait le vœu d’aller à tier du trône des Deux-Slciles, avait signé, pendant Jérusalem de le réaliser en se croisant contre les hérétiques. 11 objurguc Philippe-Auguste et le prince sa captivité en Catalogne* une renonciation à Pile de Sicile. Par son testament, Pierre d’Aragon laissait Louis, son fils, de prendre la tète de l’expédition. à son fils aîné Alphonse l'Aragon et à son second fils En 1220, il approuve un ordre mi-religieux et miJacques la Sicile. guerrier destiné à mener le bon combat dans le midi Dans ces conjonctures, Honorius IV commença par de la France : la Milice de l'ordre de la foi de Jésus· publier pour le royaume de Sicile une constitution Christ. Il écrit des lettres menaçantes aux villes qui dont le but était d’adoucir les rigueurs du régime ne veulent pas se soumettre. Tous ces eflorts, au fond, qu’y avait fait peser Charles d’Anjou. Raynaldi, ne pouvaient avoir une réelle efficacité que si le roi de Annules, an. 1285, n. 43-45. Mais il refusa obstinément France y ajoutait le poids de sa puissance. Philippede sanctionner le testament de Pierre d’Aragon et Auguste resta hésitant; Louis VIII se décida en posant des conditions très précises et il travailla sur­ frappa d’excommunication ses deux fils. Des décimes 139 HONORIUS IV — HONORIUS AUGUSTODUNENSIS furent attribuées à Philippe le Bel pour conquérir ΓAragon, Prou, Registres d’Honorius IV, n. 395, et la croisade fut de nouveau prêchéc en France, par ordre du pontife. Archives nationales, Λ 272, n. 12. La résistance pontificale sc brisa contre le sentiment des populations, profondément attachées ù leurs princes. Vis-à-vis de l'empire, Honorius IV sc trouva en présence des demandes réitérées de Rodolphe de Habsbourg, qui attendait son couronnement, tou­ jours différé depuis la mort de Grégoire X. Par une lettre du 31 mai 1286, Honorius fixa au 2 février 1287 la date du couronnement impérial. Prou, Registres d’Honorius 7 V, n. 551. Par suite d’empêchements sur lesquels la lumière n'est pas faite, Rodolphe ne se rendit pas ù Rome à la date indiquée. Depuis lors, Honorius n'en parla plus. Honorius IV a passé longtemps, à cause d'une ap­ préciation malveillante du chroniqueur Fra Salimbene, pour un ennemi des moines mendiants. Depuis la publication des Registres de ce pape, il est impos­ sible de souscrire à ce jugement. Non seulement il a confirmé, mais élargi leurs privilèges, il les a utilisés dans des missions de confiance et a élevé à l'épisco­ pat un certain nombre d'entre eux. Prou, Registres d’Honorius IV, Introd., c. ix et x. 140 Rupert de Dcutz (16); il sc termine enfin par une notice plus longue sur un écrivain désigné de la ma­ nière suivante : Honorius Augustodunensis Ecclcsiæ presbyter et scolasticus, non spernenda opuscula edidit. Suit une liste de vingt-deux ouvrages dont le dernier est précisément le livre lui-même : hunc libellum De luminaribus Ecclesiœ. Et la notice se clôt sur ces mots : Sub quinto Henrico floruit. Quis post hunc scripturus sil, posteritas videbit. P. L., t. cxxxn, coi. 232-234. Si l’on sc rappelle que saint Jérôme ctGennadoont conclu, l’un et l’autre, leur De viris illustribus par une notice relative à leurs propres écrits, on ne trouvera rien d'extraordinaire à ce que cette finale du De luminari­ bus soit de l’auteur lui-même du traité. Passant en revue les écrivains de son temps, Il n’a pas voulu laisser ignorer par la postérité l'importante contribution fournie par lui à la littérature ecclésiastique. Si l’on remarque, d’autre part, que les traités mentionnés par la notice sont tous attribués par les manuscrits à un Honorius, que les préfaces mises en tête de certains de ces ouvrages indiquent le même ordre de composition que la notice, on ne saurait guère échapper à ccttc conclusion, que nous possédons en ces quelques lignes nos renseignements les plus authentiques sur le per­ sonnage d’Honorius. Ces renseignements sont d’autant plus précieux à recueillir qu'ils constituent, avec quelques traits per­ I. Sotnci % — 1® Diplomatiques : Maurice Prou, Les reghtrrs d’Honorius IV, Paris. 1888; Rymer, Fcédera, sonnels épars dans les ouvrages mentionnés ci-dessus, Londres, 1816, t. i; Potthnst, Regesta pontificum rornanonotre unique source pour la connaissance de l’auteur. rum, Berlin, 1875, t. ΐί, p. 1795-1825, 2132; Bliss, Papal Nul écrivain du moyen ûgc n’est plus profondément letters, 1893, t. J, p. 479-491; Bôhmer-Rcdhicb, Regesta mystérieux que celui-ci. On a prononcé à son propos Imperti, t. Vf, n. 1891. 1930, 2021,2506. le nom de « grand inconnu ». Celte expression n’a rien 2· Narratives : Bernard Gui, Chron., dans Muratorl, d’exagéré. Aucun historien, aucun chroniqueur, au­ Scriptores, t. in. p. 611; Malesplni, Chron., Ibid,, t. vni, cun théologien, aucun correspondant ne cite le nom p. 1044; Fr. Dulcinl, Hist., ibid., t. ιχ, p. 418; Franc-Pi fflai, Chron., ibid,, t. ix, p. 727; Glov. Villani, Chron., Ibid., d’Honorius. Ses œuvres, qui ont été très lues, très t. xni, p. 311; Marlène, Thesaurus nouas anecdotorurn. copiées, ont exercé une influence considérable dans Pari», 1717, t. n, p. 81; Salinibenc, Chron. Parm., édit. une partie du monde médiéval; sa personne n'a jamais Bertnnl, Panne, 1857, p. 332. attiré l'attention. A force de sagacité les critiques II. Tïiavavx. — M. Prou, Les registres d’Honorius IV, d'aujourd’hui arrivent à soulever un coin du voile qui Introduction, p. 1-111; Pawlickl, Papst Honorius IV, la cache. Mais il s’en faut qu'ils soient parvenus à des Munster, 1896; Sidnt-Pririt, Histoire de la conquête de Naples par Charles d'Anjou, Paris, 1849 ; L. Gidlcr, Essai sur résultats concordants et indiscutables. Nous allons Vadmini\lraUon du royaume de Sicile sous Charles P* et II, exposer, aussi brièvement que possible, l'état actuel Paris, 1891; Jordan, Le salnt-siïgc et les banquiers Ita­ des recherches. liens^· congrès cathollq. Internat., Bruxelles, 1895, t. v, Si l’on admet l’exactitude et l'authenticité de la p. 293-303; Les origines de la domination angevine en notice du De luminaribus, la première pensée qui Italie, Paris, 1911. vienne à l'esprit, c'est de traduire les mots Honorius, H.-X. Abquilïjèhe. Augustodunensis Ecclcsiæ presbyter et scolasticus par : 5. HONORIUS AUGUSTODUNENSIS, dit Honoré, prêtre et êcolâtrc de T Eglise d’Autun, et de HONORÉ D’AUTUN. — L Sa personne. H. Ses chercher dans ccttc ville de Bourgogne, sinon la patrie, écrits. 111. Ses idées. au moins la résidence habituelle de notre auteur. Si 1. Sa personne. — Dans un grand nombre de manu­ l’on combine avec ccttc première donnée la mention scrits, les uns publiés, les autres inédits, et qui s’échelon­ de solitarius, inclusus, qui accompagne fréquemment nent delà fin duxn· siècle au début du xvi% sc lisent le nom d’Honorius, on arrive au curriculum vitæ sui­ des ouvrages qui portent en tète le nom <1’1 lono­ vant : Honoré, dans sa jeunesse, était prêtre do rius, accompagné parfois des qualificatifs solitarius ou l’Église d’Autun; bientôt chargé de distribuer l’ensei­ inclusus. Ces ouvrages, très divers comme étendue (les gnement théologique, il quitte, après une carrière uns ont quelques pages seulement, les autres plusieurs assez longue, sa chaire d'écolâtrc pour sc réfugier dans centaines) et comme contenu (leur ensemble forme un cloître. La chose n’a rien d’extraordinaire, on pour­ une véritable encyclopédie), témoignent néanmoins rait donner maint exemple de semblables retraites. d’une incontestable parenté, tant nu point de vue du Telle est sur Honorius la notice longtemps classique; style, une prose riméo artificielle, qu’au point de vue celle qu’a élalwréc dom Pez, Thesaurus anecdotorurn des Idées, qui parfois diffèrent sensiblement de ce qui novissimus, L il, p. iv, le premier éditeur; qu’a reprise était courant au xii· siècle. L’un de ces traités est ΓHistoire littéraire de la France, t. xn, p. 165, et qui Intitulé : De luminaribus Ecclesia:, s tue de scriptoribus est acceptée par les divers répertoires de langue fran­ ecclesiasticis. C'est un rapide inventaire des principaux çaise que nous avons pu consulter. écrivains ecclésiastiques et de leurs œuvres, depuis le Elle se heurte pourtant à quelques très graves diffi­ début de lere chrétienne jusqu’au règne d’Henri V cultés. L’histoire d’Autun n'a gardé aucune trace de d'Allemagne (1106-1125). Les trois premiers livres sc l'activité d’Honorius, et 11 n'est pas certain qu'un contentent d'abréger les traités sur le même sujet enseignement théologique régulier y fut organisé à ccnqMHés par saint Jérôme, Gennade, Isidore de Sé­ l’époque présumée de la vie d’Honorius (première moitié du xi!e siècle); les ouvrages historiques de ville. Le IV· commence par Bède, et donne les noms de quinze autres auteurs du haut moyen ûgc, y com­ l'auteur réservent toute leur attention û l'histoire d'Allemagne, passent complètement la France sous pris Lanfranc de Cantorbéry (H), saint Anselme (15), 141 HONORIUS AUGUSTODUNENSIS silence; l’auteur, dans un de ses traités, consacré à la description du monde, fait assez longuement la géographie de la Bavière, de la Franconic, de l’Allemagne en général; la France est expédiée en deux lignes, et il n’est pas dit un mot de la Bourgogne, chose assez curieuse pour un écrivain qui aurait vécu à Autun; enfin, chose non moins remar­ quable, notre auteur sait l’allemand, et explique par des mots germaniques certains mots latins : tonsura** pialia; pascha ^osterum (Ostvrn); investigare socan (suchen). Tout cela est bien singulier; et dès le xvni· siècle un critique français, Le Bœuf, avait cherché en Allemagne la patrie d’Honorius et le théâtre de son activité. Références dans V Histoire littéraire, loc. cil. Le premier, il lit remarquer qu’on s’était un peu pressé de traduire Augustodunensis par Autun, et il indiquait soit la petite ville d'Augst, près de Bâle, autrefois siège d’un évêché, soit Au gsbourg en Bavière. Il est bien vrai que le nom latin de ccttc dernière loca­ lité n’est pas Augustodunum, mais Augusta Vindeli­ corum, et que d’autre part la ville d’Augst près de Bâle avait été détruite bien avant le xn· siècle et son évêché réuni â celui de Bâle. Les bénédictins de Γ His­ toire littéraire faisaient déjà cette réponse ù Le Bœuf. Aux objections tirées de la familiarité d Honorius avec les choses d’Allemagne, ils répondaient en compli­ quant l'hypothèse primitive. Honorius, d’abord en charge à Autun, s’était finalement retiré en Alle­ magne cl c’est en ce pays qu’il avait composé les écrits en (pieslion. « Le choix d’une terre étrangère, de la part d’un homme qui veut se vouer ù la vie solitaire, n’a rien, ajoutaient-ils, qui doive nous étonner. » On en resta là provisoirement. En France, on con­ tinuait d’enseigner qu’l lonorius avait été écolâtrc d’Autun; en Allemagne, on commençait à se persuader peu à peu que le solitaire était un compatriote. Au­ jourd’hui, c’est dans celte dernière direction que s’orientent toutes les recherches; les raisons de Le Bœuf semblent péremptoires, c’est bien décidément en Allemagne qu’il faut chercher, sinon peut-être la patrie, du moins le théâtre principal de l’activité d’Honorius. Mais en quelle région? Dieterich, dans une remarquable dissertation mise en tête de son édition de ΓΟΙ/endiculuni d’Honorius, indiqua dé­ libérément Mayence. Monumenta Germanise histo­ rica, De lite imperatorum cl pontificum, Hanovre, 1837, t. ni, p. 29. Faisant état de ce que le traité Delibero arbitrio est dédié à un prévôt (præpositus) nommé Gottschalk (Gottescalcus), il relevait dans les listes des dignitaires ecclésiastiques, vers 1120, un Gottschalk, prévôt de la collégiale de Sainte-Marie des Champs à Mayence; il montrait ensuite comment les divers Indices convergeaient tous vers la même ville et il croyait pouvoir conclure : Honorium Mognnliæ natum esse, vcl saltern circa annum 1123 ibi degisse non sine specie veritatis probatum videtur, 11 indiquait néan­ moins (pic le séjour d’I lonorius à Mayence n’avait pas été perpétuel, rien n’empêchant de penser que notre auteur, comme tant d’autres clercs de sa nation, avait fait pour s’instruire un voyage lointain. Peut-être avait-il séjourné quelque temps en France; peut-être avait-il rempli en quelque ville de ce pays, cl pourquoi pas à Autun? les fonctions d’écolâtre. La chose était arrivée à d’autres de scs compatriotes. Ces pérégri­ nations ne durèrent pas fort longtemps. Vers 1132, Honorius était de retour en Allemagne; il s’élalt fait moine, moine bénédictin, scion toutes vraisem­ blances, mais assez loin, semble-t-il, du théâtre de sa première activité. La fréquence des livres d’Honorius dans les bibliothèques de Bavière et d’Autriche in­ dique que c’est vers la région du Danube qu’il faut orienter les recherches. La seule ville d’Allemagne mentionnée dans l'imago mundi est celle de Batis­ 142 bonnc; c’est de Ratisbonne que proviennent beaucoup des plus anciens et des meilleurs mss d’Honorius con­ servés à Munich. Restait à Identifier les abbés C... et S... à qui sc trouvaient dédiés deux œuvres Impor­ tantes de notre auteur. Dieterich déclarait n’y être point arrivé. Mais il croyait pouvoir affirmer qu’l ïonorius n'était pas resté simple moine, c’est dans l’in-pace d’un reclus qu’il aurait terminé scs jours. Et en quel­ ques lignes Dieterich rassemblait ainsi les traits de la biographie d’Honorius. D’abord chanoine régulier de la collégiale Sainte-Marie de Mayence, il voyage en France, revient en Allemagne, sc fait moine bénédic­ tin à Batisbonnc; c’est durant cette période de sa vio qu’il faut placer la composition de tous scs ouvrages; une seconde période commence quand sc ferme sur Honorius la porte de lin-pacc. Désormais il est mort complètement au monde, et de lui la postérité ne saura plus qu’une chose, qu'il fut solitaire et reclus. A. I lauck, dans les pages suggestives qu'il consacrait à Honorius dans sa Kirchengeschichte Dcutschlands, Leipzig, 1903, t. iv, p. 130 sq., sans accepter toutes les données de Dieterich, orientait également vers Batisbonne les investigations des chercheurs. C’est à J. A. Endrcs que revient le mérite d’avoir démontré que c’est en cette ville qu’il faut chercher le théâtre de l’activité d’Honorius. C’est dans le cercle qui entoure Christian (le mystérieux C... que Dieterich n’avait pu identifier), abbé de Saint-Jacques de Ratisbonne, de 1133 à 1133, et qui correspond avec lui, que les re­ cherches sur la personne d’Honorius se localisent désonnais. A lui est dédié le De imagine mundi; sur son ordre a été composé le Commentaire sur Us Psaumes; à lui il est fait allusion dans i'épltre dédiratolre du Commentaire sur le Cantique. A ce moment, il est mort et c’est ù son successeur qu*Honorius dédie son travail. C’est le successeur de Christian, Grégoire Ier, qui commence la construction du portail de l’église Saint-Jacques de Batisbonnc, dans les sculptures duquel se remorque si nettement l’influence de ce meme commentaire d’Honorius sur le Cantique. Avec beaucoup de prudence, Endres s'abstient de spéculer sur l’ensemble de la vie d’Honorius. Le début et la fin de son existence, dit-il, se perdent dans la plus totale obscurité. Sa patrie est inconnue, mais il faut affirmer qu’il a été moine de cette fondation écossaise de Ratisbonne, dont l’histoire commence à être bien connue. Le mot solitaire ou reclus ne doit point se prendre au sens de · renfermé en un in-pace » : il dé­ signe le genre de vie que menaient, dims une fondation aux i>ortrs de Ratisbonne, des moines bénédictins d’origine écossaise, voir l’art. Scholtenklôsler, dans Kirchenlexikon, 2· édit., t. x, col. 1905-1907, et qui ressemblait à la vie de nos chartreux. Cette profession de solitaire n’excluait donc pas, comme le pensait Die­ terich, le travail intellectuel, ni même la publication d’ouxTages; au contraire, venir en aide au peuple chré­ tien et surtout au elergé en l’instruisant pur de bons livres était considéré en ces fondations conune une œuvre de miséricorde de valeur très singulière. Elle n’exchialt point la prédication, ni même en certaines circonstances des voyages à longue distance. Dans un des mss du Spéculum Dcclcsia\ on lit que les Frères de l'église de Canlorbérg, fralrcs Cantuariensls Ecclcsiæ, ont entendu Honorius prêcher quand il séjournait panni eux : Cum proxime in nostro conventu resideres, et verbum fratribus secundum datam (ibi a Domino sapientiam /aceres. La mention doCantorbéry,sl singu­ lière au premier abord, n’étonnera plus si l’on songe ù l’étroite parenté qui unissait les fondations alle­ mandes et les fondations anglaises de moines écossais. Un séjour d’I lonorius à Cantorbéry n’a rien d’impos­ sible, il explique au mieux les rapports qui existent entre ses idées et celles de saint Anselme, le grand 143 HONORIUSAUGUSTODUNENSIS évêque de la métropole anglaise (1033-1109); il expli­ querait (mais ceci est beaucoup plus conjectural) la dédicace dc deux ouvrages de notre auteur à un certain Thomas, en qui l’on pourrait voir Thomas Becket, archevêque de 1162 ά 1170. Reste à la thèse d’Endres une grosse difficulté. Comment expliquer l’énigmatique notice : Honorius Augustodunensis Ecclcsl& presbyter et scolastteas? Sans s’arrêter à la conjecture, vraiment trop facile, qui consisterait à lire Augustincnsis i\ la place iV Augustodunensis, et qui ferait du moine Honorius un ancien écokltre d’Augsbourg, si prés de Ratisbonnc, Endres essaie de résoudre la difficulté par une hypothèse compliquée. Le litre que se donne I fonorius ne serait pas autre chose qu’un pseudonyme volontairement créé par lui pour dérober aux critiques ou aux admira­ tions son humble personne. Pour qui connaissait l’auteur, il désignait suffisamment le moine qui de son couvent, situé sur la hauteur d’Auguste (ΓAugusto­ dunum; Augustes*Charlemagne; dunumcolline, en celte. Charlemagne passait pour avoir remporté une victoire aux portes de Ratisbonnc), s’occupait à répandre dans le clergé les plus utiles connaissances (d’où le nom de scolastieus). En même temps ce pseudonyme égarerait tous les non-initiés à qui n'importait guère la personne d’Honorius, mais seule­ ment son œuvre. Si telle était au vrai l’intention d’Honorius, il faut reconnaître qu’elle a été remplie à souhait. Dans la reconstruction d’Endres toutes les parties ne sont pas également satisfaisantes. Si le séjour de notre Honorius à Ratlsbonno semble in­ contestable, l’explication des mots Augustodunensis Ecclesia presbyter et scolasticus, est beaucoup moins satisfaisante. Pourquoi ne pas traduire simplement Augustodunensis presbyter, par prêtre d’Autun? Quant à déduire les raisons pour lesquelles ce prêtre d’Autun aurait terminé sa carrière à Ratis­ bonnc, c’est une autre affaire. Dans un travail pos­ térieur à celui d’Endres, M. F. Bâumker a soutenu, non sans vraisemblance, que l’écolûtrc d’Autun avait été amené à quitter sa primitive résidence à cause de difficultés qu’aurait soulevées son enseignement. On prendra cette conjecture pour ce qu’elle vaut. Ajoutons que 1rs reconstitutions plus ou moins plau­ sibles que nous venons de signaler supposent toutes, comme point de départ, l’authenticité de la notice Anale du De luminaribus et l’attribution à Honorius des ouvrages mis sous son nom par les mss. Ces deux points sont-ils hors de conteste? On l’a nié. J. Relie, qui, dans une série de communications à {’Académie de Vienne, s’est fait une spécialité de la question d’I lonorius, en est arrivé progressivement à nier l'authen­ ticité des principaux traités jusqu’ici attribués à notre auteur. Le Speculum Ecclcsia, qui fut de tous le plus utilisé, circule le premier sous le nom d’Honorius. Peu à peu il attira à lui d’autres ouvrages anonvmes que l’on s’habitua à considérer comme étant frères du Speculum, sans qu’on pût en donner la preuve. C’est d’une telle situation qu’est témoin la notice finale du De luminaribus. Elle fut ajoutée après coup à l’ou­ vrage a une époque où l’on n’avait plus aucun rensei­ gnement sur la jeunesse ni sur l’œuvre d’Honorius. C’est dire qu’elle ne peut nullement servir à reconsti­ tuer le personnage du < grand inconnu du xn· siècle ». En tout cas. les divers traités attribués par la notice et la tradition manuscrite à Honorius Augustodunensis sont d’auteurs extrêmement différents. Ces conclusions, plus que radicales, n’ont pas été acceptées par l’ensemble des critiques. On peut contestersans doute l’appartenance de quelques-uns des ou­ vrages mis sous son nom par les manuscrits. Il n’en reste pas moins que l’ensemble des traités attribués à notre au­ teur par les manuscrits et la notice du De luminaribus 144 présente un air de famille incontestable; que les quel­ ques indications personnelles fournies au début de plusieurs se superposent exactement aux données do cette notice; quo celte dernière, dès lors, est a considé­ rer comme véridique; elle est donc enfin l’œuvre authentique d’Honorius. Les recherches ultérieures sur le mystérieux personnage devront prendre leur point de départ dans la fameuse notice. II. Ses éciuts. — Nous croyons dès lors, en tête de cette recension des œuvres d’I fonorius, devoir repro­ duire le texte exact de la notice finale du De luminaribus. Honorius, Augustodunensis Ecclcslæ presbyter cl scolasti­ cus, non spernendo opusculo edidit: Elucidarium, in tribus libellis, primum de Christo, secundum de Ecclesia, tertium de futura vita distinxit; libellum de sancta Maria, qui Sigillum sanciar Maria intitulatur; unum de libero arbitrio qui tneuitabile dicitur; unum libellum sermonum qui Spe­ culum Ecclesiae nuncupatur; de incontinentia sacerdotum, qui O/fendiculum appellatur; Summam foHus.de omnimoda historia; Gemmam anima*, de divinis officiis; Sacramentarium, de sacramentis; Neocosmum, de primis sex diebus; Eucharlstton, dc corpore Domini; Cognitionem uilar, de Deo et tetema vita; Imrginem mundi, dc dispositione orbis; Summam gloriam, dc Apostolico et Augusto; Scalam call, de gradibus visionum; Dc anima et dc Deo, qitædarn dc Augustino excerpta, sub dialogo exarata; Expositionem totius Psalterii cum canticis, miro modo; Cantica canticorum exposuit, ibi ut prius exposita non videantur; Euangelia, quœ beatus Gregorius non exposuit; Clavcni physica, de natura rerum; Refectionem mentium, dc festis Domini et sanctorum; Pabulum vita, de pnecipuis festis; hunc libellum Dc luminaribus Ecclesia, Sub quinto Henrico floruit. Quis post hunc scripturus sit, posteritas videbit. P. L., t. clxxii, coi. 232-23*1. L’ordre adopté par la notice est, de toute évidence, l’ordre chronologique. C’est lui que nous suivrons, en indiquant, pour chaque traité, la question d’authenti­ cité, le contenu et les sources. Ce dernier point est d’importance, car Honorius est le moins indépendant des auteurs, et l’indication des sources où il a puisé peut éclairer plusieurs questions de doctrine. Une dernière remarque générale : presque tous les ouvrages, en dehors dc leur sous-titre qui indique assez bien le contenu, portent un titre expressif, destiné ù frapper dès l'abord l’attention du lecteur. Plusieurs de ces expressions toutes faites ont été empruntées par Ho­ norius ù quelqu’un dc scs prédécesseurs; plusieurs aussi passeront après lui à d’autres ouvrages, quelque­ fois «très différents. Enfin le dialogue, déjà employé par saint Anselme pour les discussions théologiques, est très fréquent dans les œuvres d’IIodorius. 1° Elucidarium, sive dialogus de summa totius chrisliame theologia, P. L , t, clxxh, col. 1109-1176.— Ce traité dans les mss est ballotté d’auteur en auteur. Saint Augustin et Abélard, Anselme et Lanfranc, pour ne pas citer d’autres noms moins célèbres, ont été successivement désignés. Haurcau pouvait écrire en 1892: «L’auteur, qui n’a pas voulu se nommer, sera toujours inconnu. · Notices et extraits de quelques mss latins de la Bibliothèque nationale, t. v, p. 266. Relie est d’avis que l’aliribution ù Honorius est sans garantie; sans qu’on puisse jamais savoir de qui est ΓElucidarium, on peut affirmer qu'il n'est pas anté­ rieur Λ ΓανηηΙ-demièrc décade du xn® siècle. Hauck, qui n’admet pas. tant s’en faut, les conclusions radi­ cales de Relie sur Honorius, donne cependant raison ù ce critique sur le point de ΓElucidarium. Reabncyclopadic filr protestantische Théologie und Kirchc, t. xxHi, Nachtrage, 1913, p. 661. L’un et l’autre ont fait observer que la description de l’Elucidarium dans la notice (trois livres : sur le Christ, sur l’Églisc, sur la fin dernière) ne correspond que partiellement ù la di­ vision du texte édité, ils font état également des con­ tradictions apparentes qui existent entre certaines Idées dc ce livre et d'autres traités d’Honorius. 145 IlONOniUS ALGUSTODI NENSIS J 46 textes remontent à Honorius. Ce traité sur le libre Ccs arguments no paraissent pas sans réplique à Endres. I/Elucidarium est mis en tête de liste par la arbitre et son rapport avec la prédestination était primitivement conçu dc telle sorte qu’il accentuait notice, cl d'antre part la préface qu’on lit en tète du d’une manière incpiiétante pour la liberté humaine texte édité montre que nous avons affaire à une œuvre l’idée dc la prédestination, lui seconde édition, celle dc jeunesse, incontestablement au premier tndté sorti qui a été publiée par Conen et reproduite dans P. £., de la plume do l’auteur. Sans doute les trois divisions signalées par la notice ne recouvrent qu’imparfaite- est également l’œuvre d’Honorius. Amené à réfléchir ment les divisions du traité, mais si l’on voulait résu­ sur ce difficile problème, celui-ci modifia assez pro­ fondément scs idées, sous Γ influence. semble t-ll, de mer en trois moU le contenu si divers de ΓElucidarium, on ne pouvait mieux choisir. Enfin l'attribution de cet deux traités de saint Anselme, le Dialogus de libero ouvrage à la lin du xn· siècle est souverainement In­ arbitrio et le Tracialus de concordia proMcientte et vraisemblable. Le xn· siècle volt se développer les pnr.destinationis nec non gratte Dei cum libero Libri Sententiarum. L’Elucidarium est un ouvrage de arbitrio. Cette évolution dc la pensée d’Honorius ce genre, mais très rudimentaire. Le situer à la tin du se remarque déjà dans le petit traité De libero siècle, après les œuvres similaires, mais plus parfaites, arbitrio. Voirn® 30. Elle est achevée dans la seconde d'Abélard, d'Hugues de Saint-Victor, de Robert Pull, édition dc 1' Inevitabile, La première édition reflétait de Pierre Lombard, de Roland Bandinelli, c'est exclusivement la pensée augustinienne, et accentuait, méconnaître l'histoire du développement tant des d'une manière fort tranchante, la doctrine de la prédestination. Tout en maintenant l’essentiel de la idées que des formules théologiques. Au contraire, l’écrit se comprend parfaitement s’il a été composé théorie augustinienne, Honorius, dans sa révision de I l’œuvre primitive, insista avec plus de force sur la dans les premières décades du xn· siècle. L*Elucidarium est un traité par demandes et ré­ liberté des actes humains sur le fait aussi que le ponses dc l’ensemble des questions théologiques, depuis décret divin relatif à la prédestination des élus n’est la Trinité jusqu’aux fins dernières. On pourrait le com­ pas sans être influencé par la prévision des mérites. parer à un catéchisme actuel, mais où les questions i° Spéculum Eccltsiæ, P. L., L cuxxn, col. 813.seraient posées par les élèves Λ les réponses faites par 1108. à compléter par les textes édités par Kelle dans le maître. Aucune source n’est citée, mais l'auteur Sitzungsberichie der Wiener Akademie, t. cvl. 8· livrai­ avait certainement lu saint Anselme, dont il reproduit son. —Ce volumineux recueil de sermons est précédé partiellement les doctrines sur la Trinité, l'incarna­ d’une lettre adressée par des frères (de l'Église de Cantion, peut-être sur le libre arbitre et la grâce. La doc­ torbéry, d’après plusieurs mss) à l’auteur. Ils ont beau­ trine relative aux fins dernières, sur laquelle nous coup goûté scs sermons et ils lui demandent de les reviendrons, est fortement influencée par les spécula­ publier pour l'utilité dc tous. Dans sa réponse l’auteur tions de Scot Ériugène. ne fait qu’une allusion vague à ses travaux antérieurs. Le traité a eu une vogue considérable, comme l'at­ L'authenticité dc l’ouvrage n'en est pas moins admise testent les 1res nombreux mss, les premières impres­ par tous, sauf par Kelle» qui a fait dc saint Anselme sions qu'on en fait dès la lin du xv· siècle, et les tra­ l’auteur dc ce recueil. Les raisons de cette opinion sin­ ductions en diverses langues (français, provençal, gulière sont fort contestables. L’attribution du Spécu­ italien, islandais, suédois, gaélique, anglais, haut et lum à Honorius repose sur une tradition manuscrite bas allemand) cpil se sont multipliées dès le xin· siècle. Inébranlable. C'est dire quo le livre a été surtout un livre populaire. Les sermons recueillis et publiés par cct ouvrage se répartissent sur toute l’année liturgique, en commen­ Une traduction provençale n été publiée par G. Reynaud, Elucidarium sine Dialogus summum lotius Chris­ çant par Noël et en finissant par l Avent. Dans la pre­ tiana* theologiœ breviter complectens, d’après le manuscrit mière partie le temporal et le sane toral sont mélangés; 162 dc la bibliothèque d’înguhnbcrt, â Carpentras, du la seconde partie comprend les sermons sur les di­ xv· siècle, dans In Revue des langues romanes, 4· série, manches après la Pentecôte. C’est le plus curieux des 1889» t. hî, p. 217,250,309-337. ouvrages d’Honorius. et il faut toujours en tenir 2° Sigillum sancte Marte, P. L., t. clxxii, col. compte dans l'histoire de la prédication au moyen âge. 485-513.— Il est mentionné par la notice; l’auteur, dans Honorius ne cache pas «ju’il y a fait œuvre de com­ la courte préface, fait allusion Λ V Elucidarium composé pilateur. Ambroise, Augustin. Jérôme et Grégoire par lui-même très peu dc temps auparavant. L’authen­ (évidemment le pape), déclare-t-il, lui ont fourni la ticité ne parait pas contestable. Ce court opuscule matière de son travail; il est plus difficile dc retrouver répond à la question suivante : Pourquoi, au jour dc la source de chaque passage. Peut-être 1'auteur utili­ l’Assomption, lit-on au bréviaire le Cantique des sait-il déjà des recueils de passages patristlqucs. cantiques; à la messe l’évangile Intravit Jésus, et 5® Ofjendiculum sai de incontinentia sacerdotum. — Il a été publié i>our la première fols par Nolte, dans la l’épître In omnibus requiem qiucsivi, tous morceaux qui Revue des sciences ecclésiastiques, 1877, t. xxxv, p. 539n’ont, semble-t-il. rien à faire avec la fêle célébrée? Honorius explique donc les principes bibliques en 559; t. xxxvi. p. 56-72; mieux par Dieterich, dans les Monumenta Germania historica. Dc lite imperatorum fonction de la fêle de l’Assomption; en particulier et pontificum, t. ni, p. 29-80. On ne sait pourquoi Kelle le Cantique doit symboliser les relations entre le Christ et Marie. Celte exégèse est classique depuis en a voulu donner une nouvelle édition, dans les Sitzungsberichte der Wiener Academie, 1904, t. cxlvhi, Bèdc; dans un autre commentaire du même livre, 4e livraison. Honorius appliquera plus tard d’autres principes. 3· Inevitabile scu de libero arbitrio. — Il se,présente Bien qu’il soit apparenté au très court traité du sous deux formes nettement distinctes, toutes deux meme nom que l'on trouve dans saint Anselme, De attestées par des mss dc valeur. Sous la première, il a presbyteris concubinariis seu OHendiculum sacerdo­ été publié pour la première fois par Georges Cassandcr tum, P. L., t. cLvm, col. 555 sq., cet ouvrage porte des à Cologne en 1552; Kelle en a donné une nouvelle édi­ signes très certains d’authenticité, rédigé qu’il est tion, Si/zungsberichteder Wiener Akadcmie, 1901, t. eu dans la meme manière que d'autres traités dont I nc seconde forme est donnée par l’édition du pré­ l'appartenance à Honorius ne fait pas dc doute. montré Jean Conen. Anvers, 1621, reproduite dans L’auteur s’y attaque à l'abus criant contre lequel P. /... t. ( i xxu. col. 1191-1223. la papauté depuis Grégoire VII combattait sans M.Baumker semble bien avoir démontré que,malgré relâche: le concubinage desprêtres. Le pape Calllste II, les différences profondes qui les séparent, les deux 1 dans un concile dc Reims en 1119, et au concile œcu- 147 HONORIUSAUGUSTODUNENSIS ménique de Latran en 1123, avait lancé rexcom­ munication contre les prêtres conçu binaires publics. Honorius prend occasion de cet acte pontifical pour développer, au sujet de la messe dite parces prêtres, une étrange théorie. Après avoir démontre que non seule­ ment le mariage» mais que l’usage même du mariage antérieurement contracté sont interdits au prêtre apres l’ordination, après avoir résolu les objections contre cette théorie que pouvait fausser l'histoire de l'ancienne Église, il en vient Λ cette question : Est-il permis aux chrétiens d’entendre la messe de ces prêtres ou de recevoir de leurs mains les autres sacre­ ments? Anselme loi-même avait déclaré illicite la participation du peuple fidèle aux sacrifices et aux sacrements célébrés par les coupables, mais» fidèle à la doctrine classique, il n’avait pas douté de la validité de ces actes. L'Elucidarium d’iîonorius développait le même point de Mie; quamvis damnatissimi sint, écrivait-11 de ces prêtres, tamen per verba quœ recitant fit corpus Domini. P. L., t. clxxiî, col. 1130. 11 ajoutait, il est vrai, un peu plus loin, une réflexion qui contient en germe la nouvelle théorie. Ces prêtres, demandait-il, peuvent-ils absoudre? Oui, répondait-il, s’ils ne sont pas séparés de l’Égllsc par un jugement public. Quamdiu sunt in communione Ecclesia, omnia sacramenta per cos facta erunt rata; si exclusi fuerint, quæcumguc egerint, erunt irrita. Ibid,, col. 1132. 11 suffit de presser un peu celte expression de sacramenta pour arriver à la doctrine soutenue dans VOffendiculum, p. 36; édit. Dieterich, p. 50 : < Ceux qui vivent publiquement dans la fornication ne peuvent pas offrir le sacrifice à Dieu, et ceux-là ne peuvent point produire le corps du Christ, qui sont en dehors de l’Égllsc : ncc Christi corpus conficiunt qui extra Ecclesiam sunt, n C’est une conséquence de l’excommunication dont le pape a frappé les prêtres mariés, p. 37. Leur messe n’est donc qu’un simulacre, une dérision de Dieu; ceux qui sciemment y communient s’attirent la malédiction divine; et si quelqu’un reçoit en guise de sacrement leur pain souillé, c’est comme s’il prenait du pain souillé par la gueule d’un chien. Suivent les règles pratiques à observer par le peuple chrétien dans scs rapports avec les prêtres scandaleux. Λ la suite de VOffendiculum, Dieterich a publié un De apostatis, qui étudie la question des moines infidèles à leur vocation, qui abandonnent leur cloître pour mener la vie sécu­ lière. I C° Summa lotius seu de omnimoda historia. —Cette chronique n’est conservée au complet que dans un seul ms.; elle n’a pas encore été publiée complètement. Les Monumenta Germanise historica. Scriptores, t. x, p. 128 sq., copiés par Migne, P. L., t. clxxiî» col. 187196, ne donnent que le début et la fin, à partir de l’an 726. Il serait à désirer que le texte soit public complètement; il donneraitdeprédeux renseignements sur les connaissances d’1 lonorlus. 7° Gemma anima, de divinis officiis, P. L,, t. clxxiî, col. 511-738.— L’authenticité n’a pas été mise on doute. C’est une explication symbolique de l’office divin, de la messe et des fêtes. On y trouvera au mieux les Idées chères au moyen âge relatives à la signification des diverses parties de la liturgie, du costume ecclé­ siastique, du mobilier sacré. L'auteur dépend étroite­ ment d’Isidore de Séville et d’Amalaire de Metz, scs prédécesseurs, aussi bien que de Rupert de Dcutz, son contemporain. 8° Sacrumcntarium, de sacramentis, P. I„, t. clxxiî, col. 737-811.— L’authenticité semble Incontestable. Ce n’est point, comme le nom semblerait l’indiquer, un traité sur les sacrements, mais une explication tout a fait analogue a la précédente de la liturgie ecclésias­ tique. Elle débute par la description des diverses époques de l’année liturgique, puis traite des divers 148 ornements sacrés, à propos de l’ordination, pour reve­ nir encore à l’année liturgique et enfin à l’explication de la messe. Peu do composition et rien de bien neuf. Toutes les idées exprimées ici se retrouvent dans Pierre Damien, De septem horis canonicis; Robert de Liège, De divinis officiis; Brunon d’Asti, De ornamentis Ecclesiæ. 9° Neocosmos, de primis sex diebus, P. L,, t. clxxiî, col. 253-266.— Est indiqué par la notice à la suite des œuvres précédentes; la petite préface qui se lit col. 253 (car ce que Migne intitule pnvfalio, col. 253, est un fragment qui n’a rien à faire ici) a la même allure personnelle que les autres préfaces d’iîonorius. Le traité lui-même est un liexameron, c’est-à-dire une explication de l’œuvre des six jours de la création. A côté de l’exégèse littérale on trouve à diverses reprises une adaptation mystique souvent hardie. Rupert de Deutz a sans doute été mis à contribution; mais le plus clair des idées vient de saint Augustin. Le c. vi de Migne, col. 2G5, est un fragment relatif à la chronologie de la vie du Christ, qui n’est point ici à sa place. 10° Eucharistion, de corporc Domini, P. L·, t. clxxiî, col. 1219-1258; le traité y est au complet, quoi qu’en dise Denis, qui avait cm trouver dans un ms. de Vienne, n. S63, des fragments de cet écrit. Codices mss. theolo­ gici bibliotheca: Vindobonensls, t. n, p. 1151. L’authen­ ticité n’a pas été mise en doute. C’est le plus personnel des ouvrages d’iîonorius; on sent que la controverse bércngaricnnc sur la présence réelle a réveillé l’ardeur de la foi en l’eucharistie. On y trouve l’affirmation catégorique du changement substantiel du pain au corps, du vin au sang du Christ; substantiam panis et vini commuto vobis in corporis mei edulium, fuit dire l’auteur à Jésus, col. 1251. La seconde partie étudie les questions relatives aux effets du sacrement chez les justes et les pécheurs, à la validité de la messe en diverses circonstances. Comme dans VOffendiculum, l’auteur fait de l’union du prêtre avec l’Église une condition indispensable de la validité de la consécra­ tion. Les prêtres les plus criminels, pourvu qu’ils soient dans l’Égllsc catholique, consacrent valldcment. Mais en dehors de l’Égllsc nulle administrat ion valide dn sacrement. Extra Ecclesiam autem, scilicet ab hterelicis,a judiuls,a gentilibus nec hoc sacramentum ptrficitur, ncc munus oblatum accipitur, coi. 1253. La doctrine est pourtant moins ferme que dans VOffendiculum, Les simonlaques, qui sont censés parmi leshérétiques (on sait que la validité de leurs ordinations était sérieusement contestée), consacrent néanmoins par la fol en la Trinité, mais à cause de leur mauvaise vie, ils ne participent point au corps du Christ. Simoniaci, qui quidem inter hœreticos censentur, sed tamen fide integerrima catholicis admiscentur, per fidem Trinitatis Christi corpus confi­ ciunt, sed cfus participes ob reprobam vitam non fiunt. Ibid. 11° Cognitio vilæ,de Deo et irterna vita. — Lc texte avait été édité par les bénédictins parmi les œuvres faussement attribuées à saint Augustin. Migne l’y a laissé. On le trouvera donc P. L.,t. xl, col. 1003-1032. Lc traité n’est point complet. 11 faut Intercaler entre le c. xxxvii et le c. xxxvni, col. 1025, un passage intitulé : De vittis et virtutibus donné par plusieurs mss et publié par Endres, Honorius Auguslndunensis, Appendix I, p. 138-110. Cc morceau a été parfois recueilli, indépendamment du traité complet, par quel­ ques mss, et désigné sous le litre barbarc : Suum quid virtutis de virtutibus et vitiis, dans un catalogue des œuvres d’iîonorius. Cc titre sc résout en celui-ci : Quid sint virtutes, de virtutibus et vitiis. Les mauristes avalent déjà reconnu l’appartenance de Ia Cognitio vitic à I lonorlus; il n’y a pas à revenir sur leur démons­ tration, dans P. L., t. xl, col. 1003-1006. 149 HONORIUS AUGUSTODUNENSIS C'est, au dire même des premiers éditeurs, l’ouvrage le mieux écrit cl le mieux composé d’I lonorlus, résumé synthétique des questions théologiques relatives à Dieu et à lame. Dieu, la Trinité, la création, les rela­ tions de I lieu avec le monde, le problème du mal y sont successivement étudies, puis l'âme humaine, sa nature, son origine, scs lins dernières. Les diverses parties s’enchaînentavcc beaucoup do logique. Les sources sont Λ chercher, d'une part, dans saint Anselme, dont ΙβΛ/οηοlogium a fourni les preuves de l'existence do Dieu et les considérations sur l’essence divine, d’autre part, dans ScotÉriugéno dont le De divisione natura: est partout supposé. 12° Imago mundi, de dispositione orbis, P. L.t t. clxxiî, col. 115-188. — Il est loin d’ôtro complet et une édition nouvelle s’impose. Vilt. FInzi en a donné une nouvelle édition, accompagnée d’une ver­ sion italienne, sous cc titre : Di un inedito volgarizsamente dcll' « hnago mundi » di Onorio d'Autun, traita dal codice extense VII, B. 5, dans Zeitschrift fûr rptnmUch·' Philologie, Halle, 1893, t. x\n, p. 490-513; 1894, t. xvm, p. 1-73. Lc traité est dédié a cet abbé Christian en qui Endres a retrouvé l'abbé du couvent des Écossais à Ratisbonnc. L’authenticité n'est pas douteuse. C'est un ouvrage encyclopédique, le premier de ces Speculum mundi qui vont bientôt se multiplier. Trois livres, dont le Ier décrit le monde, globus totius mundi, et donne un résumé de géographie, de météorologie, d’astronomie. Lc II· parle du temps, tempus in quo volvitur, et de ses divisions, y compris l’étude du calendrier; le III· a pour sujet le contenu même du temps : les événements de l'histoire, répartis entre ses grandes périodes, dont la dernière s'étend jusqu’à l’époque d’iîonorius. La série des papes, col. 233-214. de saint Pierre à Innocent II (1130-1144), est à rattacher à cette rapide chronique. Les sources de cette encyclopédie sont encore loin d’être toutes identifiées, surtout en cc qui concerne la partie géo­ graphique. Lc livre des Étymologies (ou Origines) et le De natura rerum d’Isidore de Séville, le De divi­ sione temporum du Vénérable Bèdc ont found, la ma­ tière de la plus grande partie du 1. II. Dans le III· livre, Honorius a employé sa propre chronique Inti­ tulée : Summa Mi us, 13° Summa gloria, ac A postolico et Augusto, P. L·, t. clxxiî, col. 1257-1270. — Pas de discussions sur l'au­ thenticité. Dans ce petit ouvrage, Honorius exprime ses idées sur la grande querelle du sacerdoce et de l’empire qui, en cc moment mémo, remplissait de son fracas toute la chrétienté. 11 s'y montre le champion décidé du pape (A postalicus) contre l’empereur (Au­ gustus). Nettement partisan du pouvoir direct de l’Égllsc sur le temporel, il enseigne que l’empereur doit être élu par le pape, dont il tient tous scs pouvoirs. Document intéressant pour l’histoire des idées poli­ tiques au xue siècle. 14e Seala cirli, de gradibus visionum, P. L., t. clxxiî, col. 1229-1210.—Authenticité Inattaquéc. Quelques mss portent en sous-titre : De ordine cognoscendi Deum in creaturis. C’est une théorie générale de la connaissance et do scs divers degrés: la connaissance corporelle, la spirituelle, l'intellectuelle. Scot Eriugène a fourni les principales idées. 15° De anima et de Deo qusedam ex A ugustino excerpta, sub dialogo exarata. — Cet ouvrage, connu depuis longtemps on ms., n'a pas encore trouvé d’éditeur. Il s’en faut qu’on doive rapporter à des œuvres authentiques d’Augustin toutes les citations qu’on y trouve. Une foule de textes sont originaires du haut moyen âge. lai publication du traité ferait con­ naître le nombre considérable de questions, dont plusieurs fort étranges, qui s’agitaient dans les écoles du xii· siècle. 150 16° Expositio tottus Psalterii eum canticis, mentionnée par Ia notice avec cette petite note louangeuse: miro modo. Lc texte est loin d’être publié au complet dans P. L., t. clxxiî, col. 269-312. Une partie s'en retrouve dans l’édition du commentaire sur les Psaumes de Gcrhoh de Rcichenbcrg, P, L., L exenr, col. 1315 sq.; t. cxciv, col. 485 sq. Lc commentaire est dédié au même abl>é Christian qui avait déjà été honoré de VImago mundi. L'authenticité ne parait pas douteuse. Les anciens commentateurs du Psautier ont fourni le plus clair des idées, et les anciens mss du traité faci­ litent la recherche des sources, car ils j>ortcnt en marge l'indication des Pères cités. Le traité se ter­ mine par l’exégèse des cantiques Benedictus, Magni· ficat, etc. 17e Cantica canticorum.—La notice ajoute cette re­ marque, que jamais jusqu'à ce moment on n’avait vu si remarquable commentaire de ce livre : exposuit ita ut prius exposita non videantur. Texte au complet dans P. L., t. clxxiî, col. 317-496. Authenticité incontes­ table; le portail de Saint-Jacques à Ratisbonnc est un témoin important en sa faveur. Honorius renonce ici à l'interprétation classique du Cantique» qui y voit, d'après lui, les tentatives du Christ auprès de Γ Église (la fille de Pharaon), de la pentilité (la fille du roi de Babylone), de la Synagogue (la Sunamite), de l'infidé­ lité des temps qui suivent l’Antéchrist (la Mandragore qu’Honorius interprète comme un nom de personne; cf. Cant., vit, 13). 18e Evan getia qua beatus Gregorius non exposuit. — Ce devait être un ensemble d’homélies sur les péri copes évangéliques de l’année liturgique que n’avait pas commentées le pape saint Grégoire. Le travail en question n’a pas encore été retrouvé. 19° Claris physica, de natura rerum.— Encore inédit; Endres, Honorius Augustodimensis, p. 140-145, en donne le prologue et quelques fragments. II serait inté­ ressant de connaître l'ensemble de l'ouvrage. Ce n’est rien moins qu'une adaptation du De divisione naturæ de Scot Eriugène, destinée à populariser les saies de l’illustre maître de l’école palatine. Honorius ne semble pas s’être douté du panthéisme dangereux qui se dis­ simulait à peine dans l’œuvre de l’Ériugènc. Il la suit de très près et en donne de copieux extraits sous forme de dialogue. 20e et 21” Refectio mentium, de festis Domini et sanctorum, et Pabulum vitee, de praecipuis festis. — C’étaient, à n’en pas douter, des recueils de sermons et comme une sorte de complément au Speculum Ecclesiae. On commence à en retrouver la trace; mais le dernier mot n'est pas dit. 22° De luminaribus Ecclcsix, P. L., L clxxiî, col. 191-224.— L’authenticité de l'ensemble n'est pas contestée, seule est en question la notice finale consa­ crée à Honorius lui-mvmc. C’est une revue fort som­ maire des principaux écrivains ecclésiastiques, depuis le début du christianisme jusqu'à l'époque même de l’auteur. Étroitement dépendant de saint Jérôme, de Gcnnade, de saint Isidore de Séville et de Bèdc, le traité d’I lonorius se montre par contre tout à fait indé­ pendant d’écrits contemporains traitant du même sujet (le traité De scriptoribus ecclesiasticis du béné­ dictin Slgebcrt de Gembloux (f 1112), dans P. L·, t. clx. col. 511 sq., et l’ouvrage anonyme du même titre désigné sous le nom d'Anonymus Mrllicensis, P. L., t. c< \tiî, col. 959 sq.)» En dehors de ces ouvrages mentionnés par la notice du De luminaribus, les mss attribuent encore à Hono­ rius un certain nombre de traités, les uns douteux, les autres certainement authentiques» L'absence de ces derniers dans la notice tient évidemment au fait qu’ils ont été composés à une date postérieure. Nous les signalerons dans l’ordre adopté par Endres. 151 HONORII S AL'GUSTODl NENS1S • · 23° Liber de hxrcsibus, P. L„ t. clxxh, col. 2332 fO. — Cet opuscule se donne comme la continuation du Dt luminaribus; après les grands flambeaux de l’Église, les misérables qui par la fumée de leurs hérésies obscur­ cissent ces lumières. Source : le VI11· livre des Étymo­ logies d’Isidore de Séville; De Ecclesia et sechs diversis, c. ni-vr. 21° De solis effectibus, P.L.,1. clxxh,coL 101-116.— Ι/authenticité est plus que douteuse. C’est un abrégé d'astronomie sur les diverses positions du soleil. 25· De decem plagis Ægypti spirilualiter, P. L., t. clxxh, col. 265-269, explication allégorique des dix plait's d'Égypte, qu’on retrouve presque identique dans le Spéculum Ecclesiit. Ibid., col. 1018. 26° Scala cœli minor, P. L., t. clxxh, col. 12391212. C’est une glose sur les divers degrés de la charité, que l’on trouve également dans le Spéculum. Ibid., col. 869-872. 27° Liber duodecim qiuestionum, P. L., t. clxxh, col. 1177-1186.— Opuscule ùun certain Thomas, où quelques-uns ont voulu découvrir l’illustre archevêque de Cantorbéry. Ce curieux petit traité fait allusion à la querelle alors fort vive entre les chanoines réguliers et les ordres monastiques, La préséance semble donnée aux réguliers; diverses questions théologiques secon­ daires y sont également soulevées. 28° Quœsliones octo de. angelo et horninc, P. L., t. clxxh, col. 1185-1192. — Serait authentique, à en juger par la ressemblance avec VElucidarium et d’autres traités. Cet opuscule soulève les deux graves questions débattues à l’époque. La création de l’homme a-t-elle eu pour but de compléter le nombre des anges, diminué par la révolte de Satan et des siens? Si le péché originel n’avait pas eu lieu, le Verbose serait-il incarné? 29° De animœ exilio et patria, P. L., t. clxxh, col. 1212-1216.— N’cst pas, comme son titre pourrait le faire supposer, un traité mystique. L’exil de l’homme, c’est l'ignorance; h patrie, c’est la sagesse: on passe de l’un dans l’autre par les arts libéraux. Le traité est important en ce qu’il montre la place que tiennent les arts littéraux dans la formation théologique et philo­ sophique des contemporains d’Honorius. 30® De libero arbitrio, P. L., t. clxxh, col. 1223- I 1230. — Ce petit traité, dont l’authenticité ne paraît pas contestable, revient sur la question de la liberté, déjà étudiée dans VElucidarium et V Inevitabile. La pensée d’Honorius s’y montre néanmoins plus nette; elle sc sépare des fatalistes, qui nient toute espèce de libre arbitre, et de ceux qui attribueraient à l’homme une liberté absolue et illimitée. Ixs idées sont celles que saint Anselme avait popularisées dans le monde théologique· 31 Mentionnons enfin comme production authen­ tique d’Honorius un traité: Utrum monachis liceat prn-dicare, publié par Endres, Honorius Auguslodunrnsis, p. 147 sq. A l’époque d’Honorius un change­ ment considérable sc produisait dans l’idéal monas­ tique. Le moine ne veut plus seulement s’occuper dans le silence et la retraite de sa sanctification personnelle, il veut travailler, lui aussi, comme le prêtre séculier, au salut du peuple chrétien; mais il sc heurte ici à la résistance du clergé,qui prétend le confiner dans son cloître et lui interdire la prédication et l’administration des sacrements. D’où une assez vive querelle qui commence au milieu du xu® siècle et deviendra parti­ culièrement chaude après la naissance des ordres men­ diants. Honorius, dans cet opuscule, soutient énergi­ quement le droit des moines â s’occuper du salut des âmes; l’ordination fait d'eux les égaux des prêtres en pouvoir, la profession les rend supérieurs à ceux-ci en dignité. Ix? tout petit opuscule. De vita claustrait, P. L., t. αχχπ, coL 1211-1248, qui a toutes chances d'être 152 authentique, compléterait assez naturellement le traité précédent. Les mss attribuent encore à Honorius un commen­ taire sur les Proverbes et sur i’Ecclésiastc : Quœstiones et ad easdem responsiones in duos Salomonis libros, Proverbia el Ecclesiasten, P. L., t. clxxh, col. 311-318. Corneille de la Pierre avait déjà remarqué que co livre ne dilïère pas du commentaire composé par Salonlus, évêque de Genève, au milieu du v· siècle et publié dans P. L., t. lui, col. 967-1012. Quant au De philosophia mundi, que la P. L. donne en tête des œuvres d’Honorius, t. clxxh, col. 39-102, tout le monde est d’accord aujourd’hui pour l’attribuer à Guillaume de Conches (f 1154). Par le fait même le commentaire sur le Timée de Platon, retrouvé par Victor Cousin et attribué par lui à Honorius, à cause de la ressemblance entre ce traité et le De philosophia mundi, doit être également restitué à Guillaume. Les citations de Cousin dans P. L., t. clxxh, col. 215-251 III. Ses idees. — Deux raisons nous invitent à étudier d’assez près les idées d’Honorius. Il vit à une époque où l’activité philosophique et théologique, endormie depuis la renaissance carolingienne, com­ mence à se réveiller; une foule de questions se soulèvent toutes ensemble, auxquelles les plus savants essaient de donner une réponse immédiate. Ces réponses ne seront pas toujours celles de la philosophie et de la théologie classiques du xin· siècle. Honorius est tout à fait représentatif de cette activité un peu désordonnée et fébrile du xu® siècle, dont Abélard, son contempo­ rain, est le type le plus marquant. La synthèse qu’il élabore est aussi fragile par beaucoup de ses points que la systématisation hardie que propose au même moment le philosophe du Pallet· Néanmoins l’influence d’Honorius sera considérable, non seulement sur ses contemporains immédiats, mais encore et surtout sur la postérité. Nous avons signalé la vogue qu’curent plusieurs de scs écrits, notamment VElucidarium et le Spéculum Ecclcsiæ. Cette vogue s’explique par le caractère même de l’œuvre d’Honorius. Dépourvu d’originalité, mais liseur Infatigable, le solitaire s’était donné pour tâche de vulgariser, parmi le clergé si ignorant de son époque, les connaissances indispen­ sables à l’honnête homme et à l'ecclésiastique conscient de son devoir. Celte tâche, il l’a admirablement rem­ plie, et si elle a oublié son nom et sa pcrsoiine, la posté­ rité s’est grandement inspirée de son œuvre. Il y aurait toute une histoire à écrire, de l’influence d’Honorius dans le domaine de la prédication, de la poésie et de l’art Nous n’avons pas à nous en préoccuper ici, nous nous contenterons de mentionner les points marquants de son activité philosophique et théologique. 1° La synthèse d’Honorius. — C’est un des traits principaux de la scolastique (pic le penchant à la synthèse. Le spéculateur médiéval n’cst heureux que quand il a pu Intégrer toutes les connaissances hu­ maines en un vaste système, d’un équilibre souvent factice, mais toujours très apparent. Honorius repré­ sente au mieux cet état d’esprit. 11 n’existe pour lui qu’une science unique, la théologie, la science de Dieu et du salut. Toutes les autres connaissances n’ont de signification que pour autant qu’elles conduisent à cette science suprême. De là son attitude ù l’égard des disciplines variées qui. l’une après l’autre, réappa­ raissent au xu® siècle. La connaissance de l’antiquité d’abord. On sait que cette époque voit renaître le goût pour lès auteurs païens, se développer un humanisme véritable, analogue par plusieurs de scs traits à celui du xvi® siècle. Cette tendance» qui prétend cultiver la littérature pour elle-même, apparaît comme un danger à notre auteur, car elle détourne les esprits des connaissances utiles et sérieuses. On remarquera à ce 153 I ION OKI U S A U GU STO DU N ENS IS point de vue In vigueur de la préface de la Gemma uninue, P. L., t. clxxh, col. 513: Quid conjerl aninue pugna Hectoris, oel disputatio Platonis, aut carmina Maronis (Virgile), vel nenia: Nasonis (Ovide), gui mine cum consimilibus suis strident in carcerc infernatis Babylonis, sub truci imperio Binionis ? Cf. la recom­ mandation qui se Ht a la fin du Speculum. Ibid., col. 108G. La philosophie antique, elle-même, ne trouve (pie partiellement grâce aux yeux d’Honorius, tout au plus est-elle capable de donner un enseigne­ ment douteux, dubium dogma. Vainement la gentilité (la fille du roi de Babylone du Cantique) a demandé aux livres obscurs des philosophes La vérité sur Dieu, sur la vie; elle n'y a point trouvé de réfionses satisfai­ santes. Début du 1. III sur le Cantique, ibid., col. 398. Tout au plus la philosophie païenne a-t-elle quelque importance en ce qu’elle a préparé les matériaux pre­ miers de la connaissance de Dieu. 11 y a donc à prendre dans les arts libéraux, tels que nous les ont transmis les anciens cl tels que les cultivent les contemporains d’Honorius, mais à condition de savoir les purifier. L’opuscule De anima exilio et patria a pour but de montrer comment la grammaire, la rhé­ torique, la dialectique, bref, toutes les branches de connaissances peuvent conduire à la sagesse suprême, vraie patrie de l’âme. Fidèle â l’exemple d'Anselme de Cantorbéry, Honorius attache à la dialectique une importance toute particulière. On sait l’étonnement qu’avait causé à un Lanfranc la méthode hardie cm- ' ployée par son disciple. Ces syllogismes successifs arrivant à déduire rationnellement les questions les plus élevées de la théologie, inspiraient au maître une vague appréhension. De même genre dut être l'impression que firent sur les contemporains d’IIonorius les syllogismes imperturbablement alignés par notre auteur. La préférence de la méthode dialectique à la méthode d’autorité est tout à fait visible chez lui, cl en plusieurs circonstances tout au moins la rigueur de sa déduction logique n’a pas été sans nuire à la solidité de sa doctrine. Pour ne prendre qu’un exemple, c'est la raideur de ses syllogismes qui a amené Hono­ rius à dénier toute validité à la consécration eucha­ ristique faite par un prêtre excommunié. Ajoutons que» si la dialectique préside d’ordinaire à chacune des parties de l’œuvre si diverse d’Hono­ rius, elle est loin d’ordonner l’ensemble des ouvrages. Pour un traité soigneusement composé, la Cognitio vitœ. il en est vingt où la division générale manque de logique, où les questions sc succèdent un peu au hasard, où les divers sujets sont traités, abandonnés, puis repris sans souci de l’unité. Ce défaut est particulière­ ment grave dans VElucidarium. qui se donnait comme une exposition systématique de la doctrine chrétienne. Nous sommes encore loin de l’onlre rigoureux de la Somme théologique. 2° Conceptions philosophiques. — Une suprême confiance dans la raison raisonnante» telle semble la caractéristique principale d’Honorius en matière de philosophie, et tout spécialement de théodicée. Cette confiance, il la doit ή la fréquentation très intime de saint Anselme et plus encore à Scot Ériugène. Endres a fort justement attiré l’attention sur ce dernier point* Si Honorius dépend, pour les preuves de l’exis­ tence de Dieu, de l’auteur du Monologium (c’est â lui qu'il emprunte l'argument a contingentia mundi et la preuve par les degrés de perfection), c’est tout spécia­ lement de Scot Ériugène qu'il relève pour ce qui est de la nature de Dieu et des relations entre lui et le monde. Strictement orthodoxe quand il déclare que Dieu est au-dessus de toutes les catégories, même de celle de substance, et quand il le déclare indéfi­ nissable, il devient inquiétant quand il ajoute qu’il est l'éternité même, contenant en soi toutes les créa­ 154 tures : Deus spiritus est, essentia invisibilis, omni crealurir incomprehensibilis, lotam vitam, lotam sapien­ tiam, totum idirnihdem simul essentialiter possidens; vel ipsa vita, ipsa sapientia, ipsa veritas, ipsa justitia, ipsa aternilos extstens, omnem creaturam instar puncti in se continens. Cognitio vitæ,c. ni, P. L., t. XL» coi. 1098. A plus forte raison, peut-on s’étonner de la défi­ nition suivante» qui renferme en germe tout le système de Spinoza : Deus est substantia omnium. Substantia autem non recipit magis et minus. Cité par Endres, Honorius Augiistodunensis, p. 100, note 4. Malgré ces prémisses plus ou moins panthéisliques, Honorius est nettement créai lonnisle. Il repousse la doctrine de l’émanation qui fait sortir tous les êtres de la substance divine; cette doctrine, dit-il, est opposée à 1 immutabilité de Dieu; il rejette l’hypothèse de la matière préexistante, car il ne peut rien y avoir en dehors de Dieu. Beste donc la création ex nihilo. Mais il ne faut pas perdre de vue, ajoute-t-il» que cette créa­ tion est la reproduction des idées divines, ideo ex nihilo omnia jecit, et tamen quasi non ex nihilo,scd ex aliquo visibilis mundus processit dum instar archetypi mundi formas induit. Cognitio vitee, c. xxn, P. L., t. xl, coi. 1019. lai question de la présence de Dieu dans son œuvre et de son activité multiforme au sein de la création n’a pas laissé de préoccuper 1 lonorius. Cogni­ tio vilx, c. xxih-xxx. Dieu, dit-il, est évidemment en toute créature, et l’on peut même dire que chacune sent sa présence et son activité. Cf.»dans VElucida­ rium, la phrase analogue : Qux enim sunt inanimata nobis quidem sunt insensibilia (t mortua. Deo autem omnia vivunt et omnia creatorem suum sentiunt. P. L., t. clxxh, col. 1113. On doit également affirmer d'autre part que les créatures sont en Dieu, non point cependant comme sa substance, ou comme une partie de son essence. Dieu répandu en toutes choses donne à chacune l'être suivant sa nature. Et si l’on demande au philosophe comment les choses peuvent changer, puisqu'elles sont dans l’être immuable, cum immuta­ bilis Deus cuncta contineat, 1 lonorius répond par une fort jolie distinction. 11 y a dans la créature la tendance continuelle au néant, c'est son infirmité, mais il y a aussi la continuelle influence divine qui sans cesse relève cette activité qui sc dégrade, de là les cycles des phénomènes naturels que nous v oyons se succéder. Ces cycles sont l imitation, telle qu’elle est possible à la créature, de l’éternité divine. Cuncta aeternitatem imitantur, dum deficiendo et iterum crescendo quasi in circulis existential semper rotantur. P. L., t. XL» col. 1021. C’est cette perpétuelle activité divine qui en­ gendre l’harmonie des mondes, dont Honorius parle en termes fort poétiques. Il va sans dire que, dans un monde si intimement pénétré de l’omniprésence divine, le mal ne saurait être une réalité subsistante. Touché à maintes reprises par notre auteur, le problème du mal est toujours résolu dans ce sens, que le nuü est seulement la priva­ tion d’un bien. Résultat d'une défaillance volontaire» le mal moral a sa pince dans l'unlvcn comme un repoussoir qui fait valoir le bien, ut enim pictor nigrum eoiorem substernit, ut albus vel rubeus pretiosior sil, sic collatione malorum, justi clariores fiunt. Elucidarium, P. L., t. clxxh, coi. 1115. Cf. 1’Inevitabile, ibid., col. 1206. Image de Dieu par son âme, microcosme par son corps, l’homme est au degré supérieur de la création visible. Une bonne définition de l'âme sc trouve au c. v de la Cognitio vitic. Anima spiritus est substantia incorporea, corporis sui vita, invisibilis, sensibilis, mutabilis, illocalls, passibilis, nec quantitatum mensurvc, nec qualitatum forma vel coloris susccptibilis, me­ morialis, rationalis, intellectualis, immortalis. P. I.., t. xl, coi. 1009 Sur son origine, Honorius professe une 155 HONORIUS AUGUSTODLNENS IS doctrine assez particulière, qu’il semble tenir de saint Augustin: les âmes, comme tout l’ensemble de la créa­ tion, ont été créées toutes ensemble et dés le com­ mencement du monde. Deus omnia simul cl semel per materiam fecit, postmodum autem universa per speciem distinxit. Ab initio igitur an inue sunt create in invisibili materia, formantur autem quotidie per speciem ct mittuntur in corporum effigiem. Eluddarium, P. L., t. clxxii, coi. 1141. La preuve de l'immortalité de Pâme est simpliste : nous cherchons à faire vivre le plus longtemps possible notre souvenir dans la posté­ rité. Cognitio vitee, c. v, P. L., t. xl, col. 1010. I-a théorie de la connaissance est à peine ébauchée chez Honorius, ct le problème est loin d’être serré comme il le sera par les scolastiques du xnie siècle; au con­ traire, la question de la volonté, du libre arbitre, de scs rapports avec l'action ct la prescience divine, l'a grandement préoccupé. A trois reprises il y revient. L’Elucidarium, qui à diverses fois reproduit les doc­ trines ansclmiennv-s.setrouve, sur la question présente, entièrement indépendant de l'abbé du Bec. Honorius définit le libre arbitre la Ilbcrté de choisir le bien et le I mal. Ce libre arbitre, l’honune le possédait au paradis terrestre, mais à présent il est captif, car il ne veut plus le bien à moins que la grâce de Dieu ne le prévienne, ct il ne peut agir à moins que cette même grâce ne le soutienne. P. L., t. CLXXir, col. 1135. Cette théorie par trop simpliste a été révisée dans la seconde édition de ΓInevitabile, Bien qu'il accentue fortement l’in­ fluence de la volonté divine sur l’activité hu­ maine, Honorius en vient à une définition du libre arbitre qui sc rapproche complètement de celle d’Anselme. « Le libre arbitre, dît-il, est le pouvoir de garder la rectitude de la volonté, à cause de cette rectitudomême. c Libertus arbitrii est potestas servandi reetitudinem voluntatis propter ipsam rectitudinem. P. L., t. clxxii, coi. 1200. Déjà le traité De libero arbitrio avait insisté sur le caractère moral de la liberté. Ibid., col. 1224. On volt par tout ce qui précède le nombre considé­ rable de questions philosophiques soulevées par Hono­ rius. Nul, à son époque, si ce n’est peut-être Abélard, n’en a autant posé. C'est au xxxx· siècle qu’il appar­ tiendra de donner â tant de problèmes une solution approchée. 3° Principales doctrines tJMogiqucs. — La théologie d’IIonorius demeure tout aussi fragmentaire que sa philosophie. Beaucoup de points traités, mais sans ordre ni méthode; l'auteur en est encore aux questions isolées de ses contemporains. L'effort qu’il fait pour établir une synthèse, dans VEluddarium par exemple, n’aboutit pas encore À une construction systématique. Nous nous contenterons de relever les traits particu­ liers par lesquels sa théologie sc distingue de celle de ses contemporains ou de ses successeurs. Deux questions principales se posaient depuis un demi-siècle à la spéculation théologique. La première était relative à la création de l’honune et à la chute des anges. Une opinion tendait à prévaloir qui mettait un rapport étroit entre ccs deux faits. Guillaume de Champeaux, en particulier, avait soutenu que les hommes avalent élé créés pour combler les vides pro­ duits dans le ciel ct dans l’œuvre divine par la défec­ tion des mauvais anges. Saint Anselme s’était élevé contre celte Idée; il avait fait remarquer que toute créature, si humble qu’elle puisse être, a une valeur en soi, parce qu'elle occupe la place qui lui est assignée dans la nature par le plan originel de Dieu. Faire de l'homme un remplaçant des anges, créé après coup pour réparer une déchirure arrivée au plan divin, c'est le rendre inférieur en dignité au dernier des vermis­ seaux. Honorius a fait sienne la pensée d'Anselme dans le U ber X! 1 puæstionum : Homo non est pro an­ 156 gelo, sed prose ipso creatus, alioquin majoris dignitatis vermis esset, qui proprium habet, quam homo qui pro­ prio loco careret. P. L., t. clxxii. col. 1180. Mais sur Un autre point Honorius se sépare nette­ ment d’une solution qu'Anselme avait popularisée dans le Cur Deus homo? Personne, dans le christia­ nisme, ne conteste qu’il y ait en fait une relation étroite entre l’incaniaUon du Fils de Dieu et la ré­ demption de l’humanité. Dans le haut moyen Age néanmoins les théologiens différaient d’avis sur un des aspects, théoriques, si l’on peut dire, du mystère de l’incarnation. Si l’homme n'avait pas péché, le Verbe sc serait-il Incarné?Non évidemment, disaient ceux qui voyaient surtout dans l'incarnation le pré­ lude de la rédemption et c’était toute l’idée du Cur Deus homo? A quoi d’autres répondaient que dans ces conditions l’on faisait du péché lui-même la cause de l’incarnation, ce qui n’est point admissible. Ils voyaient dans la divinisation de la nature humaine le but de l’apparition du Fils de Dieu dans la chair. Même dans l'hypothèse où l’honune n’eût pas péché. Dieu serait venu sur la terre pour élever l’homme plus complète­ 1ment jusqu'à lui. La faute originelle a seulement s eucharistique du Sau­ Kirehcnlatkon, 1887, t. vi, p. 267 sq.; II. XVattenbach, Gcschichtsqurllen Deutschlands, 1851, L 11, p. 259 sq.; veur quand il est reçu par d’autres que par les fiddles bien disposés. UElucldarium avait donné sur ce point J. Dieterich, dans la préface de wn édition dr VOffendiculum, Monumenta Germania! historica. De lite imperatarum et une réponse bizarre. « Les pécheurs· demandent les pontificum, Hanovre, 1857, t. m, p.29-80; H. Schladcbach, disciples, reçoivent-ils le corps du Seigneur? Seuls les Das Eluctdarlum dei Honorius Aiigudodunentls und fils de Dieu, répond le maître, reçoivent le corps du der franzodtche metrisck* Luctdatfe des JUt Jahrhunderls Christ; quant à ceux qui ne demeurent pas dans le wn Glllcbert de Cambrag (dissert./, in-8·, Leipzig, 1884. Christ, ils paraissent sans doute approcher de leurs A partir de 1901 se succèdent ù Γ Académie de Vienne les communications de J. von Relie reblives Λ Honorius: lèvres ce corps précieux, mais ils ne reçoivent pas le l/eèrr Honor lus Auguatoduneniis und dns Eluddarium, corps de Jésus, bien au contraire ils mangent ct boivent dans Sitzungsberichtc der Wiener AkademU, t. cxliii; Enter· leur condamnation. Quant au corps du Christ, il est uber dns Speculum Ecclesbr und die Libri deflo­ porté au ciel par les anges. > Corpus autan Christi per suehungrn rationum des Ables Werner, tbtd., t. CXLV; Vnlmm hungen manus angelorum in cretum defertur. P. L., t. clxxii, fiber das Of/cndicuïum des Honorius und sein Vcrhàllniss col. 1131. Cette solution ur. peu enfantine est trans­ su den gleichfalls etnem Honorius sugeschrlebenen Eu· posée en une explication toute philosophique dons char lutIon, samt zu den deiilschen Gedtchten, Gehugdc und Pfeffenleben, ibid., t. cxlviii, contient aussi une édition YEucharislion. La chair du Christ, dans ccs conditions, est réintégrée dans la substance (supposée partout pré­ de VO/frndiculum; Unirrsuchungen uber das Honori un Inevitabile sloe de pnrdestlnatione et libero arbitrio sente) du Christ : Caro Christi ab his (des animaux par avec une édition do ce traité, Ibid., t. cl; exemplo) comesta sic in substantiam Christi transferri i dialogus, IJnteriurhungm ûber den nicht naeluvebbarrn Honorius creditur, sicut ab infidelibus nel ab Indignis catholicis Augustodunensis ecclesia! presbyter et scholasticus und die sumpta in essentiam Christi commutari non dubitatur. I Ihm zugeschrieltenen Wrrke, Ibid., t. cm. P. E., t. clxxii. coi. 12.35. J. A. Endres a répondu successivement aux diverses Danslc problème si redoutable de la prédestination, communications de J. von Relie: Honorius Augustodunensis und sdn Eluddarium, dans HIstarich-palilisehe Hlatter, 1962, Honorius a suivi avec une raideur imperturbable la t. exxx, p. 169 sq.; I)a\ St. Jakobsfiortal (n Itegrruburg und doctrine de saint Augustin. La première édition de Hanartus Augustodunensis, Kempten et Munich, 1903; \’l ncvitabilc propose sans aucune atténuation la théo­ articles critiques, dans Hlstorfsehcs Jahrburh. 1903, t. xxiv, rie de la massa damnata dans laquelle, par un libre p. 826 sq.; 1905, t. xxvr. p. 783-785; enfin une étude d’en­ décret, antécédant à toute considération de mérite, semble : Honnrius Augustodunensis. fleitnig zur Geschtchie Dieu choisit ceux qu’il a résolu de sauver. der gelsttgen Lebens im 12 Jahrhundcrt, Kempten ct Munich, 1906. Pas plus qu'August in d’ailleurs, Honorius n'a re­ L Bâumkcr, Dos Inetdtabile des Honorius Augudodu· culé devant l'idéal même de la prédestination à la nrnsis und dessen Lchre uber das Ztisammeniidrken pon mort. Per gratiam Del pnrdcstinatio oitx adipiscitur, Wille und Gnade, dans Bcilrage zur Geschichte der Philo^o· perliberum autan arbitrium mortis pnrdestinatio per- phie des Μ. Λ., Munich, 1911, t. xm, fuse. G, a quelques /Icitur. Nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer com­ aperçus sur In biographie d’I lonorius. ment le contact avec saint Anselme a amené le soli­ Comme ouvrage d’ensemble: A. Hauck, lïirchengetaire de Batisbonncà atténuer quelque peu la raideur schtchteDeutschlands, Lriprig, 1903,t.iv,p. !30sq.; M.Grabmnnn. Die Geschichte der scholastischen Mclhade, Fribourgde scs premières déductions. La seconde édition de cn-Brisgau, 1911, t. n; J. de Ghcllinck, l^e mouMmcnt theoY Inevitabile laisse quelque part dans le décret divin logique du JT//· siècle, Paris, 1911. à la prévision des mérites. P. L., t. clxxii, col. 1198Comme monographie française récente je n’ai relevé que 1199. De même, pense Honorius, les réprouvés ne celle de l’abbé C. Daux> l 'n scholastique du .VI· siècle trop sont devenus tels que pour avoir méprisé les grâces oublié. Honoré (TAutun, dans la Eevue des sciences ecclesias­ divines qui leur furent oiTertes. L’idée, sinon l’ex­ tiques ct Science catholique, 1907, p. 737-758» 858-884, 9711002, 1071-1080. pression, de grâce suffisante est assez nettement in­ diquée. Ibid., col. 1209. 11 va sans dire qu’Honorius E. Amann. est loin d’avoir trouvé une solution même appro­ HONTHEiM (Jean-Chrysostomo-NIcolas do). chée de l’insoluble problème. Voir Fébbonius, t. v, coL 2115-2121. Une immense curiosité, une touchante application à soulever les questions difficiles, une candeur un peu HOOKE Luc-Joeeph, théologien catholique naïve dans la recherche des solutions, avec parfois irlandais, naquit à Dublin en 1716. A cause des lois une véritable inconscience du danger qu’il fait courir pénales qui ne permettaient pas de donner une édu­ aux doctrines traditionnelles, ainsi pourrait-on carac­ cation catholique en Irlande, son père, historien de tériser Honorius comme théologien. Et les mêmes renom, l’envoya à Paris, où il fut élevé à Saiut-Nicocaractéristiques conviendraient à tout l'homme. Ce his-du-Chardonnet. Il reçut le bonnet de docteur jugement serait trop sévère s’il ne se tempérait par la en 1736, ct en 1712 fut promu à une chaire de théolo­ considération des services qu'il a rendus en mettant gie en Sorbonne, où il acquit bientôt une grande ré­ à la portée de beaucoup une science qui jusque-là putation. Une imprudence le fit priver de sa chaire en demeurait le privilège de quelques-uns. La préoccupa­ 1752, et, bien que le décret fût rapporté» il ne put tion d’IIonorius, d’élever le niveau moral et intellec­ jamais l’occuper en paix, et il fut obligé de sc démettre. tuel du clergé de son époque, fait de lui une des plus Il devint curateur de la bibliothèque Mazarine, poste attachantes figures de ce xn® siècle qui en compte qu’il occupa jusqu’en 1791; il dut le quitter parce tant et de si grandes. qu’il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé. 11 sc retira à Saint-Cloud, où il mourut Ix· point do vue ancien nur la personne et l’œuvre d’IIo en 179G. norius est représenté nu mieux par la notice de V Histoire Son ouvrage principal est : Religionis naturalis cl littéraire de la France, t. xti, p. 165 sq. rcvdatæ principia, Paris, 1752; réédité ct annoté Les recherches modernes sont inaugurées par R. Wilmnns. dans la préface de son édition de la Summit totius ct par le bénédictin Brewer, Paris, 1771, ct réimprimé de V Imago mundi, dans .Monumenta German he historica. aux t. n ct indu Tiuologt.rcursus completus deMigne. Scriptores, t. x, p. 125. Vient ensuite W. Scherer, dens Cet ouvrage fut le premier traité De revelatione: Il en Zeitschrift fur ôstrrrcichlsche Ggmnasicn, 1868, t. xix, donne, dit Mgr Douais, les grandes lignes, la méthode p. 567 sq.; O. Dobrrrnlz. dans Zeitschrift fur dculschc Philo· ct les matériaux. Hookc fut Fauteur de la Critique de bgie, t. ΧΠ, p. 275 sq.; R. Cruri, Gcschlchtc der dcutschcn l’Émile, qui fut publiée, avec de légères modifica­ Prcdlgt im Mittelnlter, Detrnold, 1879, p. 129 sq.; Ed. Schrô­ tions, par ordre de la faculté de théologie de la Sorder, dans Anzetger fur deutsches Altrrhim, 1881, t. vif, P. 178 sq.; Statonlk met toutes ccs données au point dans le i bonne, en 1762. Il écrivit aussi Principes sur la nature 159 HOOKE — HOPKINS et I'essence du pouvoir dr I Église, Paris, 1791, et quelques ouvrages d’histoire profane. Nouvelle* ffriédastlques, 1762. 1763; Almanach royal, 1743; frlkr. Dictionnaire historique ; Gfllow, Ilibliographical dictionary of English catholics; Dictionary of natio­ nal biography; Catholic encyclopedia; Hevue pratique ιΓαροlogJlique, juillet 1900. Λ. Gatabd. HOPKINS Sam — L Vic. II. Doctrine. IGO puisse ainsi s’abstenir du péché. S’il meurt dans son péché, c'est sa faute, puisqu'il peut se convertir avec l’aide de la grâce; il doit donc bénir la main qui le frappe ct admirer la justice divine, qui ne le châtie que pour le plus grand bien de l’univers. 6° La justi­ fication est un changement de cœur produit par l’intervention spéciale du Saint-Esprit. Quand une fois l'homme est régénéré, il peut faire le bien ct 11 le fait infailliblement; sans doute il peut en soi perdre la fol ct faire le mal, puisqu'il demeure libre; mais, aidé par la grâce, il est assuré de faire le bien ct de sc sauver. Ainsi donc Hopkins garde du calvinisme tout ce qui n'est pas opposé ù la bonté de Dieu ct â la liberté humaine, sans toutefois montrer comment cette boulé sc concilie avec la réprobation d’un grand nombre d'homnids, ct comment, sous l’action de la grâce, l’homme régénéré fait toujours Je bien sans perdre la liberté. III. Influence. — Par sa pondération ce système de Hopkins répondait bien au sens droit des popu­ lations de la Nouvelle-Angleterre, qui, tout en étant attachées au puritanisme, avaient fui la mère-patrie pour y trouver plus de liberté. Il fut bien accueilli par J. Edwards, qui y reconnut plusieurs des idées Inculquées ù son ancien élève, ct par des théologiens de valeur, tels que les docteurs Bellamy, Stephen West, Nathanael, Emmons ct Samuel Spring. On commença à l'appeler hopkinsianism ou système do Hopkins, du vivant même de l’auteur; ou système • d'Edwards », â cause du rôle important qu'avait eu celui-ci dans l’éducation de Hopkins. Bientôt II fut connu sous le nom de « théologie de la NouvelleAngleterre » (New England theology), parce qu’il sc propagea rapidement dans cette partie des ÉtatsUnis; ct lorsqu'il fut introduit en Angleterre par André Fuller et Robert Hall, on lui donna le nom de « théologie américaine ». Plusieurs de ceux qui l’adoptèrent y introduisirent de légères modifications, entre autres le docteur Emmons, Asa Burton, Na­ thaniel Taylor ct Charles Finney, mais sans en altérer l’esprit. 11 s’est perpétué dans une école célèbre de théo­ logie, VAndover theological seminary, fondée au début du xrx· siècle ct qui subsiste encore de nos jours. Cette fondation fut le résultat d’un compromis entre les calvinistes modérés, qui désiraient conserver dans son intégrité la Confession de Westminster, ct les disciples de Hopkins, qui voulaient en adoucir les formules trop rigides. Au fond, ces derniers rem­ portèrent, puisqu’on fait les formules de Westminster furent adoucies dans le Credo d’Andovcr, mais un peu moins cependant qu’elles ne l’avalent été dans les œuvres de Hopkins. En somme, ce compromis mit une certaine unité parmi les calvinistes de la Nouvelle-Angleterre, en faisant disparaître ce qu’il y avait de trop dur dans leurs premiers symboles. Grande a été l’activité littéraire d’Andovcr : de scs presses sont sorties des œuvres nombreuses ct d’une valeur réelle : des grammaires hébraïques, des com­ mentaires sur l’Écriturc sainte, des traités de philo­ sophie ct de théologie, ct deux revues bibliques : I’American biblical repository ct la Bibliotheca sacra. I C'est dans ces diverses publications qu’on peut sc rendre compte des modifications subies nu cours des temps par les premières théories de Samuel 1 lopklns. Ilf. Influence. I. Vie. — Né en 1721 a Waterburg, dans l’État de Connecticut (États-Unis), S. Hopkins fit scs études nu collège de Yale à New Haven, ct plus tard étudia la théologie sous la direction du célèbre Edwards (Jonathas), ministre congrégationaliste, qui eut sur le développement de ses idées une influence considé­ rable. 11 exerça successivement le ministère dans deux paroisses, Great Barrington (Massachusetts) ct Newport (Rhode Island), où il mourut en 1803. Pas­ teur zélé, il évangélisa non pas seulement les membres de sa congrégation, mais encore les Indiens du voi­ sinage, ct s’intéressa beaucoup à la cause des noirs ct â leur libération. Mais il fut surtout un infatigable écrivain, travaillant parfois dix-huit heures par jour. Outre de nombreux sermons, il publia plusieurs Imités théologiques, entre autres: The wisdom o/ God In the permission of sin (La sagesse de Dieu en per­ mettant le péché); The true state and character of the unregenerate (Du véritable état et condition des nonrégénérés) ; An inquiry concerning the future stale of those who die in their sins (Élude sur l’état futur de ceux gui meurent dans le péché) ; A system of doc­ trines contained in divine revelation (Synthèse des doctrines contenues dans la révélation). II. Doctrine. — Sa doctrine est une sorte de «calvinisme mitigé ».-Voir Calvinisme, t. n, col. 1398-1121. Il appartient en effet â cette secte des « congrcgationalistcs · qui était alors fort nombreuse dans la Nouvelle-Angleterre, ct qui, ά cette époque, admettait sur presque tous les points, sauf sur la question de la constitution ecclésiastique, les doc­ trines de Calvin telles qu’elles avaient été formulées en Angleterre dans la Confession de Westminster. Mais son bon sens américain ct son amour inné pour la liberté ne lui permirent pas de retenir le déter­ minisme et le pessimisme du théologien de Genève. Sans doute il insiste, comme celui-ci, sur les droits de Dieu, sa souveraineté absolue, la prédestination gratuite des uns ct la réprobation des autres; mais il s'efforce de concilier ces doctrines avec la bonté de Dieu ct la liberté humaine; par lù il sc rapproche des arminiens. Voir t. î, col. 1968-1971. Voici le ré­ sumé de sa doctrine : 1° Tous les attributs moraux de Dieu sc résument en sa bonté, sa justice elle-même n’étant qu’une manifestation de sa bienveillance à l’égard de l’ensemble des créatures. 2° Jésus est mort pour tous les hommes, ct non pour les seuls élus; il nous a rachetés, non pas en subissant le châtiment légal mérité par les pécheurs, mais en glori Haut Dieu cl ses attributs par ses souffrances ct surtout par sa mort. 3° Tout homme est libre ct peut choisir entre le bien ct le mal; on ne peut lui imposer ce qu'il n’a pas le pouvoir d’accomplir. 4° Toutefois cette liberté n'exclut pas l’action de Dieu, qui, par scs décrets ct sa coopération, contribue au bien ct au mal que nous faisons. Si Dieu permet le mal, ct même y concourt, c’est toujours en vue d’un plus grand bien. 5° Avant la justification, les actes de l'homme sont tous des péchés (en cela il sc rattache à Calvin), non pas sans doute en ce sens que l'homme pèche nécessairement, nuits parce que, dépourvu de grâce, il pèche Infallllblemrnt· Il faut donc l'exhorter â sc convertir im­ médiatement, à sc faire un coeur nouveau, afin qu’il I Outre 1rs ouvrages do S. Hopkins déjà signalés, voir ceux de son nintlre le président Edwnrds ct de ms principaux disciples, ainsi que leurs biographies : Edwnrds, God glorlfled in man's dependence, 1731 ; An essay on the freedom of the will, 1751; The great Christian doctrine of original sin, 1758; Dr Stephen West, Autobiography of Dr Hopkins; J. Ferguson. A memoir of D· Hopkin*, 1830; Ed. A. Park, A memoir of D* Hopkins, 1851; J. Bellamy, 7 rue religion 161 HOPKINS — HORMISDAS delineated. dans la collection de scs œuvres publiée Λ New York en 1811 ; S. West. Ewiy on moral agency, 1772; Ezra Styles Ely. Contrast between cahdnUm and hopkinxtanism, 1811; Nath. Rnunons, Works, 18-12; N.W. Tnylor, Essays... on select topics a/ revealed theology, édit. 1859; II. B. Smith, Address on the idea of Christian theology as a sydem; Essay on the theology of Emmons; G. P. Fisher, The system of IF A’. W. Taylor in its connection with prior New England theology ; Woods, History of the Andover theological seminary, Boston, 1885. A. TaNQUEREV. 162 tlon qui parvint de bonne heure à Constantinople et dont on retrouve l’écho dans les premières lettres de l’empereur Anastase. Mais cette douceur n’excluait pas la fermeté : les Orientaux devaient plus tard s’en apercevoir; sur l’heure les manichéens cpji depuis quel­ ques années s’étaient infiltrés â Rome en éprouvèrent les effets. Ia? Liber pontificali»rapporte qu’Honnisdas leur fit la chasse et, après les avoir dépistés, les con­ damna à l’exil; leurs livres furent brûlés devant les portes de la basilique constantlnicnnc. Des exécutions HORMANNSEDER Anselme, augustin au­ du même genre sont également rapportées sous les trichien de la première moitié du χνπι· siècle, doc­ pontificats de Gélase et de Symmaque. Bien que ces teur en théologie de l'université de Vienne, enseigna faits ne soient attestés que par le Liber pontificalis, pendant quinze ans en cette ville la philosophie ct la il n’y a pas lieu de les mettre en doute; ils étaient assez théologie, exerça dans son ordre les charges de prieur |>cu éloignés du compilateur pour qu'on puisse les et de provincial ct mourut le 15 avril 1740, laissant les admettre sur son dire. Suivant sa coutume, le Liber ouvrages suivants : 1° Oratio panegyrica habita in ba­ pontificalis fait la longue énumération des embellisse­ silica J). Stephani martyris, in—1% Vienne, 1710; 2® ments apportés par Hormisdas aux basiliques ro­ Himmlischc Eremitcnschaar, in-4°, Vienne, 1733; 3° maines, des présents reçus en diverses circonstances, Philosophia universa centum quæstionibus tum veterum tout spécialement de 1 Orient, Il convient de faire une tum rccentiorum philosophorum placita complectens, place à part au diadème précieux que le roi des Francs, in-4°, Vienne, 1728; 4° Hecatombe theologica seu centum nouvellement converti, Clovis, aurait envoyé au pape. quirstiones ex universa theologia augusliniano-irgidiana Clovis étant mort en 511, il reste quelque incertitude speculativa olim a Frid. Gavardi sex tomis divulgata, sur l’authenticité de cette donnée; il sc peut néan­ nunc duobus opusculis comprehensa, in-8°, Posen, moins que l’envol de la couronne, vouée par le roi des 1737; 5° Ordinandus examinatus ct approbatus seu Francs au prince des apôtres, ait souffert quelque responsa ad quaestiones qua ordinandis proponi solent, retard. in-8°, Posen, 1738; 6° Parva ethica seu doctrina moralis II. Son action en Orient. — Ie Hormisdas el quomodo homo passiones suas ad propriam ct aliorum le schisme acacicn. — Depuis 484, la rupture était utilitatem regere, vitia oppugnare ct virtutes propugnare complète entre Rome ct l’OricnL Le patriarche de debeat, in-12 Posen, 1739; 7°Sermones morales ad noviConstantinople, Aeaee, après s’être montré le défen­ Hos annis 1718 et 1719 habiti, ms. in-4°; 8° Sermones seur de l’orthodoxie chalcédonicnnc, était finalement in professione novit iorum recitati (en allemand), entré en pourparlers avec ceux qui, à Alexandrie et à ms. in-4°; 9° Opus majus de imitatione sanctorum Antioche, sc posaient en adversaires irréconciliables ordinis erem, S. Augustini; 10° Fasciculus epigram- du concile de 451. De ces tractations était sorti un édit malum ct variorum poematum, niss conservés à la d’union (ένωτιχον) que l’empereur Zénon s’était efforcé bibliothèque des augustins de Prugg en Autriche. d’imposer ά tous les prélats d’Orient. L’édit abandon­ nait en réalité les définitions dogmatiques de ChalcéLan t eri, Postrema swcula sex religionis augnstiniaiur, doinc; s’il condamnait à la fois Eutychès ct Nestorius, Tolentino, 1859, t. ni, p. 8; Revhta agustintana, Vallado­ lid, 188i;t. vu, p.334 ; Ossinger, Hibttolheca.p. 443; Hurter, il constituait cependant une reconnaissance officielle Nomenclator, 1910, t. rv, coi. 1008. du monophysisme modéré, ct sa formule principale : N. Merlin. unus de Trinitate incarnatus, bien qu’orthodoxe dans HORMISDAS (Saint), pape (514-523), est l’un le fond, sc rapprochait singulièrement du qui crucifixus des pontifes les plus remarquables du vi· siècle. Diacre est pro nobis, qu’en protestation de sa foi monophysite du pape Symmaque, il lui était resté fidèle alors que Pierre le Foulon, à Antioche, avait fait jadis ajouter l'antipape Laurent faisait de nombreuses recrues dans au trisagion liturgique. Mais surtout par l’édit d’union le clergé romain; à la mort de Symmaque(19 juillet les représentants les plus autorisés do l’opposition antl514), il fut élu d’un commun accord pour le remplacer. chalcédonicnnc, Pierre le Foulon à Antioche, Pierre La donnée du Liber pontificalis, suivant laquelle II aurait Monge à Alexandrie, rentraient dans la communion du été ordonné le 26 juillet, doit être corrigée. C’est le patriarche de la ville impériale. Voir t. vi, cok 2159 sq. dimanche 20 juillet qu’Honnisdas fut consacré (Jaffé, Rome ne pouvait admettre de tels procédés. Dans Duchesne). un synode romain du 28 juillet 484, le pape Félix III La situation était difficile; à Rome il subsistait des déposa par contumace l’audacieux patriarche de Con­ vestiges du schisme laurentien, l’Occldcnt à peu près stantinople. · Tout évêque, clerc, moine ou laïque qui, entier était aux mains des barbares, pour la plupart après notification de la sentence, communiquerait avec ariens, 1 Orient était séparé de Rome par un schisme lui, serait frappé d’anathème. > Félix no sc flattait qui menaçait de s'éterniser. Sur tous ces points Hor­ pas d’ailleurs de séparer par cette sentence les adhé­ misdas eut le bonheur de trouver les solutions conve­ rents d’Acacc de leur chef tout-puissant; en réalité, nables. — I. Son gouvernement ù Rome. II. Son action ce n’était pas avec le patriarche qu’on engageait la en Orient. III. Son activité en Occident lutte, c’était avec toute l’Églisc d’OricnL Pour de lon­ I. Son gouvernement a Rome. — Les renseigne­ gues années la rupturo allait être complète entre les ments nous manquent pour préciser l’attitude qu’IIor- . deux moitiés de l’Eglisc. Voir t. i, col. 288-290; L vi, misdas prit à Rome à l’endroit du dernier schisme. Le col. 2164-2172. Liber pontificalis dit, fort brièvement, qu’il ramena Il s’en faut pourtant que l’Oricnt ait pris définitive­ la paix dans le clergé : hic composuit clerum. C'est là ment son parti d’une situation aussi anormale. Malgré évidemment une allusion aux efforts que fit le pape les tendances séparatistes, qui commençaient Λ se faire pour effacer les derniers vestiges du schisme laurentien. jour, le sentiment de l’unité chrétienne était encore Son épitaphe dit à ce sujet qu’il rendit propriis locis trop vif, il restait du rôle supérieur de l’Églisc romaine membra revulsa, ce qui signifie, selon toute vraisem­ dans l’organisation et la sauvegarde de cotte unité une blance, qu’il réintégra dans leurs fonctions certains perception trop nette, pour qu’on ne cherchât pas do clercs compromis dans le parti de Laurent ct tenus à bonne heure un moyen de sortir du la situation créée l’écart par Symmaque (Duchesne). Tout cela valut à par les menées d’Acacc. D’autre part, enhardi par sa Hormisdas une réputation de douceur ct de modéra· victoire, le parti monophysite lirait de Γ1 lénotlquc de PICT. DE TIIÊOU CATHOL. VIL —6 1G3 HORMISDAS Zénon toutes les conséquences qu’il comportait; il en vint bientôt aux pires excès, du jour surtout où l'empe­ reur Anastase (491-518) eut succédé à Zénon. Deux patriarches dc Constantinople, Euphémius ct Macédonius, furent successivement déposés en 496 ct en 511 pour avoir voulu contrecarrer la politique monophysite du prince; Flavian ù Antioche, Élias â Jérusalem durent céder la place aux antichalcédonicns les plus déclarés. Une fois dc plus, dans ’es solitudes dc Syrie ct dc Palestine, les moines orthodoxes payèrent dc leur vie leur fidélité au Tome de Mon. Une telle politique eut pour effet dc faire réfléchir les orthodoxes, nombreux encore dans tout 1 Orient, et tout particulièrement puissants à Constantinople. Le seul moyen d'empêcher le triomphe définitif du monophysisme, c'était de sc réconcilier avec Rome ct d'impldrcr contre l'hérésie grandissante l’appui dc l'Occidcnt chalcéxionicn. Qu’il le voulût ou non, l'em­ pereur Anastase devait compter avec le parti dc la paix; des négociations furent commencées avec le pape Anastase II (496-198), fort porté ù la conciliation; la mort prématurée dc ce pontife vint tout arrêter; les exigences du successeur d'Anastase II, Symmaque,* curent pour eflct dc rejeter l'empereur vers le mono­ physisme le plus strict.Telle était la situation quand, en 514, Honnisdas monta sur le siège pontifical. Mais la politique de l’empereur Anastase n'avait fait qu’irriter les orthodoxes décidés. En 512, l’émeute avait grondé dans les mes dc Constantinople; Anastase avait été sur le point d’abdiquer. Deux ans plus tard, Vitalicn, un général d'origine barbare, levait dans les provinces du Danube l’étendard dc la révolte. La dé­ fense dc la foi orthodoxe n’était peut-être pits la pre­ mière dc scs préoccupations; il lui sembla néanmoins dc bonne guerre dc sc proclamer le défenseur du concile dc Chalcédoinc. C'était le moyen de rallier ù sa cause tout ce que l'Oricnt comptait d’orthodoxes mécontents. Quand parurent sous les murs dc Constan­ tinople les 50 000 barbares dc Vitalicn, il fallut bien qu'Anastasc se décidât à promettre la fin dc la perse­ cution, la restauration des évêques exilés, la réunion à Héracléc d'un grand concile où l'on inviterait le pape ct où sc réglerait l’union de l’Occidcnt ct dc l’Oricnt. Anastase fit semblant de tenir parole. A la fin dc 514 cl nu début dc 515, des lettres partaient pour Rome, annonçant à Honnisdas l'intention qu'avait l'empereur dc réunir un concile à Héracléc d’Europc; on y discuterait les questions en litige, le pape était prié d'y vouloir bien assister; on attendrait son arrivée jusqu'au ltr juillet. Thlel, Ephl.t i ct n. Au même moment les évêques dc Γ Illyricum faisaient savoir par Dorothée, métropolitain dc Thessoloniquc, qu’ils dési­ raient ardemment la réunion à l’Église romaine, qu’ils lui étalent profondément attachés, qu’ils détestaient comme elle les doctrines d'Eutychès ct dc Ncslorlus. Thlel, Epist., ni. Rien ne pouvait s’imaginer dc plus délicat que la situation d’Hormisdas. On ne pouvait rejeter les propositions impériales, quelques doutes qu’on pût avoir sur leur sincérité; d'autre part, la réunion d'un concile n'allait pas sans difficultés; on avait vu comme avait tourné la réunion d'Éphèse en 449, comme avait failli tourner celle dc Chalcédoinc. 11 n’y avait point d’exemple d’un pape quittant Rome pour assister à un concile d’Orient. Quelle figure y ferait-iL ct quelle place lui serait attribuée? M concile remettrait-il en question, comme semblait l’annoncer la lettre impériale, les définitions solennelles enregis­ trées à Chalcédoinc? Le pape ne pouvait que temporiser. L’ouverture du concile était fixée nu 1er juillet 515; c’est seulement le 8 juillet qu'Hormisdas envoyait sa réponse aux sugges­ tions d'Anastasc. Jaffé, n. 773; Thlel, Epht., vi. Il Jouait le zèle dc l'empereur pour la fol orthodoxe, ct 164 annonçait l’envol prochain de légats, qui feraient connaître à Constantinople ses intentions relatives à la tenue du concile. Le It août partait dc Rome la légation romaine; elle comprenait deux évêques, Ennodius dc Pavic et Fortunatus de Catane, le prêtre Venanlius. le diacre Vital et le notaire Hilaire. Des instructions extrêmement précises leur avaient été remises par la chancellerie pontificale. Elles expriment au mieux l’attitude qu’allait prendre Honnisdas dans cette grave question dc l’union des Églises. Les légats devront faire montre ù l'endroit de l'épiscopat grec dc la plus grande courtoisie, mais aussi dc la plus abso­ lue réserve; ils devront éviter en particulier de faire aucune démarche qui impliquerait la reconnaissance par Rome dc personnages suspects ou contestés. Celte précaution s’imposait tout particulièrement ù l’endroit de Timothée, l'évêque intrus de la ville impériale. Que si des évêques témoignaient le désir de se réconcilier personnellement avec le siège dc Rome, rien n’était plus simple; ils n’avaient qu’à signer le formulaire annexé aux instructions des légats. Si quelques plaintes étalent articulées contre des évêques antichaicédo­ nicns, les légats devaient les recevoir, en réservant la sentence définitive au jugement du siège apostolique. A ce même siège était réservé le jugement des évêques exilés, mais au préalable l'empereur devait les rappeler. La pièce sc terminait par le célèbre formulaire, qui portera désonnais le nom d'Hormisdas, ct qui sera durant toute cette affaire la tessère meme dc l’ortho­ doxie. Le signer sans ambages, c'était rentrer dans la communion de l’Église romaine, les légats ne devaient point admettre d'explications ni dc discussions; la signature pure ct simple était exigée. Voici la teneur de cette formule dc foi, dont il a été plusieurs fois question lors des discussions sur l'infaillibilité du pape, ct que le concile du Vatican a citée dans la con­ stitution Pastor a'ternus. Prima salus est regulam rcctxc fidei custodire ct a constitutis Patrum nullate­ nus deviare. Et quia non potent Domini nostri Jesu Christi pnetermitti sententia dicentis : Tu es Petrus, etc. Haec quæ dicta sunt rerum probantur effectibus, quin In sedo apoitollca citra macu­ lam semper est catholica servata religio. De qua spe et fide minime separari cu­ pientes et Patrum sequentes constituta, anathematiza­ mus omnes hæreses, præclpue Nestorium hæretlcum, qui quondam Constantinopolitanæ fuit urbiscpiscopus, damnatum in concilio Ephesino n beato Cælrstino papa urbis Romœ et a viro Cyrillo Alcxandrinæ civitatis antis­ tite. Similiter anathemati­ zantes ct Eutychem ct Dloscorum Alexandrinum In sancta synodo, quam sequi­ mur ct amplectimur, Chnlcetloncnsi damnatos, quæ secuta sanctum concilium Nicaenum fidem npostollcam pncdlcavit, detestamur ct Timotheum parricidam, AJurum cognomento, dis­ cipulum quoque illius et sequacem In omnibus Pe­ trum Alexandrinum. Con­ demnamus etiam ct anathe­ matiza mus Aeneium Consfnntinopolitnnum quondam La première condition pour être sauvé, c’est dc garder la règle de la foi orthodoxe ct de ne s'écarter en rien des constitutions des Pères. Et l'on ne peut non plus passer sous silence l’affirmatlon de Notre Seigneur Jésus-Christ.qui n dit : · Tu es Pierre. » Cette parole s’est vérifiée dans la réalité, car c’est dans le siège aposto­ lique que s’est toujours conservée sans tache la reli­ gion catholique. Ne voulant donc point nous séparer do cette espérance et de cette fol, attachés aussi aux consti­ tutions des Pères, nous anathémat Isons toutes les héré­ sies, ct spécialement l’héré­ tique Nesturius, jadis évê­ que dc Constantinople, con­ damné nu concile d’Éphèso par le bienheureux Célestin, pape dc Rome, ct par Cyrille, évêque d’Alexandrie. Sem­ blablement nous nnnthémntisons Eutychés et Dioscorc d’Alexandrie, condam­ nés l’un ct l’autre nu saint concile do Chalcédoinc, que nous suivons et embrassons, ct qui, marchant sur 1rs traces du saint concile do Nlcéc, n proclamé la fol apos­ tolique. Nous maudissons également Timothée le meur­ trier, surnommé Élurc, disci­ ple de Dloscore, ct Pierre 1G5 episcopum nb apoetolica sc. Timothée ne put être ébranlé; sur la terre d’Égypte le monophysisme demeurait triomphant. Et les choses n'allaient guère mieux à Antioche. Sévère, sans doute, élait en fuite, cl l’on pouvait songer à mettre à sa place un prélat tout dévoué à l’orthodoxie chalcédonicnne. Mais Impossible d'assurer à Antioche une élection conforme aux désirs impériaux. L'empereur fit choix d'un prêtre de la capitale, nommé Paul, qui fut expédié à Antioche ct consacré par quelques évêques complai­ sants. Thiel, EpisL·, lxxv. Mais la situation du nouveau patriarche n’était pas tenaille; il eût fallu nommer XCHI-XCVI, XC.ll. dans la capitale dc la Syrie un personnage au-dessus dc tout soupçon; Paul, malheureusement, n’en était Mais ù Rome on ne pouvait se rendre un compte exact des difficultés epic rencontrait l’œuvre de réu­ pas là. Dans ce milieu hostile les pires accusations nion. Dans la ville impériale, l’autorité pouvait faire commencèrent à courir sur le patriarche. Au bout de fléchir les fronts les plus rebelles; à une certaine dis­ deux ans, Paul démissionna plutôt que dc se soumettre à l’enquête que tous demandaient sur sa moralité. tance, les choses se compliquaient étrangement. Un des légats, l’évêque Jean, ne tarda pas à en faire Thiel, EpisL·, cxlv, cxlvi. Il eut pour successeur Euphrasius, qui commença par rayer des diptyques l'expérience. 11 était allé à Thcssaloniquc, espérant bien obtenir l’adhésion du métropolitain Dorothée le pape ct le concile de Chalcédoinc. La crainte, sans doute, contribua à le rendre plus prudent par la suite; au formulaire d’Hormisdas. Sans entrer en relations mais il était trop visible que la force seule maintenait direct es avec l’envoyé ponti Ileal, celui-ci lui avait en Svric l’autorité du concile dc 451. dépêché l’un doses prêtres nommé Aristide. On s’était L’empereur Justin ct son héritier présomptif Justi­ chicané longuement sur le formulaire, et l’on s'était nien commençaient à le comprendre, A partir dc quitté, sans rien conclure, sur des paroles très aigres. juillet 520, ils ne cessent d’insister dans leur corres­ La conférence devait reprendre le lendemain; elle fut pondance avec Hormisdas sur les difficultés que ren­ troublée par l’intervention de la populace, qui se rua contre l’œuvre dc réunion. Quelle erreur ce serait donc sur Jean et tua deux de ses serviteurs. Blessé ù la tête, roué dc coups, le légal n’eut que le temps dc se réfugier de les aggraver par d’inutiles exigences I La douceur, la modération sont nécessaires si l’on veut aboutir. dans la basilique de Saint-Marc, où la police vint enfin Thiel. EpisL·, cxvi, exx, cxxix. Il faut trancher au le délivrer. Thiel, EpisL·, c. Au dire des légats, ce plus vite la controverse soulevée par les moines scythes n’était rien moins qu’un guet-apens organisé par au sujet dc la formule : unus dc Trinitate passus est; l’évêque du lieu. Avant l’arrivée de Γambassadeur pon­ il faut surtout ne pas exiger dans toutes les cités ct ti heal, Dorothée aurait agi de manière ù faire croire sans aucun discernement la radiation sur les diptyques qu’une persécution était Imminente; en dehors de toute de tous les évêques compromis de près ou de loin dans fêle baptismale, on avait conféré le baptême ù plus de le schisme d’Acace. Qu’on supprime les noms spéciale­ deux mille personnes; on avait distribué l’eucharistie à ment visés dans le formulaire, rien de mieux; mais il pleines corbeilles, de manière que le peuple chrétien est des évêques très pieux, très populaires, qu’il est pût conserver longtemps les espèces sacramentelles, la persécution étant sur le point de fermer les églises. , impossible d’englober dans la même condamnation Tout cela était bien fait jxmr surexciter le populaire. ' que les auteurs responsables du schisme. Faudra-t-il, Ilormisdas ressentit vivement l’injure faite ù son I pour une question apres tout secondaire, compro­ mettre l’œuvre d’unité? Et la lettre dc Justinien jetait légat; il demanda (pic Dorothée fût immédiatement un jour étrange sur les procédés employés par l’admi­ déposé ct envoyé à 1 tome pour y êt rc jugé. Jaffé, n. 810; nistration impériale. Ni l’exil, ni le fer, ni le feu Thiel, EpisL·, au. Sa requête ne fut pas agréée. Do­ n’avaient pu avoir raison de l’obstination dc certains rothée, convoqué à Constantinople, pour répondre de Orientaux. Assez de supplices, disait Justinien; ce n’est scs actes, sut intéresser à sa cause des protecteurs puis­ point par les persécutions, par le sang, mais bien par sants. « Il élait parti de Thcssaloniquc avec une somme la douceur qu’on aura raison des rebelles. N'allons d’argent capable d’aveugler, non seulement des point,sous prétexte de gagner les âmes» perdre à la fois hommes, mais des anges. ■ Thiel, EpisL·, eu. Comme il ct les âmes et les corps. Thiel, EpisL·, exx. Et une lettre arrivait d’ordinaire ù Constantinople» for eut raison dc toutes les résistances. Dorothée, exilé d'abord à du 9 septembre 520 s'exprimait avec plus dc fermeté encore : · Dieu vous demandera compte du salut dc 1 léraclée, reçut bientôt l’autorisation de rentrer à tous ceux qui pourraient a présent être sauvés par Thcssaloniquc. En août 520, il écrivait au pape pour se justifier et lui demander dc rentrer dans sa commu­ l’esprit de douceur, > Thiel, EpisL·, cxxxn. Au moment où ccs nouvelles arrivaient ù Rome, les nion. Thlel, EpisL·, cxxviu. La réponse d’I lonnisdas légats avaient quitté la ville impériale (juillet 520) et est intéressante ù signaler; le pape voudrait croire ù l’innocence de Dorothée, il sera heureux dc le recevoir étalent venus rendre compte au pape du résultat dc dans la communion romaine, quand H aura souscrit leur mission. Quelle impression donnèrent-ils ù Hornu formulaire imposé à tous. Jaffé, n. 852; Thiel, EpisL·, mlsdas dc la situation religieuse de 1 Orient; nous no savons. 11 semble pourtant qu’ils n’aient pas suffisantcxxxiv. Et voilà donc un prélat Important, rétabli sur son siège par ordre de l’empereur et qui cependant ment représenté au pontife les difficultés que créaient ses exigences. Toujours est-il qu’l lonnisdas ne dévie n’avait point acquiescé pleinement aux professions dc ment reconnu celui de Constantinople» dont un canon affirmait la prééminence religieuse dc la ville impériale sur tout rodent. Thiel, EpisL·, lxi. Dans la joie du succès on ne remarqua pas ces nuances dont se tem­ pérait la soumission byzantine. La paix religieuse étant rétablie dans la capitale, il s'agissait maintenant de la faire régner dans le reste dc l’empire, à Antioche d’abord, ct puis, si possible, à Alexandrie. Dc Home, 1 lonnisdas, tout en félicitant scs légats dc leur succès ù Constantinople, les pressait d’agir sur l’empereur; en même temps il multipliait les démarches auprès des personnages Influents de la cour Impériale ct du pa­ triarche dc Constantinople» les priant d’unir leurs efforts à ceux de ses envoyés. Jaffé, n. 819-827; Thiel, EpisL·, Lxxix-Lxxxvn. Une chose aussi lui tenait à cœur, le rétablissement immédiat dc certains évêques, évincés de leur siège, ct qui, malgré l'édit récent dc Justin, n’avaient pu se faire rendre justice. Un courrier parti de Home le 2 septembre 519 inondait bientôt lu capitale des requêtes pontiticalcs en faveur dc ces malheureux. Jaffé, n. 830-833, 835; Thlel, EpisL·, 17 ί HORMISDAS 172 soutiens de l’orthodoxie, entretenait les meilleurs rap­ point de la ligne de conduite qu’il s'était tracée : pas ports avec les moines scythes, dont il sc fera l'ardent un seul nom de schismatique dans les diptyques; il ne défenseur. Les écrits de l’abbé Maxence, P. G., sortirait pas de là. C’est ce qu'il annonça à l’empereur t. lxxxvi,coI. 71-158, ne témoignent pas d’un attache· Justin dans une lettre du 26 mars 521. Jaflé, n. 860; Thiel, EpisL, exu « Que le monarque veuille bien per­ I ment quelconque aux doctrines monophysites. Mais en ce milieu on craignait, ou l’on faisait semblant de sévérer dans son désir de l'unité; qu’il ne redoute craindre, que la réaction chalcédonicnne, provoquée point, à l’occasion, de mettre la force au service de la par Justin, ne fit relever la tête aux restes, toujours vérité. On verra bien si l'obstination de ceux qui vivants à Constantinople, de la faction nestorianidéchirent l’unité de l'Église sera plus forte que tous santc. En adoptant l’expression : unus de Trinitate nos désirs de paix. Il y a des blessures devant lesquelles crucifixus, on mettrait en relief l’unité absolue de celui il ne faut pas reculer, puisqu’elles sont infligées pour le salut de l’âme. Et qu'on ne dise pas que nous nous qui avait été engendré de toute éternité, et qui cepen­ dant était mort pour notre salut. montrons plus sévère que nos prédécesseurs. Ce n'est point l’opiniâtreté qui nous engage dans cette voie, En sens inverse, un diacre nommé Victor, qui faisait mais bien les scandales dont nous avons été témoin. > profession de ne connaître que la formule de ChalcéOn notera cette lettre, elle exprime pour la première doinc, attaquait vivement les moines scythes. C’était fois l’apiH‘1 de l'Église au bras séculier pour con­ bien le moment de rouvrir les querelles théologiques î traindre les dissidents. Nous ignorons quelle réponse Mais le sol byzantin était si favorable à ce genre de y firent Justin et son neveu. Ce qu’il y a de certain, produits! On en vint bien vile de part et d’autre à sc traiter d’hérétique. Pour les moines scythes, Victor c’est qu'à la suite de tous les événements que nous venons de raconter, plus de cinquante évêques, dont n'était qu'un nestoricn à peine déguisé; Victor ripos­ tait et accusait scs adversaires de monophysisme. plusieurs fort recommandables par leur science et leur piété, furent déposés et envoyés en exil. Le jour n’était C'est au milieu du premier fracas de ces joutes dan­ pas loin où l’Oricnt prendrait sa revanche de telles gereuses qu’arrivèrent à Constantinople les lég · ; d’Hormisdas. Thiel, Epist., i.xxv, lxxvi. Les ScyL.w-s humiliations. 2° La controverse théopaschile. — Cette question de et Victor voulurent faire trancher le différend par les représentants du pape. Mais la théologie de ces der­ diptyques n’était d'ailleurs pas la seule qui préoccupât niers était un peu courte pour se reconnaître de suite à cette époque les légats d’Hormisdas, Plus graves sans aucun doute étaient les querelles théologiques dans ces arguties byzantines. Avec beaucoup de raison soulevées au même moment par ceux qu'on appelait ils se retranchèrent derrière leur formulaire. Pour être les moines scythes. Elles roulaient tout particulière­ déclaré orthodoxe il suffisait de l'accepter : à quoi bon ment sur la formule : unus de Trinitate passus est. y rien ajouter? On avait le texte de Chalcédoine; il Cette expression ne laissait pas que d'être suspecte était suffisant à dirimor les questions. Ainsi raison­ aux chalcédonicns stricts; et scs origines étaient bien naient les légats, qui dans la circonstance se rencon­ faites pour aggraver les défiances. Cinquante ans traient avec le patriarche Jean. On fit comparaître plus tôt, en témoignage de scs sentiments monophydevant ces deux autorités les Scythes et leur adver­ sltes, Pierre le Foulon, à Antioche, avait introduit saire. Victor déclara qu’il recevait le Tome de Léon dans le Trisagion liturgique l’addition : qui passus es et la lettre synodale de Cyrille. C'est fort bien, dirent pro nobis. 11 voulait signifier qu’une des personnes de les Scythes; mais qu’il ajoute : et unus de Trinitate cru­ la Trinité avait souffert pour nous. Pour qui admettait cifixus. Les légats s'y opposèrent « Ce qui n’est point la formule chalcédonicnne des deux natures dans défini dans les quatre conciles, ni dans le Tome de l'unité de personne, l’expression incriminée n'était pas Léon, nous ne pouvons l’ajouter. > Thiel, Epist., xcvni; plus scandaleuse que le nom de mère de Dieu attribué relation du diacre Dloscorc, 15 octobre 519. a la vierge Marie. Mais quand l'on songe au monophy­ Les Scythes ne se tinrent pas pour battus. Les légats sisme avéré de Pierre le Foulon, on ne peut s'empêcher du pape pactisaient avec l’hérésie; il ne restait plus à de remarquer le danger que créait semblable manière Maxcncc et à scs moines qu’à partir pour Rome et à de parler. On mettait l'accent sur la nature divine du soumettre directement leur querelle au jugement Christ au point de reléguer dans l’ombre sa nature d’Hormisdas lui-même. Ainsi fut fait; dans l’été de humaine, seule capable de souffrir et de mourir. On ΐ 519 les Scythes arrivaient à Rome et ne tardaient pas semblait attribuer à la divinité elle-même les souf­ à remplir la ville de leurs bruyantes accusations contre frances de la passion. Le qui passus es pro nobis était Victor d'abord, puis contre les légats pontificaux, vite devenu dans tout l’Orient le signe de ralliement entraînés dans son hérésie, l lormisdas cependant ne sc de l'opposition anlichalcédonlvnnc. Sans reprendre pressait point de répondre, malgré les Instances pres­ cette formule suspecte, l’Hénotlquc de Zénon conte­ santes que, de Constantinople, lui adressait Justinien. nait une expression apparentée : unus de Trinitate Thiel, Epist., xeix. Il commençait à comprendre que, incarnatus. Autant que la précédente, la formule impé­ sous toutes ces querelles soi-disant théologiques,il v riale était susceptible d’interprétation orthodoxe; elle avait surtout des questions de personnes, et avant de n'en élait pas moins devenue la tessère du monophy­ prendre une décision, il n'était pas fâché d'entendre sisme modéré. Plus tard, quand l'empereur Anastase les impressions que de Constantinople lui rapporte­ avait accentué sa rupture avec l’orthodoxie, une raient scs légats. Lettre à Justinien, mars 520, Jaffé, expression rappelant plus clairement les idées de n 816; Thiel, Epist., exil. Et comme les Scythes, Pierre le Foulon avait été mise en circulation. L'on mécontents des lenteurs romaines, avalent essayé de disait couramment dans les milieux monophysltcs fuir, le pape les avait fait surveiller plus étroitement. de la capitale : unus de Trinitate crucifixus. Et l'adop­ Lettre aux légats, décembre 519, Jaffé, n. 810; Thiel, tion de cette formule dans la liturgie constantinopo- Epist., cm. litainc avait causé dans le public orthodoxe une révo­ Les légats avaient quitté Byzance en juillet 520; ils lution véritable. Le terme s’était maintenu néan­ étaient porteur» de lettres adressées nu papo par tout moins Ce fut seulement à l’avènement de Justin que ce qu’il y avait dans la capitale de personnages impor­ l'on songea à l’abroger. Mais juste à ce moment il lui tants. Dans tous ces documents l’on insistait beaucoup survint des défenseurs bien inattendus dans la per­ sur l'urgence qu'il y avait à arrêter la querelle des sonne des moines scythes et de leur abbé Maxcncc. Ce moines scythes. Justinien, qui déjà s'exerçait au mé­ milieu ne pouvait guère être soupçonné d’hostilité tier de théologien, discutait la formule de Maxence et à la foi chalcédonicnne. Vitaiien, un des plus fermes j proposait à son tour ses vues personnelles. Il lui sein- 173 HOB MISDAS Mail que l’expression : unus In Trinitate avail moins d'inconvénients que les mots : unus ex Trinitate, sur­ tout si on ne les faisait pas précéder du nom de Jésus: Sicut tnim vitietur ambiguum dicere simpliciter unum de Trinitate non praemissa nomine Domini nostri Jesu Christi, sic ejus personum in Trinitate cum Pairie Spiri­ tusque Sancti personis non dubitamus esse, cl il alléguait des textes augustiniens qui lui paraissaient confirmer sa manière de voir. Thlel, Epist., cxx. Quelques se­ maines plus tard, l'impérial théologien revenait sur la question : Nobis videtur quoniam Filius Det vivi, Dominus noster Jesus Christus ex virgine. Maria natus, recte dicitur unus in Trinitate cum Patre Spirituque Sancto regnare, majestatisque ejus personam in Trini· tale et ex Trinitate non infideliter credimus. Thiel, Epist., cxxxn. Le même courrier transmettait à Home une profession de foi des Églises de Jérusalem, d’Antioche cl de Syrie, que l'empereur Justin faisait tenir au pape. Elle débutait par une affirmation relative à la Trinité, une seule essence en trois personnes. Elle interprétait ensuite la formule chalcédonicnne de l’unité de per­ sonne en fonction de la formule t fini taire. « I>e concile, disait-elle, a proclamé que Dieu le Verbe est une seule substance ou personne (ce qui est la même chose) en deux natures, la divinité et l'humanité, sans division ni confusion, et Notre-Seigneur Jésus-Christ est donc l’un de la Trinité sainte et consubstantielle, » ce que la profession de foi exprimait encore en ces termes : Deus Verbum incarnatus est et homo factus est unus ex sancta et unius essentiæ (όμοουσίω) Trinitate secundum filia­ tionis proprietatem. Ainsi l’autorité impériale semblait prendre la défense d’une formule étroitement appa­ rentée à colic que préconisaient les moines scythes. 1 lormisdas était dans le plus cruel embarras. Ses légats lui représentaient la formule scythe connue une concession au monophysisme expirant. Un évêque africain, Possessor, qui sc touvail à Constantinople depuis 517, n’était pas loin de partager les mêmes idées. Une lettre de lui, reçue à Borne le 18 juillet 520, soulevait en outre une difficulté d’un autre genre. Dans le camp scythe on discutait beaucoup, en dehors des questions christologiqucs et Irinitaires, les graves problèmes soulevés par la controverse pélagienne. Comme l’on voyait partout des nesloriens, l’on décou­ vrait partout aussi des partisans do Pélage. Les livres de Fauste de Riez relatifs ù la grûcc étaient soumis Λ une critique pénétrante qui y relevait des attaches suspectes. Possessor, interrogé, n’avait pu que déclarer que les livres de Fauste, n’étant pas canoniques, n’exprimaient pas après tout la doctrine officielle de Borne. Sur tous ces points Possessor demandait une prompte réponse. Thiel, Epist., cxv. C’est lui qui reçut le premier les confidences d’I lor­ misdas. Une longue lettre, écrite le 13 août 520, hd narrait tous les déboires que l’obstination des moines scythes avait causés au pontife. 1 lormisdas n’était pas tendre pour ces moines brouillons et querelleurs, contempteurs des autorités traditionnelles, sans cesse en quête de nouveautés, et prétendant linjxiserpartout leur sentiment. N'avaient-ils pas été jusqu’à vouloir provoquer dans Borne un mouvement populaire, en placardant sur la statue de 1’einpercur leurs protesta­ tions contre les nesloriens, et sous celle dénomination Injurieuse ils voulaient désigner les légats mêmes du pontife. Le pape suspendait encore son jugement sur le fond de l'affaire, mais il était dès lors facile de voir en quel sens il pencherait. Quant aux questions soule­ vées autour des livres de Fauste, la sagesse romaine refusait de s’engager. Fauste n’avait jamais été offi­ ciellement approuvé par l’Église, mais on n’avait pas canonisé non plus toutes les théories d’Augustin. Le seul acte qui engageât Home, c'était la condamnation portée par le pape Célestln cl conservée aux archives; I I 1 I 174 il serait toujours possible de se référer au texte authen­ tique. De arbt'rio tamm libero et gratta Del quid ro~ mana, hoc est catholica, sequatur et servet Ecclesia, lied in variis libris beati Augustini et maxime ad Hilarium et Prosperum possit cognosci, tamen et in scriniis eccle­ siasticis expressa capitula continentur, qua, si tibi desunt et necessaria credis, destinabimus. Jaffé, n. 850; Thiel, Epist., cxxiv. En possession de cette lettre, l’évêque africain ne sc priva pas de faire en tous lieux un portrait peu flatté des Scythes. Il raconta leur échec à Rome et Maxcncc lui-même sc chargea bientôt de confirmer les dires de Possessor. Sa rancune contre Rome s’exhala dans un long pamphlet qui nous est conservé, P. G., L lxxxvi, col. 93-111. Il commençait par contester l’authenticité de la lettre pontificale, mise en circula­ tion par l’évêque africain. Comment serait-elle d'un évêque, une lettre où il n’y a nulle lumière, nul ensei­ gnement, où l’on ne trouve que récriminations et plaintes sans aucune réponse aux questions posées? Ayant ainsi justifié d'avance toutes scs critiques, Maxcncc reprenait point par point tous les termes du soi-disant document pontifical et en faisait une cri­ tique amère. Seul un hérétique pouvait ainsi prendre la défense de Dioscorc, dont le nestorianisme était flagrant. Le pape lui-même eût-il déclaré de vive voix que l'on ne pouvait appeler le Christ Fils de Dieu, unum ex sancta et individua Trinitate, l’Église de Dieu ne pourrait le suivre; un tel pape ne serait plus l’évêque universel, mais un exécrable hérétique. Loin de nous, continuait le factum, la pensée d’attribuer pareil lan­ gage à l'évêque de Rome. Puis il entreprenait de défendre la conduite des moines. Ce qu’on appelait obsti­ nation n’était chez eux que zèle ù défendre la vérité, à faire prévaloir une formule exacte à l’encontre d’ex­ pressions hérétiques et fautives. Les troubles qu'on les accusait d’avoir excités dans la capitale, la responsa­ bilité en retombait sur tes policiers dont la brutalité les avait contraints à invoquer la protection de l image Impériale. Le tout se terminait par la critique du juge­ ment rendu par I lormisdas dans la question de Fauste. Fallait-il même parler de jugement ou de réponse? La lettre à Possessor n’était qu’un ramassis de propos sans suite, sans autorité et en dehors de la question. Maxcncc. lui. avait pris la peine d’étudier le livre incri­ miné et ù l’appui de sa condamnation il alléguait de nombreuses citations empruntées justement aux par­ ties qu’avait lues l'évêque africain. Nous ne savons si 1 lormisdas eut connaissance immédiate de l’impertinente réponse de Maxence. Toujours est-il que, le 25 mars 521, il adressait à l’em­ pereur Justin son jugement motivé sur la controverse théopaschite. Une lettre parallèle était adressée au nouveau patriarche de Constantinople, Épiphane. Le pape défendait de faire autre chose que répéter les enseignements de Léon et de Chalcédoine. Ces formu­ laires suffisaient amplement â définir la vérité. Π critiquait ensuite vivement l'expression des Scythes. Elle avait un double inconvénient : elle pouvait donner à croire aux esprits simples qu’il y a plusieurs dieux; que la divinité, impassible par nature, a pu endurer les souffrances de la passion. 11 fallait sauvegarder avant tout l’unité de l'adorable Trinité, unus (sic) est sancta Trinitas, non multiplicatur numero, non crescit aug­ mento. Pourquoi d’ailleurs vouloir chercher à péné­ trer ce mystère? Adorons en toute humilité l’indivi— siblc essence, respectons le caractère de chacune des personnes et les propriétés qui les distinguent. Le propre du Père est d’engendrer te Fils; le propre du Fils est de naître du Père; le propre du Saint-Esprit est de procéder Λ la fois du Père et du Fils. Mais c’est aussi le propre du Fils de s’être fait chair et d’avoir habité parmi nous. Unissant dans une même personne 175 HORMISDAS — HORNES les deux natures divine et humaine, le même Fils de Dieu est donc à la fois Dieu et homme. Ce n’est point, comme les infidèles le disent, une quatrième personne qui s’ajouterait aux trois autres; mais c’est le Fils même de Dieu qui est à la fois Dieu et homme. Toute la réponse revient, en dernière analyse, à savoir distin­ guer ce qui est de l’essence divine, ce qui est le propre des personnes. Salis est caoere ita proprietatem et essen­ tiam cogitandam ni sciatur quid persons, quid nos oporteat deterre substantial ; quæ qui indecenter ignorant aut callida impietate dissimulant, dum omittunt quod sit proprium Filii, trinæ tendunt insidias unitati, Jaffé, n. 857» 861 ; Thlcl, Epist., cxxxvn, cxli. En d’autres termes, l'incarnation, les souffrances, la mort du Fils de Dieu sont des propriétés personnelles de la seconde hypostase, la formule scythe, trop brutale» semble vouloir les rapporter à l’essence meme de la Trinité. Elles sont le fait de la seconde personne, qui a assumé une nature humaine; la formule scythe a l’inconvé­ nient de sembler les rapporter à la nature divine. Les expressions d’Hormisdas n’étalent peut-être pas d’une lucidité admirable; du moins elles déclaraient nette­ ment qu’il n’y avait pas lieu de reviser les décrets de Chalcédoinc et d’y introduire de force une formule suspecte par ses exigences, par sa teneur même et peut-être par l’esprit de ses défenseurs. Quinze ans plus tard, un des successeurs d’Hormisdas, Jean II, eut la faiblesse de laisser rouvrir bien imprudemment cette controverse. Il ne se doutait pas des misères qu’une telle attitude causerait un jour à l’infortuné Vigile. S’il eût imité la ferme réserve d’Hormisdas, bien des discussions et des luttes eussent sans doute été évitées. Du moins, cette attitude d’Hormisdas retarda-t-elle de quelques années la réouverture des querelles. A partir de 521 il n’est plus question dans la correspondance du pontife de la controverse théopaschite. III. Son activité en Occident. —Ce n’était point le? querelles théologiques qui préoccupaient à ce moment ks évêques occidentaux; il s’agissait surtout de façonner au catholicisme les barbares païens ou ariens qui s’installaient de tous côtés sur les ruines de l’empire romain. Le saint-siège eut à cœur, pendant toute cette période, de dinger autant que faire se pouvait l’épiscopat d’Occidcnt dans sa rude tûche. Hormisdas s’y employa à l’égal de scs plus illustres prédécesseurs. L’Espagne chrétienne commençait à se réorganiser après l’invasion wisigothique. Rien ne contribuerait davantage à cette réorganisation que l’action d’évêques énergiques représentant le siège apostolique cl s'occu­ pant à promouvoir les réformes rendues nécessaires par les circonstances. Le 2 avril 517, Hormisdas déléguait à Jean, évêque d’Illicitum (d’autres textes lisent Tarragonc), les pouvoirs de vicaire du siège apostolique pour l’Espagne du Nord, et lui envoyait les constituta gene­ ralia qu’il devait faire appliquer partout. Ces ordon­ nances rappelaient les règles relatives aux ordinations, insistaient sur l’honorabilité à exiger des ordinands, interdisaient les ordinations per saltum, prohibaient la coutume qui commençait à s’introduire d’ordonner des pénitents. Il fallait sauvegarder le principe de l’élec­ tion des évêques, éviter tout ce qui pourrait dans ces délicates matières ressembler à de la simonie. Enfin, la célébration régulière des conciles provinciaux était recommandée comme le plus sûr moyen de restaurer la discipline. Jallé, n. 786, 787, 788; Thiel, Epist., xxiv-xxvi. En 521, Hormisdas envoyait des instruc­ tions du même genre à l’évêque Sallustus à Séville, qu’il créait son vicaire pour les provinces de Bétique et de Lusitanie. Il devrait sur tous les points signalés envoyer un rapport exact au saint-siège. Jaffé, n. 855, 856; Tiiiel. Epist., cxlii, cxlhi. 17G En Gaule, on constate des efforts du même genre. On cite une lettre d’Hormisdas ù saint Remi de Reims, lui confiant le soin de le représenter dans tout le royaume do Clovis. Jaffé, n. 866. Mais il y a toutes chances que celte lettre soit un faux, destiné à soutenir les revendications postérieures des archevêques de Reims. Au contraire, l'authenticité des lettres adressées par Hormisdas à Cesaire d’Arles cl ù Avit de Vienne ne saurait être contestée. Jaffé, n.777,784, 864;’lhicl, Epist., lx, xxii, cl. On y voit lo pape s’intéresser aux fondations entreprises par ces évêques do Provente. Au mémo moment l'Église d'Afrique, si durement traitée par les Vandales, commençait à respirer. Le Liber pontificalis signale sous Hormisdas la restaura­ tion de l’épiscopat catholique en Afrique. Cet te restau­ ration eut lieu immédiatement après la mort du roi Trasainonde, 28 mai 523. La nouvelle put en parvenir à Rome avant la mort d’Hormisdas, qui eut lieu le 6 août do cette même année. Hormisdas avait siégé neuf ans et dix-sept jours. 11 avait été un administra­ teur et un diplomate habile, ferme avec cela et ne se laissant entraîner à aucune compromission. On doit le compter parmi les pontifes qui ont revendiqué avec 10 plus de succès et d'énergie la suprématie doctrinale et politique du siège romain. Jaffé, Regesta roman, pontificum, 2* édit., Leipzig, 1885, t. >, p. 101-100; Thiel, Epistola: romanorum pontificum, t. i,p.733-1006(donne la mcillcurcéditiondes Icttrcsd'Hormisdas et de scs correspondants) ; P./..,t. lSuii.coI. 367sq. (lo texto est généralement médiocre); Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. I, p. 98-105, 269-274; Baronlus, Annales ecclesiastici, édit. Thclner, Bar-le-Duc, 1867, t. i.x, p. 132317; Smith etWacc, zl dictionary o/ Christian biography art. Hormisdas, t. lit, p. 135-161. Sur le décret dit quelquefois d’Hormisdas, et qui est éga­ lement attribué ù Gélase et à Damasc, lo dernier travail, annulant tous les précédents, est celui de von Dobschûtz, Das Decretum Gelasianum de libris recipiendis et non red· plendis, tax kriilschen Text heraitsgcgcben und untcrsucht, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1912, t. xxxvm, fasc. 4. 11 a été discuté de très près par dom Chapman,On the Decretum Gelasianum de libris recipiendis et non reci­ piendis, duns la Revue bénédictine, 1913, p. 187-207,315-333. Voir aussi la Revue biblique, 1913, p. 602-60S. E. Amann. HORNER Grégoire, bénédictin autrichien, né à Laufen le 19 novembre 1689, mort le H mars 1760. Proiès de l’abbaye de Notre-Dame de Glcink, il fut ordonné prêtre en 1712. Pendant deux années, de 1716 à 1718, il professa la philosophie ù l'université de Salzbourg, et fut ensuite rappelé à son monastère pour y exercer la charge de prieur. En novembre 1726, 11 revenait à l'université de Salzbourg pour y enseigner la théologie morale et en 1732 en devenait le recteur, dignité à laquelle il renonça en 1740. Lorsqu’il mourut, il était confesseur des bénédictines de Nonnberg. Dom Grégoire Horner publia: Qiurstioncs sclectæ in decem categorias Aristotelis, in-4 °, Salzbourg, 1718; Prima fidei catholicos principia ftixta seriem in sacra ejusdem fidei professione occurrentem contra Lutherl sectatores methodo polrmico-schotastica succincte tradita et explicata, ln-8°, Salzbourg, 1735. Il y enseigne l’infail­ . libilité pontificale. Zicgcîbaucr, Historia ret literarlo! ordinis S. Benedicti, t. iv, p. 131; [dom François], Bibliothèque générale des écrivains de Γordre de Salnt-Brnott, t. i, p. 509; Scriptores · ordinis S. Benedicti qui fuerunt in imperio Auitriaco-Hun· garico, in-i·, Vienne, 1881, p. 198; Hurter, Nomenclator, 1 Inspruck, 1910, t. iv, coi. 1380. B. Heubtebize. HORNES (Arnould do), né dans le comté dont il portait le nom, gouverna le diocèse et la princi­ pauté de Liège pendant dix ans.de 1379 à 1389. Il suc­ cédait à Jean <Γ Arckcl et. comme lui, il avait d'abord I occupé le siège épiscopal d’Utrecht. A la mort de Jean 177 HORNES — HOSIUS d’ArckclJe chapitre de Saint-Lambert avait j>orté scs suffrages sur la personned'Eustachc Pcrsyndc Roche­ fort; mais cc choix, accepté par Clément Vil. pape d'Avignon· se heurta à l'opposition d'Urbain VI, qui désigna de Homes. 1^3 grand schisme d'Occident ve­ nait précisément d’éclntcret commençait à produire ses naturels cl lamentables effets. Fort de l'appui du pon­ tife romain, Arnould crut néanmoins plus opportun de ne prendre provisoirement que le litre de < mambour » ou mainbour, c'est-à-dire d'administrateur; et, après avoir désigné son frère Louis pour gérer les affaires en son nom, il alla rejoindre scs premiers diocésains. Alors les Liégeois, comme mus par un sentiment de jalousie, le rappelèrent au milieu d'eux. Sa situation, ainsi conso­ lidée, fut définitivement assurée quand il eut obtenu de l’empereur Wenceslas des lettres de confirmation. Nommé en 1381 cardinal-prêtre par Urbain VI. il déclina cette haute distinction, sans que nous puissions dire quel fut le motif de son refus. D'ailleurs d’un carac­ tère doux et plutôt conciliant, sachant faire au besoin de nécessité vertu, il semble qu’il ait eu par là même moins à souffrir des difficultés qu’avaient rencontrées plusieurs de scs prédécesseurs et contre lesquelles ils s’étalent inutilement butés. C'est ainsi qu’on vit, sous .son gouvernement, les progrès de la démocratie s'accentuer toujours. La principauté de Liège, qui comprenait alors le Condroz, la Hesbayc, le comté de Looz, le marquisat de Franchimont, la seigneurie de Bouillon et l'Entre-Sambre-et-Meuse, s'organisa en une sorte de république fédérative. En 1381, les pa­ triciens renoncèrent à tout privilège dans les élections. Par reconnaissance, aux élections de cette année, on choisit pour bourgmestre un membre de la noblesse, Fast ré de Lardicr, mais le conseil fut composé entière­ ment de gens du peuple; et l’année suivante, il en fut de même des bourgmestres. Désormais tous les droits furent concentrés dans la bourgeoisie, et pour y parti­ ciper, les nobles se trouvèrent obligés de sc faire inscrire sur la liste des métiers. Le pouvoir souverain, qui jusque-là avait appartenu à l’épiscopat et à l'aristo­ cratie, passa aux mains de la nation représentée par les trois états, les petits métiers étant appelés à voter comme les grands» les ouvriers comme les maîtres, et les apprentis même ayant droit devote. On put voir là, en plein moyen Age. quoique chose d’analogue à un essai de suffrage universel. Le çonseil de la cité épisco­ pale comptait à lui seul plus de 200 membres. L'évêque oonsentit-il de bon gré à ces arrangements, ou fut-il moralement contraint d'y souscrire, on 1 ignore. Cc qui est certain, c’est (pic Liège présentait en ce moment l'image de la plus complète égalité qui se soit rencon­ trée jamais. Michelet a souligné cc fait avec complai­ sance. Mais il aurait pu ajouter que les meilleures choses ont leurs inconvénients, car < multitude en­ gendre confusion », commo disait déjà à ce propos un contemporain, Jacques de Ilemricourt; et lorsque la fièvre démocratique est montée à un certain degré, il est bien difficile de faire entendre aux foules la voix de la raison et de la modération. Ces vérités d’expé­ rience allaient recevoir bientôt des événements une nouvelle cl éclatante confirmation, par les troubles qui éclatèrent sous Jean de Bavière, successeur immédiat d’Arnould, et par les massacres dont ils furent l’occa­ sion. Le 12 octobre 1386, Arnould de Mornes pro­ mulgua la loi organique connue sous le nom de muta­ tion de la paix de Waroux. Cette loi réglait sagement plusieurs points relatifs aux testaments et aux con­ trats de mariage, reconstituait la cour allodiale sur des bases plus larges, et fixait dans la capitale le siège de la cour féodale, antérieurement ambulatoire. Cc fut le dernier acte politique d’un prélat sage cl modéré, qui mourut, le 8 mars 1389, emportant dans la tombe les regrets des Liégeois. | 178 Polaln, Histoire dr Pancienne princlpaaU de Liège, 1844, t. n, p. 182; Naméche, Cours d'histoire nationale, Bruxelles, 1856, t. v, p. 1077-1078; Kurth, Im cité de Liège au mogen âge, Bruxelles, 1910. t. u et ni; Alph. Le Roy, art, Am. de Homes, dans la Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, 1886-1887, t. ix, col. 491-192. J. FonoCT. HORRY Claudo, canoniste, protonotaire apos­ tolique cl procureur en l'officialité de l’archevêché de Paru, mort dans la premiere moitié du χνιτι· siècle» est auteur des ouvrages suivants: /> parfait notaire apostolique tt procureur des offlcialilés, in-1· Paris 1688; Observations sommaires sur Ils édits et déclara­ tions de nos rois louchant la célébration du mariage qui renferment toutes les formalités requises pour la célébration du mariage par les édits declarations et ordonnances de nos rois, et arrêts rendus en exécution jusqu'en ce jour par les cours souveraines, d plusieurs questions importantes sur la question du mariage, in-1®, Paris. 1692; Institution d la pratique bénéjïciale et ecclésiastique, in-1 °, Paris, 1693; Nouveau traite du mariage chrétien [ail stlon les lois de Γ Eglise d les ordonnances de nos rois, avec des notes sur l’édit du roi en réglement du mois de mars 1697, ln-12, Paris, . 1700; Pratique civile des ofjîciatitcs ordinaires, foraines d privilégiées, d autres cours d juridictions ecclésias­ tiques, accommodée aux ordonnances du roi de 1667 d 1670, ensembleaux édits et déclarations de Sa Majesté, arrêts de ses conseils d de ses parlements, contenant toutes les compétences attribuées ά la jurisprudence ecclésiastique, par l’édit de 1695, in-4®, Paris, 1703; Traitédc la juridiction ecclésiastique, 2 in-4 ®, Paris, 1763. Quérnrd, La France littéraire, L iv, p. 140; J. Fr. von Schulte, Die Geschichte der Quellrn und Litcratur des cano~ nischen Hechts, in-8·, Stuttgart, 1880. t. m. p. 614; Hurler, Nomenclator, ïnspmck, 1910, L îv, coL 586. B. Hecrthbize. HOSIUS— forme latinisée du polonais HOSYJUSZ.de l’allemand HOSZ —Stanislas, naquit à Cracovie le 5 mai 150-1. Son père était directeur delà Monnaie et procurateur de la ville de Vilna. C’est là qu'il fut élevé et qu’il apprit le polonais, l’allemand et le latin. Il entra à l’université de Cracovie le 29 août 1519. Dès la fin de l'année suivante, ü était reçu bache­ lier. Tout en continuant scs études, il devint précep­ teur des neveux de l'évêque de Cracovie Tomlcki, puis son secrétaire. En même temps, il dirigeait l’édu­ I cation de quelques jeunes gens appartenant à la no­ blesse polonaise. Il s'exerçait déjà aux belles-lettres et publiait, à la mode du temps, des épigrnmmes latines en tète ou à la fin d'ouvrages qui paraissaient alors en Pologne. En 1523. il présente de cette façon le Judicium aslrononucum de Nicolas de Sliradek; l’année suivante^ le Judicium majus de Jean de Plonlk et le De bello inferendo Tureis oratio, de Philippe Callimaque-Buonaceorsi. A la fin de cet ouvrage, sc trouvent quelques vers de Hosius à la louange de Tomicki. En 1525, il présente au public un nouveau travail de Nicolas do Shradck, Judicium astronomie cum, et la lettre de Critius « Krzyki, Ad /. O. Pulleo· nem de negotio Prutenico epistola. Tous ces écrits se rapportent aux sciences ou à la politique. Mais, dès 1526, Hosius prend une direction qu’il n’abandonnera plus. Un imprimeur de Cracovie, Victor, public une édition du livre d’Érasme, qui vient de paraître, llu· peras pistes. Diatribe adversus servum arbitrium Mar­ | tini Lulheri. Hosius lui donne comme préface un petit poème In Luthcri admiratores, et comme épilogue une épigramme In Lutheri sectatores. L'année suivante, Krzyki publiait un court ouvrage de polémique contre Luther sous le titre De afflictione Ecclesia. Hosius le félicitait, dans deux petits poèmes imprimés comme conclusion, de sa lutte contre · le sanglier de Calydon ». 11 sc chargeait lui-même de publier Des. Erasml 179 HOSIUS Roterodami epistola ad inclytum SigUmundum regent Poloniir, avec une épigramnie de sa façon comme pré­ face. En 1523, il donne libre cours à scs talents poé­ tiques et à sa piété dans In psalmum quinquagesimum paraphrasis Slanislai Hosti curmine conscripta. Le poème est perdu, il ne reste que l’épigramme qui l’introduit et la lettre préface à Tomicki. La même année, il publiait le texte grec, avec traduction latine, d’un petit traité de saint Chrysoslome : Joannis Chrysostomt comparatio regiæ potestatis, divitiarum et nobilitatis cum monacho qui cum ocra et Christiana philosophia familiaritatem habet. L'ouvrage est dédié par une lettre-préface à Tomicki. Tous ces essais de jeunesse sont dans la plus pure ligne érasmicnne. Le titro du dernier est particulièrement significatif à cet égard. Enfin, en 1529, il édite, avec une préface de sa main, le livre de Krzyki, devenu évêque de Plock, De ratione et sacrificio missa:. Ses talents l’avaient désignéù l’attention dcTomickl, qui était devenu son protecteur déclaré. 11 le gra­ tifia en cette année des revenus de deux bénéfices pour lui permettre d’aller en Italie achever sa forma­ tion. I losius passa l’année 1530 à Venise et à Bologne. 1 L’année suivante, il était proclamé doctor in utroque fure en cette dernière université. En 1532, il visite Padouc, où il sc lie avec l’humaniste Bonamlco. Il revient à Bologne et y fait connaissance de l’histo­ rien Guichardin et d’une série de futurs cardinaux, Campeggi, Otto Truchscss, Christophe Madruzzo, Reginald Pole. Au cours de 1533, il retourne en Pologne et reprend son poste de secrétaire auprès de > Tomicki, qui l'initie» à Cracovlc, aux secrets de l’administration diocésaine. Mais Tomicki meurt le 29 octobre 1535. C'est probablement peu de temps après que J losius compose la Vita Petri Tomidi, éditée pour la première fois en 1879, par Hipler et Zakrzcwsjki, dans la collection de ses lettres. En tout cas, en 1536, il publiait une Elegia in obitum Petri Tomidi episcopi Cracouiensis, dans laquelle il payait sa dette de reconnaissance envers son bienfaiteur. 11 entre alors comme secrétaire au service de Jean Choinskl, évêque de Plock, vice-chancelier de Polognc. Des honneurs et des bénéfices viennent récom­ penser ses vertus et scs talents. Il est nommé chanoine de Fraucnbourg dans l'Ermland (Varmie) en 1537, de Cracovlc en 1540, de Sandoinir en 1512. En même temps il reçoit les cures deGolobic et dcRadlov, que, du reste, il n'occupa point personnellement. Il est or­ donné prêtre en 1543. Par l’intermédiaire de Choinski, il connaît Maciejowskl, évêque de Cholm, alors tout puissant dans les conseils du roi de Pologne, Sigismond l'Ancien. Sur sa recommandation, il devient secrétaire royal en 1538. Il s’occupe alors des affaires d'administration temporelle, dans lesquelles il révèle scs talents politiques. En 1539, il édite et dédie à Madcjowski le Carmen paratndicum ad C. Allio pa­ gum, de l’ami de Copernic, Dantlscus, qui venait d'être nommé évêque de l’Ermland. Cf. F. Ilipler, Des ermlândischen Bischofs Johannes Dantiskus und sdnes Freundes Nikolaus Kopernikus gdstliche Gedichle. Munster, 1857. I.a lettre-préface trace un por­ trait ideal de l'évêque digne de son auteur et montre ses soucis humanistes en même temps que sa piété. Cependant les idées nouvelles commençaient à pénétrer en Pologne et sc répandaient dans le clergé. Le du pitre de Cracovlc, dont Hosius faisait partie, comptait dans son sein des chanoines qui Inclinaient aux idées protestantes ou tout au moins à des idées de réforme peu compatibles avec la doctrine catholique. Hosius, en 1515, fut désigné comme inquisiteur pour juger plusieurs de scs collègues inculpés d'hérésie. L'évêque de l'Ermland, Dantlscus, lui envoyait à ce propos l'ouvrage de Filippo Archlnto, P. Archintl ISO Christiana de fide et sacramentis explanatio. Hosius s'empressa de le publier. 11 ' trouve des lors en con­ tact avec un de ses collègues do la secrétaircric royale, dont les idées réformatrices devaient provoquer scs principaux ouvrages. Andreas Fridus Modrevius — Modrzewski — avait publié à Cracovlc, en 154G, ù propos de la question alors débattue do l'envoi au concile de Trente de délégués polonais, un discours qui avait fait grand bruit, Ad regem, pontifices, pres­ byteros d populos Polonlæ et reliquat Sarmaliæ oratio A. Fricii Modrcvii de legatis ad concilium christianum mittendis. Il y soutenait, entre autres choses, que l’Église pouvait errer. I losius ne pouvait laisser passer une pareille affirmation. Dans ses lettres de cette époque, dont quelques-unes sont de petits traités, il combat vivement les doctrines de son collègue. Elles avaient pourtant grand succès dans le clergé et la noblesse de Pologne, et même auprès du prince héri­ tier. Aussi l’avènement prochain de celui-ci annonçaitil des difficultés aux catholiques. En eilet, Slgismond l’Ancien mourait en 1548. Ce fut Hosius qui composa son oraison funèbre, puis le discours d’avènement do ;Sigismond-Auguslc et la réponse que l'évêque de es diacres Il fait la même tentative auprès d’Auguste de y furent employés de bonne heure par lui; ils eurent Saxe. Mais, un nouveau péril menace la religion en pour les seconder les diaconesses. Tout se faisait sous Pologne. Sigismond-Auguste meurt, en 1573, sans la responsabilité épiscopale. I-cs membres de la com­ laisser d’héritier. La question de la succession au munauté infirmes ou indigents en profitaient ainsi que tronc provoque des intrigues de toutes sortes. La ques­ les chrétiens des Églises voisines, qui étalent en voyage tion religieuse n'y est pas étrangère. Les nobles pro­ munis de lettres de communion. La domus eeclesiæ ne testants concluent un pacte pour exiger du candidat suffisait pas toujours aux exigences de ce service; dans qui sera choisi une extension de la liberté religieuse. ce cas, l’évêque et le premier des diacres prenaient leurs C’est la célèbre confédération de Sandomir. Avant mesures. Nous sommes très mal renseignés sur le fonc­ même que l’élection ait lieu, Hosius cherche à rendre tionnement de cette charité chrétienne durant les per­ vaine celle manœuvre. Puis, quand le duc d’Anjou sécutions. L’édit de Milan permit de l'exercer au grand est élu, il intervient auprès de lui pour le dissuader jour (313). L’Église eut le droit de jiosséder, d acquérir, de souscrire au pacte de Sandomir. Il publie à cette d’administrer scs biens et de recevoir des legs. On la occasion un Examen sive excussio articuli confoedera­ vit aussitôt prendre Λ sa charge les œuvres d’assistance tionis serenissimo Henrico Poloniæ regi per hxrdicox Comme ses moyens ne lui permettaient pas d’y faire ad approbandum propositi, puls bientôt après, une face, Constantin lui fit remettre des rations de blé pour Altera excursio ejusdem confoederationis. D’un autre les distribuer aux pauvres. Valentinien et Marcicn côté, il intervenait auprès du cardinal de Lorraine, de renouvelèrent ces générosités (454). Les évêques l’évêque d'Angers, Guillaume Ruzé, confesseur du exhortaient les familles riches à faire part de leur roi. Il recevait de Papyre Masson, ù cette occasion, fortune ù ceux qui manquent de tout. Il fut possible une Epistola ad Stanislaum Osium cardinalem, publiée d’assister les indigents qui affluaient dans les villes, en 1574 sous le pseudonyme de P. N amussio auctore. de recueillir les orphelins, de racheter les captifs, de Mais ses clforts furent vains. Henri III souscrivit soulager de nombreuses misères. Les diaconia ser­ l'article de Sandomir. Cette souscription n’eut du vaient à ces distributions de secours. reste aucune conséquence. Et quand le roi sc fut Les établissements hospitaliers ne tardèrent pas ù enfui de Varsovie, et qu’Éticnnc Bathory eut été sc multiplier en Orient. Du moins, la littérature ecclé­ élu pour le remplacer, Hosius insista longuement au­ siastique, qui est particulièrement abondante dans ces près de lui pour lui faire accepter les décisions du contrées, ne laisse pas ignorer leur existence. Ce furent synode catholique de Plotrkow, en 1577. C’est l’objet les xenodochia, destinés aux voyageurs et aux étran­ des dernières lettres du cardinal. Il mourut à Caprugers sans ressource; les nosocomia, où étalent reçus nica. le 5 août 1579. Son secrétaire Reszka — Resci us les malades; les gerontocomia, ou asiles de vieillards, et — nous a laissé, dans une lettre adressée au neveu de les orphanotrophia ou orphelinats. Ces institutions Hosius, un récit pathétique de scs derniers moments. sont considérées comme biens d’église; leurs adminis­ trateurs sont placés sous la juridiction ecclésiastique. Les sources principales de în biographie de Hosius sont Les empereurs ne s’en désintéressent pas cependant; ses œuvres et surtout scs lettres. Parmi les éditions de scs ils encouragent et ils donnent des secours: mais il Opera omnia, toutes incomplètes, il faut citer 1rs trois sui­ ne leur vient pas à l’esprit do dépouiller l’Eglise du vantes ; Paris, 1562 ; Venise, 1573, et surtout Cologne. 1584. La correspondance sc trouve dans Stanislai 1 iosii... Epistola·, monopole des services hospitaliers. Justinien l ’a fortifié publiées par F. Ilipler et V. Zakrzcwski, Cracovic, 1879, et consacré par sa législation. t. i; 1886, t. n. Cette publication vn seulement jusqu'en Ιλ situation fut la même en Occident. lai différence 1538. Pour 1rs lettres postérieures, il faut consulter l'édition de condition tient ù la disparition de l’empire. L’Église des Opera de Cologne, t. n, p. 145-453. Elle en renferme se trouva beaucoup plus seule en présence des malades 276. qui appartiennent surtout A la dernière période de la et des indigents. Le rôle des évêques devint prépon­ vie do Hosius. Elle est très défectueuse, surtout pour les dérant. Au temps de saint Grégoire Ier, la papauté dates. Sa légation Λ Vienne n été publiée' par S. Stclnhcrz, Nunliaturberiehtc aus Deutschland, II· part., !·· vol.» assuma ce qu’on pourrait nommer la direction uni­ Vienne, 1870. Sa correspondance comme légat du concile verselle de l’assistance publique. Les successeurs de de Trente se trouve dans J. Susta, Die riimtsche Ear le und ce pontife ne purent remplir cette mission. Chaque das Konzil von Trient tinter Plus IV, Vienne, 190-1, t. i; Église particulière pourvoyait elle-même aux néces­ 1909, t. ii; 1911, t. ni; 1914, t. iv. Sa biographie n été sités locales, les princes barbares gagnés ù la foi écrite pnr son secrétaire S. Heszkn — Résolus, De Stanislai chrétienne les secondèrent. Le elergé reçut des dona­ Hosti vita, Rome, 1580, réimprimée par HiplcrctZakrzcwsld tions A cet te fin. On commençait Asavoir que les pauvres dans le 1.1 des Epfrtolic Elle n été reprise par A. Eichhorn, ont un droit sur son patrimoine. Ses revenus servaient Der ermlandische Hischo/ und Cardinal Stanislas Hosius, 191 HOSPITA LIEB? aux besoins de sa vie, à l'entretien des églises, à la réception des étrangers et au soulagement des pauvres. Lc tiers au moins de la fortune ecclésiastique était donc réservé à l'hospitalité et à l'assistance. L’Occi­ dent eut, quoique en nombre moins considérable, scs xenodochia, affectés aux pauvres, aux malades et aux pèlerins. Il y en eut à Rome, à Lyon, à Autun et ailleurs. Les rois mérovingiens fondèrent ces deux derniers. Mais, en générai, rétablissement hospitalier était une simple dépendance de la maison épiscopale ou de l’abbaye. Les choses sc passèrent ainsi sous les Carolingiens. L'Église se présente au seuil du moyen Age avec le monopole des œuvres hospitalières, qui sera universellement respecté. 2e Hospitaliers monastiques. — Les monastères d’Oricnt cl d'Occident furent considérés dès le v· siècle comme établissements hospitaliers. Tous devaient s’occuper des pauvres et recevoir les étrangers. Quel­ ques-uns, dont le nombre devint assez grand, ajoutè­ rent à cette première forme de l'hospitalité le soin des malades; nous connaissons mieux durant cette longue période l’hospitalité monastique que celle exercée par le clergé séculier. Les moines orientaux avaient reçu de saint Basile, de saint Grégoire de Nazianze et de saint Jean Chrysostomc des leçons et des exemples qu'ils mirent en pratique, La plupart des hospices de Constantinople étaient une dépendance de monas­ tères ou avalent des moines ou des moniales pour les desservir. Cette hospitalité et assistance monastiques furent en honneur à Antioche, à Césarée, en Palestine et en Égypte. Saint Benoit a consacré dans sa règle cette tradition religieuse, en organisant autour de son monastère la réception des hôtes et le soulagement des pauvres, de hospitibus suscipiendis; depuis lors, l'hôtellerie fut l’un des services importants de l'abbaye. Elle était composée de manière à pourvoir aux diverses formes de l'hospitalité. Les communautés de clercs, régulières ou non, adoptèrent la même ligne de conduite. Placés auprès des sanctuaires fréquentés par de nombreux pèlerins ou encore le long des vallées que traversaient les fleuves ou les cours d'eau connus, ou dans le voisinage des anciennes voies romaines, les monastères offraient un gîte aux voyageurs et aux i pèlerins, à une époque où les hôtelleries n'étalent pas I devenues une institution commerciale. Chacun trou­ vait auprès des moines cc qu’il lui fallait pour réparer ses forces et continuer sa route. Les habitants des Iles de la Grande-Bretagne, connus alors sous le nom de Bretons ou de Scots, qui étaient de grands voya­ geurs, fondèrent des monastères pour les héberger sur les routes qui menaient à Rome ou en Orient. Les riches abbayes fondées dans les contrées voisines des Alpes échelonnèrent le long des vallées et des cols ouverts aux passagers des prieurés, sur lesquels pesait la charge de l'hôtellerie. Les fondations de ces prieuréshospices par les bénédictins et les chanoines réguliers se multiplièrent sur les chemins que suivaient les pèlerins de Saint-Jacques de Galice, des deux côtés des Pyrénées occidentales. Le soin des pauvres incombait pratiquement aux moines, qui leur réservaient la dime de leurs revenus. Fréquemment ces pauvres habitaient le voisinage de l'abbaye; les basiliques monastiques ou canonbiles des villes avaient leurs pauvres inscrits ou matricularii. Outre les pauvres, il y avait les vieillards et les infirmes» qui trouvaient place dans les hospices monastiques. Nous ne donnons pas de noms, car il nous faudrait citer tous les grands monastères. Les renseignements nous manquent sur le fonction­ nement de ces services hospitaliers monastiques. C'est en vain qu’on y chercherait les traces d'une orga­ nisation proprement dite» chaque maison faisait comme elle pouvait. Les Initiatives locales pouvaient 192 aller fort loin; par exemple, certaines abbayes du vu· siècle pratiquèrent sur une assez grande échelle le rachat des captifs; ce fut le cas de Jumiègcs. 3° Ordres hospitaliers. Moyen âge. — Au x«sièclc et pendant la période qui suivit, les services hospitaliers continuèrent comme avant les invasions normandes. Ils relevaient de l'Égllsc. Les évêques et le clergé séculier, les abbayes monastiques ou canoniales en avaient la charge. Un changement sc fit à l'époque des croisades : elles amenèrent la fondation d'ordres religieux voués spécialement ù l'hospitalité. Lc premier fut celui de Saint-Jean de Jérusalem, fondé à Jéru­ salem pour le service d’un hospice destiné aux pèlerins (1125-1153). Raimond du Puis lui donna une constitu­ tion appuyée sur la règle de saint/\ugustin. 11 servit de modèle à l’ordre hospitalier teutonique, qui sc rattache à l’ordre de Cltcaux. à Vordre du Saint-Esprit, fondé par Gui de Montpellier ù la fin du xn· siècle, à Vordre de Saint-Antoine, fondé en Dauphiné pour soulager les victimes du mal des ardents (1095). L'ordre de SaintJacques du Haut-Pas de Lacques eut un établisse­ ment à Paris; celui de Saint-Jacques de CÉpée en Espagne avait pour mission d'assister les pèlerins de Compostelle; celui de Bonceuaux, les Frères de la Charité Notre-Dame, les religieux du Saint-Bernard, fondés par saint Bernard de Menthon pour assister les voyageurs dans les passages difficiles des Alpes (1051), l’ordre de Saint-Lazare, voué plus spéciale­ ment au soin des lépreux; celui de la Merci, fondé par saint Pierre Nolasque (1223) et celui de la Trinité, fondé par saint Jean de Matha et saint Félix de Valois (1200). Ces deux derniers ordres étaient plus particu­ i lièrement voués au rachat des captifs; les trinitaircs curent toujours des hôpitaux. Ces religieux hospitaliers 1multiplièrent leurs fondations dans toute l'Europe , d’après Paquot, dans l’ordre dc Citeaux, il fut admis à la profession solennelle dans la célèbre abbaye d’Aulne, près dc Timin. Il était doc­ teur en théologie; mais nous ignorons quand et dans quelle école il avait conquis ce titre. Jusqu'en 1656 il fut chargé d’enseigner la philosophie et la théologie aux religieux dc son abbaye. Il résigna alors ces fonc­ tions, pour devenir directeur du monastère des reli­ gieuses bernardines dc Vivcgnls, à deux lieues au nord de Liège. C'est là qu’il mourut, le 19 avril 1661, âgé seulement dc quarante-neuf ans. I luart ne sut pas échapper à l’influence dc la faction janséniste, si nombreuse et si remuante à cette époque. Ses tendances doctrinales et scs sympathies person­ nelles se firent jour dans un volume qu’il publia sous le pseudonyme dc Ranutius Higatus, transformation anagrammatique de Ignatius Huartus. Le volume avait pour titre : Bernardus, hoc est, D. Bernardi, abbatis Clarœvallensis, docloris melliflui. Tractatus de gratia et libero arbitrio, periodice dispunctus, commen­ tario illustratus, S. Augustino, primario gratte propu­ gnatori, consonus demonstratus, atque a filiorum alieno­ rum depravationibus vindicatus, in-4°, 1619, sans nom de ville ni d’imprimeur. Il ne tarda pas à être attaqué, comme favorable aux erreurs dc Jansénius et inju­ rieux à saint Bernard autant qu’à saint Augustin, par un autre religieux cistercien, le P. Bertrand Tissicr, prieur et réformateur dc l’abbaye de Bon ne-Font aine, dans le diocèse de Reims, cl docteur en théologie dc l’université de Pont-à-Mousson. La critique dc dom Tissicr fut imprimée en forme tV Appendix à sa Dispu­ tatio theologica in Janseniana dogmata, Charlovlllc, 1651. Elle provoqua une réponse apologétique inti­ tulée : Bernardus abbreviates. Mais vers le même temps un second adversaire entrait en lice : le P. Matthias Hauzeur. théologien de l’ordre des frères mineurs, auteur de la Correctio fraterna Ran utii J ligati, anagrammatici Ignatii Huarti. A celte nouvelle attaque I luart opposa d'abord des Exceptiones et vindicte pro Ranutia Higato, adversus criminationes et errores qui­ bus ejus doctrina et mores impetuntur ab authore libelli cui titulus : Correctio fraterna, in-1°, s. d. n. 1. Il V ajouta, un peu plus tard, un Appendix Vindiciarum pro Ranutio Higato. Tous ces écrits de I luart. si nous en croyons Foppens, auraient été condamnés par Innocent X, en 1654. Bien ne prouve pourtant, sui­ en 1583, à Faringdon Hall, dans le comté dc Lancastre, mort à Stockeld Park, dans le comté d'York, le 26 no­ vembre 1655. Voulant demeurer fidèle à l'Église catho­ lique, il réussit au prix de mille dangers à passer en France et vint étudier la théologie à Douai, puis à Rome, où il fut connu sous le nom de Parkinson. Dc retour à Douai, il fut ordonné prêtre le 22 dé­ cembre 1607 et ne tarda pas à passer en Angleterre pour y exercer le ministère apostolique. Quelques années plus tard, il revint en Italie et alla au MontCassln pour y faire profession dc la vie bénédictine. En 1619, il fut envoyé dc nouveau dans les missions d'Angleterre où il réussit à maintenir dans la véritable Église, ou à y faire rentrer, un grand nombre dc familles. 11 composa un court traité qui ne fut publié que longtemps après sa mort : Short and plain may to the faith and Church. Composed many years since by that eminent divine, Mr. Richard Hudleston, of the English congregation of the order of St. Benedict; and nom published for the common good by his nephew, Mr. John Hudleston, of the same congregation, in-4 °» Londres, 1688. [Dom François]· Bibliothèque générale des écrivains de Vordre de Saint-Benoît, t. I, p. 509; J. Gillow, Bibliogra­ phical dictionary of the English catholics, ln-S·, Londres, 1887, t. in. p. 466: dom H. N. Birt, Obit-book of the English bénédictines, in-8·, Édimbourg, 1912, p. 36; Hurter, Nomenclalar, Inspruck, 1910, t. B, col. 9G3, note. B. Hfuiitebizk. HUÉ-DELAUNÉ, DE LAUNAY J.an-Bap- tlsto, controversistc, né à Coutances vers 1637, mort au château de Mutrecy, près Caen, leS avril 1722. Il fit sa théologie au collège de Navarre et fut reçu docteur de Sorbonne le 13 juillet 1666. L'année suivante, il obtint la cure dc Notre-Damo de Caen et dans cette ville engagea aussitôt la lutte contre les prolestants, assistant à la plupart des conférences faites par les ministres, et se montrant aussi bon théologien qu’ha­ bile controversis te. Ayant une connaissance appro­ fondie de l’Écrlture sainte et des écrits des Pères, il ramena bon nombre d’hérétiques à la vérité. Mgr dc Nesmond, évêque de Bayeux, le nomma en 1671 pénitencier dc son église cathédrale et sous-doyen du chapitre; dix ans plus tard il était archidiacre dc Caen» et en 1698 trésorier de l’églLsc de Bayeux. Prédicateur renommé, il prêcha dans beaucoup de paroisses dc ce diocèse et y prononça plusieurs oraisons funèbres. En 1682, il avait été désigné pour noli fier, sur l’ordre du roi, l’avertissement des évêques de France aux pro- 199 II U E-DE LA U NE — HUET tétants, ct il publia les discours qu’il fit à cc sujet devant les consistoires de Caen, de Dernières ct de Ssint-Sllvin, y ajoutant les réponses des ministres. Après la mort de Mgr de Ncsmond,!! fut undes grandsvicaires choisis par le chapitre pour administrer le diocèse, ct le nouvel évêque, le cardinal de La Trémollle, le continua dans toutes ses charges ct dignités. Le successeur de cc dernier, Mgr François d’Armagnac de Lorraine, trompé par de faux rapports, ct sous l'influence du parti janséniste, lui enleva le titre de vicaire général ct les pouvoirs qu’il tenait de scs prédécesseurs. Le docteur Hué-Dclauné sc retira alors près de son frère au château de Mutrccy, où il mourut à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Le cha­ pitre de Bayeux réclama son corps pour l’ensevelir avec honneur dans l’église cathédrale. Les principaux ouvrages de cc théologien sont : Les motifs de conversion d'une famille de qualité à l'Églisc catholique, apostolique ct romaine, et la conduite des ministres de Caen dans l'éclaircissement qu'on leur a demandé sur les matières de controverse, in-12, Caen, 1673; Avertissement à M. Morin, ministre de Caen, pour lui faire savoir cc qu'est I' Église catholique, in-12, Caen, 1673; Contradictions de AL Aîorin, ministre de Caen, sur l'article du symbole: Je crois la suinte Église catholique, qui fait voir que la sienne est fausse, cl qu'il n'y en a point d'autre veritable que ta communion ro­ maine, in-12, Caen, 1683; Récit de cc qui s'est passé au prêche de Caen dans la signification qu'on y a faite, de Γ avertissement pastoral du clergé de France, avec des réflexions très importantes sur cet avertissement, in-Ie, Caen, 1683; Lettre à M. du Base, ministre de la religion P. R., sur le prêche qu'il a fait contre la présence réelle du corps cl du sang de A’.-S. J.-C. au saint sacrement de 1 autel, à la communion sous une seule espèce (1683); Catéchisme ou entretien solide ct familier entre un docteur cl un nouveau catholique, dressé par l'ordre de. Mgr l'évéquc de Bayeux en faveur de ceux qui sc sont réunis à ΓÉglise dans son diocèse, in-12, Caen, 1686; Lettre de AL Delauné-Hué à Ai AL les nouvellement convertis à la religion catholique, apostolique et romaine, in-4°, Caen, s. d.; Réflexions sur tes deux prêches de dimanche dernier, 24 octobre, faits par MAL Morin cl Guilbert, ministres de la R. P. R., où l'on fait voir la faiblesse cl la nullité des preuves qu'a apportées Al. Morin contre la vérité des traditions apostoliques, in-4®, Caen, 5. d. Morêrl, Dictionnaire historique, t. via, p. 117; J. I niTctay, Histoire du diocèse de Bayeux, XVII· ct XV/IP siècles, in-8·, Bayeux, 1855, t. i, p. 77; Lccanu, Histoire du diocèse de Coutanccs et Avranchcs, ln-8% Coutanccs, 1878, t. n. p. 31. B. liEUnTEDlZE. HUEBER Apronion, théologien allemand, mort le 2 février 1751 à l’abbaye de Mehrarau, dans l’ancien diocèse de Constance, où il avait embrassé la règle bénédictine ct dont il fut prieur. On a de lui : Anathema juridico-canonicum ac philosophlco-thtologicum, ln-fol., Constance, 1712; Thcllera, scu concordia libertatis creutx cum efficacia intrinseca gratiœ, in-4®, Constance, 1719; Instructio ultimi concilii romani in sacra basilica Lateranensi habiti pro parvulis prima vice ad sacramentalem confessionem ct communionem admittendis, ln-12, Kempten, 1726. Zicgrlbnucr, Historia rei Ulerariir ordinis S. Benedicti, t. IV, p. 154; [dom François], Bibliothèque générale des écrivains de Γordre de Saint-Benoît, 1.i. p. 511 ; J. Bcrgmnnn, Secrulogium Augia maforis Brlgantlnrr, ln-1% 1853. p. 11. B. Heurtebize. HUET Pierre-Daniel, évêque d’Avranches, né à Caen le 8 février 1630, mort à Paris le 26 janvier 1721. 11 fit ses premières études dans sa ville natale, chez les Pères crohicrs, puis chez les Jésuites au collège du Mont. Il voulut apprendre le grec ct l’hébreu ct,à peine 200 âgé de vingt ans, s’était déjà fait remarquer par son érudition. Venu à Paris, il sc mit en relations avec les principaux savants de son temps. En 1652, il accom­ pagna son ami Samuel Bochart, l’auteur de la Geogra­ phia sacra, à la cour de la reine de Suède, el, pendant son court .séjour à Stockholm, l’élude d’un manuscrit des commentaires d’Origi ne fit naître en lui le dessein d’éditer les œuvres de cet illustre docteur. De retour à Caen, il fut élu membre de l’Académic des lettres de cette villect,quelques années plus tard, se livrant à des études de chimie, d’astronomie, d’anatomie, il y créa une Académie des sciences dont il fut le premier prési­ dent. Il ne reculait devant aucune sorte de travail, ct il lui arriva de publier quelques romans : cc qui l’amena à écrire un Essai sur l'origine des romans. En 1659, la reine Christine l’appela près d’elle et voulut même lui confier l’éducation du prince royal de Suède; mais rien ne put le décider à quitter son pays et les illustres amitiés qu’il s’y était créées. Daniel Huet fut choisi en 1670 pour seconder Bossuet, nommé précepteur du dauphin, et à lui revint le mérite ct la gloire de ces éditions classiques ad usum delphini qu’il enrichissait de notes cl de commentaires. Quatre ans plus tard, il était élu membre de l’Académic fran­ çaise. Il n’abandonnait pas cependant scs autres travaux : Il avait publié les commentaires d’Orlgine ct 11 travaillait à sa Demonstratio evan gel ica, où il s'efforce de lirer des preuves de la religion de toutes les traditions de l’antiquité. Ces dernières études l’amenèrent à embrasser l’état ecclésiastique, et en 1696 il reçut la prêtrise des mains de Claude Auvry, évêque de Coutanccs. Deux ans plus tard, le roi le nommait abbé commcndalaire d’Aulnay, dans le diocèse de Bayeux. Il résida souvent dans son abbaye ct y composa quelques-uns de scs ouvrages. En 1685, il fut nommé à l’évêché de Beauvais ; mais en 1689 les bulles n'étaient pas encore arrivées et il permuta avec Brulard de Silleri,qui venait d’etre appelé à l’évêché d’Avranches. En 1692 seulement, Daniel Huet put prendre possession de son évêché. Il s’en démit en 1699, recevant alors l’abbaye de Fontenay, où il ne trouva pas le calme cl la tranquillité dont il avait joui à Aulnay. De trop nombreux procès l'en éloignèrent, ct il vint à Paris, sc pctlrant au faubourg Saint-Antoine dans la maison des jésuites ct ne s’occupant que de prière ct d’étude. Il y mourut à l’âge de quatre-vingtonze ans, leur laissant sa magnifique bibliothèque qui, après la suppression de la Compagnie de Jésus, passa dans la bibliothèque du roi. Les principaux ouvrages de Daniel Huet sont: Dedaris interpretibus ct de optimo genere interpretandi, in-4®, Paris, 1661,1680 ; Ortgcnis commentaria in sacram Scripturam gnecc-latinc, cum latina interpretatione, notis et observationibus, 2 in-fol., Paris, 1668; Rouen, 1679,édition précédée d'une cxcclIcntHnlroduction sur la vie, la doctrine ct les écrits d’Origènc; cette intro­ duction est reproduite, P. G.,t. xvn, col. 633-1284; De l'origine des romans, in-12, Paris, 1670; Demonstratio evangelica, in-4°, Paris, 1679; souvent rééditée; dans Mignc, Cursus completus sacrœ Scripturm, t. it, col. 262-679 ; trad, française dans Mignc, Démonstrations évangéliques, Petit-Montrouge, 1843. t· v, col. 7-936; Censura philosophie cartesianir, in-12, Paris, 1689; édition augmentée en 1694 ; Qurcsdonrs Alnetanir de. concordia rationis d fidei, ln-4®, Paris, 1690; Nouveaux mémoires pour servir d l'histoire du carté­ sianisme, in-12, Paris, 1692; Amsterdam. 1698: d’abord partisan déclaré de la philosophie carté­ sienne. Daniel Huet en vit le danger pour la fol cl le signale dans les ouvrages précédents; De la situation du paradis terrestre, in-12, Paris, 1691; trad, latine. Leipzig, 1694. reproduite dans les Critici sacri; Statuts I synodaux pour le diocèse d'Avranches, in-8°, Caen, 1693, 201 HIJET — HUGO (CH VRLES) 1695, 1G9G cl 1G08; De navigationibus Salomonia, in-12, Amsterdam, 1693; Recherches sur lu ville de Caen rl ses environs, in-8°, Rouen, 1702; Dissertations sur diverses matières de religion et de philosophie, in-12, Paris, 1712; Histoire du commerce et de lu navigation des anciens, in-12, Paris, 1716; Bruxelles, 1717; Com­ mentarius de rebus ad eum perlinentibus, in-12, Amster­ dam, 1718 : ces intéressants mémoires ont été traduits en anglais par J. Aikin, 2 in-8°, Londres, 1810, ct en français par Ch. Nhard, ln-8·, Paris, 1863. En 1722, l'abbé d’Olivct publia le Traité de la faiblesse de Γesprit humain, in-12, Paris, dont le texte origin d écrit en latin parut sous le litre : Pelrl Daniclis Iluetli, episcopi Abrincensis, de imbecillitate merdis humana: libri 1res, in-12, Amsterdam, 1758. En ect ouvrage, qui fut vivement ct justement critiqué, sc révèlent toutes les tendances do l'auteur au scepticisme philosophique. D'après Huet, savoir douter serait la vraie science, ct il faut sc contenter de probabilités jusqu’à cc que la foi nous donne la pleine certitude qui nous manque. Il reproche justement ù Descartes son doute méthodique, mais lui-même, par une autre voie, réduit la raison ύ une complète impuissance. Celte même année, l'abbé d’Olivct publiait Hucliana ou pensées diverses de M. Huet, in-12, Paris, 1722, qu’il lit précéder d’une courte notice sur cet illustre savant· L'abbé V. Verlaque a publié: Lettres de Bossuet à Daniel Huet, in-4·, Paris, 1876. Journal des sonants, 25 avril 1672, p. 110; 6 juin 1689, p. 320; 20 décembre 1706, p. 1101; 8 juillet 1709, p. 46; 21 octobre 1709, p. 46; avril 1722, p. 371 ; mai 1730. p. 43; Journal de Trévoux, novembre 1702, p. 173; mars 1711, p. 4G8; mars 1716, p. 399; avril cl mal 1721; août 1722, p. 1309; juin 1725, p. 929; A. Balllct, Jugement de* savants, ln-i·, Paris, 1722, t. n, p. 24 ; l. v, p. 405; Nicéron, Mémoires, t. 1, p. *19; Moréri, Dictionnaire historique, t. Vf, p. 118; Gallia Christiana, in-fol., Paris, 1759, t. xr, p. 415, 4 15, 505; C. Barlbolmès, Huet, évêque d'Avrimches, ou le scepticisme théologique, ln-8·, Paris, 1850; J. d’Avenel, Histoire de la vie et des ouvrages de Huet, ln-8®, Mortain, 1853; A. de Gournny, Huet, évêque tVAvranches, sa ufe, ses auvrts, in-8®. Caen, 185-1; Flottes, Élude sur Daniel Huet, évêque d'A tran­ ches, ln-8·, Mcntpellicr, 1857; U. Maynard, L'Académie française et les académiciens, le XXXVI· fauteuil, dans lu Bibliographie catholique, no\ ombre 1863, p. 359; C. Trochon, Huet, évêque (TAvranches, d'après des documents inédits, dans I.c Correspondant, 1876, t. cv, p. 869-1079; 1877, t. cvi, p. 1080; 11. Moulin, Chapelain, Huet, Ménage el ΓAcadémie de Caen, in-8®, Cnc i. 1882; Brucker, Historia critica philosophia, in-4®, Leipzig. 1766, t. iv, p. 552; A. Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, in-8®, Paris, t. i. p. 730; E. Blanc, Histoire de la philosophie, ln-12, Paris, 1896, t. il, p. 87; Barach. Huet als Philosoph, 1862; Espcnbergcr, Die apologetlsche Bestrcbungen des Huet, 1905; Hurtcr, Nomenclator, Inspruck, 1010, L iv, col. 1091-1103. B. Heuittkoize. Chartea-Loula, né à Suint-Mihicl, au mois de mars 1667, entra le 15 juin 1683 chez lesprénïontrès de la Congrégation de Γ Antique-Rigueur; flt son noviciat à l’abbaye Sainte-.Marie-Majeurc, de , Pont-à-Mousson, ct sa profession religieuse en 1687; obtint à Bourges, en 1690 ou 1691, le bonnet de docteur en théologie; enseigna la théologie dans les abbayes lorraines de Jandœurcs en 1691 ct d’Étival en 1693; fut nommé, en 1700, prieur du couvent Saint-Joseph, de Nancy. Choisi lo 12 août 1710, | comme coadjuteur par l’abbé d’Étival, il devint, en 1712, abbé titulaire de celle abbaye vosgicnnc. Son exemple ct scs directions imprimerent une fortc impulsion aux études religieuses ct historiques dans ce monastère, qui rivalisa de science et de labeur avec l'abbaxc de Senones, sa voisine, alors gouvernée par dom (admet. Considéré â bon droit comme l’une des lumières de sa congrégation, il entreprit de réunir. à I imitation des bénédictins do Salnt-Maur, dans | 1.HUGO 202 ses Sacræ antiquitatis monumenta, 2 in-fol., Étival, 1726; Saint-Dlé, 1731, un grand nombre de docu-* meut s intéressant son ordre ou la J des écrivains pré­ montrés; un Ménologue, ou recueil des Vies des saints cl des bienheureux disciples de saint Norbert. Ιλ Monadêriologieseule fut imprimée, 2 in-fol.f Nancy, 1731-1736, sous le titre: Sacrt ct canonici ordlnts Proemonstratcnsls annales. Les documents rassemblés avant 1718 pour composer cet ouvrage ont été con­ servés. Ils forment 18 in-foL, reliés en veau, de 500 à 600 pages chacun. Ils sont classés comme les no­ tices de l’ouvrage lui-même : ceux qui concernent le même monastère étant réunis, et l'ensemble étant rangé par ordre alphabétique des monastères. Le recueil est complet; Il n’y manque que les pièces re­ latives à Sainte-Marie de Pont-a-Mousson, qui ont été arrachées, vers 1875, du txi par un lecteur mal­ honnête. Il est d’uulant plus précieux qu’un grand nombre de documents ont été dispersés et même dé­ truits pendant la Révolution française. Il formait le ms. 43 de la bibliothèque du grand séminairede Nancy*. Des religieux prémontrés ont pris copie des docu­ ments de la plupart des monastères. D'autres docu­ ments sur les monastères d’Espagne ont été recueillis par le Père Joseph-Étienne de Noviega; d'autres sur les chapitres généraux et locaux de l’ordre, avec des copies de nécrologcs, chroniques ct Vies des saints personnages, ont été rassemblés par Hugo lui-même. Ms. 49-51 de la même bibliothèque. La suite des Annales, qui devait comprendre cinq autres volumes (voir le prospectus, ms. 52), était prête en partie, le t. in de la mnin de Hugo, et un autre tome en quatre livres, de la main de Blanpain, curé d’Étival. ancien secrétaire de l'abbé Hugo. Ms. 53 et 54. Blanpain, qui avait d’abord collaboré à l’œuvre de Hugo, se brouilla avec lui, publia une critique : Jugement des écrits de M, Hugo, Nancy, 1736, et reOt les Annales selon scs vues personnelles. Des notes sur l lihioirc de l'ordre, pour une bibliothèque des écrivains, des notices sur des personnages de l’ordre forment les ms. 55-53. Voir A. Vacant, La bibliothèque du grand séminaire de Nancy, Nancy, 1892, p. 5255. Les travaux de I ïugo ne le détournaient point d’une vie très active; il soutint avec les évêques de Toul une longue querelle de juridiction (voir ms. 130 de la bibliothèque du grand séminaire de Nancy, A. Vacant, op. cit., p. 71), fut revêtu de la dignité épiscopale le 15 décembre 1728, a\cc le titre d’évêque de Plolémaïdo, in partibus infidelium, et mourut, après force vicissitudes, le 2 août 1739, dans la soixante-dou­ zième année de son âge. Outre les deux recueils dont nous avons parlé et des traités sur lu Lorraine, dont il avait le titre d’his­ toriographe, Hugo écrivit une Vie de Moïse (voir les mss. 93, 100, 101, 104, 107, de la bibliothèque du grand séminairede Nancy, A. Vacant, op. cil., p. 6365), Luxembourg, 1698; une Réfutation du système de M Fayditsur la Trinité, in-8°, Luxembourg. 1699; une Critique de Γhistoire des chanoines (du P. Chaponcl. génovéfain), ou Apologie des chanoines pro­ priétaires... avec une Dissertation sur la canonicité de l'ordre de Prémontré, in-12, Luxembourg, 1700; une Vie de saint Norbert, in-16, Luxembourg, 1704; une Vie de la rév. mère Marie-Thérèse Éreird, supé­ rieure du monastère de Notre-Dame du Refuge, de Nancy, Nancy, 1715; le Rituale territorii quasi epl- 203 HUGO (CHARLES) — HU GON IN 204 1609; De officio ct potestate episcopi, in-fol., Rome, 1617. MorérI, Dictionnaire historique, l. vî a, p. 122; Hurler, Nomenclator, Inspruck, 1907, t. ni, col. 598-599. B. Heuhîerizc· HUGONIN Flavlen-Aboi-Antoine, né à Thodure (Isère), le 3 juillet 1823, lit ses premières classes nu collège dc Bougoin ct suivit, en 1839, l’abbé Dupanloup au petit séminaire de Saint-Nicolas du Char­ donnet Λ Paris. En 1843, il entra nu séminaire d’Issy, puis ù Saint-Sulpice de Paris. Au mois d'octobre 1817, il passa Λ l 'école des Carmes, récemment fondée par Mgr Alïre, et il fut reçu licencié ès lettres en 18-18. Ordonné prêtre le 25 mai 1850, il fit des cours dc philosophie ct dc littérature aux Carmes, tout en préparant son doctorat ès lettres. Avant sa soute­ nance en 1854, il écrivit une Élude sur les oeuvres de Hugues de Saint-Victor, reproduite, P. L., t. clxxv, col. xcix-cxxvr. Sa thèse française est intitulée: Essai sur la fondation de V École de Suint-Victor à Paris, in-8°, Paris, 1854 ; reproduite, J\ L., ibid., coL xni-c, ct sa thèse latine : Dc rnateria et forma apud S. Thomam, in-8°, Saint-Cloud, 1854. Le jeune docteur fut nommé, en 1855, directeur de la division ecclésiastique et, le28 juillet 1861, supérieur dc l’école Docteur en théologie de la faculté de Paris en 1855, il fut chargé d’un cours dc dogme à la Sorbonne à partir de 1859 ct il devint doyen de Snintc-Gcneviève en 1862. 11 publia son cours de philosophie : Éludes philosophiques. Ontologie ou études sur les lois de la pensée, 2 in-8°, Paris, 1856, 1857; il y professait un ontologisme modéré. Son cours dc 1865-1866 porta sur la société. Voir A. Leblcu, Vingt-cinq ans dc Sor­ bonne ct de College de France, Paris, 1884, p. 361-375. Nommé évêque dc Baycux, le 13 juillet 1866, il ne fut préconisé que le 22 février 1867 ct sacre le 1er mai suivant. Pour recevoir l'institution canonique ct ses bulles, il dut réprouver les points dc son enseigne­ ment philosophique qui correspondaient aux doc­ trines ontologistcs condamnées par le Saint-Ofllcc, le 18 septembre 1861. Voir Dvnzingcr-Bannwart, Enchiridion, n. 1659-1665. Son acte, remis aux mains du nonce apostolique à Paris, le 13 octobre 1866, fut publié dans les journaux à l’époque. 11. Reusch, Dcr Index der uerbotenen Bûcher, Bonn, 1885, t. n, p. 1147. Au concile du Vatican, il fut du parti de la minorité avec Mgr Dupanloup. Le 2 janvier 1870, 11 signa la pétition relative à la manière dc procéder dans le concile; le 12 du même mois, celle qui s’oppo­ sait à la définition de l’infaillibilité pontificale; le 1·* mars, les observai ions sur le décret porté le 20 fé­ vrier précédent relativement ά la marche à suivre les discussions; le 4 juin, la protestation contre Sommervogcl, Bibliothèque de la Cio de Jésus, t. rvi dans la clôture dc la discussion générale de la première coL 512-522; Gœtlmh, Histoire des Idtres en Belgique, Liège, t. n, p. 333; 1 fofmnn-lherlknmp, Dc vita Ncderlan- constitution dc Ecclesia; le 9 juillet, la plainte condoruni qui latina carmina scripserunt. Anvers, 1822, I cernant l’omission d'une correction volée au c. ni I du schéma de Ecclesia. Le 13 juillet, en congrégation p. 308 sq.; Poppens, Bibliotheca bclgtca, t. J, p. 475. P. Bernard. générale, il vola: Non placet au sujet dc la définition HUGO LIN Barthélemy, jurisconsulte ct théo­ dc 1 infaillibilité du souverain pontife, ct le 17 du logien, né en Lombardie, mort en 1610. Docteur en même mois, la veille de la définit ion, il confirma son droit dc l’université de Bologne, il se retira dans son ' suflrage ct déclara que par respect il n’assisterait pas pays, où il fut ordonné prêtre. Il était élu évêque dc il la session solennelle du lendemain, tout en pro­ Bcrtlnoso dans les Romagncs, mais il mourut avant testant de sa fol ct deson obéissance· Collectio Laccnsis, d’avoir été sacré. Les divers traites qu’il publia sont l-rlbourg-cn-Brisgau, 1890, L vn, col. 918-920, 945irès estimés â cause de la sûreté dc leur doctrine. I 946, 958-962, 986-987, 991-992, 1002, 991. Plus tard, Ce sont : De sacramentis novæ legis tabulas, in-fol., I il publia des Études philosophiques sur la première Rimini, 1587; De censuris ecclesiasticis, in-4°, Bologne, I constitution dogmatique du concile du Vatican, 1594; Venise, 1602; De simonia, Venise, 1599; De Baycux. Sans parler dc ses nombreux actes épis­ ir egularitatibus, in-fot, Venise, 1601; Besponsiones copaux, mandements ct lettres pastorales, citons b de. non alienandis bonis immobilibus; de non quelques ouvrages de son épiscopat : Philosophie du erigrndis de rwvo monasteriis; 3* de judicandis et droit social, in-8% Paris, 1885; Du droit ancien ct du puniendis clericis, Bologne, 1607; De censuris reservatis droit nouveau, à l'occasion de l'encyclique de Léon XIIL summo pontifici in bulla Cana Domini, in-foL, Bologne, . Immortale Dei, in-8°, Paris, 1887· Éludes philoso- olnt Λ Dieu et n offense pas la majesté royale. » Le pape, dans une lettre datée de Pise, 20 jan­ vier 1131. Regesta, n. 7810, rassure l'archevêque de Rouen; s’il lui rappelle qu’il faut toujours agir avec 207 HUGUES D’AMIENS 208 tions de Gilbert, on finit par s’entendre. Mais l’affaire charité, il a soin d’ajouter : « Ne pensez pas que je fut reprise l’année suivante à Reims et definitivement veuille rendre inutiles vos justes décrets; ce que vous avez planté, nous ne saurions l'arracher. Si donc réglée en présence de Hugues, qui ne parait pas avoir l'abbé de Saint-Wandrillc persiste jusqu'à la prochaine pns part à la discussion. Vacandard, Vie de saint Bernard, t. n, c. xxvnx. fête de la Pentecôte dans le refus qu’il fait de vous obéir, nous confirmerons par l'autorité apostolique Une affaire de non moindre importance, le divorce la sentence équitable que vous aurez portée contre de Louis le Jeune, amena l’archevêque do Rouen à lui. > Pour que Hugues ne puisse douter de la sincé­ Beaugency en 1152. Cette question disciplinaire était rité de ses sentiments, il lui recommande de .se prépa­ extrêmement délicate. Un empêchement de consan­ rer au rôle de légat qui lui sera prochainement coudé. guinité, au troisième ou quatrième degré, nous dit Comme gage de son amitié, il lui envoie sa propre l’abbé de Clairvaux, Epist., ccxxiv, rendait nul à étolc : < Vous la* porterez toujours, dit-il, comme un l’origine le mariage du roi de France avec AHénor d'Aquitaine. II y a tout lieu de croire que l'empêche­ souvenir de notre affection· » Alain finit-il par céder? Cela n’est pas probable, I ment avait été levé plus tard par le souverain pontife. « Cet abbé, dit un historien de Saint-Wandrillc, mettait Cf. Historia pontificalis, dans Monumenta Germanise trop souvent aux prises 1 Icnri Ier et Hugues d’Amiens; historica, t. xx, p. 531. Mais la chose ne parait pas pour le bien de la paix, ses moines le privèrent de sa avoir été considérée sous ce biais par l’assemblée do dignité. >Cod. F 1 6S, fol. 138, bibliothèque municipale Beaugency. Et le divorce fut prononcé probablement contre le droit, à coup sûr pour le malheur de la de Rouen. Le roi d’Angleterre ne garda pas rancune à l'arche­ France, qui devait perdre ainsi la Guyenne et le Poitou. vêque de son attitude, d’ailleurs légitime. Pris d’un Voir, sur la nullité ou la validité du mariage, Vacan­ mal subit à Lyons-la-Forèt, le 26 novembre 1135, dard, Le divorce de Louis le Jeune, dans la Revue des il le fit mander auprès de lui, et mourut dans scs bras, questions historiques, avril 1890, p. 408-432; Vie de *le G décembre· Robert de Torigny, Chronique, L i, saint Bernard, lr· édit., t. n, p. 480, note 3. p. 194; Ordcric Vital, IL E., L XIII, c. vm, P. JL., Nous no citerons plus d’autre Intervention de t. clxxxvuî, col. 945; lettre de Hugues à Innocent H, Hugues dans les affaires politico-religieuses, sauf sa dans Historiens drs Gaules, t. xv, p. 694. présence dans l'assemblée tenue en 1160 à NeufmarEn raison même de l'importance de son siège aussi ché, par ordre du roi d’Angleterre, Henri IL pour faire bien que pour sa valeur personnelle, Hugues devait reconnaître l’obédience du pape Alexandre HL Robert être mêlé, durant son pontificat, aux affaires générales de Torigny, Chronique, tu, p. 328. Le pape lui sut gré de l'Égliseet de l’État. C’est ainsi qu’on le voit prendre de cette démarche. Jaffé, Regesta, n. 10G27. part au concile qu’innocent H tint à Pisc en maiS’il nous fallait écrire une vie complète de Hugues juin 1135. Jaffé, Regesta, t. i, p. 865; Ordcric Vital, d'Amiens, nous aurions à mentionner une infinité JL· E., 1. XIII, c. vu. Le pape lui confia meme le soin d’actes qui nous le montrent sur divers points de son de régler certaines questions pendantes en France, diocèse, lequel s'étendait de Pontoise à la mer; en notamment le différend qui s’était élevé entre l’abbaye divers endroits de sa province, qui comprenait les do la Chaise-Dieu et celle de Salnt-Tibéry. Hugues se diocèses d’Évreux, de Séez, d’Avranches, de Coutransporta à Montpellier, d’où il écrit à Innocent II lances, de Bayoux et de Lisieux; ou même en diverses pour lui rendre compte de sa mission. IL· L., L cxcn, localités de la France, à Valence, où il règle un dif­ col. 1134. férend entre le comte de Toulouse et l'archevêque do En août 1139, sa présence est attestée en Angleterre Narbonne; à Nantes, où il assiste à une translation des par Guillaume de Malmesbury. Le successeur de reliques de saint Donatien et de saint Rogation; à Saint-Denis, où, lors de la dédicace de la nouvelle basi­ Henri Pr, Étienne, s’était emparé des châteaux que plusieurs évêques de son royaume possédaient à la lique construite par Suger, il consacre lui-même l’une campagne. Pour Justifier cette usurpation, il alléguait des chapelles, la chapelle Saint-Romain, etc. Pour la raison d’État. La question fut débattue dans un tous ces détails, nous renvoyons à dont Pommerayc, Histoire des archevêques de Rouen, ou encore à l’abbé synode tenu à Winchester. L’archevêque de Rouen soutint la cause du roi. «SI les évêques, dit-il, ont été Hébert, Hugues d’Amiens, dans la Revue des questions privés de leurs châteaux, ce n’est que justice, car ils historiques, 1898, t. xx, p. 321-371. les ont bâtis contre les canons, qui ne leur permettent Il est pourtant une institution que nous devons pas de posséder des places fortes. Et lors même qu'ils signaler ici, parce qu’elle offre un caractère à la fois pourraient prouver par le droit canonique qu’il leur religieux et disciplinaire. Une association ou confrérie est permis d’avoir de ces sortes de maisons, les cir­ d’artisans s’étant formée à Chartres pour aider à la constances dans lesquelles se trouve le royaume, construction des tours de la cathédrale, les Normands menacé de la guerre civile, autorisent Étienne à en se piquèrent d’émulation et formèrent en divers en­ prendre possession pour empêcher qu’elles ne tombent droits une association semblable. Ils liraient euxentre les mains de ses ennemis. » Guillaume de Mal­ mêmes les chariots qui transportaient les matériaux mesbury, Hist. nov.,1.11, c. xx-xxvn, IL· L·, t. clxxix, nécessaires à la construction des édifices sacrés: col. 1410 sq. « Nos diocésains, écrit Hugues, Epist. ad Theodor, episc. Ambiam, dans l'édition Delisle de la Chronique de Nous verrons plus loin que Hugues s’intéressait particulièrement aux questions de doctrine. Au synode Robert de Torigny, L i, p. 238; cf. Pommeraye, de Paris de 1117, où comparut Gilbert de la Portée, I Histoire des archevêques de Rouen, p. 331, nos diocésains évêque de Poitiers, accusé de falsifier le dogme de la ayant reçu notre bénédiction sc sont rendus à Chartres Trinité, l’archevêque de Rouen eut occasion d’inter­ pour y présenter leurs offrandes. Ils ont fait la mémo venir dans le débat. Gilbert avait écrit que les trois 1 chose chez nous. Mais il est de règle qu’ils n’admettent personnes divines étaient tria singularia. Hugues en leur compagnie que des personnes qui préalablesoutint, au contraire, que Dieu devait être dit unum I ment sc seront confessées, auront fait pénitence et se singulare, plutôt que tria singularia. Cette motion fit I seront réconciliées avec leurs ennemis. Cela fait, les scandale, nous dit Othon de Frisingue, De grstis Fridcr., i associés élisent entre eux un chef, sous la conduite duquel ils tirent eux-mêmes leurs charrettes avec silence I. I, c. Lt-L.it. On rappela que saint Hilaire, dans son livre De synodis, avait déchiré que, si duos deos dicere et humilité, et présentent leur» offrandes en sc donnant élUt une profanation, pareillement singular*m et la discipline et en versant des larmes. > Robert de solitarium dicere était un sacrilège. Apres les explica­ I Torigny témoigne de l'existence de ces pieuses confié- 209 HUGUES D’AMIENS ries. Chronique, t. i, p. 238. A Rouen, on peut sc de­ mander quelle était leur occupation; on a conjecturé qu’ils collal>orèrcnt à la coastruction de la tour SaintRomain, qui est l une des plus lælles pièces du portail, ou même à la construction de la cathédrale. Nous avons dit que Hugues d'Amiens avait établi A Reading la fête de l'immaculée Conception. C’est a lui encore, ce semble, qu’est duc la fondation de la même solennité ù Rouen. On n’en trouve pas trace avant lui. et elle était sûrement en usage sous son successeur Rotroii. Cf. charte de Gautier, dans P. L., t. cvn, col. 1179. D’après dom Pommerayc, Histoire des archevêques de Rouen, p. 310, Hugues aurait rangé ΓImmaculée Conception parmi les fêtes les plus solen­ nelles de sa cathédrale ou plus simplement parmi celles où il faisait A ses chanoines une distribution de pain et de vin. Le culte des reliques était alors en grand honneur. Il ne semble pas que les reliques qui, d’après une charte qu’on lui attribue,datée de 1161 (sir). Chronique de Robert de Torigny, édit. Delisle, t. 1, p. xvn; cf. Du Moustier, Neustria Christiana, fol. 199, auraient été découvertes à Gasny, sous l’autel de saint Niçoise, notamment une ceinture de la sainte Vierge et la mitre de saint Niçoise, soient bien authentiques. Notons du moins que Hugues assista en 1156 A l’exposition de la sainte Tunique d’Argenteuil et qu’il accorda à cette occasion une série graduée d'indulgences aux fidèles de son diocèse qui feraient le pèlerinage d'Argenteuil et vénéreraient la relique sacrée. Robert de Torigny, Chronique, t. I, p. 299; P. L., L cxcn, col. 1136; Histoire littéraire de la France, t. xn, p. 663; Ecustria Christiana, fol. 196. I lugucs mourut chargé d’ans et de mérites, vraisem­ blablement dans la nuit du 10 au 11 novembre 1164. Robert de Torigny, Chronique, t. 1, p. 354; cf. ibid., note de Delisle. Amulphc de Lisieux, avec qui il était lié d’une étroite amitié, composa son épitaphe : Inter pontifices speciali dignus honore, etc. Cf. Gallia Chris­ tiana, t. xi, p. 48. II. Éciuts. — Hugues composa divers ouvrages, historiques, parénétlques, exégétiques, dogmatiques et polémiques. Dans le genre historique, nous avons ta Vie de saint Adjuteur ou Aioutre, né ù Vernon, et moine de Tiron, dont il recueillit le dernier soupir en 1132. P. L., t. cxcn, col. 1315-1353. Peuvent sc ratta­ cher au genre parénétique son traité De memoria en trois livres,qui a d’ailleurs pour objet des questions purement théologiques, col. 1299-1324, et son traité De fide catholica et oratione dominica, ibid., col. 13211315, simple commentaire du symbole des apôtres et de l’oraison dlmlnicale. dédié à son archidiacre Gilles, plus tard évêque d'Évrcux. De son Tractatus in Hcxameron, dédié < à son fils très cher, Amulphc, évêque de Lisieux », il ne nous reste que quelques pages, Ibid., col. 1247-1256; le commentaire s’arrête A Gen., i, 2 : Spiritus Domini ferebatur super aquas. Restent enfin scs deux principaux ouvrages: Dialo­ gorum libri VU, ibid., col. 1141-1248, et Contra hartticos libri tres, ibid., col. 1255-1298, dédiés le premier A son ami Mathieu, évêque d’Albano, le second à Albéric, évêque d’Ostie, légat du saint-siège. Hugues avait entrepris les Dialogues, étant encore abbé de Reading, A la demande de son parent Mathieu, prieur de Saint-Mariin-des-Champs; les six premiers livres furent composés en Angleterre. Plus tard, ayant été élevé sur le siège métropolitain de Rouen, Hugues retoucha son ouvrage et y ajouta un septième livre. Les Dialogues ne procèdent que par interrogations et par réponses, sans aucun nom d’interlocuteur. Le I*f livre a pour objet le souverain Bien, c’est-à-dire Dieu et scs attributs absolus ou relatifs; le H· traite des créatures Ίο III· est consacré au libre arbitre; la 210 chute de l’ange et celle de l’homme forment le sujet du IV· livre; les remèdes du péché, c’est-à-dire les sacrements font la matière du V· (l’auteur ne parle, du reste, que du baptême et de l'eucharistie); le VI· livre roule sur l’état des moines et la béatitude éter­ nelle; entre le VI· et le VII· livre sc trouve, P. L·, l. cxcn, col. 1227-1230, une lettre qui fournit l’expli­ cation et la justification d’une proposition malsonnantc reprochée A Hugues touchant le pouvoir des prêtres déposés ou excommuniés; enfin le VII· livre est consacré à l’exposition du mystère de la Trinité, dont Hugues, suivant le goût du siècle, montre les vestiges dans les choses créées. En dédiant son Contra h.rreticos au légat Albéric, Hugues lui rappelle qu’étant ensemble à Nantes pour une fêle de translation des corps de saint Donatien et de saint Rogalien, ils observèrent une comète qui sc précipitait dans la mer: Présage assuré, disait le légat, de la ruine prochaine de l'hérésie qui dominait alors en Armorique. Le peuple, remarque Hugues, ne put tenir contre la force de vos prédications. La crainte s’empara même tellement de l’hérésiarque, qu’il n’osa se présenter. Vous avez jugé à propos que j’écrivisse quelque chose sur ©es hérésies naissantes. C’est ce que j'accomplis aujourd’hui pour vous obéir. » P. L., I. cxcn, col. 1256. Quel était l'auteur des hérésies bretonnes? On ne saurait le dire avec certitude. Mabillon pease. Annales benedict., t. vi, p. 421, que l'hérésiarque n'est autre que le fameux Eon de l'Etoile. Sans prétendre rejeter absolument cette opinion, écrivent les auteurs de ΓHistoire littéraire de la France, t. xn, p. vn, < plusieurs raisons nous empêchent d’y souscrire: 1° nul des anciens n'attribue à ce fanatique les erreurs que l'ar­ chevêque de Rouen entreprend de réfuter (voir Éox de l’Etoile); 2° ignorant et extravagant comme l’histoire nous le représente, Éon ne paraît guère avoir été capable d imaginer les objections et les raisonne­ ments subtils que le prélat met dans la bouche de scs adversaires; 3° Hugues ne dit mot de l’insigne folie d’Éon adoptée par ses disciples, folle qui le portait à sc croire le fils de Dieu,sur une allusion grossière de son nom avec le mot Eum,employé dans cette conclusion des exorcismes : per Eum qui venturus est. etc. Il est vrai toutefois que Robert du Mont rapporte qu'Êon se présenta devant le légat Albéric et ne craignit pas de le braver dans la mission que ce prélat fit en Bretagne. Mais cela mémo semble prouver qu’il n’était pas le chef des hérétiques qu’Albéric allait combattre, puis­ que 1 lugucs, dans le prologue de son ouvrage, atteste que ce chef n’osa se montrer. » En somme, les hérétiques que l'archevêque de Rouen combat paraissent avoir été des disciples de Henri ou de Pierre de Bruys, qui professaient à peu près les mêmes doctrines. Cf. Vacandard, Vie de saint Rcrnard, t. n, c. xxv. Pour les réfuter, Hugues passe en revue à peu près tout le dogme catholique. Dans un Irf livre divisé en quatorze chapitres, il explique les mystères de la sainte trinité et de l’incarnation, l’unité, la sainteté et l’auto­ rité de l’Église, la nécessité du baptême pour tous les hommes, l’excellence de l’eucharistie et l’obligation où sont tous les fidèles de participer à cet IneiTable sacrement; il Insiste particulièrement sur le baptême des enfants. Les sept ordres ecclésiastiques sont l’objet du IIe livre. Dans le HI· sont discutées les erreurs des Bridons sur la résurrection, sur le mariage, sur le vœu de continence des ecclésiastiques et des moines, sur la divinité de l’Église et les sers Ices qu'elle rend au peuple fidèle. Toutes ces considérations forment un véritable traité de théologie; nous nous bornerons ù en signaler ks traits les plus saillants. 211 IIl’Gl ES D’AMIENS Sur Dieu, sur la trfnité, sur l'incarnation, sur la chute des anges ct celle de l'homme, rien de bien remarquable. La question de la grâce et du libre arbitre, discutée dans le 11· et le 11 Ie livre des Dialogues, est soigneu­ sement traitée·· Le libre arbitre, dit Hugues, P. t. ex en, col. 1168, est une facultécn vertu de laquelle l’intelligence raisonnable n le pouvoir d'exécuter ce qu’elle Juge (bon). Ce jugement n'est véritablement libre que lorsque la créature fait ce qu’elle croit devoir faire. Or elle le fait lorsqu’elle aime son créateur ct, connaissant sa volonté, l’exécute sans égard pour sa volonté propre. Que si elle dédaigne d’obéir à cette volonté, qu'elle juge pourtant devoir être uniquement suivie, elle contredit son propre jugement et perd Juste­ ment par sa transgression la liberté de bien juger. Celte liberté perdue, elle est à bon droit livrée au vice. Ainsi, perdant son libre arbitre, elle demeure captive dans les liens du péché. Car elle ne peut aucunement recouvrer elle-même la liberté qu’elle a perdue par sa faute; celui qui la lui avait donnée est seul capable de la lui rendre. » Avis à ceux qui prétendent que « le libre arbitre a élé donné par Dieu pour Je bien comme pour le mal. Il est sûr qu’on le perd en péchant, et, une fols perdu, on ne le recouvre que par la grâce. Du reste, comme il est prouvé que le mal n'est rien en soi ct que le bien seul est quelque chose, comment pourrait-on démontrer que le libre arbitre a été donné tout â la fois pour quelque chose et pouf rien? a En somme, le libre arbitre n’agit pour le bien que sous l’action de la grâce. Cette grâce, c’est Dieu qui la donne. Mais Dieu ne la donne pas également Λ tous. De là le problème de la prédestination. Pourquoi Dieu, dont la charité s'étend â toutes les créatures, préférct-il certaines personnes, qu’il préserve du mal, qu’il orne de vertus ct qu’il rend éternellement heureuses dans l’autre vie, tandis qu’il laisse les autres croupir dans le crime ct les réserve pour être un jour les funestes objets de ses vengeances étemelles ? Dialog., h II, loc. cil., col. 1155 sq. Hugues répond, ibid., Dieu n’est que charité. Si la créature raisonnable a élé douée du libre arbitre, c'est · alla de connaître son créateur cl, en le connaissant, de l’aimer comme elle doit le faire. Le créateur exige celte dette de sa créature. Si elle remplit soigneusement ce devoir, elle mérite d’être bienheureuse, en contemplant pleine­ ment celui par qui elle a été créée. L’impie ne remplit pas ce devoir d’amour; il méprise l’ordre établi par la Justice : manquant de justice, il court audevant de la misère. En vertu de la souveraine justice, qui est Dieu, toute volonté désordonnée est à ellemême son châtiment. Car Dieu est le créateur; il n'abandonne pas le pécheur; il le rappelle et le corrige; il le flagelle pour le corriger ct, quand il ne se corrige pas.il l'abandonne, alin qu’il apprenne par les tourments combien est Juste la peine qu’il subit pour avoir» lui créature, méprisé son créateur et pour n'avoir pas aimé, lui tant aimé, le Dieu qui l'aimait tant... C’est le châtiment qui (ait comprendre aux damnés combien il est juste que la peine soit la part de ceux qui n'aiment pas connue il est juste que la béatitude soil la récom­ pense de ceux qui aiment... > Ainsi, n’est damné que celui qui sc damne. Les bêrcllaues de la Bretagne sc demandaient : A quoi sert l’Eglise? · L’Eglise, dit Hugues, Contra hirrcticos, L III, loc. cil., cob 1297-1298, sert à sauver les âmes. Elle est l’échelle de Jacob que Dieu a dressée de la terre jusqu'au ciel, ct par où les anges montent et des­ cendent. Elle est la maison de Dieu ct la porte du ciel. C’est un lieu où Dieu réside, non pas comme partout ailleurs, mais comme dans un lieu de grâce, où il est pieusement cherché, trouvé, aimé. C’est la maison de Dieu, terrible pour les impies, les schismatiques, les 212 hérétiques. C'est la maison de Dieu pour tous ceux qui ont trouvé une nouvelle naissance dans les sacrements, qui ont été ornés de la grâce septiforme du SaintEsprit, qui ont été rassasiés de l'unique pain céleste. > Hugues explique dans les Dialogues, I. II,c. vin, 19, loc. cil., col. 1160 sq., les sept dons du Saint-Esprit, puis, I. V,c.i sq., col. 1193 sq., les suites du péchéct les sacrements qui en sont le remède. I-a doctrine de l’Église sur le baptême des enfants scandalisait particulièrement les hérétiques. Hugues répond à leurs objections dans le Contra lueret icos, I. I, c. xi, col. 1266 sq. Ils alléguaient ce passage de ΓÉvan­ gile : u Celui qui croira ct sera baptisé sera sauvé. > Marc., xvi, 16. Or, disaient-ils, les enfants ne croient pas; donc Je baptême ne leur sert de rien. Hugues répond que ce passage ne regarde que les adultes. Pourtant, ajoute-t-il, ce n’est pas à eux seuls, mais à tous les hommes en général, que le baptême est néces­ saire, suivant ces autres paroles de l’Évangile : «Si quelqu’un n’est pas rené de l’eau ct de l'EspritSaint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu.» Joa., ni, 5. «Voilà, poursuit-il, une loi qui n'cxccple personne, pas même l’enfant d’un jour. Disons donc que l’on n’exige des enfants que la grâce ct non les œuvres, la grâce de la sanctification qui vient du baptême et non les œuvres méritoires qui sc font par le choix de la volonté. Cette grâce leur est conférée sans qu’ils s'en aperçoivent. Car de même qu’ils ignorent le péché qu’ils tiennent originairement de notre premier père, ainsi ils reçoivent de JésusChrist, par la voie des sacrements, la grâce qu’ils no connaissent pas. El comme les enfants ne sont pas excusés du péché (originel) pour l'ignorer, de même ils ne sont pas exclus de la grâce pour ne pas la con­ naître. > Et plus loin, c. Xii, col. 1268-1269, l’auteur fait remarquer que la foi de l’Église catholique supplée à la foi qui manque aux enfants; elle devient pour ainsi dire leur propre foi. On lira dans Dialogues, 1. V, c. xiv sq., loc. cil., col. 1209 sq., ce qu’il pense du sacrement de l’autel ct dans Contra hicr.eticos, 1. il, c. n sq., col. 1276 sq., ce qu’il dit des sept degrés de l’ordre. Au 1. V, c. xi, des Dialogues, col. 1204, il avait à répondre ù cette question ; < Que faut-il penser des ministres sacrés suspens, excommuniés ou déposés? Lorsqu'ils montent à l’autel, opèrent-ils réellement le corps du Christ? Et ceux à qui Us imposent les mains reçoivent-ils les dons du Saint-Esprit? » Hugues soutient nettement la négative. C'est le Christ, dit-il, qui agit par l’Église lorsqu’elle donne le pouvoir d’ordre et c’est encore le Christ qui retire ce pouvoir quand l’Église le retire. « Si donc celui que le Christ a» par l’Église, destitué de son office en le dé­ posant ou en l’excommuniant, a la présomption d’ad­ ministrer les sacrements, lui qui n'est plus ministre, il n'opère ricin: Quem itaque Christus per Ecclesiam deponendo ct excommunicando deslitait a b officio, si in sacramentis ministrare presumit, gui jam minister non est. nihil jacit. Celte proposition fit scandale ct le prieur de SaintMartin-des-Champs en avertit Hugues, qui lui répon­ dit par la lettre que Migne a publiée à la suite du VI· livre des Dialogues, loc. cil., col. 1227-1230. Hugues ne retire rien de ce qu’il a avancé. Il Justifie son senti­ ment par saint Matthieu, xvi, 19 : Quodeumque ligaveris super terram, erit ligatum cl in cœlis, etc., ict par quelques autres textes, tirés du droit canon ou d’auteurs inconnus, par exemple : Quod conficit schismaticus corpus Christi non est, ou encore : Extra catholicam Ecclesiam non est locus veri sacrificii. Aussi I bien l’opinion contraire n'aur.dt-cllc pas des suites effroyables? «Si les consécrations opérées par les schismatiques et les hérétiques étalent efficaces, 213 HUGUES D’AMIENS chaque siège (épiscopal) aurait aujourd’hui une infi­ nité d’évêques ct Borne une infinité do souverains pon­ tifes qui, dans une confusion horrible, délieraient ceux que les autres auraient liés, ou lieraient indûment ceux que les autres auraient déliés. Ainsi, à tout prendre, ce qui est valide serait cassé, ct ce qui est nul serait tenu pour valide. Aucun des gestes ecclésiastiques ne serait certain. Bref, pour dire vrai, il n’y aurait plus du tout d’Égllso. a La raison théologique, aussi bien que rÉcriturc ct les Pères, veut donc que les schismatiques ct les excommuniés perdent, sinon le caractère que leur communique le sacrement de l’ordre, du moins le droit et le pouvoir de l’exercer. 11 semble qu’au temps de 1 Iugucs la distinction entre le pouvoir d’ordre ct le pouvoir de juridiction (ou les conditions dans lesquelles s’exerce ce dernier) n’ait pas été nettement déterminée par les canonistes. C’est ce qui explique 1’assurancc avec laquelle notre auteur émet cl soutient son opinion, trop absolue dans les termes. C’est ce qui explique pareillement que d’autres esprits, mieux avertis, en aient pris ombrage. Hugues fait, dans le VP livre de scs Dialogues, c.in et iv, col. 1218-1219, un curieux rapprochement entre l’ordre ecclésiastique ct l’ordre monastique. Pour lui, tout moine est clerc, ou plutôt fut nécessairement clerc avant d’être moine. A la façon dont il relève l'état monastique on reconnaît qu'il a choisi cette profession ot qu’il en apprécie l'éminente dignité. «L’habit monastique, dit-il ailleurs, c. n, col. 1217, est un des sacrements de l’Église catholique. Car la consécration du moine ct la régénération du bap­ tême ont la mémo vertu. De même que dans le baptême on déjxjuille la vétusté des péchés ct on revêt la nouveauté qui est dans le Christ, ainsi, dans la bénédiction monastique, on dépouille le vieil homme et on reçoit, en même temps que la bénédiction, le colobium, qui est un sacrement de la nouveauté du Christ. Celui qui revêt dévotement cet habit des mains de son père spirituel, suivant l’usage ecclésiastique, délivré de ses péchés, reçoit en mémo temps la grâce qu’il eût eue au baptême. Ainsi le saint baptême ct la consécration monastique opèrent la même chose. » Ces considérations manquent peut-être de précision théologique. Le tour oratoire que 1 Iugucs donne à sa pensée en fait excuser la hardiesse. Les hérétiques de la Bretagne méconnaissaient la sainteté de l’état monastique ct du vœu de chasteté, qui en est la condition. Hugues n'a pas de peine ù justifier par saint Paul la légitimité du vœu de chas­ teté. Contra hicnticos, 1. III, c. v, loc. cil., col. 1291. Sans doute, l’apôtre, I Cor., vu, 2, 3, 8, 9, recommande l’union conjugale: Melius est nubere quam uri. Mai* il ajoute, ibid., 32-35 : Volo autem vos sine sollicitudine esse; gui sine uxore est, sollicitus est quœ Domini sunt, quomodo placeat Deo. L’état monastique ct l’état conjugal sont donc deux états saints. L’état monas­ tique sc rapproche seulement de l’état ecclésiastique, pour lequel l’Église exige le vœu ct la pratique de la continence. I Iugucs indique incidemment, ibid., c. iv, col. 1290, quels sont les degrés de l'ordre qui impliquent le vœu de chasteté : Si quando mater Ecclesia aliquos ex vobis elegerit, quos levitas, vel presbyteros, sive pontifices sublimandos adjudicaverit, soit le diaconat, la prêtrise ct l’épiscopat. 11 faut croire que par les «lévites s il entendait non seulement les diacres, mais encore les sous-diacres, car il remarque ailleurs que le vœu de chasteté est aussi la condition du sous-diaconat. 1 bid., L H, c. n·. col, 1277. Ccs hérétiques qui critiquaient le vœu de continence avaient une étrange conception du mariage. Ils sem­ blaient méconnaître qu’il fût un véritable sacrement. Hugues leur rappelle les lois divines ct ecclésiastiques 214 qui consacrent l’unité ct l’indissolubilité du mariage chrétien. Ibid., 1. III, c. iv, col. 1288 sq.Suivant sa remarque la consanguinité formait alors un empêche­ ment au mariage jusqu'au septième degré. Ibid., coL 1291. Il n’y a pas d’état intermédiaire entre le mariage ct la pratique de la continence, A l’exemple de beau­ coup d’hérétiques de leur temps, cf. S. Bernard, In Cant., senn. i.xv, n. 4, 6 ct 7, ceux de Bretagne traî­ naient à leur suite des femmes qui n’étaient ni leurs épouses ni leurs parentes, sons prétexte d’imiter les apôtres, qui étaient accompagnés de saintes femmes. Hugues leur fait voir, ibid., col. 1289-1290, qu’ils n’ont aucun titre à garder ccs compagnes. Les apôtres, dit-il, n’avaient auprès d’eux que leurs épouses ou leurs parentes. Faites de même. Si vous êtes libres, épousez les femmes qui vous suivent, ct si vous êtes dans les ordres, ne gardez près de vous que des pa­ rentes dont la présence ne soit un scandale pour personne. L'erreur des Bretons portait encore sur les fins der­ nières, notamment sur le dogme de la résurrection des corps. Il arrive souvent, disaient-ils, que des corps humains sont déchirés, mis en pièces, mangés par les oiseaux, dévorés par les bêtes ou réduits en poudre et emportés par les vents. Or, il est impossible que ces parties, ainsi dispersées ou transformées en d'autres substances, puissent sc réunir et reprendre leur an­ cienne forme. Donc les corps auxquels elles avaient originairement appartenu ne pourront ressusciter. Jbid., c. in, col. 1288. C’est l’objection classique; c’est aussi la réponse classique que Hugues leur fournit. « Si la résurrection des corps était 1’ouvrage de l’homme ou de quelque autre créature, nous serions, dit-il, embarrassés de répondre. Mais nous croyons et nous confessons que c’est la main du Tout-Puissant qui ramasse toutes ces choses, qu elle Iw tient toutes ct n'en perd aucune. Quelque dispersées que soient les parties du corps humain. Dieu les connaît ct ne les perd pas de vue. Ainsi en un moment, en un clin d’œil, il peut les réta­ blir dans leur premier étaL > En somme, Hugues d’Amiens a passé en revue tout le domaine de la théologie et il peut être compté parmi les théologiens du χπ· siècle qui nous ont le plus fidèlement transmis la doctrine de l’antiquité. SI l’on excepte l'article un peu délicat qui regarde le pouvoir d’ordre des schismatiques ct des excommuniés, tout ce qu'il enseigne est puisé aux sources les plus pures de la tradition. Il est visible qu’il s’inspire de saint Augustin, surtout dans la question de la grâce ct du libre arbitre. Cf. Histoire littéraire de la France, L xn, p. 6GG-667. Bien que Hugues développe ses idées avec quelque subtilité, il se garde bien de donner dans les théories frivoles qui passionnaient alors certains esprits ct faisaient plus de bruit que de bien, apportaient plus d’obscurité que de lumière. Il cherche vraiment à instruire. Son style est clair, simple, facile, bien approprié aux sujets qu’il traite. On le lit avec agré­ aient. Quinze lettres cl différents traités de Hugues, dans P. L., t. CXCII, col. 1131-1350; quelques autres lettres, Ibid., t. (XXXix, col. G70; t. cxxxxvt, col. 1399-1150; dix-ncut lettres, dans Recueil des historiens des Gaules, t. XV, p. 693702; Onleric Vital, H. E., 1. XIII, c. vu ct vjil, P. L., t. clxxxvîii, col. 9H sq.; Robert de Torlgny, nbbé du Mont-Salnt-Michel, Chronique, édit. Delhdc, 1872, L I, p. Lxvii-Lxvni, 183-185, 208, 238, 250, 285, 299, 35-1; t. il, p. 228, 239, 254, 265, 266; JafTé-Lœvcnfcld, Regesta ponltfleura ronxanonun, Leipzig. 1885. n. 7172, 7481,7183, 7487, 7511,7523,7512, 7585, 7586,7600,7726,7818,7901,8101, 8626, 9027, 9161, 9165, 9166. 9231. 9210, 9241. 9339, 9308, 9151, 9158, 9551. 10063. 10369, 10142,10464,10627, 10787, 11103; dotn Poinincniyc, Histoire des archevêques de Rouen, 215 IILGUES D’AMIENS — HUGUES DE HALMA 216 faisait, au xvn· siècle, dom Charles Le Coutculx. Annales ord. curtus., t. m, p. 31 l-312.il dit aussi que, de son temps, la Theologia mystica sc trouvait ms. dans les archives de plusieurs maisons de l’ordre ct toujours avec l’attribution à un chartreux. L'exemplaire de la Grande-Chartreuse, qu’il avait à sa disposition ct qu’il estimait avoir été écrit au xv· siècle, est conservé actuellement à la bibliothèque de la ville dc Gre­ noble, dans Je codex n. 863, fol. 230 α-276 à. Il est inti­ tulé : Theologia nujslica sub duplici tractatu : primo, theorico et speculativo} secundo, praclico et quasi activo, fratris Hugonis de Balma, carlusiensis. Voir Catalogue général des mss de la ville de Grenoble, p. 115, n. 406. Les rédacteurs de ce Catalogue ont jugé, comme dom Le Coutculx, que le codex est du xv· siècle. Un autre manuscrit dc la même époque (après 1418) se trouve à 2. HUGUES DE BALMA, écrivain chartrcuxdc Paris, à la Bibliothèque nationale, n. 13605. Dans le la seconde moitié duxnPsièclc, auteur d’un ouvragesur I monde littéraire, il est fort connu sous le nom de codex les voies intérieures, dont la paternité lui a etc long­ Allatianus ou Biscianus de l’Imitation de Jésus-Christ temps contestée. Cet ouvrage est connu sous trois titres | attribuée à Jean de Canabaco. Or, panni les nombreux divers. Dans les œuvres de saint Bonaventure, il est opuscules réunis par le même copiste dans ce codex, la Theologia nujslica Hugonis de Pahna, chartreux, rem­ intitule : Theologia nujslica, et a été considéré souvent comme une des œuvres véritables du docteur séra­ plit les feuillets 101-1 15. Cf. Puyol, L'auteur du livre phique. En 1531, les chartreux dc Cologne le liront De Imitatione Christi, ιΓβ section, Paris, 1899, p. 228, paraître dans un recueil d’opuscules spirituels dc 235; Descriptions bibliographiques des mss du livre Dc Imitatione Christi, Paris, 1898, p. 15 sq., 477. Denys le Chartreux, et lui donnèrent le titre suivant, qu’il portait dans quatre vieux manuscrits : Hugonis Vers la fin du xvt· siècle, le docteur François Lamata, carthusiani authoris velusti, dc triplici via ad sapien­ qui fit imprimer à Home une nouvelle édition des opus­ tiam ct divinorum contemplationem, opusculum plane cules dc saint Bonaventure, dans un avertissement au aureum. Enfin, selon l’usage des anciens copistes, on lecteur, reconnut que, dans l’édition dc Strasbourg, l'appelait, au moyen Age, le Vite Sion lugent, c'est-àle texte de la Theologia mystica avait été Interpolé, et dire le traité dont le début est formé par ces paroles qu’un manuscrit ancien, dont il ne précisait pas l’épo­ dc Jérémie. Cf.’Mougcl, La Chartreuse dc Dijon, Monque, portait la mention favorable aux chartreux. De tr< ’ lcr, 1898, t. i, p. H L nos jours, les savants éditeurs des œuvres complètes Lorsque la sévère critique ne permit plus de mainte­ dc saint Bonaventure, les frères mineurs du collège de nir l’attribution dc la Theologia nujslica à saint Bona­ Quaracchi, près dc Flo rcnce, ont été amenés deux fois venture, on soutint que l'auteur ne pouvait être qu’un à traiter la question du véritable auteur de la Theologia frère mineur, probablement J fenri de Baume, parent et mystica ct, avec une lo uablc impartialité, ils ont tou­ confesseur dc sainte Colette, décédée en 1139. Voir jours conclu que cct ou vrage a été composé par un char­ t. vl, col. 2190 sq. Au xvn’siècle, le P. Théophile ; treux. La première manifestation de leur jugement sc Baynaud, jésuite, prétendit que Gerson était le véri­ trouve dans les Prolégomènes du t. vin (1898), c. in, a. 2, table auteur dc cct ouvrage· Cf. Opera, t. xi, p. 285. n. 11, p. exi, où, contrairement à l'avis de Wadding, ils Dc nos jours, on a émis l’hypothèse que l’auteur pou­ remarquent que déjà les anciens éditeurs doutaient dc vait bien être un certain Hugues dc Balma, bisontin, l'attribution de cet ouvrage au docteur séraphique, maître ès arts à Paris, en 1103. Cf. Études reli­ soit à cause dc la difference du style, soit à cause du gieuses, 1900, p. 695, note 1. Mais l’honneur d’avoir témoignage des manuscrits, de Gerson ct de plusieurs composé la Theologia nujslica revient à un chartreux, autres auteurs qui l'attribuent à fr. Hugues ou Henri dont nous fixerons bientôt l’époque précise ct le mo­ do Balma. Il existe encore, disent-ils, plus dc cinquante nastère où il vivait. En effet, le texte publié par les manuscrits qui, à l’exception de quelques-uns ano­ chartreux de Cologne ex quatuor vetustissimis manu· nymes, portent le nom de Hugues de Balma avec la scriptis exemplaribus, dit l’éditeur au fol. 290 a, décèle mention expresse qu’il est chartreux. Un très petit la profession cartuslennc de son auteur, qui, dans la i nombre de codices, ct tous dc date récente, portent le lr· partie, traitant de la vie purgative et parlant des nom de saint Bonaventure. C'est parcc que la Theologia bienfaits particuliers reçus de la divine bonté, propose nujslica est intitulée dans plusieurs manuscrits : De d’abord à son disciple le conseil dc rendre grâces à triplici via ad sapientiam, qui est aussi le titre d’un traité Dieu dc l'avoir appelé à l'ordre des chartreux, où la vie authentique de saint Bonaventure, qu'on a confondu solitaire est modelée sur la vie dc Notre-Seigneur au i les deux ouvrages ct qu’on les a attribués au saint désert et sur celle de son précurseur, saint Jean-Bap­ docteur. En 1892, dans la dissertation lr· du t. x, p. 21, tiste. En vérité, dans l’édition dc la Theologia nujslica les savants éditeurs ont complété leur premier juge­ faite à Strasbourg, en 1195, au t. n des œuvres dc ment par plusieurs remarques capables dc déterminer saint Bonaventure, ct dans quelques manuscrits, ces d’une façon plus précise le nom de l'auteur ct l'époque paroles élogicuscs pour les chartreux ont été corrigées, où II vivait. Ils disent que la bibliothèque de Trêves complétées par une phrase sur la pauvreté, ct adaptées possède un recueil d’ouvrages mss du xiv-xv· siècle, au genre dc vie des enfants dc saint François; mais il n. 231 (ancien 158), qui contient le Tractatus de triplici n’en est pas moins certain que, indépendamment du ! via ad Deum. Viæ Sion lugent, etc. L’écrilurc dc ce texte publie à Cologne, en 1531, la plupart des manu- ■ traité parut au P. Fidèle a Fanna, paléographe très scrits ne parlent que des chartreux ct témoignent que, ! expert, du xin· siècle. Sine dubio, disait-il dans une dans l’édition strasbourgeoise, une interpolation a été · note, est e secuto xiir. Dans la marge du codex, un faite à dessein en faveur des religieux franciscains. anonyme du xv· siècle écrivit : Dominus Henricus D’aillcurs, la doctrine dc l’ouvrage convient entière­ dt Raima dicitur auctor sequentis libri, qui fuit carthument à la vie contemplative des chartreux, et ne corres­ signas. Les franciscains concluent : c SI nous voulons pond pas toujours aux exigences de la vie apostolique nous en tenir au témoignage des manuscrits, il faut admettre que l'auteur est un chartreux. Nous avons d’un frère mineur. C’est la remarque judicieuse que Bourn, 1667, p. 313-343; Gallia Christiana, t. xi, p. 43 sq. (reproduit dans P. L., t. cxcu, col. 1111-1118); Histoire IIIléra ire de la Prance, t. xn. p. 617-667 (reproduit en partie dans P. L·, t. cxcii, col. 1118-1130); dom Bcssln, Concilia Rothomagensia, Bourn, 1717, II· partie, p. 27-30; Du Mousticr, Ncuslria Christiana, ms., BibliothiSpir nationale, Paris, cod. I004S; Cartulaire de l'église cathédrale de Rouen, ms. 25éé, Biblioth. municipale de Bourn; Bibliothèque du chapitre de Baycux, catal. de 1-136, 4· pulp., η. Prf; Bibliothèque nationale, fonds latin, 11368, fol. 891; Lu­ chaire, Etudes sur quelques mss dc Rome ct dc Paris, dans Bibliothèque dc la faculté des lettres, t. vin, p. 52-53, 108 ct 118; Hébert, Hugues III (TAmlens, dans Revue des questions historiques, 1898, t. xx, p. 325-371, avec une liste de pièces inédites, p. 368, note; Jamieson B. Hurry, In honour of Hugh de Boves and Hugh Cook Paringdon, first and last abbots of Reading, Beading, 1911. E. Va CAN DA HD. 217 II U GU ES DE BALMA 21S (connaissance) d’environ 70 codices, y compris les /roy- | réputation dont Thomas Gallo jouissait ct le titre ments el les traductions, sept italiennes ct deux espa- ' magister in Hierarchia dc saint Deny·, que lui décer­ nèrent scs contemporains, ci. Puyol, op. cil., p. 176gnôles. Un bon nombre dc ces mss sont anonymes; 184, étaient la juste récompense dc vingt années em­ trois seulement portent le nom dc (saint) Bonaventure, deux portent celui de Jeun de Bal ma (ou des frères prê­ ployées à comjioscr Y Extractio super quatuor libros magni Dionysii. Or cct ouvrage parait avoit été fait à cheurs, ou d'excellent professeur); une quinzaine au Verceil, où, Jusqu'au xvi« siècle, on conserva le manu­ moins sont favorables à un chartreux, appelé parfois Henri ou Hugues dc Balma. Enfin, il faut aussi noter scrit autographe, qui fut ensuite donné au duc dc Sa­ voie. Cf. Puyol, op. cil., p. 175. Il en résulte donc que le que jamais, à ce dernier nom, on n’a ajoute la mention chartreux I lugues de Balma proposé par dom Le Cou­ qu’il avait été frère mineur. » Grâce a une bienveillante tculx comme l’auteur dc la Theologia mystica ne pou­ communication des mêmes religieux, nous savons que vait pas, en 1205, citer le commentaire de Thomas Je P. Fidèle avait noté six traductions italiennes mss: Florence, bibliot hèquo Laurcnticnnc, n. 19' dc la biblio­ Gallo, qui ne fut abbé qu’une vingtaine d’années après. Une autre preuve non moins frappante ressort thèque Lcopoldl Biscionianæ,sur papier, in-8 ,du xivdes deux seuls auteurs récents que Hugues de Balma xve siècle; Udine, bibliothèque dc l’archevêché, Q. 26, VI, 28, parchemin, in-4°, vers la fin du xiv· siècle ou -cite expressément dans son livre, à savoir, Richard de Saint-Victor (t 1173) ct Thomas Gallo (t \crs 1246). au commencement du xv·; Gênes, bibliothèque dc Or, au moyen âge, les écrivains empruntaient sans l’université, A. III, 30, sur papier, in-4°, xv· siècle; scrupule des textes aux ouvrages de leurs contempo­ Venise, bibliothèque de Saint-Marc, lr* catég., LVJII, rains sans indiquer les sources auxquelles ils avaient sur papier, in-16, xv· siècle; Vérone, bibliothèque dc puisé k-ur doctrine, à moins que les citation* ne fussent la ville, n. progressif 498-503, sur papier, in-4®, du empruntées aux Pères ct aux docteurs les plus célèbres. xive-xv·siècle; Naples, bibliothèque nationale,D. LE. Cf. Ihiyol, op. cit., p. 420-422. En citant ces deux au­ 29. Enfin, il paraît que la bibliothèque dc la ville de teurs, Hugues dc Bahna décèle lui-même l'époque Sienne possédait autrefois une autre traduction ita­ où il écrivait, à savoir,la seconde moitié du xin· siècle. lienne du xv· siècle, indiquée au catalogue par les 11 semble avoir ignoré les œuvres dc saint Bona\enlurc, lettres F. V. 20, petit in-fol., sur papier. En 1852, le P. Barthélemy Sorio, de 1 Oratoire, publia à Vérone une comme le saint docteur paraît ne pas avoir connu son traduction italienne de la Theologia mystica avec plu­ traité. En effet, Gerson, De elucidatione scholastica sieurs autres opuscules de saint Bonaventure traduits Myslieæ theologize, dit que, sur une question fort nd trecento, c’est-à-dire au xiv· siècle. La Theologia importante dc la vie intérieure : quod amor est absque mystica occupe la première place dans le volume cl cognitione, saint Bonaventure, dans son Itinerarium, porte ce titre : La Teologia mist ica altribuita a S. Bona­ est du meme sentiment que I lugues de Balma dans son venture gia volgarizzata prima del 1367 da /rate Dome· Dc triplici vta, et pourtant dans aucun de ces deux nicoda Montcchielto Gesuato. Testo di Lingua citato dagli traités on ne rencontre le nom de leurs auteurs. Accadcmici della Crusca. etc. Dans la dissertation pré­ Suivant une étude faite récemment par un religieux liminaire, le savant éditeur revendique l’ouvrage pour anonyme de la chartreuse de Parkminster (Angleterre), 1 lugues de Balma. auteur dc la Theologia mystica, est le chartreux Hugues de Bahna. Ainsi, dc tous côtés, le chartreux Hugues de Dorchiis, dc la noble famille la critique contemporaine, appuyée par l’autorité des manuscrits et par le texte même de l’ouvrage, exclut I de Balmey ou de Balma, qui. après quelques années dc vie religieuse a Meyriat, fut jugé digne d’être prieur tout autre candidat à la paternité dc la Theologia mystica cl l’attribue à son véritable auteur, Hugues de de ce monastère vers la fin du xin* siècle. CL dom Le ' Couteulx,op.a7.,t.i, an. 1116, p. 214. Le rapprochement Balma, fils de saint Bruno. des divers textes dc cct historien parait avoir dissipé Mais à quelle époque ct dans quel monastère vivait tous les doutes sur le nom ct sur l’époque où vivait Hugues de Balma? Jusqu’à ces derniers temps, on l’auteur de la Theologia mystica et lumineusement était porté à suivre la conjecture de dom Charles Le éclairci la question. La famille de Balmey, autrement Coutculx, qui. Annales ord. carius., an. 1205, t. ut, de Balma, de la Bauluse, dc Bulmcto, pendant plusieurs p. 313, avait cru que Hugues dc Balma, chartreux de siècles, a eu des relations très intimes avec l’ordre des Meyrial, dans la Bresse, pouvait bien être l’auteur de chartreux, ct plusieurs de scs membres embrassèrent la Theologia mystica. Ct. Opera S. B'ona ventune, Quacct institut. Le vénérable Ponce de Balmey, écolàlre racchi, t. x, p. 2 t. Mais si cotte conjecture est une réa­ et chanoine pénitencier de l’église métropolitaine de lité pour ce qui regarde le monastère où vécut Hugues Lyon, fonda, en 1116, la chartreuse dc Meyriat, dans de Balma, il n’en est pas dc même pour l'auteur de la la Bresse. L’année suivante, il se fit chartreux à la Theologia mystica. Deux citations faites dans cet ou­ Grande-Chartreuse et, en 111S, il fut nommé prieur vrage du commentaire du célèbre Thomas Gallo, abbé de Mevriat, qu’il gouverna Jusqu'à sa promotion à dc Saint-André dc Verceil, sur la Théologie mystique l’évêché de Bclley (1121). En 1133 (ou 1135), il se du pseudo-Denys l'Aréopagitc, démontrent que le demit de son ésèché cl rentra à Meyriat, où il mourut chartreux Hugues de Bahna, ancien chevalier ct veuf, le 13 décembre 1140, en odeur dc sainteté. Sa fondation entré à Meyrial vers l’an 11 GO (ci. dom Le Coutculx, de Meyriat fut approuvée par ses frères. Garnerius op. cit., t. i, p. 215, an. 111 G) ct mort vers l’an 1205, de Balmeto ct Wilhelmus dominus Dorchiæ milites, ne peut pas être le véritable auteur recherché. En effet, przedieli Bontii /mires, prirdictam donationem appro­ Thomas Gallo, victorin, fut d’abord prieur dc Saintbaverunt et laudaverunt in prasentla nostra, dit le André de Verceil, dc 1223 à 1226. Au mois de février chapitre de l’église métropolitaine dc Lyon dans l’acte dc cette dernière année 1226, un diplôme dc Frédéric 11 de fondation. Cf. dom Le Coutculx, op. cit., 1.1, p. 212lui donne déjà le titre d’abbé. En 1213, il vivait encore, ct ce n’est qu’en 1216 qu’il eut un successeur en la per­ 213. Garnier, après la mort de sa femme, entra aussi à Meyriat, en qualité dc frère convcrs. Guillaume de sonne de l’abbé Aufossus, qui gouverna le monastère jusqu'en 1282, Il est donc probablement décédé vers Balmey, seigneur dc Dorche, continua sa race, cl c’est dc cette branche des Balmey de Dorche qu'est issu, au 1246. Cf. Puyol, L'auteur du livre De Imitatione ΧΙΠ· siècle, dom Hugues de Balma dc Dorche, prieur Christi, etc., p. 166-195. Bien que l’on ignore l’époque dc Meyriat ct auteur de la Theologia mystica. Il serait ou Thomas Gallo composa le commentaire, la qualité difficile de trouver un autre chartreux homonyme ct dc commentator Vercellensis que lui donne le texte du chartreux prouve (pic celui-ci ne connaissait pas Tho­ contemporain, à qui on puisse avec autant de proba­ bilité attribuer cet ouvrage. C’est pourquoi il sembla mas autrement que comme abbé dc Verceil. La grande 219 HUGUES DE BALMΛ — HUGUES DE BRETEL IL que la question de l’identité de l’auteur, ainsi que celle de la qualité de chartreux, ont été suffisamment et définitivement résolues. L’honneur qu’on a fait plusieurs fois à ce traité de l’attribuer à saint Bonaventure, de dire que ni le style ni la doctrine n’étaient indignes de ce grand docteur, cf. Puyol, La doctrine du livre De Imitatione Christi, Paris, 1898, p. 561, de le propager en manu­ scrits et de le publier en latin et en langue vulgaire sous son nom, démontre clairement que la Theologia mystica ou le De triplici via ad sapientiam * est Je produit d'une haute et ferme intelligence > (cf. Puyol, op. cil., p. 558) ou, comme s’exprime le P. Sorio, éditeur de la traduc­ tion italienne, < c'est un traité de métaphysique chré­ tienne aussi sublime que solide >. Op. cil., p. 8. Denys le Chartreux avoue que, par la doctrine de son livre, l’auteur se révèle comme un homme très expérimenté dans la vie spirituelle, doué d’un esprit profond et contemplatif à un haut degré. Cf. De contempla!tone, 1. Ill, a. 16, p. 437, du recueil intitulé : Dionysii car· tusiani opuscula aliquot quœ ad theoriam mysticam egregie instituunt, Montreull-sur-Mcr, 1894. Hugues de Balma avait étudié la scolastique. Il se montre habitué à traiter les questions les plus difficiles «avec une vigueur de raisonnement et une abondance de preuves > qui frappent.Cf. Puyol, op. cil., p. 558-562,ct Denys le Chartreux, op. cil., a. 14, 15, p. 426-437. Il connaissait ft fond les œuvres du pseudo-Denys, et ses doctrines ont attiré l’attention des grands maîtres de la mys­ tique venus après lui. Cf. Dionysii carlusiant Opera omnia, Tournai, 1902, t. xvi, p. 492, et Gerson cité plus haut. Il a excellemment défini la théologie mys­ tique et sa définition fait autorité encore aujourd’hui. Cf. Puyol, op. cil., p 448. note 1. Il y a une dizaine d’années, le T. IL P. Frédien Glanorini, des frères mineurs, custode de Terre Sainte, élevé depuis à la dignité archiépiscopale, fit paraître son livre intitulé : Sludi sulla scuola /rancescana, Sienne, 1895, dont le dernier chapitre est consacré à l’étude du mysti­ cisme de saint Bonaventure. Certes, le pieux et savant auteur aurait pu tirer des œuvres mômes du docteur séraphique la définition du mysticisme et la descrip­ tion générique de scs principaux phénomènes; il aurait pu aussi consulter les nombreux maîtres de son école avec grand avantage; mais la précision des tenues employés par dorn 1 lugues de Balma pour définir cette science divine est tellement remarquable que le Père, tout en avouant que la Theologia mystica n’élait pas une œuvre de saint Bonaventure, néanmoins emprunte à cc traité la définition du mysticisme pour en faire la base de son étude! S'il est vrai que Thomas Gallo est le premier écrivain de spiritualité où l’on rencontre l’usage des termes purgatio et illuminatio dans le sens des modernes, cf. Puyol, L'auteur, etc., ir· section, Paris, 1899. p. 189, note 1, il faut dire que Hugues de Balma a réalisé dans son livre la précision faite par Mgr Puyol dans ces termes : < Ce n’est pas encore la formule devenue vulgaire de vie purgative, illuminative et unitive. mais on pressent qu’elle ne tardera pas à se produire. » Ibid. En eiTct, le titre même de l’ouvrage de Hugues de Balma De triplici via ad sapientiam manifeste l'heu­ reuse distinction qu’il a établie dans la doctrine spiri­ tuelle pour bien préciser les mystérieuses ascensions de l ûmc vers Dieu. Mais Hugues de Balma a-t-il été le premier écrivain d’un ouvrage méthodique sur les voies intérieures? Il est difficile de trancher celte question délicate. C’est au xni· siècle que les mystiques ont commencé à faire usage de cette distinction fondée sur la nature des choses et déjà Indiquée par le pseudoDenys· Cf· Puyol. op. cil., p. 189-190; Opera S. Bonaventurer. Quaracchi. t. n (1885». p. 127, note 2; p. 267, note 4. Dom Hugues deBalma est sans conteste un des 220 premiers écrivains ascétiques où la vie intérieure est régulièrement décrite selon la formule des trois voies progressives, purgative, illuminative et unitive. Le codex ms. du xin· siècle conservé ft la biblio­ thèque de Trêves et la traduction italienne faite avant 1367 et publiée en 1852 prouvent la grande estime que le moy en age fit do son ouvrage. Le chartreux dom Henri Eger, de Calcar (t 1108), dans son Exercitatorium monachal?, reproduisit plusieurs passages de la doctrine de son confrère sur la vie purgative, sans indiquer, selon l'usage de son temps, l’ouvrage où il les avait pulsés. Ce silence et l’obscurité qui a si long­ temps entouré l’origine de la Theologia mystica ont été la cause de la fausse opinion qui prétendait (pie l’opuscule de dom Eger était antérieur au De Iriplici via. De contemplatione, I. I, c. xxi, de Denys se trouve également dans l’ouvrage de Hugues de Balma et dans l’opuscule de Eger de Calcar. Mais l’emprunt le plus important que Denys a fait au De Iriplici via, cc sont les industries qu’il propose, 1. I, a. 24, pour aider l'ûmo ft s’élever jusqu'au sommet de la contemplation. Les dix industries indiquées sont le résumé exact des huit industries énumérées par Hugues de Balma, sauf l’ordre de l'exposition qui a été interverti par Denys. Les écrivains mystiques ont souvent cité l’ouvrage de dom Hugues de Balma, l’attribuant tantôt ft saint Bonaventure, tantôt au confesseur de sainte Colette, ou ù quelque autre religieux franciscain. Nommons le cardinal Bona, le P. Honoré de Sainte-Marie, le P. Scaramclli, le P. Schram. La Theologia mystica a été publiée parmi les œuvres de saint Bonaventure, ft Strasbourg, 1195; Venise, 1504, 1564 et 1751; ft Rome, 1588; ft Mayence, 1609; ft Lyon, 1668; à Paris, dans le t. vu de l'édition Vivès, 1866-1874. L’édition faite en 1534 par les chartreux de Cologne fut réimprimée ft Munich, en 1603, in-16. Hugo de Balma, ord. earth., Theologia mystica seu Trivium sacrum quod agit de triplici via animæ, purga­ tiva, illuminahva, unitiva. Edidit Francisais de Monte, in-16, Amsterdam, 1647. Le chartreux Gérard Kalckbrenner, prieur de la malsMn de Cologne (t 1566), dans son Hortulus devotion is, inséra V Exercitium vite purga­ ti væ ex libello De Iriplici via JI agonis cartusiani, ln-12, Cologne, 1541, 1577 et 1579. Celte publication a fait attribuer tout le recueil Hortulus ft dom Hugues de Balma. Cf. Petrejus, Bibliotheca cartusiana, 1609, p. 147, 145 et 103. Une traduction espagnole de la Theologia mystica faite par Je P. Jérôme Graticn, canne, fut imprimée ft Madrid, en 1607, par l'imprimerie royale. Opere ascetiche di San Bonuventura volgarizzate net trecento contcnute in questo volume : La Teologia mistica, L’Albero della croce, L'csposizlone della Salve Hegina. Lo spccchio della vita spirituale, La leggenda del B. Santo Francesco, in-1°, Vérone, 1852. Traduction allemande, in-8°, Amsterdam, 1696. S. Autohe. 3. HUGUES DE BRETEUIL évêquoclcLangres, mort en 1051. Fils de Gilduin, comte de Breleuil, et restaurateur de l’abbaye de ce nom axi diocèse de Beauvais, il fut clerc ou chanoine de l’église de Char­ tres. Au commencement de 1031, le roi Robert le nomma à l’évêché de Langres. Arrivé ft l’épiscopat, Hugues sc laissa aller ft tous les désordres, traitant tyranniquement le clergé et les fidèles de son diocèse. En 1049, le pape Léon IX avait convoqué un concile ù Reims: l’évêque de Langres s’y trouva et fit tout d'abord déposer l'abbé de Pouthières, convaincu de plusieurs crimes. Mais ft son tour lui-même fut accusé, cl, désespérant desc justifier, prit la fuite cl fut excom­ munié. Après le concile, louché de repentir, il sc rendit près du pape auquel il confessa publiquement scs crimes, se soumettant ft la pénitence qu'on voudrait hd impo4 scr. 11 suivit 1-éon IX à Rome et se présenta devant un 221 HI GUES DE BRETEUIL — HUGUES DE SAINT-GUE R concile, les pieds nus, en habits de pénilunl, et un faisceau de verges Λ la main. Touché de son repentir, Mon IX lui accorda une entière absolution. Hugues revenait en France quand H tomba malade, épuisé par ses jeûnes et scs mortifications. Avant de mourir, il demanda l’habit <1© saint Benoit aux religieux de Cluny ourg-cn-Brisgau, 1886» t. n, p. 171, 174. Π interpréta alors le livre des Sentences. Il ne fut pas, comme les Pères Touron et Chapotln l'ont admis contre les Pères Echard et Mortier, un des quatre nonces envoyés en 1233 par Grégoire IX à Nîcéc pour traiter, avec le patriarche de Constanti­ nople et, l’empereur, de l'union des Églises. A cette époque. Hugues enseignait à Pans, et, son cours terminé» il devint prieur du couvent. En 1238, il reçut une seconde fois la charge de provincial et s'occupa de la diffusion de l'ordre en France. On lui attribue la fondation des couvents dominicains de Dijon, de Bourges. d’Auxerre, de Coûtantes, d'Amiens» de Tours, de Bergucs et de Toul. En 1235, une longue discussion avait été solennellement ouverte sous la présidence de Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, sur la pluralité des bénéfices ecclesiastiques. Tous les maîtres en théologie, ù l’exception de deux, nvalent été d’avis que la possession de plusieurs bénéfices n’était pas licite; mais aucune décision n’avait été prise. Trois ans plus tard, en 1238, l’évêque rassembla une seconde fois les docteurs au chapitre des frères prêcheurs et proposa de nouveau la question, qui fut très longuement discutée. On prouva que deux bénéfices, dont l'un valait quinze livres do Paris, ne pouvaient être tenus, au salut de son âme. Hugues de Saint-Cher opina dans ce sens, le*premier après l'évêque. Voir Du Boulay, Historia universitatis Pari· siensis, Paris, 1666» t. ni, p. 164-166: H. Denifle et E. Chatelain, Chartularium universitatis Paris iens is, Paris, 1889, t. i» p. 158, n. 108. Le 24 mai de cette année. Hugues, en sa qualité de provincial, assista au chapitre général de Bologne, où saint Raymond de Pennafort fut élu maître général de l’ordre après la mort de Jourdain de Saxe. Une lé­ gende postérieure, contredite par les témoignages des contemporains, prétendit que les capitulants dispersèrent leurs voix sur deux personnages déjà illustres : les Français volaient pour 1 lugues de SaintCher, les Allemands pour Albert le Grand, et les électeur» des autres nations pour l’un ou pour l’autre, 223 HUGUES DE SAlM-tlIER scion leurs préférences personnelles. Les voix ainsi partagées l'élection ne put avoir lieu ce jour-là. Le lendemain, Raymond de Pennafort obtint, au pre­ mier tour de scrutin, l'unanimité des suffrages. Ce qu'il y n de certain, c’est que Hugues fut un des dé­ putés envoyés à Barcelone pour annoncer à Bay­ mond son élection et, au besoin, vaincre ses résis­ tances. Baymond, en effet, mit tout en avant pour refuser la charge» et on attribua son acceptation aux instances de Hugues de Saint-Cher. P. Mortier, Histoire des maîtres généraux de V ordre des frères prêcheurs, Paris, 1903, t. i, p. 256-258. Le premier acte que saint Baymond signa à Barcelone, comme maître général, fut la ratification d'un contrat passé entre les moines de l’abbaye d’Ainay, d'une part, et. de l’autre, Humbert de Romano, prieur des frères prêcheurs de Lyon, et Hugues, provincial de France. Danzas, Études sur tes premiers temps de l'ordre de Saint-Dominique, Saint Raymond de Pennafort et son époque, Paris, 1885, t. I, p. 302. En 1210, tandis qu’il faisait la visite du couvent de son ordre à Liège, Hugues fut consulté sur le projet qu’on avait d'honorer le sacrement de l'autel par une fête nouvelle. L'idée avait été émise par sainte Julienne du Mont-Comillon, mais n’avait pas encore reçu d’exécution. Elle était approuvée par les uns et contredite par d’autres; Guiard, évêque de Cambrai et ancien chancelier de l'urilvcrsité de Paris, y était favorable. Consulté par les chanoines de l’église Saint-Martin de Liège, Hugues, après un examen sérieux de la question, répondit qu’il lui paraissait fort juste, et utile & l’Église, que l’insti­ tution de la sainte eucharistie fût célébrée par une fête particulière et avec solennité. Les raisons qu’il présenta, jointes à la réputation de son savoir théolo­ gique, donnèrent du crédit à la proposition, qu’il réalisa plus tard, nous le verrons, comme légat pontifical. Au chapitre tenu à Bologne en 1240, saint Ray­ mond donna sa démission de maître général. Hugues de Saint-Cher y assistait, comme provincial de France. Ce fut seulement le 20 mai 1241 que Jean le Teutonique fut élu pour succéder à saint Raymond. Pendant toute l’année de la vacance, l’ordre entier fut gouverné par Hugues de Saint-Cher au titre de vicaire général. Aux soins du gouvernement de sa province et de son ordre, il joignait la continuation de scs travaux scripturaires, dont nous parlerons plus loin. Le pape Innocent IV, qui connaissait sa science et son habileté administrative, le chargea par des brefs, en date du 13 décembre 1243, du 15 et du 16 avril 1214, de régler trois affaires délicates et difficiles. Élie Berger, Les registres d'innocent IV, Paris, 1881, n. 319, 612. 603, 1.1, p. 67, 104, 105; Bullarium or­ dinis praedicatorum, t. r, p. 129, 141. Par une bulle du 2 avril 1244, il le chargea de porter le pallium à l’ar­ chevêque de Cantorbéry. 11 fit davantage. Le 28 mal . 1211, Il le créait cardinal-prêtre du titre de SaintcSabinc. Eubcl, Hicrarchia catholica medii ævt, 2‘édlt·, Munich, 1893, t. I, p. 7. Ce fut le premier cardinal dominicain. Prévenu de son élévation à cette dignité, Hugues s’empressa de rejoindre le pape en Italie. Celui-ci venait en France chercher un refuge. Hugues le rencontra à Suse» ville du Piémont, au mois de novembre. C'est là qu’il aurait reçu les insignes du cardinalat. Après une pénible traversée du Mont-Ccnls, par un froid vif, dans les défilés encombrés de neige, le cortège pontifical parvint à Lyon. Peu après, le pape convoqua, le 3 janvier 1215, un concile à Lyon pour la fête de saint Jean-Baptiste, 24 juin. Ce fut le XIII· concile œcuménique. On s’y occupa «les affaires des Grecs, de la croisade contre les Turcs et 224 surtout de la cause de l’empereur Frédéric H. Les historiens de l’ordre de saint Dominique disent que Hugues de Saint-Cher y joua un grand rôle. Si, en 1233 et 1234, il avait été réellement le chef des quatre nonces apostoliques envoyés à Nicer, il eût pu, en 1245, exercer une grande influence dans les conversations préliminaires avec les envoyés grecs. Malheureusement, les rares documents que nous possédons sur le concile de Lyon ne nous apprennent rien sur l’activité du cardinal Hugues. Celui-ci, qui avait quitté l’ordre des frères prê­ cheurs, fut fréquemment associé aux actes du sou­ verain pontife Innocent IX'. Du 23 janvier 1215 au 22 juillet 1254, Pott hast a signalé 53 bulles de cc pape que le cardinal de Sainte-Sabine a souscrites. Regesta pontificum romanorum, Berlin, 1875, t. n, p. 1284-1285. Georges Guigne a publié une lettre, datée du 4 juin 1249 et conservée aux archives du Rhône, fonds de Savlgny, dans laquelle le cardinal règle la situation des moines bénédictins de l’abbaye de Savlgny, que l'archevêque de Lyon, Aymeric, avait excommuniés; il lève l'excommunication, mais il établit la discipline qui devra être suivie désormais pour obvier aux abus précédents. Une lettre du car­ dinal Hugues de Saint-Cher (extrait du Bulletin his­ torique et philologique, 1904). Paris, 1905. Le même archiviste et son frère avaient publié déjà une bulle d’innocent IV, du 21 mars 1251, accordant des in­ dulgences à ceux qui contribueraient à l'achèvement de l’église Saint-Jean de Lyon, et quo Hugues avait vidiméc, le 4 avril suivant. Le sceau du cardinal, à peu près intact, y est encore appendu, Archives du Rhône» fonds de Saint-.Jean. Bibliothèque historique du Lyonnais, Lyon, 1886, t. i, p. 384-386. Un peu après le concile de Lyon, saint Simon Stock, général des cannes, en un chapitre tenu en Angle­ terre, fut prié par des religieux de résoudre quelques difficultés que présentait leur règle. 11 en référa au pape Innocent IV, qui chargea Hugues de Saint· Cher et un autre dominicain d'examiner la règle du Carmel. Les deux commissaires déclarèrent que certains articles devaient être adoucis, parce qu’ils étaient trop austères. Alexandre IV confirma plus tard ccttc décision, le 3 février 1256, et la règle ainsi adoucie fut dès lors observée par les cannes déchaussés et clic fut remise en vigueur par sainte Thérèse dans sa réforme du Carmel. En 1247, Hugues s'occupe de l’abbaye de son bourg natal. Il fait conclure l'acte d'union des prieurés de Jailleu, de Saint-Alban, de La Tour-du-Pin et de Crémicu à Saint-Chef. Semaine religieuse du diocèse de Grenoble, 1871-1872, t. iv, p. 568. Il n'oubliait pas non plus sa famille. Deux ans plus tard, le 23 mars 1249, Innocent IV mandait à l’abbé de Sainte-Gene­ viève de Paris de fournir des revenus à l’écolier Martin, neveu du cardinal I lugucs de Saint-Cher, pendant les trois années de scs études. II. Dcnifle et Et. Chatelain, Chartularium universitatis Parisiensis, t. T, p. 190. Cf. E. Berger, Les registres d'Innocent /V, 1243-1264, Paris, 1887, n. 4590, t. n, p. 93. Innocent IV confia au cardinal Hugues une mis­ sion très importante. Après la mort de Frédéric II en 1250, il l’envoya, avant de retourner Rome, en Allemagne en qualité de légat, afin de soutenir dans cette contrée les droits et les intérêts de l'Église et la candidature de Guillaume de Hollande à l’empire. Le 15 avril 1251, Hugues souscrit encore à Lyon un privilège papal; le 21 du même mois, il quitte Lyon I et sc rend en Allemagne avec 1 lenrl de Spire. On peut suivre, dans J. F. Bfthmer, J. Ficher et E. Winkclmann, Rcgrsta imperii, Inspruck, 1892» t. v b, p. 1556-1566, les principales étapes de sa légation et ks actes qu'il y accomplit et qu’il serait trop long 225 HUGUES DE SAINT-CIIER 226 de rapporter ici. Voir une lettre d'innocent IV à chargeait aussi d’examiner des livres d’esprit fort Hugues de Saint-Chcr, du 2 décembre 1252, au différent. Héginahl, évêque de Paris, avait envoyé à sujet d'Arnaud d’Hembourg. archevêque de Trêves» Innocent IV L'Évangile éternel de Joachim de Flore, tirée du fonds Moreau, n. J 202, fol. 57» et publiée avecI' Introductorlus de Gérard de BorgoSan Donmno. par Hauréau, Quelques lettres d'Innocent IV, dans Trois cardinaux, dont Hugues de Saint-Chcr, furent Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque désignés pour les étudier. Leurs observations» conser­ nationale, Paris, 1870, t. xxiv, p. 213-244. vées dans trois manuscrits, ont été publiées par le Pour compléter les renseignements relatifs à la Pcrc Denifle, Archiv lûr Literatur- und Kirchenlégation de Hugues de Saint-Cher en Allemagne, il geschichle des Mittelallers, Fribourg-en-Brisgau, 1885, faudrait consulter dans le t. in des Registres d'inno­ t. n, p. 97-1 Î2. Alexandre IV décida, le 23 octobre cent 1 V, par Elle Berger, Paris, 1897, les lettres que 1256, que ces ouvrages devaient être supprimés. le pape adressa à son légat et par lesquelles il le IL Denifleet E. Chatelain, Chartularium universitatis chargeait d’affaires particulières. Voir les n. 5448, Parisiensis, η. 297,1.1, p. 257. Le Truité des périls des 5453, 5612, 5772, 5867, 5872, 5928, 5951, 5999, 6002, temps présents, de Guillaume de Saint-Amour» dénoncé ci. 6078, 6150, 6156, 6196, 6203, 6181, 6182» 6191. à Borne, fut soumis ù l’examen de quatre cardinaux. 6192, 6504,6518, 6531,6551, cf. 6591, 6618,6650,6799, ' Les commissaires, dont l’un était Hugues de Saint6825, 6865, 6866, dont la plupart sont aussi analysés Cher, firent au pape un compte rendu publie de dans Pottbast. Voir encore une lettre de Hugues de leur étude attentive. Alexandre IV condamna l'ou­ Saint-Cher, datée de Besançon et du 11 septembre vrage et ordonna à Pierre de Tours, ù Odon de Rouen 1253, au chapitre de Saint-Gcngoult de Toul, dans et à Bégiuald de Paris de publier sa condamnation. Lettre du 21 octobre 1256. Ibid., n. 288, 291» t. I, le Cartulaire de ce chapitre. Archives nationales, LL 9S6t fol. 30 v°, 31 F*. p. 331-333, 337-338. Fleury, Histoire ecclésiastique, 1.1.XXXIII, c. xvn, Hugues de Saint-Chcr, quoique sorti de l’ordre a blâmé quelques actes de sa légation, notamment des frères prêcheurs, lui demeurait très attaché et la déposition de l'archevêque de Mayence et le choix se préoccupait de la pratique de la règle et de la dis­ du successeur; mais cet acte répréhensible est le fait cipline intérieure des couvents. Le 3 février 1255, il de Henri de Suse, archevêque d’Embrun, son com­ avait, sur sa propre demande, obtenu d’Alexandre IV pagnon de légation, qui est accusé d’avoir reçu 200 le pouvoir le plus absolu sur la règle de l’ordre. Tout marcs d’argent pour prix de sa complaisance. Au en s’aidant des conseils du maître général et des cours de sa légation, Hugues passa à Liège. 11 y fut religieux les plus graves dont le choix lui est réservé, de nouveau question de la fête du saint-sacrement. il était autorisé à discuter, modifier, supprimer, Le légat approuva la messe nouvelle. 11 célébra lui- ajouter tout ce qu’il jugerait bon et utile pour la sta­ même un ofiiee, qui venait d’être composé, à l'église bilité perpétuelle de l’ordre. Bulle Sanctis desideriis, de Saint-Martin du Mont, et il prêcha sur l’insti­ dans Bullarium ordinis pricdicatorum, t. 1, p. 271. Le tution de l'eucharistie. Le 28 décembre 1252, s'adres­ cardinal n'usa pas des pouvoirs qui lui avaient été sant nux archevêques, évêques, abbés, prieurs et concédés; on ignore pour quelle cause. 11 atteignit doyens, il statua que, dans tout le territoire de sa ses fins, semble-t-il, par un autre moyen. Tandis que légation, le jeudi qui suivra l'octave de la Pentecôte, le chapitre général était réuni à Florence» au mois on célébrera chaque année ccttc fête avec office propre, de mal 1257. il adressa aux capitulants une lettre et il accorda une indulgence de cent jours pour la fête remplie de témoignages d’affection, mais aussi d'ob­ et l’octave. Acta sanctorum, aprills t. i, p. 462-463; servations nombreuses et détaillées sur des abus qui Semaine religieuse du diocèse de Grenoble, Grenoble, s’étalent introduits dans la conduite de certains reli­ 1871-1872, t. iv, p. 524-526. Le légat ordonna aussi, gieux, soit ù l'intérieur des couvents, soit au dehors. le 1·Γ janvier 1253, que la fête de saint Domini­ Ccttc lettre, qui témoignait d’un zèle ardent et éclairé que serait célébrée dans toutes les contrées sur pour la discipline, fut accueillie avec respect et recon­ naissance. Le cardinal assistait d’ailleurs au chapitre lesquelles s’étendait sa juridiction. Le dernier acte connu de sa légation est daté du général. On ordonna de lire sa lettre dans tous les 5 octobre 1253. Le 29 novembre suivant, à Home, chapitres provinciaux, et le socius de chaque prieur le pape le nomma de nouveau légat a latere, et le fut chargé d’en porter un exemplaire dans son cou­ vent. Mortier, Histoire des maîtres généraux, t. i, 13 janvier 1251, Hugues souscrit, avec ce titre, un p. 478-482. Humbert de Homans, dans sa lettre cir­ privilège papal. Il ne retourna pas toutefois en Allemagne, où il fut remplacé, nu mois d’avril sui­ culaire, recommandait affectueusement le cardinal. « très fidèle et très nécessaire ami de l’ordre », qui vant, par le cardinal-diacre Pierre de Saint-Georges. J. F. Bôhmer, J. Fickcr et E. Wlnkclmann, op. cil., avait absous, au nom du pape, les frères présents au t. v b, p. 1566. ' chapitre et les absents de toute faute contre le silence et de toute excommunication. IL Denifleet E. Chate­ Alexandre IV, élu le 24 décembre 1254, témoigna lain, Chartularium universitatis Parisiensis, η. 311, au cardinal de Sainte-Sabine la même confiance que son prédécesseur. Il le garda auprès de lui pour t. I. p. Durant les deux premières années du pontificat le consulter et recourir ù scs lumières. Du 9 avril 1255 d’Urbain IV, Hugues de Saint-Cher continua à être au 17 avril 1261, Hugues de Saint-Cher souscrivit 45 bulles d'Alexandre IV. A. Potthnst, op. cil., t. iî, mêlé aux affaires du saint-siège. Du 23 Janvier 1262 au 16 février 1263, il souscrivit encore sept bulles p. 1473. Il avait été un des deux cardinaux qui. ayant papales. A. Potthast, Regesta pontificum romanorum, examiné le cistercien Gui de 1*Aumône, lui avaient accordé la licence de lire b Paris ù la faculté dç théo­ t. n, p. 1511. Jusqu’il la fin de sa vie, il continua logie. Bref du 31 janvier 1256. H. Déni île et E. Cha­ aussi scs études et scs travaux. Il mourut ù Orvlcto. telain, Chartularium universitatis Parisiensis, η.265, le 19 mars 1263. Le pape et tous les prélats de la cour pontificale assistèrent ù ses obsèques. L’année sui­ t. J, p. 303. Odon de Douai, docteur en théologie, et Chrétien, chanoine de Beauvais, avalent prêté de­ vante, son corps, trouvé entier et sans aucune marque do corruption, fut transféré à Lyon et inhumé dans vant Hugues et un autre cardinal le serment de s’en tenir aux ordres du pape, que ces cardinaux leur l’église des frères prêcheurs, en présence du futur pape Clément IV. Cette église, profanée pendant la avalent intimés. Alexandre IV en envoyait le texte à Révolution française, fut détruite sous la Restaura­ l’évêque de Paris le 2 octobre 1257 et lui ordonnait tion. La pierre tombale du cardinal fut retrouvée de le publier. Ibid., n. 320, p. 369. Le pape le DICT. DE THÉOL. CATIIOL. VIL —8 227 HUGUES DE SAINT-CIIEK en 1862, chez un marchand de bric-à-brac de Lyon et achetée par un riche antiquaire. Voir la Gazelle de Lyon, l,r octobre 1862. L'inscription qui y est gravée signifie : « La sagesse, à sa mort, a soufiert une éclipse. > Semaine religieuse du diocèse de Gre­ noble, 1871-1872, t. iv, p. 569-570. Le ms. latin 3173 de la Bibliothèque nationale de Paris, qui vient du couvent des dominicains de Lyon, n appartenu au cardinal Hugues de Saint-Cher, eut missum fuerat de Plcardia ab auctore ejus mediantibus aliquibus. L. Delisle, Le cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris, 1874, t. n, p. 380. II. Travaux et écrits. — Hugues de Saint-Cher fut au nombre des premiers écrivains de l’ordre. Voir Déni île, dans Archio., t. n, p. 193, 204, 235. La chro­ nologie de scs œuvres n'est pas bien fixée. On les rapporte généralement presque toutes à l’époque de son professorat à Paris et de son provincialat, c’està-dire avant le cardinalat. Mais, outre que cette pé­ riode de sa vio,employée en partie aux actes de l'ad­ ministration de la province de France,est bien courte pour que le frère prêcheur ait eu le temps nécessaire à la composition d’ouvrages si considérables, scs his­ toriens disent que, devenu cardinal, il ne se désinté­ ressa pas des études et continua ses travaux coin· moncés. Aussi plusieurs de ses œuvres doivent être rapportées au temps du cardinalat. Nous les groupe­ rons cependant selon leur ordre logique, sauf à indi­ quer. à l’occasion, leur date probable, et nous com­ mencerons par les plus nombreuses et les pins im­ portantes, celles qui ont trait à l'Écriture sainte. 1° Travaux scripturaires. — Ils embrassent tous les genres d’études, soit la critique textuelle, soit l'interprétation de la Bible. 1. Division de la Bible en chapitres. — Beaucoup d'auteurs ont attribué à Hugues de Saint-Cher l'hon­ neur d'avoir imaginé la division actuelle des cha­ pitres de la Bible dans les références de scs Concor­ dances. Ainsi G. Génébrard, Chronographia. Cologne. 1581, p. 970, 972; Sixte de Sienne, Bibliotheca sancta, Lyon, 1593, p. 249; Echard, Scriptores ordinis prndicatorum, Paris, 1719, t. i, p. 203; H. de Sponde, Annales, Bordeaux, 1612, an. 1240, n. 10; V Histoire littéraire de la Prance. t. xvi, p. G9-70; t. xvm, p. G2G3; t. xix, p. 38-19, et beaucoup d’autres à leur suite. Mais cet honneur ne lui revient pas, et il doit être reporté à Étienne Langton, comme le pensaient jus­ tement d'autres critiques. ÏJt première capitulation de la Bible du futur archevêque de Cantorbéry est conservée dans le ms. latin 14417 de la Bibliothèque nationale de Paris, fol. 125-126, où elle a été retrouvée par l’abbé Paulin Martin, analysée par lui. Introduc­ tion ά la critique générale de VAncien Testament, De V origine du Pentateuque (lithog.), Paris. 1*887-1888. t. n, p. 461-471; puis dans le Muscon, 1889, t. vin. p. 460-465; 1890, t. ix, p. 55-59, et publiée intégra­ lement par Otlo Schmid, Ueber verschiedene Einthdlungen der heiligen Schrlft, Gmz, 1892, p. 56-58. Elle a été faite quand il professait à Paris, par consé­ quent avant 1206. H. Dcnifle et E. Chatelain. Char­ tularium universitatis Parisiens!*, t. I, p. 99. note; O. Schmld, op. cil., p. 91. Toutefois, elle n'est pas partout identique à la division actuelle; et elle en diffère complètement dans les Parallpomèncs, Esdras cl Néhémie, Toble. Judith et Esther. Assez souvent, elle s’en écarte pour quelques mots du début des chapitres. Fille a varié, du reste, dans les manu­ scrits. Voir P. Martin, dans le Muséon, 1890, t. ix, p. 55-56, et O. Schmid, op. clt., p. 99-103. Hugues de Saint-Cher a employé la division nou­ velle de la Bible en chapitres dans ses Postules, son Correctoire et scs Concordances. Dans les Postilles, la coïncidence avec la nôtre est complète, même dans 228 les sept livres de l’Anclen Testament dans lesquels celle de Langton était différente. 11 en était de mémo dans le Correctoire. Un seul exemple le prouve. Hugues faisait commencer le c. xxxi des Proverbes par les mots Verba LamueUs, Archiu fûr Lltcraturund Kirchengeschichtc, 1888, t. iv, p. 552, alors que Langton en mettait le débutai! verset3 : Ne dederis mulieribus. O. Schmid, op. cil., p. 73. De ces consta­ tations on ne peut conduro rigoureusement que Hugues fut l'auteur do la division actuelle des cha­ pitres bibliques, puisqu'il aurait pu l'emprunter à l'usage courant, il y a toutefois présomption que, s’il n’y a pas mis la dernière main, l’emploi qu’il en a fait a contribué à sa diffusion de plus en plus uni­ verselle. En outre, à défaut des versets numérotés que Robert Esllenne introduisit plus tard dans la Bible, Hugues, dans scs nombreuses références bibliques, indiquait les subdivisions du texte par les sept premièreslet trcsdcl’alphalæt, a, b, c, d, c, f, g. Il ajoutait à la citation du text e des indicat ions de ce genre : Joa., in, a; Luc., xix, c; Marc., xiv, c. Cette division était-elle simplement mentale et approximative, ou bien rigou­ reusement exacte et matérielle, inscrite à la marge des manuscrits bibliques et comportant, dans le texte, un signe qui marquait la fin d’une subdivision et le commencement de la suivante? Paulin Martin, qui avait examiné toutes les bibles latines des biblio­ thèques de Paris et beaucoup d'autres encore, ne connaissait que trois manuscrits du xm° siècle qui présentaient cette disposition. Muséon, 1890, t. ix, p. 60-61. Les lettres de l'alphabet ne sont pas seule­ ment employées dans les nombreux manuscrits des Concordances bibliques; elles servaient aussi dans les manuscrits de tous les Correctolrcs, notamment dans ceux qui reproduisent le Correctoire de Hu­ gues de Saint-Cher, et dans les manuscrits et les éditionsimprimées des Postules du même docteur. Oq ne peut donc pas, avec O. Schmid, op. cil., p. 106, les nommer strictement des lettres de Concordances, à moins de supjmser qu'elles ont été imaginées pour faciliter les références de la Concordance; c'était plutôt des lettres de références bibliques, mais rien n'indique qu’elles étaient marquées sur l’exemplaire de la Bible dont se servait Hugues de Saint-Cher. Dans la partie inédite de l’introduction de son Corrcctoirc, il dil qu’un point sépare les versets. Il y a cependant présomption qu'il fut l’inventeur de l’em­ ploi des lettres comme subdivisions des chapitres. Toutefois, ce fut un autre dominicain, Conrad d’Halberstadt. qui. ù la fin du xiu^siècle, modifia le système en marquant les subdivisions du texte par les sept premières lettres de l'alphaiwt dans les chapitres longs et par les quatre premières dans les chapitres courts. 2. Correctoire delà Bible.— Le prieur provincial de France, de concert avec Jourdain de Saxe, maître général, ordonna à des frères prêcheurs de la province de Franco, de corriger le lexte de la λ ulgate, quiétait alors défectueux dans les manuscrits usuels. Cela résulte de la préface d'un correctoire biblique, dont Luc de Bruges avait un manuscrit du xm® siècle, qui contenait Job, les Proverbes et les livres qui suiven). jusqu’à Ézcchicl. Notationes in sacra Biblia, in-4·, Anvers, 1580, p, 22. 97. Or, le chapitre général, réuni à Paris en 123G, déclarait que les frères prê­ cheurs de France exécutaient alors un correctoire d'après lequel on corrigeraittou! es les bibles do l’ordre. Martène et Durand, Thésaurus anecdotorinn, t. iv, p. 1675; H. Dcnifle et E. Chatelain. (Chartularium i universitatis Parisiensis, t. i, p. 317. Ce correctoire toutefois n'est pas celui que Hugues de Saint-Cher exécuta lui-même. C'est la correctio Senonensis, que 229 II I GUES DE SA INT-CIIER 230 le chapitre général de 1256 désapprouva. Les frères leln, Lilerarische* .Museum, Altorf, 1777,1.1, p. 20-21, d'après le ms. de Nuremberg, et par le P. Déni fie. prêcheurs qui en furent les auteurs habitaient le Archio, t. iv, p. 293-29i. Le ms. 27/0 de la Biblio­ couvent de Sens. I fugues de Saint-Cher n'avait fait thèque nationale a un texte plus complet. Cette in­ que les charger de cette entreprise. troduction nous fait connaître le but. les ressources, Le correctoire dont il fut l'auteur en est bien différent. — a) Ses manuscrits. — Le manuscrit de les principes critiques et la méthode de l'auteur. a. Son but était d'appuyer fortement sur le fonde­ la Bible sur lequel il a exécuté lui-même ou a fait ment de la vérité tous les mots du texte sacré de exécuter la correction du texte de la Bible latine, ne nous est pas parvenu. Son correctoire, en effet, l'Écriture entière, pour que les études théologiques n’est pas, connue on Γη souvent dit depuis Echard, fussent bâties avec plus de sécurité sur un texte plus celui de la célèbre bible des Jacobins de Paris, Bi­ certain de la lettre. Le P. Denific a démontré très bliothèque nationale de Paris, ms, lat. 16719-16722, pertinemment que la Bible était, au xin«sjède, à l’uni­ œuvre des frères prêcheurs du couvent de Saint- versité de Paris, le texte de la faculté de théologie, que le bachelier lisait et expliquait à ses élèves, avant Jacques. Nous ne le connaissons que par des résumés, qui reproduisent seulement, plus ou moins fidèle­ qu’ils nl>ordasscnt, aux leçons du maître, le livre des ment, les notes marginales du manuscrit original. Sentences. Revue thomiste, mai 1894, p. 149-161, Le Père Denific en avait retrouvé huit, qui contien­ I fugues de Saint-Cher, comme bachelier, avait com­ menté la Bible, et ce fut, nous le verrons, le point nent le texte entier des corrections, et deux qui. au correctoire de Guillaume de Mara sur les livres proto­ de départ de scs Postillcs. 11 savait donc, par l'expé­ canoniques de ΓAncien Testament,joignent celui de rience de renseignement, que la Bible était la base Hugues de Saint-Cher sur les dcutérocanoniqucs de de la théologie. Scs prédécesseurs l'avaient compris l'ancienne alliance. Les huit manuscrits du texte comme lui. Or, vers 1226, au rapport de Koger Bacon, complet sont le Vaticanus 293, du xiv· siècle, le ms. ils avalent constitué un texte que ce célèbre francis­ cain nomme le textus Parisius et qu’il déclare « hor­ lat. 321$ de la Bibliothèque nationale de Paris, du xiii·,le ms. 94 de la bibliothèque de ΓArsenal à Paris, riblement corrompu a. Voir t. n, col. 23-24. Il paraît aussi du χιπ· siècle, celui de la bibliothèque de l'uni­ bien que les théologiens ne firent pas eux-mêmes une recension du texte biblique; ils choisirent seule­ versité de Turin, I.V.2, du xin· siècle, celui qui, à la ment une de ces mauvaises bibles qui avalent cours bibliothèque de la ville de Nuremberg, est coté Cent. J, 47, fol. 110-126, de la fin du xiv· siècle, un sixième de leur temps, qui était plus complète que les autres est à la bibliothèque de l’université de Leipzig, n. 105, en raison de scs additions, et qu’ils préférèrent peutdelà seconde moitié du xin·siècle, le septième appar­ être pour scs interpolations; ils la livrèrent aux li­ braires et stationnaires, qui étaient nombreux au­ tient à l'hospice de Cues à Bernkcstcl sur la Moselle, n. 12, et il est daté de 1146, le huitième en fin se trouve tour des écoles et qui en multiplièrent les copies. La à la bibliothèque impériale de Vienne, ms. lat. 1217, nouvelle Bible, qui contenait la division en chapitres daté de 113 I. Les deux manuscrits qui n’ont que le d’Étienne 14ington.se répandit parmi les étudiants. correctoire des dcutérocanoniqucs de l'Ancicn Tes­ Les baccalaurei bibtici la commentèrent d’abord sans remarquer la mauvaise qualité de son texte. Comme tament, sont le Vaticanus, lat. 3466, du xiiî· siècle, et le ms. de la bibliothèque Laurenticnnc ù Florence, les copistes corrigeaient arbitrairement le texte qu'ils rial. XXV, sin. cod. 4, du xin· siècle. H. Déni Ile, transcrivaient et augmentaient la confusion, les pro­ Die Handschri/ten der Bibel-Corrcctorien des 13. Jahr- fesseurs finirent par s’en préoccuper, et ils se pro­ hunderts, dans Archiu /ilr Literatur- und Kirchen· posèrent de le corriger, surtout dans les deux ordres geschichtc des IMiltclaltcrs, 18*88. t. iv, p. 261, 265. religieux des dominicains et des franciscains. Tels Grâce aux notes manuscrites que Paulin Martin a furent le point de départ et la raison d'être des correcueillies sur les correctolres de la Bible et qui sont rectoires bibliques. Hugues de Saint-Cher, ancien conservées à la bibllot hèque de 1’ Inst J tut cat holique de bacculaureus bibticus, fut un de ceux qui. dans l'ordre de saint Dominique, entreprit de rendre au texte Paris, nous pouvons ajouter deux autres manuscrits, qui contiennent seulement une partie du correctoire : biblique, qui était ù la base de l'enseignement théolo­ le ms. de la bibliothèque Laurenticnnc de Florence, gique. une certitude plus grande par l'examen de Plut. XXIX, sin. cod· 4, fol. 1476-156, qui est de chacun des mots de la lettre sacrée. 11 avait eu, dans la fin du Niv· siècle et dont le texte s’arrête au c. xxi son ordre, des précurseurs, par exemple, les auteurs du II* livre des Paralipomèncs. et le ms. lat. 2740 de la correctio Senonenis; il eut des émules, les cor­ de la Bibliothèque nationale de Paris, qui est du recteurs de la bible des Jacobins. Son but était d'ex­ xiv· siècle et qui reproduit seul le texte intégral de purger de toute faute le texte sacré qu’expliquaient l’introduction de Hugues de Saint-Cher avec quel­ les théologiens. Il n'avait donc que très indirectement en vue les discussions théologiques soit avec les juifs ques extraits seulement du correctoire, fol. 31-36. Ces manuscrits ne reproduisent pas tous parfaite­ soit avec les grecs, que lui attribue le P. Mortier, ment le texte du correctoire. Le P. Dcnifle a établi op. cit., t. i, p. 366-367. Il n’élalt pas allé à Constan­ tinople. faire une tentative d’union entre les Églises la valeur respective des principaux, l.oc. cil., p. 516. note 2. lia pris pour base de son édition des Proverbes grecque et romaine, et il n'envisage pas la contro­ verse juive. le ms. 321$ de la Bibliothèque nationale, dont le b. Scs ressources. il les énumère : ce sont, suivant Vaticanus 293 et le ms. de Turin s’écartent ά peine. Par contre, le ms. de l’Arscnal et ceux do Leipzig, l’ordre de son énumération, les gloses de saint Jérôme de Nuremberg et de Cues ont été copiés avec beau­ et des autres docteurs, les livres dos Hébreux, c'estcoup de négligence et contiennent beaucoup de fautes Λ dire la Bible hébraïque, les très anciens manuscrits et des additions. Le ms. 1217 de Vienne, bien que de la Vulgate latine, dont quelques-uns même avaient plus récent, est plus complet; son texte aélécorrigé, été transcrits avant l’époque de Charlemagne. c. Ses principes critiques étaient de comparer ces indirectement au moins, sur la bible originale de documents anciens avec les bibles nouvelles qui Hugues de Saint-Cher. divergeaient entre elles et de noter brièvement, par b) Son introduction. — Elle est copiée, au moins cette comparaison, ce qui dans les manuscrits ré­ partiellement, dans tous les manuscrits précités et seule dans d'autres manuscrits : 1). V. 32, ù la biblio­ cents lui paraissait douteux et superflu en raison thèque royale de l’université de Turin, 120 de Flo­ même de la diversité des leçons. Ainsi, ù l'exemple rence et Itl de Venise. Elle a été éditée par Dœder- de saint Jérôme, il voulait corriger les nouveaux 231 IIUGUES DE SA INT-CII EB manuscrits d'après les anciens, en supprimant les leçons récentes qui, par la faute des copistes, avaient pénétré dans le texte, empruntées qu'elles étaient aux gloses et aux postules des commentateurs. 11 voulait aussi retrancher les altérations qu'avaient produites des correcteurs maladroits, et le faire, non de son autorité personnelle, mais d’après celle des anciens. d. Sa méthode a consisté à noter très brièvement les leçons douteuses et les additions à supprimer. Ainsi, pour le texte des livres de l’Ancien Testament qui sont au canon Juif, il plaçait au-dessus d’un mot, d'une syllabe, ou entre deux mots, un point rouge qui indiquait que ces mots étaient approuvés par beaucoup de commentateurs et par les anciens ma­ nuscrits et se lisaient dans le texte hébreu. Si un mot ou une ligne entière étaient soulignés par un trait rouge, ce trait indiquait que les termes souli­ gnés ne sc trouvaient ni chez les commentateurs ni dans les manuscrits anciens, et l'omission était d’au­ tant plus certaine lorsqu’un point rouge superposé marquait que les termes n’étaient pas dans le texte hébreu. Dans les livres de la Sagesse et de Γ Ecclé­ siastique, que seul Baban Maur a expliqués, le point rouge superposé indiquait que Baban approuvait Je mot ainsi noté. Pour les livres des Machabées, les parties deutérocanoniqucs de Daniel et le Nouveau Testament tout entier, le point rouge en haut signi­ fiait que les grecs admettaient les mots ponctués. Cependant Hugues avait laissé dans le texte sans les souligner des termes qui se lisaient dans les manu­ scrits les plus anciens et dans les commentaires, bien qu’ils aient été empruntés ù diverses versions. Cette introduction, évidemment écrite pour une bible complète, dans laquelle les mots ou les lignes étaient marqués d’un point rouge ou soulignés d’un trait rouge, ne rend pas compte de toutes les parti­ cularités du corrcctoire. Lc ms. 2740 de la Biblio­ thèque nationale en donne seul la suite, qui indique la signification des lettres différent es qui étaient inscrites en rouge au-dessus du texte :/i désignait le texte hébreu, a, les anciens (manuscrits). J, saint Jérôme, B, Baban, G, le grec, zn, les modernes (ma­ nuscrits). Parfois, ces lettres étaient répétées à l’encre noire dans la note marginale. Les noms* des saints étaient Indiqués parfois; Aug., Grc.,Be., Isid., Aimo, Origcnls, etc., ou ceux des versions : LXX, Theodocio, Syma(chus). G ou G’ signifiait le texte grec, GG, les grecs. Les points placés entre deux mots, comme pour les séparer, séparaient les Versets ou marquaient une interrogation. Une lettre placée audessus d’un point indiquait une diversité dans la ponctuation. Des lettres inscrites sans point entre deux mots signifiaient que, selon le témoignage de ceux que ces lettres désignaient, il ne fallait rien intercaler entre ces deux mots. Parfois, il y avait deux choses indiquées sur des syllabes, un mot ou une phrase : si les sy llabes, le mot ou la phrase étaient en même temps soulignés ù l’encre rouge, cela signi­ fiait qu'au témoignage de ceux dont les lettres indi­ catives étaient jointes, les parties soulignées n'appar­ tenaient pas au texte, quoique d'autres, inscrits audessus, les aient acceptées. En face d’un passage souligné en rouge, qui desalt être omis, on l’avait répété à la marge en le soulignant à l’encre noire pour signifier que les postules de ceux dont les noms étaient indiqués contenaient ce passage; ce n’était donc pas un indice d approbation ni de désappro­ bation. Parfois en fin on notait qu'un mot était au sin­ gulier ou au pluriel : par exemple, annus en saint Jérôme et annos dans l’hébreu. c) l*e manuscrit original et les résumés. — L’intro­ duction rend compte de la disposition du manuscrit 232 original. Les points, les mots et phrases soulignés étaient dans le texte et ils étaient accompagnés des lettres, dont la signification est donnée dans l’intro­ duction. Seules, quelques notules étaient inscrites à la marge. Qu'ont fait les copistes des résumés qui nous sont parvenus? Ils ont transcrit les mots et les passages notés ou soulignés ά 1 encre rouge avec leur* signes explicatifs, et les notes marginales écrites i l’encre noire. Ils ont ainsi reproduit toute la substanccdu travail critique opéré par Hugues de SaintCher et ses collaborateurs, mais avec beaucoup de négligence. Cependant, lorsque certains passages, qui contenaient des listes de noms propres, avaient exigé un trop grand nombre de corrections ortho­ graphiques, les copistes des résumés ont omis de transcrire ces annotations moins importantes et ont renvoyé leurs lecteurs à la bible originale, où les cor­ rections étaient plus complètes; autrement ilsauralcnt dû, remarquent-ils, transcrire le texte entier. Ainsi en c.st-il, dans le manuscrit 293 de la bibliothèque Vaticane à partir du c. xu du livre de Josué jusqu’au c. xxii. Au début du I,r livre des Paralipomèncs, le scribe note encore : Quoniam infinita sunt in hoc libro nomina hominum et locorum. que melius in textu continuo corriguntur, quedam tamen hic ponimus. Les autres copistes font de meme; ils transcrivent peutêtre tous un meme type de résumé. Le corrcctoire du III· livre d’Esdras n’a pas été poussé jusqu’au terme; l’auteur a reculé devant la longue liste des noms propres et des chiffres : Nomina cl numeros omnium qui sequuntur in hoc libro non ponimus ut a studiosioribus melius corrigantur. Ms. 32JU de la Bibliothèque nationale de Paris, fol. 160-1G1. Nous ne pouvons donner ici qu’un aperçu som­ maire de ces résumés et du corrcctoire lui-même. Lc Psautier n’a pas de corrcctoire. Lc ms. 3213 a le ccrrectoire du III· livre d’Esdras. Les Livres saints sont inégalement corrigés : les premiers livres de l’Ancien Testament ont donné lieu à un plus grand nombre de notes et de remarques. A partir du IV· livre des Bois, leur nombre diminue, et le Nouveau Testament est en général peu corrigé. Pour donner une idée du travail critique, nous transcrivons,sans tenir compte des abréviations, le début de la Genèse, tel qu'il est dans les résumés. In principio. Aquiln transtulit : tn capitulo primo. Et tmcbre cranl (avec un point rouge sur c et un trait rougo BOUS le mot, trait qui signifie que le mot souligné n’est pas dnns l’hébreu) super fnclcin abyssi. Et spiritus Del fe­ rebatur, II ebreus hnbetvnl ruha clobim. id est, et spiritus Dei. Si esset in textu Spiritus Domini, hebreus haberet ruhaadOnnî. Historia (do Pierro Comestor] etiam dicit cl hebreus quod usquequo horno creatus est, Deus non est appellatus Dominus sed Deus et hoc. habent antiqui. Ms. 3218. fol. 137 r% col. 1. Hugues de Saint-Cher indique les différences qui cxistcntentrelctexte hébreu et la Vulgate; il cite aussi les versions anciennes, quelquefois la syriaque, plus souvent les Septante, Aquiln, Symmaqtic et Théo­ dot ion. La transcription des mots hébreux montre qu’il connaissait cette langue, ou qu’un de scs colla­ borateurs la connaissait. Dans le Nouveau Testa­ ment. il recourt aussi au texte grec. Son érudition patristlque était assez étendue; il cite aussi des au­ teurs récents : Baban Maur, André de Saint-Victor, Bemy (d’Auxerre), Étienne Langton. Le P. Vcrccllonc a publié toutes les annotations des premiers livres de Γ Ancien Testament, de la Genèse aux ’ quatre livres des Bois d’après le Vaticanus 293, sous I la lettre M, dans Vache lectiones Vulgata· latina ntbliorum editionis, 2 in-1®, Borne, I860, 1864, cl le Père Deni Ile, le corrcctoire des Proverbes, dans Archio, t. iv, p. 516-552. Des fragments axaient été 233 HUGUES DE SAINT-CHER édités par différents critiques suivant divers manu­ scrits. Ainsi les Acia eruditorum Lipsiensium, de 1690, p. 94-95; Carpzov, Critica sacra, part. II, c. vi, § 5, ln-4°, Leipzig. 1719, p. 686-687; Dœdcrlcin, Litterarlsches Museum, Allorf, 1777, 1. 1, p. 13 sq., et Rosen­ muller, Historia interpretationis librorum sacrorum, t. v, p. 239-216, ont donné quelques extraits du manu­ scrit de Nuremberg. Cf. F. Kaulen, Geschlchte (1er Vulgata, Mayence, 1868, p. 219-250. Voir aussi S. Berger, Quant notitiam linguic hebraiur habuerunt Christiani rnedii nul tempore in Gallia, Faris, 1893. p. 28-29. d) Appreciation. — Les principes critiques indi­ qués par Hugues de Saint-Cher dans son introduc­ tion et appliqués dans le corrcctoire étaient justes, et le recours aux anciens manuscrits de la Vulgate et aux textes originaux était un excellent moyen de corriger le texte altéré des bibles du XU1« siècle. Ι/application toutefois n'était juste qu'à la condi­ tion de la borner au rétablissement aussi parfait que possible du texte de la Vulgate, dont la majeure partie était l’œuvre de saint Jérôme. 11 ne fallait pas refaire, d'après les textes originaux de la Bible, la traduction du saint docteur;il suffisait de débarrasser la Vulgate latine des altérations qu’avait subies son texte, soit par la négligence des copistes, soit par l’intrusion de leçons empruntées aux anciennes ver­ sions latines. Mais, comme beaucoup de scs contem­ porains, Hugues de Saint-Cher n'était pas exactement renseigné sur l’auteur de la version latine de la Bible, qui était devenue la Vulgate. Roger Bacon repro­ chait aux correcteurs du xiii· siècle d’ignorer de quelle version sc servait l’Égllsc; ils croyaient, dit-il, qu’elle avait à son usage non plus la traduction de saint Jérôme, mais une version mixte formée de plu­ sieurs autres, parce qu’ils voyaient la lettre varier suivant l’opinion de chaque copiste. Opus tertium, édit. Brewer, Londres, 1859, p. 331. Or, Hugues de Saint-Cher en était là. En expliquant le prologue de saint Jérôme sur le Pentateuque, il assure que la version du livre des Proverbes est l’œuvre du Véné­ rable Bède, puisqu'un passage de la Vulgate qu’on lit dans son commentaire diffère de la version de saint .Jérôme. Postilia·, Venise, 1703, 1.1, fol. G. Parce qu’il attribue au saint docteur les Quivstiones hebraiciv in libros Hrgum. qui étaient faussement mises sous son nom, il conclut, dans son corrcctoire, d’une leçon de cet écrit sur HReg., ix, 11, qui est aussidans la Vulgate, quod in mullis libris, maxime historia­ libus, non utimur translatione Hieronymi, quamvis ejus prologi nostris libris apponantur. Ignorant aussi que les Pères et saint Jérôme lui-même ont cité et commenté la vieille version latine qui avait été faite sur les Septante, il maintient dans le texte des leçons et des additions qui proviennent de cette ancienne traduction. Par suite, il a mélangé dans son texte des leçons provenant do sources divergentes. · Ceux qui supposent que la Vulgate est une compilation, dit Roger Bacon, compilent à leur guise, sous pré­ texte que le texte de la Bible est composé d’un grand nombre d’autres. Ils y insèrent donc ce qu’ils veu­ lent. mêlant et modifiant tout cc qu'ils ne compren­ nent pas. * Opus tertium, p. 317. Aussi avait-il déjà déclaré, p. 91 : Eorum correctio est pessima corruptio cl destructio textus Dei, cl longe minus malum est sine comparatione uti exemplari Paris itnsi non corredo, quam correctione eorum vel aliqua alia. Et pourtant, à son jugement, l’exemplaire parisien était horribiliter corruptum. Ailleurs encore, il semble bien viser l’œu­ vre de Hugues de Saint-Cher, quand il écrit : Se­ cunda corrretio (dus frères prêcheurs) propter horribi­ lem su i quantitatem (elle formait la moitiéd’unebible) simul cum varietatibus multis habet sine comparatione I 234 plures jais itales quam prima correctio (la bible de Sens). Opus majus, édit. Jebb, Londres, 1733, p. 50. Cf. p. 49. Ainsi Hugues de Saint-Cher a fait une mauvaise application des principes Justes qu'il avait posés. « Il cite l’hébreu comme un homme qui con­ naît cette langue par lui-même et toute son œuvre n'est qu’un retour aux originaux. > S. Berger, De l'histoire de la Vulgate en France, Paris 1887, p. 12-13. Assurément, mais cc recours constant aux originaux, au lieu de rétablir la version de saint Jérôme dans sa pureté première, a donné une œuvre nouvelle. Aussi un dominicain, le P. Deni tic, a reconnu fran­ chement l’erreur pratique de son confrère du xiii· siècle, et il a déclaré que le jugement de Roger Bacon sur le corrcctoire de Hugues de Saint-Cher n’était pas trop sévère Archio, t. îv. p. 291-295. Ix* cardinal n a réussi qu'à débarrasser le texte parisien d'une partie de scs altérations : il y en a laissé beaucoup et il y en a inséré de nouvelles. e) Date. — L’opinion générale des critiques est que I lugues de Saint-Cher a exécuté son corrvclolru tandis qu’il était provincial de France à partir de 1227. Elle s'appuie principalement sur le témoignage de Luc de Bruges, que nous avons cité plus haut. Mais nous l’avons dit aussi, il s'agit de la correctio Senonensis, qui était sur le métier en 1236 et qui fut ré­ prouvée en 1256. Tous les manuscrits qui reprodui­ sent le corrcctoire exécuté par Hugues de Saint-Cher cl qui nomment l’auteur, l’attribuent très expressé­ ment à Hugues, cardinal de Sainte-Sabine. Sans doute, l'auteur du corrcctoire pourrait être qualifié cardinal par prolepse, parce qu’il avait revêtu la pourpre à l’époque où les copistes de ces manuscrits transcrivaient son corrcctoire. Mais le manuscrit 2740 de la Bibliothèque nationale, qui est contempo­ rain, est très explicite, fol. 33 a, sur le lieu où la Bible •du frère Hugues fut exécutée : cc fut à Rome. Sa correction fut postérieure à la bible de Sens, qu'elle cite; elle fut une nouvelle correction et elle a été faite à Rome. Ιλι bible de Sens, condamnée en 1256, n’avait été terminée que peu d’années auparavant, peutêtre en 1251 seulement. Le corrcctoire de Hugues de Saint-Cher n’a vraisemblablement été entrepris qu’après l’abandon de la bible de Sens et il date du temps de son cardinalat (1211-1263). En 1269, Roger Bacon en parlait, semble-t-il, comme de la seconde correction de la Bible faite par les dominicains. Plusieurs des critiques du francis­ cain visent directement le travail de Hugues de Saint-Cher : l’auteur pense que la Vulgate n'est pas de saint Jérôme; il recourt au texte hébreu; il fait des emprunts à Josèphe; il multiplie les variantes; il cite les Pères et les auteurs ecclésiastiques; il est dit < grand » et « très grand ». Opus minus, edit. J. Brewer, p. 318-349. Cette épithète convient bien à un cardinal de la sainte Église. En tin, le corrcctoire de Hugues de Saint-Cher est probablement celui qui fut écrit ad reprobationem du premier, celui de Sens. R. Bacon, Opus tedium, p. 96. Cependant le P. Dcnille appelle le corrcctoire do Hugues de Saint-Cher : Correct io Par is iens is cardinalis H agonis. 3. Concordance. - - Hugues de Saint-Cher eut l'ini­ tial ixc d’une autre sorte d’ouvrage très utile à l’étude et à l’interprétation de la sainte Écriture. Ayant, comme bachelier biblique, à expliquer la Bible, il comprit que, pour préciser la signification dechaque mot, il fallait comparer tous les passages de Γ Écriture où cc mot était employé. Celle comparaison exigeait une table complète, une sorte de dictionnaire de toutes les expressions bibliques. C’est pourquoi Hugues, redevenu provincial et aidé, dit-on, de 500 frères prê­ cheurs, fit opérer.entre 1238 et 12tO, semble-t-il, le dél>ouillement détaillé du texte latin de la Vulgate. 235 BUGLES DE SAINT-CHER 23G gnement pendant une année seulement, il ne put expliquer qu’une faible partie de l'Écrituro sainte. 11 prit goût à ce Lie interprétation, Qui formait alon la premiere base de la théologie et, nu rapport de scs historiens, il travailla durant toute sa vie à l’étude et au commentaire des Livres saints. Cette applica­ tion conlinuelienboutit à luifaire expliquerions forme de Postules, selon la méthode du temps, tous les livres de la sainte Écriture, depuis la Genèse jusqu'à l'Apocalypse, secundum quadruplicem sensum, his­ toricum, allegoricum, moralem cl anagogicum. Les trois premiers sens sont régulièrement donnés sur chaque péricope biblique; le sens anagogique ne vient qu’à l’occasion. Le nom de Poslille convient au genre adopté, qui consiste à faire suivre chaque mot du texte de quelques notes courtes et précises. Tous les livres de la Bible n'ont pas reçu les mêmes déve· loppenicnts. Si, par exemple, le commentaire du Pen· tatcuque est très développé, celui des livres histo­ riques» qui suivent jusqu’au livre de Job, l’est beau­ coup moins. Les prophètes, petits et grands, les Évangiles, les Épîtrcs de saint Paul et les Épltres canoniques ont reçu aussi de plus longues explica­ tions. Echard signalait quelques manuscrits et quelques éditions du xvi®siècle. H y a eu un grand nombre d'édi­ tions des Postilles d'Hugues de Saint-Cher. Beau­ coup sont des incunables. Voirlesn.8972-8975deHain, Repertorium bibliographicum, 1831, t. n a; Copinger, Supplement to Hain’s Repertorium bibliographicum, Londres, 1895, part. I, p. 268; Graessc» Trésor des livres rares et précieux, Dresde et Londres. 1867, t. ni, p. 385. On en trouvera d’autres dans le Catalogue des livres imprimés de la Bibliothèque nationale de Paris, à l’article Hugues de Saint-Cher. Les éditions complètes forment cinq parties en G ou 8 in-fol. Le t. Ier s'étend de la Genèse au livre de Job; le il· est pour le Psautier seul; le m® contient Isaïe, les Pro­ verbes, l'Ecclésiaslc, le Cantique et la Sagesse» ou les Prophètes; le rv®, les quatre Évangiles; le v®,ks Épltres de saint Paul, les Actes, les Épîtrcs catho­ liques et l'Apocalypse; le dernier contient l’Index des matières des cinq ou sept premiers volumes, lux Pos­ Aa \ tilla super Psalterium, imprimée à Venise» en 1491, Jer., i, b. Aaa, domine Drus, cccc ncscio loqul, quia était attribuée à Alexandre de Halés. 1 .a vogue des puer ergo sum. Jer., xiv, d. Aaa, domine Deus, proplietœ dicunt els: Postilles a duré longtemps et des éditlonscomplètcsont Non videbitis gladium et fumes in vobii non erit. été publiées encore au xvi· et au xvn® siècle. AujourEzech.» >v, f. Aaa, domine Deus, anima inea non est d’hui, on ne les consulte plus. Léopold Delisle signale, polluta. d'après le catalogue de la bibllothèque de la Sorbonne, Joel, 1, f. Aaa dlcl, quiapropo est dies Domini. I de 1338, un manuscrit de la Postilla super historias domini H agonis cardinalis, ex legato magistri GucCes grandes Concordances, Concordantia majores, furent achevées vers 1250. Elles avaient été faites par rondi de Abbaltsvilla. La clef des manuscrits de la Bitrois dominicains anglais, ce qui leur fit donner lenomdc bliothèquc nationale. Parts, 1884, t. ni, p. 23. Concordantiic anglicanœ. Elles furent imprimées à Nu­ Quoique Hugues de Saint-Cher note parfois, dims remberg en 1485, sous le titre de Concordantia magnæ. scs Postilles, des manuscrits corrects qui ont un texte Aux xiv· et xv· siècles, d'autres dominicains différent de cdiil qu’il connncnte, ainsi, Prov., xxx, modifièrent encore les premières Concordances bibli­ 19,d'après Luc de Bruges, Notationes in sacra Biblia, ques, soit en abrégeant la longueur des phrases citées, p. 193, il ne sc préoccupe pas, d’ordinaire, de la cri­ soit en y ajoutant toutes les particules indéclinables. tique du texte. Bien plus, le texte qu’il explique n’est Ces nouvelles formes ne rentreraient pas dans notre pas celui de son correctoire. Il contient les mauvaises sujet, si les Imprimeurs, en les publiant, n’avalent leçons que le correctoire rejette en partie. C’est nu inséré dans le titre le nom de Hugues de Saint-Cher, moins ce qui apparaît pour les Postilles du livre des faisant ainsi à l'initiateur de ce genre d’ouvrages Proverbes. Le commentaire biblique a donc précédé l’honneur de tous les développements qu’avait pris le correctoire, et c’est un argument de plus pour re­ son œuvre primitive. Pour plus de détails, voir Echard, porter le correctoire à une date relativement tardive op. ciL, t. î, p. 203-209; Daunou, dans l’Histoire I de la vie du cardinal de Sainte-Sabine. littéraire de la France, t. xix, p. 43-47; mon article Aux commentaires bibliques de Huguesdo Saint-Cher Concordances de la Bible, dans le Dictionnaire de ta on peut joindre les courtes explications de VHistoire Bible de M. Vigoureux, t. n, col. 895 sq.; le Catalogue scolastique de Pierre le Mangeur, que mentionne le des ouvrages imprimés de la Bibliothèque nationale, Père Echard. au mot Hugues de Saint-Cher. 2° Sermons. — Les sermons de Hugues de Snint4. Postules. — Bachelier biblique en 1230, Hugues Cher doivent être rapprochés aussi de scs ouvrages eut à lire la Bible à ses élèves. Chargé de cet ensei­ sur l'Écrituro sainte, car ce sont des homélies sur U réalisa ainsi la première Concordance verbale de la Bible. Les mots, rangés selon l’ordre alphabétique, n’étaient écrits qu’une seule fois et servaient de titre. Au-dessous étalent indiqués en abrégé le livre, le cha­ pitre et la partie du chapitre où ces mots étaient em­ ployés. La division en chapitres et les subdivisions en sept parties à peu près égales dont nous avons parlé plus haut, servaient à cette fin. Ainsi Aaa, Jer., i, b; XIV, d; Èzech.» iv, f; Joël, i, f; Unigenitus, Gcn., xn, a, d, f; Prov., iv,a; Jer., vi, g; Amos, vm,f. Ordinairement, les mots étaient isolés et formaient chacun un article. Cependant, pour faciliter les re­ cherches dans la Bible, deux mots présentant un sens particulier étaient parfois réunis : ainsi Tempus nativitatis. Tempus senectutis, etc.; Terra Juda, Terra atiena, etc.; Velut arena, Velut somnium, Velut nubes, etc. Les mots indéclinables n'y avaient pas tous leur place; on y trouvait toutefois olim, quasi, sicut, propter, absque, etc. Lc P. Echard, Scriptores ordinis praedicatorum, 1.1, p. 203, signalait différents manu­ scrits qu'il connaissait. Ces Concordances n'ont jamais été imprimées» parce qu’elles avaient été remplacées par d’autres, plus complètes et plus utiles, qui ont eu les honneurs de l’impression. Elles étaient, en effet, imparfaites, et les réfé­ rences ne permettaient pas de trouver au premier regard le texte que Ton cherchait. Ainsi, pour savoir dans quel livre de la Bible sc lisait cette phrase, par exemple: Quoniam sicut vacca lasciviens declinavit, la concordance au mot vacca ne suffisait pas; elle obligeait à recourir successivement à tous les livres bibliques où ce mot était usité, avant d'arriver à Osée, iv, où sc trouve la phrase cherchée. 11 était donc utile de fournir aux chercheurs un moyen plus expéditif d'aboutir. Les dominicains du couvent de Saint-Jacques à Paris s’y employèrent, vraisembla­ blement à l’instigation de Hugues de Saint-Cher. Dans ce dessein, ils joignirent aux indications des livres, des chapitres et des subdivisions de chapitres, les phrases où chaque mot était employé. Ainsi, pour reprendre le premier exemple Aaa, la nouvelle Concor­ dance sc présenta sous cette forme : 237 HUGUES DE SAINT-GHEB 238 Hugues de Saint-Cher passe, en outre, pour avoir les épltres et les évangiles du cours de l'année litur­ rédigé un traité intitulé : Seminarium praedicatorum, gique : Sermones super epistolas cl euangelia de tempore. Echard eu signalait plusieurs manuscrits. Celui de que Trilhêinc lui attribue. < Cet ospusculc anonyme la Sorbonne était ainsi décrit dans le catalogue de consiste en instructions adressées vraisemblable­ 1338 : In uno volumine tres tractatus sermonum domi- ment aux frères prêcheurs; l’auteur, en effet» après nicalium tocius anni « Dicite filie Sion », composiltl avoir rappelé» sur un ton d’autorité, l'obligation de a domino Huyone episcopo cardinali, sermones de fuir certains vices, recommande de secourir tes autres epistolis « Hora est », sermones · Abteiamus ». C'est pauvres à l’aide des biens de l’Église, et détaille les actuellement lo ms, latin 1594G de la Bibliothèque qualités qui doivent être apportées dans le minis­ nationale. L. Delisle, op. cil., t. in, p. 50. B. llauréau tère de la prédication. Le nom d'Hugues ne figure cite d'autres manuscrits do ces sermons : /353/, cci>endant que dans ki notice moderne mi>e en tète 16473, 16503, de la Bibliothèque nationale. Notices du manuscrit latin 16515, p. 4, de la Bibliothèque cl extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, nationale,qui provient de la Sorbonne.» Lccoy de I«a Paris, 1906, t. xxxvm, 2· partie, p. 425. Une édi­ ! Marche, op. cil., p. 125. Echard range le Seminarium prirdicalorum parmi les ouvrages attribués à Hugues tion on a été donnée à Zwoll, in-fol., 1179. Haln, n. 8976. Une Postilla super epistolas et euangelia de de Saint-Cher. L'authenticité en est donc réellement tempore et de sanctis a été publiée en trois parties à douteuse. Quatre sermons sont attribués enfin à Hugues de Paris» en 1506. L'authenticité de ces sermons a pam douteuse Saint-Cher dans une série de sermons de tempore. à Lccoy de Marche. Le principal argument qu'il Ms. de la Bibliothèque nationale, nouv. acquisitions» 1170, fol. 143, 143 ve, 144 v·, 146 v·. Leur authen­ fait valoir est que. dans le titre du ms. 15946, l’au­ teur est appelé Hugues, turque, cardinal de Sainte- ticité n'est pas certaine. Lccoy de La Marche» op. Sabine. Or, Hugues do Saint-Cher était simplement cil., p. 518. 3° Commentaires sur les Sentences. — Licencié en cardinal prêtre de Sainte-Sabine. < Est-ce erreur 1231, Hugues de Saint-Cher eut à expliquer les de copiste, ou faut-il attribuer ces productions à un autre dominicain du même nom, qui fut également Sentences de Pierre Lombard. Le P. Dcnlfle nous cardinal du titre de Sainte-Sabine et de plus évêquo apprend que Hugues fut un des premiers maîtres de Paris qui aient commenté les Sentences et un des d’Ostie, savoir, 1 lugucs Alcclln de Billom, mort en derniers qui sc soient servis de la Materia super 1298? » La chaire française au moyen âge, 2· édit., Paris, 1886, p. 121-125. Faute de moyens de contrôle librum Scntcntiarumde Pierre le Mangeur et des Glossa: certains, Lccoy de La Marche laisse toutefois le volume de Pierre de Poitiers, chancelier de l'université de Paris. Son commentaire débute par ces mots : Juxla à Hugues de Saint-Cher, l'éditeur de Zwoll pouvant avoir eu une base qui nous échappe aujourd’hui. Le sanctorum traditionem, et on le lit dans les manuscrits doute de Lccoy de La Marche ne parait pas suflham- i suivants : Bruxelles, 11422-11123; BAle, B. il, 20· Leipzig, bibliothèque de Γ université. n. 573... Chartu­ nient fondé. En cfTet, le dominicain 1 lugucs Aicelln de Billom fut bien créé cardinal-prêtrc de Sainte- larium, 1.1, p. 158. Cf. M. Grabmann, Die Gcschidde Sabine» le 15 niai 1288, mais il fut transféré, au mois der scholastischen Methode, Fribourg-cn-Brisgau, 1911, t. n, p. 393. Cet abrégé de l'œuvre du Lombard d'août 1294, au siège épiscopal d’Ostie et de Vclletri. De ni fie, Archiu, t. n. p. 209-210; Eubcl, Hierarchia fut très répandu. Deniile, Archio., L. I, p.589; M. Grab­ catholica medii nui, 2· édit., t. T, p. 11, 35 (Eubcl le mann, op. cil., t. U, p. 388. Cette œuv re méthodique» nomme Hugues Seguin, do Billom). Si lo copiste du très intéressante, n’a pas été imprimée. M. Grab­ manuscrit de la Sorbonne pensait à lui, il a commis mann, op. cil., 1909, t. i, p. 40-11. Le travail une erreur en le faisant cardinal-évêque de Sainte- personnel du commentateur consiste d’abord dans Sabine; en devenant évêque d’Ostie, Hugues de l’exposé détaillé fait au début, et dans la solution des objections, puis dans des tableaux qui indiquent Billom avait changé de titre cardinalice. Puisqu’il y aurait erreur dans les deux cas H parait plus naturel clairement la marche des pensées des Sentences. La glose ou Γexpositio textus n’est pas dépourvue de l’expliquer ainsi : le copiste du manuscrit de la Sorbonne s’est trompé en faisant de 1 fugues de Saint- de vues propres Λ l’auteur. Sur les mss, la méthode Cher un cardinal Mque de Sainte-Sabine. A-t-il et quelques points de doctrine, voir Kevue des sclcn· confondu le titre prcsbytéral cardinalice do Sainte- ces philosophiques et thèologiques, octobre 1920, p. 569, Sabine avec l’évêché du même nom, qui n'était pas 575-579. Ce commentaire se présente sous une autre forme un titre cardinalice et dont Hugues de Saint-Cher dans lo Vaticanus lut. 109S, fol. 208, sous le titre ; n'a pas occupé le siège? D’ailleurs on ne connaît de Hugues de Billom que deux sermons, prêches à Paris Lectura Parisiensis super librum Sententiarum. M. Grabmann. op. cil., t. n, p. 391-395. Echard en 1283 et 1294. Echard, Scriptores, t. r, p. 385; Leroy de lui Marche,op.cil., p.518. Echard lui attribue et Daunou indiquent encore plusieurs manuscrits de Paris, de Florence, de Belgique et d'Angleterre toutefois un volumen sermonum ad populum, t. i, qui contiennent un ouvrage en quatre livres. Dans p. 452, sans plus d’explication. le I«T, l’auteur explique, d’après Pierre Lombard, Au jugement do Daunou, ces sermons n’ont aucune les trois termes d’essence, de personne et de notion: sorte d'originalité dans la multitude de ceux du nio\cn Age, et Lccoy do La Marche ajoute qu'ils n’of­ Quidquid a Deoest mit de eo dicitur, aut persona, aut frent aucun intérêt. Op. cil., p. 518. Jl no faut pas essentia, aut notio est : essentia una et indivisibilis; s’en étonner, dit B. llauréau. qui les a retrouvés personie (res sunt. Pater et Filius et Spiritus Sanctus, dans le ms. 3198 de la Bibliothèque nationale, dont et hic tres una essentia sunt, etc. Dans le 11· livre, la premiere partie» fol. 1-77, est intitulée dans le Il enseigne qu’il n’y u qu’un seul principe et il réfute catalogue : Loci communes ad morum doctrinam les philosophes qui en admettent plusieurs. La accommodati. Ce ne sont pas de vrais sermons; «ce rédemption du genre humain est le principal sujet sont en souvenir de lui, in par divers savants, surtout français, par exemple, memoriam mei, en témoignage de sa tendresse, celare par dom Clément, Histoire littéraire de la France, non potui meæ erga vos affectum dilectionis. Évidem­ t. xn, p. 2, et, de notre temps, par U. Chevalier, Réper­ ment lia vécu dans lemonastère; il aété delà maison. toire des sources historiques du moyen âge. Bio-biblioAinsi Hugues, d’humble extraction, a quitté enfant graphle, Paris, 1903-1904, t. T, col. 2217. Elle n’a son pays natal, Flandre ou Lorraine, est allé en Alle­ cependant pas entraîné l’unanimité française; l’ori­ magne et a séjourné au monastère saxon de Hammersgine saxonne de 1 lugucs a continué d'avoir des défen­ lebcn. Un dernier renseignement incontestable sur seurs parmi nous, par exemple. Ilugonin, Essai sur cette période, c’est qu’il eut de bonne heure la passion la fondation de l'école de Saint-Victor de Paris, dans du savoir : il faut lire, dans ΓEruditio didascalica, /'.L.,1.clxxv,co1.xi.-xlîv; A. Mignon, Les origines de 1. VI, c. m, P. L., L clxxvi» col. 799-801, le passage la scolastique et Hugues de Saint-Victor, Paris [1895], dont le commencement est: Ego affirmare audeo nihil t. i, p. 7-9; Fourier Bonnard, Histoire de l'abbaye me unquam quod ad eruditionem pertineret contemp­ royale cl de l'ordre deut-être par une inadvertance de cet auteur d'autant plus possible dans l’index du deuxième volume du recueil que ce volume n’avait presque pas de titres : ct hoc scitote quod /ere omnia que con­ tinentur in secundo volumine sine titulo distribuuntur, ρ. 282. En revanche, il est difficile, sinon impossible, que des écrits ajKJcrvphcs se soient glissés dans cette collection. U Indiculum qui, du reste, s’accorde avec la plupart des conclusions où étaient parvenues les études critiques antérieures à sa publication, nous servira de pierre de touche pour discerner les écrits authentiques de 1 Iugucs. /. ŒUVKES AUTHKNT/QUKS. —1« Exégèse. — L De Scripturis ct scriptoribus saerts pnvnotatiuncuhv, P.L., t. clxxv, col. 9-28; Indiculum, t. i, n. 6-22; cf. J. de Ghcllinck. Recherches, t. i, p. 284-285 (les numéros d’ordre, qui n'existent pas dans l'original, ont vtéajou­ tés par J. de Ghcllinck). Les c. vi-xn sc lisent égale­ ment àansV Eruditio didascalica, L lV,c. il-vn, xvi.— 2. Adnotalioncs elucidatoriœ in Pcntateuchon, P. L., t. clxxv, col. 29-86; Jnd., 1.1, n. 4-5, 23-28; ci. Ghcl., p. 283-281, 285. Les six premiers chapitres sont dési­ gnés un à un dans VIndiculum ; pour la suite, nous I n’avons que cette indication : nolulas istas jacit super 245 U I G LES DE SA INT· VICTOR 246 Pcntatcucum. L'Histoire littéraire de lu Prance, t, xn, coi. 17-42; Ind., t. n, n. 30; ct. Ghcl., p. 390. — 5. /nsp. 9, juge que, pour les Nombres et le Deutéronome (ituHones in decalogum legis dominiez, P. I.., t. clxxvi, le commentaire « contient de si lourdes méprises que coi. 9-18; Ind., t. ii, l. 21-22, 39;cf. Ghcl., p. 388son texte est légitimement suspect d'interpolation ».— 389, 392. Le chapitre iv. De substantia dilectionis et 3. Adnotatloncs elucidatory in libros Urgum, P· L·, char itate ordinata, coi. 15-18, a été attribué à samt Au­ t. clxxv, col. 95-111; Ind., t. i, n. 28; cf. Ghcl., gustin; cf. P. L., t. xl, col. 843-846; c’est un petit p. 285.— 4. In Salomonis Ecclesiastcn homlllrc JT/X, traité, sous forme de sermon, indépendant des P. t. clxxv, coL 113-250; Ind., t. ni, n. 5; cf. Institutioms. — 6. De Verbo incarnato collationes «n Ghel., p. 395. — 5. Adnotatiuncula elucidatorix in disputationes tres, P. L., t. clxxvn, coi. 315-324 ; Ind: Threnos Jcrcmiie, P. L., t. clxxv, col. 255-322; l. ii, n. 13, 7, 5 ; cf. Ghel., p. 387, 386, 385. — 7. De Ind., t. n, n. 32; cf. Ghel., p. 390-391. — 6. Explanatio quatuor voluntatibus in Christo, P. L., t. clxxvi, coi. in canticum B, Marin·, P. Λ., t. clxxv, col. 413-132; 841-846; Ind., t. n, n. 8;cf. GheL, p. 386/— 8. De sa­ /nd., t. il, n. 42; cf. Ghel., p. 392-393. A été attribuée pientia animæ Christi an aqualis cum divina fuerit, faussement à saint Augustin. Cf. P. /,., t. xl, col. 1137- ( P. L., t. clxxvi,col. 845-856; Ind.,C n,n. 10;cf. GheL, 1112.—7. Orationis dominiez expositio, P. L., t. clxxv, p. 386. — 9. De B.Marite virginitate, P. L., t. clxxvi, col. 774-789; Ind., t. n, n. 45-46; çf. Glicll., p. 393-391. coi. 857-876; Ind., L n, n. 11-12; cf. GheL, p. 386-387. — 8. Un commentaire sur Ilcb., iv, 12-v, 2, imprimé — 10. Un sermon pour l’Annonciation, inédit, dont à la suite du De unione corporis ct spiritus, P. L., un court extrait sc trouve dans les Miscellanea, LUI, t. clxxvii, col. 289-294, ct abrégé dans les Miscellanea, tit. xxxvi, P. L., L clxxvii, col. 656-657; Ind., t. n, 1. VI, tit. xvn, col. 820-821 ; J nd., t. n, i. 24 ; ci. Ghel., n, 6; cf. Ghel., p. 386. — 11. De Assumptione B. p. 389.—9. Sous le litre de Miscellanea on a imprime, Marix scrmo, P. L., L clxxvii, col. 1209-1222; Ind., en sept livres touffus et d’allure ct de sujets divers, t. n, n. 2; cf. Ghcl., p. 385. — 12. Dr quinque septenis scu septenariis, P. L., L clxxv, col. 405-414; Ind., des écrits où l'apocryphe sc mêle à l’authentique, sans qu’il soit possible souvent de séparer 1 un de t. n, n. 23, 47; cf. Ghel., p. 389, 391. Il s'agit des l’autre. Cf., sur les Deflorationes sanctorum Patrum sept péchés capitaux, des sept demandes de Γorai­ de Werner de Küsscnberg. f 1174, une des sources son dominicale, des sept dons du Saint-Esprit, des probables des Miscellanea. F. Tournier, dans les sept vertus principales ct des sept béatitudes. — Études, Paris, 1910, l. exxm, p. 650-651, note, 658, 13. L'Indiculum, t. n, n. 1, 45; cf. Ghel., p. 385, note. L*Indiculum, t. il, n. 17, 20, 9, 43, 15, 16,25; 393, signale sermones quidam et diverse senteniie, cf. Ghel., p. 387, 388, 386, 393, 387, 389, permet d’at­ scntcntie multe. Quelques-uns de ces écrits se trouvent tribuer ù Hugues les pièces suivantes, dont la plus parmi les Miscellanea. Entre ceux qui sc rapportent importante est le commentaire sur les psaumes: 1. I, au dogme ou à la morale, ΓIndiculum mentionne, tit. xci (sur Gen., xn, i), P. L., t. clxxvii, col. 521t. n, n. 4 ; cf. Ghcl., p. 385, le 1. I, tit. i, sur le bien, 524 ; 1. 11, Adnotatlones clucidatoriæ in quosdam psal­ P. L., t. clxxvii, col. 469-477; n. 18, cf. Ghcl., p. 387, mos, col. 589-632 (les éditions ajoutent au texte dont un petit écrit sur la pénitence, qui se lit, L I,tit. cvi,et ΓIndiculum donne Vlncipit ct 1’explicit quatre brefs 1. V, tit. xiii, col. 536, 757. Il ajoute, n. 19, cf. Ghel., p. 387-388 : hujusmodi expositiones et dirersarum sen­ chapitres, dont le dernier sc rapporte à I Heg., u, 10, col. 632-634); J, tit. n (sur ls., vu, 15), col. 477-481 ; tentiarum infiniltr sunt in hoc volumine. J. de Ghellinck croit pouvoir, à l’aide du manuscrit 717 de la 1. IV, tit. xxx (sur Is., xxi, 14), col. 712-713; 1. 1. til.LXXXi (sur Luc., n, 12), col. 516-517; tit. lxxxii Mazarine étroitement apparenté à 1 exemplaire utilisé pur \ Indiculum, reconstituer avec beaucoup de vrai­ (sur Joa., π, 17), col. 517-518; lit. clxix-clxx (sur Joa., π, 17), col. 517-518; tit. clxix-clxx (sur semblance cette liste des Scntcntie indiquées ici : nous y trouvons, au folio 180, les fragments des Mis­ Joa., v, 22), col. 5G1-5G3. cellanea, 1. l,tit. xcu,xciv-c,ciii-cv,cvii-cviii,cxvni2° Dogme ct morale. — 1. Eruditio didascalica, ou clviii, col. 525-538, 542-558, et le De potestate cl voplutôt Didascalion, qui est le vrai litre, P. L., lunlab D i. P. clxx\ i, col. 839-842. t. clxxxvi, col. 739-812; lnd.t 1.1, n. 29-30; cf. Ghel., 3° Mysticisme, piété. — 1. De institutione noviliop. 285. C’est un traité de l’élude des arts libéraux cl de l’Écrlture sainte. Conformement aux indica­ rum, P. L., t. clxxvi, col. 925-952; Ind., t. i, n. 36; tions du prologue, col. 741, ct de tous les manuscrits, cf. Ghel., p. 288-289. — 2. Commentariorum in HicY Indiculum marque six livres. Pour ccs six livres rarchiam arlcstem S. Dyonisii Arcnpagilx libri X, il compte 143 chapitres à partir du c, n,dc l’imprimé, P. L., t. ci xxv, coL 923-1154; I;» /., t. hi. n. 1-1; tandis que l’imprime n’en compte que 105; les cha­ cf. Ghel., p. 394-395. — 3. De arca Xoe morali, P. L., pitres ont sans doute été coupés différemment dans le t. clxxvi, col. 617-680; Ind., t. i, n. 35; cf. Ghcl., manuscrit reproduit par l'imprimé ct dans celui que p. 288.---- L De arca Xoe mystica, P. L., t. clxxvi, col. l’auteur de Indiculum avait sous les yeux. — 2. De 681-704; Ind., t. î, n. 31; cf. Ghcl., p. 287-288. — operibus trium dierum, P. L., t. clxxvi, col. 811-838; 5. De vanitate mundi ct rcrum transeuntium usu, P. L., t.clxxvi, col. 703-740 ; Ind . t. n, n. 33-31 ; cf. Ghel., Ind., t. n, n. 35; cf. Ghel., p. 391-392. C’est le J. VI Idc p. 391.— 6. De meditando scu meditandi artificio, P. L., 1’Eruditio didascalica, sans titre dims les éditions. Le t. clxxvi, col. 993-998; Ind., t. n, n. 3; cf. Ghel., titre y est pris loquium animo: ad Drum et le De contritione cordis, dans son sens très général de · chose sacrée »; en altribuésà saint Augustin, P. 1... t. xl, col. 847,863,941. réalité nous avons là une véritable somme de théo­ Ce traité étant un dialogue entre l’homme ct son àmc, le titre de Soliloquium semble singulier. Il faut se logie, quasi brevem quarpdani summam omnium, dit rappeler que, au moyen Age, soliloquium était en cer­ Hugues, pro!., col. 183-184. Elle sc divise en deux tains cas synonyme de dialogus; mais soliloquium ne livres : le premier va du commencement du monde jusqu’à l'incarnation du Verbe, le deuxième de l’in­ s’entendait que du dialogue de l’homme avec son carnat ion à la consommation finale· — 4. De sacra­ Ame ou avec Dieu. C’est ce que nous voyons exprimé mentis legis naturalis et scripta*, P. L., I clxxvi, dans la glose suivante d’une Vie rimée de la sainte 247 HUGUES DE SA INT-VICTOR 248 Merge : Differentia inter dialogum et soliloquium : 5. Expositio moralis in Abdiam, P. L., t. clxxv, coL soliloquium dicitur quando homo solus cum Deo loquitur. 371-406. La finale, col. 401-106, est n peu près iden­ Et. Incipit dyalogus sine soliloquium Jhesu cum Maria tiquement dans le De quinque septenis, col. 405-110, matre sua. Ct. L. Gautier, Œuvres poétiques d'Adam et dans d’autres écrits, authentiques ct douteux, de Hugues. On en a tiré le Tractatus de septem vitiis et de Saint-Victor, Paris, 1858, t. i, p. xlix, note.— 9. De amore sponsi ad sponsam, P. L., t. clxxvi, col. septem donis Spiritus Sancti, ntt ribué à saint Augustin. 987-988; Ind., t. n, n. 48; cf. GheL, p. 394.— 10. Cf. P. L., t. XL, col. 1087-1092. — G. Allegoriæ in Vetus Testamentum, P. L., t. clxxv, col. 633-750. Cet De laude charitatis, P. L.,t. clxxvi, col. 969-976; Ind., t. n, π. 37-38; cf. GheL, p. 392. — 11. Parmi les mor­ écrit est également intitulé: Posteriorum excerptionum ceaux qui ont formé les Miscellanea, V Indiculum libri XIU; nous nous occuperons plus loin des £*xeer/> mentionne, t. n, n. 26, 27 ; cf. GheL, p. 389, le 1. I, (tones priores. —Ί. Allegoriæ in Novum Testamentum, P. L., t. clxxv, coi. 719-924. — 8. Qiucslioncs et tit. ( i.xxii ( sur l’humilih tit. clxxiii (sur le feu), decisiones in Epistolas D. Pauli, P. L., t. clxxv, P. L,, t. clxxvii, coi. 565-567, 567-572. 4° Œuvres diverses. — 1. Philosophie et arts libé­ coi. 431-631. Elles sc réfèrent à l’enseignement de raux.— a) Epitoma in philosophiam, publié par B. maître Achard, c'est-à-dire sans doute Achard de Hauréau, Hugues de Saint-Victor. Nouvel examen de Saint-Victor ( f 1171), cL elles citent les Sentences de Pierre Lombard. Cf. I I. Déni île, Luther und Lutherl'édition de ses œuvres, p. 161-175; Ind., t. i, n. 31; cf. GheL, p. 2SG. — h) De unione corporis et spiritus, tum. Ergünzungsband i, Qucllenbelege. Die abcndlünP. L., t. clxxvii, col. 285-289; Ind., t. n, n. 14; cf. dischcn Schriflausleger bis Luther Uber Justitia Del GheL, p. 387. — r)Dcs Miscellanea, 1' Indiculum men­ (Rom., t, 17) und Justificatio, Mayence, 1906, p. 66. Donc, ou elles sont interpolées ou elles ne sont pas tionne, t. il, n. 29; cf. GheL, p. 390, le L I, tit. clxxiv, P. L., t. clxxvii, col. 572-571 (sur l’âme). — d) Gram­ de Hugues. Parmi ces écrits, les commentaires sur les Juges et sur Abdias sont ceux qui ont le plus de matica magistri Hugonis. Inédite; Ind., t. i, n. 32; GheL, p. 286. — e) Practice geometrice, publiée par chances d’etre authentiques. Les Miscellanea contien­ M. Curtzc, dans les Monatshefte /Or Mathemalik nent probablement des morceaux authentiques en dehors de ceux dont l’autlienticité est attestée par und Physik, 1897, t. vin, p. 193-220; Ind., t. i, n. 33; cf. GheL, p. 286-287. Sur les questions que soulève ΓIndiculum; mais il n’y a « aucune ouverture pour cette Practice, cf. P.Tannery, dans Fourier Bonnard, en taire le discernement », dit VHistoire littéraire de la Histoire de l'abbaye royale de Saint-Victor de Paris, France, t. xn, p. 70. 2° Dogme. — Apologia de Verbo incarnato, P. L., t. i, p. viii-x. — f) Mappa mundi.Cet ouvrage n'a pas été retrouvé ct ne figure pas dans ΓIndiculum; l’an­ t. clxxvii, col. 295-316. 3° Mysticisme, piété.— 1. Expositio in regulam B. nonce qu’en fait Hugues, De area Noe mystica, c. xm, P. L., t. clxxvi, col. 699, et sa mention dans les deux Augustini, P. L., t. clxxvi, col. 881-924. C’est de catalogues publiés par Hauréau, P. L., t. clxxv, tous les écrits absents de 1’ Indiculum celui dont l’au­ col. cxlv, cLii, ne permettent guère de douter qu’il thenticité est le plus probable. — 2. De. contemplatione ait été écrit· el efus speciebus, publié par B. Hauréau, en appendice à Hugues de Saint-Victor, Nouvel examen de l’édition 2. Chronica. — Cette chronique universelle a été publiée en partie (le catalogue chronologique des de ses œuvres, avec deux opuscules inédits, Paris, 1859. 4° Œuvres diverses. — Exccrplionum priorum libri X, papes ct des empereurs), par G. Waltz, dans les P. L., t. clxxvii, col. 191-281. La deuxième partie Monumenta Germante historica. Scriptores, t. xxiv, p. 86-97; Ind.f t. i, n. 1-3; cf. GheL, p. 283. Son au­ des Excerptiones a été indiquée plus haut, sous le thenticité, niée ou révoquée en doute par divers titre d'AlIcqoriæ in Velus Testamentum. Cette pre­ auteurs, avait été maintenue par B. Hauréau, Les mière partie a pour objet originem artium, situm ter­ œuvres de Hugues de Saint-Victor, p. 184-191, et ad­ rarum. cursum historiarum ab initio usque ad nos mise par A. Molinicr, Les sources de Γhistoire de France, decurrentium, proL, coi. 191-192. Le dernier roi de Paris, 1902, t. n, p. 313. Elle est confirmée par la France qu’elle nomme, col. 281, est Philippe-Auguste, mention de VIndiculum. dont Γavènement eut Heu en 1180, près d’un demi3. Epistolœ. — P. L., t. clxxvi, col. 1011-1018; siècleaprès la mort de Hugues. Si l’ouvrage est authen­ tique, il a donc été interpolé. Mais son authenticité est Ind., t. xi, n. 41; cf. GheL, p. 393 (annonce qu’il publiera des lettres inédites). V Indiculum mentionne fort suspecte, par le fait que celle de In Chronique de la dernière des trois lettres imprimées; elle est Hugues est démontrée : il est invraisemblable que adressée h Jean, évêque de Séville, ct traite de la Hugues ait rédigé deux chroniques universelles à nécessité d’être fidèle à la foi chrétienne durant l’usage de ses élèves. Le compendiosum volumen la persécution. Nous n'avons pas la lettre à laquelle d’histoire, qu’il déclare. De sacramentis. I. I, proL, saint Bernard répondit par V Epistola scu tractatus P. L., t. clxxvi, col. 183-184, avoir écrit pour eux, de baptismo aliisque quaestionibus, P. L., t. clxxvii, doit donc être cherché dans les Chronica, ct non, col. 1031-1046. Quatre manuscrits de la Bibliothèque comme l’a fait G. Robert, Les écoles et renseignement nationale et un de Valenciennes donnent, sous le de la théologie pendant la première moitié du xtr siè­ -nom de Hugues, une lettre sur la prévarication cle, p. 105, dans les Excerptiones priores. d’Adam adressée peut-être à saint Bernard. Cf. I lit. œuvres supposées. — 1” Dogme, mysticisme, Fourier Bonnard, Histoire de Γabbaye royale de Saint- piété. — 1. Sermones centum, P. L., t. clxxvii, col. 899Victor de Paris, t. T, p. 90-91. Le De volis, dans le 1210. Hugues fut-il un prédicateur renommé? La De sacramentis, 1. II, part. XII, P. L., t. clxxvi, réponse ne serait pas douteuse si l'éloge que Jacques de Vitry, Historia occidentalis, L Il, c. χχιν, Douai* coL 519-524, fut primitivement une lettre. H. œuvres douteuses.— 1° Exégèse.— 1. Adno1597, p. 328, fait de lui : Jnler canonicos S. Victoris (atiunculic elucidatorue in librum Judicum, P. L., nominalissimus el pnecipuus extitil citharista Domini, t. clxxv, col. 87-96. — 2. De plia Jcphthc, P. L., organum Spiritus Sancti, magister Hugo qui, malo­ t. clxxvii, col. 328-334. — 3. Adnolaliuncula una granata tintinnabulis confiuigcns..., pouvait sc tra­ in librum Ruth. P. L., t. clxxv, col. 96 (cinq lignes duire, comme l’a fait Hugonin, P. L., t. clxxv, seulement). — 4. Adnotaituneulic clucidatoriæ in J or­ col. L : « harpe du Seigneur, organe du Saint-Esprit, ient prophetam, P. L., t. clxxv, col. 321-372. Dans unissant les grenades, symbole des vertus, aux clo­ chettes. symbole de la prédication»; mais,à vrai dire, cet écrit est cité Avicenne, col. 339. non connu des latins pendant la première moitié du xn· siècle. — les · clochettes » dont parle Jacques de Vitry, par 249 HUGUES DE SAINT-VICTOR 250 allusion à Exocl., xxvm, 33, sont ks clochettes » de 1 glossariis, compendiis cxegeticls quibusdam medii irvl, Paris, 1879, p. 42-17; Iji Bible au seizième sitcle, la science on général, de la science qui apparaît clans Paris, 1879, p. 19-20. les écrits, non celles de la prédication, ainsi que le Π serait utile de connaître la chronologie des prouve la suite du texte z exemplo san être conversationis multos ad honestatem incitavit cl melliflua doctrina ad œuvres de Hugues. Malheureusement, là-dessus nous scientiam crudi vi l, multos autem aquarum rivent tum sommes peu renseignés. Zôcklcr, Realencyklopûdie, puteos c/fodiens libris suis, quos de fide ct moribus tam 3e édit., Leipzig, 1900, t. vin, p. 439, pense que les subtiliter quam suaviter disserendo edidit. D'autre œuvres exclusivement mystiques, comme le De area pari, le prologue des Excerptionum, P. L., t. clxxv, Noe morali, le De arca Noe mystica, le De vanitate OOL 191-192, avertit que le J. X de la 11· partie com­ mundi, le Jn Salomonis Ecclesiaslen homili/e, appar­ prendra sermones diversos singulos de materia sua tiennent à la première période de sa vie scientifique, editos, et les éditeurs ont publié cent sermons qu’on tandis que les œuvres qui ont un caractère plus sco­ a parfois considérés comme la réalisation de cc pro­ lastique ct encyclopédique, telles que ï'Eruditio gramme. Mais Γauthenticité des Excerptionum est didascalica, le De sacramentis, et les Commentaria in suspecte ct celle de l'ensemble des cent sermons est Hierurchiam attestent, seraient d’une période tardive insoutenable. Peut être pourrait-on croire, avec Γ 7/edoc/r/nuc/ins/zana,l. IV.c.xn, c. vn-viii, P. L., t. clxxvi, col. 355-339; du De xvn, /■>.£., Lxxxiv,col. 101,101-10 5, et h Alcuin, Dialo- quinque septenis, c. i, P. L., t. clxxv, coL 406 (ct il gusderhctoricadvirtutibus, P. /...t.ci,col.941.—4. Spe­ faudrait en dire autant de ΓExpositio moralis in culum de mysteriis Ecclcsiœ, P. J.., t. clxxvii, col. 335- Abdiam, P. L., t. clxxv, col. 401, si son authenticité 380;cf. Dictionn., 1.1, col. 51.—5.De ccvrcmonlls,sacra­ était établie), il reproduit, 1. II,part.XIII, c. i,col. 525, mentis, officii* ct observationibus ecclesiasticis, P. L,, un passage sur les péchés capitaux. Enfin leDe sacra­ t. clxxvii, col. 381-456; cf. A. Mignon, Les origines mentis est postérieur à la Chronique, qui est le com­ de la scolastique, t. n, p. 125-126. — 6. Libellus de pendiosum volumen composé par Hugues de prima canone mystici libaminis, P. L., t. clxxvii» col. 455- eruditione sacri eloquii qua in historica constat lectione, 470. —7. De bestiis ct allls rébus, P. L., t. clxxvii, avant la réduction du De sacramentis. La Chronique col. 9-164. Cc bestiaire est un des plus inqvorlants finit par ccs mots : Honorius secundus sedit annis ouvrages de symbolisme du moyen Age. —8. De claus­ quinque ct mensibus duobus, Hcnricus imperavit annis tro animie, P. L., t. clxxvi, col. 1017-1184. — 9. De quindecim. Gf. Monumenta Germani.e hist. Scriptores, medicina animiv, P. L., t. clxxvi, col. 1183-1202. — t. xxiv,p. 97, ct 1 Indiculum, publié parJ.de Ghellinck, 10. De nuptiis, P. L., t. clxxvi, col. 1201-1218. Recherches de science religieuse, 1.1, p. 277. Honorius II 2° Philosophie et matières diverses. — 1. De anima mourut le 14 février 1130; il n’est guère possible et efusadsul cl ad Det cognitionem et ad veram pietatem qu’entre cet te date et celle de la mort de Hugues, celuiinstitutione, P. L., t. clxxvii, col. 165-190; cf. Dic­ ci ait eu le temps de rédiger le De sacramentis. La tionnaire, t. î. col. 2307. — 2. De libero arbitrio. Connu finale relative à 1 lonorius 11 a donc été ajoutée après par quatre manuscrits, qui le donnent comme une coup par 1 fugues ou par une main étrangère. Et ainsi lettre de I fugues, ce traité inédit fut jugé par B. 1 lau- les dates du De sacramentis ct de la Chronique, anté­ réau. Hugues de Saint-Victor. Nouvel examen de rieure au De sacramentis, demeurent ignorées. L’His­ l édiliondescs oeuvres, Paris, 1859. p. 154. non authen­ toire littéraire de la France, t. xn, p. 17, a observe que, tique, puis, Les œuvres de Hugues de Saint-Victor, à I inverse de l’ordre suivi par les anciens éditeurs, Paris, 1886, p. 151, considéré comme authentique. le De arca Noe morali doit être rangé avant le De area B. Geyer, Die Sententirr divinitatis, Munster, 1909, Noe mystica ct le De arca Noe mystica, à son tour, p. 31-32, rejette l'authenticité. — 3. D’autres ou­ avant le De vanltùte mundi, car le premier est rappelé vrages, imprimes ct manuscrits, ont été attribués dans le second, c. xu, 1*. L , t. clxxvi, col. 698, el le faussement ù 1 fugues. Cf. Histoire littéraire de ta second dans le troisième, col. 717. Le De area Noe France, t. xn, p. 53-62. Un des plus célébrés est le mystica, c. vu, col. 693, renvoie aussi au De tribus Mammotreptus scu expositio vocabulorum quæ in diebus (ou De operibus trium dierum. L VII de Bibliis, hymnis Ecclesia', homiliis reperiuntur, qui a ΓEruditio didascalica). Il arrête le dénombrement eu un grand nombre d éditions ct dont l'auteur véri­ des papes ù Honorius H (1124-1130) encore vivant, table serait le franciscain Jean Marclicsini, qui vécut puisque, dit-il, c. iv, col. 687, quod superest spatium au xm’ ou au xv· siècle. Cf. Histoire littéraire de la usque ad finem arcas illos capiet qui post nos futuri sunt. France, t. xn, p. 71-72, 699-701; S. Berger, De En résumé, le commentaire sur le pseudo-Aréopa- 251 HUGUES DE SAINT-VICTOR gite est antérieur ù 1137. Le Dc area Noe mystica, postérieur au De tribus diebus et au De arca Noe morali, et antérieur au De vanitate mundi, a été écrit entre 1124 et 1130. Le Dc sacramentis, qui fut précédé par les institutiones in Decalogum, le De quinque septenis et la Chronique, n’est pas antérieur à 1133. SI l’on voyait, avec J. de Ghellinck, Le mouvement théolo­ gique du XZZ· siècle, p. 115, n. 4 ; cf. Revue d'histoire ecclésiastique, Louvain, 1909, t. x, p. 723, n. 4. · dans les parties de la fin du traité, la preuve que Hugues n’a pu leur donner la dernière main, » on conclurait que le De sacramentis, écrit entre 1133 et 11 11,a été achevé vers la dernière plutôt que vers la première de ces dates. iv. la somma SKXTEXTiAnrjM. — 1” État de la question.— Parmi les écrits publiés sous le nom dc Hugues, un des plus importants est à coup sûr la Summa sententiarum, vraie somme de théologie, plus brève que le Dc sacramentis, mais très substan­ tielle. L’escliatologic manque, ainsi que les traités de l’ordre et du mariage. Certains manuscrits offrent ces derniers traités, empruntant celui de l’ordre à Yves de Chartres, De excellentia sacrorum ordinum et de vila ordinandorum, P. L., t. clxii, col. 513-519, et celui du mariage Λ Gautier de Mortâgne; le texte dc Gautier dc Mortagne est reproduit dans l’édition de la Summa sententiarum, P. L., t. clxxvi, col. 153174. Cf. G. Robert, Les écoles et renseignement de la théologie pendant la première moitié du xn· siècle, p. 220; M. Grabmnnn, Die Gcschichte der scholastischen 3MAorfe,Fribourg-en-Brisgau, 1911, t. n,p. 300, η. 1 ; J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du JZZ· siècle, p. 118. En 1708, dans son édition d’Hildebert dc Lavardin, dom Beaugendre attribua â Hildebert un Tractatus theologicus, qu’il mettait en tête des sommes dc théo- > logic médiévales. P. L., t. glxxi, col. 1065-1069. H ne s’était pas rendu compte que le Tractatus theolo­ gicus était tout bonnement une partie notable dc la Summa sententiarum (1. I-IV, c. iiî), connue et pu­ bliée dès longtemps. Mercier, Mémoires dc Trévoux, avril 1766, p. 865-868, releva la méprise, ce qui n’a pas empêché J.-J. Bourassé dc rééditer le Tractatus sous le nom d’I Hldcbert. P. L.,t.ci.xxi,col. 1067-1150; ci. col. 33-34. Voir t. vi, col. 2467. Naguère, A. Mignon, Revue des sciences ecclésias- , tiques, Arras, 1890, 7· série, t. n, p. 514-517, émit l’idée que ia Summa serait de Pierre Lombard. La comparant aux Scntcnliœ dc celui-ci, il fut frappé des similitudes de fond et de tonne qui existent entre les deux ouvrages. A constater que la Summa a passé presque tout entière dans l’œuvre dc Pierre Lombard, pour ne pas accuser Γ Illustre maître dc plagiat, il cnit que Somme et Sentences avaient Pierre Lombard pour auteur, que les Sentences furent comme une deuxième édition, revue et complétée, dc la Somme. Une étude plus approfondie des œuvres de Hugues l’amena à modifier ce sentiment. L’étroite ressem­ blance qui l'avait frappé entre les Sentences et la Somme hd apparut pareillement, et plus encore, entre la Summa sententiarum et le De sacramentis, qui est certainement de 1 lugucs. 11 faut en prendre son parti, en toute hypothèse Pierre Lombard a mis ù contri­ bution le vlctorin dans une large mesure. Du reste, les mœurs du moyen Age comportaient ces emprunts (pic nous qualifions dc fraude et qui étaient tenus pour légitimes. Renonçant à donner ù Pierre Lom­ bard la paternité dc la Summa sententiarum, A. Mi­ gnon, Les origines de la scolastique, t. il, p. 32, admet que · cet ouvrage est bien de 1 lugucs dc Saint-Victor >. A la suite d'E. Portalié, voir 1.1, col. 51, G. Robert, Les écoles et renseignement de la théologie pendant la première moitié du xn· siècle, p. 236, incline à ajou­ ter foi aux manuscrits qui attribuent la Summa à un 252 certain maître Odon ou Othon, et est Impressionné par cette mention de l’un d’eux : Sentenlie magistri Ollonis ex dictis magistri Hugonis. « Ce serait alors ce maître Othon qui aurait tire du Dc sacramentis, et aussi sans doute d’autres écrits de Hugues do Saint-Victor, la Summit sententiarum; mais il l’au­ rait fait d'une manière assez personnelle. » Cf. A. Tanq\ierey,Synopsislheologia:dogmaticmspcciulis, 14 •édit., Rome, 1913,1.1, p. 20. L’hypothèse serait séduisante; mais les manuscrits qui nomment Othon sont peu nombreux, et le plus ancien n’est que du xiv· siècle. Cf. M. Grabmann, Die Gcschichte der scholastischen Methode, Fribourg-en-Brisgau, 1911, t. n, p. 295. Il n’y a donc à songer ni à Hildebert, ni à Pierre Lombard, ni, pensons-nous, ù maître Othon. Quant à l’attribution de la Summa à Hugues, elle a été for­ tement ébranlée. IL Denille, Archio fûr Lilleraturund Kirchcngeschichte des M itlelaltcrs, Berlin, 1887, t. iiî, p. 631-640, conclut, de l’anonymat des manu­ scrits et d’un texte inédit de Robert de Mehin, qu’il y avait lieu dc douter de la paternité de Hugues, déclarant, du reste, que Cette conclusion avait besoin d’être continuée. E. Portalié, dans ce Dictionnaire, t. i, col. 53-51, alla plus loin : entre le De sacramentis et la Summa sententiarum il signala des différences doctrinales qui lui punirent transformer le doute dc Denille en certitude. Ιλ thèse de Portalié a fait époque. < Aujourd’hui l’attribution des Sentences à Hugues n'est plus possible, » disait J. Tunnel, Revue d'histoire et de littérature religieuses, Paris, 1900, t. v, p. 405, n. 3. Voir aussi M. de Wulf, Histoire de la phi­ losophie médiévale, 2· édit., Louvain, 1905, p. 212; J. Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, p. 342-343; P. Pourrai, La théologie sacramcntaire, Paris, 1907, p. xi, 37, n. 2; L. Capéran, Le problème du salut des infidèles, Paris, 1912, p. 178. Non seule­ ment, pour dénier à 1 fugues la paternité dc la Somme, on s’est référé aux conclusions d’E. Portalié, mais on a encore complété et renforcé ses arguments. Voir B. Geyer, Die Sententire divinitatis, cin Senlenzenbuch der gilbcrtschen Schule, Munster, 1909, p. 56-57; G. Robert, Les écoles et renseignement dc la théologie pendant la première moitié du ΛΖΖ® siècle, p. 212237; F. Anders, dans Der Katholik, Mayence, 1909, t. n, p. 99-117; P. Clayes Bouûacrt, dans la Revue d'histoire ecclésiastique, Louvain, 1909, t. x, p. 278-289, 710-719; J. dc Ghellinck, Le mouvement théologique du xn· siècle, p. 1 19-120. Cependant Hugues a continué d’avoir ses partisans, lesquels ont fait valoir des arguments nouveaux. H. Denille, ultérieurement h son article de VArchiv. a cité la Summa sous lenomde 1 lugucs, Luthcrctleluthéranisme, trad. J. Paquicr, Paris, 1911, t. il, p. 70, n. 2, p. 90, n. 4. J. Tunnel, Revue d'histoire et de lit­ térature religieuses, Paris, 1902, t. vu, p. 518-519, note, n changé d’opinion et admis que la Summa est s œuvres dc Hugues de Saint-Victor, p. 67-75; A. Mignon, I-cs origines de la scolastique, t. I, p. 32; .J. Kilgenstein, Die Gottcslehre des Hugo von S t. \ iktor n cbslcinercinlc i (entien Untersuchun g û ber H ugos Le ben und seine hcroorragcndsten W’crke, Wurz bourg, 1898, p. 22-25; U. Battus, Dieu d'après Hugues de Saint-Victor, dans la Revue bénédictine, Ma red sou s, 1898, t. xv, p. 214 (ne sc prononce pas directement sur l’antériorité dc la Somme, mais accepte les con­ clusions de Kilgenstein); F. Plcavct, Esquisse géné­ rale et comparée des philosophies médiévales, Paris, 1905, t. xn, p. 203; R. dc Chcfdcbien, dans la Revue augustinienne, Paris, 1908, t. xn, p. 529-560; M. Grabmann, Die Gcschichte der scholastischcn Methode, L n, р. 290-297; A. Hofmclstcr, dans Neues Archiv, Ha­ novre, 1912, t. xxxvn, p. 649. Ainsi deux questions sc posent· Hugues dc SaintVictor est-il Fauteur dc la Summa sententiarum*! La Summa est-elle postérieure ou antérieure au De sacra­ mentis'! 2° La question d'authenticité. — Écartons, d’abord, des arguments sans valeur. On a argué des ressem­ blances entre le De sacramentis et la Somme pour conclure à un auteur unique. Cf. B. Hauréau, Les ouvres de Hugues de Saint-Victor, p. 73. Cette con­ sidération ne porte pas; c’était une habitude, au moyen âgé, dc copier sans scrupule,et sans éprouver le besoin d’en avertir, tout ce qui paraissait utile. On a allégué un passage des Quæstiones cl decisiones in Epistolas D. Pauli, q. lvt, P. L., t. clxxv, col. 524, où l’auteur, à l’occasion d’une difficulté sur le mariage, renvoie à deux écrits précédents, in Sacramentis enim et Sententiis majorum hoc diligentius prosequimur; or la solution annoncée se rencontrerait dans le De sacramentis, 1. II, part.XI, c. vn-vin, P. L.,t. clxxvî, col. 491-496, et dans la Summa sententiarum, tr. VII, с. iv, col. 157. Répondons â cela qu’il n'est pas sûr que ce chapitre dc la Summa coïncide avec le renvoi des Quæstiones; en tout cas.nl cet te partie dc la Summa (cllccstdc Gautier dc Mortagne),nilcsQu.Ts/ionwncsont de Hugues, et donc l’argument est en dehors de la question. On a allégué encore un passage dc Jean de Salisbury, Mclalogicus (antérieur à 1161), 1. IV, c. xni, P. L., t. exetx, col. 924, qui cite, en la prêtant â maître Hugues — « maître Hugues » tout court désignait presque toujours Hugues dc Saint-Victor; cf. A. M. Gicll, Die Stnlcnzcn Rolands, p. xxxvn — une définition dc la foi qui se lit dans la Summa sen­ tentiarum, 1. I, c. J, P. L„ t. clxxvî, col. 43, et qui dilfère de celle du Dc sacramentis, 1. I, part XX, c. n, col. 330. On ne peut rien en conclure, car la définition dc la Summa se rencontre aussi dans le De sacramentis legis naturalis et scripta·, P. L., t. clxxvî, col. 35, et Jean de Salisbury a pu sc référer â cet ouvrage. Contre l’attribution de la Somme au victorin, on a dit que la courte carrière scientifique de Hugues ne laisse pas assez dc temps, entre l’achèvement du Dc sacra­ mentis et la date de sa mort, pour la composition dc la Somme. Ceux qui mettent io Dc sacramentis avant la Somme répondront que l’année dc l’achèvement du De sacramentis n’est pas connue, cl que l’exemple d'un saint Thomas, d'un Duns Scot, etc., montre ce que réalisaient en peu de temps les grands docteurs du moyen âge. Dans son article de VArchiv, H. Denille faisait valoir, pour contester la Somme h I lugucs, l’anonymat de la plupart des manuscrits anciens et un texte dc Robert dc Melun, contemporain dc Hugues. Mais ce texte est si peu explicite contre 1 lugucs qu’on y n vu, au contraire, un argument dc plus en sa faveur, cf. 254 R. dc Chcfdcbien, Revue augustlnlenne, L xn, p. 515546, et que G. Robert, défavorable à la paternité dc Hugues, estime, Les écoles cl l’enseignement de la théologie pendant ta première moitié du JH9 siècle р. 221, que, s’il n’est pas pour elle, il n’est pas contre clic. Quoi qu’il en soit de Robert de Melun, cinq écrits de la seconde moitié du xn* siècle ou dc la première moitié du xin* ont été signalés par A. M. Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. xxxv-xxxvin, et par P. Four­ nier, Annales de Γuniversité de Grenoble, L x, p. 173, qui attribuent la Somme à Hugues : l'un est un recueil dc questions canoniques rédigé entre 1154 et 1179; l’autre, le Liber de vera philosophia, que P. Four­ nier avall d'al>ordété porté à croire dc Joachim dc Flore (voir t. vi, col. 1356), n été composé peu après 1180. Cf. P. Fournier, Études sur Joachim de Flore, p. 57. Ces témoignages méritent considération. N'y aurait-il pas, dims la Somme elle-même, dc quoi les infirmer? On l’a prétendu, en s’appuyant sur deux passages. Le premier, tr. I, c. xn, P. L., t. clxxvî, col. 46, trai­ tant dc la nécessité dc la fol, expose une opinion, quidam dicunt, qui est celle d’Abélard; mais, pour­ suit l'auteur, d’autres a qui nous donnons notre assentiment, alii quibus magis assenlimus, ont une opinion différente, et il expose cette opinion, qui est celle du De sacramentis, L I, part. X, c. vi, col. 336339. N est-ce pas hisser entendre qu'il n’est point l’auteur du De sacramentis*! Pas nécessairement: si d’autres que lui sont dc cet avis, il sc range simple­ ment à leur manière de voir sans rappeler qu'il l’avait fait déjà. Voici qui est plus sérieux. Au sujet dc h reviviscence des péchés pardonnés quand on tombe dans le péché mortel,la Somme, tr. VI,c. xm,coL 150151, sc sépare dc certains, quidam, qui soutiennent cette reviviscence et la prouvent par la parabole du serviteur, Mal th., χνπι, et adhère à certains autres, alit quibus magis videtur assenttendum, qui excluent celte reviviscence. La thèse que la Summa adopte est celle d’Abélard; la thèse de ceux qui n’ont pas son assentiment est développée dans le De sacramentis et prouvée par h parabole du serviteur, L H, part. XIV, с. ix, col. 576. Sans regarder cetnrgumcn t comme «déci­ sif » avec G. Robert, l^es écoles el Venseignement de la théologie pendant la première moitié du .ΧΠΛ siècle, р. 236; cf. P. Claeys Bouûaert, Rcrue d'histoire ecclé­ siastique, t. x, p. 284-285 — à la rigueur, Hugues pouvait s’en tenir à ce genredcrétractation qui con­ siste à passer sous silence une ancienne adhesion à une opinion maintenant abandonnée et â prendre nettement parti pour l’opinion nouvelle — nous le tenons pour très grave. Un autre passage dc la Summa où l’autorité de Gilbert dc la Porréc est invoquée, tr. I, с. xn, col. 64, fournil un argument nonmoinssérieux. Cela est en désaccord avec les habitudes dc Hugues, qui ne nomme jamais les écrivains contemporains ou récents. En outre, avant la date dc la mort dc Hugues, Gilbert n’avait guère attiré l’attention, et scs ouvrages étalent peu connus, en supposant que la plupart aient été déjà écrits. 11 est bien improbable que son autorité sc soit imposée à Hugues. Que si la Summa est postérieure à Hugues, l’invraisemblance disparait; dans ce cas. l’auteur est à ajouter à la liste dc ces « porrvlains > qui se rattachèrent à Gilbert de la Porréc sans adhérer à ses erreurs. Voir t. vi, col. 1355. L’absence dc la Somme dc Γ Indiculum des œuvres recueillies par les soins dc Gilduin (elle n’est pas désignée par les Sententia quo mentionne V Indi­ culum, t. il, n. 1,19, 45; cf. J. de Ghellinck, Recherches de science religieuse, t. i, p. 385, 387-388, 393), n’est guère moins significative. Quelques-uns des opéra mi· nora dc Hugues pouvaient échapper au collecteur; il est difficile dc concevoir qu'on ail perdu h trace d’une œuvre de ce prix. 255 H l GUES DE SA INT-V1CT0R L'argument tiré des manuscrits dc la Somme ct dc l’anonymat de la plupart d’entre eux paraissait à IL Denlfle compromettre l’attribution à Hugues. M. Grnbmann pense,au contraire, Geschichtc der scho· lastischen Méthode, t. n, p. 295, que la tradition ma­ nuscrite est l'argument le plus fort pour la mainte­ nir. Si le plus grand nombre des manuscrits du χιι· slèclecst anonyme, la plupart de ceux delà Somme qui sont du xn*s!ècle,ct,pnrmi eux,ceux qui sont vrai­ ment anciens, portent Je nom de I fugues. 13. 1 fauréau n cité Je cod. /o/. 2916 de la Bibliothèque nationale dc Paris; M. Grabmann cite les codd. lot. 11160 et 22031, de Munich, l’un ct l’autre du xn· siècle ct dont le premier figure dans un catalogue dc 1158. Chose digne de remarque, ajoute-t-il, dans les manuscrits du xn· siècle la Summa sententiarum est unie aux écrits authentiques du Victoria, à preuve les manuscrits 471 dc Laon ct 246 de Grenoble. Pourtant J. dc Ghellinck, Le mouvement théologique du xil· siècle, p. 120, n’est pas convaincu : en at tendant · de revenir ailleurs sur celte question », il ne juge pas la tradition manu­ scrite assez ferme pour ébranler les invraisemblances dc l’attribution ù Ifugues. A scs yeux, en effet — ct d’autres sont dccct avis — les principaux arguments sont ceux que fournit la critique interne : le De sacramentis ct la Somme dif­ fèrent tant par la méthode ct par les doctrines que l’unité d’auteur est inadmissible. Le De sacramentis procède par larges exposés; quoique tout imprégné de saint Augustin ct des Pères, I fugues les cite rarement ct il s’assimile si bien leur pensée que son œuvre a un caractère tout à fait personnel. La Somme est brève, sèche, toute · scolastique »; l’auteur accumule les cita­ tions des Pères ct s’efface derrière eux. En outre, à la différence du Dc sacramentis, la Somme, dans son plan, dans maintes opinions cl meme dans quelques erreurs, porte l’empreinte abélardicnne. Cf. E. Kaiser, Pierre Abélard critique, p. 286-308. Ces considérations, si elles donnent ù réfléchir, ne sont pas absolument probantes. I fugues dc Saint-Victor était un de ccs grands esprits, très intelligents, toujours en éveil, qui ne s’immobili­ sent pas sur des positions occupées une fols pour toutes, qui progressent jusqu’au bout. En le supposant au­ teur dc la Somme comme il l’est du De sacramentis, les divergences entre les deux écrits seraient-elles vraiment inexplicables? Les citations patristiques, rares dans le De sacramentis, abondent dans la Somme. C'est vrai; mais déjà, dans le De sacramentis, Hugues multiplie les références patristiques en traitant de la Trinité,!. Il, part. l,c.iv, col. 376-391 ; du mariage,! II, part. XI, col. 479-520, ct des fins dernières,!. II, part. XVI-XV1H, col. 579-618. Cf. J. Tunnel, His­ toire de la théologie positive depuis l'origine jusqu'au concile de Trente, Paris, 1904, p. xxvi. Ce qu’il avait commencé dc la sorte, pourquoi ne l’nurait-il pas étendu à la théologie entière? La Somme témoigne d’une Influence exercée par les écrits d’Abélard. L’éton­ nant serait que Hugues n’eût pas tenu compte de ccs écrits dc plus en plus retentissants et dont quelquesuns venaient à peine d’être achevés. Cf., sur leur chronologie, G. Robert, Les écoles ct l'enseignement de la théologie pendunt la première moitié du XII'' siècle, p. 187-211. Abélard avait lancé dans la circulation théologique tant d’idées fécondes qu’un esprit ouvert ne pouvait pas, tout en sc gardant dc scs erreurs, ne pas les accueillir ct les utiliser. La Somme ne peut être dc Hugues sans que celui-ci ait changé. Quel est le professeur qui ne modifie en rien sa manière d’en­ seigner ct son enseignement? Est-ce que saint Thomas n'a pas changé? Est-ce que, entre le commentaire sur les Sentences ct la Summa theologica, il n’y a pas des changements notables? Du reste, Hugues luimême ne nous avertit-il pas, dans la préface du De 236 sacramentis, P. L., t. ci.xxvi, col. 173-174, qu’il a changé, que, insérant dans le texte dc ce livre, des morceaux dictés auparavant avec assez dc négli­ gence, quœdarn in ipsis mutare, quaedam vero adjiceie vel detrahere ratio poslulabal'l Ce qu’il iit au moment de la composition du De sacramentis, il put le faire quand il composa la Somme. A vrai dire, la difficulté consiste moins dans le fait des changements que dam la manière dont ils sc seraient accomplis. Entre ccs deux ouvrages, P. Clncys Bouüacrt, Hevue d'histoire ecclésiastique, t. x, p. 719, aperçoit non seulement « des différences de doctrine ou de méthode comme telles, mais des divergences plus profondes dc tem­ pérament intellectuel et moral ·, ct même < un anta­ gonisme foncier dc qualités et de défauts». Pour qu’ils aient le meme auteur, il faudrait admettre en lui «un changement dc mentalité qui ne parait plus vraisem­ blable à un moment où les t ravaux de I lugues avaient montré si nettement le relief dc sa personnalité », dit J. dc Ghclllnck, Le mouvement théologique du XII· siècle, p. 119. Ni la personnalité de lingues ni l’antagonisme do qualités ct de défauts des deux ou­ vrages ne nous paraissent accusés à ce point, ct il ne semble pas impossible d’expliquer leurs diffé­ rences par la différence de programme dc l’auteur en les composant. L’état d’inachèvement dc la Somme autorise ù croire que l’auteur n’a pas mis la dernière main aux parties rédigées, ct dc là pourraient pro­ venir ces · menus fléchissements dans la pensée ct le raisonnement » que note P. Clacys Bouüacrt, p. 175, ct par où la Somme est inférieure au De sacramentis. Toutefois, si l’argument n’emporte pas la pleine con­ viction, il a du poids; s’ajoutant à ceux quisont tirés du silence de Γ indiculum du recueil de Gilduin, du passage dc la Somme sur la reviviscence des péchés, ct dc la citation qu'elle fait dc Gilbert, il rend très douteuse l’attribution traditionnelle à I lugues. 3° La question d'antériorité. — Elle est moins complexe que la précédente ct, à cette heure, on peut la tenir pour résolue. Les anciens éditeurs, étrangers aux préoccupations scienti tiques, avaient placé au hasard la Somme avant le De sacramentis, ct, pour ce motif, c'était devenu une habitude dc traiter du De sacramentis après avoir traité dc la Somme. Gf. Histoire littéraire de la France, t. xn, p. 37, 49; Hugonin, P. L., t. clxxv, col. cxxin-cxxiv; P. Férct, La faculté de théologie ct ses docteurs les plus célébrés. Moyen âge, t. J, p. 9-10. Le texte du Liber de vera philosophia, exhumé par P. Fournier, Annales de Γ université de Grenoble, t. x, p. 171-181; cf. Études sur Joachim dc Flore, p. 68-70, donne cet ordre comme l’ordre chronologique. Dans ses attaques contre les théologiens modernes, l’auteur du Liber ne nomme pas 1 lugues de Saint-Victor, mais il le désigne clai­ rement : il énumère seize propositions, qui sc retrou­ vent dans la Summa sententiarum,ct dit que celui qui les avait enseignées par écrit composa plus tard un autre gros livre intitulé Dc sacramentis ct rétracta, dans la préface, les propositions précitées. Ce témoi­ gnage, postérieur d’au moins quarante années à la mort dc Hugues, n’est qu’une Interprétation ten­ dancieuse et inexacte dc celte préface. Hugues, y annonce moins des Corrections doctrinales que des améliorations de composition et dc style; en fuit, non seulement il ne rétracte pas les seize proposi­ tions incriminées, mais encore, sur les seize, cinq sont reproduites dans le De sacramentis. Cf. G. Robert, Les écoles ct renseignement de la théologie pendant la pre­ mière moitié du xiie siècle, p. 223. Le dire du Liber de vera philosophia sur l’antériorité dc la Somme est donc sans valeur. Au surplus, tant la préface que le prologue ct plusieurs chapitres du De sacramentis, I col. 173-174, 183-181, 187, 205, montrent que Hugues 257 ’ j I i I ! U I HUGUES DE SA IN Τ· VI Cl OK 258 a conscience de commencer une œuvre ardue, toute plupart des grands écrivains du moyen âge, notre nouvelle, qu'il ne s'y décide que sur les instances de ses Victoria fut scolastique ct mystique, P. L., t· clxxv. disciples, que dc lui-même il n'avait pas formé un col. lxx; cf.t. exevi, col. xxxn» nous le montre éri­ pareil dessein. · Or, ce projet, la Summa l'eût déjà | geant I ascension mystique en procédé scientifique· réalisé. Elle présente, en effet, avec plus de netteté , dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 149-157, pour désigner l'illumination divine dans la connaissance naturelle, il faudrait voir si cette terminologie n'est pas compatible, comme dans saint Augustin, avec la distinction entre la connaissance naturelle ct la connaissance surnatu­ relle. Mais Hugues n’a pas adopté cette terminologie» et, loin d’enseigner que · tout ce que nous savons dc Dieu nous le savons par révélation, autrement dit par illumination s H précise, çol. 45 : Sed, cum Deus invisibilis sit..., quomodo indicari potuit? Partim hu­ mana ratione partim divina revelatione. De la révéla· 2G0 (ion divine, qui supplée aux insuffisances dc la raison humaine, il indique deux modes : l’inspiration interne et disciplina! eruditio, qui a lieu au dehors par des faits ou par des paroles. T. Ileitz souligne les mots disciplina! eruditione, où il volt « l'enseignement pulsé dans la doctrine humaine ». C'est un contre-sens : tout le contexte montre que Hugues vise les deux formes de révélation, la révélation immédiate, par le dedans, ct la révélation médiate, par le dehors, par l'enseigne­ ment extérieur, tant celui des faits (les miracles) que celui des paroles (1 'Écriture sainte et renseignement oral de la doctrine chrétienne). Que tel soit le sens de Hugues c'est ce que confirme le texte parallèle du De sacramentis, 1. 1, part. III, c. m, col. 217-218, dont la Summa sententiarum s’inspire à ce point qu’elle le reproduit en partie mot pour mot. Hyest dit également que Dieu est connu partim ratione hu­ mana partim revelatione divina, ct que la révélation divine humanam ignorantiam nunc intus per aspira­ tionem illuminans edocuit, tunc vero foris vel per doc­ trina· eruditionem instruxit vel per miraculorum osten­ sionem confirmavit, La formule est meilleure que celle dc la Summa sententiarum, la pensée est la même: dans les deux cas, la connaissance surnaturelle est distincte dc la connaissance naturelle. Celle philosophie, qu’il distingue dc la sorte de la théologie, I lugues en a une idée très haute. La philoso­ phie avait été longtemps la science universelle, l’en­ semble des sciences humaines, comprises dans le cadre des arts libéraux, trivium cl quadrivium, que cou­ ronnait la théologie naturelle. Peu ù peu la philoso­ phie, avec scs problèmes de métaphysique, de psy­ chologie, de théodicée, de morale, se détacha dc cct ensemble, ct les arts libéraux, qui avaient été une propédeutique à la Bible ct aux sciences religieuses, cf. J. dc Ghellinck, Le mouvement théologique du .XI/9 siècle, p. 67-70, devinrent une propédeutique à in philosophie, laquelle fut un intermédiaire entre les arts libéraux ct la théologie sacrée. Cette conception triompha au xin· siècle. Elle se dessine déjà dans Hugues dc Saint-Victor. Pour lui aussi, la philoso­ phie est l'ensemble des sciences connues par la raison, l’ensemble des arts libéraux. Cf. Eruditio didascalica, 1. Ill, c. i ; 1. VI, c. xiv, P, L., t. clxxvi, col. 765, 809-810; Commentariorum in Hierarchiam cælcstcm, I. I, c. i, P. L., t. clxxv, col. 927-928. Mais, par une sorte dc contradiction bien curieuse, il montre, dans le même ouvrage, les arts libéraux comme une prépa­ ration à la philosophie : sunt cnim quasi optima quædam instrumenta et rudimenta quibus via paratur animo ad plenam philosophiae veritatis notitiam; hinc tri­ vium ct quadrivium nomen accepit, eo quod iis quasi quibusdam viis vivax unimus ad secreta sophiæ intro­ eat, Eruditio didascalica, I. Ili, c. m, coi. 768. Cf. M. de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, 2· édit., Louvain, 1905, p. 1 17-148; introduction à la philosophie néo-scolastique, Louvain, 1901, p. 109-111. Or, il veut que cette préparation à la philosophie soit complète, qu’on ne néglige aucun des arts libé­ raux ct que, sans leur attribuer une égale importance, on lise les écrits, qu’il appelle leurs · appendices », des poètes ct des historiens. Il n’admet pas qu’on délaisse aucun des arts libéraux : hæ quidem ita sibi coherent et alternis vicissim rationibus indigent ut, si una defuerit, codera philosophum facere non possint. Eruditio didascalica, I. HI, c. v, col. 769. Il se plaint des étudiants qui ne veulent pas ou ne sa­ vent pas étudier comme il faut, et idcirco multos studentes paucos sapientes invenimus, c. ni, col. 76S; cf. G. Robert, Les écoles et renseignement de ta théolo­ gie pendant la première moitié du xn9 siècle, p. 47-49, dc ces corniflclcns, qu’il ne nomme pas mais qu’il désigne suffisamment, qui brûlent les étapes, qui sc 261 II UGUES DE SA INT-VICTOR mettent ù philosopher de suite, méprisant les humbles travaux préparatoires qu'ils jugent indignes d'eux cl qui. avec leurs prétentions, ne sont que des ânes. Noli contemnere minima litre; paulatim deficiunt qui minima contemnunt... Scio quosdam esse qui slattm philosophari volunt... Quorum scientia formæ asini similis esi. I. VI, c. ni, coi. 799. Λ cette occasion, Hu­ gues rappelle l’ardeur de savoir qui le consuma dès sa jeunesse et qui n'est pas amoindrie. Omnia disce, videbis postea nihil esse superfluum. Coarctata scientia jucunda non est, coi. 800-801· Cf. I. 111, c. vm.coL 770: Nescire siquidem infirmitatis est, scientiam aero detes­ tari pravas voluntatis, et toute la finale du 1. Ill, c.vnixx, col. 770-778, sur les dispositions intellectuelles ct morales requises pour étudier avec fruit. Philoso­ phie, science, raison, dc tout cela, loin d'en être l’ad­ versaire, Hugues dc Saint-Victor est l’admirateur convaincu ct éclairé. Le mot : Perum incorrupta veri­ tas ex ratiocinatione non potest Inveniri, est allégué à tort par Uebcrwcg-Hcinzc, Grundriss der Geschichte der Philosophie, t. n, p. 223, en preuve dc son hostilité pour la raison; ainsi que le prouve le contexte, Eruditio didascalica, 1. Ill, c. xn, P. L., t. clxxvi, col. 749, où il fait partie d'un développe­ ment sur la nécessité de la logique, il signifie seule­ ment qu’on ne peut atteindre à la vérité qu’en raison­ nant bien. Cf. M. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Methode, t. n, p. 239-211. 2° Le théologien. — Dans les Miscellanea publiés panni les œuvres de Hugues, 1. V, tit. erv, P. L., t cLXXVii, col. 804, est marquée la différence entre le logicien et le théologien. Logicus prius intclligit quam credat, theologus vero prius credit, post inteltigit, juxta illud : Credite et intclligetis, licet, secundum quosdam, intellectus debeat præccdere fidem. Ad hoc etiam ut fides actu habeatur dc aliquo, primum oportet scire quod ipsum sit, secundo credere, tertio intelligere quod ipsum sit, quod plene erit in patria. Qu’il soit ou non dc Hugues, ce texte définit heureusement le théolo­ gien qu’il fut. Pas plus qu’avec la philosophie il ne confond la théologie avec la mystique. Le philosophe sc sert dc la raison seule, le mystique arrive à la con­ naissance par la contemplation surnaturelle seule; le théologien part dc la foi, mais il applique aux données de la foi les données dc la raison et travaille à comprendre ce qu’il croit autant que la chose est possible sur cette terre en attendant la pleine intel­ ligence du ciel. Un passage important du De sacramentis, I. I, part. Ill, c. xxx, P. L.. t. clxxvi, col. 231-232. con­ tient une théorie des rapports dc la fol et de la raison dont on a dit justement qu'elle «ne serait approuvée ni des rationalistes ni des traditionalistes, » mais qu’elle · donne satisfaction à une sage philosophie ct â la théologie la plus orthodoxe », A. Mignon, Les origines de la scolastique, t. n, p. 96 : « Autres sont les affirmations qui viennent dc la raison, ex ratione, autres celles qui sont selon la raison, secundum ratio­ nem, autres celles qui sont au-dessus dc la ndson, supra rationem, autres celles qui sont contre la raison, contra rationem. Procédant dc la raison, elles sont nécessaires; selon la raison, elles sont probables; audessus de la raison, admirables; contre la raison, incroyables. Les deux extrêmes sont tout â fait in­ compatibles avec la foi; car ce qui vient dc la ndson est entièrement connu ct ne peut être cru, ct pareil­ lement ce qui est contre la ndson ne peut être cru d’aucune façon, puisque la ndson y répugne et n'y peut jamais acquiescer. Donc cela seulement peut comporter la foi qui est selon la raison ou au-dessus dc la raison. Dans le premier genre, la foi est aidée par la raison cl la raison est perfectionnée par la fol, fides ratione adjuvatur ct ratio fide perficitur, parce 262 que ce que l'on croit est conforme â la raison, ct, si la raison ne comprend pas la vérité de ce qui est affirmé, du moins elle ne s'oppose point à ce qu'on y ajoute fol, quorum veritatem si rallo non comprehendit fidei tamen illorum non contradicit. Dans les choses qui .sont au-dessus de la raison, la foi n’est aidée par aucune raison, non ndjuvatur fida ratione ulla, car la raison ne saisit pas ce que la foi admet, ct cepen­ dant H y a quelque chose qui avertit la raison de vénérer la foi qu’elle ne comprend point, e/ tamen est aliquid quo ratio admonetur venerari fidem quam non comprehendit. Par conséquent tout ce qui a été dit (sur Dieu) suivant la raison a été digne d’approba­ tion pour la raison, probabilia rationi, et elle y a acquiescé spontanément; mais tout ce qui a été dit au-dessus de la ndson nous a été livré par la révéla­ tion divine et la raison n’y a eu aucune part, quæ vero supra rationem fuerunt ex divina revelatione prodita sunt et non operata est tn eis ratio. · Vraiment il y a tout dan5 ’.ôtte analyse : la nécessité de la foi pour la con­ nais u.ice des vérités surnaturelles, in supériorité de la fol qui atteint des vérités inaccessibles à la raison, les services qu’elle rend à la raison en lui présentant des vérités qui ne jaillissent pas de la ndson, mais que la raison, les tenant dc la foi, trouve conformes à ses lumières, ct aussi les services que, tout en s'inclinant devant les vérités surnaturelles qu'elle n Atteint pas, la ndson rend à la fol en montrant que ce qui est cru n'est pas opposé â la ndson, ct même que certaines vérités, qui sont l’objet de la foi, sont dignes d’être approuvées par la raison. Le De sacramentis est la mise en œuvre de ces Idées fécondes. Selon la méthode d’enseignement d’alors, c’est une introduction à l'étude des Écritures. Cum igitur de prima eruditione sacri eloquii, quæ in his­ torica constat lectione, compendiosum volumen prius dictassem, hoc nunc ad secundam eruditionem, quæ in allegoria est, introducendis præparavl, écrit-il, prol., P. L., t. clxxvi, coi. 183-184 ; il l’a composé à l’usage dc ceux qui abordent l'interprétation allégorique, ou, en d’autres termes, qui étudient la Bible au point de vue doctrinal. Connue Y Introductio ad theologiam qu* Abélard définissait, prol., P. L., t. clxxviîi, col. 979: • une somme de renseignement tliéologiquc c’est, mais dans une ligne orthodoxe, une somme de théo­ logie, hanc quasi brevem quamdam summam omnium, prol., col. 183-18-1. Le plan avait été esquissé dans un chapitre dc 1’Eruditio didascalica, 1. VI, c. iv, col. 802-805, où il avait fortement affirmé la nécessité de suhre la règle dc la foi. Cf. G. Robert. Les écoles ct renseignement de la théologie pendant la première moitié du XI/· siècle, p. 140-146. 11 revient volontiers sur ce caractère impératif dc la foi. Fidrs ergo, dit-il, De sacramentis, I. I. part. X, c. n, col. 330, necessaria est qua credantur quæ non videntur... Non enim aliud argumentum majus de illis dubitantibus proferre pos­ sumus quam quod illa quæ creduntur fide ratione non comprehenduntur. Il subordonne toutes les sciences â la science divine,ù une foi droite et à des actions bonnes, prol., c. vi, col. 185. Mais il estime que» celte foi, la spéculation rationnelle doit contribuer à la nourrir ct â la fortifier. Rendre ndson dc sa fol est « une espèce dc mot d’ordre ■ qui circule alors. Uno version fautive d’un verset de I Pet., m, 15, est la devise apo­ logétique courante. Là où saint Pierre a dit : Parati semper ad satisfactionem omni poscenti vos rationem de ea quæ in vobis est spe, on lit : de ca qua* in vobis est fide. Celo commence par saint Anselmo, Cur Deus homo, 1. I. c i, P. L., t. CLvni, col. 361, qui garde spe, mai. l’explique uniquement des choses de la fol. Cela continue par Abélard qui met, Theologia Christiana, L HI. P. L., t. cxxvii, col. 1217 : de ea quæ (n vobis est fide ct spe, ct Epist., xin, col. 355, de ea quæ tn 263 HUGUES DE SAINT-VICTOR nobis est spe vet fide. Hugues, lui, écrit: /Ide, tout court. Eruditio didascalica, I. V, c. x, col. 798. Cf. la pre­ mière phrase de la Summa sententiarum, præf., P. L., t. clxxvi, col. 41-42, et, pour l’histoire de cette cita­ tion, J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XJ1 · siècle, p. 136-137, 170-172; Recherches de science religieuse, Paris, 1913, t. iv, p. 578, note. Hugues en­ treprend donc de rendre raison de sa foi. Il sait que la raison a des limites et que, dans son état actuel, le genre humain a besoin des lumières de la révélation pour connaître intégralement les vérités et les pré­ ceptes de la religion même naturelle; de là les éner­ giques expressions contre la folie de la sagesse hu­ maine orgueilleuse et séparée de Dieu. Commentario­ rum in Hierarchiam cœlcstem, 1. I, c. i, iv, P. L., t. clxxv, col. 923-928,929-932.11 sait aussi que,parlant des données de la foi, une foule de questions sc pré­ sentent à l’esprit qui sont insolubles. Avec son ferme bon sens, il renonce à scruter cc qui échappe à toute connaissance, et, du reste, n'est souvent que curiosité pure; mais il veut aller jusqu’au bout de ce qui peut être connu, aqualis enim est stullitiœ prœsumcre in iis quic non possunt sciri et deficere in its quœ non debt nt ignorari, I. I, part. VI, c. nt, col. 265. N'aurait-il pas exagéré, une fois au moins, la puissance de la raison en la croyant capable de s'élever à la connaissance de Dieu, non seulement dans l’unité de la nature, mais encore dans la trinité des personnes? C’est une question sur laquelle nous aurons à revenir. En toute hypothèse, fallût-il admettre un écart dialectique, nous pouvons affirmer que dans l’ensemble 1 fugues fut un guide sûr et que la cause de la méthode sco­ lastique compromise par les excès d’Abélard, fut dé­ finitivement gagnée par lui. 3° Le mystique. — Appellerons-nous « mysticisme · la tendance à prétendre que l’amour du bien, la déli­ catesse et la pureté de l’âme, préparent à l’étude de la science? On le fait parfois. Dans cc cas, Hugues est un mystique, car il affirme la nécessité des dispo­ sitions morales pour philosopher avec profit. Cf. Eruditio didascalica, 1. I,c. m;l. 111, c. xiv-xx, P. L., t. clxxvi, col. 742-743, 773-778. Ou le mysticisme conslstcra-t-il dans l’habitude de la prière, du re­ cueillement, de la mortification, dans les exercices de piété, dans la supériorité attribuée aux œuvres de l'amour sur la connaissance spéculative dans l’ef­ fort vers la perfection? C’est ainsi que beaucoup l’entendent et que, par exemple, les éditeurs de Hugues classent panni scs Opuscula mystica, et au premier rang, V Expositio in regulam B. Augustini, puis le De institutione novitiorum, P. L., t. clxxvi, col. 881, 925. Dans cccas encore, Hugues est un mys­ tique : il a traité magistralement de la vie spirituelle. Mais, dans l’un et l’autre cas, l’appellation de a mys­ ticisme > est impropre. La doctrine de l’importance de la purification de l'âme pour l’acquisition de la vérité est d'ordre philosophique, et la science de la perfection, chrétienne ou religieuse, c’est la théologie ascétique. L'Expositio in regulam B. Augustini et le De institutione novitiorum sont de très bons ouvrages d'ascétisme. La théologie mystique est autre chose. Il peut arriver que Dieu intervienne dans l’histoire d une âme d’une façon extraordinaire, et, par l’em­ prise d’une grâce exceptionnelle, sans préparation ni concours actif de l'âme, l’élève à une connaissance et à un amour au-dessus de la condition commune. Ici, nous sommes en plein mysticisme. Hugues est un théologien mystique,parce que, non content de tracer les voies de la perfection commune de celle où Γacti­ vité humaine, soutenue de la grâce, prédomine, il décrit l’ascension mystique,ces états rares et mysté­ rieux dans lesquels l'homme est réduit à la passivité Par l'action souveraine de Dieu. 264 Hugues n’emploie pas le mot de « mysticisme » dans cc sens. Chez lui, qu’il intitule un ouvrage: De area Noe mystica, qu’il parle des mystica divinœ Scriptura, De arca Noe morali, 1. I, c. π, P. L., t. clxxvi, col. 624, cf. In Ecclesiastcn hom., præf., P. L., t. clxxv, col. 115, ou des trois « jours mystiques » de la lumière inx isible ■ qui distinguent intérieurement le cours do la vie spirituelle », Eruditio didascalica, 1. VH, c. xxvixxvn, col. 836-837,ou, à la suite du pscudo-Denys, des « théologiens mystiques», Commentariorum in Hltrarchiant cœlestcm, 1. 111, c. n, col. 985, < mystique » est synonyme de < symbolique », d' « allégorique ». Le tenue dont il uso pour désigner les phénomènes mystiques est celui de · contemplation ». 11 y a, dit-il, Eruditio didascalica, 1. V, c. ix, col. 797-798; cf. De meditando seu meditandi artificio, P. L., t. clxxvi, coi. 993, cinq degrés par lesquels « les justes montent vers la perfection future : la lec­ ture ou la doctrine, la méditation, la prière, l’opéra­ tion, La contemplation. » Cf. J. Ribot, La mystique divine, Paris, 1879, t. i, p. 45-46. Et il y a deux sortes de contemplations : l’une acquise ou active, l’autre passive ou infuse. Ces deux expressions, qui devaient devenir d'un usage courant, voir t. ni, col. 1619-163), sont absentes du vocabulaire de 1 fugues; l’idée y est. La contemplation active est appelée par lui < spécu­ lation » et la contemplation infuse « contemplation » tout court. In Ecclesiastcn,hom'd. i, col. 118. 11 définit la contemplation active, col. 117 : perspicax cl liber animi contuitus in res perspiciendas usquequaque diffusus. C’est eulc connaissance de la foi ni la vision béatlftque, mais une certaine vision, une certaine présence DE HGGüES DE sM.M-VlcrOH---- 1· La philosophie.— de contemplation, une illumination intérieure ne Il ne faut pas s’attendre à trouver dans les écrits permettant pas de douter de la présence de Dieu, tel de Hugues une philosophie complète : les temps fut, d'après 1 lugucs, le lot d’Adam. Cf. encore De area n’étaient pas mùrs pour une œuvre pareille. En logique, Noe morali, prol.; I. I, c. iv; 1. IV, c. v, P. L·., t. clxxvi, I il ne fait qu’effleurer, exactement du reste, le pro­ col. 619-620,032-633, 670-671. Tel est, en conséquence, blème des universaux. Cf. J. Kilgcnstein, Die Gottesle lot de l'âme qui, par une grâce extraordinaire, lehre des Hugo oon St. Victor, Wurzbourg, 1898, p. 84retrouve « l’œil de la contemplation ». 87. L’ontologie est absente. Sur la nature, il n’a qu’une On a discuté ces derniers temps, sur la caractéris­ ébauche; sur cc qu’il dit de la composition des corps, tique de la mystique chrétienne Un des écrivains des rationes seminales, de la possibilité de l’éternité qui ont le mieux défendu la thèse qui met dans une du monde, cf. t. i, col. 2504-2506. Sur l’âme, plus certaine intuition de Dieu cette note distinctive, d’une solution manque ou est donnée sans preuves; J. Maréchal, L'intuition de Dieu dans la mystique sur l'indépendance substantielle qu'il attribue à chrétienne, dans les Recherches de science religieuse, l'âme vis-à-vis du corps, cf. t. i, col. 2504. « La science Paris, 1911, t. v, p. 150, 117-148, a cru cette doctrine est commencée, mais elle n’est pas faite », dit A. Mi­ assez répandue au moyen âge pour pouvoir l’appeler gnon, Les origines de la scolastique, t. i, p. 144. Avec • commune » et s'est réclamé de Richard de Saint-Vic­ ces lacunes il y a des progrès notables, notamment sur tor, · le maître spirituel de tout le moyen âge». I fugues, la notion de la philosophie, sa division et les condi­ le maître de Richard, peut être cité aussi, à la condi­ tions requises pour l’étudier fructueusement, cf. Erudi­ tion de ne pas oublier qu’il différencie de la vision tio didascalica, 1. Ι-ΙΠ; L VI, c. xiv, P. L., t. clxxvi, béatlflque cette intuition de Dieu : elle est, sinon la col. 741-778, 809-810; Commentariorum in Ilierarvisio Dei per essentiam passagère et imparfaite, du chiam cadestem. 1. I. c. i, P. Z..,t. clxxv, col. 927-928; moins une intuition telle que l’intelligence connaît Spéculum de mysteriis Ecclesias (de l’école de Hugues), Dieu sans recours au phantasme, ni au procédé dis­ c. vin, P. L., t. clxxvh, col. 375-376; A. Mignon, cursif, ni à une inférence, si élémentaire soit-elle. t. i, p. 68-84; sur l’harmonie du monde, ci. Eruditio Avons-nous besoin de dire que le mysticisme de didascalica, 1. VII, col. 811-838; A. Mignon, p. 89-96; Hugues n’est ni le panthéisme, ni l’ontologirme, ni sur la théorie de la connaissance, non achevée, mais de l’idéalisme néo-platonicien, ni le quiétisme? Ce n’est beaucoup supérieure aux essais des scolastiques de cette période, cf. De unione corporis et spiritus, P. L., pas le panthéisme, car il n’identifle pas l'âme et Dieu; il sc contente d'affirmer. avec saint Paul et la théologie t. clxxvh, col. 285-289; A. Mignon, p. 111-121. L’en­ catholique, la transformation accidentelle opérée par semble des idées de Hugues sur l’homme et scs facul­ tés s’enchaîne logiquement et forme, malgré quel­ la grâce. Ce n’est pas l’ontologisme: Mu gués enseigne, ques vides, «un vrai traité de psychologie »· A. Mi­ non pas que nous voyons naturellement Dieu et gnon. p. 126. Cf. H. Ostler, Die Psychologie des Hugo toutes choses en lui, mais qu’il existe parfois, en passant, par une faveur extraordinaire de Dieu, une von St. Viktor, Munster, 1906. lai théodicée de Hugues est remarquable. Dans sa certaine contemplation de Dieu, distincte de La vision Geschichte der Gottcsbcivcise im Mitlclalter bis :u A usbéatlflque. Cc n'est pas l’idéalisme néo-platonicien. gang der llochscholastik, Munster, 1907, G. Grunwald A coup sûr, I lugucs subit l'influence néo-platonicienne, tant â travers le pseudo-Aréopagitc, dont il commente distingue quatre phases : celles de saint Augustin, des victorins, de saint Bonaventure, de saint Thomas. la Céleste hiérarchie, qu'â travers saint Augustin, dont il accepte la théorie de la connaissance intel­ L’apport des victorins,c’est surtout le recours à l’ex­ périence. soit Interne, soit externe. Abandonnant lectuelle, en faveur au moyen âge, d’après laquelle Dieu aurait dans notre connaissance le rôle que les résolument les raisons purement aprioristiques, Hugues s’appuie d'abord sur l’expérience interne. aristotéliciens attribuent à l’intellect agent. Voir t. i, col. 2334-2337, en cc qui regarde saint Augustin, et. Tandis que saint Augustin part de l’âme, étudiée dans ses rapports avec l’univers et placée à la cime en cc qui regarde Hugues, Eruditio didascalica, 1. I, c. ni. P. Λ., t. clxxvi. col. 743; Dr sapientia animx de l’échelle des êtres, et de lâ s’élève Λ Dieu, Hugues Christi, P. L., t. clxxvi, coi. 849; De unione corporis part de ce fait d’expérience, que l’âme a conscience et spiritus, P. L., t. clxxvh, coi. 289, etc. Mais la d’exister; Il en conclut qu’elle a dû commencer, sinon théorie augustinicnnc, quelle que soit sa valeur in­ elle sc serait toujours connue. Or, elle volt en elletrinsèque, n’est pas inconciliable avec le dogme, et. même qu’elle ne s’est pas donné l existcnce. Donc elle du reste, c’est une théorie de la connaissance natu­ a dû exister par le fait d’un autre, qui lui-même no relle, non de la connaissance mystique; et. si le com­ tient l’existence de personne, c csl-à-dire de Dieu. mentaire sur le pscudo-Aréopagite reflète des concep­ C’est l'argument tiré de la contingence de l’âme. Le tions néo-platoniciennes, c’est, de l’aveu de Z. Gon­ même argument, basé sur l’expérience externe, vaut pour expliquer l’origine des choses mondaines, chan­ zalez, Histoire de la philosophie, trad. G. de Pascal, geantes et périssables. Cf. De sacramentis, 1.1, part. 111, t. π, p. 173, « sans sortir de la sphère orthodoxe ou catholique ». Cf. \V. Prcgcr, Geschichte der deuslchen | c. vi-x, col. 219-220; Eruditio didascalica. 1. VII, Myslik im Mittclaltcr, t. i. p. 237-241. Enfin, le mys­ c. xvn, col. 824-826. Hugues ignore l'argument aristoté­ licien du premier moteur. Mais il a sa preuve à lui tirée ticisme de Hugues n’est pas le quiétisme : il ne fait pas de la contemplation mystique un acte perpé­ du mouvement, ou plutôt c’est sous le point de vue du tuel. un état, mais un acte nécessairement transitoire, mouvement qu’il envisage les données de l'expérience cl il demande la pratique des vertus et l’estime des interne et externe. La connaissance que l'Ainea d'elle· œuvres que les quiétisles ont déclarées indignes de même, de son commencement, de sa contingence, et l’âme parvenueâ la perfection. Cf. Eruditio didascalica. donc d’un créateur qui n’a pas eu de commencement. 267 HUGUES DE SA INT-VICTOR c’est la connaissance trouvée dans le mouvement de la raison, hanc cognitionem in rationali motu invenimus; cotte connaissance est confirmée par celle des mouve­ ments qui existent en dehors de l’âme, huic autem co­ gnitioni cæleri quoque motus attestantur : hoc est an imalis, naturalis, localis. Eruditio didascalica, 1. VII, c. xvin, coi. 826. Sur ces trois arguments tirés de la satisfac­ tion des tendances naturelles de l’animal, du mouve­ ment naturel de tout être vers la croissance et le développement, de l’ordre de l’univers, ci. U. Battus, dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1898, t. xv, p. 115-117. Ce n’est pas tout. Remontant de la créa­ ture au créateur, Hugues discerne en clic, avec la contingence qui, par voie de négation, mène à l'être nécessaire, la dépendance et les perfections qui con­ duisent, celles-ci, par voie d'affirmation, à la perfection absolue de la cause première, celle-là, par voie de surémincncc, à l’excellence de Dieu au regard de tout ce qui n’est pas lui. Cette terminologie ne se rencontre pas telle quelle dans les écrits de 1 lugucs; l’idée qu’elle exprime y apparaît* Cf. De arca Noe morali, 1. II, c. i v, P. L., t. ci.xxvi, coL 637-638. En démontrant l’exis­ tence de Dieu, la raison découvre quelque chose de sa nature. Celui de qui tout a reçu l’être n’a reçu l’être de personne, quod inde liquido comprobatur quia, si quidquid est creaturam esse credimus, nullum in rebus finem invenimus — c’est le Non est procedere in infinitum desalnt Thomas,Sum.lheol., I·, q.n, a.3.— 11 est l’être a semetipso, et voilà l’aséilé divine. 11 est l’être en qui l’essence et l’existence ne font qu'un, quidquid enim a semetipso est huic idem est esse d id quodesl. IJ est l’être un, vraiment et souverainement un, essentiellement et invariablement un, et voilà la sim­ plicité, l'éternité, l’immensité, l'immutabilité divines, sans distinction réelle d’essence et d'attributs, ocre autem unum est quod essentialiter unum est, cui totum est unum esse cl simplex esse quod est. Eruditio didasca­ lica, 1. VII, c. xvii, xix, col. 825, 827; ci. De sacra­ mentis, 1. I, part. III, c. xi-xviiî, col. 220-221. Voir t. iv, col. 1159-1161. Ce que Hugues dit de l’omni­ présence de Dieu est particulièrement digne d’atten­ tion : « personne, au χπ· siècle, remarque A. Mi­ gnon, Les origines de la scolastique, t. i, p. 132-133, n'a traité ce grave sujet d’une manière plus heureuse. » La raison, qui prouve Dieu un, prouve-t-elle éga­ lement Dieu trino? Tout d’abord, on croirait que telle est la pensée de Hugues. Cf. De sacramentis, 1. 1, part. III, c. xi, xix-xxxi,col. 220,224-231; Eru­ ditio didascalica, 1. VII, c. xxi-xxiv, col. 831-831, et, parmi les écrits non authentiques, le Spéculum Ecclesia, c. ix, P. L., t. ci.xxvn, col. 377-380, écho fidèle de sa doctrine, les Quæstioncs in Epistolam ad Romanos, q. xl-xlu, P. L., L clxxv, col. 441, oeuvre d’un disciple qui ne s'attache pas scrupuleusement à lu doctrine du maître; le Sermo xctv in die sancto Pascha, P. L., t. clxxvh, col. 1191. En y regardant de près, on recule devant une affirmation catégorique. Remarquons d’abord, avec U. Battus, Revue béné­ dictine, t. xv, p. 201-209, que Hugues n’a pas voulu fournir une preuve de pure raison, indépendante des données de la fol. Lui qui affirme, en général, De sacramentis, 1. I, part. III, c. xxi, col. 231, que, <à moins d’être illuminée par la parole de Dieu, la raison humaine ne peut trouver le chemin de la vérité », et cela avec tant de force, tant d’insistance, qu’on l’a qualifié, à tort du reste-de mystique outré, d’ennemi de la raison, précise, dans le cas présent, que, pour que l’âme découvre en elle-même quelque vestige de la Trinité, il faut qu elle se sache créée à l image de Dieu et qu’elle parle de celte connaissance: ea nam­ que prr/ectius auctorem suum mani/estant qua illius similitudini vicinius appropinquant; hoc autem est Ipsa rationalis creatura, quæ excellenter et proprie ad 208 illius similitudinem /acta csl,quæ tunc citius creatorem suum quem non videt agnoscit cum seipsam ad illius imaginem /actam intelligit, c. xxi, coi. 225. Celte preuve rationnelle, qui présuppose la foi. est-elle, dans l'idée de son auteur, apodictique cl strictement concluante? Oui, semble-t-il, puisque Hugues parle, c. xxi, xi, col. 225, 220, d’une démonstration claire, claram demonstrationem, qui prouverait, comproba­ ret, la Trinité. Mais, d’autre part, il dit que tout ce que l'âme découvre en elle n’est qu’un vestige de la Trinité, une sorte d'avertissement et de souvenir, quasi admonitio et recordatio prima trinum esse Deum, c. xiii, col. 211, et il ajoute, c. xxvm, col. 230: » Voilà ce que nous avons montré : un vestige quelconque, vestigium aliquod, de la Trinité; c’est tout ce que la raison peut en saisir, et c’est peu de chose, cl, com­ paré à la perfection du mystère, ce tout n’est presque rien, quantum valet ratio humana de modico quod suum est, et datum est illi et est in ilia, cl modicum est ad pcr/ectum totum. » Sous cette annonce emphatique d'une démonstration claire il y aurait donc tout sim­ plement un argument de convenance, une simple com­ paraison par voie d’analogie. Supposant divinement révélées l'existence de la Trinité et la formation de l’homme à l’image de la Trinité, les trois éléments : substance, intelligence et volonté, que l’âme trouve formant une trinlté dans l'unité de son être, lui sont une image de la Trinité divine. Elle a là, dit U. Baltus, р. 209, « comme une preuve a posteriori, résultant de deux vérités de foi, lui montrant en elles un accord merveilleux, et l’amenant presque Invinciblement à croire l’une, inaccessible, incompréhensible, abso­ lument mystérieuse, par l'incontestable vérité de l'autre, plus saislssable, plus penetrable, plus facile­ ment soumise à son contrôle. Telle est, croyons-nous, l’expression fidèle de la pensée de Hugues. » Objec­ tera-t-on que I lugucs met sur le même plan la démons­ tration de l’unité et de la Trinité divines, venit ratio quæ non solum esse Dcum sed unum esse cl trinum comprobaret, et, que puisque la preuve de l’existence et celle de l’unité de Dieu sont purement ration­ nelles, la preuve de la Trinité est de même nature? Nous répondrons que. dans sa démonstration de la Trinité, I lugucs a pour point de départ une donnée de la fol, à savoir la création de l’âme à l’image de Dieu, ce qui n’a pas lieu dans sa démonstration de l’existence de Dieu et de l’unité divine. De là peut-être, с. xix. col. 221, la différence d’expressions : mine diximus quomodo ratio vera probat quod Deus unus est..., deinde etiam arguit et commendat quod non solum unus sed et trinus est Deus. Probat, c'est la preuve ration­ nelle proprement dite ; arguit cl commendat, c’est l'argument de convenance. Ces derniers mots nuance­ raient ce que les mots comprobaret et claram demons­ trationem ont d’excessif. De là encore le recours ex­ plicite à l’autorité de la fol pour suppléer à l’infirmité de l’esprit humain dans la connaissance du dogme trlnltalre. De sacramentis, 1. II, part. I,c. iv, col. 376; cf. 1. I, part. II, c. vu: 1. HI, part. I, c. xxm, col. 209, 226. De là cette fonnule habituelle : fides Trinitatis.De sacramentis. I. H, part. V, c. m, col. 4 12; Eruditio didascalica, I. VI, c. iv, col. 803 (remarquer aussi la I fonnule : sacramentum Trinitatis); De arca Noe mo­ rali, 1. I, c. iv, col. 631, 631. D’ailleurs, Hugues n’est pas le seul dont le langage, en cette matière, ait be­ soin d’être sagement compris. < Dans nos docteurs scolastiques, comme dans les saints Pères, on ren­ contre souvent la théorie des processions [divines] présentée sous une forme syllogistique », alors que Pères et théologiens visent cependant non pas à éta­ blir apodictiquemcnt un dogme Inaccessible, mais à montrer « que. loin d’impliquer contradiction, le mystère sc reflète dans les plus belles créatures ·. 2G9 HUGUES DE SAINT VICTOR T. de Kégnon, Études de théologie positive sur la sainte Trinité, t. il Théories scolastiques, Paris, 1892, p. 120. Et l’on sait, selon la remarque de M. Chossat, t. iv, col. 1188, * qu’il serait aisé de trouver, dans saint Thomas parlant des mystères, autant et plus d'oportet et de neccsse est qu'on en pourrait recueillir dans tout le χπ· siècle réuni. » 2° La théologie. — 1. Le De sacramentis et les autres écrits sûrement authentiques. — Le De sacramentis, quel que soit l’intérêt des Sentences sorties de la plume ou de l’école de Guillaume de Champeaux et d'Anselme de Laon et des systématisations théolo­ giques d'Abélard, qui nous sont parvenues · â l'état de torse », représente, par son architecture originale et puissante, par sa forme littéraire, surtout « par la plénitude et la profondeur de son contenu, le premier grand système complet de dogmatique dans l’ère de la haute scolastique ». M. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Methode, t. n, p. 259. Les écrits moindres confirment, ou même complètent, sur des points particuliers, le De sacramentis. Dressons, en suivant l’ordre actuel des traités de théologie, le bilan de ces richesses. a) La religion. — Voir, sur la divinité du christia­ nisme, les arguments tirés des miracles,de la conver­ sion du monde, de la constance des martyrs, de la vie et de la foi des saints. De sacramentis, 1. I, part. X, c. n, col. 330; De arca Noe morali, 1. IV, c. v, p. L,, t. clxxvï, col. 671. De vanitate mundi, 1. IV, P. L., t. clxxvï, col. 735-739. Cf. t. ni, col. 2261-2262. b) L'Église. — Le traité de l’Église n’a été con­ stitué de toutes pièces que beaucoup plus tard. Λ Hugues revient l’honneur d’avoir les premières vues d’ensemble, dans le De sacramentis, 1. IL part. IL c. ii-ix; part. III, c. v, xv, col. 416-422, 423, 430-431. 11 faut en rapprocher le De area Noe morati, 1. I, c. iv, col. 629-631. et le De arca Noe mystica, col. 681-704. Entre saint Augustin et saint Thomas nul n’a poussé aussi loin cette belle élude. Cf. A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3· édit., Fribourg-cti-Brisgnu, 1x97, Lui, p. 420, η. 1 ; J.-V. Balnvel.L’iWcdr tÉglisc. Essai de théologie historique, dans La Quinzaine, Paris, 1899. t. xxx. p. 110-411. A embrasser d’un coup d’œil le plan du De sacramentis, < on voit, dit A. Dorner, Crundrlss der Dogmengeschichte, Berlin, 1899, p. 298, qu’il ordonne tout â l’union avec Dieu par le moyen de l’Église ». Et,notant, p. 350, que, dans la théologie du moyen Age, » le centre autour duquel tout sc groupe est l’union de Dieu et de l’homme telle qu'elle sc réalise dans l’Église », Domer montre, p. 353, combien en particulier la cause de l’Église bénéficié de la doctrine sur les sacrements, développée par Hugues et par Pierre Lombard. Toute l’œuvre de Hugues révèle un sens de l’Église admirable, et. si jamais entreprise fut chimérique, ce fut celle de Schopfl qui, essayant, après tant d’autres, de découvrir des protestants avant le protestantisme, a voulu embrigader Hugues de Saint-Victor en compagnie de Staupltz, de Nicolas de Clamangcs, de Savonarolc, etc. Cf. SchOpfT, Au­ rora seu bibliotheca selecta rx scriptis eorum qui ante Lutherum Ecclcsiæ studuerunt restituenda·, 1857, t. i. Dans l’Église, Hugues volt le corps mystique du Christ et 11 en trace. De sacramentis, 1. Il, part. Il, c. il, col. 41 G, cette définition devenue classique : Ecclesia sancta corpus est Christi uno Spiritu vivificata, et unita ftde una, et sancti ficata. Et encore, col. 417 : Quid est ergo Ecclesia nisi multitudo fidelium, univer­ sitas Christianorum? Ou, De arca Noe mystica, c. vi. coi. 691 : Universitas fidelium sub uno capite Christo, Au Christ il fait la grande place qui lui est due. La matière de toutes les divines Écritures, dit-il. De sa­ cramentis, L I, proL, c. ii, col. 183. ce sont les œuvres 270 de la restauration humaine. Or, toute l'Écriture divine c^t un livre unique, et ce livre unique est le Christ, omnis Scriptura divina unus Uber est et ille unus liber Christus est, quia omnis Scriptura divina de Christo loquitur, et omnis Serifdura divina in Christo impletur, et legendo Scripturam hoc quænmus ut, ejus jacta et dicta atque, prxeepta agnoscentes, quod jussit /acere et quod promisit percipere mereamur. De arra Noe morali, 1. H, c. vin, coi. 642. Et toute 1 Écriture aussi se rapporte ù 1 Église, maison de Dieu, cité du roi, corps du Christ, éjHJUse de 1 Agneau : domus Dei est, civitas regis est, corpus Christi est, sponsa Agni est... De hac, et ad hanc, et propter hanc omnis Scrip­ tura factus (sic, pour facta) est. Propter hanc mundus factus est. Propter hanc Verbum caro factam est... flere arca (Noe) Ecclesiam significat, Ecclesia autem cor­ pus Christi est. De arca Noe morali, 1. I, c. τι, col. 622. L'existence de l’Église date du commencement du monde. Dans tous les passages où 11 distingue · l’œuvre de la création » et · l’œuvre de la restauration », Hu­ gues spécifie que, si l’incarnation s’est accomplie dans le temps, son œuvre englobe tous les temps, a b initio sæculi... usque ad finem mundi. De sacramentis, L 1, proE c. n, col 183; De arca Noe morali, 1. I, c. n, col. 625; De area Noe mijslica, c. m, col. 685. Le Verbe incarné est notre roi; les saints qui ont précédé son avènement ont été comme les soldats qui marchent devant leur roi; ceux qui sont venus ou viendront après lui. comme les soldats qui raccompagnent ou le suivent. De sacramentis,!. I, proL, c. n; part. VIII, c. xi, col. 183, 312; De sacramentis legis naturalis et scriptx, col. 31; cf. De area Noe mgsticu, c. î-iv, col. 681-688. Il y eut donc et H y aura toujours des lldèles, des chrétiens, et sous la loi naturelle, et sous la loi mosaïque, et sous la loi de la grâce. De sacramentis, I. I.part. VHI, c. xi,col. 312-313; De sacramentis legis naturalis et scriptx, col. 32 ; De arca Noe morali, 1. I, c. iv ; 1. II. c. i, col. 629-631,635-636 ; De arca Noe mys­ tica, c. v, col. 688-691. La communion des saints relie tous les membres de l’Église morts et vivants, Voir t. ni, col. 44 1-445. L’appartenance totale et véritable à l’Église a Heu par la grâce, par la charité. Soit autem homines gratter in Ecclesia sunt et de Ecclesia sunt, quia et fidem habent et boni sunt. De arca Noe mystica, c. v, coi. 690. Cha­ ntas unitas est Ecclcsiæ... Qui in charttale sunt perire non possunt; sive charitatem sire unitatem nomines, idem est, quia unitas est chantas et charitas unitas. Qui ergo in unitate Ecclesite sunt semper in charitate sunt, et qui in charitate sunt perire omnino non pos­ sunt. De sacramentis, 1. IL part. XIII. c. xi, coi. 544; cf. De arca Noe morali, 1. I, c. i; 1. II- c vi, coi. 621, 640. Dans l'Église il y a deux ordres : les laïques et les clercs, quasi duo latera corporis unius. De sacramen­ tis, 1. 11, part. H. c. m, col. 417. Il y a deux vies: l’une terrestre, l'autre céleste, et donc deux peuples, deux pouvoirs, et, dans l’un et l’autre, une hiérar­ chie qui aboutit ici au pape, là au roi. Dans la mesure où In vie spirituelle l’emporte sur la vie terrestre et l’âme sur le corps, la puissance spirituelle l’emporte, en honneur et en dignité, sur la puissance séculière. Nam spiritualis potestas terrenam potestatem... in­ stituere habet... et judicare...si bona non fuerit·, mais, si la puissance spirituelle dévie, a solo Deo /udicart potest, conformément au mot de l’apôtre : · L'homme spirituel juge toutes choseset n'est jugé par personne. » Ce passage du De sacramentis, 1. H, part. IL c. iv, col. 418, a passé, quant au sens et quant aux expres­ sions latines citées (axée la variante : poterit judicari, au lieu de : judicari potest ; le mot de saint Paul est allégué d'après deux versions différentes) dans la bulle Unam sanctam de Boniface VIH. Voir t. il, 271 H UGLES DE SA INT-V1CT0H 272 col. 1ΰυο-ΐυθ2 ; cf M. Grabmann, Ceschichle der scho- libros, 2e édit., Paris, 1894, t. i, p. 667, classe parmi latlischen Methode, t. n, p. 258. Bossuet, Defensio les meilleurs, il a toute une introduction générale à declarationis cleri gallicani, part. I, 1. Ill, c. xvn, l’étude des Livres saints cl des notions sur leur Œuvres, édit. F. Lâchât, Pans, 1879, t. xxr, p. 439- emploi dans la science religieuse. Cf. De Scripturis cl 441, a voulu en atténuer la portée, sous prétexte qu’il scriptoribus sacris prœnotatiunculiv, t. clxxv, col. 9-28; est question, dans la suite, de l'institution du sacer­ Eruditio didascalica, 1. IV-VI, P. L., t. clxxvi, col. t. clxxvii, doce par Dieu et de l'institution de la royauté par 777-812; Excerptionum priorum, 1. 11, P. Samuel sur l’ordre de Dieu; il en a conclu que la coi. 203-210 (ouvrage douteux). Il utilise abondam­ ment les ouvrages classiques en la matière, surtout le phrase : spiritualis potestas terrenam potestatem De doctrina Christiana de saint Augustin, cl, dans instituere habet se rapporte non au pouvoir ordinaire du pape, mais au pouvoir extraordinaire du pro­ Γ Eruditio didascalica, il adapte à l'enseignement les règles tracées par les écrits antérieurs : « là est la phète Samuel. Ce n’est pas exact; le nam rattache cette phrase à la précédente : quanto autem vita spi­ cause de la supériorité de ce dernier ouvrage aux yeux des gens du moyen âge, et c’est ce qui constitue ritualis dignior est quam terrena, et spiritus quam cor pour nous sa véritable originalité ». G. Robert, Les pus, tanto spiritualis potestas terrenam sive sic cularem potestatem honore ac dignitate prxcedit. Il s’agit donc, écoles et l’enseignement de la théologie pendant la pre­ d'après Hugues, d’un pouvoir ordinaire de la puis­ mière moitié du XII* siècle, p. 101. sance spirituelle. Au pouvoir temporel appartient ce Malheureusement il est confus ou inexact sur la défi­ nition et le canon des Écritures. Si, dans \e De Scrip­ qui concerne la vie terrestre et l’exercice de la justice en matière temporelle» legum instituta sequens el turis, c. i, P. L., t. clxxv,col. 10, il dit fort bien : Sola nihil pricier justitiam et veritatem approbans in judi­ autem illaScriptura jure divina appellatur quœSpintum cando, c. vu, coi. 422. Dans cette querelle des inves­ Dei aspirata est et per eos qui Spiritu Dei locuti sunt ad­ titures, qui s’apaise Λ peine, Hugues refuse au pou­ ministrata, si, dans!' Eruditio didascalica,!. IV,c. i, P. L., voir séculier le droit de toucher à la juridiction spi­ t. clxxvi, coi. 778, il dit encore : Scriptum divime sunt quas, a catholica: fidei cultoribus editas, auctoritas rituelle; il lui reconnaît les droits d’ordre temporel, universalis Ecclesia: ad ejusdem fidei corroborationem in et, au premier rang, celui de recevoir l’hommage des gens d'Églisc pour les biens qu’ils tiennent du pou­ numero divinorum computandas recepit et legendas voir séculier, c. vi-vn, col. 419-420. retinuit, ce qui est excellent, Hugues a des paroles La hiérarchie ecclésiastique est parfaitement dé­ fâcheuses d’où il résulterait que le caractère de divi­ crite. De sacramentis, 1. Il, part. Ill, col. 421-134. Au nité est conféré et non reconnu seulement par 1* Eglise, sommet préside le souverain pontife, quem papam. c. i, col. 778 : Suni prœterca alia quamplurima opus­ Id est patrem patrum, consuetudo ecclesiastica nominare cula a religiosis viris et sapientibus diversis temporibus instituit. Hic est principalis et maximus sedis aposto- conscripta quæ, licet auctoritate universalis Ecclesia: liat in Ecclesia romana successor, unde et ipsum spe­ probata non sint, tamen, quia a fide catholica non dis­ cialiter apostolicum sancta Ecclesia nominare consue­ crepant et nonnulla etiam utilia docent, inter divina com­ vit. Cui vice Petri principis apostolorum prœsidentt putantur eloquia. Conformément à cette théorie, Hu­ omnis ecclesiasticus ordo obtemperare debet, qui solus gues divise l’Écriture en deux Testaments, distin­ pnrrogativa dignitatis claves habet ligandi omnia et gués l’un et l’autre en trois ordres : Velus Testamensolvendi super terram, 1. H, part. III, c. v, coi. 423; 'tum continet legem, prophetas, cigiographos; Novum cf. c. xv, col. 430-131. On ne saurait mieux dire. Sur autem, Evangelium, apostolos. Patres· De Scripturis, les devoirs de ceux qui ont la charge du gouverne­ c. vi, coi. 15; Eruditio didascalica, I. IV, c. n, coi. 778. ment ecclésiastique, cf. De arca Noc morali, 1. H, c. in, Éclaircissant ce mot final, il ajoute, col. 779 : In tertio col. 637. ordine primum habent locum decretalia, quos (sic) ca­ La théologie de l’Églisc a un complément dans son nones id est regulas appellamus, deinde sanctorum histoire. L Eruditio didascalica, 1. VI, c. ni, vi, col. Patrum et doctorum scripta, Hieronymi, Augustini, Gregorii, Ambrosii, Isidori, Origenis, Bedie, et aliorum 799-802, 805-806, expose l'importance de l’histoire. La Chronique fut un manuel destiné à faciliter aux mullorum orthodoxorum, qiue tam infinita sunt ut numerari non possint. Cf. c. xi-xiv, coi. 785-787, étudiants la connaissance historique de la religion chrétienne. SI les Excerptiones priores étaient authen­ et le Speculum de mysteriis Ecclesia, d’inspiration tiques, 1 lugues aurait poursuivi deux fois celte grande hugolienne, c. vm, P, L., t. clxxvii, coi. 374. C’est élargir «l’une façon malencontreuse la définition entreprise; mais il est difficile de l'admettre. Du moins, en dehors de la Chronique, Hugues a-t-il, dans le de ΓÉcriture. Westcott, On the canon oj New De vanitate mundi, 1. HI-IV, coi. 723-739, un résumé Testament, Londres, 1866, p. 518-519; ('.h. Tro­ très vivant de Γ Ancien et du Nouveau Testament chon, Essai sur Γhistoire de la Bible dans la Erance et des origines du christianisme. Remarquons, enfin, chrétienne au moyen âge, Paris, 1878, p. 28-31. Sans que plusieurs écrits faussement attribués à Hugues, doute, en fait, Hugues fait la différence entre la va­ mais inspirés de lui, reviennent souvent sur le thème leur divine de l’Écriture et celle des ouvrages des de Γ Église, notamment à l’occasion de la liturgie de Pères; ia défaillance en est atténuée, mais non sulllla dédicace des églises, du symbolisme de la mer, du samment corrigée. Dans le De Scripturis, c. vi, col. 16, le passage «pie nous venons do citer se continue ainsi: cellier, du candélabre, de Jérusalem et du peuple juif, etc. Cf. Spéculum de mysteriis Ecclesiic, c. î-n, Redit, et aliorum doctorum, qua infinita sunt. Une P. L., t. clxxvii, col. 335-340; Miscellanea, 1. VII, tamen scripta Patrum in textu divinarum Scripturarum non computantur· On croirait d’abord que Hugues lit. i-vm, P. L., t. clxxvii, col. 867-872; Sermones, ιι-ιν, xliv-xlv, lxxv-lxxxiv, P. L., t. clxxvii, col. amende son langage. Point du tout : à l'instar de beaucoup de scs conh'mporains et de ses prédéces­ 901-911, 1015-1021, 1136-1169. seurs, voir t. n,col. 1576-1582, Hugues ne met pas sur c) Les lieux théologiques. — Hugues esquisse les le même plan les écrits canoniques et les deutérograndes lignes de ce traité, qui n’aura qu'aprés le moyen âge une place à part dans les cours de théolo­ canonlques de l’Ancien Testament; comme les deutérocanoniques ne sont pas au canon, mais sont lus gie. Nous connaissons déjà scs vues sur les rapports de la fol et de la raison et sur le secours que cette der­ et servent «le commentaire à l’Ancien Testament, nière apporte à la fol. 11 s’étend davantage sur l Écri­ ainsi les écrits «les Pères in corpore textus non compu­ tantur quia non aliud adjiciunt, sed idipsum quod ture. En plus de scs commentaires, que R. Comely, in supradictis continetur explanando et latius mani­ Historica et critica introductio in utriusqiie Testamenti 273 II LIGUES DE SA INT-V K/I OK 274 festi usque tractando extend uni. De sacramentis, I. I, la scolastique, t. n, p. 86-89; M. Grabmann, Die pro!., c. vu, col. 186, Geschichte der scholastischen Methode, t. n, p.263, 270Autant ces préliminaires sont défectueux* autant 272 ; sur les progrès de la foi, A. Mignon, 1.11, p. 80-94 ; Vhermcnoutiquo de Hugues est sage. Il insiste, À M. Grabmann* t. il, p. 270-276; sur le salut des infi­ juste litre, sur le sens littéral, expositio historica, et deles L. Capéran, Le problème du salut des infidèles, sur la nécessité d’y appuyer Y expositio ullegorica, Paris, 1912, p. 170-171, 177, et* 177-178, sur la posi­ science des choses divines, contenu doctrinal des tion de l’auteur des QuaMiones in epistolas D. Pauli, Écritures. De Scripturis, c. m-v, col. 11-15; Erudi­ tn Epist. ad Horn., q. χχχνπι-XL, P. L., t. clxxv, tio didascalica, I. V, c. ιι-ιιι; I. VI, <·. iii-iv* col. 789- col. 440-H1, qui est* sinon Hugues, du moins de son 791, 799-805. école. Signalons un passage intércssant,/Je area Noe Et, qu'on y prenne garde, il n'appartient pas à cha­ morali, J. III, c. iv, col. 649, sur les infidèles, sur ceux cun d’interpréter Γ Écriture À son gré. Dans un long qui ne croient pas à Γ Évangile du Christ, à i exis­ et très beau chapitre. Eruditio didascalica, I. VI, c. ιν* tence de Dieu, à la vie future, et sur ceux qui doutent col. 802-805, Hugues veut que, pour construire Γ édi­ de ces vérités. fice de ht · divinité », comme on appelait alors la e) Dieu un. — Les deux grands problèmes de la théologie — hue est tota divinitas,hœc est illaspirilualU science et de la volonté divines ont attiré l’attention fabrica (pue lot continet sacramenta, tot quasi ordinibus de Hugues. Il traite trop brièvement de la prescience constructa, in altum extollitur — une fois posé le fon­ et de la prédestination. De sacramentis, 1. I, part. II, dement de \'historia ou sens littéral, on aligne les c. ix-xxii, coi. 210-216. En revanche, il est le pre­ divers ordres de vérités à l’aide d’un cordeau, d’une mier théologien qui cxjiose intégralement la question règle, qui est la règle de foi, linea protensa recto· fidei de la volonté divine. De sacramentis, I. I. part. IV, col. (rames est. Il en est qui tombent dans des erreurs 233-246; cf. Libellus de potestate et voluntate Dei utra diverse, quia fundamentum ventatis non habent, tandis major sit, P. L., t. clxxvi, col. 839-842; mais il ne le que ceux-là ne se trompent point qui savent quid a fait ni sans longueurs ni sans obscurités. 11 est de sacra fide discordet aut quid conveniat judicare... Hire ceux qui admettent que Dieu, tout en ne voulant pas vero non ut quibuslibet ad voluntatem suam interpre­ le mal comme le bien, veut que le mal soit parce que tandi Scripturas occasionem pnrbcam... ΙΊ ergo secure c’est un bien qu’il soit, c. xm, col. 239 : et tamen vult possis judicate litteram, non de tuo sensu praesumere esse malum, et in eo nonnisi bonum vult, quia bonum sed erudiri prius et informari oportet... Neque a teipso est malum esse. Ci. S. Thomas, Sum. theol., IB* q. xix, erudiri pnvsumas, ne forte dum te introducere putes, a. 9, ad la®. magis seducas : a doctori bus et sapientibus fure intro­ /) Dieu trine. — Dans le De sacramentis, 1. I, part. II, ductio qmerenda est, quic et auctoritatibus sanctorum c. iv-ix;part. 111, c. xix-xxxi ; 1. 11, part. 11L c. ii-ni, Patrum et testimoniis Scripturarum eam tibi, prout col. 208-210,224-234.371 -381,et VEruditio didascalica. opus est, et facere et aperire possunt. Pour son compte, 1. VII, c. i, xxi-xxm, col. 811-813, 831-833, Hugues I lugues cite rarement les Pères dans le De sacramentis, ne prélude que de loin au merveilleux De Trinitate sauf, nous l’avons dit, quand il traite de la Trinité de Richard de Saint-Victor. Gc qu il a de meilleur, et des lins dernières. Mais il est nourri de leurs doc­ c’est l’explication de la Trinité par les analogies qui trines. En deux passages, I. 11, part. I, c. iv; part. VI, existent entre elle et l’àinehumaine. Il présente claire­ c. π, col. 376-381,446, il indique leurs solutions, parce ment, mais en abrégé, la doctrine de l'appropriation· qu’il se méfie de scs propres lumières. Voirl. I.part. I, De sacramentis, 1. I, part. Il, c. vii-vm; part. III, c. h, col. 187-188* ce qu’il dit du respect et de la pru­ c. xxvî, col. 209-210, 277-228. Il s’exprime en bons dence qui s’imposent lorsqu'ils sont en désaccord. termes sur les missions divines, 1. II, part. I, c. il, Avant les Pères, Hugues nomme les conciles, d’abord col. 371-373. Sur les personnes divines, leurs rela­ les quatre grands conciles quœ totam principaliter tions. leurs oppositions, il est insuflisanl. fidem complectuntur quasi Evangelia. ensuite les con­ g) La création. — Rien de très saillant dans l’Hcxaciles si qua sunt concilia qiue sancti Patres Spiritu Dei méron de 1 lugues. De sacramentis. 1. I, part. 1, col. 187pleni sanxerunt. Eruditio didascalica, J. IV, c. xn, 206; De sacramentis legis naturalis et scripts, P. L., coi. 785, 786. Notons enfin qu’il mentionne l’autorité t. clxxvi, col. 17-21; Adnotationes elucidatorite In infaillible du consentement universel de l’Églisc, Pentaleuchon, c. iii-vu, L., t. clxxv, col. 32-38; Eruditio didascalica, I. VI, c. tv, col. 801 : doctores si Allegoriae in Vetus Testamentum (ouvrage douteux), consulueris, et maxime quid fides universalis, quæ nun­ 1. 1, c. ι-vi, P. L., t. clxxv. col. 635-638. C’est le pre­ quam falsa esse potest, inde jubeat sentiri agnoveris. mier en date qui soit à peu près complet (celui d’Abé­ d) La foi. — Hugues inscrit une date importante lard est postérieur). Hugues s’y affirme théologien dans la formation du traité de la foi : il est moins méthodique, modéré* judicieux; il s’inspire naturel­ sommaire que saint Anselme et les sententiaires I lement des données scientifiques du temps. Voir t. m* orthodoxes (Sentences dites de Guillaume de Cham­ col. 2082, 2114, 2113, 2170,2181.2190; t.\i,col.2339. peaux et d’Anselme de Laon), plus pénétrant et exact h) Les anges.— Le premier. Hugues a réuni dans qu’Abélard et Gilbert de la Porrée. Cf. De sacramen­ un seul cadre. De sacramentis, I. 1, part. V, col. 215tis, I. I, part. X, col. 327-311; De sacramentis legis 264; cf. Commentariorum in Hicrarchiam ciclestem naturalis et scriptie, P. L.. t. clxxvi, col. 35-38. Son libri X, P. L., t. ci xxv, col. 923-1151, et avec une programme est vaste : définition de la foi, éléments grande clarté d’exposition, les éléments épars avant constitutifs, vérités qui appartiennent à la foi. vérités lui. Le premier des scolastiques, il a bien établi la absolument nécessaires à croire, accroissement de la thèse de l'inégalité des anges. Dans un sujet où tant foi dans l’individu et dans l’humanité, le « sacre­ de choses nous sont inconnues, il a le mérite d’être ment de la foi » ou la foi avant-goût de la vision béa- prudent et de ne pas trancher des questions inso­ lubles. Nos oportet, dit-il, de multitudine rerum laten­ tiflque, c. i, col. 327. Sa définition de la foi, c. H, col. 331, est célèbre, mais imparfaite, car elle con­ tium secundum nostram possibilitatem doctrinam vient à la foi en général, non à la fol théologale : fides formare, ct non promittere quod consequi non possumus, est certitudo (dans le De sacramentis legis naturalis, c. i, coi. 217; ct. c. iv» xn* xix, xxxi, xxxtn-xxxtv, col. 35; cf. Summa sententiarum, tr. I, c. I, col. 43, il coi. 219, 251, 251. 261. 262-261. Voir t. i. coi. 1223ajoute : voluntaria) rerum absentium supra opinionem 1227; t. iv, coL 3 189 (contre Abélard) et infra scientiam constituta. Sur sa i) L'élévation de l'homme à l'état surnaturel et la psychologie de la fol, cf. A. Mignon, Les origines de | chute. — I lugues aborde, De sacramentis, 1. I. part. VI, 275 H • LGL ES · DE * SAINT-VICTOR col. 263-288; ci. De sacram» legis naturalis et scrlplæ, col. 21*24, les questions délicates qui sc posent nu sujet de l’état de nos premiers parents. Passons sur cc qu'il dit de la condition du genre humain si Adam n’avait pas péché; cc sont là de ces « curiosités théo­ logiques », dont souriait Bruncliérc et que Hugues juge de la sorte, c. xi, col. 270 : lied aliquando cum curiositate quæruntur, utiliter (amen sciuntur si cum discretione discutiantur. Dans un bon chapitre initial, col. 263-264; cf. 1. I, part. II, c. iv, col. 208, notre auteur enseigne que l’homme fut créé pour une fin surnaturelle, ut cum illius boni quod ipse (Drus) erat et quo ipse beatus erat participem /aceret. L’homme était donc fait pour deux vies, l’une inférieure, l’autre supé­ rieure, la première dans l’ordre de la nature, la seconde dans celui de la grâce : bona inferioris vilæ ex natura sunt, bona vero superioris vilæ ex gratia, c. xxxn, col. 283. Il ne posséda pas de suite la vie supérieure; il dut s’en rendre digne par son obéissance au créa­ teur et la recevoir â titre de récompense, c. i, vj, xxvn-xxvm, col. 261, 267-268, 280-281. Voit t. i, col. 373. D’autre part, la vie inférieure ne lui fut pas donnée avec les seuls biens naturels, mais avec cc que la théologie appelle les dons de la nature intègre. Ces de ns sont l’œuvre de la grâce créatrice : gratia crea­ trix primum natures conditæ quadam bona inseruit, c. xvii, coi. 273. Ct\ A. Mignon, Les origines de la scolastique, t. n, p. 15 (il y modifie son exposé du t. r, р. 257, où il avait identifié la gratia creatrix avec la grâce sanctifiante). Sur deux de ces dons : l’immorta­ lité et l’impassibilité, il s’exprime excellemment, с. xvin, col. 275-276; cf. c. xxx, xxxin, col. 282-283, 284, sur les délices du paradis terrestre. Quant à l’immunité de la concupiscence, il l’indique équivalemment, soit en excluant la concupiscence de la génération,c. xxin,col.277, so iten disant que l’homme qui, après la chute, peut pécher et ne peut pas ne pas pécher, posse peccare quia libertatem habet sine gratia confirmante, non posse non peccare quia infirmi­ tatem habet sine gratia adjuvante, avait, avant la chute, une aide divine pour résister toujours à l’en­ traînement du mal, c. xvi, col. 272-273. CL encore 1. I, part. VII, c. xrx-xx, col. 295-296. Lc don préternaturel de la science est affirmé dans une for­ mule heureuse, c. xn, col. 270: Sicut, quantum perlinet ad perfedianem daturæ et xtatis humani corporis, pri­ mum hominem perfectum credimus factum, ita quoque, quantum ad animam, cognitionem veritatis d scientiam, eam dumtaxat qua prinuc perfectioni congrua fuit, perfectam mox conditum accepisse credimus. Mais plus d’un théologien ferait des réserves sur deux opinions de Hugues : d’abord, on s’en souvient, il attribue à Adam la connaissance do Dieu per præsentiam con­ templationis; ensuite, tout en déclarant qu’Adam connut en général et debitum obedientiœ sua erga superiorem (Dieu) cl debitum providentia sua erga inferiorem (sa postérité), il croit tout à fait probable qu’Adam n’eut pas dès le principe la connaissance des maux qui le frapperaient et, après lui,sa postérité, s’il désobéissait ù Dieu, et celle des biens qu’il aurait s’il était fidèle, c. xv, col. 272. En somme, sur les dons préternaturels, Hugues a le suffisant, ou peu s’en faut. Sur les dons strictement surnaturels il est moins explicite, moins net. On a noté que les Pères grecs, quand ils traitent du surnaturel, mettent en relief l’élément divin qui est en nous et la présence spéciale de Dieu dans Pâme, pendant que les Pères latins se préoccu­ pent surtout de la perfection morale. Cf. .1 -V. Balnvel, Nature et surnaturel, Paris, 1903, p. 71-75. Dis­ ciple des Pères latins, Hugues n’envisage pas direc­ tement la transformation en Dieu par la grâce dès Ici-bas, mais les vertus surnaturelles qui donnent 276 droit à la rétribution surnaturelle. Elles sont le fruit de la grâce salvatrice, gratia salvatrix, ou réparatrice, gratia reparatrix, c. xvn, col. 273, 271. Alors que la nature, mémo enrichie des dons de la grâce créatrice ou dons de la nature intègre, ne peut mériter audessus de la nature, virtutes quas gratia reparatrix naturæ superaddita format, quia in merito aliquid supra naturam accipiunt, in præmio et supra naturam remunerari dignæ sunt, ut quibus amor Dei causa ni in opere præsenlia Da præmium sit in retributione, col. 274. Les vertus surnaturelles ont-elles existé en Adam avant sa chute? Hugues n’ose répondre affirmativement : de illis autan virtutibus quæ volun­ tate bona ex amore divino mota perficiuntur, nihil tamen temere circa ipsas, quantum ad primum illum statum pertinet, definire volumus, præcipue cum dt opere charitat is illius nullum sive ex a udorilate sive ex ratione argumentum certum habeamus. Auraient-elles existé en lui s’il n’avait pas désobéi? Sans doute, car la grâce salvatrice d bona quæ natura primum corrupta perdidit restaurat d quæ imperfecta nondum accepit aspirat, coi. 273. Ces biens que la grâce salvatrice confère,Adam les aurait reçus à la condition d’obéir persévéramment, comme les reçoivent tous ceux qui bénéficient du salut du Christ. Et que sont ces biens? C’est une élévation de la nature, supra naturam. Son terme est la présence, la possession de Dieu, ut... præsenlia Del præmium sit in retributione. Celui qui le réalise, c’est le Saint-Esprit, Spiritus Sanctus est artifex. L’artiste fabrique d’abord l’instrument, puis s’en sert. De même le Saint-Esprit produit non pas uniquement une bonne opération passagère, mais quelque chose de permanent, un état de bonté, in his virtutibus quæ per gratiam rcparalricem sunt pri­ mum Spiritus Sanctus bonam voluntatem aspirat ut sil. Ensuiteil sc sert d’elle pour agir, primum operatur eam, deinde operatur per eam, ii agit avec elle, en telle sorte que l’action surnaturelle soit du Saint-Esprit et non de la volonté de l’homme, tamen opus bonum ex Spiritu est qui operatur non ex voluntate hominis per quam operatur, in ipsa quidem est bonum sed ex ipsa non esL Ne voilà-t-il pas une esquisse de l’état surna­ turel avec la grâce habituelle et les grâces actuelles? Ifugues s’attarde au problème de la chUte.De sacra­ mentis, 1. I, part. VII, col. 287-30G; cf. De sacramen­ tis legis naturalis d scriplæ, col. 24-27. Sa doctrine sur ία péché d’Adam sera reproduite par Pierre Lombard et les docteurs scolastiques, < qui sc sont, pour ainsi dire, contentés de résumer les pages si In­ téressantes de notre auteur ·. A. Mignon. Les origines de la scolastique, t. n, p. 21. Une de ses thèses pour­ tant a été abandonnée, malgré la faveur qu’elle ob­ tint dans l’école franciscaine, cf. J. Tunnel. Lc dogme du péché originel après saint Augustin, dans la Jlcvue d'histoire d de littérature religieuses, Paris. 1902, t.vu, p. 315-318; c’est celle qui fait le péché d’Adam moindre que celui d’Èvc, parce qu’il mangea du fruit défendu tantum ne mulieris animum, quæ sibi per affectum dilectionis sociata fuerat, ejus petitioni et voluntati resistendo, contristaret, c. X, coi. 291. Consi­ déré dans la postérité d’Adam, le péché originel sou­ lève des questions très difficiles. De originali peccato, dit Hugues, c. xxv, col. 297-298, mullœ ac difficiles oboriuntur quæstiones, quæ utrum credendo melius quam discutiendo, si tamen discussionem admittunt quæ plenam solutionem habere non possunt, tradentur ! ignoro, c. xxv. coi. 297-298. Égaré par sa theorie sur l’absence des verius surnaturelles et de la grâce sanc­ tifiante dans Adam avant la chute, Hugues ne saurait mettre l’essence du péché originel dans la privation de la grâce sanctifiante; il la place dans l’ignorance de l’esprit et dans la concupiscence En conséquence, dès lors que des ordinata, P. L., t. clxxvi, col. 15-18; Dc laude chapersonnes aptes au mariage disent, 1 homme : Ego te ritatis, P. L., t. clxxvi, col. 969-976: De quinque accipio m meam, ut deinceps ct tu uxor mea sis, ct ego septenis seu septenariis, P, L., t. clxxv, coi. 405-414; martins tuus, la femme : Ego te accipio in meum, ut la prière et particulièrement l’oraison dominicale, deinceps ci ego uxor tua simet tu maritus meus,ou quel­ De modo orandi, P. L., t. clxxv, col. 977-988; Le que chose d’équivalent, ou, â défaut dc ces paroles, quinque septenis, c. in-iv, col. 407-410 — Expositio in Abdiam (ouvrage douteux), P. L·, t. clxxv, col. 402font des actes qui ont la même signification, qu’ils 406; Orationis dominiez expositio (authentique), expriment ce consentement devant des témoins stent debent, ou sans témoins qualiter non dtbent, le P. L., t. clxxv, col. 774-789; Allegories in Novum mariage a lieu, omnino conjuges sunt, c. v, col. 488. Testamentum (ouvrage douteux), 1. II, c. n, P. L., t. clxxv, col. 767-774; le vœu, De sacramentis, I. II, Avec la formule en usage nous avons dans ce texte, la parfaite distinction du mariage valide et du mariage part. XII, col. 519-524, etc. Cette partie des écrits licite en un temps où l'empêchement dc clandestinité de I fugues a été moins étudiée que le reste ct méri­ n’existait pas encore. Ce rôle capital donné au consen­ terait une bonne monographie. Cf. d'utiles indica­ tement amena des théologiens à prêter la même va­ tions dans A. Mignon, Les origines dc la scolastique, leur aux fiançailles de pnesenti; ils pensèrent qu'elles t. n, p. 289-324. avaient des effets irrévocables, pendant que les fian­ 2. La Summa sententiarum. — Le plan dc la Summa çailles de juturo n'engageaient pas l’avenir. Schling, sententiarum diffère dc celui du Dc sacramentis. On Die Unterscheidung der Vcrlobnisse im kanonischen a loué celui-ci, beaucoup moins cclui-lù.Cf. P. ClaeysRecht, Leipzig, 1877, p. 71, met gratuitement sur le Bouüaert, ‘dans la Revue d'histoire ecclésiastique, compte de Hugues celte distinction qui est en. germe Louvain, 1909, t. x, p. 286-288. Il est vrai que dans les Sentences dites de Guillaume de Champeaux. l’idée directrice du Dc sacramentis est grande ct Cf. P. Founder, Revue d'histoire et de littérature reli­ belle : l'histoire du monde y est retracée sous son gieuses, Paris, 1898, L nr, p. 115, ct voir Hugues, c. v, aspect surnaturel, divisée en deux périodes, entre col. 485-486. Hugues· a des expressions au moins lesquelles l’incarnation occupe le point* culminant; équivoques sur l’indissolubilité du mariage, c. xi, le premier livre englobe tout l’Ancien Testament, col. 107-409 : quidam conjugium omnino esse negant le second part du Christ et poursuit l'œuvre de la quod aliquando dissidium admittit...; putamus quadam restauration jusqu’à son accomplissement supremeconjugia vere dici posse, quamdiu secundum judicium Mais ce plan ne se déroule pas dans un ordre parfait : Ecclesia rata habentur, qua tamen poslmodum, emer­ le Dc Dco uno et Dc Deo (rino se mêlent, non sans gentibus causis legitimis, recte solvuntur, cl, si postea, quelques confusions ct redites, au De Deo créante contra Ecclesia prohibitionem, pertinaci pricsumptione actuel, ct le Dc fidc s’intercale maladroitement entre tenentur, illicita ct illegitima copulationes judicantur. le Dc sacramentis in genere ct le traité des sacrements 11 entend, semble-t-il, cf. coi. 409, qu’un mariage dc la loi ancienne. Le plan dc la Summa sententiarum conclu avec certains empêchements, tel que celui de n’est pas annoncé; il sc dessine nettement au fur consanguinité au septième, au sixième, peut-être même et à mesure dc la marche. L’auteur traite, d’abord,dc au cinquième degré, est valide tant que l’empêchement la foi (tr. I), quoniam fidc tanquam mensura recti­ est ignoré ct cesse de l’être quand l'empêchement est tudinis omnia moderanda sunt. c. i, coi. 43; de la foi connu. Du reste, il ne différencie pas suffisamment en général, c. ι-m, col. 43-17. ct, en particulier, la dissolution, la nullité ct les empêchements sim­ îles vérités dc foi qui concernent Dieu, mysterium plement prohibants du mariage. Toutefois il n’a pas divinitatis, c. iv-xiv, col. 47-70, ct l’incarnation été, sur la question du mariage, une des sources de sacramentum incarnationis, c. xv-xix, col. 70-80. En Luther, comme l’a prétendu A. V. Muller, Luthers second lieu vient la création avec cette division: (hrologische Quellcn, Giessen, 1911. Cf. H. Grisar, les anges (tr. II), ct, au dessous des anges (tr. 111), Luther, Fnbourg-en-Brisgau, 1912, t. ht, p. 1013. la créature matérielle, c. i, col. 89-91, et l’homme, n) Les fins dernières. — Nous devons à I lugues de c. n-πι, col. 91-91; cc qui amène les questions sui­ Saint-Victor le premier traité d'eschatologie» De vantes : état primitif île l’homme, c. iv-v, col. 94-96; sacramentis, 1. II, part. XVI-XVIII,col. 579-618.Con­ chute, c. vi-ix, col. 96-105; péché originel dans l’hu­ trairement à son habitude dc faire avant tout appel manité, c. x-xir, col. 105-110; péchés actuels, c. xiîî· ù lu raison, il s'y réfère constamment à Γ Écriture, xvi, col. 110-114; vertus ct dons du Saint-Esprit, cf. J. Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis c. xvn, col. 114-116. Troisièmement l'auteur étudie l'origine lusqu'au concile de Trente, Paris, 1901, p. 356le remède du péché, originel ct actuel, à savoir les 357, ct aux Pères. Voir, sur ce qu'il dit dc la fin du sacrements, tr. IV, c. i, col. 117 : il considère suc­ monde, t. v, col. 2535; du feu du purgatoire, t. v, cessivement (tr. IV) les sacrements en général ct ceux col. 2259; dc l’enfer, L v, col. 83, 102, 108, 2209; des de la loi naturelle, obscura sacramenta, c. i, col. 117corps glorieux, t. in, col. 1898; contre le dékii dc la 120; ceux de la loi écrite, laquelle prépare populum béatitude, L n, col. 661, 689; dc la béatitude, t. n, rudem legalibus figuris ad juturam veritatem, c. n, col. 510, cl du ciel, t. n, col. 2503-2504. Il accepte la coi. 120, et répare Ia loi naturelle, par le décaloguc, thèse du petit nombre des élus. De sacramentis, L 1. r. iii-viii, col. 120-126 ; ceux de la loi nouvelle (tr. Vpart. V, c. xxx!, col. 261; cf. Dc arca Noe mystica, VI). L’ouvrage s’achève brusquement avec le traité c. v, P. L., t. clxxvi, col. 690. dc l’eNtr· mc-onclion, qu'ont précédé ceux du bap­ o) La morale. — Entrée après le dogme dans le tême, de la confirmation, de l'eucharistie, de la péni­ tence. Le chapitre final, tr. VII. c. xv, col. 154, nomme grand courant dc la théologie scolastique, la morale y apparaît à son tour au xu* siècle; elle figure hono­ le. sacrement de l'ordre. Manifestement l’œuvre est Inachevée. P. Claeys-Bouûacrt, Rame d'histolrt rablement dans l'œuvre de Hugues de Saint-Victor. Toute la matière morale est traitée ct, sinon toujours ecclésiastique, t. x, p. 710, après E. Kaiser, Pierre Abélard critique, p. 266, pense que ce plan est d’ori­ approfondie, du moins esquissée par lui : la fin de gine abélordienne. Ce n’est pas vraisemblable. Cf. l'homme, De sacramentis, L 1, part. If, c. r; part. VL c i, 285 HUGUES DE SAINT-VICTOR M. Grabmann, Die Geschichte der scholastisclun Mé­ thode, t. si, p. 298-299, S'il fallait reconnaître là l’influcncc de la division: fides, sacramentum, caritas, pourquoi ne pas songer ù Hugues, qui propose avec insistance celle division en trois éléments nécessaires au salut : (ria sane sunt guæ ub initio sioc ante adven­ tum Christi sive post ad salutem obtinendam necessaria luerunt, i. c. fides, sacramenta fidei ct opera bona. De sacramentis, 1. H, part. IX, c. vm, coi. 328; cf. part. VIII, c. 1, coi. 305-306; De sacramentis legis naturalis ct scriptu*, coi. 35? En tout cas, le plan de la Summa sententiarum, beaucoup plus que celui du De sacra­ mentis, sc rapproche du plan dc nos cours dc théolo­ gie modernes; il est clair et logique, ct il s’ouvre à propos par un traité dc la fol qui est une sorte d’in­ troduction aux thèses de la théologie spéciale. Doctrinalement, et à prendre l’ensemble, la Summa sententiarum est en progrès sur le De sacramentis. Voici les questions principales où ce perfectionnement s’atteste. La foi : les rapports dc la vision aveela foi sont expliqués, non pas à fond, mais a\cc une con­ naissance exacte des éléments du problème, tr. I, c. I, col. 4 1-45. Dieu un : la prescience divine dans ses relations avec les choses créées, tr. I, c. xn, col. 61; la prédestination et les diilicultés qu’elle soulève, c. xn, col. 62-64; la volonté de Dieu ct la permission du mal, c. xni, col. 64-67, reçoivent des éclaircisse­ ments. Dieu trine: la Somme adoucit les expressions du De sacramentis sur la démonstration rationnelle de la Trinité ct, après avoir dit nettement qu’il faut d’abord entendre les témoignages dc l’autorité, réduit le rôle de la raison à montrer certains exemplaires de la Trinité dans les œuvres dc Dieu, quaedam exem­ plaria in his qua: facta sunt, certains vestiges dc la Trinité dans l’ûine, in scipsa potuit humana mens vestigium Trinitatis invenire, tr. 1, c. vi, coi. 50-51; sur le termo ingenitus appliqué nu Père, sur l égalité des personnes, l’application du mot · personne · aux trois réalités divines, sur les relations dans la Trinité ct les opérations divines, des explications courtes mais précises sont données qu’on cherche­ rait en vain dans le Dc sacramentis. Les anges : sur l'excellence dc Lucifer, le chef des rebelles, tr. IL c. iv, col. 83-84, la Somme a un chapitre qui manque dans le Dc sacramentis; elle est plus complète de ordinum distinctione, c. v, col. 85-87, et elle s’inspire largement dc saint Grégoire pape, alors que le Dc sacramentis, 1. J, part. V, c. XXX, xxxn, col. 260-261, 261-263, cl le commentaire sur la Hiérarchie céleste, L V, c. vi-x. F. J.., t. ri xxv, col. 1027-1104. suivent le pseudoDenvs. L'état de l’homme primitif ct la chute: la différence entre l’état présent ct l’état dc l’homme avant le péché est exposée avec une supériorité évidente dans la Somme; le libre arbitre y est mieux présenté, tr. HL c. vm-ix, col. 101-105, ct la presence des vertus surnaturelles, particuliè­ rement dc la charité, dans l’Ûme d’Adam avant la chute, y est affirmée clairement, tr. III, c. vu, col. 100. I.c Verbe incarné : dans un exposé morcelé, incohérent, contradictoire, cf. P. Clacys-Bouûaert, Revue d'histoire ecclésiastique, t. x, p. 716-717, la Somme reproduit l’erreur du De sacramentis sur l’omniscience dc l’àmc du Christ, mais refuse à bon droit dc lui accorder la toute-puissance, tr. 1. c. xvi, col. 71-72. Voir t. i, col. 53. Les sacrements : la doc­ trine sacrament aire dc la Somme dépasse celle du De sacramentis* le point dc départ est une notion meilleure du sacrement, dans laquelle l'efficacité est considérée avec raison comme la spécifique qui diffé­ rencie le signe sacramentel de tout autre signe, tr. IV, c. i. col. 117, sacramentum vero non solum significat sed etiam confert illud cujus est signum vel significa­ tio; de là plus de précision dans la distinction des 236 éléments du sacrement ct de 1a plupart des points dc la doctrine. Gf. P. Pourrai, La théologie sacrammtaire, p. 37-39, 62, 243, 245-246, 341-342. Le baptême : la Somme, tr. V, c. ni, col. 129, mitige ce qui a été admis dans le De sacramentis, L II, parL VI, c. n, col. 447, sur la validité du baptême conféré en nommant le Père seul, ou le Fils, ou le Saint-Esprit seuls, pourvu qu'on croie aux trots personnes divines. La confirma­ tion : la Somme ajoute au De sacramentis cette for­ mule parfaite, tr. VI, c. i, col. 138 : in baptismo datur Spiritus ad remissionem, hic datur ad robur. L’eucha­ ristie : le De sacramentis, LU, part· VIII, c. vni, col. 467-468, distingue fort bien, dans le sacrement unique dc l’eucharistie, l'espèce visible, la vérité du corps, la vertu dc la grâce spirituelle;la Somme introduit, pour exprimer la même chose, une terminologie appelée à un brillant avenir, tr. VI, c. xn, col. 140 : Tria hic consid· rare oportet, unum quod est sacramentum tantum, alterum quod est sacramentum et res sacramenti, tertium quod est res tantum. La pénitence : nous avons sur la contrition deux chapitres, tr. VI, c. xi-xn, col. 117-150, vraiment précieux en dépit d'expressions ambiguës sur le rôle de la confession verbale précédée d'une contrition véritable; la Somme, tr. VI, c. xin, col. 150-151. rejette la reviviscence, après une nouvelle chute, des péchés pardonnés, admise énergiquement par le De sacramentis, 1. 1 L part. NIV, c. rx, col. 570578. Cf. P. Clacys-Bouûaert, Revue d’histoire ecclé­ siastique, t. x, p. 284-285. L’extrême-onction : sur Ια non-reitération dc ce sacrement au cours d'une mala­ die, la Somme amorce la solution exacte, tr. VI, c. xv, col. 154: sacramentum non esse iterandum, là où le De sacramentis, 1. Il, part. XV, c. ni, col. 578-580, patronne franchement la réitération; mais les déve­ loppements explicatifs de la Somme aboutissent, en dénaturant le sens des mots, à légitimer la réitéra­ tion. Tout n’est pas progrès dans la Summa sententia­ rum. Sans compter qu’on y découvre · une moindre vigueur synthétique, mémo une certaine absence dc sj-nthèse, une moindre profondeur, et, comme corol­ laire, une moindre originalité P. Clacys-Bouûaert, Revue* d'histoire ecclésiastique, t.x, p. 715; cf. p. 715719, sur-un petit nombre dc points elle marque un recul par rapport au Dc sacramentis. Plus complète sur les relations entre la vision ct la foi, elle n subi fâcheusement.l’influence d'Abélard en soutenant que la foi sans la charité n’est pas une vertu, tr. I, c. n, col. 45. ct en n'excluant de la foi que les choses non soumises aux sens, tr. I, <· r. col. 43 : fides est volun­ taria certitudo absentium..., id est sensibus corporis non sublucentium, cf. T. Hcilz, Essai historique sur les rapports entre la philosophie ct la foi, p. 19, 76; il est vrai que. dans tout le c. n, col. 44. il est dit tout court que fûtes est solummodo de iis quæ non videntur, ce qui enlève à l’objet dc la foi toute vision, tant in­ tellectuelle que sensible, comme le fait explicitement le Dc sacrum· nlis, 1. L part. X, c. n, col. 328. Abélard a déteint encore sur la doctrine de la filiation du Christ en tant qu’homme, voir t.i, col. 415; sur celle dc la rédemption, cf. J. Rivière. Le dogme de la ré­ demption, Paris, 1905, p. 342-343, 472, ct sur celle du déni du pouvoir de consacrer valldemcnt quand on a été frappé dc l’excommunication, tr. VI, c. ix, col. 1 16. Voir t. î, col. 53. 3° La mystique.—1 lugues n’a pas laissé, en matière de théologie ascétique ou mystique, un ou wage de l’envergure du De sacramentis. Un des écrits qui s’y rapportent, un des plus considérables par retendue, le commentaire sur la Hiérarchie céleste, a été qualifié par VHisloire littéraire dc la France, t. xn, p. 13, de livre · informe ct fastidieux..., dont l’inutilité va de pair avec la prolixité >. Ce jugement est trop dur. 287 HL’G l ES DE SA I NT-VICTO B Reconnaissons toutefois qu’on ne trouve pas, dans ce commentaire, la précision ct l’originalité habituelles dc notre victorin; c’est l’œuvre d’un pâle disciple du p.scudo-Dcnys ct dc Jean Scot Érlugène. Hugues sc révèle autre chose ct beaucoup mieux que cela dans une suite dc traités qui conduisent des premiers degrés de la vie spirituelle aux sommets de la contem­ plation. Deux écrits développent, â l’usage des religieux, les principes dc l’ascétisme. Encore le premier, le De institutione novitiorum, P. L., t. clxxvi, col. 925-952, traite-t-il moins des vertus que des qualités exté­ rieures : maintien, tenue, modestie, politesse, etc., qui rendent facile et bonne l'existence en commun. L’Expositio in regulam B, Augustini, P.L., t. clxxvi, col. 881-924, est une explication de la régie de saint Augustin adoptée par les chanoines de Saint-Victor; dc l’avis d’un écrivain très peu «mystique», B. llau­ réau. Les œuvres dc Hugues de Saint· Victor, 2° édit., Paris, 1886, p. 115, elle fait honneur à Hugues. Aux récriminations de Luther contre les excès des mor­ tifications monastiques, II. Denifle, Luther et le luthéranisme, trad. J. Paqulcr, Paris, 1911, t. n, р. 258, a opposé la discrétion réclamée par V Expositio, с. m, col. 893, laquelle cul une autorité officielle dans tout l’prdrc des auguslins. La contemplation est la cime de 1 ascension mys­ tique. Comme point dc départ ou plutôt comme anti­ cipation lointaine, il y a une connaissance de Dieu spontanée, « quasi-intuitive · résultant d’un « sentiment d'inquiétude, d'inassouvissement, de manque ct de disproportion en présence du fini qui nous entoure, du passager qui nous entraîne, du monde matériel qui nous enserre. Ce sentiment ne trouve son contente­ ment, cet appel sa réponse, ce désir profond son apai­ sement nécessaire que dans un rapport personnel avec i’Esprit de Dieu... Saint Augustin a tout dit là-dessus dans une formule dont un incessant usage a presque effacé le relief, et où il faut donner au mot « cœur b le sens prégnant qu’lia retrouvé dans Pascal: Fecisti nos ad (c, ct ideo inquietum est cor nostrum donec requiescat in te. » L. de Grandmaison, L'élément mystique dans la religion, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1910, t. i, p. 190, 197. Hugues a re­ pris le mot dc saint Augustin, De arca Noe morali, prol., P. L., t. clxxvi, col. 619-620, et quatre ouvrages de lui en sont un commentaire très riche, un peu diffus, un peu subtil, parfois, mais souvent aussi ému, entraînant, ingénieux, délicat, ailé. Les in Salomonis Ecclesiasten homiliœ XZX, P. L., t. clxxv, col. 113-256, débutent par une remarquable descrip­ tion de la contemplation et considèrent les differentes espèces dc vanité qui, à sa lumière, apparaissent dans les choses caduques. Le De arca Noe morali, P. L., t. clxxvi, col. 617-680, le De area Noe mystica, P. L., t. clxxvi, col. 681-704, ct le Dc vanitate mundi el rerum transeuntium usu, P. L., t. clxxvi, coi. 703740, forment une sorte de trilogie, où nous voyons l’homme déchu dc la contemplation dc Dieu que Hugues prêle à Adam innocent; sa maladie, ccce os­ tendimus morbum cor fluctuans, cor instabile, cor inquietum; la cause du mal, qui est l’amour du monde; le remède qui est l’amour dc Dieu. Pour arriver ù l'amour du Dieu, il est nécessaire de sc déprendre du monde vain, changeant, périssable, ct dc chercher Dieu, pour être avec lui dans sa maison, arche de sa­ lut qui est l’Égllse, la grâce, l’âme; il s’agit d’édifier en nous cette arche mystique, d’y entrer, de l’habiter, dc S’élever vers Dieu par la contemplation des créa­ tures, daller des pensées utiles aux actes meilleurs, en sorte que tout ce que nos regards humains aper­ çois ent dc bon au dehors, nous nous efforcions dc le présenter au dedans aux regards divins, que nous ne 288 voyions, que nous n’attendions, que nous ne désirions • que Notre-Selgncur Jésus-Christ, et qu’ai nil, shut prius homo per visibilia a contemplatione Dei ceciderat, ita nunc, per visibilia Dei opera admonitus, ad ipsum iterum contemplandum resurgere consuescat. De vani­ tate mundi, I. 11, coi. 716-717 ; cf. De arca Noe morali, prol., I. 1, c. i, n; I. Il, c. iv, vi, coi. 619-620,621,626, 637-638, 610, etc. Dans Γ ascension mystique, Ia méditation a un rôle important. Hugues lui a consacré un petit traité, que les éditeurs ont Intitulé De meditando seu meditandi artificio opusculum aureum, P. L., t. clxxvi, coi. 993-998, mais qui ne porte dans les manuscrits que ce titre Dc meditatione ou Dc arte meditandi. Cf. B. I lauréau, Les oeuvres de Hugues de Saint· Victor, p. 135. IIen traite aussi ailleurs, par exemple, dans ΓEruditio didascalica, I. HI, c. xi, col. 772. Surtout le Dc tribus diebus, devenu indûment Je 1. VII de F Eruditio di­ dascalica, est une admirable méditation ou « élévation dogmatique »; de la connaissance des choses visibles on monte ù celle de Dieu un cl trine, et de la con­ naissance de Dieu on revient ù celle de Fûme et des créatures Inférieures: nunc jam mens nostra ad semttipsam redeat cl quid sibi ex hac cognitione utilitatis provenire possit attendat, c. xxvi, coi. 835. Au-dessous de la méditation il y a la prière, qui s’élève sur ces deux ailes : la misère de l’homme et la miséricorde du rédempteur, De modo orandi, c. i, col. 977, ct à laquelle la méditation est indispensable : sic ergo orationi sancta meditatio necessaria est, ut omnino perfecta esse oratio nequeat si eam meditatio non comitetur aut prircedat. Le Dc modo orandi, quelque peu lassant par 1'abondance des divisions et subdi­ visions, a des considérations très pieuses sur la prière en général et, en particulier, c. iv-vm, col. 981-988, sur la prière qui consiste à sc servir, sive pro nostra sive pro aliorum salute, des textes dc l’Écriture qui n’ont pas la forme de la prière. A-t-on prié? Deinde restat libi ut ad bonum opus accingaris, ut quod orando petis operando accipere merearis.., Sicqtic fit ut supradictum cum (Deum) quod (sic, pour quem) oratio quierit contemplatio invenit. Eruditio didascalica, 1. V, c. ix, coi. 797. 9 Nous avons vu ce que 1 lugues dit de la nature dc la contemplation ct de sa division en spéculation cl contemplation tout court, ou contemplation acquise ct infuse. Il y a une gradation mystique. Si le De contemplatione, publié par B. llauréau en appendice à Hugues de Saint-Victor. Nouvel examen de l'édition de ses œuvres, avec deux opuscules inédits, Paris, 1859, élait certainement authentique, nous serions fixés sur la manière dont il entend cette doctrine des degrés ct des modes dc la contemplation, et il serait aisé d’y retrouver, avec une terminologie partiellement diffé­ rente, les idées qui rempliront les ouvrages des théolo­ giens mystiques des siècles suivants. Cf. A. Mignon, Les origines de la scolastique, t. n, p. 378-387. Les œuvres dont l’authenticité est de tout repos contiennent au fond, sous des allures moins didactiques, le même enseignement. Citons, d’abord, le Soliloquium dr arrha aninue, P. L., t. clxxvi, col. 951-970. Com­ ment le rédacteur de la notice consacrée à Hugues de Saint-Victor dans ΓHistoire littéraire dc la France, t. xn, p. 16, a-t-il pu dire quclcDe arrha « est sec,plein dc jeux dc mots et va plus à l’esprit qu'au cœur »? ’ Bien n’est plus vivant, au contraire, délicieux ct tendre, ct d un joli style, souple ct caressant, ù peine gâté — mois si peu! — par un commencement d’affé­ terie, que ce Soliloque où sont retracées les privautés ! mystiques, où est racontée la visite du Bien-Aimé I « qui vient invisible, caché, incompréhensible, pour toucher sans être vu, pour avertir sans être compris, non pour sc répandre tout entier, mais pour s'offrir 289 HUGUES DE SA INT-VICTOR 290 mentis et des autres écrits sûrs. — Hugues sut-il l’hé­ breu ct le grec ? Il compare volontiers le texte dc la Vulgate à l’original hébraïque, par exemple, Adnotationes elaeidatoriæ in Pentaleuchon, c. vu, P. L. t. clxxv, col. 37, 45, 59, 60, Gl, etc.; sans doute il le fait d’après les écrits dc saint Jérôme. Dc même il multiplie les étymologies grecques, par exemple, Eruditio didascalica, I. IV, c. xvi, col. 788-790; il pouvait les prendre dans les glossaires qui offraient une érudition toute prèle. Toutefois, dans son com­ mentaire sur le pseudo-Denys, 1. IV, c. ni, col. 994, il corrige la traduction dc Jean Scot Érlugène d’un ton qui invite à supposer chez lui la connaissance directe du grec. La nomenclature des écrivains de l’antiquité — où les noms fabuleux sc mêlent à ceux de 1 histoire — dc 1’Eruditio didascalica, L III, c. n, col. 765-767, est vraisemblablement empruntée aux Étymologies d'Isi­ dore dc Séville ou à des ouvrages semblables· Hugues cite Virgile. Horace, Juvénal, Perse, Lucain, Tércnce, Cicéron, Sénèque, etc. 11 dit, Eruditio didascalica, 1. I H, c. n, col. 767, que Platon primus logicam ratio­ nalem apud G racos instituit, quam postea Aristoteles discipulus ejus ampliavit, perfecit et in artem redegit. Mais rien ne prouve que les rares écrits dc Platon et d’Aristole alors répandus aient été en ses mains, ni ceux dc Plotin et de son école; il semble n’avoir connu Aristote qu’à travers Boècc, et Platon ct les néo-platoniciens qu’à travers saint Augustin ct 1· pscudo-Aréopagitc. Les citations expresses des Pères n’abondent pas sous sa plume, sauf dans un chapitre sur la Trinité, ct dans les traités du mariage ct des fins dernières du De sacramentis. Mais il est nourri dc leur substance ct, tout en restant personnel, il utilise, sans les alléguer, leurs pensées, vulre leurs expressions. 11 mentionne, panni les Pères, Eruditio didascalica, 1. IV, c. n, col. 779 ; Dc Scripturisct scriptoribus sacris prornotatiuneuhr, c. vi, P. t. clxxv, col. 15, Jérôme, Augustin, Grégoire (évidemment Grégoire le Grand), Âmbrobe» Isidore, Origène, Bède, ct, dans une seconde liste plus complète, plus livresque, Eruditio didascalica, c. Xiv, col. 78(»-787, av ec ces memes Pères, Athanase, 1 Illaire, Basile, Grégoire le Thaumaturge, Grégoire de Nazianze, Théophile d’Alexandrie, Jean Chrv’sostomc, Cyrille d’Alexandrie, Léon pape,Proculus, Isidore dc Séville, Cyprion, Orose, Sédulius, Prudence, Juvcncu>, Arator, Ru fin, Gélasc, Denys rAréopagite,EusèbedcCésaréect Casslodore. Saint Augustin est son auteur préféré : omnium studia Augustinus ingenio vel scientia sua vicit, coi. 786; il s’en pénétra si parfaitement qu’il fut appelé ■ un second Augustin ·, ci. Thomas de Cantlmpré, Bonum universale de proprietatibus apum, 1. H.c.xvi, Douai, 1597, p. 174; Denys le Chartreux, Opera omnia, Tournai, 1902, t. xv, p. 78; mais il est un disciple dc saint Augustin « ά la manière de saint Anselme, c’est-à-dire qu’il demande nu docteur d’I lipponc moins des solutions toutes faites que la méthode pour penser par sot-mémo. T. de Régnon, Études dc théologie positive sur la sainte Trinité, t. n, p. 19. Pour l’explication morale de ΓÉcriture, son maître est le pape saint Grégoire : beatissimi Gregarii singulariter scripta amplexanda existimo qiue, quia mihi pra avlerts dulcia et a ternir vitx amore plena visa sunt, nolo silen­ tio pnrtenre. Eruditio didascalica, 1. V, c. vu, coi. 794. De saint Jérôme il vante justement la traduction delà Bible, Eruditio didascalica, 1. IV, c. v, col. 781 ; De Scripturis prirnotatiuncultc, c. ix, col. 17-18, et il accepte le jugement sur Rufin en des termes qui mon­ trent le grand cas qu’il fait dc son autorité: quoniam IL Hieronymus in aliquibus eum de arbitrii libertate HI. PLACE DE IIDOUES DANS L*HISTOIRE DELA THEO­ i notavit, illa sentire debemus quic ct Hieronymus, Eru­ ditio didascalica, 1. IV, c. xiv, coi. 787; il le suit ordU LOGIE. — 1° Ses sources. — 1. Les sources du Dc sacra­ à goûter. Et les arrhes dc tes fiançailles, dit l’homme ;i son ûme, consistent en cela principalement que celui qui sc donnera plus tard pour être vu ct possédé perpétuellement par toi sc laisse goûter quelquefois pour que tu apprennes combien il est doux. Simul diam interim de absentia ejus consoleris quando ejus visitatione ne deficias incessanter reficeris », coi. 970. Cette idée est reprise dans le De amore sponsi ad sponsam, P. L., t. clxxvi, coi. 987-994. Hugues, pour qui le Cantique des cantiques est le livre de la contemplation: in Proverbiis Salomon quasi meditando incessit, in Ecclesiaste ad primum gradum contempla­ tionis (la contemplation acquise) ascendit, in Canticis canticorum ad supremum (la contemplation infuse) se transtulit, In Ecclesiasten, hoinil. j, coi. 117; ei. Eruditio didascalica, 1. IV, c. vin,col. 783, où il com­ mente quelques versets sur les noces entre Dieu ct l’âme : sponsus est Deus, sponsa est anima, col. 987. La contemplation sc termine à l’amour, in affec­ tum terminatur, dira saint Thomas, Sum. thcol., 11* 11®, q. CLXxx,a. 3, ad 3um. Hugues en dit autant dans une belle page des homélies sur l’Ecclésiaste, col. 117-118: Novissime autem, postquam assidua veritatis contem­ platione cor penetratum fuerit ct ad ipsum summæ veritatis fontem medullitus toto animæ affectu intra­ verit, tunc in. idipsum dulcedinis quasi totum ignitum, et in ignem amoris conversum, ab omni strepitu ct per­ turbatione pacatissimum requiescit· .Apogée des états mystiques, l’amour est aussi la grande vertu des états ordinaires dc la vie chrétienne. Hugues en a traité souvent. Le Dc sacramentis, 1. 11, part. XI H, c. vi-xn, col. 528-550, consacre à ce magnifique sujet une étude pénétrante, malheureusement déparée par quelques notions inexactes. H développe fortement la thèse dc saint Augustin, voir 1.i, col. 2437-2438, que l’amour désintéressé, loin d’exclure le motif dc la récompense en tant qu’elle est Dieu même, le comprend dans son désir, c. vu, col. 531-534; cf. Bossuet, Instruction sur les états d'oraison, traité I, Additions et corrections, n. vin, dans Œuvres,édit. Lâchât, Paris, 1864, t. xvni, p. G70-673 ; mais il en arrive à tout ramener ù l'ainourde concupiscence : quid est diligere nisi concupiscere et habere velle, ct possidere et frui? coi. 534, et ù ne pas tenir compte de l’amour dc bienveillance, qui consiste à aimer Dieu pour Dieu même. Cf. P. Rousselot, Pour l'histoire du problème dc l'amour au moyen âge, dans les Beitràge tut Gcschichte der Philosophie des Mittel· allers, t. vi, cahier G, Munster, 1908. Le De substantia dilectionis et charitate ordinata, P. L., t. clxxvi, col. 15-18, reflète la même doctrine. Le De laude char itatis, P. L., t. clxxvi, col. 971-976, est un admirable pa­ négyrique dc la bonne, dc la chère charité, o bona charitas, o cura charitas9co\.$~(L Un passage, col. 975, a des chances d’avoir suggéré ù Pierre Lombard sa thèse erronée sur l’identité entre la charité et le Saint-Esprit; il est susceptible d’être bien entendu. L’amour loué par Hugues n’est pas exclusivement cehildes étatsmystiques; certains traits, tels que celuici, col. 976 : semper cor sursum habet cl desiderium in superna elevatum, conviennent à la charité qui est unie à la contemplation. Dans le commentaire sur la Hié­ rarchie céleste, 1. VI, c. vu, col. 1034-1044, Hugues balbutie, avec un sentiment d’admiration vive — si ego quod sentio dicam, primum hoc fateor quod verba audivi aid non homini dicta aid non dicta ab homine (il s’agit d’un texte du pseudo-Denys, col. 1036) — les merveilles de l’amour atteignant sa perfection, ct ajoute ù sa louange qu’il peut aller plus loin que la connaissance : Plus enim diligitur quam inteUigitur, et intrat dilectio ct appropinquat ubi scientia foris est, coi. 1038. ηιατ. ni tiîéol. catiiol. VII. — 10 291 (l GUES DE SAINT-VICTOR mûrement clans l'interprétation des saints Livres. Uenys, dit-il, c. xiv, col. 787» nui lia ingenii sui uulumina reliquit; cf. Commentariorum in Hitrurchiani ctclrsfem, I. L c. n. tv, v, col 927, 029-930: il com­ menta sa Hiérarchie céleste et, dans le De sacramentis, I. 1, part. V.c. xxx, col. 260, s’en tint à sa distinction des neuf ordres des anges, hoc auctoritas promulguait; pour le reste, l’inllucnce du pseudo-Denys u’apparait guère. Notons qu’il le fait venir et subir le martyre en France. De vanitate mundi, 1. IV, P. L,, L clxxv r, coL 737. Parmi les autres Pères ou écrivains ecclésias­ tiques mis à profit par Hugues, citons le donaliste Tlchonius, dont il reproduit. Eruditio didascalica, I. V, c. iv, col. 791-793, le Liber de septem regulis (les sept règles de l'interprétation de l’Écrilure), P. L,, t. xm, col. 15-16; Boècc, à qui il emprunte, Eruditio didas­ calica, L I, c. iv, col. 7-13*744, un important morceau du commentaire sur V Introduction de Porphyre, L I, P. L,, t. lxiv, col. 71-72; saint Ambroiso, do qui II cite, De sacramentis, I. il, part. VI, c. n, col. 446-117, un long extrait sur lo baptême; voir aussi 1. II, part. XI, c. v, col. 487; surtout Bède, qui lui fournil, en parti­ culier, des vues sur la création et le paradis terrestre, cf. Zôckler, Eealencijklopûdie, L vm, p. 439, ct saint Isidore de Séville, à qui il prend, avec d'autres choses, presque tout ce qu’il a sur les écrivains sacrés, les livres canoniques et les versions des Livres saints, Eruditio didascalica, 1. IV, c. n, col. 778-787; De Scripturis prxnotatiuncula·, c. vi-xn, col. 15-20; sur les livres authentiques et «apocryphes, il transcrit le décret dit de Gélose· Eruditio didascalica, L IV, c. xv, col. 787’788. Les écrivains du moyen Ago n'avalent pas tous les écrits dont ils citaient ou copiaient de® passages : des recueils existaient; Deflorationes, Sententiae, etc.,cL G. Robert, Les écoles et l'enseigne­ ment de la théologie pendant la première moitié du IIP siècle, p. 125-134; M. Grabmann, Die Gcschichic der scholaslischcn Methode, t. n, p. 81-8G, qui grou­ paient des extraits d’ouvrages souvent inacces­ sibles On aimerait avoir le catalogue de la biblio­ thèque de Hugues (11 n’avait pas» menu détail, la Cornu du poète Cyprion, cLEpist., n, I\L., t. clxxvi, coL 1011). Assurément il est tributaire des recueils ca- I noniques qui rendirent tant de services aux théolo­ giens» surtout d’Yves de Chartres; ci. J. de Ghcllinck, Hcchrrches de science religieuse, Paris, 1910,1.1, p. 495 (sur la manière de comprendre le mot sacramentum ct ses subdivisions); Revue d'histoire ecclésiastique, t. x, p. 721 (sur le traité de l’ordre); Le mouvement théologique du xn· siècle, p. 198, 315 (sur la confir­ mation); p. 315 (sur le baptême); A. Mignon, Les origines de (a scolastique, t. n, p. 254 (sur le mariage); M. Grabmann, op. cil., t. u, p. 8G-87. C'est à eux qu’il doit une bonne part de sa documentaiiou patristique» ct quelques textes du droit romain, telle la définition du mariage. De sacramentis, 1. II, part. Xl, c. iv, coL 183. Pour le traité sur les ordres, Il puise dans les livres liturgiques. Les écrivains venus après l’àge des Pères, les pré­ scolastiques, ont élé mis à contribution par Hugues. L'hypothèse d’une dépendance vis-à-vis d’Alcuin, énoncée par Ucbcnvcg-Hclnze, Grundriss der Geschichte der Philosophie. t. n, p. 153, est fragile, et nous n'oserions dire, avec A. Mignon, Les origines de la scolastique, t. n, p. 24, qu’* il s’inspire visiblement du III· livre du De clericorum Institutione de Ruban dans les chapitres qu’il consacreà la methodede lecture des saints Livre® ·. F. Picavct, Esquisse générale et comparée des philosophies médiévales, Paris, 1905, p. 203. s est trompé en prétendant qu’il ne nomme pas Jean Scot Ériugène. C’est une autro erreur de conclure, avec T. Heitz, Essai historique sur 1rs rapports entre ta philosophie et la foi, p. 82, de La phrase dans laquelle j 292 Jean Scot est nommé, Eruditio didascalica, 1. Ill, c. n, col. 765; cf. Excerptionum priorum, 1. L c. xxiv, P. L., t. clxxv. col. 202 : Theologus apud Gr&xos Linus fuit, apud Latinos Varro, ct nostri temporis Joannes Scotus, que Hugues « (ait le plus grand cas de lui >,car il est «le seul auteur médiéval cité dans cette longue liste des inventeurs des < arts· divers : toutes ces inventions étant antérieures au moyen ftgc, il n’y avait paa à donner des noms du moyen ûgc, sauf pour la théologie, où Jean Scot ajou­ tait sullïsammcnt à la théologie d’un Linus ou d'un Varron pour figurer parmi les inventeurs. Par ail­ leurs Hugues sc sert de la traduction de la Hiérar­ chie céleste due à Jean Scot ct relève, nous l avons vu, la traduction défectueuse d'un mot : là sc borne l’uti­ lisation de Jean Scot. Les recueils de Sentences issus du cercle d’un Guillaume de Champeaux ct d’un Anselme de Laon ont plus de rapports avec la syn­ thèse tbéologique de Hugues. Cf. M. Gnibiuann, op. ciL, p. 157-160. 11 a subi l'inOucncc de saint Anselme. Non qu’il le suive en toutes choses : nous savons qu il rejette sa thèse sur la nécessité de l’incarnation, ct le silence gardé sur le fameux argument du Proslogion prouve qu'il ne le tient pas pour valable. Mais la manière dont il s’élève à la connaissance de Dieu, en partant de l’àme ct en usant de la méthode ration­ nelle, est bien anselmienne. Le De gratia ct libcro arbitrio de saint Bernard a plus d’un écho dans les chapitres de Hugues sur le libre arbitre. De sucramtn· tis, L I, part. V, c. xxi-xxn; part. VI, c. xi, col. 255256» 272-273. Pour le baptême, il y a mieux : I Iugucs ayant consulté Bernard sur l’enseignement oral de quelqu'un qu’il ne nommait pas, mais qui était sans doute Abélard, relatif au baptême et à d’autres ques­ tions, Bernard ré|>ondlt par l’Ad Hugonem deSanao Victore epistola seu tractatus de baptismo aliisque qmrstionibus ab ipso propositis, P. L., t. clxxxii, col. UXU1046. Voir t. n, coL 755, 764. Hugues s'appropria, sans mentionner Bernard, tout un passage de ce traité, dans le De sacramentis, I. I, part. X, c. vi, col. 336-338 (reproduit P. L., t. clxxxh, col. 1038-1041). Un cha­ pitre de 1’Eruditio didascalica, 1. V, c. x, col. 798, sur h's trois catégories de lecteurs de ΓÉcriture, est une paraphrase d'un texte célèbre de saint Bernard, In Cantico, senn. xxxvi,c. ni, P. ci^cxxm, col. 968. Hugues procède de mémo cnversBernard do Chartres, qui avait énuméré les qualités requises pour l’étude dans trois vers que nous connaissons grâce à Jean de Salisbury, Polyrraticus, I. VII, c. Χ1Π, P. L., t. cxcix, col. 666 : Xfrnt humilts, studhun qutrrcndt, utta quteta, Scrutinium secretum, paupertas, terra aliena, Hire reserare solent mullis obscura legendo. L’Eruditio didascalica, 1. III, c. xiv, coi. 778-778» sans allusion à Bernard de Chartres, développe de point en point ce programme. Hugues, Λ la ressem­ blance de la plupart des scolasticpics, ne nomme jamais ses contemporains; il les désigne, ceux prin­ cipalement dont il conduit l'opinion, de cette manière vauuo : quidam dIcunt. Ainsi fnlt-ll envers Abélard, qu’il réfute çà et là. Cf. G. Robert, Les écoles cl Γνηstdgncmcnt de la théologie pendant la première moitié du xn· siècle, p. 30. 227. Manifestement les idées nbélnrdirnnrs solüclteut son attention et stimulent sa pensée; Abélard in fine sur lui, ne serait-ce que par réaction. Peut-être hd doit-il un progrès de méthode. Hugues, en général, n’invoque pas l’autorité dos Pères. Pourtant une première fois il s’excusa do donner son avis en une matlèredlfficHe où 1rs Pères sont en désaccord. De sacramentis, 1 I, part. I, c. n, col. 187-188. I C vi, col. 376-381, qui n’rd qu’un recueil de textes mis 293 HUGUES DE SAINT-VICTOR boni a bout mhil adjicientes, dlt-11, utpole qui nec suf]tetentes invenimur ad ta qiue dicta surd ab illis. CA, aussi I. Il, part. VI, c. n, col. 416. Plus loin, dans les traités du mariage ct des fins dernières, les Pères sont cités fréquemment. Ce n’est pas encore à la façon d'Abélard, qui sera imitée dans la Summa sententiarum, et qui consiste a exposer d'abord les autorités pour ct contre dans chaque question, quitte à les concilier, si c’est possible, ct h sc ranger à l'opinion qui parait la meilleure. Déjà, et de plus en plus à mesura qu'il s’achemine vers le tenue de son œuvre, Hugues est impressionne par i importance de l’ar­ gument patristlque. Il n’est pas téméraire de penser qu'Abélard est pour quelque chose dans ccttc orien­ tation nouvelle. 2. Las sources de la Summa sententiarum. — Autant le De sacramentis est sobre, sauf les exceptions Indi­ quées, en références patriotiques, autant la Summa sententiarum les multiplie. Le but de l’auteur l’exige. Il veut < rendre compte de sa foi et de son espérance » avec la modestie ct la réserve qui s’imposent : aussi annonce-t-il, prœf., col. 41-42, que, partout où il le pourra, il suivra les autorités, que, là où manquent les autorités certaines, il sera avec ceux qui s'appro­ chent le plus des autorités existantes. 11 est fidèle à sa résolution : l’argument d'autorité triomphe dans la Somme, et si, d’aventure, à son défaut, une opinion a été émise, ce correctif arrive, tr. V, c. vî, col. 133 : Scd,quia non habemus inde auctoritatem, divino judi· cio relinquamus. Il serait très difficile, smon impossible, de dresser une liste parfaite des auteurs employés. L’édition de la Summa sententiarum est trop défectueuse ct un trop grand nombre des sources qu’elle utilise sont mal éditées ou inédites pour qu’on puisse aller à coup sûr. Puis, elle n'avertit pas toujours de scs emprunts : elle reproduit sans le dire la pensée cl parfois les expressions non seulement des œuvres de Hugues de Saint-Victor, mais encore d’autres auteurs; par exemple, celle phrase : Judici, quamvis manu Chris­ tum non occiderunt, Unguis suis tamen occiderunt, tr. IV, c. iv, col. 122, est manifestement inspirée de saint Augustin. Enarrationes in psalmos, ps. lxïit, n. 4, P. L., t. xxxvi, col. 762-763. Ou bien la Summa allègue des autorités sous des formes très vagues: tegimus, legitur, ita sancti solvunt, sancli exponunt, auctoritas dicit, qiurdam auctoritates dicunt, etc. L’iden­ tification est parfois aisée, par exemple, tr. I, c. xi, col. 58: habetur in illa auctoritate : in essentia unitas et in personis proprietas (préface de la Trinité); c. xv. col. 71 (symbole de saint Athanasc). Elle ne l'est pas toujours. En outre, la Summa ne désigne jamais que de la sorte les théologiens qu’elle attaque: quidam dicunt. Dans plus d’un ens on volt vite qu’il s’agit, par exemple, d'un Bérenger de Tours, tr. VI, c. v, col. 141-142, ou d’un Abélard, tr. I, c. vin, col. 51 : quidam tamen de ingenio suo prirsumcnles dicunt...; et. Abélard, Introductio ad theologiam,}. Ill, c. xm, P. L., t. ci.xxviii, col. 1001. Mais souvent on ne sait qui elle x isc. De môme dans les nombreux passages où elle dit : soient quidam opponere, solet quart, etc. Là où clic donne les noms des écrivains, l'identification des textes n'est pas sans difficultés, soit qu’ils soient pris dans des apocryphes,soit que la citation ne soit pas textuelle, mais sc borne à rendre l'idée de l’auteur. Cf, dom A .13 eau gendre· P. L., t. clxxt,co1. 1067-1068. Sous le bénéfice de ccs observations, voici le compte, au moins approximatif, et, croyons-nous, plus exact que relui qui est found par M. Grabmann. Die Gc~ schichte der scholastischen Methode, t. n,p. 91, d’après les notes marginales d’un manuscrit de la biblio­ thèque de l’université d’Erlangcn, des textes mis en avant. Saint Augustin est cité 201 fols, saint Gré­ 294 goire 29, saint Ambroise 28 (y compris les cilations du De sacramentis qu'avec tout Je moyen âge Hugues attribue à saint Ambroise), saint Jérôme 23, saint Isidore (14, saint Bèdc 8, Origènc 4, saint Cyprien 3 fois (deux à travers saint Augustin, une à travers Haymon d’Halberstadt), Boèce 3 (il n’est nommé qu'une fois, ct deux fois est reproduite sa définition de la personne), le pseudo-Denys, saint Léon et Haymon d'J lalbcrstadt chacun deux fols. Ont une ci­ tation unique Platon, Cicéron, sept papes (quelques textes apocryphes; une huitième citation sc présente ainsi, tr. V, c. vm, col. 133 : romanus ponti/ex, ct une neuvième, c. x, col. 136 : aliorum decreta), deux con- Λ elles, saint Prosper, Paul Orose, saint Fulgence, le pscudo-Euscbo d'Éinèse (en réalité Fauste de Riez)· la Vie de saint Basile, Ruban Maur, saint Anselme ct Gilbert de la Porrcc. En tout 340 textes, parfois assez longs, dans un ouvrage qui occupe 113 colonnes de l'édition de Mlgne· Ccs chiffres coïncident à peu près avec ceux des citations faites par Pierre Lombard au IV· livre des Sentences, cf. J.Annat, Pierre Lombard et ses sources patnstiques, dans le liullctin de litté­ rature ecclésiastique, Paris, 1906, p. 86 ; par Gautier de Mortagne dans le De sacramento conjugii, devenu le tr. Vil de la Summa sententiarum, ctpar Hugues dans le De sacramentis. La principale autorité est saint Augustin. Cf. M. Grabmann, op. cit., p. 88-90. Gré­ goire le Grand. Ambroise ct Jérôme viennent ensuite, presque au mémo rang, ct, après eux, saint Isidore; puis saint Bède. Les autres Pères apparaissent rare­ ment; les Pères grecs tout particulièrement restent dans l'ombre. Un bon nombre de ccs textes sont fournis par les recueils canoniques. Tous ne sont pas authentiques; cf., pour la Summa senten­ tiarum, J. Tu miel. Histoire de la théologie positive depuis l'origine jusqu'au concile de Trente, p. 413.418, 421, 428, 436, 4 15. La Summa sententiarum ne nomme pas, selon l’usage, les contemporains dont clic com­ bat la doctrine, pas même Bérenger, mort depuis longtemps, ni les bérengariens du xn· siècle, tr. VI, c. v, col. 141; mais, contrairement aux habitudes, elle se réclame de l’autorité d’un quasi-contemporain, saint Anselmo, tr. V, c. v, col. 132; cf. sur ce texte, J. Annat, Inc. cit., p. 89, ct même d'un contemporain. Gilbert de la Porrée, tr. I, c. xir, col. 64. Hugues, le premier, dans le De sacramentis, I. II, part. XIV. c. i, col. 552, avait demandé à la tradition des renseigne­ ments nu sujet de la confession ; la Summa sententia· rum, tr. VI, c. x, col. 147, enrichit d’un texte d'· un | trèsgrandévêque », qui est saint Ambroise, cc dossier , patristlque. Cf. J. Tumid, op. cit., p. 453. Quand elle ne puise pas directement aux sources traditionnelles, la Summa emprunte scs textes non seulement aux collections des canons, mais encore au De sacramentis ct aux écrits d'Abélard. Cf. J. Tunnel, op. cit., p. 381382; P. Clacys-Bouüaert, Herue d'histoire ecclésias­ tique, t. x, p. 710-714. Avec des textes la Summa doit à Abélard des idées. Non qu’elle adopte toute la dogmatique abélardlenno; un peu partout Abélard est combattu. Mais un pou partout aussi des emprunts lui sont faits. Les principaux portent sur la doctrine trinitalrc, la foi, l’espérance, la charité, la revivis­ cence des péchés. Cf. E. Kaiser, Pierre Abélard cri­ tique, p. 286-308. 2° Les témoignages sur Hugues. — Les victorlns qui publièrent, en 1648, les œuvres de Hugues réuni­ ront, selon une coutume alors générale, une gerbe d'anciens testimonia sur leur auteur. Cf. P.L., t. clxxv, col. clxîii-clxviîî. Si riche qu'elle soit, elle est loin d’a­ voir tout recueilli, ct Usera facile, sans viser à être com­ plet, d’ajouter bon nombre de témoignages expressifs. Très admiré, Hugues n'échappa point à la contra­ diction. Un anonyme du xv· siècle, probablement un 295 BUGLES DE SAINT-VICTOR dominicain, entreprit de montrer que VExpositio in regulam H· Augustini, où il voyait l’œuvre de Hu­ gues, contient quatorze erreurs· Ci. Hugonin, P. Λ., t. clxxv col. ex. Vers 1180, fauteur du Liber de vera philosophia dénonça, nous l avons dit, seize propo­ sitions de la Summa sententiarum mise sur le compte de Hugues. Les corni Helens, que Hugues jugea sévè­ rement, sans les nommer du reste, attaquèrent, au rapport de .Jean de Salisbury, qui nous les présente d’une façon si vive, cf. E. Buonaiuli, Giovanni di Salisbury e le scuole filosofiche dei suo tempo, dans la Rivista storico-crihcd délie scienzc teologiche, Home, 1908, t. iv, p. 389-391. les meilleurs maîtres du temps, Anselme et Raoul de Laon, Albéric de Reims, Simon de Paris, Guillaume de Champeaux; vix parcitur magistro H agoni de Sancto Victore, dit-il, Metalogicus, I. I, c. v, P. L., t. cxcix, col. 833, et hoc quidem magis propter habitum religionis quam propter reverentiam scientia? aut doctrine?· Ainsi les adversaires de Hugues osent à peine s’en prendre à lui. Les admirateurs, eux, s’expriment en toute liberté. En premier lieu paraissent ceux qui viennent de Saint-Victor. Hugues est loué dans la belle lettre d’Osbcrl sur sa mort, P, L., t. clxxv, col. clxii-clxiii, cf. Γ Indiculum omnium scriptorum magistri H agonis de S. Victore, dans les Recherches de science religieuse, t. ir, p. 283; dans l’épitaphe composée par Simon Chèvre-d'or, cf. Histoire littéraire de la France, t. xn, p. 6, -190-191 (remarquer toutefois que Simon ne fut peut-être pas un victorln, cf. Eourier Bonnard, Histoire de l'abbaye royale de Saint- Victor de Paris, 1.1, p. 139, n. 1); une Chronique anonyme d’un victorln de la fin du xn· siècle, P. L., col. clxv, cf. Fourier Bonnard, Histoire de l’abbaye royale de Saint-Victor de Paris, t, i, p. 113; le Memoriale de Jean de Paris, P. L., col. clxvi; ci. J. de GhelHnck, Recherches de science religieuse, t. i, p. 271, note; le nécrologe de SaintVictor, P. L., col. clxhi-clxv; au commencement du premier catalogue publié par B. Hauréau, P, L., col. cxliii; à la lin du second catalogue qui devait figurer sur le tombeau de Hugues, P. L., col. clii; surtout par le plus illustre des victorins après Hugues. Richard, qui le désigne de la sorte, sans le nommer, Renjamin major, I. I, c. iv, P. L., t. c.xcvi, col. G7 : sicut prœcipuo illi nostri temporis theologo placuit, et en le nommant. Tractatus de spiritu biasphemia, P.L., t. exevi, col. 1189 : magni illius, magistrum Hugonem loquor, noslri temporis theologi. Voici, maintenant, les chroniqueurs, les historiens de l’Église ou de la littérature ecclésiastique· Ce sont, avec Jacques de Vil ry, qui, on s’en souvient, appelle Hugues « harpe du Seigneur ■ et « organe du SaintEsprit », les chroniqueurs Sigebert de Gcmbloux, Robert du Mont, Albéric des Trois-Fontaincs, Jac­ ques de Voragine, Richard le Poitevin, Robert Abolant d’Auxerre, dans les Monumenta Germaniœ histo­ rica. Scriptores, t. vi, p. 452, 495; t. xxm, p. 828; L xxiv, p. 170; t. xxvr, p. 81, 235; les auteurs ano­ nymes des Annales Doreuses, op. cil., t. xxvn, p. 523 ; de la chronique publiée dans le Recueil des historiens des Gaules d de la France, Paris, 1781, t. xn, p. 120 (transcrit presque littéralement Richard le Poitevin); de la chronique de Morigny, op. cil., t. xn, p.86; de la chronique de Jumlègcs, p, JC., col. clxv; les autres chroniques indiquées par J. de GhelHnck, Recherches de science religieuse, t. i, p. 270, n. 3; Sigefroy de Meissen. Vinrent de Beauvais, le pseudo-Henri de Gand, Trlthèmc, saint Antonin, Werner Rotewinck, P. L., col. cLxvi-cLxvm. Hugues ne fut le second d’aucun de ses contemporains, ç'a été un nouvel Augustin, un des luminaires de la France, il fut aussi saint que savant, tel est le sens et telles sont quelques-unes des I expressions de ces témoignages. 296 Écoulons A leur tour les théologiens, les auteurs ascétiques et mystiques, les polygraphes. Sans parler île ceux que nous retrouverons en traitant de l'in­ fluence (le Hugues, Thomas de Cantimpré, Itonum universale de proprietâtibiu apum, I. Il, c. xvi, Douai, 1597, p. 174, enregistre, le premier peut-être, l’appel­ lation de secundus Augustinus id est secundus ab Augustino. Geoffroy d’Auxerre, énumérant les hommes sages et lettrés qui ont honoré l’Église, Libellas contra capitula Gilbcrli, P. L., t. clxxxv, col. G1G, mentionne fidelissimum divini verbi tractatorem Hugonem dt S. Victore. Dans le Speculum juturorum temporum ou Penlachronon, extrait des œuvres de salute llildegarde, Gebenon, prieur d'Ebcrbach, dans J.-B. Pitra, Analecta sacra, Mont-Cassin, 1882, t. vin, p. 488, qualifie son temps de «vil et misérable», mais ajoute que toutefois des saints y ont fleuri, tels que, en France, Bernard, abbé de Clairvaux, maître 1 Iugues et maître Richard de Saint-Victor. Pierre de Celle, Epist., L VH, epist. xix, P. L., t. ecu, col. G10, l’asso­ cie ù saint Bernard, ù Gilbert de la Porrée et à maître Pierre (vraisemblablement Pierre le Mangeur) comme étant, panni les auteurs récents, de ceux qui méritent de plaire, in quibus nec rosa? nec lilia desunt. Le domi­ nicain Gui Vernani, dans son commentaire inédit sur la bulle Unam sanctam, cité par M. Grabmann, Die Geschichtc der scholastischcn Methode, t. n, p. 258, se réclame de l’autorité de Hugues, magnas et authen­ ticus doctor Ecclesiae Durand de Mende, Rationale divinorum officiorum, 1. IV [c. xli], Lyon, 1481 [fol. xc />]. l’appelle doctor excellentissimus. Gerson, De libris tegendis a religiosis, dans scs Opera, Paris, 1G06, t. i, col. 571, nomme Richard de Saint-Victor (à qui il attribue inexactement le De area mystica), et déclare inutile d’énumérer toutes ses œuvres, nihil enim composuit nisi divinum edoctus a prœccptorc suo doctore celeberrimo Hugonc de S. Victore, cujus opus­ culum De oratione... superat omnem laudem ; cf. An­ notatio doctorum aliquorum qui de contemplatione loculi sunt, t. iv, coi. 97. 11 applique à Hugues l’épithète de venerabilis, col. 572, qu'on rencontre aussi dans la let­ tre d’Osbert, P. L., t. ccxxv, col. clxii; dans le récit d’un miracle de l’an 1325 attribué ù l’intercession de Hugues, P. L., t. clxxv, col. c.lxhi-c.lxiv (avec la variante venerandus); dans le titre d’un manuscrit de la Practica geometrice, cf. P. Tannery, dans Fourier Bonnard, Histoire de Γabbaye royale de Saint-Victor de Paris, 1.1, p. ix; dans la \ ic de sainte Lydwine par frère Jean Brugman. Acta sanctorum, 3· édit., Paris, 18G5,aprilis t.n.p.281, et, jusqu'il huit fois,dans l’ano­ nyme Apparatus ad vulgarem Rabani Allegoriarum editioncm, publié par J.-B. Pitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1855, t. ni, p. 438, 439, 441, 412, 443, 4 14, 445. Denys le Chartreux, Commentaria in librum De cœlesti hierarchia, c. vu, n. 32, dans Opera omnia, Tournai, 1902, t. xv, p. 124, s’empare également du venerabilis Hugo, ainsi que le carme Thomas Netter (Waldensis), Doctrinalis antiquitatum Ecclestæ Jesu Christi, t. n. De sacramentis, c. xlviu. lui, Paris, 1521, fol. 48a, 52 b. Denys le Chartreux, op. cil··, c· ni, a. 19, p. 78, exprime un fort étonnement de ce qu'Albcrt le Grand a prêté une grave erreur sur tes anges fidelissimo doctissimoque Hugoni qui, ob eminentiam suæ scientkr, dictus est secundus scii alter Augustinus· La formule : ♦ un nouvel Augustin » est légèrement modifiée dans Sixte de Sienne, Ribliotheca sancta, \. IV, Paris, 1610, p. 250 : Hugo vlctorinus.,., vir divinarum et humanorum litterarum exquisita eruditione claris­ simus, et Augustini doctrina? ac phraseos usque adeo aemulator ut Augustini lingua eruditorum sui temporis adagio dictus sit. Mellon i part des tbéolm ’rn qui sont hors de rang. Dante, theologus Dantes, montre, dan i son Paradiso, 297 HUGUES DE SAINT-VICTOR c. xn, V. 133, Hugues en compagnie de saint Bona­ venture et d'autres bienheureux Ugo du San Vitlure e qui can élit. Saint Bonaventure a vanté souvent Hugues de Saint-Victor» jamais avec autant d’éclat que dans le De reductione artium ad thcotogtam,dans\esOpcraomnia, Quarucchi, 1890, t. v, p. 321 : il dit que la science sa­ crée comprend trois parties, le dogme, la morale, lu mystique· représentées principalement la première par saint Augustin, la deuxième par saint Grégoire, la troisième par saint Denys ; A nsdm us sequitur Augustinum, Bernardus sequitur Gregarium, Richardus sequitur Dionysium, quia Anteimus in ratiocina­ tione, Bernardus in prædicatione, Richardus in con­ templatione. Hugo vero omnia hire. Saint Thomas, Sum. theol., lla 11®, (j. v, a. 1, ad l1110, à l'occasion d’un pas­ sage de Hugues qu'on objecte, a ce mot qui va loin : quamvis dicta Hugonis de S. Victore magistralia sint et robur auctoritatis habeant. Faisons, cependant, làdessus deux observations. D’abord, il ne faut pas conclure que · saint Thomas, c’est tout dire, le regar­ dait comme son maître », Histoire littéraire de la France* t. xn, p. 4; cf. U. Battus, Revue bénédictine* l. xv, p. 109, mais seulement comme l’un des maîtres ayant autorité dans les écoles. Puis, il n’est pas très sûr que ce texte soit bien celui de saint Thomas. P. Rousselot, dans les Études, Paris, 1911, t. cxxxix. p. 418, observe que l’édition léonine de la Sum/na theo­ logica porte, ù cet endroit : quamvis dicta Hugonis de S. Victore magistralia sint, robur auctoritatis non habent. Appuyée par plusieurs manuscrits, cette leçon fournirait ce sens plus naturel : Hugues n’est qu’un professeur, un maître, et non un saint Père, non un de ces dodorcs authentici dont la parole s'impose; et tamen potest dici, on peut toutefois sauver sa formule. Quoi qu’il en soit de ce dernier point, saint Thomas, s’il n’est pas à proprement parler, le disciple de Hu­ gues — H discute plus d’une de ses opinions, et de l’une d’elles, De sacramentis, I. I, part. VI, c. xxxvi. col.281,il dit carrément, InJV ScnC.l.lII,dist.XVIH, q. i : hoc non videtur inlclligibtte—le tient en grande estime, Je cite volontiers et s’applique à montrer que leurs pensées ne sont pas en désaccord. Enfin, au concile de Latran, Innocent III, ù ce que rapporte Jean de Paris, approuva solennellement les ouvrages de Hugues, en compagnie de ceux de saint Anselme, de saint Bernard, d’Adam et de Richard de SaintVictor, de Pierre Lombard et de Pierre le Mangeur. Cf. Fourier Bonnard, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Vletor de Paris, t· î, p. 292. Dans les temps modernes, les témoignages d’ad­ miration envers Hugues sont innombrables. Passant sous silence ceux, en prose et en vers, qui parurent dans l'édition des œuvres de Hugues en 1526· cf. P. L., t. clxxv, col. clî-clx, allons tout droit à Bos­ suet, niann, op. cit., p. 371-391. Pierre Lombard a été le maître do théologie du moyen ûgo : en l'écoutant, des multitudes scolaires entendirent sous cul Hugues do Saint-Victor, et les théologiens qui furent ses disciples, tel un Pierre de Poitiers, ou qui dépendirent de lui, comme il est prousé que ce fut le cas pour Gandulphc de Bologne, voir J. dc Ghellinck, t. Vî, col. 1146-1149, et Le mouvement théotogique du ΧΙΓ stéde, p. 191-213, sc rattachèrent par là meme au docteur victorin. « Singulière destinée dc ce mystique qui. en théologie, en histoire, en droit canon, en péda­ gogie, en ascétisme, etc., sc place parmi les esprits les plus ouverts et les plus féconds de son siècle, au point, dit J. de Ghellinck, p. 365, d’allmen tel pendant plusieurs générations, à Paris et à Bologne, les écrits des dialecticiens, des canonistes et ties théologiens. » 2. Apres le jrzz· siècle. — Avec le cours du temps rinlliience directe dc Hugues s'amoindrit. Pierre Lombard et ensuite les grands théologiens du xtn· siè­ cle, et, en première ligne, saint Thomas, dirigèrent le mouvement intellectuel. Hugues ne fut, cependant, pas oublié. Les manuscrits des Sentences dc Pierre Lombard continuèrent do recevoir des annotations marginales où In part du victorin dans la codification dogmatique fut indiquée. Cf. J. dc Ghellinck, Le mou­ vement théologiqut du XII9 siècle, p. 228, 230, 731, 23G, 237. Il figure parmi les autorités théologiques dans la Summa de sacramentis conservée manuscrite à Munich et, d’une façon générale, dans la scolastique du xiix® siècle. Ci. M. Grabniann, op. cit., p. 489, 562. Vers le commencement du siècle, dans un traité contre les partisans d’Amaury de Bène, Garnier de Bochefort, évêque dc Langres, transcrit un passage de Hugues. Voir t. v, col. 1277. Dans la première moitié du siècle, Guillaume d’Auvergne s’inspire, maladroi­ tement du reste, du De claustro animx,qu*ï\ lui attri­ bue, sinon dans l'édition des deux traités De claustro anime que J. Cllchtovc donna chez Henri Est tonne» Paris, 1507, du moins dans un manuscrit dc la Bi­ bliothèque nationale. Cf. N. Valois, Guillaume d‘Au­ vergne, évêque de Paris, Paris, 1880, p. 170, 201,218219. Voir aussi K. Werner, Wilhelms von Auvergne Verhûltniss zu den Platon ikern des XII Jahrhundcrls, Vienne, 1873, p. 50-53. Saint Thomas le cite souvent; et., par exemple, In IV Scnl.,\. IV, dist. XV, q. iv. Hugues fut goûté dans l’école franciscaine : Alexandre de Halés s’attache volontiers à son enseignement· Voir 1.1, col. 779, 782. Dc même et plus encore, saint Bona­ venture, dont on a lu plus haut le jugement admiratif sur Hugues; dc même aussi Mathieu d’Aquaspartn, qui cependant s’écarte parfois dc scs conclusions. Cf. M. Grabmnnn, op. cit., p. 262, 265, 272, 280. Le saintsiège canonise, en quelque sorte, sa doctrine sur les rapports du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel par l’insertion dans la bulle Unam sanctam du texte qui la formule. Un autre passage du De sacramentis, 1. I, part. IX, c. m, col. 319-322, sur les motifs de l’institution des sncrcinents,obtlnt une consécration scml-ofilciclle de I* Église, en ce sens que l’explica­ tion dc Hugues, nprès avoir possédons la Summa sententiarum, tr. IV, c. I, col. 117-118, dans Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. I, dans saint Thomas, Sum. theot., Ill·, q. lxi, n. 1, et dans une foule de scolastiques, n été introduite dans le catéchisme du concile de Trente. De sacramentis, Venise, 1575, p. 150- 302 152. Thomas Netter (Waldensis), dans le gros ou­ vrage que, avec l’approbation de Martin V, il publia contre les hussites et Widif, allégua sousent l’auto­ rité dc Hugues. Cf., en particulier, Doctrinalis anti­ quitatum Eedesix Jesu Christi, t. n, /Je sacramentis, c. lxxxii, Paris, 1521, fol. 85-8<>a, sa discussion d’un passage dc Wichf, De eucharistia, c. tu, disant que les affirmations de Hugues sur les accidents eu­ charistiques, De sacramentis, 1. II, part. VIII, c. ix, P. L., L clxxvî, col. 468, incusserunt mihi formidtnem. Dans ses commentaires sur Pierre Lombard cl dans tous scs ouvrages, Denys le Chartreux recourt si fréquemment à l’autorité dc Hugues que les tables des matières de la récente édition de ses œuvres com­ plètes donnent,à chaque volume, deux Ou trois réfé­ rences et englobent le reste dans un etc. éloquent. La théologie scolastique n’est pas seule A s· servir des écrits du victorin. La disposition parallèle dc la chronologie des papes et de celle des empereurs, qui caractérise sa Chronique, est adoptée par divers cata logucs des papes et des empereurs et finalement par la Chronique de Martin Polonus. Cf. E. Michael, Gcschichte des deutschen Volkes vom dreizehnten Jahrhundert bis sum Ausgang des M ittelalters, Fribourg-cn-Brisgnu, 1903, t. ni, p. 384-385. Dans les prédications véhémentes qu il prononce à Strasbourg, en 1498, sur la Stultifcra naris de Sébastien Brandi, Geller de Kalscrsbcrg glisse un passage de 1 'Eruditio didascalica, I. H I, c. v, col. 769, contre les faux savants. Navicula sive speculum fatuorum, serm. xxxi (prêché le 29 mors), Strasbourg, 1510 [fol. 55]. Cf. M. Grab­ mann, op. cit., p. 243-244, note. L’Apparatus ad vul­ garem Haban i Allegoriarum edilioncm, public par J.-B. Pitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1855, t. ni, p. 436-145, et qui pourrait appartenir au xiv· siècle, n’est guère qu’un centon de textes de Hugues sur l’étude de l’Écriturt. La plupart des auteurs mystiques sont plus ou moins ses disciples, ou directement ou à travers Richard dc Saint-Mclor, qui fut un peu, dans le mysticisme du moyen âge, l’équivalent dc Pierre Lombard dans le dogme. L’hypothèse d’après laquelle les frères du libre esprit sondent » un sauvage rejeton de la mystique iuomi· cale des vlclorins * est dénuée de fondement. Voir t. vî, col. 803-804. La mystique orthodoxe, nu con­ traire, a un solide point d’attache à Saint-Victor. Saint Bonaventure, dont le rôle fut capital, lui doit beaucoup; son Soliloquium est une imitation du Soliloquium de arrha animsc dc Hugues, voir t. n. col. 972, et son itinerarium mentis m Deum rappelle Richard.Lo poète allemand qui amplifie,dans Le petit livre de la fille de Sion, nu xni· siècle, le traité lutin d'un anonyme portant ce même titre : /xr fille de Sicr, procède dc Hugues et de saint Bernard. Cf. E. Michael, Gcschichte des deutschen Volkes, t. ni, p. 150. Au monastère d’Holfta, sainte Gertrude et ses compagnes lisent, avec saint Augustin et Mint Grégoire.saint Ber­ nard et Hugues de Saint-Victor. Cf. L. Enure-Goyau, L*école d'IId/ta : les deux Gertrude, les deux Mcchtilde, dans Christianisme et culture feminine, Paris, 1914, p. 200. D’après A. Loth, L'auteur de l Imitation. Nou­ velles recherches sue l'époque et le lieu où Γ Imitation fut composée, dans la Ht vue des questions historiques, Paris, 1874, t. xv, p. 98, ■ avec suint Bernard, Hugues de Saint-Victor, le docteur du mysticisme français..., n souvent inspiré le suave auteur. · Et L. Molaüd et C. d’Ilérlcault, Le livre [de l'éternelle consolaclon, première version française de V Imitation de JésusChrist. Paris, 1856, p. xxxxv, pensent que le Soli­ loquium de arrha animx, dans sa traduction française du xiv· siècle, · est véritablement un des précurseurs de ΓInternelie consolation ». 11 serait, croyons-nous, difficile d’établir une filiation directe entre VImitation 303 HUGI ES DE SAINT-VICTOR ct les œuvres de Hugues; du moins accordera-t-on que celles-ci ont contribué à créer un milieu propice à l’éclosion du De imitatione Christi. L’auteur de la Vie de suinte Lydwine, Jean Brugman, pour décrire les charismes de Lydwine, ne trouve rien de mieux à citer qu'un passage de Hugues, Acta sanctorum, 3· édit., Paris, 1865, aprilis t. n, p. 281 : le livre De tribus dialis qu’il allègue, ct que D. Papcbroch n’a pas réussi à découvrir, p. 283, n’est autre que le De tribus diebus,devenu le 1. VII de Y Eruditio didascalica, ct ce passage sc lit, c. xxvi, col. 835-836. Gerson, héritier de la tradition mystique du moyen âge, a pour guides préférés saint Bonaventure ct Alexandre de Halés ct, par delà le xm· siècle, Richard de SaintVictor ct 1 lugucs. Nous avons constaté déjà qu’il asso­ cie le maitrcct le disciple dans une louange commune ; dans le De mystica theologia speculativa, consider, χχι, Optra, Paris, 1606, t. in, col. 269, il reproduit, sur la notion de la contemplation, venerabilem Rlcardum qui hanc materiam elucidavit usque ad fundamentum, magistrum suum Hugoncm insecutus. Cf. Tractatum de meditatione, consider, xn; Tract, de simplifleat ione cordis, not. xv; Tract, de oculo, t. in, col. 368, 377, 400, etc. Et voici qu’à son tour, défendant Uorne­ ment des noces spirituelles de Rpysbroeck contre les critiques de Gerson, Jean de Shoenahaven invoque le témoignage de Hugues pour justifier le mariage mystique entre l'Epoux et l’épouse qu’est l’âme. Defensio, dans Gerson, Opera, t. r, col. 476. Le «doc­ teur extatique », Denys le Chartreux, Commentaria in librum De ciclcstl hierarchia, c. vit, a. 32, dans Opera omnia, Tournai, 1902, t. xv, p. 78, prend avec chaleur le parti de Hugues, que Gerson in experientia ct sapore mgsticæ th Hugues est un latiniste estimable. Sa phrase a la netteté, le naturel, souvent le rythme, parfois la rime, qu’on rencontre dans divers écrits du moyen âge, tels que ceux de Richard de Saint-Victor, cf. Histoire littéraire de la France, 2° édit., Paris, 1869, t. xm, р. 488, ou le De imitatione Christi. A cc dernier point de vue, l’étude du Soliloquium de arrha anima serait particulièrement intéressante : tantôt nous avons des sortes d’hémistiches rimés, tantôt, semblet-il, des strophes entières dont on sc demande si elles se déroulent au hasard ou selon des règles qui nous échappent. Les antithèses ct les jeux de mots à la saint Augustin, sans abonder à l’excès, ne sont pas inconnus à notre auteur; parlant de l’arche mystique, de la cellule de Pâme, il dit, De arca Noe morali, 1. IV, с. ix, col 679 : Quæ est ergo hæc area de qua (am multa dicuntur?... Numquid putas est labyrinthus? Non labyrinthus, nec labor intus, sed requies intus. Il a des procédés de style, des trouvailles d’expression, qui font que de telle formule de lui on croirait qu’elle est de saint Augustin; A. Mignon, Les origines de la scolastique, t. i, p. 130-131, cite en exemple ce bref chapitre sur l’immutabilité divine. De sacramentis, 1. I, part. III, c. xn, col.220-221 : El ascendit (ratio) el transit et probat quoniam ila est et quoniam variari cl mutari non potest Deus omnino, non enim augeri potest qui immensus est, nec minui qui unus est, nec loco mutari qui ubique est, nec tempore qui retemus est. nec cognitione qui sapicnllssimits est, nec affectu qui optimus est. Mieux encore, il a de saint Augustin le charme, le je ne sais quoi qui rayonne, qui réchauffe, qui pénètre, qui s’empare de toute l’âme, ct qui explique, autant peut-être que les ressemblances doc­ trinales, l'appellation de * second Augustin » qui lui fut décernée. On a publié, parmi les Opuscula subdiI titia de saint Augustin, divers traités composés avec «les morceaux d’Augustin, de saint Anselme, de saint Bernard, du moine de Saint Victor; relui-ci n’a pas trop à souffrir d’un pareil voisinage. Et ne sont-elles pas au'.ustinicnne* d* recent, n'expriment-elles pas I l’ardeur pour le vrai et l’enthot me pour le bien qui 305 HUGUES DE SAINT-VICTOR sont la marque du docteur d’IIippone, ccs quelques phrases que nous choisissons dans l’œuvre de Hugues et qui la résument toute? Sur l’amour de la science nous l’avons déjà entendu nous dire : Ego affirmare audeo nihil me unquam quod ad eruditionem pertineret contempsisse... Coarctata scientia Jucunda non est, et: Nescire siquidem infirmitatis est,scientiam vero detestari pravæ voluntatis. Voici comment il parle du besoin insatiable de chercher, De sacramentis,1. H, part. XIV, c. ix, col. 570 : Multœ sunl quiestiones hominum; quanul iu vivitur semper quaeritur. Qui enim quaerti nondum invenit quod qurerit, et tamen quænl quia ami­ sit quod quierit, et, st non amisit quia /orte nunquam habuit, tamen quamdiu qiuenl significat se nondum habere quod quærit. Propterea quamdiu vivimus neccssc habemus semper quærere, quia nondum totum habemus quod habere debt mus. Toute la suite est à voir: Quid est autem hoc quod quærere debemus nisi veritas ct bonitas? Hugues développe admirablement cette pensée, col. 570-571 : Nescio quo pacto Jamiliareomnibus est veritatem quærere, etiam its qui bonitatem non amant... Multi sine bonitate veritatem quærunt, sed socia veritatis est bonitas. Non venit libenter sine bonitate veritas, aut, si venit,non venit ex partibus illis ct de regione illa ubi salus est. Hugues est un chercheur intrépide : il ne recule pas devant une tâche ardue ct laborieuse, ct d’avoir à ouvrir des sentiers non battus il ne s'arrête pas. Cf. De sacramentis, 1. I, part. I, prol.» col. 187: De arca Noe morali, 1. Ill, c. xv, col. 661. Mais cette audace est humble : judicio meo exiguum est ct con­ temptibile quidquid facere possum in domo Domini. Adnotalioncs clucidatorix in Pentateuchon, c. i, P. L. t. clxxv, coi. 29. Et celte recherche se tourne vers Dieu ct vers le salut, vers Dieu, notre sol ct notre patrie», humus namque cl patria nostra Drus est, De area Noe morali, 1. HI, c. iv, col. 650, vers le salut sans lequel tout n'est rien, logica, mathematica el physica veritatem quamdam docent, sed ad illam veritatem non pertingunt in qua salus anima; est, sine qua frustra est quidquid est.De Scripturis ct scriptoribus sacris pncnotatiunciiliv, c. i, P. L., t. clxxv, coi. 9. De Ia fatigue qu'elle produit Hugues sc repose en priant : quia longius sermo processit, paululum respiremus, simul orantes, De arca Noe morali, 1. Ill, c. xvm, coi. 616. Et, parce qu’il s’est plu ή vivre avec Dieu, de ccs régions lumineuses il rapporte la lumière : Scd eccc, dum de illo intimo divinic contemplationis secreto revertimur, quid nobiscum afferre poterimus? Quid nisi lucem de regione lucis venientes?... El quis scire poterii quod ibi fuimus si illuminati non redimus? Appareat ergo quod ibi fuimus, appareat quod ibi vidimus. I. (Euvnra, — L’édition princeps. Incomplète et défec­ tueuse, des œuvres de Hugues do Saint-Victor parut A Paris, cn 1518.cn 1 in-fol. En 1526 fut publiée, égale­ ment A Paris, par les soins des victorius, une nouvelle édi­ tion cn 3 in-fol.; puis vinrent, toujours cn 3 in-fol., les édi­ tions de Thomas Gnrzonl, chanoine régulier de Saint-Jean de Lntran, Λ Venise, 1588; les éditions de Cologne ct de Mayence cn 1617; la nouvelle édition des Vlctorins, à Paris, cn 1618. Cette dernière n été reproduite, avec un ordre nouveau, dons Mignc. P. L., t. clxxv-clxxvii. Une édition critique est bien désirable. Sur les anciennes éditions des œuvres diverses, voir L.Hnin. Repertorium bibliographicum, Stuttgart, 1831, t. nî. n. 9022-9028; Coplngcr, Supplement to Hain, Londres, 1895, t. i. n. 9022-9028; t. il a, n. 31933197; t. n b, n. 9023; sur les éditions ultérieures, cf. //ütoire littéraire de la France, t. xn, p. 51-53, 699-701. Deux ouvrages ont été traduits en français : le Soliloquium de arrha animae ct V Expositio in regulam B. Augustini; la traduction du premier a été imprimée A Paris, cn 1507 (voir des fragments de la traduction de Pierre de 1 longest, prévôt d’Amiens, dans L. Molnnd et C. d’Hérlcault, tr livre de rtnlernelle consolacion, Paris, 1856. p. xxxv-xxxvn), celle du second, œuvre du victorin Ch.de M Grange A Paris, en 306 1691. B. Hauréau, Hugues de Saint-Victor, nouvel examen de l'édition de scs our titre: Liber de anima corpore jam exuta s/uc de regressu animarum ub in­ jects, ad clerum Pisanum. C’est un traité, ou plutôt un plaidoy er en faveur de l utilitc de la prière et des suffrages pour les morts, dirigé contre ceux qui pré­ tendent neque orationes neque sacrificia conferre. Comme il a etc écrit ù la demande du elergé de Bise, il se réfère sans doute à une controverse purement locale. Publié pour la première fois ù Cologne en 1540, in-8°, il est entré dans le recueil des Orthodo­ xo grapha de B Ale en 1569, puis dans les diverses éditions de la Bibliothèque des Pères, et enfln dans Aligne, P. L., t. ccii, col. 1G7-22G. Une traduction allemande a paru à I lambourg en 1579, in-1®. — 2®Son second ouvrage est intitulé ïDehicresibus quas grirci in latinos devolvunt libri très, sive quod Spiritus Sanctus ex utroque, Patre scilicet cl Filio, procidat, contra grœcos. Cet énoncé en indique clairement la nature et l'objet· Conformément au goût du temps, l'auteur accumule les textes patrlstiques favorables à sa thèse; il prend surtout ù partie Photlus, Georges de Nicomédie, Nicolas de Métlione, Nicétas de By­ zance et Théophylactc de Bulgarie. Traduit aussitôt en grec, l’opuscule exerça une très heureuse influence sur les esprits non prévenus, et le patriarche Jean Beccos lui est en grande partie redevable de sa con­ version. L'ouvrage a dû être composé aux entours de 117G, car le paj>c Alexandre 11L à qui il est dédié, en remercia l'auteur par une lettre datée de Troia le 13 novembre 1177. En outre, on voit par la dédicace du I. II, qu’au moment où elle fut écrite, Leon, frère de Hugues, venait de passer en Asie avec i’cnipercur, allusion évidente ù l’expédition de 1176 dirigée par Manuel en personne contre le sultan d'Iconium. Les tenues dont Hugues sc sert dans une lettre d'envoi au patriarche latin d'Antioche Atmcry ou Amauiy, editum a me utroque lingua librum accipite, permet­ tent de supposer que la traduction grecque de 1'ouvrage est due ù l’auteur lui-même. Publié pour la première fois Λ Bûle, en 1513, dans la V® édition des Orthodoxographa, puis dans la Bibliotheca Patrum de Paris, de Cologne et de Lyon, le traité De hicresibus græeorum sc trouve, en b tin seulement, dans Aligne, J*. L.,loc. cit.. col. 227-396, — 3°C'cst encore à Hugues qu’appartient la seconde partie du Tractatus contra gnecos, publié pour la première fois par Pierre StcVart, nu t. vu des Antiquat tectiones de Canisius, puis par les éditeurs de la Bibliotheca Patrum, et enfln, d’tino façon plus correcte, par Jacques Bnsnagc dans son Thesaurus monumentorum ecclesiasticorum et historicorum. Anvers, 1725, t. iv, p. 29-80; Ia partie provenant do Hugues est contenue dans les p. 62-79. mais 11 faudrait rechercher dans quelle me­ sure le texte meme du controversis le pisan n été respecté dans ce traité, œuvre des Pères dominicains de Constantinople. En effet, les passages cités ne sc retrouvent pas dans les (ouvres de Hugues; mais cela prouverait simplement que notre auteur a écrit con­ tre les grecs d’autres ouvrages qui paraissent perdus. D’après Trithemius, c. cccxcvm, Hugues aurait en­ core composé un opuscule De immortali Dca, qui n’est pas autrement connu. V. Chevalier, Λ ce mot, et Hurter, Nomenclator Utera- 310 rlus. t. n, coL 171. Sur la valeur doctrinale de notre auteur, qui est considérable, malgré quelque* impcrfeclions, voir J. Hcrgmrcrlhcr, Phot II Condant inopolilnni liber de Spiritus Sancti myxtagogia. Hntid>onnc, 1857, p. 138-139; on y observe que Vaccination lancée contre Hugues par Pc tau, De Trlnitate. L VU, c-n,n. 4, d’nvotr tronqué les textes de Photlus, porte entièrement à taux. t L. Petit. HUMBERT, cardinal et bénédictin, né au com­ mencement du xi· siècle, peut-être en Bourgogne, mort vers 1063. En 1015, scs parents le conduisirent ù l’abbaye de Aloycnmouticr, au diocèse de Toul, où il embrassa la vie monastique. Dès son entrée au cloître, Humbert, sans négliger aucun de ses devoirs religieux, s'appliqua sérieusement à l’étude. Donnant un soin particulier au grec. Il fut bientôt en état de traduire les écrits de cette langue. De lui, le B. Linfranc a pu dire qu’il était tnS versé dans les lettres divines et profanes. On lui doit le Libellas de sanctl Ilidulfl successoribus in Mediano monaderio. Ix pape Léon IX, qui, étant évêque de Toul. avait pu l’appré­ cier, voulut l’avoir près de lui, et, apres le concile de Reims en 1019,l’emmena ù Rome. Il lo créa aussitôt archevêque de toute la Sicile; mais Humbert ne put pénétrer dans copays, à cause des incursions des Nor­ mands, maîtres de la Pouille et de la Calabre. Le souverain pontife le nomma alors cardinal et évê­ que de Salnte-Rufine. En 1053, sc trouvant ù TranI, Jean, évêque de cette ville, lui communiqua une lettre de Michel Cérukdre, patriarche do Constan­ tinople, et de I-éon, évêque d'Acride et métropo­ litain de Bulgarie : ces prélats y énuméraient à nouveau tous leurs griefs contre l’Église romaine. Le cardinal Humbert la traduisit eu latin pour en donner connaissance à Léon IX, qui y répondit aus­ sitôt. Puis désirant rétablir 1 union entre les grecs et les latins, le pape sc décida à envoyer trois légats ù Constantinople. Pour celle délicate mission, U choisit Hiftnbcrt, évêque de Sainte-Ru line, Frédéric, archidiacre et chancelier de l’Église romaine, et Pierre^ archevêque d’Amalphi. Après être passés au Mont-Cassln pour mettre leur mission sous la pro­ tection de salnLBcnolt, les légats arrivèrent ù Constan­ tinople au commencement de 1051, et ils y furent reçus avec de grands honneurs par l’empereur Constan­ tin Monomaque. Humbert travailla aussitôt à réfuter la lettre de Michel Cérulalre et do l'évêque d’Acride. 11 remit son écrit ù l’empereur, qui le fit traduire en grec. Le légat y repousse les calomnies des grecs reprochant aux Occidentaux d’user de pain azyme, de jeûner le samedi, de manger du sang et de la chair des animaux suffoqués, d’interrompre le chant de VAlleluta pendant le carême, et il justifie les usages des latins. Cette réponse n’eut aucun résultat Elle a été publiée pour la*prcniièrc fois en 1601 par Baronius, au t. xi, p. 513, de ses Annales ecclesiastici. In-fol., Venise; édit, in-1% Bar-le-Duc, 1869, t. xvu, p. 613; et à la même date par Henri Canisius, dans ses Antiqux lectiones, in-4®, Ingolstadt, 1601, t. v, p. Ht, reproduite parBasnage, dans Thesaurus monu­ mentorum ecclesiasticorum, in-fol., Anvers, 1725, t. ni, p. 277. Ces mêmes auteurs publièrent en même temps récrit de Nicétas Pcctoratus, moine de Stude, contre les coutumes des latins, avec la réponse du cardinal Humbert. Dans son petit ouvrage, le moine grec avait montré beaucoup de hauteur et de vivacité; le légat du pape répliqua sur le même ton et fut assez heureux pour amener Nicétas ù se rétracter et ù condamner sun propre écrit. P. G., t. exx, col. 1009 et 1021; P. L.. t. cxxiii, col. 929 et 983. Voir aussi C.. Will, Acta et scripta qtur de controversia Ecclesia' grueae et lalime sivculi undecimi composita exlunt. in-4®, Leipzig, 1861, p. 3G-150. Lo Dialogus entre un romain et un 311 HLMBEKT — il LM 1L1ES const antino poli la in contre Cérulairc et Léon d'Acridc est aussi ibid., p. 93-126. Après avoir lancé une sen­ tence d’excommunication contre le patriarche Michel, les légats, qui avaient appris la mort de Léon IX, re­ vinrent à Home. Des faits qui se passèrent dans les dernières semaines de leur légation, le cardinal Humbert a laissé un court récit: Brevis et suc­ cincta commemoratio eorum quæ gesserunt apocrisiarii sanctic romanie et apostoliac sedis in regia urbe et qualiter anathematizati sunt Michael cum sequacibus suis. P.L.,t. cx . liii, coi. 1001 ; C. Will, op. cil., p. 150152. Sous les successeurs de Léon IX, le cardinal I lumbert conserva toute son influence et devint chan­ celier et bibliothécaire de la sainte Église romaine. Au concile de Borne en 1059, il fut chargé de dresser la profession dcfol que Bérenger dutsouscrire. R.Franck a édité une lettre ad Berengarium, dans laquelle le cardinal exhorte chaleureusement Γhérétique à revenir à résipiscence. Ncues Archii) der Gesellschaft far ûllcre deutschte Gcschichtskunde, Hanovre, 1882, t. vn, p. 611 sq. On a encore du cardinal Humbert trois livres contre les simoniaques. H composa cet écrit vers 1057 pour réfuter un ouvrage dans lequel un écrivain du nom de Spinosule sc prononçait en faveur des ordinations faites par simonie ou par c’cs prélats eux-mêmes simoniaques. Comme plusieurs de ses contemporains, Humbert n’hésite pas à les considérer non seulement comme illicites, mais en­ core comme invalides. Voir L. Saltet, Les réordinatbns, Paris, 1907, p. 193-196; cf. p. 186-187. Il pré­ tendait aussi que leur messe était nulle. Il cherche à inspirer une horreur profonde pour la simonie, en montrant les suites pernicieuses et les grands maux qu'elle a causés à l’Église. Ce traité Adversus sirnoniacos libri tres a été publié par dom Martène, dans The­ saurus novus anecdotorurn, in-fol., Paris, 1717, t. v, col. 629; P. L., t. cxltiî, col. 1005. Il manque les neuf derniers chapitres. Thancr en a donné une édition complète et plus soignée. Monumenta Germanies historica. De lite imperatorum et pontificum, Hanovre, 1891,1.1, p. 95-253 Zlcgclbaurr, Historia litcraria: ordinis sancti Benedicti, t. T, p. 51-61; t. n. p. 132; t. IV, p. 73, 82. 126. 210, 272. 327, 652; (dom François), Bibliothèque générale des écrivains de l’ordre de Sainl-Benott, t. î, p. 521; dom Cclllior, Histoire générale des auteurs ecclésiastiques, t. XX, p. 305-437; Histoire littéraire de la France, t. vu, p. 527; Fabricius, Bibliotheca latina inedite et in floue alatis, ln-8®, Florence, 1858, t. in, p. 281; Bibliotheca grata, in-4·. Hambourg. 1737. t. X, p. 4 13; Mabillon. Annales ordinis S. Benedicti, In-fol., Lacques. 1739, t. iv, p. 226. 421. 464.501,562; Humbert Belhominc, Historia Mediant Monasterii, in-4·, Strasbourg, 172l.p.237,239, 244.etc.; L. Jérôme, L’abbaye de Moye/imouUer, in-8·, Paris, 1902. p. 213-229; R.Fnincko, Zur Charakteristik des Cardinals Humbert von Silva Candida, dan* Neurs Archiv, Hanovre, 1882, t. Vit, p. 613 sq.; II. Halfmann. Cardinal Humbert, sein Leben, und seine W'erke, mil besondcrcr Berucksichtlgung seine* Traktates • libri tres adversus simoniacos », in-8·, Goettlnguc, 18S3; Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1003, t. I, col. 992-994; Λ. Fllche, Le cardinal Humbert de Moyenmoutirr, dans la Kevue historique, 1915. t. LXIX, p. GX; Études sur la polé­ mique religieuse d l’époque de Grégoire Vil. Les prégré goriens, Paris, 1916; R. Pnrlwt, Histoire de Ijorralne, Paris, 1919, t. I, p. 265. 289. B. IIliUHTEBIZE. HUMILIÉS. -- L Histoire. IL Doctrines. L HisTonm. — Sur les origines des humiliés des récits curent cours et furent longtemps admis de tous, dont voici les lignes essentielles. Un empereur allemand avait pris la ville de Milan, soulevée contre lui. Il emmena en captivité quelques nobles milanais qui avaient dirigé la lutte. Ceux-ci, dans leur exil, s adonnèrent en commun à la pénitence. Instruit du fait, Γ empereur les fit venir et, les voyant prosternés 312 à scs pieds, leur dit : « Vous voilà donc enfin humi­ liés. · Puis, sur leur promesse que désormais ils se­ raient fidèles, l’empereur les renvoya chez eux. 1k y continuèrent leur genre de vie religieuse, et leur» proches l’adoptèrent à leur exemple. A cause du mol de l’empereur, ils s’appelèrent humiliés. Quant nu temps où l'événement se serait produit, les opinions oscillaient entre les années 1017 et 1198. Dans un ouvrage mémorable, les Vetera humiliatorum monu­ menta, Milan, 1766-1768, le jésuite Tiraboschi consacra la première de scs sept Dissertationes prodromx a l’examen de ces opinions et opta pour la date de 1017; l’empereur était alors Henri IL Quand saint Ber­ nard vint à Milan (1135), il organisa le tiers-ordre des humiliés, composé d’hommes et de femmes res­ tant dans le monde. Puis il y eut un deuxième ordre et un premier ordre, — le premier en dignité, le der­ nier chronologiquement. Le premier ordre fut fondé par saint Jean Oldrado de Meda, lequel mourut en 1159 et est honoré le 26 septembre. Or, il semble bien que tout cela est du domaine légendaire. Le rôle de l’empereur d’Allemagne et les commencements de l’ordre qu’on y rattache apparais­ sent pour la première fois, au xv· siècle, dans trois chroniques de l’ordre des années 1419, 1421 et 1493, donc très tardives et, en outre, dépourvues de cri­ tique, sans compter que les deux dernières présen­ tent ces origines comme enveloppées d’incertitudes: Qualiter nobiles HU Lombardi (cl primi fuere Medio­ lanenses) in Alamania per quemdam imperatorem fuerunL confinai i, ut componens a suis patronis audivit voci/crari, sed propter longanimitatem (s\c) temporis nomen ignorabant, dit Jean de Brora, auteur de la chronique de 1421, c. î, dans L. Zanoni, Gli umiliatl nei loro rapport! con I'crcsia, Tindustria della lana cd i communi nei scroll xu e XIII, Milan, 191 l,p. 336, et l’auteur de la chronique de 1 193, Marc Bossl, dit à son tour : Quia... mulli conati sunt originis nostra: humiliatorum historiam diversimode texere, dédicace au général des humiliés, dans L. Zanoni, op. cil., p. 315. Les rapports entre saint Bernard et les humi­ liés ont pour plus ancien répondant le crédule com­ pilateur frà Galvano Fiamma (t après 1344), Manipuhrs /lorum, dans Muralori, Herum Italicarum scrip­ tores, t. xi, col. 632, dont le témoignage se heurte aux plus graves difllcultés. Cf. L. Zanoni, op. cit., p. 14-17. Quant à saint Jean de Meda, ce serait sans doute excessif de prétendre, avec A. de Stefano, Le origini dclT ordine degit umiliati, dans la Hivista storico-crilica délie scicnze tcologiche, Rome, 1906, t. n, p. 858, qu’il»* n’a peut-être pas même existé»; mais assurément la biographie du saint qui aété publiée par les bollandlstes, Actasanct., Paris, 1867,Septembris t. vn, p. 331-335, et de laquelle dérivent les biogra­ phies postérieures, est, selon l'expression du docte Fumagalli, Delle antichità longobardico-rnilanesi, Milan, 1792. t. iv, p. 159, tun tissu de fables et d'anachronismes ». NI 1159 n’est la date de sa mort ni l’on n’est autorisé à nfllrmer l’existence du pre­ mier ordre des humiliés avant le xin· siècle. Les documents de bon aloi relatifs aux origines des humiliés sont les suivants : 1° Γexcommunication I promulguée par Lucius III au concile de Vérone (1184) : rteos qui se humiliatos vel pauperes de Lugduno falso nomine mentiuntur... perpetuo decernimus ana! themati subjaerrr, dans Labbe, Sacrosancta concilia, Paris, 1671, t. x,col. 1737; 2° les bulles d’lnnoccnt III et de scs successeurs, dans Tiraboschi, op. cit., t. n, p. 128 sq.; cf. L. Zinonl, op. cit., p. 257; 3· neuf dot timcul publiés par I Zanoni, op. cit., p. 56-57, noie, 267-27 », qui vont de 1186 h 1 >36; 1° un docu1 ■. publié par C. Clpofln, Statuti rurali ; ronrs/, dans Γ I rchinfo veneto, Venise, 1889, t. χχχνπ, 313 Hl Ml LIÉS p. 344-345; 5° le Chrunicon unonymum Laudun nie, dans les Monumenta Germania: historica. Scriptores, l. xxvi, p. 449 (vn Jusqu'en 1219 et s'occupe des humi­ liés à in dale de 1178); 0° le Chron icon Urspergente, dans les Monumenta Germania: historica. Scripto­ res, t. χχιπ, p. 376-377 (va jusqu’en 1229; l’auteur, Burchard de Biberach, t prévôt d'Ursperg en 1226, rédigea la partie qui s'arrête A 1216; il traite des humiliés entre 1184 et la fondation des frères prê­ cheurs); 7° Jacques de Vitry, t en 1240, lettre de 1216 publiée par H. ROhricht, Briefs des Jacobus de Vi· triaco, dans la Zeitschrift /tir Kirchengeschtchte, Gotha, 1894, t. xiv, p. 102, et Historia occidentalis, c. xxvm, Douai, 1597, p. 334-337; ci. une bonne édition de la lettre de 1216 dans P. Sabatier, Speculum perfec­ tionis seu sancti Franctscl Assistentis legenda anti­ quissima, Paris, 1898, p. 296-301 (le passage relatif nux humiliés, p. 297-298); 8° Humbert de Romans, t 1277, Ad humiliatos et Ad sorores de ordine humi­ liatorum, dans Sermones beati Umberti burgundi, instituti pried i catorum, Venise, 1603, p. 36-37, 50. Que nous apprennent ces documents? Laissant de côté, pour le moment, la question de l'orthodoxie des humiliés, qui sera exposée à part, nous y consta­ tons d’abord leur existence vers 1178. Ccttc date est fournie par l’anonyme de Laon, lequel dit qu’ils étaient en Lombardie, qu’ils vivaient avec leurs fa­ milles,du travail de leurs mains, qu’ils furent nommés humiliés parce qu’ils se vêtaient simplement et ex­ cluaient de leur usage les habits teints, qui étalent alors considérés comme objets de luxe. Humbert de Romans complète l'explication de celte dénomina­ tion: bene dicuntur humiliati, quia videlicet humilem vitam laborantium ducunt, dit-il. Sermones, p. 37. Aucun texte ne fait allusion à une origine plus an­ cienne; tous suggèrent qu’il n’y a pas lieu de remonter plus haut. Ajoutons que le drap gris ou couleur de cendre, béret ino, qu’ils portaient les Ht appeler par­ fois e L erré tins de la pénitence ». Cf. L. Zanoni, op. cil., p. 57. • Humilié» signifie, dans ccttc période primitive, une personne qui se consacre A une vie parfaite de pauvreté et de labeur. Ceux qui portent ce nom se groupent en fraternités autonomes, qui vont s’élargis­ sant et aboutiront peu A peu à trois ordres religieux distincts. Passablement chaotique, ce mouvement est d’abord orthodoxe; assez vite il dégénère. Les humiliés sollicitent l’approbation pontificale. Le pape, probablement Alexandre 111, leur permet de suivre leur Idéal religieux, mais leur interdit la prédi­ cation. Précisément ils sc croyaient appelés au mi­ nistère de la prédication ; ils ne peuvent sc résoudre ù y renoncer. Lucius III les excommunie au concile de Vérone (1184). en compagnie des pauvres de Lyon et d'autres hérétiques. Innocent III s’attache A les ramener A l’Église. «Si l’on considère, dit A. Luchaire. Innocent J II. Le concile de Lalran et la réforme de l’Église, Paris. 1908. p. 166, les rapports d'innocent 111 avec la confrérie italienne des humiliés, on verra... combien il est injuste d’afllrmcr que son Ame n’était pas ouverte nux tentatives de régénération morale qui sc produisaient chez scs contemporains. » Tous les humiliés ne répondirent pas aux avances du pape: il y eut, parmi eux, des hérétiques irréductibles. Mais Il y en eut aussi, et leur nombre fut grand, qui entrè­ rent dans la Voie de la pleine soumission A l’autorité ecclésiastique. Avec l’orientation doctrinale des hu­ miliés se produisit définitivement, par les soins d'in­ nocent HI. la segmentation en trois ordres. Les chro­ niques et les lettres des papes nous ont conservé les noms des représentants des humiliés qui reçurent une règle : ce furent, pour le tiers-ordre. Gui de la porte orientale de Milan, en 1199. et, pour le premier 3i4 et le second ordre, Jacques de Rondlneto et Lanfranc de Lodi, en 1201. A la difference des trois ordres fran­ ciscains : religieux, religieuses, laïques, les trois ordres des humiliés comprenaient : le tiers-ordre, ceux et celles qui continuaient à vivre dans leurs familles: le deuxième ordre, des frères et sœurs qui, tout en ayant une règle et vivant dans une maison commune, les hommes séparés des femmes, demeuraient laïques; le premier ordre, des hommes et des femmes consacrés solennellement A Dieu, vrais religieux, vraies reli­ gieuses, et non pas seulement des prêtres, comme on l’a dit souvent. Ultérieurement il y eut des maisons habitées uniquement par des humiliées. On n fré­ quemment affirmé que la règle du premier et du se­ cond ordre fut la règle bénédictine; en réalité, elle fut une fusion d’éléments divers, où prédominèrent les règles de saint Benoît et de saint Augustin, cc qui explique le titre de chanoines adopté par les mem­ bres du premier ordre. Cf. L. Zanoni, op. cil., p. 93112, et, p. 352-370, le texte de la règle avec i indica­ tion de ses sources. Quant A la règle du tiers-ordre, bornons-nous à noter que l’appcllaion de «frères du tiers-ordre » fut A peu près exclusive au tiers-ordre des humiliés, tandis que les tertiaires franciscains étaient appelés «frères de la Pénitence » et le tiersordre franciscain « ordre de la Pénitence », et signa­ lons, d’un mol. les ressemblances entre les règles des deux tiers-ordres. P.Sabatier,Ilegula antiqua fratrum et sororum de Pandentia, dans les Opuscules de critique historique, Paris, 1901, t. î, p. 16, estime qu’elles sont telles qu’il est bien dilllcile de ne pas admettre que le document franciscain « ait été en partie calqué sur cette règle des humiliés». Cf. P. Alphandéry, Les idées morales chez les hétérodoxes latins au début du Xttl* siècle, Paris, 1903, p. 25-27, note. Il existe d’autres rapports entre les humilies et les frères mi­ neurs, ce qui fait dire A P. Sabatier, op. cil., p. 15 : « Peut-être a-t-on jusqu’ici attribué une originalité excessive au mouvement franciscain. » Non, l’on n’a pas exagéré ce qu il y eut d’unique dans le mouvement franciscain; mais il importe de tenir I compte de scs similitudes avec les mouvements con­ temporains et anterieurs en faveur de ki vie pauvre, et» en première ligne, avec celui des humiliés. Les commencements du xin· siècle sont l’âge d’or des ordres religieux nouveaux. La diflusion des hu­ miliés fut rapide dans la Haute-Italie, leur ferveur grande et leur action religieuse considérable. Cf., sur les Mints et bienheureux de 1 ordre, Tiraboschi, Vetera humiliatorum monumenta, t. i, p. 193-257. Leur acti­ vité ne s’exerça pas seulement dans le domaine spiri­ tuel, mais aussi sur le terrain industriel et économique. 11 n’est pas exact qu’il faille leur attribuer l’importa­ tion et les progrès en Hallo de 1 industrie de la laine. Ccttc légende, qui traîne un peu partout et qui se greffe sur la légende de la captivité en Allemagne des nobles milanais qui auraient donné naissance ù l'ordre et qui auraient rapporté de l’exil l’art de la laine, est sans fondement. Cf. L. Zanoni, op. cil., p. 145-167. Cc qui est vrai, c’est que « les humiliés, s’ils ne sont pas la cause, mais plutôt un des fruits, du déve­ loppement de l’art de la laine déjà considérable grâce au capital, représentent, dons la vie économique, une forme, la première, de résistance du prolétariat ù 1'industrlalismo. » L. Zanoni, op. cit., p. 166. Ils s'élèvent, par la force de l’association, A la puissance de marchands capitalistes et ont une part notable dans l'évolution de la vie commerciale. La direction de l’ordre avait appartenu, dans le principe, à quatre maisons sises dans quatre réglons distinctes, A savoir Viboldone, Côme, Lodi, I’uvie, dont chacune A tour de rôle exerçait le commande­ ment pendant une année. A partir de 1246, il y eut 315 HUM HJES un supérieur général. · Ix premier fut Bertrand de Brescia; il y en a eu trente-quatre de suite jusqu'en l’an 1570 que l’ordre fut supprimé par le pape Pie V », dit I lélyot, Histoire des ordres monastiques, Paris, 1718, t. vi, p. 158. Ixï 2 septembre 1288, Nicolas IV exempta les humiliés de la juridiction des évêques. Pendant que les deux premiers ordres s’étalent resserres, le second ordre tendant à s’assimiler nu premier, le tiersordre n’avait gardé avec l’un ct l’autre que des liens de plus en plus lâches; le déclin était venu et son action ne franchit guère le milieu du χπι· siècle. Dans les deux premiers ordres la décadence accourut de même, Λ la suite de la richesse. Hélyot, op. cil., p. 159, dit, dans son rude langage, que les supérieurs, ou prévôts, «menoient une vie si licencieuse qu’ils ne refusoient rien à leur sensualité..., se souciant fort peu de ce qui regardoit la conduite de leurs monas­ tères, où les religieux à leur exemple faisoient honte aux séculiers les plus débauchés, qu’ils surpassoient dans leurs excès. » Saint Charles Borromée entreprit, avec sa vigueur habituelle, une réforme urgente. Les prévôts résistèrent. Quelques-uns, pour se soustraire à la réforme, résolurent de se débarrasser du réforma­ teur. Un des conjurés, Farina, déchargea presque à bout portant une arquebuse sur le saint, qui était en prières dans la chapelle de l’archevêché, le 26 octobre 1569. L'archevêque de Milan échappa comme par miracle. Cf. L. Coller, Saint Chartes Borromée, Paris, 1912, p. 122-125. Le pape saint Pie V, renonçant à améliorer l'ordre, le supprima, par une bulle du 7 fé­ vrier 1571. Cf. L. Cherubini, Magnum bullarium romanum, Lyon, 1673, t. n, p. 326-327. L’ordre avait alors quatre-vingt-quatorze monastères ct seulement cent soixante-dix religieux. Les religieuses humiliées ne furent point comprises dans cette suppression; il en restait, du temps d’I lélyot, treize monastères en Italie (quatorze en comptant celui des religieuses de Sainte-Cécile de Rome, qui se donnaient pour humiliées, mais que les humiliées de Milan ne voulaient pas reconnaître pour leurs sœurs).CL Hé­ lyot, op. cit., p. 166-167. Elles avalent encore, ces derniers temps, cinq monastères. Cf. M. Hcimbucher, Die Ordcn und Kongregallonen der kalholischen Kirche, Paderborn, 1907, p. 127. II. Doctiunes. — L’ordre des humiliés occupe une place importante dans l’histoire de l’hérésie mé­ diévale! Les anciens historiens de l’ordre s’étalent mépris sur ce point. Tiraboschl, le mieux informé de tous, rencontrant les textes du concile de Vérone ct de la chronique d’Ursperg,disait, Vetera humiliatorum monumenta, t. r, p. 79, que l’ordre n’avait rien de commun avec les hérétiques condamnés par le concile ct que la chronique confondait à tort ceux-ci avec celui-là. Celle manière de voir était celle de tous les auteurs. Par exemple, G. Moroni, Diztonario di erudi­ tione slorico-ccclesiashca, Venise, 1857, t. lxxxiü, p. 107,consacrait deux articles aux humilies, l’un aux hérétiques, l’autre à l’ordre des humiliés, supposant qu’il n’y avait entre eux aucun lien. Cf. encore le Nouveau Larousse illustré, Paris, s. d., t. v, p. 181. F. Tocco lui-même, L'eresia net medio eoo, Florence, 1884, p. 183, note 3. admettait que l’ordre ne s’est jamais éloigné de 1 Église, et, plus récemment, Archioio storico italiano, Florcncç, 1888, 5· série, t. n, p. 81, avançait celte hypothèse que, · à la venue de Valdo, sc serait constituée une société nouvelle, la­ quelle, prenant ce qu’il y avait de meilleur dans l’institut des trois ordres des humiliés, leur aurait emprunté aussi leur nom, quoiqu’elle n’eût rien de commun avec eux. qui, en général, ne sc plièrent pas aux Idées vnudoises et restèrent toujours hommes liges de l’orthodoxie. » Un examen attentif des textes ne permet pas de s’en tenir à ces conclusions. Il en res­ 31G sort que l’ordre des humiliés n'échappa point à l’hé­ résie et qu’il y eut affinité entre les humiliés héréti­ ques ct es vaudois. Mais sur les débuts de l’hétéro­ doxie des humiliés des opinions divergentes se sont produites. A. de Stefano, Hioista slorico-crilica dede sclemt teologiche, t. n, p. 861-863, a t cru pouvoir identifier les humiliés primitifs avec les vaudois lombards pri­ mitifs ». Le décret d’excommunication de Lucius III, qui unit, à cause de leurs traits communs, les cathares et les patarins, assimile les humiliés aux pauvres de Lyon, si tant est que dans sa pensée ils ne forment pas une seule et même chose, ce qui aurait lieu si k vel de la phrase : eos qui sc humiliatos uel pauperes de Lugduno /also nomine mentiuntur... avait un sens explicatif et non disjonctif, comme l’ont admis les historiens modernes après \V. Prcger, Beilrûge sur Geschichte der Waldesier im Millelallcr, dans les Abhandlungen der hist. Classe der Kônigl. Bayer. Akademie der Wissenscha/ten, Munich, 1875, t. xm, p. 211. La chronique d'Urspcrg distingue, mais en même temps rapproche humiliés ct pauvres de Lyon en des tenues qui font penser qu’elle leur attribue une com­ munauté d’origine. Décisif surtout est l’argument interne, tiré de la comparaison entre l'idéal, les coutumes et les vicissitudes historiques des vaudois et des humiliés. L. Zanoni, op. cil., p. 27-50, rejette l’identification entre les vaudois primitifs ct les humiliés primitifs ct substitue aux vaudois les cathares. SI le canon de Lucius III au concile de Vérone juxtapose humi­ liés et pauvres de Lyon, c'est parce qu’ils prennent les uns ct les autres un nom de sainteté simulée, humiliatos, pauperes. 11 faut éviter les jugements simplistes d’ensemble qui groupent ct mettent sur un plan unique des éléments qui appartiennent à des temps divers; or, ù considérer les deux mouve­ ments dans les trente dernières années du xn· siècle, avant les échanges mutuels de doctrines, ils n’ont guère en commun que le propos d’une vie plus par­ faite, qui était propre à toute l’époque. Les difiéronces sont nombreuses. Le mouvement vaudois de Lyon a deux notes exclusives : l’amour de la pau­ vreté évangélique ct la prédication de la vie de re­ noncement; mais c’cst une prédication qui n’a rien de dogmatique, ce sont exhortations en langue vul­ gaire, sans polémique doctrinale. Pour vivre pleine­ ment la vie chrétienne, on ne sent pas encore le be­ soin de s'abstenir du serment et de fuir les tribunaux. Loin de délaisser la communauté catholique, on fré­ quente les églises, les sacrements. Tels sont les vau­ dois, d’après l’abbé Bernard de Fontcaude, dans son Aduersus waldensium sectam liber, P. L., t. cciv, col. 793-810, écrit entre 1180 ct 1190. Cf. K. Müller, Die Waldenscr und ihre einzclncn Gruppen bis :um Anfang desxiv Jahrhunderts,Golha,181fà, p. 141-142; P. Alphandéry, Les idées mondes chez les hétérodoxes latins au début du XIII* siècle, p. 122-128. Les humi­ liés, au contraire, adoptent une prédication doctrinale —cllesc proposad'abord la défense de la foi catholique — ont une organisation indépendante de l’autorité ecclésiastique, s’abstiennent du serment et du men­ songe et s’éloignent des tribunaux. Ces derniers traits conviennent aux cathares. Par ailleurs nous savons que les cathares ont envahi Γ Italie, qu'au milieu du xm· siècle ils pullulent ù Milan ; ct, parce que le nom de «cathare» ne sc trouve dans aucun docu­ ment local, il faut les rechercher sous la dénomina­ tion, courante en Italie, de «patarins», nom qui n'est pas encore synonyme d’hérétique en général. A cette date, l’idcntilé entre catlmrcs et patarins ne fait pus de doute. D'autre part, les humiliés apparais­ sent comme des patarins organisés dans quatre do- 317 HUMILIÉS cuments, publiés par L. Zanonl, p. 267-271, qui «ont de 1186, 1214, 1226, 1236, et dont le plus ancien sc réfère ù un état de choses antérieur. Un autre docu­ ment, de 1215, publié par L. Zanonl, p. 271-272, désigne les humiliés sous l’appellation de «bons hommes », qui s'appliquait aussi aux cathares. Un autre enfin, de 1203, publié par L. Clpolla, Archivio veneto, t χχχνπ, p. 344-345, les réunit avec les ca­ thares, s'il ne les Identillo pas avec eux. Rappro­ chés des cathares ct sépares des vaudois primitifs par le nom et par la condamnation du serment, du mensonge, des tribunaux, les humiliés le sont encore par la pratique du travail, du jeûne trois fols la se­ maine en dehors des temps du Jeûne continuel, par l’usage des réunions périodiques, des conventlcules, d’où étalent exclus les prêtres de l’Églisc officielle, c catharismo a donc été l’un des facteurs les plus l. puissants du mouvement des humiliés. La thèse de L. Zanonl est digne d’attention. Ce­ pendant elle ne parait pas entièrement établie. Dire que les cathares ct les humiliés ont des ressemblances est légitime; prétendre que les humiliés «participent au mouvement cathare », selon l’expression de L. Zanonl, p. 43, faire des humiliés primitifs de vrais cathares est aller trop loin. Leur affinité «n’est pas démontrée, nous semble-t-il, par le fait d’une simi­ litude de pratiques purement extérieures, comme l’abstention du serment, le travail manuel ct les Jeûnes de semaine; pour qu’elle existe, il leur fau­ drait à tous deux un apanage doctrinal commun. » F. Callacy, Revue d9histoire ecclésiastique, Louvain, 1912, t. xni, p. 528. Les noms de «patarins», «bons hommes», ct même «cathares», donnés aux humi­ liés ne sont pas probants. « Cathare > s’est dit des patarins orthodoxes de Milan au xî* siècle, ainsi que L. Zanonl l’observe, p. 43, et, du reste, le document qui rapproche les cathares des humiliés n’en rap­ proche pas moins les pauvres de Lyon : ut irtl ad domum um Hiatum ct cazarorum soi patarum aut pauperum IJonum. Les expressions « bons hommes » et « patarins » n’ont pas désigné exclusivement les cathares, mats, en général, de bonnes gens, de pauvres gens, vivant d'une vie bien chrétienne: dans les textes où elles visent les humiliés, elles n’ont sûrement pas le sens -péjoratif d’adeptes de l’hérésie, mais ce sont les tenues officiels qui servent à dénommer la fraternité: domus ct eolegium patarinorum sioe humi­ liatorum fraternitatis seu congregationis bonorum hominum sive humiliatorum. N’oublions pas, du reste, L. Zanonl le remarque Λ bon droit, op. cit., p. 30, que, parmi cette multitude de sectes écloses dans la Haute-Italie pendant la seconde moitié du xn* siècle, ece serait une illusion de croire qu’on distinguât clairement leur contenu doctrinal ct leurs liens réci­ proques d’origine, en sorte que leur énumération pût sc faire sur la base de critères scientifiques. Nous attribuons peut-être trop aux hommes du xn· siècle la science des inquisiteurs dominicains du xni·. ·» Ni vaudois purs ni cathares purs, les humiliés primitifs qui tombèrent dans l’hérésie furent une des Innombrables sectes réformistes du xu· siècle, nées des mêmes aspirations vers une vie plus par­ faite, plus ou moins rattachées aux patarins ortho­ doxes de Milan du xi· siècle ct aux arnaldlstcs du xn·, avant des traits communs tout en restant dissemblables, s’influençant mutuellement les unes les autres. Comme les cathares, ils ne prêtent pas ser­ ment, ils s'adonnent au travail manuel, ils Jeûnent trois fols la semaine. Comme les vaudois, ils ambi­ tionnent de sc livrer à la prédication. Le pape ne le permet aux vaudois qu’ù la condition d’avoir l’agrément du clergé et ne le permet pas du tout aux humiliés. Vaudois et humiliés prêchent en dépit de 318 l'interdiction pnpale. Ayant rompu sur ce point la dépendance vis-à-vis du clergé, ils sc passent de lui en d’autres matières, et la libre prédication, la prédication laïque, les conduit à r.aflranchissement total de la discipline ecclésiastique,· A l’antisacerdotnllsme sur toute la ligne. En ce qui regarde les humiliés, nous apprenons de Burchard d’Ursperg que, non contents de prêcher, ils rejettent toute autorité des prélats, entendent les confessions ct usurpent le ministère sacerdotal. Le même chroni­ queur nous montre en germe, chez eux, la distinctio») entre parfaits ct croyants qui exista de tout temps chez les cathares ct fut tardive chez les vaudois : till qui ppc, rudes et illiterati eum essent, operibus mani­ bus instabant et praedicabant, accipientes necessaria a suis credentibus. Le grand pape Innocent III s’occupa, avec beau­ coup de tact, avec un mélange do fermeté et de man­ suétude apostoliques, en donnant satisfaction à ce que leurs revendications religieuses avaient de légitime, de ramener les dissidents à la fol catholique. Il y réussit partiellement. Deux groupes de vaudois, qui avalent pour chefs l’un Durand de Hucsca (1206), l'autre Bernard Primus (1210), rentrèrent dans l’obéis­ sance de l’Églisc, reçurent une règle du pape et for­ mèrent des ordres nouveaux, dont le premier prit le nom de pauvres catholiques. De même, parmi les humiliés, il y eut un mouvement de retour vers Rome Ceux qui jurèrent d’obéir û 1 Église, ct qui s'appli­ quèrent, dans l’orthodoxie, à servir Dieu tn humilitate cordis et corporis, abandonnèrent le nom d'humiliés, devenu suspect; niais le peuple le leur conserva malgré eux, Λ ce que nous apprend une bulle d’inno­ cent III datée du 6 décembre 1199, P. L., t. ccxiv, col. 789, ct ce nom finit par se maintenir, dégage de toute suspicion d'hérésie, dans les documents ecclé­ siastiques· Ils constituèrent les trois ordres dont nous avons parlé. Ce sont eux que nous dépeignent Jacques de Vitry et Humbert de Romans. Jacques de Vitry note que < les frères, tant clercs que laïques lettrés, ont du pape le pouvoir de prêcher non seulement dans leur congrégation, mais encore sur les places des villes, ct dans les églises des séculiers, avec le consen­ tement des évêques. » Ils font, ajoute-t-il, beaucoup de conversions, ct attirent à leur ordre nombre de l convertis, dont les uns servent Dieu dans le siècle (ce sont les tertiaires), pendant que les autres, souvent des prêtres ct des clercs, entrent dans les monastères qui sc multiplient· Ils sont devenus si terribles aux hérétiques ct les confondent si bien en public que ceux-ci n’osent plus paraître devant eux et que beau­ coup, reconnaissant leur erreur, sont revenus au Christ ct se sont joints aux humiliés. Ces hérétiques sont les patarins, pairont (c’est-à-dire les cathares), précise Jacques de Vitry, dans son Historia occidentalis; dans sa lettre de 1216, il représente les humiliés comme les seuls, dans cette ville de Milan que força est hercliçorum, A résister aux hérétiques, et, dit-il. • les hommes malicieux ct séculiers appellent pata­ rins, patroni, ces hommes saints ct ces femmes reli­ gieuses, qui sont parfaits ct stables dans la foi ct dont les œuvres sont efficaces. » Les humiliés hétérodoxes, eux, se détachent défi­ nitivement de l’Églisc· La fraction rebelle sent le besoin de s’unir avec des dissidents qui aient des principes semblables aux siens, principes qu’elle est amenée à formuler de façon distincte maintenant qu’elle s’est séparée du gros du mouvement. Ces prin­ cipes sc ramènent A la libre prédication des laïque■·. indépendamment de l’autorité ct du contrôle de* prélats, ct A la pauvreté absolue qui permet seulement do vivre au jour le jour du travail des mains ou de l’aumône. C’était là tout le valdisme primitif. Pen- 319 HUMILIÉS 320 dont quelque temps, les humiliés hétérodoxes fusion­ Pour la suite de leur histoire, voir Pauvres de Lombardie et Vaudois. nent avec les vaudois primitif*, les pauvres de Lyon. Les hérésies ultérieures du moyen Age tirent qudMais l’union n’est ni complète ni durable. Les humi­ liés rejettent la vénération, pour ne pas dire le culte, I ques recrues dans les rangs des humiliés étrangers au valdisme. On a prétendu «pic ira Dolclno, le chef des voué à Valdo et admettent un ensemble de doctrines et de coutumes qui accentuent la division. Désormais apostoliques du xni· siècle, voir t. r, col. 1632-1634, l’hérésie vaudoisc a deux branches : les pauvres de compta parmi les humiliés. Cf. E. Comba, / nostri protestanti, 1.1, Avant i la Riforma, Florence, 1895, p. 312. Lyon, ou léonistes, qui se réclament de Valdo, ne Inexacte en cc qui le concerne, cette affirmation est veulent pas du travail manuel, source de gain, et vraie de Marguerite, la compagne, la «sœur» de Dolclno. préconisent l’aumône, regardent le célibat comme Cf. F. Tocco, Gh ordini religiosi e l'crcsia, dans GU un principe de vie évangélique, croient faire partie albori della vita ilaliana, Milan, 1891, p. 334. Sœur toujours de l’Égllsc catholique, et, pour ce motif, Manfreda de Pirovano, qui était à la tête des guillcl· n’introduisent pas dans leur société une hiérarchie mites en 1300, quand Γ Inquisition ouvrit contre 1« qui exclurait celle de l’Églisedc Home, s’adressent au adhérents de cette secte un procès dont les actes prêtre pour la confession et l’eucharistie, obstinément nous ont été conservés, voir t. vi, col. 1983, était conservées; l’autre, celle des pauvres de Lombardie, une humiliée de la maison de Biassano, de Milan; voit dans le travail le moyen normal pour vivre, étalent également des humiliées Jacqueline dei Bassani n’admet la séparation entre époux que dans les deux qui fut condamnée au bûcher ainsi que Manfreda, cas d’adultère et de mutuel consentement, rompt recur 1 iordcbellina, fille d'André Sarnmlta, lequel franchement avec Home, a une organisation propre, organisa la secte, et, sans doute, d'autres religieuses des chefs à elle, rejette la confession et l’eucharistie. Un passage du traité Supra sic lia, écrit vers 1235 et de la maison de Biassano, un des centres du culte de publié par I. von Ddllingcr, Eeilrâge zur Seklcnge- Guillelma. Quant aux humiliés, ils honoraient une image de Guillelma dans l’église de Sainte-Marie schiclde des Mitlelatters, Munich, 1890, L n, p. 71, hors la porte Neuve. Cf. F. Tocco, Guglielma boemaet esquisse avec exactitude cette histoire primitive des pauvres de Lombardie: O pauperes Lombardi, vos guglielmiti, Home, 1901, p. 7-22. La folie guillchuite /uistis primo de Ecclesia romanu; quia non placuit paraît avoir été contagieuse dans le milieu des humi­ vobis Ecclesia,, (unxistis vos cum pauperibus Icontstis liés; la crise fut aiguë, mais brève. et eratis cum cis sub regimine Gualdensis (Valdo) el I. Sources. — Nous avons indiqué, nu cours de l’article, stetistis aliquo tempore sub suo regimine; postea ele­ les sources relatives aux origines des humiliés; les texte* gistis unum aliud caput, displicendo Gualdensi et de l’anonyme de Laon.de la chronique «Γ Ursperg, de Jacques de Vitry et d’Humbert de Homans ont été reproduits par fratribus leonis!is, cujus nomen fuit J. de Roncho, L. Zanoni. GU umiliati net loro rapport i con feres ta, Γ indus­ quem ego vidi. Ce frère J. de Honcho, dont le Supra tria delta lana ed i communi nci secali XII e XIII, Milan, 1911, stella nous dit encore que eorum erat ancianus et ipse p. 5, 25-26, 259-263. Les bulles des papes cl autres docu­ erat idiota absque literis et qu'il opéra la séparation ments concernant l’ordre sc trouvent dans IL Tiraboschi, «les pauvres de Lombardie d’avec les pauvres de Vetera humiliatorum monumenta, Milan, 1767-1768, t. π, Lyon vers 1305, toc. cil., p. 64, ne nous est pas autre­ p. 117-402; l. ni, p. 1-98, cl dans L. Zanoni, op. cil., p. 267ment connu. Cf., pourtant IL Bôhmer, dans la 335; les constitutions dans Tiraboschi, t. ni, p. 99-227; la règle, ou Propositum approbatum liumiliatorum.du tienRealencyklopülie, 3· édit., Leipzig, 1908, t. xx. p. 811. ordre dans la lettre Incumbit nobis Çï juin 1201) d’inno­ Mais l’histoire atteste que la scission cn*re le parti cent III, publiée dans Tiraboschi, t. u, p. 128 sq.; la règle lombard et le parti lyonnais, entre les Italici et les du premier cl du second ordre, dans la bulle Cum /elidi Ultramontani, les pauvres de Lombardie et les pau­ memorice (7 juin 1227) de Grégoire IX. publiée par L. Za­ vres de Lyon, fut irrémédiable, malgré toutes les ten­ noni, p. 352-370; la chronique de l'ordre rédigée par Jean tatives de rapprochement, en dépit tout particuliè­ de Brera en 1419, dans Tiraboschi, t. ni, p. 229-286; celle rement de l’essai de conciliation qui fut tenté au qui fui composée par le même Jean de Brera en 1421, dans L. Zanoni, p. 336-34 t ; colle de Marc Bossl, en 1493. dons congrès de Bergamc (1218). Cf. le Rescriptum haeresiar­ L. Zanoni, p. 315-352; le nécrologc de l’ordre, dans Tiracharum Lombardiæ ad leonislas in Alamannia, dans bosclil, t. in, p. 287-298 ; In Vita sancti Johannls de Meda, L von Dôllingcr, Beitrdge zur Scktcngeschichte des dans les bollandistes, Acta sanct., 3· édit., Paris, 1867, Sep­ Mittelaltcrs, t. n, p. 42-52. \V. Preger, qui le premier tembris t. vu, p. 331-335. Sur les documents liturgique» eut le mérite de mettre en lumière les rapports entre de l’ordre, cf. L. Zanoni, p. 253. Sur la part de l’ordre des les humiliés et les pauvres de Lombardie, dans les humiliés dans l’hérésie des guillelmitcs, cf. le Processus ab Abhandlungen der lust. Classe der Konigl. Rayer. inquisitoribus hcvrcticnr pravitatis confecti Xtcdiolanl anno Akademie der Wissenscha/ten, Munich, 1875, t. xnr, Domini 1300 contra Guillelmam bohemam vubjo Gutllel· p. 209 sq., a expliqué l'origine des pauvres de Lom­ minam elusque sectam, publié par F. Tocco. Il processo det guglielmiti, Home, 1899 (extrait des Rcndiconll della r. bardie par les missionnaires vaudois agissant sur le dei Ltneel.Classe di scicnze morali, slorlche e fllih premier et le second ordres des humiliée. K. Müller, accademia logiche, t. vin, Feric accndemlche 1899. p. 309-169). Die Waldenser und ihre cinzelnen Gruppen bis zum IL.Travaux. — J. P. Purlcclll avait préparé, sous le Anfang des XIr Jahrhunderts, p. 59 sq., admet une titre de Sacri humiliatorum ordinis monimenta, un grand action des missionnaires vaudois sur les humiliés du ouvrage que In mort (1659) l’empêcha de publier et dont les manuscrits sont conservés Λ l’Ambroslenno de Milan; Ils tiers-ordre. Mais, au moment de l’apparition des ont été utilisés par Tiraboschi. Cf. L. Zanoni, op. cit., p. 253pauvres de Lombardie, une distinction nette des humiliés en trois ordres n’existait pas encore, et il ne 256. Le bénédictin P. Pucclnelll(f 1685) écrivit une Cron Ica venerande mcmoric delta congrcgazlone umiliata, restée semble pas que les vaudois soient allés à la conquête dette inédite et également conservée ù l’Ambroslennc. Cf. L. des humiliés. Les textes nous laissent entrevoir plu­ Zanoni, p. 256-257. Parmi les Imprimés citons Ilélyot, tôt les humiliés hétérodoxes allant aux vaudois pri­ Histoire des ordres monasUqun religieux et militaires, Paris, mitifs, ou pauvres de Lyon, à cause de cc qu’ils ont 1718, t. vr. p. 152-169; N Sormanl, Hrcoe storia degli umiUatl tessuta col testo de codici manoicriUl e diplomi. Milan, 1739; de commun avec eux, mais sans rien perdre de cc qui iboscld. VrDra/i; Ifafor '.onunu nl.i.Mi! leur est propre. Quand les vaudois de Lyon veulent surtout 1766-1768 (de cri ouvrage, l’un 7, t ιλχχπι, p ΙΟΙ 1 » (suit Hélyot); W. Preg La série dc ses objections dans Prague avait été livrée. Et pourtant la mesure était prise mot ù mot du dernier chapitre du livre excita dans la ville un soulèvement indescriptible, dc Wicllf Sur Γ Église et de son traité De absolutione d’autant plus, que deux jours plus tard, l’archevêque a pana et culpa. * Aucun pape, aucun évêque, disait Hus, n'est autorise, nu nom de I’Église, ù saisir l’épée; prononçait l’excommunication contre Hus et ses il doit prier pour ses ennemis, cl bénir ceux qui lo partisans. Les scènes tumultueuses sc renouvelèrent dans les faubourgs. Sbinko fut conspué dans des maudissent. L'homme doit obtenir le pardon do scs chansons, et le service divin interrompu. Le gouver­ péchés par un repentir et une pénitence sincères, nement lui-même condamna l'archevêque à indem­ et non pas pour de l'argent. Si quelqu’un n'est pas prédestiné, l’indulgence ne peut l'aider, et si quel­ niser les propriétaires des manuscrits brûlés, tout qu'un c »t prédestiné, le pape ne peut pas le sax’olr. en faisant taire pourtant les moqueries contre lui. On doit résister aux bulles du pape, si elles sont L'orgueil dc Hus n'avait pas cédé. Il n'avait plus seulement la Bohême, mais toute l'Angleterre : contraires à la sainte Écriture. » Dc l’université, l’agitation passa dans la rue. des lollards derrière lui. Il continuait à défendre les ouvrages de Wicllf dans des discussions publiques : | Jérôme de Prague avait groupé les partisans dc Hus. Quelques Jours après la présentation du mémoire < Le peuple de Bohême, tout entier, écrit-il alors, du chef. Wok von Valdsteln, connu aussi dans les est altéré dc vérité, il ne veut rien connaître que milieux xvicliftstes -m lais, foi rouit un rassemblement ΓÉvangile et les Épttres, et partout où quelque part dans une ville, dans un village, dans un château, I populaire, et l’on brûlait les bulles papales relatives I 341 t HUS aux indulgences. C'était une reprise des pratiques \vi cil ils tes. Opus eoang., L 11, c. xxxvn. < On doit, criait le peuple, plutôt obéir au maître sincère Hus, qu’à la bande d’imposteurs, d'adultères et dc simo­ niaques. · Le roi Wenceslas dut sévir. Accusé par le parti adverse dc condescendance trop grande vis-àvis de ce mouvement, il fit punir par les magistrats toute injure publique au pape, et toute résistance contre ses bulles. Trois jeunes gens qui, pendant le sermon, avaient contredit Γecclésiastique et appelé l’indulgence une imposture, furent décapités, malgré la demande en grâce de Hus. Ce furent les premiers martyrs de I’Église h ussit ç. Beitrûge /ûr huss. Betuegang, t. v, p. 354-358. Les adversaires nommèrent la chapelle dc Bethléem « l’église aux trois saints ». Toutes les tactiques furent alors essayées. La faculté dc théologie commença d’abord par exiger que Hus présentât ses discours et scs enseignements au doyen pour leur examen. La mesure n’aboutit finalement qu’a la justification par Hus des articles 13, 16, 18 dans les 45 propositions reprochées à Wicllf par l’université dès 1103. Dc/cnsio quorumdam arti­ culorum Joannis Wiclif. Cf. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 581-625. Les théologiens répondirent : Probatio et fundatio doctorum probans indulgentias papales. L’archevêque Albik, successeur de Sbinko von Hasenbourg, les légats pontificaux cherchèrent ensuite à amener Hus à l’acceptation des bulles papales, pendant que le roi Wenceslas lui-même ten­ tait de rapprocher les uns des autres les fidèles des deux camps et que Palccz composait contre son adversaire son Tractatus gloriosus, dans l’espèce une amplification de la Probatio et fundatio. Rien n’aboutissait. Le clergé paroissial dc Prague, entraîné par Michel dc Causis, sc tournait sur ces entrefaites vers le pape. Jean XXI11 chargea le car­ dinal de Saint-Ange d’agir. Il fulmina la grande excommunication contre Hus, qui devait être saisi et livré à l’archevêque de Prague, ou à l'évêque dc Lcltomischl : la chapelle de Bethléem devait être complètement rasée. Contre ces nouvelles mesures, Hus se contenta d’élever un appel au Christ lui-même; malgré l’assaut donné à sa chapelle dc Bethléem, le 2 octobre 1412, H continua scs prédications. De nombreux personnages de la cour, la reine Sophie à leur tête, y prirent part, lai seule chance qui restait désonnais de rétablir la paix était d’éloigner Hus. Le roi lui-même l’engagea à partir. Le lutteur séjourna la plupart du temps dans le sud du pays, dans les châteaux des seigneurs, scs protecteurs, et particulièrement à Kozl-hradck. 11 y écrivit, il y polémiqua, il y composa des ouvrages. Dans ses lettres, il exhortait ses partisans, plus agités que jamais, à écouter avec application le verbe de Dieu, à s’en tenir à la vérité connue, à ne pas per­ mettre la destruction dc sa chapelle, et Λ ne pas craindre les provocations dc leurs ennemis. 11 conso­ lait ses amis de son excommunication; il discutait avec un vocabulaire wlcliilstc les raisons de son exil do Prague. Il polémiquait. Dans les deux conférences de Prague (Noel 1 412-févrlcr 1413), provoquées par Wenceslas, à qui scs tribulations politiques avaient montré la nécessité de valoriser, quel qu’il fût, l’élément tchèque, Hus montra, dans la première, la situation besogneuse du pays et le remède qu’elle exigeait; il affirma sa bonne volonté dose justifier, mais aussi l'impossibilité où il était de quitter son prône et dc vivre ù Prague. Dans la seconde, convoquée pour le 2 février à Bôhmlsh Brod, et tenue nu palais archiépiscopal de la capitale bohémienne, le 6 seulement. Hus écrit : < La Bohème, sous le rapport ecclésiastique, doit avoir les 342 mêmes libertés que les autres pays; les condamna­ tions ne doivent y être publiées qu’avec la permis­ sion du pouvoir de l’Élal. » C’était du Wicllf tout court. Sermones. t. in, p.519. « Et quand je me tiendrais devant Je bûcher qui m’est préparé, écrit Hus en ces jours. Je ne reconnaîtrais Jamais l’assemblée dc la faculté dc théologie. » Et pourtant le roi ne perdait pas tout espoir. Une commission permanente, dite Commission d’union, fut instituée pour travailler à une composition. Le nœud dc la discussion était tout entier dans la discussion de l’essence même de I’Église catholique. Les docteurs exigeaient de Hus et dc ses partisans la reconnaissance dc leur sommaire : Le pape cl les cardinaux sont, le premier, la tête, les seconds, le corps de ΓÉglise. On doit obéir à tous scs ordres. Hus continuait à s’élever vivement contre ces points dc vue. Toute la polémique donna lieu à une série d’écrits. Les deux partis cherchaient à étayer explicitement leurs propositions; leurs joutes ont trouvé un écho dans les mémoires d’André de Brod. de Stanislas de Znalm, et d’Étienne de Palccz. Cf. Beilrage fürhuss. Bewegung, t. iv,p.315 sq. Jean Hus y avait répondu par son ouvrage capital : De Ecclesia. dont les dix premiers chapitres ne sont qu’un plagiat de l'œuvre dc même nom de Wielif; son livre non encore imprimé Von der Geivalt des Papstes n’eut pas plus de person­ nalité. Wicllf avait soutenu contre l’opinion dc son temps que i’Église n’est point seulement composée du pape, des évêques et des prêtres. Pour Jean Hus, H n’était pas d’autre conclusion. Il avait écrit son De Ecclesia à Kozi-hradck, où plus tard, en souvenir dc son activité pastorale pour les siens, devait s’élever la ville de Tabor, la capitale dc scs disciples. 11 envoya son ouvrage à Prague, ou il fut lu publiquement le 8 juillet 1413, dans la cha­ pelle dc Bethléem. Ce fut alors une wiclifolâtric. Les ouvrages anglais du maître d’Oxford furent lus dans le temple et, sur ses murs, on inscrivit les principales propositions de Hus. En ville et à la campagne, tout lui cédait désormais. Hus disait la vérité au concile de Constance, quand il lui lançait cette apostrophe : « Je suis venu ici libre : ne l’aurais-je pas voulu, le roi (Sigismond) pas plus que (Wenceslas) n’auraient pu m’empêcher, car les seigneurs de Bohème qui m’aiment sont nombreux et puissants. J’aurais pu me protéger dans leurs châteaux. » Hus était devenu le chef de la Bohême, et Wenceslas portait encore un dernier coup à ses adversaires, en enlevant aux Alle­ mands dans le conseil de la cité la direction unique des affaires et en plaçant, à côté d’eux, une déléga­ tion égale de Tchèques. D’ailleurs, le widiflsme bohémien pénétrait déjà en Pologne, en Hongrie, en Croatie, en Autriche. Pour Hus, le concile général dc Home (janvier 1113) n’avait rien signifié. Hus n’y avait- vu qu’une « assemblée dc contrebande », fré­ quentée par < des moines et des simoniaques ». 11 fallait donc sévir dans une grande assemblée catholique, pour extirper l’hérésie. En mai 1 11 1. le chancelier dc l’université dc Paris, Gerson, écrivait à l’archevêque dc Prague et lui représentait la néces­ sité de combattre les enseignements dangereux de widii ù l aide du bras séculier. Un concile général venait d’être convoqué a Constance pour le 1er novembre. Sigismond, frère de Wenceslas, futur héritier du roi de Bohême, Wenceslas,et déjà empereur du SaintEmpire romain germanique depuis 1110, prit la chose en main. Sans grandes difficultés, il persuada à Hus de se rendre au concile pour sc justifier. Le maître, ses discours prononcés à Constance le prouvent, espérait bien jouer à l’effet et convertir les Pères au wieliffsme. L’empereur Sigismond lui promit un saufconduit. Daté de Spire (18 octobre 1111), il était 343 HUS rédigé en ces termes : · Sigismond, par la grâce de Dieu, roi des Romains.··» à tous princes ecclésiasti­ ques et séculiers, et à tous nos autres sujets, salut. Nous vous recommandons d'une pleine affection, à tous en général, et à chacun en particulier, l’honorable maitre Jean Mus, bachelier en théologie, et maître ès arts, porteur des présentes, allant de Bohême au concile de Constance, lequel nous avons pris sous notre protection et sauvegarde, et sous celle de l’empire, désirant que vous le receviez bien, et le traitiez favorablement, lui fournissant tout ce qui lui sera nécessaire pour hâter et assurer son voyage, par eau et par terre, sans rien prendre ni de lui, ni des siens, aux entrées et aux sorties, pour quelque cause que ce soit, et vous invitant à le laisser librement et sûrement passer, demeurer, s'arrêter, retourner, en le pourvoyant même, s’il en est besoin, de bons passe­ port s, pour l’honneur et le respect de sa majesté impériale. » Trois seigneurs de la noblesse bohémienne avaient commission pour veiller à la sûreté de Hus, pendant le voyage et le concile. S'étant muni à Prague de tous les témoignages qui pouvaient prouver son orthodoxie, après avoir, comme dans la pensée d’une mort prochaine, mis ordre ù ses affaires, Hus sc mit en route. < C'était, écrivait-il à Sigismond, pour reconnaître le Christ publiquement, ou, si c'était nécessaire, y souffrir la mort pour sa loi. > Le 3 novembre, il était ù Constance. Il allait y être examiné sur ses erreurs. IV. Erreurs de Hus d'après ses livres. — C'est du wiclillsmc. Voir Wiclîk. Cf. Constance (Concile de), t. m, col. 1214 sq.; Dcnzinger-Bann\vart,/ïn^zndlon, n. G27-b5G. V. Le concile de Constance et la mort de Hus. — Condamné au concile de Constance pour ses erreurs théologiques, Jean Hus périt sur le bûcher, le 6 juillet 1 115. Voir Constance (Concile de), t. in, col. 1211-1217. VI. Conclusion. — Les erreurs de Hus sont fon­ damentales. Élève de Wielif, avant d’être fidèle de l'Écrit tire, il ne possède pas intégralement cette dernière. Doctrinaire, il s’est heurté violemment au mystère : la question de la liberté humaine et de la prescience divine, la question de la transsubstantia­ tion n'ont pas trouvé grûcc chez lui; parce qu'esprit logicien uniquement, il n’a pas respecté les textes scripturaires, ni connu la tradition, li a décrété, a priori, sur ces sujets, des impossibilités. L'apologé­ tique catholique voit en lui un négateur de l'Église. Esprit indiscipliné, sans mesure, il n’a pas compris que les abus dans une institution sont des contingences inévitables qui ne diminuent en rien sa valeur Intrirvsèque par ailleurs doctrinalement et expérimentale­ ment démontrée. Il a confondu réforme avec suppres­ sion. La société civile lui reproche aussi à bon droit d'avoir secoué scs bases. Le pouvoir dépend d’un contrat collectif. Ses droits ne sont pas diminués par des déchéances individuelles qui n'atteignent pas les obligations synallagmatiques. Anarchiste, idéologue, Hus est slave et par conséquentaigoinanc. La sensibilité est chez lui maladive. Quelque géné­ reuse qu’elle ait été, elle ne saurait faire illusion sur son esprit faux. Théâtral ténor, il n’a jamais oublié que toute une nation regardait vers lui avec une ardeur passionnée. Et c’est â ce point de vue qu’il est bon d’atténuer les louanges adressées par ses partisans à son héroïsme. L’entêtement, dans tous les domaines, n'a jamais ému qu’une pseudo-pitié. L'Égïisc fit tout, d’ailleurs, jusqu’au concile de Con­ stance. pour ne pas en venir à l'irréparable. Il faut toutefois hautement regretter le malaise religieux causé par les désordres ecclésiastiques et 344 le lamentable schisme pontifical de l’époque. L'erreur, quelle qu’elle soit, est toujours l’erreur. Mais, près des foules simplistes, elle est moins spécieuse, quand elle est sans apparence de justification. Hus reste l’apôtre de la conscience nationale 1IVS — HUSSITES zur Beleuchtung der Geschichte Bohmens und des drulichen Reiches im XV Juhrhundcrt, dans Abhandlungen der Konig. bohmbehen Gcielhchaft der W issenschaflen, Prague, 1865. — Palacky, Urkundltche Beltrdge zur Geschichte des HusslteJikrirgrs i*m J 419· 1136, 2 vol., Prague, 1873; l r· kundliche Bcilràge zur Geschichte Bôhmrns und seiner Nachbarliïndcr im Zeitaller Georgs von Podiebrad, Vienne, ι ifiGO ;Littrrarische Relscnach Italien, Prague, 1838,contient une courte biographie de Sigismond par Æneas Sylvius et le 2 raclatus de longtrvo schismate, — Ixncrth n donné une contribution ù l'étude du mouvement husslte, dans Archiv fur 6st, Geschichte, t. ev-lvii, ex, lxxv, lxxxii: a) Codex epistolaris des Prager Erzblschofs Johann von Jengenstetn ; b) la vio et les écrits du maître Adalbcrtus Itanconis do Erlcinio; c) l’important traité de Ludolph de Sagan, De longtrvo schismale ; d) les écrits de polémique et les pourparlers d'union entre catholiques et hussites, 1412-1413; e) les relations contemporaines et les vieux fragments pour l'expansion du ssicliflsme en Bohême et en Moravie. 1110-1419. Parmi les pièces jointes, il faut notern·! : une relation contemporaine de la fin deHus.— Le v· volume des Fontes rerum Bohem Icarum contient une édition correcte des chroniques les plus importantes du temps des hussites, Prague, 1893. On y trouve les chro­ niques de I.a urent de Brezova, le Chronicun univers, Pra· gensis et la chronique de Barlossek do Drnhonic dans l'édition de laroslaw Goll. — Cochlâus, Historia hussl· tarum, Mayence, 1519. On doit remarquer que les sympa­ thies catholiques de l’auteur l'ont un peu privé de séré­ nité, et lui enlèvent par le fait un peu d'objectivité. Cf. Loserth : Le mémoire du chanoine de Breslau Nicolas Jcmpelfcld deBriegsur l’élection de Georges de Podiébrnd. Une contribution à ta critique de l’histoire des hussites doCocbliïus.zlrdi/n fur ôsterr. Geschichte, t. xvi.—Grunhagen, Gcschichlsqucllen der Huss tien Kriege, Breslau, 1871.Cf. vi· vol. des Scriptores rerum Silesiacarum. — lx?s histoires dumaltrc Jean Léon, éditées par Schlesinger, Prague. 1877 : Die atteste Erzühlung von drr slegretchen Vertddigung der Stadl Brüx gegen die Uussiten, 1421. — Société pour l’histoire des Allemands en Bohême n publié des docu­ ments isolés et des remarques critiques sur des sources compétentes du moyen-Age, — M. J. Sedlak n commencé la publication des Tractatus causam Mgri Johannis Dus a parte catholicorum illustrantes, fasc. 1, Breslau, 1914. IL Travaux. — A noter que les plus anciens travaux jusqu’à Palacky, même ceux de Hclfcrt, Husz und Hiero· nyrnus, Pnigiic, 1853. ont vieilli. — Palacky, Histoire de Bohème, Prague, 1845-1867. !λ plus grande partie est consacrée nu hussitisme. t. m, 1,3;t. iv, 1 et 2; t. v, 1 et 2; Ueber die Brzichungcn und dus VerhÜltnls der Waldenser, zu den chemaligen Sekten in Bôhmcn, Prague, 1869; Die Vorlaufcr des Hussitcnlums in Bohmen, Prague, 1869; Schlesinger, Geschichte i»on Bohmen, Prague, 1869; I lOfler, Magister Johannes Hus und der Abzug der deulschen Stu· denten und Professoren aus Prag, 1864; Berger, Johannes Hus und Konlg Sigmund, Augsbourg, 1871; O. Itchier, Johannus und Wielif und dieVorgcschichle der Reformation, Leipzig, 1872; le 2e volume traite lehussitisme. Plus cri­ tique son Johannes Hus, Fin fxbcnsbild aus der Vorgeschichte der Reformation, Halle, 1890, dans Schriften der Vereins fur Reformationsgeschichte, t. vn, p. 3; Ernest Denis, Huss et la guerre des hussites, Paris. 1878; c’est une paraphrase des travaux de Palacky sans élude personnelle des sources, apologie passionnée de Jean Hus et du hussi­ tisme. — l4i question du sauf-conduit n été traitée par Uhlmnnn, Konig Sigmunds Geleit fur Husz, und dus Gelrit im Mittelaller, Halle, 1891; K. Müller, Konlg Sig· munds Gelrit fur Husz, dans Hist. Vlertelfahrschrift, 1898; 1 Icicle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 101G, t. vu, p. llOsq.; Koehler, Rcalismus und Xominalismus, Gotha, 1858; Lœvre, Der Kampf zudschen Realism und Nominalism irn Mittelalter, Prague, 1876. Les rapports de Hus et do Wielif ont été étudiés par Loserth, Hus und Wielif, Prague, 1831; trad, anglaise, Wielif and Hus, Londres, 1884, par Evans. Mémoires: Ueber die Bezlehungen zinhehen Englischen und Bohmischcn Wielifiten, dans Mdheillungen des Instil, fur ôslerr, Ge· schichtsforschung, t. xn, p. 254; Der Kirchen-und Klos(ersturm der Hussiten, dans Zeitschrift fur Geschichte i nd Politik, t. v, p. 259; K. L. Poole, On the intercourse bebvren English und Bohemian udcliffltcs in the carlg years of the fifteenth century, dans 1'ngl. hist, review, nvrll 1892. Voir la bibliographie de Wielif, Λ l’art. Wiclip. E. de Bonncchosc, Jean Hui e le concile de Constance 2· édit., 2 vol., Paris, IMG. Voir Constangr (Concile de) t. m, col. 1214-1224. Kirsch et Luksch, Geschtchte der katholischcn Klrche, /•dit. de VCEslerr, Isn-Gcselhchaft, Munich; p. 450-457. Très peu d'œuvres des adversaires de Hus sont im­ primées. A voir : Prz, Thésaurus aneedotorum, contient 1rs écrits du prieur chartreux Stephan von S. Josaphnt (Dolcin) bel Olmutz; Loserth, Die litlcrar lichen Wider.a· cher des Husz im Mahren, dans Jahrg. der Zeitschrift des Verelns fur Geichlehte Mahren, und Schlesiens, 4· fasc. A citer encore ces ouvrages, parus à l’occasion du cin­ quième centenaire de la mort de Jean Hus : D. S. SchaÎT, John Hlus*. Hi' life, teaching and death, after fut hun­ dred years, New York, 1915; W. N. Schwarze, John Hus, the martyr of Bohemia, New York, 1915; G. Loesebe, Jan Jhm, dans Eixxng. kirehliche Zeitung (Eitcrretchc, 1915, p. 109-172,185-187. 197-199; Art. Thiv, Johan Jfui und seine Zeit, Graz, 1015; Λ. Hauck. Studien zu Johann Huss, Leipzig, 1916; Pyper, Johannes Hus, dans Λ rd Archio K. Geschichte, 191G, t. xill. p. 1-57. Pour plus de détails, voir Ul. Chevalier, Répertoire. Bi­ bliographie, 2· édit., t. T, col. 2228-2232; Rraleneycl. lur protest. Thcol., t. vm et xxv, art. Hum. P. Mon celle. I. Origine H. Programme. HUSSITES III. Conclusion. I. Origins. — Partisans de Jean I lus et de son . programme phis ou moins trié» les h ussi tes ont affiché un esprit plus encore qu’une doctrine défini­ tive. Protestataires au nom de Γ Évangile et au nom du nationalisme bohémien contre 1 Église catholique de l’époque et contre l’administration impériale alle­ mande, qu’ils ne séparaient point dans leurs griefs, ils ont dosé leurs affirmations suivant les milieux, suivant leurs chefs. Chaque groupe a mis en vedette sa prétention principale, sans qu’on puisse dire exacte­ ment qu’il n’ait pas partagé les revendications des autres. Jamais d’ailleurs les autorités papale et civile n’essavèrent d’exercer leurs sanctions contre les hussites. sans qu’immédiatement tous les partis ne fissent bloc contre le magistère catholique et son bras séculier. Le hussitisme remonte beaucoup plus haut que le bûcher de Constance. Sans lesupplicc de Jean Hus et de Jérôme de Prague, ce mouvement aurait conti­ nué ses progrès. 11 tient tout entier au xvicliflsme dont la nation bohémienne s’était imprégnée. Voir I lus, col. 335 sq. Le professeur d’Oxford avait dit que la < prédication est un ordre du Christ et qu’elle ne peut être empêchée par personne », que < les laïques ont le droit de prêcher contre la corruption de l’Église et le devoir d’améliorer cette société ». Scs préten­ tions à voir dans la sainte Écriture la seule règle de foi le conduisaient fatalement à faire de ses disciples des fantaisistes et des révoltés. Le supplice de Jean 1 lus accentua les protestations, en compliquant la ques­ tion de principe d’une question de personne, et en faisant de nombreux hussites de véritables forcenés. H. Programme· — Le mouvement calixtin prit pendant le séjour de J lus Λ Constance. Voir Cmjxtins, t. n, col. 1364-1367. Il devait plus particulièrement pénétrer les Praguois et dans l’est, les Horebites de KOniggraetz, en leur donnant à tous un caractère plus modéré. Le taborltisme fut organisé par Jean Ziska après la première défenestration de Prague (30 juillet 1419) dans sa forteresse de Tabor en Bohème. C'est, dit-il, < une confrérie qui s’en tiendra uniquement à la sainte Écriture : ni ΓÉglises, ni autels, ni ornements, ni cérémonies*. Le service de Dieu sc fera dans un endroit convenable, pendant que les gens assemblés diront la prière du Seigneur, et que les prêtres, en costume de tous les jours, prononceront les paroles de la consécration sur le pain et le vin placés sur une table ordinaire. Le baptême seul est reconnu comme 347 HUSSITES — HLTTEN sacrement. Il est donné avec de Peau ordinaire. La communion sera donnée sous les deux especes. La confession auriculaire, les œuvres de penitence, le purgatoire, le culte des saints, les jours de fête ct de jeûne font supprimés, comme ignorés par la Bible. Plus tard. Ziska ct ses fidèles trouvent encore que les apôtres n’avalent pas de maison, que le Sauveur n’avait pas dit aux prêtres de .s’enfermer dans des cloîtres, mais d’aller dans Je monde entier. Ils conseil­ lent donc de détruire les presbytères ct les monastères avec leurs habitants. On prêche surtout sur le Tabor que tout ce qui contredit le service de Dieu et tout péché (eimonie, réception d’argent pour fonctions spirituclkv; ct bulles) doivent être déracinés de la chrétienté. Le jour de la rédemption est proche, toutes les villes chrétiennes sauf cinq doivent être anéanties par le feu, ct maudit soit celui qui ne trempe pas son épée dans le sang des ennemis de Dieu. Les théories de Ziska ct de ses illuminés à froid mettaient donc cn coupe sombre toute la tradition catholique. En 1420,les Praguois oucalixtins utraquistes avaient rassemblé cn quatre articles leurs revendications pour les présenter à l’emjiereur Sigismond : 1° liberté de prédication; 2° communion sous les deux espèces pour tous les croyants; 3° renonciation du clergé aux possessions terrestres; 4° punition des péchés mor­ tels (simonie, réception d’argent pour fonctions spi­ rituelles). Les taborilcs ne discutèrent pas. Se lançant dans l’action, ils battirent Sigismond. Avec le prestige du succès, ils rallièrent à nouveau les utraquistes sous leurs drapeaux. Au même moment, Ziska faisait acte d’autorité parmi les siens. En 1421, il faisait massa­ crer par un de ses lieutenants scs adeptes qui, de plus cn plus pénétrés de l'enseignement wicllflstc. avaient versé dans les théories panthéistes et anarchistes beghardes et adamites. Voir Beohahds et Adamites. C'était une concession sanglante faite par le chef taborite aux utraquistes qui n’avaient pas admis les grossiers manques de révérence des victimes au sacrement choisi comme signe du parti. En somme, de 1415 à la mort de Ziska (1424), c’est bien le taboritlsme qui conduit pratiquement les groupes hussites. Après la mort de Ziska, des quatre partis nouveaux formés parles hussites,voir Calixtins, t.n, col. 1365, rutraquisme seul survécut après sa prise de contact avec le concile de Bâle, sa victoire de Llpan, près do Bœhmischbrod, sur les taborites ct les orphanlens, ct sa reconnaissance officielle cn Bohême par les Compactait! d’Iglau (1136). Voir Calixtins, col. 1366; Bale (Concile de), col. 121-122. Deux hommes, par ambition personnelle tout autant que par con­ viction religieuse, lui donnèrent vigueur, après la mort de Sigismond (1437), pour se faire une Influence. Georges Podiébrad, roi de Bohême, Jean de Rokytsana, évêque de Prague, maintinrent jus­ qu’à leur mort (1171) à rutraquisme son caractère officiel, en luttant contre les « frères bohèmes » dont les théories puritaines ct totalisles avalent plus ou moins sauvé depuis 1448 les épaves du taboritlsme. Voir Bohèmes (Frères), t. n, col. 31-34. Les prédica­ tions de saint Jean de Caplstrnn avaient d’ailleurs déjà fait leur œuvre depuis 1451-1 152. Elles enle­ vèrent finalement toute vieùl’utrnqulsmc lui-même, à l'avènement de Ladislas H (1471). Le pape n'avait jamais approuvé cette doctrine, pas plus qu'il n'avait accepté les ComparJata reconnus par le concile de i Bâle le 15 janvier 1437. Pie II, par l’intermédiaire du nonce Fnnllni, les révoquait tous deux le 13 août 1462. | Cf. Communion euchajustiqub sots les deux l espèces, t. m, col. 566. III. Conclusion. — Le caractère terrible de l’idée • hussite fut de n'étre pas restée dans le domaine de la I| 348 théorie pure. Elle voulut vivre par la terreur et le sang. Pendant vingt ans, scs adeptes, puritains, ré­ volutionnaires, anarchistes, mystiques, ont (ait de la Bohême, de la Silésie, de la Bavière, île Γ Autriche, de la Saxe et du Brandebourg un véritable désert. Antisociaux par programme, les hussites lurent de véritables sauvages pour réaliser les erreurs wiclilistes qui ruinent toute liberté humaine, toute hiérarchie, tout droit de propriété. Un demi-siècle plus lard, le chancelier Fisher, faisant au parlement anglais les remontrances qui, selon lui, devaient arrêter le roi Henri VIII dans la xoie de l’indépendance, trouvait prudent de lui rappeler les excès de la grande hérésie bohémienne. Cf. Stephens ct Must, Λ history of the English Church, 8 vol., t. iv, par Gairdner, p. 104. Par les ruines ct les carnages dont ils ont couve t l'Allemagne du xv· siècle, les hussites relevaient plus encore des tribunaux militaires que de l'oflicialité ecclésiastique. Toute la bibliographie : sources ct travaux, qui touche à la question hussito sc trouve dans les articles : Bale, Calixtins, Communion sous les deux espèces, BoιιΛμιλ (/« Frères). H us. Plus spécialement, on consultera ; L Sources. — Huiler, Fontes rerum Austrtacarum scriptores, t. vi: grande chronique des Taborites de Jean Lukowetz ct de Nicolas de Pchlrimow; t. vu: traduction allemande des annales tchèques du temps des hussites, éditées comme ni· volume dans les Fontes rerum Bohemicarum de Pelzel, Dobrowsky ct Palncky. Le v· volume des Fontes rerum Bphcmicarum contient une édition correcte des chroniques les plus importantes du temps des hussites, Prague, 1893, Λ savoir les chroniques de Laurent de Brezova, le Chronicon universUatis Pragcnsts,cl la chronique de Bartossek de Dnihonic dans l’édition de Jaroslav* Goll. Loserth, le Mémoire du chanoine de Breslau Nicolas Tempelfeld de Brieg sur l'élection de Georges de Podie­ brad. Contribution â la critique de l’histoire des hussites de Cochlüus, dans Archio trsterr. Geschichtc, t. lxi; Grrtnhngen. Geschichisquellen der ilussitenkriegc, Breslau, 1871, formant le vi· vol. «les Rerum SUcsiacarunr, Les histoires du maître Jean Léon (Die atteste Erzàhlung von der sleg~ reichen Verteidigung der StadtBruxgcgendie Hussiten, 142 J), édité par Schlesinger, Prague, 1877; Palncky, Urkundllche Beitrdgc zur Geschichtc Bûhnuns und seiner N a ch barhinder im Zc daller Georgs V Podiebrad, Vienne, 1860. IL Travaux.— Loserth,Die Kirchen und Kloslcrsturm der Hussiten, dans Zeitschrift fur Geschichtc und Politik, t. v. p. 259; dans plusieurs de scs écrits, notamment dans l’introduction Λ Wicllf : De eucharistia, Loserth n accentué que les taborites sont les élèves «le Wicllf; Preger, Ut ber das Verhidlnhz der Taborlten :u den Waldensern des ΛΊΓ Jahrhunderls, dans Abhandlungen der Munchner Academie, t. xxvm, fasc. 1; Loserth ct Haupt, Waldcn^crtunt und Inquisition im s. d. Deutschland, Fribourg-cn-Brisgau, 1890; Bezold. Kômg Sigismund und die Ileichskriegc gegen die Hussiten, 3 vol., Munich, 1872; Zur Geschichtc des Jfussltrntums, 1874 ; Théobald. Hussitenkrieg, Wittenberg. 1610; Gninhagen, Die Hussitenkampfe der Schlestcr, 1420-1135; Loserth, Urkund. Heitràge zur Gtschichle der hussitischcn Deivegung und der Hussitenkrlege mil besonderer Brnichsichtigung Mùhrens und der mâhrlsh Hussiiischen Süldner, Wotizenblatt des Verciru fur die Geschichtc Mahrens und Schlesiens, Brftnn, 1896, n. 7, 8. 11, 12. Sur les controverses des Sllislcn* avec les hussites nu temps de Georges Podlébnul. il existe une riche biblio­ graphie. Voir Codex dtptomaticus Lu\ilanlie superioris II, qui contient les origines de la guerre husslte en HauteLusnce. P. Monchlle. HUTTEN (Ulrich de), pamphlétaire allemand, né le 25 avril 1488 au château de Steckelberg, sur le Mcin, mort dans ΓΠο d'Ufnau du lac «le Zurich le 31 août 1523. Ses parents le confièrent à l’âge «le onze ans à l’abbaye de Fuldn, dans l'espoir de le voir obtenir plus lard ce riche bénéfice ecclésiastique. Mais vers l’âge de seize ans, il quitta secrètement le monastère ct alla étudier à Erfurt, Λ Cologne ctù Francfort-sur-1'Oder, où il prit le degré de malin: ès arts. Bien que dépourvu de ressources, il parcourut l’Allemagne cl pondant I quelque temps enseigna les belles-lettres a Rostock. En 1512, il publia un poème Ad divum Maximilianum Cas. Aug. bello in Venetos euntem Ulrici oon Hutten I exhortatio, in-4°, janvier 1512, et l’empereur ne manqua pas de le récompscnser généreusement. Alors il passa en Italie, afin d'y étudier le droit, selon le désir de son père : mais pressé par le besoin, il s’enrôla dans l’année impériale. Peu après, il était de retour cn Allemagne. Ayant appris .que son cousin Jean de Hutten avait été assassiné par ordre du duc Ulrich de Wurtemberg, il publia contre ce prince divers écrits satiriques qui établirent sa renommée ct le rendirent populaire en Allemagne. Dès lors il laissa libre cours à sa verve qui s’exerça contre les moines cl la domination des grands. 11 prit parti pour Rcuchlin contre les domi­ nicains, au sujet des écrits des juifs qu'un décret de l’empereur Maximilien ordonnait de détruire, et publia pour célébrer la défaite des scolastiques : Triumphus doctoris Rcuchlin. Habes, studiose lector, Joannls Capnionis viri prœstanlissimi encomion triumphanti RU ex devictis obscuris viris, id est theologistis Colo· niensibus et fratribus de ordine prædicatorum ab Eleu­ therio Byscno decantatum, in-4 °, s. 1. n. d. Il prit une part très active à la publication, ct semble être l'unique auteur du second volume des Epistolæ obscurorum virorum, collection de pamphlets aussi habiles que violents contre l’Églisc romaine ct scs institutions. En 1515, il alla de nouveau en Italie ct visita Rome, qu’il dut quitter à la suite d’une rixe avec quelques Français : pareille aventure lui arriva à Bologne. De retour en Allemagne, il vint à Augsbourg, où il fut reçu par l’empereur Maximilien, qui 1 arma chevalier ct le couronna comme poète. Retiré au château de Steckelberg, il continue sa lutte contre Rome ct publie l’écrit de Laurent Valla : De falso credita et ementita donatione. Constantini Magni : il le fait précéder d’une préface dédiée à Léon X, qu’il comble d éloges alin de pouvoir mieux jeter le blâme et le ridicule sur ses prédécesseurs. Malgré scs attaques répétées contre la religion, Ulrich de Hutten trouva un protecteur dans la personne de l’archevêque de Mayence, Albert, margrave de Brandebourg; avec celui-ci H sc rendit à la diète d’Augsbourg, et essaya de décider les princes A s’unir sous le commandement de l’empereur pour faire la guerre aux Turcs. A cc sujet il publia: Ad principes Germania· ut bellum Tureis invehent exhortatoria. Steckelberg, 1519, ct il ne manqua pas cette occasion pour attaquer les papes ct conseiller aux princes de secouer leur autorité. Après avoir pris part à une guerre contre Ulrich de Wurtemberg, qu’il poursuivait toujours de sa haine, il reprit la lutte contre Rome, publia und chronique sur la conduite du pape vis-à-vis des empereurs dans tous les siècles, ct divers traités panni lesquels : De unitate Ecclcsite conservanda ct schismate quod fuit inter Jlenricum IV et Gregorium VU papam, cujusdam ejusdem temporis theologi liber in Fuldensi bibliotheca inventus ab Jlutleno, in-4°, Mayence, 1520. et De schismate exhn· guendo et vera libertate ecclesiastica adserenda, qu’il trouva ù Boppart dans l’archevêché de Trêves. L’ar­ che vêque de Mayence comprit enfin qu’il ne pouvait continuer à protéger un pareil pamphlétaire, ct il finit même par défendre, sous peine d’excommunica­ tion, d’acheter ou de lire ses écrits. Cc fut vers cette époque, 1520, qu'Ulrich de Hutten sc mit cn relation avec Luther, auquel jusqu’alors il s’était peu Intéressé, ne voyant dans les commencements de la Réforme qu’une querelle de moines. Après avoir erré quelque temps, il trouva asile au château d’Ebcrnburg chez François de Slcklngen, cl de la répandit en Allemagne de nombreux pamphlets cn vers et en prose, en latin ct cn langue vulgaire. Excommunié par la bulle que Léon X lança contre Luther» il en publia lui même le texte, l’accompagnant d'un commentaire satirique : Bulla Leonis X contra errores Lutheri ct sequacium, in-l°. Contre le prédécesseur de ce pape il avait écrit : Julius, dialogus quomodo Julius II pontifex maximus post muriem, arli fores pulsando, a janitore D. Petro intromit! t nequiverit, ln-8®. Ulrich de Hutten employait tout son talent à prêcher la révolte, voulant soulever les campagnes, puis les villes contre le clergé ct contre la noblesse. Il n’y réussit pas; ct scs amis le trouvèrent compromettant. Il dut doncsc séparer de François de Sickliigen ct passa cn Suisse. Il séjourna à Bâle, dont le sénat lui fit un don considérable et ou II espérait trouver un appui dans Érasme; mais celui-ci recon­ duisit, ct alors Ulrich de Hutten sc retira dans une Ile du lac de Zurich, au château d’Ufnau, ou il mourut d’une maladie contractée dans les camps. A bon droit il est considéré comme un des précurseurs de la Réfomie;ce fut un révolutionnaire qul.parscsattaques répétées contre ΓÉglise, prépara l’Allemagne à suivre Luther dans sa révolte contre Rome. Dans ses écrits ct cn particulier dans Klagen gegen LcHz, 2 vol., 1510, et Ad Bilibaldum patricium Norimburgenscm epistola vitæ suæ rationem exponens, Augsbourg, 1518. il donne de nombreux détails sur sa vie ct sur les motifs qui le guidaient dans sa lutte contre le clergé ct la noblesse. Scs Opera poetica fu re ut réunis ct publiés à Bâle, in-8% 1523. Scs œuvres complètes furent éditées par E. J. H. Munch, 5 In-S°, Tublnguc, 1821-1825; par Boccking, Opera quæ reperiri potuerunt, " ln-8®, Leipzig, 1859 sq. • J. Burckard. Commentarius de fatls et merit l s U. de Hulten.cui complures hujus epiitoUr clalia ingeniiejus monu­ menta integra suntimerta, 3in-S*,Wolicnlniltcl, 1717-1723; J.-F. Christ, Commentatio de moribus, scriptis et imaginibus U. a b Hutten, equitis germanici, ίπ-i·, Magdcbourg, 1717; L. Scbubnrt, Leben und Character U. von Hutten, In-8·, Leipzig, 1816; Chr. J. Wagenscll* Ulrich von Hutten, nach seincm Leben, seinem Character, und sefnem Schriften gcschildert, in-8·, Nuremberg, 1823; J. Zeller, Ulrich de Hutten, sa oie, 3cs tr urres, son temps, in-8·, Paris, 1849; V. ChmifTourKestncr, Études sur les réformateurs du XW* siècle, in-18, Paris, 1853, t. t; D. F. Strauss, Ulrich Don Hutten, 2 ίη-8·, 1858-1860; 2· édit.. 1871; Brunet, Manuel du libraire, ln-8·, Paris, 1862, t. in. p. 339; J.-G.-Th. Ghtssc. Trésor de livres rares et précieux. in 4·, Dresde, 1862. t. in. p. 307402; Rcalenencgclopùdie fûr protestantische Théologie und Ktrche, Leipzig. 1900. t. vin, p. 491-496; Hefcle, Histoire des conciles, tnid. Leclercq. Paris, 1921, t. VIH b, p. 725, 732, 731, 752.776. 805, 806. 807, 808. 813, 816. 822, 825, 855. B. Hi:vhtldiz£. HUYGENS Gommalre était né Λ Lierre lc26févricr 1631. 11 fit, croit-on, ses humanités dans sa ville natale. Envoy é à l’univcrsilé de Louvain pour y suivre les leçons de philosophie et admis à la < pédagogie du Faucon », il était proclamé second au concours général de la faculté des arts, cn 1648. Il entra ensuite comme étudiant cn théologie au grand collège du SaintI Esprit, que dirigeait alors Jean Sinnichius. Quatre ans plus tard, il était rappelé au Faucon et chargé d’y faire un cours de philosophie. Cc poste lui valut, cn vertu des privilèges de l’université cl de la faculté des arts, une prébende canoniale au chapitre de SaintBavon à Gand; il ne prit toutefois possession de son canonical qu’en 1663, cl dès 1668 il le résignacn faveur de son frère Guillaume. Son enseignement au collège du Faucon se continua pendant seize ans avec grand succès. Mais il poursuivait simultanément scs éludes de théologie, ct le 6 novembre 1668 il obtenait le bonnet de docteur en celte science. Vers la fin de la même année, il partit pour Rome avec son collègue Odabric Randaxhc, en vue d’y négocier, au nom de l’université, la restitution du privilège Dr Henry Meige, art. Hystérie, pas à l’hypnotisme, mais au magnétisme anima*; tiré à part, 1911, p. 27-28. Les conclusions des obser­ cependant, si l’on a pu dire que « toutes proportions vations de M. Babinski, notamment, bouleversent gardées, l’hypnotisme est au magnétisme ce que la ■complètement les idées reçues dans le public non chimie est à l'alchimie, l'astronomie à l’astrologie, » spécialiste au sujet de l’hypnotisme. < Babinski a abbé Schneider, L'hypnotisme, p. 1, on comprendra démontré, écrit le Df Robert Vander Elst, dans le qu’ils puissent avoir pour nous plus qu'un Intérêt Dictionnaire apologétique de la foi catholique, art. rétrospectif et que nous puissions y découvrir des Hystérie, col. 539, que l'hypnotisme ne peut être principes et des règles pratiques applicables à l'hyp­ •opéré contre le gré du sujet; qu’il n'y a pas amnésie notisme. complète, au réveil de l’hypnotisé, ù l’égard des faits 1° Le 3 juin 1840, à la question suivante posée au suggérés pendant le sommeil; qu'il n'y a pas incon­ Saint-Office : Utrum magnetismus generatim acceptus science, même dans l'état léthargique; que, dans le et in se censeri debeat licitus an illicitus ? la S. G. ré­ somnambulisme, le sujet ne perd pas le contrôle de sa pondait : Remoto omni errore, sortilcgio, explicita aut volonté. » implicita invocatione diemonis, merus actus adhibendi D’autre part, l'emploi de l’hypnotisme en théra­ media physica aliunde licita, non est morat iter vetitus, peutique est à peu près, sinon complètement, aban­ dummodo non tendant ad finem illicitum, aut quomodo· donné : « On le réserve, dit le Df Vander Elst, ibid., cumque pravum. Applicatio autem principiorum et à la cure des petits accidents hystériques » ; il affirme mediorum pure physicorum ad res aut effectus vere même « qu'on n’hypnotise plus ». Ibid., col. 538. Les supcrnaluralcs, ut physice explicentur, non est nisi médecins, les vrais médecins du moins, n’y recourent deceptio illicita et hœrclicalis. Cf. Gury-Ballcrini, aujourd’hui qu’en manière de traitement psycho­ Compendium thcologiie moratis, 17· édit., 1866, t. i, thérapique, comme ils font usage du courant fara­ p. 276, note; Bcrgler, Dictionnaire de théologie, 1852, dique pour « guérir · les anesthésies ou paralysies t. iv, p. 180; Ojctli, Synopsis rerum moralium cl purement fonctionnelles, ou les douleurs sine materia. juris pontificii, alphabctico ordine digesta, 1911, t. n, Pour le traitement meme des troubles hystériques, n. 2331, coi. 213 1. le Dr IL Meige écrit à la lin de l’article cité : « Enfin, Le Saint-Office, qui d’ailleurs avait commencé sa on s’abstiendra de manoeuvres hypnotiques, saut dans réponse en renvoyant l’auteur de la supplique ad pro­ quelques cas rarissimes, et encore... L’abus des pra­ batos auctores, cf. Bergicr, loc. clL, s’il ne résolvait tiques de l’hypnotisme ne peut qu’être préjudiciable. pas ensuite directement la question posée, établis­ On obtient d’excellents résultats par les Interventions sait du moins des principes qui pouvaient servir à la psychothérapiques à l’état de veille, sous forme d’ex­ résoudre. Ils peuvent encore nous servir aujourd’hui. plications, d’encouragement et de bons conseils. Le Qu’il s'agisse d’hypnolltmc, de somnambulisme, malade ne peut qu’y gagner, et le médecin pareille­ de spiritisme ou d'autres phénomènes encore Inex­ ment· Nous devons tenir notre prestige et nos moyens pliqués, pour juger de leur licéité, nous devons d’abord de guérison, non pas d’un prétendu pouvoir mysté­ examiner si les moyens employés sont proportionnés rieux, mais de la confiance qu’inspire le savoir allié aux résultats obtenus ou recherchés: s'il ne s'agit que au dévouement. » d’obtenir des effets naturels par des moyens propor­ En définitive, que reste-t-il donc que soit l’hypnose? tionnés, la morale est sauve; s’il s’agit au contraire d’obtenir des effets merveilleux, vraiment surnaturels. Il reste qu’elle est non pas, à proprement parler, un 361 HYPNOTISME 362 par des moyens naturels, de telles pratiques ne peu- < produit la déclaration de 18-17, la fait précéder de vent être approuvées. cette explication : verum, quia, præter particulares 2° Lc 21 avril 1841, nouvelle réponse du Saint- casus, de usu magnetismi generatim agendum erat, Ofliee : t'sin/i niogne/fcm/, prout exponitur, non (terre. hinc per rnodum requite sic statutum fuit. Cf. Dcnzlnger-Baimwarl, Enchiridion symbolorum, 6e Enfin, le 4 août 1856. le Saint-Office envoyait 13· édit., 1921, η. 1653. à tous les évêques une lettre encyclique ad magnetismi 3° L'exposé auquel sc réfère cette réponse devait abusus compescendos. Le lexte complet est donné par sans doute ressembler û celui que fit, le 19 mai 1841, Gury-Ballerinl, loc. cil., p. 287-289; par LehmUubl, dans su consultation ù la S. Pénltenccrtc, l’évêque de loc. cil., p. 226-227; par Muller, Theologia moralis, 5· édit., 1887, t. it, p. 255-256; la plus grande partie Lausanne et Genève. Voir le texte complet dans Gury-Ballerinl, loc. cil., p. 282-286; dans Gousset,· s’en trouve dans Denzlngcr-Bannwart, n. 1653 1654. 1. La lettre ency clique caractérise en ces termes la Théologie morale, 8· édit., 1851, t. f, p. 565-567, cl la traduction française dans le Dictionnaire de théologie nouvelle superstition qui sc répand dans le monde : morale de l’abbé Pierrot, t. n, col. 255-256, dans le Noaum quoddam superstitionis genus invehi ex phænomen is magnet icis, quibus haud scientiis physicis t. xxxn de 1’Encyclopédie théologique de Migne, 1849. * Une personne magnétisée, laquelle est ordinaire­ enucleandis, ut par esset, sed decipiendis ac seducendis ment du sexe féminin, entre dans un tel état de som­ hominibus student neoterici plures, rati posse occulta, meil que ni le plus grand bruit fait ά ses oreilles ni la remota ac futura detegi magnetismi arte vel præstigio, præsertim ope muliercularum quæ unice a magneliviolence du fer et du feu ne sauraient l’en tirer... Alors, interrogée de vive voix ou mentalement (sans satoris nutu pendent. 2. Elle rappelle d'une part les responsiones ad doute par le magnétiseur seul) sur sa maladie ou sur celle de personnes absentes, qui lui sont abso­ peculiares casus quibus reprobantur tanquam illicita illa experimenta que?ad finem non naturalem.non honestum, lument inconnues (mais dont on lui met dans la main une boucle de cheveux), celle magnétisée, notoirement non debitis mediis assequendum ordinantur, et, d’autre Ignorante, sc trouve à l'instant douée d’une science part, la déclaration de principe et la règle générale bien supérieure à celle des médecins : elle donne des portée le 28 juillet 18-17. 3. Elle constate que la nouvelle superstition ne descriptions anatomiques d’une parfaite exactitude; I elle indique le siège, la cause, la nature des maladies fait que grandir; le magnétisme a dégénéré en divi­ nation, en somnambulisme, en spiritisme: ut.neglecto Internes du corps humain les plus difficiles û connaître et à caractériser; souvent elle en prédit la durée pré­ licito studio scientiæ potius curiosa sectantes, anclandi cise et en prescrit les remèdes les plus simples et les divinandive principium quoddam se nactos glocientur· Hinc somnambulismi et claræ intuitionis, uti coeant, plus efficaces... Aussitôt que la boucle de cheveux est seulement approchée contre la main de la magné­ præstigiis, mulicrculæ illæ... sc invisibilia quæque tisée, celle-ci dit de qui sont ces cheveux, où est ac­ conspicere effutiunt, ac de ipsa religione sermones instituere, animas mortuorum crocare, responsa acci­ tuellement la personne de qui ils vicnnent.ee qu’elle fait : et sur sa maladie elle donne tous les renseigne­ pere, ignota ac longinqua detegere aliaque id genus su­ ments énoncés ci-dessus avec autant d’exactitude perstitiosa exercere... praesumunt, magnum quxslum que si elle faisait l’autopsie du corps... Tirée de cet sibi ac dominis suis divinando certo conseruluræ. 4. Les ésèques devront donc s’employer qua palcrétat,... elle parait complètement Ignorer tout cc qui lui est arrivé pendant l’accès... » On voit, par cette næ caritatis monitis, qua severis objurgationibus, qua citation, en quoi diffèrent, en quoi sc ressemblent les demum juris remediis adhibitis, à faire cesser ces abus phénomènes du magnétisme et les phénomènes de du magnétisme. Lc principe général qui fait immédiatement dé­ l’hypnotisme : cc qu’on demandait aux sujets ma­ gnétisés d’alors, c’était à peu près cc que l’on va de­ couvrir 1 illicéité de pareils usages est rappelé encore mander aujourd’hui aux somnambules profession­ en quelques mots : In hisce omnibus, quacumque de­ nelles extra-lucides. La S. Pénltenccric répondit, le mum utantur arte vel illusione, cum ordinentur medi t physica ad effectus non naturales, reperitur deceptio 1er juillet 1841, exactement comme le Salnt-Ofllce : omnino illicita et hæreticalis. Toutes les fois qu’il y a usum magnetismi, prout in casu exponitur, non licere. disproportion évidente entre les moyens naturels 4° Mgr Gousset, loc. cil., p. 567, ne trouvant pas cette réponse « absolue ». crut « devoir, en 1842, con­ employés et les effets surnaturels recherchés, on est sulter le saint-siège sur la même question, demandant dans l’erreur et dans le désordre. 7· Le dernier document officiel qu’il nous reste à si, sepositis rei abusibus rejectoquc omni cum dæmone foedere. Il était pennis d’exercer le magnétisme ani­ mentionner est plus récent et se rapporte directement mal, ou d’y recourir, en l’envisageant comme un re­ ù la suggestion hypnotique, voire même à la sugges­ tion sans qualificatif. C’est une réponse, du 26 juil­ mède que l’on croit utile ù la santé. » Lc cardinal de Castracanc, grand-pénitencier, répondit ù Mgr Gous­ let 1899, du Saint-Office à la consultation d’un méde­ set, en date du 2 septembre 1843 : » La question n’est cin catholique. Elle sc trouve dans Ojcttl, loc. cil., col. 2135. Lc médecin avait demandé : An liceat sibi pas de nature à être décidée de sitôt, si jamais elle l’est, parce qu’on ne court aucun risque à en différer partem habere in disputationibus qux fiunt a societate scientiarum medicarum de suggestionibus in cura pue­ la décision cl qu’une décision prématurée pourrait rorum infirmorum. Agitur non de discutiendis tantum compromettre l’honneur du saint-siège; tant qu’il a été question de l’application du magnétisme ù quel­ experimentis jam factis, sed etiam de novis experimen­ ques vas particuliers, le saint-siège n’a pas hésité tis agendis, sive hare rationibus naturalibus explicor possint, sive non. On lui répondit : Quoad experimenta à sc prononcer; mais Λ présent, c’est en général qu’on examine si l’usage du magnétisme peut s’accorder jam facta permitti posse, modo absit periculum super­ stitionis et scandali... Quoad nova experimenta, si aga­ avec la foi cl les bonnes mœurs. » 5° Lc 28 juillet 1847, le Saint-Office renouvelait, tur de factis quæ certo naturae vires praetergrediantur, en la modifiant légèrement, sa déclaration du 23 non licere; sin vero de hoc dubitatur, praemissa protesta­ tione nullam partem haberi velle in factis præternajuin 1840. Cf. Denzingcr-Bannwarl, loc. cil. Lc saintsiège sc croyait celle fois en état de porter une déci­ turalibus, tolerandum, modo absit periculum scandali. En somme, on peut dire qu’une seule idée, toujours sion s'appliquant, non Λ quelques cas particuliers, mais à l’usage du magnétisme en général, car la la même de 1840 à 1899, une seule préoccupation, lettre encyclique du 4 août 1856, qui rappelle et re­ sc rencontre dans tous ces documents : prendre garde 363 H YPNOTISME 364 a la superstition, prend garde de délaisser les re­ i hystériques seuls sont justiciables de l’hypnotisme. Or, Ils cherches vraiment scientifiques, qui sont lentes et sont déjà tout hypnotisés, en vertu de l'analogie entre l’hypnose et l’hystérie. Donc il ne reste duns hi pratique pénibles, mais saines et sûres, pour satisfaire une qu ’û les suggestionner. vainc curiosité par des moyens qui ne peuvent être que 3· Sur l'hystérie. — 1. Généralités. — Art. Hystérie décevants, si même nous n’y sommes pas le jouet du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales des puissances de ténèbres : ut, neglecto licito studio (Grasset); de la Grande encyclopédie (Lemoine); de la scientist potius curiosa sedantes, arinlandt diuinandioe Pratique médico-chirurgicale (Meige), 1912; du Diction­ principium quoddam se naclos glocientur. Lettre en­ naire apologétique de la foi catholique (Vander Elst), 1912; cyclique du 4 août 1856. L’Église, en condamnant M. Lewandowski, Die Hysteric, Berlin, 1914. — 2. Histoire. la superstition, atteint le charlatanisme, aussi opposé Origines de la notion d'hystérie (conçue comme névrose). — Georget, Physiologie du système nerveux, Paris, 1821; Braà la science qu'à la morale. *chet. Nature et siège dr l'hystérie, Paris, 1832; Briquet, A. Fonck. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, Paris, 1859; L Ouvrages DF. MÉDECINS. — 1* Sur l'hypnotisme. — 1. GénéraitUs. — Art. Hypnotisme du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, par Mathias Duval, 1874; du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, par P, Richer et Gilles de La Tourette, 1889; de lu Grande encyclopédie, pur G. Lemoine, 1895; de la Pratique mécidochirurgicale, par Bauer, 1912; du Dictionnaire apologétique dr ta /ai catholique, par IL Vander Elst, 1912. — 2. Origines, notion du sommeil pathologique. — Braid, Neurypnologicfcic), 1845; trad, fninç. de .L Simon, prêt, de Brown-Séquard, 1883; IJébeaull, Du sommeil et des états analogues, action du moral sur le physique, 1886; A. Maury, Lr sommeil et les rêves, l'édit·, 1878. —3. Dormes, technique et application. — DT Luys, Compte rendu de l'Académie des sciences, 1888; Dleulafoy, Pathologie interne, t. m, iv· classe, c. vi, § 1; Ch. Féré, Les hypnotisés cl hystériques, considérés comme sujets d'expériences en médecine mentale, dans les Archives de neurologie, t. vi, p. 130; Grasset, Levons, recueillies par Rauzier, Hevue de l'hypnotisme, mal-juin 1889; voir aussi L'hypnotisme et la suggestion, c. i v ; Degrés et variétés de Γhy­ pnose; Babinski, Grand et petit hypnotisme, dans les Archives de neurologie, 1889, n. 49, 50; Voisin, Semaine médicale, 1891, p. 304; Crocq, L'hypnotisme scientifique, un vol. de la Société d'études scientifiques; Dr Joirc, Traité complet d'hypnotisme expérimental et de psychothérapie, 1914; Lyon, Clinique thérapeutique, p. 1118 sq.; Albert Deschamps, Maladies de l'esprit et asthénies, Paris, 1919, p. 556 sq. — 4. Hypnotisme et suggestion. — Grasset, L'hypnotisme et la suggestion, 1903; Bernheim, Hypnotisme, suggestion, psy­ chothérapie, 1891 ; Im suggcs'lon dans l'état hypnotique, dans la Hevue médicale de TEst, 1884; Communie, nu Congrès lnrc. Insti­ tutiones morales alphonstanar, part. 1, tr. IV, c. v, n. 361, 3·; part. Il, fect.ii.tr. Vil I,c. l,De Inrslunc veritatis,n. 1177, 2 in-8·, Home, 1904. t. i, p. 231,739; Bucccronl, 1ns h ta­ liones theologiae moralis, tr. De octavo Decalogi prrecepto, IV. De mendacio, n. 1525. 2 in-8·. Borne, 1908,1. i,p.659; Génlcot. Theologia moralis institutiones, tr. IV, c. v, | 1, n. 177; tr. V, Appendix, S 2, n. 248. 2 in-8·, Bruxelles, 1909, 1.I, p. 115, 207. T. Ortolan. HYPOSTASE. Dans lo langage théologique actuel, ύπόστασχς, « hypostase », est l'équivalent de persona, «personne ». Pour ce motif, dans le mystère de l’incarnation, l'union desdeux natures dans l’unique personne du Fils de Dieu est appelée union hyposlaliquc. Toutefois, l’équivalence des mots hypostase ct personne n’a été reconnue, dans le langage des Pères ct de l’Église, qu'à la suite de longues controverses. De plus, des précisions nouvelles, tendant à appro­ fondir le mystère de Γ Homme-Dieu» sc sont fait jour dans l'enseignement théologique. Le mot hypostase a donc subi, quant ù sa signi tlcation, une évolution véri­ table. On peut dire que celte évolution est double : avec les Pères, clic est principalement d'ordre dogma­ tique; au moyen Age, clic devient, avec les scolas­ tiques, exclusivement d'ordre théologique. Enfin, en ces derniers siècles, un enseignement, issu de la philo­ sophie moderne, a prétendu réformer les notions tradi­ tionnelles d’hypostasc ct de personne, appliquées aux choses de la foi. Nous étudierons donc l’hypostase : I. chez les Pères; II. chez les théologiens scolastiques; 111. dans les systèmes hétérodoxes modernes. I. Chez les Pères. — i. zm.vs les formules TRINITaires. — 1° Chez les Pères grecs, avant la détermination scientifique des formules trinitaircs. — 1. Sens primitif vulgaire. — Alors que le mot usie, ουσία, voir Essence, t. v, col. 837, avait trouvé une définition précise chez Aristote, le mot ΰπόστασις ne fait pas partie du langage philosophique du Stagirite. Socrate, H. E., 1. Ill, c. vu, P. Cf., t. lxvii, coL 395. Dans son sens philosophique, ce mot paraît plutôt d'origine platonicienne, avec la double signification que lui assigneront plus tard les Pères grecs. Voir l’emploi qu'en fait Plolin, Ennéades, Bâle, 1582, V·, 1. I, c. ni, vi, vu. C'est le terme hypostase qui, chez les néo-platoniciens, explique la théorie des émana­ tions, de ces puissances, intermédiaires entre Dieu, dont elles sont comme lo prolongement et l'instru­ ment, ct le monde, dont elles sont les exemplaires, les modèles, les forces créatrices. Cf. Rcnouvlcr, Les dilemmes de la métaphysique pure, Paris, 1901, Intro­ duction, xiii, p. 28. Toutefois, Aristote étudie à plu­ sieurs reprises le sujet individuel, envisagé dans son dernier complément, lequel n’cst autre que 1’hypo­ stase, tellcque nous la concevons aujourd’hui. Mctaph., I. V, c. vin ; I. V11, c. xiii, § 7; c. xv. § 2; 1. X, c. n, §5, trad, fianç. Barthélcmy-Saint-Hilalrc, Paris, 1879, t. n, p. 132,343,354 ; t. m, p. 16. Mais dans le langage vulgaire, et Aristote l’emploie en ce sens, ύπόστααις signifie simplement ce qui est réalité objective, consis­ tante. par opposition à ce qui n'est que phénomène subjectif ou illusoire : · Parmi les météores, il faut distinguer ceux qui ne sont que des apparences cl ceux qui existent réellement, τα μ’ιν κατ* Γμφασιν, τχ δΐ καθ’ ύπόστασιν. Du monde, c. iv, § 25, Mélêorot, trad. Barthé­ 370 lemy-Saint-iiiiairc, Paris, 1863, p. 378. De là, une autre signification, celle de résidu pesant. Mélèor., I. 11, c. n, § i l; c. m, $ 15, ibtd., p, 114, 127. Un com­ mentateur du iv· siècle, Themistios, In Phys., 1. H, oppose les choses distinctes par la seule raison aux choses réellement distinctes, à μηδί τω λόγω γωρστά, ταύτα καιυποστάσιι χωρίζουσιν. Réalité objective, con­ sistance, d'où substance. Celle signitlcation primitive sc retrouve dans le lan­ gage ecclésiastique courant. On la rencontre dans l’Écriturc avec les nuances de réalité ou substance, Heb.« i, 3; de sujet, base, fondement, Il Cor., ix, 4; xi, 17; Hcb., m, 14; xi, 1; ci. Ps. xxxvm, 6, 18; Lxvm, 3 ; lxxxviii, 48 ; cxxxvm, 15; Sap., xvj, 21; Jer., xxm, 18; I Reg., xm, 23; 11 Reg., xxm, 14. On la retrouve chez certains Pères, qui désignent par le mot hypostase une réalité, c'est-à-dire ce qui pos­ sède l’être ou l’étrc tout court. Ainsi Ta lien, Advenus g necos oratio, n. 5, appelle Dieu l’hypostase du monde, parce qu’avant la création, Dieu subsistait seul; n. 6, déclare que dans le sein maternel, l’enfant appartient à l’hypostase de la mire. Cf. ibid., ct n. 15, P. G., L vi, col. 813, 817, 837. Origène, Contra Celsum, 1. I, n. 3, P. G., t. xi, col. 700, met au défi Celse de montrer la substance, ύπόστασιν, des idoles.Cf. 1. Ill, n. 23, ibid., col. 945 ; 1. VI, n. 71, où, par hypostase, il entend la réalité substantielle, ibid., col. 1408; I. VIII, n. 67, ibid., col. 1617; De oratione, n. 27, ibid., col. 512. Voir j d’autres références dans Kœtschau, Ori genes Werke, Leipzig, 1899, aux tables, au mot ύπόστατζς. Le pseudo-Ignace. Ad Phil., xn, 3, invoque Dieu, gardien de sa persévérance, ύποστάσ.ως φύλακα. Funk, Pa­ tres apostotia, Tubinguc. 1901, t. n, p. 120. Saint Basile, parlant de la substance des anges, emploie successivement les tenues ούσίχ et ύπόστχσις, De Spiritu Sancto, c. χνι, n. 38. P. G., t. xxxn, col. 137, 138; même remarque pour la substance des Justes, chez le pscudo-Basile, Advers. Eunomium, 1. V, Dr Spi­ ritu, P. G., t. xxix, col. 769. Saint Cyrille d'Alexan­ drie explique que ce qui n’a pas d’hypostasc équivaut au néant, n'csl absolument rien: το urt ύφιττώς, cv'ta»» μηδινί, μαλλο*/ oc χαντιλώς oûofv.Dc recta fide ad Theo­ dosium, n. 13, P. G., t. lxxvi, col. 1153. A rap­ procher de ce sens la formule cyrlllienne si usitée : xxO ύπόστασιν, équivalente de χχτχ άλήΟααν, et qu’on retrouve chez d’autres auteurs postérieurs à saint Cyrille, et même, comme saint Grégoire de Nysse, antérieurs. En ce sens aussi, snint Éplphano, voulant insister sur la réalité de l'intelligence humaine, l’ap­ pelle ύπόστασις. Hier., lxxviî. n. 24, P. G., t. xlii, col. G76. Saint Basile parle de la réalité des sciences, τ<5ν TC'/νών ή ύτώστασις. Contra Eunomium,\. II, η. 16, P. G., t. xxix, col. 605. Saint Grégoire de Nysse, ex­ primant la fragilité des sophismes d’Eunomlus, les compare à une toile d’araignée : ils n'ont aucune consistance: ύχόστασις oi ούχ Ιστιν έν τώ σ/ηματ:* όγάρ άψάμίνος, ούδένος ύφίστωτος άπτιται. Contra Eunomium, LU, P. G., t.xLV,col.489.Cf. Oratio catechctica, c. xvt, xxi, XXXVII, ibid., col. 52. 59. 96. 97. Ainsi encore, d'après saint Cyrille d’Alexandrie, il y a eu, dans l'incarnation, concours de réalités (d’hypostases) : πραγμάτων ηγουν ύποστάσιων γέγονί σύνοδος. Apol. contra Theodorctum proXll capitibus, P. G.,t. lxxvi, coi. 396. Dans son commentaire sur Aristote, saint Thomas reprend ce sens vulgaire d’hypostasc. Me­ teor., 1. II, lect. n, v, et, s'appuyant sur la compa­ raison de la lumière, qui est l’hypostase, c'est-à-dire le soutien, le fondement des couleurs, il explique le texte de Hcb.. xi, 1, relatif à la foi, substance, c’està-dire fondcAient de nos espérances. In ί V Sent., 1. II I, dist. XXIII, q. n, a. l,ad 1««. Sur ce sens primi­ tif ct populaire ά’υποστασις, voir Petau. Theologica dog­ mata, Paris, 1867, De Trinitate, 1. IV, c. i, n. 5 ; n. 13, HYPOSTASE note de l’éditeur; Stentrup, Prætcctiones dogmatteæ dc Verbo incarnato, Inspruck, 1882, part. I, t. i, p. 390; P. de Régnon, Éludes de théologie positive sur ta sainte Trinité, Taris, 1892, t. î, c. ni, p. 139 sq. ; J. Le bre­ ton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, p. 349, note 4 ; Béthune-Baker, The meaning o/ ho~ moousios in the Constantinopolitan creed, dans Texts an I studies, t. vn, p. 74 sq.; Jannsens, Summa theolo­ gica, Fribourg-cn-Brisgou, 1901, t. IV, p. 121-125. X Sens concret du mot ύποστασ-.ς. — Une remarque préalable s'impose. Nous l'empruntons au P. de Ré­ gnon, op. ciL, p. 113 : « .Aristote distinguait les pre­ mières usics (essences concrètes) ct les secondes usics. Sans conteste, les premières usics sont les substances individuelles. Quant aux secondes usics, on leur donne parfois le nom d'essences. Cette traduction n’est exacte que si l'on y attache un sens véritablement réaliste, c'est-à-dire si on prend l’usie non comme une idée abstraite, mais bien comme une réalité substan­ tielle existant dans l’individu. » La même remarque s’applique au terme ύπόστασις. Pour le traduire exactement par subsistentia, il faut prendre ce dernier mot, non dans le sens d’une simple modalité, comme pourrait l’insinuer la forme gramma­ ticale dc sa terminaison, mais bien dans le sens formel d'une réalité substantielle ct individuelle. Dans le langage grec, on ne dit pas : « Pierre a une hypo­ stase », mais on dit : · Pierre est uno hypostase, » comme on dit : < Pierre est une substance. · Le mot hypostase est concret, comme le mot personne. Aussi Petau observait-il justement, op. cit., 1. IV, c. ni, n. 6, que les anciens Latins, qui ont traduit ύπίστασις par subsistentia, donnaient au mot latin un sens concret qu’il a perdu en scolastique. Ils ne di­ saient pas : Paler habet subsistentiam ; ils disaient : Pater est subsistentia. Sur le sens concret d'Gxôaraatç, voir S. Anastase le Sinalte, llodcgos, c. n, P. G., t. lxxxix, col. 57-60; l’auteur du Desectis, actio I, P. G., t lxxxvî, col. 1197-1200 ; Théodore .Abucara, Opusc., disp. II, P. G., t. xcvn, col. 1472. Suarez, Metaph., disp. XXXIV, sect, i, n. 5, affirme, en sc référant aux actes des VI· ct VII· conciles œcuméni­ ques, que le sens abstrait sc rencontre parfois chez les Pères ct dans les textes conciliaires; mais cette affirmation est sans fondement. Voir les textes Invo­ qués, dans Mansi, Concil., t. xi,col. 455 sq. ; t. xn, col. 1121,1136, 1140. Vasquez reconnaît expressément que le sens concret est le seul sens du mot hypostase, chez les Pères. In IIP* part.Sum. thcol. S. Thomæ, disp. XVI, c. ni; disp. XXXll, c. n, n. 11. 3. Premières applications du mot hypostase aux ques­ tions trinitaires. — a) Double signification. — Le sens primitif (Γ&πόστασις persistant dans ic langage des Orientaux, les Pères sc trouvèrent assez embarrassés dans l’application dc ce terme aux problèmes trini­ taires. L’être subsistant, la réalité objective sc trouvent tout aussi bien dans l'essence divine que dans chacune des personnes. Dc là, avant qu'un accord soit intervenu ct ait fixé, pour l’Église entière, la signification ά’ούσία et ά’^πόστασις, un flottement inévitable sc produisit dans l’emploi dc l’un et dc l’autre. Réalité objective, être subsistant, ύπόστασις a toujours cette signification, à tel point que souvent, voir plus loin, col. 404, les Pères emploient, comme synonyme Ο’υπόστασις, Οπαρξις, existence. Mais, s'il s'agit de désigner la réalité subsistante en Dieu, l’objet de cette désignation peut être tout aussi bien l'essence, Γονσία, que chacune des trois personnes prises indi­ viduellement. Ces deux sens se retrouvent parallèle­ ment, non seulement chez des écrivains différents, mais chez le même auteur. Saint Jean Damascene nous en avertit : < Le mot hypostase, écrit-il, a deux significations. Tantôt, 11 signifie simplement l’cxis- 372 tcncc; suivant celte signification, usie ct hypostase sont la même chose. Voilà pourquoi certains Pères ont dit les natures ou les hypostases. Tantôt, il désigne ce qui existe par soi-même ct dans sa propre existence. Suivant cette signification, il désigne 1 individu numé­ riquement différent dc tout autre, par exemple, Pierre, Paul, un certain cheval. » Dialectique, c. xlh, P. G., t. xciv, col. 612. Cf. c. ni, xxn, xxx, ibid., coL 573, 589, 592-596. Voir également l’auteur du Desectis, actio VI, η. 2, P. G., t. lxxxvî, coi. 1240; Léonce de Byzance, Capita triginta contra Severum, c. xxvii, P. G., t. lxxxvî, col. 1912. b) Applications.—σ.'Γχοστασι; equivalent <Γούσία.—· En parlant de la substance divine, il n’est pas rare de trouver (en dehors du sabellianisme, dont on n’a pas à parler ici, voir ce mot) hypostase sy nony me d'essence ou dc nature. L’accusation dc trithéisme, portée au in· siècle, devant le pape Denys, contre Denys d’Alexandrie, parce que ce dernier professait la théorie des trois hypostases divines, est une preuve manifeste de l’équivalence accordée par beaucoup aux termes essence ct hypostase. Voir S. Athanasc, De decretis Nicirnœ synodi, n. 26; De sententia Dionysii, η. 13, P. G., t. xxv, col. 461,497-500. Cf. Duchesne, Histoire ancienne de TÉglise, Paris, 1906,1.1, p. 486. Mais nous possédons des textes positifs : S. Irénéc, Conl. hier., 1. V, c. xxxvi, P. G., t. vu, col. 1221 ; S. Grégoire le Thaumaturge, dans S. Basile, Epist., ccx, n. 5, P. G., t. xxxn, col. 776 Saint Grégoire dc Nyssc fait celte identification parlant dc la notion d’un Verbe ivουσία et d’un Esprit cv ύποστάσιι, c'est-à-dire existants en soi, substantiels. Oratio calechclica, c. iv, P. G., t. xlv, col. 20. Cf. Contra Eunomium, 1. I, P. G., t. xlv, col. 305. Dans le discours catéchétique, c. i, ύπόστασις, appliqué au Verbe, signifie sa réalité, iàid.,col. 13; c. v, col. 21 ; c. n, col. 19-20; même sens pour l’Esprit-Saint, mais c. ni, col. 20, il prend le sens de personne. Καθ’ ύπόστασιν. c. vi, signifie selon la réalité, substantiellement, c. vu, col. 28, 32. Saint Cyrille dc Jérusalem appelle ύπόστασιν, Cal., vr, n. 5, la substance de Dieu; Cal., xvi, n. 5, la substance dc l’Esprit-Saint. P. G., t. xxxm, col. 545, 924. Saint Épiphanc identifie les deux termes usie ct hypostase en plusieurs endroits, Ilær., lxxiv, n. 4; lxix, n. 70; parce que consubstantiels, le Père, le Fils ct le SaintEsprit sont chacun Ανυπόστατος. Cf. Ancoratus, n. 6, 10, P. G., t. xlii, coi. 481, 317-320 ; t. xi.m,col. 25-26. Même remarque pour saint Athanasc, De decretis Nicæiiæ synodi, n. 27, P. G., t. xxv, col. 465; De syno­ dis, n. 41, P. G., t. xxvi, col. 765; Epist. ad Afros, n. 4, ibid., col. 1036; Tomus ad Antiochenos, n. 5, G, ibid., col. 800-801 ; Orat., iv, contra arianos, n. 1, ibid.9 col. 468. Réciproquement, on trouve, quoique plus rarement, des exemples de l’emploi d'ouafa dans le sens d’hypo­ stasc; c'est-à-dire dcsubstance individuée complète. On signalera simplement en passant Arius, dont l’au­ torité est suspecte : néanmoins II est curieux dc voir qu’il emploie Indifféremment ουσίαι et ΰποστάσιις, pour désigner les personnes du Père ct du Fils. S. Athanase, Oral., t, contra arianos, n. 7 ; Dc synodis, n. 15, P. G., t. xxvi, col. 24, 708. Mais la lettre ency­ clique d’Alexandre d'Alexandrie, rapportée par So­ crate, fait mention de Γούσία du Père, P. G., t. xvm, col. 576; cf. col. 537 : δμοχος κατ’ ουσίαν. Voir cette identification dans Origène, De oratione, n. 15, P. G., t. xi, col. 465; In Joannis Evangelium, t. n,n. 18, P. G., t. xiv, col. 153; mais parfois l’identification est mar­ quée par un correctif indiquant la singularité parfaite de l'essence : Origène dit Ιδίαν ουσίαν, η. 6, ibid., col. 128, ou encore ούσ αν κατά πιοιγραρ{ν, t. ι, η. 42, ibid., col. 101. Au dire de Photius, P. G., t. cm, col. 400, Pierius d'Alexandrie (ni· s.) aurait parlé de 373 HYPOSTASE deux usics ct de deux natures : ουσίας δύο καί ψόσιις δύο, pour signifier les deux hypostases du Père ct du Fils. On trouve également celte Identification dans l’épltre dite synodale des Pères d’Antioche (269) contre Paul de Samosale. Voir Mansl, Concil., t. î, col. 1033. Le pseudo-Ignace, en parlant du Fils, rappelle Γουσία γιννητή, Funk, Patres aposloltcl, t. h, p. 86, tandis que saint Grégoire de Nyssc nomme le Père la sub­ stance non engendrée : η μη γιννηθίίσα ουσία. Contra Eunomium, 1. XII, P. G., t. xiv, col. 917. Cf. S. Éplpliane, Hier., lxxvi, P. G., t. xlii, col. 624; S. Cyrille d’Alexandrie, De Trinitate, dial. Il, P. G., t. lxxv, col. 741. Voir la discussion de ces textes, ct dc quel­ ques autres, clans Passaglia, De ecclesiastica significa· tione τής ουσίας, Home, 1850, theorema I. Cf. Pct au, De Trinitate, I. IV, c. î, n. 2-3. 11 ne faut donc pas s’étonner dc trouver, à la fin du symbole dc Nicée, voir Arianisme, t. I, col. 1801, un anathématisme où l’équivalence des termes hypostase ct usie semble affirmée, comme dans l’épltre syno­ dale d’Antioche, cf. Denzinger Bannwarl, n. 54 : < L'Église catholique, y lit-on, analhématisc ceux qui disent du Fils de Dieu qu’il fut un temps où 11 n’était pas, ou qu’il n’était pas avant d’être engendré, ou qu’il est tiré du néant, ou qu’il procède d’une autre hypostase ou usie, έξ ίτέρας ύποστάσιως η ουσίας... » Saint Basile veut que le concile ait distingué dans ce texte hypostase ct usie. « Si ces deux mots ont la même signification, quel besoin d’employer l’un ct l’autre? Le concile, en condamnant soit ceux qui nient que le Fils procède dc l’uslc du Père, soit ceux qui prétendent qu’il ne procède pas dc l’usic, mais d’une certaine autre hypostase, témoigne par là qu’il distingue ces deux erreurs. > Epist., exxv, n. 1, P. G., t. xxxn, col. 547. II ne paraît pas toutefois que la pensée des Pères ait été à ce point précisée. Petau dit avec justesse, loc. cit., c. ni, n. 6, que l'énumération c? έτέρας ύποστάσιως ή ουσίας n’a d’autre but que d’obstnicr tous les chemins par où le serpent dc l’hérésie aurait pu s’échapper. Saint Athanasc, mieux placé que quiconque pour porter un jugement sur ce point controversé, affirme que le concile a eu raison dc nommer à la fols Γουσία ct Γύπάστασις, parce que ces deux mots s’accordent pour signifier tout ce qu’il y a dc plus réel dans l’être. Epist. ad Afros, n. I, P. G., t. xxvi, col. 1036. Ci. Petau, De Trinitate, 1. IV, c. î, n. 5, 6; 1. VII, c. xv, n. 1I. Qu’Athanase ail lui-même fréquemment iden­ tifié ουσία ct ύπόστασις, c’est là une vérité qu’on ne peut contester. Petau, ibid., n. 7. Cf. De decretis Ni· ciena synodi, n. 27, P. G., t. xxv, col. 465 ; Epist. ad Afros, loc. cit. Il parle souvent dc Γουσία du Logos ou du Christ. Epist., iv, ad Serapionem, n. 4 ; De synodis, n. 45, 48 ; Tomus ad Antioch., n. 3, col. 611, 772-773, 777, 800. D’ailleurs, ce mot du vocabulaire théolo­ gique de Nicée, IÇ ουσίας, avait été employé par Théognoslc (ni· siècle), qui affirmait « que la substance du Fils est sortie, non du néant, mais dc la substance du Père, comme le rayonnement sort dc la lumière ct la vapeur dc l’eau. • De decretis Nlccenæ synodi, c. xxv, P. G., t. xxv, col. 460. On trouve une formule ana­ logue à colle dc l’anathématismc dc Nicée à la On du symbole arménien. Voir Arménie, l. J, col. 1946. En rapprocher la quatrième formule d’Antioche, voir Arianisme, t. î, col. 1812; la formule de Philippopolis (313), col. 1814; ΓϊχΟίσις μακροστι/ος (Antioche, 344), col. 1815; la première formule dc Sirmium (351) col. 1818. Sur ces formules, voir I lahn, Bibliolhek dtr Symbole und Gtaiibensregeln der alten K (relie, Breslau, 1897, p. 161, 154-155, 187-188, 191, 192. Dans son Interprétation de la quatrième formule de Sirmium (laquelle répudiait le terme ουσία comme une cause de trouble), Basile d'Ancyrc entreprend une justifica­ tion, orthodoxe en apparence, dc ce terme ct l’iden­ 374 tifie, dans sa signification, avec ύπίστασις. Voir S. Epiphane, Hær., lxxiii, n. 12-22, P. G., L xlii, col. 425-444; cf. Arianisme, t. î, col. 1826-1827. Aucune formule d’origine grecque, acceptant l’équi­ valence dc signification des termes usie et hypostase, n'exclut, en parlant de la trinlté, la formule τρ<ις Οποστάσίΐς. Certains auteurs mettent simplement une restriction à cette formule, laquelle ne doit pas, dans leur pensée, s’entendre d’hypostases divisées, séparées. Quant à l’expression μία ύζύστασις du con­ cile de Sardique, expression que l’on retrouve à An­ tioche, voir Théodoret, H. E., 1. Il, c. vi, P. G., t. ixxxn, col. 1012, elle est d'inspiration latine. b. ‘Υπόστασ·; signifiant · personne».—Mais lorsqu'il s’agit dc désigner expressément les personnes divines, ίοιοτητις, les propriétés (ce terme est leçu chez les Pères grecs ct pour ainsi dire interchangeable avec υπόστασης pour signifier les personnes distinctes, qu'on appelle encore πράγματα, choses; cf. Alexan­ dre d’Alexandrie, Epist. ad Alexandrum, n. 4, P. G., t. xviiî, col. 553 ; Origène, in Joannis Evangelium, t. n, n. 5, P. G., t. xiv, col. 121; Cont. Celsum, 1. Vilî, n. 12, t. xi, col. 1533), le terme ύπόστασις a été, même avant 362, d’un usage courant dans les Églises d'Orient, mais spécialement dans l’Église d'Alexan­ drie. Déjà saint Irénéc, parlant de l incamation, condamne ceux qui disent que I·* Christ est fait ex altéra et altera substantia. Contra tuer., I. 111, c. xvi, n. 5» P. G., t. vu, col. 925. Il est à suppo Πατέρα χαι τον Τίον χαί το άγιον ΙΙνιυμα. Cf. t. vi, n. 17, col. 257 ; t. X, n. 21 ; t. I, n. 23, col. 376, 64. Ces deux derniers textes sont par­ ticulièrement intéressants parce qu'ils rapprochent les deux termes ουσία ct υπόστασής et peuvent montrer la distinction qu’Origène établissait entre eux. Par là, il semble qu'on doive interpréter dans le même sens ύπόστασ-ς dans d’autres textes où sa signification est moins claire. Contra Celsum, l. VH I, n.12, P. G.,t. xi, col. 1533; De oratione, n. 15. ibid., col. 465. Sur la terminologied’Origène, voir Huet, Origeniana, 1. II, q. xn. n. 3-19, avec les notes de dom Maran, P, G., t. xvn, col. 720-735; Petau, De incarnatione, 1. II, c. m, n. 14 ; George Bull, Defensio fidei Nicanæ, Oxford, 1827, sect, n, c. ix, § 11, 2°. Parmi les mo­ dernes, Bethune-Baker, The meaning of Homoousios in the Constantinopolitan creed, dans Texts and studies de J. A. Robinson, Cambridge, 1901, t. vn, p. 77 sq.; F. Prat, Origine, Paris, 1907. p. 171-179: Sccberg, Lehrbuch der Dogmcngeschichte, Leipzig, 1903, t. I, p. 416, note 1, ont pensé qu’Origène a posé les pre­ miers fondements dc la distinction scientifique des termes; au contraire, J. Lelpoldl, Didymus der Blinde non Alexandrien, dans Texte und Untersuchungen, nouv. série, Leipzig, 1905, l. xiv, p. 102; F. Loofs, Lcitfaden eum Studium der Dogmcngcschichle, Halle, 1906, p. 194, note 8, soutiennent qu'il est resté fidèle à l'usage synonymlquc de ces expressions. Tous sont d’accord pour affirmer qu’Origène évite de distinguer les personnes selon * Γουσία; c’est le mot ύ.πόστασις qui est réservé pour parler avec précision des personnes divines. Saint Denys d’Alexandrie, combattant à la fols les erreurs opposées dc Sabclllus ct d’Arius, main­ tient la réalité des trois hypostases dans l’unité dc la monarchie divine : « Ils soutiennent, dit-il, que, s’il y a trois hypostases, elles sont divisées. Mais il y en a 375 HYPOSTASE trois τρεις είσι, malgré qu’ils en aient, ou bien qu’ils suppriment absolument la trinité. · Cité par saint Basile, De Spiritu Sancto, c. xxix, n. 72, P. G., t. xxxn, col. 201. Suint Denys de Borne, à propos des erreurs imputées à tort à son homonyme d’Alexandrie, condamne ceux qui admettent des hypostases sépa­ rées. μεμερσμένας ύποστάσεις, des hypostases sépa­ rées tout à fait les unes des autres, ξένας άλλήλων παντάπασι κεχωρισμένας. Epist. contra sabellianos, Denzinger-Bannwart, n. 18 .Ci. S, Athanase (?), Exposi­ tio fidei, n. 2, P. G., t. xxv, cul. 204, et Basile d’Ancyre. dans sa justification de la quatrième formule dc Sirmium. Voir Arianisme, t. i, col. 1825. Salut Alexandre d'Alexandrie, voir Théodore!, H. E., I. I, c. ni, P. G., t. LXXXII, col. 901, professe que le Père ct le Fils forment deux natures par l’hypostase, rij ύποστάσι; δύο φύσ<ις, c’est-à-dire deux hypostases. Dans la traduction latine d'un fragment attribué à saint Grégoire le Thaumaturge, on peut lire que la trinité en Dieu n'est pas une ailaire dc mot, mois qu’dlo implique des hypostases réelles, neque hæc sunt nomma, sed sunt subsistentiæ. P. G., t. x, col. 1121. Saint Athanase lui-même, lorsqu'il veut distinguer en Dieu la réalité des personnes de l'essence, oppose Μστασις à ουσία. Le trisagion, chanté par les Sé­ raphins, « notifie les trois hypostases parfaites ·, τάς τρ<ϊς ύποστάσκς τιλίίας, opposées à l’unique usic que Signine le singulier Dominus. In iliud: omnia mihi tradita, P. G., t. xxv, col. 220. Cf., malgré leur authen­ ticité quelque peu douteuse, Oral., iv, in arianos, n. 25, P. G., t. xxvî, col. 506, et aussi, Liber de incarna­ tione Verbi Dei et contra arianos, n. 10, et Contra Apollinarem, I. I. n. 12. /'. G., t. xxvî, col. 1000-1113, où le mol ύπόστασις c«t employé dans le sens de personne ct par rapport à la trinité et pur rapport à l'incarnation. Le P. Garnier. P. G., t. xxxn, col. 16, fait remarquer que les textes dc Epist, ad Afros ct dc VOrat., îv, in arianos, cites plus haut, peuvent 1res bien s’entendre en donnant à l’hypostase le sens dc personne. S. Épi ph a ne, Hier., lxxih, n. 34, P. C., t. xlh. col. 46.3, parlant dc la fol dc saint Milice d’Antioche, qu’on suspectait d’arianisme, n’hésita pas à le déclarer orthodoxe, à cause de l’orthodoxie même dc scs partisans: « Ceux-ci confessent la con­ substantialité du Père, du Fils ct du Saint-Esprit: trois hypostases, une seule usic, une seule divinité, > τριίς ΰποστάσιις, μίαν ούσίαν, μίαν Οίότητα. Voir aussi Eusèbe de Césaréc, dans Socrate, IL E., I. I, c. xxm, P. G., t. Lxvii, col. 144, écrivant à Eustachc d’An­ tioche : Filium Del propriarn h ypostas im ct subsis­ tentiam habere. Deumque in tribus hypostasibus unum esse. 11 y a donc, par rapport à la distinction des per­ sonnes dans la Trinité, une véritable tradition dans l'Église grecque, touchant l’emploi ct la signification du mot ίτπόστασις. Voir S. Grégoire do Nazianze, Orat., xxi, n. 33-35, P. G., t. xxxv, col. 1121-1125. Conclusion. — Avant l’accord de 362, en dehors des questions trinitaircs, le mot ύπόστασις gardait sa signification dc réalité objective ct consistante ct, appliqué à l’essence divine, pouvait devenir l’équiva­ lent ά’ουσία ; mais, appliqué aux personnes divines considérées comme telles, il prenait, sous la plume des écrivains catholiques, la signification plus restreinte de substance complète, existant en soi, c’est-à-dire dc sujet Indépendant ct, en ce cas, on l’opposait fréquem­ ment à οίσία. Cf. Marius Victorin, Adversus Arium, 1. Ill, n. 4; I. II, n. 4-6, P. /.., t. vin, col. 1101,10921093; Theorianos, Disputatio cum Armenorum catho­ lico, P. G., t. cxxxm, coi. 128 sq.; S. Anastase le SlnaTtc, Hodegos, c. vi, P. G., t. lxxxix, coi. 101 sq.; Petau, De Trinitate, 1. IV, c. i, n. 5 sq. ; Garnier, Disser­ tation-préface aux lettres de saint Basile, c. i, n. 3, P. G., t. xxxn, col. 16 sq.;Huct, Origeniana, avec les 37ff i notes des éditeurs bénédictins, L II, c. n, q. n, n. 3, * P. G., t. xvn, col. 720-734; De Régnon, op. cit., étude II, c. m; Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1909, t. n, p. 36; l lefclc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t i, p. 342-346, 445, 757-758; BethuneBaker, The meaning of homoousios in the Constantinopolitan creed, dans Texts and studies, Cambridge, 1901, t. vu, p. 74; G. Hardy, Didyme Γ Aveugle, Paris, 1910, c. in, p. 60-69; et, ici même, Arianisme, t. i, col. 1801, 1811, 1813-1814, 1825, 1833, 1839; Atha­ nase (Saint) col. 2172; Essence, t. v, col. 838-839; Fils de Dieu, col. 2451. On sait d’ailleurs que nombre d hérétiques refusaient de sc servir du terme ούσίοο comme du terme ύπόστασις sous prétexte Il affirme que Jésus-Christ « n’a pas été partagé ou divisé en deux personnes, mais il n’y a qu’un seul ct même Fils, Fils unique. Dieu-Verbe, > etc. Dcce texte, H faut conclure: a) à l’équivalence dogmatique des termes hypostase ct personne: par là se trouvent écartées les terminolo­ gies opposées de saint Cxriilc ct dc Théodoret, parmi les catholiques; celles d Eutychès ct dc Ncstorius, panni les hétériques; b) à l’exclusion du prosôpon moral dc Nestorius, déjà rejeté au concile d’Éphèse; la personne est un individu n’admettant ni partage, ni division; c) à une diiïérencc réelle entre le concept dc personne ou d’hypostasc ct celui de nature con­ crète (φύσις); d) à la possibilité pour une nature con-^ crête de subsister» complète, sains mélange, sans trans­ formation, dans une hypostase diflérente dc Ja sienne Ces quatre points sont désormais acquis ύ lï pensée catholique. On les retrouve dans la lettre de saint Géiase, De duabus naturis in Chrislo, Jafifé, η. 670; Denzingcr-Bannxvart, η. 168. CL S. Jean Chrysostome, Epist. nd Casarium monachum. P. G., t. iji, col. 760. 3. L’nfiairc des trois chapitres devait, malgré des incidents regrettables, apporter sa part de précision flans la terminologie catholique. Voir Constantinoplb ( II· concile de), t. m, col. 1231-1259. — a) 1-a formule Unus de Trinitate passus est, approuvée par Jean II, amène, dans le document pontifical, ci. Juilé, n. 885; Denzinger-Bannwnrl, n. 201, cette phrase: unumenim ex sancta Trinitate Christum esse, hoc est unam de tribus sanetæ Trinitatis PERSQXIS sanciam esse PTR· SOS Αλί sine subsistentiam, quam gruet ύπύστασιν dicunt. Aux précisions précédemment signalées, on trouve ici. authentiquement proposée, l’équivalence dc personne ou hypostase el de subsistence. Sur cette équivalence, voir plus loin. col. 391.— b) Les canons du V® concile général, voir Denzinger Bannxvart, n. 213 sq., fixent d’une façon irrévocable les formules. Le canon l®r identifie, dans les questions trinitaires, d’une part, φύσ·ς ct ούσία entendue dans le sens dc substance concrète, d’autre part, ύπόστασις ct πρό· omhov. En ce qui concerne le problème christologique, le canon 4. rejetant les erreurs ncstorlcnne et eut y· chéenncet promulguant à nouveau la doctrine dcChnlcédoine, établit l'unité d'hypostasc ou dc personne : il identifie ύπόστασ·ς ct πρόσοιπον sans aucune restriction. Le canon 5 définit ce qu’il faut entendre par· hypostases dans le Christ : ce n’est pas l’union de deux hypostases 391 HYPOSTASE ou de deux natures physiques, dont résulterait une seule personne morale, au sens de Ncstorius; c’est vraiment une hvpostasc unique ou une personne réelle dans laquelle l'humanité est unie au Verbe, sans ajou­ ter quoi que ce soit, du chef de l’union, à la Trinité. Le canon 7 professe la dualité des natures, divinité et humanité, persistant sans confusion, sans mélange, dans V unité de Γhypostase. Le canon 8 rejette l’inter­ prétation monophysite de la formule cyrillicnne μία το-j θιου Λογου σισιρχομΖνη. Le canon 9 main­ tient, malgré la dualité des natures, l’unité d’ado­ ration. De toutes ces décisions ressort la différence de signification des termes φύσι; et ύπόστασις. L’hypostasc est l’individu complet, la personne; la nature concrète, φόσις, peut n'êtrc pas fôtoUzorraro; cl sub­ sister par conséquent xxO* ύπόστασιν dans la personne même du Verbe. 3° Après le concile de Chalcédoinc. — 1. Chez les catholiques. — a) Les conciles et les documents pontifi­ caux subséquents n’apportent aucune précision nou­ velle. Dans l’Église latine comme dans l’Eglise grecque, la terminologie est fixée, les équivalences de significa­ tions sont établies. Voir concile de Braga (561), can. 1, Dcnzingcr-Bannwart, n. 231 ; Honorius Ier, Epist., n, ad Sergium (631), n. 252; concile de Latran (619), proclamant, can. 1, trois subsistences consubstantielles en Dieu, n. 254; ci. can. 6, 7, 8, 9, unité de personne et dualité de natures dans le Christ, n. 259-262 ; sym­ bole de Tolède (XI*) (675), identification de substantia et de natura, n. 275, 276, 277, 278; très personæ, una substantia, n. 279, 280; très personæ unius natura, η. 281; persona Filii incarnata, n. 282; una persona, dux nalura, n. 283; in duabus naturis. Iribus exstat substantiis, n. 281; en quel sens, trois substances, voir plus loin ; gemina substantia divinitatis et humanitatis in Christo, n. 285; S. Agathon, Epist. dogmatica ad imperatores, n. 288; III· concile de Constantinople (680) : naturalis differentia in eadem una subsistentia, b aurij τζ uti ύποστάσίΐ, η. 290, 292; XV* concile de Tolède (688). expliquant en quel sens on peut dire, avec le X1* concile de Tolède, deux ou trois substances dans le Christ, divinité, Ame, corps, n. 295: enfin, concile de Francfort (791), duas substantias, una per­ sona, avec l’exclusion de la fonnule ambiguë du XI· concile de Tolède, n. 312. Ainsi sc trouve fixée la terminologie catholique. · Mais, rcmarquons-le bien, l’Église, en prononçant sur le fait, n’indiqua point comment on devait le concevoir. Elle prit dans la langue usuelle, et suivant leur signification courante, les deux mots de nature et de personne et clic affirma qu’en Jésus-Christ on devait voir une seule personne et deux natures. Comment cela sc faisait-il? Comment cela était-il possible? Quel rapport fallait-il donc établir entre les notions de nature et de personne? Qu’est-co qui caractérisait l’une et l’autre? L’Église ne le dit pas et n’avait pas à le dire : clic est chargée de définir, de constater, non d’appliquer et de Justifier rationnellement. Ce dernier rôle est celui des théolo­ giens. » Tixcront. Des concepts de nature et de personne, etc., loc. cit., p. 584. b) Mais avant d’aborder l’étude de ce développe­ ment théologique, il importe encore de fixer notre attention sur V équivalent grammatical latin d'hypo­ stase, à savoir, le mot : subsistentia. On a vu plus haut, coL 378, que les Pères latins traduisaient Οπόστασις par substantia. De là une source de difficultés dans la ( terminologie. Rufin, au début du v· siècle, expliquant 1 le différend survenu, au synode d’Alexandrie, au sujet du mol hypostase, préfère traduire ύπόστασι; par subsistentia, supprimant par là toutes les équivoques possibles. II. E., 1. I. c. xxix, P. L., t. xxi, col. 4 19. Sub-tanlia et essentia répondent désormais à ουσία, Cf. Pctau, De Trinitate, L IV, c. xv, n. 16. Avant Rufin, 392 on peut citer comme ayant fait usage du terme subsis­ tentia, au milieu du iv· siècle, Victoria de Pcltau; mais ce n’est pas dans le sens d’une attribution per­ sonnelle et distincte. Adversus Arium, 1. I, η. 30; 1. 11, c. IV, P. L., t. VIII, coi. 1062, 1092; cf. Pctau, loc. cit., c. in, n. 5. Ou bien cc terme est interpolé, op. cil., 1. HI, c. iv, vin, ix, et peut-être aussi 1. 11, c. iv, col. 1101, 1105, 1092; cf. de Régnon, op. cil., p. 236-241. Saint Augustin, quoique postérieur à Rufin, traduit encore υποστασις par substantia. De Trinitate, 1. VII, c. xv, v, vi, P. L., t. xlii, col.939-946; cf. 1. V, c. vin, ix, n. 9, 10, col. 917, 918. On retrouve parfois chez saint Augustin, entre Γessence et la per­ sonne, la distinction du commun et du singulier. De Trinitate, l.VII.c.vi, n. 11, col. 942. On trouve su ôsfstcnlia chez Faustc de Riez, Epist., vn, P. L., t. lvii, col. 858; chez le diacre Paschase, De Spiritu Sancio, 1. I, c. iv, P. L., t. lxii, col. 13, et peut-être chez le pscudo-Ambroise, In symbolum apostolorum, P. L., t. xvn, col. 507; cf. note, col. 511. Désormais cc mot est dans le langage courant. Rustique, Contra acephatos disputatio, en fait un emploi fréquent, et tou­ jours comme traduction (Γύπόστασις, avec les diffé­ rentes nuances de signification que les grecs donnent à cc mot. P. L., t. lxvii, col. 1192, 1238. L’Église clicmeme, à cette époque comme le remarque Facundus d’Hcrmianc, Pro defensione trium capitulorum, 1. I, c. in, P. L., t. lxxii, coi. 538, consacre celle équiva­ lence grammaticale par la lettre dogmatique de Jean II au sujet de la formule Units de Trinitate passus est. Voir ci-dessus, col. 390; Denzingcr-Bannwart, n. 201. Voir la même équivalence établie dans la lettre dogma­ tique de saint Agathon, Dcnzingcr-Bannwart, n. 288, lue au VIe concile œcuménique ; dans les lettres syno­ dales de Rome et de Milan, lues au même concile. Mansi, Concil., t. xi, col. 286. Les traduct ions latines des canons orientaux soulignent la même équivalence. Cf. anathématlsmcs de saint Cyrille au concile d’Éphèsc, trad, de Marius Mercator, anat. n, iv, Den­ zingcr-Bannwart, n. 114,116 ; concile de Chalcédoinc, trad, de Rustique, n. 418; concile de Constantinople, can. 1, 4, 5, 7, 8, 13, n. 213, 216, 217, 219, 220, 226. Dans la préface à la traduction du VII· concile œcu­ ménique, Anastase le bibliothécaire avertit expressé­ ment qu’il traduit ύπόστασις par subsistentia. Inter­ pretatio VIFsynodi, præfatio, P. L., t. cxxix, col. 195; cf. Pctau, op. cit., 1. IV, c. m. Sur ces rapprochements, voir Stcntrup, Zum Bcgri/f der Hypostase, dans Zeitschrift für katholische Théologie, Inspruck, 1877, p. 78 sq. Il est à noter que, dans ces textes, le mot subsistentia est toujours pris dans un sens concret, comme substance, hypostase, essence, personne. Pctau, loc. cil., n. 6. De plus, la désinence qu’il affecte en latin semble Imposer, en français, l’orthographe que nous avons observée Ici : subsistence et non pas subsistance. c) Dans son Liber de persona et duabus naturis contra Eutychetem et Nestorium, Boècc (première moitié du vi· siècle) a une terminologie quelque peu différente, en cc qui concerne la traduction latine (Γύπόστασ’.ς et l’équivalent grec de subsistentia. 11 définit, c. î,la nature : unamquamque rem informans speci fica diffe­ rentia, P. L., t. exiv, coi. 13 12, et. c. in, la personne: naturae rationalis individua substantia, coi. 1343. Substantia est ici l’équivalent lutin (Γυπόστασις : • Boèce rencontre les deux verbes latins subsistere et substare et II les distinguo par leurs relations avec les accidents. Subsistere, dit-il, signifie n’avoir pas besoin d'accidentpour être; substare signifie servir de sujet aux accidents pour qu’ils puissent être. Ces définitions lui ^permettent de distinguer entre l’individu et l’es­ pèce ou. si vous le voulez, entre la substance première et la substance seconde. En bon réaliste, Il déclare 393 HYPOSTASE donc que les genres et les espèces sont des subsistences, puisque les accidents n’y entrent pas, et que les indi­ vidus seuls sont des substances, parce que seuls Ils supportent les accidents... Boèce a expliqué par la philosophie profane la non-synonymie des mots latins. Il veut, de plus, montrer la parfaite synonymie des expressions théologiques, grecques ou latines. En latin, il constate quatre mots, savoir : essentia, subsistentia, substantia, persona. 11 lui est facile d'identifier zpσωπον et persona. Comme saint Hilaire, il Identifie ούσίχ et essentia. Reste Οπόττασις pour les deux mots laÜnssubsistcntia et substantia. Comme Ru fin, il volt bien que ce mot provient du verbe Οφίσταναι, répondant seul aux deux verbes latins subsistere cl substare, mais, dans le choix de sa traduction, il va à l'inverse de Ru lin. Boèce, prenant le verbe grec dans le sens de substance, identifie ύπόστασις au mot latin substan­ tia... Restait à sa charge un quatrième mol latin, précisément le fameux terme subsistentia. Comme équivalent grec, Boèce exhume un mot, à peine usité une fois par saint Cyrille et Théophylacte, le substantif ούσίωσις. Celle terminologie, surtout en matière trinltalrc, présente de graves inconvénients, puisque, logiquement, elle conduisait à mettre en Dieu « trois substances » et « une subsistence ». Tout eût été parfait si Boèce avait conservé au mot ί»πόστάσις sa traduction grammaticale subsistentia. Cc n'est qu’en traduisant substantia par l’idée qu’exprime subsistentia, pris au sens concret, que saint Thomas d’Aquin parvient ù justifier la définition que Boèce a donnée de la personne. Sum. thcol., 1% q. xxix, a. 1,2; q. xxx, a. 1. » De Régnon, op. cit., p. 227-232. Toutefois sa définition de la personne constitue un réel progrès, parce qu’elle renferme dans scs éléments l’idée d'intelligence et de raison, plus nettement mar­ quée qu’on ne l’avait fait jusqu’alors. d) Le diacre Rustique, qui avait vécu à Constanti­ nople, connaissait mieux la terminologie grecque et il s’applique, sans nommer Boèce, à rectifier sa traduc­ tion (Γύποστασις. Il restitue son véritable sens ù substantia : « Le mot ύπόστασις, écrit-il, est ambigu cl signifie tantôt la personne, tantôt la nature. Nous disons que la subsistence du Seigneur Christ est une, car sa personne est subsistante. Mais nous ne condam­ nons pas absolument qu'on dise deux subsistences, si on a pieusement soin d’avertir qu’on entend par 1Λ les natures, car les natures subsistent. » Disputatio contra accphalos, P. L., t. lxvii, col. 1192. Usie et substance sont Identiques, col. 1181. La nature signifie cc qu’on appelle l'espèce commune; la personne est le concours des choses qui déterminent une subsistence rationnelle, col. 1238. Cette subsistence individuelle est comme le fondement et le support de tous les acci­ dents, en cc sens que rien ne peut exister sans ce fond. De là vient qu’on donne Ma totalité des choses EX 1STAN T DANS un être (remarquons celle in-rxistcnce) le nom de cc qui en est le soutien dans l'existence. La personne est donc une subsistence raisonnable et individuelle, col. 1239. Ainsi, parallèlement à son contemporain Léonce de Byzance, voir plus loin, col. 397. Rustique com­ mence à esquisser la théorie philosophique de l’être ln-cxistant, enhypostasié (substantiva res), pour ré­ pondre aux difllcultés soulevées Λ propos de l’incar­ nation. La nature humaine du Verbe n’est pas une personne, parce qu’elle est magis in subjecto quam subjectum, col. 1239. 2. Chez les non-catholiques. — a) Du côté des nestoriens, le concile d’Éphèse ne brisa pas toutes les résis­ tances, pas plus que la formule signée par Jean d’An­ tioche n’amena la paix complète. On trouvera l’his­ toire des doctrines nestorienne* à Nestohianisme. La terminologie des dissidents n’accuse d’abord au­ cune nouveauté : elle reste attachée Λ la formule de 394 paix, signée en 133, qui parait aux nestorlens plus favorable. Les décisions de Chalcédoine sont saluées comme une victoire. Voir Le livre d'lléraclide, p. 327, 330. Peu à peu un mouvement plus prononcé vers l’hétérodoxie se dessine : on rejette le sens donné par le concile de Chalcédoinc au mot hypostase, sens qui l’idcntiliait avec On continua à rappro­ cher hypostase de nature : le Christ fut déclaré être en deux natures, deux hypostases et une personne. Voir le concile nestorien de 186, canon 1, dans Synodicon orientale, édit. J.-B. Chabot, dans Notices et extraits des manuscrits, t. xxxvn, p. 302, et Homélie de Narsès sur les trois grands docteurs Diodore, Théodore et Nestonus (185-1907), édit. Martin, dans le Journal asiatique, juillet 1900. La formule de 433 est jugée in su (Usante et rejetée. Il y eut encore du flottement dans les termes Jusqu'en 612 : ù partir de celte éj>oque, la terminologie devint fixe cl absolue. W. A. Wigram, An introduction to the history oj the Assyrian Church, Londres, 1910, p. 256, 278. C’est à Baba! le Grand, abbé d'Izla (569-628), que l’Église nestorienne doit la fixation définitive de sa terminologie en matière christologique. Son traité De unione a été, en partie (par extraits), publié par M. Labourt, Le christianisme dans l'empire perse sous la dynastiesassanide (224-632), Paris, 1904, p. 280-287. M. Tixcront a ainsi résumé ccttc terminologie : < La nature (ktanâ) est prise par Babai dans le sens abstrait: c'est l’élément commun qui existe dans les hypostases particulières, et qui comprend toutes celles de la même espèce. L' hypostase (qnoumd) est la substance concrète et singulière : · On appelle hypostase >, dit Babaï, < la substance (οοσία) singulière, subsistant • dans son être unique, numériquement une et séparée • de beaucoup (d'autrçs), non en tant qui ndividuante, mais en tant qu'elle reçoit chez les êtres créés, rai« sonnables et libres, des accidents variés, de vertu • ou de crime, de science ou d'ignorance, et chez les ■ êtres privés de raison, également des accidents • variés, par suite de tempéraments contradictoires ou « de toute autre façon. » Quant Ma personne (panopû), elle est < cette propriété de l’hypostase qui la distingue des autres », ce par quoi deux hypostases de même nature et espèce, Pierre et Paul, par exemple, se dis­ tinguent entre elles. Pierre et Paul, en ettet, ont la même nature; tous deux — et ils ont encore cela de commun — sont des hypostases, c'est-à-dire des sub­ stances concrètes, existantes: mais l’hypostase de l’un n’est pas celle de 1’autrc : elles ont chacune leur pro­ priété singulière qui en fait des personnes distinctes : et parce que la propriété singulière que possède l’hy• poslasc n’est pas 1 hypostase elle-même, on [appelle] • personne ce qui distingue. » — Si» dans la pensée de Babai, cette propriété singulière n’est pas l’existence ù part soi (xiG* ίαυτόν), elle ne peut être que l’en­ semble des accidents variés dont il n donné plus haut des exemples; et ainsi l'on pourrait dire que la per­ sonnalité, d’après lui, n'est autre chose que l’ensemble des caractères accidentels dont l’hypostase est le substratum substantiel, et par où elle se distingue des autres hypostases. Cette notion serait bien superfi­ cielle et peu exacte. » L’hypostase étant identifiée avec la nature concrète, il ne saurait être question, pour l’Église nestorienne, d’union hypostatique ; fidèle ù la tradition de Théodore et de Neslorius, elle n’ad­ met qu’une union prosopique. Voir Hypostatîqvk (Union). Par contre, en matière trinltalrc, la théologie nestorienne admet en Dieu trois qnoumé, trois hypo­ stases au sens cappadocicn du mot. Les autres écrits nestorlens, antérieurs ou postérieurs à Babaï, et dont on trouvera le résumé dans Labourt, op. cil., c. x; cf. Tixcront, op. cit., p. 57, 60, n’apportent aucun élé­ ment nouveau ù la terminologie. 395 HYPOSTASE b) Les monophysites. — Le monophysisme n'est pas une doctrine une: c’est en fonction des définitions du concile de Chalcédoine qu'on groupe tous les dissi­ dents qui combattent la formule des deux natures après Γunion. Voir Eutychés et eutychianisme, t. v, col. 1595-1596. Quels que soient les noms sous lesquels furent désignées les différentes sectes de monophysites, c’est le sens donné au mot φυαις, en opposition avec les déchions de Chalcédoinc, qui est le point de départ du monophysisme. 11 importe donc de préciser les différentes acceptions de ce mot pour faciliter, dans la suite, l'intelligence de l’erreur condamnée.— a. Le terme φύσις peut, cn premier lieu, signifier l’essence spécifique, commune h plusieurs individus. Nous avons déjà rencontré cc sens abstrait, désignant l’essence commune désignée sous le nom de φζης et plus géné­ ralement d’o^tj, par opposition à l’individu, au sin­ gulier, que signifie l’hypostasc, dans saint Basile, Epist., xxxvm, P. G., t. xxxn, col. 328; ccxiv, n. 4, col. 789; ccxxxvi, n. 6, col. 884; voir col. 386 ; dans saint Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, 1. I, P. G., xlv, coL 320; Discours catichélique. c. î, col. 13; De communibus notionibus, P. G., t. xlv, col. 177, Voir col. 386; ct Essence, L v, col. 839-841; dans Théo­ dore!, Dial. Immut., P. G., t. lxxxiii, col. 33, voir col. 389 ; et môme dans saint Cyrille d’Alexandrie, voir les références, col. 388. On retrouve cette accep­ tion chez une foule d’autres auteurs, catholiques ou non catholiques. Cf. pscudo-Athanasc, Dial, de Trini­ tate, I, P. G., t. xxvm, col. 1137 ; S. Jean Chrysostome, In Epist. adHcb., h omit π, η. 1, P. G., t. lxiiî, col. 20. C’est que tous sont d’accord pour affirmer qu’avant l’union, c’est-à-dire cn considérant les choses d’un point de vue abstrait, les natures du Christ sont spéci­ fiquement distinctes. Les catholiques d’ailleurs se sont bien gardés de considérer la nature humaine du Christ comme correspondant à l’humanité ainsi envi­ sagée spécifiquement. — à. Le concile de Chalcédoinc reconnaît dans le Christ deux φύσιις, la nature divine et la nature humaine, concrètes cl individuelles. C'est à propos de la signification concrète du mot nature que s'affirment les divisions. Voir Eutychés et eu­ tychianisme, t. v, col. 1596-1597. En quelques mots, voici les trois acceptions monophysites possibles du tenue çinç. Le concile de Chalcédoinc donne au mot qtrsiç le sens de nature concrète, mais abstraction laite du mode de subsistence. Le sujet qui possède à la fois deux natures, indlviduéc et concrète, est l’hypostasc ou la personne qui est la raison même, pour chaque nature, de sa subsistence. A l’encontre ou cn marge des décisions du concile, on peut affirmer en JésusChrist une seule nature: a. En entendant le mot φυσις dans le sens cyrillicn; c’est alors une nature concrète, mais considérée comme subsistante cn clic-même, d'une existence séparée ct indépendante. Cette for­ mule est orthodoxe cn sol, car l'essence humaine cn Jésus n’a pas d’existence Indépendante; elle ne peut cire dite φύσις au sens où l’on entend ici ce mot. En réalité, ce monophysisme verbal est, par la pensée, catholique, dès là qu il n’exclut point la formule consacrée à Chalcédoinc ct ne s'attache pas, d’une façon exclusive, à la conception d’une φύσις unique, quoique entendue dans le sens de nature-personne. C’est le monophysisme de saint Cyrille d'Alexandrie, qui, s’adaptant aux décisions de Chalcédoinc, a trouvé son expression la plus solennelle dans les canons du V· concile œcuménique, surtout le canon 8, Dcnzinger-Baunvrart, n. 216, 217, 219, 220, ct dans ceux du corn ile de Latran (649), surtout le canon 5, complété par les canons 6 et 7, n. 258, 259, 260. — *. En accor­ dant au mot 7-τ.ς le sens qui vient d’être expliqué, 11 se peut qu’on se sépare de l’orthodoxie, uniquement parce que, comprenant mal les décisions de Chaîcé- 396 doinc, on les rejette avec la prétention de les taxer d’hérésie. C'est peut-être le cas du monophysisme sévérien, dont le plus illustre représentant est Sévère d'An­ tioche (538-543). Sévère confond dans un même sens les mots φ^τ.ς, ύπόστασις, προσωπον, ct ce sens est celui d’individu concret, de sujet, de personne. Ουσία n'est pas l’équivalent de φύσις : c’est le commun s’op­ posant au singulier. Deux natures-uniessontun contresens; la nature n’est telle qu'à la condition d'être existant cn sol, xaô' έαυτήν; deux natures sont néces­ sairement deux personnes. Mais en Jésus-Christ Ja φύσις est, par l'incarnation, douée des propriétés ct des attributs de l'humanité aussi bien que de la divi­ nité. Eustathe, moine, Epist. ad Timollueum scolast. de duabus naturis, adversus Severum, P. G.,t. lxxxvî, col. 920 sq.; cf. Fragments, dans Quirstioncs adversus monophysilas, P. G., t. lxxxvî, coi. 1917; Mai, Scrip­ tor. veter, collect, nova, t. vn, p. 71. On sc demande si le système de Sévère diffère vraiment de la doctrine de saint Cyrille. Le P. Jugle n'y* voit qu’une question de terminologie. Voir L v, col. 1598. M. Tixeront penche également vers cette solution, Histoire des dogmes, t. ni, p. 127, en faisant remarquer qu’il n'était plus permis, à l’époque de Sévère, de négliger la ter­ minologie de Chalcédoinc ct Ja doctrine définie par saint Léon. Sur la terminologie du monophysisme sévérlcn, voir l'ouvrage classique de M. J. Lebon, Le monophysisme séuêrien, Louvain, 1909, p. 243 6q.;cf. p. 422 sq.—γ. En adoptant pleinement la terminologie du monophy*slsmc réel. Ainsi l’on cn arrive à identi­ fier 1’ούσία concrète, la nature, l'hypostasc, la per­ sonne. C’est le système d’Eutychés, qui, évoluant, devait aboutir aux extravagances doctrinales des différentes sectes préconisant, cn Jésus-Christ, l'ab­ sorption de l'humanité cn la divinité ou, réciproque­ ment, de la divinité dans l’humanité. Voir Eutychés et eutychianisme, t. v, col. 1G01 sq. La terminolo­ gie du monpphysisme réel a été formulée par lo phi­ losophe péripatéticien Philopon, dans son ouvrage L'Arbitre (Διαιτητής), publié vers 540, à la prière de Sergius d'Antioche. Il s'applique « à montrer que la nature, cn tant que ce mot désigne le genre ou l’cspècc, n'existe en dehors de notre esprit que dans les individus qui le réalisent;mais que, là, clic se confond avec la personne ou l'hypostasc, cclle-cl n'étant que la nature particularisée par les caractères indlviduants. Ainsi la naturcn’cxlstcrjuccommcîndividuct l'individu, c’est la personne : άτομο·/ oè ταυτον cTvat xat ύπ^στασιν άρτίως Scoctyapcv. S. Jean Damascene, Jtær., Lxxxiiî,*G., t. xciv, col. 753. En JésusChrist, l’humanité existe, mais n’est ni une na­ ture, ni une personne; en Dieu, il y a trois personnes, donc trois natures : Ιστ<>> τρ<ΐς φύσ«ς λέγβιν ήμας ίπΐ τής αγίας τρ’.άδος. De s» ctis, act. V, c. Vf, P. G·, t. lxxxvî, col. 1233,Timothée de Constantinople, De receptione htrrcticorum, P. G., t. lxxxvî, col. 61. Cf. Tixeront, Des concepts de nature et de personne, loc. cit., p. 5<8<8. lit. PREMIERS ESSAIS PE STSTftMATISATION THÉOLOGIQUE CHEZ LES PÈRES GRECS. --- Ail point de vue philosophique, les catholiques orthodoxes sc trouvent, à cc point, d’évolution de la terminolo­ gie, pris entre les eutychiens ct les nestoriens. Les catholiques, avec le concile de Chalcédoinc, admet tent cn Jésus-Christ deux natures concrètes; mais ils doivent, d’une part, répondre au reproche des cutychlcns, les accusant d'établir par là une dua­ lité d'hypostases ou de personne; d’autre part, i réfuter la prétention des nestoriens, qui, identifiant nature-concr* te et hypostase, se refusent à proclamer l’unité physique l’une dans l’autre. Quand je dis qu'elles ont un être commun, je ne veux pas parier de celles qui se complètent mutuellement au point de vue de l’essence, comme c’est le cas des substances ct des prédicats essentiels que l’on nomme propriétés, mais je veux parler de la nature ct de l'es­ sence de chacun des composants, nature qui n'est pas considérée à part soi (καΟ έαυτην), mais par rapport ά la nature qui lui est joinleet unie >,coL 1281. End1 autres tenues, la notion d'in-postasc implique l’cxlstcncc ù part sol, καθ’ iχυτόν, ct ne convient qu'aux individus possédant une existence indépendante. SI donc un tout était composé non seulement de parties substan­ tielles, mais de substances ou de natures completes, ccs substances ou natures ne seraient pas des hypo­ stases, car elles existeraient,non cn elles-mêmes, mais dans le tout. Or, une nature, une substance concrète ne peut exister qu’individuelle ct, par conséquent, «hypostasiéc»de quelque façon; autrement, elle serait une pure abstraction, col. 1280. Entre la nature ab­ straite, sans réalité, ανυπόστατος, et la nature indix iς τών λοι­ πών ύποστάσιων ένιργιία καί πράγματι κληρωσαμένη. De duabus in Christo voluntatibus, n. 4, P. G., t. xcv, col. 132, 133. Cf. Corit. Jacob., n. 8, t. xciv, col. 1139. Il semble bien que les accidents dont parle Jean Damascène sont, non pas les accidents physi­ ques, mais les particularités, les différences spécifi­ ques, ύποστχτικας διάφορα;, ποιότητας, χαρακτίριστικά ίδιόμχτα, qui, inséparables de la substance concrète, sont les marques de son individuation, P. G., t. xciv, col. 591, note 23, et le texte explicatif tiré de Théo­ dore Abucara. La nature ne peut exister comme chose réelle sans hypostase, ανυπόστατος, tout comme l’hypostasc ne peut exister sans essence, ανούσιος. De fide orth., 1. III, n. 9, t. xciv,col. 1016,1017; Contra Jacob., n. 11, col. 1111; De natura composita contra acephalos, c. v, t. xcv, col. 120. Cf. S. Anastase le Slnaite, iiodcgos,c. ιχ,ουκίνίγαρφύσις απρόσωπος,P. G., t. i.xxxix, col. 118. Une nature réelle et concrète est donc ou hypostase ou cnhypostasiéc. Nous voyons ainsi réapparaître le terme ένυπόστατον. <» Le mot ένυπό­ στατον, explique saint Damascène, signifie quelque­ fois l’existence, υπαρςιν, et, dans ce sens, nous l’ap­ pliquons non seulement ù la substance, ουσία, mais encore ά l’accident, quoique celui-ci ne soit pas ένυπο'στατον. mais plutôt soutenu par autre que soi, έτιρούπόστατον. Quelquefois, ce même mot signifie l’être subsistant en soi, c’est-à-dire l’individu, bien qu’à proprement parler, celui-ci ne soit pas ένυπόστατον, mais l’hypostasc même. Donc, en toute rigueur du terme, ce qu’on nomme ένυπόστατον est ce qui ne sub­ siste pas en soi-même, mais est considéré dans les hypostases, άλλ’ Iv ταίς ύποστάσισι Οιωρούμίνον. Ainsi, la forme ou la nature humaine n’est pas considérée dans une sienne hypostase, έν ιδία ύποστάσιι ού Οιωριίται, mais dans Pierre, dans Paul et les autres hypostases d'hommes. Ou bien encore ένυπόστατον est ce qui sc compose avec quelque chose dlfiércntc en substance, pour former un tout et compléter une seule hypostase composée. Ainsi l’homme est com­ posé de l'ûmc cl du corps; ni l’àme seule, ni le corps seul ne sont appelés des hypostases, mais ils sont Ινυπόστατα, et ce qui résulte des deux est l’hypostasc de tous les deux. Car, à proprement parler, Chypostase est ce qui subsiste en soi pur sa propre et indivl· duelle subsistences ’ Γπόστασις γάρ κοριοις το καθ’ έαυτό ιδιοσυστάτως υφχττάμινον (στι τι κα: λίγιται. Dialectique, c. xî.iv, P. G., t. xciv, col. 615, D’après ces principes, i observe M. Tlxcront. op. cil., t. ni, p. 498, « une na­ ture peut être i /υπόστατο; de plusieurs façons : d’abord quand elle existe en sol et comme un tout indéI pendant (καθ' ίαυτ^ν) ; elle est alors à elle seule une 401 HYPOSTASE hypostase;—ensuite, quand deux natures existent et subsistent l’une dans l'autre réciproquement et l'une avec l’autre (συν έτεροι;) et concourent à former une hypostase unique; c’est le cas du corps et de l’âme et généralement des parties d’un tout naturel ; — enfin quand une nature subsiste έν έτέρω, dans une hypo­ stase autre que son hypostase naturelle; c’est le cas de l'humanité dans la personne éternelle du Verbe. » Contra Jacob., n. 11, 12, P. G., t. xerv, col. 1111; De i natura composita, n. G, t. xcv, col. 120. Le premier cas d’enhypostasié n’existe que selon notre maniéré de concevoir la nature concrète dans l’hypostasc; en réalité, il y a Identité matérielle entre nature et hypo­ stase. Les deux autres cas sont des cas d’enhypostasic réelle et objective. 11 est à peine utile de faire remar­ quer que le mot hypostase signifie ici l’être existant en soi et subsistant par soi et non point, selon la con­ ception primitive, voir col. 3G9, une simple réalité, quelle qu’elle soit, nature ou substance. Ailleurs, saint Jean Damascène explique comment les dlflérenccs essentielles séparent d’entre elles les hypostases de même nature spécifique et en font les Individus. Dialectique, c. xlii, P. G., t. xcv, col. G12. Le nom d’hypostase vient de ce que, dans le sujet qui reçoit cette dénomination, subsiste de fait la sub­ stance qui reçoit les accidents. J bid. Quant aux notes caractéristiques del’hypostasc.c’est d'abord de possé­ der l’essence avec son individualité, ensuite, d'exister par soi. De fide orth., 1. III. c. vi, P. G., t. xoiv, col. GOi sq., enfin, d'être incommunicable. « C’est le propre d’une hypostase (humaine) d’être singulière et indivisible, c’est-à-dire de s'isoler en elle-même grâce aux nombreux éléments qui la séparent de toute autre; différence de lieu, de temps; différence de caractère, de force, de physionomie, d’habitudes, de dispositions, de dignité, de profession, en un mot, dif­ férence dans les propriétés caractéristiques.Mais, par­ dessus tout cela, incommunicabilité et propriété d’etre séparément du reste, πλέον δέ πάντων, τφμη ένάλλήλαις άλλα χε/ωρισμένως είναι. » De fide orth., I. I,c.vjii,P. G.» t. xciv, col. 828 Enfin, pour expliquer la diiTérencc entre l’essence ou nature et l’hypostasc, saint Jean Damascène reprend la formule courante chez les Pères grecs : l’essence correspond au commun, l’hypostasc au singulier; l’essence renferme les principes spéci­ fiques, l’hypostasc y ajoute les « accidents qui en sont les propriétés caractéristiques », d'où, envisagée en elle-même, l’essence ne subsiste pas, mais considérée (comme subsistante] dans les hypostases, η ουσία 6c χαΟ (αυτήνούχύφίσταναι, άλλ’ ένταΐς ύποστάσεσιθεωρείται. De fide orth., 1. HI. c. vi, P. G., t. xciv, col. 1001. • L’hypostasc nesigni Dopas ce qu'est ou quel est le sujet, mais qui il est; les différences de nature font autre chose et autre chose (aliud et aliud); les dlflérenccs d’hypostascs font les différents individus (alius et alius); la nature signifie quelle est la chose (quod ali­ quid sit, mot à moMiu’cllc est quelque chose, qu’elle a telle ■ quiddjté »); l’hypostasc désigne cette personne, cette chose Individuelle, hunc aliquem ou hoc aliquid; ΙίμΙνφύσις τότί σημαίνει, ή 61 ύπόστασις τινα χαΐ τ46ε τι. Dialeclique.c. χνιιι ;cf. c. χχιχ. P. G., t. xciv,col.581, .589. Dans le Dehœresibus, saint Jean Damascène,re­ latant, col. 144 sq , les théories des scvérlens relative­ ment aux notions do nature et ü'hijpostasc, reproduit de larges extraits de V Arbitre de Jean le Grammai­ rien. dit Philopon, col. 711-753. Voir Dlekamp, Doctrina Patrum de incarnatione, Munster en Westphalie, 1907, p. 272 283. 5° Théodore Abucara (t 869) mérite une mention spéciale; son analyse des rapports de la nature Indivlduéc et concrète à l’hypostasc est poussée plus à fond. L’être enhypostasié (ένυπόστατον) devient, pour lui, l’être hypostatique (υποστάτεχον) : < Une 402 réalité, dit-il, peut être hypostase (Οπόστασις) ou hypostatique (ύποστάτιχον). Les deux ont de com­ mun qu elles sont composées de la nature (spécifique) et des propriétés individuantes. Sur les propriétés individualités, voir la note au texte de saint Jean Damascène, P. G., t. xciv, col. 594, note 23. Elles dif­ fèrent en ce que l’hypostase ne fait pas partie d’un sujet (elle est ce sujet même), l’être hypostatique fait partie d'un sujet. Pierre, n’étant partie d'aucun sujet est une hypostase; le corps de Pierre, étant partie de Pierre, n'est pas hj postase, maishypostatique,mal­ gré qu’il comporte une nature réelle et des propriétés individuelles. Mais ce n’est pas assez de la nature concrète et des propriétés pour constituer l’hypostasc, il faut encore que cette nature ne soit pas prise comme partie d’un tout. » Opuscuta, disp. XXIX, P. G., t. xcvn, col. 1578. Et encore, répondant à l’hé­ rétique qui demande si la substance est différente, de l’hypostasc : < Oui, répond-il, la substance est autre chose et l’hypostasc autre chose, non pas comme deux réalités différentes l’une de l’autre, mais parce que l’hypostasc signifie autre chose et autre chose la substance. Le grain de froment est, à la fois, semence et fruit; semence et fruit ne font pas deux réalités différentes, mais répondent à deux significations di­ verses; la semence est semence par rapport à la cul­ ture à venir; le fruit est fruit par rapport à la culture passée. » Disp. XXVIII, col. 15G9. Cette comparaison, empruntée à Aristote, De generatione animalium, 1. I, c. χνιιι, n’est qu'une comparaison. Théodore Abucara approfondira la question en revenant aux concepts du commun et du singulier appliqués à la nature et à l’hypostasc. L’essence, c’est l’espèce, la nature; quant à l’hypostasc, c’est l’être particulier, l'individu, col. 1372 ; cf. côl. 1172 sq. Mais il saura éviter le réa­ lisme d’un Grégoire de Nyssc et expliquera d'une façon précise en quoi consiste le caractère de commu­ nauté attribué à l’essence par rapport à la « singula­ rité » de l’hypostasc. La nature est dite commune parce qu’elle correspond au concept de l’espèce qui est Identique pour tous les individus de même essence ( \bucara va jusqu’à les appeler όμοούσια); mais, considérée en elle-même, la nature fait abstraction de tout caractère de communauté réelle et objective ou de singularité. Elle inclut simplement les principes essen­ tiels de l’être, ceux que renferme la définition. La même nature réalisée, existant individuelle et singu­ lière, est encore, autant qu’il dépend des éléments qui la constituent, indifférente à être soit un sujet total, soit un élément partiel d'être, indi/lérente à l'existence en soi ou en autrui, indifférente, en somme, d être hypostase ou non. D’où Abucara conclut que « cet to chose com­ mune (qu’est la nature) n’est ni toutes les hypostases, ni une seule hypostase, mais qu’elle est considérée et sc trouve ύλιχ&ς, c’est-à-dire tout entière en chaque hypostase ». Disp. II, P. G., t. xevi, col. 1488; cf. dans les œuvres de S. Jean Damascène, t. xciv, col. 992, note. Voir Tiphainc, op. cil., c. xxn, n. 6. G® Le Lexicon de Suidas (xi· siècle), Halle et Bruns­ wick, 1831-1853, au mot ύπόστασις, voir également les mots ουσία et φύσις, résume la doctrine tradition­ nelle de l’hypostasc, mais en y mêlant des assertions personnelles, qu’il ne. faut accepter qu’en les passant au crible de la critique. Suidas explique ce qu’est l’hypostasc, Γένυπόστατον et Γ&ποστατιχή διαφορά. L’hypostasc est l’indiviuu; la nature subsistant dans une hypostase est dite ένυπόστατος; 1’άνυπόστατον est ce qui n’existe pas réellement. La raison hypostatique multiplie les individus en unissant dans chaque sujet l’ensemble des propriétés communes qui font la substance, et en séparant les sujets les uns des autres. En bref, c’est ce qui fait Γindividualité et la distinction des êtres. Il faut rejeter la prétendue 403 HYPOSTASE origine apostolique que Suidas assigne au tenue ôxtoστασκ, entendu dans le sens philosophique que lui ont donné les questions christologiques. Ci. Petau, De Incarnatione,\. ΙΙ,ο.ιιι,η. 10. On ne peut pafi égal ement admettre son interprétation de Hcb.» i, 3. Sur ce point, voir Petau, De Trinitate, L VI, c. vi. On doit également repousser l'étymologie que Suidas donne d υπό^τασις : ύ-οστάαίΐ; λέγονται ώ; ύπο την φυσιν ίαταUU7XI την αυτών πηγι{ν. 7° Michel Pscllos (t 1110), dane De omnifaria doe· trina, c. n, reprend l'explication des notions denature, d’essence, d’hypostasc; c. m, il explique ce qu'est l'être enhypostasié (ίνοζόστατον) par rapport A l’hypostase qui lui donne l'existence et par rapport Λ Γανυχιίστστον. L'b/υπίστατον s'entend de plusieurs choses : tout d’abord, de toutes réalités, soit I corporelles soit spirituelles, par rapport an sujet qui les contient: ainsi la couleur, l’essence de l’homme sont enhypostasiées, puisqu’elles n'existent que dans le sujet homme; ensuite, de la détermination spéci­ fique» qui ne peut avoir de réalité que dans l’hypostase; enfin de tout cc qui appartient à l’individu. Mais, c. iv, quand on parle de la nature humaine du Verbe, c’est par excellence qu’on doit hri appliquer la notion d enhypostasié, car elle est ■ une essence qui s’ajoute A une autre nature et coexiste avec elle dans l’unité de personne ou d’hypostase. ■ P. G., t. cxxii, . coL 688-689. — Un autre érudit, Theorianos (xn· siè­ cle), a quelques formules heureuses : < La substance (ουσία), dit-il, est tout d'abord et à proprement parler ce qui est subsistant par soi et n'existe pas en un autre sujet. » Disputatio cum Armenorum catholico, P. G., L cxxxni, coL 125. Qu'est-ce qu’être subsistant par sol? C'est cequl existe par soi et non en raison d'autre chose; c’est cc qui n'a pas l’être en autre chose et n’a besoin, pour exister, d’aucun sujet différent de soi-même, col. 128. La nature (φύσις), qui, en réalité, s'identifie avec la substance, est le principe du repos et du mouvement, en tant que provenant de la sub­ stance même et non point en tant qu’imprimé parune force extérieure. hypostase est la chose subsistante et substantielle, dans laquelle subsiste actuellement et réellement, comme en leur sujet, la masse des acci­ dents; les accidents manifestent l’hypostase. La per­ sonne sc manifeste elle-même et sc distingue des autres hypostases par scs actions et scs propriétés, col. 129. On retrouve encore chez Théorianos la for­ mule classique de l’essence s'opposant A l’hypostase, comme le commun ou général au particulier, col. 132, 133. 8° Sans aborder directement le problème de la ter­ minologie, la plupart des écrivains ecclésiastiques grecs ont défini l’hypostase et l’essence, la personne et la substance, selon ces données traditionnelles, au cours de leurs dissertations trinltaires ou christologiques. 11 s’agit ici non seulement des écrivains catholiques, mais encore des schismatiques. On pourra consulter, dans P. G., Théodore d’Alexandrie. Dormi, de Trinitate, t. lxxxvî, col. 281 sq.; Euloge d’Alexan­ drie, Fragmenta, t. lxxxvî, col. 2941, 2915, 2952; i le moine Job, Quirstio quare Filius incarnatus, non autem Fat· r aut Spiritus Sanctus, t. lxxxvî, col. 3320; Photlus, De S. Spiritus mystagogia, n. 15, 16, t. en. coL 293; n. 18, 19, col. 297; n. 46, 48, 63. col. 324, , 325, 3H; Gennade, De Deo in Trinitate uno, t. clx, col. 568 sq ,ct spécialement col. 589. Lc plus remar­ quable travail de synthèse, tant au point de vue do la doctrine que de la terminologie, est peut-être lo De fide deque calhotlese fidei principiis de Manuel Ca­ lceas. L'auteur, s'appuyant constamment sur l’au­ torité des Pères, Grégoire de Nazlanzc, Basile, Grégoire de Nysse, Athanase, Maxime, Jean Damascène, Théo­ dore!, rapporte, & propos de la trinlté et de l'incarna­ 404 tion, les distinctions et les définitions que l’on a rap­ pelées au cours de cette étude. Voir surtout De prin­ cipiis fidei catholica·, c. in, v, P. G., t. clii, col 473 sq., 569 sq. On en trouve un excellent résumé, en ce qui concerne la trinlté, dans Passaglia, op. cil., § 22, 23. Marc d'Éphesc, au concile de Florence, n’eut pas de peine A constater la parfaite concordance des doctrines et des terminologies latine et grecque. Sess.V, Mansi, Coned., t. XXXIV, col. 529 sq. Cette concordance s’est maintenue dans les professions de foi orthodoxes plus récentes. On pourra consulter avec profit dans J. Kim­ mel, Monumenta fidei Ecclesia· orientalis, léna, 1850, Gennadii confessio, n. 7, p. 17; Cyriili confessio, c. vu, p. 28; Confessio orthodoxa (dite de P. Moghila), part. I, q. xir, xm, p. 68-71; Dos itha· i confessio (synodus Hierosolymitana), dccr. i, vn,sp. 425, 433; Metro­ phanis Crilopuli confessio, p. 27, 31-32, 47, 69-70. /r. sfnth&se de la pensée grecque. — hy­ postase. — Do tout ce qui précède, la pensée des théo­ logiens grecs semble exactement résumée par Tiphainc, op. cil., c. xv. L’hypostase peut sc définir: substantia per se discreta, aut per se separata, vel per sc ac seorsim posita. Ces expressions sont empruntées presque textuellement A saint Jean Damascène, Dialect., c. xlii, xliv, xlv, P. G., t. xciv, col. 615,668, 669. On trouve des tenues analogues chez les autres Pères : les auteurs orientaux considèrent l’hypostase, entendue en son sens philosophique, comme une substance exhtant dans sa propre totalité ou perfec­ tion. C'est la tolielas de Rustique» Disputatio contra acephalos, P. L., t. lxvii, col. 1239; la τιλεώτης des grecs, cf. S. Épiphtfne» Ancoratus, symbole; Jlær., xxvn, n. 29, P. G., t. xlhi, col. 233; t.xui, col. 684; i. S. Athanase, Contra Apollinarem, 1. I, n. 12, P. G., t, xxvi,col. 1113; S. Sophronc,Epist. synodica, P. G., t. lxxxvii, col. 3156. C'est ΓαύτοτΛή ουσία, la sub­ stance complète, de l’épttre de Denys d'Alexandrie contre Paul de Samosate. Mansl, t. i, col. 1044. C'est Γίδωτυσταταν de Léonce de Byzance, Contra nest. et eutych.,19. G.,t.cxxxvi,col. 1281 ;do Didymei’Aveugle, De Tririitale, 1 HI, c. xxm, P. G., t. xxxix, col. 925; de S. Jean Damascène, Didact., c. vni, P. G., L xcv, 136» de S. Cyrille Cette méta­ physique, néanmoins, précisément parce qu’elle va directement si 1 être, ne fait que poser les termes du problème. L’hypostase est l’être, la nature existe dans cet être. La nature n’est pas une hypostase, mais l’hypostase possède-t-elle une réalité objective plus compréhensh c que celle de la nature concrète? En d’autres tenues, l’existence en soi, propre à l’hypostase, ré­ sulte-t-elle d’une entité qui s’ajouterait è la nature concrète? Les données patriotiques nous indiquent nettement qu’il faut établir au moins une distinction de raison entre cette nature et l’hypostase. Ixs théo­ logiens chargés de préparer le concile du Vatican avaient proposé cette déclaration: secundum SS. Pa­ trum admonitionem, intelligant omnes oportet, Z&3Æ.Yttæ, SUBSTAÏTIÆ sai yATUBÆ notionem cum no­ tione hypostasis, stms/sTPNTiJi, seu ΡΚΗΛΟΝ’.ε mi­ nime esse confundendam. On ne peut toutefois In­ voquer l’autorité des Pères pour affirmer avec certi­ tude une distinction réelle entre les choses exprimées par ces notions : cette conclusion appelle un travail nouveau de la pensée catholique. 3° L’hypostase et tes accidents. — Les Pères grecs semblent parfois faire entrer les accidents dans la définition de l’hypostase. Saint Jean Damascène dit expressément que l’hypostase est · la substance avec les accidents », ουσία ptrà συρ£ί€ηχότων. De fide orth., 1. III, c. m, P. G., t. xciv, coL 1002. Il ne s'agit pas des accidents physiques, mais des propriétés indi­ viduelles, qui, inséparables de l’essence singularisée, la manifestent comme telle 5 l’extérieur. C’est en tenues analogues que s’expriment la plupart des Pères, les ύποστάτιχαι διάφοραι, γαραχτιριστιχά (δέματα de saint Jean Damascène, xolr col. 401, cc sont les ιδιότητάς, Ιδιώματα, Ιδιαζάντα σηαίΐα, ϊδια γνωρίσματα, χαραχτήρ«ζ,μορφαϋ1θ8αίη1 Basile, Epist., xxxvni, n. 3,4, voir col. 382 ; c’est la totalité des choses existant dans l’être, dont parle Kustlquc, voir col. 393; ce sont les ίδιώματα αφωρ<στιχά de Léonce de Byzance, voir col. 398. Et comme Léonce l’explique clairement, ces caractères ne constituent pas la personne ou l’hypostasc, mais la font distinguer. Cf. Petau, De Trini­ tate, 1. IV, c. vin. n. 5-10. 4° L’hypostase et la personne. — Les grecs Identifient les deux tenues, sans marquer la différence signalée par Boèce, voir col. 393. Toutefois, et probablement l’influence de la pensée latine est à l’origine de cette nuance, saint Jean Damascène, reprenant une Idée ù peine ébauchée par les deux Grégoire, voir col. 383, commence ù marquer que · la personne est Je sujet qui se manifeste lui-même par scs opérations et ses pro­ priétés, comme distinct des autres êtres de même nature » : Πρδσωπον δ δια των οιχίιων Ινιργημάτων τί,χαι Ιδιωμάτων άρίδηλον, χαι πιιωρισμίνην τών δμοφυών αυτο5 παρί/ιται την Ιμφζνηαν. Dialed., c. xlii, P. G., t. xciv, col. 612. Théorianos reproduit le même concept en des termes presque identiques. Ce n’est pas encore l'attribution exclusive du mot πρόαωπο·/ aux substances de nature raison­ nable, mais c’est déjà certainement une Indication très 407 HYPOSTASE 408 nette en ce sens, puisque saint Jean Damascene et i sur le principe de l'existence en soi, Incommunicable Théorianos remploient pour désigner les êtres vivants. ct distincte, propre à l'individu de nature raisonnable. On voit par là combien peu fondés sont les reproches C'est l’aspect du problème hypostutique que les grecs faits pur certains philosophes contemporains à la théo­ n’avaient pas envisagé, que leur métaphysique ne leur logie catholique, relativement à de prétendues con­ permettait pas d’envisager. Ce problème, clos pour tradictions et indéterminations qu'établiraient dans saint Jean Damascènc ct pour les grecs, ne l’est pas la doctrine religieuse les concepts conciliaires ct sco­ pour les latins. On exposera les dilfércnlcs phases de la pensée lastiques de l’hypostase ct de la personne. Cf. Itenouthéologique latine, en négligeant les conceptions hété­ vier, Lrs dilemmes de la métaphysique pure, Paris, 1901, Introduction, xiv, p. 32,ct c. v, p. 203 sq. L’exposé rodoxes que supposent implicitement les hérésies ct qu’on vient de faire de la doctrine des Pères, qui reflè­ les erreurs Issues de l’adoptianisme et qui sc trouvent i la base des doctrines hérétiques enseignées par les tent la pensée de ΓÉglise, condamne à lui seul l’étrange théologiens de l’école d’Abélard, de Roscelin ct de proposition de M. Renouvier: · Le sens particulier que la théologie aurait à donner au terme de personne pour Gilbert de la Porée, dont s’occupe saint Thomas, Sum. éviter la contradiction n’ajaniais été défini. Les termes lheol., III», q. n, a. 3-6, et dont avait fait mémoire, de nature ct de substance employés dans l’énonciation avant saint Thomas, le maître des Sentences. Sent., des dogmes ne l’ont pas été davantage. La doctrine 1. Ill, dist. VI, P. L., t. cxcix, col. 1043; ci. col. orthodoxe est une sorte de philosophie dont la termi­ 1129 sq. Ces conceptions, tout comme la thèse de Bernologie est fixée sans que la signification des tonnes ruyer, opposant le quasi-suppôt à la personne, cf. soit éclaircie. > Histoire ct solution des problèmes Schcebcn, De incarnatione, I. V, n. 236; Legrand, métaphysiques, Paris, 1901, p. 155. De incarnatione, disp. XI, dans Migne, Cursus theo­ II. CffF.Z LES THÉOLOGIENS. — Z. CONSIDÉRAlogia: completus, t. ix, col. 1027 sq., seront étudiées à TI0N3 GÉNÉRALES. — Ie La pensée latine, — Hypostatique (Union). De plus, comme il s’agit ici La pensée grecque et la pensée latine, dans l’analyse de formules ct de concepts philosophiques, ordonnés du concept d’hypostasc, partent de deux points de vue néanmoins à la théologie de l'incarnation, on s’effor­ opposés. Dans les questions trinitaircs, la théologie cera d’être aussi bref que possible dans l’exposé ct la grecque se préoccupe d’abord de sauvegarder la dis­ critique des différents systèmes, réservant les discus­ tinction des hypostases: l’attention des Pères tombe sions proprement théologiques pour l'articlc suivant. directement ct du premier coup sur l’hypostase ct ne 2° Terminologie. — Termes synonymes d’hypoconsidère qu’en second lieu la substance, qu’elle soit slase : I.Substantia.— Bien que le mot substance soit ένυκοστατο; ou ύποστάταον. On peut donc dire employé ordinairement comme synonyme d’essence avec de Régnon, op. ci/., p. 278, que < les grecs entrent concrète, il faut cependant signaler sa synonymie dans l’arbre de Porphyre par en bas, par l'individu avec hypostase, à cau Hugues dc Saint-Victor, ou plutôt Jean de Corble, auteur du De Bellevue, De declaratione terminorum, 1. H, c. xlii, Verbo incarnato, 1. Ill, q. v, P.L., t. clxxvh, col. 298χιλι, χι.νιι. CL Dldacc Ruiz. De Trinitate, disp. XXXIL sect, x; Pelnu.De Trinitate, I. IV, c ιιι,η.10- 299. Pour Albert le Grand, le concept dc personne in­ 12. L’hypostase est appelée res naturœ, parce qu’elle clut l’unité, la singularité, l’incommunicabilité. L’unité a son principe dans la matière; la singularité, dans les est la réalisation concrète par l’individu de la nature, notes indlvlduanlcs; l'incommunicabilité, dans Indivi­ c'est-à-dire de l’espèce. — 5. Hoc aliquid, pris dans sa signification, non pas transcendent ale, voir S. Tho­ sion, la séparation d’avec une autre hypostase. In IV mas, Dc veritate, q. j, a. 1, mais prédicamcnlale, Sum. Stnt., L III, dist. V, a 14;cf. a. 11-13. Alexandre dc Halés voit aussi, dans la distinction ou détermina­ theol., I·, q. lxxv, a. 2, ad l110». Au terme aliquid tion dc la substance rationnelle, le principe formel de (aliud quid) se rapportant à la nature ou à l’espèce, l'adjectif hoc ajoute la singularité ct la détermination la personnalité : · Pour constituer la personne, il faut une triple détermination ou distinction, singularité, du sujet, telles que les comporte l’hypostase. I·, q. xxxi, a. 2. — G. Persona. — C’est, comme on l’a incommunicabilité, dignité; la troisième sc trouve déjà indiqué, l’hypostase dc nature rationnelle. L'hy- dans l'homme, Socrate (par exemple), en ce que son postasc est le genre, la personne est l’espèce. Alors que humanité ne sc trouve pas unie à une forme plus digne, les grecs emploient indifféremment hypostase ct per­ mais demeure distincte de tout sujet plus digne; c'est sonne, les latins conservent la distinction des deux cette distinction qui s’oppose à la possibilité d'union termes, tout en maintenant l'identité des sujets dési­ avec une substance plus parfaite. » Summa, 111·, q. vi, gnés, lorsque l’hypostase désigne un sujet doué d’in­ m. iv. Cf. q in, m vi. Saint Bonaxcnturc a une ter­ minologie identique. Cherchant ce qui manque à telligence. 3° Notion générale de l’hypostase chez les anciens ΓHomme-Dieu pour que sa nature humaine soit une scolastiques. — La plupart des théologiens du moyen personne, Il répond que des éléments constitutifs de ûgc n*ont étudié l’hypostase ou la personne qu’en fonc­ la personne, Il en manque un à la nature humaine du tion du mystère dc l’incarnation. 11 ne faut donc pas Christ. Ces éléments sont la distinction dc singularité, chercher chez eux une métaphysique spéciale dc la distinction d’incommunicabilité, la distinction dc l’hypostase; bien plus, on rencontre encore dans leurs ' dignité surémlncntc. Or, l’union dc la nature humaine avec la personne divine fait perdre à l’humanité du écrits un tel flottement d’idées ct d’expressions qu’il Christ le troisième élément. In I VScnt., I. HI, dist. V, devient difficile de les cataloguer dans un système ou une école bien déterminés. Ainsi l’autorité dc saint ( a. 2, q. n, ad lum. Il ne faudrait cependant pas com­ Thomas est revendiquée dans la plupart des écoles prendre cette réponse dc saint Bonaventure comme si postérieures, ct le docteur angélique est un dc ceux qui en Jésus-Christ la nature humaine possédait, indépen­ damment de l’hypostase dans laquelle elle est unie à sc sont exprimés le plus nettement. Il faut donc, au seuil de la théologie du moyen âge, sc contenter d’es- la nature divine, la singularité ct l’incommunicabilité, quisscr la notion générale d’hypostasc, telle qu’on la ce qui en ferait une réelle hypostase. On tomberait trouve réellement dans les auteurs: l’attribution dc alors dans l'erreur adoptianiste encore répandue au systèmes bien déterminés ne peut être faite qu’à des moy en âge ct enseignée par quelques auteurs. Or,saint théologiens appartenant en général à une époque pos­ Bonaventure y répugne absolument, /oc. ci/., ad 2ttm; térieure. H convient toutefois dc rechercher plus spé­ cf. dist. VI, a. 1, q. i. Pour cc docteur. Il y a Identité de concept ct dc réalité entre l’hypostase dc nature cialement quelle a été la vraie pensée de saint Thomas d’Aquin : on le tentera à la suite dc l’exposé des diffé­ rationnelle et la personne S’il ne parle que du troi­ sième élément, c'est que celui-là seul affecte la per­ rents systèmes. sonne comme telle, les deux premiers sc rapportant à En général, les théologiens du moyen ûgc acceptent, sans la discuter, la définition dc Boècc : Persona est n’importe quelle hypostase; il ne veut nullement conclure à l’unité dc personne ct à la dualité d’hypo­ naturæ rationalis individua substantia. Voir col. 393. stasc en Jésus-Christ. Cf. Jannscns, Summa theologica, Un des premiers maîtres dc la scolastique, Alain de Fribourg-en-Brisgau. 1901, L iv, p. 260. Guillaume Lille, reprenant cette définition. Distinctiones, P. L.. t. ccx, col. 908, en donne l’étymologie, res per se una, d'Auxerre interprète également en ce sens la substan­ Thcologlcœ régula, reg. 32, col. G37, étymologie évi­ tia individua dc la définition boéticnnc. Summa, 1. HI. demment fausse, qu’acceptent néanmoins Albert le c. i. Richard dc Saint-Victor, De Trinitate, I. IV, Grand. Gilbert de la Porée, Pierre dc Poitiers, Garnier c. xxii, P. L., t. exevi, col. 915, appliquant cette défi­ de Rochefort. CL Braun. Essai sur la philosophie nition aux personnes divines, substitue le mot exis­ d’Alain dc Lille, dans la Revue des sciences ecclésias­ tence au mot substance, parce que rien en Dieu ne peut être conçu comme substans, cf. Alexandre dc Halés, tiques, 1898. t. i, p. 499 sq. Fidèles au processus dc la pensée latine, leur regard tombe dc prime abord sur Summa, 1% q. ux, m. ut; S. Thomas, Sum. theol., 1· q. xxîx. a 3, ad 4«°*, et, par le terme existence incom­ la nature ct seulement ensuite sur l’hypostase; l’hypostasc ou la personne leur apparaissent comme le municable, Richard entend toute réalité qui n’est pas résultat d’un complément, d’un perfectionnement dc communicable à une autre, soit comme partie, soit la nature. La nature est ce qui est commun à tous, la comme élément constitutif ou accident inhérent, soit comme entité sustentée par elle. Cf. Occam, In IV personne ajoute à la nature l’ensemble des propriétés Sent., 1. I, dist. XXIIL q. un. Sur la terminologie Individuelles. S. Anselme, Cur Deus homo, P. L., t. clviii, col. 278 D’ailleurs, les équivoques créées dc Richard dc Saint-Victor, voir Petau, Dc Trinitate, par l’emploi du terme substantia, au lieu dc subsis­ I. IV, c. iiî, n. 7. 8. Gilles dc Rome, s’inspirant de Pierre Lombart, In IV Sent.,]. Ill,dist. IV.p.m.q.un., tentia, leur Imposaient l’obligation d’insister sur le a. 2,ad 3um,fait reposer dans la séparation d'avec les caractère dc singularité, de séparation, dc distinction, d’intégralité, dc totalité, d’incommunicabilité, qui autres individus la totalité qui confère la personnalité doit s’ajouter à la substance dc nature rationnelle pour à la nature concrète. Pour tous les auteurs que l’on vient de citer, voir constituer ki personne : · Le suppôt Inclut dans son concept la raison dc totalité, d’intégralité, dc perfec­ Ίhomassin. De incarnatione, 1. Ill, c. xxt, ct auxquels tion; (c’est ce que signifie) l'individualité, l’incom­ il ne serait pas impossible d’ajouter quelques noms, municabilité, l’être par soi, distinct ct séparé, la réalité il parait exagéré dc vouloir les ranger dans une ccoie 411 HYPOSTASE 412 bien déterminée. Ils ont exprimé le dogme catholique, I hypothèse, l’âme séparée serait une personne; c; la en insistant sur le caractère d’incommunicabilité, I personnalité résulte dc deux négations, négation de dépendance actuelle ct négation dc dépendance d'existence séparée, d’être complet et distinct, qui est celui de l’hypostase ct de la personne; mais ils ne < aptitudinclle*. Scot distingue trois sortes dc dépen­ semblent pas avoir poussé plus loin l’explication méta­ dance: la dépendance potentielle, qui est constituée par physique de l’union hypostallque. Toutefois, on ne la simple non-répugnance, au point dc vue naturel,de peut nier que de leurs expressions il est facile de rap­ deux termes à unir; la dépendance actuelle, qui marque procher la terminologie de l’école de Scot. Voir plus l’union réellement existante d'une réalité à une autre loin. Bien d’étonnant donc que des auteurs scotistcs, réalité plus parfaite· la dépendance aptitudinclle, qui comme Tiphainc ct Franzclin, sc réclament du patro­ marquclatendanccinnéed’unc réalité vers l'union avec nage de ces anciens ct vénérables théologiens. Cf. Ti­ une autre réalité pour ne former qu'un sculelniêincsuphainc, De persona ct hypostasi, c. vr; Franzelin, De jet: l'âme ct le corps sont en dépendance aptitudinclle Verbo incarnato, th. xxx. Sur la pensée dc S. Thomas l’un vis-à-vis de l'autre pour former le composé humain. Seules les négations dc dépendance actuelle d’Aquin, voir col. 424 sq. //. LES ECOLES. — Les divergences d’écoles sc et dc dépendance aptitudinclle confèrent la personna­ sont produites parce que les théologiens, sc laissant lité. Toutefois, dans l’union de la nature humaine au entraîner dc plus en plus par le courant dc la pensée Verbe, il faut concéder que la nature humaine possède, latine, sc sont demandé quel élément métaphysique par rapport â la personne divine, la négation de dépen­ donne à la nature concrète d’être une hypostase ou. dance aptitudinellc : autrement, elle serait en état en d'autres termes, lui confère la subsistence, en pre­ violent par rapport à sa personnalité propre. En Jésusnant cc mot dans un sens abstrait. Dc là, le problème Christ donc, la nature humaine n’est pas une per­ sonne, parce qu'en définitive, elle dépend actuelle­ dc l’hypostasc est devenu celui dc la subsistence, non plus entendue au sens concret des grecs, mais au sens ment de la personne même du Fils de Dieu. abstrait des théologiens postérieurs à saint Thomas Cette théorie, exprimée «railleurs assez confusé­ ct que saint Thomas lui-même accepte parfois. Ainsi ment par Scot, est reprise par toute l’école nomina­ la personne sc présente à l'esprit comme le résultat dc liste. Les théologiens de cette école considèrent que deux éléments : d’une part, la nature concrète, l’es­ la non-dépendance constitue la raison formelle dc la personnalité, dc la supposalité : · Le suppôt, dit sence existante; d'autre part, la subsistence distincte Occam, est l'être complet (par là, on exclut les parties dc la nature (soit réellement, soit en simple raison), et les principes constitutifs de l'être), incommunicable et lui conférant l'existence en soi ct l’incommunlcabillté. Λ défaut d'ordre chronologique, l’ordre logique par identité (par là, on exclut non seulement l’espèce qui sc retrouve dans les individus, mais encore la des systèmes apparaîtra avec clarté dans le schéma substance divine elle-même), ct non sustenté par une suivant : autre substance (par là nu exclut la nature humaine 1. comme un élé­ de Jésus-Christ). » Quodlibcl IV, q. xi. D’autres ment négatif (école auteurs appellent cette dépendance, dont la négation scotMe ct nomina­ l«Subsistcncc,dk- liste). constitue la personnalité, dépendance suppositalc, tinctc en •‘impie c'est-à-dire dépendance d'une nature sustentée par raison ct conçue 2. comme un élé ­ Nature concrète rapport au suppôt qui la sustente, dependentia suppoment positif (école existante. (Sur la silaiis sive sustentifleati aut sustentati ad sustenti fleans. dc Tlphalnv). composition de G. Biel, In IV Sent., 1. HI, «list. I, q. i; cf. 1. I, cette nature, voir dist. XXX, q. iv. Et pour mieux faire saisir la nature 3. un mode sub ­ Essence, t. v, de cette dépendance, ils prennent comme terme de stantiel (deux coL 812.) comparaison la dépendance dc l’accident vis-à-vis de écoles : Cajétan ct son sujet, de la forme vis-à-vis dc la matière, moins 2· Subsistence, dis­ Suarez ). cependant les Imperfections inhérentes à ces deux tincte réellement ct constituée par I. l'existence ellesortes dc dépendance. Cf. Wîrccburgcnscs, De incar­ même, réellement natione, n. 257. En plus des auteurs cités, voir, pour distincte de l’es­ l’exposé de cette opinion, I Icnri dc Garni, Quodlibct V, sence (Capréolus). q. vm; In IVSent., 1. Ill, dist. I, q. in, a lum; Pierre Première école : la subsistence est conçue comme ne se d'Ailly, I. III. dist. I, q. î, ni ; Richard de Middletown, distinguant pas réellement de la nature concrète, à In IV Sent., I. 1Π, dist, V, a. 2, q. n ; Gilles dc Rome, laquelle elle ajoute simplement la négation de dépendance In IV Sent., I. III, q. iv, p. ni, q. un., a. 2 ; F. Mayvis-à-vis d'une autre réalité. — 1. Exposé. — Cc sys­ ronls, In IV Sent., I. Ill, «list. I, q. Xî : Bassolls, In tème, appelé système scotiste, est, en réalité, antérieur IV Sent., I. Ill, «list. 1, a. 1, q. î ; Pontius, Curs, à Scot puisque saint Thomas le réfute à plusieurs philos., t. ni, disp. XV III, n. 91 ; Mast dus, Dispu­ reprises- In IV Sent., 1. Hi. dist. I. q. î, a. 3; Sum. tationes metaphys.,d\sp. XI. q. iv, n. 62; Wadding, Dc theof., 1·, q. xxx. a. 4. Mais Duns Scot lui a apporté le incarnatione, disp. IV, dub. il ; et, en général, les théo­ relief et la notoriété qu’il a gardé depuis dans toute logiens de l’école franciscaine; parmi les jésuites, l’école scolislc ct nominaliste. D’après le docteur Molina, In Sam. S. Thomæ, T% q. xxix, a. 1,dlsp. Il; subtil, la personnalité (subsistence) n'est pas autre Cosme Alemanni. Summa philosophica, q. xxv, a. 5; chose que la substance Individuelle considérée du Mayr, Philos, périt., pars ultima, n. 1131 sq.; De Benedictis. Philos, perip.. Metaph., I. II, q. î, c. in; point dc vue de sa · non-assomption > par une autre personne. C’est donc un élément négatif qui constitue Mcndivc, Ontntogla, n. 367. Voir dans Tiphalne, op. la subsistence ou la personnalité. Scot expose son sys­ cit., c. vi, cl dans Urraburu, Onlologla, p. 8-19-850 tème dans In IV Sent., I. III. dist. I, q. î, n. 5 sq.; d'autres références. On trouvera.un bon exposé mo­ dist. V. q. n. n. 4 5 ; et «list. VI. q. î : I. I, dist. XIII, derne de ce système dans (tîu bol s,’ I.r concept de la q. un.n.9,10; dhl. XXIll.q. un.,n.7. Quodlibcl XIX, I personnalité dans la Revue au clerqc français, oc­ tobre a. 3. Voici les conclusions qu’on peut tirerdecctexposé: 2. Critique. — Les raisons invoquées par l’école a) la nature individuée n'acquiert pas la personnalité par quelque chose dc positif surajouté ; b) la person­ scotlstc pour étayer cc système sont principalement d'ordre théologique ct empruntent toute leur valeur nalité n’est pas le résultat de la seule négation de dépendance actuelle ajoutée à la nature, car. en cette ! à la nécessité d'expliquer dans le Christ l'union des 413 HYPOSTASE? 414 deux natures en une personne. Au point dc vue philo- ' est exposée dans son De hgpostast ct persona, réédité sophique, ces auteurs sc contentent généralement à Paris, 1880, avec préface du P. Jovcnc, c. x-xxiu. d’affirmer que la séparation, la distinction, la totalité Examinant diverses définitions de 1 hypostase : qu’inclut I’hypostase, reposent sur la négation dc dé­ substantia prima tota ; substantia singularis et indi­ pendance. La discussion du système a donc sa place vidua, integra et perjecta; natur* terminus ulli· marquée à l'art. Hypostatiqve (Inion). Cepen­ mus seu ultimum complementum; ens, substantia dant quelques remarques s'imposent. 11 est difficile per se subsistens vel cxtslens; substantia discreta aut d’admettre que la négation dc dépendance actuelle ct separatu, vel per se ac srorsim posita, Tiphaine remar­ aptitudinclle, au sens où Scot entend ces termes, que que toutes ces définitions sont équivalentes et suffise à faire d'une nature concrète une hypostase. traduisent, avec des expressions différentes, le même Dc l’aveu dc tous, l’hypostasc est une substance indi­ concept fondamental de I’hypostase : un tout sub­ viduelle ct incommunicable· Or, la négation dc dépen­ stantiel existant en soi. C’est ce concept dc totalité dance actuelle ne rend pas la substance incommuni­ qui traduit le mieux l’idée de la jierfectionJaTÛxtirr;, cable, mais simplement incomniuniquéc. Quant à la attribuée par les Pères à i’hypostase· Tiphainc en fait négation dc dépendance aptitudinclle (celle dc 1’ûmc le point central dc toute sa thèse ct pense par lui soluvis-à-vis du corps), de celle dépendance qui suppose, , ttonner les difficultés soulevées contre le dogme dc dans la réalité qu’elle aileclc, une tendance innée ή I l’incarnation. La totalité dont il s’agit est : 1° une s'unir à une autre réalité pour former un cire complet, totalité substantielle, dc telle façon que les parties elle ne peut exister qu’à la condition que cct être essentielles (par exemple, l’âme ct le corps dans la constitue par lui-même un véritable tout substantiel. nature humaine) ne peux ont constituer séparément Et la réciproque est vraie : une réalité ne possède dc une hypostase; 2° une totalité intégrale, cc qui em­ véritable dépendance aptitudinclle vis-à-vis d'uno pêche les parties intégrales d’un individu dc consti­ autre réalité, qu’à la condition d’être incomplète dans tuer par elles-mêmes des hypostases. Cf. c. xn, n. 11, l’ordre substantiel; autrement, un tout substantiel 12. A l’encontre de Scot, Tiphainc soutient qu’aucune complet serait en même temps un vire incomplet, ce négation n’entre dans Je concept de i’hypostase, qui est contradictoire. D’ailleurs, cette contradiction c. xvin, n. 5 ; dans aucune des définitions proposées, il est manifeste dans la théorie scotiste : sans discuter n’y a place pour une négation : pas dc négation dans présentement son explication de l’union hypostatique, le concept de substance; pas de négation dans Je on peut constater que Scot admet la seule dépen­ concept d’intégralité et dc totalité; pas dc négation dance actuelle de la nature humaine vis-à-vis du dans le concept dc dernier complément, dc perfection Verbe comme raison dc sa non-personnalité dans le dernière, d’être par soi, dc substance distincte ct Christ. H résulterait donc de celte conception que la individuée. SI la personnalité ou la supposalilé com­ nature humaine, en Jésus-Christ, serait à la fois com­ portaient une négation de dépendance, parce que l’iiyplète et incomplète : complète, par le fait que Γhypo­ poslase cl la personne existent en soi, il faudrait égale­ stase n’ajoute rien de réel à la nature; incomplète, ment dire qu’cilcs comportent la négation d’existence par le fait que cette nature humaine est assumée par accidentelle ct partielle, parce qu’elles ne peuvent être ni accident ni partie, n. 8. Toutefois, bien qu aucune la personne du Fils dc Dieu. négation n’entre dans le concept formel dc I’hypostase, De plus, qu’cst-cc que cette négation de dépendance par rapport à la constitution intime dc l’être qu’elle il est cependant plus facile dc définir l’hypostasc négatl vernent que positivement, cf. c. xvi, n. 15, et, parmi affecte? Si celte négation doit atteindre la constitution intime de l’être — et il doit en être ainsi pour faire de toutes les négations qui peux eut accompagner cc con­ cept, il en est une qui lui appartient plus spécialement la nature une hypostase — il faut qu’elle repose sur un élément positi/, lequel aileclc lui-même essentielle­ ct comme en propre, c’est 1 in-communicabilité,c.xviu, ment l’hypostasc ou la personne. Autrement, elle n. 13. Cette remarque est amenée par la nécessité d’ex­ pliquer comment la subsistence (entendue au sens n’est qu’un simple mot ne ré|>ondant à rien d’objectif. Scot a bien remarqué cc point faible dc sa théorie, abstrait), qui, dans la théorie dc Tiphainc, ne sc dis­ lorsqu’à l’objection qui vient d’être faite, il ré­ tingue pas réellement dc la nature concrète ct n’en pond que l’élément positif nécessaire n'est autre dlllèrc que par le concept, peut cesser d’appartenir à que la nature elle-même, en tant qu’elle est cette une nature, par le fait dc Γ assumption dc celle nature nature, Indlviduée. subsistant en sol et par soi. Plu­ à une hypostase supérieure, sans que ladite nature, sieurs scotisles, Lychcttus, de Rada, Continus, Her­ prixéc de sa subsistence propre, soit diminuée ou rera, cités par Maslrlus, loc. cit., inclinent, pour cc changée en quoi que cc soit. El Tiphainc résout la motif, vers le concept positif de la subsistence. On difficulté en exposant les dlllércnts modes par lesquels explique la pensée de Scot en cc sens que le docteur disparait la totalité substantielle, raison formelle de la subtil veut simplement affirmer que la personnalité subsistence, additione, accessione, positione alleujus n’est pas constituée par un élément positif surajouté alterius, c. xxiiî. Donc, par le fait dc son union avec à la nature concrète, ct ainsi la doctrine scotiste rejoint une hypostase plus parfaite, une nature concrète perd celle de la seconde école, celle que Tiphainc a mise en sa supposalilé. sa personnalité, ibid., n. 8. Et c’est par relief. Stentrup, op. cit., th. xxv; Pesch, De Verbo là que» finalement, la théorie dc Tiphainc. à son tour, incarnato, tr. I, n. 97. rejoint celle dc l’école scotiste. dont elle ne diffère, en Deuxième école: ta subsistence est conçue comme ne se somme, que par les mots. Franzclin, op. cit., th. xxix, distinguant pas réellement dc la nature concrète: cite est corol. 3; Urraburù. op. cit.,t\. 292, p. 855, font euxcette nature même, considérée dans sa totalité substan­ mêmes cette constatation. Les partisans dc ce sys­ tielle cl Intégrale, existant en soi. — 1. Exposé. — Cette tème sont légion; citons les principaux: Thomassin, thèse, à laquelle sc réduit facilement l’opinion précé­ De incarnatione, 1. III, c. xvi-xxî; Petau, De incar· dente, prétend résumer en une formule simple les natione, 1. V, c. vît. n. G-10; Franzclin, De Verbo explications des Pères. Suarez, Melaph., disp. incarnato, th. χχνπ-χχχιν; Stentrup, Dc Verbo incar­ XXXIV, sect, n, n. 4, place cette opinion sous le nato, th. χχιιι-χχνι ; Hurter, Compendium (heologlie patronage dc Durand dc $aint-Pourçaln, In IV dogmatica·, th. eu, η. 508; De Régnon, op. cil., passim; Sent., I. I, dist. XXXIV, q. î, et de Henri de Gand, Pesch, I). Verbo incarnato, prop, νιι-ιχ, ct, parmi les Quodlibcl IV, q. iv. Mais c’est surtout le jésuite philosophes, Tonglorgi, Palmieri, Lahoussc, Frlck, Tiphainc qui lui a donné, nu xvn· siècle (1634), son Piccirelll, etc. relief ct sa vogue. La thèse philosophique dc Tiphainc I 2. Critique. — Il est juste de reconnaître que cc sys- 415 HYPOSTASE tèmc reproduit, dans scs expressions, la plupart des tonnes dont sc sont servis les Pères grecs pour expli­ quer cc qu'est l’hypostasc. Cependant sa terminologie ne tient pas assez compte du τρόπο; της ύ-άοςί**;, sur lequel insistent saint Basile, Léonce de Byzance, saint Jean Damascene, Théodore Abucara; voir plus haut. Son principal mérite est d’envisager l’être en lui même, en corrigeant par là cc qui peut être défec­ tueux dans le point de vue latin. De plus, Je dogme est clairement exposé dans cette théorie. Mais par le fait même qu’elle veut renouveler la métaphysique grecque, l’opinion de Tiphainc laisse sans solution la difUculté signalée plus liant. Voir col. 407. 11 reste tou­ jours en eflct à expliquer comment une dliTércncc substantielle peut exister dans une réalité qui maté­ riellement demeure la même, qu’elle soit hypostase ou qu'elle soit simplement nature. La raison de totalité invoquée par Tiphainc n’explique ricn par ellemême. Cette totalité semble bien n'êtrc conçue que d’une manière imaginative et non d’une manière rationnelle : elle n'est, en eflct, qu'une totalité quantitative, c. xvn, n. 10, dans laquelle partie et partie s'additionnent pour former un tout ou sc sépa­ rent pour devenir réalités distinctes et substances complètes en elles-mêmes. Or, la totalité substant idle ne doit pas être conçue de cette façon; elle ne peut provenir que de l’unité d'être qui affecte et la réalité totale et les parties de celte réalité. Voir S. Thomas, In IV Sent., J. Ill, dist. VI, q. u, a. 3; In Metaplu, 1. VII, lect. xhî. On pourra donc toujours sc deman­ der, aussi bien dans la théorie de Scot que dans celle de Tiphainc, comment les deux natures, humaine et divine, ne forment dans le Christ qu’un seul tout substantiel. Il fnut,pourcxpliqucrcettcunitésubstanticlle, plus qu’une addition de nature à nature ou à hypostase, plus qu’une juxtaposition de réalités: il faut que les deux substances s'unissent réellement à un même principe déterminant qui les saisisse physique­ ment. Autrement leur union ne serait qu'accidentelle ou morale. CL Hypostatique ( Union). , Troisième et quatrième écoles : la subsistence est constituée par un mode substantiel réellement distinct de la nature concrète, qui complète celte nature dans l'ordre de l'existence en soi. — C’est à la fois pour main­ tenir l’unité substantielle du Christ et la dliTérence objective que cette unité substantielle semble exiger entre l'hypostasc et la nature concrète, que certains théologiens, commentateurs pour la plupart de saint Thomas, In Sum., lll*,q. iv, a. 2, conçoivent la sub­ sistence comme un mode substantiel, distinct de la nature concrète, à laquelle il s’ajoute pour constituer une personne ou une hypostase. On cite, comme pré­ curseurs de cette théorie, au moyen âge, Durand de Salnt-Pourçain, In IV Sent., 1. I, dist. XXX111, q. i, n. 13,16,17, 22,37. et Thomas de Strasbourg, In IV Sent., 1. Ill, dist. VI, q. i, a. 1. Pour le premier, il semble que cc soit à tort. Durand est plutôt un pré­ curseur de la théorie de Tiphainc, voir la discussion des textes dans Tlphalne, op. cil., c. xg, n. 8-11 ; car, s’il parle de mode, il Identifie expressément le mode et la chose modifiée. Loc. cil., n. 30. Mais le véritable Inventeur de la théorie du mode substantiel, qui eut, aux xvi· et xvît· siècles, une si grande vogue et qui, de nos jours encore, a de si chauds partisans, est le cardinal Cajétan. D’autres théologiens remarquables, Suarez, Vasquez.Dc Lugo, Grégoire de Valenda, etc., ont repris cette théorie, mais en la modi liant si pro­ fondément qu’il convient d’exposer séparément le système de l'illustre dominicain et de son école cl celui des grands théologiens de la Compagnie de Jésus. 1. Système de Ca/êtan. — a) Exposé. — Cajétan, comme tous les thomistes, conçoit, dans les êtres com­ posés de matière et de forme, la nature concrète et 416 1 individuée comme le résultat de la composition des éléments spécifiques et des principes individuels. Pour devenir réalité objective, l’essence individuée et concrète doit être actuée par l'existence, dont elle sc distingue réellement, comme la puissance se dis­ tingue réellement de l’acte qui la perfectionne. Voir, sur ces deux points, Essence, t. v, col. 815 sq. Mais, dans la constitution de l'hypostasc ou de la personne, Cajétan exige de plus un troisième élément, qui, si l’on peut s’exprimer ainsi, s intercale entre la nature concrète et son existence ; c’est le mode substantiel, dont l’cfTet est de rendre incommunicable la nature, en la terminant en elle-même et en la disposant tmmé· diatement à être actuée par son exis'cnce propre. · La personnalité, dit-il. In Sum. S. Thoma*, III·, q. iv, a.2. est donc la réalité constitutive de la personne comme telle. C'est d’elle que découle dans la nature qu’elle allecte cette répugnance ù être principe incomplet ou partiel de l'être, cette aptitude ù posséder les réa­ lités personnelles, l’existence propre, la qualité du sujet, l’être et tout cc qu'on attribue ù l'hypostasc Cette réalité doit être placée réductivcmcnt dans le genre substance, comme tous les autres éléments constitutifs des substances, par exemple, chez l’homme, le caractère rationnel. Toutefois, ce n’est pas, à proprement parler, une différence spécifique, c’est un tenue ultime, et, comme tel, un terme pur de la nature-substance. » Le P. Hugon a clairement exposé cotte opinion chère à la famille dominicaine: • La substance, dit-il, est complétée, terminée dans l'ordre substantiel par la personnalité, qui lui donne son cachet définitif, la fait s'appartenir à elle-même tout entière, la met à l'abri de toute atteinte du dehors, et l’existence réalise le tout. La subsistance est inter­ médiaire entre la substance et l’existence; elle cou­ ronne la substance, elle est couronnée par l’existence. Elle est une sorte de perfection préalable et prépara­ toire que l’existence ne peut suppléer. Le propre de l’existence est de réaliser, d’actualiser l’essence; mais rien dans son concept n’assure l’incommunicabilité. Il faut, avant elle, une entité d'un autre ordre : toute nature qui en est privée, jouit-elle de l'existence, est condamnée ά n'êtrc jamais une hypostase. L’âme séparée possède bien l’existence, mais, comme ce n’est point par Γintermédiaire d’une substance qui la ren­ drait un tout indépendant, incommunicable, elle n’a pas les gloires de la personnalité. Voilà la doctrine des trois réalités,qui semble bien avoir été enseignée par saint Thomas et qui est défendue par scs disciples, Cajétan, Sylvestre de Ferraro, Battez, Jean de SaintThomas, Goudin, Billuart, Zigliara, Prado, les Salmanticenscs, Sanseverino, le cardinal Mercier, M. Chauvin, etc. Ces trois perfections ne nuisent en ricn à l’unité substantielle du tout, parce qu elles sont subordonnées de telle sorte que l’une est le terme et le complément essentiel de la précédente. La nature est essentiellement perfectionnée par la subsistance comme la puissance par son acte, la subsistance est essentiellement perfectionnée par l’existence qu’elle prépare et qui est son couronnement définitif. La subsistance n’est donc pas un mode ajouté à l’exis­ tence, cc qui serait absurde, mais un acte préalable à la perfection dernière. » Le mystère de Γincarnation, Paris, 1913, p. 176-179. Cf. du même auteur, Le mys· 1 1ère de la sainte Trinité, Paris, 1912, p. 323-324 ; Cursus philosophiez thomlsHctr, Paris, s. d. 119073, L v» Mrtaphysica ontolnglca, p. 257-260. I Toutefois, il faut considérer que, dans cc système, l'hypostasc est intrinsèquement constituée par la seule nature Individuée, terminée par le mode sub­ stanti· ‘ i itence propi pas dans la con­ stitution de la personne, si cc n’est par vole de consé­ quence, cf. Cajétan, loc. cil., a 3, ad 1 "“.en cc sens qu’il 417 HYPOSTASE est impossible que celle existence n’appartienne pas A telle substance, terminée en elle-même parson mode substantiel. On n vu quels sont les principaux parti­ sans de cc système; ils appartiennent tous à l'école thomiste : Sylvestre de 1· errare, In Sum. contra gentes, 1. IV, c. χι.ιπ ; Bafiez, In Sum. theol. S. Thoma, Is, q. in, a. 5; Jean de Saint-Thomas, Cursus philoso­ phicus, Paris, 1388, t. n, q. vif, a. 1; Gond, Clypcus theologia' thomisllcœ, 111% tr. I, disp. VI, a. 3; Billuart, Cursus theologia, De incarnatione, diss. IV, η. 1 ; j Goudin, Metaph.» disp. VIII, q. i; Javel, Metaph., 1. Vil, q. xvii ; Cabrera, In Sum. S. Thoma, 111% q. iv, a. 2, disp. Ill; Satinant Iccnscs, Cursus theolo­ gicus, Paris, 1879, t. xiv, tr. XXI, disp. VI11, dub. i; Sylvestre Maurus, Quest, philos., 1. 11. q. xm; cardinal Mercier, Ontologie, n. 151; Zigliara, Summa philoso- 1 phica, Lyon, 1877, Ontologia, I. III, c. i, a. 4 ; M. Chau- : vin, dans la Science catholique, 1908, p. 531. Voir d’autres références dans L’rraburù, op. cil.» p. 852853. 11 faut également citer le cardinal de Bénillc, Discours de l'estai et des grandeurs de Jésus, second discours. L'opinion de Cajétan est enseignée, au lotir· d'hui encore, dans les écoles théologiques de la famille dominicaine. Les raisons apportées en sa faveur sont de trois sortes : philosophiques, théologiques, raisons d’au­ torité. Au pçint de vue philosophique, Cajétan consi­ dère que la subsistence ne doit point consister dans une négation, mais bien dans une entité positive, car c’est là le seul moyen de différencier objectivement l’hypostasc de la nature concrète. Or, cette entité ne peut être qu’un mode substantiel terminant la nature concrète, puisque c'est grâce à la personnalité, ά la subsistence — qu’est cc mode — que la nature doit de pouvoir exister en soi. d'être constituée en sujet subsistant et distinct. Si saint Thomas n’a pas expressément enseigné l’existence d’un mode substan­ tiel comme élément constitutif de la personne, cette thèse sc déduit cependant logiquement des principes posés par le docteur angélique.Hugon, Le mystère de la très sainte Trinité» p. 235, 326. En cfTct, Sum. theoh, IIÏ% q. xvii, a. 2, ad 1om, saint Thomas dit expressé­ ment : esse consequitur naturum, non sicut habentem esse, sed sicut qua aliquid est; personam autem, sive hypostasim consequitur, sicut habentem esse. De même, q. xxxv, a. 5, il enseigne que la filiation du Christ par rapport ά laVicrgc-Mèrc est simplement une relation de raison, parce que le sujet de la relation réelle, la personne humaine, fait défaut. D’où 11 est aisé de conclure que la subsistence doit disposer la nature à posséder l’existence, ù acquérir des relations réelles, etc. : elle est donc bien réellement un mode substantiel terminant la nature en elle-même. Cela ressort, avec plus d’évidence encore, de toute la doc­ trine catholique sur l'incarnation et c'est là, ù propre­ ment parler, l’argument théologique dont on s’occu­ pera fi Hyi’ostatiqub (Union)» col.529. b) Critique. — Il sulfit présentement de faire remar­ quer que, si Cajétan et les thomistes de son école ont cent fols raison de vouloir établir une distinction réelle objective entre la nature concrète et l’hypostasc dans les créatures, leur théorie n'est pas nécessairement la seule cl surtout la vraie solution du problème. Qu’elle ne soit pas la seule solution, la multiplicité des sys­ tèmes l’indique : qu’elle ne soit pas la vraie solution, d'excellents théologiens, thomistes eux aussi, entre­ prennent de Je démontrer. Par lo fait qu'elle est indi­ viduée, disent ces auteurs, une substance est complète. Quel serait le rôle d’un mode substantiel sc superpo­ sant à la nature Individuée et complète? 11 n’ajoute­ rait rien à la singularité do cette nature, puisque celte singularité existe en vertu des principes individuels. Interviendrait-il comme dernier complément do la DICT. nF. TÎIÉOÎ.. CATHOL. 618 nature? Mais la nature est complète par l’union des éléments spécifiques: âme et corps, s'il s’agit de la nature humaine. Cc mode serait-il donc nécessaire pour disposer la nature concrète A recevoir en elle son existence propre? Mais on affirme gratuitement celle nécessité : n'cst-li pas de l’essence même d une substance Individuée et complète d’exister en sol et par soi? D’ailleurs, qu’est-ce que ce terme pur de la substance-nature, qui n’est que terme et ne possède, au dire de Cajétan lui-même, ni causalité extrinsèque, ni causalité intrinsèque, puisqu'il n’est que terme et nullement cause matérielle ou formelle? La comparai­ son qu'apporte Cafétan du point qui termine la ligne n’est pas heureuse, car cc point mathématique n'est pas quelque chose de positif qui s'additionne à la ligne pour la finir ; en réalité, if n’est que la cessation même de la ligne qui ne s’étend pas plus loin ; il n'y a pas une ligne plus un point qui la termine, il n'y a qu’une ligne qui n’est pas tracée plus avant. Le mode sub­ stantiel, tenue pur, dex rait-il donc être relégué au rang des fictions, auxquelles l’imagination seule prête une réalité? Faut-il le concevoir comme à la fois ajou­ tant quelque chose et n’ajoutant ricn : ajoutant quelque chose, parce que, par hypothèse, entité posi­ tive couronnant la nature ; n’ajoutant rien, parce que, en fait, tenue pur? Quant à l’autorité de saint Tho­ mas, elle semble bien sollicitée. Le véritable sens des textes sc rétablit de lui-même en lisant le contexte. Le docteur angélique veut simplement expliquer, q. xvïi, a. 2, que l’être personnel est unique en JésusChrist ; il ajoute, pour résoudre une difficulté» ad 1“. que cet être n'est pas possédé do la même façon par l’hypostasc et par la nature humaine; 1 hypostase est cc qui (id quod) possède; la nature est cc qui déter­ mine le mode d’être; c’est ce selon quoi (id quo) l’être est possédé ; il n’est donc pas nécessaire de multiplier les êtres selon les natures ; une seule hypo­ stase peut posséderunêlrcunlqucenplusieursnatures. Du second texte, q. xxxv, n. 5, on peut déduire que l’hypostasc n’est pas la nature, que l’hypostasc ajoute quelque chose A la nature: que 1 hypostase seule peut être le sujet de la relation réelle de filiation en JésusChrist. Tout cela est vrai et tous en conviennent. Mais déduire du texte de saint Thomas que le quelque chose, celte entité positive qu’ajoute l’hypostasc A la nature, est nécessairement un mode substantiel qui dispose la nature concrète A devenir le sujet de la relation, c’est pratiquer l'exorcisme des textes. Cf. Billot, De Verbo incarnato» Borne, 1919, p. 81-83. 2. Système de Suarez. — a) Exposé. — Le système dit de Suarez, mais qui, dans la forme où il est le plus ordinairement reçu, est bien plutôt le système de Vasques et de De Lugo, a de commun a\ec celui de Cajétan la conception d'un mode substantiel termi­ nant la nature et lui conférant la personnalité. Mais, Sur la constitution métaphysique des êtres, Suarez et son école professent des doctrines tellement diffé­ rentes de celles de l’école thomiste que sa théorie de l’hypostasc doit être nettement distinguée de celle de Cajétan. Ce sont deux théories presque étrangères l’une ù l’autre. Tandis que Cajétan maintient dans les créatures une distinction réelle de puissance A acte entre l'essence réalisée et l’existence, Suarez ne recon­ naît, entre l’une et l’autre, qu’une simple distinction de raison. Voir Es SUN CB, t. v, col. 815. La conséquence logique de cette divergence, c’est que, si Cajétan peut concevoir la subsistence comme un mode disposant la nature concrète A recevoir son existence propre, Suarez ne peut admettre la subsistence que comme un mode achevant, dans l’ordre substantiel, l'essence déjà existante : logiquement, le mode substantiel vient ainsi après l'existence. Cette remarque faite, voici l’exposé du système. Après avoir rappelé, Metaph.; VIL —14 419 HYPOSTASE 420 disp. XXXIV, sect, iv, η. 9, que, duns les créatures, I d'autre part, la conception d’un mode substantiel dis­ la substance et le suppôt s’identifient et ne se dis­ tinct de la nature s'impose dans l’hypothèse sunrétinguent que par notre mode de les concevoir, Suarez zienne de la non-distinction réelle de l'essence et dc établit que la personne est un suppôt dc nature ration­ l’existence. Voir Essence, l. v, col. K13. « L'existence, nelle, n. 13. Hypostase est le mot grec qui désigne la dit Suarez, ne sc distingue pas réellement de I essence personne ou le suppôt, n. 14. Subsistence, au sens actuelle; la subsistence, au contraire, se distingue concret, a la même signification qu’hypostase, avec réellement dc cette essence; donc elle n’est point la une simple diiTércncc de raison, n. 15. Dans les créa­ même chose que l’existence. Ou bien à l'inverse : tures, le suppôt ajoute-t-il une entité réelle et positive l’essence actuelle et l’existence ne sc distinguent pas à la nature concrète qui réalise dans tel Individu réellement; donc, puisque la subsistence se distingue déterminé l’essence spécifique ? C'est, nettement posé, dc l’essence actuelle, il est nécessaire qu’elle sc dis­ le problème de la subsistence, entendue au sens ab­ tingue de l'existence. L’existence d’une chose n'est strait des scolastique*. Suarez indique les différentes ;j pas en effet séparable de cette chose, si cetle chose solutions proposées par les théologiens et expose enfin , demeure réalité actuelle; la subsistence, au contraire, sa manière de voir: « Comme nous concevons, dit-il, est séparable de la nature, quand même cette nature la personnalité par mode d'acte et de perfection, nous demeurerait dans son entité actuelle, comme c’est le comprendrons facilement sa nature et son habitude cas pour rhumnnitéduClirisL>iWe/ap/i., disp. XXXIV, sect, iv, n. 15 ; cf. De incarnatione, disp. X I, sect. in. à l’essence, par l’analyse du rôle qu'elle joue dans la constitution de l’être. En premier Heu, la personnalité Cet exposé du système répond à peu près à la con­ est donnée à la nature, afin de lui conférer le dernier ception de tous les théologiens qui, rejetant la distinc­ complément de perfection dans l’ordre de l’existence, tion réelle dc l’essence et de l'existence, acceptent le ou, pour m’exprimer ainsi, afin de compléter son mode substantiel dans l’explication de l'union hypoexistence dans l’ordre dc la subsistence, de telle façon slatiquc. Voir De Lu go, De incarnatione, disp. Xil, que la personnalité ne soit point le terme propre et sect, i, n. 1-4; Vasquez, In Sum. S. Thonur, IIh, Immédiat du développement de l’essence, en tant q. iv, a. 2, disp. XXXI; Grégoire de Valencia,Dc incar· qu'csscnce, mais do l'essence considérée comme déjà natione, In Sum. S. Thonuv, 111% q. iv, p. n (notons existante... Exister, en eflet, signifie simplement avoir toutefois que cc théologien, qui ne rapporte pas moins une réalité en dehors des causes, c’est-à-dire dans dc huit opinions sur la question, tient pour plus pro­ l’ordre de la nature : d'où il suit que, par soi, l’exis­ bable l'opinion de Scot); les Conimbricensos, De qcner. tence n’implique nécessairement ni l'être en soi, ni et corrupt., 1. I, c. iv, q. vî, a. 3 ; Dialed. de pnvdic., l'être en un autre sujet; la subsistence, nu contraire, c. v, q. i, a. 1 ; Ragusa, In Sum. S. Thonur, 111% indique un mode d'être déterminé : être par soi et disp. LVII, n. 2; Arrubal, In Sum. S. Thonur, 1% indépendamment de tout autre sujet, et elle s'oppose q. xxxi, a. 4, disp. CVI, c. n ; Lossada, Metaph., à V inexistence, qui indique un mode déterminé d'être disp. 111, c. n ; Silvius, In Sum. S. Thonuv, II1% q. iv, en un autre sujet. Donc, tant que l'existence n'est a. 1 ; Tolct, In Sum. S. Thomte, 111% q. n, a. 2 ; Dldacc point terminée par ce mode d'ètre en soi ou d'être en Ruiz, Dc Trinitate, disp. XXXIV, sect, vu, n. 1, 2; un autre sujet, elle n'est point complète et sc trouve sect, vin, n. 18; Th. Raynaud, Theologia naturalis, dans un état quasi-potentiel; elle ne peut encore pos­ disp. Ill, q. î.vi ; et dc nos jours, Schmid, Qmrstioncs séder la raison de subsistence. L'existence sera donc selector, Paderborn, 1891, ρ. 340 sq. ; Urraburu, op. cit., complète et atteindra sa perfection dans la subsistence, disp. V, c. ii, a. 2 ; Muncunlll, Dc Verbi divini incar­ lorsqu’elle sera ainsi terminée par le mode d’ètre en natione, Madrid, 1905, n. 193. Mais H est bon de noter soi, mode qui achève et complète la substance créée que les grands théologiens, Suarez. Dc Lugo, Vasquez, et possède la raison propre de personnalité ou dc sup­ qui ont le plus contribué, par leur talent et leur auto­ posais, » n. 23. Suarez conçoit donc l’existence rité, à répandre cette doctrine dans renseignement prise en soi, cxislerc, comme encore incomplète et catholique, sont loin de s’accorder sur la portée philo­ attendant, d’un mode particulier d’être, sa détermi­ sophique du système. Suarez trace du mode une méta­ nation dans le sens de subsistere ou d’ineristerc. 11 ne physique toute spéciale. Le mode, pour lui, n’est pas, prétend pas que l’existence dc la substance, tant à proprement parler, une chose, ni, en rigueur, un être qu’elle n’est pas déterminée par un mode particulier, réel: il est attaché à la substance dont il marque les est Indiflérenteà l’être substantiel ou à l’êtrcaccidentcL : modifications. Toute modification est le résultat d’un L'inesse dont il s'agit Ici, cl que nous avons traduit par mode: modification substantielle suppose mode sub­ inexistence, est l’existence substantielle, mais sans stantiel; modification accidentelle suppose mode acci­ subsistence propre, cc qui peut sc concevoir lorsqu’une dentel. Pariani, toute union est elle-même le résultat nature est sustentée par une réalité plus parfaite en d'un mode, le mode d'unton (dont Suarez, à l'en­ laquelle elle subsiste. A cette inexistence s'oppose contre dc Cajélan et dc l’école thomiste, fera l’un des I existence en soi dc la nature possédant sa propre points essentiels dosa théorie dc l'union hypostntlquc); subsistence, n. 26, 27. C'est, on le voit, transposée en l’union dc la matière et dc la forme suppose un mode termes abstraits, la conception grecque de Γύπόστασχς par lequel matière et forme sont réunies pour former et de Γίνυπόστατον. Mais, précisément à cause dc cette le composé; cc mode, c'est Vinhæsio substantialis, Metaph., disp. VII, sect, ix, n. 5. L’éductlon dc la transposition, Suarez conclut — ce qui est totalement étranger à la pensée traditionnelle — à la nécessité forme est un mode ; la génération est un mode; la d’une entité métaphysique, mode substantiel, s'ajou- 1 causalité, sous scs divers aspects, est un mode; l'union tant à la nature concrète pour la déterminer, et sc dis­ dc l'Anie et du corps est un mode, n. 6-12. En consi­ tinguant d’elle, non comme une chose sc distingue dérant la subsistence comme un mode dc la substance, d’une autre chose, mais comme le mode sc distingue Suarez ne fait donc qu’une application particulièredc sa théorie générale, mais il est obligé d’en pousser les dc la chose modifiée, n. 32. Cc mode doit être conçu conséquences logiques jusqu'au bout. Comme la sub­ comme un terme, achevant et complétant la substance dans le sens dc l’existence en soi et de l'incommunica­ stance peut êt recomposée,composée aussi pourra être la bilité: Il fait, avec la substance, une véritable compo­ subsistence, composée de subsistence matérielle et de sition, n. 28. Cf. De incarnatione, disp. XI, sect. in. I subsistence formelle, Metaph., disp. XXXIV, sert, v, Cette théorie a un double fondement, dogmatique n. 5, 22, 35, 42; cf. disp. XIH, sect, v, n. 11; Pâme et philosophique. D'une part, elle est proposée pour aura sa subsistence Incomplète, mais spirituelle; le expliquer plus facilement l'union hypostallquc; corps, sa subsistence incomplète et matérielle, n. 27,30; 421 HYPOSTASE de même, les pariles Intégrantesont leurs subsistences respectives, n. 25. Voir uuul, en ce sens. De Haconh, Metaph., sect, tu, q. m» a. 4, ni. n ; Hurtado, Philo· sophia, t. n, disp. 11, de materia prima, sect, vu, n. 74, 85. Celle multiplicité do modes, Vasquez et surtout Do Lugo la repoussent. Vasquez la proclame même ridicule, op. cit., disp. XXXII, c. iv ; cf. Stcnlrup, op. cit., th. xxxv ; il ne retient que les modes des parties Intégrantes, en Insistant toutefois sur l'unité et l'indivisibilité du mode substantiel total. Op. cil., disp. XXXII, c. n ; cf. c. m» n. 2. Pour Dc Lugo, il n'y a qu'un seul effet formel du mode substantiel, c'est dc rendre la nature terminée en soi, existante en soi, op. cit., sect, m, η. 23; l'incommunicabilité que Suarez reconnaît comme un deuxieme cilet formel, n’est en réalité qu'une conséquence» n. 37. Mais la subsistence est unique dans le même sujet; point de subsistences partielles dc forme et de matière : la subsistence est simple. En Jésus-Christ, la nature humaine, privée de sa subsistence propre, subsiste dans le Verbe, n. 38, 39, 40, 42, 43. Certains auteurs ont été, dans la voie des modes substantiels, plus loin encore que Suarez ctDc Lugo. Le mode substantiel devient pour eux une entité tellement positive qu'il faut la conce­ voir comme une réelle forme qui s’ajoute à la sub­ stance, forma solida, forme solide, à qui Dieu, par sa toute-puissance, peut concéder une existence séparée dc la substance elle-même. Cette théorie extrême du mode substantiel, proposée par quelques auteurs, dont le plus connu est Hurtado de Mendoza, Metaph., disp. II, sect· ix, n. 50 ; disp. XI, sect, ix, n. 123,12G, est rejetée par l’ensemble des théologiens, mime suaréziens. b) Critique. — Suarez n raison dc concevoir la per­ sonnalité ou la subsistence comme un élément positif, réellement distinct dc la nature concrète. Les argu­ ments qui militent contre la thèse de Scot et dc Tiphalno militent en faveur de son opinion en tant qu’elle est exclusive dc ccs deux systèmes. Mais quand on envisage en elle-même la métaphysique suarézlennc, on reste frappé des inconvénients qu’elle offre, plus encore que le système dc Cajétan. Dans la conception dc Cajétan, l’hypostasc garde son unité substantielle : la subsistence a pour eflet formel dc disposer la nature concrète à recevoir son existence propre, et c’est son existence propre qui termine et clôt, pour ainsi dire, dans l’être même, le sujet tout entier. Le mode substantiel, imaginé par Cajétan, peut apparaître comme une conception en sol contra­ dictoire ou lout au moins inutile; il ne s’oppose cependant pas à l’unité substantielle qui est au fond dc l’idée (l’hypostasc. C'est un axiome dc métaphy­ sique, que toute réalité, s’ajoutant à une substance déjà constituée dans son être, ne peut s’y ajouter que d’une manière accidentelle, à moins que celte réalité ne participe à cet être substantiel lui-même. Or. la subsistence imaginée par Suarez, survenant après l'existence qu’elle détermine vers un mode spécial, trouve lu substance déjà constituée dans son être. Et, par hypothèse, la réalité du mode no participe pas à cct être, puisqu'elle est destinée précisément à la com­ pléter. C'ost donc un véritable accident prédlcamentnl, apportant à lu substance un être, ou plutôt un mode d’êtro nouveau qui, survenant après l'être substantiel, est nécessairement un être ou un mode d’être accidentel : première contradiction. Ensuite, si la nature concrète est sa propre existence, comme Suarez le pense, elle est, par sa réalité même, sujet existant en sol et par soi. Et, d'après Suarez, elle de­ vrait le devenir par la subsistence. Elle est donc et elle n’est pas existant en soi et par soi : deuxième contra­ diction; d’où découle, en cc qui concerne le Christ, la nature humaine, une troisième contradiction, puisque 422 celte nature possédant son existence propre, mats non sa subsistence, ternit à la foU, elle aussi,existant en sot et non subsistante. )>5 fondement métaphysique de cette théorie. In non-distinction réelle de l'essence et de l'existence, a été examiné à l’art. Essence, t. v, col. 845-&4G. 3. Pf marque générale, —Si l'on envisage la théorie du mode substantiel comme telle, indépendamment des divergences d’auteurs et d’écoles, on doit faire quelques remarques d’une portée générale, concer­ nant aussi bien la thèse dc CajéUn que celle dc Suarez, de Dc laigo ou de Hurtado : a. La conception méta­ physique des modes substantiels est d'intrnduction relativement récente dons la philosophie catholique. Si l'on peut citer au moyen âge Thomas de Strasbourg, comme précurseur dc ce système, le véritable inven­ teur du mode est Cajétan, et Vasquez lui-même in Sum. S. Thoma, 111·, disp. XLI, c.iv, n.22,avoue la nouveauté du système: jamais les Pères n’ont parlé du mode substantiel; Cf. Tiphamc, op. cil., c. xi. En réalité, ce système ne procède pas de la révé­ lation : il ne se présente à aucun titre comme un déve­ loppement théologiquc normal des données tradition* n elles; il apparaît plutôt comme une excroissance sans lien vital avec la sève du dogme. Les rares textes putristiques cités en faveur dc cette opinion, cf. Sua­ rez, Méiaph., disp. XXXIV, sect, u, n. 13; De Lugo, i op. cil., disp. XII, n. Il; Hurtado, op. cil., disp. XI, sect, ni, n’ont pas la signification qu’on leur prête. Voir Hvpostatique (Union). — b. Dc plus, quelle réalité objective concéder à cc mode? Subitanee ou accident? Il est Impossible que ce soit un accident, puisquclc mot dc substantic/doi t atteindre la substance dans cc qu'elle a dc plus intime; et comment scruit-il substance, puisqu’il s'ajoute à la substance déjà con­ stituée? On sc heurte à une difficulté Insoluble. Etcc n'est pas là la seule difficulté du système. Les théolo­ giens qui l’ont adopté ne s’entendent pas, on l’a vu, sur sa portée philosophique et sur ses conséquences. Suarez et Cajétan dînèrent sur la place logique à accorder au mode dons la constitution dc l'être» Vas­ quez et De Lugo proclament l’absurdité du système suarézicn, quant à la multiplicité des modes ; I iurtado accepte la séparabilité du mode, alors que les autres le proclament Inséparable de la chose modifiée. — c. Enfin, si l’on veut apprécier les raisons philoso­ phiques que l'école dc Suarez principalement apporte du système» raisons tirées dc la nécessité de déter­ miner la substance dans le sens de l'acte qui doit la modifier, on peut dire avec Tlpholne, op. cit., c. xtv» que cette raison est purement illusoire : c’cst prendre pour une réalité ce qui n'est qu’une abstraction dc l’esprit. Les termes métaphysiques abstraits signifient, d’une manière différente» la même chose que les tenues concrets; il ne faut pas concevoir» comme leur répon­ dant objectivement, des formes mêlaphysiques, des entités, perfectionnant le sujet auquel on les attribue. I L’humanité n’est pas objectivement distincte de l’homme; l’union n’est pas un mode différent réelle­ ment des choses unies ; l’inhérence» une façon d’être dc la chose inhérente et distincte d’elle. L’union est à la chose unie, l’inhérence à la réalité inhérente, la subsistence à l’être subsistant» comme l'essence est à l’être ou l’humanité à I honunc. En Inventant 1 entité métaphysique du mode substantiel, on bouleverse la philosophie traditionnelle, qui n’admet, dans les choses in fieri, que trois principes réels, causes cfllcientc, matérielle et formelle; dims les choses in facto esse, que les principes matériels et formels. 11 n’y a pas de place pour un autre élément ; c’est par elle-même, et non par un mode, que la matière est disposée à s’unir à la tonne; c’cst par elle-même, et non par un mode, que la substance est apte à recevoir sa propre 423 HYPOSTASE 424 existence, ct celte existence, propre à la substance, disp. LXXV, ct l’école bénédictine dc Salzbourg; îst par elle-même déterminée, c’est l’existence en soi Biaise de la Conception, Metaphysica, disp. VIII, q. i; et par sol. Il n'est nul besoin, dans ces rapports de ct dc nos jours, Schillini, Drincip. philos., disp. ΠΙ, puissance propre à acte propre, dc recourir à un mode sect, v, th. xiv ; cardinal Billot, Dc Verbo incarnato, ntcrmédiaire, dont la seule conception nous reporte Rome, 1919, q. n, § 2, p. 79 sq. ; Terrien, S. Thoma aux plus mauvaises thèses dc la scolastique dc la déca­ doctrina sincera de unione hypostatica, Paris, 1894; dence. Cf. Vasqucz lui-même, op. cit., disp. XXXII, Janssens, De Deo homine, Fribourg-cn-Brisgau, 1901, c. iv. Sur la vraie notion du mode en philosophie, voir p. 626 sq.; Van Noort, De Deo redemptore, Amsterdam, 1910. p. 27, et, dans leurs manuels dc philosophie S. Thomas, Dc veritate, q. i; q. xxi, a. 1; ct l’auteur scolastique, Liberatore, Dc .Mandato, Rcmcr, De dc l’opuscule XLVIIT, attribué à saint Thomas. .Maria, Grcedt, Fargcs, etc. Cinquième école. L’hypostase est constituée par la nature ou essence concrète subsistant par sa propre Au point de vue dogmatique, cette théorie prétend existence, dont elle se distingue réellement comme ta résumer avec plus de précision la tradition palristiquc: puissance se distingue de l'acte. — 1. Exposé. — elle sc présente comme la seule explication obvie des Dans cette hypothèse, la subsistence, entendue au textes des Pères. Qu’est en effet l’hypostase, sinon sens abstrait, ne serait autre chose que l'existence l’être subsistant distinct dans une nature? Or, sub­ propre; entendue au sens concret, clic est le sujet lui- sister signifie simplement exister dans son être propre, même, considéré comme subsistant dans sa propre sub proprio esse sistere. LTnc nature concrète, actuée existence. Ce qui différencie ce système dc celui de par sa propre existence, voilà le suppôt, l’hypostase, Tiphainc. ce n'est pas en premier lieu ct directement ct, s’il s’agit d'une nature rationnelle, la personne Quel parce qu’il suppose la distinction réelle de Γessence et élément veut-on dc plus ? N'est-ce pas l’existence qui dc l'existence, alors que Scot, Tiphainc, Franzelin fait le fond dc l'unité dc l’individu ? C’est donc cette ct les autres théologiens des deux premières écoles existence—l’cxistcnccensol,commcon l’acxpliqué— repoussent cette distinction. Tiphainc, en effet, pense qui fonde l’unité substantielle dc l’hypostase. C'est que saint Thomas, partisan dc la distinction réelle, là d’ailleurs non seulement la doctrine, mais la termi­ est néanmoins d'accord avec lui sur le fond même du nologie même des Pères, insistant sur le διάφορος système. Tiphainc considère l’existence en sol comme τής υ-αρςιως τρόπος qui, pour eux, caractérise Γhypo­ la conséquence dc la totalité intégrale ct substantielle: stase. Voir col. 404 ct 405. Appliquée ou mystère dc peu importe donc, selon lui, qu'elle soit distincte ou l’incarnation, cette théorie répond exactement au non dc l’essence; on est d'accord avec lui dès là qu’on concept dc l'union hypostatique, c’est-à-dire de l'union considère la totalité comme l’élément formel de la de deux réalités distinctes subsistant par une unique supposalité; ct la conception du suppôt comme d'un existence, l’existence du Verbe. tout Intégral n'est étrangère ni à la métaphysique, ni 2. Critique. — Tout d'abord, dit-on, ce système même à la terminologie thomiste. Cf. S. Thomas, repose sur l’opinion philosophique très discutable Comp. theologia:, c. ccxi ·, In IV Sent., 1. Ill, dist. V. de la distinction réelle dc l’essence ct dc l’existence. q. m, a. 3. Mais le point dc départ dcTiphalnonc con­ Des théologiens qui reprochent à bon droit à Suarez corde pas avec celui des partisans dc la cinquième opi­ d’avoir multiplié les entités métaphysiques, n'aper­ nion: ceux-ci, pour ne pas parler présentement de çoivent pas qu’en distinguant l’essence dc l’existence, saint Thomas, ne conçoivent la totalité de l'hypostasc le sujet subsistant dc sa subsistence, ils tombent dans que comme une conséquence dc l’existence en sol, ct le même défaut. Pas plus que l’humanité ne se dis­ l’existence propre dc la substance, indépendamment tingue objectivement dc l'homme, J’cxlslcncc ne sc dc toute détermination modale, est nécessairement distingue de l’être existant ; le concept dc l’essence en sol, conférant au sujet l’incommunicabilité per­ sans doute n'inclut pas celui dc l'existence, parce sonnelle ou hypostatique. C'est donc, non la totalité, qu’aucune créature ne possède par soi l’être, mais en réalité, Il n'y a pas d’essence réelle qui n'inclue son mais l’existence propre qui confère à la substance la personnalité. Et alors, à cause même dc cette concep­ existence. Dc plus, quoi qu’il en soit du fondement tion, la distinction réelle dc l’essence ct de l’existence métaphysique dc cette opinion, au point dc vue devient fondamentale dans ce système ct forme comme ) théologique, clic ne s’impose pas : bien nu contraire, le dogme de la trinité ct celui dc l’incarnation semblent la clef dc voûte de tout l’édl Hcc. Par ailleurs, appliquée à la doctrine dc l’incarnation, celte doctrine a beau­ difficilement conciliables avec une doctrine qui fait coup d’affinité avec celle de Cajétan ct de l'école domi­ subsister la nature humaine du Verbe par l’existence nicaine, dont elle conserve tous les éléments essentiels, divine, commune aux trois personnes. Cf. Pesch, la nature humaine du Christ étant conçue, dans l'une op. cit., n. 111-127. Voir la discussion dc cctlc diffi­ ct l'autre thèse, comme subsistant par 1’cxfstence culté à IIypostatîouu (Union), et à Incar­ nation’. En appliquant celte doctrine à la per­ même du Verbe. sonnalité divine, on aboutit logiquement à ne On attribue généralement cette cinquième opinion à Capréolus, t. v. In I V Sent., I. Ill,dist. V, q. m, a. 3, placer en Dieu qu’une seule personne, puisque Dieu Defensiones théologien? dlvl Thonue Aq., Tours, 1879, possède une existence unique. Les partisans dc l’opi­ nion dc Capréolus répondent qu’en dehors dc la p. 109-119. La personne, dit-il en substance, ne peut ajouter quelque chose dc positif à la nature Indlvlduée révélation du mystère de la trinité, Il doit en effet en que de quatre façons : ou bien comme une partie essen­ être ainsi; mais étant donnée cette révélation, Il faut tielle, élément matériel ou formel, entrant dans la con­ maintenir que, formellement, la personne, en Dieu, stitution Intrinsèque dc l'être; ou bien comme une I signifie l'être distinct subsistant dans la nature divine, propriété découlant nécessairement de l’essence ; ou 1 ct que matériellement la personne se trouve constituée bien comme un simple accident: ou bien en lin comme par la relation en tant qu’existante, par son Identité avec l'être même dc Dieu. Cf. S Thomas, De potentia, l’acte réalisant l’essence dans l’ordre dc l'existence; q. îx, n. 4. Voir TnîNîTft. et cette dernière façon est la seule Intelligible. C’est Π1. r/OP/NTON PE SAfXT THOMAS. — 1« On donc l'existence elle-même qui fait subsister la nature individuée. Voir également Pierre de la Palu, In IV 1 pourrait recueillir dans les œuvres du docteur angé­ Sent., 1. I î I, dist. I, q. Il, a. 3; Zumel, In Sum. S. Tho- lique nombre dc textes affirmant que la nature hu­ nue, I·, q. m, n. 3, conci. I; q. îv, a. 2; Guérlnois, maine du Christ n'a pas la personnalité, à cause dc son assomptlon par la personne divine. In IV Sent., Clypeus philosophlæ thomistieæ ; le cardinal d'Agutrcs, 1. Ill, dist. VI, q. i, a. 1, ad 5ttm; Opusculum Defensiones theologia: S. Anselml, Rome, 18G9, t. v, 425 HYPOSTASE 426 contra errores grxeorum et armenorum, c. vi; Sum. dents dont aucun n’est une personne; par le mot indi­ theol., 111% q. xv» a· 2, ad 2'*m; qu'elle rccouvieruit vidu, on exclut de cette même idée les genres ct les cette personnalité, si elle était séparée de la divinité, espèces qui ne peuvent non plus s’appeler personne; la séparation rendant à chaque nature sa totalité, enfin, en ajoutant de nature raisonnable, on exclut de In IV Seni., I. HI, dist. V, q. m, a. 3, ad 3om; Sum. cette Idée les minéraux, les plantes, les brutes, toutes choses qui ne sont pas des personnes. » De potentia, theol., 11I·, q. n. a. 2, ad 3um; a. 5, ad lum; q. xvi, a. 12, et ad 2um;Depotentia,q. ix, n. 2,ad Vd^iContra gentes, q. ix, a. 2. 1. IV, c. XLix ; Quodlibet IX, q. n, a. 2; que l'hypo4° Par là, trois choses sont dc l’essence de la person­ stasc» en diet, suppose la distinction d'avec un autre nalité : la nature raisonnable, la subsistence, l'incom­ sujet, In IV Sent., 1. Ili, dist. VI, q. i, a. 1, q. ni ; municabilité. In IV Sent., J. I, dist. XXV, q. i, a. 1. Quodtibet IX, q. n, a. 1; Compendium theologia·, L'Incommunicabilité n’a point, à la rigueur, sa raison c. ccxi, etc., la séparation donnant à chaque partie formelle dans le principe d'individuation : en Dieu, sa totalité. In IV Sent., I. Ill, dist. V, q. I, a. 3. l’individualité et l’incommunicabilité se confondent, ad 3“®, etc. Tiphainc ct Franzelin s’appuient sur ccs car elles proviennent toutes deux dc la relation, mais textes pour montrer que la pensée dc saint Thomas • dans les choses matérielles nous devons considérer concorde avec leur système. Franzelin, op. cit., th.xxx· 1 deux points dc vue diflérents : tout d'abord, le prin­ Mais ce n'est là que l’écorce dc la doctrine thomiste ; cipe lui-même d’individuation, qui est la matière,... la métaphysique dc saint Thomas pénètre plus pro­ ensuite, cette raison spéciale d’individuation qui est fondément l'être; l'énoncé du dogme catholique dc le principe dc l’incommunicabilité, en tant qu’un l’union hypostatique, tel qu’on le trouve en ccs textes seul ct meme être ne sc divise pas en plusieurs autres, dont la similitude avec les textes des autres théolo­ ne peut être attribué à d’autres ct même n’est pas divi­ giens du xi π· siècle, voir col. 409 sq., est frappante, ne sible. » Ibid., ad Gura. A vrai dire, I individu parfait, supprime pas l’explication ultérieure qu’a tentée le par là meme qu’il est individu, possède l’incommuni­ cabilité, car tout individu existe en soi ct par soi, ct, docteur angélique ct qu’il faut exposer. 2° Saint Thomas donne d’abord une explication par conséquent, ne peut naturellement exister par une dc sa terminologie : < Le mot substance, dit-il, se autre existence que celle qui lui est proportionnée. Mais 1 individualité désigne la nature seule et ne prend, comme le remarque Aristote, en deux sens. D’abord, il signifie la nature des choses, les propriétés s’étend à l’existence que par vole dc conséquence. fondamentales qui font ressortir la définition; c’est De potentia, q. vu, a. 2, ad 9“. L’incommunicabilité, l’entité que les grecs appellent ουσία et que nous pou­ au contraire, embrasse la nature indlviduéc ct l’exis­ vons nommer essence. Ensuite, substance signifie le tence. On peut donc concevoir un mode surnaturel d’être où la nature indlviduéc n’aura point l'incommu­ sujet résidant dans le genre qu’elle exprime. Quand nicabilité. parce qu’elle existera en vertu de l’exis­ on envisage ce sujet en général, on peut le désigner tence divine ct non de sa propre existence. In IV Sent., par le terme abstrait de suppôt ; mais quand on le 1. Ill, dist. V, q. n, a. 1 ; Sum. thcol., I· q xxix, α. 1 ; considère en particulier, on lui donne trois noms concrets correspondant à trois points dc vue diflé- De potentia, q. ix, a. 2. Il y a une triple Incommunicabilité : l’une, par renls : on l’appelle chose de nature, subsistence cl laquelle la personne n’a point de communauté uni­ hypostase. Regardc-l-on son existence en lui-même, verselle. comme la nature abstraite, l'autre par ct non dans un autre, on le nomme subsistence, car nous disons d'un être qu’il subsiste quand il trouve laquelle la personne n’entre point comme partie dans la composition d’un tout, ct c’est pourquoi l’âme en soi l’appui dc son existence, et non dans un sujet d’adhésion; le conçoit-on revêtu d’une essence géné­ humaine, même séparée, n’est pas une personne, puis­ rale, on l’appelle chose de nature, nom qu’on donne qu’elle garde toujours son aptitude à être unie au corps, Sum. thcol., 1% q. xxix, a. 1. ad 5“ ; q. lxxv, à l’homme individuel; en lin, sc le représente-t-on connue soutien des accidents, on le dit hypostase ou I η 1. ad 2·“ : De potentia, q. ix, a. 2, ad 1 t001 ; voir la réfutation par saint Thomas dc l’opinion contraire substance. Ce que ces trois noms désignent dans la catégorie totale des substances, le mot personne l’ex­ d’Hugues dc Sa Int-Victor, Dc sacramentis. L 11. part. L c. xx.P. I... t. clxxvi, col. 401*111, ct dc Pierre prime dans la catégorie particulière des substances Lombard. Sent., L III. dist. V,dans son commentaire raisonnables. » Sum. theol., I·, q. xxix, a. 2. On voit par là que saint Thomas admet la traduction sub­ sur le Maître des Sentences, toc. cil., q. iiî, q. 2, ct dist. XXII, a. 1. Cf. S. Stenlrup. Zum Hegrifl der stantia par ύζόστασις. Hypostase, 1877. p. 384; 1 logon, 5« l ânu humaine est 3° La personne est donc « la substance Individuelle une personne, dans Revue thomiste, 1909, p. 590, et le dc nature raisonnable ». C’est la définition de Boècc, que saint Thomas expose ct justifie : ■ C’est avec rai­ cardinal Mercier, Ontologie, n. 149; ct en lin la troi­ sième, par laquelle la personne ne peut être assumée son, dit-ll, que l’individu dans le genre substance par un être supérieur, comme la nature humaine, en reçoit un nom spécial, parce que la substance s’individue en vertu de ses principes propres, et non en Jésus-Christ, l a clé par la seconde personne dc lu sainte Trinité. In IV Sent., 1. I. dist. XXV, q. i, a. 1, vertu du sujet auquel ils sont inhérents. C’est encore avec raison qu’entre les individus substantiels, celui ad 7um. Par là on comprend comment l’on peut dire qui est doué d’une nature raisonnable reçoit un nom que, d’après saint Thomas, l’individuation n’est pas spécial. Car il lui appartient (l’agir vraiment par la raison de l'incommunicabilité. Sans doute, telle nature indlviduéc est dans l’ordre naturel des choses, lui-même... De la même manière donc que le nom (l’hypostase, selon les grecs, cl celui dc substance pre­ en vertu de son existence propre. Incommunicable; mais ce n’est pas l'individualité qui est formellement mière, selon les latins, sont le nom spécial dc l’individu l’incommunicabilité ; autrement la nature humaine dans le genre substance, ainsi celui dc personne est le nom spécial de l’individu qui jouit d'une nature rai­ dc Jésus-Christ n’aurait pu être assumée par le Verbe. L'incommunicabilité vient-elle dc la subsistence? sonnable. L’une ct l’autre spécialité sont contenues dans ce mot personne. C’est pourquoi, afin de montrer Les théologiens nllinnent que la subsistence, absolu­ qu’elle est un individu dans le genre substance, on dit ment parlant, n’implique pas l'incommunicabilité. Car que la personne est une substance individuelle; pour en Dieu la nature subsistante est communiquée aux trois personnes, cl la raison dc celte communauté de montrer ensuite qu’elle jouit dc l’intelligence, on ajoute de nature raisonnable. Dc cette manière, par le substance est Fident i fleat ion en Dieu de l'essence avec mot substance, on exclut de l'idée de personne les acci­ les relations substnntlcllcsopposécs entre elles.Comme, HYPOSTASE dans les créatures, il ne peut y avoir que des relations accidentelles, cc mode dc communicabilité de subs tance disparaît et, par conséquent, dans les créatures, la subsistence implique l'incommunicabilité. 5° Or, la subsistence, pour saint Thomas,c’est » l’être eu tant qa’il subsiste trouvant en sol ct non dans un sujet d’adhésion l’appui de son existence. » Sum. theol., I·, q. xxïx, a. 2; cf. De potentia, q. ix, a. 1. C’est là le sens concret du mot, sens recueilli dc la tra­ dition patristique tout entière, qui n’exclut pas, chez saint Thomas, le sens abstrait plus conforme à la pensée latine. Sum. theol., III·, q. vi, a. 3. Au sens abstrait, la subsistence est la raison formelle qui fait de l’être un sujet existant en sol. Que renferme la subsistence, prise au sens concret? Prise au sens abstrait, en quoi consiste cette raison formelle? La subsistence (au sens concret) renferme· on l’a vu. non seulement la nature ct les principes individuels, mais encore V existence en soi, propre à la substance. C’est pourquoi, même dans les substances spirituelles, dont la nature est par soi individuéc, la personne dif­ fère réellement de la nature, car les esprits ne sont pas leur existence ct. en dehors des principes spécifi­ ques, ih doivent, pour être, recevoir du dehors l'exis­ tence elle-même. Quodl. II, a. 4. La subsistence (au sens abstrait) ne serait donc autre que l’existence. Saint Thomas répète, en effet, très souvent que l’exis­ tence est intrinsèque à la raison dc personne: « L’exis­ tence, dit-il, entre dans la constitution même de la personne. » Sum. theol., III», q. xix, a. 1, ad 4e®. < L’existence ne peut être attribuée qu'à la chose subsistante par soi... ct c'est pourquoi l'existence substantielle est le propre du suppôt ou de la personne. L’existence est donc le fondement même dc Tunitê dc la personne. · Quodl. IX,a. 4, ad 2°® ;cf. Sum. theol., I·, q. XXIX,a.3; III·, q. xvn,a. 2, ad 1UB>; In IV Sent., 1. I, dlst. XXIII, q. i, a. 1 ; De veritate, q. xxi, a. 1; In lioelh., De hebdomadibus, Icet. n. 6° Par là, subsister, exister en soi, être en soi, c’est la même chose pour saint Thomas. La personne se distinguo donc dc la simple nature, en cc qu'elle y ajoute les principes individuels et l’existence; dc la nature individuéc, en ce qu’elle la complète par son existence propre. La nature individuéc désigne donc avant tout l’essence; la personne ou l’hypostasc signifie l’essence individuéc ct l’existence, c’est-à-dire l’être subsistant, considéré sous cette formalité d'être subsistant: · SI le nom de l’individu vague (un homme singulier) ct le nom dc la personne sc rapprochent par une grande analogie, il y a pourtant une différence entre l’un ct l’autre; le premier signale d’abord la nature, puis l’individu subsistant (puisque naturelle­ ment toute nature individuéc doit subsister); le der­ nier, au contraire, dénote avant tout l'individu sub­ sistant, puis la nature. · Sum. ttient., I·, q. xxx, a. 4. 11 faut conclure que, dans le système dc saint Tho­ mas, la nature Individuéc ne se distingue pas dc la personne, commo l’essence de l’existence; l'essence ct l’existence sont deux réalités, incomplètes sans doute ct inséparables dans l’être qu’elles constituent, mais néanmoins distinctes dc tout point l’une de 1* autre; la personne n'est pas une réalité complète­ ment distincte dc la nature : elle est la nature plus quelque chose de réel qui est l’existence en sol ct par sol. La personne se distingue donc de la nature d’une distinction Inadéquate, comme disent les scolas­ tiques. Saint Thomas parait donc pleinement favoriser la thèse attribuée à Capreolus. 7° On objecte à cet exposé qu'en maints endroits de ses œuvres, le docteur angélique affirmo l’identité du suppôt ou hypostase ct de la nature Individuéc. C’est l'objection de Tlphâine, op. cil., c. vit, ct de Fran- 428 zclln, op. cit., Ih. xxx. Les textes Invoques, concernant les substances spirituelles ct même les substances cor­ porelles, sont principalement : Sum. theol., I·, q. ni, a. 3; q. xxix, a. 2, ad 3ura; III·, q. n, a. 2; a. 5,nd 1“«; De potentia, q. ix, a. 1, a. 3, ad 2om; Compendium theo­ logize, c. ccxi ; Quodlibet II, n. 4 : De veritate, q. m, ; n. 2, ad 3um; Contra gentes, I. IV, c. liv, etc. Dc plus, lorsque saint Thomas parle de différence réelle entre la nature ct la personne, ou bien il parle de la nature spécifique comparée à la nature Individuéc, Sum. theol., I·, q. m, a. 3; III·, q. n. a. 2; In IV Sent., 1. Ill, diSt. V, q. i, a. 3; De potentia, q. ix, a. I ; Quodlibet II, a. 4, 9, a. 2, ad luw; In metaph., I.VII, lect. ix-xi; 1 VIII, lect. in; ou bien il parle des élé­ ments constituti!s de l’hypostasc comparés à tout l’amas des propriétés ct des accidents qui s'y a/outent dans l’hypostasc. In IV Sent., I. Ill, dlst. V, q. i, a. 3. Ces deux dernières observations sont justes ct expri­ ment bien le sens des textes allégués. Mais ces textes ne suppriment pas pour autant ceux que l'on a rap­ portés plus haut et qui établissent nettement une différence entre la nature ct l’hypostasc. Y aurait-il donc contradiction dans la pensée du saint docteur? La solution semble indiquée par Capréolus, un des plus sûrs interprètes de saint Thomas. L’être subsis­ tant n'étant pas autre chose que la substance possé­ dant son existence propre, on peut l'envisager sous un double aspect, soit dans la totalité des éléments qui le constituent, substance ct existence — ct c’est alors le suppôt formellement ou réellement considéré — soit dans la seule substance concrète, prise en ellemême. quoique < connotant » toutefois l’existence par laquelle elle subsiste — et c'est olors le suppôt consi­ déré dénominalivement. Cc double point de vue sc jus­ tifie, car le concept d'existence est formellement distinct du concept d'essence. Selon donc que saint Thomas s’attache à l'un ou à l'autre aspect du suppôt, Il parle l’un ou l'autre langage, sans qu'il y ait en sa pensée la moindre contradiction : Album est duplex, dit Capréolus, denominativum ct formale; ita etiam persona vel suppositum potest dici dupliciter : primo modo denominative et sic suppositum dicitur illud indi­ viduum quod per sc subsistit; secundo modo /omuiliter, et sic suppositum dicitur compositum ex tali individuo et ex sua subsistentia per sc. In 1V Sent., 1. Ill, (list. V, q. m. Un autre sujet d'équivoque dans la terminologie thomiste, c’est la façon dont saint Thomas s'exprime pour désigner la nature concrète, représentée tantôt comme le sujet possédant l’existence (ut quod est), Contra gentes, 1. IV, c. liv ; tantôt comme la raison spécifique selon laquelle est possédée l’existence par le sujet, «sc consequitur naturam, non sicut habentem esse, sed sicut qua aliquid est. Sum. theol., Ill·, q. χντ, a. 2, ad lara. I .a première façon dc parler semble donner raison a Tlphâine dans son Interprétation de saint Thomas; mais on a déjà expliqué, sur cc point, par la distinction des deux aspects du suppôt, la vraie pensée du docteur angélique. La seconde parait Indi­ quer la nécessité d’un complément à la nature pour la rendre susceptible d’existence en soi, ct favoriser la thèse de Cajétnn. On a déjà vu qu’il n'en est rien. Sans doute, l'essence do l'individu réalisée ct l’indlvldu lui-même composé de l’essence ct des principes individuels, ne sc distinguent pas dans la réalité, voir Essencf, t v, col. 844; toutefois, cc sont là des formalités bien distinctes. L’essence réalisée, considé­ I rée non pas seulement dans scs éléments strictement spécifiques, mais dans tous les caractères qui en font cette nature individuelle, est seule capable d’être actuéc · par l’existence; elle est donc vraiment le sujet exis­ tant, id quod est. L’essence réalisée, mah considérée dans le· seuls éléments spécifiques, abstraction faite 'i 29 HYPOSTASE de son individualité, peut seule déterminer, en tant qu'cssence, le mode d'existence propre d tel individu (homme, cheval, plante) dont elle est la raison spéci· | tique; en cc sens, elle n'est donc plus possédant l'être, , habens esse, mais elle est cc selon quoi le sujet possède j cet être, çua aliquid habet esse. Cf. Billot, De Verbo incarnato, p.'63-05. < ( Une troisième source dc difllculté dans l’exposé dc la pensée thomiste, c’est la question du De u/iione Verbi incarnati, dont la doctrine sera examinée ù IIypostatiqve ( Union ), col. 528 529. 111. Systèmes hétérodoxes modernes. — Quel­ ques notes sufllscnt sur cc dernier point dc notre étude. Nous n'éludions, en effet, la notion philosophique dc l’hypostasc ou de la personne que dans la mesure où celte notion a été appliquée aux problèmes théolo­ giques. 1° Exposé. — 1. La théorie philosophique moderne. — La philosophie moderne prétend renouveler la con­ ception traditionnelle dc i’hy|>oslasc. Elle procède en droite ligne du cogito, ergo sum de Descartes. C’est vers le mol pensant qu'elle sc tourne pour définir la personne : « Nous sommes, avait dit Descartes, par cela seul que nous pensons. » Les principes de la philo· sophie, parL I, n. 8. L'âme seule, en tant qu’être pensant ct distinct du coqis, constitue le moi, la per­ sonne humaine; la pensée est l’essence dc l’âme, ci. Méditation sixième, et, par pensée, il faut entendre • tout ce qui sc fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes; c'est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir est la même chose que penser. · Les principes de la philosophie, loc. cit., n.9. Voir Des­ cartes, L iv, col. 550. L’âme, principe unique ct immédiat dc toute opé­ ration, constitue donc pour Descartes la personne humaine. Mais au fond, en poussant jusqu’à l’extrême conclusion la logique des principes cartésiens, est-ce bien l'âme qui constitue la personnalité? N’est-ce pas plutôt la conscience que l’âme a d’elle-mème? · Je pense; qu'cst-cc â dire ? Si le fait de la pensée ou de la conscience est indéniable, le moi est-il aussi indé­ niable? Ne faudrait-il pas sc contenter dc dire : Je pense, donc il y a la pensée, sous prétexte dc poser un moi qui est peut-être illusoire? — Certes, si vous en­ tendez par moi autre chose que votre pensée même, vous n’avez pas le droit d’introduire cc nouveau per­ sonnage.., H m’est impossible de concevoir une pensée, entre ciel cl terre, qui ne serait pas Un sulct pensant, une sensation qui ne serait pas ma sensation, ou votre sensation, ou la sensation dc quelque autre... Des­ cartes a donc bien le droit... dc poser ainsi une con­ science A fonne personnelle. Seulement est-ce autre chose qu'une fonne ? » Fouillée, Descartes, Paris, 1893, p. 99-101. — Cette théorie, la personnalité constituée par la conscience, fait le fond dc la doctrine dc Maiebranche, mais surtout dc Leibniz, Théodicée, j, $ 89, (Euun s philosophiques, Paris, 1866, p. 160; cf. Wolf, Psychologies rationalis, § 711. Berkeley lui donne une plus complète cl plus décisive formule dans sa con­ ception idéaliste du monde, ramenée à la conscience, condition dc la représentation dc toute chose. Renouvicr. Les dilemmes de la métaphysique pure, p. 206-211. Du même principe est parti Kant pour asseoir son système. Pour lui, cc qui constitue le moi, ce n’est plus la substance pensante, mais « la conscience seulement, la pensée en tant qu’elle sc réfléchit elle-même, c'està-dire ses propres actes ct les phénomènes sur lesquels elle s'exerce. Dc là, pour le fondateur dc In philosophie critique, deux sortes de moi : le moi pur (dus reine ieh ) et le mol empirique. Le premier, comme nous venons de le dire, c'est la conscience que la pensée n d’cllemêmcctdcs fonctions qui hilsont entièrement propres; 630 le second, c’est la conscience s'appliquant aux phéno­ mènes dc la sensibilité et de l’expérience. » Λ. Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, Paris, 1875» p. 1122. L’idéalisme kantien évolue, avec Fichte, Schelling, Dégel, vers une sorte de panthéisme où le moi n’est plus la pensée ni la conscience humaine, mais une (orme dc l'absolu. Janet et Séaiiles, Histoire de la philosophie, Paris, 1894, p. 769-770. — - D'un autre côté, le principe cartésien inspire également cer­ tains représentants dc l'école empirique. Locke recon­ naît avec Descartes qu’un sentiment intérieur me donne la conscience de moi-même: · Le moi, écrit-il, est cette chose pensante, intérieurement convaincue de scs propres actions (de quelque substance qu'elle soit formée, soit spirituelle ou matérielle, simple ou com­ posée, il n'importe), qui sent du plaisir ct de la dou­ leur qui est capable dc bonheur ou de misère, et par lâ est intéressée pour soi-même, aussi loin que cette conscience peut s'étendre. > Essais sur l’entendement humain, 1. il, c. xxvn, § 17. Le mol est donc carac­ térisé par la conscience et l’identité, dont la mémoire apporte la démonstration. Mais faut-il conclure que, derrière cc mol, il y n un substratum, une substance pensante, consciente et douée de mémoire? Sur ce point, Locke est très réservé : · L'esprit, dit-il, obser­ vant que dillérenles qualités simples sont toujours inséparablement unies, juge qu’elles appartiennent toutes à un même sujet.· L’idée dc la substance en général n’est donc que i idée de je ne sois quel sujet qu’on suppose être le soutien des qualités qui pro­ duisent dans notre âme des Idées simples. » lui sub­ stance de l’esprit est alnslc supposée le soutien des idées simples qui nous viennent du dehors, sans que nous connaissions cc que c’est que cc soutlen-H > ; la sub­ stance du corps est ainsi · regardée comme le soutien des opérations que nous trouvons en nous-mêmes par l’expérience, ct qui nous est aussi tout à fait inconnu >, c. ΧΧΙΠ. § 5. Hume pousse logiquement l’empirisme de Locke à ses dernières conséquences. Le mol n’est pas perçu comme substance, puisqu’il n'y a aucune impression qui réponde à l’idée de substance : il n’est ni simple ni identique ; il n’est qu’une série toujours changeante, qu’un ensemble complexe de représen­ tations; son identité ct sa simplicité reposent sur une illusion, que les lois de 1 association suffisent â expli­ quer. En un mot, le mol est une collection dc phéno­ mènes internes qui, étant données les lois de Γimagina­ tion, apparaît nécessairement comme une substance simple ct Identique. Traité de la nature humaine, Londres, 1738, 1. 1, part. IV, § 6. — Stuart Mill reprend la théorie phénoinénisle de Hume : · La croyance que mon esprit existe, alors même qu’il ne sent pas, qu’il ne pense pas, qu’il n’a pas conscience dc sa propre existence, sc réduit à la croyance d’une possibilité permanente de ces étals... Aussi je ne vols rien qui nous empêche dc considérer l'esprit comme n’étant que la série dc nos sensations (auxquelles il faut joindre â présent nos sentiments Internes) telles qu’elles sc présentent effectivement, en y ajoutant des possibilités indéfinies dc sentir qui demandent pour leur réalisation actuelles des conditions qui peuvent avoir ou n’avoir pas lieu, mais qui, en tant que possi­ bilités, existent toujours, ct dont beaucoup peuvent se réaliser à volonté. » Examen de la philosophie de Hamilton, trad, franç.» Paris, 1869, p. 228-229. C'est aussi la thèse de Taine : · Il n'y u rien dc réel dans le moi, sauf la flic des événements, > De l’intelligence, Paris, 1897, t. i, préface, p. 7; celle dc Renan : « L’âme n'est que la résultante toujours variable de*» faits multiples ct complexes de la vie, > L'avenir de la science, Paris, 1890, p. 181: dc Binet: « La personna­ lité est une synthèse de phénomènes, qui varie avec scs éléments composants ct qui est sans cesse en vole 431 HYPOS CASE de transformation, > Les altérations de la personnalité, Paris, 1892, p. in; de Bourdeau : < L’unité du moi... est l’effet d’une synthèse qui, totalisant dans un organe central les données de l’activité psychique, en font apparaître la somme comme une réalité simple. » Le problème de la mort, Paris, 1893, p. 88; de Th. Ribot : · Dans le langage psychologique, on entend généralement par « personne » l’individu qui a une conscience claire de lui-mêmo et agit en consé­ quence; c’est la forme la plus haute de l’individualité.» Les maladies de la personnalité, Paris, 1891, p. 1. CL Renouvicr, Les dilemmes de la métaphysique pure, Paris, 1901, c. v, p. 181-216; c. vî, 5· dilemme, p. 251255. La théologie catholique s'est toujours maintenue à l'écart de systèmes qui mènent droit nu scepticisme et suppriment ce que la philosophie traditionnelle a toujours considéré comme élément constitutif de la personne, à savoir l’être rationnel, conscient de luimême et de scs actes, mais subsistant, avant d'être conscient, en lui-même et Indépendamment de toute autre réalité substantielle. Deux écoles toutefois ont pensé pouvoir accorder avec le dogme le concept moderne de la personnalité. En Allemagne, la tenta­ tive de cet accord Impossible fut l’œuvre de Günther et de >es disciples, en Italie, elle fut l’œuvre de Ros­ mini. 2. Günther et son école. — Le principe de Günther fut de subordonner la théologie aux systèmes phi­ losophiques en vogue. Pour lui, on ne saurait expli­ quer, au xîx· siècle, le dogme catholique avec des idées philosophiques vieilles de quinze cents ans : « Le concept (théologique) doctrinal, écrit-il, n'échap­ pera Jamais, dans son développement et sa formation conforme ou contraire ù l'esprit du christianisme, à l'influence de la science contemporaine, attendu que celle-ci n'est pas autre chose que l’interprétation par l’esprit pensant du donné dans la nature et dans l’his­ toire... L'interprétation du christianisme admet des degrés qui dépendent, partie de la puissance de la réflexion subjective, partie de l’étendue de l'horizon scientifique; à propos de quoi II y a lieu de remarquer qu'une compréhension plus haute n'exclut pas l’inféricuro comme s’exclueraicnt des théories les unes con­ formes, les autres contraires. · Vorschule sur speku· latioen Théologie, Vienne, 1828, t. n, p. 280 sq. Gün­ ther adopte donc pleinement et sans restriction le concept moderne de la personnalité, qu’il définit la conscience de sol, Sclbstbciuusstscin: · La personnalité, écrit-il, est-elle autre chose que la conscience de soimême? Et ccttc conscience n’cst-clle pas la formo i ssent idle de l'esprit? Et peut-on parler d’une véri­ table humanité excluant cette formo essentielle, c'està-dire enfermant dans une enveloppe corporelle un esprit diminué de moitié, parce que sans forme? » p. 2G0. Et encore : « En chaque personne, il faut dis­ tinguer essence et forme. La première est l’être en lui-même, substance-principe; la seconde est la pensée de cet être, lorsqu’elle a l’être lui-même pour contenu. Et voilà pourquoi la conscience «le soi est cc par quoi l’être se reprend lui-même, devient sujet spirituel ou moi, » p. 296. On retrouve ces assertions chez les dis­ ciples de Günther, et spécialement chez Baltzer. Neue theologische Briete an I)r Ant. Günther, x· lettre, où le disciple veut défendre la doctrine du maître en l'appuyant sur le symbole Intercalé dans les actes du concile de Chalcédoinc, act. I, Mansi, Concit., t. vi, coL 880; Merten, Grundrlss der Metaphysik, Treves, p. 27 sq. D’autres théologiens allemands, sans adopter pleinement 1rs théories günlhéricnnes, ont néanmoins fait des concertons trop faciles à La philosophie mo derne de la personnalité. Stcntrup, op. cil., th. χχνιπ, relève les noms de Kuhn, Standenmalcr, Dieringrr, Bcrlage, et réfuta leur système. . 432 Appliqué à la personne du Christ, ce système aboutit en effet logiquement à maintenir la séparation ontologique, comme substance complète et en sol terminée, des deux natures, divine et humaine. L'unité de personne est cependant maintenue. parce que l’in­ time rapprochement des deux natures fait que la conscience humaine est comme fusionnée avec la conscience de la personne divine : · 11 peut se faire, écrit DIerIngcr, qu’un esprit, gardant sa personnalité, ne soit cependant jamais une personne. Le fait sc produit lorsqu'un mol supérieur actuel affirme sa propre personne en cet esprit : en ce cas, cet esprit n’est plus une personne, mais il est rapporté, à l’instar d’une simple nature, à cc mol supérieur. » Dogmatik, p. 109 sq. L'unité de conscience ne saurait créer l’unité numérique ; mais clic suint à créer l'unité dynamique. Nous n’avons pas à discuter présentement cctteconclusion ni à la rapprocher de la doctrine nestorienne ; nous y reviendrons ù propos de l’union hypostatique. Mais il fallait la signaler, pour montrer dès mainte­ nant quelle application théologique on pouvait tirer de la conception moderne de la personnalité, identifiée avec la conscience de soi. 3. Rosmini. -· C’est à la même conclusion qu’arrive Rosmini, en développant la thèse fondamentale de son système, la théorie de l’être. L’idée d'être est le premier objet de la pensée et devient ainsi la lumière intellectuelle éclairant toutcautre pensée. Or, ccttcidée première, nous ne la tenons ni de la sensation, ni de l’expérience personnelle. Rien dans le monde extérieur et dans le monde Intérieur ne peut être l'objet de cette idée : l'idée d’être est véritablement innée. Toutes les autres ne sont intelligibles que par clic, en tant qu’on y rapporte, par les sens et la conscience, es don nées du réel. Mgr d'Hulst, Les propositions de Rosmini, dans Mélanges philosophiques, Paris, 1892, p. 463-168. Or, en nous-mêmes, s'opère perpétuellement, par rapport à notre personnalité propre, celte synthèse du réel et de l'idée d'être. L’Ame a en elle la faculté de sentir, non pas à l'état de puissance nue, mais à l’état d'aclc Immanent; elle est une force et clic accomplit deux fonctions dans lesquelles sc résument ses pouvoirs essentiels : l’intuition de l’idéal, c'est-à-dire de cette idée d'être qui est le premier objet de sa pensée, et le sentiment du réel. Cc sentiment du réel, en cc qui touche la personne humaine, lui est donné par la con­ science aidée des sens.Et l'observation du réel en notre propre corps n'existe dans la conscience que grâce au sens fondamental par lequel nous percevons cc corps comme nôtre et réalisons ainsi entre lui et notre âme l’unité personnelle. Voir Forme du coups humain, t. vî, col. 569. En sorte qu’on peut dire que « le mol est un principe actif dans une nature donnée, en tant qu'il a conscience de lui-même et en affirme l’acte », Psicologia, t. î, def. xm, n. 38, ou, sous une autre forme, qu’il est « l’âme ayant conscience de l'identité d’elle-même, sc percevant avec elle-même ou sur le point d'agir ». Ibid., L I, c. m, n. 67. Appliquée aux questions théologiques, et particulièrement aux pro­ blèmes christologiqucs, ccttc théorie philosophique laisse donc entrevoir la possibilité du cas où, dans une nature humaine, « la volonté humaine soit tellement entraînée à l'adhésion â l’être objectif, c’est-à-dire au Verbe, qu’elle lui cède entièrement le gouverne­ ment de l’homme... et cesse (ainsi) d’être personnelle dans l’homme ». Prop. 27, Dcnzlngcr-Bannwnrt, n. 1917. Ί. Le modernisme. — Il est assez curieux de retrou­ ver, dans les écrits modernistes, des considérations analogues celles que l’école allemande de Günther développait pour étayer scs nouvelles conceptions théologiques. 11 s’agit toujours de mettre les formules .loom dique en rapport avec les Idées philosophiques 433 HYPOSTASE contemporaines. Modernistes et günthéricns s’en­ tendent pour trouver une opposition réelle entre les concepts traditionnels de l’école et la pensée moderne. C'est cette barrière qu'il faut, dans I intérêt même de la religion, renverser. Mais, aux prétentions de Gün­ ther, les modernistes ajoutent un élément nouveau, qui leur appartient en propre: « les formules religieuses doivent être vivantes et de la vie même du sentiment religieux. » Encyclique Pascendi, Dcnzlngcr-Bannwart, n. 2080. Cc qui compte dans la religion, cc qui doit Oxer l’attention des hommes de fol, c’est le sentiment religieux, essentiellement progressif et changeant. D’où il faut conclure au rajeunissement nécessaire des formules anciennes. C’est ainsi que la fonnule tradi­ tionnelle du mystère de l’incarnation n’est plus en rap­ port avec l’aspect que cc mystère prend devant nos contemporains. « On ne doit pas oublier que celte for­ mule est savante de sa nature et il n’est pas trop sur­ prenant que, conçue en vue de la science antique, elle ne soit pas adaptée à l’état de la science moderne. » A. Loisy, Autour d'un petit liare, Paris, 1903, p. 151. Et pour adapter les formules de la croyance à l’état de la science moderne, il ne faut pas hésiter à dissocier l’idée de la personnalité de Dieu et celle de la personna­ lité humaine. « Si l’on maintient, et je crois qu’il faut maintenir, la personnalité de Dieu comme symbole de son absolue perfection et de la distinction essentielle qui existe entre Dieu réel et le monde réel, n’est-il pas évident que cette personnalité divine est d’un autre ordre que la personnalité de l’homme, et que la pré­ sence du Dieu personnel, à un moment donné de l'his­ toire» sous la forme d'un être humain, est un concept qui associe, dans une apparente unité, deux idées qui n’ont pas de commune mesure, celle de la personnalité en Dieu et celle de la personnalité dans l’homme? Est-ce que Dieu est personnel à la façon de l’homme et le Christ historique a-t-il témoigné d'être personnel à la façon de Dieu? Le mystère de la personnalité divine s’cst-ll manifesté par lui autrement que sous l’extérieur d’une personne humaine, et en tant qu’hu­ mainement déterminé, humainement réalisé ? » Ibid., p. 152. De plus, il faut revenir au concept moderne de la personnalité, définie en fonction, non de la méta­ physique, mais de la psychologie : · N’cst-il pas vrai aussi que la notion théologique de la personne est métaphysique et abstraite, tandis que ccttc notion est devenue, dans la philosophie contemporaine, réelle et psychologique ? Cc qu’on n dit d’après la définition de l’ancienne philosophie n’a-t-il pas besoin d’être expliqué par rapport ά la philosophie d’aujourd’hui? > Ibid., p. 152. La conclusion qui s’impose est que la transcendance divine ne suffit plus, au regard du sens religieux conlcnqmrain, à expliquer la personnalité de Dieu: il faut en venir ù la notion du Dieu «vivant ». Le concept de la personnalité humaine demande égale­ ment une « traduction ». Cette traduction ne peut être faite qu’en prenant le concept moderne, psycholo­ gique et moral, de la conscience de sol. Telle semble être du moins la conclusion que comportent les for­ mules Interrogatives de M. Lolsy. 2° Critique. — Nous maintiendrons Ici strictement le point de vue philosophique en signalant la fausseté de ces doctrines. Au point de vue théologique, on sc contentera d’indiquer succinctement le danger qu'elles renferment relativement ù la croyance catho­ lique en la Irinlté ou l'incarnation. 1. S’il est vrai que la personnalité ne peut exister que dans les natures intellectuelles et, par conséquent, douées de la conscience de soi, il est faux d’nfllnncr que la conscience de soi constitue la personnalité. C’est confondre le mol avec la perception du moi. C’est ce que Rosmini est obligé cl’avoucr Implicitement, Antropologia, 1. IV, c. iv : expliquant la génération 434 du mol, H ne fait qu’expliquer la marche suis le par l’esprit pour arriver a la conscience de soi-même. C’est la meme erreur dans laquelle tombe Locke lorsqu’il assigne, pour condition à l'identité personnelle, la mémoire, alors que c’est au contraire l’identité per­ sonnelle qui est la condition de la mémoire : « Quand le sujet humain, dit Rosmini, moyennant diverses opérations Intérieures de scs facultés, parvient à acquérir la conscience de lui-même, alors ce sujet de­ vient mol. » Non, il ne devient pas, il se connaît comme tel. Et la question qui doit occuper le théologien catho­ lique cherchant en quoi consiste la personnalité, n’est pas de savoir comment le moi se connaît, mais en quoi consiste le mol : « La connaissancc'suppose l’être, puis­ qu’on ne peut connaître cc qui n’est acte de la con­ science, cependant Une peut être constitué par cet acte. Dans sa réalité, le moi précède la conscience que nous en avons, et 11 ne peut sc confondre avec elle sans con­ fondre 1 objet connu avec la connaissance. Si la con­ science perçoit et affirme le moi, le moi doit exister avant cette perception et ccttc affirmation: autre­ ment la connaissance créerait son objet, conformé­ ment aux rêveries de l'idéalisme transcendantal. La réalité d’une chose est toujours présupposée â l'acte de la puissance par laquelle elle est perçue... Supposez que la conscience soit la raison formelle du moi, U faudra croire que le mol n’existe pas ou cesse d'exister, quand le sujet n’a pas actuellement la conscience de lui-même. Ainsi, un petit enfant qui n’a pas l'ûge de la réflexion ne sera pas une personne et l’adulte perdra sa personnalité lorsqu’il dormira ou sera enseveli dans la léthargie. De même, dans l’homme qui est sain et qui veille, le mol variera toujours puisqu'on lui varie Incessamment l’acte de la conscience. J'ai maintenant la conscience que j'écris ou que je lis-, une autre fois, je sens en moi l’impression de la tristesse ou de la joie. Ces actes de conscience sont divers, parce que divers en sont les objets. Divers aussi sera donc le moi, puis­ que « le sujet par la conscience devient un moi ». Libcrntorc, Du composé humain, trad, franç., Lyon, 1865, p. 9-10. 2. De plus, considérée en elle-même, qu’cst-cc quejla conscience? Acte ou faculté? Qu’elle soit l’un ou l’autre, ou tous les deux, ù coup sûr elle ne serait pas quelque chose de substantiel, comme il le faudrait cependant pour constituer l'élément formel de la personnalité. Billot, De Verbo incarnato, q. π, § 3, p. 90. Comme le dit fort bien M. Rubier, en guise de conclusion au c. xxxiu de sa Psychologie, Paris, 1893, « la question psychologique de l'identité personnelle étant résolue, la question métaphysique de l’identité de l’être demeure entière ». Il serait plus exact peutêtre de compléter ccttc assertion en disant que le point de vue psychologique est contradictoire si on ne présuppose pas un point de vue métaphysique. Stuart Mill lui-même, après avoir repris la théorie phénomênlste de David Hume, dans sa Philosophie de Hamilton, trad, franç., p. 228-229, sc fait à lui-même une objection qu’il reconnaît décisive : « Si nous regar dons l’esprit comme une série de sentiments, nous sommes obligés de compléter lu proposition, en l’appelant une série de sentiments qui se connaît elle-même comme passée et à venir ; et nous som­ mes réduits ù l'alternative de croire que l’esprit ou moi n’est autre chose que les séries de sentiments ou de possibilités de sentiments, ou bien d’ad­ mettre le paradoxe que quelque chose qui, ex hypothest, n’est qu’une série de sentiments, pculsc connaître soi-même en tant que série.» Ibid.,p. 235. Pour arriver ùla vraiesolutlondu problème de la personnalité. Il faut donc dépasser l’ordre psychologique de la conscience et de la liberté. La conscience de sol est un effet et un indice de la personnalité· elle n’est pas la personnalité. 435 m POSTASE 3. Il n’est pas suffisant do s’arrêter, pour justifier b personnalité, Λ une espèce < d'autonomie d’ordre mord et résidant dans le fait de s'appartenir ά soimême et par conséquent de répondre moralement H juridiquement pour soi. Il faut aller plus lolnct trouver l'explication dernière, ontologique, dans un élément métaphysique, substantiel, qui constitue la personna­ lité. 11 faut, en fin dc compte, sous peine dc contradic­ tion ou d'erreur, en revenir ά la théorie scolastique. Voir Hernies, La notion de personnalité, dans Benne du clergé français, 1 ·* avril, 1·* juillet 1905; Dubois, Le concept de la personnalité, ibid., 1er octobre 1901. Peut-être fera-t-on remarquer que La conception gûnthéricnno gu rosminlcnnc suppose une substance consciente dc sol ct non seulement la conscience dc soi. Tout d'abord, on peut répondre que, dans ce système, La personne est la substance en tunique consciente de soi ; lors donc que la conscience n’existe plus ou varie, la personnalité disparait ou change. Et l’argumenta­ tion précédente gardo par là toute sa valeur. Que si l’on insiste sur lo mot substance, il faut remarquer combien incomplète ct périlleuse devient alors cette définition dc la personne. Toute notre étude sur Fhy- * po .1 iso montre que, dans la philosophie traditionnelle, la substance a plus d’extension que l’hypostase, ihypoitase plus d’extension que 1a personne. La substance sc dit de toute nature existante, que celte nature pos­ sède ou non sa propre subsistence; l’hypostase sc dit dc tout être existant en sol ct parsol ; la personne est une hypostase dc nature rationnelle. Définir la per­ sonne une substance consciente dc sol indiquerait donc que toute nature raisonnable est une personne, ce qui est faux, puisque la nature raisonnable, dans la personne, n'est que la différence spécifique du genre hypost asc. Billot, toc. cil. ; Franzcllii, op. cil., th. xxvin, n. 2, p. 2IS. Et par JA, ù rencontre de ce qu’ils pré­ tendent démontrer, Günthcr et Rosmini devraient logiquement confesser en Dieu une seule substance consciente de sol, donc, une seule personne; en JésusChrist, deux natures conscientes, c’est-à-dire deux personnes. Rien d’étonnant donc que ces conceptions philosophiquement fausses ct théologiquement erro­ nées aient été condamnées explicitement par l’Églisc. Et ces condamnations rejaillissent indirectement sur tous les auteurs contemporains, même catholiques, qui définissent la personne par la conscience, tout en protestant qu'ils supposent à cette conscience un sujet un ct indivisible. Ces doctrines avaient fait l’objet des préoccupations des théologiens chargés de prépa­ rer le concile du Vatican. Voici deux textes, préparés pour recevoir les sanctions du concile, ct qui les vi­ saient directement : · Selon renseignement des saints Pères, il est nécessaire do retenir que la notion d’estencr, de substance ou de nature ne doit pus être con­ fondue avec la notion d'hypostase, de subsistence ou de personne: de crainte qu'on n’en arrive à une perver­ sion manifesto de nos dogmes les plus saints, en affir­ mant qu’il y a autant de personnes quo do natures Intelligentes, ou, pour employer le langage (des gûnthérlenft] de natures conscientes de sol. d Note qui ac­ compagnait le schéma de la constitution dogmatique De doctrina catholica, c. χιν, dans Acta et décréta sac, arcam. concilii Vaticani, Collectio Lucensis, Fribourgen-Brîigau, 1890, t. vu, col. 510-511. Le schéma hll-mtine tire la même conclusion du dogme ca­ thodique sur les mystères de la trinité ct dc Vin­ car, il Ion. Ibid., col. 511. \nir encore un rapport sur le mémo sujet, col. 559, un autre schéma, c. vm, cok 1634, ct le canon 4 do ce chapitre: Si quts dix rit, tot necessario esse personas, quot sunt Intelledas et voluntates : aut negata duplici in Christo persona negari humana natunr perfectionem, a. s., coi. 1637. 436 3° Conclusions. — Plusieurs conclusions sont à tirer de cette discussion : I. La doctrine catholique ne peut s'accorder en aucune façon avec ta théorie phénoméniste de la personnalité. — On ne peut concevoir la conscience sans concevoir un être auquel elle appartient. La réalité de l’être est tellement incluse dans l’acte, quel qu’il soit, de la conscience, que celui-là sans celle-là est une pure contradiction. La notion phénoméniste de la person­ nalité est une contradiction si on ne l’appuie sur la notion substantialtste dc la personne humaine. 2. La doctrine catholique rejette la théorie cartésienne identifiant l'âme et la personne humaine. — La per­ sonne inclut i’Anio et le corps unis substantiellement. Voir Forme du cours humain, t. vt, col. 567 ; Des­ cartes, t. iv, col. 550-553. 3. La doctrine catholique repousse comme insuffisante ct périlleuse la thèse gilnthéricnnc de la personne Iden­ tifiée avec la substance consciente de soi. — Toute expli­ cation purement psychologique dc la personnalité humaino tend à confondre nature ct personne. C’est dans les éléments métaphy siques dc la personne et do la nature qu’il faut trouver la raison dernière qui les différencie. 4. Toutefois la philosophie moderne a été utile <} la doctrine catholique, en ce qu'elle a mis en relief les pro­ priétés psychologiques et murâtes de la personne : a) la personne est complètement ct parfaitement sut juris, être conscient ct libre; b) la personne est capable de droits et de devoirs; c) la personne est capable dc mérite ct dc démérite; d) la personne est digne de récompense ct dc punition ; e) la personne est capable d’atteindre sa fin propre. Ilugon, Metaphysica ontologica, η. 19. Mais toutes ces propriétés, signes exté­ rieurs dc la personnalité, présupposent l’indépendance ontologique dc l’hypostase, telle que la scolastique a su la mettre en relief. Parmi 1rs travaux les plus importants sur la significa­ tion ct l’évolution des tenues hypostase ct personne dans les premiers siècles, il faut citer : Muet, Orlgcniana, 1. II, q. ir, n. 3-19, P. G., t. xvn, col. 712-747 ; J. Laml, De recta Patrum Ntenuiorum fide, Florence. 1770, c. xxxn, p. 174182; G. Bull, Defensio fidet bllarnx, Oxford, 1827, sect.η; Garnier, Préface aux lettres dc saint Basile, § 1.2. P. G., t. xxxii, col. 10-23; Pnssaglln, Dc ecclesiastica significatione τής ουσίας, Home, 1850; petnu. De theologicis dogma­ tibus, Paris, 1867, t. m. De Trinitate, 1. IV, c. i-iv, vn-ix; Paris, 1869, t. vi, Dr incarnatione, I. Π, c. Hi, v-vi; Thomasdn, Theologica dogmata, Paris, 1866, De incarnatione, I. Ill, c. i, xxi; I^gnind, De incarnatione Verbi diolnl, diss. VI, c. J,dans Mlgne,Cursus theologicus, t. ix, col. 738739; Broun, Der Begriff « Person » in seiner Aniirndang auf die Lchre von der Trinitat und Incarnation. Mayence, 1876. M. Tixrront, qui, dans son Histoire des dogmes. Parts, 1909-1912, t. net ιιι,η abordé A maintes reprises ce problème, n donné un court, mais substantiel résumé do la qm dinn aux v· ct νι· siècles. Des concepts de nature ct dc personne dans les Pért3 et tes écrivains ecclésiastiques des F· et Vr· siècles, dans la /6 t»uc d'histoire et de littérature religieuses, novembre-décembre 1903; reproduit dans Λ/ébuigcs dc patroloqie et d'histoire des dogmes, Paris, 1921, p. 210-227. Dc M. Ijibuuche, outre Ixçons de théologie dogmatique, Paris, 1911, t. i, p partie, c. i, p. 5-21; II· partie, c. i, $ 2-3. p. 129-209, citons deux études, /xi notion théologtque de personne, et La formation de la nation théologtque de personne (résumé de In pensée chré­ tienne chez les Pères rt chez 1rs scolnsllques), dans la vue prallqm a d igétlque, l*mart 1009,15 juillet 1910. Voir également Stentrup, Zu/n Begriff der Hypostase, d ins Zeitschrift fur ktdhollsrhc Théologie, înspruck, 1887; S. Schlo-wnnnn, Fer ons and tm Brcht und chrlstlichen Dogma, Kiri. 1006 (le titrr indique lo point pécial auquel l’auteur s’est placé); Λ. Michel, L'évolution du conté pl de · persc.nnt » d<îni < rapports de la philosophlt chrétienne avec la théologie, dani |a Iteuue de philosophie, 1019, |>. 351-383. 487-515. Toujour dc Dieu, qui sc serait fait chair. Le sy mbole de Nicée est formel : Credo... in unum Dominum Jesum Chri­ stum. Filium Dei, Deum verum... qui... descendit dc exits et incarnatus est. D’ailleurs, cette vérité est expres­ sément définie dans les conciles d’Éphèse, de Chaicé­ doinc ct dc Constantinople, IIe ct 111·. Le VI· concile œcuménique s’exprime ainsi : < Nous confessons un seul et même Christ, vrai Fils unique, qui est reconnu être en deux natures, sans confusion, sans changement, sans séparation, sans division, la différence des deux natures n'étant en aucune façon supprimée par l'union, ce qu'il y a de propre en chaque nature étant au con­ traire sauvegardé et concourant d former une personne et une hypostase; non divisé, ni partagé en deux per­ sonnes, mais un seul ct même Fils unique de Dieu, Verbe» Seigneur Jésus-Christ, comme nous l'ont appris les anciens prophètes ù son endroit ct luimême Jésus-Christ nous l’a enseigné ct comme nou> l’a transmis le symbole des saints Pères. · \oirt.in, col. 1267 3° Ce dogme est un dogme explicitement révélé ct professé dans l’Églisc dès le début dc l’èrc chrétienne. Ιλ foi en rincarnation, voir ce mol, est de nécessité tout au moins de précepte; or, la substance du dogme dc l’incarnation, est précisément constituée pur l’aibr' mation de l'union hypostatlquc en Jésus-Christ. Sans doute, les définitions plus précises que l’Églisc a dû for­ muler, aux v· et vi· siècles, contre les hérétiques niant l'unité dc personne ou la dualité de natures, ne s'imposent pas à la connaissance explicite de tous les 439 HYPOSTATIQl E (1 MON) 440 fidèles. Mais ia croyance explicite en Jésus-Christ, d’unionz/rs; cl cc nom marque d’une façon expressive qui cat un, à la fois Dieu ct homme dans cette unité leur système de monarchianismc en Dieu, Le concile de personne, s'impose à tous, ct c’est cette vérité de Francfort confesse cn Dieu V union, c’est-à-dire même qui constitue essentiellement le dogme de l'unité dans l'essence. Mansi, Concit., t. xm, col. 881. l’union hypostallquc. Le III· concile de ConstantiA s’en tenir ù Ja simple étymologie du mot, il est noplc ne fait-il pas appel, d’ailleurs, A la tradition des clair qu’ivwatç, union, ne saurait être considéré Pères de Nicéc, à l'enseignement de Jésus-Christ lui- comme synonyme de σάρχωσις, incarnation. Théodomême ct au contenu des révélations prophétiques de rct, Dial. II, Inconfusus, P. G., t. lxxxjh, col. 137, l’Andcn Testament? explique que l’incarnation comporte l’assomption de •1° Pour formuler d’une manière précise le dogme de la nature humaine par la divinité; l’union indique une l’union hypostatjquc, l’Églisc utilise des notions phi­ simple conjonction, très intime sans doute puisqu’elle losophiques, dont le sens, au cours des siècles, s’est réalise un seul et mémo sujet, mais n'impliquant pas, lui-même précisé d’une façon de plus cn plus parfaite. cn soi, celte assomplion d’une nature inférieure par la Les termes de l’union sont désignés sous les noms personne divine. Même remarque chez saint Jean d’essence, de nature, de personne, (Vhypostase, de sub­ Damascene, De fide orthodoxa, I. HI, c. xi, P. G., sistence, de suppôt, etc. 11 est donc nécessaire avant t. xav, col. 1024-1025; simple différence de raison, tout d’acquérir une connaissance approfondie do Ja της Ιπινοίας». dit-il, cf. Dialectica, c. lxv-lxvi, ibid., valeur philosophique de ccs concepts, qui sont appelés, coL G61-6G9. Euthymlus, Panoplia, tit. vu, P. G., à cause même du choix que l’Églisc cn a fait, A tra­ t. exxx, col. 240, expose didactiquement les diffé­ duire, cn langage humain, les réalités surnaturelles. rentes significations du mot ct note la signification Encore que cette traduction soit souvent analogique, très spéciale qu'il acquiert cn désignant l’union hyelle demeure cependant vraie. L’art. Hypostase, postatique. Voir également sur ce point S. Anastase avec les longs développements qu’on a cru nécessaire ! le Sinaïte, Hodegos, P. G., t. lxxxix, col. 70. de lui donner, a précisément pour but de préparer G° Avant que la terminologie soit définitivement l'esprit du lecteur ù l’intelligence des définitions pro­ fixée, les Pères emploient volontiers, pour désigner mulguées par l’Églisc nu sujet de l’union hypos ta tique. l’union des natures, ινωσις, certains synonymes, Mais remarquons immédiatement que l’Églisc, en dont lo sens obvie peut parfois présenter des difficultés utilisant ces notions de sens commun, ne s’inféode d’ordre doctrinal. La règle de foi prescrivait bien de pour autant à aucun système philosophique particu­ croire ù l’union intime des deux natures, mais la lier : « Loin de s’inféoder A ces concepts, la révélation formule dernière, exprimant de façon précise celle se sert d eux; elle les utilise, comme dans tous les union, n’était pas encore trouvée. Il ne faut donc pas ordres Je supérieur utilise l’inférieur, au sens philo­ s’étonner de rencontrer, sous la plume des anciens sophique du mot, c’est-à-dire l’ordonne à sa fin... Ces Pères, des formules ct des expressions que l’on «’ac­ concepts, évidemment inadéquats, pourront toujours cepterait plus aujourd’hui. Saint Ignace appelle le être précises; ils ne seront jamais périmés. Le dogme Seigneur σχρχοφόρο;· Ad Smyrn., c. v, n. 2, dans ainsi défini ne peut se laisser assimiler par une pensée Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, p. 280. Terhumaine cn perpétuelle évolution : cette assimilation lullicn. Adversus Praxcam, c. xxvji, P. L., t.n, col. 214. ne serait qu’une corruption; c’est lui, au contraire, appelle l'union hypostatique un revêtement de 1 hu­ qui veut s’assimiler celle pensée humaine qui ne manité, cf. S. Athanase, Oratio, n, contra arianos, change sans cesse que parce qu’elle meurt chaque P. G., t. xxvi, col. 1G5, afin d’exclure l’idée d’une jour. » Garrigou-Lagrange, Le sens commun, la philo­ transformation du Logos cn chair; mais cc revête­ sophie de l'être cl les formules dogmatiques, Paris, 1909, ment exprime bien l'idée d’une conjonction des deux р. 189. Ci. Billot, De virtutibus Infusis, Borne, 1905, natures; cf. d’Alès, La théologie de Terlullien, Paris, •dogue, p. 430-432. 1905, p. 198; dans le De carne Christi, le tenue conver­ 5° Le mot < union ·, cn grec ίνωσις, employé pour sio, employé par le même Père, a nettement le sens désigner, cn Jésus-Christ, le concours des deux natures d'assumptio, c. m, P. L., t. m, col. 10; cf. d’Alès,p. 186, cn une seule personne, est consacré par l'usage de la note 2. Saint Cyrille d’Alexandrie emploie le tenue plus ancienne tradition. Voir S. Irénéc. Cont. hœr.,l. I, σύνοδος, InJoa., 1. XI, P. G., t. lxxiv. col. 557, cn y с. xvm, n. 7 ; L IV, c. xxxm, η. 11, P. G., t. vu, col. 937, ajoutant ordinairement l’explication τής ένώσίως ou 1080; Origène, Contra Celsum, I. Ili, η. 41, P, G., ί·ς ίνωσιν, Dialogus de incarnatione, P. G., I. LXXV, t. xi, col. 975; S. Athanase, Epist, ad Epictetum, n. 9, col. 1208, ou bien καθ’ ίνωσιν φυσικήν, Anathematis· P. G., t. xxvi, coi. 1065; S. Grégoire de Nyssc, Orat. mus m, Denzinger-Bannwart, n. 115, ou encore le catcchctica, c. x, xi, P, G., t. xlv, col. 41, 44; S. Gré­ tenue συνδρομή ίΐς ένότητα; Dialogus de incarnatione, goire de Nazianze, Epist., a, P, G., t. xxxvii, col. 181, col. 1232; cf. col. 1208. Voir aussi F3uthyinius, Pano­ 188. Mais cc mol, par lui-même, manque encore de la plia, P. G., t. exxx, col. 249; Idée, Dogmengrschichtc, précision nécessaire : toutes les discussions christotot. n, p. 31. L’anathémalisme 111 signale une autre giques des xv·, v· ct vj· siècles auront pour résultat expression συνάφιια, que les nestoriens acceptent d'apporter ccs précisions A une expression qu’on comme synonyme d’cwotç, ct que, pour celte rai­ trouve aussi bien sous la plume des hérétiques que son, rejetait saint Cyrille. Cette expression συνάφιισ, sous celle des catholiques. Le mot français · union » copulatio, du verbe συνά^τισΟαι, existe toutefois rend imparfaitement le terme grec ίνηπις: cclui-d | avec un sens orthodoxe, chez saint Basile, Homil. in implique l’idée de réduction à l’unité, d'unification. ps.XLtv, n. 15, P. G , t. xxix, col 400;chez saint AlhaVoir la lettre de saint Cyrille d’Alexandrie à Éulogc de nase, Oratio, n,contra arianos, n. 39, 43, 67, 70, P. G., Constantinople, P. G., t. lxvu, col. 225. Aussi Pelau. t. xxvi, col. 232.2 10,289, 29G; chez saint Grégoire de De incarnatione, 1. HI, c. n, le traduit cn latin par | Nyssc, Contra Eunomium, 1. I, c. v, P. G., t. xlv, unilto. Souvent même, il prend le sens plus absolu col. 705; cf. col. 697; chez saint Grégoire de Nazianze, d'unité. Voir Origène, De oratione, P. G., t. xi, col. 481. Oral., xxxvm, n. 13, P. G„ L. xxxvi, col. 325, ct saint 11 est alors synonyme de μονότης, singularitas, ct Jean Chrxsostome l’a consacrée. In Joa., homil. xi, trouve un emploi plus fréquent dans les discussions P. G., t. Lix, col. 80; cf. Théodorct, Dialogus II, Incontrinitalres. Cf. Pelau, De Trinitate, I. IV, c. v, n. 15, j fus us, P. G., t. lxxxiij,co1.201 ; saint Jean Damascènc, 16; 1. Hl. c. vnî. n. 6, 7. Les sabclllens. parce qu'ils Defldc'orthodoxa, 1. 111,e. xvm, P. G., t. xav, col. 1072. réduisaient cn Dieu la trinité des personnes cn une Njp?ulacst également employé par saint Grégoire de seule réalité personnelle, ont reçu parfois le nom Nyssc, Oratio calrchetica, c. xi; Contra Eunomium, 441 HYPOSTATIQUE (UNION) 442 toc. cil.t P. G., t. xlv, col. 41, 705; cl par saint Jean attribuer aux termes grecs χρασι- et uiÇtc, voir Damas cène, Dialectica, c. lxv, P. G., t. xciv,col. 661. S. Cyrille d’Alexandrie, Advenus Nestorium. toc· cit., C’est l'équivalent du mot latin conjunctio. L'idée col. 33; se référant Λ Heb., xv, 2; S. Grégoire de Nyssc, Oratio cateehctiea, c. xxv; Adversus Apolli­ d’union est impliquée dans le substantif ο·ψ€ασ»ς ou dans le verbe συρμήν at, qu’emploie saint Cyrille narem, P. G., t. xlv, col. GG, 1275; S. Jean Damad’Alexandrie pour marquer l’unité du Christ cn deux scènc, De fide orthodoxa, I. Ill, c. xvir P. G., t. xav, natures : souvent alors l’adjectif οικονομική vient pré­ col. 1071; au tenue latin mixtio, commirtio, Cassicn, ciser la pensée de l’auteur. Dialogus de incarnatione, De incarnatione Christi, c. v, P. L.. t. u col. 26; P. G., t. lxxv, col. 123; Scholia de incarnatione, S. Léon le Grand, Epist ad Julianum. P. L., t. Liv, c. vm, îl»W.,coL 137G; Advenus Nestorium, L 1, c. ni, col. 805. Cf. Petau, De incarnatione,} III,en,n.8 sq.; P. G., t. lxxvi, col. 33. C’est l’expression dont se sert Thomassln, De incarnatione Verbi Dei, 1. Ill, c. v. On saint Sophrone au VI· concile, act. XL Mansi, t· xi, rencontre aussi les composés de xpis ;, σ·5γκρασΐς et col. 473; P. G., t. lxxxvii, col. 3161. On doit rap­ ανάκρακς, employés par saint Athanase,Contra Apol­ procher de ces expressions, συνθισις, que l’on trouve linarem, 1. II, n. IG, P. G.. L xxvi, col. 11G0; par appliqué a l’union des deux natures dans le Christ saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxxvn, n. 2, P. G., par quelques Pères, notamment saint André de Crète, t. xxxvr, col. 284 ; Epist., ci, P. G., t. xxxvn, col. 177, 180, ct par saint Grégoire de Nysse, Oratio catrchetica, In Transfiguratione Domini* P. G., t. xcvn, col. 937, 940; par saint Jean Damascene, nommant l’union hy­ c. xi, P. G., t. xlv, col.44; Contra Eunomium,}. Le. v, P. G., t. xlv. col. 693, 007, 705, 70.8; Anlirrhcticus, postatique ινωσις κατά συνύισιν. Dialectica, c. lxv, P. G., t. xav, col. 664. Cette expression, chère aux n. ’»2, col. 122t. 8° De telles expressions, orthodoxes sous la plume monophysites sévérlens, sc traduit assez exactement par compositio. La formule μία φύσις σύνθίτος, em­ des Pères catholiques ct avec le sens qu ils y atta­ ployee par Sévère, voir Contra monophysitas, P. G., chaient, sont également employées par les hérétiques t. lxxxvî, col. 1818, semble bien être dans la perspec­ dans un sens hétérodoxe, ct, de ce chef, donnent lieu à tive de saint Cyrille d’Alexandrie. Cc Père ne l’em- ’ des discussions qui divisent les catholiques eux-mêmev ploie pas directement, mais il caractérise par le Kpâ?!çct scs dérivés sont fort contestés. Suint Amphitenue συνΟισίς l’union de l’ùme ct du corps, aux loquc le rejette, Fragm.. ix, P. G., t. xxxix, col. 105; endroits mêmes où il compare cette union ù l’union saint Cyrille d’Alexandrie loue Jean d’Antioche de le hypostatique· Voir Epist.,1 ct n, ad Succensum, P. G., condamner ct sc défend de lcpatronncr.Epü/.,χχχιχ. t. lxxvh, col. 233, 2 IL Cf. Jean Maxence, Dialog. II, j P. G., t. LxxsTi, col. 180. Sur les variations dans le vo­ n. 2, P. G., t. lxxxvî, col. 13G. CettO σύνΟισις s'op- cabulaire de saint Cyrille, voir t. m, col 2511-2515. pose à la fois ù la συγχρχσις monophyske ct à la Théodoret surtout condamne cette expression comme δ*.α(ρισις ou παράΟισις nestorienne. Cf. Jugie, Nes- apollinariste, dans sa critique des anathématismes, Anat. H, P. G., t. LX\\1, col. 400,ct dans le Dial. II, (oriusctla controverse nestorienne, Paris, 1912, p. 165, P. G., t. i.xxxni, col. 148 : on ne peut nier qu’Apol­ note; Lebon, Le monophysismesé aérien, Louvain, 1909, р. 292-326. Notons encore que l’expression κατά aMiaxv linaire dise plus souvent σύγκ&ατος que συνΟπος en ηγουν καθ’ ύπόστασιν a été retenue par le II· concile parlant de la nature du Christ incarné. Cf. Voisin, œcuménique de Constantinople. Denzinger-Bann­ L’apollinarisme, Louvain, 1901, p. 281 sq. Χίγχυσι:, confusio, est rejeté par l’unanimité des catholiques, wart, n. 21 G; voir plus loin, col. 000. 7° D’autres termes, moins corrects, sont encore ce­ comme une expression nettement monophysite. Voirie pendant cn usage chez les Pères. Origène, qui envi­ concile de Chalcéxioine, confessant le Christ cn deux natures sans confusion, t. n, col. 2195. sage l’union des deux natures comme un tissu dont les Ills sc mélangent sans sc confondre (συνυφαινισΟαι), Dans l’épltrc j,atf Succensum, saint Cyrille d'Alexan­ n’hésite pas ù appeler l’union hypostatique xpïctç drie semble dire qu’on pourrait ù la rigueur lui donner ou piÇtç, commirtio, mélange. Contra Celsum, 1. III. un sens acceptable, puisqu'il prend ce tenue comme un synonyme de σύγχρασις» P· G.» L Lxxvn, coL 232; с. xci; De principiis, 1. Ill, c. vi, n. 3, P. G.,t. xi,col. 972, 256. Ces mêmes expressions sc rencontrent éga­ toutefois, il faut cn éloigner l’idée d'un mélange réel. Cf. Adversus Nestorium, 1. I, c. m, P. G., L lxxvi, lement chez saint Irénéc, Cont. hier., 1. lll,c. xix, n. 1, P. G., t. vu, col. 938; chez saint Méthode, Fragmenta, col.33;l. II, c. vi, col. 86 ·, Apologeticus contra Oritnlales, ibid., col. 329. Notons en lin que certains monophy­ P. G., t.xvm.col. 100;chczsaint Cyrille, Adversus Nes(ortum, 1. 1. c. in, P. G., t. lxxvi, col. 33; Thésaurus. sites semi lent répudier l’idée de confusion; Dloscorc lui-même protesta contre cette interprétation de sa assert, xxiv, P. G., t. lxxv, col. 399 (sur l’emploi de xpâ9t;ct. Dans une même phrase, il marquera donc souvent la sujétion humaine de Jésus et la dé­ pendance étemelle du Christ. Cf. Lcbreton, Les ori­ gines du dogme de la Trinité, p. 412. b) L’apôtre saint Paul nous dévoile lui aussi le mystère de l'union substantielle de la divinité ct dc l’humanité en un seul sujet Jésus-Christ. Nous avons déjà constaté que nul autant que lui ne fait usage, en parlant de la personne du Christ, de ce que les théooglens appellent la communication des idiomes. Certains attributs ne convenant pas à la nature hu­ maine ct certains autres étant incompatibles avec la nature divine, il faut nécessairement conclure du langage de l'apôtre qu’il y a en Jésus-Christ deux na­ tures, la nature divine ct la nature humaine, mais unies en un seul sujet d'attribution. Cette conclusion, saint Paul la présente lui-même comme un fait, sans vouloir cependant en donner l’explication dernière. L’Épttre aux Hébreux manifeste la préoccupation de ne pas séparer les différentes phases de l’existence du Christ. L'auteur a soin d’en enchaîner la série dans une courte phrase où sc manifeste l’unité dc la per­ sonne du Christ : « C'est lui qui, étant le rayonnement de sa gloire ct l’empreinte de sa substance, soutenant l’univers par la parole de sa puissance, a expié nos fautes ct s’est assis à la droite de la majesté, au haut | des cicux, étant devenu (γινόμινος) supérieur aux anges, d’autant que le nom qu’il a reçu en héritage est plus grand que le leur, i J. Lcbreton, op. cil., p. 355. Mais, bien plus, saint Paul nous révèle qu'en Jésus habite corporellement la plénitude de la divinité. Col., n, 9. < Les exégètes reconnaissent que la plénitude de la divinité ne peut être que l’intégrité de l’essence divine ct par conséquent la divinité elle-même. En effet, Οεότη; (deitas), abstrait dc Οίός, n’cst pas iden­ tique à Οίώτης (divinitas), abstrait de Oiîoç. Le der­ nier mot pourrait s'entendre dc la qualité;l'autre doit s’entendre de la nature. Ce sens s’imposerait encore avec plus dc force au cas où Paul combattrait l’er­ reur des Colossiens plaçant dans les puissances supé­ rieures des parcelles ct des émanations dc la divinité; mais, au fond, il est indépendant dc ccttc hypothèse. Que veut dire corporellement? Beaucoup dc Pères le rendent par « réellement ■ ou « substantiellement »; mais le corps n’a ce sens que lorsqu’il est opposé à l’ombre. Cf. Col., n. 17. Corporellement signifie «dans un corps, sous forme de corps »; celte acception convient dc tout point ct il n’y a pas à en chercher d’autres. > Prat, La théologie de saint Paul, 11® partie, p. 230-231. Celte interprétation obvie, dans un corps signifiant incarné, va droit au but que se propose notre démonstration. L’interprétation des Pères, faisant de συχιχτικώ; l’équivalent dc réellement, voir 048 S. Augustin, Epist., cxlix, n. 25, P. L., t. xxxm col. 611; ou encore de ούσιωδώς, substantiellement, voIrS. Isidore de Péluse, Epist.,1. IV, epist. clxvi, P, G., t. Lxxvui, col. 1256; ou encore de totaliter, voir S. Hi­ laire, Dc Trinitate, I. VIII, n. 51, P. L., t. xî, col. 273, est une précision théologique de la pensée dc l’apôtre. Mais nous avons déjà, dans ccttc pensée, l’affirmation dc la divinité habitant en Jésus-Christ, selon le mode dc l’incarnation. Σ'ύματιχώς exprime ici d’un mol le Verbum caro ladum est dc saint Jean. Voir Prat, op. cil., p. 230, note; Knabcnbaucr, In Epist. ad Colos­ senses, Paris, 1912, p. 326-327; Zorell, op. cit.,p. 556; Abbott, A critical and cxegelical commentary, Eph. and Col., Édlmbourg. 1897, p. 204; Lightfoot, St. Paul's Epistle to the Colossians, Londres, 1892, p. 179. Dans son commentaire sur les Épîtrcs de saint Paul, Col., π, lect. m, saint Thomas d’Aquin, après avoir en premier lieu signalé l’interprétation dc saint Augustin, donne l’interprétation littérale, corporaliter, dans un corps, par opposition à l’inhabltation dc la divinité, par la grâce, dans les Ames des justes. Le texte dc l’Épltrcaux Colossiens enseigne donc l’union dc la divinité ct dc l’humanité dans l’unique personne dc Jésus-Christ; la pensée de l’apôtre reçoit toutefois un éclaircissement précieux dans le célèbre passage de l'ÉpItre aux Philippicns, n, 6, 7. Saint Paul y excite les chrétiens à la pratique des vertus dc renoncement, à l’exemple de ce qui sc passa dans le Christ Jésus. Ce sontmoins les sentiments dc Jésus que son état lui-même que l’on nous propose en exemple. L'incarnation est elle-même l’abaissement, le renon­ cement que nous devons imiter. Ayez en vous les sen· timenis dont Jésus est le modèle. Existant dans la [orme de Dieu, il ne regarda pas l'égalité divine comme une proie (en prenant le terme άρπαγμός au sens passif des Grecs, et non au sens actif dc la Vulgate, comme si Jésus ne voulût pas considérer l'égalité divine comme une proie à laquelle on sc cramponne avidement dc peur d'en être privé), mais il se dépouilla lui-même, (en) prenant la forme de Γesclave cl devenant semblable aux hommes; et reconnu homme par ses dehors (qui mani­ festaient la réalité dc sa nature humaine), il s'abaissa, sc faisant obéissant jusqu'à la mort cl jusqu'à la mort de la croix. C'est pourquoi aussi Dieu l'a exalté sans me­ sure et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse au ciel ct sur la (erre ct aux enfers, ct que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est entré dans la gloire de Dieu le Père. Le mot μοοφή désigne quelque chose d’intime ct de profond, bien distinct des dehors ct des apparences, touchant à l’essence même dc l’être ct Inséparable d'elle. Selon le sens aristotélicien du mot, passé probablement dans l’usage à l'époque de l'apôtre, voir Lightfoot, Philippians, Londres, 1900, The synonymes μορφή and σχήμι, p. 127-133, μορφή est l'équivalent dc nature, ou tout nu moins signifie quelque chose d’inhérent à la nature. Cf. Zorell, op. cil., p. 366; F. Prat, op. cil., Ir· partie, Paris, 1908, p. 442. D'ailleurs,le particlpcûràp/;ov,inls en corrélation avec l'aoriste ήγήσχτο, acquiert un sens d’imparfait et désigne l'existence sans limite dc temps : il ne s’agit donc pas pour le Verbe dc sc dépouiller réellement dc la forme, c’est-à-dire dc la nature divine; même sous la forme d'esclave, c'est-à-dlrc devenu homme, il restera Dieu. L’abaissement accepté par le Verbe ne consiste pas dans le dépouillement dosa naturedivine, mais dans le simple fait dc l'incarnation, qui, sous la forme humaine, voile la forme divine, ou encore, selon l’interprétation . Qu’en ce texte retenir notre attention : elle accuse en effet un progrès la version latine suhstantia réponde au grec ύπόατασ ς, marqué dans le sens des formules postérieures. La voir Hypostase, col. 374. règle de foi. Cont. hier., I. I, c. x, η. 1, P. G., t. vu, 3. Saint Hippolyte a la même doctrine et parfois col. 549, est qu'il faut croire c en un seul Jésus-Christ, des expressions plus théologiques encore que saint Fils de Dieu, incarné ;>our notre salut »; cf. 1. Ill, Irénée: on retrouve la même doctrine de la dualité c. iv, n. 2, col. 856; d'ailleurs, en toutes ses explications de natures en l’unité du meme sujet. De Antichristo, et défenses du dogme catholique, Irénée suppose n. 3, P. G., t. x, col. 732; Contra luvresim Nocti, n. 15, explicitement le fondement même de l'union hypo­ 16, 18, col. 824, 825; Phtlosophoumena, 1. N,c. xxxui, statique, à savoir que le Verbe, Fils unique du Père, xxxiv, P. G., t. xvi, col. 515-516; Eragm. in ps. n, 7, est consubstantiel au Père, I. 1, c. xxn, n. l,col. 669; cité par Théodore!, Éranistcs, Dial. Il, P. G., 1. II, c. xm, n. 6; c. xvn, n. 7; c. xxx, n. 9, col. 745, 1.1 xxmit, col. 173.L’unionhypostatique est d’ailleurs 764. 822; I. Ill, c. vi, η. 1 ; c. vin, n. 3,col 860,867 ; clairement exprimée dans le Contra harcsim Noeti, 1. lV,c.u,n. l;c.vu, il 4,col. 976,992; et le Verbe, Fils n. 15, où Fauteur affirme que la chair a sa subsistance dans le Verbe, η αάρξ καθ’ έαυτην δί/ χ τού Λόγου de Dieu, n'est autre que Nolre-Scigncur Jésus-Christ, τό Ιν Λόγ».» ττ,ν αυστααιν ιγιιν. L 11, c. xxx, n. 9; 1. 111. c. xvi, n. 9;c. xvn, η. 1; ύποστά/αι ή δύυατο, Cette unité dans la subsistcnccfait que Verbe, coétcruel c. xv m, n. 7;1. V, præf., coL 822,928, 929, 936, 1120. nu Père, a pris en s’incarnant tout cc qui appartient ù Cf. Demonstratio aposlolicic pnedicationis, n. 30, 31, l’humanité» saut le péché, et n uni en lui les deux réa­ édit. Weber, Fribourg-en-Brisgau, 1917. Mais il convient de recueillir les traits particuliers sous lesquels Irénée lité V, celle qu’il tient du Père, dans le ciel, comme Verbe, décrit l’union hypostatique : a) Les Écritures démon­ i Adam, en • Incarnant par la Vie . n. 17, col. 825. Cf. Pinlosotrent qu’en Jésus-Christ, c’est un seul et même sujet qui Λ la fois est Dieu et homme. Jésus n'est pas le phoumena, loc cil Volt d'Alès, La théologie de saint réceptacle du Christ, descendu du ciel pour habiter en | Hippolyte, Paris, 1906, p. 25-29. 453 HYPOSTATIQUE (INION) 454 4. Lr.< actes des martyrs, bien que d’une époque cétisme aussi bien que l'a poll in a ri s me futur sont incertaine, sc réfèrent cependant â la tradition pre­ écartés par Origène encore qu'il retienne du premier mière de l’Égllsc et attestent, eux aussi, la croyance quelques restes insignifiants qui lui viennent sans des fidèles à l’unité ontologique du Christ. Saint doute des gnostiques. Contra Celsum, I. \ I, n. 77 ; Achate appelle Jésus-Christ I ils de Dieu, Verbe de I. 11, n. G4, 65, coi- 1413, «96-900. Jésus-Christ est vérité, Acta, iv, dans Buinart, Acta martyrum, ftatis- et reste donc vraiment homme dans l’incarnation; Itonne» 1859, p. 201. Saint Justin confesse Jésusd'autre part, le Verbe n’y change pas non plus, ne Christ, Noire-Seigneur, Fils de Dieu, annoncé par les perd rien de ce qu'il était : τή ο>σίχ μχνων λάγο». Contra prophètes, et qui doit venir juger le genre, humain. Celsum, 1. IV, n. 15, 1. VII, n. 17; 1. VIII, n. 42, Acta, i, op. cil., p. 106. I-a communication des Idiomes coi. 1045, 1445, 1577; In Joa..t. χχχτπ. n. 14. P. G., est marquée expressément dans les Acta Jgnatii, π, I t. xiv, coi. 720; il s’ensuit que» dans le Sauveur, il Funk, Patres upostolici, Un, p. 260, 261 ; Buinart» op. y a deux natures : il est Dieu et homme. Deus homo : cil., p. 63. On y lit que Jésus-Christ, Fils de Dieu, Aliud est in Christo deitatis dus natura, quod est est crucifié. Cf. Acta Pion ii, xvî» Deum crucifixum, unigenitus filius Patris et alia natura humana op. cil., p. 195; Acta Epipodil et Alexandri, v, p. 12t. quam in novissimis temporibus pro dispensatione sus­ 5. A Alexandrie.— Ch inent d’Alexandrie témoigne cepit. De principiis, J. 1, c. n, n. 1 ; L 11, c. vx» n. 2» 3; lui aussi de la foi catholique au Verbe» ù la fois Dieu J Contra Celsum, L VII, c. xvn, P. G.. Lxj, coL 130, et homme dans l’unité d’une personne ou d’un sujet 210-212. Mais, s’il y a deux natures, il n'y a qu'un unique. C’est le Verbe-Christ qui nous a créés autre­ seul être» car « le Verbe de Dieu, surtout après la dis· fois, cl c’est le même Verbe» qui, â la fois Dieu et pcnsation, est devenu un (Zv)avcc l'âme et le corps cle homme, est apparu récemment aux hommes. Protrep- Jésus ». Jésus est τι χρήμα. Contra Celsum, ticus, c. 1, n. 7, P, G., L vin, col. Gl. Cf. Paedagogus, L II, n. 9, col. 812. S'efforçant de définir de plus près 1. III, c. i, η. 1 ; c. n, n. 1, P. G., L vm, col. 236. Dans cette union, Origène la compare à celle du fer et du ce second texte, l’allusion à PhiL» n, G-7, est frap­ feu dans le fer rougi, et ajoute d'ailleurs que le coqis pante; Clément y parie de « cet homme» avec qui, et l'âme ne sont pas seulement associés au Verbe cohabite le Verbe» et qui «possède la forme du Verbe», κοινωνία, mais luisent joints ένώοιι /.ai ά>αχράσ<ι, par qui « est Dieu de Dieu et qui devient cet homme » une union et un mélange qui les a rendus participants (Jésus). Au 1. II, c, n, n. 19, col. 109, la communica­ delà divlniléctles a transformés en Dieu, ίίς6<Μ|Μτ3tion des idiomes apparaît; Clément y parle du sang ήέύτκίναί. Contra Celsum, 1. Ill, n. 41; De principiis, du Seigneur, du Verbe.—Origène, a son tour, expose 1. II, c. vi, n. G, coL 972-973» 213-214. Expressions la régie de fol, De principiis, 1. I, prrrf.9 n. 4» P. G., trop fortes évidemment, et qui doivent sc corriger t. xi, coL 117, affirmant non seulement l’incarnat ion, par cc qui est dit plus haut, mais qui montrent l’idée mais l’unité du Verbe devenu homme. C’est le même que l'auteur sc fait, et qu’il essaie de traduire, de Fils de Dieu, né du Père avant toute créature, qui s’est l’unité de Jésus-Christ. luit homme par l’incarnation, demeurant, quoique La communication des idiomes se retrouve. Contra homme, le Dieu qu’il était; c’est ce même Jésus-Christ Celsum, L III, n. G2, col. 988; J. VU, n. 17, col. 1445. qui est né et qui a souffert, qui est ressuscité et monté aux Ct. De principiis,!. ll,c. vi,n. 3. 5; 1. IV, n. 31, col. 211deux. Dans le Contra Celsum, 1. 11, c. ne, P. G., t. xi, 213, 405. Origène a été le premier à en formuler la loi col. 809, Origène reproche aux juifs de n’avoir pas et â en montrer la raison d'être dans l'union hyporeconnu la divinité de Jésus-Christ; il conclut en sta tique. affirmant que les chrétiens ne séparent pas le Fils Parmi les successeurs et disciples d'Origène, saint de Dieu de Jésus : le Verbe de Dieu, avec l’âme et le Denys d'Alexandrie affirme en Jésus-Christ, Dieu cl corps de Jésus, ont formé, après l’incarnation, un homme à la fois, deux volontés, qui attestent les deux être unique: ενγάρ μάλιστα μχτά τλν οικονομίαν γίγΜται naturesuniesen unsculsujcLFrag., P. G.,t. x, col. 1597, 1599. Les écrivains indépendants professent la même Γ.ρος τον Λογον του 0ΐου ή ύυχηχαί τό σο’ιμα Ίησου. doctrine. Citons saint Pierre d’Alexandrie» attestant La doctrinechristologiqucd’Origènc, qu’on attaque» comme ayant préparé le nestorianiscnc, voir Con­ l'existcnco des deux natures en Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, qui.se faisant homme» ne s'est pas dépouillé stantinople (II9 concile de), L m, coL 1251-1252, â deladivimté. Fragm , P. G.»Lxvui,coL 512, 521,509. cause de l’insertion du nom d’Origène dans Je 11« nnathématisme de cc concile, ne poux ait pas, malgré Saint Méthode d’Olympe professe que le Verbe s’est quelques traces de docétisme» mériter cette réproba­ fait homme (ένανΟρωπ^σας), Convivium. I, c. v; VIII, tion. M. Tixeront, op. cil., t. i, p. 293, en a fait un ex­ c. χίι;Ν, c. n,P. G., t xvrn, col. 45, 149, 193, que posé suffisant pour venger Origène de tout reproche l’union du Verbe et de l'humanité est intime (αννΓκόσας και συγκιράσας), III, c. v;mais que Jésus-Christ sérieux (à part la préexistence de l’âme du Christ) au point de vue christologlquc : « L’âme de Jésus-Christ, reste à la fois Dieu et homme, 111, c. iv, col. 68, 65. créée dès Je principe avec les autres esprits, était seule Lc dialogue De recta inDeum fide est peut-être plus ex­ pressif encore : le Verbe s’est incarné en la Vierge Ma­ restée absolument fidèle i\ Dieu, et, unie d’abord au Ixigos par son libre choix, elle avait vu cette union rie. 1. V, n. 3, 9; 1. IV, n. 15, sans sc transformer en sc transformer, par une longue habitude du bien, en chair, L IV, n. IG; la personne qu’il était n’a été ni une seconde nature et acquérir une immuable fixité. » changée ni détruite; le même qui est descendu des De principiis, 1. II, c. VI, n. 5, G, col. 213. Pour nous cicux y est remonté, 1. V, n. 7. Toutefois l’auteur sauver, le Logos ainsi uni ù l’âme, et par l’intermé­ emploie indifféremment des expressions assez peu ridiaire de l’âme, n. 3, col. 211, s’unit Λ un corps, mais I gourcuscs qui feraient penser, L V, n. 11 ; cf 1. I, n. 2. ù un corps beau et pariait, puisque chaque âme a Je â la dualité de personne, bien que sa doctrine soit cer­ corps qu'elle a mérité et qui convient au rôle qu’elle tainement orthodoxc»ct qu'il ne s’agisse que d’uncdnalilédc nature. Van do Sandc Bakhuysen, Leipzig. 1901. doit remplir. Contra Celsum, 1. VI, n. 75-77; cf. 1. 1, Cf. Tixeront,Hist, desdoqmes,!. i, p. 405,419,422, 425. n. 32-33, col. 1409-1416, 720-726. Jésus naît d’une vierge; sa naissance est réelle; il prend nos faiblesses, G. A Antioche. — L’EgUso d’Antioclie, elle-même, nos infirmités, notre possibilité; il accepte nos passions professe J’unltô ontologique du Christ. La lettre des légitimes et tout cc qui est de Pâme raisonnable. Contra six évêques du concile d’Antioche, contre Paul de Celsum, 1. Ln. 34-37,69;!. II, n.G9; 1. 111, n. 25;ci. Samosate (sur l'authenticitéde cette lettre, voir llcfelc. J. Il n. 9, 23; 1. J, n. GG; De principiis, J. IV, n. 31, Histoire des conciles, trad. Leclercq, l. î»p. 198, note 4, col. 725 sq., 788, 904, <48, 808, 841, 784, 405. Le do­ et Hardy, Lu lettre des six évêques d Paul de Samosate, 455 * HYPOSTATIQUE (UNION, 436 dans Recherches de science religieuse, 1916, p. 17-34) r dans scs œuvres» elle s'y trouve équivalcmnient. L’union de l’humanité et de Ja divinité est une ptraffirme que le Fils de Dieu est Dieu, et que, sans modifica­ tion dans l'essence divine, l'humanité lui a été unie et mixtio, une annexio, une connexfo et permixtio sociata. une transductio; Jésus est ex utroque connexus, contex­ /ut déifiée; qu'ainsi, c'est le même qui, en Jésus, est Dieu tus, concretus. ■ Cf. c. xi, xxiv, coi 932. 'fixeront, et homme, éternel parce que Dieu. Cf. Ilahn, §151, p. 181. Histoire des dogmes, t. i.p.356, Les Tractatus Origtnls, Une des hérésies de Paul de Samosatc était précisément qu’on a voulu, sans raison suffisante d'ailleurs, attri­ d'affirmer qu'en Jésus, le Christ était autre que le buer â Novation, présentent une doctrine semblable. Verbe. Cf. S. Athanasc, Contra Apollinarem, 1. II, Deux natures en Jésus-Christ, xi,édit. de Mgr Batiffol, c. in, P. G., t. xxvi, col. 1136. Voir plus loin, col. 465. Paris, 1900, p. 69; cf. xiv, p. 151, mais unies si Intime­ 7. La doctrine des Pères latins de cette époque est ment que c'est vraiment le Verbe qui a revêtu la chair, Identique. Le plus Important témoignage est celui quia pris la chair, qui a reçu la chair de l'homme, v,p, | De proscrip­ remplie de formules vagues. Tout en affirmant la divi­ tione, n. 13, P. L·, t. π, col. 26» Dans cette profession nité de cet homme Jésus. Arnobe, en effet, sc défend de foi, les attributs de l'humanité sont donnés à la d’affirmer que Dieu soit mort sur la croix; celui qui divinité. La même unité du sujet s’affirme dans la ! est mort, c'est l’homme qu'il avait révéla et portait en profession de foi du début du traité Adversus Praxeam, lui, c.Lxn, P. J.., t. v, col. 802. Le langage de Lactanco n. 2, P.L·, t. n, col. 156: c'est le Verbe, Fils de Dieu, qui est plus forme : la communication des idiomes ne l’cfa été envoyé par le Père dans la Vierge, est né d’elle irnic pas. C'est bien un Dieu qui a été affligé cl méprisé; â la fois Dieu et homme; c'est Jésus lui-même, ce qui a souffert de la part des mortels et des méchants; qui Jésus qui est mort. Au n. 27, Tertullicn conclut : n'a meme pas manifesté sa majesté au moment de sa videmus duplicem statum non confusum, sed conJune-' mort, mais s'est laissé conduire sans défense au juge­ tum, in una persona, Deum et hominem Jesum col. 190. ment, et, parce que mortel, mettre à mort. Institutiones, D'ailleurs tout le traité de Tertullicn Advenus Mar1. IV, c. xxn. xxvi, P. L., t. vi, col. 518, 526-531. cionem est rédigé pour réfuter la prétention hérétique On pourrait multiplier les auteurs et les textes, mais d'un Christ sans corps réel; le De carne Christi établit cc que nous avons dit de la tradition catholique au la réalité de l'humanité de Jésus. Le mot conversio, inet au me siècle est suffisant pour établir que les Pères dont à plusieurs reprises sc sert Tertullicn pour dési­ envisagent le Christ comme un sujet, une personne gner l’assomption de l'humanité par le Fils de Dieu, unique, en laquelle Ja divinité et l'humanité réellement n’implique pas l'idée d’un Changement dans Jadivinité. existantes sont unies d’une façon assez intime pour ne Cf. n. 3, P. L., t. m, coi. 10. Si Tertullicn insiste sur pas briser l’unité ontologique de cc sujet unique. Ιλ le fait de la nativité de Jésus, que niaient scs adver­ formule de l’union hypostatique n’existe pas encore saires, c’est que précisément cette nativité temporelle I dans l’expression, mais son sens jaillit dos tenues memes démontre la vérité de l’incarnation. Le Christ de qu'emploient les auteurs catholiques. Aussi bien, Tertullicn est · le Christ des Écritures, vrai Fils de avons-nous déjà trouvé chez saint Hippolyte, chez Dieu et vrai fils de l'homme, composé théandrique, salut Irénéc, chez Méllton de Sardes des formules do procédant de Dieu selon l’esprit, et, selon Ja chair, la notion d’hypostasc, de subsistence. L’union sub­ d’une mère vierge. En se revêtant de chair, le Verbe stantielle est presque indiquée par le prêtre Malchion, n’a rien perdu de sa divinité, mais il s’est manifesté contre Paul de Samosatc, affirmant le Fils unique dans la chair. La divinité, par sa nature, échappe à tsubslan/ié*, dans le Sauveur, id est unitum tout changement : il n'y a donc pas eu confusion de esse secundum substantiam, Fragm., iv, P. G., t. x, deux substances en un tiers produit qui ne serait col. 259. Aussi notre étude exige désormais que nous ni Dieu ni homme, mais bien conjonction en une per­ nous en tenions aaux formules plus directement prépa­ sonne de deux substances, dont chacune accomplit ratoires de la formule définitive. Ces formules prépa­ distinctement les actes qui lui sont propres. » D'Alès, ratoires seront l’œuvre des écrivains du iv< siècle, surLa théologie de Tertullicn, Paris, 1905, p. 198. Sur toutdes Pères grecs. L’unité ontologique du Christ est la christologie de Tertullicn, lire le c. iv de l’ouvrage présupposée ù toutes ces formules; la communication du P. d’Alès des idiomes atteste constamment la foi en cette unité. 8. Novaticn, malgré certaines précautions de lan­ Nous ne relèverons donc pas spécialement cc qui a trait gage, que jnstifient d'ailleurs ses préoccupations ù ces deux points, et nous nous en tiendrons stricte­ apologétiques, identifie en Jésus l'homme et Dieu : ment à la préparation directe de la formule de l’union La sainte Écriture, dit-il, De Trinitate, c. xi, P. L.. hypostatique· t. m, col. 901, annonce que Dieu est le Christ, tout aussi 4° Préparation immédiate de la formule catholique par les Pères du J v· siècle. — 1. Λ Alexandrie. — Saint bun qu'elle annonce que cct homme lui-même est Dieu; elle décrit Jésus-Christ homme, tout autant qu'elle Alexandre d’Alexandrie, avant saint Alhnnasc, a décrit le Seigneur Christ Dieu. Cette dualité d'élé­ laissé une profession de fol < en Jésus-Christ, Notrements le met en garde contre les formules qui attri­ Seigneur, qui a pris chair en vérité et non pas en appa­ rence.... n et é cruci fié, est mort. sans que la dl vinit oen ait buent à Dieu la mort et les souffrances; il a soin de le préciser. Cf. c. xxv, col. 931-936. En tout cas, l’unité reçu de diminution, est ressuscité des mort s. s’est élevé nu ciel où il est assis a la droite de la majesté’». Epist. personnelle de Jésus est affirmée pnr Novaticn : ♦ Si ad Alexandrum Constantinop., η. 12, P. G., t. xvm, l'expression una persona ne sc trouve pas explicitement Λ 057 HYPOSTATIQUE (UNION) col. 568. A noter que cette lettre contient déjà l'ex­ pression τό ατριπτον του Λόγου, préludant ainsi aux for­ mules de Chalcédoine, n. 11, col. 565. Mais c’est sur­ tout saint Athanasc qui pose les termes du problème de l'union hypostatique. Encore que scs expressions n’aient pas la rigueur des formules du siècle suivant, clics donnent cependant une idée exacte du dogme. Sur la christologie do saint Athanasc, voir Voisin, La christologie de saint Athanasc, dans la Rt vue d'his- | foire ecclésiastique, Louvain, 1900, et A riiANASB(Sataf), t. r, col. 2170, 2171. Saint Athanasc est précoccupô avant tout de défendre la consubstantialité du Fils. ; 11 part doue tout naturellement du Verbe pour cxpli- I quer toute l'économie dis inc de l’incarnation. Le Verix} s’est fait homme, Oratio de incarnatione, n. 8; Contra arianos, 1. 1, c. xuv; 1.11, c. lu, lxîx; mais en i sc faisant homme, il n’a ricn perdu de sa divinité. J Ad Adelphios, n. 4; cf. Oratio de incarnatione, n. 17; Contra arianos, J. I, c. xui. Dans quelle relation se trouve l'humanité par rapport à la divinité? Apolli­ naire, voir plus loin, résolvait le problème par le mono­ physisme. Athanasc répondra aux idées subversives d’Apollinaire, d’une façon indirecte tout au moins dans les écrits que l’on peut certainement lui attribuer : c'est, en eflct, directement contre les ariens, afin de maintenir la divinité du Verbe, qu'Athanase enseigne la distinction des natures. Même après l’union, il y a, en Jésus-Christ, deux formes, deux choses. Fragm., P. G., t. xxvi, col. 1256, 1257. Mais il insiste pareille­ ment, avec force, sur l’unité du sujet : c Autre (ιτιρος) n’était pas le Fils de Dieu qui était avant Abraham, et autre (ιτιρο;) celui qui était après Abraham; autre celui qui a ressuscité Lazare, autre celui qui question­ nait sur Lazare, mais c’était le même (ό αυτό; ην), qui, en tant qu’honune, demandait :< Où gît Lazare ?> et qui, en tant que Dieu, le ressuscitait; le même qui, corporcllemcnt et en tant qu’homme, crachait, et qui,divi­ nement et en tant que Fils de Dieu, ouvrait les yeux de l’aveugle-né; qui souffrait dans la chair, comme l’a dit Pierre, et qui, commt Dieu, ouvrait les tombeaux et ressuscitait les morts. > Tomus ad Antiochenos, n. 7, P. G., t. xxvi, col. 801. Cf. De sententia Dionysii, η. 9, t. xxv, col. 492; Oratio de incarnatione Verbi, η. 9, éol. 112; Adversus arianos, orat, i, n. 42; n, n. 69; m, n. 31, 34, 41 ; De incarnatione Dei Verbi et contra arianos, n. 21, P. G., t. xxn, col. 100, 292, 389, 396, 409, 1021. C’est à tort que certains auteurs attribuent ù saint Athanasc une conception apollinaristc : s’il emploie des formules où l’humanité semble exclusivement dési­ gnée sous le nom de chair, c’est parce que l’usage et la tradition ont consacré ces formules. Cf. Voisin, art. cil. Mais, dnnsloConfra Apollinarem (dont routhentidtô est toutefois contestée; sur l'authenticité, soir Voisin, L'apotlinarisme, Ixmvain, 1901, p. 73-75), les formules indiquant l'unité du sujet sont plus expressives. L'union hypostatique est désignée non seulement par le terme ίνωσις φυσική, 1. I, n. 10; 1. II. n. 5, P. G., t. xxvi, col. 1109, 1140, mais encore par la formule littérale, καθ’ ύπόστασιν ; la chair du Verbe ne lui est donc pas consubstantielle, car cc qui est consubstan­ tiel n’admet pas l’union selon l’hypostasc,mais l’union selon la nature, προς τύ δ^οούσιον ϊνωαιν χα6* ύπδστασχν ούχ Hto /ομ-νόν /στ tv, αλλά κατά φύσιν, 1. I. η. 12, col. 1113. Cf. η. 16, où l’unité du Christ est dite καθ' υπαρξιν άνιλιπή, et ainsi le Christ est il;, un, κατά πάντα Οιόςχαί άνθρωπο; ό αυτός; cf. J. II. η.2.5, col. 1124,1133, 1110. Cette unité est sans confusion ni mutation, άτρ:πτως, ασυγ'/ύτως, I, c. x, col. 1109, 1113. Plus loin, 1. II, n. 26, col. 1160, il parle du Verbe qui s’est uni, συγκιράσας, une chair non subsistante, άνυπόστατον, une chair dans laquelle il est vrai d'affirmer la passion du Verbe, et les souffrances d’un Dieu, sans tomber dans l’erreur des ariens. 058 C’est la communication des idiomes qu’Athanase accepte pleinement. Epistola ad Adelphium, n. 3, coL 1076. Sous quelle forme concevoir l’union des natures en Jésus-Christ? L'imprécision de la terminologie à cette époque permet aux Pères l’emploi d’exprest.ans plus tard condamnées : ainsi saint Athanasc dira qu’en Jésus, l’humanité est la demeure, le temple, V organe, le revêtement de la divinité. Contra arianos, orat. m, n. 34. 52; Ad Epictetum, n. 2, 4, 10; Ad Adelphium, n. 3, 4; Oratio de incarnatione Verbi, η. 42» 43, 44; Fragm., P. G., t. xxvi, col. 396, 433, 1053, 1056, 1063, 1076, 1077, 1240; t. xxvi, col. 169-176. Mais ces expressions sont corrigées par d'autres où la nature humaine appurait comme appropriée par le Verbe. Le corps est le corps du Verbe; la chair est divinement portée par le Verbe. Cf. Ad Epictetum, n. 6; Contra arianos, 1. III, c. xu; cf. c. un, uv, i.vi. Toutefois, il n'y a pas confusion entre les natures: cf. Adversus A poll ine­ rt m, 1. I, c. x, col. 1109, 1113. C’est encore en tâton­ nant que le docteur alexandrin cherche les formules aptes à rendre la pensée catholique. Didyme ΓAveugle, à son tour, pose les deux termes de l’union, la divinité et l'humanité, en Jésus : il en­ seignera même expressément la dualité des volontés. De Trinitate, I. III,c. xn, P. G.,t.xxxix,col.860. Mais, nonobstant les deux natures, Jésus est un seul sujet : il y a en lui άλλο et άλλο, niais non pas άλλο; et άλλο;· Cf. De Trinitate, I. I, c. xxvn; 1. 111, c. vi; De Spiritu Sancto, η. 52. col. 397, 844, 1077. Le texte suivant, In psalmos, col. 1232, est encore plus près des formules définitives, λιίπιται κατ’ οικονομίαν άνίιρωπ·νη>; ιίρηβύκι ταυτα ύ·ό του Q9coÛ λόγου σαρχ'οΰίντο; ατριπτ»ο; κζΐ τιλείω; καί άληόύϊ;· ώς έξ ίνο; γαρ προσο>που τα πάντα' λιλίξιτα: τα τι Οιωπριπη καί άνίιρώπινα. Cf. In 1 Pct.; in I Joa., col. 1768,1770,1800,1801. On remarquerai em­ ploi du termo άτρίπτο»; voir également De Trinitate, 1. I, c. xx: L II, c. vn, viu;l. Ill, c. m, vi, xm. xmit, xx, xxi ; In psalmos, col. 372, 589, 821, 84 1, 857, 861, 896, 901, 913, 1232. Cf. Bardy, Didyme l'Aveugle, Paris, 1910, p. 122-124. 2. Les Pères Cappadociens. — Les nécessites de la controverse arienne ont amené Athanasc et Didyme à formuler, en christologie, la distinction des natu­ res. En combattant ouvertement l’apollinarisme, les Cappadociens aboutissent au même résultat. Après 1 union, le Sauveur est à la fois Dieu et homme, deux natures, φύσης uiv γαρ δύο, Οιύ; καί άνθρωπος ou encore autre chose et autre chose. S. Grégoire de Nazionze, Epist.. a, ad Cledonium; Oratio, n, n. 23, P. G., t. xxxvn. col. 180; t. xxxv, coL 432;Ampblloquc, Fragm., xn; ci. n. vu, xi. Les deux natures sont sans confusion : Jésus-Christ, dit Amplüloquc, a gardé en lui la propriété, sans confusion, des deux natures hétérogènes, τών δύο ψύσιιον τών έπρούσιων ασύγ/υτον την ιδιότητα, Fragm., ιχ: cf. χιι, χν, χιχ, P. G., t. χχχιχ, col. 105,109, 113, 117. Voir également la même doctrine exprimée parsaintGrêgoiredcNysse, Antirrhelicus, n. 42, P. G.,t. xlv, col. 1221 ; saint Gré­ goire de Nazionze, Epist., xxxvm, n. 13, P. G., t. xxxvi, col. 325. Les mots άτρϊπτως. άσυγ/ύτως, qui deviendront j>our ainsi dire des signes de ralliement au concile de Chalcédoinc» sc trouvent déjà sous la plume de ces auteurs. S. Grégoire de Nysse, Adversus Eunomium, I. V, P. G., t. xi.v, col. 705. Mais l'uni!é substantielle de la personne n’est pas moins nettement affirmée. Amphlloque : « O humanité qui s’est corpo­ rellement unieà la substance du Verbedivin «,σ^ιματιχώ; ούσ·.<·>σσσα. Oratio in Christi natalem, n. 4. Cf. Oratio I’ in diem sabbati sancti, n. 2; Fragrn ,ιιι, P. G., t. χχχιχ, col. 41,92, 100; S. Basile, Epist., ca.xi, n. 2, 3, P. G., t. xxxii, col. 969, 972: Ilomit. in sanctam Christi generationem, P. G., t. xxxi, col, 1460; et pseudo­ Basile, Adversus Eunomium, J IV, P. G., t. xxi.x, col. 459 HYPOSTATIQUE (UNION) 460 704. La communication des idiomes est employée) par * pas autre ct autre; car les trois sont un ct Identiques Grégoire dc Nysse, Contra Eunomium, J. V, col. 705, par la divinité. » Epist., ci, P. G., t. xxxvn, col. 180. 697; Gregoire dc Nazianze,Ora!,, xxxvni, n. 13, P. G., La conséquence de l'unité personnelle du Christ L xxxvr.col. 325. est la maternité divine do Marie; saint Grégoire de L'unité substantielle serait déjù suffisamment affir­ Nazianze proclame la Vierge mère de Dieu, βιοτόχον mée par 1rs termes dont sc servent les deux Grégoire παρθένον. Oral., xxix, n. 4, P. G., t. xxxvi, col. 80; pour désigner l’union : ptft;, xpâatç, σύγχρασις, xoir cf. Epist., ci, L xxxvn, col. 177. Le mot Giotôm; plus haut, col. 411, ou encore par les comparaisons avait d'ailleurs été déjà employé par Origène, au dire qu’ils emploient : dans la ir· lettre ù Clédonius, saint de Socrate, Ji. E., 1. VU, c. χχχπ, P. G , t.i xvn,co).82; Gregoire de Nazianze compare l'humanité à une lampe par Pierius, au dire do Philippe de Sida, Fragm., Texte dont la flamme sc mêle â la flamme d’un brasier, qui und Untcrsuchungen, Leipzig, 1888, t. v, p. 171,181 ;par représente la divinité, P. G., t. xxxvtn, coL 185; Alexandre d’Alexandrie, Epistola de ariana himsi, saint Grégoire de Nysse compare l’élément humain n. 13, P. G., L xvin, col. 568; par Denys d’Alexan­ é une goutte de vinaigre perdue dans l’Océan, Antir- drie, Mansf, t. t, col. 1085; par saint Athanasc, Oratio, rhdicus, n. 42; cf. Epist. ad Theophilum Antiochenum, ni, contra arianns, n. 14,20,33, P. G.,t. xxvi, col. 350, P. G., t. xlv, col. 1221, 1275. Encore que ces termes 386, 394; par Didyme, De Trinitate, 1. I, c. xxxi; furent accaparés dans la suite par le monophysisme, 1. II, c. iv; 1. III, c. vi, xlï, n. 3, P. G., t. xxxix, l'orthodoxie dc la pensée des Pères qui les emploient coi. 421, 481, 484, 818, 988; par saint Basile, ln apparaît nettement du contexte, tout comme elle S. Christi generationem, P. G., t· xxxi, col. 1468; par reste intacte, nonobstant certaines autres expressions saint Grégoire de Nysse, Epist., n, P. G., t. xlvi, quclcncstorinnlsmcn’anrait pasdésavouécs.Saint Gré­ col. 1024, ce dernier remplaçait volontiers βιοτοχο; goire dc Nazianze, Oral., xxix, n.18, 19; xxx, n. 1, 7, par Ocooo/q;, qui fit fortune chez les nestoriens,ct par 13, 21, a plus d'une tournure qui laisserait supposer Apollinaire, voircol. 470. Voir Amphilochius, L ï, col. une union simplement morale entre les deux éléments 1121-1123; Basile (Sainf), t.n,col. 451-154; GiùIgoirb dont est formé le Christ; saint Grégoire dc Nysse de Nazianze (Saint), t. vi, col. 1842-1843; Gn^oome parait, lui aussi, distinguer deux personnes en Jésus- de Nysse (Saint), t. vi, col. 1851. Christ : le Verbe habite dans l’homme comme dans 3. En Palestine, saint Cyrille dc Jérusalem pro­ un tabernacle; la divinité est dans celui qui soutire. fesse la même doctrine ct, lui aussi, prélude aux for­ Contra Eunomium, 1. V, P. G,, t. xlv, col. 700, 705; mules postérieures dc la définition de l’union hypoAntirrhdicus, n. 42, col. 1222. Saint Basile parle dc la statique. La christologie dc Cyrille est le commentaire chair dêifèrc. In ps. ux, 10; xlv, 5, P. G., t. xxix, dc la formule du symbole hiérosolomltain, πιστιΛαιν col. 468, 424; Epist., cclxi, P. G., t. xxxu, col. 969. et; ένζ χύριον Ίησουν Νριστόν, Voir t. m, col. 2540. Saint Grégoire dc Nazianze défend, contre Apol­ On peut affirmer qu’elle s oppose, avec une netteté linaire, l’expression d'homme déiférc. Epist.,u, P. G., remarquable, aux erreurs postérieures ct opposées t. xxxvn, col. 200. Sur ces formules moins strictes, dc l’cutychianismc ct du nestorianisme. Il affirme voir Petau, De incarnatione, 1. Ill, c. n, n. 8, 9, 17; l’unité du sujet en Jésus-Christ, Cal., x, n. 3, P. G., cf. A. J, Mason, 7 he flve theological orationso/ Gregory t. xxxiii, col. 662; le Christ n’est pas un homme déifié, of Eazianzus, Cambridge, 1899, Introduction, p. xvi- glorifié en récompense dc scs mérites, il est le Verbe xix. Mais saint Grégoire de Nazianze parle expressé­ préexistant qui s'est fait homme. Cat., xu, n. 3, ment dc Vunité dc Notrc-Scigncur. Pour parler correc­ col. 729; cf. Cal., xi, n. 5; xn, n. 4, col. G9G, 729. Voir la tement, il eût fallu toujours dire que Notrc-Scigncur Cat., xin, dont les expressions ne peuvent s’expliquer était un (il;), comme Grégoire l'affirme dans Y Oral. que par l’union hypostatique et la communication xxix, n. 19:dire qu'il est une chose formée dcdeux élé­ desidiomes. Voir pourplus dedévcloppcmcnts,CYiuLLE ments (év c; άαψοΐν, tv b. των δυο), est en soi incor­ de Jérusalem (Saint), t. ni, col. 2550. Le Oiotoxo; est rect : l’expression revient cependant fréquemment aussi consacré par le langage dc saint Cyrille, Cal., x, chez saint Grégoire de Nazianze, Oral., n, n. 23; n. 19; xn, n. 1, col. G.S5, 725. xxxvn, n. 2; xxxvni, n. 13; Epist., n, P. G., t. xxxv Dc saint Cyrille dc Jérusalem, il faut rapprocher col. 432: t. xxxvi, col. 13,41, 325;t. xxxvn, col. 180. saint Épiphanc, témoin précieux dc la fol catholique Cf. Carmen de vita sua, vers 633 sq., P. G., L xxxvn, au iv" siècle. Les formules qu’il emploie sont pour ainsi col. 1073-1074 : imprécisions dc langage qu’autorise dire la préparation immédiate dc la formule définitive. la sécurité dc lu foi à l’époque où vivaient ces auteurs, Son symbole dans VAncoratus, ]f. G., t. xlih, col. 231, les grandes controverses ne s’étant pas encore pro­ précise que le Fils s'est incarné (αϊοζωΟέντζ), qu'il duites, et dans lesquelles il ne faut nullement trouver s'est fait homme (ί /ζνΟρωπηταντα), prenant l'humanité des tendances opposées ct « parfois inquiétantes ». I parfade, âme, corps, esprit, d tout cc qui appartient Λ N'est-ce pas, d’ailleurs, saint Grégoire de Nazianze Γhomme, sauf le péché, de façon, non pas qu'il habitât qui a fourni, l’un des premiers, les éléments dc la for­ en un homme, mais qu'il rapportât en lui-même sa mule définitive touchant l’union hypostatique, pré­ chair en se Γunissant dans son individualité une d cisément dans cette lettre à Clédonius, d’où l’on extrait sainte (<ίς tzjrôy σχρζχ αναπλάσζντα (·’; μίαν αγίαν par ailleurs quelques formules incorrectes? 11 ne sc ίνότητζ). Jl voulut être homme parfait, car le Verbe contente pas d’affirmer que l’union en Jésus-Christ s'est fait chair, sans en éprouver en lui-même aucun c t κατ’ ουσίαν, indiquant par là qu’il ne saurait être changement (ou τροπήν ύποστας), ni que sa divinité lût qucs'don d'une union purement accidentelle, mais il changée en la nature humaine, mais au contraire en touche au point précis dc l'union dans l’hypostasc réunissant l'humanité à la divinité dans l'unité sainte unique : « 11 y a en Jésus-Christ deux natures: il est de sa propre perfection (tt; μίαν συνιν<Ασαντα άαυτου Dieu ct il est homme,... mais il n’y a pas deux Fils ni αγίαν τιλιώτητά τι χαΐ Οιότητα). Car Je Seigneur Jé­ deux Dieu...; autre ct autre (άλλο xsi άλλο) sont les sus est un ct non pas deux : c'est le même Dieu, le éléments dont est constitué le Sauveur..., mais lui ; même Seigneur, le même Bol (ιις γάρ ιστί κυρως Ίησου; (le Sauveur) n'est pas un autre ct un autre (άλλος xal Χριστές χαΐ ou ojo, ό αυτός 0:4ς, ύ αυτός χύριας, ό αυτός άλλο;), car les deux éléments sont un par l'union, faatAcu;).L'individuulité, la perfection de la personnalité Dieu devenant homme ct l'homme devenant Dieu... unique du Verbe incarné est nettement indiquée, Je dis autre ct autre, contrairement à ce qui existe tout comme l’absence de mutation dans la divinité, dans la trinité : car lé, il y a un autre ct un autre, pour Cf. n. 33. col. 77. Mais, après l’hérésie xx, n. 4. P. G., que nous ne confondions pas les hypostases, mais non t. xu, col. 277, l'union des natures en Jésus-Christ 0G1 I I I i ' I 1 HYPOSTATIQUE UNION) 4€2 dans la même hypostase est proposée comme la doc­ postaliquc. Citons cependant saint Ambroise, De incar­ trine reçue dans l’Église : Λόγος αννινώοας (corps, natione, c. v, n. 35, allirmant que le Christ, dans le Ame, esprit), et; ένότητα xxi ρίαν χ/υιχατιχην (nw- « mystère de l’incarnation, est non pas divisé, mais un : στατιν. C’est déjà presque la formule ct c’est déjà tout utrumque un us, cl unus in utroque, hoc est in divini­ Λ fait le sens du dogme dc l'union hypostatique : for­ tate vel corpore; nonentm alter ex Patre, alter ex Virgine, mule ct sens que l'on retrouve â l'hérésie lxxii, n. 29» ted idem aliter ex Paire, aliter ex Virgine, P. L·, t. xvi. P. G.,t. xui, col. 68Ί. O J όύο Χριστούς σύ,ούο col. 827. Cf. De fide, 1. H.n. 77, 57,58,60;!. III. n. 8; £χσιλ£χ; Υιού; Θιού» αλλά τον α^τον Ηιο>, τον αυτόν 1. V, n. 107, ibid., col. 576, 571, 572, 591, 670; S. Hilaire, Dc Trinitate, L IX, n. 3, 14; L X, n. 22, 23, χ7θρ*«>Γον· ο>/ ως έν ανΟρώπω ο’χ/.σζντχ, a//, αίπο·/ο/ον ένα>Ορο»πήσαντα. « Ό Λόγος σάρξ ίγίνιτο. » Oi γαρ 34, 52, 62» 63;cf. 1. IX, n. 14; 1. X, n. 47; Phebadius, ιιπ<ν. Ή σάοξ Λόγος γένιτο» ίνα οιίξη πρΛτον Λόγον Liber contra ananas, c. v, xvin; De Filii divinitate, όπούρΛνών έλΟόντα, ci; έαυτον οό ζοστήοαντα την ίναν c. vm, P. L·, L xx, coL 16, 26, 45 sq.; Victoria» Advenus Arium, L I, n. 45, P. L., L vm, coL 1075; ΰρώκησιν τίλιίως ci; «αυτό·/ άναπλισάρίνοο· Ci. lxix, cf. n. 14, coL 1048; In EpisL ad PhiL, c. n, v. 6-3, n. 26, col. 215. Cavallcra, Thesaurus, n. 661. •1. L’école d'Antioche» malgré scs tendances nette­ coL 1208; Nicetas, Explanatio sijmboli, n. 1-6, P. L., ment prononcées en faveur d’une distinction bien t. ui, coi. 866, 870; S. Jérôme, EpisL, exx, n. 9; In EpisL ad Gal., 1. I, c. I, 11; In Mattherum,L IV, marquée entre les deux natures, par réaction contre c. xxvm, 2, P. L, L xxvi» col. 322, 216; S. Dam asc, l’apollinarismc, témoigne cependant, au cours du iv· siècle, de la foi catholique en l’unité substantielle Epist. ad Paul in um Antiochenum, P. L·, t. Xin» col. de Notrc-Scigncur. Le représentant dc l’orthodoxie 356 ; cf. Con/essio fidei catholica, cob 360. Dans catholique Λ Antioche est, à cette époque, saint Eu- tou testes affirmations des Pères latins, dont quelquesstathe, dont la doctrine christologique» quoique prê­ unes semblent préluder à la lettre dc saint Léon tant parfois à discussion, semble bien, dans l'ensemble à Flavien» · peu, très peu dc philosophie : rien des (autant que les rares fragments que nous possédons de longues dissertations sur la personne ct la nature ses œuvres permettent dc |>orlcr un jugement), repro­ où sc complaira le génie grec; mais I énoncé très duire la foi en l’union hypostatique. En lire le ferme de ce qui est la foidc l’Église, foi plus sentie encore qu’lntellectuePemcnt analysée κ Tixeront» résumé à Eustathe d'Antioche (Saini), L v, col. 1563. On no peut passer sous silence saint Jean Chry­ Histoire des dogmes, L n, p. 293. IV. Contboverses. — Les tenues du problème sos tome» dont la doctrine s’inspire souvent des prin­ sont désormais nettement posés. D’une part, unité cipes dc l’école anliochicnnc. Nous avons déjà vu de sujet, dc personne, comme on dira plus tard; d’au­ qu'il désigne l’union sous le terme de owàftcx» plus tre part» dualité des natures, chacune prise en elletard adopté par Ncstorius; néanmoins, la doctrine du même’, complète ct parfaite; puis, union substantielle, grand évêque est pleinement orthodoxe. Dans son commentaire du ps. xlv, il affirme la dualité dc na­ sans cependant que la divinité subisse un changement ou que la « fusion », le · mélange », en un mot, « 1 union » ture» la divinité et la chair, qui cependant sont unies. Et, commentant Γ Évangile dc saint Jean, Et produise une troisième nature résultant des deux Verbum caro /actum est, il insiste sur le caractère blas­ autres; cntln, communication des idiomes, mani­ festant la vérité dc tout cc qui précède. Il semble que phématoire du monophysisme. Le Verbe n'a subi la définition du dogme si clairement professé dût aucun changement dans sa substance» mais? demeufacilement être prononcée; mais précisément, parce rant ce qu’il est, il a pris la forme d'esclave· P. G., t. Lv, col. 183 sq.; t. ijx, col. 79. Mais, ù l’inverse,le que cette définition devait avoir pour occasion la même Père insiste sur l’unité de la personne ct dc condamnation solennelled’héretiqucs démarque—et l’hypostasc, dans sa lettre au moine Césaire» P. G., d'hérétiques orientaux — elle sera précédée de dis­ cussions, longues, subtiles ct parfois passionnées, t. LU, col. 760. 11 devient donc facile d’expliquer en bonne part certaines formules qui pourraient laisser dans lesquelles les champions de l'orthodoxie euxsupposer que saint Jean Chrysostoinc eût admis mêmes emploieront des expressions forcées, que l’Église ne ratifiera pas dans la suite. La période deux personnes en Jésus-Christ. Cf. in EpisL ad des luttes relativement au dogme de l'union hypoJlcb., c. î, homil. ni, n. 1, J\ G., t. lxiii, col. 28 sq. statique présente une double phase, la lutte contre le De plus, nilinner que l’humanilô est la tente, le temple, nestorianisme, ct la lutte contre le monophysisme, le dc la divinité, in Joa., loc. cit.; In p.<. xur, n. 2, nestorianisme, relâchant les liens de Tunion hyposta­ n'est pas préconiser la théorie nestorienne. Nous tique nu point u’idmcllre en Jésus deux personnes avons déjà rencontré ces expressions chez saint Allia physiques dans la même personnalité morale, le mono­ nnsc ct chez les Pères cappadocicns. Voir col. 438, physisme. resserrant â l'excès ces liens ct n’admettant 459, ct Petau, De incarnatione, L VII, c. x sq.; qu’une nature dans le Verbe incarné. Il ne saurait être ces façons de s'exprimer sont des comparaisons fort question dc refaire, à propos du dogme de l’union utiles pour faire comprendre la distinction des natures hypostatique» l’histoire du nestorianisme et des luttes et même l’unité dc personne. Cf. Janssens, Dc Deo de saint Cyrille d’Alexandrie, pns plus que l'histoire honünc, Fribourg-en-Brisgau» 1901, p. 120-121. 5. On doit signaler également au rv· siècle la tra­ du monophysisme. Conformément au programme du dition catholique chez les Pères syriaques. Voir dictionnaire, ces sujets doivent faire ou ont déjà fait la matière d'articles différents et notre dessein ici Aphraatc, Demonstrationes, xvn. n. 2; Bouct dc Journe peut être que dc coordonner en une suite logique ncl, n. 692; Patrologla syriaca, 1.1, col. 787, cl surtout les différents épisodes dc la controverse chnstologique saint Éphrem, dans scs sermons sur la semaine sainte, ct de montrer comment la lutte contre l’hérésie a vr.n.9: «Dans la divinité et l’humanité qui furent unies hypostatiquement. dans l’humanité dont il usa divi- i préparé les formules définitives dc la foi catholique. t° Observation générale. — Les discussions christonement cl humainement..., le Fils de Dieu qui s’est fait homme, reste lul-mêmo unique, sans division. » logiques au sujet de l'unité de la personne en JésusBouct de Juurncl, Enchiridion patrirticum, n. 709; Christ, tout comme les discussions trinilaires au sujet Lamy, Hymni ct sermones, t. î, p. 476; cf. Éphrem des trois personnes divines, ont été nécessaires pour (Saint), l. v, coL 191-193. arriver, dans la théologie catholique, à préciser les 6. Dans l’Église latine, l'absence dc préoccupation concepts de personne» d'essence et de nature. C’est apologétique laisse moins dc place, dans la pensée des parce que les hérétiques identifiaient complètement Pères, à l'exposition du dogme touchant l’union hy- | ces trois concepts, qu'il leur devenait impossible 463 i i HYPOSTATIQUE (LN ION', d’cxpljqucr l'incarnation ou la trinité en regard du dogme catholique L’art. Hypostase a précisément démontré que les hérésies même < les plus opposées, sabellianisme, arianisme, trithéisme, nestorianisme, monophysisme de toute espèce, reposent toutes sur un principe philosophique faux. Dans les questions trinitaircs elles affirment que toute substance, y com­ pris Γουσίι divine, par 1Λ même qu elle est singulière, ne peut être commune ù plusieurs individus distincts. Aussi, là où il n’y n qu’une essence singulière, il n’y a aussi qu’un seul sujet dont elle est l’essence. Donc, en Dieu, ou bien, s’il n’y n qu’une essence, il n’y a aussi qu’une hypostase; ou bien, s’il faut admettre trois hypostases, il faut admettre pareillement trois es­ sences. Dans les questions christologiqucs, ils posent en principe qu’une oSra singulière ct entière est néces­ sairement en elle-même ct par soi subsistante, cl, à cause même dc cette conception, que la dualité des natures en Jésus-Christ implique la dualité d’hypostases, hypostase divine ct h\posla>c humaine, ou bien, au contraire, que l’unité d’hypostasc oblige ù conclure ù l’unité d'essence ou de nature. · Franzelin, De Verbo incarnato, Borne, 1871, p. 177. Le dogme catholique a obligé, au contraire, les Pères dc l’Église à considérer avec plus d’attention les idées d'essence, de nature, d’hypostasc, de personne, ct d’introduire dans ccs concepts philosophiques les nuances ct les distinctions que les hérétiques ne savaient pas y mettre. «LesPères ont remarqué que,si la raison seule ne peut arriver Λ concevoir comment l’essence singu­ lière est ou peut être commune ά plusieurs individus, la foi nous oblige cependant à admettre qu’il en est ainsi dc l’essence divine; dc même, qu’il est Certain * qu’une substance singulière, entière, réellement exis­ tante, la nature humaine dans le Christ, n’est pas par soi un homme distinct du Verbe, mais que c'est le Verbe lui-même devenu homme par cette nature humaine prise par lui ct faite sienne. En raison de cette double vérité révélée, ils comprenaient que la definition philosophique péchait par quelque endroit, ct ne pouvait s’appliquer à l’essence infinie de Dieu ni à la substance créée, mais subsistant selon un mode surnaturel; ct qu’en conséquence, faux élait le prihdpo des hérétiques, qui concevaient toute substance singulière comme une hypostase, ne pou­ vant être commune à plusieurs individus distincts ct devant nécessairement subsister parsoi ct séparément,a Ibid., p. 177-178. Dc lù l’évolution que nous avons signalée, relativement au concept d’hypostasc, pris d’abord selon son acception ordinaire dc réalité sub­ sistant en soi ct non point en autrui. Voirl Iypostase, col. 385 sq. Nous n’avons pas à revenir ici sur cette évolution dc la philosophie chrétienne, ct nous nous contentons de la rappeler en vue d’une intelligence plus complète des controverses relatives à l’union hypostatique. 2e Les controverses du il* siècle. — Les hérésies anterieures au ni· siècle, et concernant la personne de Noire-Seigneur Jésus-Christ, ne visent pas direc­ tement l'union ct le mode d'union des natures en une personne unique. Elles sont toutefois l’occasion pour les Pères dc l’Église dc formuler le dogme dc l’unité substantielle du Christ, Dieu et homme; mais la controverse ne porte pas, directement du moins, sur ce point spécial du dogme catholique. Le gnos­ ticisme, aboutissant nu docétisme, niait la réalité même de l'incarnation : Jésus, le Jésus dcl’Évangikx n’est que le réceptacle passager d’un don supérieur, émané dc Dieu. VoirBasiudf., t. n, col. 471 ;Docétîsme,t.îv, col. 1481-1501 ; Gnosticism» , t. vi, col. 1461-1162; Marcion. Cette erreur est, pour les Pères qui l’ont combattue, l’occasion d'ûflirmcr que le Verbe n'est pas en Jésus comme en un réceptacle, mais que le Verbe 464 est bien Jésus, qu’il est Dieu ct que ce même Jésus qui est Dieu est aussi homme. Des réfutations que les Pères, notamment saint Irénéect Tcrtullien,ont faites du docétisme, voirl.iv, col. 1 193-1 190, on a retenu ici, col. 45Î-I52, les textes qui ont trdlt di rec lenient ù l’unllé substant icllcdu Christ, Dieu ct homme. AI a conception gnostique se rattache le docétisme de Cérinthe, voir ce mot, t. n, col. 2153-2151, dont saint Ignace, saint Polycarpe et plus tard saint Irénée ct saint Hippolyto nous ont conservé les Idées originales, ct l’cblonlsinc, voir t. iv, col. 1990, si voisin des erreurs de Cerinthe ct de Carpocralc en matière christologlquc. C'est encore en luttant contre l’adoptianisme naissant cl proposé par la secte des aloges, voir ce mot, 1.1, col <898-901, que les Pères ont l’occasion de formuler la doctrine catholique. Cf. d'Alès, op. cit., p. 101-109. Ici, c'est la divinité même de Not re-Sclgncur qui est directement en jeu. Voir aussi Elcêsaites, t. iv, col. 2236. L’hérésie des patripasslens ct du monarchlanismc, voir ces mots, servit également â préciser la pensée catholique sur la distinction du Père et du Verbe, la réalité de l'incarnation du Fils ct l’unité substantielle dc Jésus. C’est à propos dc toutes ccs hérésies de la primitive époque, que les Pères ont pu nous laisser les formules rapportées plus haut ct qui marquent la doctrine catholique relativement à l’union hypostatique. Nous avons dit que ccs différentes hérésies ont été pour les Pères l’occasion dc formuler le dogme do l’unité substantielle du Christ, ά la fois Dieu ct homme. C’est donc une erreur dc ne distinguer dans le chris­ tianisme, même aux n· ct iïi° siècles, epic deux grands courants d'opinion (c’est l’erreur de Harnack, dans son Histoire des dogmes, touchant le dogme cbristologique), l’un, docètc, où le Christ est considéré comme un Dieu incarné, l’autre, ébionitc, où il s’agit plutôt d’un homme divinisé. Entre les deux théories extrêmes ctopposées, lesquelles, chacune en son genre, accentuent un côté du Sauveur au détriment de l'autre, l'Église tient un juste milieu : elle donne ù l'humanité comme à la divinité l’importance qu'il convient de leur attribuer : la nature divine est propre au Verbe, la nature humaine lui est adventice; il les unit toutes deux dans sa personne; seulement cette personne est divined, par ces motifs, l’élément divin prévaut dans le Christ. Cf. Voisin, op. cit., p. 350-351. 3° Premières précisions dans la controverse, au HP siècle. — 1. Les antécédents du nestorianisme, — L'adoptianisme naissant enseignait, Λ la suite des ébionites, que Jésus, fils de Marie, n’est qu’un homme, élevé par l’adoption divine ù la dignité dc Fils de Dieu. Dc 1Λ, la nécessité, pour les partisans dc cette hérésie, dc rejeter le IV· Évangile ct, en général, les écrits johanniques. S. Épiphanc, //λτ.,ι.ι, η. 4, 18,22, 28, 30. 32-31, P. G., t. xu, col. 892, 921, 928, 936,941, 915-953. Tout en maintenant le contact dc la divinité avec l’humanité de Jésus-Christ, ou plutôt avec JésusChrist lui-même, simple homme, celte hérésie en venait ù poser le principe d'une union purement morale entre Dieu ct le Christ. Le Christ ne se distingue des autres hommes que par l’habitation spéciale de l'Esprit-Saint,qul en fait, après le baptême dans le Jour dain, le Filsde Dieu. Telle fut la thèse sou tenue ù Rome sur la Un du n· siècle, par Théodote le Corroycur. Voir S. Épiphanc, Hœr., i.iv, P. G., L xîj, col. 961 ; pseudoTcrtullien, Liber de præscripttonibus, c. i.iîi, P. L.,\.u, col. 72-73. Théodote fut excommunié par le pape Vlctor, mais sa doctrine se répandit dans une secte nou­ velle, celle des mclchlséilcchiens, soutenue par un autre Théodote, le banquier. Sur cette hérésie et les deux Théodote, saint 1 hppolyte avait donné d’assez nombreux renseignements, dans son ouvrage, aujourI d’hui perdu, sur toutes les hérésies, ren- 4G5 HYPOSTATIQUE (UNION) geignements qu’on retrouve en partie dans le pseudo- | Tcrtullien,/Jber de praescriptionibus, c UH, P. L.,Ln, col. 72;dans S. Epiphane, Har., uv, i.v, P. G., t. xu, col. 961 ; dans S. Philastrius, Liber de luerfsibus, n. 50, P, t. xn, col. 1166-1167; dans le Contra Noeturn, n. 3, P» G.» t. x, col. 803; dans les Phtlosophou- I mena, 1. VH, n. 35; I. X, n. 23. /*. G., t. xvi, col. 3312, 3139; dans le Petit labyrinthe, dont on possède des extraits par Eusèbe, IL E., 1. V,c. xxvni, P, G.,L xx, col. 513. L*adopt ionisme est représenté, entre 230 ct 210, par Artemon, qui relie les Théodote ù Paul deSamosatc, ct dont les doctrines furent condamnées par le pape Zéphirin. Voir Aiitémon, t. i, col. 2022-2023. Ces écoles monarchianistes se font remarquer par leur attachement au sens littéral des Écritures; saint Épiphanc, Hier., i.t, n. 34, appelle les premiers défen­ seurs de l’adoptlansime des éplucheurs de syllabes. Paul de Samosatc, élu évêque d’Antioche vers 260, donne une forme plus scientifique à Γadoptianisme d’Arlémon, niais en reproduit toutes les erreurs. Sur la doctrine dc Paul dc Samosatc, voir Garnier, Disser­ tatio I de lurre^i ct libris Nestorii, iv,3, P. G.» t. xlvih, col. 1128-1136; Tixeront, Histoire des dogmes, t. I, p. 428-433; A· Bévillc, Lu christologie de Paul de Samosatc, bibliothèque des hautes études, section des sciences religieuses, Paris, 1896, t. vu ; Mgr Duchesne, Histoire ancienne de 1 Église, t. i, c. xxn; G. Bardy. L'Église d*Antioche de 260 à 272: Paul de Samosatc, dans Recherches de sciences religieuses, 1918, p. 194221. La doctrine trini taire dc Paul est monarchia­ nis te; cîi Dieu, une seule personne; πρόσωπον îv. Le Logos est donc impersonnel, mais Dieu, par ce Logos qui est sa propre Sagesse, a agi d une manière toute particulière dans le fils de David, dans Jésus, né dc la·Vierge Made par l'opération du Saint-Esprit, mais homme simplement ct non pas Dieu. Toutefois, grâce ù la perfection même ct ù la rectitude dc sa vie. Jésus mérite d’être revêtu d’une dignité en quelque sorte divine; il peut être appelé Dieu né d'une Vierge, Dieu munilesté dc Nazareth. Bout h, Reliqui æ sacræ, t. m, p. 30t, 311, 312; S. Épiphanc, ILvr., ι.χν, η. 1, 7; Eusèbe, //. /?., L VH, c. xxvn, n. 2; cf. Tixeront, op. ci., p. 429-130; «M. Jugie» Nestorius ct la controverse ncslorienne, Paris, 1912, p. 213-217. L’union du Verbe ctde Jésus, union consistant dans « une simple συνίΛΐυσ ςηηΙ ne fait pas que Jésus soit Dieu en personne», Tixeront, loc. cit., ne semble pps dater du baptême de Jésus, mais existe dès l’instant dc la conception. Cf. Garnier, loc. cit., col. 1133-1131. En ce point, Paul dc Samosatc marque un progrès sur les formules antérieures et so rapproche du nestorianisme, dont, quoi qu’en dise Nestorius lui-même. Livre d'Héniclide, Paris. 1910, p. 41-13. il est un précurseur. Les seules différences que relève Nestorius portent, en effet, sur l’expression « deux Eils », ibid., p. 4 1, appli­ quée à Jésus, ou plutôt nu Verbe dix in, Fils de Dieu par nature, habitant en Jésus» ct ù Jésus lui-même. Fils de Dieu par sa vertu ct sa perfection, ct sur le mode d’inhabitation attribué par Paul au Verbe. Ibid. p. 49. Paul ignore encore, en effet, la théorie du prosôpon d’union, ou plus exactement do cette person­ nalité morale résultant dc l’union du Verbe à Jésus cl qui permet gos en deux : celui qui demeure en Dieu, ct celui qui émane de Dieu, lequel doit alors retourner à lui-même à la fin du inonde en tant qu’il est demeuré en Dieu. Il établit unerupture dans les na­ tures dc Jésus-Christ : l une s’est abaissée jusqu’à s’unir à l’humanité, tandis que l’autre continue de posséder la vie absolue. > Cf. Zahn, op. cil., p. 318; llcfele» Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris 1907, t. i, p. 671-672. La christologie dc Marcel d’Ancyrc fut dépassée par celle dc Photin. son disciple, qui diminua, plus encore que Marcel n’avait osé le faire, l’élément divin dans la personne du Sauveur. Avec Photin, il n’est plus question d intimité étroite entre les deux natures. Le Sauveur n’est plus qu’un homme ù qui une éminente vertu a mérité la faveur d’une intimité avec Dieu. Cf. Vigile de Tapse. Dial, contra arian. sabclt., PhuL, I. c. îv, P.L., L lxh, col. 182. Photin abandonne la distinction entre les deux aspects du Logos, δύναιπς ct ένίργιι» : son Christ n’est plus que le Christ de Paul de Samosatc ct des ébionltcs. Cf. Hcfele, op. cit.. t. i. p. 846, note 1. L’hroç, φυσ« Sc ό Οίός Λόγος, col. 1560. C’était enseigner qu'en Jésus-Christ il y avait deux fils distincts. Diodore cependant repousse cette con­ clusion, sous prétexte qu’il n’enseigne pas qu'il y eût dans le Sauveur deux fils dc David ou deux fils dc Dieu χατ ουσίαν, mais seulement que le Verbe éter­ nel dc Dieu a habité dans celui qui est dc la semence dc David : Τον χρο αιώνων 6côv Λόγον λίγων χατωχηχίναι χ’ν τω ix σπέρματος Δα£ί3» col. 1559. Il est pro­ bable même qu’il maintenait, en paroles du moins, l’unité de personne, col. 1561, et il est certain qu’il regardait l'homme en Jésus comme adorable d’une adoration unique avec le Verbe. Toutefois, cet cfTort pour conserver le langage et justifier l’usage traditionnel ne faisait pas que Diodore sauvegardât réellement l’unité personnelle dc Jésus-Christ. » Les fragments conservés dc Théodore do Mopsueste, disciple dc Diodore, sont assez étendus pour que l’on puisse reconstituer la doctrine christologlquc dc ce précurseur immédiat du nestorianisme. Le point dc départ philosophique dc l’hérésie de Théodore est bien celui que nous avons indiqué plus haut, dans la remarque d’ordre général empruntée au cardinal Franzelin. Théodore ne peut concevoir une nature complète impersonnelle. Le Christ possédant la na­ ture humaine complète, en possède aussi, par le fait même, l’hypostasc : < Lorsque nous distinguons les natures, nous disons que la nature de Dieu le Verbe est complète, et complète aussi la personne, car on ne saurait avancer qu’une hypostase est impersonnelle; de même, nous disons que la nature dc l’homme est complète, elle aussi, et complète la personne. Cepen­ dant, quand nous considérons l'union, nous disons alors qu’il n’y a qu’une personne. » Fragm., vin, De incarnatione, P. G., Llxvi, col.981. Dans celte phrase, I nous trouvons, résumé par lui-même, tout le système dc l'évêque dc Mopsueste. Nature et hypostase sidenti lient : en Jésus, deux natures complètes, donc deux hyjwstascs : l’hypostasc humaine est complète. Cf. Fragm., v»xi; Expositio symboli, col. 970, 983-981, 1017. La nature humaine est le Jésus de l’histoire : αότός,ούτο;. όλαμβανόμιγος. L'union est caractérisée par le tenue employé : c’est une συνάφιια, expression en sol indifférente, dont ont usé plusieurs auteurs catho­ liques, voir coi. 410, mais que Théodore emploie dans le sens trop lâche de σχέσις, simple rapport, rela­ tion dont un autre mot, ένοίχησις, inhabitation, vient manifester avec évidence le sens pleinement hétérodoxe. L'inhabitation du Verbe dans le Christ , ne s’explique pas par une présence substantielle ou même par la communauté d’opération. De incarna­ tione, fragm. vu, coi. 972-976, mais par une bienveil­ lance et complaisance particulière, cùooxia, que Dieu et ke Verbe ont pour Jésus, eu égard aux mérites pur eux prevus du Christ homme, col. 977. Dieu et le Verbe sc sont complus en Jésus, comme en un Fils.ô»; îv ub », c’est-à-dire < qu’ayant habité (en Jésus), le Verbe s’est uni tout celui qu’il a pris, et l’a préparé à entrer en participation de toute la dignité que lui, Fih par nature qui habite (en Jésus), rend commune entre eux. Il en fait une seule personne (avec sol), de par l'unlonà laquelle (il l’élèvc);il lui communique toute primauté. Il a voulu tout accomplir par lui. et le jugement, et l’examen du monde, et sa propre paroude. » Ibid., col. 976; trad. Tixeront, op. rit., p. 17. Quelle que soit l’intimité de cette union, c’cst donc en définitive une simple union χατ’ ιυόοχίαν, col. 1013. et non pas nV Ιπόστασιν. Toutefois, de cette union selon la dignité, l’autorité, il résulte l’union de la per­ 468 sonne, r4 του προσώπου ίνωσις, col. 985 ; cf. col. 981, et avec cette unité de la personne, runitedc la filiation. Expositio symboli, col. 1013; Ad baptizandos,col. 1013. Mais cette affirmation de l’unité de personne est plus verbale que réelle. La logique du système conduit forcément Théodore à concevoir les deux natures comme deux véritables personnes. L'unité qui existe entre elles est une unité purement morale, et parfois l’harmonie des deux volontés divine et humaine sem­ ble être le lien véritable dc l’union. Cf. De incarnatione, fragm. xv, col. 992, et dans II. B. Swctc, Theodori episcopi Mops, in Epistolas B. Pauli commentarii, Cambridge, 1880, 1882, p. 308, 311. Chaque nature garde donc physiquement son action propre et ce n’est que par figure et par une sorte d'abus de lan­ gage qu’on peut attribuer, même dans l’union, à la divinité les actions propres de l'humanité et, récipro­ quement, les actions de la divinité à l’humanité. Et par lâ, la communication des idiomes est interdite, par rapport au Verbe et par rapport à la nature ou per­ sonne humaine. C’est surtout à cause du Ororôxo; quo sc révèle cc vice fondamental du système dc Théo­ dore Voir Contra Apollinarem, fragm. ni, col. 993, 991, 998; De incarnatione, fragm. xv, col. 992. Si Marie peut être appelée mère de Dieu, c’est à cause du rapport que possède l'homme qu'elle a engendré vis-à-vis du Verbe. La négation de runite physique dans la personne même de Jésus-Christ est donc évi­ dente : la comparaison qu'emploie Théodore, assimi­ lation dc l’union des natures à l’union matrimoniale de l'homme et delà femme en une seule chair Dc incar­ natione, frag, vm, col. 981, ne laisse aucun d ni te à ce sujet. Peu dc chose nous sépare du nestorianisme défi­ nitif. Pour la comparaison dc la doctrine de Théodore dc Mopsueste et dc la doctrine dc Nestorius, voir M. Ju i \op.cit.,p. 140-149. Volrau i L.Pirot, L'oeuvre exégétique de Théodore de Mopsueste, Borne, 1913, p. 6269. 2. Les antécédents dc Tcutychianisme. — a) L'aria­ nisme. — La christologie dc l'arianisme est une consé­ quence de l’hérésie Irinittiirc. Le Verbe n’étant pasDicu, mais une hypostase créée, l’incarnation dans l'imité de personne n'est possible qu’à la condition dc la concevoir comme une composition réelle du Logos et dc la chair. La présence simultanée de deux esprits, Jcl»gos, d’une part, l’âme humaine, de l’autre, eût gravement com­ promis cette unité personnelle. Aussi, les ariens, en général, et Arius notamment en particulier, suppri­ ment-ils en Jésus-Christ l'âme humaine. C’est le Logos qui s’unit directement à la chair, devenant ainsi un être particulier, homme-Dieu, sans être ni Dieu, ni homme. S. Athanase, Contra Apollinarem, I, I. n. 15; I. II, n. 3; Epist. ad Adflphium, η. 1, P. G., t. xxvi, col. 1121, 1136-1137, 1073; S. Épiphane. //«?., lxîx, n. 19, 49, P. G., t. xur, col. 232, 278; Théodorct, Hier, fabtil.. iv, n. 1, P. G., t. i.xxxîii, col. 414. Par plus d’un côté, la christologie arienne touche à l’éblonisme de Paul dc Samosatc, en cc sens du moins que le Christ d'Arius n’est pas véritablement Dieu; mais par là même qu'Arius n’admet pas que le Verbe soit Dieu véritable (et en cela il s’oppose au monarchianlsme de Paul), sa christologie sc trouve engagée dans une vole qui aboutira logiquement à l'apolUnarismcct plus tard nu monophysisme. L'erreur chris toîoglquc d’Arius est combattue par Eustathe d’An­ tioche, surtout dans son traité De anima, et, en Occi­ dent, pnr snlnt Hilaire. Voir ci-dessus, col. 4G 1 et 462. A l'arianisme se rattachent plusieurs opinions erro­ née- que combat saint Hil dre dans son De Trinitate, les unes professant que le Verbe n cessé d’être Dieu en prenant dans un corps hnr ibi la place dc l’âme, utres admettant nno ·:·' i ■ dans le Verbe parle fait de l’Incanuillon < l· L > . âo, 52, 53, P. L. 469 I! YPOSTATIQUE (I NION) 470 t. ix, col. 833sq. Ce sont ces premiers excès de la spé­ pix φΰσ ;,ibid.; mais il n’y a pas fusion des natures : culation théologique dans un sens nettement mono- φυσιι piv Οιου xzl φύσιι άυΟ&οιπον ·όν χυρον AÎpucv. physllc que condamna Je Ier synode dc Smirnium, Fragm., ci.i, p. 247. D’après Apollinaire, le Verbe, en 331. Si quelqu'un comprend ces paroles : « Le Verbe nature complète en sol avant l’incarnation, s’unit s'est /ail chair ·, en ce sens que le Verbe aura il été trans- par Γ incarnation un corps qui < ne constitue point une formé en chair,ou bien dit qu’en prenant la chair, il a nature par lui-même; car il ne vit point par lui-mètuc. subi un changement, qu'il soit anathème* Hefcle, His­ et on ne peut le séparer du Verbe qui le vivifie, » Epist. toire des conciles, trad. Leclercq, L i, p. 856 ; ci. Ilahn, ad Dlonystum,op. cit.,p. 259. La naturcdisinc ζσζρχος op. cit., p. 197-198. 11 faut cependant noter l'affinité I duVcrbedcvientoioa&»r(, dances opposées sc rejoignaient par quelque point. ou encore Ό αυτός (Χρ’.στός) ίν uo/όττ.τι συγκράτου Ad Jovianum, η. 1, b) L'apollinartsme* — Voir Apolunaikb le Jeune φύσιως Οΐίκής etlls apolunakistes, L i, col. 1505-1507, et surtout op. cil., p. 251; Fragm., xx, p. 206; Tixeront, op. G. Voisin. L'upollinarismc^ Louvain, 1901, et Tixe- cit., L n, p. 99. Quatrièmement, dc l’unité dc terme ront, Histoire des dogmes, L n, p. 91-108. C'est par dc nos adorations sc déduit l'unité de l'adoration opposition aux théories hérétiques dc Diodorc de elle-même; mais aussi dc l’unité de nature sc déduit Tarse qu'Apolllnalrc, dont le père, Apollinaire l’An- l’unité d’opération et dc volonté : le monothvMsnie tout comme le monophysisme sont contenus dans cicn, voir t. i, col. 1505, venait d'Alexandrie, propose sa doctrine en vue do rétablir la parfaite unité de l'apolllnarisme. Ad Jovianum, η. 1; Fragm., exx, Jésus-Christ. Cctto unité, pour Apollinaire, ne peut op. cit., p. 251,236 ; Fragm., eu, eviî, cxvii ;p. 218,232, sc concevoir si l’on suppose que le Verbe, dans l'in­ 235. En lin, la théorie apollinariste s'accommodait de carnation, prend une humanité complète : deux êtres la communication des idiomes, qui fut ici poussée complets ne sauraient devenir un: δύο τέλιιζ tv γινέσΟζι à l'excès. Sur cc point particulier, voir Epist. ad Jo­ vianum, et Dc unione. Pour l’emploi du mot Οιοτόχος, oi δύνατζι; cf. S. Athanase, Contra Apollinarem, 1. I, n. 2, P. G., t. xxvi, col. 1096; si Dieu τίλυος s'as­ voir Ad Jovianum, n. 1; De fide et incarnatione n. 3, 5, 6. op. cil., p. 251,195,196. 198. socie à l’homme également τίλίίω, il y aura deux Fils La terminologie d Apollinaire n’a encore rien de dc Dieu, l’un par nature (φυσι<), l’autre par adoption, fixe et dc définitif; il exprime 1 timon du Vvrbeà la (Οπό;), deux personnes, et des deux personnes en chair par les termes les plus variés et les plus dispa­ Jésus, on pourra dire άλλος et άλλος. 11 n’y a plus d'incarnation proprement dite, mais une simple jux­ rates. Les plus fréquents sont :ϊνωσις. ένότης. συνάφ^ζ, σύνΟιαις. On trouve ainsi άχτι rvtoctç, ίνωσις τυζιχη, taposition. Fragm., lxxxi, lxvii, édit. II. Liclzmann, cvtuatç ουσιώδης, έναισις, τιλίωτάτη, σύνοδος. συρ~λο/.τ, Apollinaris von Laodicea und seine Schute, Tub in gu e, σύγχρζσις, xçir; et enfin : ζροσχπμένου τώ 1901, p. 224, 220. Cf. Epist* ad Dionysium, ibid., p. 257. άχτίστω Οιώ τού χτίσρζτος. CL Voisin, op. cit., p. 282. La solution, d’après Apollinaire, consiste à supprimer 11 n’entre pas dans l’objet dc cet article de suivre l’âmo intelligente et libre (Apollinaire avait d'abord l'apollinarismc dans ses évolutions jusqu’à sa con­ enseigné la suppression dc toute âme, même animale, damnation. L’argument décisif invoqué contre Apol­ cf. Socrate, IL E., 1. 11,C. xlvi, P* G., t. lxvii, col. 361 ; linaire par les Pères du rv· siècle, sc résume Hulin, H. E., 1. 11, c. xx, P.L., t. xxi, col. 526) et à ne en quelques mots. L’humanité que Jésus venait sau­ concéder au Christ qu’une ûmc animale, le Verbe ver, c’cst la nôtre: donc, il devait la prendre. Prendre étant lui-même son νους et son zvcGfix : « Le Christ un corps sans âme rationnelle, cc n'était pas prendre ayant Dieu pourzvtujxa, c'est-à-dire pour νους, avec une notre humanité : Jésus-Christ dcxalt prendre notre Çz/ή et un corps, est à bon droit appelé homme du humanité tout entière : Τό γζρ άπ^οιλιχτον άθιρζciel. » Fragm., xxv, ibi(l., p. 120. Cf. Fragm., xjcxxvn, Zfvrov* δ g< ήνωτζι τω 0ollinaristc dc l’in­ pas Cu un corps sans âme, sans sentiment et sans intel­ carnation étaient graves : premièrement, l’incarna­ ligence (άύυ'/ον, ούδ’ αναίζΟητον, ούδ’ άνίητσν) : car tion n’est plus qu’une σζοχοσις au sens strict du mot. Il n’était pas possible que, le Seigneur s’étant fait excluant ΓΙνανΙΕπώησις. 'II χατα pico; πιστίς, η. 30, homme pour nous, son corps fût sans esprit (ζνόητον), ibid., p. 178. Bien qu* Apollinaire emploie parfois sur cc et cc n'est pas seulement le salut du corps, mais aussi point les mots traditionnels, lo Dieu fait homme, ένανΟοωπτ[σζς; la chair consubstantielle à la nôtre, όροούσιος. I celui dc l’àme (}υ/ή) que le Verbe a opéré en lui. S. Athanase, Tornus ad Antiochenos, n. 7; cf. cf. De unione, n. 8, ibid., p. 188, le sens qu’il y attache Contra Apollinarem, 1. I. n. 4, I. 11, P. G., t. xxvi, est pleinement conforme aux principes posés par lui. Deuxièmement, Jésus, n'ayant pas d'âme intelli­ col. SOI, 1097» 11 10; S. Épiphane, Ancoratus, n. 78 P. G., t.Lxin.col. 10 l;S. Ambroise,Dcincarnatione, 68, gente rt libre, nous a sauvés sans mérites dc sa part. P. L., t.xvi, col. 835. Parmi les anathématlsmcs de Troisièmement, et c’est la conclusion qui nous occupe saint Damase (concile romain de 380), le 7· vise spécialement ici, il faut admettre en Jésus l’unité non seulement de personne, mais encore de nature, *Εστι spécialement cos, qui pro hominis anima rationabili Οίός αληθινός ό άσζρχος ιν σαρχί φχνίροΟί·’;, τίλιιος et intelligibili dicunt Del Verbum in humana carne τή αληθινή χαΐ Ουχ τιλιιότητι ού δύο πρόσωπα ουδς versatum, cum ipse Filius sit Verbum D^i. et non pro δυο φύσης. ΊΙ χατά ρϊρος πίστις, 31, op. cil., ρ. 179; anima rationabili et intelligibili in suo corpore fuerit, Fragm., exvn, exix, p. 236. Comment concevoir cette sed nostram, id est rationabilem d inlelligibilem, sint peccato animam susceperit atque salvaverit. Dcnzingcrunité de nature? Bésultc-t-il dc la divinité et dc la chair prise par la divinité une troisième nature dliïé- Bannvvart, n. 65; Mansi» t. m, coi. 48; Hahn, op. cit., rente des deux autres? Nullement. La chair est sans p. 272; Cavallera, Thesaurus, n. 668. Sur ces points, doute Intimement unie à la divinité, au point dc ne voir A PO LU ΝΛΪ R E LE J EUN E ET A PO LLINARISTES. Ma 15 11 faut signaler, comme conséquence logique dc l’apollinafaire avec clic qu’une substance, μ,ία ούο;ζ,υηο nature, 471 IIY POSTA TI QU E (UNION) rismc, s'opposant directement nu dogme dc 1’unlon hypos ta lique, par la négation des deux natures, l’héré­ sie des synousiates, qui professent en Jésus-Christ l’unité absolue dc substance ct dc nature, non pas cependant en cc sens que l’un des deux éléments aurait élé transformé en l’autre, ni que de la fusion des deux natures soit résultée une troisième et nouvelle nature ou substance, mais en ce sens c que la chair du Seigneur participe aux noms ct aux propriétés du Verbe, sans cesser d'être chair, même dans l’union, sans que sa propre nature soit changée; de mémo que le Verbe participe aux noms ct aux propriétés de la chair tout en restant Verbe ct Dieu dans l’incarnation, ct sans qu’il soit changé en la nature du corps. » Timothée, Ad homerium, dans LieUmann, p. 278. C’est donc surtout par la violence dc leur langage, par leur mépris affiché des usages ct des formules dc l’Église, que se distinguaient les synousiates des autres monophysltcs, et du parti modéré de l’apollinarismc. Voir Synovsîates. Au point où en étaient arrivées les discussions christologiqucs dans l’Église, à la fin du jv· ct au début du v·siècle, les positions étaient prises dc part ct d’autre pour les deux grandes controverses d’où allait sortir la definition du dogme dc l’union hypostatique, la controverse ncstoricnne, la controverse cutychienne. Ces controverses, qui forment le nœud même dc la question que l’on étudie ici, ont été exposées ailleurs. Nous nous contenterons donc d’en résumer les points principaux, afin dc fixer la marche logique des idées, ct nous renverrons, pour les développements, aux articles spéciaux écrits sur la matière. •1° La controverse ncstoricnne. — Le nestorianisme de Nestorius, s’il est pennis de s’exprimer ainsi, est une doctrine â son point d’arrivée. Nous en avons étudie les antécédents. Nous renvoyons à Nestori us pour l’histoire des doctrines et des évolutions de l’évê­ que d'Antioche. Voir également Éphèse ( Concile d’j, t. v, col. 137 sq. On sc contentera ici dc résumer brièvement l'aspect doctrinal dc la controverse enga­ gée par saint Cyrille d’Alexandrie contre les doctrines hérétiques de Nestorius. —1. L1 hérésie de Nestorius. — Le P. Jugie, Nestorius ct la controverse ncstoricnne, la résume en six points, c. m, p. 91-135 : a) 11 n'y a pas de nature complète sans personnalité ou, plus exac­ tement, selon la terminologie ncstoricnne, sans prosopon naturel. Puisque le Verbe s’est uni à une nature humaine complète, il s'ensuit qu’en Jésus-Christ la nature humaine est une véritable personne, un sujet d’attribution d'opérations qui lui sont propres, qu'on ne peut reporter sur Dieu le Verbe. Cette nature sub­ siste en elle-même ct ne s'appuie point physiquement à Dieu le Verbe pour se maintenir dans l’être. En d’autres termes, il y a dans le Christ un homme, un moi humain. Quelques textes à l’appui : « Toute nature complète n'a pas besoin d’une autre nature pour être ct pour vivre, car elle possède en elle ct elle a reçu tout cc qu’il faut pour être... Comment donc des deux natures complètes dis-tu une seule nature, puisque l’humanité est complète ct n’a pas besoin dc l'union dc la divinité pour être homme. » Le livre d’Héraclide, trad. Nau, Paris, 1910, p. 263. < Chacune (des deux natures) subsiste dans son hypostase. Je ne dis pas qu'elles remontent à Dieu le Verbe, comme s’il était les deux par essence, ou que les propriétés de la chair aient été prises sans (leur) hypostase par Dieu. De cette manière, il apparaîtrait seulement sous la (orme dc la chair utilisant ct soutirant toutes les choses dc la chair, soit qu’il sc changeât en la nature de la chair ou que les deux natures fussent mélangées en une seule... » Ibid., p. 184. Sur l’identification par Nesto­ rius, malgré les dilTércnces de points dc vue, des termes essence, ο·>σιζ, nature, 7 Si·;, hypostase, υ^όστασι;, per­ 472 sonne, xpfawzov physique ou moral, par opposition nu prosôpon d’union, moral ou artificiel, voir Hypo­ stase, col. 387. b) L’union de la personne du Verbe ct dc la per­ sonne humaine est volontaire, c’est-à-dire se fait par la volonté, par compénétration amoureuse des deux, de telle manière qj’il n’y a plus qu’une seule volonté mor.de. Il y a don naturel de chaque personne l'uno à l'autre, ct comme un prêt ct un échange dc person­ nalité (prosôpons). Cet échange permet d'affirmer que les deux personnalités naturelles aboutissent à une personnalité morale unique, que Nestorius appelle le prôsopon d’union : La divinité (ou le Verbe) se sert du prosôpon de Γ humanité ct l'humanité (ou l’homme) de celui de la divinité; de cette manière, nous disons un seul prosôpon pour les deux. Le livre d'Héraclide, p. 212213. Sur l’opposition du prosôpon naturel au prosô­ pon d’union, voir Hypostase, col. 387. Sur le mode d'union, voici quelques textes: a Ce n’est pas la divi­ nité (seule), ni l'humanité (seule) non plus qui forme le prosôpon commun, car il appartient aux deux na­ tures, afin que les deux natures soient connues dans lui ct par lui... L’essence même de l’humanité sc sert du prosôpon dc l’essence de la divinité, mais non dc l’essence, ct l'essence de la divinité sc sert du prosôpon de l'humanité, ct non dc l'essence. » Ibid., p. 282. Ce texte indique bien le sens abstrait que donne Nesto­ rius au mot personne, « la principale chose de la notion dc prosôpon, suivant l’étymologie du mot ct l’histoire la plus récente dc sa signification, était l’indivision extérieure ». Loofs, Nestorius and Ids place in the histon/ o/ Christian doctrine, p. 76-77. Ce qu’est le prosôpon d’union, Nestorius l’expose ainsi : « L'union des prosôpons a lieu en prosôpon ct non en essence ou en nature. On ne doit pas concevoir une essence sans hypostase, comme si l'union (des essences) avait eu lieu en une essence ct qu’il y eût un pfosôpon d’une seule essence. Mais les natures subsistent dans leurs prosôpons ct dans leur nature, et dans le prosôpon d'union. Quant au prosôpon naturel de l'une, l'autre se sert du même en vertu de l'union ; ainsi, il n'y a qu'un prosôpon pour les deux natures. Le prosôpon d’une essence sc sert du prosôpon même dc l'autre. » Ibid., p. 193. Expliquer l’incarnation à la façon de Cyrille, en faisant que, dans les deux natures, Dieu le Verbe soit le prosôpon û'union,cf. Le livrcd'Héraclide, p 127, c’est aboutir à ceci : « Ou bien tu ne reconnais qu’une humanité apparente, qui aurait servi à désigner le Verbe, ou bien tu fais comme si l'humanité n’avait Joué aucun rôle dans le prosôpon d'économie, ou bien lu veux que Dieu le Verbe se soit manifesté pour souffrir contre sa volonté les souffrances humaines. » Ibid., p. 193-194. En somme, Nestorius distingue donc, dans sa conception de l’union des natures, le prosôpon naturel, qui s'identifie objectivement avec la nature ou la substance réelle, ct le prosôpon d'union, qui n'est en réalité qu’une fiction unissant les deux natures ou les deux prosôpons naturels. En définitive, c’est la volonté du Verbe ct celle dc l’homme qui s'unissent par l'amour dans le même prosôpon. Ibid., p. 35, 50. De là, l’insistance de Nes­ torius à affirmer l’union dc l’incarnation comme une union volontaire non naturelle. Le livre d'Héraclide, p. 158; cf. p. 85, 157, ce qu’exprime bien le terme Gjvaçna. Cf. Loofs, Nestoriana, p. 171, 178, 242. 273, 280, 357, 359. c) La personnalité qui est constituée par le prosôpon économique (c’est-à-dire de l'incarnation) est pure­ ment artificielle ct denominative: elle est comme un masque jet · sur la face dc Dieu le Verbe ct de l’homme Jésus. On de igné sans doute cc prosôpon unique par les termes dc Fils, dc Christ, dc Seigneur, mais cha­ cune de ccs expressions éveille dans la pensée nesto- 473 HYPOSTATIQUE UNION; rlcnne l'idée dc deux personnes, Jadis inc ct l'humaine, la même chose, définit, par une distinction de nature, qui demeurent distinctes cl sans confusion. « Le nom que celui-ci n'est pas celui-là ct que celui-là n’est pas de Christ ou de Fils, ou dc Seigneur, qui est attribué celui-ci, Zz livre d'Héraclide, p. 276. Cf. Petnu, be Incar­ au Fits unique par les Livres divins, est I indice de natione, L VI, c. v, n. 4,5. deux natures : tantôt, il désigne la divinité, tantôt Le progrès de Nestorius sur Théodore de Mopsuest·» l'humanité, et tantôt les deux· · Le livre d'Héraclide 1 consiste surtout ù avoir mis plusde nuances dans la p. 228'229. « C’est au Christ qu’appartiennent les 1 j>cnséc ct plus dc précision dans les termes. Mais c’est deux natures ct non à Dieu le Verbe >, ibid., p. 150; toujours la même erreur qui sc manifeste. Deux na­ « il en est du nom de Dieu comme du nom du Fils; l’un tures-personnes en Jésus, unies entre elles d’une façon indique les natures ct l'autre le prosôpon du Fils. Ias purement morale, et formant par leur union une per­ meme est Dieu et 1 ils, cl il n’y a qu’un prosôpon pour sonne moralement unique. Cf. Hoirie, Histoire des les deux natures ct non pour une essence; c’est pour­ conciles, trad. Leelerrq, t. n, p. 245. Une première quoi les deux natures forment un seul Fils et sont en précision consiste dans le tenue de prosôpon naturel ou physique par opposition au prosôpon moral ou d'union. un Fils >. Ibid., p. 191 livre d Héraclide marque un nouveau progrès d) Du moment que la personne du Verbe d’une part, ct la personne de l’homme d’autre part, restent dans la pensée de Nestorius : il parle fréquemment parfaitement distinctes ct continuent dc subsister dc l’échange des prosôpons, théorie dont on ne trouve chacune en elle-même, et des comparaisons qui n’auront pas toutes le même sort devant le jugement du magistère ecclé­ siastique. Voir, sur les formules, t. m, col. 2512-2513. Sur la celebre comparaison de l’union de l’àme et du corps, reprise par saint Cyrille si fréquemment, il est important de remarquer que le docteur alexandrin la dégage des conséquences erronées qu’en tiraient les apolllnaristcs et que voudrait en tirer contre lui Nestorius. Le livre d'Heraclide, p. 142-143; ci. p. 40, 3538. Saint Cyrille reconnaît que la comparaison ne tient pas de tous points. Scholia de incarnatione Unigeniti, n. 8, P. G., t. lxxv,coI. 1377. Cependant la «6 σύνΟισις de l’àme et du corps lui semble une excel­ lente Image de l’union hypostatique. Co qu'il entend par cette image, c’est que le corps du Verbe lui appartient aussi réellement, aussi naturellement que notre corps nous appartient, Adversus Neslorium, 1. I, P. G., t. uxxvj, col. 200; c'est que l’humanité fait partie de la constitution physique du Verbe . après l’incarnation, bien que l’hypostase divine soit demeurée immuable en elle-même : « Bien que diffé­ rents dans leur essence et leur nature propre, le corps et l’àme s'unissent, s'unifient, j>our fonner une seule nature complète, c’est-à-dire un seul être com­ plet, un seul individu, une seule φύσις. L'esprit peut bien distinguer idéalement les deux éléments :1a nature de l’âmo ctlazm/urcdu corps, se les représenter comme s'unissant l’un à l’autre à un moment donné avec leur individualité propre; mais, dans la réalité, ils ne forment qu'un tout concret, une seule φύσις; ils n’ont jamais eu, l'un et l’autre, d'existence séparée, de manière à fonner deux sujets indépendants, deux φύσης hypostatiques. Ainsi en est-il, avec les restric­ tions qu’impose l’existence éternelle et immuable du Verbe, de l’union, de l'unification, ενωσις, des deux natures dans le Christ. L'humanité et la divinité, bien que différentes selon leur essence respective, χατί τον τής ιδίας φύσιως λόγον, s’unifient dans le Verbe incarné de manière à ne fonner qu’un seul individu, une seule φόσις, une seule hypostase. Cette hypostase, cet individu, c'est Dieu le Verbe. Il a existé sans chair, άσαρκος, avant l’incarnation. Après l’incarnation, sans subir aucun changement, il est apparu avec la chair. C'est le même rnoidivin.la meme hypostase, le même prosdpon, avant et après... La comparaison de l’union de l’àme et du corps donne la clef non seulement de la conception christologique de saint Cyrille dans cc qu'clleadeplus profond, mais cncorcdesa terminologie dans cc qu'elle a de plus insolite. Elle explique bien comment cc grand docteur arrive à dire μία φύσις τού Λόγου σισαρκωμένη, après l'union et δύο φύσης avant l'union. » M. Jugic, op. cit., p. 166-167. Cette fonnule signifie, voir Lin,col. 2513,dans la pensée de saint Cy­ rille, qu’il n'y a dans le Verbe qu’une nature concrète, c'est-à-dire une seule personne, un seul sujet, μία φύσις τού βίου Λόγου, mais possédant l’humanité, σ<σαρχωμ·'νη, que le Verbe ne possédait pas avant l’incarnation. On ne peut plus distinguer,c’cst-à-diresépurcr, les deux natures quo par la pensée, et, en cc sens, mais en cc sens seulement qui ne répond plus à rien de réel, on pourra encore parler de deux natures-personnes avant l'union. Aprèsî'union,iln'ya qu'une nature-personne, et, pour éviter jusqu'à l’apparence du nestoria­ nisme, Cyrille laissera de côté toute expression qui pourrait suggérer que l’humanité du Christ est un sujet distinct de Dieu le Verbe: il l’appellera σίρξ, ιδία σαρξ, σώμα, άνΟρωπότης, τό ανθρώπινον, το καθ' ημάς, etc. Mais si on concède à saint Cyrille cc point capital, Il devient très condescendant sur la terminologie. On a déjà rappelé que les variations de terminologie n’im­ pliquaient pas chez lui des variations doctrinales, voir L m, col. 2511; le langage dyophysile qu’il em­ ploie parfois, et qui fait déjà pressentir les définitions de Chalcédoinc, ne s’oppose pas à l’unité de naturepersonne qu’il préconise De recta fide ad Augustas, n.31,38,20, P. C.,t. lxxvi, col. 1400,1376,1388,1360; De recta fide ad 7luodosium, n 6, 43; Apologcticus contra Orientales, col. 1111, 1200, 329; Epist., n, ad Succensum, P. G., t. lxxvh, col. 211. 245; Advenus Erstorium, 1. II. /*. G.,Lï.xxvi, col.61, 85; Epist., il, ad Λ’< dorium, P. G., t. i.xxvu, col. 15; Scholia, P. G., t. LXXV, col. 1385. Nestorius est blâmé par lui pour dire, non deux natures, mais deux natures séparées au point de détruire 1’ ίωσις phy sIque, substantielle, naturelle. ά/7 HYPOSTATIQUE (I MON; 3. Jai condamnation de Nestorius marque un premier I progrès dogmatique certain, Elle déclare authenti­ quement i'héréticitè du concept de l'union purement morale cl volontaire, la συνίφιια, et son opposition formelle avec le concept catholique traditionnel de l'unité substantielle du sujet en Jésus-Christ, Dieu et homme a la fois, unité qui implique l'union réelle et physique. Mais elle ne va pas plus loin, cl la fonnule délinilivc de l'union réelle et physique est encore à trouver. Saint Cyrille, il est vrai, dans scsxiouze anathématisnics, voir t. m, col. 2509-2511, avait bien proposé au concile d'Éphèsc, qui condamna l'hérésie nestorienne, une doctrine christologique positive; mais bien que représentant la doctrine christologiquc des Pères du concile, les ana thématismes n’ont reçu aucune consécration officielle· Voir Épyiêse, L v, col. 148. ils reflètent d'ailleurs une pensée qui, tout en étant parfaitement catholique et traditionnelle, sc présente cependant avec une nuance très particu­ lière : l'union physique, Atuit., m; selon la réalité, Αηα/.,ιι; l’unité substantielle du Christ, AnaL,ix, x, xi ; la communication des idiomes, Anat., jn, y sont nettement atlinnées; la dualité des personnes est ré­ prouvée, -Ami/., iv (sur l’apparente contradiction de ccl anathématisme avec les affirmations du symbole d’union, voir l.m, col. 251 l):mais tout en reconnaissant que Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble, Ano/., vî, est le Verbe même de Dieu fait chair, A no/., vm, saint Cyrille,dans ses analhématismes, ne formule pas d’une façon suffisamment claire la dualité des natures; il ne parle pas des deux φύσης, comme il en parle dans le symbole d’union. Aussi les monophysltes abuseront-ils de sa terminologie pour revendiquer l’autorité de saint Cyrille en faveur de leur hérésie. Pour aboutir à la fonnule délinilivc de 1 union hypostatiquo (bien que le mot sc trouve déjà dans saint Cyrille, Anal., n), une nouvelle controverse,lacontroverse etitychicnne, sera nécessaire. Elle permettra à l'Église de préciser exactement la véritable position doctrinale de l’orthodoxie et d'imposer à la théologie catholique les formules définitives, en réprouvant des hérésies également dangereuses et diamétralement opposées et en choisissant des termes dont le sens, bien précisé, ne peut phis sc prêter à des équivoques pernicieuses. 5° Jai controverse culychienne. — Voir EuTYcnfcs et Eli ycihanisme, t. v, col. 1582 sq. 11 suffît de rap­ peler ici les conclusions doctrinales de celte contro­ verse. «Eutychès reconnaît donc: 1. qu'il n’y a qu’une personne en Jésus-Christ, celle du Verbe; 2. que le Verbe a pris sa chair véritable et non apparente, de la Vierge Marie, et qu’il est à la fois Dieu parfait et homme parfait ; 3. que la Vierge Marie nous e>t consubstantielle; 4. qu’il n’y a pas vu de mélange de l’humanité et do la divinité, mais que le Verbe est resté sans changement; 5. que les docètes, Valentin, Apollinaire et tous ceux qui attribuent une origine céleste à la chair du Christ sont dignes d'anathème.» Voirt. v,col. 1590. Ces affirmations sont, en soi. ortho­ doxes, mais Eutychès fut jugé digne d’anathème, parce qu’il s’obstina à ne reconnaître,en Jésus-Christ, après l’union, qu'une nature. Peut-être xoulall-il donner à celle affirmation le sens que saint Cyrille attribuait Λ sa formule nia φύσις τού Λόγου mais il ne sut pas expliquer sa pensée : nu contraire, attribuant à Jésus, par une distinction subtile, un corps humain, mais non pas un corps d’homme (voir t.v, col. 1591), il semblait nier la consubstantialité do Jésus avec nous; tout au moins avouait-il n’avoir» pas dit que le corps du Seigneur notre Dieu nous fût con­ substantiel ». Cf. Mansi, t. vî, col. 741. Les contro­ verses suscitées par J'cutychlanlsmc se continuèrent, après Eutychès, dans les discussions monophysltes. 078 Voir t. v, col. 1601 sq. Le point commun a toutes les affirmations monophysites, c’est la doctrine d'une seule nature en Jésus-Christ après l'union. Les sévériens, hétérodoxes en terminologie, parce que rejetant les formules de Chalcédoinc, semblent avoir admis l'unité de nature au sens de saint Cyrille.Néanmoins, leur opposition aux formules du concile suffit à les ranger au nombre des hérétiques. Voir Eutychès, col. 1599; IIéhCsie, t. vî, col. 2218-2219. Sur les préliminaires cl les discussions du concile de Chalcédoinc qui termina dogmatiquement l'affaire dcrcutyrhianisme, voirCiiALcÉDofNUt.ii,cot.219(isq. V. Définitions plus préoses du dogme. — 1° Lettre dogmatique de saint Léon à Fliwicn, Îotque de Constantinople. — Cette lettre, P. L., L m, coL 763, cf. Cavaliers, Thesaurus, n. 677-687, propose des formules qui, tout en maintenant les acquisitions doctrinales d’Éphèsc, évitent 1rs tendances et la terminologie moins exacte de saint Cyrille et de l’école d’Alexandrie. En voici les passages importants : Ignorant ce qu'il devait C. n. Nesciens quid debe­ ret dr Verb i Det Incamn ! tone croire sur l'incarnation du Mntirr, nec volens nd pro­ Verbe de Dieu, et ne rou­ merendum intelligent!» lu­ lant pas scruter sur ce point men in sanetnmm Scriptura­ la sainte Ecriture.. Il (Euty­ rum latitudine laborare, il­ chès) aurait dû, nu moins, lam saltem communem et s’en tenir au symbole que indiscretam confessionem tous connaissent et profes­ sollicito recepisset auditu, sent, et croire en Dieu, le qua fideliumuniversilaspro- Père tout-puissant, et en fltctur : credere se in Deum Jésus-Christ, son Fils uni­ Patrem omnipotentem et que, Notre-Seigneur, né in Jcsum Christum Filium par le Saint-Esprit de U ejus unicum. Dominum Vierge Marie. Ces trois pro­ nostrum, qui natus est de portions suffisent presque Spiritu Sancto ex Maria pour vaincre toutes les hé­ Virgine. Quibus tribus sen­ résies. Car celui qui croit en tentiis omnium fere hae­ Dieu le Père tout-puissant, reticorum machina' des­ reconnaîtra que Je Fils est truuntur. Cum enim Deus coétcmcl au Père, dont U et omnipotens et Paler cre­ ne dltTére en rien, parce ditur» conscmpitrmus ei­ cpi'Îl est Dieu de Dieu, toutdem Filius demonstratur, puissant du tout-puissant, in nullo a Patre differens, coétcmcl de l'éternel,n'étant quia de Deo Deus, de omni­ ni inférieur quant nu temps, potente oninipolens.deorter- ni moindre quant à la puis­ no nntus est co*»· ternus. non sance ni in «Val quant Λ la ma­ posterior tempore, non in­ jesté, ni séparé quant à la ferior potestate, non dissi­ substance. Et ce Fils étemel milis gloria, non divisus d’un Père éternel est né par essentia; idem vero sem­ le Saint-Esprit de Mark 1.» piterni Genitoris Unigeni­ Vierge. Celte naissance tem­ tus sempiternus nntus est porelle n’n rien retranché, de Spiritu Sancto ex Maria rien ajouté àln naissance di­ Virgine. Quæ nativitas tem­ vined éternelle; son unique poralis illi nativitati divin® raison d'êtrvaétéle salut des et sempiterna' nihil minuit, hommes.^, car nous ne pou­ nihil contulit, sed totam sc vions dominer l’auteur du reparando homini... Im­ péché et de la mort, si Lui, pendit... Non enfin superare qui n'est pas souillé du possemus peccati et mortis péché et qui n’a pus à crain­ auctorem, nisi naturam dre la mort, n’avait pris nostram Ille susciperet et notre nature et ne l’avait suam fnccrct. quem nec faite sienne. Il λ été conçu peccatum contaminare, nec par le Saint-Esprit dans le mors potuit detinere. Con­ sein de la Vierge, qui l’a en­ ceptus quippe est do Spi­ fanté sans qu'elle perdit sa ritu Sancto intm uterum virginité, de mémo qu'elle Matris Virginis, qua» illum. l’a conçu sans qu’il y fût Ita salva virginitate edidit porté atteinte·quemadmodum salsa vir­ ginitate concepit... Nec frustratorie loquens, (Eutychès) n'aurait pas itn Verbum diceret carnem alors pensé que le Verbe factum, ut editus utero s’est fait chair clans cc sens Virginis Christus haberet quo le Christ né du sein de formam hominis, et non la Vierge avait une forme haberet materni corporis humaine, sans avoir un veritatem. An forte ideo corps véritable de la même 479 IIYPOSTATIQI E (UNION) putavit Dominum nostrum nature que celui de sa mère. Jesurn Chrhtum non nos­ Peut-être a-t-il pensé que le tro esse naturo, quia mis­ Christ n’étnlt pas dc même sus ml beatam Mariam nature que nous, parce quo semper virginem angelus l’ange dit à Mario : « -Ce nit : Spiritus Sanctus super· Saint-Esprit descendra rn ventet in tr, rt virtus Alllssi- toi, rt la vertu du Très-Haut mt obumbrabit tibi, bicoque te couvrira de son ombre: ct quod nascetur cx te sane- aussi le Saint qui naîtra de tum, vocabitur Filius Dei? toi sera-t-il appelé le Fils de ut quin conceptus Virginis Dieu »? Il n cru peut-être divini fuit operis, non de qur.pnrccque la conception natum concipientis fuerit de la Vierge a été une œuv re caro concepti. Sed non ita divineja naturelle celui qui intriligendu est illa genera­ a été conçu n’cst pas In tio singulariter mirabilis, ct même que la nature do celle mirabiliter singularis ut per qui n conçu. Mais il ne faut novitatem creationis pro­ pas comprendre ainsi cette prietas remota sit generis. génération singulièrement Fœciinditatcm enim Vir­ admirable ct admirable­ gini Spiritus Sanctus dedit, ment singulière : la concepveritas nutem corporis tlondu Verbcn’n pas faitdis sumpta de corpore est; paraître en lui la condition ct mdiflranlc sibi sapientia d’existence du genre (budomum, Verbum caro Iac­ main). Le Saint-Esprit a don­ tum est ct habitavit in nobis, né la fécondité ù une Vierge, hoc est, in ea carne, qunm la réalité du corps (du Christ » assumpsit cx homine ct est prouvée par lu réalité quam spiritu vitæ rationa­ du corps (dc la mère); aussi lis animavit. l’évangéliste dit : «Le Verbe s’est fait chair», c’est-ù-diro la sagesse de Dieu s’est bâti une maison dans ccttc chair humaine qu’il n prise, ct qu’il n animée d’une âme raisonnable. C. ni. Salva Igitur pro­ Les propriétés des deux prietate utriusque na tune natures ct substances étant ct substantia*, ct in unam donc pleinement sauvegar­ coeuntc personam, suscepta dées ct s’étant réunies est u majestate humilitas, en une seule personnf·, la a virtute infirmitas, ab majesté s’est revêtue dc la rrtrrnllatc mortalitas; ct bassesse, la force dc fai­ nd resolvendum conditionis blesse, et l’éternité de In nostro debitum, natura mortalité. Pour payer Jiotrc Inviolabilis naturo est unita dette. In nature Impassible passibili, ut, quod nostris s’est unie Λ la nature pas­ remediis congruebat, unus sible, pour qu’il y eût, sui­ ntquo Idem mediator Dei vant l’exigence dc notre ct hominum, homo Jésus salut, entre Dieu ct les Christus, ct mori posset ex hommes. un médiateur qui, uno, ct inori non posset cx d’une part, pouvait mourir. nltcro. In Integra ergo veri et.de l’autre, était immor­ hominis pcrfectaquc natura tel. Le vrai Dieu est né avec verus natus est Deus, totus la nature complète ct par­ in suis, totus in nostris. faite d’un homme vérita­ Nostra nutem dicimus, qmc ble, parfait dnns sa nature in nobis ab initio creator propre, parfait dans la nô­ condidit ct quae reparanda tre. Je dis dnns In nôtre. suscepit... Assumpsit for­ c’est-A-dire dnns ccttc na­ mam servi sine sorde pec­ ture telle qu’elle n été fado cati, humana nugens, divi­ par 1e créateur cl que (le na non minuens; quia ex­ Christ) n revêtue pour la ré­ inanitio Illa, qua sc invisi­ parer... 11 n pris l’état do bilis visibilem prabult, ct serviteur sans la souillure credor nc Dominus om­ du péché, relevant l’huma­ nium rerum unus voluit es­ nité sans diminuer la divini­ se mortalium. Inclinatio té. Ccl abaissement, par le­ fuit miserationis, non de­ quel celui qui était Invisible fectio potestatis. Proinde s’est manifesté visiblement, qui manens in forma Del ct par lequel le maître et fecit hominem, idrm in le créateur du monde vou­ fonna servi factus est lut devenir un des mortels, homo. Tenet enim sino de­ cet abaissement volontaire fectu proprietatem tuam n’cst pas une abdication dc utruque natura; ct sicut puissance, mais bien une formam servi Dei forma condescendance dclamlsérlnon adirnit.ita formam Dei cordc. Lui qui étant Dieu avait fait l’homme, s’est fait tcrvl forma non minuit. homme lui-même en prenant la forme deservi tour. Chaque nature conserve ce qui lui C5tpropre,ct,demêmc<|ur la C. iv. Ingreditur ergo turc mundi infima Filius Dei... nova autem nativitate ge­ neratus, quia inviolata virginitas concupiscentiam nescivit, carnis materiam ministravit. Assumpta est dc matre Domini natura, non culpa; nec in Domino Jesu Christo, cx utero Vir­ ginis genito, quia nativi­ tas est mirabilis, ideo nos­ tri est natura dissimilis. Qui enim venis est Deus, verus est homo; ct nullum est in hac unitate mendacium, dum invicem sunt ct humi­ litas hominis ct altitudo Deitatis. Sicut enim Deus non mutatur miseratione, ita homo non consumitur dignitate. Agit enim ut ra­ que fonna cum alterius communione, quod pro­ prium est; Verbo scilicet operante quod Verbi est, ct cnrnc cxcquente quod camis est... Inus enim Idcmquc est, quod sæpe dicendum est, vere Dei Filius et hominis filius... Quamvis enim in Domi­ no Jesu Christo Dei ct ho­ minis una persona sit, aliud tamen est, undo in utroque communis est contumelia, aliud unde communis est gloria. De nostro enim illi est minor Patre humanitas; dc Patre Illi est œqunlls cum Patre divinitas. C. v. Propter hanc ergo unitatem persona; utraque natura Intclligendnm ct filius homlnus legitur des­ cendisse de cudo, cum Fi­ lius lici carnem dc ea Vir­ gine, de qua est natus, assumpserit. Et rursus Fi­ lius Dei crucifixus dicitur nc scpultus, cum lure non in divinitate ipsa, qua Uni­ genitus conscmplt ornus et consubstantialis est Patri, sed in natune humanos sit infirmitate perpessus. Vndc unigenitum Filium Dei cru­ cifixum et sepultum omnes etiam In symbolo confite­ mur, secundum illud apo­ stoli ; Si enim cofjnoufasenf, nunquam Dominum majes­ tatis crucifixissent. Cum nu­ tem in sc Dominus noster ntquo Salvator fidem dis­ cipulorum suis interroga­ tionibus erudiret. Quem me. Inquit, dicunt homine* esse pilum hominis? Cumque Illi diversas altorum opiniones retexuissent, loa autem, ait. qtum me cs*t dicitis? Me utique, qui sum filius ho- 480 condltlon do Dieu n’anéan­ tit pas hi condition d'hom­ me, de memo In condition de serviteur ne nuit tn rien A celle dc Dieu. Le Fils de Dieu entre donc dans ce monde infime, par une naissance singu­ lière. le sein virginal qui lui fournit son corps n’aynnt jamais connu la corruption de la concupiscence. Il n donc pris, de sa mère, la nature (humaine), non b faute do l’humanité; ct en Notre-Selgneur Jésu»Christ la naissance admi­ rable n'implique pas une différence de nature. Celui qui est vrai Dieu est aussi Aral homme; ct il n’y a en cette uni té aucun mensonge, car elle est formée du rap­ prochement de l'humilité tic l’homme cl de la gran­ deur de Dieu. Dieu n’a pas été changé par sa miséri­ corde: ainsi l'humanité n’a pas été absorbée par la ma­ jesté divine. Chacune des deux natures fait, en union avec l'autre, ce qui lui est propre : ainsi Je Verbe opère ce qui est du Verbe, et la chair exécute ce qui est de la chair... C’est ainsi qu’il faut lo répéter souvent, un seul et mémo (sujet] est tout Λ la fois véritablement Fils de Dieu ct fils de l'hom­ me... Quoiqu'on NotreSeigneur Jésus-Christ il n’y ait qu'une seule personnedc Dieu et do l’homme, autre est la sourccde l’humiliation commune, nuire la sourccde In commune gloire. Il n dc nous l’humanité, qui est moindre que le Père, ct du Père, il tient la divinité qui le rend égal au Père. En raison dc cotte unité de personne dans les deux natures, on Ht que le fils de l’homme est descendu du ciel, quoique ce soit le Fils de Dieu qui ait pris chair dc la Vierge. Do même on Cette première partie de la profession de foi conciliaire vise directe­ ment les hérésies antérieures au nestorianisme ct à l'eutychianisme, l’adoptianisme, l’arianisme, l’apollinarismc, sous toutes leurs tonnes. Voir plus haut, col. 464 sq. Le concile confesse : 2. « un seul ct même Christ, Fils, Seigneur, Fils unique, cn deux natures, sans mélange, sans transformation, sans division, sans séparation; car l’union n’a pas supprimé la différence des natures : chacune d’elles a conservé sa manière d'être propre, et s’est rencontrée avec l’autre dans une unique personne ou hypostase. » Ici, l’eutychianisme est directement visé, ou plutôt le concile réta­ blit la foi orthodoxe contre les exagérations de toutes sortes qu’y introduit toute espèce de monophysisme. Voir t. n, col. 2205. Notons dans cette seconde partie du décret plusieurs expressions qui flxcntdésonnois la tenninologié catholique en matière Christologique: tout d’abord, les tonnes άσυγ/ύτως, άτρ/πτως, qui marquent avec netteté l’intégrité substantielle des natures unies, et les termes αδιαιρτως, άχωρίστως, qui marquent leur union persistante; ensuite la formule, empruntée à saint Léon, de l’union dans la personne ou l’hypostasc. Le progrès dogmatique est ici évident : au lieu des fonnulcs piÇtç, χρχσις, ί·/ωσ?ζ ζ.χτζ φύσιν, çiraxif, que nous avons rencontrées chez les Pères du iv· siècle et chez saint Cyrille d'A­ lexandrie particulièrement, formules cftii pouvaient prêter â une interprétation monophysite, le concile ne retient plus comme définitive qu’une formule, ενωαι; ziO’ Οπόστισιν, qu’il emprunte à saint Cyrille, Epist. ad Nestorium, iv, P. G., t. lxxvii, col. 46, et u· onathématisme, col. 120, mais en cn précisant le sens. 11 ne s'agit plus simplement d'une union réelle, 484 par opposition â l'union morale de Ncstorius; le mode même de l’union est déterminé par l’apposition des deux termes πρόσωπο? ct ύπόστασις. L’union selon l’hypostasc signifie ici l'union selon la personne, hypostase étant pris pour J équivalent de personne^ cn christologie, comme il l’avait été antérieurement dans les questions t Unitaires. Voir Hypostase, col. 390. Enfin, sur l’expression b δύο φύσχσιν, on se reportera à cc qui a été dit, t. n, col. 2207. Sur tous ces points, l'œuvre du concile fut, non pas d’innover,mais de préciser ct de formuler exactement la doctrine reçue. Le concile de Chalcédoinc n’a fait que choisir, parmi les fonnulcs consacrées par Ja tradition, les conciles ct les Pères, celles qui paraissaient exposer de la façon la plus nette et la plus précise la croyance traditionnelle de l'Églisc sur l’incarnation et sur le Christ. En affirmant l’union en une personne ou hy­ postase des deux natures, ils rejetaient le dualisme nestorien; ils condamnaient le monophysisme cutychicn cn déclarant que cette unité personnelle laissait subsister dans le Christ Ja différence ct distinction des deux natures, o Ibid. 3° Les définitions postérieures à Chatcédoine. — 1. Synthèse historiquedes faits.—A partir du concllcde Chalcédoinc, la terminologie ct le sens exact du dogme catholique sont fixés définitivement. Les controverses cependant ne sont pas terminées. D’un côté le nesto­ rianisme persévère encore, surtout cn Perse. Les représentants de cette école s'en tiennent aux for­ mules de Ncstorius : ils n’admettent cn Jésus-Christ qu'une union de personnalité morale : cn Jésus, deux substances concrètes ou hypostases. Telle est la doc­ trine fondamentale du nestorianisme persan. Le Synodicon orientale de 486, l’homélie de Narsès (185 à 490) sur les trois grands docteurs Diodore, Théodore ct Ncstorius, maintiennent, même contre Chalcédoinc, les formules chères au nestorianisme; pasdcOio-zoxo;; ύπόστασις identifié avec φύσις, deux natures, deux hypostases et une personne dans le Christ. L’identi­ fication d’hypostase ct de personne, promulguée à Chalcédoinc, est donc formellement rejetée. Quel­ ques fluctuations au milieu du vi· siècle, dans un sens modéré, ne suffisent cependant pas à interrompre une tradition qui s'affirmera aussi hostile à la doctrine catholique que jamais, à la fin du vi« ct au commence­ ment du vn· siècle, avec Babal-lc-Grand, abbé d’Izln. Sur tous ccs points, cn attendant l'art. Nestorius, on consultera Labourt, Le christianisme dans tempire persan sous la dynastie sassanide, Paris, 1904; W. A. Wlgram, An introduction to the history of the Assyrian Church, Londres, 1910, et les sources indi­ quées par ccs auteurs.— D’autre part, le monophy­ sisme n’est pas brisé par les décisions du concile de Chalcédoinc, qui semblent donner raison aux anliochiens modérés, tel Théodorct de Cyr. Comme le dit fort exactement M. Tixeront, op. cit., t. m. p. 98 : · 1λ formule doctrinale qui cn sortit (de Chalcédoinc) était excellente et faisait aux décisions d’Éphésc ct â la doctrine cyrillienne un utile contre-poids; elle sauva la croyance au Christ historique menacée par les rêveries cutvchicnncs. Malheureusement on ne poussa pas assez loin le travail d'interprétation ct il ne se trouva personne pour montrer comment les décisions de Chulcédoine ne contredisaient pas celles d’Éphésc ni les enseignements de saint Cyrille, en quoi péchait le langage de cc dernier, el comment il devait être entendu ct compris pour s'ajuster aux nouvelles formules. On se contenta d’afllrmcr l'équivalence du fond sans la démontrer. Dès lors, le malentendu sub­ sista ct tout un immense parti continua de penser que le concile d’Éphésc avait été condamné par celui de Chalcédoinc ct la christologie de saint Cyrille par la Icitredc Ixon. · Lcmonophyslsmcsubsistadonc même 485 HYPOSTATIQUE (UNION) après Chalcédoinc : les différentes formes qu’il revêt marquent différentes systématisations théologiques «le l’erreur Initiale <ΓEutychés. Sur ccs différentes formes, voir Eutychés et eux ychianisme, t. v, col. 1601 sq. ; Sur le développement théologiquc qui s’y ren­ contre, voir plus loin. A vrai dire, ccs formes nouvelles du monophysisme ne provoquent pas de nouvelle sentence dogmatique de l'Églisc catholique. Pour amener de nouvelles alhnnations solennelles rela­ tives à l’union hypostatique, il faut des retours offen­ sifs du monophysisme, tantôt dans un sens accep­ table, comme ce fut le cas de l'affaire des Trois Cha­ pitres, voir Constan π.νορι.ι, (1(· concile dr), t. in, col. 1231-1239, ct, plus tard, la question du monothélisme, voircc mot, et Constantinople (111· concile de), t. m, col. 1260-1266. On sait d’ailleurs que le III· concile de Constantinople avait été précédé ct préparé par un concile romain de Lalran, cn 619. Après les décisions du IP concile de Constantinople où fut acclamée la célèbre lettre dogmatique du pape Agathon, il n’y a plus, à proprement parler, de contro­ verses christologiques cn Orient. Les définitions qui se produiront ne seront plus, relativement à l’union hypostatique, que le rappel ct la répétition des défi­ nitions antérieures d’Éphésc, de Chalcédoinc ct de Constantinople. 2. Définitions du 11· concile œcuménique de Constan­ tinople.— Voir le texte et le commentaire des 1 1 anathématisincs, t. ni, col. 1239-1259. Le itr analhématisme fixe la doctrine catholique relative à la Tri­ nité. Un seul point nous intéresse, l’identification des tonnes « hypostase » ct < personne », voir col. 1210. Le n· anathématisme vise très spécialement la théorie nestorienne. Dieu le Verbe a dcuxnaissanccs, l’une, éternelle, comme Dieu, l’autre, temporelle, comme homme, par l’incarnation qui a fait de la Vierge Marie la mère de Dieu. Le ni· anathématisme condamne ceux qui separent Jésus cn deux sujets, il n’y a pas dans le Christ άλλος ct άλλος, c’est-à-dire deux hypo­ stases; mais c'est un seul ct même Notrc-Scigncur Jésus-Christ, Verbe de Dieu, qui s’est incarné ct fait homme, à qui reviennent et les miracles ct les souf­ frances qu’il a volontairement supportées dans sa chair », col. 1212. Mais le iv° anathématisme est, pour la doctrine de l’union hypostatique, d’une importance exception­ nelle. Il condamne tout d’abord la théorie de l'union morale, selon une certaine égalité d’honneur, ou selon un rapport ou une relation, ou selon l’énergie, au sens de Théodore de Mopsuestc ou des nestoriens, qui «affirment ouvertement l’existence de deux personnes, protestant ne parler d’une seule personne et d'un seul Christ qu'au point do vue de l’appellation ct de l’honneur et de la dignité et de l’adoration ·. Il affirme ensuite que « l'union du Dieu Verbe avec la chair ani­ mée par une âme raisonnable et pensante s’est faite κατά σύνΟχσιν, c’cst-à-dirc selon l'hypostasc ». Il n’y a donc cn Jésus-Christ qu’une unique hypostase, μίαη >πόστασιν, laquelle est Jésus lui-même, « l’un de la sainte Trinité ». Mais le saint concile nous signale qu’il y a trois façons de comprendre cette union selon l’hypostasc : la manière impie d'Apollinaire cl d’Eutychès, qui implique une fusion entre les éléments con­ stitutifs de l’union, lesquels disparaissent dans cette union par confusion, χιτχ σύγχυσιν; la manière de Théodore (de Mopsuestc) ct de Ncstorius, < Introdui­ sant une union relative, σχιτιχην τξν ivnrstv; enfin, la conception catholique, < rejetant l’impiété de l’une ct l'autre hérésie, confesse l’union (plus exactement : unitionem, ινωτιν) du Verbe de Dieu à la chair, selon la synthèse, c’est-à-dire selon l'hypostnse ». La cano­ nisation du mot σύνΟοις pour indiquer l’union 086 personirclle, hypostatique, est remarquable dans cet anathématisme; avec l’allusion a L'un us de Trinitate, qui fut le problème initial de l’affaire des Trois Cha­ pitres, on peut dire qu elle constitue l’élément vrai­ ment original de la définition. L'expression ·:>ωσίς χχτά σύνΟισιν indique la composition de l'hypostnse ainsi formée par l'union du Verbe à la chair, parce que « non seulement elle sauvegarde l'inconfusion des éléments entre lesquels se fait l’union, mais aussi elle exclut toute division ». 11 était bon que le concile qui a voulu, en acceptant le mot σύ/κσις, faire une concession aux monophysites, expliquât d’une façon précise le sens de cc mot cher aux sévériens. Voir col. 411. Il est à remarquer d’ailleurs que la formule de Chalcédoinc est reprise ct derechef approuvée par le concile; l’union par synthèse est l'équivalent de l’union hypostatique : l’Églisc professe l’union du Verbe Dieu à la chair κατά aSvécsr/, ôr.tz Ιστ( χαύ* ίπόστασν», col. 1213-1246. Le v* anathématisme explique le sens du décret do Chalcédoinc, cn reprenant ce qui vient d’être affirmé de l’unité de sujet dans le Christ. Il s’a£it toujours d’en exclure toute interprétation nestorienne: «Si quel qu’un admet cette unique hypostase cn Notre-Scigneur Jésus-Christ, mais comme susceptible rè: c’est une qu’il a souffert spontanément pour nous, qu’il a été concession de terminologie faite aux mônophysltes; enseveli, qu'il est ressuscité, etc. A noter l’incise mais pure concession de terminologie, car il apparaît finale, dirigée contre les apollinaristes : cum assumpta bien ici, d’après le contexte, que la distinction réelle, ab eo atque animata intellectiiaUter carne cjus. Le 3* ca­ à laquelle s’oppose la distinction purement théorique non consacre à la fois le dogme de la maternité divine dont il s’agit, serait celle qui aboutirait « à avoir des et de la virginité ante et post partum de Marie. Le natures séparées et douées chacune de sa propre hy­ 4· canon rappelle que, < selon la vérité, il y n, du postase ». L’expression έν όιωρ’ζ est empruntée à même et unique notre Seigneur et Dieu, Jésus-Christ, saint Cyrille. Voir col 475. A noter, Λ la lin de cet deux naissances, Γιιηο éternelle, du Père, avant tous anathéinatisme, l’expression ίοιο·«}πόστατος, pour expri­ les siècles, l’autre, dans le temps, de Marie, toujours mer la subsistence propre à la personne ou hypostase. vierge et mère do Dieu ». La consubstantialité selon Quelles que soient les concessions de terminolo­ la divinité avec Dieu, avec nous selon l’humanité, est gie faites au monophysisme, le concile ne pouvait affirmée dans les memes termes qu'aux conciles de laisser passer l'expression k δύο φύσ.ων, voir Euty- Chalcédoinc et de Constantinople, et le canon ajoute b chès, L v, col. 159G, ou encore la formule: uïa φύατς raison théologique de cette double consubstantialité: του Λόγου σισαρχω’χΖτη sans l’expliquer : c’est l’objet ut toto homine codcmque et Deo totus homo reformaretur, du vm· anathéinatisme, qui vise directement la qui sub peccato cecidit. Les canons suivants méritent doctrine du monophysisme: c Si l'on ne prend pas ces d’être cités en entier : expressions, conformément à la doctrine des saints Cnn. 5. SI quis secundum Si quelqu’un ne confesse Pères, dans ce sens que, de (a nature divine et de Γhu­ sanctos Patres non confite­ pas, selon la doctrine det maine, l’union selon l’hypostose une fois réalisée, tur proprie et secundum saints Pères, proprement et veritatem unam naturum en toute vérité, une nature tl est résulté un Christ; mais si, parces expressions, l’on tente d’introduire une nature ou essence de la divinité Dei Verbi incarnatam, per Incarnée de Dieu le Verbe, hoc quod Incarnata dicitur en ee sens que notre sub­ ou de la chair du Christ >, on mérite l’anathème. · En nostra substantia perfecte stance est dite incarner dans affirmant que le Verbe unique s’est uni selon l’hypoin Christo Deo et indiminutc le Christ-Dieu, dans sa stase, nous ne disons pas qu'il s'est produit une confu­ absque tantummodo pec­ totalité et sans diminution sion quelconque des natures entre elles, mais nous cato significata, condem­ (sauf seulement le péché), natus sit. concevons plutôt que le Verbe s’est uni ά la chair, qu’il soit condamné. l’une et l'autre des deux natures restant ce qu’elle est. Une fois de plus, la formule pseudo-athanasicnne C’est pourquoi un est le Christ, Dieu et homme, tout à la reprise par saint Cyrille, et introduite par le II· con­ fois consubstantiel au Père selon la divinité, et consub­ cile de Constantinople dans le langage officiel de stantiel d nous selon l'humanité. * Sur cette consul>- l’Église, reçoit sa signification déterminée. L’incise, stantlalilé double, le concile ne fait que reprendre les absque tantummodo peccato, reproduit sans doute le expressions memes du concile de Chalcédoinc. Voir t. n, texte du symbole. Le texte latin de ce symbole, dans col. 2195. L’unité d’adoration suppose en Jésus-Christ la partie ajoutée à la formule chalcédonicnne, porte l’unité do personne, mais non pas la confusion des simplement : eumdem esse (credimus) perlectum Deurn natures. Tel est, en résumé, le sens de l’anathéma- et hominem perlectum cumdem atque unum Dominum tisme IX·. nostrum desum Christum... Lc texte grec ajoute, après Quant à l'anathématisme x% il canonisait la hominem perlectum eumdem, μόνης δ·χα της αμαρτίας. formule tant discutée: un de la Trinité a souffert. En Mansi, t. x. eoi. 115. rapportant ù Jésus cette affirmation, elle est plei­ SI quelqu’un ne confesse (Lan. 6. Si quh... non nement orthodoxe et constitue simplement un cas confitetur... ex duabus et pas... que de deux natures particulier de la communication des idiomes. Approu­ in duabus naturis et en deux natures unies sub­ vée déjà par Jean II, Denzinger-Bannwart, n. 201, stantialiter unitis inconfuse substantiellement, sans con­ cette formule, à laquelle tenaient tant les instiga­ et Indivise unum cumdcm- fusion. sans division, est le teurs du concile, reçoit ici une consécration définitive, que esse Dominum et Deum même et unique Seigneur et Dieu Jésus-Chris!, qu’il toll 3 Le concile de Latran de 649. — On fait ici une place Jesum Christum ,c. s. condamné. à part à ce concile romain, parce que son autorité, dans l’Église catholique, est presque aussi considé­ Dans ce canon, apparaît le génie latin, qui ne s em­ rable que l’autorité d'un concile œcuménique. Sur barrasse pas des subtilités orientales. Que l’on dise VEcthèse et le Type qui provoquèrent les définitions i que Noire-Seigneur est de ou en (ές ou έν) deux et anathèmes pontificaux, voir Constantinoplu natures, peu Importe : ce (fui importe, c’est d’affirmer (/1 /· concile de), t. m, col. 1263, 1264. Le symbole l’union substantielle do ces natures, leur Inconfusion, rédigé dans ce concile n'est que la répétition et la leur indivision, et l’unité du sujet qui constitue la traduction de celui de Chalcédoinc, auquel s'ajoute personne de Jésus-Christ. une profession de foi relative aux deux volontés et aux Si quelqu’un ne confesse Cnn. 7. SI quis... non deux opérations naturelles dans le Christ. Mais, et ce confitetur... substantialem pas... que 1rs natures con­ point intéresse directement le dogme de l’union hy­ differentiam naturarum in­ servent en lui (Jésus), sans postatique, le concile fait dériver la fol en deux volon­ confuse et Indivise in co confusion ni division, leur dlITércncc substantielle,qu’il tés et deux opérations, du dogme de l'union hyposta- salvatam, c. s. soit condamné. llque lui-même : (credimus) et duas eiusdem, stcutt na­ turas unitas inconfuse, tta ft duas naturales volunLes canons.8 et 9 expliquent celte doctrine sous les t ites, etc.. ; eumdem veraciter esse pertectum Deum et deux aspects qu’elle comporte, l’aspect de l’union hominem perfectum, eumdem atque unum Dominum substantielle, l’aspect des natures unies. nostrum et Deum Jesum Christum. . Mansi, t. x, coi. si quelqu'un ne confeise Cnn. 8. Si quH... non con­ 1150; Hahn, op. cit., p. 238-212. Panni les vingt canons fitetur... naturarum »ub- pa*.. l'union substantielle qui furent promulgués à la suite de ce symbole, le sbmtliilem unltlon emlndl- de% natures reconnue en ltr concerne spécialement le dogme trinitaire : les I vise et inconfuse in eo co­ Jèstiv-C.lirbt, sans dividon· ’«uiis confusion (de* nntum gnitam, c. ·· personnes y sont désignées sous le nom de subsistentur entre elles), qu’il soit con­ Voir Hypostase, col. 391. Tous les autres canon· damné. ont pour objet de préciser le dogme de l'incarnation. 489 Cnn. 0. Si quis..· non con­ fitetur··· naturales proprlotiitcsdcltutls ejusethumani­ tatis Indiminutr. et sine doininoraUono salvatas, c· s. HYPOSTATIQUE (UNION) SI quelqu’un ne confesso pas que les propriétés natu­ relles de sa divinité cl de Phunuinité sont sauvegar­ dées sans diminution, sans déformation, qu’il soit con­ damné. Le canon 8* est remarquable, parce qu’il précise que l'union substantielle des natures en Jésus-Christ, nous est connue avec les caractères que lui attribue le concile de Chalcédoinc, indivision d'une part, in­ confusion d’autre part, dans les deux natures unies. Ne faut-il pas voir, dans cette précision du concile, une réponse aux Interprétations exagérées du mono­ physisme, relativement à la distinction iv Ocwpt? qu'il préconisait par rapport aux natures unies en JésusChrist? On rapprochera avec intérêt ces trois derniers canons des affirmations de saint Léon, salva proprie­ tate utrtusque nalurœ...; ut agnoscatur in eo proprietas diuinie humanæque naturæ individua permanere, voir col. 479 — et le canon 7 du II· concile de Con­ stantinople, t. ni, col. 1917. Les canons suhants, de 10 à 17, concernent direc­ tement l’hérésie de l’unité naturelle d’opération et conséquemment de volonté dans le Christ; cette partie des décisions conciliaires ne nous intéresse présen­ tement que pour montrer comment du dogme des deux opérations et des deux volontés dans le Christ découle nécessairement la dualité de nature : le dyothélisme est la conséquence obligatoire du dyophyslsmc. Aussi, le pape saint Martin a-t-il avec raison fait précéder les canons relatifs au monothelisme des canons rela­ tifs au dogme de l’union hypostatique, tels que nous venons de les rapporter. Les derniers canons, 17-20, rappellent la nécessité de maintenir la doctrine pro­ mulguée dans les cinq conciles œcuméniques et con­ damnent nommément, comme entachés de l'erreur monothélite, VEclhèse et le Type. L’acte courageux.et nécessaire de Martin Ier devait recevoir une consécration solennelle dans le 111· con­ cile de Constantinople, VI· œcuménique, dont les décrets dogmatiques furent édictés et promulgués, à la lumière des enseignements du pape Agathon, par qui, une fois de plus, Pierre devait parler. llardouin, t. ni, col. 1422. 4. La lettre dogmatique du pape Agathon.— Voirie texte, t. i, col. 561-562. lut foi catholique en l’union hypostatique, fondement dogmatique du dogme des deux volontés en Jésus-Christ, est ainsi formulée:· Nous reconnaissons que Noire-Seigneur Jésus-Christ. Fils unique de Dieu, un en une personne, subsiste de et en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation. Chez lui, l’union des natures ne supprime pas leur diiTérencc, mais les propriétés de l’une et l’autre nature sont pleinement sauvegardées et s’unissent en une seule personne cl une seule subsis­ tence. 11 n’est ni divisé, ni séparé en deux personnes, et il n’est pas plus Tonné d’une seule nature composée résultant de la fusion des autres. Mais il est. dans son unité et son Identité, le Fils unique de Dieu, Dieu le Verbe, Notrc-Seigneur Jésus-Christ. 11 n’est pas un autre dans un autre, ni un autre et un autre, mais il est lui-même, un en deux natures, c’est-à-dire dans la divinité et dans l’humanité, et cela après l’union substantielle. Le Verbe ne s’est pas changé en la nature de la chair, et la chair ne s’est pas transformée en la nature du Verbe : l’une et l’autre est restée ce qu’elle était; c’est par la seule opération de notre esprit que nous discernons la diiTérencc des natures unies, dont il est compose, sans confusion, sans séparation, sans changement, il est un des deux natures, et les deux sont parson unité. Ensemble existent et la gloire de la divinité et l'humilité de la chair. En lui chacune des 490 natures garde, môme après l’union, toute son inté­ grité, et chacune accomplit, clan?» l'union de l’autre, les actes qui lui sont propres : le Verbe opérant ce qui est du Verbe, et la chair ce qui est de la chair : et tandis que l'un fait éclater les miracles, l’autre suc­ combe sous les injures.» Decet exposé de l'union hypo­ statique, le pape déduit la dualité de volontés et d'opé­ rations naturelles. On remarquera que les formules employées par Agathon sont textuellement emprun­ tées a des documents dogmatiques antérieurs ù la lettre de saint Léon, aux canons des conciles de Chalcédoinc, de Constantinople( 11·) et de Latran (649)· Cet emprunt démontre que l’Église, en formulant d’une façon précise le dogme de l'union hypostatique, n'innove pas et promulgue simplement une doctrine traditionnelle. 5. La définition du 111· concile de Constantinople, en ce qui concerne l’union hypostatique, reprend tex­ tuellement la formule dogmatique de Chalcédoinc. Voir t. n, col. 2191-2195 et plus haut, col. 483. 6. Les définitions postérieures ne font que répéter les formules déjà acquises. La foi de l'Église a trouve son expression dé finitivo ; voir, par exemple, au vir siècle, les Statuta Ecclesûe antiqua, au sujet de la profession de foi émise par le prêtre élevé à l'épi­ scopat Cavaliers, Thesaurus, n. 703. Signalons les principales définitions conciliaires, en renvoyant, pour leur texte exact, à 1’Enchiridion de DenzingerBannwart : symbole de fol du XL· concile de Tolède (675), n. 283; symbole de foi de saint Léon IX (1053), n. 314; définition du IV· concile de Latran, c. Fir­ miter (1215), n. 429; profession de foi de Michel PaléoI loguc, au IIe concile de Lyon (1274), n. 462; consti­ tution De summa Trinitate et fide catholica, concile de Vienne (1311-1312), n. 4S0; décret pro Jacobilis, concile de Florence (1438-1445), n. 708-710; profession de foi imposée aux Orientaux par Benoit XIV (1743), n. 1462, 1163. 1464. Il convient également de signaler, en l’an 563, les définitions du concile de Brnga. contre les priscillianistes, can. 3 et 4, Denzinger-Bannwart. n. 233. 234. VI. La théologie des Pères.— /. THEOLOGIE GR£CQU£. — Le concile de Chalcédoinc avait consacre le triomphe de la terminologie occidentale relative­ ment au dogme de l’union hypostatique : quelque effort que les représentants de la tendance monophx site aient fait dans la suite, les diflérents aspects du pro­ blème restent fixés par les formules de saint Léon : unité de personne, dualité de natures, union substan­ tielle. qui laisse cependant à chacune des natures ses propriétés et scs opérations, communication des idiomes. 11 reste ù la théologie de proposer les moyens rationnels de concilier limité de personne et la dua­ lité de nature, tout en maintenant l’unité physique du sujet en Jésus-Christ, Dieu et homme. Ces expli­ cations ne furent pas proposées immédiatement avec la netteté que l’on trouve dans la scolastique du xin· siècle : il serait pourtant injuste et inexact d’alhrmer que la théologie de l'union hypostatique n'exista, dans l’Église catholique, qu’à partir de cette époque. Déjà les Fèces du iv· siècle s’inquiètent de formuler le dogme en des expressions qui rendent compte, non seulement de la vérité révélée, mais encore des exi­ gences légitimes de la raison. Sous forme de compa­ raison, ou encore directement, par les explications qu’ils apportent, ils s'efforcent de montrer que l’on peut, sans contradiction, concevoir uno nature concrète, individuelle, qui ne soit pas une personne, c’est-à-dire un sujet complet. Mais, parallèlement à la théologie catholique, sc développe une théologie hétérodoxe, celle des hérétiques. Et, précisément, il convient de remarquer que les hérétiques sont devenus tels par rapport au dogme de l’union hypostatique, à cause 491 HYPOSTATIQL E (l MON) des explications qu’ils tentèrent de formuler sur un sujet où ils prétendaient bien sauvegarder le dogme révélé, alors qu’en réalité leur théologie corrompait le dogme ct ruinait la révélation. Il convient donc, avant d’aborder l’aspect catholique dc la théologie naissante du dogme dc l’union hypostatlquc, dc rap­ peler brièvement les écarts dc la théologie hétérodoxe. Ce double aspect du problème devant, d’ailleurs, être touché en des articles spéciaux, on n’en envisa­ gera ici que les lignes générales, dont le rappel est nécessaire pour l'intelligence des discussions théolo­ giques postérieures. 1° La théologie hétérodoxe dc l'union hypostatique. — 1. La théologie monophysite. — La théologie monophyslte, préoccupée avant tout dc réfuter ceux qui «divisent le Christ», ctd’affirmer l’unité du sujet en Jésus-Christ, excède, soit dans les comparaisons dont elle sc sert pour désigner l’union intime dc l’économie, soit dans les affirmations positives relatives à la constitution essentielle du Christ, dans le sens dc l’unité de personne. Λ proprement parler, l’hérésie apollinaristc est la première qui procède d'une fausse déduction théologique; la christologie dc l'arianisme, en effet, est une simple conséquence dc l’hérésie trinitaire. Voir col. 468. a) L’apollinarismc, au contraire, part, en christo­ logie, du dogme incontestable de l’unité substantielle dc Jésus-Christ. Or, deux êtres complets, en s’unis­ sant, ne peuvent former un tout substantiel. Donc, Jésus n'est pas un sujet résultant de l’union dc Dieu τίλιιος à l’homme également τιλίίω. On le voit, dans ce raisonnement, le moyen tonne est d'ordre rationnel; la déduction qu’on fait des prémisses posées est donc spécifiquement une conclusion théologique, laquelle, doctrinalement, est non seulement fausse, non seulement erronée, mais, par suite dc son opposition avec le dogme dc l’humanité parfaite dc NotreScigncur, une véritable hérésie. Mais ici, l’hérésie est le résultat d'une mauvaise théologie. Suppression de l’âme raisonnable, conception trichotomistc de l’hu­ manité, unité dc nature en Jésus-Christ : telles sont les hérésies que contient en germe la fausse déduction théologique dc l’apollinarismc. lui comparaison dont sc sert l’apollinarismc pour exprimer son erreur est significative. C’est la comparaison de l’union dc l’âme et du corps : dc même que l’âme s’unit au corps pour former un seul sujet, l’homme, dc même le Verbe s'unit à la chair animée pour former le Christ. En­ tendue dans le sens appollinaristc, cette comparaison, qui deviendra célèbre sous la plume des docteurs orthodoxes, indique bien le vice du raisonnement théologique d'Apollinaire. L'âme et le corps sont distincts l’un dc l’autre, et nonobstant cette distinc­ tion, ne forment qu’une seule substance, une seule nature, dans leur union. De même le Verbe et la chair animée sont distincts sans confusion, en Noire-Sei­ gneur Jésus-Christ, mais leur union constitue une nature physique unique. Voir De unione, n. 5, Lietzmann, p. 187; cf. Fragm., lxix, lxx, p. 220; i.xxn, p. 221; I.XX1V, lxxv, p. 222; lxxxîx, p. 227; exix, p. 23G; cxxvi, p. 238; cxxix, cxxxiv, p. 239; cxxxv, p. 240; Tomus synodalis, fragm., p. 263, où celle doctrine, si elle n’est pas toujours explicite­ ment proposée, est toujours Implicitement supposée. C'est dc la même façon qu’il explique la formule τπα cûsiç του Λόγου σισα^χωαίνη. Ad Jooianum, η. 1, p. 250-251. ’ I b) L’culychianismc proprement dit n’a pour ainsi dire pas de théologie : il est tout entier constitué par les affirmations d’un moine têtu ct peu instruit, et ne comporte pas dc raisonnements bien caractérisés. L’hérésie d'Eutychès, voir ce mot, fut d'affirmer une seule nature en Jésus-Christ, nonobstant l’union du 492 Verbe à l'humanité : d’où, le corps de Jésus ne nous est pas consubstantiel. Voir t. v, col. 1591. Mais rien de précis dans les affirmations de l’hérésiarque ne nous permet d’attribuer un sens bien déterminé aux formules qu’il emploie. Voir col. 1592-1596. C’est encore un monophysisme purement dogmatique que nous offre VHenoticon do Zénon, inspiré par Acace de Constantinople. Voir t. i, col. 288-289. Bcjctanl le concile dc Chaicédoinc, ce document affirme l'unité de Jésus-Christ, consubstantiel à Dieu par sa divinité ct à nous par son humanité; il condamne aussi bien Eutychès que Ncstorius, mais rejette les formules de Chaicédoinc ct passe sous silence les deux natures. Voir L vî. col. 2153-2178. D’autres doctrines monophysites, dérivées de l'cutychianisme par opposition au concile dc Chaicé­ doinc, ou même déjà existantes avant Eutychès, plus complètes dans leurs déductions que les affirmations du vieil archimandrite, présentent un caractère théologique qu’il convient dc signaler. Elles préten­ dent sauvegarder en fait l'unité substantielle du Christ, mais, sous plusieurs formes différentes, convien­ nent que la chose n'est possible qu'à la condition dc donner au Christ une seule nature, qui englobe à la fois la divinité ct l'humanité. Ces monophysites adop­ tent pleinement le principe apollinaristc : un être complet est non seulement une nature complète, mais une nature subsistante, ayant son existence dc sujet individuel; aucune distinction, même de simple raison, entre la nature concrète, individuelle, et l’hypostase. D’où, au point dc vue philosophique, identification absolue dc φύσις ct d'SzÔTzaat;. Quant au terme προσώπου, personne, il est parfois le syno­ nyme d'Lzôrraatç, voir Lebon, Le monophysique sibé­ rien, Louvain, 1909, p. 242 sq., mais ordinairement il est peu employé, par crainte du nestorianisme. Voir fixeront, op. cit., t. in, p. 119, note 1. Eutychès avait erré en niant la consubstantialité du Christ avec nous dans sa chair. Mais parce qu’Eutychès n’avait pas expliqué pourquoi et comment le corps du Christ n'était pas de même nature que te nôtre, son assertion fondamentale devait nécessairement recevoir des explications divergentes. On saisit immédiatement l’aspect théologique des déductions imaginées pour rendre acceptable le système monophysite. Voir Eutychès, col. 1602. Grâce à l'intervention de la théologie monophysite, nous nous trouvons en pré­ sence dc doctrines variées : théorie dc l’absorption dc l’humanité par la divinité; théorie dc l’évanouisse­ ment du Verbe dans l’humanité; théorie dc la méta­ morphose réelle du Verbe en chair; théorie de la mé­ tamorphose apparente du Verbe en chair; théorie du mélange; théorie dc la composition en tout naturel; théoriedcl’origine céleste du corps du Christ; théorie dc l'aphthartodocétisme, ou dc la non-possibilité naturelle du corps du Christ. Voir Gaianites, t. vî, col. 999-1022. Dans tous ces systèmes, la déduction théologique est à la source de l’hérésie. Sur la théologié monophysite actuelle de l’Églisc copte, voir G. Macaire, L*Église copte, Le Caire, 1893, IIe partie. Le Christ Emmanuel. Voir Monophysite (Église). Sur 1 Église Jacobite, voir E. Nau. Dans quelle mesure les Jacobites sont-ils monophysites ? dans la lievue de Γ Orient chrétien, t. X (1905), p. 113 sq. c) C’est encore la théologie qui est à l’origine du schisme ct de l’hérésie des sevériens. Voir Eutychès» col. 1598-1601. il ne s’agit plus ici toutefois dc déduc­ tion théologique, mais de terminologie. Les docteurs sévériens t sc croyaient acculés à l’acceptation dc la christologie nestorienne, s’ils adhéraient à la doctrine dyophysitc. Et pourtant, le Tome et la définition ne versaient pas dans cette impiété hérétique. Pour en faire moins étalage, les catholiques n’admettaient pas 493 HYPOSTATIQL’E (UNION) moins sincèrement que leurs adversaires l'absolue unité individuelle du Christ, la divinité proprement dite dc Jésus. Ils ne divisaient pas Tunique Seigneur; l’union en personne n'était pas une pure adhésion morale, une relation extrinsèque du Bis dc Marie au Fils do Dieu... De part et d’autre on confessait un seul ct même Verbe incarné, vrai Dieu ct vrai homme, consubstantiel au Père et à nous, sans mélange, sans confusion, sans transformation essentielle des élé­ ments, sans séparation du Dieu ct dc l’homme quant a T existence individuelle. Dc part ct d’autre on reje­ tait avec horreur l'impiété dc Ncstorius ct la folle d’Eutychès...; la différence était totalement ct exclu­ sivement dans l’exposition dogmatique ct scientiBque dc la christologie; la querelle provenait d’un immense malentendu sur le sens des formules : une nature de Dieu le Verbe incarné, ct (en) deux natura après l'union. » J. Lebon, op. cit., p. 508-509. Le patronage du pseudo-Denys l’Aréopagitc, voir Denys l'Abéopagite (Le pseudo-), t. iv, col. 429, dont sc réclamaient les sévériens, sufllrait à lui seul à indiquer leur orthodoxie réelle. Le pseudo-Denys semble s'être peu intéressé aux controverses christologlques dc son temps. 11 n’a ni la formule μ'α φύσις, ni la for­ mule δύοφύσιις: o Le Verbe, ou plutôt Jésus simple s’est composé (συνιτίΟη) sans changement ct sans confusion (άναλλοιωτώς χαί ασυγχότως) avec une humanité complète. 11 était vraiment Dieu ct entièrement homme (χατ* ουσίαν ύλην αληθώς άνθρωπος ώ/), mais cependant, tout en étant homme» il était au-dessus de l’homme. H n'opérait pas en Dieu les choses divines, ni les choses humaines en homme, mais il nous présentait une nouvelle opération théandrique d'un Dieu devenuhomme», άνδρω(ΗντοςΟιουχαινι|ν τινα την Οιανδριχην ένίργιιαν ήμιν ππζολιτίυρχνος. Cf. 'Fixeront, op. cit., t. m, p. 131. Toutefois, nonobstant leur ortho­ doxie réelle, les sévériens différaient verbalement des catholiques, ct au malentendu sur la terminologie il faut ajouter leur entêtement à ne pas vouloir entendre ct accepter les explications des catholiques. Par leur opposition systématique aux formules du concile de Chaicédoinc, ils méritent vraiment d’être qualifiés comme hérétiques. Cf. Eutychès, col. 1599. Enfin la formulé occidentale de l'union hypostatique» dutr naturæ in una persona, par sa ressemblance même avec celle de Ncstorius ct des Antlocldciu, paraissait sus­ pecte aux monophysites les plus orthodoxes. L'unique différence, qui séparait cetto formule des formules nestoriennes, consistait dans l'aflirmation, par les catholiques, d ’une seule hypostase ; au point de vue des grecs, cette différence était capitale ; mais les monophysites entendirent alors Γύχόστααις des catholiques dans le sens du πρόσωπον do Nestorius: inconséquence ou ruse de leurs adversaires chalcédoniens. Cf. Lebon, op. cit., p. 509-510. De 1Λ, l'impos­ sibilité d'arriver ù une entente véritable. 2. La théologie dgophystte hétérodoxe. — Nous en avons étudié déjà révolution ù propos des antécé­ dents du nestorianisme cl au sujet du nestorianisme lui-même ct delà théologie de Théodore ctde Nestorius. Ici, la théologie hétérodoxe est, avant tout,préoccupée de sauvegarder en Jésus-Christ la dualité de ce que nous appelons, après saint IZon ct le concile de Chai­ cédoinc, les natures, divinité ct humanité. La déduc­ tion théologique consiste ici à partir du meme principe philosophique admis par le monophysisme, l’équi­ valence de φύσις cL <Γύπόστασις. Voir col. 492. Le mot ζροσωπον, d importation occidentale, présente, avons-nous dit, un sens abstrait qui permet auxdyophysites nest oriens d’y trouver la formule indiquant, en Jésus-Christ, l’unité de personnalité. Toute la théologie nvsloriennc repose donc sur Tldcntiticatlon des termes φύσις ct ύζόστασις, tout comme la tliéo- 494 logic cutychicnne. Nous avons vu, Hypostase, col. 391, les déductions que les représentants du nes­ torianisme en Perse ont tirées dc ce principe. L’union hypos ta tique, pour eux, n'existe pas, puisque le Christ comporte deux hypostases, c’est-à-dire deux réalités concrètes, deux natures Individuelles, la divinité ct l'humanité. Il ne faut parler que d’union prosopique, union dans la personnalité, et dans une personnalité constituée par la complaisance du Verbe pour l'huma­ nité : c’est l'union morale opposée à l'union physique des monophysites ct des catholiques. Les conclusions d'une telle position tbéologique sont innombrables. Nous en avons énuméré les prin­ cipales en exjKîsant succinctement le système christologlque dc Nestorius. Voir col. 471 sq. Nous souli­ gnerons ici simplement le processus théologique qui est à la base dc toutes ces erreurs. Au fond, monophy­ sisme ct nestorianisme, s'inspirant des données de la philosophie rationnelle, ne concevaient aucune dis­ tinction entre les concepts dc nature et d'hypostasc. Les controverses trinitaires, qui avaient abouti, dans l’exposé du mystère, à la distinction du terme ούσία ct du terme ύποστασις, voir Hypostase, col. 379 sq., n’ont eu, tout d’abord, aucune influence sur la ter­ minologie à employer en christologie. < Oui, sans doute, les théologiens du ive siècle, ct principalement les Cappadodens, distinguaient en Dieu la «naturo et les · hypostases >;ces luttes contre l’arianisme avaient eu pour résultat dc fixer la terminologie scientifique du dogme trinitairc et, par le fait meme, de déter­ miner l'objet dc la croyance avec plus dc clarté ct de précision. Mais les Pères admettaient cette distinction au sujet du mystère de la sainte Trinité, sans proposer d’explication philosophique, sur la différence qui existe entre « nature * ct « personne ». Lorsqu’il s'agit dc Dieu, Basile, les deux Grégoire, Épiphanc, tous les orthodoxes ct Tévêque de Laodicéc lui-même (Apolli­ naire), distinguent trois hypostases et une nature; la na­ ture divine n'est pas une essence spécifique commune à plusieurs individus; elle est numériquement une, c’est la «monade»: όαολογοϋμχν την Τριάδα, μονάδά iv τρ’.άδιχα: τριάδα iv povaou S. Épiphane, Heer., lxii, n. 8, P. G., t. xu. col. 1053; cf. Petau, De Trinitate, 1. IV, c. xm-xiv.Mais lorsqu’il s’agit des créatures et des no­ tions rationnelles de « nature » ct d’« hypostase », ils opposent φύσιν (ou aussi ουσίαν) à 6χόσταβιν, comme ce qui est général ct commun à ce qui est propre ou particulier. Les Cappadociens eux-mêmes ignorent en quoi une nature individuelle est distincte d’une hypostase. On comprend, dès lors, que la doctrine trinitairc nclcuralt pas été d'une grande utilité pour la solution du problème christologiquc. C'est même un fait assez étrange qu’aucun d’eux ne formule le dogme dc Tlncamatlon, en disant que la divinité ct l'huma­ nité sont unies dans le Christ χαΟ* ύπόστασιν, mais restent distinctes χατα φύσιν. Au surplus, la doctrine orthodoxe sur ce mystère présentait au regard dc la raison une dilliculté plus grande que la doctrine trini­ tairc. Ici, en effet, les deux termes à concilier appar­ tiennent ù la sphère du divin, ct il n'était point malaisé d'admettre que nos connaissances rationnelles des rapports dc la nature et dc la personne ne peuvent s'appliquer Λ rêtrcincompréhcnsiblc... Mais l’humanité du Christ est de l'ordre des choses visibles; elle est semblable à la nôtre. Or, la raison ne dit-elle pas qu'uno nature individuelle subsiste par elle-même et constitue par conséquent une personne? Comment la nature humaine peut-elle être unie ù la nature divine de Jésus-Christ, sans détriment pour l’unité d’hypostase ? Pour expliquer ce mystère, il ne suffisait pas dc considérer que les notions rationnelles ne peuvent s'appliquer de la même façon aux choses créées ct à I Dieu; il fallait reconnaître que, dans les créatures 495 HYPOSTATIQUE (UNION) 496 elles-mêmes, une nature individuelle n’est pas néces­ iv· siècle, les Pères, avons-nous dit avec M. Voisin, sairement une personne, et chercher, par les lumières étaient incapables de proposer une explication philo­ de la raison, en quoi consiste cette différence que la sophique sur la différence qui existe entre < nature > révélation nous dit exister, mais que la philosophie et < personne ». Mais ils ne confondaient pas ces deux ancienne n’avait pas soupçonnée, » Voisin, L'apolli- termes et leur attribuaient deux sens différents. Voir narisme, p. 360-361. Les grandes hérésies du v· siècle Hypostase, col. 385 sq. Bien plus, on rencontre déjà, ont eu précisément comme point de départ cette non- chez les auteurs du iv® siècle, des traits caractéris­ tiques de l’hypostasc, ceux-la memes que l’on rencon­ distinction des concepts de < nature » et de < personne ». trera plus tard, exposés et longuement expliqués, Tandis que les Pères» défenseurs de l’orthodoxie, allaient commencer à élaborer diverses théories sur dans les différents systèmes philosophiques chrétiens. 11 n'y a qu’à se reporter au résumé fait de la pensée Ja manière de concevoir cette distinction nécessaire, Nestorius, d’une part, Eutychès, de l’autre, s’obsti­ philosophique des Pères, à l'art. Hypostase, princi­ nant à maintenir la confusion des concepts, devaient palement col. 405. C’est cependant à l’aide de cette terminologie peu nécessairement construire une théologie erronée de l’incarnation, dont l’aboutissant était l’hérésie. · Les assise que les Pères entament Ja lutte contre Papollinarisme. Nous avons déjà vu quel emploi les Pères écoles théologiques avaient suivi des voies différentes ont fait de l'argument sol ériologique : < Le Verbe a dans le développement de la doctrine de l’incarnation : la diversité des points de départ et des principes diri­ sauvé l’homme tout entier; donc il s’est uni ce qu’il geants conduisait naturellement les docteurs d’Alexan­ est venu sauver. » Mais le moyen terme d’ordre ra­ drie et d’Antioche à des formules christologiques dis­ tionnel sur lequel ils s'appuient principalement dans semblables et même opposées. Un terme, celui de leur réfutation est que le Christ ne serait pas homme jetait entre eux les dissensions fondées; car s’il ne possédait tous les éléments constitutifs de la nature humaine. Voir le développement de cet argu­ les uns et les autres entendaient par < nature », en christologie, l’être réel dans sa singularité et son indi­ ment, sous plusieurs tonnes différentes, Forme du vidualité. A l’époque des conciles d'Éphèse et de Chal- corps humain, l. vi, col. 552-555. « Ces deux principes, cédoine, aucune des christologics orientales ne dis­ dit à juste titre M- Voisin, op. cit., p. 354, le Christ est tinguait encore la < nature » de Γ< hypostase » : le semi- homme, et il s'est uni à ce quit venait sauver, sont les rationalisme des Antiochiens portait dans ses flancs deux arguments fondamentaux auxquels les ortho­ le véritable nestorianisme; dans la lutte contre ces doxes en appellent unanimement pour établir l'inté­ grité de Ja nature humaine du Sauveur. Saint Athanasc théologiens, c’est aux partisans de Cyrille qu’il faut donner raison, comme l’a fait le III· concile œcumé­ y ajoute le suivant : la mort consiste dans In sépara­ nique. Si la nature est l’hypostasc, c’est-à-dire l'indi­ tion de l’âme et du corps et non de la divinité et de la vidu, le Christ est une seule nature; le Verbe, même chair. Contra Apollinarem, 1. I, n. 18; 1. H,n. 1 l, P. G., fait chair, est une seule nature ^nature incarnée, sans t. xxvi,col. 1125, 1156. Par conséquent,si le Christ n’a doute, composée avec la chair, thèandriquc si l’on pas eu d'âme humaine, il serait faux de dire qu’il est veut, mais rigoureusement unique : c'est Dieu, bien mort de notre mort. Au jugement des deux Grégoire, que fait homme. En ce sens, deux natures après l’union, l’union de la divinité au corps se comprend mieux, si c’est, si l'on ne se trompe et si l’on veut être sincère, l'on admet qu’elle s’est faite par l’intermédiaire de Ja dualité des hypostases, des Christ, des Fils, entre l’esprit. > Dans toutes ces façons d'argumenter en lesquels il n’y a place que pour l'union morale de la faveur de la vérité révélée, on saisit l'esprit et la ma­ théorie ncsloriennc. » J. Lebon, op. cil., p. 509. nière proprement théolôgique. I~a comparaison chère Telle est, aussi exactement définie que possible à Apollinaire, de l'union de l’âme et du corps, est re­ la position des deux théologies hétérodoxes ad­ prise par les Pères, non dans le but que sc proposait verses, du nestorianisme en face du monophysisme. l'hérésiarque, mais uniquement pour démontrer la 2® La théologie orthodoxe de U union hypostatique. — possibilité d'une union intime, physique» personnelle, 1. Les premiers tâtonnements de la théologie catholique. entre le Verbe et la chair, c’est-à-dire l’humanité. —- En face des premières hérésies christologiques, les Léonce de Byzance, au vi« siècle, atteste que cette Pères, nous l’avons vu, se sont faits les défenseurs du comparaison était commune dans la tradition catho­ dogme et ont rappelé la tradition catholique. Mais lique. Contra Nestorium et Eutijeheten, 1. 1, P. G., tant qu’il s'est agi simplement d'opposer aux affirma­ t. hxxxvi, col. 1280 sq. Déjà, en effet, au iv· siècle, tions hétérodoxes l’affirmation traditionnelle, les saint Athanasc, Contra Apollinarem, I. H, c. i, n. 1, Pères sc sont contentés de rappeler le dogme et, tout P. G., t. xxvi, col. 1133; saint Grégoire de Nyssc, au plus, de montrer son bien-fondé dans les autorités Adversus Apollinarem, η. 2, P. G. *. xiv, col. 1128; de la sainte Écriture. C'est là l’œuvre des écrivains Némésios, De natura hominis, c. m, P. G., t. xi. col. 592ecclésiastiques des u· et m· siècles. Mais, dès le iv·, 593; le pseudo-Athanasc, De Incarnatione Dei Verbi, avec Apollinaire de Laodicée, la théologie commence η. 2, P. G., t. xxvm, col. 92; et, plus tard, Théodore!, à sc manifester dans le domaine qui lui est propre» le J Dial. Inconfusus, P. G., t. i.xxxni, col. 146-147, puis, domaine des conclusions, déduites des principes ré­ chez les Pères latins, saint Vincent de Lérins, Com­ vélés, ù l’aide de moyens tenues empruntés à la raison. monitorium, xif, χιιι, P. L., t. L, col. 654, 655, et saint Augustin, De civitate Del, 1. XIII, c. xxiv, n. 2, En face de cette théologie naissante et favorable, P. L.,t. xlï, col. 399; Scrni., ccci.xxi, De nativitate dans scs déductions à une hérésie destructive de l’humanité en Jésus-Christ, les Pères doivent faire Domini, in, η. 3, P. L., t. χχχιχ, col. 1660, proposent implicitement ou explicitement l’union de l’àmc et du œuvre, non seulement d’interprètes de la tradition, mais de véritables théologiens. Il s'agissait, nous ve­ corps comme tenue de comparaison, pour mieux faire comprendre l’intimité de l’union hypostatique. nons de le voir, de poser le principe de la distinction, D'ailleurs, la comparaison, au v® siècle, lait pour ainsi dans les créatures, des concepts de nature et d’hypostase. Celte distinction, en effet, est nécessaire pour ne I dire partie de la prédication universelle et du magis­ tère ordinaire de l’Église catholique. Le symbole dit point tomber dans les erreurs opposées de l'apoilid'Athanasc la propose explicitement : Sicut anima narlsme et, plus généralement, du monophysisme, rationalis et caro anus est homo ita Drus et homo unus d’une part, et, d’autre part, du nestorianisme ou, d’une est Christus. Denzlngcr-Bnnnxvarl, n. 10. Ιλ théologie manière plus générale, «le la dualité de personnes en des Pères trouve un troisième sujet sur lequel elle Jésus-Christ. Dans i’étal où se trouvait la terminologie doit s’exercer et nous touchons ici au point précis de catholique relative aux problèmes christologiques du 497 HYPOSTATIQUE J MON la controverse monophysltc et nestorienne, bien que les Pères visent directement rapolllnarlsmc, — c’est quand il s’agit de réfuter le fondement philosophique de tous ces systèmes hérétiques : deux êtres parfaits ne peuvent former un seul être, δύο τέλεια iv γενίσϋα: ου δυναται. Contra Apollinarem, 1. 1, η. 2, P. G., t. xxvi, col. 1096. 11 faut confesser que les réponses des Pères, au IVe siècle, sont encore, sur cc sujet, bien insuffisantes. Saint Grégoire de Nyssc aflinne simple­ ment que la conception apollinaristc présente autant de difficulté que la doctrine catholique, Antirrheticus, n. 39, P. G., t. xi.v, col. 1212; saint Grégoire de Nazianzc répond que l'argumentation apollinariste ne vaut que pour les choses s’unissant matériellement; mais il n’en saurait cire de même des choses spiri­ tuelles, qui peuvent s’unir entre elles ou à des corps. Puis, si notre esprit est parfait, il ne l’est cependant que d’une façon relative, c’est-à-dire par rapport à l’ûmc et au corps; mais il est imparfait relativement à la divinité. Epist., a, P. G., t. xxxvn, col. 185. Ces réponses directes sont bien insuffisantes, et cependant, dès le ιν· siècle, les Pères proposent déjà des indica­ tions remarquable; louchant la nature d !'hypostase ; nous avons noté tout particulièrement l’unité d’exis­ tence, c’est-à-dire de sujet existant, υπαρξις étant souvent pris par les Pères comme synonyme (Γύ-cστασις. Voir Hypostase, col. 104. Quant à proposer directement la distinction philosophique de φύσις et Α’ύπόστασις en christologie, les Pères du iv· siècle ne !c peuvent encore pas : ils la press nient et l’indi­ quent à leur manière· « En eflct, ils ne disent pas que deux éléments forment dans le Christ un seul élément; mais en règle générale, ils emploient le genre neutre pour désigner l'humanité et la divinité, le masculin pour désigner l’être du Christ, en qui sont réunis ces deux éléments. S. Grégoire de Nazianze, Epist., a, P. G., t. xxxvn, col. 180. Ό δύο τελείων φύσεων είς υιός, dit saint Amphiloquc, Epist. ad Seleu­ cum, dans Mai, t. vu, p. 135. Le pscudo-Athanasc et saint Amphiloquc ne présentent aucune exception à celte règle. Épiphanc sc sert toujours du genre mas­ culin pour désigner l’être du Christ. Grégoire de Na­ zianzc emploie plusieurs fols le neutre : τα γάρ άμφότερα εν, mais le plus souvent il se conforme également à la règle indiquée, cl nous avons vu avec quelle précision il exprime la différence qui existe entre le mystère de la trlnité et celui de l’incarnation. Voir col. 459. Ce fait est digne d’attention; car il atteste que les Pères ne sc figuraient pas une union de deux éléments en formant un troisième; mais, sans avoir encore de tenninologie scienti tique, ils réfutent l’objection d’Apollinaire : « deux parfaits ne peuvent être un parfait », en disant : deux éléments parfaits constituent une personne (un sujet, un Christ, un ills), [vj, ένα Χριστόν, ένα υιόν. L’hérésiarque, qui repousse toute distinction entre · nature » cl · personne », emploie indiflérvnnnent le genre neutre ou le masculin; les orthodoxes, qui n’ont pas d’idée bien exacte sur cet le distinction, mais ont pourtant con­ science qu’il doit en exister une,so servent du neutre pour désigner les natures du Christ, et du masculin pour désigner sa personne. » G. Voisin, op. cit., p. 367-368. 2. Im théologie de saint Cyrille d'Alexandrie· — lui doctrine christologicpic de ce Père sur k sens précis de l’union hypostatique a été exposée, col. 471 sq. Il reste simplement à indiquer quel progrès le grand Alexan­ drin a réalisé dans la méthode, la tenninologie et l'cxplication théologique do cc dogme. - a) Au point de vue de la méthode, saint Cyrille développe l’argu­ ment scripturaire et traditionnel. Déjà, contre Apolli­ naire, les Pères du ιν· siècle avaient eu recours à l’auto­ rité de la sainte Écriture : c’est surtout dans l'interpré­ tation du mot cacÇ, chair, puis comme synonvmc 498 d'homme, d’humanité, que porte I’cflort des Pères. S. Athanasc, Ad Epictetum, n. 8, P· G., t· xxm, col. 1061, 1004; S. Épiphanc, liar., Exxvn, n. 29, P. G., t. xui, col. 685; S. Ambroise, Dt incarnatione, c. ux, i.x; cf. Epist., xi.h, n. 8, P. J·., t. xvr, col. 833, 1118; Grégoire de Nazianze, Epist., a, P. G., t. xxxvn, col. 17G sq.; S. Augustin, De LXXXîII quxst., q. lxxx, η. 1, 2, P. L·, t. xl, coL 93. Saint Cyrille donne Λ l’argument scripturaire un développement jusqu'alors inusité. A la fin du Derecta fide ad reginas, P. G., t. exxvi, col. 1221-1336, il accumule les textes bibliques destinés à réfuter la doctrine nestorienne des hypostases dans le Christ. Ces textes sc rctrou\cnl disséminés dans scs autres écrits. L’argument traditionnel, emprunté a l’autorité des Pères, prend aussi, avec le docteur alexandrin, une extension con­ sidérable. « Des l'origine de la controverse nesto­ rienne, dit M. Tunnel, saint Cyrille Invoqua Γautorité de saint Athanasc. Sa Lettre aux moines d'Égypte contient, en eflct, deux citations tirées du troisième discours contre les ariens, et dans lesquels la sainte Vierge est appelée mire de Dieu. Il compléta de bonne heure ses informations.·· Pour connaître, dans le dé­ tail, les résultats des recherches palristicpies entre­ prises par l'illustre adversaire de Nestorius, il faut consulter le compte rendu de la première séance du concile d'Éphèse, Hardouin, Acta conciliorum, t. I. col. 1399-1410, cl le premier discours aux reines, c. L n. 9-13, P. G., L lxxvi, col. 1209 sq. Là, sc dérou­ lent sous nos yeux de longues séries de textes. Cc sont : saint Pierre d’Alexandrie, saint Atlianase, les papes Jules et Félix. Théophile, saint Cyprica, saint Ambroise, les trois Cappadociens, Atticus* Amphiloquc, saint Jean Chrvsoslome, Antiochus, Ammon. Vitalis,Sévencn, qui x lament déposer contre Nestorius... On le voit, saint Cyrille a fait une enquête considérable, puisqu'il n consulté, non seulement les docteurs de l’Orienl, mais ceux de ΓOccident lui-même.» Histoire de la théologu positive, Pans, s. d. (1904), t. i. p. 210-211. L'argument palristique, convient-il d’ajouter, garde, sous la plume de saint Cyrille, le caractère d’argument traditionnel qui lui est propre : aux subtilités de Nestorius essayant d’interpréter en un sens favorable à son hérésie certains textes, aux re­ proches d’apolhnarisme que lui font certains adver­ saires, saint Cyrille répond en rétablissant le sens tra­ ditionnel et catholique des autorités invoquées : loin de s’en tenir aux expressions parfois défectueuse*, c’est à la doctrine cl à la doctrine seule qu’il s’attache. Dans le H· livre de son Advenus Nestorium.il explique que la divinisation attribuée à l’humanité dans l’union hypostatique n’implique pas un changement survenu dans la nature humaine par suite de son union avec la divinité, comme si elle avait été transformée en Dieu, mais signifie simplement qu’unie au Verbe, cette nature humaine appartient à Dieu. Quand les Pères parlent d'absorption de la nature humaine, sur­ tout après la résurrection du Christ, voir S. Athanasc, Contra arianos. oral, m, n. 48, P. G., I. xxvi. col. 425; S. Grégoire de Nyssc, Antirrhcticiis, n. 53, P. G., I. xlv, col. 1252, saint Cyrille explique, Ad Suc­ censum, Epist., i, P. G., t. lxxvh, col. 233, qu’il s’agit de l'absorption des infirmités de la nature et non de la nature clte-mêmc. Pareillement, s’il emploie la formule μια φύαις του Λόγου σ<σαοχωμ{νη qu’il croit être do saint Atlianase, c’est dans un sens nettement ortho­ doxe et nullement nppollinarlste. Voir Cyiullk υ’ΑLEXANnniE (Saint), t. m, col. 2513. 6>Au point de vue de la spéculation théologique, saint Cyrille n’accuse de progrès sur les Pères du iv· siècle que par une adaptation plus complète de la terminologie déjà reçu aux problèmeschristologiques : les mots φύσις, ύπόστασ·.:, ττοόσηΓνν, prennent un i » i . ni 499 HYPOSTATIQUE (I NIOX) sens plus directement en rapport avec la consti­ tution physique de l’être du Verbe incarné. Mais saint Cyrille est un précurseur : sa théologie prépare les décisions postérieures de l’Église; aussi comportet-elle, non dans le sens des vérités qu’elle expose, mais dans les formules memes qui traduisent cette vérité, plus d’une hésitation, plus d’une expression moins parfaite que l’Égllsc ne canonisera pas. La formule ίνωσιςχαΟ’ ύζάττασιν, dont saint Cyrille peut à juste titre revendiquer la paternité, Apologcltcus pro XIl capitibus, P. G., t. lxxvi, col. *100-101, est em­ ployée par lui dans un sens moins précis et moins strict que le sens qu’elle aura dans la suite. Néanmoins, le saint docteur a fait avancer beaucoup la théologie de l’union hypostatique : il en n donné le sens exact et posé les tenues essentiels. Toutefois, son œuvre reste encore, ù l’instar des œuvres du iv· siècle, plus dogmatique que théologique· Notons cependant, dans le domaine propre de la spéculât ion théologique, l’ex­ posé du mystère de l'union hypostatique par la célèbre comparaison dcl’union de l’âme et du corps, à laquelle nous avons déjà fait allusion, col. 491. Ncstorlus avait essayé de déduire de celte comparaison les consé­ quences erronées qu’on en peut tirer relativement au mystère de l'incarnation cl de montrer, par là, que 1 union de Dieu le Verbe avec l'humanité ne pouvait être < en une nature », Le livre d'Héraclide, p. 112-143; cf. p. 40; concevoir l’union hypostatique sur le mode de l’union de l’âme et du corps, c’est attribuer à Dieu impassible la possibilité, Λ Dieu immortel la souffrance et la mort, c’est « priver le Verbe d’être Dieu, parce qu’il ne serait pas en tout d’une essence indépen­ dante ». Ibid., p. 35-36; cf. p. 37-38. Les critiques de Nestorius prouvent simplement que toute compa­ raison prise dans les choses créées est en défaut pour représenter adéquatement Je mystère : saint Cyrille l’avoue : · L’union dont l'Emmanuel a été le sujet est au-dessus de cela (l’union de l’âme et du corps).» Scholia de incarnationc9n.S, P. G., t. lxxv, col. 1377. Cependant la comparaison de l’âme et du corps reste ftucentredeja théologiccyrlllicnne;lc docteur alexan­ drin la pousse aussi loin qu'il est possible de le faire sans franchir les limites de l’orthodoxie. Le Verbe incarné lui apparaît comme un individu unique, mais composé d’un double élément : la divinité et l'huma­ nité, tout comme l'individu humain est composé d’une âme et d’un corps. Le corps du Verbe lui appartient tout aussi réélit mentque notre corps nous appartient. Cf. Adinrsus Nestoriiun, L I, P. G., t. lxxvi, col. 200. L’humanité fait partie de la constitution physique du Verbe après l’incarnation, bien que l’hypostase divine soit demeurée immuable en elle-même. L’union de celte humanité avec le mol divin est aussi réelle, aussi intime que si le Verbe av ait été incarné de toute éternité, que s’il avait apporté sa chair du ciel, au lieu de la prendre dans le sein de la Vierge. Scholia, n. 31, P. G., t. lxxv, col. 1106. Sans changer aucune­ ment, le « mol » divin s'est parfaitement approprié, (ωοποιντΟα·., βιοποίησις, οιζιίωσις, tout ce qui con­ stitue l’humanité, tout cc qui lui arrive, tout cc qui l’affecte, de sorte que les choses humaines, :x άΛρώπινα, lui appartiennent aussi réellement que les choses divines, τχ ûiîx, de même que l'individu humain s’approprie tout ce qui arrive à son âme et à son corps... » M. Jugic, op. cil., p. 165-1G6. D'autres comparaisons sont employées par saint Cyrille» le charbon Incandescent, Ado. Nestorium, 1. II, prol., P. G., t. lxxvi, col. 62; la (leur et Γ odeur, Scholia, c. x, P. G., t. lxxv, col. 1379; la teinture cl l’objet qui en est imprégné, Dial.de incarnatione, ibid.,col 1214, comparaisons qu’on retrouvera chez des théolo­ giens postérieurs, comme Abucora et Théorianos. CL Tboma^sln, op. cit.91. Ill,c. iv. 500 3. La théologie de Léonce de Byzance, — L’œuvre théologique, commencée par saint Cyrille avant Éphèse, fut heureusement continuée, complétée et, ou peut dire,achevée par IZonce de Byzance après Chaiccdolne. Les hésitations, les inexactitudes qu’une terminologie encore en formation trahissent chez Cyrille, sont ici corrigées par les apports de la théo­ logie latine, qui, depuis Tcrtullicn, s’en tient à la formule classique, consacrée par saint Leon : une per­ sonne, deux natures, les deux natures s’unissant dans une personne unique ou hypostase. Léonce de Byzance n'a qu’à recueillir les dé linit ions dogmatiques anté­ rieures et y adapter les spéculations d’une théologie qui déjà se meut à l’aise et procède par des exposés didactiques. Λ dire vrai, il n’a pas le mérite de Cyrille d’Alexand rie, dont le génie avait devançâtes formules du 11· concile de Constantinople. Mais la valeur théologique de Léonce est incontestable. A lui revient le mérite d’avoir conçu une théologie de l’incarnation. Trois points caractéristiques sont à relever dans celte théologie par rapport au problème de l’union hypo­ statique : a) la méthode de Léonce est foncièrement théologique : « Chaleédonien, il l'est en conscience, mais il connaît aussi bien la christologie d'Éphèse, et H est convaincu qu'il règne entre les définitions des deux conciles une harmonie parfaite. C'est celte harmonie qu’il veut mettre en lumière, afin de couper court soit aux objections des ncslorlcns, solides monophysites, et de les ramener, si possible, à l’unité de l’Égllsc. Pour cette œuvre, il s’inspirera du néopla­ tonisme, dont il trouve des lambeaux dans les Pères; il lira Porphyre et, à travers Porphyre, utilisera Aristote et ses catégories. Mais cc ne sont là, pour lui, que des aides extérieures. Avant tout, il veut repro­ duire la pensée des Pères, πάντα έζ Πατέρων λα£ών Ιχω, P. G., t. lxxxvî, col. 1314; la philosophie lui servira seulement à en rendre compte ration· Bellement.» Tixeront, op. cil.,p. 152-153. — b) L’utili­ sation des concepts philosophiques lui permet précisé­ ment de donner, au sens que recouvrent les diverses expressions des Pères, relativement à l’union hypo­ statique, une formule typique, qui résout enfin,d’une façon satisfaisante, l’objection d’Apollinaire, maintes fois relevée par les Pères, cl cependant jamais réfutée complètement, à savoir, comment deux natures complètes, τέλιια, peuvent s’unir dans un sujet unique. C’est la difficulté d’ordre rationnel inhérente au mystère de l’union hypostatique; difficulté que l’on retrouve à la source des deux hérésies opposées, le nestorianisme et le monophysisme. On a rappelé ù Hypostase, col. 397 sq., l’analyse Inst iluéepar Léonce de Byzance relativement aux concepts de nature cl d’hypostasc; pour la première fols, on trouve dans la théologie catholique une formule exprimant exacte­ ment ce qu’est, en regard de l’hypostase, la nature concrète, existant réellement, mais ne constituant pas un sujet à part sol, ζαΟ’ έαυτό/. Entre la nature abstraite, sans réalité, ανυπόστατος, et la nature individuée, qui existe à pari sol, Οπόστασις, il y a un moyen tonne, c'est l’être, la naturo enhypostasiée, ένυπόστατος. La nature enhypostasiée n’est pas une hypostase, puisqu'elle n’existe pas en sol, mais cc n’est pas non plus un accident, puisque, par hypo­ thèse, c’est nue nature, une substance... Ainsi, l’on peut victorieusement répondre aux difficultés soule­ vées par les hérésies contraires, nestorianisme et cutyI chianismc : la nature humaine, tout en demeurant complète cl entière, n’est pas une hypostase, parce qu'elle n'cxbde pas à part soi et qu’elle subsiste dans le Verbe, à qui elle apport lentet qui lui donne d’exister par le fait qu’il la reçoit en lui. » Aux nestoriens, 1-éoncc fait renuirquer qu’il est bien vrai que le Verbe pariait et complet, τ λ ·ο;, n pris une nature corn- 501 HYPOSTATIQUE (UNION) 502 plètc, τιλι a; mnis que, si ces deux éléments sont définitions conciliaires relatives à l’union hypostacomplets et parfaits, considérés en eux-mêmes, ils ne I tique, col. 485 sq. 4. Les théologiens postérieurs d Léonce de Jiyzance. — sont, considérés vis-ù-vls du Verbe incarné dont Ils Comme on l'a vu â l'art. 1 {ypostasf, col. 399, pour les sont les éléments, que comme des parties incomplètes, théologiens postérieurs à I^éonce de Byzance (nous comme le corps et l'âme vis-â-vis de l'homme,col. 1289. 11 n'y a donc dans le Christ qu'une personne Voir passerons ici sous silence ceux qui n’ont laissé aucune œuvre vraiment originale), l’apport qu’ils ont pu faire col. 497, cet argument ébauché par saint Grégoire de à la théologie catholique a été suffisamment exposé; Nazlnnzc. Aux monophysites et aux Révérions en saint Sophronc de Jérusalem, saint Maxime, saint particulier, il fait remarquer que, si les caractères Anastase le Sinalte ne s’écartent en rien de la christo­ spécifiques de la nature humaine, τυ λογικό·? καί logie de Léonce. Toutefois, la christologie de saint φθαρτόν ιίναι, sc sont trouvés en Jésus-Christ Sophronc et de saint Maxime, de cc dernier surtout, •-ce qu’ils concédaient — il faut bien admettre qu’il présente un aspect nouveau. H ne s'agit plus simple­ y a en lui une φύσις humaine, et par conséquent ment d'affirmer contre les monoph} sites la dualité de deux natures, col. 1317, 1320. Cf. Tixeront, op. cil., natures; il fait tirer du principe dyophyslte, consacré p. 156-157. — c) La théologie de Léonce précise par des ù Chalcédoine et a Constantinople, des conclusions exemples et des comparaisons sa doctrine de l’enhythéologiques relatives ù la dualité d’opérations et de postasle. La comparaison du flambeau allumé de volontés en Jésus-Christ. Tandis que Sophronc deux éléments combustibles réunis en une seule flamme, revient ù plusieurs reprises sous sa plume, i insiste sur la dualité d'opérations en Jésus-Christ, sans parler explicitement de la dualité de volontés, col. 1280, 1304. Mais c'est la comparaison de l'âme Maxime va jusqu’au Ixjut des conclusions du dogme. et du corps, comparaison traditionnelle, et « reçue Sa théologie ne s'arrête pas ù l’activité du Christ; avec des théologiens antérieurs », «pic Léonce s'efforce la rigueur de la scolastique, elle arrive aux consé­ d’expliquer et de tirer au clair. Cette union est l'image quences dernières : si la volonté libre fait partie de la de l'union hypostatique, a. parce qu’elle implique, nature humaine, le Verbe, s’il a pris cette nature, a entre l'âme et le corps, une union substantielle, pris nécessairement aussi cette volonté. Ces conclu­ comme celle qui règle les rapports du Verbe et delà sions théologiques de\ tendront, par la consécration nature humaine; b. parce que, dans l'homme, l’âme officielle qui en sera faite au synode de Latran et au garde ses propriétés et le corps les siennes, comme, concile œcuménique 111· de Constantinople, des dans le Christ, la divinité et l'humanité conservent réciproquement les leurs; c. parce que l’union de * articles de foi : id. le progrès théologique sc double d’un progrès dogmatique. On étudiera l'un et l'autre l'âme et du coq>s en une seule personne humaine â l'art. Monothêlisme. 11 convient toutefois d’obser­ nous conduit à l’intelligence de l'union du Verbe et ver dès maintenant que, conformément à la solution de la nature humaine en une personne, une hypostase, qui sera donnée plus tard par la théologie scolastique un être, un sujet. Mais il faut se garder de déduire et que le pape Honorius Ier, voir t. vn, col. 101 sq.,esquis­ de cette célèbre comparaison l’unité de nature dans sait déjà dans sa réponse fameuse et tant discutée à l'Hommc-Dicu, et c'est sur ce point précis que l’union de l’âme et du corps, d’où résulte une nature unique» I Sergius, c'est à l’union hypostatique elle-même qu’il ne peut servir de tenue de comparaison à l’union I faut remonter pour avoir le prindpe de la rectitude absolue de la volonté humaine dans le Christ L'union hypostatique : Lc résultat de l’union de l’âme et du de l'humanité avec la divinité est la cause souverai­ corps n’est pas seulement un individu, τις άνθρωπος, nement efficace de l’impeccabilité du Christ, voir c’est une espèce, une φύσις caractérisée, une nature Jésvs-Ciirist; on doit donc, en Jésus-Christ ad­ à laquelle plusieurs individus peuvent participer, et mettre deux volontés» l’une divine, l’autre humaine, comme on peut attribuer â chacun des Individus cc sans craindre qu’elles s’opposent ou se combattent II qui est de la nature ou de l’espèce, on peut dire de n’y a qu’un voulant, le Verbe incarné, qui ne peut chaque homme qu’il est μία φύσις, Iden que le corps et faire deux actes opposés de volontÿ, et 11 est impossible l’âme gardent en chacun d’eux leur ί&ότης. Mais que la volonté humaine, divinisée comme toute l’huma­ en Jésus-Christ, il n’en va pas de même. Le résultat nité de Jésus, ne se conforme pas â sa volonté divine. de l’union en lui n'est pas une nature christique, •/οίστότης, cI8oç Χριστών, qui puisse être participée; I Elle s’y conforme donc, mais librement, et par un c'est forcément un individu, une hypostase unique, I vouloir humain et spontané. » Tixeront, op. cil., p. 191-192. Cf. P. G., t. xa, col. 30, 48. En ce qui incommunicable. 11 n’est donc pas μία φύσις, il concerne les autres auteurs, tous professant en Jésusest μία Οπόστασις. 11 n’existe epic trois cas, ajoute Christ l’union substantielle des deux natures, il suffit Léonce, où l'on peut parler de μία φύσιςΐ a. relative­ de les signaler, avec I énoncé de leurs principaux ou­ ment à l’espèce; b. relativement à (’individu en tant vrages christologiqucs. Citons saint Éphrcm d’Antioche qu'il participe à l’espèce; c. lorsque, de deux natures, (527-545), dont on n’a plus que quelques fragments, par le mélange, s’en formo une troisième différente P. G., L lxxxvî, 2, col. 2103-2110; le moine Job, dont cll.t p. 496-501. H. THÉOLOGIE LATINS. — 1° La théologie catholique. ou < nature > du pain ct du vin qui demeurent, dans — 1. Son caractère dogmatique. — Ιλ théologie latine du l'eucharistie, nonobstant la présence réelle, est plus iv« siècle, avons-nous dit, col. 462, se contenta d’affir­ célèbre; n. 14, n. 698. Sur la véritable signification mer le dogme dc l’union hypostatique. Saint Augustin de ces termes, voir Eucharistie, t. v, col. 1180-11S1 ; n'njoutc rien aux affirmations dc scs devanciers : sa cf. Lcbreton, art. Eucharistie, dans le Dictionnaire théologie christologique est encore un exposé, plus apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, 1.1, coi. 1375-1576. Rapprocher de ces déclarations dogma­ complet peut-être, mais strictement dogmatique du tiques du pape Gélasc, la lettre d’Anastase II à Lau­ mystère. Voir Augustin (Suint), t. 1, col. 23G3-23G5. A noter l'usage fait par le docteur d'Hippone dc la rent dc Lignido (497), n. 2. Caxallera, Thésaurus, comparaison de l’âme ct du corps, col. 2366. Saint Au­ n. 700-701. gustin ramena à une conception orthodoxe dc l'union 2. Précisions dans la terminologie. — 11 suffit de hypostatique le moine Lcporius, ncstorlcn avant Ncs- rappeler ici brièvement le progrès réalisé dans la ter­ torius, dont on possède la rétractation. Libellus emen­ minologie latine, pour exprimer l’union hypostatique, en fonction des définitions des conciles orientaux. Le dationis, P. L., t. xxxr, col. 1221-1230; Cavallcra, The­ saurus, n. G69-G73. L’époque suivante, malgré les con­ terme persona devenu équivalent d’Lrxrzsç·.; ; le troverses qui agitent l’Oricnt, reste tout aussi calme. mot substantia pris indifféremment d’abord dans le • Sur les formules qui sortirent de la délibération sens ά',-όττιτ ; ct d’oCrz, en attendant que Rufin trouvât un meilleur équivalent latin d’hypo­ des conciles, remarque à bon droit M. 'fixeront, op. cil., t. ni, p. 348, l’Eglise latine avait, ct depuis stase avec subsistentia, équivalent consacré par les longtemps, son siège fait, son langage acquis. Sa papes et traducteurs des conciles œcuméniques; sens doctrine, que saint Léon proclama dans sa fameuse concret donné au mot subsistentia chez les Pères la­ lettre à Flavian, offrait évidemment, dans son ex­ tins et dans les conciles. Voir Hypostase, col. 391pression, plus d’affinité avec celle dc l’école d'Antioche 393. Boècc, avec son De persona et duabus naturis. qu’avec celle dc saint Cyrille; mais comme on évi­ Rustique, qui fut un acharné défenseur des Trois tait d’en trop raisonner, on sc gardait des excès Chapitres, avec son dialogue Contra acephalos dispu­ qui perdirent Nestorius ct compromirent Théo- tat ίο, restent les deux auteurs qui ont le plus contribué dorct, et l’on conservait en somme entre les deux à ce progrès des formules dogmatiques ct thcolouiques. tendances, ct par le sentiment de la tradition, le Outre sa célèbre définition dc la personne, cf Hypo­ stase, col. 392, Boècc, dans son Dc duabus naturis, juste milieu nécessaire. » Celle attitude traditionnelle, sans addition théolo­ a laissé une solido refutation des hérésies opposées gique, sc retrouve chez tous les Pères : Casslen. Dû nestorianisme ct monophysisme, ct, en faxeur du incarnatione Christi, où l’auteur, contre Nestorius, dogme dc l’union personnelle, apporté « trois argu­ démontre la légitimité du Θεοτόκος, l’unité de per­ ments décisifs >, dont nous allons résumer les idées sonne en Jésus-Christ, la consubstantialité du Christ fondamentales. P. L., t. i.xiv, col. 1315-1347 « S’il y a deux personnes en Jésus-Christ, 1 huma­ au Père, par la divinité, ù Marie, par l’humanité, nonobstant son unité dc personne: enfin, la commu­ nité et In divinité restent juxtaposées, ù peu près nication des idiomes, 1. II. c. n, xv; I. V, c. vu, vm; comme deux corps, comme deux blocs qui sc touchent, I. VI, c. XXII, xxiii, P. L., t. î., col. 31-37, 41, 42. 112- sans se fusionner, ct, partant,plus dc Christ: le Christ 119, 184-196; S. Vincent dc Lerins, Commonitorium, alors n’est plus rien, puisque rien ne résulte de deux xu. xm (ù noter, dans cc dernier chapitre, l’exposé de personnes moralement unies : Nihil est Christus... la comparaison dc l'âme ct du corps), P. L., t. l, omnino enim ex duabus personts nihil unquam fleri col. 651, 655; S. Prosper. In ps. XUV, 1, P. L„ t. xu, potest. • Deuxième considération. L’incarnation a toujours col. Ill; S. Maxime de Turin, Scrm., xuu, P. L.t l. i.vn, col. G21 : Gcnnado dc Marseille, De ecclesiasticis été regardée comme la grande nouveauté des siècles, dogmatibus, c. n, m, P. L., t. i.vm, col. 981-982; S. Ful- comme le gigantesque miracle qui ne s'est produit gcncc, Epist., xvn. c. v. R L., t. i.xv, col. 157. Le mot qu’une fols. Tout cela est vrai si Dieu, qui est telle­ substantia est quelquefois substitué à natura. Conflic­ ment loin de l’homme, fait un avec lui, si des natures tus Arnobii catholici ct Serapionis, I. L n. 18. P. L., qui sont tellement distantes s’embrassent dans uno t. un, col. 272. L’emploi du terme substantia amènera seule personne. Mais dans la théorie dc Nestorius, Julien de Tolède à reconnaître en Jésus-Christ trois qu’y a-t-il dc si nouveau ct d’extraordinairement substances. Mais cette façon de parler merite d’être mystérieux, l’union morale de l'homme avec Dieu s'étant produite ct devant sc renouveler tant de fols? étudiée particulièrement. Voir plus loin. Le traité De duabus naturis dc saint Gélasc. édite Où 11 y a deux personnes, les deux natures ne forment par A. Thlel, Epistolir romanorum pontifleum genuimv, pas un tout substantiel : Dieu n’est donc pas devenu Braunsbcrg, 1868, t. i, mérite une mention particu­ homme. « Troisième preuve. Nier l’unité dc personne, c’est lière. La dualité des natures, l'unité dc la personne sont fortement Indiquées, contre Eutychcs et Nesto­ proclamer que le genre humain n’a pas été racheté, rius. n. 3. Denzingcr-Bannwart, n. 168; Cavallcra» (pic la génération du Christ ne nous apporte aucun Thesaurus, n. 693. La communication des idiomes est salut, que les Écritures de tant do prophètes ont formulée, n. 4. Denzinger-Bannwarl, n. 1G9. Puis le nourri d’illusions le peuple croyant; c’est mépriser sens, sinon les termes mêmes dc la lettre dc saint Léon l’autorité dc l’Anclen Testament, qui nous promettait sont rappelés. Au sujet des natures, on doit croire le salut par l’avènement de Jésus. Selon un principe sine delectu alterius utramque persistere, in utraque unum fondamental dans la tradition, le Vcrlxs n’a sauvé cumdcmque Dominum Jcsum Christum totum Deum que cc qu'il a pris : donc, pns d’humanité sauvée sa 4 507 HYPOSTATIQUE (UNION) dic n'a pas été prise par le Verbe. Ci. plus haut, col. 470. Mais il est inconcevable que l'humanité soit «assumée», s’il y a diversité dans les personnes autant que dans les natures. Prendre une nature, c’est la faire sienne, ct, par conséquent, il faut que la nature prise par le Verbe appartienne au Verbe. Or, dans l'hypothèse ncstoricnne, l'humanité appartient à la personne humaine, non au Verbe dc Dieu. Avec cette théorie des deux personnes, il est impossible que l’hu­ manité ait été assumée par le Verbe : dès lors, point de salut, point dc rédemption pour le genre humain, · Hugon, λζ mystère de la redemption, p. 157-159. Rustique, on l’a vu. cf. I îypostase, col. 393, corrigea en substituant subsistentia il substantia, ce que la définition dc Boècc pouvait présenter de défectueux dans la terminologie. Thomassin, op. cit., c. ix, n. 4, résume ainsi sa doctrine théologique de l’union hypo­ statique : o) notion philosophique de l’hypostasc ou subsistence, voir Hypostase, col. 393; b) rien dc ce qui appartient aux autres hommes n’a manqué à l’humanité du Christ; nec enim habet aliquid minus prater alias subsistentias rationales et individuas, P. L·, t. exvn, col. 1239; c) l’humanité du Christ n’a pas sa subsistence propre, parce qu’elle subsiste dans le Verbe, qui est comme son sujet, son fondement : · Causa enim Verbum Drus est carnis assumptæ, in quo, I quasi in fundamento, illa assumpta natura quæ est servi forma, incumbit, col. 1238; d) l’humanité du Christ n’a donc pas de subsistence propre; elle n’est pas un sujet, mais dans un sujet : illa igitur causa (nostrœ j salutis), c'est-à-dire l’humanité, instrument du Verbo, magis in subjecto est, quam subjectum, col. 1239; par rapport au Verbe, il faudrait plutôt la comparer à un accident qu'à un sujet, col. 1210; e) par rapport à ses propres accidents, l’humanité du Christ joue vraiment le rôle d’un sujet subsistant, bien que, par rapport au Verbe, elle ne soit pas un sujet : ainsi en est-il du Christ lui-même, qui, par rapport aux hommes, est chef, ce qu’il n'est pas par rapport à Dieu; ainsi en est-il dc l’homme, chef dc la femme, mais, par rapport au Christ,simple membre, ibid.; /)si, parl'imagination, on séparait l’humanité du Verbe, sans aucune addi­ tion ct par le simple fait de la séparation, elle subsis­ terait en sol et serait une personne. Ibid. 3. La formule duænaluræ, tres substantia: in Christo.— Le calme théologique faillit être troublé, sous le pon­ ti Heat dc Benoit II. Déjà, en G75, dans un synode ' national d'Espagne, tenu à Tolède (XI· concile de Tolède), avait été reçu ct promulgué un symbole, 1 ïahn. op. cil., p. 212, composé par un théologien inconnu du v· siècle, ct dans lequel on lit, à propos du Fils : Solus Filius formam servi accepit in singula itate per­ sona, non in unitate divinn: natura*, in id quod est pro­ prium Filii, non quod commune Trinitati : quæ forma illi ad unitatem persona: coaptata est, adeo ut Filius Dei et filius hominis sit Christus, id est, Christus in I his duabus naturis, tribus exstat substantiis : Verbi, quod ad solius Del essentiam referendum est, corporis ct anirrue, quod ad verum hominem pertinet. La pensée des Pères du concile est claire: l'âme ct le corps sont comptés comme deux substances, c’est-à-dire deux éléments substantiels. Cette interprétation tout à fait orthodoxe ressort d’ailleurs de la suite même de la profession dc foi : Habd igitur in se geminam sub­ stantiam divinitatis ct humanitatis nostror. Quelques onnées après cc concile, le pape saint Léon II ayant envoyé aux évêques d’Espagne le décret dc condam­ nation porté contre Apollinaire ct le monothéllsmo par le III· concile de Constantinople, leur demandant d’y apposer leurs signatures, saint Julien, depuis peu archevêque dc Tolède, en renvoyant au pape les documents signés, y joignit sa Première, apologie dc la craie foi, dans laquelle il exposait cl prouvait ma- I 508 gistralement les dogmes attaqués par les hérétiques orientaux. Dans cette apologie sc retrouvait l’expres­ sion admise par le XI· concile de Tolède, tenu sous son prédécesseur. Cette expression déplut à Rome ct le pape Benoit 11 pria Julien dc vouloir bien lui en­ voyer, à l'appui deses assertions (trois autres proposi­ tions étalent également incriminées), des preuves em­ pruntées à l’antique tradition de l’Église et à rensei­ gnement des Pères. Saint Julien, au reçu des envoyés pontificaux (vers 685-686), répondit par sa seconde apologie, où il maintient ses assertions ct en démontre le bien-fondé. On sut plus tard que Rome agréa ccs explications; mais, en G88.1c XV· concile de Tolède avait déjà pris parti pour Julien ct sanctionné sa doctrine ct sa terminologie : Ad secundum quoque retractandum capitulum transeuntes, quo idem papa incaute nos dixisse putavit, 1res substantias in Christo Dei Filio profiteri; sicut nos non pudebit, quæ sunt vera defendere, ita forsitan quosdam pudebit, quæ vera sunt ignorare. Quis enim nesciat, unumquemque homi­ nem duabus constare substantiis, animae scilicet ct cor­ poris?... Quapropter natura divina humanæ sociata naturæ possunt ct 1res propriæ et duæ proprite appellari substantia·. Mansi, t. xn, coi. 10. Cf. Denzinger-Bannwarl, n. 284, 295. Dans son apologie, qui fut pleine­ ment approuvée par Sergius Ier, Julien déclarait qu'il est parfaitement vrai que dans le Christ il y a trois substances : la substance infiniment parfaite du Verbe et les deux substances dc l'âme ct du corps, l'une spiri­ tuelle, l'autre matérielle, dont l’union fonne la nature humaine du Verbe Incarné. 11 ajoute que cette aflirmation de trois substances en Jésus-Christ offre l'inappréciable avantage d’exclure à la fois et le manichéisme, qui nie l’existence réelle du corps dc Notrc-Scigncur, ct l'apollinarismc, qui supprime son âme. Sur ces détails, voir J. Tailhan, Anonyme de Cordoue, Paris, 1885; I Icfclc, Histoire des conciles, trad. Lcclercq, t. ni, p. 553 sq. L'affaire semblait donc réglée définitivement; mais le concile de Francfort (791), à propos dc l'adoptia­ nisme, voir t. i, col. 403-113, qui infestait alors l’Es­ pagne, crut devoir mettre en garde les évêques espa­ gnols contre une formule à laquelle ils semblaient tenir outre mesure. Voici le passage dc la lettre des Pères dc Francfort, relatif à la terminologie incri­ minée par eux : Quod etiam cl in sequentibus adjunxistis in professione Nicani symboli non invenimus dictum, in Christo duas naturas cl 1res substantias, ct homo deificus et Deus humanatus. Quid est natura hominis, nisi anima et corpus? vel quid est inter naturam ct sub­ stantiam, ut 1res substantia nccessc sil nobis dicere ct non magis simpliciter, sicut sancit Patres dixerunt, confiteri Dominum nostrum Jesum Christum Deum verum et verum hominem in una persona? Mansit vero persona Filii in Trinitate, cui personæ humanæ accessit natura, ut esset et una persona, Deus ct homo, non homo deificus ct humanatus Deus, sed Deus homo ct homo Deus : propter unitatem personœ unus Dei Filius, ct idem hominis Filius perfectus Deus, perfectus homo... Consuetudo ecclesiastica solet in Christo duas substan­ tias nominare, Del videlicet ct hominis. Mansi, t. xm, coi. 884; Denzingcr-Bannxvart, n. 312. S'il fallait porter un jugement sur la formule incri­ minée, il faudrait reconnaître avec les Pères de Franc­ fort qu'elle est ambiguë ct peut facilement être inter­ prétée en un sens contraire à l'orthodoxie. Le mot substance, à moins d'indication contraire, signifie un être complet dans son essence : placer deux substances complètes en Jésus-Christ reviendrait à nier l'union substantielle du corps cl dc l’âme du Verbe incarné. Mais saint Julien et les conciles espagnols voulaient simplement affirmer l’existence des substances incompli'tcs, âme cl corps, unies en une seule nature hu- HYPOSTATIQUE (UNION) 510 malno en Jésus-Christ comme en tout homme, afin de dc l’adoptianisme par îc B. Alcuin fournissent à ce mieux réfuter le docétisme ct l'apollinarisme. Leur dernier l’occasion dc promulguer à nouveau dans formule est donc orthodoxe, mais elle reste ambiguë; cette époque dc transition, la fol catholique au Christ: elle fournit même positivement une arme â l’erreur unus tdeingue Deus, unus idemque homo; unus idemque en plaçant sur la même ligne logique la substance Filius Jesus Christus. Gemina enim nativitas geminam complète dc la nature divine et les substances incom­ uni Christo dedit naturam. Adversus Felicem, 1. J, n. 10, plètes de la nature humaine. Une telle façon dc s'ex­ P. L., t. a, coi. 135. primer est contraire à l'exactitude du langage. L'adoptianisme accuse une parenté étroite avec le On ne peut nier cependant que l'usage de cette for­ nestorianisme. Les adoptianistes,dit Schwane, Histoire mule ambiguë sc retrouve parfois dans la liturgie et des dogmes, L iv, p. 359, sont par rapport aux nestochez les docteurs scolastiques. Le mot < substance >, riens dans la même situation que les monothélites par appliqué à notre seul coqis, sc lit dans la préface de rapport aux monophysltes. Les monothélites affir­ l’Épiphanie : cum unigenitus tuus in substantia nostræ maient l’unité dc la volonté, ct prétendaient avec cela ne pas enseigner l’unité dc nature. Dc même, mortalitatis apparuit; dans i'oralson de hi messe au jour octave de l'Épiphanie, in substantia nostræ carnis les adoptianistes soutenaient la dualité dc la filiation dans Je Christ ct pensaient ne pas établir par là la apparuit; bien plus, l’expression duplex substantia dualité de personnes. Ils ne voulaient donc pas au employée pour désigner l'âme ct le corps sc Ht dans l'hymne Adoro te: quibus sub bina specie—carnemdedit commencement renouveler simplement le nestoria­ ct sanguinem — ut duplicis substantiæ — totum cibaret nisme; mais, en voulant attacher à tort uncimportance hominem. Saint Bonaventure, de son côté, n’hésite spéciale à la différence entre les deux natures dans la dénomination dc Notrc-Seigneur,ils furent par le fait pas à attribuer trois substances au Christ, In IV Sent., 1. III, dist. Il, a. 1, q. m. Saint Thomas adopte aussi, poussés à séparer, comme les nestoriens, les deux na­ tures dc Jésus-Christ en deux personnes. Ils se trom­ en l'expliquant» cette façon dc parler. Coni. gentes, pèrent par conséquent sur la communicatio idioma1. IV, c. xxxîv; In IV Sent., 1. Ill, disk VI, q. T, a. 2. Quant aux expressions homo déifiais ct Deus humana· turn, cette question sur laquelle il est si facile de sc tromper dans un sens ou dans l’autre. Cette parenté tus que rejette le concile, il faut reconnaître que, doctrinale dc l’adoptianisme ct du nestorianisme malgré le sens orthodoxe qu’on peut leur attribuer, elles prêtent à confusion. La première pourrait laisser dérive-t-elle d’une influence directe dc Théodore dc Mopsuestesur Éliphand dc Tolède ct Félix d’Urgel? entendre qu’il s’agit d'une déification par la grâce; la L'affirmative a été soutenue par Néander, Jacobi, seconde qu’il n’y a entre Dieu ct l’humanité en JésusChrist, qu’une union morale : celle-ci a toutefois été Dogmcngeschichte, Berlin, 1857, t. n, p. 26 sq. II est possible aussi que l’ancien priscillianisme, condamné employée par saint Cyrille d’Alexandrie. Apologet, pro .xrt capitibus, anal h. I, P. G., t. i.xxii, col 396. au concile de Braga de 563, voir Denzinger-Bannw art, 2° La théologie adoptianistc. — Il s’agit ici unique­ n. 233, 234, ait eu une influence lointaine sur ces erreurs. Voir Dôllingcr, Scktengeschichte des Mittelment dc la controverse adoptianistc du vin· siècle, qui prépare sans doute les controverses du xn*,mais altcrs, Munich, 1890» 1.1, p. 51 sq. Quoi qu’il en soit dc l'hypothèse émise par Néander que, dans l’ordre logique des doctrines, il faut rappeler brièvement avant d’étudier le dogme de l’union ct Jacobi, il n’en est pas moins certain que 1 adoptia­ hypostatique au moyen âge. Cette controverse a été nisme du vn.· siècle établit une ligne de continuité exposée, L i, col. 403-413. Comme on l’a dit, col. 409, doctrinale entre la grande hérésie de 1 Orient» com­ c'est pour avoir voulu rat tacher lu filiation à la nature battue par saint Cyrille, ctlcs erreurs dc l’école d’Abé­ ct non â la personne que les adoptianistes sont tombés lard, au xn· siècle, timidement reproduites par le dans l’erreur. Quelle opposition cette hérésie com- Maître des Sentences ct réfutées victorieusement par porte-t-elle vis-à-vis du dogme de l’union hyposta­ saint Thomas d’Aquin au xni*. L’adoptianisme du tique? La filiation, étant une dénomination qui con­ vin* siècle contient déjà, sauf les formules précises vient à Ei personne et non à la nature, ne peut être ct didactiques qu’y apportera la scolastique, tout le attribuée qu'à la personne même dc Jésus ct non à sa problème christologique qui sc posera plus tard entre nature humaine : il est donc exact dc dire que Jésus- les partisans des opinions rapportées par le Maître Christ, en tant qu’homme, est le Fils naturel dc Dieu, des Sentences ct la théologie catholique. VIL La théologie scolastique. — La théologie cl non pas son Fils adoptif : le terme homme désignant Ici la personne et non la nature de Jésus-Christ. Les scolastique serai tache logiquement» en cc qui concerne le dogme de l’union hypos ta tique, aux controverses évêques espagnols, partisans dc l’adoptianisme, étayaient leur doctrine erronée principalement sur la adoptianistes du vm· siècle, dont nous trouvons des sainte Écriture. Voir col. 40S. Mais la spéculation échos nu xn· siècle, dans l’école d'Abélard. Sans doute, théologlqucn’cst pasabscntcdelacontroverse engagée la tradition catholique, en face dc l’erreur, se trouve contre eux. Voir col. 411. Au fond, l'adoptianisme représentée d’un façon continue. Mais l'œuvre aboutit au nestorianisme; bien que ses adeptes sc proprement scolastique du début est une contro­ soient vivement défendus d’accepter pareille hérésie, verse dogmatique, un choix entre les opinions cou­ bien qu’ils aient évité même d’employer des expres­ rantes dans les écoles. Ces opinions» le Maître des sions philosophiquement fausses, il ne faut pas Sentences n'ose pas encore leur donner la note théolo­ gique qui leur convient, mais saint Thomas se pro­ hésiter à tirer les conclusions des prémisses posées nonce déjà catégoriquement ct qualifie d’hérétiques par eux. Ces conclusions sont celles-là mêmes que saint certaines « opinions » qui avaient cours au siècle Thomas fera apparaîtro des thèses adoptianistes du xn· siècle : négation de Γ union substantielle du Verbe précédent. Ce premier travail d’élimination fait, la rt de la nature humaine; distinction, en Jésus-Christ, théologie scolastique entreprend l’exposé didactique de la doctrine catholique touchant l’union hypode rhquostase ct dc la personne : dans le Christ, dont Éilphand affirme l’unité de personne, il faut distin­ statlquo: sur ce point, ellen’apportcguère d'éléments nouveaux ct se contente dc synthétiser la doctrine guer celui par qui Dieu a créé les choses visibles, qui est fils par génération, par nature, ct celui qui est né ct les formules des Pères dc l’Église; son originalité consiste surtout à envisager certains problèmes de la Vierge, qui est fils par grâce ct par adoption. P. L., t. xevi, col. 830; cf. t. ci, col. 1327. Le dualisme anciens sous un aspect nouveau, ct à faire ressortir d’Éllphand est accentué par Félix d’Urgel, voir davantage les caractères de l’imion hypostatique et à Éuphand de Tolède» t. iv, col. 2339. Les réfutations pousser plus avant l’analyse de l’élément formel MMM·· 509 511 HYPOSTATIQUE (UNION) 512 xn· siècle, ibid., col. 413-417. Tandis qu'au vm· siècle la discussion entra catholiques et adop/. COXT/XU/T£ PE LA TllADITIOX CATHOLIQUE. — Cette continuité s'affirme chez les docteurs adver­ tlanistcs était principalement scripturaire ct patrisaires, en philosophie, des erreurs nominalistes, en stique, et portait sur la filiation naturelle ou adoptive théologie, des erreurs adoptianisles; les deux princi­ dc Jésus-Christ, nu xn·, le débat porte directement paux représentants de l'orthodoxie sont saint Anselme sur la constitution intime de la personne du Sauveur et sur le rôle dc la nature humaine dans cette personne. ct saint Bernard. L'opposition dc l’adoptianisme d'Éliphand ct de Saint Anselme, dans son De fide Trinitatis ct de Félix au dogme dc l’union hypostatique n'est qu’une incarnatione Verbi, c. vj, P. L., c. rxvin, col. 278, propose explicitement le dogme de l’union hyposta­ conséquence que l’on tire de leur erreur; mais, dans tique. En Jésus-Christ, la nature se distingue de la le néo-adoptianisme dc l’école d'Abélard, c’est le personne, du.r. naturœ, una persona. Autour dc cette dogme de l’union hypostatique qui est en jeu direc­ formule traditionnelle se groupent toutes les explica­ tement : la théorie adoplianlstc n'est qu’un corol­ tions de l’archevêque de Cantorbéry. C'est dans ce laire des erreurs enseignées par les auteurs incriminés, chapitre que l'on trouve la formule : in Christo, Deus relativement au mode d'union du Verbe avec l'huma­ est persona cl homo est persona, nec tamen dure sunt nité. Il faut reconnaître que toutes les écoles pa­ personne, sed una persona, sur laquelle s’appuiera raissent retenir la foi catholique définie contre Baltzcr, au xix· siècle, pour défendre les erreurs 1'apollinarismc, le nestorianisme ct le monophysisme; gunlhéricnncs. Voir plus loin, col. 555-556. C'est mais la discussion des formules catholiques dc l’union l’ensemble des propriétés singulières qui font l'indi­ personnelle ramenait logiquement les erreurs du vidu, qui est désigné ici par Deus ct par homo, mais monophysisme ct du nestorianisme. non la nature considérée dans ses éléments spécifiques. Les erreurs touchant l'union personnelle du Verbe La formule nnsclmicnne est donc orthodoxe; toute­ ct de l'humanité en Jésus-Christ, mises en cours par fois, elle doit être entendue dans le sens que lui donne les partisans do l’adoptianisme du xn· siècle, peuvent le contexte. Ce sens permet ù Anselme d’appeler sc résumer sous trois chefs différents : 1° 11 y a plus Jésus-Christ : ille assumptus homo, col. 279. Cf. Cur que la négation de la communication des idiomes, Deus homo, 1. I, c. vin, col. 3G9. Dans ce dernier ou­ il y a négation d'une union substantielle réalisée, vrage se trouve également exposée la foi en l'incar­ dans le Christ, entre le Verbe ct l’humanité : une telle nation ct en l’union hypostatique. Voir 1. I, c. vin; union introduirait une nouvelle substance dans la i. II,c. vi-dc, coL 369,403-408. trinité des personnes divines. 2° L'union hyposta­ Saint Bernard, l’adversaire d'Abélard, sc préoccupe tique est donc une union purement accidentelle ct d'éviter le piège où est tombé Nestorius, en ne recon­ extrinsèque : le corps ct l’âme du Christ ne sont pour naissant pas au Christ l’unité de personne en même le Verbe qu'un vêtement, tout au plus un instrument, temps que la dualité des natures. Voir Capital, horres., mû par le Verbe, mais sans être un avec lui. Ils sont η. 5, P. L., t. clxxxii, col. 1051 ; De consideratione, bien des réalités, mais ils ne sont pas la réalité du I. V, c. îx, x, ibid., col. 800-801. Le Christ a pris une Verbe incarné : le Verbe incarné n'est pas homme; il chair véritable, semblable à la nôtre, sujette ù toutes a pris (assumpsit), il s'est uni, il possède (habet) un les passions humaines, sauf le péché. Serm., xxxiv, homme. 3° L'humanité dc Jésus-Christ est réelle; P. L., t. clxxxiii, col. 631. En Dieu, la trinité des mais on ne peut logiquement affirmer que · Jésuspersonnes coexiste avec l’unité de substance; en Jésus- Christ, en tant qu'homme, soit une réalité substan­ Christ, les trois substances ne font qu'une personne. tielle >; il n'y a pas, en effet, identité dc la personne dc Serm., u, in vigilia nativitatis, ibid., col. 98; ci. De Jésus avec l’humanité. D'où il faut conclure que consideratione, 1. V,c.vm-ix; P. L., t. clxxxii, col. 800Jésus-Christ, comme homme, n'est pas aliquid, mais 801. On trouve également bien des traits relatifs à simplement allcujus modi. C'est ce que l'on a appelé le l'union hypostatique en Jésus-Christ dans les sermons nihilisme ou nihilianisme christologiquc, Cf. Adop­ in Cantica, ctdans le Liber de passione Christi, publié tianisme, col. 413-414. parmi les œuvres de saint Bernard. Sur ccs trois points la théologie didactique des D’autres représentants dc la tradition catholique auteurs catholiques du moyen âge concentre toutes sont à signaler : Rupert, dans Dc victoria Verbi, 1. XI, les controverses christologiqucs. ct plus explicitement encore dans le commentaire 1° L'union du Verbe cl dc l'humanité est-elle une In Joannem, 1. H, P. L., t. clxix, col. 1443 sq., 257union substantielle ? — 1. Positions hétérodoxes. — La 260; Ratramne, De Christi nativitate, passim, P. L., réponse affirmative, qui résume toute la tradition t. cxxi, col. 81 sq.; l lodoard, dans ses poèmes De catholique touchant l’union hypostatique, est dc foi; triumphis Christi, libri tres, P. L., t. cxxxv; le car­ ct pourtant elle fut, aux xn· ct xin· siècles, grâce dinal Drogon, Sermo de sacramento dominicae pas· à l’autorité d’Abélard ct ù l'influence dc son école, sionis, P. L., t. clxv, coi. 1515 sq.; le B. Odon de sujette à controverse. Elle est, en effet, directement Cambrai, Disputatio dc adventu Christi Filii Dei, P. L., dirigée contre les tenants dc la première ct dc la t. exx, coi. 1103 sq.; le Vén. Guibcrt, Tractatus dc troisième opinions rapportées par le Maître des Sen­ incarnatione, P. L., t. cl, coi. 489-528. tences, 1. HL dist. VL · Les uns disent, rapporte Plus tard, à l’aube dc l'âge d’or de la scolastique, Pierre Lombard, que,dans l’incarnation même du Fils la chaîne sc continue par Hugues dc Saint-Victor, dc Dieu, un homme déterminé, constitué d’une âme Summa Sententiarum, tr. Ι,α xv-xix, P. L., t. clxxvi, ct d’un corps (tout homme est constitué dc ces deux col. 70-80; cf. Libellus de quatuor voluntatibus in éléments), a commencé ù être Dieu, non point par la Christo, col. 811 sq.; Richard de Saint-Victor, Liber nature divine, mais par la personne du Verbe, et de Verbo incarnato, P. L., t. exevi, col. 995 sq.; Pierre Dieu a commencé d'être cet homme. Dans cette Izimbard ct le maître Baudin, dans le III· livre des opinion, cet homme a été pris par le Verbe qui sc l’est Sentences, P. L., t. cxai, col. 757 sq., 1071 sq.; Jean uni. Dieu s'est fait homme signifie donc que Dieu a de Corbie, Apologia de Verbo incarnato, P.L.,t. clxxvi. commencé d'être une substance déterminée, subsis­ col. 295 sq. tant dans une âme raisonnable ct une chair humaine, IL costroteuses dogmatiques. — La théologie et cette substance a été faite, c’est-à-dire a commencé du χιπ·siècle fut préparée par les controverses du xn·. d’etre Dieu, non qu’il y ait eu changement dc nature, Sur l'ensemble dc ccs controverses, voir Adélard mais, les deux natures consonant leurs propriétés, (Articles condamnés), t. I, col. 43-18; Adoptianisme Dieu est des enu homme ct l’homme est devenu Dieu. > constitutif dc l’union du Verbe â la nature humaine. au 513 HYPOSTATIQUE (UNION) 514 Après avoir rappelé sur quelles autorités patristiques si l’on s'en tient à la première formule d’une personne les tenants (le celte opinion appuyaient leur doctrine, en deux sujets ou hypostases, les partisans de cette Pierre Lombard conclut en montrant que l'union troisième opinion conçoivent l'humanité du Christ personnelle du Verbe ct dc cet homme qui est en comme formée, mais non composte, d’âme et dc corps. Jésus-Christ est le résultat dr lu grâce, et non de la Dans l'incarnation, non seulement, il n'y a pas com­ nature ou des mérites dc l'homme, uni au Verbe dc position des deux natures divine ct humaine, mais le Dieu. Verbe s’est uni directement à l’âme ct directement à la Les autorités dont sc réclament les partisans dc chair, dc façon que l'àmc ct la chair ne sont pas unies cette opinion sont toutes, saut une, empruntées à | substantiellement entre elles pour former un individu saint Augustin. Mais les textes dc l'évêque d’Hipponc humain. Jésus a donc tout cc que nous avons, mais ne signifient pas qu'en Jésus-Christ l'homme ait été selon un autre mode. Le Verbe possède à la fois l'âme un sujet distinct du Verbe. Saint Augustin affirme humaine ct le corps humain, qu'il élève à l'unité dc sa simplement, ce qui est la doctrine traditionnelle, que personne divine, mais sans qu’aucun lien substantiel le Verbe fait chair est ù la fois le Fils dc Dieu et le fasse de l’âme ct du corps une substance individuelle. (ils dc l’homme, De Trinitate, 1. XIil, c. xix, P. L., Ainsi, le Christ, en tant qu'homme, n'est pas même t. xiji, col. 1033, mais il nie précisément que cc aliquid, mais simplement alicujus, tout en mainte­ soient 15 deux fils : nec duo filii, Deus ct homo. nant la réalité dc son âme et dc son corps : ainsi, Enchiridion, c. xxxvni, P. 7.., t. xi., col. 251; et 1 aucune dualité dc sujet, et partant dc personne, n'est c. xxxv, col. 219. Quant ù la double substance, concevable en lui. Mais, d'autre part, l’union qui existe geminum substantiam, du Christ, In Joannis Evan­ entre le Verbe d’une part, ct l’âme ct le corps d’autre gelium, tr. LXXVI1I, n. 3, P. 7.., t. xxxv, col. 1836, part, doit être comparée ù un simple revêtement. le mot substance est pris dans le sens de nature, selon Dieu le Verbe, en prenant notre humanité, n’a pas la formule traditionnelle employée en Occident ajouté à la Trinité une quatrième personne, ni un depuis Tcrtullien : substantia ne saurait ici être pris élément substantiel nouveau : la personne même du dans le sens de persona ; cc sens est positivement exclu Verbe, qui subsistait auparavant sans revêtement par saint Augustin lui-même, Serm., exxx, n. 3, humain, prenant ce revêtement dans l'incarnation, n'a P. L., t. xxxvni, col. 727 : les partisans dc la première subi en elle-même aucune division, aucun changement: opinion rapportée par Pierre Lombard ont certaine­ elle est demeurée identique ct toujours semblable à ment compris saint Augustin à travers la définition elle-même. Et la raison dernière de cette immuta­ que Boécc a donnée dc la personne : substantia y étant 1 bilité est que, précisément, il n’y a pas entre le Verbe ct employé avec le sens dc subsistentia. Voir Hypostase, son humanité, ou plutôt les deux éléments de cette col. 393. L'expression : ille homo, dont sc sert saint humanité, d’union substantielle, au sens strict du Augustin, De praedestinatione sanctorum, c. xv, n. 30, mot, mais qu’il n'existe qu'une union extrinsèque, P. L., t. xijv, col. 981, pour rappeler qu’en tant accidentelle, comme celle du vêtement vis-à-vis dc qu'homme, Jésus-Christ n u pu mériter la grâce dc celui qui en est revêtu. Cette opinion étrange s’appuie principalement sur l’incarnation, n’a rien qui doive surprendre. Cet homme, est un nom sc rapportant à la personne meme l’autorité dc saint Augustin, tout comme la première du Verbe incarné et ne désigne pas l’homme séparé opinion. loiissant dc côté, comme ne comportant pas les conclusions qu’on en veut tirer, les textes où dc l’hypostase du Verbe; cet homme n’a pu mériter la grâce dc l'incarnation, parce que, dès l’instant où déjà saint Augustin affirme simplement (cc que la doc­ on pouvait le désigner ainsi, l'incarnation était trine catholique nous oblige expressément à confesser) accomplie. Saint Thomas ne parle pas autrement que l'incarnation n'a amené dans la Trinité ct dans dans la Somme théologique, 111·, q. n, a. 11. Enfin, le Verbe dc Dieu aucune modification, aucune muta­ les passages où saint Augustin compare la grâce qui tion, il suflira dc rétablir la véritable portée du fait le chrétien ù la grâce qui fit ΓHomme-Dieu, commentaire dc l’évêque d’Hipponc sur Phil., n, 7, dont est tiré le principal argument en faveur dc la De praedestinatione sanctorum, toc. cit., ct De Trinitate, 1. XI il, c. xvn, n. 22, P. L., t. xlii, col. 1031, ne signi­ thèse du revêtement. L'apôtre avait écrit : et habitu fient pas que l’union doive être conçue dans l’incar­ inventus est ut homo. Après avoir exposé quatre genres nation comme une union dc pure bienveillance, dans différents selon lesquels nous pouvons posséder une Je sens où Nestorius l'admettait, contre l’union phy­ qualité ou une chose, saint Augustin, comme terme sique ct naturelle dc saint Cyrille d’Alexandrie, mais, dc comparaison pour expliquer l'incarnation, s’arrête comme l'explique encore saint Thomas, toc. cit., dc préférence au troisième, qui est précisément celui n. 10, comme une union purement gratuite, que nul du vêtement. Mais cc n’est qu’une comparaison ct mérite n’a précédée. Quant nu dernier texte rapporté saint Augustin nous avertit lui-même que l’expression par le Maître des Sentences, ct qui est dc saint I blaire, indutus est, dont il sc sert, doit être entendue d'une De Trinitate, 1. X, n. 57, 7’. L., t. x, col. 389, il allinne union non pas accidentelle ct extérieure, mais substan­ simplement, selon la doctrine traditionnelle, et selon la tielle et intime. Voir Augustin (Saint), t.i, col. 23G6. 2. Réponse dc la théologie catholique. — Cette doctrine maintes fois professée par l'évêque de Poitiers, cf. 1. IX, n. 3, 14 ; 1. X, n. 22,23, col. 282,293,359,361, réponse, dans ses formules didactiques, portera sur que le · Christ est ù la fois le Verbe dc Dieu ct le fils trois points dc doctrine, attaqués ou déformés dans la présente controverse : a) Dans le Christ, il ij a eu une de l'homme, composé d'un corps ct d'une âme ». Aucun de ces textes ne signifie que dans le Christ il y véritable union substantielle de l'ante et du corps. — ait deux individus, ou bien, pour s’exprimer comme Le Christ a été fait semblable aux autres hommes, saint Thomas le fait en résumant cette première Phil., n, 7, donc il a eu la nature humaine, ct la nature opinion dc scs contemporains ou prédécesseurs immé­ humaine n’existe que lorsque l’âme est unie substanI tlcllement au corps. La doctrine contraire n’est pas diats, doux hypostases en une personne. La troisième opinion rapportée par le Maître des une opinion libre, c’est une véritable hérésie. Voir S. Thomas, Sum. theol., Ill*, q.n,a. 5; ci. q. xvi, a. 1 ; Sentences est destructive, plus encore que la première, Jn IV Sent., 1. Ill, dist. VI, q. ni, a. 1 ; Contra gentes, dc l’union substantielle dans le Christ, Dieu ct homme à la fois. Ses partisans ont eu en vue d’assurer J. IV, c. xxxvii. Si le Christ a pris la nature humaine, à la fois l'unité de personne en Jésus-Christ et l'immu­ c’est en raison du salut des hommes, qui semble tabilité dc la Trinité divine. Pour maintenir l'unité exiger que le Sauveur fût homme lui-même, Sum. personnelle en Jésus-Christ, unité bien compromise theol., 111’, q. îv, a. 1, devant être, comme homme, le DICT. DE T1I&OL. CATI10L. VU. — 17 515 HYPOSTATIQUE (INION) médiateur dc Dieu et des hommes. I Tim., π, 5; cf. Hcb., n, 17. D’ailleurs, la simple raison veut que le Christ, s’il a pris une humanité réelle, l’ait prise telle que son âme ait été substantiellement unie à son corps : le corps n’est corps humain qu’en raison de cette union avec l’âme; l’âme n’est âme humaine qu’autant qu’elle est unie au corps pour constituer l'homme. Dc plus, à quelles difficultés n’aboutit-on pas logiquement en acceptant l'opinion de ceux qui nient en Jésus-Christ l’union substantielle de l’âme et du corps, pour faire de ces deux éléments pris séparément un revêtement du Verbe I On aboutit forcément à l’hérésie : hérésie d'Eulychès, en niant que le Verbe soit subsistant en deux natures ; à l’héré­ sie dc Nestorhis, en affirmant une simple union acciden­ telle entre le Verbe et les éléments dc l’humanité; à l’hérésie d'Apollinaire et peut-être même de Manès, en admettant dans le Christ un corps non animé par l'âme rationnelle, et ne constituant avec l’âme, à laquelle il ne serait pas uni, qu’un être imaginaire. Contra gentes, toc. cit. — b) Dans le Christ, il y a eu union substantielle entre le Verbe et rhumanitê, com­ posée d'âme et de corps. — Admettre en Jésus-Christ une seule personne, mais deux hypostases, ou consi­ dérer l’humanité comme un simple revêtement dc la personne divine, c’cst, inconsciemment peut-être, mais à coup sûr, tomber dans l'hérésie nestoricnnc : à cc seul titre, la première et la troisième opinions rapportées par le Maître des Sentences doivent être rejetées. L’union selon l’hypostasc, proclamée au V· concile œcuménique, n'est pas une union acciden­ telle, mais substantielle, non qu’il y ait fusion des natures, mais parce qu'il y a < assumption > dc la ■ nature humaine à l’être substantiel du Verbe dans l’unité d'hypostasc ou dc personne. Sum. thcol., III», q. n, a. 6, et ad 2ura. L'expression dont so sert saint Paul, Phil., n, 7, habitu inventus est ut homo, doit être entendue dans un sens métaphorique ou tout au moins analogique. Le revêtement dc La divinité par l'humanité peut s'entendre dc trois façons principa­ lement : d'abord, parce que l'humanité en JésusChrist s’ajoute à la personne divine déjà existante, comme le vêlement s'ajoute ή l’homme qui le porte; ensuite, parce que la nature humaine est uncsubstancc, tout comme le vêlement qui s'ajoute à l'homme: enfin parce que, pas plus que le vêtement à celui qui en est recouvert, La nature humaine n'apporte dc modific ition à l’être divin. In J VSent., L III. disk V1, q. m, a. G, ad lum. Plus simplement encore on peut dire que la nature humaine fit apparaître visible le Verbe dc Dieu, commo ic vêtement est le signe extérieur sous lequel parait celui qui en est revêtu. Sum. thcol., IIP,q. n,a.6,ad luxn. Ixs adversaires de l’union sub­ stantielle revendiquent également, mais tout aussi à tort,un textedc saint Jean Damascènc,Dc/îdeor/hodoxa, 1. Ill, c. xv, P. G., t. xav, col. 1019 : la chair du Christ a été Γinstrument dc la divinité. Mais il faut observer que cc terme, instrument, peut s’appliquer non seulement à un objet extérieur ne possédant aucune relation substantielle avec celui qui s’en sert, mais encore à une partie substantielle, appartenant Λ l’hypostasc ou la personne dc celui qui use dc cet instrument. Le corps, les membres dc l’homme sont des instruments dc l’homme et cependant lui sont unis substantiellement. Sum. theol., loc. cit., ad lu“. C’est mime dans cette notion dc l’instrument substantielle­ ment uni à l’hypostasc dont il fait partie qu’il faut chercher le meilleur point de comparaison à l’union hypostatique dans l’union dc l’âme et du corps. Cent, gentes, 1. IV, c. eu. — c) La réalité et l'intégrité de la nature humaine dans le Christ n’implique ni une hypostase nouvelle, distincte de Γhypostase du Verbe, ni une personne nouvelle en Dieu. — La raison de celte 516 double affirmation est que l'humanité en Jésus, à la différence dc l’humanité possédée par les autres hommes, ne subsiste pas par sol; en Jésus, l'humanité subsist c par le Verbe, auquel elle est hypos la tiquement unie : elle n'est pas un sujet distinct, une hypostase différente du sujet, de l’hypostasc qu’est le Verbe. Sum. theol., loc. cit.,a. 5,ad lum. De l’union dc la nature humaine au Verbe ne résulte d’ailleurs aucun change­ ment dans la Trinité : la personne du Verbe, en élevant jusqu’à elle l'humanité, n'en reçoit aucune modifi­ cation intrinsèque : tout le changement sc lient du côté de l’humanité. Cont. gentes, 1. IV, c. xux,n. 2, 8. Cf. n. 5. Voir, de plus, Abélahd (Articles condamnés), t. i, col. ·!»’>-17. 2° L’union personnelle du Verbe et de l’humanité en Jésus-Christ est-elle une union de sujets ou d’hypo­ stases?— Après l’identification officiellement pro­ mulguée par I’Église des tenues hypostase et per­ sonne, une telle question semble résolue d’avance. Elle sc posait toutefois encore au xn· siècle et le Maître des Sentences n’avait pas osé réprouver comme hérétique la réponse affirmative, qui constitue la première des opinions rapportées par lui. On ne peut expliquer l’attitude des théologiens partisans de la dualité d'hypostascs en Jésus-Christ que par l'impossibilité pour eux de concevoir une substance complète et concrète qui ne soit point par le fait meme subsistante en soi. Nous avons déjà fait observer à ce sujet que la définition dc Boècc pouvait facilement prêter à confusion. Voir Hypostase, col. 393. Ces théologiens, pensant d'ailleurs exprimer une opinion catholique, mais, en réalité, formulant une hérésie, voulaient d’une part conserver à l’humanité prise par Notrc-Scigncur son intégrité, et, d'autre part, sauve­ garder le dogme dc l’unité dc personne en Jésus. Cette position < procède d’une ignorance touchant l’habi­ tude dc l’hypostasc à la personne e. Sum. theol., III*, q. n, a. 3. La doctrine catholique sur ce point ne peut faire dc doûte : il ne s'agit pas Ici d'opinion, mais d’article dc foi, a. 6. La tradition est résumée succinc­ tement, mais d’une manière extrêmement précise, par saint Jean Damascènc, reconnaissant en Jésus deux natures, mais une seule hypostase, De fide ortho· doxa, 1. Ill, c. iii-v, P. G., t. xav, col. 988-1001, et Je Damascènc n’est en ccci que l’écho dc saint Cy rille d’Alexandrie, Anath., ïn, iv, dc saint Grégoire dc Nysse, Epist. ad Cledonium, et plus encore du Ve concile où l'anathème fut porté contre a ceux qui intro­ duisent dans le Christ deux personnes et deux sub­ stances », c'est-à-dire deux hypostases. Sum. theol., loc. cil., a. 3; ci. Cont. gentes, 1. Ill, c. xxxvm. Il convient dc noter que la formule χαΟ' Οπόστασιν dc saint Cyrille, Anath.. n, est prise au xm« siècle dans le sens précis dc selon Γhypostase, hypostatice. La théologie du moyen âge n'ignore pas, sur l’unité d'hypostasc ou dc sujet en Jésus-Christ, les preuves scripturaires, basées principalement sur la communi­ cation des idiomes;«dans l’hypothèsedcdeux sujets, il faudrait donc, dit saint Thomas, appliquer séparé­ ment les prédicats divins et les prédicats humains que l’Écriture attribue cependant au même Christ ·. Cont. gentes, 1. IV, c. xxxvm. Quelle que soit d'ail­ leurs la bonne intention dc ceux qui préconisent cette doctrine, il faudra reconnaître qu’elle constitue pré­ cisément l'erreur condamnée dès le début par le pape Félix Ier. Cf. Dcnzinger-Bannxvart, n. 52. 3° Doit-on affirmer que le Christ, en tant qu9homme, est AUCVJV8ïtoni ou ALIQUID ?—L'argument de ceux qui tiennent que le Christ, en tant qu’homme, ne peut être dit aliquid et ait ainsi présenté par Pierre Lombard: < Si, en tant qu homme, le Christ est aliquid, il est, dc ce chef, ou une personne, ou une substance, ou quelque autre chose. Cc dernier terme n’est pas pos- 517 HYPOSTATIQUE (UNION) siblc; par consequent il doit Cire ou une personne ou une substance. En admettant qu'il soit une substance, celle-ci sera ou ne sera pas douce dc raison. Cc der­ nier point est encore impossible. 11 est donc doué dc raison. Mais s’il est une substance douée de raison, il est par lo fait même une personne, car la définition de la personne est : substantia rationalis individu# . natura. Or, il ne peut être une personne au seul point dc vue dc son humanité, par conséquent il ne peut | être un aliquid. » Sent., 1. Ill, dist. X On trouvera à Adoptianisme au xn· siècle l’exposé des discussions relatives ù cette question qui passionna alors tant d'esprits. Au xin* siècle, depuis les déen talcs d’Alexan­ dre III qui avaient définitivement fixé cc point dc doctrine la controverse était close. Voir le texte des deux lettres d'Alexandre III dans Cavaliers, The­ saurus, n. 763, 761. Saint Thomas n’en parle pour ainsi dire qu’en passant et uniquement pour éclai­ rer le problème dc la constitution physique dc l’humanité du Christ, Sum. theol., III·, q. n, a. 6; In J V Sait., 1. Ill, dist. VI, q. m, a. 2; à propos de la dis­ tinction X, le docteur angélique envisage directement l’opinion condamnée par Alexandre 111, q. I, a. 2, q. n, ad Γ““. L’humanitédu Christ est individuelle, mais non pas un individu : le seul Individu dans le Christ, c'est la personne même du Verbe. Aussi, sans craindre dc mettre en Jésus deux personnes et d’introduire une quaternilé en Dieu, on doit dire qu’en tant qu’homme, Jésus est aliquid. En tant que cet homme, cet individu, il est Dieu, il est personne, hypostase, aliquis. C’est, on le voit, à peine transposée, la terminologie déjà acceptée des Pères du iv· siècle, affirmant qu’en Jésus la divinité et l’humanité sont altud et aliud, mais qu’il n’y a pas en Jésus alius et alius. Voir col. •197. D’ailleurs l’hypothèse d’une quaternité en Dieu avait été déjà explicitement réfutée par les Pères: S. Athanase, Ad Epictetum, n. 9, P. G., t. xxvi, col. 10G6;cf. Theorianos, Dial., Il, adversus Armenios, P. G., t. cxxxm, col. 216 sq. ; S. Augustin, Epist., cxl, n. 4, c. iv, n. 12, P. L., t. xxxin, col. 513; Pierre le Diacre, De incarnatione et gratia, c. iv, P. L., t. i.xn, col. 86; le diacre 1'errand, Epist., m, n. 10, P. L., t. Lxvn, col. 899; S. Vincent de Lérlns, Commonitorium, 1, n. 16, P. L., t. i, col. 659; par le XI· concile dc Tolède, Denzinger-Bannwart, n. 283. C'est l’application du I nus dc Trinitate passus est, approuvé au 111e concile dc Constantinople. Sur ces controverses, voir prin­ cipalement Jean de Corbie, Apologia de Verbo incar­ nato, P. L., t. clxxvii, col. 295 sq.; Alexandre dc I lnlès, Summa, 111·, q. vi; S. Bonaventure, Jn IV Sent., 1. 111, dist. λ 1, VII; S. Thomas, In IV Sent., 1. Ill, (list. VI; Sum. thud., 111·, q. v, a. 3-6. III. EXPOSÉ didactique. — Unanimement, les théologiens scolastiques, à partir du xm· siècle, ensei­ gnent, conformément aux définitions des conciles, que l’union du Verbe n’a pas été faite en une nature (soit la nature humaine, soit la nature divine, soit une troisième nature résultant dc la fusion des deux autres), mais dans la personne, c'est-à-dire dans l’hypostasc, personne et hypostase devant être identiliées. En d’autres termes, le Christ possède les deux natures divine et humaine, mais dans l’unité de la personne divine. Voir tous les commentateurs du Maître des Sentences, 1. III, dist. H. Saint Thomas, panni ses contemporains, mérite une mention parti­ culière, non seulement pour la perfection dc son ex­ posé didactique, mais encore pour l’emploi judicieux qu’il a su faire, sur cc point, dc la théologie positive. II demande ses preuves ù saint Athanase, à saint Cyrille d'Alexandrie, Λ saint Jean Damascènc, aux conciles d’Éphèse, de Chaleédolnc, dc Constantinople, cf. Sum. thcol., JII·, q. n, jv; Cont. gentes, 1. IV, c. xxxvm; certaines expressions moins correctes des 518 Pères sont expliquées dans leur sens orthodoxe. Opusc. contra errores gr#eorum, c. xvn-xxn. Les termes dont se sert la théologie scolastique accusent une correction parfaite et un progrès réel sur la termino­ logie du xu· siècle. Ils distinguent exactement les termes désignant l’hypostasc et ceux qui sc rappor lent à la nature; précision qu’on ne trouve pas toujours auparavant, par exemple, chez saint Anselme, appli­ quant a rhumanitê l’expression ille homo. Cur Deus homo, I, c. vm, P. L., t. cLvm, col. 369; cf. De fide Trinitatis et de incarnatione Verbi, c. vi, coi. 279; voir plus haut, col. 91L B serait fastidieux de reprendre l'exposé dc la doc­ trine traditionnelle, telle que les théologiens scola­ stiques l'ont entrepris, en des termes souvent identi­ ques, dans leurs commentaires sur le 111· livre des Sentences, dist. I-ll, VI-VI1; ou encore, après saint Thomas, Sum. theol., Ill·, q. π-vi; Cont. gentes, 1. IV, c. xxvn-xux, dans leurs commentaires sur ces deux ouvrages du docteur angélique. Nous délimiterons donc le sujet, en nous arrêtant uniquement aux aspects particuliers sous lesquels les scolastiques ont exposé le dogme dc l'union hypostatique, aspects qui accu­ sent un progrès dans l’analyse de la pensée catholique. Les discussions sans portée doctrinale réelle seront écartées. Les scolastiques ont envisagé, dans l’union hypostatique, les deux tenues extrêmes de l’union, d'une part, la personne du Verbe, d’autre part, l’humanité le résultat dc l'union, c'est-à-dire l’hypostasc ou la personne du Christ, enfin, l’union elle-même. 1° Le terme extrême de l'union du côté de la divinité : la personne du Verbe. — A dire vrai, cc premier point de la théologie scolastique dépasse le cadre de la question précise dc l’union hypostatique. 11 doit être logiquement abordé à l’art. Incarnation. Voir ce mot. Toutefois, la question dc la personne divine dans l’incarnation comporte un point plus particulier où le problème se trouve conflué dans les limites mêmes du problème dc l’union. Il s’agit du rôle que joue dans l'union même avec l’humanité du Christ la per­ sonne dix inc du Verbe. La thèse catholique affirme, contre les monophysltcs, la dualité dc natures, contre les nestoriens, l’unité dc sujet ou d'hypos taxe. Or, en Dieu, nature et personne sont la même réalité, puis­ qu’elles sont une seule et même chose axée l’essence divine : comment, cc nonobstant, peut-on encore maintenir que l’union dc la personne du Verbe avec l’humanité ne sera pas une union en nature? D’autre pari, la personne implique l’incommunicabilité : si l’humanité est élevée à la participation de la personna lilé divine, comment peut-on encore sauvegarder la notion de personne en Jésus-Christ? Les scolastiques ont cherché à élucider ces deux aspects encore obscurs du dogme dc l'union hypostatique. — 1. L’union dc l’humanité avec la personne divine du Verbe, nonob­ stant l’identité en Dieu de la personne et de la nature, n’implique cependant pas une union en nature. Sans doute, en Dieu, personne et nature sont la même réalité, mais la signification du mot personne est diffé­ rente dc la signification du mot nature, et, partant, l’union en personne n’est pas l’union en nature. La nature, en eflet, fait abstraction dc tout ce qui ne constitue pas l’essence comme telle; la personne inclut, au contraire, la raison de subsistence, d’indi­ vidualité, d’incommunicabilité. D'où il suit que l’union en nature signifie la constitution d'une essence, résultat de la fusion des éléments qui s’unissent; l’union en personne, au contraire, signifie que l'huma­ nité, en Jésus-Christ, s’ajoute pour ainsi dire, comme élément nouveau appartenant à l’hypostasc divine laquelle demeure en sol immuable et inchangée. Cette union hypostatique sc vérifierait même dans le cas 519 HYPOSTATIQUE (UNION) où la trinitè des personnes n existerait pas et où Dieu serait, par sa substance meme, personnel. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. n, n. 2, ad lu,u;Cajétan, in h. loc.; cf. q. ni, a. 1, 2. En conséquence, en Dieu, c'est la personne qui, d'une manière qui lui appartient en propre, élève à l'unité de son hypostase la nature humaine; mais la nature divine, en raison même de son identité avec la personne, peut être dite secondai­ rement, et parce que subsistante, terme de l’union. J bid. 11 est donc exact de dire que les natures divine et humaine sont unies en Jésus-Christ, bien que ccttc union soit une union, non en nature, mais en personne. Il ne faut pas craindre d'affirmer cette union des natures, au sens où la théologie le permet, et qui est le sens des Pères, encore hésitants sur la terminologie à employer et dont les expressions dé­ passent parfois la pensée. Voir col. 496. Cf. Thomassin, De incarnatione, 1. 111, c. v, n. 2. —2. L’incommunica­ bilité qui appartient en propro A la personne comme telle n’empêche pas le Verbe de faire participer l’hu­ manité A sa personnalité divine; la nature humaine n’ajoute rien A la divinité, infinie en perfection, et se suffisant pleinement dans sa subsistence; mais c’est au contraire la personne divine qui tire ù elle, qui élève jusqu’à elle, qui, pour employer le mot consacré par la scolastique,assume (adsuriiit) la nature humaine et la perfectionne. En raison de son infinie perfection et de sa subsistence t ransccndantc, le Verbe peut ainsi assumer la nature humaine de manière ù la faire sub­ sister, par une union substantielle, dans sa personnalité ou hypostase divine. Cette personnalité reste inchan­ gée, mais elle commence, dès l’incarnation, A subsister dans la nature humaine, tout comme elle subsiste de toute éternité dans la nature divine. Toutefois, cc n’est pas la nature humaine qui fait que le Fils de Dieu est une personne, puisqu’il l’a été de toute éter­ nité, mais elle fait seulement qu’il est homme, tandis que la personne divine est absolument constituée d’après la nature divine. Cf. Sum. theol., III4, q. ni. a. I, ad 1UUI, 2um, 3um, Dans l’union comme avant l’union, la personnalité divine reste donc incommu­ nicable : la nature humaine ne constituant pas un sujet nouveau, mais étant simplement appelée A l’honneur de participer substantiellement à l’hypostasc du Fils de Dicu.Tclle est la doctrine reçue unani­ mement chez les scoastiqucs, nonobstant des diver­ gences assez profondes sur la portée des arguments employés,cf. Scot, Jn JV Sent.,}. lll.dist. II, q.i;mais, dans sa substance cette doctrine s’impose ù tous, quels que soient les systèmes des écoles touchant l’élément formel constitutif de l’union hypostatique. 2° L'autre terme extrême de l'union : l'humanité. ·— Sous cet aspect, le problème didactique de l’union hypostatique embrasse deux questions principales. Dans la première on sc demande dans quel ordre la nature humaine, considérée dans toutes les parties qui la composent, a été prise par le Verbe. Dans la seconde, on essaie de résoudre le problème des élé- 1 monts eux-mêmes auxquels s'est étendue l'union hypostatique. — 1. 11 est évident que toute l’huma­ nité et ses parties ont été prises simultanément par le Verbe dans l'union hypostatique. L’ordre dont il est question ici n’est donc pas un ordre de temps, mais un ordre de nature et de causalité. Dans l'humanité, en effet, certaines parties moins nobles n’ont pu être prises par le Verbe qu’en raison d’autres parties plus nobles. Dans cet ordre de causalité, on peut dire, avec tous les théologiens scolastiques (sauf Gabriel Biol, Jn 1 VS S. Thomas, Sum. theol., 1HB, q. u,a. 2, ad 2UOT. De même, si dans l’Ame on compare entre elles les diverses parties potentielles, la partie supérieure, l'esprit, est la raison immédiate d'élever les autres parties à l'union avec le Verbe; dans l’ordre de l’inten­ tion, c’est encore le tout, parce que complet et en quelque sorte parfait, qui a la priorité sur les parties intégrantes. Voir Salmanticcnscs, disp. IX, dub. unie., $ 1-3. Les théologiens, sauf Durand de SaintPou rçain, In 1VSent., 1. Ill, dist. H, q. n, sont una­ nimes sur ces points : les controverses ne commencent que lorsqu'il s'agit de savoir si l'Ame a élé prise, dans l’humanité, pour elle-même ou parce que co-princlpc constituant l'humanité : un ilia (anima) fuerit prius assumpta ut quod, vel solum ut quo ? Cf. Suarez, loc. cil., sect, v; Gonct, Chjpeus, De incarnatione, disp. X, a. 1, n. 7, 8. De plus, toute une école soutient que, dans l'ordre de l'exécution, la subsistence du Verbe fut d'abord communiquée n l'Ame, et ensuite, par l'Ame au corps et seulement enfin au composé humain, l'Ame étant dans l’homme la partie essent idle à qui convient d'abord et naturellement la subsistence, le corps rece­ vant de l’Ame qui l’informe ccttc subsistence, cl, enfin, le composé la possédant parce que résultant de l’union de l’un cl de l'autre. Suarez, ibid., n.3. Que l’Ame ait été dans l’ordre de la nature et do la causalité la raison pour laquelle le Verbe s'est uni aussi le corps, cela n’implique nullement que,pendant le triduum de la mort du Sauveur, l’union hypostatique ait été rom­ pue entre le Verbe et le corps séparé de l’Ame. Voir plus loin. L’ordre transcendantal de l'Ame au corps demeurait toujours dans l'Ame du Christ et suffit A maintenir le bien-fondé de la théorie scolastique. Sum. theol., 1 IP, q. vî,a. 1, nd 3ura. Cf. q. l, a. 2, ad 2“m. Sur tous ces points, voir les commentaires des théologiens sur le Maître des Sentences, 1. III, dlst. 11, et sur la Somme thêologique, IIP, q. vî, a. 1-5, et q. L, a. 2; mais très particulièrement S. Bonaventure et Gilles de Home. Cf. Suarez, disp. XV1 L. — 2. L'extension de l’union hypostatique est une question soulevée à propos de l'information du corps humain par l’Ame intellectuelle. Voir Fohme du coups humain, t. vî, col. 546-586. Tout d’abord, les théologiens enseignent unanimement que le corps du Christ n été uni non seulement à l’hypostase du Verbe, mais qu’il lui a été uni hypostatiqucmcnl, c’est-à-dire de façon A entrer comme él< ment substantiel constitutif de la personne: c’est cc qui permet la communication des idiomes en tout cc qui concerne les expressions signifiant les soufiranccs, la passion, la mort du Fils de Dieu. Le Verbe s’est uni hypostatlqucmcnt non seulement l’Ame, mais l’humanité, donc le corps même du Christ. Si l’Ame est dite être la raison pour laquelle le Verbe 521 HYPOSTATIQUE (UNION) 522 s’cst uni le corps, c’est pour indiquer l’ordre d'inten­ Verbe de Dieu a pour résultat de constituer Notre tion, et non pour représenter l'Ame comme un moyen Seigneur Jésus-Christ, V Homme-Dieu. L'exposé didac­ tenue physique, faisant le trait d'union entre le Verbe tique de la théologie scolastique relativement à 1'hy­ et le corps humain. Voir S. Thomas, Sum. theol., 11l ·, postase composée de Notre-Scigneur Jésus-Christ q. vî, a. 1, 3, 4 ; et les commentateurs soit du Maître étudie un aspect particulier de l’union hypostatique, des Sentences, 1. Ill, dist. 11, soit de la Somme théolo­ aspect déjà souligné par les Pères et les conciles, mais gique, toc. cil., soit de la Somme Contra gentes, 1. IV, qu’il fallait étudier de plus prés, afin de préciser la c. xuii, xt.iV· Cette thèse est théologiquement cer­ terminologie catholique sur ce point. — 1. Le terme signifiant l’union intime, substantielle de taine, Suarez, De Incarnatione, disp. XVII, sect, iv, n. 4; elle seule rend compte de l’union hypostatique la nature divine et de la nature humaine en Jésuspendant le triduum de la mort du Christ Suarez, De Christ, quoique employé de préférence par les sévémysteriis vitæ Christi, disp. XXXVIII, sect, u, n. 4. riens, voir col. 441, a cependant été accepté, consacré, C'est la doctrine traditionnelle, enseignée par les canonisé par le magistère de l'Église. Le symbole, Pères de l’Église. Pctau, De incarnatione, ï. XII,c. xix, inséré dans les actes du concile d’Éphésc, Hardouin, n. 5 sq. Ensuite, malgré la controverse relative à Γιη- j t. î, col. 1640, et rappelant la doctrine attribuée au formation du sang par l’Ame, voir t. vn, coL 585, il est concile de Nicéc contre Paul de Samosate, comporte théologiquement certain que le sang du Christ est l’expression : ίν τζρόαωπον σΰνύιτον be Οεότητος oùpxσαφχος ; le mot σίνύχσ?;» employé uni immédiatement et hypostatlqucmcnt au Verbe, 7’Gj xsl car il appartient à 1 intégrité de la nature humaine. comme synonyme d’union, mais non de mélange, Celte assertion repose : a ) sur le dogme de la présence se retrouve également dans le II· concile œcumé­ réelle dans l’eucharistie sous les espèces du sang. Le nique de Constantinople, can. 4, Denzinger-BannChrist dit :< Ceci est mon sang», ce qui n’est vrai qu’en xvurt, η. 216; le pape Agathon, dans sa lettre dog­ fonction de l’union hypostatique qui seule justifie la matique, n’hésite pas à dire que le Christ ex (natu­ communication des idiomes; cf. Hcb.,ii, 4 I ; b) sur la ris) inconfuse, inseparabiliter et incommutabUiter est valeur infinie attribuée à cc sang précieux, valeur compositus, ibid., η. 288; bien plus, au VIe concile inexplicable en dehors de l’union hypostatique, cf. 1 œcuménique, la lettre de saint Sophrone comporte Pet., r, 19; Eph.,i,7; 1 Joa., î, 7; c) sur la déclaration ces mots, approuvés par le concile : « Nous adorons le de Clément VI, dans la bulle du jubilé de 1343, Den- Fils, Verbe incarné, et nous disons que son hypostase zinger-Banuvvart, n. 550; d) sur la quasi-unanimité unique est composée, u'av xjtoj την ϋπόστχσιν λ;γομχν σύνθίτον, et nous fa reconnaissons existant des théologiens à enseigner ccttc doctrine : seuls, en diet, Durand de Saint-I’ourçaln, In IV Sent., 1. IV, en deux natures, Hardouin, L ni, col. 1269. CL II* concile de Constantinople, can. 7, Denzinger-Banndist. X, q. î, n. 16, et le supplément de Gabriel Bicl, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, q. î, enseignent que le xvart, n. 219. Les Pères de l’Église n’ont pas hésité à sang fut uni à l'hypostascdu Christ, parce que faisant employer eux aussi l’expression : hypostase ou per­ partie du corps, seul uni hypostatlqucmcnt ; mais cette sonne composée, en parlant du Christ. Voir les textes opinion n'a trouvé aucun écho dans la tradition des dans Petau, De incarnatione, i. Ill, c. xn, n. 6; dans écoles catholiques. Voir, sur le développement de ces Thomassin, De incurnatione, 1. Ill, c. vî, η. 3; dans preuves et sur la doctrine des théologiens résumant Suarez, De incarnatione, disp. VII, sect, n; dans Vasquez, De incarnatione, disp. XVI. c. n. Toutefois, celle des Pères, Suarez, De incarnatione, disp. ’XV, sect, vî, et Salinanticenscs, op. cit., disp. X, dub. n. il convient de remarquer que, quelque soit l’emploi L’objection provenant de cc que le sang est perpé­ fait par les conciles et les Pères de ccttc expression, tuellement en transformation, la nutrition lui appor­ jamais il n'a été défini que la personne ou l’hypostase tant de nouveaux éléments remplaçant ceux qui du Christ fût composée. Cette assertion de Suarez, de s’en détachent, est réfutée par certains théologiens, Vasquez, loc. cit., et de De Lugo, De incarnatione, disp. voir Legrand, De incarnatione Verbi divini, diss. VI, X, n. 3, repose sur une confusion : le canon où sc c. n, a. 2, concl. v; mais 11 ne convient pas d’y attacher trouve affirmée cette doctrine est de Cyrus d’Alexan­ une importance particulière, la physiologie nous fai­ drie et non du concile. CL Hardouin, L m, col. 1341. sant voir, pour le corps lui-même, une semblable — 2. Lorsqu'il s’agit d’expliquer la portée exacte de difficulté· La solution do ccttc difficulté est simple : ccttc assertion, les théologiens scolastiques exposent aussitôt qu’un élément nutritif est suffisamment les différents points de vue de la question, c 11 est assimilé, il est informé par l'Ame et uni hypostaliquc- manifeste que. si nous envisageons la personne du ment; aussitôt que l’œuvre de désagrégation com­ Verbe en elle-même, elle est l’absolue simplicité, l’acte mence ù s'accomplir, en vertu des lois mêmes de la pur, incapable de rien acquérir et d'entrer comme vie, ces éléments que le corps doit rejeter ne sont plus partie composante dans un tout, à la manière dont informés par l’Ame et unis hypostatlqucmcnt. Sur les êtres incomplets s'unissent à l’être complet. »Hugon, tous ces points, voir Suarez, disp. XV; De Logo, De Le mystère de l'incarnation, Paris, 1913, p. 202. Ce incarnation·, disp. XIV, sect, n; la théologie de Würz­ point de vue, accepté par tous les théologiens, est bourg, De incarnatione, n. 305, et, parmi les auteurs certainement celui qu'envisagent saint Bonaventure, In IV Sent., I. IH.dist. VI, a. 1, q. n, affirmant que contemporains, Stentrup, De Verbo incarnato, Soleriologia, th. xi.iv; Pesch, Pnrlccliones dogmatics, celte expression est verbum calumniabi le; Scot, In IV t. iv, n. 132. L'union hypostatique s’cst-cllc étendue Sent., 1.111, dist. V I,q. ni, estimant qu’il vaut mieux aux cheveux, aux dents, aux ongles, aux humeurs nier que la personne du Christ soit composée; toute et aux liquides du corps? Nous retrouvons ici toutes leur école, et, panni les modernes, très spécialement les controverses aussi subtiles qu’inutiles que nous Tiphaine, op. cil., c. lxiv, s’élevant avec force contre avons signalées à propos de l’Ame forme du corps les théologiens qui s’écartent sans raison des formules humain. Voir t. vi, col. 585-586. Cf. Suarez, loc. cit., livrées par les anciens théologiens et ne savent pas sect. vu. La même (picslion se pose pour les accidents distinguer entre ces deux propositions : le Christ est corporels et spirituels. Ibid., sect. vin. Une chose est composé, proposition vraie, et la personne ou Vhypo· absolument certaine, c'est que tous ces éléments stase du Christ est composée, proposition fausse cl à furent, sinon unis hypostatlqucment» tout au moins rejeter. Toutefois, il ne faut pas rejeter tout à fait pris par l’hypostase du Fils de Dieu. l’expression : hypostase ou personne composée, ex­ 3° Le résultat ou terme total » de l'union : Γ hypostase pression consacrée par tant de Pères cl par certains « composée ». — L’union de la nature humaine au conciles. Saint Bonaventure explique que, si l’hypo- 523 HYPOSTATIQUE (UNION) 524 stase du Christ nc peut être dite composée d’une com­ peut être pris matériellement, à savoir, l’hypostase position proprement dite, qu'il définit : unio aliquorum appartenant ù ce tout qui est le Christ et qui est, en duorum habentium mutuam inclinationem ad constitu- I soi, l’hypostase du Verbe; on fait alors abstraction tionem tertii, elle doit cependant être dite, dans un de la nature humaine ct l'on nc considère dans ccttc sens large, composée, en tant que l’union hypostatique formule que l’hypostase qui éternellement subsiste fait que la personne du Verbe subsiste en deux na­ dans l’essence divine ; en d’autres termes, le mot Christ tures : il y n alors simul-cum-alio-positio. Loc. cil. ne sert ici qu’à designer la personne dont il s'agit ct Dans le sens dc saint Bonaventure, voir Durand de cette personne est la deuxième personne dc la sainte Saint-Pourçaln, In IV Sent., 1. Ill, dist. VI, q. n; Trinité, simple, ct sans composition possible. Mais le Marsiled' Inghen, In J V Sent., L 111, q. vr, a. 3, dub. v ; ( génitif, du Christ, peut être aussi considéré formelle­ Gabriel Biel, tn IV Sent.,I. Ill, dist. VI, q. n, a. 3; ment, ù savoir, l’hy postase qui est précisément cet Denys le Chartreux, ibid., dist. VI, q. vm. Cf. Sal- individu, le Christ. 11 serait plus exact de dire : l'hymanticcnscs,/)e incarnatione, disp. 111, dub. ni, § 3, postase-Christ. En ce cas il y a plus qu'une désigna­ n. 49. Saint Thomas, dans son commentaire sur le tion, il y a détermination même des éléments qui en­ Maître des Sentences, avoue que l’expression : trent dans cette hypostase, ù savoir, la nature divine hypostase composée n'est pas en usage chez'les et la nature humaine. C'est dans ce second cas que théologiens modernes, dist. Ill, VI, q. n, a. 3 l’hypostase peut être dite composée. Toutefois, même (Hugues dc Saint-Victor, De sacramentis Christiana dans la première acception du terme : l’hypostase du fidei, 1. II, part. I, c. n, P. L., t. clxxvi, col. Christ, une certaine composition peut être attribuée 402, 403, la rejette expressément ; cf. Alexandre de à la personne du Verbe. C’est la composition que les Halés, Summa, III·,q. vi, m. n, a. 5); mais, dans théologiens appellent compositio ad hoc; en ce sens, la Somme théologique, III*, q. i, a. 4, il affirme sim­ le mot compositio est simplement l'équivalent d’un/o. plement que la personne du Christ doit être dite Les Pères grecs expriment ce sens en sc servant dc la composée, in quantum unum (subsistens) duobus sub­ préposition προς. Cf. II· concile do Constantinople, sistit. i Quoiqu’il n'y ait dans le Christ qu’un seul can: 4. την ίνωσιν του Οεου λόγου πρός σάρκα... κατά subsistant, cependant il y a en lui une manière diffé- συνΟίσιν ήγουν χαΟ* ύπόστασιν... την ίνωσιν του Οιου rente dc subsister â l’égard dc chacune dc ses natures, λόγου πρός την σάρκα κατά συνΟεσιν... δπερ ΙστΙ χαΟ* et c'est ainsi que l'on dit que sa personne est composée, ύπόστασιν. Denzinger-Bannwart, n. 216; S. Soplironc, en tant qu’elle subsiste en deux natures, d II ne suffit Epist. ad Sergium, Hardouin, L xn, col. 1267; Jean pas dc dire avec saint Bonaventure qu'il y a, dans Maxcnce, Dial., II, n. 2, P. G., t. lxxxvi, a, l’hypostase du Christ, composition cum naturis, car col. 13G. Dans la seconde acception, où le génitif du l'hypothèse hérétique dc Nestorius souffrirait ccttc Christ est pris formellement, en tant que déterminant sorte dc composition; Il faut dire que l’hypostase du les éléments constitutifs dc ce sujet : le Christ, Il faut Christ, après l'incarnation, est composée in ct ex dire dc toute évidence que l’hypostase du Christ est naturis : elle subsiste en deux natures ct dc la nature composée, non seulement d'une composition ad hoc, divine tient Fifre, tandis que dc la nature humaine mais d'une composition ex lus, c’est-à-dire des élé­ tient Vélre homme. Coni. gentes, 1. IV, c. xux. Mais il ments constitutifs du Christ, comme tel, à savoir dc est bien entendu que la personne n'est pas le produit la nature divine ct dc la nature humaine. Mais pour dc l’union ou qu'elle perdrait son individualité dans nc pas attribuer ù ccttc composition un sens monol’hypothèse où l’union prendrait fin; on veut dire physlte (Mgr Janssens, ù cause dc ce sens monophysimplement qu'il y a dans le Christ deux natures unies sltc, rejette, ù l'encontre dc la plupart des théologiens substantiellement dans une même hypostase, qui sub­ contemporains, cette composition ex his, Summa siste en même temps dans toutes les deux. L'hypo- theologica, L iv, p. 151), il reste bien entendu que stasc du Christ n'est pas un tout, dont les natures, l'hypostasc du Christ n'est pas un tout formé des divine et humaine, formeraient les parties compo­ deux natures, mais un tout subsistant dans les deux santes, elle est la personne même du Verbe, qui, simple natures; aussi cst-cc une composition in his en même après comme avant l'incarnation, si on la considère temps qu’une composition cx his. Cette explication en elle-même, peut être dite composée en tant qu'elle ressort nettement dc l'emploi simultané que font s'étend, par l’incarnation, & la nature humaine. La ! des deux formules les conciles, notamment le concile formule de Tiphainc ne représente nullement la tradi- I dc Latran, col. 488. Sur ces points consulter Franzelin, tlon scolastique; ainsi que l’a démontré péremptoire­ De Verbo incarnato, th. xxxvi; Janssens, op. cit., ment Franzelin, De Verbo Incarnato, th. xxxvi, il est part. I, sect, n, m. i, q. n, a. 4; Billot, De Verbo tout aussi orthodoxe ct conforme aux formules tradi­ incarnato, th. vi, § 4; C. Pcsch, Prœlcctioncs dogma­ tionnelles dc parler do la personne, dc l’hypostase tics, t. iv, n. 129-130. composée du Christ que déparier du Christ composé. 4° Le terme < formel * de Γunion hijpostatiquc. — Le « L'expression, toutefois, pouvant sc prêter à l'équi­ problème du terme < total > dc l'union hypostatique voque, on l’accompagnera dc correctifs qui en préci­ rallie ù peu près, dans sa solution, les suffrages do sent l'exacte signification. Au lieu dc dire tout court : tous les docteurs catholiques. 11 n'en est pas dc même la personne du Verbe est composée après l'incarnation, du problème du tenue « formel ». Tandis que le terme on ajoutera : dans ce sens qu'elle joue un nouveau 1 total est la réalité composée qui constitue l’Hommerôle, qu'elle perfectionne ct termine l’humanité. On Dieu, le tenue formel est conçu par les théologiens pourra, au contraire, dire sans atténuation que le scolastiques comme Vaspect sous lequel ccttc réalité Christ est composé, parce qu'il est clair pour tous est atteinte par Γaction divine dans l'union hypostatique. que Notrc-Scigncur, vrai Dieu ct vrai homme, implique, Trois opinions principales, qui d'ailleurs nc s'excluent unies substantiellement en son unique personne, la pas néces!» drement, sc partagent les théologiens qui divinité ct l'humanité réellement distinctes, b Hugon, sc sont occupés dc cette question. — 1. L'opinion de op. cil., p. 202-203. Sur la discussion théologique dc Capreolus, In IV Scnt.,\. ΙΠ, dist V, q. i. reprise par ce point, consulter Suarez, op. cil., sect. xv.—3. Ac­ Cajélan. In Sum. S. Thonur, II B, q. n. a. 8, par tuellement encore, certaines divergences sc manifestent Gonct, op, cil., disp. VI. n. 5, § 1, veut que le tenue entre les théologiens, suivant les écoles auxquelles ils formel de l’union hypostatique soit la personnalité se rattachent. Toutefois, la doctrine généralement même du Verbe; c’e I la personnalité divine, assu­ admise peut être ainsi formulée : Dans l’cxprcs«ion : mant ’ l'hum mité, qui réalise formellement l’HonuncV hypostase du Christ est composée, le génitif, du Christ, Dieu».C( Suart ci/., disp VIII, sect, m, n. 10} 525 II YI OSI ΛΊ IQUE Joan rni.,Lxni, P. 7.., t. uv, col. 351; Cassie n, De incarnatione, 1. J, c. v, P. L., 1.L, col. 26. On affirme même que certains Pères, tels S.Cyrille d'Alexandrie, Adversus Nestorium. L I, c. î, P. G., t. lxxvi, col. 19; Euthymius, Panoplia, tit. xm, P. G., t. exxx, col. 1063, attribuent au Christ l’existence humaine, parce qu’aucune des na­ ture s n’c» t inexistante,ανυπόστατος. Voir les textes in- 528 voqués, Pelau, De incarnatione, 1. V, c. VI,· Thomassln, De incarnatione Verbi Dei, 1. Ill, c. xvi; cf. Suarez, De incarnatione, disp. XXXV1; Vasquez, in IIP* part. Sum. theoL S. Thomœ, disp. LXX1; Ysambcrl, In III*"* p. Sum. thiol , q. n. disp. un.; De Lugo, De incarnatione, disp. XXIV; Tiphainc, De natura ct hypostasi, c. χχχιιι-χχχν; Franzelin, De Verbo in· carnato, thés, xxxiv. De telles prétentions sont absolu­ ment injustifiées. Les Pères n'ont eu cn \uc que le dogme à exposer ct à défendre. C’est à peine si Léonce de Byzance cl les théologiens postérieurs esquissent uife théorie, non pour proposer une solution méta­ physique du problème de l’union hypostatique,mais pour expliquer la possibilité métaphysique d’une nature Individuée qui ne soit pas une personne. Encore que ce point de vue particulier sc rapproche de la solution une Tiphainc donne au problème de l’élément formel constitutif de l’union hypostatique, il faut reconnaître, si l’on est sincère, que la théorie de l’cnhyposlasie ne répond pas aux préoccupations des théologiens scolastiques. Il est facile, en effet, de répondre qu’à cc compte, le Christ aurait dû prendre, noy seulement l’existence, mais encore la personna­ lité humaine; cc qui est contradictoire de la fui catho­ lique. Les thomistes expliquent ccs autorités, cn di­ sant que le Christ a dû prendre tous les éléments ap­ partenant à la nature, c'est-à-dire à l’espèce humaine, sauf le péché. Or l’existence appartient, non à l’espèce, mais à l'individu. Cf. S. Thomas, In IV Sent., 1. Ill, disl. Il,q. î, a. 2, ad lom. Il est donc inut lie, il est meme contradictoire d’admettre deux existences, l’une divine, l’autre humaine, dans le Christ. Billot, De Verbo incarnato, Prato, 1912, p. 118-160, réfute lon­ guement cet argument ct d'autres similaires, mis cn avant par l’école scotlsle. De plus, de cc que les Pères proclament que la matière humaine ne peut être, cn Jésus-Christ, inexistante, ανυπόστατος, il ne s'ensuit pas qu'elle doive exister par son existence propre. La conception de Γένυπόστατος laisse intacte, nous l’avons vu, voir Hypostase coL 407, la question purement scolastique qui nous occupe présentement La question controversée entre théologiens sc super­ pose donc à la doctrine des grecs du vi· au ix· siècle, mais, quelle que soit la solution donnée au problème controversé, la doctrine des grecs reste entière ct s’ac­ commode aussi bien d’une solution que de l'autre. La préoccupation des Pères grecs, même au vi· siècle, est éminemment dogmatique; celle des scolastiques, de Tiphainc ct de Franzelin comme des autres, est com­ plètement thvologlque. Nous faisons nôtre,la remarque judicieuse de M. Voisin, L'apollinarisme, Louvain, 1901, p. 361, à propos des Pères du iv® siècle, ct nous l’étendons à tous les auteurs de i’âgc palrisllquc : « Quelle que soit l’opinion que l’on professe sur cette question qui fait encore de nos jours l’objet de vives controverses entre théologiens, on n’est pas cn désac­ cord avec les Pères de celle époque, du moment que l’on peut concilier sa théorie avec les données de la révélation; car ceux-ci n’avaient d’autre but que de défendre la doctrine positive de l’Églisc sur le mystère du Verbe incarné; c’est leur prêter les Idées dont on est soi-même iinbu, ct perdre de vue cc fait que les théologiens d'autrefois n’ont pas eu et n’ont pu avoir toutes les préoccupations des théologiens d’aujour­ d’hui, que d’invoquer leur autorité cn faveur de telle ou telle opinion scolastique. » - c. I.es partisans d’une double existence en Jésus-Christ allèguent encore Vautorité de saint Thomas d'Aquin, De unione Verbi incarnati, q. un., a. 4, où le docteur angélique semble admettre on double esse dans le Verbe incarné. Cer­ tains auteurs, cf. Billot, op. cit., p. 139, note, répon| dent que cc traité attribué au saint docteur n’est pas authentique. D’autres, Cajétan, tn 11p. Sum. theoL 529 HYPOSTATIQUE (UNION) S. Thomtc, q. xvn, a. 2, disent que saint Thomas s'est rétracté dans la Somme. D’autres enfin, tout cnconcé­ dant l'authenticité do l'opuscule, ci. Mandonnet, Les écrits authentiques de saint Thomas d'Aquin, dans la Ilonuc thomiste, 1909, p, 683; 1910, p. 302, nient quo saint Thomas ait posé, dans le texte incriminé, des principes contraires ù l’unité Substantielle de l’existence dans le Christ : « Dans cette doctrine Thomas d'Aquin maintient, comme partout ailleurs, le principe dcJ’unité d'être dans le Christ, mais il cherche aussi à maintenir un rapport entre la substance divine ct la nature humaine au point de vue de l’être. Ici, 11 semble aller plus loin qu'ailleurs cn distinguant un esseprincipale ct un esse secundarium, le premier étant l’être éternel de la personne divine, ct le second l'être temporel que contracte la personne cn s’unissant à la nature humaine dans le temps. Sans doute, cette façon de formuler la doctrine ne recouvre exactement aucun des passages signalés plus haut (c’est-à-dire, In IV Sent., I. III, q. n.a.2; Quodlibet., IX, a.3; Sum.thenl., 111*, q. xvn, a. 2). Mais elle ne s’en écartc probable­ ment pas assez pour faire renoncer purement et sim­ plement à l’attribution, étant données les observations que nous avons déjà présentées, cn faveur de l’au­ thenticité. » Mandonnet, op. cit., p. 30G. — d. Enfin, entre les deux systèmes thomistes, le système de Çajétan prétend seul résumer la tradition catholique de Γυηιυη selon l'hypostasc, c'est-à-dire la subsistence καθ’ ύπόστασιν. C’est là à proprement parler, l’argument théologlquo apporté cn faveur de cette opinion. Nous avons déjà fait remarquer qu'à l’origine le καθ’ ύποστχctv signi lie simplement: selon la réalité, la vérité. Voir Hypostase, col. 388. Cc n'est que postérieurement que le sens théologique actuel: selon Γ hypostase ou la personne, a été donné à cette expression Mais encore faut-il entendre ce sens comme les Pères ct toute la tradition jusqu'au xiv· siècle l’ont entendu. La subsis­ tence dont il est question ici n’est pas une modalité, conçue par abstraction, mais l'être concret, subsis­ tant, c'cst-à-dirc existant cn soi ct par soi. D’où il apparaît clairement que l’opinion de Cajétan ne peut prétendre résumer une tradition vis-à-vis de laquelle précisément la conception du mode substantiel accuse une innovation réelle. D'ailleurs l’union sc fcrait-clle, comme Je conçoit Cajétan, selon le mode de la divine personnalité, il ne s ensuivrait pas encore que 1 union selon la subsistence se trouverait formellement réalisée. Formellement, en cITet, la personnalité divine est constituée par la relation comme telle, qui n’est sub­ sistante qu’en raison de son identité matérielle avec l’essence. Il est donc tout aussi simple de s en tenir à la théorie de Capréolus, qui, elle du moins, ne sup­ primant pas, dans la nature humaine du Christ, le mode réel qu'y place Cajétan, maintient la parfaite consubstantialité de cette nature avec la nôtre. Voir, sur ces arguments, Billot, op. cil., p. 135-137, ct, cn cc qui concerne la réfutation de l’argument tliéologique de la thèse de Cajétan,op. cit., c. xxix. 2. Les caractères de T union hypostatique. — a) C’est une union immédiate. —· Quelques théologiens ont imaginéentre l’humanité cl la divinité eu Jésus-Christ un lien substantiel, espèce de trait d’union entre le Verbe ct l’humanité. Cette théorie a revêtu plusieurs formes différentes. Au temps de saint Thomas, cer­ tains théologiens imaginèrent une grâce d’union, qui naturellement aurait la force d’unir Fhuinanité au Verbe. On attribue cette opinion singulière tout em­ preinte do nestorianisme à Alexandre do Halés, Summa, III*, q. vu, m. n, a. 1, et à saint Bonaven­ ture, In J V Sent., I. Ill, dist. II, a.3, q. n. Il est plus exact d’affirmer qu’on en retrouve des traces chez Ga­ briel Biol,/n IV Sent., 1. 1. dist. XXX, q. iv, ct 1. Ill, dist. I, q. ni, a. 2. Quoi qu’il eu soit, cette 530 opinion a dû être enseignée du temps de saint Thomas, puisqu'il Ja réfute dans son commentaire sur le Maître des Sentences, 1. Ill, dist. II, q. n, a. 1, q. m, cn ces termes : < 11 faut savoir que. dans l'union de la nature humaine et de la nature divine, il ne peut pas y avoir une sorte de milieu qui produirait l’union par manière de cause formelle, ct auquel la nature humaine s’unirait d'abord avant de s'unir à la personne divine. De même, en effet, qu’il ne saurait y avoir entre la matière ct la forme un milieu qui saisirait la matière avant la forme (autrement l'être accidentel serait avant l'être substantiel, cc qui est impossible), ainsi, entre la nature ct le suppôt il ne saurait y avoir un intermédiaire. > CL Sum. theol., Ill*, q.n, a. 10; q. vi, a. 6; De veritate, q. xxix. a. 2. Pour bien préciser la force de l argumentation, il suffit de rapporter cet autre texte de saint Thomas, In IV Sent., art. cit., q. iu, ad 3®® : < Bien n’empêche qu'un acculent apparaisse comme un milieu dans une union substantielle, s’il s’agit simplement de manifester l'union déjà existante, mais cela est impossible» s’il s’agit do causer J'union. a Ainsi toute l’école thomiste, et aveu cl îelaplu part des théologiens catholiques pro­ fessent que l’union immédiate de l’humanité au Verbe sc traduit, du côté de l'humanité, par une relation . réelle p red feu mentale., qui, par conséquent, est quelque chose de créé marquant le rapport de la nature hu­ maine au Verbe qui l'élève à l'unité de son hypo­ stase. Voir S. Thomas, Sum. theoL, 111* q. n, a. 7, ct tous les commentateurs de cc texte. Cette relation prédlcamcntalc, aliquid creatum, est niée par certains nominalistes, qui ne voient entre l’humanité du Christ ct le Verbe qu’une relation transcendantale. Cf. Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., I. III, dist. V, q. luScot, dist, I, q.r;Occam, 1.1,dist. XXX; 1. Ill, dist. I, q. L La relation prédicamentale admise par l’école de saint Thomas est une relation réelle, du côté de Ja nature humaine; du côté de la nature divine, il ne peut être question, conformément à la doctrine générale de saint Thomas, De potentia, q. vu, a. 8-11, que d’une relation de raison. La raison en est que l’incarnation n’apporte aucun changement à la divinité; tout le changement sc trouve du côté de la naturo humaine, qui, dès le premier instant de . son existence, a été élevée dans le Christ à la dignité de l'union hypostatique. Mais ici encore, tout cn maintenant la doctrine commune de 1 union immé­ diate, certains théologiens, suivant cn cela Suarez, De incarnatione, disp. VHL sect ni. n. S notamment Vasques, In Sum. S. Thomrt, III*, disp. XVI11, c. m. quelques thomistes, dont les théologiens de Salamanque, De incarnatione, disp. IV. dub. î. ct, cn général, les scotistcs (voir, dans les Sahnanticcnscs, loc, cil., J 1, n. 3, l’énumération des partisans de cette opinion); cf. Frassen, De incarnatione, disp. 1, a. 2, sect, i, q. I, coud. 1. prétendent que la nature humaine ne peut être unie immédiatement au Verbe sans y être disposée par un mode substantiel qui lui enlève son indifférence par rapport à l’union, et soit le terme de l'action de la trinlté dans l incarnation. Sur cc point, voir Incarn ation. Le mode substantiel, à la façon dont le comprennent ces auteurs, n’est pas un accident, mais une modification de la substance elle-même. On a fait remarquer déjà, voir Hypostase, col. -122, la contradiction qu’implique cette concep­ tion du mode substantiel, mais, si contradictoire cn sol que paraisse l’hypothèse envisagée. l’argument de saint Thomas ne peut plus être invoqué contreun milieu constitué, entre deux substances qui s'unissent par un simple accident. Cf. Gonct. Ctyprus, 111*, disp. VI, a. 3, n. 16-50. La vraie démonstration de i’inutllltê et de l’improbabilité de l’hypothèse suarézlennc, c’est que le Verbe, par lui-même, est le terme ct le 531 HYPOSTATIQUE (UNION; dernier complement de l'humanité dans le Christ : pas n'est necessaire de supposer que cette humanité requière un tenue, une perfection autre que celle même de l’être divin pour l’agréger à l’hypostasc du Verbe. Gond, loc. cil., n. 51-68. Cf. Jean de SaintThomas, In Sum. S. Thomie, III·, q. n, disp. IV, a. 3, n. 4. Les autorités patristiques invoquées par Thomassin,Defncarnaû’one,J. III en entier, militent en faveur de l'opinion communément reçue dans l’école thomiste, puisqu’elles impliquent l’union pour ainsi dire physique des deux natures. Cf. Witnssc, Tractatus theologici, De Verbi dtvtni incarnatione, Venise, 1738, q. vn, assert i ; Legrand, op. cil., diss. VI, a. 2. Quant à la raison qu’apporte Suarez, loc. cil., n. 22, plaçant dans ce mode substantiel le fonde­ ment réel delà relation prédicamcntalc, il ne semble pas qu’elle soit irréfutab e : l’union immédiate de l’humanité au Verbe et par le Verbe ne constituet-elle pas un fondement réel et très suffisant de la rela­ tion par le changement quelle apporte dans la nature humaine? Fundamentum ejus non est aliquid medium inter naturam assumptam et personam, sed mutatio qua trarta est humanitas ad esse personas; quæ in ipsa natura nihil aliud est, quam passio ex actione unitiva proveniens, qua d(pendens /acta est a persona. Sur l’union immédiate, voir, au sujet de l’école fran­ ciscaine, De Rada, t. m, contr. IV, a. 6; sur l’en­ semble de la question, Klcutgen, Théologie der Vorzeil, t. in, sert. n. b) C’est une union toute surnaturelle. — Le surna­ turel peut être surnaturel quoad modum, ou extrin­ sèquement, ou bien quoad substantiam, c’est-à-dire Intrinsèquement. · Que faut-il entendre par surna­ turel? C’est, pour un être, ce qui dépasse les propor­ tions de la nature de cet être, sans lui être pourtant contraire, quod excedit proportionem natu ne, dit sou­ vent saint Thomas. Plus explicitement : ce qui dé­ passe les forces et les exigences naturelles de cet être, mais lui conviendra s’il lui est gratuitement donné. L'erreur du naturalisme est précisément de confondre surnaturel et contre-nature. Le surnaturel est dit relatif, lorsqu’il dépasse seulement telle nature déter­ minée, par exemple, la nature humaine, mais non point la nature angélique. Le surnaturel est dit absolu, ou divin, lorsqu’il dépasse toute nature créée ou créable...Lc surnaturel sera essentiellement dînèrent selon qu’il dépassera toute nature créée et créablc, soit par scs causes intrinsèques, soit seulement par ses causes extrinsèques. Les causes intrinsèques d’une chose sont les principes essentiels qui la constituent ce qu’elle est. Aristote et les scolastiques les appellent cause matérielle et cause formelle. Or. il est clair qu’une chose ne peut être, par sa cause matérielle, supérieure à toutes les natures créées et créables. Mais si cette supériorité lui convient par sa cause formelle, par le principe intrinsèque qui la constitue et la spécifie, on dira qu’elle est surnaturelle quoad substantiam vel essentiam. Elle excède, en cITct, par son essence même, non seulement toutes les forces créées, mais toutes les natures créées ou créables. Telle est l’essence même de Dieu, et aussi la grâce sanctifiante, participation de la nature de Dieu, ci. S. Thomas, Sum. thcol., I· II·0, q. exii, a. 1, ainsi que les vertus infuses et les dons qui dérivent de la grâce habituelle comme les propriétés d’une essence. Ibid.. q. ex, a. 3,4. Par contre, les causes extrinsèques d’une chose sont la cause efficiente et la cause finale. Ce qui est surnaturel, non point par sa cause formelle ou spéclficatricc, mais seulement par scs causes extrin­ sèques, est appelé surnaturel quoad modum... Les cadres de cette division du surnaturel s’imposent, semble-t-il, à tous les théologiens. » Gorrlgou-Lagrangc. Le surnaturel essentiel et le surnaturel modal, dans la 532 Revue thomiste, 1913, p. 321-321. Cf. Billot,De gratia, p. 79, note; Grace, t. vi, col. 1583. Celle termino­ logie, qu’on ne trouve pas d’ailleurs chez les anciens scolastiques, n’implique nullement que le surnaturel essentiel soit une substance. Toute participation de la vie divine, reçue dans une créature, est ontologi­ quement un accident, que les théologiens placent réductivcment dans la catégorie de qualité. Le sur­ naturel essentiel, quoad substantiam, est donc une participation accidentelle de la vie divine : Dieu luimême, et Dieu seul, constitue le surnaturel substantiel, c'est-à-dire le surnaturel incréé. La substance surna­ turelle créée est une chimère qui répugne à la raison, quoi qu’en ait pensé sur ce point certains théologiens comme Ripalda, De ente supernaturali, disp. XX111, CXXXII, sect, xl; Becan, In Sum. S. Thomæ, 1% tr. I, c. ix, q. v; cf Suarez, De Deo, 1. H, c. ix, n. 15; Ysambert, In Sum. S. Thomæ, 1B, q. xn, disp. IV; Franzelin, DeDeo vero, th. xiv, corollarium. Ces prin­ cipes une fois rappelés, il devient clair que l'union hypostatique est surnaturelle, d’une « surnaturalité » qui dépasse toute autre. Il ne s’agit pas ici d'un sur­ naturel modal, mais il est évident que l’union surna­ turel du Verbe à l'humanité relève du surnaturel intrinsèque ou essentiel. Sans doute la cause efficiente de l'incarnation est surnaturelle, puisque c’est la Trinité elle-même qui est cette cause; mais la réalité même de l’union est, en soi, surnaturelle, « car il n'existe et ne peut exister dans la nature absolument rien qui sc puisse comparer avec cette union transcen­ dante des deux substances dans l’unique personne du Verbe. C’est même un surnaturel tout à fait à part et qui ne sc retrouvera jamais ailleurs. Les autres formes du surnaturel ne sont que des participations acciden­ telles de Dieu : participation transitoire de sa vertu propre, lorsque, par la causalité instrumentale, la créature concourt à la production de la grâce ou des miracles; participation permanente de son opération propre, comme, dans la vision et l’amour béatiflqucs, nous voyons et aimons ce que Dieu voit et aime tou­ jours, voir Intuitive (Vision); participation habi­ tuelle de son essence propre, comme nous recevons, par la grâce sanctifiante, un écoulement physique de sa nature, une vraie communion avec lui : divinx consortes naturæ. II Pet., i, 4. Mais dans tous ces exemples nous restons dans l’ordre accidentel. L’union hypostatique est la communication substantielle de Dieu, attendu que l’humanité n’a pas d’autre sub­ sistence et d’autre existence que celle du Verbe. Il n'est pas vrai, assurément, que la nature humaine devienne substantiellement divine, ni que la nature divine devienne substant tellement humaine, mais il est vrai, à cause de l’unité de personne, que Dieu est substantiellement homme et que cet homme est substantiellement Dieu. Ainsi le surnaturel hypostatlque est le surnaturel substantiel, le terme suprême des communications divines. > Hugon, loc. cil., p. I SG-187. c) C'est une union qui dépasse toute autre union. — C'est, dit salut Thomas, Sum. thcol., 1 U '.q. n, a. 9, la plus grande de toutes les unions, non pas si l’on re­ garde les termes extrêmes de l’union hypostatique considérés respectivement l’un par rapport à l’autre: Pun est Infini, l’autre fini : ils seront donc, pris en cu.x-mêm< i, toujours Infiniment distants. Mais si on les considère dans l’unique sujet qu’ils constituent, « leur union l'emporte sur toute autre union; car l’unité de la personne divine dans laquelle les deux natures sont unies, est la plus grande des unions ». L’union est d’autant plus étroite que le sujet où elle Accomplit est plus un en lui-même et plus étroitem nt uni ù chacun des deux extrêmes qui s'enlacent par elle. Or, la personne dan-, laquelle sc réalise l’union 533 HYPOSTATIQUE (UNION) nyposia tique est en elle-même l’unité absolue, l’unité subsistante, l’acte pur, l'infinie perfection; elle est intimement unie à chacune des deux natures : à la nature divine, d'abord, puisqu'elle s'identifie entière­ ment avec elle; ù la nature humaine, ensuite, puis­ qu'elle lui communique sa propre subsistance, sa propre existence, par un embrassement indissoluble. » Hugon, op. ci/., p. 181. Elle est donc bien plus Intime, ù ce seul point de vue ontologique, que l’union de l’accident et de la substance, de la tonne et de la matière, de l'àinc et du corps. Ces deux dernières unions, parce que faites dans l’essence et non dans la personne, paraissent plus fortes que 1'union hyposta­ tique ù Durand de Saint-Pourçaln, Ini V Sent., 1. III, dist. V, dont l’opinion singulière est rejetée par tous les théologiens. En voir la discussion dans Suarez, op. cil., disp. IX, sect, i, n. 1, 4; ci. Salmanllcenses, disp. IV, dub. π, § 3, n. G5 sq. Tous les auteurs, commentant un beau texte de saint Bernard, De consideratione, 1. V, c. vm, n. 19, P. L., t. ci.xxxn, col. 799-800, font remarquer que l’union des trois personnes de la Trinité est plus étroite encore que l'union hypostatique. Toutefois, observe saint Thomas, à propos d’un texte en sens contraire de saint Augustin, De Trinitate, 1. I, c. x, P. L., t. xlh, col. 834, * l’homme lui-même est, sous un rapport, dans le Fils plus que le Fils dans le Père, en ce sens qu’on désigne la même personne en disant du Christ Γ homme et en le nommant aussi Fils de Dieu, au lieu que la personne du Père n’est pas la personne du Fils >. Doc. cit. Mais le point de vue ontologique n’absorbe pas tous les aspects du problème. Frassen. toc. cit., q. iv, énu­ mère trois autres motifs pour lesquels les théologiens proclament l’union hypostatique supérieure à toute autre union : raisons de dignité, d'inséparabilité, de singularité. La dignité suréminente de l’union hypo­ statique éclate dans la démonstration de la divinité du Verbe incarné, et dans la perfection de la nature humaine prise par le Christ, perfection d'ordre naturel et surtout d’ordre surnaturel. Voir Jêsvs-Christ. Sur l’inséparabilité, voir plus loin, col. 536. Que l’union hypostatique soit singulière entre toutes, les théolo­ giens le démontrent par là qu’elle est le don le plus excellent que Dieu puisse faire à la créature. Suarez, op. cit., disp. IX, sect. n. Cette vérité « est le corollaire de la doctrine exposée. Les autres dons, même la grâce consommée, même la gloire inamlsslblc, rentrent dans le rayon des unions accidentelles et restent toujours des participations limitées de la vertu, de l’opération ou de la nature de Dieu. SI l’habitation de la sainte Trinité dans les justes est une présence substantielle, elle n’est pas une union substantielle, c'est-à-dire si Dieu est présent en nous par sa substance même et non point seulement par scs dons, sa substance, pour­ tant, ne s’unit pas à la nôtre au point de former un seul tout substantiellement un : c’est encore l’union accidentelle, qui sc réalise entre l'hôte et sa demeure, entre le souverain Seigneur et le temple où il prend scs délices. Subsister par la subsistance de Dieu, exister par son existence, voilà le don unique, le plus grand des bienfaits, de même qu’il est Impossible d'avoir un terme plus noble que Dieu! » Hugon, op. ci/.,p. 188-189, Certains auteurs, commo Durand de Salnt-IOurçaln, In 1V Sent., 1.11I.dist. 1 l,q. i ; Richard de Middle­ town, ibid.,a.2, q. ult.;Gabricl Biel, ibid., dist. I, q. n, a. 2, ad 2wm, considèrent que la vision Wall tique est un don plus excellent que l’union hypostatique, parce que celle-ci, prise séparément de la vision béat! fl que, ne rend pas I homme heureux, tandis que c'est l'cnct formel et propre de la vision intuitive. Cette assertion repose sur une conception trop étroite, car l’union hypostatique ne peut, en réalité, sc concevoir séparée de la vision béatlfiquc, qui en est le couronnement et le complément nécessaire, l’union hypostatique exi­ geant l’union de la grâce sanctifiante et de la gloire. Cf. S. Thomas, Sum. (heol., 111·, q. vn, a. 13 ; q. x, a. 1. C’est également s'égarer en une distinction trop sub­ tile, que d'affirmer avec Scot, In J V Sent., 1. Ill, dist­ il, q. î, que l'union hypostatique est plus parfaite que la vision Intuitive, si on la considère comme acte premier, et qu'au contraire, la vision est plus parfaite, si on envisage l'acte second. d) C'est une union naturelle à Γ humanité du Chris!. — Cette assertion ne contredit pas le caractère émi­ nemment surnaturel de l'union hypostatique. Elle si­ gnifie simplement, dans la pensée des docteurs catho­ liques, que l'humanité de Jésus n’a jamais existé séparée du Verbe de Dieu, mais que l’union hypo­ statique a commencé dès le premier instant de la conception du Verbe incarné dans le sein de la Vierge Marie. « I^i grâce de l'union n'est donc pas naturelle dans le sens qu’elle résulte des principes de la nature humaine, mais on peut l’appeler naturelle: a. parce qu’elle résulte dans la nature humaine de l'action même de la divinité; b. parce que, dès le commence­ ment de sa conception, la nature humaine a été unie à la personne divine. > S. Thomas, Sum. theol., 111% q. n, a. 12. Cette vérité fut niée autrefois par tous les partisans de l’adoptianisme des premiers siècles, qui n’admettent en Jésus une filiation divine que posté­ rieurement à sa naissance temporelle, voir col. 465 ; puis, par Paul de Samosate, Diodore de Tarse, et Théodore de Mopsuestc. Bien qu’on rencontre des hésitations chez ce dernier auteur, il semble difficile de concilier le dogme de l’union hypostatique existant dès la conception du Christ avec l’union purement morale qui suppose en Jésus l’usage de ses facultés pour répondre aux grâces de la divinité. Cf. Jugie, op. cit., p. 117-118. Nestorius est plus ferme sur ce point et admet l’union dès l’instant de la conception. Cette assertion contraire à la plupart des affirmations répandues en Occident grâce à Cassien et à Marius Mercator, est rigoureusement exacte, Jugie, op. cil., p. 198 sq.; H n'est même plus permis de douter sur ce point, cf. Franzelin, De Verbo incarnato, p. sq.» de la pensée de Nestorius. La simultanéité de l’union et de la conception est une vérité Intimement reliée au dogme de l’incarnation : le Verbe de Dieu est dit avoir été conçu du Saint-Esprit; au moment même où la Vierge a conçu, c'est le Verbe qui s'est fait chair. Il faut donc, pour que ces affirmations du dogme catho­ liques gantent toute leur vérité, que. dès le premier Instant où la Vierge mère a conçu, le Verbe sc soit uni hypostatlquement la chair qu elle portait dans son sein. Telle est la doctrine professée dans l’Église catholique depuis les controverses Christologiques. On peut en glaner au hasard les témoignages chez les Pères grecs et chez les Pères latins : S. Athanase, Oratio, ni. contra arianos, n. 30, P. G., t. xxvt, col. 3S7; Contra Apollinarem, 1.1, n. 4, col. 1097; S. Basile, Hotnil., xxv, n. 4. P. G., t. xxxi.col. 1466; S. Grégoire de Nazianze, Epist., ci, P. G., t. xxxvn» col. 177; S. Éplphanc, Adversus ha rest s, hær. lxxvii. P. G , t. xlh, col. 686; pseudo-Athanase. Dial.de Trinitate, iv, n. 5, P. G., t. xxvm, col. 1255; Proclus de Constan­ tinople, Epist., u, ad Armenos, n.5, P. G., t. lv, col. 859; Jean Maxcncc, Ad epist. llurmisdœ responsio, P. G., t.xxxvi a, col. 90; Dial, contra nestorianos. I, n. 10» col. l. 127; la confession de Justinien, P. G., t. lxx.xv i,col. 998 ; ci. col. 1012; Léonce de Byzance, Contra nestorianos d eutychianos, 1. II, P. G., t. lxxxvi a, col. 1351 et col. 1579; Théodore de Raythu» De incarnatione, P. G., t. xcx, col. 1491; S. Jean Damascene, De fide orth., 1. III, c. n, xxn. P. G., t. xciv, col. 986, 1088; Théodore Abucara. Opusc., IV. P.G.,t. xcvu,col. 1515; 535 IIYPOSTATIQUE (INION) S. Augustin, In Joannis Euangelium, tr. CVIII, n. 5, P. L., t. xxxv, col. 1916 ; Contra sermonem animo­ rum, c. vin, n. G, P. L·, t. xui, col. 638; cf. De Trinitate, i. XV,c. xxvi, n. 46, t. xlh, col. 1081 ;Serm., clxxiv, c.n, n. 2, t. xxxvm, col. 941 ;Cassien,De incarnatione Christi, 1. I, c. in, P, L., t. l, coi. 21 ; S. Fulgence, De fide, n. 16, P. L. t. lxv, coi. 679; cf. Epist., xvn, c. in, n. 7, coi. 456; Ad Trasimundum, 1. III, c. xvi, coi. 280; Fulgence Ferrand, Epist., v, ad Severum, n. 3, P. L., t. Lxvn, coi. 912; Epist., m, ad Anato· Hum, n. 15, coi. 901; S. Vincent de Lirins, Commo­ nitorium, n. 15, P. L., t. L, coi. 658; S. Léon le Grand, Epist., xxxv, ad Julianum, c. m, P. L., t. uv, coi. 807; S. Grégoire le Grand, Moral., 1. XVIII, c. ui, η. 85, P. L., t. lxxvi, col. 89-90; Epist., lxvh, ad Quiricum, t. lxxvii, col. 1205; Rustique, Contra uccphalos disputatio, P. L., t. Lxvn, col. 1188; ct, plus près dc la scolastique, Hugues dc Saint-Victor, De sacramentis, P. L., t. clxxvi, col. 394; Summa Sententiarum, tr. I, c. xv, col. 70-71 ; Jean dc Corbie, Dc Verbo incarnato, collât, n, col. 319, Dc toutes ces autorités, la plus digne dc retenir l’attention du théologien catholique est celle de saint Léon le Grand, dans sa Lettre ά Julien.Toutefois deux autres autorités sont â signaler, celle des anathéinatismesiiet ni dc saint Cyrille, Dcnzingcr-Bannwart, ri?£04, 205, ct du symbole d’union, P. G., t. lxxvii, col. 176; cf. Adversus nolentes confiteri S. Virginem esse deiparam,· η. 4, P. G. t. lxxvi, col. 260, ct celle du VI· concile œcuménique, approuvant, dans la XIe session, la célèbre lettre synodale dc saint Sophronc de Jérusalem, où sc trouve nettement formulée l'affirmation dc la vérité que l’on rappelle ici. Mansi, L xi, col. 461. Est-il necessaire dc voir, avec Thomassin, op. cil., 1.111, c. xn, dans ccs assertions des Pères, l’affirmation que l’union hypostatlquc n’aurait pas pu sc faire si la nature humaine n’avait pas été unie en même temps que conçue? Léonce dc Byzance, qui connaissait bien la valeur des affirmations tradition­ nelles, s’oppose formellement à cette manière d’inter­ préter la pensée des Pères. Solutio argumentorum Severi, P. G., t. lxxxvt, 2, col. 1943. II est impossible dc dirimor cette controverse : Ne cherchons pas ce qui n'est pas, de peur de ne pas trouver ce qui est, disait avec sagesse Pierre dc Poitiers, Sententiarum liber, part. IV, c. x, P. L., t. ccxi, col. 1172. La théologie du moyen âge recueillit cette assertion dogmatique dc toute la tradition catholique, ct saint Thomas la formule ainsi, Sum. thcol., III*, q. xxxm, a. 3 : < Si la chair du Christ avait étc conçue avant d’être épousée par le Verbe, clic aurait eu à un mo­ ment donné une hypostase indépendamment dc l’hypostase du Verbe dc Dieu; ce qui est contraire à la nature dc l’incarnation, d’après laquelle nous supposons que le Verbe dc Dieu a été uni à la nature humaine ct à toutes ses parties dans l’unité dc l’hypostasc. Il n’eût pas été d’ailleurs convenable que le Verbe dc Dieu détruisit par son incarnation l’hypostasc préexistante dc la nature humaine ou dc l’une dc ses parties. C’est pourquoi il est contraire à la fol de dire que la chair du Christ a été d’abord conçue ct ensuite prise par le Verbe dc Dieu, i Sur cette assertion dogmatique sc greffent dans la théologie scolastique deux conclusions subsidiaires: a. Il est théologiquement certain que la concep­ tion dc la chair du Christ a été faite en un Instant. Le premier instant dc l'existence dc la chair du Christ fut aussi l’instant dc son animation par l’âme raison­ nable, de telle façon que l'humanité du Sauveur fut parfaite dès ce premier Instant. Cf. S. Thomas, loc. cil., a. 2. Sur la note théologlquc dc certitude ù appliquer Λ cette doctrine, voir Suarez. De mysteriis vita Christi, disp. XI, sect, π, η. 5. Pour accorder les données 53G physiologiques dc l’époque avec celte assertion cer­ taine, les théologiens éprouvent de grandes dillicultci. On sait, en effet, que la physiologie du moyen âge n’admettait l’information du corps humain par l’âme raisonnable quaprès 40 jours, l’état antérieur gos, qui seul est éternel, le royaume du Fils, qui doit finir avec la Un du monde, laquelle entraîne avec elle la fin dc tout coq)s humain. Voir col. 166. Ces spécula­ tions font comprendre pourquoi < Marcel hésitait à accorder à la chair prise par le Verbe une existence ct une union avec lui indéfinies. En soi, disait*!), la chair ne saurait convenir à Dieu, ct encore que par la résurrection elle ait acquis l'immortalité, elle n’est pas pour autant devenue plus digne dc Dieu, lequel est au-dessus de l’immortalité. On peut donc croire que, après la parousie, le Verbe se dépouillera deson humanité et rentrera en Dieu comme il y était avant la création (d’apres I Cor., xv, 28). Que deviendra cette humanité? Nous l’ignorons, puisque l’Écriture ne le dit pas. i Fragm., cxvn-cxxt. Tixcront, op. cit., t n, p. 10 Cette erreur est directement opposée aux assertions dc la sainte Écriture, où le Christ, c'cst-â tale de cette analogie et l'adapte à l’incarnation dans Trad. Leclercq, Puris, 1916, t. vn, p. 317. — 2. Quel­ ques années plus tard, le concile de Bâle, dans sa la Somme thcologique, III*, q. xvn, a. 2. 3. Comparaison de Γunion de Γ accident à la sub­ XXII* session (15 octobre 1435), condamnait le livre stance.— L’école franciscaine abandonne rapidement d’Augustin de Borne, archevêque de Nazareth, De la comparaison chèrcùsalntBonavenlurcel a Alexan­ sacramento unitatis Jesu Christi el Eccles ix. Panni dre de Halés pour prendre, avec Scot et Gabriel les propositions erronées que les Pères cl principale­ Biel, In J V Sent., 1. Ill, dist. I, l’analogie plus méta­ ment Torquemada, dans son Mémoire sur ce livre, physique de la dépendance de l’accident ù l’égard relevèrent, se lit celle-ci : < La nature humaine dans de la substance : analogie faible, artificielle, qui ne le Christ est le vrai Christ, la personne du Christ. » Mansi, rappelle en ricn l’union substantielle de l'humanltô Concil., t. xxix, col. 103; I lefdc, Histoire des conciles* avec le Verbe, le perfectionnement substantiel de trad. Leclercq, t. vu, p. 39 L 2* L’ubiquisme.—C’est â propos de la présence simul­ l’une par l'autre, la possession personnelle d’une autre substance qui n’est concevable que dans une tanée en de multiples endroits que le corps du Christ substance spirituelle. Le point de comparaison, c’est acquiert dans l’eucharistie, quccertains luthériens,ù la Ja dépendance suppositalc qui, chez les scotistes, ca­ suite de Lutherlui-mcme.invcntèrent la doc trine here ti­ ractérise le rapport de l’accident ù la substance, que de rubiquisme. Onadéjâdit un mot de cet le erreur, transportée dans l'humanité du Christ pour expliquer voir Eucharistie, t. v, col. 1347. L’ubiquisme, pro­ comment elle n’est point, grâce a cette dépendance, un posé par les luthériens, peut être ramené à deux sujet doué de personnalité. Voir I Iypostase, col. 412. formes principales, distinctes l’une de l’autre par une Conception assez étroite et, répétons-le, superficielle, simple nuance d’accentuation dans la doctrine. Cer­ qui, ù elle seule, suffirait ù expliquer les lacunes de tains hérétiques (Chemnitz, \Mgand, Sclneckcr) sou­ la christologie de l’école franciscaine. Cf. Scheebcn, tiennent que de l'union hypostatique résulte une com­ munication réelle des propriétés divines ù l'huma­ op. cit., p. 736-737. nité. D’autres vont plus loin et affirment que l'union Sur ces trois comparaisons, voir Janssens, op. cil., p. 186, hypostatique consiste dans une réelle communication 632. Sur les nmdogic», consulter tpéclalcin tnt Th. Hnynaud, des propriétés. Cette dernière formule, d’un mono­ Opera, 1.1» Christas Deus homo, I. 11, sect, v, où cct auteur physisme plus accentué, est la formule de Brenz, étudie successivement 1rs nombreuses métaphores on ana­ qui passe en généra) pour le père de l ubiquismc, bien logies proposées par les l’ères et les théologiens, c. i. Verbum prolatum; c. n, Verbum scriptum; c. ni. Verbum v&tltnm; que celle erreur ait été enseignée déjà par Lefèvre c. iv, Verbum calceatum; c. v. Vrrbuni inumbratum ac tened'Élaplcs, Epistotœ divi Pauli cum commentariis, bratum; c. vi, Verbum effusum; c. vi. Verbum insitum; Paris, 1531, dans les commentaires sur 1 Cor., xn; c. vin, Verbum abbrruiatum; c. ix, Verbum Inequitans; c. x. cf. Commentarii initiatorii in quatuor Evangetia, Verbum negotians; c. xi. Vrrbam hamatum; c. xn, Verbum Paris. 1522, commentaire sur Joa., xiv; et expressé­ fermentans. ment par Luther, dans sn Defensio verborum carnæ, Werke, Weimar, 1883, t. xxm, p. 149. Les théologiens VIII. Eiuuiuns modi uni».— I9 Jean Hus Augus­ tin de Home. — 1. Suries erreurs de Jean 1 lus touchant de la Confession d’Augsbourg lui consacrent plusieurs 543 HYPOSTATIQUE (UNION) articles dans la Formula concordix, part. I, vn, 15; part. Il, vn» 10i ;vni,77,d;ms 1 Iase, Libri symbolic! Ecclesixcvangclicx, Leipzig, 1846, p. 600,75*2,783. Brenz a particulièrement exposé son point de vue dans De personali unione duarum naturarum in Christo, Tubingue, 1561, et dans le De ma/estate D, Λ’. J. C. ad dexteram Dei Patris, Francfort, 15G3. On retrouve l'ublquisnie chez bon nombre de théologiens luthé­ riens; citons, avec Bcllarmin, Chemnitz, De duabus naturis in Christo, de hypostatica carum unione, de communicatione idiomalum, etc., léna, 1570; Nicolas Sclneckcr, De pedagogia spirituali; Jean Wigand. De communicatione idiomalum, cl, au cours de scs écrits de controverses, Flaclus Illyricus. Les controversistes catholiques n'ont pas manqué de s'attaquer Λ la doctrine de l'ublquisnie. Parmi les principales réfu­ tations, il faut citer Grégoire de Valencia, Contra fundamenta duarum sectarum, itbiquclarix et sacra· mentarix, Ingolstadt, 1582, et in Summam theolo­ gicam S. Thornæ, 11 Ia, 1. I, q. n, p. in ; le P. Jean Buys (Busæus), Disputatio de persona Christi adversus ubiquelarios, Mayence, 1585; cf. Werner, Gcschichte der apotogetischen und polemischen Littera tur der Christian Théologie, SchafTouse, 1861-1867, t. iv, р. 621 sq. ; Bcllarmin, duns les Controverses, De Christo, 1. Ill, en entier; Bécan, Manuale controversiarum hujus temporis, L II, c. r, Opera omnia, Mayence, 1619, t. n, p. 1499 sq.; Th. Raynaud, Christus Deus homo, 1. II, sect, iv, c. n, dans Opera omnia, Lyon, 1665, t. i, p. 117 sq. Du côté des sacramcntaires cal­ vinistes, citons, panni les adversaires de l'ubiquisjne, Théodore de Bèze, De corporis Christi omnipraesentia, Genève, 1578; Bullinger, De duabus naturis Christi, Zurich, 1564; Pierre Martyr (Vermlgli), Dialogus de loco corporis Christi, dans Loci communes, Heidelberg, 1603. Nous n’avons ù nous occuper ici de l'ubiquisme que par rapport à l'union hypostatique. 1. Exposé. — L'ubiqulsmc est une exagération de la doctrine de la communication des idiomes, renou­ velant l'hérésie monophysitc. Chose remarquable, en effet, l'attribution de l'ubiquité à l'humanité de Jésus-Christ, en raison de l’union hypostatique, avait été déjà condamnée explicitement par le VH· concile œcuménique,sess. VII : Sur celui qui ne reconnaît pas que le Christ n, dans son humanité une forme déter­ minée, anathème : Et τις Χριστόν τον Θίόν ημών περιγραπτόν ούχ δμολογεί χατχ τό άνθρώζ*.νον, ανάθεμα ίστω... Mansi, t. xiii, col. 898; Denzingcr-Bannwart, n. 3·79. Lc raisonnement fondamental sur lequel s’appuient les ubiquitaires pour asseoir leur doc­ trine est ainsi résumé par Bossuet : ■ L'humanité de Noire-Seigneur est unie à la divinité; donc l'hu­ manité est partout aussi bien qu’elle. Jésus-Christ comme homme est assis à la droite de Dieu : la droite de Dieu est partout; donc, Jésus-Christ, comme homme, est partout.» Histoire des variations, 1. II, с. xij. Les développements que la dogmatique luthé­ rienne a donnés à cc fondement méritent d'être rap­ pelés succinctement. En voir l'exposé «dogmatique» dans la Formula concordix, vin, 64, op. cil., p. 778-779. Dans l’incarnation,en raison delà communication des idiomes, il faut distinguer pour ainsi dire trois mo­ ments : la χτησες, en vertu de laquelle, dès le premier instant de l’incarnation, la nature humaine fut en possession des attributs divins; l’état de l'humiliation qui s’ollrc Λ nous sous deux aspects, la χίνωσις, en vertu de laquelle le Christ renonça absolument à faire usage des prérogatives divines, ou la κρύψις, en vertu de laquelle il n’y fit appel que d’une façon secrète et momentanée, suivant son bon vouloir; l'état d'exal­ tation, la ύπιρ-ζ^σις, qui comporte l’usage complet et à découvert des prérogatives divines, usage par lequel, cf. Concordia, op. cil., p. 779, · le Christ révéla 544 désormais sa majesté, plene, et efficacissime alqut muni/este, devant tous les saints au ciel et sur la terre». 1 Une difllculté théologique concerne la conciliation, pendant la vie terrestre du Christ, de ces deux mo­ ments : l’entière abstention de l’usage de la majesté divine, ou l’usage secret des attributs divins, avec la possession réelle de la divinité, la χτησις et la xiνωσις ou la χρύψις. Une controverse s’éleva à cc sujet, à partir de 1616, entre les théologiens de Tublngue, Luc Osiander, Melchior Nicolai, Théodore Thunnlus, et les théologiens hessois, Balthazar Menzer et Juste Feuerbom. La controverse portait exactement sur cette question : An homo Christus, in Deum assumptus, in statu exinanitionis tanquam rex prxscns cuncta, licet latenter, gubemarit? Les Souabes répondaient affirmativement, nonobstant certaines restrictions de détail; les Hessois niaient cette proposition, sans nier toutefois quo le Christ se servit de sa majesté divine pour opérer ses miracles. L'opinion souabc est bien dans la ligne logique de la communication des idiomes, telle que l'entendent les livres symboliques de l'Égllse évangélique. D’après l’opinion luthérienne, cette communication a donc dû s’opérer en trois mo­ ments successifs, correspondant aux trois états dont on vient de parler, cl qui distinguent les trois « genres» selon lesquels peut exister la communication des idiomes. Le premier genre, correspondant à l’état de possession des deux natures par une seule personne, est le genre < idiomatique », genus idiomaticum, ou (διοποιητικο'ν, contenant toutes les propositions, par lesquelles les propriétés de l’une ou l’autre nature sont attribuées au sujet concret de la personnalité, genus idiomaticum complectitur cas propositiones quibus idio~ mata alterutrius naturæ concreto personx tribuuntur. Sur la subdivision de cc premier genre en trois espèces, cf. Luthardt, Compendium der Dogmatik, Leipzig, 1878, p. 180. C'est la périchorèsc, dont parlent les Pères de i'Églisc à propos de l'incarnation, voir col. 504, et qui, dans une certaine limite, exprime une idée juste. Les luthériens ont le tort, d'un principe juste en soi, de déduire une conclusion forcée et, par là, fausse : de cc que les attributs d’une des deux na­ tures peuvent étre rapportés ù la personne concrète, ils concluent que los attributs de la nature divine sont renfermés d’une manière véritable et réelle dans la nature humaine. Tel est le vice radical et fonda­ mental de ia thèse luthérienne, vice qui apparaît pleinement lorsque les théologiens de l'Égllse évangé­ lique exposent le second et le troisième genre relatifs ù la communication des idiomes. A l’état d'humilia­ tion correspond le genre apotdesmatique (le mot est emprunté à saint Jean Damascène,De fido orthodoxa, 1. HI, c. xv, P. G., t. xav, col. 1056). Cc second genre de propositions idiomatiques renferme toutes les propositions « par lesquelles les actions de l'œuvre rédemptrice, appartenant à la personne entière, sont attribuées à l'une ou l’autre nature considérée sépa­ rément ou concrètement : quibus apotelcsmata, id est actiones ad opus redemptorium ad totum inde personam pertinentes, de altera tantum natura vel ejus concreto prxdicantur. Ainsi la formule de « l’ancienne Église , orthodoxe » : una na/ura agit seu operatur cum commu­ nicatione alterius, quod proprium est, cf. coi. 430, doit être ainsi comprise : itaque Christus t st nosier Mediator, Redemptor, summus Pontifex, Caput et Pastor.·, non secundum unam naturam tantum, sive divinam, sive humanam, sed secundum utramque naturam, part. 11. Cf. Formula concordia , vm, 17, p. 77.3. Les théologiens luthériens sont peu d’accord pour déterminer le sens exact du concrrtum cjus ; d'après la Formule de concorde, loc. cit, Il semble qu’il s’agisse, non pas tant du principe même de la communication des i idiomes, de I unio personalis, que de la coexistence 545 HYPOSTATIQUE (UNION) des deux natures dans l'état d'abaissement. Enfin, ù l’état d'exaltation correspond le genre majestatique, αυ/ηματιχάν, contenant les propositions « par les­ quelles la nature humaine est élevée jusqu à la dixinité », quibus humana natura attributis divinis effertur. Il s'agit ici, contrairement à l'opinion de Hase, de Klein, de la nature humaine concrétement considérée, c'est-à-dire de la nature humaine en tant qu’hypostatiquement unie à Dieu. Il est évidem­ ment question de la nature humaine et de son union personnelle dans les passages de la sainte Écriture qui sont cités en faveur de cc genre, Joa., ni, 13; v, 27; Matth., xxvm, 18, 20; Horn., ix, 5; Phil., n, 10, et dans les passages de la Formule de concorde qui s'y rapportent, part. Il, vin, 63,64,p. 774,778. Quels attri­ buts divins ont été conférés ainsi à la nature humaine? Les théologiens luthériens affirment que seuls les attributs actifs, sc rapportant aux opérations de Dieu dans cc monde, attributa transeuntia seu operation, ont été directement et immédiatement communiqués à la nature humaine; tandis que les attributs passifs, se rapportant à la vie intlinedcDïeu,attributa imma­ nentia seu quiescentia, ne sont communiqués à la nature humaine que niédialement, grâce aux attributs actifs. Ce dernier point est contesté par Hase, Ilutterus redi­ vivus, Leipzig, 1839, p. 232, n. 12. Parmi les attri­ buts divins que l'état de glorification communique à la nature humaine, les luthériens insistent surtout La communication des idiomes, voir cc mot, ne comporte pas la com­ munication réelle des propriétés d’une nature à l’autre nature : «Si vraiment et réellement les pro­ priétés d’une nature étaient communiquées à l'autre, elles ne seraient plus distinctes et non confondues. Comment seraient-elles distinctes si la nature hu­ maine a les propriétés divines, et la nature divine les propriétés humaines? SI les attributs de chaque nature sont communiqués à l’autre, cc ac sont plus des propriétés, mais des qualités communes...; les propriétés des deux natures sont souvent incompa­ tibles, comme être créé et incréé, fini et infini; si donc la nature divine prend les propriétés de la nature VIL —18 547 HYPOSTATIQUE (UNION) humaine, clic perd les siennes ct vice versa; comment, dans ce cas, l’incarnation sc scrait-cllc faite, les pro­ priétés dc chaque nature restant sauves?· Bcllarmin, op. ci/., 1. III, c. ix, x. Cf. Bécan, op. cit., n. 11-19, 22-23. Les luthériens appuyaient leur conception de la communication des idiomes sur certains textes do l’Écriture. Le premier est le texte dc Col., n, 9 : sur le sens dc cc texte, voir col. 447; ct, par rapport à l’usage qu’en tirent les luthériens, Grégoire dc Va­ lenda, In Sum. S. Thomie, 11 1·, q. n, p. n, § 2; Bécan, op. at., n. 28-30. Le deuxième texte est tiré dc Luc., x, 22 ; cf. Joa., xv, 3. Le troisième est le texte de Matth., xxvm, 18. Mais tout cc que le Père a donné au Fils, y compris la puissance, ne s’entend pas nécessairement d’uno communication faite ù la nature humaine. Les attributs divins ont été communiqués A l’hypostase du Verbe incarné ct non A sa nature humaine comme telle. Bécan, n. 31, 32. — b) L’ubiquisme est contraire d l’Écriture aussi bien qu’à la tradition. — Les textes de l’Écriture sont multiples, qui assignent à l’huma­ nité du Christ, A tel Instant déterminé, une présence locale ct, comme on dit, circonscriptive; cf. Matth., xxvm, 6; Joa., m, 3, 24; xi, 15; tandis que l’ubiquité est représentée comme un attribut distinguant Dieu dc la créature. Cf. Jer., xxiii, 25; Ps. exxxvm, 7; Sap.,i,7. « Plusieurs articles du symbole, cf. Bcllarmin, c. xn, supposent que l’humanité du Christ n’est pas présente en tous lieux; comment comprendre autre­ ment la conception, la nativité, la mort, la sépulture, l’ascension du Sauveur? Pour les ubiquistes, tous ccs articles doivent s’entendre dc la manifestation de la présence du Christ en tel ou tel lieu donné, alors qu’en tous les autres elle restait invisible; cette inter­ prétation contredit les textes dc l’Écriture ct des Pères sur lesquels sont fondés les articles de notre symbole. · Bellarmin, op. cit., L HI, c. xn; cf. J. dc La Servière, La théologie de Bcllarmin, Paris, 1908 p. 61. De plus, les Pères tirent un grand argument contre les outychicns du fait que, le corps du Christ n’étant pas en tout lieu comme sa divinité, les deux natures doivent être distinctes. Que devient cet argu­ ment dans la théorie ubiquistc? Bcllarmin, c. xiv; do La Servière, p. 62.— c) L’ubiquisme est condamné par ses conséquences logiques.—Tout d’abord, admettre l’ubiquité dc l’humanité du Christ, c’est nier la pré­ sence réelle, A laquelle cependant les luthériens ne veulent pas renoncer : · En effet, dit Bcllarmin, c. xm, si la chair du Christ est partout, nous n’avons pas besoin dc l’eucharistie; ct il est bien inutile d’aller A l’église, dc réciter les paroles dc la cène, de se pré­ parer A la communion, puisque, sans sortir dc nos maisons, nous trouvons dans notre pain, dans notre vin, dans tous nos autres aliments, le corps du Christ.· Brenz répond «que, si le corps du Christ est partout vraiment, personnellement, quoique non localement, présent d’une présence céleste, il est présent A la cène par définition ct précepte divin, le Clirist ayant, par sa parole, décrété ct défini où il voulait qu’on distri­ buât son corps et son sang aux communiants. » De duabus naturis, p. 21. Luther donne une réponse ana­ logue, Dejensio verborum ccena, t. xxm, p. 149. Seule, cette communion est efficace. Avec cette théorie, conclut Bcllarmin, c. xm, on tombe en plein calvinisme. « Si je ne reçois rien à la cène qui n’existe également en dehors dc la cène, si cc n’est une efficacité spéciale du corps du Christ, je ne reçois pas vraiment ce corps du Christ, mais seulement une vertu particulière émanant dc lui. > Dc La Servière, op.cit., p. 62. Mais l’ubiquisme ruine surtout la doctrine dc l’incarnation. • Enlever A l’humanité du Christ son être corporel et terrestre, pour lui attribuer, avec Brenz, l’excel­ lence, la majesté, la beauté dc Dieu même, c’est ma­ nifestement changer l’humanité en divinité, ct dé­ 548 truire tout le mystère dc l’incarnation. > Bellannln, c. xxx. Cette conclusion dc Bcllarmin est pleinement justifiée. Poussé jusqu’à sa dernière formule logique, l’ubiquisme admet que l’union hypostatique consiste dans la communication des propriétés : cette formule le place dans l'alternative dc choisir, comme explica­ tion finale de l’incarnation, entre le nestorianisme ou le monophysisme. Le nestorianisme, si la nature divine ct la nature humaine sont envisagées comme concrètes ct préexistantes à la communication réci­ proque de leurs propriétés. Le monophysisme, si l'on considère que, par cette mutuelle communication, les deux natures perdent respectivement leurs pro­ priétés pour revêtir les propriétés l'une dc l’autre. Brenz oscille entre ccs deux ext rêmes que la logique lui impose. Dans le De majestate Domini nostri Jesii Christi ad dexteram Dei Patris, ct de vera prasentia... in caena, Francfort, 1563, il enseigne que l’union hypostatique résulte dc cc que le Fils dc Dieu a ré­ pandu ses dons ct scs propriétés sur le fils dc Marie, ct dès lors, comme le remarque Bcllarmin, op. cit., 1. III, c. i, d’un seul coup, on enseigne le nestoria­ nisme ct l’cutychianismc. Brenz espère amortir la conséquence ncsloriennc en affirmant que « l’union du Fils dc Dieu avec le fils de Marie n’est pas, commo chez les autres hommes, une union passagère, transi­ toire, niais qu’elle est permanente ct consiste en ce que Dieu con/érc au fils dc l’homme toute sa majesté et l’orne de tous les dons célestes et divins, omnem ma­ jestatem suam eo ηIerat, omnibus suis cœ lesti bus ac divinis donis ornet. En réalité, il oppose la conception cutychlcnnc A la conception nestorienne, mais ne résout pas la difficulté. J.a conciliation apparente des éléments contradictoires de l’ubiquisme, tentée par Chemnitz, ct reproduite, dans la Formula concordite, par l’énumération des trois sortes dc présence possible pour le corps du Christ (présence corporelle, spirituelle, céleste), voir plus haut, n’est pas en réalité une solution : les difficultés restent entières, en ce qui concerne l’état dc glorification. On comprend dès lors que certains théologiens luthériens aient été amenés logiquement A nier, soit la réalité dc la nature humaine après l’ascension, tel Flaclus Illyricus; soit la réalité dc la nature divine, le Christ n'étant qu’un homme,doué dc la conscience divine,ccttcconscicncc divine étant l’être vraide Dieu en lui. En effet, en exagé­ rant la doctrine delà communication des idiomes,eten attribuant A la nature cc que la logique ct la vérité attribuent à la seule personne, les luthériens semblent vouloir réduire la nature humaine du Christ A une simple apparence, renouvelant en cela l’erreur gnostique, voir col. 463, ct contredisent par IA A la fois ct la vérité historique ct le dogme traditionnel de l’incar­ nation. Si le Christ a paru visiblement dans le monde, en tel endroit déterminé, A tel moment fixe ct si sa vie s’est écoulée avec toutes les apparences extérieures dc la vie naturelle dc l’homme; si, en un mot, tous les états dc son humanité ont été des réalités, il faut bien admettre que ccs réalités humaines ne s’expli­ quent en lui qu’à la condition dc différencier le divin de l’humain. Or, I’ubiquismc, tout en maintenant verbalement la distinction des natures, comporte l’attribution, en raison dc l’union hypostatique, A La nature humaine, des propriétés dc la divinité : l’hu­ manité du Christ, d’après cette doctrine, devrait être simultanément partout, ct toutes les circonstances dc sa vie, conception, naissance, enseignements, souffrances, mort, ascension, auraient eu Heu simul­ tanément ct, A l’endroit où elles sc passaient, d’une manière visible ct corporelle, ct partout, d’une ma­ nière Invisible et céleste. N’cst-cc pas IA une affirma­ tion contradictoire ct ne devrait-on pas en conclure que la présence du Christ ct son action en un lieu 549 HYPOSTATIQUE (UNION) déterminé n’étaient qu'une présence ct une action apparentes, une illusion de la vulgaire raison qui admet que le lieu d’une chose est le lieu où cette chose apparaît? « Celte opinion, remarque à bon droit le protestant Hase, op. cil., p. 256, introduit quelque chose dc magique ct de faux dans la vie de Jésus, puisque toutes les circonstances où 11 parait agir humainement sont réduites ù dc pures apparences, ou, pour parler plus clairement ct plus loyalement, la personne du Christ est réduite ù un fantôme gnostique. Delà, il résulte évidemment que le dogme tend ù entrer dc plus en plus en contradiction directe avec la réalité historique. » L’incarnation ne serait en réalité qu’une théophanic de plus, analogue aux theophanies dc l'Ancien Testament. D'autre part, les imaginations auxquelles fatalement aboutissent les dogmatisants dc l’ubiquisme, si manifestement en contradiction avec les données historiques, ne peuvent manquer d’amener une réaction tout aussi funeste pour le dogme dc l’incarnation. Devant l’impossibi­ lité d’expliquer l’union hypostatique par la commu­ nication réelle des attributs divins ù l’humanité, il faut, si l’on veut sauvegarder la réalité dc celte hu­ manité, nier l’union physique du Verbe de Dieu à Jésus-Christ : « Une fols la sagesse des socinlcns dé­ cidée, dit encore Hase, op. cit., p. 236, à laisser monter un homme au ciel ct ù l’adorer, toutes les théories imparfaites des anciens Pères dc 1 Église ct toutes les imaginations fantasques des anciens hérétiques ont reparu; les rationalistes ont fini par avoir le cou­ rage de déclarer ouvertement que le Christ n’est qu’un homme. · Sur fublqulsmc, consulter spécialement Dorner, Entwtckclungsgeschichle der Lehre von der Person Christi, Berlin, 1854, t. il ; Fr. J. Stahl· Die lulherische Kirche und die Union, Berlin. 1860; IL Schmid. Die Dogmatlk der coan g. - lutherlschcn Kirche, Fninc(ort-*ur-lc-Mein. 1876; II. Schultz, Die Lehre von der Cottheit Christi, Gotha, 1881; Nitzsch, Lrhrbuch der evangelischen Dogmatlk, Fri­ bourg, 1892; Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Frlbourg-cn-Brisgau, 1897, t. m;nrt. Ubiqultat ct Com­ municatio idlomatum, do la Bealencgclopàdte fur protest. Théologie; Ubiquilatslehre, du Kirchenlexikon. 3° L'erreur dc Hardouin ct dc Bcrnnjcr. — Au xvin· siècle, le P. I lardouin, voir t. m, col. 2042-2046, ct son disciple le P. Berruyer, voir Dictionnaire de la Bible de M. Vigoureux, t. n, col. 1627, tous deux dc la Compagnie dc Jésus, proposèrent une théorie dc l'union hypostatique ù tendances rationalistes ct nestoricnnes. Cette théorie, aujourd'hui tombée dans le plus complet oubli, mérite cependant une atten­ tion particulière, tant ù cause de la façon dont elle était formulée, que parce qu’elle est l’antécédent logique des théories plus modernes dc Gûnther cl des rationalistes. Elle a été formulée par le P. Har­ douin dans son Commentarium in Novum Testamen­ tum, Amsterdam, 1741. mis ù l’index, le 28 juillet 1742. Le P. Hardouin d’ailleurs était mort depuis douze ans, lorsque son commentaire fut publié. Mais c’est surtout le P. Berruyer qui reprit la thèse de son maître, dans la IP partie de son Histoirs du peuple dc Dieu, publiée en français, Paris, 1753, suivie des cinq dissertations latines qui forment le t. vin ct contiennent l’exposé didactique ct la défense dc la théorie. La 11· partie dc ΓHistoire du peuple de Dieu fut mise Λ l’index le 17 avril 1755; elle avait d’ailleurs été publiée ù l’insu des supérieurs du P. Berruyer ct sans doute du P. Berruyer lui-même. Dictionnaire de la Bible, t. n, col. 1628. 1. Exposé. — Abusant dc la comparaison dc la grciïe entée sur le tronc, ccs auteurs exposent que l’humanité du Christ doit être considérée comme un véritable sujet uni au Verbe : elle garde donc toutes les pré­ 550 priétés dc l’hypostase proprement dite. Dans son union et en vertu même dc son union avec le Verbe, elle doit être considérée in reelo comme étant le ChrisJ, le Fils de Dieu : secundum veram et germanam genera­ tionis filiationisque rationem, in propositione cujus subjectum ct priedicatum in recto est sanctissima Christi humanitas completa Verbo in genere subsistendi, Jesus Christus Dominus noster vere dici potest et debet natu­ ralis Filius Del, Dei, inquam, ut oox illa, Deus, sup­ ponit pro Deo uno ct vero, subsistente (n tribus personis, agente ad extra, et per actionem transeuntem d liberam uniente humanitatem Christi sanctissimam primo conceptionis suæ instanti, cum persona una divina, in unitate personrr, Diss. J I, p. 48, Trois assertions sont à relever dans celte déclaration : a) Le sujet ct l’attri­ but dc cette proposition : Jésus-Christ est le Fils na­ turel de Dieu, c’est, considérée In recto, l’humanité même du Christ en tant que complète dans sa subsis­ tence par son union au Verbe; b) Jésus-Christ, c’està-dire cette humanité» est le Fils naturel dc Dieu, selon la vraie notion dc la filiation ct de la génération ; c) Jésus-Christ est le Fils naturel dc Dieu, dc telle façon que Dieu signifie ici Dieu dans son unité et sa trinité, agissant ad extra ct, par une action libre et transitive, unissant, dès le premier instant de sa conception, l’humanité sainte du Christ avec la per­ sonne divine. — De ces principes on doit déduire les conclusions suivantes, qui éclairent la structure dc tout le système : a) Il y a donc, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, deux filiations naturelles : l’une existant dans la personne du Verbe, par rapport au Père; l’autre réalisée dans l’humanité dc Jésus, physique­ ment unie à la personne du Verbe, ibid., p. 49-50; logiquement Berruyer devrait admettre que cetto deuxième filiation existe par rapport au Père, au Verbe, à l’Esprit-Saint, c’est-à-dire par rapport à toute la Trinité : la filiation dc Jésus-Christ n’est-clle pas, en cllct, conséquente à faction ad extra de la Trinité dans l’œuvre dc flncamation? Mais il évite ccttcconclusion inadmissible, en rappelant que l’action transitive ne dépend pas des trois personnes comme telles, mais des trois personnes dans leur commu nauté de nature ct d’action. De même que la création, commune aux trois personnes, est cependant rapportée purement ct simplement ù Dieu, dc même le Fils dc Dieu est tel par rapport Λ Dieu, subsistant en trois personnes sans doute, mais considéré dans sa nature ct comme agissant ad extra. Quoniam autem non a tribus personis agentibus, quatenus sunt a se invicem distinctx, sed quatenus unus sunt natura Deus, peracta est mundi creatio, ideo Deus simpliciter dicitur mundi creator. Non est ergo secundum legitimam prtedicandi rationem Jesus Christus, sive Trinitatis, sive trium personarum, sive suiipsius, sive Spiritus Sancti Filius; verum Filius naturalis et est ct proprie dicitur pel unius in tribus personis subsistentibus quidem, sed secundum naturam spectati et ad extra agentis, p. 50-51. Cf. Déjense de la seconde partie de ΓHistoire du peuple dc Dieu contre les calomnies d'un libelle intitulé: Projet d'instruction pastorale, Avignon, 1755. — b) Dieu le Père, par rapport à Jésus-Christ consi­ déré dans son humanité, est donc Père par simple appropriation : recte, sed per appropriationem, ut aiunt, Deus Pater, sive prima persona, dicitur Paler Jesu Christi, Hominis-Dci, Det ct Filii, quemadmodum recte dicimus : Credo in Deum Patrem omnipotentem, creatorem arti et tcrr.r... C’est en ce sens que souvent, dans l’Évangile, Jésus-Christ. Homme-Dieu ct Fils dc Dieu, emploie l’expression : Père. Jésus-Christ, Homme-Dieu, pourrait donc être appelé Fils naturel dc Dieu, sans que cette appellation impliquât pour autant les dogmes dc la trinité ct dc l’incarnation, ce dernier constitué par la vérité affirmant l’union de 551 HYPOSTATIQUE (UNION) la seconde personne dc la Trinité avec l’humanité : Fateor ista dogmata duo non includi formaliter et explicite in notione Filii Dei, qualis a nobis describitur aut definitur. Dans l'hypothèse où Dieu, tel que les Juifs Je connaissaient, c'est-à-dire un Dieu unique ct personnel, mais sans la trinlté des personnes, se serait uni une humanité afin dc racheter le genre humain pécheur, cette humanité unie à Dieu, JésusChrist, devrait encore être dit ct cru Fils véritable ct naturel dc Dieu : oporteret (eredi) revelanti Deo, Jesum Christum esse verum naturalemque Dei Filium, per veram et physicam unionem sanctissimæ suæ huma­ nitatis eum Deo sic cognito et revelato in unitatem per­ sons, p. 76-78. — c) Il n'y a cependant pas deux Fils en Jésus-Christ, mais un seul, dont la filiation est doublement justifiée : Per actionem unientem,... fit ut secunda c personis divinis, quæ prius erat Filius Dei, propter generationem ælernam, sub alia ratione denominetur in tempore Filius Dei propter generationem temporalem, sive actionem Dei ad extra, qua humanitas Christi unita est hypostatice personne uni divinæ. Cette dénomination nouvelle alTcctc directement l'huma­ nité en tant qu'unie au Verbe ct devenue par son union l’humanité du Verbe, complète dans sa subsis­ tence à Γinstar d’une hypostase. — d) Ces dernières paroles nous amènent à la conclusion philosophique qui est à la base du système dc Berruyer : l’humanité en Jésus-Christ est une quasi-hypostasc, en raison dc son union avec le Verbe divin. On peut lui accorder les attributs du suppôt : expliquant le texte dc l'Épttrc aux Romains, î, 3, Dc Filio suo qui factus est ei (Deo) ex semine David secundum carnem, Berruyer s’exprime ainsi : Verba, ut jacent, in obvio ct nativo sensu nulla formidine interpretare de Jesu Christo Deo et homine, qui ex semine David per Mariam in Filium suum derivato, factus est in (empore Deo uni et vero Filius secundum carnem; intelligc dicta instar suppositi et in masculino genere de sanctissima Christi huma­ nitate, quæ superveniente Spiritu Sancto in Mariam, et virtute Altissimi ei obumbrante, conjuncta est in tempore cum persona una divina, unione reali, physica et substantiali in unitatem personæ ct individuam societatem naturæ, p. 109. On trouve les mêmes for­ mules dans Hardouin, Comment. N. T., Bom., î, 4. — e) Relativement à la sainte Vierge, Hardouin ct Berruyer admettent pleinement le titre dc mère dc Dieu. Marie est mère dc Dieu en raison dc la double filiation du Verbe incarné, Berruyer, op. cil., p. 55; filiation du Verbe ct filiation de l’humanité unie hypostatiquement au Verbe. L'alfinnation touchant la maternité divine dc Marie est orthodoxe, mais les raisons dc cette maternité auraient dû conduire leur auteur à concéder à la sainte Vierge une maternité divine d'honneur dans le sens ncstorlcn. Voir plus loin. Évidemment dc telles assertions ne trouvent pas dc fondement dans Γ Écriture ni dans la tradition, ct cependant Berruyer est obligé dc rendre compte des affirmations si précises dc la sainte Écriture touchant la filiation divine en Notrc-Scigncur Jésus-Christ. Il le fait en expliquant que les attributs ct toutcsles dénominations qu’accorde à Jésus-Christ l Évangile, concernent en réalité l'humanité, entendue comme on vient de l'exposer. Eosrnm intrlllgenda suntomnia... quæ de Jesu Christo Filio Dei a scriptoribus sacris in tertia persona narrantur aut pronuntiantur ; omnia aut [ere omnia quæ in illorum scriptis de seipso Jésus Christus Filius Dei in prima persona loquens dixisse perhibetur, p. 96. Cf. p. 3, 4, 5. Aucun attribut, même celui de Fils dc Dieu, qui ne concerne donc l’huma­ nité du Christ en tant qu’unie au Verbe; tous on presque tous les prédicats qui, d’après l’interprétation traditionnelle, ne conviennent au Sauveur qu'en raison dc sa divinité, se vérifient directement dans son hu­ 552 manité sainte. D’après Berruyer, cc sont tous les auteurs du Nouveau Testament qui ont parlé de Jésus en cc sens, p. 8; ct les textes dc saint Jean, Joa.,T, en entier, ct I Joa., v, 7, font Λ peine exception, p. 105. L’exégèse dc Berruyer part dc cc principe absolu, auquel il n’apporte pas ou presque pas de tempérament : Dico propositiones fere omnes quæ sunt dc Jesu Christo in Scripturis sanctis Novi prasertim Testamenti, habere pro objecto in recto Hominem-Deum, sive humanitatem Christi in Verbo subsistentem. Dico insuper omnes et singulas ejusmodi propositiones a Christo Dei Filio et a Deo Christi Patre et a scriptori­ bus sacris prolatas semper et ubique verificari directe et primo in Hominc-Deo, sive in humanitate Christi divinitati unita ct Verbo completa in ratione personæ, nisi, quando propositiones quæ habent pro subjecto In recto compositum illud thcandricum, habent pro prædlcato attributum aliquod, quod vel naturæ divinæ, ut natura divina est, vel naturæ humante, ut est natura humana, essentialiter convenit, v. g. Jesus Christus est Deus, Jesus Christus est homo. Jlrliquæ, quotquot sunt, et tales sunt /ere omnes, verifleantur in Jesu Christo Homine-Deo, quia mixtæ sunt et resultant ex unione facta in tempore humanitatis Christi sanctissimæ cum persona una divina in unitatem personæ : quod est scriptorum omnium Novi Testamenti objectum in redo fere perpetuum, p. 18-19. Quant à la tradition, Ber­ ruyer entend bien être d’accord avec la tradition primitive : l'appellation dc Fils dc Dieu chez les pre­ miers chrétiens n’avait pas d’autre sens que celui qu’il lui accorde. Au temps où écrivait saint Jean, Filius, selon l’usage courant, signifiait, en parlantdc Jésus-Christ, l’humanité unie au Verbe. Voilà pour­ quoi saint Jean, pour rappeler l’incarnation, ne dit pas Filius caro factus est, mais Verbum caro factum est, p. 195; voilà pourquoi aussi, dans la formule trinltalrc du baptême, c'est le mot Filii ct non Verbi qui est employé, afin de bien désigner ici que l’on entend parler dc l’humanitcsainte dc Jésus, p. 150-154. Même sens dans les doxologlcs : per Dominum nostrum Jesum Christum Filium tuum, etc., ou dans les for­ mules du signe dc la croix ou des bénédictions, p. 154155. Dc plus, sur cc point, la doctrine des Pères est difficilement appréciable ct le P. Berruyer semble plutôt l’esquiver. Cf. Legrand, op. cit., col. 831-834. 2. Critique. — Toutes ces interprétations des textes scripturaires ct des formules dc la tradition catho­ lique sont fantaisistes. Non seulement elles sont contraircsauscns véritable dcrÉcriturcctnuxdonnécs traditionnelles, mais elles aboutissent, dans l'inter­ prétation des formules, à des conclusions si évidem­ ment fausses, qu’elles sont par là même condamnées. Si, en effet, dans les formules scripturaires ct tradi­ tionnelles, le tenue Fils dc Dieu, par exemple, doit être toujours entendu dc l’humanitédc Notrc-Scigncur dans le sens où l'explique Berruyer, que faudra-t-il entendre par ΓEsprit-Saint, dont l’invocation ter mine ces formules? La formule du signe de la croix: innomine Patris, etc., signifiera nécessairement : au nom dc Dieu subsistant en trois personnes, qui est Pèredu Christ, en tant qu'lia uni l’humanltéau Verbe, ct du Fils, c’est-à-dire dc la très sainte humanité du Christ, qui, par son union avec une personne dc la i Trinité,est devenue le Fils de Dieu,ct du Saint-Esprit On sc demande quelle peut être ici l’acception de cc dernier terme dc la fonnulc. Legrand, op. cit., col. 831 La faculté dc théologie de Paris, en censu­ rant plusieurs propositions dc Berruyer, en 1762, a note sévèrement son système d’interprétation des formules scripturaires ct traditionnelles : on trouvera l’exposé des considérations théologiques des censures portées dans Legrand, op. cit., col. 857-893. Mais la p Im ipale des considérations est que le système d’in- 553 HYPOSTATIQUE (UNION) tcrprétatlon dc Berruyer énerve singulièrement les preuves scripturaires du dogme dc la trinlté ct du dogme dc l’incarnation. Berruyer admet lui-même implicitement cette conclusion, puisque, pour lui, Jésus-Christ, Homme-Dieu, pourrait être appelé Fils dc Dieu, sans que cette appellation impliquât les dogmes dc la trinlté ct dc l’incarnation. Voir plus haut. Voir, dans la censure dc la faculté, les proposi­ tions 43 ct 138. Sur le vrai sens du terme Fils de Dieu, voir cc mot, t. v, col. 2386 sq. Mais, en nous tenant sur le terrain strictement théologique du problème dc l’union hypostatique, les critiques ù formuler contre le système dc Berruyer peuvent sc résumer sous trois chefs principaux. ajLc concept philosophique dc l'humanité unie au Verbe est équivalent chez Berruyer au concept dc l’hypostasc ou dc la personne. L’humanité est un véritable sujet auquel on attribue légitimement les qualités même divines : c’est, comme on le dit habi­ tuellement, en résumant d’un mot la conception dc Berruyer, un quasi-suppôt, une quasi-hypostasc ou personne. 11 s’en faut dc si peu que cc soit un véritable suppôt, une hypostase ou personne complète, que l’on ne volt pas bien cc qui manque en réalité à l’hu­ manité dc Jésus-Christ pour être une personne. La logique devrait conduire Berruyer ù admettre la dualité dc personnes en Jésus-Christ, tout comme elle le conduit â admettre une double filiation. Voir la censure dc la proposition 21% qui résume la doc­ trine de Berruyer sur ce point, proposition notée par la faculté dc Paris, comme fausse, erronée, téméraire, entachée dc superstition, scandaleuse ct conduisant au nestorianisme; par certains côtés, la thèse de Ber­ ruyer incline vers l’arianisme, parce qu’elle enlève aux arguments traditionnels leur valeur démonstrative en faveur dc la consubstantialité du Fils, c'est-à-dire du Verbe, ct vers le sabellianisme, parce qu’elle enlève aux mêmes arguments leur valeur démonstra­ tive relative à la distinction des trois personnes consubstantielles. — b) Le concept dc la filiation divine, tel que le propose Berruyer, est complètement en dehors delà tradition théologique. Des définitions dc l’Église contre l’adoptianisme, voir 1.1, col. 419, il résulte que · la filiation naturelle dc Jésus-Christ... a. a pour unique fondement la génération éternelle du Verbe, celui-ci gardant son titre dc Fils dans toute nature qu’il daigne s’unir; b. constitue Jésus-Christ le Fils naturel du Père seul, ct non point dc la Trinlté; c. duc uniquement ù la propriété personnelle du Verbe et non ù l’union hypostatique, cette filiation dispa­ raîtrait si, au Heu du Verbe, le Saint-Esprit ou le Père s’était incarné ». Quant â l’opinion subsidiaire défendue par certains théologiens, tels que Suarez, De incarna· tione, disp. XLIX, sect. î, n. 5; sect, n, n. 24 ; Vasquez. Jn Sum. S. Thomæ, 111% disp. LXXXIX, c. xiv, ct qui consiste Λ considérer en Jésus-Christ deux filiations naturelles, bien que non condamnée, elle ne saurait être admise. Voir Adoptianisme, t. r, col. 420. A plus forte raison faut-il rejeter l’opinion dc Berruyer, plus accentuée encore dans ses formules.—c) Dans l'opinion de Suarez, le défaut d’extranéité dans la nature hu­ maine par rapport au Verbe (en raison dc l'union hy­ postatique) exclut toute possibilité d'interpréter la filiation quant ù la nature humaine dans le sens d’une filiation adoptive. Mais dans l’opinion dc Berruyer, cette possibilité, non seulement n’est pas exclue, mais elle semble l’aboutissant logique des prémisses posées. Jésus-Christ est Fils naturel de Dieu en raison dc l’action ad extra, commune aux trois personnes divines, ct qui unit la nature humaine au Verbe. Cette action ad extra semble bien être l’unique lien dc la divinité â l'humanité dans l’incarnation. Telle n’est pas la doctrine catholique, qui attribue sans 554 doute Λ la Trinlté, comme cause efficiente, l’œuvre do l’incarnation, mais qui enseigne formellement que seule la deuxième personne dc laTrinilé s’est incarnée: cc que les théologiens expliquent en rappelant que la personne du Verbe divin seule termine l'incarnation en assumant l'humanité à son être personnel. Voir col. 507, ct Incarnation. L’opinion de Berruyer ne semble laisser au Verbe aucun rôle partfcullc r dans l’in­ carnation: cclle-clrésultcdel’actioncommuncdes trois personnes. Sans doute, elle maintient l'union person­ nelle dans les formules qu’elle emploie, mais elle n’en rend pas suffisamment compte. L’union entre la divinité ct la sainte humanité du Christ semble bien n’êtrc qu’une union morale â la façon dc Nestorius : on ne voit pas cc qui diflércncio les relations de la Trinité ct dc l'humanité de Jésus ct les relations de la Trinité ct dc l’âme Juste. Bien d étonnant que cette opinion ait été qualifiée sévèrement par Benoît XIV ct par Clément XIII. Benoit XIV, dans son bref du 17 février 1758, condamna la deuxième partie del His­ toire du peuple de Dieu, comme contenant des propositlons. Ibid. Cf. d'après le P. Prat. J. A. Domer, Ueber die richtige Fassung des dogmatischen Begrif/s der Unvcrtlnderlichkcit Godes, mil besondercr Beziehung au/ das gegenseitige Verhültniss zwischen Goltcs ûbergeschichtlichem und geschichtlichem Leben, dans Jahrbûcher far deidsche Théologie, 1856, t. I, p. 361-116; Die neinren Lüugnungcn der Unvcrànderlichkcit des personlichen Gottes, 1857, L n, p. 440500: Die Gcschichte der Lehre von der Unvcrânderlichkeit Gotles bis au/ Schleicrmacher nach ihren Hauptzûgen lustorisch-kritisch dargestellL, avec deux répli­ ques à Donicr par Liebner, Christologtsches, ibid., L ni, p. 349-366, et par liasse, Ueber die Unvertlnderlichkcit Gotles und die Lehre von der Kenosis des gôtllichen Logos mit Rûcksicht auf die neuesten christol. Verhandlungen, ibid., t. ni, p. 366-117. En second lieu, cc système altère la véritable notion dc la person­ nalité : « Une certaine philosophie identifie la personne avec la conscience; la perte dc la conscience (du senti­ ment du moi) équivaudrait Λ l'anéantissement de la personne. Dès lors il est Impossible d'admettre deux consciences dans un même sujet, car deux consciences seraient deux personnes. Il n’y a donc pas dans le Christ une conscience divine cl une conscience hu­ maine; il n'y a qu’une conscience divine ou une con­ science humaine. Mackintosh l'affirme crûment et comme une vérité incontestable : There ivere not in him (Christ) two consciousnesses or two wills, but the unity of his personal li/e is fundamental. Expository times, t. xxi, p. 107. Avec ce principe, on ne peut échapper à la kénosc, à moins dc dire que l’humanité est absorbée dans la divinité. » Prat, op. cil., p. 242. b) La subconscience. — Cette théorie a été mise en relief par M. \V. Sanday, principalement dans Chris­ tologies ancient and modem. Oxford, 1910. Dans l’es­ quisse christologiquo de M. Sanday, · il n'est plus question dc personne ni dc natures : concepts scolas­ tiques, massifs, usésl A leur place, la conscience psy­ chologique, avec scs deux étages : conscience, claire lumière maîtrisée et moralement constante, mais appauvrie; simple aiguille indicatrice d’actions plus profondes; — semi-conscience Intermittente, lueurs vives projetées dc temps en temps par le fonds subli­ minal où sc cache et agit l’élément divin présent dans l’âme humaine. Cette double, conscience répond aux deux couches dc puissances superposées dans le 562 moi total. En lui s'étagent les acquisitions superficielles du premier moi : connaissables, exprimables, mais pré­ caires et vite épuisées; et au-dessous, les ressources immenses, inappréciables, et partiellement ineffables, du mol subconscient. Le Moi superficiel du Christ, tel qu'il sc connut et s'exprima, fut entièrement, exclusivement humain. Mais dc temps en temps, la Délté présente à son Moi subliminal s’impliqua, sc fit jour confusément dans certaines paroles que la con­ science humaine collective, par un procédé obscur et subconscient, lui aussi, mais certain, interpréta dans le sens plénier que pressentait peut-être» mais que n'exprima ni ne connut nettement Jésus de Nazareth. · L. de Grandmaison, Bulletin de littérature religieuse moderne, dans les Recherches de science religieuse, t. n, p. 197-198. Sur lesystème de M. Sanday et les critiques qu’il soulève, voir en entier cet article de M. de Grandmaison, dont on résume ici les conclusions. Ce système suppose en premier licu.de la part du Verbe,lakénose! « Notre-Scigncur Jésus-Christ, en s'incarnant, assuma cette impuissance. 11 ne pouvait pas, par suite d’un acte propre et délibéré d'abnégation, arborer pour ainsi dire sa divinité. Il savait que la condition qu'il assumait ne permettait qu'une certaine mesure dans la manifestation dc lui-même. » Christologics, p. 178.— En second Heu la psychologie même du Christ exige, en raison dc la perfection dc l'activité humaine en Jésus, que l’on restreigne le plus possible (si tant est qu'elle ait jamais existé) cette activité s'exerçant dans le domaine, éclairé par intermit tance, de la conscience subliminale. Une telle activité, en effet, n’a dans l'organisme qu’un rôle secondaire et condi­ tionné par les faiblesses et les imperfections des fa­ cultés humaines. — En troisième Heu, il faudrait conclure : ■ 1° que Jésus fut Dieu sans le savoir, de cette connaissance certaine et claire qui lui eût permis une affirmation du fait; que notre jugement sur lui dépasse par conséquent le jugement qu’il pouvait porter, et porta en réalité sur sa personne; 2e que notre profession dc foi : « Jésus est Dieu >, si elle vise Jésus dc Nazareth, doit s'expliquer ainsi : au-dessous du Mol superficiel, conscient, intégrant le Moi humain total, s'étendait un Moi profond, ineffable, subcon­ scient, Heu et siège d'une «Déité» «en continuité avec l’infini dc la Divinité ». Christologies, p. 166. Toutefois, < cc qui était divin dans le Christ, n’était pas soustrait à la vue nu point d’être totalement noyé et submergé dans la nuit de l’inconscient. Il y avait une sorte d’échelle de Jacob par laquelle les forces divines ras­ semblées en bas trouvaient une issue, pour ainsi dire. Jusqu'il l’air libre... » Ibid., p. 166. Ainsi la vie de Jésus était toute humaine, mais « dans ses racines les plus profondes, en continuité avec la vie dc Dieu même », p. 167, 168. De Grandmaison, loc. cit., p. 202203. La deuxième conclusion a le grand tort, en sup­ primant les notions traditionnelles dc nature et de personne, d’être formulée en des métaphores, qui, si elles étaient prises à la lettre, nous conduiraient à concevoir le cas du Christ, dans son union avec Dieu, comme « un cas majeur, privilégié », divin, · mais au fond du même ordre que celui de tout homme sincè­ rement religieux », c'est en quelque sorte un retour déguisé au nestorianisme. Objectivement d’ailleurs la substitution dc la notion dc conscience psychologi­ que à la notion dc personne doit aboutir aux erreurs dogmatiques que l'on a signalées à Hypostase, col. 435. • Nous verrons dans le Christ incarné deux moi Jux­ taposés ou superposés..., nous sommes confrontés Λ deux sujets d’opération, deux responsables, deux consciences, deux personnesl Pour fuir le mystère impliqué dans la formule traditionnelle, n’est-on pas acculé à un inconcevable dualisme? » De Grandma! · son, toc. cit., p. 205. La première conclusion contredit 563 HYPOSTATIQUE (UNION) d’ailleurs toot cc que l’histoire nous apprend du Christ : «Cc n’est pas ccttc image du Christ que nous renvoient les documents scripturaires. La glorification du Christ ressuscité n’est jamais représentée comme révélant à Jésus lui-même sa divinité. Elle est, pour les Onze et les autres disciples, une preuve, un signe, un témoignage hors pair de la vérité de la mission du Maître. Le travail d’interprétation, attribué à son Esprit, s’opère en eux, non en lui. Dans tous nos Évangiles, non seulement (c’est trop évident) dans j l'Évangilc de Jean, mais dans les Synoptiques, Jésus est toujours représenté comme sachant d'où il vient, | où 11 va, et les restrictions, les lenteurs, l’économie imposée à la manifestation de cc qu’il est, sont volon- I taires et réfléchies. » De Grandmaison, loc. cit., p. 206207. c) L'influx divin. — « Parlant du mystère de la Trinité et observant justement que la notion de < personne » appliquée à cc mystère est fondée sur les relations des Tennes divins, M. (Reinhold) Sec- · berg pense que la < divinité > de Jésus a élé constituée ; par un influx, une énergie, une sorte d'< idée force » i divine, faisant, de l’homme Jésus de Nazareth, l’or- 1 ganc de Dieu, son instrument pour la fondation sur terre du royaume des cicux. Jésus n’eut d’autre per sonnalité que son humaine personnalité; mais la volonté personnelle de Dieu collaborait de telle sorte avec la sienne, que la vie de Jésus.dcvcnait, en quelque manière, une seule chose avec la volonté personnelle de Dieu. » De Grandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d'Alès, t. n, col. 1395. Cette conception se rapproche beau­ coup de l’antique hérésie de l’adoptianisme, que M. Sccbcrg traite d’ailleurs avec faveur. Lchrbuch der Dogmengrschichte, Leipzig, 1913, t. ni, p. 53-58. Voir les Idées christologiqucs de M. Sccbcrg dans son ouvrage, Die GrundwaluWtcn derchristlichen Religion, Leipzig, 1910, et dans le mémoire, Wer war Jesus? dans Ans Religion und Geschlchte, Leipzig, 1909, t. n, p. 226 sq. La conception de M. Loofs, dans scs arti­ cles Christologie, Kenosis, de la Rcalcncyklopüdie fûr proL Théologie, et surtout dans la dernière lecture de IVhof is the truth about Jesus Christ ?p. 228-211, est plus vague encore : · La personne historique du ! Christ a été une personne humaine, seulement humaine, mais enrichie, transformée par une inhabitation de Dieu ou de l’Esprit de Dieu, d’un caractère unique, qui restera inégalée à jamais et a fait de Jésus c le Fils de Dieu », révélateur du Père et initiateur d’une humanité nouvelle. Un écoulement, une effusion, une inhabitation divine analogue, mais inférieure, sera le lot final de ceux qui sont rachetés par le Christ.» De Grandmalson, loc. cil.,col. 1395. « En résume, pouvonsnous conclure avec le même auteur, les théories • continentales · (il s’agit des théories émises ailleurs qu’en Angleterre) des protestants conservateurs abandonnent carrément cc que l’Église catholique a toujours considéré comme la pierre d’angle du dogme de l'incarnation. Pour les auteurs (qu'on vient de citer) et ils font autorité dans leurs Eglises, la per- 1 sonne de Jésus ne fut qu’une personne humaine. Un influx, un don, une effusion de l’Esprit de Dieu survint, analogue a l'inspiration prophétique, mais d’une espèce plus haute, d’une richesse plus large, et ainsi créatrice de prérogatives plus singulières. Jésus | est un homme divinisé, d’une façon mystérieuse, mais capable de lui conférer la dignité de « Fils do Dieu » et les pouvoirs conséquents que nous connais­ sons par les Écritures. A proprement parler, il ne faudrait pas dire : « la divinité du Christ », mais < la Dix inité dans le Christ ». Pour bien faire, il ne fau­ drait plus adorer le Christ, mais Dieu dans le Christ, col. 1395. 564 Ces indications, trop sommaires pour donner une idée delà christologie protestante contemporaine, qui sera étudiée à Jïcsus-Ciihist, sont néanmoins suffi santés en cc qui concerne le point précis de l’union hypostatique. Λ sacrifier les formules traditionnelles, les protestants en arrivent finalement ù nier compté tentent, sinon le mystère de l’incarnation, du moins le dogme catholique de l’union hypostatique. 7° Le modernisme. — On a vu à I Iypostask,co1. 432, comment le modernisme reprend les formules ratio­ nalistes de l’école günthéricnne relativement à l’ex­ pression à donner au dogme. Mais Je rationalisme qui est ù la base de cette conception a trouvé chez les modernistes une fonnule nouvelle qui est à h base de tout le système. La révélation, pour le moder­ niste, n’est plus, à l’origine, qu’un état subjectif et naturel, une impulsion, une lumière relatives au royaume du ciel, à sa nature, Λ son avènement. Sur ces données imprécises, la conscience chrétienne éla­ bora les premières formes du dogme, et ce travail tout naturellement sc porta sur la personne même du Christ : « Les Actes, dit 11 programma der modernisa, p. 81-83, sc faisant l’écho de l’enseignement chrétien primitif, décrivent Jésus comme un homme auquel Dieu a rendu témoignage par les miracles, les pro­ diges, les signes qu’il a opérés par son entremise. Act, π, 22. 11 est le Messie; sa mort ignominieuse lui a conféré la gloire céleste et il doit revenir pour inau­ gurer son royaume. Voilà la fol naïve et intense des premiers disciples. Mais le Christ a appelé les mem­ bres de la famille humaine fils de Dieu et s’est donné comme leur modèle. 11 est le Fils de Dieu par excel­ lence, d’après la synonymie que la tradition messia­ nique établissait entre cc titre et celui de Messie... Mais ce qui marque le point culminant de ccttc éla­ boration, c’est la traduction du concept hébraïque du Messie par le concept platonicien du Logos; c’est l'identification du Christ, tel qu'il était apparu aux âmes attendant dans l’angoisse la rédemption d’Is­ raël, avec la notion abstraite, gennée en terre hellé­ nique de l'intermédiaire cosmique entre l'être su­ prême et le monde; c’est la transcription, pourrait-on dire, de la valeur morale et religieuse, inhérente à une conception hébraïque, inintelligible pour le monde gréco-romain, en langage alexandrin, lui conservant ainsi la même valeur éthique et religieuse », p. 70 sq. Le dogme de l’incarnation et a fortiori le dogme de l’union hypos ta tique ne sont ainsi que le résultat des élaborations successives de la pensée chrétienne réfléchissant sur elle-même. Les formules dont l’Église s’est servie, se sert encore actuellement,pour exprimer sa croyance, ne sont pas des énoncés irréformablcs : elles ne sont que l’expression plus ou moins heureuse des expériences religieuses des chré­ tiens; et 11 faut les considérer comme « soumises à un travail perpétuel d’interprétation, où la lettre qui tue est efficacement contrôlée par l’esprit qui vivifie... L'évolution incessante de la doctrine sc fait par le travail des Individus, selon que leur activité réagit sur l’activité générale. » Lolsy, L’Évangile et l’Église, p. 158, 171. Sur cette conception générale de l’élaboration des dogmes dans la théologie moder­ niste, voir le décret Lamenlabill, prop. 20·, 21·, 22·, Dcnzingcr-Bannxxart, n. 2020-2022. Cf. J. Lebreton. Modernisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, t. m, coi. G75-685, et Mgr IL Qullllct, L'évolution elle modernisme, § 2 et 3, dans les Questions ecclésiastiques, 1908, p. 219 sq., 325. D’où il suit que les formules christologiqucs élabo rées avec des notions empruntées à des systèmes phi­ losophiques périmés ne sont plus adaptées à l’état de la science moderne. Voir 1 ïypostase, col. 433. Au début, le dogme de l’union hypostatique se 565 HYPOSTATIQUE (UNION) résout dans la conscience que le Christ possède de sa qualité de Messie, üls de Dieu. Mais ccttc conscience n’implique pas la conscience de la divinité unie à l’hu­ manité. ■ La divinité de Jésus n’est pas un fait de l’his­ toire évangélique dont on puisse vérifier criliqucment la réalité, mais c’est la définition du rapport qui existe : entre le Christ et Dieu, c’est-à-dire une croyance dont l’historien ne peut que constater l’origine et le déve­ loppement. Cette croyance appartiendrait à i’ensei- I gnement de Jésus, cl l’historien devrait le reconnaître, si le quatrlèmcÉvangllcétaltun écho direct de la pré- I dication du Sauveur, et si la parole des Synoptiques sur le Père qui seul connaît le Fils, et le Fils qui seul connaît le Père, Matth.» xi, 27; Luc., x, 22, n’était pas un produit de la tradition. Mais le quatrième l Évangile est un livre de théologie mystique, où l’on ! entend la voix de la conscience chrétienne, non le Christ de l’histoire, et j’ai expliqué, dans l'Évangile et l'Église, p. 45, 4G, pourquoi le passage de Matthieu et de Luc λ chance d’être un fruit de la spéculation théologique, l’œuvre d’un prophète chrétien, comme le quatrième Évangile. » A. Loisy, Autour d'un petit livre, p. 330. Le Christ historique s’est toujours per­ sonnellement distingué de Dieu et n’a pas eu con­ science d’être Dieu. C’est la théologie postérieure qui a superposé la christologie de saint Jean, fruit d’une spéculation étrangère à la conscience du Christ, à la christologie des Synoptiques. · En soi, le dogme est une construction doctrinale que le théologien est enclin à interpréter comme une réalité psychologique, sauf à créer, pour la circonstance, une psychologie spéciale, qui n’est pas une psychologie, puisqu’elle n'est pas fondée sur l'observation, mais sur des rai­ sonnements dont le point de départ est une inter­ prétation non historique de l’Évangilc. Le théologien conçoit deux intelligences et deux volontés distinctes, on peut dire deux consciences qui sont comme super­ posées, avec pénétration réciproque, la conscience humaine étant enti trement subordonnée à la con­ science d’être Dieu. On ne reconnaît, dans cette doc­ trine, ni la psychologie que laissent entrevoir les Sy­ noptiques, ni la simple théologie de Jean, mais une combinaison des deux, avec prédominance de l'élé­ ment johannique. » J bid., p. 148-119. A l’origine de l’élaboration du dogme de l'union hypostatique, nous trouvons donc l’idée messiani­ que, existant dans la conscience de Jésus, et mani­ festée par lui dans ses paroles et scs actes. Ccttc idée implique un rapport tout particulier d’union entre Dieu et l'homme Christ. Mais il n’est pas établi que cc rapport, quoique spécial et unique, dépasse l’ordre créé cl humain cl comporte une participation sub­ stantielle à la divinité. Ihiis, la conscience chré­ tienne, par une évolution graduée, aurait ajouté et superposé à cet élément primitif des éléments nou­ veaux et éf rangers. « En premier lieu, saint Paul aurait Imaginé que Jésus, non seulement avait été prédestiné éternellement à la dignité messianique, mais encore avait réellement préexisté au ciel avant de venir sur la terre. Jésus était l'homme céleste, 1 Cor., xv, 47-18, qui était prédestiné par Dieu cl qui préexistait auprès de lui, pour venir, au temps marqué par la Provi­ dence, réparer la faute de l'homme terrestre, détruire le péché et scs suites, sauver le monde par la fol. * A. Lolsy, op. cit., p. 123. Dans un second stade, l’apô­ tre aurait fait du Christ, non « plus seulement l’agent médiateur du salut des hommes, mais l’agent inter­ médiaire do la création », p. 124. Philon avait essayé de relier le monde à Dieu par le Logos, identifié à la Sagesse de Γ Ancien Testament. Paul assigne har- ■ «liment ccttc place au Christ éternel, imago du Dieu Invisible, prcmicr-né de toute créature, par qui et pour qui tout a été fait, en qui tout subsiste, premier ! 566 en tout, dans le monde physique, pour l’amener à l'existence, et dans le monde moral, pour rétablir, par sa mort et sa résurrection, la paix au ciel et sur la terre », p. 125, A son tour, l’auteur de l'Éplire aux 1 Îébreux représente le Fils comme la splendeur de la gloire divine et t image de la substance incriée. Enfin, Jean complète l’idée de Paul, en découvrant, dans la vie de Jésus, fa révélation même du Logos, du Verbe divin, p. 126. Désormais, on a « les éléments essentiels de la christologie ecclésiastique, la notion du Verbe incarné, du Christ Fils de Dieu et Dieu parce que Verbe fait chair en Jésus », p. 119. « Tout n'était pas dit cependant, et la fol avait encore à trouver le moyen de concilier entre elles la réalité de l’histoire évangélique, la théorie de Paul et celle de Jean, pour en faire un système coordonné »,p. 126.« Ce fut l'œuvre des docteurs et des premiers conciles. Le travail entier de la pensée chrétienne, depuis Paul, Jean, Justin, Irénéc, jusqu’aux derniers conciles qui ont fixé le dogme, tend à définir le rapport de prédesti­ nation et d’union qui rattache Jésus ù Dieu. Le travail théologique n’a pas son point de départ en dehors de l’histoire, dans la spéculation pure; car l’explication hellénique n'est pas prise à côté du fait initial; clic s’appuie sur cc fait, elle coincide avec lui; on peut même dire qu’elle sort de lui... La modalité de la pensée johannique n’est pas juive, mais la sub­ stance de o tte pensée était dans les Synoptiques, et la pensée des Synoptiques reflète cc qu'il est bien permis d’appeler la conscience psychologique de Jésus »,p.!34. De cet exposé succinct de la doctrine moderniste relativement à l'élaboration du dogme de l’union hypostatique, exposé que l’on emprunte à M. Lcptn, Les théories de .W. Lolsy, Paris, 1908, p. 61-74, il résulte quc,sile dogme christologique se produit bien autour du fait évangélique, il ne sort pas strictement de lui : il le dépasse, H y ajoute des faits et des éléments nouveaux et étrangers. H faut, dit à bon droit M. Lepin, employer les termes à rebours de leur sens ordi­ naire, pour prétendre, comme le faisait M. Lolsy, qu’« aucune solution de continuité ne se remarque entre le fait et son interprétation ». Tout au contraire, il apparaît bien que le Christ de la théologie n’est pas celui de l’histoire, mais lui est bien supérieur; cf. décret Lamentabili, prop. 29·; la doctrine christologique que nous livrent Paul, Jean et les conciles de Nicée, d'Éphése, de Chalcédoine, n'est pas celle que Jésus enseigna, mais celle que conçut de Jésus la conscience chrétienne. Prop. 31·. En somme, le modernisme pro­ clame équlval eminent l’incompatibilité des données de l’histoire avec les définitions actuelles de la fol. Cf. Lopin, Christologie, Commentaire des propositions 27·, 38· du décret du Saint-Office ■ Lamentabili », Paris, 1908; Jésus, Messie et Fils de Dieu, Paris, 1910, c. m, iv, et appendice. Voir JÈsvs-Christ. IX. Les corollaires de l’union kypostatï. que. — On les indiquera brièvement en renvoyant aux articles spéciaux où ils seront étudiés. 1° La maternité divine de la sainte Vierge. — Tout d’abord, le dogme de la maternité divine mérite une place à part, puisque c’est sa définition au concile d’Éphése, cf. Épiièss, t. v, col. 137 sq., par la consé cration ofilclcllc du mot Θιοτόχο; dans la terminologie ecclesiastique, qui a été le point de départ par voie de conséquence de la définition du dogme de l’union hypostatique. Voir, dans l’art. Cyrille d’Alf.xaxdrif (Saint), les anathématlsmes et le symbole d'union, t. m, col. 2509, 2511. A proprement parler, le dogme de la maternité divine est si intimement lié nu dogme de l’union h >7)0$ ta tique, qu’il résume en lui toute l’économie de l’incarnation. Cf. S. Jean Damascènc, De /Ideorthodoxa, 1. Ill, c. xn, P. G., t. xciv, col. 1028. Voir Maiue. lî 567 HYPOSTATIQUE (UNION) — HYPOTHEQUE 2° La communication des idiomes ct remploi des termes concrets et abstraits.— Voir Abstraits (Termes), t. i, col. 285-286, ct Idiomes (Communication des), t. MI. 3° La perfection de l'humanité unie ά la divinité. — Perfection dans l’ordre naturel, mais surtout dans l'ordre surnaturel : pour rintclligcncc du Christ, science parfaite, voir Ag.noétes, t. i, col. 587; vision intuitive, voir Jésus-Christ; pour la volonté, hnpcccabilité jointe à une liberté certaine, ibid., ct Rédemp­ tion; perfection qui laisse subsister dans la nature humaine les imperfections requises par la mission rédemptrice du Sauveur, en particulier la passibilité. Voir Jésus-Christ ct Rédemption. 4° Possibilité de Γaccomplissement de cette mission rédemptrice. — D’une part, infériorité du Christ, considéré dans la nature humaine, par rapport nu Père, au Saint-Esprit ct à lui-même, considéré dans sa nature divine : donc possibilité dc satisfaire à Dieu. D’autre part, en raison de l'union hypostatique, sa­ tisfaction suffisante, c'est-à-dire dc condignité. Voir Rédemption, Congruo (De), L m, col. 1145; Incar­ nation. 5° Dualité d'opérations en Jésus-Christ, en raison des deux natures, divine ct humaine, et très particuliè­ rement dualité dc volontés. Voir Monothéijsme. Mais, en raison dc l’attribution des opérations au même sujet, Jésus-Christ, coordination nécessaire entre les opérations, soit dans l’ordre dc la perfection morale, soit dans l'ordre dc l'exécution, soit dans l'or­ dre dc la satisfaction. Aussi les opérations dc JésusChrist nc sont pas des opérations purement humaines si clics procèdent dc la nature humaine, ou purement divine, lorsque, procédant dc la nature divine, clics sc rapportent à l’œuvre dc l’incarnation ou de la ré­ demption : cc sont des opérations divlno-humalncs, voir Théandriquks (Opérations). Dc cc principe géné­ ral sc déduit pareillement la doctrine concernant lo sacerdoce ct la prière du Christ. Voir Jésus-Christ. 6° Unique filiation naturelle du Christ. — Le Christ, Fils de Dieu, Verbe incarné, est fils naturel ct non pas adoptif dc Dieu. Voir Adoptianisme, 1.i, col. 408-413. On nc peut même pas concevoir en lui une double filiation naturelle, une par rapport à la génération divine, l’autre en raison dc la naissance temporelle. Ibid., col. 420, ct Jésus-Christ. 7° Adoration unique de Jésus-Christ. — Voir JésusChrist ct Cœur sacré de Jésus (Dévotion au), t. m, col. 283-285, 293-298. I. Ouvrages généraux. — 1· Partie positive : Pctnu, De theologicis dogmatibus, Dc incarnatione, I. III-VII; Thomntsin. Dogmata theologica. De incarnatione, I. Ill; Tixcront, Histoire des dogmes, Paris. 1909-1912; Schccbcn. La dogmatique, I. V, trad, frunç., Paris, 1882, t. iv ; Schwa ne, Dogmengeschlchte, Fribourg-ca-Brisgau, 1892; R. Sccbcrg, Lehrbuch der Dogmengeschlchte, Erlangen ct Leipzig, 1895; Loots, Leitfaden :um Studium der Dogmengeschichte, Halle, 1893; Hamac k, Lehrbuch der Dogmengeschlchte, 3· édit., Fribourg-cn-Brisgau. 1803-1897; Hcfcle, Histoire des con­ ciles, trad. Leclercq, Paris, 1907-1916; et, pour la partie du moyen âge. Bach, Die Dogmengeschlchte des katholischen Miltrlallers, Vienne, 1873-1875. Les textes dans dom Manin. Divinitas Domini nostri Jesu Christi, Wurzbourg, 1859, mais plus spécialement dans Dickamp, Doctrina Patrum de Incarnatione Vertu, Munstcr-cn-Wcstphalic, 1907; Cavallem. Thesaurus doclrinir catholica' er documentis magisterii ecclesiastici, Paris, 1920, η. 659-781; ct dans 1rs Enchiridions de Dmzingcr-Bannwart ct de RoQet du Joumcl. — 2· Pour la partie spéculative, la bibliographie sera donnée d'une façon complète à Incarnation, dans la nomenclature des ouvrages publiés sur cc dogme. Sc référer aux indications données nu cours dc l'article. IL Ouvrages spéciaux. — 1· Sur la christologie anté­ rieure aux discussions du v· siècle : Domer, Die Lehre von 'iristi, 2· édit., Stuttgart, 1845; G. Voisin, L'apolltourisme, Louvain, 1901, IIP partie; La doctrine 568 christologiquc de saint Athanase, dans la Hevue d'hbtolre ecclésiastique, t. i; Dnicsckc, Apollinarias von Laodicea, dnns Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1892, t. vn, fuse. 3-4; Lietzinann, Apollinaris von JModicca und seine Schule, Tubinguc, 1904; Baltzcr, Christologie des hl. Hila­ rius von Poitiers, Rottweil, 1889. — 2· Controverse nestoricnno: L. l'cndt.Die Christologie des Nestorius, Kempten, 1910; Bet hune-Baker, Nestorius and his teaching; a fret h examination of the evidence with special reference to the newly recovered Apology of Nestorius, Cambridge, 1908; Λ. Rchnnnnn, Die Christologie des hl. Cyrillus von Alexandrien, Hildesheim, 1902; J. Mahô, Les anathémalismes de saint Cyrille et les évêques orientaux du patriarcat d'An­ tioche, dnns In Revue d*histoire ecclésiastique, 1906, t. vn; M. Jugic, Nestorius et la controverse nestorienne, Paris, 1912; J. labourt, Le christianisme dans Γempire perse, Paris, 1904, spécialement, c. ix; Bertram, Thcodorctl episcopi Cyrensis doctrina christologlca, Hildesheim, 1883. — 3· Controverse monophysite, voir t. v, col. 1608-1609.— 4° Sur la christologie de saint Augustin: O. Scheel, Die Anschauung Augustins ûber Christi Person und Werk, Leipzig, 1901 ; C. van Crombrugghc, 7m doctrine christo­ logiquc et sotériologlque de saint Augustin ct ses rapports avec le néoplatonisme, dnns la Hevue d'histoire ecclésiastique, 1904, t. v. — 5· Théologie grecque postérieure aux contro­ verses du v® siècle : F. Loofs, Leontius von Byzanz, Leipzig, 1887; J. P. Junglas, /antius von Byzanz, Pa­ derborn. 1908; Ermoni, De Lconlio Byzantino, Paris, 1895; W. Ruegamcr, /soutins von Byzanz, Würzbourg, 1894; J. Pnrgolre, L'Église byzantine de 627 à 751, Paris, 1905; Stmunbingcr, Die Christologie des hl. Maximus Confessor, Bonn, 1906; M. Pcisker, Severus von Antiochen, Halle, 1903. — G® Sur saint Jean Damascene, voir ce mot. — 7® Sur la doctrine scolastique et particulièrement thomiste: Terrien, S. Thoma: Aquinatis doctrina sincera de unione hypostatica Verbi Dei cum humanitate amplissime declarata, Paris, 1894; Schwalm, Le Christ d'après saint Thomas d'Aquin, Paris, 1910; Villard, L'incarnation d'après saint Thomas, Paris, 1908; Hugon, Le mystère de l'incarnation, Paris, 1913, principalement III® partie. A. Michel. HYPOTHÈQUE. — I. Notion. IL Espèces. III. Effets. IV. Extinction. I. Notion. — L'hypothèque forme avec le caution­ nement, le gage et l'antlchrèsc cc que le droit appelle « les contrats dc garantie, > c’est-à-dire les contrats destinés à garantir les créanciers contre l’insolvabilité dc leurs débiteurs en leur donnant une «sûreté» de remboursement. Le patrimoine du débiteur est le gage du prêteur, mais ce gage deviendrait illusoire si le propriétaire pouvait, frauduleusement ou non, l’aliéner à sa guise et disposer du prix; car,suivant l’adage juri­ dique, < tout cc qui sort du patrimoine du débiteur sort du gage du créancier ·. Le gage deviendrait illu­ soire encore, au moins partiellement, si le débiteur ajoutait indéfiniment dettes à dettes; alors, en effet, scs biens finiraient par nc représenter qu'une partie de son passif et, à leur vente, scs créanciers nc pourraient toucher qu'un tant pour cent sur cc qui leur est dû : «les biens du débiteur sont le gage commun dc scs créanciers ct le prix s'en distribue entre eux par contri­ bution. » L'hypothèque a pour but dc protéger le créancier contre ces deux surprises. Le mot hypothèque désignait primitivement un contrat par lequel un débiteur donnait à son créancier, sans cependant la lui livrer, une chose en garantie dc sa créance; plus tard, il désigna la chose efic-mêinc donnée en garantie;aujourd'hui il sert le plus habituel­ lement à désigner le droit conféré au prêteur sur l’ob­ jet hypothéqué. Ainsi entendue, l’hypothèque peut être définie : une sûreté réelle qui, sans déposséder actuellement le propriétaire du bien hypothéqué, permet au créancier dc s'en emparer à l’échéance dc sa créance pour le faire vendre n’importe en quelque main qu’il se trouve et sc faire payer sur le prix, dc préférence aux autres créanciers. Avec l'hypothèque le créancier n’a pas à redouter l'elfet des aliénations consenties par son débiteur, car 569 HYPOTHÈQUE 570 Il a le droit dc suivre la chose hypothéquée, c'cst-à- I plus tard — dans le courant du xm· siècle — qu’elle dire dc la saisir outre les mains des tiers qui la détien­ reprend son nom ancien. A celle époque, elle peut draient, l’uuraicnt-ils acquise sans fraude cl par con­ être établie par acte privé aussi bien que par acte trat onéreux. Il n’a pus à redouter davantage de publie, porter sur les biens mobiliers comme sur les im­ n’clrc payé qu’au « sol le franc », car il a droit À voir mobiliers, être générale ou demeurer occulte. Elle évo­ sa creance remboursée avant toutes celles des créan­ lue assez lentement ct n'arrive que progressivement à ciers non hypothécaires ou des créanciers ayant pris la forme sous laquelle, à quelques variantes près, nous hypothèque après lui. L'hypothèque lui confère le la trouvons dans presque tous les codes de notre temps. droit de « préférence » en même temps que le droit dc IL Espèces. — Une hypothèque peut ou être éta­ blie par la volonté du propriétaire débiteur, ou naître < suite ». En règle générale, nc sont susceptibles d’hypothèque dc stipulations de la loi, ou résulter d’une sentence soit que les biens immobiliers. Pendant longtemps, ici dc juges soit d’arbitres ; on peut donc distinguer, en se biens mobiliers ont été rigoureusement exclus par plaçant au point dc vue dc leur < source », trois espèces notre droit ; on disait que < meubles n’ont pas dc suite d'hypothèque : l’hypothèque conventionnelle, l’hypo­ par hypothèque ». Actuellement quelques exceptions thèque légale ct l'hypothèque judiciaire. 1° L'hypothèque conventionnelle est un contrat sont admises; ainsi la loi reconnaît l’hypothèque des fonds dc commerce, de certains produits agricoles, accessoire ct solennel par lequel une persoonne capa­ etc. Il est inutile dc faire remarquer que l’hypothèque, ble d’aliéner engage des biens, qui lui appartiennent étant la simple garantie d’une créance, suit le sort dc actuellement ct qui sont spécifiés, pour servir de celle-ci ct nc peut exister sans elle. Elle nc saurait ni garantie à une obligation déterminée. Celui-là seul prendre naissance avant elle ni lui survivre. Son exis­ peut valablement consentir ct constituer une hypotence implique nécessairement la préexistence d’un « thèque à qui la loi reconnaît la capacité de vendre et il ne peut la laisser prendre que sur les biens qu’il a le droit qu’elle sert à < assurer ». L'hypothèque, tout en répondant à la même préoc­ droit dc vendre, par conséquent que sur ce qui est à cupation que le gage ct l’antlchrèsc, en diffère essen­ lui en qualité de propriétaire, d’usufruitier ou d'emtiellement. Dans le gage ct l’antlchrèsc le débiteur est phytéolc. Toute hypothèque prise dans d’autres con­ dessaisi dc sa chose, 11 la remet entre les mains dc son ditions est annulable; elle sera meme nulle radica­ créancier, qui en est désormais nanti. Dans l’hypo­ lement ct dc plein droit si l'on a hypothéqué un bien thèque 11 garde non seulement la propriété, mais encore qui n'appartient pas. Cc n'est qu’cxccplionnellcment la possession dc l’objet qu’il a hypothéqué; il en a la ct dans quelques rares cas fixés par la loi qu’on a le disposition en fait ct en droit. Cc n’cst qu'au jour fixé droit d’hypothéquer des biens à venir. L’acte consti­ pour le remboursement que le prêteur, s'il veut être tutif d'hypothèque doit être passé devant notaire ou, payé, peut exiger que la garantie lui soit remise s’il est simplement sous seing privé, déposé chez un notaire. pour la faire vendre afin dc rentrer dans scs fonds. 2° L'hypothèque légale ou tacite est celle qui est Pour qu’une hypothèque soit valable ct puisse avoir scs effets, 11 nc suffit pas qu’elle soit consentie par le établie par la loi ; le créancier la possède de plein droit, débiteur; 11 est nécessaire qu’inscriptlon en soit faite il n’a nul besoin de sc la faire donner par une conven­ sur un registre tenu par des fonctionnaires spéciaux tion expresse. Ainsi la femme mariée a hypothèque qu’on appelle conservateurs des hypothèques. Dans sur tous les biens de son mari pour le montant dc sa dot l’inscription doivent être énoncés : le nom du débiteur et les accroissements qui lui sont survenus depuis le ct les biens qu’il hypothèque, le nom du créancier, le mariage; les mineurs ct les interdits sur les biens de montant ct l’époque dc sa créance, le domicile dont 11 leurs tuteurs ; l’État, les communes, les établissements fait élection dans la circonscription du bureau de l’in­ publics sur les biens dc leurs receveurs ct administra­ scription,la date ct la nature des titres qui lui confèrent teurs-comptables. La loi nc s’est pas contentée de le droit dc prendre hypothèque. Quelques hypothèques créer ces hypothèques, elle a établi des hypothèques seules sont dispensées d’inscription; cc sont celles des privilégiées, c’est-à-dire des hypothèques qui, au lieu femmes mariées, des mineurs, des interdits ct dc cer­ dc prendre rang par ordre de date, passent avant d'aulres qui leur sont antérieures. Elles jouissent d’un tains créanciers privilégiés. L’hypothèque n’cst pas une Innovation du droit classement dc faveur, dc telle sorte que ceux qui les moderne; elle a été pratiquée dans l’antiquité. On la possèdent devront être payés de préférence ct avant trouve à Athènes au iv· siècle avant notre ère ct à les autres sur le prix dc l’immeuble hypothéqué, Rome aux premiers temps de l’empire. Venue après le si cet immeuble est vendu. Les principales hypo­ gage, la vente à réméré ct l’aliénation fiduciaire, elle thèques privilégiées sont celles du vendeur, du coexista simultanément avec ces modes dc garantie ct i partageant, des architectes ct entrepreneurs. 3° L’hypothèque judiciaire est une forme dc l'hypo­ nc les supplanta jamais complètement. Elle s'établis­ sait par simple consentement, pouvait porter sur les thèque légale; elle suit, en vertu de la loi, tout juge­ meubles aussi bien que sur les immeubles ct, si elle nc ment condamnant un débiteur ù s’acquitter des obli­ fut pas toujours entièrement occulte, on ignorait les gations qu’il a ά l’égard d’un créancier. Elle est prise moyens de publicité employés de nos Jours pour avertir de plein droit parle fait seul que lascntcncc est rendue; deson existence les tiers intéressés. Elle n’a fait qu'as- son but est d’assurer de la façon la plus efficace leur sez tard son apparition dans les pays occidentaux. Nos exécution aux arrêts dc la justice. III. Effets. — Les effets de l’hypothèque peuvent plus anciennes chartes, comme les formulaires dc l'époque mérovingienne ct de l’époque carolingienne, i être considérés par rapport au débiteur, par rapport l'ignorent absolument ; elles nc parlent que dc la con­ aux autres créanciers et par rapport au tiers acqué­ st itut ion dc gage. Comme Vimpignoratlo sous scs di­ reur dc l’immeuble hypothéqué.— Le propriétaire d’un verses formes donnait lieu à beaucoup d'abus ct que bien hypothéqué, comme il a été déjà dit, en souvent elle no servait qu'à dissimuler dc coupables garde la jouissance comme la propriété, il en perçoit procédés usumires, les canonistes ct les théologiens, en les fruits et revenus, il peut même le donner ou le les combattant sans repos, contribuèrent pour une vendre, mais il ne peut légitimement l'aliéner qu’à la large part Λ faire insensiblement pénétrer dans la pra­ condition de désintéresser le créancier auquel cc bien tique cl adopter par le droit l’hypothèque romaine .sert dc garantie. Le créancier a un droit réel sur l'im­ longtemps oubliée. Elle réapparaît au xm* siècle sous meuble hypothéqué, droit en vertu duquel, lorsque sa l’appellation tVobligalio bonorum; cc n’cst que bien [ créance viendra ù échéance, il pourra,après commande­ HYPOTHÈQUE — HYVENS ment de payer, le faire saisir et vendre aux enchères. Autrefois le créancier pouvait le faire vendre à l’amia­ ble et à sa guise, comme le débiteur pouvait se libérer en le lui < délaissant >. Sur ce point l’ancien droit a été complètement modifié. Par rapport aux autres créanciers l’hypothèque donne un droit de préférence. Si, lorsqu’ils sont vendus, les biens du débiteur ne suffisent pas pour désintéres­ ser tous les créanciers, les créanciers hypothécaires passent avant les non-hypothécaires; ceux-ci n’arri­ vent à participation que tout autant que les hypothé­ caires ont été intégralement remboursés. Quand 11 y a plusieurs créanciers hypothécaires, ils prennent rang par ordre d’ancienneté : prior tempore, potior jure. L'ancienneté se détermine, non par la date de la créance ni même par celle de la naissance de l'hypo­ thèque, mais par celle de son inscription. C'est le jour de l’inscription qui donne rang au créancier. Les hypothèques privilégiées passent avant toute autre; elles donnent droit < d'être préféré aux autres créan­ ciers quoique antérieurs en hypothèque », comme s'exprime le code civil. Par rapport au tiers détenteur de l’immeuble hypo­ théqué, l’hypothèque confère le droit de suite. Le créancier hypothécaire peut suivre cet immeuble s’il a été aliéné, le faire, à l'échéance de sa créance, saisir et vendre n’importe entre quelles mains il sc trouve; et cela, alors même que celui qui le détient l'a régulièrement acquis et ne lui est, à lui, redevable de rien. « Les créanciers ayant privilège ou hypothèque Inscrits sur un immeuble le suivent en quelques mains qu’il passe pour être colloqués ou payés suivant l’ordre de leurs créances ou Inscriptions. » Code civil, a. 2166. Dans ce cas, le tiers détenteur a à choisir entre: obliger le débiteur ù payer, payer lui-même, purger l’hypothèque, sc laisser saisir ou délaisser le bien acheté. IV. Extinction’. — L'hypothèque s’éteint quand le débiteur se libère, mais il faut qu’il sc libère tota­ lement. S’il n’y a qu’une libération partielle, l’hypo­ thèque, qui est indivisible, subsiste entière pour garan­ tir le surplus de la créance. Elle s’éteint encore par renonciation du créancier qui donne mainlevée de l'inscription. La renonciation peut être expresse ou tacite, mais le conservateur des hypothèques ne doit procéder à la radiation que sur la présentation d'une mainlevée authentique. Elle s’éteint pareillement par prescription; quand la créance est prescrite, l’hypo­ thèque disparaît: les privilèges et hypothèques s’éteignent par l'extinction de l'obligation principale. Code civil, a. 2186-2184. Ils s’éteignent aussi si le bien est passé entre les mains d’un tiers et qu'on ne les fasse pas renouveler avant l’époque où s'établit la prescrip­ tion de la propriété en faveur du tiers détenteur. L’hy­ pothèque s’éteint, enfin, par l’accomplissement des formalités requises pour purger l'immeuble dont on fait l’acquisition. Le Code civil n’énumère que ces quatre cas d’extinction d’hypothèque, mais on pour­ rait en signaler d’autres encore, par exemple, la des­ truction de la chose hypothéquée, son acquisition par le créancier hypothécaire, etc. Tels sont, en abrégé, les principes généraux formulés par le droit sur la question si complexe, si épineuse et pourtant si pratique de l'hypothèque. Ces règles inspi­ rées par l’équité et la prudence, la théologie ne fait aucune difficulté de les admettre; nos moralistes les oui acceptées et ont basé sur elles leur enseignement. Non seulement on peut les suivre en sûreté de con­ science, mais il serait dangereux de s’en écarter. De toutes les garanties que l’on a imaginées en faveur des créanciers, l'hypothèque sous sa forme actuelle est Incontestablement la plus perfectionnée; elle offre tous les avantages du gage et de l'antichrèse sans en avoir 572 les graves inconvénients; aussi tend-elle de plus en plus ù les supplanter. De Lugo, De Justitia et Jure, disp. XXXII, sect, n; Carriere, De contractibus, part. II, c. xiv, a. 3; Trop long. Hypothèques; Thécard, Du nantissement, des privilèges et hypothèques ; Guillounrd, Traité des privilèges et hypothèques. L. Gaiuuouet. H YPSISTARIENS. Secte du xv·siècle, répan­ due en Cappadoce, à laquelle avait appartenu, avant sa conversion, le père de saint Grégoire de Nazianze. Oral., χνιιι, 5, P. G., t. xxxv, col. 989-992. Ses parti­ sans paraissent avoir été, en religion, des éclectiques assez indépendants qui, sans abandonner complète­ ment le paganisme et sanss’inféoder le moins du monde soit au judaïsme, soit au christianisme, mêlaient à des pratiques idolûtriques quelques-unes des obser­ vances légales. Ils durent subir l’inlluenco du sa­ béisme qui, de l'Euphrate, s'était répandu en Égypte, en Palestine, on Asie Mineure, et notamment en Cappa­ doce; car, à l'exemple des mages de la Perse ou de la Chaldée, ils révéraient le feu et la lumière. Ils se dé­ fendaient pourtant d'être polythéistes, car ils mépri­ saient les idoles et les sacrifices offerts aux dieux et faisaient profession de ne croire qu'à un seul Dieu, le Très-Haut, τδν υψιστον, d'où leur nom de ύψιστάpun. D'autre part, en contact avec le judaïsme essénien ou ébionitc, ils en étaient venus à observer le sabbat ainsi que la distinction entre les animaux purs et im­ purs, sans toutefois pratiquer la circoncision ni prendre part aux sacrifices offerts à Jéhovah. Le christianisme ne leur était pas inconnu, mais ils ne l’avaient pas embrassé. Ils refusaient de reconnaître à Dieu le nom de Père que lui donne l’Évangile, ainsi que le note saint Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, n, P. G., t. xlv, col. 483. Et leur insistance à sc donner le nom d'hypsistarlcns semble avoir été une protestation contre le dogme trinitaire défini au concile de Nicéc. Ils rappellent quelque peu les mcssallcns, tels que les dépeint saint Epiphane, Hier., i.xxx, P. G., t. xlh, col. 756-762, ou encore les célicolcs d'Afrique, dont parle saint Augustin, Epist., xi.iv, c. vi, n. 13, P. L·., t. xxxnr, col. 180. Ils font penser surtout aux mono­ théistes sans culte extérieur proprement dit, qui de­ vaient accueillir si facilement plus tard la religion de Mahomet. Au ix· siècle, Nicéphore, patriarche de Constantinople (t 826), parlait encore d'eux comme d'une secte qu'il qualifie d'abominable parce qu'elle joignait l’erreur païenne au mensonge juif. Antirrhct. adv. Constantinum Copronymum, i, 5, P. G. t. c, col. 210. Tillcmont, Mémoires pour servir d Vhistoire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1701-1709, t. XX, p. 312; Ullmnnn,De hypsistarils,Heidelberg, 1823; Mignc,Diction­ naire des hérésies, Parti, 1817, t. I, p. 812; Herzog, Real· Encyhlopddte ; Smith et Wncc, Dictionary of Christian biography, t. in. p. 188-189; U. Chevalier, Répertoire. Topo-bibliographie, col. 1424. G. Baheille. H YVENS Henry (d'Yvc), augustin belge, fit pro­ fession à Bruxelles en 1597, prit le doctorat à Tou­ louse, sc fit renommer comme prédicateur, et mourut à Orléans en 1627. On a de lui : 1° Oratio panegyrica quam recitavit in ecclesia calhrdrali Carcassonis, quandn Ludovteus XIII, GaUiarum rex, inauguratus Juit-, 2° Oratio funebris habita Bruxellis in exequiis P. Cor­ nelii de Bye; 3° Vie de S. Thomas de Villeneuve, arche­ vêque de Valence, in-8®, Bruxelles, 1621 ; 4« Jacula anima:. LanUrl, Podrema Circula sex religionis augustiniamr, t.lî, P- 283: Rcvlsto agusttnlana, Valladolid, 1884, t. vn, p. 353 ; Ossingcr, Bibliotheca, p. 411. N. Meiilin. IBAS. Voir t. m, col. 1257 sq. ICARD Henri-Joseph-A lexandre-Toussalnt, quin­ zième supérieur du séminaire et de la Compagnie de Saint-Sulpicc, naquit le 1·Γ novembre 1805 à Pcrtuis, au diocèse d'Avignon. C'est dans cette commune, au domaine de Castellane, qu'en 1793, son père était venu de Marseille se fixer après son mariage. La famille de sa mère, d'origine lyonnaise (les Dclabat, apparentés aux Tcrrasson), s'était établie ù Cadix, puis à Mar­ seille. Parmi ses grands-oncles maternels, Il comptait un chanoine régulier de Sainte-Geneviève, prieur de Cassan, et un chanoine de Saint-Antoine, de l’ordre de Malte, résidant Λ Rouen. Les études du jeune I lenri (le dernier de quatre enfants), commencées au collège d'Orange, s'achevèrent avec succès au petit séminaire d'Avignon, où il reçut la tonsure à 13 ans et demi. En octobre 18*22, il entrait au grand séminaire de cette ville et y passait cinq années, durant lesquelles il reçut les ordres mineurs et le sous-diaconat. En 1827, Il vint à Paris, avec l'intention d’entrer dans la Compagnie de Saint-Sulpicc, et fit sa solitude ou noviciat, pendant lequel il fut ordonné diacre. En octobre 1828, il débutait comme professeur au sémi­ naire d'Issy et recevait le sacerdoce, avec dispense d'âge, le 20 décembre de la même année. Lorsqu'éclata la révolution de 1830, il fut envoyé à Avignon, où ilrcst a trois ans pour enseigner le dogme, puis la morale. Aux vacances de 1833, il était de retour ù Paris, au grand sé­ minaire que durant soixante ans il ne devait plus quit ter. 11 allait y exercer les fonctions de professeur de théologie, puis de droit canon, et en même temps de directeur des catéchismes de la paroisse Saint-Sul­ picc. En 1865, quand M. Caval fut nommé supérieur général, M. Icard devint directeur du séminaire. Dès 1861, la confiance de Mgr Morlot l'avait appelé au con­ seil épiscopal et lui avait donné les pouvoirs de vicaire général : ce qui fut confirmé par Mgr Darboy et scs successeurs. Conseiller d’un grand nombre d'évêques, il fut invité par Mgr Bcrnadou. archevêque de Sens, ù l’accompagner au concile du Vatican, en qualité de théologien. Ily exerça la plus utile influence, consulté qu'il fut par de nombreux évêques, soit de la majo­ rité, soit de la minorité, qui tous avaient pleine confiance dans sa science et sa sagesse, sa prudence et sa modération et dans son amour de l’Église et du saintsiège. On peut apprécier son influence en lisant Le concile du Vatican, publié en 1919 par M. F. Mourrct, qui a eu entre les mains, avec de nombreuses lettres d’évêques, le Journal que M. Icard écrivait nu jour le jour pendant son séjour ù Rome. Après le concile il eut ù supporter les épreuves do l’année terrible, étant resté Λ Paris durant la guerre et la Commune. Em­ prisonné comme otage à la Santé, du 7 avril au 24 mal 1871, il utilisa ces loisirs forcés en étudiant la Somme de saint Thomas et en écrivant le Journal de ma prison, qui a servi avec d'autres relations à M. R. Clé­ ment pour composer Salnl-Sulplce pendant la guerre et la Commune, in-8°, Paris, 1909. En 1875, à la démission de M. Caval, il fut nommé supérieur général du séminaire et de la Compagnie,et, pendant dix-huit ans de gouvernement, il exerça une action très féconde pour Saint-Sulpicc et pour le bien de l’Église il mourut subitement le 20 novembre 1893, à l’âge de 88 ans. Son portrait, peint par Salanson, a été gravé par Fleuret. Dans les difiérentes fonctions qu’il exerça, il com­ posa plusieurs ouvrages. Au professeur de théologie et de droit canon on doit les suivants : en 1839. VAppendix : De probabilisme, inséré à la fin du t. xi du Theulogiœ cursus completus de Mignc, col. 14891530. Dans les Études de 1866, t. ix, p. 19, le P. Mati­ gnon, renvoyant à cet article anonyme, ajoute : « Nous n'avons pas besoin d'indiquer aux théologiens la source autorisée d'où cette dissertation est sortie. » L'Ami de la religion du 16 novembre et du 28 dé­ cembre 1848 contient deux articles : De U élection des vicaires généraux capitulaires, signés S. S. et, en 1819, du 10 au 26 avril, six articles intitulés : Questions canoniques sur l'état actuel de I'Église de France, et si­ gnés IL T. (Henri Toussaint). Son principal ouvrage. Prtrlccliones juris canonici habitæ in seminario Sancti Sulpitii annis 1857, 1858, 1859, parut ù Paris, cn 1859, 3 in-12. 11 eut sept éditions jusqu'en 1893. Comme directeur des catéchismes il a publié plu­ sieurs ouvrages souvent réédités, qui ont eu une très heureuse Influence. Ils ont tous été édités à Paris sous le nom Le directeur des catéchismes de la paroisse Saint Sulpice. Ce sont : Persévérance chrétienne, ou moyen d'assurer les fruits de la première communion, in-12. 1810(4 éditions jusqu'en 1877); Cours d'instruction re­ ligieuse d l'usage des catéchismes de persévérance, des élèves des petits séminaires et des collèges, 2 ln-12,1816; la 2«édit., 4 In-12, et les suivantes jusqu’à la 4»en 1875 ; Exposition de la religion chrétienne, mise à la portée de tout le monde, ln-12, 1855; 4· édition, 1877; Explica­ tion du catéchisme du diocèse de Paris, pour les enfants de la première communion, In-12, 1857; 2· édit., 1874; 1 nstruclions tirées de l'histoire de l'Église d l'usage des jeunes enfants, ln-12, 1858. Il donna aussi une seconde et troisième édition en 1856 et 1874 de la Méthode de Sainl-Sulpice pour la direction des caté­ chismes, composéeparM. Paillon cn 1832 et hautement louée pur Mgr Dupanloup. Depuis son élection comme supérieur général de Saint-Sulpicc, il a donné : Vie intérieure de la très sainte Vierge, recueillie des écrits de M. Olier, in-12, Paris, 1875; 2· édit., cn 1880. M. Faillon avait édité ù Rome cn 1866.cn 2 in-S°, un ouvrage sur le même sujet, où il accompagnait le texte de M. Olier de commentaires personnels, (’.ette oeuvre, approuvée par le maître du Sacré-Palais, avait cependant donné lieu Λ quelques critiques sur lesquelles l’auteur com­ posa un mémoire. M. Icard publia un texte plus exact et sans commentaire, qui reçut l'approbation des théologiens et cn particulier du cardinal Pic et de Mgr Gay. En 1886, Il fit imprimer Traditions de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice pour la direc- 575 ICARD — ICONOCLASME tion des grands séminaires, ln-8°, Paris, ct cn 1889, Doctrine de M. Olier, expliquée par sa vie et par ses écrits, in-8°, Paris, séminaire de Saint-Sulplcc; une 2· édit., augmentée, fut donnée, in-8°, à Paris, 1891. Il fut amené à défendre la Compagnie contre les calomnies ct les attaques de Justin Fèvre : Observa­ tions sur quelques pages de la continuation de Γ Histoire de Γ Église de M. l'abbé Darras, in-8®, Paris, 1886; une 2· édit, en 1887, augmentée de lettres d’évêques ct d’un bref du pape. On peut voir sur cette affaire les pages curieuses de L. Bertrand, Bibliothèque sulpictenne, Paris, 1900, t. n, p. 50 Î-507. Il eut Λ répondre à d’autres attaques dans Observations sur quelques articles de la Correspondance catholique de Bruxelles, relatives à M. Olier el à l'œuvre des séminaires, in-8°, Paris, 1892. On a de lui également Lettre du supérieur général de Saint-Sulpide aux élèves des séminaires dirigés par les prêtres de la Société (à l’occasion de la loi qui les soumet au service militaire), in-32, s. d. (1890), signée H.-J. Icard, S. S. Outre le Journal manuscrit, mentionné plus haut, sur le concile du Vatican, il a laissé un Mémoire de 98 pages, commencé le 28 décembre 1868 ct achevé le 12 mars 1869, Sur le concile œcuménique annoncé pour le 8 décembre 1369. Il fut composé, dit-il, poursc rendre compte de la situation de l’Églisc au point de vue de la doctrine, de la discipline intérieure ct des rap­ ports avec les divers gouvernements. Outre les ouvrages cités : Monsieur Icard, supérieur général de Saint-Sulpice, articles signés P. de Terris, dans la Semaine religieuse du diocèse d*Avignon, noedu 25 novem­ bre ct des 2,9,16, 23 décembre 1893: Lettre de S. Ém. le cardinal Richard, archevêque dr Paris, à l'occasion de la mort de M. Icard, 23 novembre 1893; Hurter, Nomenclator literarius, t. v, coi. 1773; L. Bertrand, Bibliothèque sulptctenne, 1900, t. n, p. 498-510, 604-605 ; et les documents manuscrits des archives do Salnt-Suipice. E. Levesque. ICONOCLASME. Sous le nom à*iconoclastes (briseurs d'images) ou d'iconomaques (adversaires des images), l’histoire a désigné les partisans de la lutte contre les saintes images, inaugurée officiellement cn 725 par l’empereur byzantin Léon III l’Isauricn ct continuée par plusieurs de ses successeurs jusqu’en 842. (La querelle des images cn Occident sera étudiée à l’art. Images.) Dans la question fameuse qui nous occupe, on ne saurait trop relever la distinction extrêmement im­ portante de l’usage et du culte. Au point de vue de l’usage, ccqu’il est nécessaire de mettre en relief, c'est la légitimité des ιίχόνις (entendons par ce mot les représentations sensibles, par la peinture ou la sculp­ ture, du monde surnaturel). Est-il permis à l'artiste de représenter les saints, la Vierge ou le Sauveur luimême? Nullement, déclarent les iconoclastes propre­ ment dits. Au point de vue du culte, le problème est de savoir s’il est licite de vénérer des objets matériels représentant des êtres spirituels, dignes de nos hom­ mages, et dans quelle mesure cette vénération, si elle est légitime, doit s’exercer. L’existence des images est admissible, mais non leur culte, répondent les adversaires modérés des icones. Il y a donc deux catégories d’iconomaqucs (cc terme générique est très juste) : ceux qui rejettent et le culte et l’usage, ce sont les vrais iconoclastes; ct ceux qui condamnent le culte seulement. Ces derniers repré­ sentent en général les adversaires des images cn Occident Les autres forment la grande majorité du parti qui fit triompher ses Idées au concile d’Hiéria, en 753; ΓÉglise byzantine doit à leurs proscriptions intransigeantes d'avoir compté plus d’iconoclastes farouches, au tempérament de septembriseurs, que d’iconomaqucs modérés, respectueux de l’art religieux. 576 I. Les premiers adversaires des images. II. Cames et origines de l’iconoclasme. HL La résistance ortho­ doxe ct la persécution do Léon l’Isauricn (729-740). IV. Le conciliabule d’Hiéria (753). V. La persécution de Constantin V (761-775). VL La réaction iconophile. Le VII· concile œcuménique, II· de Nlcéo (787). VIL Reprise de l’iconoclasme et de la persécution (813-842). VIII. Le triomphe de l’orthodoxie (843). IX. La théologie des Images; la doctrine de saint Jean Damascène. X. Importance théologique ct historique de l’iconoclasme. I. Les premiers adversaires des images. — Pen­ dant les trois premiers siècles, l’usage des images s'était établi dans l'Églisc d'une manière à peu près générale et sans que s’élevassent de sérieuses opposi­ tions. La piété des fidèles semble ne pas s'être émue des protestations ou restrictions formulées par Tertullien, De idololatria, 4 ; De spectaculis, 23; Adv. Her­ mogenem, 1; Clément d'Alexandrie. Cohortatio ad gentes, iv, P. G., t. vm, col. 161 ; Strom., vu, 5, P. G., t. ïx, col. 437; Minucius Félix, Octavi us, 32; Amobc, Adv. gentes, î, 31, ct Lactancc, Institut., n, 2. Comme la littérature, l'art était un auxiliaire précieux dont H fallait tirer parti. Au iv· siècle, le concile d'Elvirc, tenu cn 305 ou 306, décrète dans le canon 36 : Placuit picturas in ecclesia esse non debere ne quod colitur el adoratur in parietibus depingatur. Mansi, t. n, coi. 11. Il semble bien, et le caractère plutôt rigoriste de scs décisions le confirme, que le concile ait défendu la représentation picturale parce qu’il voyait comme une opposition entre la sainteté des mystères de la fol (quod colitur ct adoratur) ct les productions amollis­ santes de l'art humain. Quoi qu'il cn soit, sa prohibi­ tion sc limita à l'Espagne, et pour peu de temps. Une autre opposition mérite d'être signalée : c'est celle d'Eusèbc de Césaréc refusant ù Constantia, sœur de Constantin, l'image du Christ qu'elle lui demandait, et cela pour des raisons théologiques ct scripturaires tendant à montrer l’impossibilité de représenter le Sauveur glorifié. Pitra, Spicilegium Solesmensc t. î, p. 383-386; Eusèbc, H. E., xu, 18. Sur la prétendue opposition de saint Épiphane, cf. Tixeront, Histoire des dogmes, t. ni, p. 445, note 2. Λ la fin du vi® siècle, Léonce de Néapolis, cn Chypre, dans un discours apologétique contre les jui/s, explique les textes scrip­ turaires allégués par certains chrétiens et certains Israélites contre l'usage des images. Mansi, t. xm, col. 44-53; P. G., t. xcm, col. 1597-1609; Tixeront, op. cit., p. 448, 449. Λ l'opposition des juifs sc Joint celle des monophysites. Plusieurs textes font du fa­ meux Philoxènc de Mabboug (f vers 523) un adver­ saire des images. Théophanc, Chronographla, année du inonde 5982; Mansi, t. xm, col. 317; Tixeront, op. cit., p. 180, 181. Iconomaqucs aussi, Sévère d’z\ntloche, Pierre le Foulon et cn général tous les acéphales. Mansi, t. xm, col. 253, 317; t. vm, col. 1039. · C’est qu’il y avait, en effet, un lien entre le monophysisme etl’iconoclasme. On sc rappelle que la raison apportée par Eusèbc de Césarée, pour déclarer impossible la représentation de l'humanité glorifiée de Jésus-Christ, est que cette humanité est transformée, divinisée : elle est άληπτος. Pitra, Spicilegium Solesmense, L I, p. 385. Pour les monophysites stricts, c'est-à-dire pour les eutychiens et tous ceux qui admettaient en Jésus-Christ une transformation ou absorption de l’humanité cn la divinité, il est clair que cette raison valait aussi bien pour l'humanité avant la résurrec­ tion. Pour les monophysites moins stricts, pour les sévériens, tracer l’image de Jésus-Christ, c’était tou­ jours séparer en lui l'humain du divin, distinguer deux natures, ce qui n’était point permis. Un des arguments que firent valoir les Iconoclastes pour dé­ [ fendre leur opinion fut précisément cette impossibl- ICONOCLASME 577 llté de séparer en Jésus-Christ le borné el le circonscrit de l’infini ct de l’illimité. Si on prétend ne peindre quo l’humanité, disnient-ils, on divise le Christ, ct on est nestorien : on fait le Christ iOcor.ov; si on prétend représenter à la fois les deux natures, on les confond ct on est cutychien; mais de plus on enferme l’inclrconscriptiblc divinité dans les limites de la chair. ' Mansi, t. xm, col. 252, 256-260. Le monophysisme conduisait donc assez naturellement ù repousser les Images celles au moins de Jésus-Christ, ct il ne faut pas s’étonner que ses principaux fauteurs n’aient pas échappé ù celte conséquence. » Tixeront, Histoire des dogmes, t. m, p. 453-454. En Occident, un mouvement hostile aux images se manifeste à la mémo époque (vi· siècle). La pein­ ture du Christ cn croix dans une église de Narbonne excite un tel scandale que l’évêque est obligé de la faire recouvrir d’un voile. Grégoire de Tours, Jn gloria martyrum, 22; L. Bréhicr, Les origines du crucifix, p. 30-31. C’est dans le midi de la Gaule d’ailleurs, à Marseille, qu’eut lieu en 599 la première tentative iconoclaste. L’évêque Sérénus fit détruire ct briser toutes les images de sa ville épiscopale. Le pape saint Grégoire le Grand lui adressa des remontrances; s’il le loua d’avoir empêché la foule d’adorer les images, il le blâma d’avoir, cn les brisant, privé les fidèles des enseignements qu’elles leur offraient· Epist., xi, 13: et quidem quia cas adorari vetuisses omnino laudavimus, Irégisse vero reprehendimus. Cf. L. Bréhicr, La querelle des images (vw*lx· siècles), Paris, 1904, p. 12. Au début du vin· siècle, au moment où éclate le' conflit iconoclaste, les saintes images étalent odieuses non seulement aux juifs, mais aussi aux mnhométans ct à ces paulicicns dont le parti se montrait alors assez nombreux ct assez puissant en Asie Mineure. Il se trouvait même des chrétiens, voire des évêques, pour découvrir dans lo culte des icônes un obstacle à la conversion de ces infidèles ct de ces hérétiques. 11 n’est pas inutile de rappeler enfin qu’avant de devenir l’em­ pereur Léon, Conon l’Isauricn avait été en contact avec les uns ct les autres au fond de sa province d’origine. II. Causes et origines de l’iconoclasme. — La grande guerre aux images sc déchaîne cn Orient, sous Léon l’Isauricn, ù l’automne de 725. Cf. sur ce point de chronologie, Hefcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. m, p. G32-639; J. Pargolrc, Compte rendu de l’ouvrage de Bréhicr, La querelle des images, • dans les Échos d'Orient, 1905, t. vm, p. 60. Fondateur d’une nouvelle dynastie, doué de remarquables qua­ lités militaires ct administratives, Leon prétendait gouverner l’empire ct l’Églisc, suivant cn cela d’ail­ leurs les traditions césaro-papistes de Byzance. Le mot qu’on lui prête n’a rien qui puisse étonner, malgré le tempérament de rustre ct de soudard auquel il faut l’adapter : βασιλιύς xod tepetîç eftxt. Mansi, t. xn, col. 975. Cc n’est pas d’aujourd’hui qu’on s’est essayé à pénétrer les motifs exacts qui poussèrent l'empereur ù déclarer la guerre aux icônes; et l’entente est loin d’être parfaite, entre historiens, sur la valeur de ces motifs. Que l’empereur ait d’abord été inspiré par un zèle sincère de réformateur, la chose est possible, \oirc probable. Γη historien moderne qui a longtemps étudié la période dont il s’agit ici, le P. Pargolrc, écrit : « Λ peine remise de la secousse monothélite, encore prise entre la poussée des Arabes musulmans ct l’in­ filtration des Slaves païens, l’Églisc byzantine devint la proie de l’iconoclasme. Ainsi le voulut un empereur chez qui le désir de tout réorganiser ne sut point sc contenir en de justes limites. Léon Ill était un capi­ taine heureux cl un politique avisé : il pensa que la réforme poursuivie par ses soins dans les questions d’ordre militaire ct civil devait s’étendre également DICT. DE TIIÉOL. CATIIOL. 578 aux choses du sanctuaire, et, frappé de l’importance peut-être excessive donnée aux icônes, il décréta d’en abolir le culte et l’usage. » L*Église byzantine de S27 à 847, Paris, 1905, p. 253. Des abus, certes, il y en cul dans ce culte des Images. Celles-ci non seulement suppléaient à l’enseignement religieux, par les représentations qu’elles offraient, mais empruntaient, aux yeux des Byzantins, une sorte de personnalité visante de la protection de laquelle on pouvait tout attendre. Le spathaire Jean no donnait-il pas pour parrain à son fils l’image de saint Démétrlus, ct cela à la grande joie de saint Théodore Sludite? P. G., t. xax, col. 962-963. Mais ces abus s’expliquent par le développement prodi­ gieux qu’avait pris le culte des icônes. Cf. Schwarzlose, Der HHderstreit. Ein Kamp/ der griechischen Kirehe um ihre Eigenart und um ihre Freiheit, Gotha, 1890, p. 173. Quoi qu’il en soit, il est difficile de croire qu’une réforme religieuse, devenue nécessaire ou non, fût envisagée seule et pour elle-même, par un empereur de la trempe de Léon l’Isauricn. Cc n’est pas à dire qu’il ne se piquât lui-même, à l’exemple de Justinien, mais avec bien moins de raisons, de connaissances théologiques. On a vu plus haut ce qu’il aurait déclaré à ce sujet, ct quelle idée il sc serait faite de ses fonc­ tions. AV/CC sa science du gouvernement ct sa hauteur de vues, il est probable qu’il vit dans son rôle d’/sopostolos, un moyen éminemment efficace d’action sociale ct politique. Et quoi qu’on cn ait dit, la guerre aux moines qui fut étroitement liée à la guerre aux images, peut aussi avoir été entreprise pour une raison d’Élat qui s'explique, mais ne sc légitime pas. Cf. Marin, Les moines de Constantinople, Paris, 1897, p. 325 sq.; 1 Icicle, op. cil., t. n, p. 616, note 2. On sait que, peu de temps avant la déclaration de guerre aux Images par Léon l'Isaurien, Omar II avait lui-même pris des mesures hostiles dans les provinces chrétiennes soumises à son pouvoir. Que l'empereur byzantin ait été entraîné par cet exemple, la chose est douteuse. « Subit-il, écrit le P. Pargoire, op. ciL·, p. 253254,comme on l’a prétendu,l'influence de l’islam ou du judaïsme? Ni l’exemple du calife qui proscrivit les images, ni l’intervention de quelques juifs que Léon 111 aurait connus de vieille date ne suffisent à expliquer l’iconoclasme. Le basilcus réformateur obéit plutôt, semble-t-il, ù la conviction personnelle qu'un long contact avec le paulicianismc avait mise cn lui; contact de l'enfance et de la jeunesse, car il était né ct avait grandi aux extrémités orientales de l’empire; contact de 1 âge mûr aussi, car il n’avait cessé de servir ou de commander au milieu de troupes recrutées presque uniquement dans les thèmes de la frontière asiatique. » Plaire à cet te armée imbue d’idées manichéennes ou pauliciennes, ce fut lâ, peut-être, une autre raison politique de celte hostilité contre les images. But politique, but religieux, celui-ci subordonné à celui-là, voilà cc qui semble avoir poussé Léon 111 dans sa malheureuse voie. En somme, cette page I d’ifergenrœthcr concilie assez bien toutes choses, en résumant ainsi les données des chroniqueurs contem­ porains : « On fit croire à cet empereur, soldat grossier et inculte, que le culte des images alors en vogue était un retour à l’idolâtrie, un obstacle â la conversion des juifs et des mahomélans, une cause de décadence pour son empire. Naturellement despote, il crut pou­ voir, avec les ménagements convenables, arriver à l’exécution de son plan, l’entière abolition de celte coutume, ct briser les résistances de la foule. Léon s'en promettait de nombreux avantages : il élèverait le niveau de la civilisation parmi son peuple, resserre­ rait l’unité de son empire» en même temps qu’il acquerrait quelque chose de la puissance universelle VIL — 19 579 ICONOCLASME des mahométans. On prétend que le calife Soliman (714-717) favorisa sa nomination et que son succes­ seur, Omar il (717-720), essaya de lui inculquer la doctrine du Prophète. Léon III voulut d’abord pré­ luder à l'abolition des images par les voies de la per­ suasion; mais plus tard, quand la résistance dépassa son attente, i! recourut à la force ct commit les plus graves attentats contre la liberté dc conscience. Il révéla sa cruauté dès Pan 722, en contraignant les juifs à recevoir le baptême, en réduisant par des mesures barbares les montanistes (ou manichéens) au désespoir ct plusieurs au suicide. Énergique, mais sans expérience dans les choses religieuses, dépourvu de toutes les qualités requises dans un réformateur de l’Églisc, conseille par des prêtres nourris de pré­ jugés étroits, Léon no s'effrayait pas d'une lutte qui allait accroitrclaconfuslon dansson empire ct ébranler puissamment la paix, d’autant plus qu’il n'était pas facile d'amener la majorité du clergé et surtout des moines, ni la masse du peuple, ù renoncer au culte des Images, si nrofondément enraciné. > I lergenrœther, Histoire de Γ Eglise, trad. Bélct, t. in, p. 57-58. Dans l’épiscopat oriental des premières années du vni· siècle, un Important parti iconomaquc sc ren­ contre, dont les membres jouissent auprès dc l'em­ pereur d’un puissant crédit. Parmi ccs évêques, on remarque Théodore d’Éphèse, tils de Tibère II, conseiller secret, Thomas de Claudiopolls ct Constantin de Nacolia en Phrygie; ils ont avec eux lo patrice Besser, renégat dc Syrie redevenu chrétien. Mansi, t. xu, col. 9G7; t. xm, col. 100, 105, 108. Le mouve­ ment d'hostilité contre les images se dessine dès I l'année 725; d'accord avec les trois évêques, Bcsscr paraît d’abord en avoir l’initiative. Constantin dc Nacolia, déjà sévèrement blâmé par son métropolite Jean dc Synnade, sc rend ù Constantinople, en vue de gagner à sa cause le patriarche saint Germain. Celui-ci, qu'une lettre dc Jean do Synnade a dûment prévenu, ne se laisse point surprendre, mais répond habilement aux arguments scripturaires invoqués par Constantin; l'entretien so termine par la capitu­ lation de l’iconomaque, qui promet même dc mettre un terme à ce scandale. Promesse hypocrite qui ne fut point tenue. Mais l’hérésie naissante a trouvé désormais un adversaire redoutable : Germain dc Constantinople, après son entrevue avec Constantin dc Nacolia, s’empresse d’écrire à Thomas de Claudiopolis une longue lettre dans laquelle il défend énergiquement la pratique dc l’Églisc. P. G., t. xcvm, col. 15G sq. Germain est le premier champion de l’orthodoxie. Devant l’échec de scs courtisans, force est à Vcmpercur de sc découvrir et d’intervenir per­ sonnellement. Son premier édit parait en 72G, décla­ rant que les images sont des idoles formellement réprouvées par Γ Écriture. Exod., xx, 4, 5. Léon n'ordonne pas seulement, comme le laisse croire une traduction latine dc la Vie de saint Etienne le Jeune, Baronius, Annales, an. 72G, dc suspendre les images plus haut afin dc les soustraire à la vénération des ildèlcs. L'histoire du spathalre Jovinus, obligé d’em­ ployer une échelle pour atteindre l'icône du Χριστό; i/τ ςΜ/ητή; et de la briser ensuite à coups de marteau, et l'émeute dc Chalcopratela, Theophane, Chronogr., an. 6215; Mânsi, t. xn, col. 969, prouvent qu’il s’agis­ sait d’une véritable destruction. Quoi qu’il en soit, | • cette déclaration d’hérésie, bientôt connue, souleva un long cri d'indignation à travers l’empire. Di*s officiers mécontents en profitèrent pour lever l’éten­ dard dc la révolte au nom dc l'orthodoxie. C’étaient Agallianos ct Étienne, qui exerçaient un commande­ ment dans la Grèce ct dans les Cyclades. Leur Ilot te força l’entrée dc la Propontide, mais elle fut battue dans les eaux de la capitale, le 18 avril 726, ct Léon 580 se trouva libre dc répandre son hérésie, rendue obli­ gatoire par décret. * Pargolre, L*Eglise byzantine, p. 254. Cf. Nicéphore dc Constantinople, Breviarium, dans Opuscula historica, édit, dc Boor, Leipzig, 1880, p. 57-58; Théophane, Chronographia, an. 6218 sq.; Mansi, t. xin, col. 100-128; Vita Germani patriar­ chs, η. 16-18, dans Μαυροχοροάτηο; jnüXcoOqxif, Con­ stantinople, 1881, t. π, p. 3-17. Λ en croire les chroniqueurs byzantins, un autre événement dc cette même année 726 détermina l'empereur a réaliser scs projets. Entre les Cyclades Théra ct Thérasla, au nord-est de l'ile de Crète, un volcan, faisant subite ment éruption du sein do la mer, causa dc grandi ravages aux îles ct aux côtes environnantes. Pour Léon III et Besser, il y avait là un châtiment dc Dieu manifeste, attiré sur l’empire par la vénération · Ido· lAtrique des images >, donc une raison décisive dc continuer leur œuvre salutaire. Théophane, loc. cit.; Nicéphore, Breviarium, p. 57. III. La RÉSISTANCE ORTHODOXE ET LA PERSÉCU­ TION de Léon l'Isauiuen (729-740). — 11 semble que tout d’abord, jusqu'en 729, le basileus sc soit peu préoccupé d'obtenir une sanction doctrinale à scs mesures. Mais le 17 janvier de cette année, il sc décide à frapper un grand coup, en mettant Germain en demeure ou d’abdiquer ou dc contresigner le décret de 72G. Fidèle à ses déclarations précédentes, le pa­ triarche proteste, et se retire dans sa propriété de Platanion. Nicéphore dc Constantinople, Breviarium, p. 58; Théophane, Chronographia, an. G221; Vita Germani, op. cit., η. 25-27. C’est alors que, deux jours après, le 19, se produit l'émeute dc Chalcopratela, provoquée par la besogne infâme de Jovinus. Le 23 du même mois, Icsynccllc Anastase, créature dc Léon III, prend officiellement possession du siège dc saint Germain, entraînant dans son erreur une partie de l'épiscopat byzantin. Cependant, dans les Églises mclkltcs, soustraites de par leur situation à la juridiction dc l’empereur, des voix s'élèvent pour défcnarc la légitimité des pratiques iconophiles. Ce sont celles de Jean de Damas ct‘dc Georges dc Chypre. Théophane, Chronographia, an. 6221 ; Mansl, t. xn, col. 265-270; Liber pontificalis, édit. Duchesne, Li, p. 415,416. Le papesaint Grégoire 11 (715-731), à qui saint Germain en a appelé, avant même dc recevoir cet appel, fait entendre lui aussi sa parole : aux promesses, aux menaces, aux préten­ tions exprimées par Léon 111, Il répond point par point, avec une énergie apostolique dont le basileus a peine à s'accommoder. A la lettre intronistlquc d’Anastase, il réplique par une menace de déposition si l’intrus ne s'amende. Cf. Liber pontificalis, t.i,p. 415, note 45. Grégoire 111 lui succède en 731 ct fait pa­ raître la même fermeté, à peine monté sur le siège ponti lied. Mansi, t. xn, col. 267-270; Théophane, Chronographia, an. 6221; Liber pontificalis, t. I, p. 415, 416. A cinq reprises, par des lettres adressées à Anastase ct aux deux empereurs, Léon et Constantin (Copronymc), il réclame en faveur dc l’orthodoxie persécutée. Au surplus, il n'attend pas plus longtemps pour mettre au point la question doctrinale. Un concile dc quatre-vingt-seize membres sc tient le 1er novembre 731, à Home, à la Confession dc saint Paul; on y décide ut si quis deinceps, antiqun· consue­ tudinis apostolicæ Ecclesiae tenentes fidelem usum contemnens, adversus camdem venerationem sacrarum imaginum, videlicet Dei et Domini nostri Jesu Christi ct Genitricis ejus semper virginis immaculatae atque gloriosa Mariae, beatorum apostolorum et omnium nanctorum depositor atque destructor ct pro/analor vel blasphemas extiterit, sit extorris a corpore ct sanguine Domini nostri Jesu Christi, vel totius Ecclesia unitate atque compage. Liber pontificalis, t. i, p. 416. 581 ICONOCLASME Sur ces entrefaites» le basileus met a exécution le projet, qu'il nourrit depuis quelque temps, d'agrandir ct de fortifier le patriarcat cons tan tinopoli tain. L’isaurlc, son pays natal, est détachée d'Antioche par décret impérial ct, avec la métropole dc Sélcucic ct environ une vingtaine d’au tics sièges, réunie ù Constantinople; scs prétentions annexionnistes s’éten­ dent jusqu'à l’illyrlcum, qu’il espère soustraire Λ la juridiction de Home. Cf. Duchesne, L’Illyricum ecclésiastique, dans Églises séparées, Paris, 1905, , p. 229-279. En attendant, furieux de la sentence conci­ liaire, il s'empare des revenus que l’Églisc romaine retire du patrimoine dc saint Pierro, en Sicile et dans les provinces méridionales. Le légat pontifical qui doit lui remettre 1rs décrets portés par le concile est arrête ct jeté dans une prison dc Sicile. Enfin, la rage au cœur, Léon équipe une flotte, la dirige sur ΓItalie, avec mission de vaincre les résistances du pape ct des populations italiennes. La flotte sombre dans l'Adriatique, ct l'empereur s'en venge sur les Siciliens et les Calabrais, qu’il charge d'impôts. Repré­ sailles d’un homme impuissant : mieux vaut pour lui désormais sc contenter dc consolider son œuvre. Cette œuvre, il la confie en mourant, le 18 juin 740, ù son fils Constantin V Copronymc, qui la continuera avec une ardeur égale, mais avec plus de cruauté. Mansl, t. xn, col. 299 Théophane, Chronographia, an. 6224. IV. Le coxauAnuu iconoclaste d’Hiéria (753). — Constantin VCopronymc s'employa, dès son acces­ sion au trône, â propager la doctrine paternelle. Le conflit devint plus aigu que jamais : on pouvait sc croire revenu aux plus mauvais jours des anciennes persécutions. Mal en prit toutefois au jeune basileus de cette politique sanguinaire. Son beau-père, le général Artavasde, s'appuyant sur les orthodoxes et profitant dc l’impopularité du gouvernement icono­ claste, lève l’étendard de la révolte, sc déclare le pro­ tecteur des saintes icônes ct enlève Constantinople Λ Copronymc. Anastase, l’ignoble Anastase, ne fait pas dc difficultés à changer d’opinion ct dc maître; il couronne le rebelle, ct rétablit immédiatement les images. Son revirement est complet, lorsqu'il excom­ munie Constantin, comme hérétique ct renégat. Mais celui-ci, marchant sur sa capitale, la reprend, ct, après avoir Infligé à Artavasde un châtiment exem­ plaire, punit également Anastase, dont il n’a pas dc peine à obtenir le retour â l’hérésie (novembre 742). Il était dc bonne politique dc consolider les résultats obtenus plutôt que d’en chercher dc nouveaux. A cet cfiet, l’empereur s’en tient pendant plusieurs années à la tolérance relative dont Léon 111, son père, avait dû s'accommoder. Cependant, en 752, le moment lui semble venu de demander A l’épiscopat vendu à sa personne la décision doctrinale ct les anathèmes qui peuvent appuyer les décrets de répression do l’État. Dc petites assemblées préparatoires se réunissent çù ct là, dont les résultats satisfont do tout point les vues de l’empereur. Théophane, Chronographia, an. 6244. Puis c’est le grand concile projeté qui s’ouvre, lo 10 février 753, au palais impérial d’Hiéria, dans la banlieue bilhyniennc do Constantinople. Trois cent trente-huit évêqucs y prennent part ct bien quo les patriarcats d'Antioche, de Jérusalem ct d'Alexandrie, non plus quo le pape, n’y soient représentes, ilse pro­ clamo œcuménique. A defaut du patriarche Anastase, mort depuis quelques mois, c'est Théodosc Apsimar d’Éphèse, le confident de Léon III, qui prend la pré­ sidence. Constantin do Nacolia n’est plus, ni Thomas dc Claiidlopolls, mais l’un ct l’autre ont d’heureux continuateurs dans Sislnnlus Pastillas de Vergé en Pamphylie et dans Basile Trlcacabos d'Antioche en Plsldlc. Mansl, t. xn, col. 1010; Théophane, Chrono­ graphia, an. 6245; Adversus Constantinum Cabalin., 582 η. 15, P. G., t.xcv, col. 332 : Vita l Slcphani Junioris P. G., t. c, col. 1121; Nicéphore de Constantinople, Breviarium, p. 65, 66. On a peu dc renseignements sur la marche du concile. Les actes en sont perdus ct nous n'avons son 8poç ou décision finale, suivie des annthérnaLlsmes, que par les actes du \ II· concile œcuménique. Mansl, t. xm. col. 208-356. On notera que Je siège patriarcal, laissé vacant par la mort d'Annstase, n’avait pas reçu de titulaire avant l'ouverture du synode, sans doute pour attirer plus facilement aux vues dc l’empereur les ambitieux. Cependant aucun des chefs iconoclastes ne fut élu. Le 8 août, l’assemblée s'étant transportée à Sainte-Marie des Blakhcmes, le choix impérial dé­ signa Constantin, ex-évêque de Sylée en Pisidie, un homme qui était semblable au basileus et par le nom et par les mœurs,un φατρίαρ/η; plutôt qu’un ζιτρ χργτ ς. Théophane, Chronographia, an. 6245; Nicéphore, Breviarium, p. 65 ; Vita I Stephani Junioris, col. 1112. Enfin, le 28 du même mois, eut lieu sur le forum la proclamation solennelle des décrets conciliaires. Dans la discussion dogmatique qu’ils contenaient, il faut rclcv cr la raison invoquée par les évêques iconoclastes pour établir l’impossibilité dc peindre des images de Jésus-Christ en particulier. Ou l'on prétend.disait-on. représenter tout Jésus-Christ, homme et Dieu, ct alors on circonscrit la divinité ct l’on confond les natures; ou bien on ne figure que l’humanité, et, dans ce cas. on divise ce qui doit être uni, on fait un corps ά'έωτσν ct l'on tombe dans le nestorianisme. Mansi, foc. cil.. col. 252-260. On ajoutait que l'eucharistie est l’unique image que le Sauveur nous ait donnée de lui-même. Ibid., col. 261-264« Quant aux images de la Vierge ct des saints, on prétendait suivre la seule ct véritable doctrine dc l’Eglisc, en les repoussant comme des idoles ct en considérant leur culte comme une forme d’idolâtrie. Ibid., col. 273. Pour appuyer ces decla­ rations, on mettait en avant dc nombreux textes, scripturaires ct patristiques, habilement choisis ct tronqués. Conclusion pratique : « Nous décrétons, disait-on, que, dans les églises des chrétiens, toulc image matérielle ct toute peinture doit être enlevée comme une chose odieuse ct abominable. · Ibid., col. 323.« Que personne désormais n'ose plus commet Ire un acte aussi impie ct aussi néfaste que la fabrication d'une Icône. Quiconque à l'avenir osera en faire une ou l’adorer, ou la placer dans une église ou la cacher dans une demeure particulière, sera déposé s'il est évêque ou prêtre, anathéinatisé s’il est laïque ou moine. Il sera puni par les lois impériales comme rebelle aux commandements dc Dieu, ct ennemi de la doctrine des Pères. » Ibid . col. 327. Suivaient les anathèmes reproduisant, sous la forme qui leur est propre, les décisions doctrinales. Le dernier était porté contre les grands iconophiles, Gennain dc Constantinople» Georges de Chypre ct surtout Man­ sour, surnom donné à saint Jean Damascènc (le synode, par un jeu de mots grecs» déclarait que la Trinité les avait emportés tous les trois: ή τρ i; tô; τριϊς χχΟιΐλι>). Ibid., col. 35G. On notera avec intérêt qu’en raison sans doute dc certaines dispositions in­ quiétantes dc l'empereur, le conciliabule dc 753, en dépit dc son iconophobic, reconnut très haut la légi­ timité de 1 invocation ct la puissance de Γintercession de la Vierge ct des saints. Ibid., col. 315-348. Constantin ne parlait pas moins que de rejeter le culte des reli­ ques ct l invocation des saints; il aurait même pensé ù nier la maternité divine do Marie. Théophane, nn. 6255, G25S, 6259; Nicéphore patr.» Optra, P, G., t. c, col. 311; Vita Nfcdtr Mcdiciensis, ùans Acta sanc­ torum, aprilis 1.1, ad app., p. xxiv, n. 28. C'est aussi pour réprimer la cupidité plutôt que le zèle de rer1 tains indélicats, que le synode défendit de mettre la 5S3 ICONOCLASME main, sous prétexte de détruire les images, sur les vases sacrés, les ornements sacerdotaux, les linges liturgiques ct autres objets du culte. J bid., col. 329-332. V. La persécution de Constantin V (701-775). — On a tenté de faire du Copronyme un des grands empereurs byzantins, comme on s'est essayé â réha­ biliter les basilcis iconoclastes en général. C'est la thèse bien connue dc l’historien grec Paparrigopoulo, Histoire de la civilisation hellénique, Paris, 1878. Cette œuvre dc réaction historique, assez délicate, n’a pas été sans tomber dans l'exagération. Le tra­ vail de M. Lombard, Constantin V, empereur des Ro­ mains {740-775), dans In Bibliothèque de la Iacuité des lettres, Paris, 1902, en est la meilleure preuve. « Si l’on comprend dans une certaine mesure, écrit le P. Pargoirc, que l'Isauricn, une fois engagé, ait cru devoir Λ son Impérial orgueil dc poursuivre, d'ailleurs très modérément, la lutte entamée, on comprend moins que le Copronyme, point lié par l’initiative dc son père ct averti par l’insuccès dc l’expérience faite, ait jugé bon dc rouvrir l’affaire, d'y épuiser son indomptable énergie, d'y sacrifier la tranquillité ct la vie de scs sujets. Bien, à tout le moins, ne l’excuse dc s'être porté à dogmatiser contre l'épiscopat tout entier, même celui que son Influence avait fait si iconoclaste, ct d’être allé, lui, prince orthodoxe, dé­ terrer du pied dans la nécropole des vieilles hérésies je ne sais quelles opinions saugrenues contre la Vierge et les saints. » Compte rendu dc la thèse citée dc A. Lombard, dans Visant. Vremeny., t. xi (190-1), p. 154sq. Armé des décrets conciliaires d’Hiérla ct d'une haine farouche, Constantin V déclare la guerre aux iconophilcs. On le voit jeter les reliques à la mer, à commencer parcelles de sainte Euphémic. Théophanc, an. 6258. Non content dc détruire les saintes images, il les fait remplacer çùctlà par des peintures d'oiseaux ct dc paysages qui donnent aux édifices du culte des airsde volières ct dc vergers. Vita I Stephani Junioris, col. 1120. Plusieurs de ces édifices se transforment en casernes ou en écuries; d'autres sont abattus ct sur leurs emplacements s'élèvent des dépôts dc fumier. Théophanc, an. G259; Nicéphore le patriarche,col. 493. La guerre aux saints tourne bientôt à la folie : tout cc qui parle d’eux doit disparaître, tout, jusqu'à | l’épithète dc άγιος, que l'on supprime même dans les expressions topographiques. Adversus Constantinum Cabal., η. 21; Vila 1 Stephani Junioris, col. 1144; I Vita Nicelic Med., n. 28. Cependant les ordres de l’empereur ne rencontrent pas partout la soumission. « Autant l'épiscopat s'était fait docile, autant le mona- j chimie montrait dc hardiesse ù défendre la cause des saintes icônes. En punition dc cette iconophilic ct aussi peut-être à cause du nombre important de recrues qu'il soustrayait à l'armée, Constantin lui voua une haine implacable. Déclarant le mot de moine aussi indigne d’être prononcé que celui de saint, il ne désigna jamais les religieux qu'en disant : < ces né­ fastes ». Pour éteindre leur maudite engeance, il porta la peine dc mort contre les supérieurs qui recevraient des novices. Vita Nicelæ Med., n. 29; Breviarium, p. 71, 72; Nicéphore le patriarche, col. 524; Vila 1 Stephani Junioris, col. 1112, 113G, 1137. Pour im­ poser l'observation dc cct édit, pour Imposer aussi la définition dogmatique dc 753, il fit des martyrs. » Pargoirc, L1 Église byzantine, p. 259. I C’est en 7G1 que s'ouvre la persécution. I-c IG mal | de la même année, en effet, périt un reclus des Blakhcnies, Pierre le Calybltc, Acta sanctorum, mail t. nr. p. C25; octobris t. vm. p. 128; en juin (d’après Acta sanctorum, Junii 1.1, p. 402), c’est Jean de Mona>(ria qui est cousu dans un sac ct jeté à la mer. Le 28 novembre 764 voit mourir Étienne le Jeune, ci. 584 Clugnet ct Pargoirc, Vie de saint Aurence et mont Saint-Auxence, Paris, 1904, p. 47-55; le 20 novembre 7GG, André le Crétols. Paul do Crète, Paul le Jeune. Acta sanctorum, octobris t. vm, p. 127, sont aussi des martyrs dc cette époque. La prison du Prétoire, où s'entassent les victimes, compte jusqu'à 342 moines, tous plus ou moins mutilés. Vita I Stephani Junioris, col. 1160. Et qui racontera toutes les scènes Ignobles dont Constantinople et les provinces offrent le scandale? Λ la fin dc 764, on voit le patriarche Constantin monter Λ l’nmbon ct jurer sur la vraie croix qu’il renonce aux images, cc qui ne l’empêche pas d'encou rir la disgrâce du basilcus, ct peu après d'etre exilé ct décapité. Et c'est un eunuque cpd le remplace! Théophanc, an. 6258. Un autre jour, le 21 août 765, l'Hippodromo offre le spectacle odieux dc moines don nant chacun la main ù une femme ct défilant ainsi sous les huées dc la populace. Théophanc, an. G257; Nicéphore dc Constantinople, Breviarium, p. 74; Nicé­ phore le patriarche, col. 524. L'année suivante, c’est toute une bande dc sinistres mandataires que le per sécutcur envoie aux iconophilcs des provinces. Parmi eux sc distingue le stratège des Thrakésiens, Lakhanodracon. « Mieux que scs collègues, Lakhanodracon sut répondre aux désirs du maître. En allant rejoindre son poste, il saccagea le couvent dc Pélécète ct traîna trente-huit dc scs moines au martyre. «Arrivé chez lui, il réunit tous les religieux et religieuses dc son gou vernement dans la plaine d'Éphèso ct leur enjoignit, sous les peines les plus graves, d'avoir ά sc marier entre eux, séance tenante. Après quoi, débarrassé des récalcitrants par l'exil, il livra les images à la destruc­ tion, les reliques nu feu, les monastères au pillage ct bientôt, dans le thème des Thrakhésiens, plus un seul vestige de vie religieuse ne resta. Chrono graphia, an. 6258, 62G3; Vila I Stephani Junioris, col. 11641165. » Pargoirc, L'Église byzantine, p. 261. VL La réaction iconopiiile. Le VII· concile œcuménique, II· de Nicée (787). — Le 14 septembre 775, Constantin V mourait, laissant l'empire à son fils Léon IV Khazare. Cct événement allait marquer Je déclin dc la persécution. Le nouveau basilcus, malgré son attachement aux doctrines iconoclastes, aimait la compagnie des moines ct appliquait assez mollement les anciens décrets. A le voir sévir contre certains fonctionnaires iconophilcs, on put craindre un moment un retour ù la politique sanguinaire du règne précédent. Le parakimomène Théophanc, l'une de scs victimes, avait ù peine succombé que Léon IV mourait lui-même le 8 septembre 780. Théophanc, an. 6272. Constantin VL son fils unique, n'avait que six ans : Irène, sa veuve, allait prendre les rênes du gouvernement. Or Irène était une amie passionnée des icônes. De beaux jours s'annonçaient pour l’or­ thodoxie. Celle-ci, d'ailleurs, n'avait jamais été vaincue. En 763, le jour de la Pentecôte, on avait vu les patriarches Cosmas d'Alexandrie, Théodore d'Antioche et Théo dore dc Jérusalem, en communion avec Borne, crier, du haut de 1'ambon, anathème ù l’hérésie byzantine. Mansi, t. xn, col. 680; Vita Joannls episcopi Gothia, dans Acta sanctorum, Junii t. vu. p. 167, note 2. En 767, un concile tenu ù Jérusalem et représentant les trois mêmes sièges, s'était prononcé dans le même sens. Mansl, t. xn, col. 272. Enfin, en 769, d’accord avec ses prédécesseurs, surtout Grégoire II ct Gré goirc III, Étienne III avait consacré la quatrième session d'un synode célébré au Latran, ù examiner ct à condamne! l’œuvred'l liérb. .Man i, t. xu.col. 720, 721, 722, 900; Liber pontificalis, t. î, p. 476, 477. Cependant l’impératrice Irène allait sc heurter dans son œuvre à de sérieux obstacles. Elle devait compter avec l'iconophobie d’un grand nombre d’évêques, dont 585 ICONOCLASM E quelques-uns avaient assisté aux réunions d'Hléria, tandis que d’autres restaient sous l'influence difficile à effacer do leur maître Constantin. Le patriarche Paul IV lui-même, en prenant possession do son siège le 20 février 780, avait prêté le serment iconoclaste qui l'enchaînait à l’hérésie. L'année enfin, pleine d’admiration pour deux princes qui l'avaient menée J à la victoire, animée en même temps d'une haine sectaire que les milieux hétérodoxes où elle sc recru­ tait n’avaient pas dc peine à nourrir, l’armée restait hostile aux images et aux moines. Entre 781 ct 781, la prudente Irène avait com­ mencé par faire élire plusieurs prélats iconophilcs. Théophanc, an. 6268. Puis le 31 août 781, elle obte­ nait du patriarche Paul IV mourant la rétractation solennelle de ses erreurs et l'anathèmo aux hérétiques. Λ Paul IV succédait, le 25 décembre dc la même année, le secrétaire impérial Taraise, qui, sans tarder, condamnait les décisions doctrinales d'Hléria, s’appli­ quait ù regagner à la vérité la majorité des Constantlnopolitains, et, heureuse initiative, demandait un concile général. Cette demande entrait pleinement dans les vues d'Irène, qui, le 29 août 785, envoyait une ambassade au pape Hadrien pour lui proposer la convocation du concile en question. Mansi, t. xn, col. 981-986; Théophanc, an. G276, 6277; Vita Tarasii patriarch., édit. Heikcl,dans Ignatii diaconi Vila Tarasii archiepiscopi Constantinopolitani. Acta Societatis scientiarum Fennica, t. xvn (1891), p. 397,18-101,19. Elle disait mémo au pontife : « Dieu, qui veut nous conduire tous à la vérité, demande que votre paternelle sainteté paraisse elle-même ù ce concile ct vienne jusqu’à Constantinople, pour confirmer les anciennes tradi­ tions au sujet des vénérables images. » Mansi, loc. cit. Le pape répondit à Irène ct à Constantin VI par une lettre latine détaillée, Mansi, loc. cit., ct col. 1055-1072. où il exprimait sa joie de voir les empereurs revenus à l'orthodoxie ct les félicitait dc leur zèle à rétablir le culte des imagçs. Dans la dernière partie dc sa ré­ ponse, Hadrien se montrait fort étonné cependant que la lettre impériale sollicitant la confirmation de l'élection dc Taraise, eût donné à cc dernier le titre orientaux qui gardaient secrète­ ment des opinions iconoclastes. Au début do son règne, force fut au nouvel empereur dc rendre le res­ pect officiel aux images; mais dès la Pentecôte de814, on le vit charger le lecteur Jean Morokharzanios, dit Ifylilas, dc composer avec quelques complices un recueil dc textes iconoclastes; puis, dans un entre­ tien avec le patriarche Nicéphore, il demandait que l'on supprimât tout au moins les images placées trop bas, à portée des baisers du peuple. Chronographica narratio sen Vita Leonis Armcni, P. G., t. cvni, col. 1024-1028,1228; Vita Nicctir Med., n. 31 ; Théodore Studitc, Opéra, P. G., t. xax, col. 372. La guerre aux icônes allait reprendre, c'était évident. L'exil du patriarche Nicéphore, en mars 815, inaugura les hostilités. Nicéphore fut remplacé par un allié do la famille dc Copronyinc, Théodote Méllssênc Cassi teras (1er avril 815), qui s’empressa, dès son avènement, de réunir un conciliabule à Sainte-Sophie, sous la prési­ dence dc l’empereur. On devine quels furent les ré­ sultats dc celle assemblée. Un traité inédit de Nicé­ phore, récemment retrouvé, à la Bibliothèque nationale de Paris, fonds grec, /250, xiv· siècle, donne des fragments des actes du conciliabule. Cf. D. Serruÿs, Les actes du concile iconoclaste de l'an 515, dans les Mélanges d'archéologie ct d'histoire, 1903, t. xxm, et Hcfele, Histoire des conciles, t. m, p. 1217 sq. Les projets dc Léon Γ Arménien reçurent, dès leur 5S9 ICONOCLASME manifestation, la désapprobation des orthodoxes, des moines surtout. Après l’exil de Nicéphore, Théodore Studitc ne craignit point d’organiser, le dimanche des Hameaux, une procession où scs mille moines parurent avec des Icônes. Convoqué au concile de Sainte-Sophie, il refusa de s’y rendre tant que le patriarche légitime serait déporté. H fut exilé. Ainsi commençait la seconde persécution Iconoclaste qui atteignit plus de victimes encore que celle de Con stant in V. L’été de 815 se passa tout entier à incarcérer des évêques ct des hlgoumènes, auprès desquels étalent introduits d'habiles tentateurs. Parmi ccs derniers, il faut mentionner cc Jean Morokharzanios, que nous avons vu seconder si fidèlement les projets «le l'em­ pereur, ct aux côtés de qui sc distinguait le prêtre mœchlen, Joseph. C’était de nouveau la destruction systématique des images, des œuvres d’art, des vases sacrés, des vêtements liturgiques. Les fidèles étalent contraints par la violence dc recevoir la communion des prêtres iconoclastes. Surtout, c’était le retour aux scènes douloureuses de jadis : moines expulsés, monastères saccagés, iconophiles jetés à la mer en des sacs ou soumis à toute sorte de mauvais traite­ ments, martyrs succombant sous les fouets ou dans les cachots. Vita Niccphori patriarchs:, p. 206; Théodore Studite, Opera, P. G., t. xax, col. 1157; Vita Leonis Armcni, P. G.» t. cvni, col. 1035; Mansi,t. xiv,col. 139. Parmi ccs héros, H faut saluer le chronographe Théo· phane, si souvent nommé ici. Acta sonet., martii t. n, p. 218 sq. Dans la nuit dc Noël 820, Léon Γ Arménien était assassiné par des conjurés à la tête desquels co trou­ vait un dc scs compagnons d’armes, Michel le Bègue. Celui-ci, proclamé empereur, rapporta les sentences d’exil ct ouvrit la porte des prisons. En vain cepen­ dant Théodore Studitc, rentré à Constantinople, essaya-t-il d’obtenir dc lui une restauration des Images; en vain l’ancien patriarche Nicéphore em­ ploya-t-il son zèle à cette même On. Le basûcus pensa aboutir à d’heureux résultats en réunissant un concile où amis et ennemis des images siégeraient ct discuteraient ensemble. Mais les orthodoxes, Théodore en tète, refusèrent cc traitement d’égalité; que si quelque point restait encore qui n’eût pas été élucidé d’une manière pertinente par les patriarches, on devait, déclarait l’higoumènc, le soumettre au jugement de l’ancienne Rome, ■ cette Église étant la tête des Églises de Dieu, puisqu’elle a eu Pierre pour premier évêque, celui-là même à qui le Seigneur a dit : Tu es Pierre, etc. » Mansi, t. xiv, col. 400, 401. Michel 11 s’étalt efforcé do gagner ù ta cause le pape Pascal Ier ct Louis le Débonnaire. 11 Importo de noter que, dans sa lettre ù l’empereur d'Occldcnt, le basikus distingue l’usape des saintes images dc leur culte. Leur usage est licite, H est ordonné à l’instruction, ut ipsa pictura pro scriptura habeatur; mnis de leur culte, Michel ne veut point entendre parler, parce que, déjà défendu, il a dégénéré en pra­ tiques puériles ct superstitieuses. Mans!, t.xiv,col.417422. Au mois d’octobre 829, l’empereur Théophile suc­ cédait à Michel le Bègue. Tout d’abord modérée, mais systématique ct continue, la persécution icono­ claste éclata furieuse, dès l’intronisation patriarcale du fameux courtisan Jean Morokharzanios, en avril 832. Un semblant dc synode s’ensuivit : Il sc tint aux Blakhcmcs et jeta de nouveaux anathèmes aux iconophiles. Partout, ce fut le régime dc la terreur; une nouvelle fois les prisons sc remplirent dc moines cl d’évêques ; rilod’Aphonsia, nu sud dc la Propontide, fut un des lieux d’internement les plus peuplés; elle donna asile en particulier à ces deux glorieux frères 590 ct confesseurs, Théodore ct Théophane, dits Grapti, parce que sur leur front le bourreau grava, le 14 juillet 836, juMpi’à douze vers lambiques, douze vers remplis d’injures ct d'outrages! Vita Theodori Grapti, P. G., L cxvi, col. 653-684, n. 25. La mort de l’empereur (20 janvier 8-12) mit un terme à la persécution. Le bourreau couronné s’étei­ gnait dans le sang : Il mourait en tenant, non pas un crucifix, mais la tête d’un général, exécuté sur son ordre. VIII. Le triomphe de l'orthodoxie (843). — Il semble que l’iconoclasme ait donné son dernier effort avec Théophile. Celui-ci, en mourant, laissait le pou­ voir aux mains dc sa veuve Theodora ct de son ills Michel, un enfant. Theodora était iconophilc. lui si­ tuation sc présentait donc comme à l'avènement d’Irène. Mais, comme en 780, l'abrogation de l'iconoclasmc sc heurtait à un grand nombre de difficultés venant dc l'armée ct du clergé, sans compter que l’impératrice aimait passionnément son mari et n'en­ tendait pas laisser tomber l’anathème sur la mémoire dc Théophile. Écarter le patriarche Jean, tel était le premier de­ voir à remplir. Un homme qui avait toute la confiance de Theodora allait le remplacer. En mars 843, le siège patriarcal recevait pour titulaire l’ancien higoumèna tic Khénolaccos, saint Méthode, qui avait souffert pour la foi sous Michel IL < Les lèvres mutilées par le fer des iconoclastes, obligé, dans les fonctions pu­ bliques, dc soutenir scs mâchoires brisées par de blanches bandelettes qui devinrent pour scs succes­ seurs les insignes ct la parure de leur pontificat. Il conservait assez dc verve ct dc voix pour dicter scs hymnes ct scs discours, toujours redoutables aux ennemis des images. » Marin, Les moines de Constan· tinople, p. 360. Une réparation s'imposait ensuite pour toutes les erreurs ct toutes les fausses victoires dc l’iconoclasme. Après le synode réuni pour déposer le patriarche Jean (19 février 843), on songea à célébrer, avec la plus grande solennité,le rétablissement de l’orthodoxie. Un imposant concours dc moines et d’homologètes, la plupart portant sur leurs corps les preuves de leur héroïque constance, ajouta à la grandeur dc la mani­ festation projetée. Ce fut le 11 mars de cette même année 843, au premier dimanche de carême, que la grande fête qui porte encore aujourd’hui le beau nom dc fête dc TOrthodoxic, consacra le triomphe définitif dc la vérité. On chanta cc jour-là, comme on les chante encore dc nos jours, les odes triomphales du martyr Théophane Graptos, ct celles d’un disciple du Studite. « Nous gardons les lois dc l’Égllse observées par nos pères, nous peignons les images, nous les vénérons de notre bouche, dc notre cœur, de notre volonté, celles du Christ ct celles dc tous les saints. L’hon­ neur ct la vénération adressés ù l’image remon­ tent au prototype : c’est la doctrine des Pères inspirés dc Dieu, c’est celle que nous suivons, ct nous crions avec foi au Christ : Bénissez le Seigneur, vous toutes, scs œuvres. » Baronius, an. 842, n. 28; Nlllcs, Kalendarium, 2· édit., 1897, t. n, p. 101; Marin, De Studio, cœnobio Constantinopoltlano, Paris, 1897, p. 52,108,109. Quand le patriarche saint Méthode mourut, le 14 juin 847. « rien plus ne restait dc l’iconoclasme, sauf un surcroît d'amour pour les images et une exagéra­ tion dc culte à leur endroit. Fallait-il causer tant do trouble et verser tant dc sang pour aboutir à cc ré­ sultat? » Pargoirc, op. cit., p. 271, 272. IX. La thLolooib des images; i~a doctrine de saint Jean Damascene. — Les iconomaques ren­ contrèrent trois grands adversaires : à Byzance, le patriarche Germain; en Occident, le pape Grégoire II, et en Orient saint Jean Damascènc. 591 CONOCLASME La justification patristique du culte des images est ébauchée par saint Germain, dans sa Lettre d Thomas de Claudiopolis. Mansi, t. xni, col. 108. On sait que les deux lettres du pape Grégoire II à l’empereur, Mansi, t. xn.col. 959 et 975, ne sont pas authentiques, mais clics n'en possèdent pas moins une réelle valeur documentaire. Elles révèlent l’état d’esprit de ces Orientaux, si peu soucieux d’ordinaire de mêler les papes de Home à leurs affaires, et, dans la circonstance, faisant do Grégoire, qu’il le voulût ou non, lo cham­ pion des orthodoxes et le chef de l’opposition. Cf. 1L I ïubert, Élude sur la formation des États de Γ Église; les papes Grégoire J/, Grégoire III, Zacharie et Étienne II, et leurs relations avec les empereurs icono­ clastes, dans la Revue historique, 1899, t. lxix, p. 1-40, 241-272. Lc véritable théologien de la résistance orthodoxe fut saint Jean Damascène (t 749). Ses discours apo­ logétiques lui attirèrent l’animosité de Léon l’Isaurien. L’épisode de la main coupée, qui se rapporte â la période de 717 à 741, et qui survint â la suite d’un odieux guet-apens, montre, avec ia piété de Jean envers la sainte Vierge, la haine dont le poursuivirent les membres de la dynastie isaurienne. C’est dans les trois discours sur les images 11 poç του; διαβαλλοντας τα; άγια; ιίχόνα;, P. G., t. χαν, col. 12321420; cf. aussi De fide orthodoxa, ιν, 16 — le pre­ mier date probablement de 726, le deuxième de 730 environ, lo troisième d’un peu plus tard — qu’il faut chercher la position doctrinale prise par le saint docteur. Tixeront, Hist, des dogmes, l. m, p. 459, 460, la défi­ nit avec netteté. Rien ne s’oppose a la confection des images religieuses : Dieu lui-même, invisible, illimité, incorporel, parce cju’il s’est fait homme, peut être représenté: θύτην αόρατον :ΐζον·ζω θεότητα άλλ’ cfxoνίζω Ocoy την όραΟησαν σάρχχ, ϊ, 4, 16; m, 6. Les anges, les démons, les âmes humaines sont des êtres imma térlcls sans doute, mais qui ne sont pas simples; ils sont finis, et c'est sous des images ou figures qu’ils nous ont été révélés, ni, 25. Quant à l'usage de ces images, Jean de Damas en établit la légitimité par l’abolition, sous la loi de grâce, de certaines prohibitions del'Ancien Testament, i, 6-8; u, 7, 8; m, 8; par l’exemple de Dieu lui-même, du Père dont le Fils est l’image, i, 9; ni, 18; du créa­ teur en qui se trouve l’image de tout le créé, i, 10; in,19; par l’histoire et scs monuments, image du passé, i, 13; m, 23. La légitimité du culte lui-même est enfin fortement démontrée. Sans doute, les images sont de la matière, elles sont créées. Mais n’allons pas médire de la ma­ tière: elle n’est pas sans valeur, μή χάζ'ζι την ύλην· ού γαρ άτιμος, ι,16; π, 13, 14. < D’ailleurs, il faut distin­ guer plusieurs sortes de culte. Lc culte rendu aux images n’est pas un culte absolu, mais relatif, qui se rapporte, en définitive, à l’original. C’est lo grand principe proclamé par saint Basile : ή γαρ τή; <ίχόνο; τ μη χρο; τον πρωτότυπον StaCxÎvti, ι, 21. Ensuite autre chose est l’adoration de latrie (ή τής λατρίίας προσκύ­ νησή), autre chose l’adoration de respect (ή lx τιμή; προσχγομένη), qui a pour objet les personnes ou les choses en qui sc trouve quelque excellence ou quel­ que dignité spéciale, !, 8, 14: car le mot προσχύνησι; signifie bien des sentiments : le respect, l’amour, la crainte révérenticlle, la sujétion, l'humiliation, m, 40. Or, l’adoration de latrie ne se rend qu’à Dieu; malheur ù qui adorerait ainsi les images! i, 16; n, 11 ; m, 9, 40; mais la vénération, l’hommage, la προσχύνησις τιμητ·/.η peut cl doit se rendre à tout ce qui est revêtu de quelque dignité, ni, 40 : hommage religieux, s’il s’agit de choses ou do personnes ayant une excellence religieuse, tels les saints, les reliques, les objets du 592 culte, la Bible, et c'est dans cette catégorie que ren­ trent les images de Notrc-Seigncur et des saints, in, 33-36; hommage civil, s’il s’agit do personnages ayant une prééminence dans l’ordre social, tels que nos maîtres, les princes, etc., m, 37-39. > Tixeront, op. cil., p. 461. Loin qu’il le condamne, Jean de Damas préconise le culte des images, en en montrant l’utilité et les avantages spirituels. Ne dit-il pas quo les images sont des canaux de la grâce, qu’une vertu sanctificatrice leur est attachée comme à des sacrements, en consi­ dération des personnages qu’elles représentent: yipt; δίδοται Οπα ταί; ύλαις διά τή; ιικονιζομί'νωνπροσηγορίας, ι, 16; π, 14? Attribuer aux Images une vertu mystique (μυστήριον), une puissance quasi sacramentelle, voilà bien un des traits de la théologie byzantine. La réflexion finale de M. Tixeront est d’un â-propos parfait. « D’ailleurs, et pour tout conclure, il (Jean) déclarait énergiquement—et cette déclaration lui était plus facile qu'â d’autres, puisqu’il vivait hors des limites de l’empire —qu’il n’appartenait point à l'em­ pereur de trancher cette question de la légitimité des images, et que le prince n'avait, pour lo faire, ni autorité, ni compétence : Συνόδων ταύτα ου βασιλέων, ι, col. 1281. Ου βασιλέων έστί νοαοΟετιίν τή Εκκλησία... βασιλέων ίστ·ν ή πολιτική εύπραςία · η δΐ έχκλησιαστιχή κατάστασι; ποιμένων χαΙ διδασκάλων, ι, 12. Plût Λ Dieu que les grecs sc fussent souvenus plus souvent do ces principes! * Op. cil., p. 462. X. Importance historique et théolooique de l'iconoclasme. — Λ la différence des précédentes hérésies, l’iconoclasmc exerça une influence beaucoup moins doctrinale que pratique. Il doit au césaropapisme et à ia manie dogmatisante des basilcis de s'être si rapidement propagé et d’avoir si longtemps troublé les affaires religieuses et sociales de l’empire. Il représente surtout un de ces grands événements de l’iilstotrc universelle dont les conséquences sont incalculables. On no peut mettre en doute que les persécutions sanglantes, déchaînées par toute une série de règnes iconoclastes, aient achevé de convaincre les papes qu’il n'y avait plus rien Λ espérer, pour le bien do la religion, de ces empereurs d'Oricnt, à la fois héréti­ ques et persécuteurs, et qu’il leur fallait désormais tourner les yeux vers la puissance politique de lOccidcnL Toute cette triste histoire est intimement liée à l'origine du pouvoir temporel des papes, d’une part, et ù la formation du nouvel empire romain, de l’autre. C’est cc que montre fort bien 11. 1 fubert, op. cil., sur­ tout dans le portrait qu’il a tracé du grand pontife Grégoire II, zélé défenseur des traditions éccléslastiques et habile diplomate. De même, ù propos des lettres apocryphes, mais pleines de considérations historiques, du pape Grégoire II ù l’empereur Léon Ill, on a pu écrire que. grâce à elles, on touche peut-être < aux origines de la légende d’après laquelle Grégoire 11 aurait secoué lo joug de l’autorité Impériale, même au point de vue politique et, dans ce but, aurait conclu une alliance formelle avec les Francs. Lc clerc byzantin qui a probablement fabriqué ces lettres a compris que quelque chose de nouveau sc préparait en Italie : de l’extrémité du monde connu, des peuples nouveaux demandaient le baptême au pape de l’ancienne Rome «placé comme un arbitre entre l’Orient et l’Occidcnt »; quels que lussent ses ennemis, les défenseurs ne manqueraient pas saint Pierre : δν α( πασαι βασιλιιαι τής δυσιως ώς Ο.όν ίπίγπον :/ουσιν. ■ Louis Guérard, Les lettres de Grégoire II à Léon Tlsauricn^ dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire, 1890, t. x, p. 60. Et M. L. Bréhler, op. cil., p. 3, a pleinement raison ον~». Anal. Hiemsol., t.i, p. 451-460; Théodore Studite, Anltrrheticus, édit. Simiond.v; P. G., L xax.coL 327 sq.; du même, lettres diverses. P. G , t. XOX, col. 903 sq. — 3· Document* historiques : Théophane, Chmnographia (fait suite à celle de Georges le Syncellc),de l'an 234 à l’an 813, édit, de Boor, 2 vol., Leipzig, 1833-1885, et P. G., t. cvm, col. 63 sq.; cf. Hubert. Observations sur la Chronologie de Théophane, dans la Bgzantinlsche Zeitschrift. 1897, p. 471 sq.; Theophanes continuatus (biographies des empereurs ayant régné depuis 813. continuation de Théophane), P. G., t. αχ, col. 15 sq.; Nicéphore le patriarche. Breviarium rerum post Mauritium gestarum, édit, de Boor, Leipzig, 1880, et P. G., t. G, col. 995 sq.; Léon le Grammairien, Chronieon, P. G., L cvm; Georges le Moino. Chronieon (s’arrête à la mort de Théo­ phile en 812), édit, de Murali, Saint-Pétersbourg, 1859; P. G., t. ex,col. 41 sq.; édit, de Boor,Leipzig, 1904; Joseph Gcn«ios(x*s.),LhTe des Bois, P. G., t. αχ. — 4· Mes de saints: Vila I Stephani Junioris, dans Coteller, Monumenta Ecclesia? græco\ t. iv; P. G., t. c, coî. 1069-1185; Vita 11 Stephani Junioris, dans 'Ε/ϊηνιχος οάολορχος σύλλογος, suppi, archéol. aux t. xxiv-xxvj, 1396, p. 71-79; Vila An· drea in Crisi, dans Acta sanctorum, octobris t. vin. p. 135; Vita Nicephori patriarcha?, édit. de Boor, dans Nlcephorl archiepiscopi Constantinopol. opuscula historica, Leipzig, 1880, ρ. 139-217; Vita Theophanis Confessoris, édit, de Boor, dans la Chronogr., t. il; P. G., t. cvm, col. 9 sq., et d'après le cod. Monae., édit. Krumbachcr, dans Silzungsbe· richte der phtlas.-philol. und der hist. K lasse der K. bayerl· schen Akademle der Wissenschaflen, 1895, p. 389-399; Vila Tarasil patriarchae, édit. Hdkel, dans Ignalii diaconi Vita TariLsit archicpisc. Canstantinop., extrait des Acta Societatis scient. Fennlca*. 1891. t. xvn; Vthr Theodori Studitiv (la première par Michel, la seconde par un Studite), P. G., t. xax, col. 233-328 et 113-232; laudatio Platonis, par Théodore Studite. dans P. G., t. xcxx, col. 801-849. IL TitAVAi X ANCIENS. — J. Daillé, De la créance des Pères sur le fait des images, in-S·, Genève, 1641 (trad. lat.. Leyde, 1642); G. Morel, Traité de Γusage des images approuvées par le septième concile général de Nicée, ai»ec le truité de saint Jean Damascène des images, plus l’origine des icunomagucs, puis de Zonaras, le (ouf traduit du grec, in-Sa, Paris. 1562; S. Maiolus, Historiarum totius orbis omniumque temporum decades · Λ VI *pro defensione sacrarum imaginum, ln-i·, Home, 1585; J. Molanus, De historia sacrarum imaginum et picturarum, pro vero earum usu contra abusus, libri IV, ln-4·, Louvain, 1594, dans Zaccaria, Thesaurus theologicus, 1762, t. IX,p. 402-561 ;et édit. Puquot, ln-4·» Louvain, 1771; N. Alexandre, De iconoclastarum lurrtsi dissertatio, dans Zaccaria, Thesaurus theol., 1762, t. iv, p. 64-33; L. Mahnbourg, Histoire de T hérésie des iconoclastes el de la translation de Vempire aux Français, ln-4·, Paris. 1671; 2* Mit., 1675; 2 in-12, 1678 3 in-16. 1683; 3· édit., 2 in-12, 1679; trad, en hollandais,en italien, en polonais; Talbot, Historia iconoclastarum, in-S·, Purls, 1671; Fr. Spanhciin. Htstoria imaginum restituta, in-8·, Leyde, 1686; Phlladclphius Libicus, De sacris imaginibus dissertatio, dans Cnlogera, Bacctdla d'opuscoli, 1750, t. xlii, p. 1-186; t. xuii, p. 1-110; Wietrowykl, Historia de hocresl iconoclastarum (n compendium reducta, in-12, Prague, 1722; ln-fol., 1723; Waltsgott, De iconolatria Christianorum idolo· latrica, ln-t·. Halle, 1756; Wnlch, Ketzerhistorié, 17S2. t. ix ; Schlosser, Gtschichte der Bilderstürmendcn Kaiser des os· trOmlschcn Belches, ln-8·, Francfort, 1812; Marx, Der BU· I 595 ICONOCLASME IDIOMES (COMMUNICATION DES) dersûvff der byzantin ischen Kaiser. in-S· Trêves. 1839. III. Travaux modernes. — K. Schwiirzlosc, Der BlldentreU. Ein Kampf der gricchlschen Kirche uni ihre Eigenart und uni ihre Freiheit, in-8·, Gotha, 1890; Bury. History of the later Homan empire, 1S89, t. n; A. Tougnrd.La pentcution iconoclaste, d’après la correspondance de saint Théodore Studite, Paris, 1897; Schenk, Kaisers Leo 111 Wallen in Innern, dans Bffiantinlsche Zeitschrift, t. v(1896), p. 256 sq. ; Bcurlicr. Les vestiges du culte impérial ά Byzance cl la que­ relle des iconoclastes, dans In Bevue des religions, 1801, t. tn, p. 319-341. et dans Congrès scientifique des catholiques, 1891, t. π, p. 167-180; Bonwetsch, Bilderverchrung und BUderstreitigkciten, dans Bcalcncyclopddic fur protestanlische Théologie ùnd Kirche, 3· édit., 1897, t. m, p. 221-226; Marin, Iss moines de Constantinople, depuis la fondation de la ville jusqu’à la mort de Photius (330-898), in-8·, Paris, 1897 (principalement c. iv du 1. IV : Les moines et les empe­ reurs iconoclastes); Lombard, Etudes d*histoire byzantine. Constantin V', empereur des Bomains {740-775), Paris, 1902 (Bibliothèque de la faculté des lettres, t. xvi); Bréh 1er, Im querelle des images (F///W.Ï· siècles), Paris, 190-1; Par· goirc, L’Églite byzantine de 527 à 817, Paris, 1905, c, m. C. E.mebeaü. (Communication des). — I. Définition et nature. II. Histoire. III. Règles. IV. Importance dogmatique. I. Définition et nature. — 1° Les théologiens appellent idiome, louôus, cc qui appartient en propre d une nature, et que l’on peut attribuer au sujet possédant cette nature. Par exemple : l'infinité, la toute-puissance appartiennent en propre à la nature divine; on peut donc les attribuer à Dieu; l'intelligence appartient en propre â l'homme; on peut donc dire de Pierre, qui est un homme, qu’il est intelligent. Or, en Noire-Seigneur Jésus-Christ, il y a deux natures en un seul sujet, la nature divine et la nature humaine, possédées toutes deux par le Verbe incarné. Λ cc seul sujet, nu Verbe incarné, on peut donc rap­ porter indifféremment les propriétés de chacune des deux natures. Et, parce que, en Jésus-Christ, cc n’est pas un autre qui est Dieu, un autre qui est homme, tout cc qui est vrai du Christ, dénommé en fonction d’une nature, est donc aussi vrai de lui, dénommé en fonction de l’autre nature. Par exemple, de Jésus on peut dire : Dieu est mort, la mort, propriété de l’humanité étant ici attribuée au sujet Dieu, désignant Jésus, mais en fonction de sa nature divine. Ou bien encore, on dira : Cet homme est adorable, l’adoration étant réservée à la nature divine, mais attribuée ici au sujet qui possède cette nature, quoiqu’il soit désigné en fonction de sa nature humaine. C'est cc qu’on appelle la communication des idiomes, laquelle, on le voit, ne peut avoir Heu que dans l’ineffable mystère de l'incarnation. 2e Le fondement objectif de la communication des idiomes est l'union hypostatique. En vertu de celte union, les deux natures, divine et humaine, ne forment en Jésus-Christ qu’une hypostase. A celle hypostase unique doivent être réellement attribuées les propriétés de chacune des deux natures. En sorte que, considérée réellement et physiquement, la commu­ nication des idiomes n’est que l’union des deux natures en une seule personne, c'est-à-dire l'union hypostatique elle-même. Considérée logiquement, elle est constituée par l’attribution des propriétés hu­ maines au Christ-Dieu, et par l’attribution des pro­ priétés divines au Christ-Homme. 3· C’est verser dans l’hérésie monophysitc que de concevoir ontologiquement la communication des idiomes comme une communication réelle des pro­ priétés d’une nature à l’autre nature comme telle. G est aboutir, en effet, à l'une des théories que I on a ricnaléesà Part. Eutychiantsme, t. v, col. 1602; et que les anciens luthériens ont renouvelées en compreIDIOMES 596 nant ainsi la communication des idiomes en JésusChrist, dans leur théorie de l'ubiquisme. Voir Hypo­ statique ( Union ), col. 512 sq. La doctrine catholique en effet, rejette cette communication réelle de attributs divins à la nature humaine comme telle; elle enseigne seulement, en conformité avec le dogme de l'union hypostatique, que l'on peut attribuer à Jésus-Christ, désigné en fonction de sa nature hu­ maine, les qualités divines, cl vice versa. •1° C’est au contraire verser dans l’hérésie nesto­ rienne que de ne reconnaître dans la communication des idiomes qu'une attribution morale des propriétés d’une nalure-hypostasc à l’autre nature-hypos lose. Si les monophysltcs ont abusé de la communication des idiomes, les nestoriens en ont été les grands ennemis. Voir plus loin. Le Christ étant ontologi­ quement un, constitué par une seule hypostase, l’hypostasc même du Verbe, en deux natures, la communication des idiomes doit être réelle, non par rapport aux natures comme telles, mais par rapport à l'hypostasc unique, dans laquelle sont unies physi­ quement ccs natures. IL Histoire. — 1° La communication des idiomes n'étant, en somme, qu’une manière d’exprimer le dogme de l'union hypostatique, il n'est pas étonnant que, dans la sainte Ecriture, la première formule de l’union hypostatique ait été précisément la commu­ nication des idiomes : attribution au Verbe divin des propriétés de la nature humaine : naissance terrestre, souffrances, mort; attribution à Jésus-Christ homme des propriétés divines : éternité, gloire, toutepuissance, etc. Sur cct usage de la communication des idiomes dans les livres inspirés, voir Hyposta­ tique (Union), coi. 443 sq. Les Pères dcl'ûgc apos­ tolique et subapostolique ont usé du même procédé pour exprimer leur foi au mystère du Verbe incarné, ibid.,col.450sq. ; les symboles consacrent eux aussi la communication des idiomes dans l’énoncé de la fol catholique touchant l’incarnation. Ibid., col. 449-150. 2° Le premier qui ait esquissé Ja théorie do la commu­ nication des idiomes est Origène, De principiis, I. II, c. vi, n. 3; cf. J. IV, n. 31. P. G., t. xi, col. 211, 405; le fondement objectif de la communication des idiomes est nettement marqué dans l'union des deux natures en un seul sujet, union plus intime et plus forte que celle du mari et de l’épouse dans le mariage. Au iv* siècle, la théorie est plus accusée chez saint Éphrem, Sermones in hebdomadam sanctam, ντ, n. 9, édit. Lamy, 1.1, p. 476; chez saint Athanasc, Epist. ad Adelphium, n. 3, P. G., t. xxvi, col. 1073; cf. Contra Apollinarem, 1. I, c. xn, ibid., col. 1113; chez saint Cyrille de Jéru­ salem, Cat., χιπ, c. vj, xxxin, P. G., t. xxxm, col. 780, 812; chez saint Épiphanc, Ancoratus, n. 93, P. G., t. xiJiT, col, 185. Mais saint Grégoire de Nyssc est le plus explicite de tous : non seulement, il expose le fondement de la loi de la communication des idiomes en rappelant l'union intime, ou pour employer son expression, άνάχοασις, le mélange des deux natures, mais il aborde déjà équivalemmcnt la distinction scolastique des tenues abstraits et des termes co ne rcls. Les catholiques, dit-il en substance, n’admettent pas deux Christs et deux Seigneurs, mais les propriétés, actions ou passions que l’on doit, in abstracto, attribuer exclusivement à l’une des deux natures, peuvent, si on les prend in concreto, être attribuées à l'autre nature. Lire tout particulièrement Contra Eunomium, I. V, P. G , t. XIV, col. 705; cf col. 697. Voir aussi S. Grégoire de Nazinnzc, Orat., χχχντπ, n. 13, P. G., t. xxxvi, col. 325. 3° La t béologie latine des premiers siècles, qui sc con­ tente, voir Hypostatiquj (Union), co\ 161.d’énoncer le dogme sans disserter longuement sur les notions de personne et de nature ne pouvait pas manquer 597 IDIOMES (COMMUNICATION DES) 598 Voir Le Hure d'Héraclide, p. 276, 205-207; cf. Labbe, d’user de la loi de la communication des idiomes : on la trouve exprimée cl utilisée par Tcrtulllen, Concilia, t. m, col. 318; lx>ots, Nestoriana, p.205,292; Pctau, De incarnatione, 1. VI, c. v, n. 4, 5; M. Jugic, Arnobe, ci. Hypostatique (Union). col. 455, Phebadius.De 1 'ilii divinitate, c. vni, P.L.,t. xx,coL45 sq.; op. cil., p. 129-130. parΖύηοη,qui ancctcdcmetlrcciirelictrunltépcrson6° Le nestorianisme, postérieur à Nestorius accentue îtellc, en opposant les propriétés des natures, Tractatus, encore l’erreur de l'hérésiarque touchant la communi­ cation des idiomes. Dans le traité De naiioitate Domini 1. H, vin, n. 2; ix, n. 2; vu, n. 4, P. L.» t. xi, col. 413, 417,411 ; par saint I blaire, Tractatus super psalmos, ps. nostri Christi de Thomas d’Édesse, édit. F. Carr, un, n. 12, P. L., t. ix, col. 344. Au début du v· siècle, Rome, 1898, la formule Deus crucifixus atque mortuus saint Augustin emploie la communication des idiomes, est toujours écartée, p. 36. Le second symbole dont il fait la théorie et justi lie le bien-fondé, Contra d'isoyhab 1er sc refuse à dire que Dieu est mort et que sermonem arianorum, n. 8, P. L., t. xlti, col. 688; Mario est mere de Dieu. Voir Chabot, Sijnodicon De Trinitate, 1. I, c. xm, n. 28, col. 840; Serin., ccxni, orientale, dans Notices et extraits des manuscrits, n. 3, P. t. xxxvni, col. 1061 sq.; voir également t. xxxvn, p. 454, 455; Labourt, Le christianisme Cassicn, De incarnatione Domini, 1. V, c. vu, P. L,, I dans l empire perse, Paris, 1901, p. 277. Baba! le Grand n'admet que e l’échange des noms » : on peut, t 4, col. 114, et Lcporlus, Libellus emendationis η. 3, 6, P. L., t. et, col. 1224 (ci. Cassicn, op. cil., L 1, d'après lui, · attribuer $u Christ considéré après l'incarnation et dans scs deux natures, les actions, c. v, t. L, col. 25 sq.), col 1226. 4° lui christologie d’Apollinaire accorde ù la commu­ passions cl propriétés de chacune des deux natures nica! ion des idiomes une place prépondérante. Voir 1 Ainsi, on ne dira pas que Dieu est mort* mais de l’union, que le Fils de surtout Epist. ad Jovianum, et llcpl τής ένότητος. La I bien, à cause du position d'Apollinaire est intermédiaire entre l’aria­ Dieu a été livré pour nous, le mot Fils désignant nisme, qui attribue à la divinité les attributs de ici le Verbe incarné. » Tixcronl, Histoire des dogmes, t. m, p. 58. Voir la thèse de Baba! exposée par lui-même l’humanité, et la thèse antlochicnne, qui préludait déjà au nestorianisme. Voir plus loin. Mais il accentue dans les fragments du De unione, traduits par M. Labourt, op. cil., p. 281,282. On fera donc l’échange sa position dans un sens fortement monophysite; il attribue au Christ entier les attributs propres à la des noms qui appartenaient à chacune des natures nature divine ou au corps; au Verbe, les propriétés en vertu de l’union prosopique. Les noms eux-mêmes, du corps; à la chair, c'est-à-dire au Christ considéré dont on fait l’échange, et qui sont fournis par la dans la chair, celle de la divinité. Voir 11. Lictzmann, sainte Écriture, doivent être divisés en deux classes : Apollinaris von Laodicea, Tubinguc, 1904, p. 250-253, ceux qui appartenaient à la divinité avant son union avec l'humanité, ceux qui appartiennent en propre 185-193; cf. G. Voisin, L’apollinarisme, Louvain, au Christ. La première classe comprend les noms de : 1901, p. 295-297. Relativement à la communication Fils, Verbe, Dieu, Seigneur, Unique, Rayon, Image, des idiomes, la position d Apollinaire est donc encore Vie, Ressemblance de Dieu, Roi, Saint; la deuxième orthodoxe, mais avec une tendance accentuée vers le monophysisme, qui est en germe dans sa théorie classe renferme les noms de : Jésus-Christ, Embryon, ITemicr-né de Marie, Emmanuel, Enfant, Homme, christologique. Voir Hypostatique(Union), coL 469. 5° L’école d’Antioche était principalement visée Fils de Γ Homme» Fils du Très-Haut, Premier-né de par Apollinaire. Déjà Diodore de Tarse et Théodore de toutes les créatures, Premier-né d’entre les morts, Prêtre, Fils de David, Roi, Seigneur, Prophète, Adam, Mopsucslc considéraient la communication des idiomes Image de Dieu invisible, Juste, -Saint, Rocher, Pain, au sens où Apollinaire l’employait, comme un abus, chaque nature gardant, en Jésus-Christ» son activité Vigne, Vole, Porte, Agneau, Pasteur, Sceptre, etc. propre, et qui devait lui être attribuée. C’est donc, en « Cf. Labourt, lac. cit. En face de Nestorius, saint Cyrille rétablit la conséquence de cc dyophysisme, par abus de langage que l’on attribue à une nature, même prise in concreto véritable loi de la communication des idiomes, et il dans l’union hypostatique, les propriétés de l’autre en précise le fondement objectif. Pour saint Cyrille, la communication des Idiomes a deux formes. Tout nature. Nestorius formule d’une façon explicite cette d'abord, clic consiste à attribuer à la personne du nouvelle théorie de la communication des idiomes : « M communication des propriétés ne peut sc faire Verbe incarné les actions, passions et propriétés de la que sur le prosôpon d’union et sur les noms qui le divinité ou de l'humanité : le docteur alexandrin a largement usé de cette première forme de la communi­ désignent. Au Christ, au Fils, nu Seigneur, on pourra accorder tous les attributs divins et humains. Le cation des idiomes et en a justifié l’emploi. Voir De Christ est Dieu parfait cl homme parfait, le Fils aussi, recta fide ad reginas, orat. n. c. xvi, P. G., t. i.xxvi, le Seigneur aussi. Le Christ, le Fils, le Seigneur est à col. 1333; Quod unus s it Christus, P. G., t. lxxv, la fois passible et impassible, mortel et immortel, coi. 1309; Adversus Nestortum, 1. 1, c. vi; 1. 11, c. in; engendré dès l’éternité et né dans le temps, Fils de 1. IV, c. vi, P. G., t. lxxvi, col. 41, 73 sq., 209 sq.; Epist.,XL, xlv, xlvi, n. 3, P. G., t. Lxxvn, col. 196, Dieu et fils de Marie. Mais la communication est interdite par rapport à Dieu le Vcrbo et par rapport 232, 241. Jamais Cyrille n'attribue à 1 humanité à la nature ou personne humaine prise comme telle. » comme telle les actions ou passions de Jésus-Christ; c’est toujours le \ erbe qui agit ou souffre σαρχί. La M. Jugic, Nestorius cl la controverse nestorienne, Paris, 1912, p. 116; cf. Livre d*Héraclide, trad. Nau, p. 87-88, deuxième forme de la communication des idiomes consiste à attribuer à la divinité ou n l’humanité 179-228, 230;cf. p. 148, 321, 323. Nestorius réserve sa prises concrètement,c’est-à-dire à Dieu ou à l’honunc. pensée, au sujet de la communication des idiomes, les actions ou les passions de l’autre nature. « Il s’est dans scs iv· et xn· contre-anathèmes, dans Kirch, lait comme un mélange des propriétés de la divinité Enchiridion fontium hisloriœ ecclesiastics antiquae, et de l’humanité unies, chacune d’elle devenant η. 728, 736, et P. G., t. xlviii, col. 909, 911. De celte participante, dans l’union et par l’union, des propriétés théorie générale découle logiquement la position do de l’autre élément: ώσπιρ άλλήλοις άναζφνχς(5 Λόγο;) Nestorius, relativement au Οιοτόχος. Marie doit être τα των çjoicov βιώαατα. De incarnatione Unigeniti dite χρ στοτοχος, mais non Οιοτόχος. Aussi n’est-on pas P. G., t. lxxv, col. 1244. « 11 faut donc reconnaître étonné de rencontrer fréquemment chez Nestorius que le (Verbe) a donné à sa propre chair la gloire de l’emploi de termes concrets pour les termes abstraits et réciproquement : divinité signifie un Dieu; huma­ l’opération divine en meme temps qu’il a fait sien ce qui est de la chair, et qu’il en a revêtu sa propre nité, un homme, meme lorsqu'il semble les distinguer 599 IDIOMES (COMMUNICATION DES) 600 personne par l'union de l’économie./ά/ώ, col. 1211; individuelle dans le Christ, plus elle sera portée à cf. Scholia de incarnatione, ibid., col. 1380. Mais faire usage des expressions qui nous occupent Ici. Cyrille remarque bien d'ailleurs que cette façon de A cc compte, la communication réelle des idiomes parler n’est légitime qu'à la condition dc considérer la sera plus intime encore et plus frequente chez les divinité et l’humanité dans l'union, Ilomiliæ pas­ monophysites que chez les chalcédonicns... Toutefois, chales, xvn, n. 2, P. G., t. Lxxvn, col. 776; car la le principe dirigeant la christologie monophysltc la portait surtout à user dc la communication des idiomes divinité elle-même n'a pas souffert; le Verbe de Dieu pour attribuer au Verbe tout le côté humain de pris & part n’est pas né dc la Vierge; il n’a été ni garrotté, ni meurtri; il n’est pas mort; il était aussi l’économie. > Objectivement, la communication des impassible dans la Passion que l'est la flamme dans idiomes est donc conservée; mais logiquement, la laquelle est plongé un fer rouge que l'on frappe : le confusion des termes concrets et des tenues abstraits fer est touché, mais la flamme, non. » Epht., xlv, iv, (toute communication des idiomes, dans la christo­ P. G., t. Lxxvn, col. 236, 15; Adversus Nestorium, logie monophysltc, étant in concreto) risque d’aboutir 1. V, c. iv, P. G., t. lxxvi, col. 232; Quod unus sit à la confusion des natures. Et c'est précisément là Christus, P. G.,1. lxxv, col. 1337. Tixcront, op. cit.9 l'erreur monophyslte. p. 71. On pourrait multiplier les citations dc saint 9° Les positions respectives sont désormais prises Cyrille. Voir Pclau, op. cit.,1. IV, c. xv, n. 5. Le fonde­ par les auteurs. Théodorct, dont on sait les tendances ment de la communication des idiomes est donc christologiqucs, ne pouvait pas accepter, sans l'atté­ l’union hypostatique, par laquelle le Verbe dc Dieu a nuer, la loi dc la communication des idiomes, telle fait siennes les choses dc la nature humaine. Les que l'avait formulée saint Cyrille d'Alexandrie. En tenues employés pour exprimer cette idée sont : substance, Théodorct en parle avec justesse. Eranistes, otx.ctoJaOa:, fôtozotctaOat, ou ïotov ποιίισΟχι. Epist., L. dial· II, P. G., t. lxxxiii, col. 145. Les réserves qu’il ad Valerianum, P. G., t. lxxvii, col. 257; Scholia y apporte concernent surtout l'attribution à Dieu et de incarnatione, c. vm, t. lxxv, col. 1577, etc. Les au Verbe des souffrances et dc la mort. Eranistcs, expressions déjà employées par saint Athanase ont dial. III, ibid., col. 264 sq., 268; Critique de l’anathéété reprises par plusieurs Pères postérieurs à saint matisme IV, P. G., t. lxxvi, col. 409, 412; Fragments, Cyrille. Voir Pclau, loc. cil. Saint Cyrille affirme la P. G., t. lxxxiv, col. 62, 639; cf. Critique de l'analhécommunication des idiomes dans les anathématismes matisme XII, P. G., t. lxxvi, col. 449. 11 admet le iv, xn; cf. xi. Dcnzingcr-Bannwart, n. 116, 124, 123. Οώτόχος, sans rejeter Ι’ανΟρωποτόχος. De incarnatione Θιοτόχος n'est qu’une application dc la loi de la com­ Domini, η. 35, P. G., t. lxxv, col. 1477; Critique de munication des idiomes. l'anathématismc I, P. G., t. lxxvi, col. 393; Fragments 8° L’hérésie monophysltc poussée ά des conséquences P. G., t. lxxxiv, col. 62; Epist., cia, P. G., t. Lxxxni, logiques extrêmes devrait aboutir à la négation de la col. 1416. Les auteurs postérieurs n’apportent aucun communication des idiomes, et établir l'identité des élément nouveau dans l’application de ccttc loi dc la idiomes en Jésus-Christ, par suite dc la négation des communication des idiomes : on la trouve formulée et deux natures. A propos d'un monophysltc, Philoxènc, expliquée par Léonce dc Byzance, saint Maxime, M. A. Vaschalde, Three letters o/ Philoxenus, bishop saint Sophrone, et, du côté des latins, par saint o/ Mabbôgh, Home, 1902, p. 45. a soutenu ccttc thèse, Fulgcnce, Ad Trasimundum, c. xxvn, P. L., t. lxv qui, logiquement, devrait également être appliquée col. 291; et principalement par Vigile dc Tapsc, à tous les monophysites. En réalité, cette théorie Contra eutychian., l.V passim, P. L., t. lxii, col 134 sq., extrême ne convient qu'à certaines catégories d’héré­ auxquels il convient d'ajouter saint Grégoire le tiques monophysites, à ceux qui absorbent l’humanité Grand, Moral., J. XVIII, n. 85, 86, P. L., t. lxxvi, dans la divinité et tombent ainsi dans le théopas- col. 89, 90; S. Isidore, Sententiarum, 1. I, c. xiv, P. L., chismc,volr Eutychianisme.L v,col. 1602; à ceux qui t. lxxxiii, col. 565 sq. admettent une métamorphose réelle du Verbe en 10° Saint Jean Damascènc a traité la question dc chair, ibid., col. 1604, et même à certains partisans la communication des idiomes dans le De fide ortho­ de la théorie dc la fusion ou mélange, ibid., col. 1606, doxa, 1. Ill, c. m cl iv, P. G., t. xav, col. 993-1000. et spécialement aux actistètes et aux niobites. Cf. Il en établit le fondement objectif dans la πιριχώρησχ, 'Fixeront, op. cil., p. 112-117. En réalité, beaucoup dc circumincessio, qui existe entre la nature divine et monophysites, et surtout les Sévéricns, admettent la la nature humaine dans le Verbe. Celte circumlncommunication des idiomes. Voici en quel sens : ccsslon, dans l’incarnation, n’est, en réalité, que « Si les termes mêmes dc natures et dc propriétés, dit à l'union hypostatique elle-même. Sur cc terme, voir juste titre M. Lebon, Le monophysisme séuêrien, Hypostatique (Union), col. 504. En vertu dc celle Louvain, 1909, p. 473, étaient essentiels dans la défi­ clrcuminccssion des natures, c’cst-à-dirc en raison nition dc la communication des idiomes, il faudrait dc l'union hypostatique, διά την . — l’union in fieri ne peuvent être appliquées au Christ1. Culte, λατρυ’α.— La signification du mot λατρυα homme, l'humanité n’existant que par l’union; est suffisamment établie par l’usage. Il s'agit du culte on dit : le Verbe s'est fait chair, mais on ne dit pas : souverain et absolu rendu à la divinité comme telle. l’homme est devenu Dieu. 10° La communication des Sans doute, le verbe λατρόυ.·» n'a pas toujours ce sens propriétés, Γάντίδοσις, doit être entendue dans un restreint. Les Septante appellent l’œuvre servile, in­ sens plus large dans l’incarnation que dans la trinité. terdite le jour du sabbat, ίργον λατρευτήν, Lev., χχιπ. bien que l’unité des personnes divines soit plus 7, 8, 21 ; Num., xxvm, 18; 1 esclavage est dé-igné par étroite que l'union des natures en Jésus-Christ. le même mot. Deut., xxvm, 48. D’autre part, le verbe 11° On peut distinguer avec saint Jean Damascènc, De oojXcJîiv, que l’usage théologique a consacré à la fide orthodoxa, 1. Ill, c. xv, P. G., t. xav,col. 1045sq., signification du culte inférieur des saints, le culte de la véritable communication des idiomes, physique, dulie, voir t. m, coi. 2107, a fréquemment, chez Ici naturelle, substantive, et la communication purement auteurs inspirés, et même chez les Pères de I’Église, morale, qui a lieu lorsqu’on attribue au Christ ce qui le même sens que λατρίύην. Cf. Matth., vi, 24; Luc., appartient en réalité Λ une autre personne, et cc, par xvi, 13; I Thés., i, 9; Act., xx, 19; Rom., xn, 11; suite d’un rapport dc grâce, dc bienveillance, par' xiv, 18; cf. vn, 25; Eph., vî, 7; Col., ni, 24; Gal.,iv,8 exemple : nos péchés, notre malédiction, etc. Voir Néanmoins, λατρεία, λατρόπν semblent être réser­ S. Jean Damascènc, op. cit., 1. IV, c. xix. 12° La vés plus spécialement, aussi bien chez les auteurs communication des idiomes doit toujours, en résumé, profanes, comme Platon. Plutarque, Lucien, les tra­ respecter l'unité de la personne et la dualité des giques grecs, que dans l’Écrilurc et chez les Pères, à natures dans l’union hypostatique dont elle est une la désignation du service dc la divinité. Exod., xu, expression exacte. 25; Deut., vî, 13; x, 12; Jos., xxxv, 15; 1 Mac., n, 10, Ces règles ont été reprises par les théologiens 22; Matth.,iv, 10; Luc.,i, 74;n,37;iv, 8; Joa., xvi, 2; scolatiques, voir en particulier Pierre dc Poitiers, Act., vn; 7; xxiv, 14; xxvi, 7; xxvn, 23; Rom.· i, 9; Sententiarum, I. IV, c.ix-x, P. L.,L ccxi,col. 1167-1383, ix, 4 ; xn, 1 ; H Tim., i» 3; Phil., m, 3; Heb., ix, 1, 6, et formulées d’une façon plus précise encore, et par 14; Apec., vu, 15; xxn, 3. Cc sens est toutefois plus rapport aux termes abstraits et concrets dont.on sc compréhensif que celui dc Αυτουργία. Ce n’est pas sert pour désigner l’hypostasc ou la nature dans le seulement un rite sacré, Heb., ix, 9; x, 2; cf. vin, 5; Christ. Ces règles, réunies par saint Thomas d’Aquin, xm, 10; c’cst, en général, tout service dc Dieu qui Sum. thcol., III·, q. xvi ; Jn IV Sent., 1. III, dist. est désigné par cc mot. Voir Lagrange, Épttre aux VU,ont déjà été rappelées. Voir Abstraits(Termes), Domains, Paris, 1916, p. 13. L'hommage cultuel rendu 1.1, col. 205-286. aux idoles étant un hommage souverain et absolu, IV. Importance dogmatique. — La communi­ celui que l’on accorde ù Dieu seul est donc bien ex­ cation des idiomes, on l’a constaté, n'est pas une primé par le terme λζτριία. I Mac., i, 43; Exod., xx, 5; simple ûiTalrc de terminologie : c’cst une loi qui χχιπ, 24; Ezcch., xx, 32; Act., vu, 42; Rom., i, 25. ressort dc l’intime même du dogme de l’incarnation. De 1Λ, l’expression composée ιίΒωλολατρίία, que l’on 603 IDOLATRIE, IDOLE 604 Dan., ix, 27; xr, 31 ; xn, 11 ; Nah., m, G; Zach., ix, 7 (Vulgate : abominationes, offensiones, offendicula, si­ mulacra, idola; Septante : βδελύγματα, προσο/δισματι, μιάσματα, είδωλα). Rapprochez bôsed, chose hon­ teuse, honte, Jcr., xi, 13; cf. ni, 21; Ose., ix, 10; devenu plus tard le synonyme méprisant de Baal, 1 Reg., xi, 12; cf. II Rcg., xi, 21; 1 Par., vm, 33; ix, 39; cf. II Reg., n, 8; I Par., vm, 38; ix, 30; cf. II Reg., iv,4; ix, 6. — Une autre série dc textes désigne, sous le nom de tera/tm, les figures humaines, servant d’amulettes, analogues aux dieux pénales. La Vulgate conserve parfois le terme theraphim,Ose., ni, 4 (Septante : δζλα); Jud., xvm, 17; cf. xmi, 5 (Septante: Οεραφίν). Le terme tabnit, Dcut., iv, 1618, désigne, en vertu du contexte, les images d’ètrcs Sur le sens dc λατρεία dans ('Écriture, voir Grlmm, vivants, interdites par la loi, de crainte qu’on ne leur lexicon grarco-latinum in libris Noot Testamenti, Leipzig. rende un culte; cf. avec d’autres significations, Ps. 1903; Zorcll, A’otl Testamenti lexicon gnreum, Paris, 1911, aux mots δουλεία· δωλευειν, λατρεία, λατρευειν. Sur rhis­ evi (cv), 20; Is., xuv, 13; Ezcch., vm, 10; significa­ toire de cc mot dans la tradition, voir Suiccr, Thésaurus tion analogue ù celle de temûnâh, image. Exod., xx, 4 ; ecclesiasticus ex Patribus gracis, Amsterdam. 1723. au Dcut., iv, 16, 23, 25; v, 8. Enfin, d’autres noms signi­ mot λατρεία. fient expressément < statues, objets sculptés »: sémâ, Ezcch., Mil, 3, 5; uni ù ptfsél, γλυπτόν, sculptile, 2. Idole, ειδώλου.— La signification du mot idole, είδωλο·?» est moins claire. Dans l’Écriturc, ειδώλου, Lev., χχνι, 1; Deut., v, 8; xxvu, 15; Jud., xvn, 3, 4; Idolum, simulacrum traduisent trente noms hébreux χμπ, 1 I, 17, 18, 20, 30; II Par., xxxm, 7; Ps. xcvn différents. Le sens littéral de ces noms hébreux ou du (xevi), 7; Is., xui, 17; xuv, 15,17; xlviii, 5; Jcr., x, moins des principaux d’entre eux, jette quelque lu­ 14; LT, 17; Nah., i, 14; Hab.,n, 18; γλυπτόν, idolum, mière sur la signification à donner au mot idole. Les Jud., xvni,31 ; IVRcg., xxi,7; Is., xuv, 9,10; εϊδωλον, faux dieux sont qualifiés ’dvi'n, vanité, néant, men­ sculptile, Exod., xx, 4; ifxtôv, sculptile, Is., xl, 19; ctzcôv, simulacrum, Is., xl, 20; cf. Is., xlv, 20; Dcut., songe, iniquité, Num., xxm, 21 ; I Rcg., xv, 23; Is., lxm, 3; Jcr., iv, 15; Ose., iv, 15 (beth άοίη pour I3& iv, IG, 23, 25; pestltm, sans singulier, employé par­ thcl); cf. v, 8; x, 5; vi, 8; x, 8; xn, 11 ; ou encore fois comme nom propre, Jud., m, 19, 2G (τά γλυπτά), ’eltl, vain, nul, Is., x, 10; au pluriel, ’eltltm, expression souvent comme synonyme de pésél, Dcut., vn, 5, 25; préférée d'Isaïe, n, 8,18,20; x, 11 ; xix, 1,3 (Vulgate : 11 Par., xxxiv, 4; Ps. lxxviii (lxxmi), 58; Jer., vm, simulacrum) ; χχχι, 7; cf. Lev., xix, 4 ; xxm, 1 ; I Par., 19; L, 38; u, 47, 52; Ls., xm, 8; Midi·, i, 7; v, 12; xvî, 26; Ps. xcv (xevi), 5; xevi (xcvn), 7 (Vulgate : γλυπτά, idola, Dcut., xn, 3; IV Rcg., xvn, 41; είδωλα, simulacra); Ezccb.» xxx, 13; I lab., π, 18 (Vulgate : sculptilia, Is., xxx, 22; αγάλματα, sculptilia, Is., χχι, simulacra). D'une façon plus expressive encore, on les 9; γλυπτά, simulacra. Is., x, 10; Ose.,xi, 2; περιβώμια, désigne sous le nom de gillûlim, signifiant toujours, simulacra, 11 Par., xxxiv, 3; γλυπτά, statut, 11 Par., au pluriel, les idoles, mais avec un sens particulier xxxm, 19; είδωλα, idola, II Par., xxxm, 22. On que les auteurs n'ont pu préciser : gillûlim est inter­ trouve encore, avec un sens identique, ostb ct dsdb prété par les uns dans le sens dc « troncs d’arbres » ou asabbtm, I Rcg., xxxi, 9; I Par., x, 9; Ose., iv, 17; (Furst, Jahn), par d’autres, dans le sens de « cail­ vm, 4; xm, 2; xiv, 9; Midi., i, 7; Zach., xm,2; είδωλα, loux, pierres arrondies » (Gcsenius), par les rabbins, idola; autres traductions : είδωλα, simulacra, Ps. cxv dans le sens d’« immondices, d’excréments », etc. (cxm), 4 ; exxv (cxxxiv), 15; Is., x, 11; γλυπτά, Gillûlim est employé principalement par Ézéchiel sculptilia, Ps. cm (cv), 3G, 38; είδωλα, sculptilia, (quarante fois); la Vulgate le traduit par immunditia', ls.,XLvrn,5; II Par., xxiv, 18; Oiot,sculptilia', H Rcg., IV Reg., χνπ, 12; χχι, 11, 21 ; χχιπ, 21; Ezcch., χιν, v, 21 ; γλυπτά, simulacra, fs., xlvi, 1 ; cf. Ps. cxxxix 4; xxxm, 25; simulacra, Ezccb., vi, 5; xxx, 13; (cxxxmii). 24; Jcr., xxn, 28. Sfr, dc la racine sûr, si­ idola. Lev., xxm, 30; Dcut., xxix, 17 (sordes, id est gnifie < forme », Ps. xux (xLvm), 15; cf. Is., xlv, IG. idola); III Reg., xv, 12 (sordes idolorum); χχι, 26; Le mot masktt (ébdn maskit) signifie une image idoJer., l, 2; Ezccb., m, 4, G, 9, 13; vm, 10; xiv, 5, G, 7; lâtriquc prohibée, Lev., χχνι, 1 ; Num., xxxm, 52; xvi, 36; xvm, G, 12 ct passim. La vanité des idoles (hadrè masktt) · peinture ». Ezcch., vm, 12. Rappro­ est décrite par le tenue hcbcl, souille, halitus, ct, par­ chez : massebdh, «statue » ou «stèle », Gen., xxxv, 1 1; tant, apparence, chose vainc, qu’on trouve, au sin­ Exod.,xxm,21 ;xxxiv, 13; Dcut.,vu,5;xn,3; xvi,22; gulier, dans IV Reg., χνπ, 15; Jer., n, 5; au pluriel, . Lev., Xxm, 1; cf. III Rcg., xiv, 23; IV Reg., m, 2; dans Dcut., xxxn, 21 ; III Rcg., xvî, 13, 26; Ps. xxx x, 2G, 27; xvn, 10; xvm, 4; xxm, 14; II Par., χιν, 3; (xxxi), 7; Jcr., vm, 19; χιν, 22 (sculptilia); Jon., η, 9. xxxr, 1 ; Jcr., xun, 13; Ezcch., χχνι, 1 ; Ose., m, 4; A part Jer., χιν, 22, la Vulgate traduit vanitates, les x, 1,2; Mich., v, 12; massekah, « fusion» métal fondu », Septante, μάταια, είδωλα, ματαιότητες. Les idoles et, par extension, « idole », Dcut., ix, 12; cf. IG; 'êgél ne sont que « mensonges », kezdbtm, des dieux men­ massfkâh, vitulus conflatilis (qu’on trouve aussi, songers, Am., n, 4 ; Ps. xl (χχχιχ), 5 ; par conséquent, Exod.,xxxn,4,8);xxvn, 15; Jud., xvn, 3,4 ; xvm, 14, cc sont des dieux Inutiles, « qui ne servent de rien », 17, 18; III Rcg., xiv, 9; IV Reg., xvn, 16; II Par., lo-yu'ilû, Jcr., n, 8, 11 (άυωφελες). Aussi doivent-ils xxvm, 2; xxxiv, 3, 4; Ps. evi (cv), 19; Is., xxx, 22; être considérés comme des · choses abominables », xi.ii, 17; Ose., xm, 2; Nah.,i, 14; 1 lab., n, 18; II Esd., ct de « vanité, irréalité, produit de l’ima­ 3 ; Jer., iv, 1 ; vu, 30 ; xm, 27 ; xvî, 18 ; xxxn, 34 ; Ezccb., gination ». Nm.i. . i\ IIPar., v, 11 vn, 20; xi, 18, 21; xx, 7, 8, 30; xxxmi, 23; | xxm, 17; Am., v, 2G; Ezcch., vn, 20; ct. Dan., n, 31, rencontre rarement, ct uniquement dans le Nouveau Testament. I Cor., x, 14; Gai., v, 20; Col., ni, 5; 1 Pet., iv, 3. On trouve είδωλολάτρης dans I Cor., v, 10, 11; m, 9; x, 7; Eph., v, 5; Apoc., xxi,8; xxn, 15. Idolo­ latria sc lit I Rcg., xv, 23. Dans les traductions ά'ε:δωλολατρε·α et ύΊιδωλολάτρης, la Vulgate se sert dc synonymes ou d'équivalents. Εωωλολατρεία est donc un mot néotcstamcnlairc, encore que la chose désignée par cc mot ait été connue dans ΓAncien Testament. La mention des idoles, en effet, est fré­ quente dans les deux Testaments et les juifs, pour exprimer l’idée abstraite d'idolâtrie, ont créé le tenue 'dbôdâh zdrdh, « service étranger ». Talmud, Mischna. IV· ordre, II· traité, 38· dc la division générale. 603 IDOLATRIE, IDOLE 32, 31, 38; m, 1, 2, 3, 5, 7, 10, 12, 14, 15, 18, 19 (dans la partie araméenne du texte). Pour des détail* plus complets, voir I . Prat, nrt. Idole, dans le Dictionnaire dt la liiblr, de M. Vigoureux, t. UI, col. 810 825; 1 lagon, /xjriron biblteum, Paris, 19O7.nu mot Idololatria, t. n, col. 623-630. 3. De ccs textes, il apparaît bien que le mot Idole, dans l’Écriturc, n'a pas un sens aussi exclusif que l'affirme Bcllarmin, Controversia?, De Ecclesia triumphanie, c. v. Tandis que le grand controversis te assure que l’Écriturc « n’attribue jamais le nom d’idole à la représentation d’un objet réel, mais seulement aux images païennes des faux dieux qui n’existaient pas », il semble plus exact de reconnaître que le mot idole se dit, dans l’Écriturc, « des êtres réels ou imagi­ naires qui reçoivent les honneurs divins, même sans aucune représentation matérielle ». F. Prat, art. cit., col. 816. Sans doute, aucun texte dc la Bible n'accorde aux idoles une nature divine ct < les dieux des nations ne sont pas des dieux, mais de la pierre et du bols, l’œuvre de la main des hommes ». Is.t xxxvn, 19; ci. IV Rcg., xix, 18. Mais les écrivains sacrés recon­ naissent parfois que, sous les emblèmes des idoles, les hommes adorent les démons, désignés ordinairement par le mot Sedtm. Dcut, xxxn, 17; ci. I Cor., x, 20; Ps. evi (cv), 37; Baruch, iv, 7; Ps. xevi (xcv), 5. Toutefois, l'usage a donné, au terme idole, une signi­ fication plus précise ct plus stricte: l’idole est « l’image, la statue ou le symbole d'une fausse divinité ». Dans ‘ cette définition, les mots : image, statue, symbole, sont l'élément générique du concept d'idole; la fausse divinité, en insistant sur l’épithète « fausse », en forme l’élément spécifique. Conséquemment, le mot ιΤοωλον est assez fréquemment employé avec la seule signification générique d’image ou dc symbole; il est alors svnonvmc d’ctxcôv, dc ομοίωμα, dc aruaov. On le rencontre avec cc sens sous la plume des Pères de l’Église : (Ροωλον του χόλου, imago, effigies, species boni. Voir quelques exemples dans Suiccr, op. cil., 1.1, au mot ιΐδωλον. Spécifiquement, l’idole implique la représentation d’une divinité fausse ù laquelle on rend le culte réservé au vrai Dieu : on a vu cc sens, dans la sainte Écriture, attaché aux mots mask H, massebàh, massekâh, nésék, sémél, pésél, rapprochés des mots qui signifient directement l'inanité, le men­ songe, la vanité des idoles, àvén, "eltl, hébél, sélcm, kezdbtm, lô’-yâ'ilA, etc. On retrouve ce sens chez les Pères, qui considèrent l’idolâtrie comme le transfert, l’attribut ion aux fausses divinités du culte du vrai Dieu. Clément d’Alexandrie définit ainsi l’idolâtrie : Έίδωλολατρχία ex του ίνός <ίς του; πολλούς <πιν<μησις έστι Οιου, Strom., III/c. xn, F. G., t. vm, col. 1189; saint Grégoire dc Nazianzc n’hésite pas â proclamer que l’idolâtrie est le plus grand de tous les maux, parce qu'elle est « le transfert â la créature de l'honneur dû au créateur ». Orat., xxxviu, n. 13, P. G., t. xxxvi, col. 325. trouve également cfxtôv, employé avec cette signification spécifiquement réservée â l’image du faux dieu. Voir Suiccr, op cit., aux mots ιΓδωλον, (Γχών. Origène, voulant apporter plus dc précision aux concepts d'ïdofc cl d'idolâtrie, distingue soigneusement entre l'image, représentation véridique d’une chose existante, de V idole, (ΐοωλον, représentation fausse de ce qui n'existe pas. Jn Exod., homil. vm, P. G., t. xn, col. 353. Cette distinction vraie ct féconde permettra dus lard de poser le principe dc la légitimité du culte des images en regard dc l’idolâtrie interdite aussi bien par la loi chrétienne que par la loi mosaïque. Nous n’acceptons donc pas la définition qu’llcnri Esticnne, dans son Thésaurus linguie grwcw, au mot (ΐϋωλον, donne dc l’idole : < Dans le langage ecclésiastique, 606 écrit-il, l’idole est une représentation dc la divinité â laquelle on accorde culte et honneur. » Cette défini­ tion, en effet, est dc nature à favoriser l'erreur pro­ testante ct iconoclaste. Voir Iconoclasme. 2° Décile. — Il faut donc définir l’idolâtrie : « Le culte suprême ct absolu rendu à tout autre qu'au seul ct vrai Dieu. » F. Prat, art. cil., col. 809. Mais cette définition appelle elle-même une remarque im­ portante. Au début de son livre Des origines de Γ ido­ lâtrie, Paris, 1885, M. Goblet d'AlvieHa affirme que les idoles ne sont que « les images représentant un être surhumain, vénérées à ce litre ct tenues pour con­ scientes ct animées ». Sans approuver cette définition dc l’idole, il faut cependant reconnaître deux manières réelles d'envisager l'idole et, partant, de définir l’ido­ lâtrie. Le concept populaire ne distingue pas le dieu dc l’idole; les théologiens du paganisme se gardent bien dc commettre une erreur aussi grossière : pour eux, l’idole n'est que l’image, la représentation dc la divinité. Le culte, les honneurs ne vont pas à l’idole, mais à la divinité dont l’idole est l’image. Toutefois, ils admettent que les dieux habitent les idoles de leur esprit ct que cet élément proprement divin, le πνιΰμα; réside dans les idoles, les rendant,par cette Inhabita­ tion, vénérables ct bienfaisantes. Cette défense dc l’idolâtrie sc trouve, dès les débuts dc l'èrc chrétienne, chez les philosophes païens, Dion de Prusc, Orat., xn, n. 60, édit, von Arnim, Berlin, 1893; Plotin, Ennéides, IV·, 1. III, c. xi ; voir Zcilcr, Philosophie der Griechen, Leipzig, 3· édit., 1881, p. 625 sq.; Jambliquc, II Schmidt, op. cit., p. 238. Bien plus, l’étude des religions, conduite avec impartialité et sans parti pris, amène à cette conclu­ sion, qu’à côté de « nombre de mythes et de faits qu’on peut rattacher au naturisme, à l’animisme, au totémisme, à la magie, c’est-a-dirc à la superstition et même à la démonologie, il y a d’autres croyances et d’autres pratiques de nature plus élevée et qui sont proprement religieuses ». Mgr Le Roy, Naturisme, dans le Dictionnaire agologètique de la foi catholique, L iv, col. 1067. Parmi ces croyances, l’idée d’un Etre su­ prême est celle qui s’affirme davantage, mémo parmi les peuplades réputées les plus sauvages. Voir plus loin. En conséquence, même en mettant hors de cause la Bible et la révélation, même en faisant abstraction de l’histoire des Hébreux, l’hypothèse évolutionniste de Wellhausen apparaît arbitraire et contraire aux faits. — b) Toutefois, on prétend l’appuyer sur cer­ tains arguments empruntés au texte sacré lui-même. Nous ne parions pas ici des faits particuliers, tirés principalement du livre des Juges, et dont on voudrait conclure à l’idolâtrie générale chez les Hébreux. On les trouvera plus loin, ramenés à leur juste propor­ tion, dans l’exposé succinct de l'histoire de l’idolâtrie chez les Hébreux, après la promulgation de la loi mosaïque. Voir F. Prat. Idolâtrie, dans le Diction­ naire de la Bible, col. 815. On n’envisage présentement que les arguments tirés du texte même de la Genèse, pour démontrer la persistance de mythes polythéistes antérieurs, involontairement conservés dans ce texte. On peut glaner les plus importants de ces arguments dans Gunkel, Die Genesis îlbersetz und crklâert, Gwttingue, 1910. Les traces laissées par un polythéisme antérieur dans les premiers chapitres de la Genèse sc retrouvent, dit-on, dans les interventions frequentes, les théophanies ou apparitions de Dieu, dans la fa­ miliarité avec laquelle la divinité entretient des rap­ ports presque quotidiens avec Adam, les premiers hommes, les patriarches. Si l’idolâtrie est disparue de la Bible, elle n’en représente pas moins une étape antérieure de l'humanité. Primitivement les récits de la Genèse, y compris l’histoire du paradis, sont donc des légendes et des mythes, fruits de l’àme popu­ laire, et dont l’origine toute humaine sc trahit par la forme même sous laquelle l’écrivain sacré les a trans­ posés dans le monothéisme. — Quelles que soient les ressemblances lointaines et très accidentelles que les récits de la Genèse présentent avec les tommies dont s'enveloppent les mythes et les légendes polythéistes, l’hypothèse d’une dépendance des premiers par rap­ port aux seconds est contraire aux indications du contenu même de ces textes. Y a-t-il Opposition plus Irréductible quo cello des théophanics avec les récits I mythologiques du paganisme idolàtriquc? Dans le polythéisme, les relations de la divinité avec les VIL — 20 611 IDOLATRIE, IDOLE hommes sont toujours empreintes d'immoralité; les dieux se montrent souvent injustes, orgueilleux, im­ pudiques, cruels. Bien dc tout cela dans les relations de Dieu avec les premiers hommes: la divinité apparaît constamment exempte dc toute faute, de toute im­ perfection capable de contredire l'idée de haute sain­ teté qui s'attache naturellement à Dieu. Le but des apparitions ct interventions des dieux du paganisme est presque toujours un but d'égoïsme, de satisfac­ tion personnelle, pour le dieu qui s'approche de l’homme. Dans le livre sacre, rien deeela. Si on consi­ dère les relations de Dieu à l’égard dc l’homme, non pas seulement dans le cadre étroit de la Genèse, mais en fonction dc louto l’histoire du peuple de Dieu, il apparaît clairement que les multiples manifestations dc la divinité sont dirigées par une providence supé­ rieure, vers une manifestation dernière ct suprême, celle du Verbe divin, sc faisant homme pour racheter l'humanité, dont la chute est inscrite à la première page de la Bible. Voir Incarnation. Il est donc sou­ verainement injuste ct antiscientifique de prendre prétexte de quelques ressemblances lointaines ct dc pure forme, pour en déduire une dépendance substantielle sur le fond même des récits, dépendance qui, si elle était réelle, n’eût pas manqué de sc tra­ duire par des vestiges contredisant précisément les hautes leçons do moralité ct de sagesse providentielle que nous offre la Bible. Les anthropomorphismes, qui paraissent tant répugner ù la critique, s'expliquent cependant fort bien, si l'on applique aux premières pages de nos saints Livres les règles d’uno critique sage ct raisonnable. C’est afin de parler aux races primitives un langage accessible et imagé que les auteurs inspirés se sont servi, en parlant de l'activité divine, do l’antliropomorphisme. Voir t. i, col. 1369. Ni les auteurs, ni les lecteurs, n'ont jamais supposé qu'il fallût prendre ces expressions à la lettre. « 11 ne faut pas Juger, écrit A ce sujet le P. Brucker, dc ce parler primitif par notre goût moderne, qui facile­ ment le trouvera trop cru. Mais encore, si nous sommes tentés d'en être choqués, rappelons-nous que, sans nous en apercevoir, nous parlons souvent de Dieu d’une manière qui, en soi, n’cst guère moins impropre; par exemple, quand nous disons que Dieu est irrité, ou qu’il sc laisse loucher. C’est que nous nc pouvons parler des actes divins que par analogie avec des opérations humaines, partiellement matérielles et sensibles; dc la, dans tout cc que nous disons sur cc sujet, l'anthropomorphisme plus ou moins accentué est inévitable. » Art. cil., col. 297. — c) L’argument tiré dc la comparaison du monothéisme d'Israël avec les religions assyro-babyloniennes, sur le point pré­ cis dc l'antériorité du monothéisme babylonien et sur l’emprunt qu’en auraient fait les Hébreux, deman­ derait ù lui seul une longue étude. On se contentera dc résumer ici les conclusions principales. — a. Un des arguments des assyriologues Delitzsch, Saycc, Pinches, consiste à affirmer que le nom dc Jahvé était connu à Babylone dès l'époque d'Hammourabi, vingt siècles avant J« sus-Christ. On rapproche du nom de Jahvé, certains noms où, peut-être, Jaou, fonne abrégée dc Jahvé, entre en composition : la-PJ-ilu, ta-u-um-ilu. Voir les discussions philologiques dans Delitzsch, Babel und Bibel, Leipzig, 1902, p. 47; Zireiler Vortrag Qber Babel und Bibel, Stuttgart, 1903, p. 20; Saycc et 1 lommel, The expositori] times, Édimbourg. t. ïx, p. 522; t. x, p. 42; t. xi, p. 270; L χνπ, p. 26; t. xvm, p. 332; t. xix, passi/n ; cf. égale­ ment, Delitzsch, A'Mjrhchc Lf$estûcke,3· édit., 1885, p. 42, syllab. a, col. 1, 13-16; Pinches, dans Pro­ ceedings of the Society of the bibl. arelw?ologia,‘lM3, L rm, p. 27-28; 1892, t. xv, p. 13-15; Hommel, Die allisruel Itisehe Ueberlieferung in inschriltlischer Be- 612 leuchtung, Munich, 1897, p. 144, 225. M. Robert William Rogers estime quo le nom de Jaou ou Jahvé était en usage chez les Babyloniens de 1500 â 2000 avant Jésus-Christ, et que, par conséquent, le nom dc Jahvé n’cst pas la propriété des Hébreux.(Il s'agit d'ailleurs du nom seulement, la transcendance de l’idée dc Dieu chez les 1 lébrcux n’étant pas mise en cause par cet auteur.) The religion of Babylonia and Assyria, especially in ils relations to Israel, Lon­ dres, 1908, p. 94, 95, 97. Mais cette existence même du nom de Jahvé chez les Assyriens est eensidvrée comme problématique par d’autres assyriologues distingués, Lehmann, Zimmern, Bezold, ililpreclit, Ranke, Dalches. Voir Zeitschrift filr Assyrlologle und vertvandle Gebide, Strasbourg, t. xvi, p. 403, 415; t. χνπ, p. 271 ; t. xxn, p. 125; Zimmern, Die Keilin· schriften und dus Aile Testament, do E. Schrader, Berlin, 1904, p. 4G8; Ranke, Early Babylonian personal names [Itammuraby dynasty], Londres, 1905, p. 234, note5. Cf. Bezold, Die orientalischen Heligionen, Berlin, 1906 ; Sell in, Die alttcstamentlicheReligion in Kahmcn der andern altoricntalischen, Leipzig, 1908, p. G1. On con­ sultera aussi le P. Lagrange, Bévue biblique, 1903, p. 37G; 1907, p. 383-386; ct le P. Condamin, arL Babylone et ta Bible, dans le Dictionnaire apologé­ tique de la foi catholique, t. i. Incertitude : telle est la meilleure conclusion à tirer dc comparaisons où souvent la méthode procèdes priori ct trouvoco qu'elle veut trouver. « On n’a pas jusqu’ici de raison suffi­ sante, écrit le P. Prat, pour refuser aux juifs la pro­ priété exclusive du nom de Jéhovah. Mais on peut admettre sans inconvénient qu’avant la révélation de l’Horcb, Dieu était désigné dans la famille des patriarches sous un nom A peu près semblable, qu’il suffisait dc modifier légèrement pour lui donner le sens profond ct absolu qui le rend incommunicable... Rien n’oblige absolument A reconnaître avant Moïse l'existence d’un nom divin identique ou analogue A Jéhovah, mais cette hypothèse est probable. La seule chose certaine, c’est que Dieu a révélé à Moïse quel est son nom incommunicable ct lui en acxpllqué le sens incompris jusqu'alors. » Jéhovah, dans le Dic­ tionnaire de la Bible de M. Vigoureux, t. m. col. 1230. Cette hypothèse probable devient scientifiquement un indice dc la connaissance primitive d’un Dieu unique dans l’humanité. — b. L’étude du terme 9El, employé dans les religions sémitiques pour désigner la divinité, cf. Lagrange, El cl Jahvé, dans la Revue biblique, 1903, p. 362, nous amène à formuler une conclusion identique. Le terme cboldécn ilu, dieu, que l'on peut facilement rapprocher de 7/, exprime­ rait-il la divinité suprême? Delitzsch l'insinue, en rapportant plusieurs noms propres de l’époque de Hammourabi, composés dc ilu. Mais ccttc préten­ tion a toujours paru exagérée. Voir Condamin, dans Les Études religieuses, t. xcm, p. 754. J lu est bien plutôt l’expression qui désigne le dieu local, ainsi que l'ulfinnait au congrès des religions, A Oxford, M. Flinders Petris, Transactions of (hr third international congress for the history o/ religions, 1908, t. i, p. 188. Une re­ marque du P. Lagrange suffit A détruire l’argumenta­ tion de Delitzsch :· Lorsque l'Aino sc trouve en pré­ sence de son dieu, cc dieu fût-il innommé ou quand bien même on indiquerait sa généalogie, clic lui prodigue toute s les épithètes qui conviennent A la divinité et le met sans hésiter au-dessus de tous les autres. ■ Éludes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 21. A cause do cela, un dieu simplement local peut être salué < t honoré comme le dieu su­ prême. Et la raison dernière de l’observation du ! P. Lagrange témoignera en faveur dc la priorité I du monothéisme sur l’idolâtrie. Voir plus loin. I — c. Les documents qu'on apporte en faveur de 613 IDOLATBiE, IDOLE l’emprunt aux religions chnldéennes témoignent plutôt en faveur du monothéisme des Hébreux. Des deux principaux documents versés aux débats, le premier représente différentes divinités comme étant de simples manifestations dc la divinité suprême Mardouk (en voir le texte ct la traduction dans L. W. King, Cuneiform texts from Babylonian tablets.., in the British Museum, part. XXIV, pl. 50, p. 9. repro­ duits par Condamin, art. cit., col. 370). Ce texte que Pinches, The religion of Babyloniaand Assyria,Londres, 1906, p. 118, estime remonter à 2000 ans avant .JésusChrist, mais que Zimmern, op. cit., p. 609, ct A. Jcremias, Monotheislische Slrômungen inneralb der baby· lonischcn Religion, Leipzig, 1901, p. 4,26, datent dc la basse époque babylonienne, vi· siècle avant JésusChrist, nc fournit pas une preuve apodictlque de l’existence d’une religion monothéiste à Babylone. Des assyriologues distingués n’y reconnaissent qu’une sorte d’hénothéisme à tendances monothéistes. Voir Zimmern, op. c/7.,p. 609; Johns, dans The expository times, Edimbourg, t.xv, p.45; Morris Jastrow junior, Religion of Babylonia and Assyria, dans A dictio­ nary of (he Bible de I Tastings, extra vol., 1904,p. 550; King, Cuneiform texte, part. XXIV, p. 9. Bezold, affirme avec nombre d’autres assyriologues que dc multiples listes analogues existent, qui identifient diverses divinités avec Ea, Bel, Ninib, En-lll, Nergal, etc. N’est-cc pas k’i une indication que dans les différents centres religieux on tendait à simpli lier le panthéon, en rapportant au dieu principal du centre les autres divinités ? De lù au monothéisme véritable, il y a un abîme. — Un autre document cunéiforme, provenant des fouilles dc Ta’anne.k, parle du maître des dieux..., dc celui qui est au-dessus des villes,... devant la face duquel les ennemis seront confondus, etc. M. Sellin, directeur des fouilles du Ta’annek, estime que c’est lù une preuve évidente dc la monolùtric, telle qu’on la peut trouver chez les Hébreux dc l’époque. Tell Ta’annek, dans Dcnkschriftcn des katholischen Aka· demie der Wissenschaftcn, Vienne, 1901, t. L, p. 108. Mémo interprétation monothéiste chez Bacntsch, Alloricntalischcr und israclitischer Monotheismus, Tubingue, 1906, p. 40, 56-57, 86; Volz, Mosc, Tubinguc, 1907, p. 27 ; Λ. Jercmias, Bas Aile Testament im Lichtc des Allen Orients, Leipzig, 1906, p. 323-324. Mais la traduction sur laquelle reposent ccs affirmations n’cst pas certaine. Voir Fr. Hrozny, l’auteur meme dc la traduction, dans Tell Ta'annek, p. 116. Nc s'agirait-il pas ici tout simplement du Pharaon? — d. Enfin, les sentiments élevés, exprimés dans les prières et les hymnes ne doivent pas nous faire illu­ sion. Les dieux qui, en Assyrie, occupent un rang tout à fait à part, nc suppriment pas les autres divi­ nités, et nous nc pouvons pas perdre de vue l’idolâtrie réelle ct générale, dont les prophètes hébreux ont parfois dénoncé l’absurdité. — La conclusion que tirent dc ces observations des assyriologues même non catholiques, est nettement contraire ù la thèse évolutionniste, à peine déguisée sous l’hypothèse des emprunts assyro-babyIoniens. Aux insinuations dc Delitzsch, Babel und Bibel, Leipzig, 1902 (l’auteur sc défendant néanmoins d’affirmer que le mono­ théisme des Hébreux ait été emprunté au monothéisme professé par les esprits éclairés de Babylone, Babel und Bibel, cin Rûckblickund A us blick, Stuttgart, 1905; BabelundBibel,driller Vortrag,Stuttgart, 1905); de Winckler, Dic KclUnschrlftejl und das Aile Testament, Berlin, 1902, p. 208; à l’affirmation très nette de M. Hugo Badau : · la religion babylonienne est une religion monothéiste avec trinité », préface de Bel, the Christ o/ ancien times, Chicago, 1908; nous pou­ vons opposer l’aveu de A. .Jeremias, qui confesse n’avolr rien découvert qui puisse être mis en parallèle 614 avec la foi des Hébreux en un seul Dieu, Monotheistische Strumungen; de Bacntsch, reconnaissant qu’à Babylone les conceptions monothéistes sont restées ù l’état de pure spéculation. Op. cil. Cet auteur admet qu’ù Babylone, les savants, les prêtres surtout sc sont parfois élevés à des conceptions plus ou moins proches du monothéisme. Mais le peuple les ignora toujours, à la différence du monothéisme hébreu, religion popu­ laire, s’adressant ù toutes les classes de la nation. Même conclusion chez Tide, Geschichte der Religion im Allertum, Gotha, 1895, t. T, p. 539; chez Jastrow, op. cit. Le monothéisme hébraïque, dit avec raison le P. Lagrange, est « unique ct tellement différent des autres, qu’il faut bien le dire transcendant ». Op. cil., p. 24. D’ailleurs, remarque ù bon droit le P. Schmidt, « la part de vérité, d’ailleurs assez mi­ nime, que peut contenir ccttc opinion (dc Delitzsch), ne vaut que pour une époque récente. Elle nc s’étend pas à cette période plus ancienne, où le monothéisme moral d’Israël était déjà parfaitement constitué. » Op. cit., p. 244. Cf. A. Dufourcq, Histoire comporte des religions païennes et de ta religion fuioe, Paris, 1908, conclusion, p. 319; J. Touzard, art. Juif (Peuple), dans le Dictionnaire apologétique de M. d’Alès, spécia­ lement col. 1606-1611. 4. Vétude impartiale des origines de la religion fournit de précieuses indications en faneur de la thèse catholique. — Il n’entre ni dans notre dessein, ni dans le cadre dc cet article, de passer en revue les différentes hypothèses émises au sujet dc l’origine des religions. L’étude en a été faite, ainsi que la critique, dans Où. en est Γhistoire des religions? Paris, 1911, L i. L’hypo­ thèse évolutionniste, sous quelque déguisement qu’elle so dissimule ct quelle que soit la tonne qu’elle revête, animisme, magic, totémisme, culte des morts, des esprits, des astres, etc., affirme que le monothéisme est sorti du polythéisme : aucun fait historique nc peut être cité qui corrobore une telle affirmation. Au contraire, les faits les plus authentiques montrent, chez les peuples même les plus éloignés dc la concep­ tion monothéiste, comme un double courant d’idées, un double élément d’explication des manifestations religieuses que Ton peut observer chez eux. A côté dc toutes les manifestations empreintes d’animisme, de fétichisme, d’idolAtrie, que l’on rencontre dans i toutes les religions non chrétiennes et pois théistes, sc retrouvent des croyances, des pratiques, des senti­ ments d’obligations morales ct des institutions, qui semblent antérieures, par perfection même, aux manifestations naturistes dc toute espèce. Ccs élé­ ments, Mgr Le Boy les dégage dans La religion des pri­ mitiis, Paris, 1909; cf. Christus, c. n; la croyance en un pouvoir suprême, organisateur ct souverain du monde, maître dc la vie ct de la mort, en forme la base. Cc sentiment du divin, qui n’est pas le monothéisme au sens des juifs, des musulmans ct surtout des chré­ tiens, mais qui dépasse ct seul peut expliquer le culte rendu aux idoles, n’a pas dc place assignée dans réso­ lution qu’on voudrait établir en faveur de la thèse rationaliste.· Beaucoup d’écrivains, dit Mgr Le Boy, qui s’occupent des religions surtout pour essayer de les démolir, appliquant ù ces délicates matières les i lois d’une évolution aveugle en même temps que I créatrice, ont voulu que l’homme, sortant dc l’anima­ lité, comme l’animalité serait sortie de la matière inconsciente ct inerte, ait d’abord été naturiste, puis animiste, puis fétichiste, puis idolâtre, puis poly­ théiste. puis théiste. Malheureusement pour la théorie, les faits sont loin dc sc présenter ainsi! Qu’il y ait · du naturisme, dc l’animisme, du fétichisme ct de l’idolâtrie dans toutes ou presque toutes les religions des peuples non civilisés, ct même civilisés, on peut l’admettre; encore faut-il avoir soin de savoir tou- 615 IDOLATRIE, IDOLE 616 jours distinguer ici la religion de cc qui est sa contre­ rider de Dieu, dans Anthropos, 1903, 1909, 1010; Grand· façon, ct c’est cc qu’on fait trop rarement. Mais Hnien elncr Vcrglcichung der BcUglon und Mylhotogien der Voila r, Vienne, 1901 ; Mgr Le Roy, La reli­ aucune religion n’est totalement, ct au sens propre Au\lronc.\isrhcn gion des primltl/s, Paris. 1909; A. Bros. La religion da du mot, naturiste, animiste ou fétichiste; il faut peuples non civilisés, Paris, 1903. Pour la bibliographie trouver une autre dénomination plus exacte ct plus concernant les prétendus emprunts du monothéisme hé­ juste. » Christus, c. n, p. 91. Dans ses Études sur les braïque aux religions assym-chnldécnncs. outre les ou­ religions sémitiques, le P. Lagrange reprend, cn l’élar­ vrages cités nu cours de l’article, Dhonne, La religion gissant, la même conclusion : · 11 sc pourrait bien assyro-babylonlenne, Paris, 1910. Nous ne citons Ici (pic que Renan ait exagéré le polythéisme des Aryens, les principaux ouvrages catholiques, ayant directement trait aux conclusions exposées. Pour une bibliographie et il n’est pas du tout certain que leurs dieux spé­ plus détaillée, voir à la suite des articles composant Ou en ciaux, chargés d’un département particulier, soient est 1*histoire des religions? Paris, 1911, t. î, ou Christus, une conception tellement primitive. Il parait, au Paris, 1913. On consultera avec grand profit les nrt. Babylone contraire, que les Aryens, comme les Sémites, et les et la Bible, du P. Condamin; Juif (Peuple), de M. Tousauvages comme les Aryens, ont eu cette notion su­ zard, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, périeure du Dieu qui seule justifie le culte ct donne ainsi que les Bulletins du P. Condamin, du P. Bouvier,dans satisfaction au sentiment religieux Ni les morts, ni les les Recherches de science religieuse, ct ceux du P. Lemonforces de la nature considérées comme des esprits nycr, dans la Bcvue des sciences philosophiques el théoto· ne seraient Jamais parvenus aux honneurs suprêmes, giques. il n’y aurait jamais eu de religion proprement dite, 2° Origine del' idolâtrie. — Le principe fondamcntaldc sans le sentiment du divin, tout-puissant, omni­ l’antériorité chronologique du monothéisme primitif présent, sccourable ct juste, qui est au /ond de toutes admis, la question de l’origine de l’idolâtrie ne pré­ les religions anciennes. C’est cct élément essentiel, sente plus pour le théologien qu’un intérêt sccondont les évolutionnistes ne veulent pas tenir compte, daire.Toutefois, l’apparition de l’idolâtrie dans l’histoire qui seul explique comment le génie d’un lieu ou un 1 sacrée présente un intérêt plus immédiat. — 1. Les astre ont pu recevoir l’adoration... Cc sentiment hypothèses, — Si l’on réserve la solution dogmatique plus ou moins confus de l’unité ct de la transcendance relative au monothéisme primitif, le libre champ du divin résulte clairement de faits dûment constatés >, peut être ouvert aux hypothèses les plus diverses pour p. 20-21. Ainsi, loin d’être cn contradiction avec les | expliquer l’origine de Γidolâtrie; le dogme catholique faits, le monothéisme primitif semble bien, au con­ n’en recevra aucune atteinte (à la condition toutefois traire, conforme â la nature même des choses. que l’explication scientifique, ainsi qu’on le rappel­ Il n’est pas nécessaire, pour l’expliquer, d’accorder lera tout à l’heure, n’entende pas exclure l’explica­ aux hommes primitifs une civilisation et une puis­ tion théologique de l’origine du mal moral qu’est sance d’abstraction extraordinaires. Aucun des élé­ l’idolâtrie). — a) Position du problème. — De ce que ments qui constituent la religion primitive ■ ne dé­ la priorité doit être accordée au monothéisme^ s’en­ passe les forces naturelles de notre raison, de sorte suit-il que l’idolâtrie soit dérivée, par voie de déca­ qu’il n’apparaît pas théoriquement impossible que dence continuelle, de la religion primitive de l'huma­ cette religion soit le produit de l’esprit ct de la con­ nité? Ce fut la théorie proposée par Mgr Freppel, science de l’homme ». Mgr Le Roy, Christus, p.92. Tou­ Saint Justin, Paris, 1869, leçons vi, vu, vin. < Quand tefois, il ne faut pas exclure a priori l’hypothèse la grande idée de Dieu se fut altérée dans leur intcllid’une intervention positive de Dieu, d’une révélation. gence, les hommes cessèrent de concentrer dans un Avec le P. Lagrange, il sera permis de conclure : être unique la puissance, la sagesse ct la bonté infinies t Assurément l’histoire seule, cn dehors de l’histoire pour les répartir entre plusieurs », p. 120. Puis, vint le sacrée, ne nous permet pas de conclure avec certitude culte des forces de la nature, le soleil, la lune, les corps à une révélation primitive sur l’unité de Dieu. Et célestes, l’air, le feu, la terre, l’eau : c’est le naturalisme cela pour la raison bien simple que l’homme peut panthéistique. L'anthropomorphisme ou la déification acquérir celte notion par ses seules forces... Si cepen­ de l’homme est la troisième forme des religions poly­ dant on considère que, plus ou moins latente dans théistes; il aboutit au fétichisme ou à l’idolâtrie. toute l’humanité, elle ne s’est développée nulle part Cf. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, — sauf la même exception de l’histoire sacrée 1905, p. 2; de Broglie, Problèmes cl conclusions de qu’elle s’est plutôt obscurcie sur bien des points..., rhisloirc des religions, Paris, 1889, p. 98 sq. Cc système on regardera comme très probable que le germe de est trop métaphysique ct ne tient pas assez compte cette Idée a été déposé par Dieu lui-même dans le des faits. La Bible enseigne sans doute que Dieu s’est cœur de l’homme... Mais notre but est moins de fait connaître au premier homme; mais elle n’cnselgnc fournir des arguments à la révélation primitive que pas rhisloirc delà déchéance religieuse chez les peuples dr nous affranchir de la tyrannie de l’animisme évolu­ polythéistes. Le livre de la Sagesse n’aborde qu’incitif, qui prétend expliquer l’origine des religions. Et demment le problème historique des origines de l’ido­ là, nous pouvons nettement conclure. .. L’histoire lâtrie: il ne sc préoccupe d’assigner ni la première cause répond que jamais le monothéisme n’est sorti du ni toutes les causes de l’idolâtrie. Il nous représente un père qui, dans sa douleur, fait une image de son polythéisme, ct ne constate pas non plus que le fils défunt ct lui rend les hommages divins, xiv, 15; polythéisme soit issu du polydêmonlsmc, qui n’existe Jamais seul, et qui n’est pas même un sentiment reli­ des rois, dont les sujets adulateurs adorent les statues, gieux. Partout, cn fait, les idées religieuses sont 17; les éléments de la nature qu’on a divinisés, xm, 2; comme imbibées d’un sentiment profond de la supé­ le culte des animaux eux-mêmes, xv, 18-19. En tout riorité propre au divin. Cette idée, qui suppose que cela, aucun système particulier; aucun ordre histo­ le divin est unique, est simple, accessible aux intelli­ rique. En réalité, le polythéisme ne peut être sorti du gences les moins cultivées, rien n’empêche de conclure monothéisme que comme l’erreur sort de la vérité, qu’elle est aussi vieille que l’humanité, quoique la par voie de négation et d’oubli : propter ignorantiam pente générale de rhisloirc suggère que l’humanité veri Dei, cujus excellentiam homines non considerantes, n’est pas arrivée d*clic-même à la préciser dans le quibusdam creaturis, propter pulchritudinem, seu vir­ tutem divinitatis cultum exhibuerunt. S. Thomas, Sum. concept de l’unité de Dieu... », p. 25-27. th ol., 11 II e» q. xav, a. 4. 11 faut donc cn rechercher De Brvgllc, Λ/onoffièüme, hénoth! tome, polythénmr, 1rs causes propres, ct ers causes doivent être cn har­ 2 rot, Paris. 1905; Schmidt, La révélation primitive rl te-, monie avec l’étal intellectuel, morul ct social des actuelles de la science, Paris 1014; L'origine de G17 IDOLATRIE. IDOLE hommes anciens» qui, s’ils sont postérieurs à Adam, I peuvent être néanmoins appelés « primitifs > en ce sens qu’ils ont précédé l’histoire. C’e»t dire que la méthode à employer dans cette recherche doit être à la fois spéculative et experimentale : · Le raisonne­ ment ct la philosophie entrent ici de plaln-picd à un double titre. Toute religion devant nécessairement correspondre à une certaine disposition de l'esprit et du cœur, on serait bien près de connaître la religion de l’homme primitif si on avait pénétré dans sa philo­ sophie» vraie ou fausse, ct si on était édifié sur scs attraits moraux ct sociaux. De plus, la philosophie, ct cette fols, la vraie, nous renseigne sur la nature de l’homme ct sur ce qu’on peut attendre de ses facultés. Encore est-il que la spéculation ne doit point trop s’éloigner de l’observation des faits. » Lagrange, op. ci/., p. 4. — b) Esquisse des théories naturistes. — Nous ne pouvons songer à exposer Ici les théories naturistes proposées pour expliquer l’origine de la religion. Tou­ tefois, parce qu’elles ont une part de vérité, lorsqu’il s’agit d’expliquer la déformation du culte divin dans les diverses applications qu’en a faites la malice ou l’ignorance humaine à des objets indignes d’un tel culte, il convient d’en tracer une rapide esquisse. — a. L'animisme. —· La mythologie naturiste, voir les ouvrages de \V. Schwartz, A. Kuhn, Max Muller, M. Bréal, qui prit naissance sous l’in fluence d’une découverte linguistique (la parenté existant entre les langues indo-européennes), suppose que, dans les mythes des peuples, le soleil, les nuages, les tempêtes, l’aurore, les phénomènes de la nature, jouent un rôle considérable. Cette théorie, déjà vieille ct aujourd’hui abandonnée, a fait place à la théorie dont elle était d’ailleurs le prélude. La t héoricéiO/ulionnistc, formulée tout d’abord avec quelque réserve par le philosophe positiviste Λ. Comte, distingue, sous la forme pre­ mière qu’elle a revêtue, dans l’évolution religieuse, trois étapes nécessaires, fétichisme, polythéisme, mo­ nothéisme. Elle fut reprise d’une manière plus ferme ct plus complète (qui lui assura un succès prodigieux), par Lubbock, The origin o/ the civilisation and the pri­ mitive condition of mankind, Londres, 1870, par H. Spencer (théorie du mdnismcL dans ses Principes o/ sociology, Londres, 1879, ct surtout par Tylor, Pri­ mitive culture, Londres, 1872, trad, franç., Londres, 1891. Tylor mit en vogue la théorie de Vanimisme. L’idée d’ûmc est à la source de toute manifestation religieuse. L'Ame individuelle, conçue comme distincte du corps, surxit après la mort. L’existence d’esprits, dirigeant les forces de la nature, est, ù son tour, conçue par une véritable assimilation des objets du dehors A la nat urc humaine. Mais tous les auteurs n’expliquent pas de la même façon l’évolution du système. Le préanimisme veut que l’homme ait commencé par l’échelon le plus bas, c’est-à-dire par l’adoration des objets corporels eux-mêmes. C’est le naturisme direct d’A Ké ville, que Guyau appelle panthélisme : « Le mot panthélisme, s’il n’était un peu barbare, exprimerait mieux cet état de l'intelligence humaine, qui place tout d’abord, dans la nature, non pas des « esprits », plus ou moins distincts des corps, mais simplement des intentions, des désirs, des volontés inhérentes aux objets eux-mêmes. » L'irréligion de l'avenir, Paris, 1886, p. 31. Pour expliquer cc panthélisme, il faut que l’on accorde que l’homme soit frappé par des effets Inattendus, qui font naître en lui le vague sentiment de forces supérieures ct libres, dont l’intervention, souhaitée ou redoutée, puisse être implorée ou conjurée. Cf. E. K. Hull, Studies in idolatry, Bombay. Mais l’homme ne lient compte,au point de vue religieux, que d’êtres semblables A lui par l’intelligence et la vo­ lonté, qui peuvent agir dans la nature, cn s’unissant plus ou moins étroitement au corps. Ces êtres sont les GIS esprits. Les tenants de l’animisme simple, Tylor cn particulier, expliquent Ja conception des esprits par assimilation des objets du dehors à la nature humaine elle-même. « Dès que l’homme cn est arrivé à conce­ voir l’existence d’une âme humaine, cette conception a dû lui servir de type, d’après lequel il a élaboré non seulement scs idées relatives ù d’autres Ames infé­ rieures, mais encore scs opinions par rapport aux êtres spirituels cn général.» Op. cit., trad, franç., t.n, ρ. 113. Est-ce le concept de l’Ainc des morts, le mânisme, qui est A l’origine de l’animisme? Tylor ne s'explique pas nettement sur cc point, encore qu’il le laisse parfois entendre. C’est, A proprement parler, la thèse de Spencer. D’après Spencer, l’idée des esprits s’est for­ mée par la vue de la mort. C’est par assimilation aux esprits des morts que les forces de la nature ont été conçues comme des personnes. Cf. Rcvillc, Prolégo­ mènes de l'histoire des religions, Paris, 1880. L’homme, ayant admis que son esprit pouvait être séparé de son corps, ct ay ant assimilé la nature des objets A la sienne, ne tarda pas à croire que, chez les êtres animés, l’es­ prit pouvait, comme chez lui, « quitter son enveloppe ordinaire, se transporter loin d’elle, sc cacher sous d’autres formes et même ne pas prendre du tout de forme visible »; puis, il s’accoutuma A admettre l'exis­ tence d’esprits doues d’un pouvoir supérieur, dont il fallait ou solliciter l'intervention bienfaisante, ou re­ pousser les maléfices. De là, la magie ct le fétichisme. Le fétichisme, voir ce mot, t. v, col. 2191-2196, consi­ dère les objets matériels comme les habitations des divinités, sinon comme des divinités elles-mêmes. De IA, à l’IdolAtrlc» il n’y a qu’un pas. ct la transition est à peine sensible : < Quelques lignes tracées sur le bois ou sur la pierre, quelques parcelles enlevées, quelques couches de peinture, suffisent A transformer le poteau ct le caillou cn une idole. > Tylor, op. cit,, t. n. p. 209. L’idole est donc à la fois portrait el fétiche ct présente ainsi les deux aspects par lesquels on peut envisager ridolAtric. Voir col. 606. H. Spencer croit trouver l’origine des idoles dans les portraits qu’on plaçait sur la tombe des morts ou dans leur ancienne mai­ son. Cf. Goblet d'Alviclla, L'animisme ct sa place dans l'évolution religieuse, dans Revue de l'histoire des religions, 1910, t. i.xi, p. 1-19; A. Lang, The origins of religion, Londres, 1908; Magic and religion, Lon­ dres. 1901. La théorie magique de J. M. King, The supernatural, its origine, nature and évolution, Londres, reprise, avec de nombreuses variantes, cn Angleterre, par Marett, Preaministic religion, dans Folk-lore, 1900. p. 162-182; reproduit dans The threshold of religion, Londres, 1909, Sidney, Hartland, Frazer, Golden Bough, Londres, 1908; trad, franç.. Le rameau d'or, Paris, 1903; en France, par Hubert et Mauss, Mélanges d'histoire des religions, Paris, 1909; Lévy-Bruhl, Les fonctions mentales dans les sociélés inferieures, Paris, 1910; cn Allemagne, par Preuss et Vierkandt, est aussi une hypothèse favorablement accueillie des savants : l’homme, en face de faits dont l'explication lui échappe, attribue aux êtres dont émanent les phénomènes inexpliqués, des vertus secrètes ct magiques, qui cn font des êtres surnaturels cl divins. La magie aurait précédé la religion, non pas parce que, comme certains l'ont pensé, elle s’oppose à la religion, cl que l’homme a passé de la première, par laquelle il tentait en vain de soumettre A son pouvoir les forces de D nature, A la seconde, par laquelle il reconnaissait, dans la nature, des forces supérieures à la sienne propre; mais plutôt parce que la magic est la religion des peu­ ples non civilisés. La magie a la prétention d'atteindre les esprits cl de les soumettre A l’homme; mais elle est devenue religion, dès l’instant qu’elle a pris con­ science delà supériorité des esprits et de la nature des 1 B ·> ι 1 H I I H 11 619 IDOLATRIE, IDOLE relation* que les hommes peuvent avoir ù leur endroit : entre la magie et la religion, il n'y a pas de ligne de démarcation précise. Là où la magie prétend exercer une coercition efficace .sur les esprits, la religion sc contente de les implorer; mais le magicien, cn s’effor­ çant de contraindre les esprits, essaie aussi de les séduire. Userait plus juste do reconnaître, malgré cer­ taine s affinités, une différence fondamentale entre la magie et la religion : « loin de dépendre des esprits, la magic prétend les contraindre; dès lors, ou bien elle reconnaît le pouvoir supérieur des esprits cL s’attaque Λ de véritables dieux et sa prétention est insensée, ou bien elle ne traite qu’avec des pouvoirs occultes, infé­ rieurs cn puissance et en bonté. Elle a une petite idée des forces surnaturelles tandis que la religion a du divin une grande idée. Ce n’est en apparence qu’une question de plus ou de moins, ce qui explique que les limites sont flottantes; c’est une question de sens moral et religieux cl c’est pourquoi il y a un abîme entre la magic et la religion. » Lagrange, op. c/f., p. 14. De plus, il n’est pas prouvé que l’homme, quand il a commencé à agir, ait cru qu’il fût le premier agissant. N’a-t-il pas, au contraire, cru subir l’influence et res­ sentir l’impression de forces étrangères à lui, avant de les combattre, et, dès lors, n'a-t-il pas pu les aporéhender comme supérieures ù lui? La théorie magique, sans l’animisme, devient une théorie sans base solide et construite a priori, — b. Le totémisme. — Le toté­ misme prétendexpliquerrorigineducultc desanimaux, qui aurait clé la forme primitive de la religion. Sur le totémisme cn général,cf. W. Robertson Smith, The religion of the Semites, Cambridge, 1889; Kinship and marriage in early Arabia, Cambridge, 1883 ; An intro­ duction in the study of comparative religion. New York, 1908; Frazer, Le totémisme, trad, franç., Paris, 1898; F. B. Jevons, An introduction to (he history of religion. Londres, 1896; Arnold van Gennep, Totémisme et méthode comparative, danski Revue de t’histoire des reli­ gions, 1909, t.u,p.34-76; cf. Le mon nye r, Bulletin de science des religions, dans la Revue des sciences philosophiquescUhéologiques,1929, ρ.3Ί0·, F.Bouvier,JLc toté­ misme, dans les Recherches de science religieuse, 1913, p. 412-113; Semaine d'ethnologie religieuse, 1913, p. 129-113; Revue de philosophie, 1913, p. 311-372. Le totémisme est une sorte do pacte perpétuel, · mal déflnl, mais de nature religieuse, entre certains clans d'hommes et certains clans d’animaux ». C’est une règle universelle, nue les sauvages voient d’instinct des amis ou des ennemis dans les objets qui les entou­ rent et qu’ils regardent comme animés; ils ont cher­ ché surtout à sc faire des amis parmi les animaux : ce sont les totems. Des rapports de vénération existent désormais entre un clan d hommes et un clan d’ani­ maux, plus rarement do plantes ou d’objets inanimés. Les hommes considèrent ces animaux comme de même lignée qu’eux. Ces animaux sont presque des dieux : cn réalité, ils sont devenus dieux par le culte que leur a rendu le clan. Dans le totémisme, dont Goblet d'Alviclla a rédigé le code, cf. S. Beinach, Revue de Γhistoire des religions, 1905, 1.1, p. 267, M. Jevons a voulu trouver l'origine de toute religion. Pour M. S. Beinach, Cultes, mythes et religions, Paris, 1905-1906, le totémisme est la religion primitive de l’humanité au moment où ellcsc dégage de l'animalité. Mais les asser­ tions sur lesquelles on veut faire reposer la théorie du totémisme sont très contestables. M. I^Marillicr,dansla Revue de Chisloiredes rdigions, t. χχχν,ρ. 330sq., a mon­ tré que la plupart des usages allégués sont susceptibles d'une autre interprétation et que le totémi.smc.lié à un état social très particulier, est plutôt le tcnned’uncévolution religieuse et n'a pas les conditions nécessaires pour servir en quelque sorte de principe premier et de source générale. Il suppose, de plus, un animisme latent 620 I qui explique l’affinité des clans. Cf. Zaplcla), Der Totc. misnius und die Religion Jsraels, Fribourg-cn-Brisgau, 1901. Maspero se refuse à expliquer par le totémisme le culte des animaux en Egypte. Histoire ancienne des peuples de ΓOrient classique, Paris, 1895, L j, p. 103104.Voir Anthropos, t.ix, p. 299-325,622-630,630-640, 640-646, 616-652; t. x-xi,p. 23 1-218,248-256,256-265, 586-592,593-610,948-976 ; L xn-χι11, p. 338-350,—c> Le caractère astral de certains cultes orientaux, notam­ ment chez les Sémites, n'est passi absolu, qu'il suffise à expliquer l'origine de tout culte. Certaines asser­ tions de Winckler, Stucken, Bandlssin et même Jeremias, reposent sur un système quelque peu artificiel. Λ cet égard, on consultera avec profit les excellentes mises au point du P. N. Kugler, DnBannkreis Babels. Panbabylonische Konslructioncn und Religionsgeschichtliche Talsachen, Münster cn Westphalie, 1910; Sternkunde und Slerndicnsl in Babel, ibid., 1912. Cf. Maspero,op. cit., n. 616. 2. Principes de solution. ·— Le P. Lagrange; op. cil., p. 20 sq., a bien montré que, quelle que soit la part de vérité ù concéder aux différents systèmes proposés, « ni les morts, ni les forces de la nature considérées comme des esprits ne seraient jamais parvenus aux honneurs suprêmes., sans le sentiment du divin, toutpuissant, omni-présent, scco arable et juste, qui est au fond de toutes les religions anciennes». Ce sentiment du divinest essentiel dans toute religion, et, partant, dans l’idolâtrie. Il peut, dans une certaine mesure,expliquer, joint à l’animisme, le polythéisme et le polydémonisme. Il repose d’ailleurs sur deux faits dûment constatés. — a) Le premier de ces faits est l’/iJnothéisme, qui c a son fondement dans l’identité positive que l’on reconnaît être à la base de taules les divinités de la nature, identité qui permet d’honorer, dans la personne de chaque Dieu, principalement dans celle de chacun des principaux dieux admis dés l'origine, la divinité au sens absolu, le divin, Dieu >. De 1 iarlmann, cité par Lagrange, op. cil., p. 21. C’est par l’hénothéisme qu'on peut expliquer le sentiment de pur monothéisme qui, au milieu d’un polythéisme nette­ ment accusé, semble animer les hymnes et les prières de la religion égyptienne ou babylonienne. Voir cidessus, col. 613. Cet état d’âme des païens avait été constaté par les Pères eux-mêmes. Cf. S. Augustin, In Joanncm, c. xvn, tr. CVI, n. 4, P. L., t. xxxv, col. 1910 : Num quod Deus dicitur universas crcaturœ, cliarnomnibus gentibus antequam in Christum crederent non omnimodo esse potuit hoc nomen ignotum. Ihec est enim vis vera divinitatis, ut creat une rationali jam ratione utenti, non omnino ac penitus possit abscondi; Tcrtullicn, disant à l’âme humaine : nam solum Dcum confirmas, quem tantum Deum nominas, ut et cum illos interdum deos appellas, de alieno et quasi pro mutuo usu videaris. De testimonio aninuv, c. n, P. L., t. i, coi. 611. Pensée extrêmement juste, surtout si on la rapporte au nom El, nom propre de Dieu chez le* Sémites primitifs, voir col. G12, et devenu appellatif par la multiplication des personnes auxquelles on attribuait ses propriétés transcendantales. D’après Bossuet,c'est la pensée de saint Paul lui-même: «C’est ignorer les premiers principes de la théologie que de ne pas vouloir entendre que l’idolâtrie adorait tout, et le vrai Dieu comme les autres... La force de l’argu­ ment decet apôtre consiste cn ce qu'il n fait voir... que les gentils étaient criminels cn ne servant pas le Dieu qu'ils connaissaient. » Lettre d .W. Brisacier, Œuvres, i ·< -6/1. cond 1 fait qui ne saurait être contesté, c’est l'existence des cosmogonies. On constate par là la curiosité qui pose le problème de l'origine du monde et suppose l'idée du monde considéré comme unité. Peu importe les I Inconséquences des imngm itions î>Ius ou moins gros- 621 IDOLATRIE, IDOLE Bières : le problème Lang, The making o/ religion, 2e édit., Londres, 1900, p. x. Ainsi peut s’ex­ pliquer la notion de la divinité qui est à la base de | toute religion, même polythéiste. — Comment, avec cette idée fondamentale du divin,expliquer la multi­ plication des dieux? « Cette multiplication, écrit le P. Lagrange, op. cil,, p. 25, résulte du simple fraction- I nement des groupes sociaux. Chacun veut avoir son dieu. Renan a raillé agréablement le roi de Prusse qui | avait toujours à la bouche unser Gott et Lang rappelle que Milton, lui aussi, admire ce que Dieu a fait avec I srs Anglais. A défaut d’un dieu particulier, les peuples I modernes veulent du moins avoir leur Église, sans comprendre que l’unité de l’Église est le relict et aussi la garantie de foi au sujet de Dieu. Après que les tribus sémites curent ainsi partagé leur EZen plusieurs dieux différents, la scission fut irréparable. J-ors meme que de grands États fondés par la conquête furent parvenus à cimenter l’union politique la plus étroite, les dieux ne fusionnèrent pas toujours. Sans doute, il y eut du déchet. Quand les dieux avaient les mêmes attributs,on sc contentait d’un seul. Même les petits peuples furent exposés à voir disparaître leurs dieux dans la tourmente. Mais, d’une façon générale, le nombre des dieux ne cessa de croître. Il augmentait fatalement toutes les fois que des tribus sc réunissaient volontairement pour former un Etat; il augmentait le plus souvent lorsque l’union était le résultat de la conquête. Les vainqueurs négligèrentsouvent de rendre hommage aux dieux des vaincus; ils affectaient même de les mépriser; mais rarement les vaincus abandonnè­ rent les dieux du pays et plus d’une fois les vainqueurs sc plurent,à leur rendre hommage. Rien de plus connu que ces faits, mais pourquoi fermer les yeux à une vérité banale ù force d’être répétée? » — c) Enfin, dans l’éclosion de l’idolûtric, il faut faire la part de l'animisme, sous toutes ses formes, appliquant aux « esprits » qui étaient censés mouvoir toutes choses, une portion plus ou moins considérable de ce qu’on attribuait plus ou moins confusément au divin : « lorsqu’on reconnaissait ù l’esprit, qu’il s’agît d’un mort ou de l’agent d’un phénomène, la puissance, la bonté, la justice, dans une large mesure, lorsque le culte était publicet l'attitude respectueuse, l’esprit était un dieu et l’hommage qu’on lui rendait, une re­ ligion. Mais s’il s’agissait d’un esprit anonyme, plus redouté qu’aimé, on essayait de le tenir à sa discré­ tion en exploitant ses appétits et scs défauts; on sc contentait de la magie. Il est difficile de dire si cette religion a précédé la magic, et le polythéisme le polydénionisme. Noils n’affirmons nullement que la magie soit une religion dégénérée, ni que le polydêmonismc soit Issu du polythéisme. Mais nous demandons qu'on n'affirme pas non plus le contraire sans de bonnes rai­ sons. Tout suggère une marche parallèle, si on peut donner ce nom à la rivalité des meilleurs sentiments et des plus bas instincts du cœur de l'homme. · La­ grange, op. cil., p. 27. Que l’homme traduise ses senti­ ments, à l’égard des dieux ou des dénions, en repré­ sentant sous une forme sensible ceux auxquels s’adres­ sent ses hommages, et nous sommes en face de l'idolAtrie proprement dite. Le passage de l'animisme à l’ido­ lâtrie est, avons-nous dit, voir col. 618, extrêmement facile.—d) De plus, aucune théorie purement naturiste ne peut prétendre donner la raison dernière et morale 622 de la déformation du culte divin transposé du vrai Dieu aux fausses divinités. Cette raison dernière et d’ordre moral se trouve évidemment dans (e péchéori­ ginel, qui a obscurci l'intelligence de l’homme et dé­ pravé sa volonté. < l’eu satisfaite de l’invention du mal, écrit saint Athanase, Cont. gentes, n. 8, P. G., t. xxv, col. 16-17, l'âme humaine peu ù peu se mit à tendre vers le pire. Elle connaissait les différences entre les plaisirs, sc plongeait dans l’oubli des choses divines, prenait goût aux émotions corporelles et aux seules choses présentes, s’arrêtant aux opinions courantes. Elle crut donc qu’il n’existait rien cn dehors des êtres visibles et que seul l’éphémère et le corporel était le bien. Elle sc pervertit et oublia qu’elle était à l'image du Dieu bon; sa force intime ne lui servit plus à voir le Dieu Verbe son modèle; sortie d'elle-même, elle s’occupa du néant et le façonna. Dans l’étreinte des passions corporelles, cachant le miroir intérieur, ou seulement elle pouvait voir l’image du Père, elle ne voit plus ce qu’elle doit penser; emportée çà et là, elle n’aperçoit plus que ce qui tombe sous les sens. Aussi, pleine des désirs charnels, troublée par leur Image, elle finit par sc représenter le Dieu que sa pensée a oublié, parmi les choses corporelles et sensibles, appliquant aux objets visibles le nom de Dieu et n’attachant d’importance qu’à ce qu’elle désire et regarde comme agréable. La malice est donc la cause introductrice de l'idolâtrie. » Trad, de F. Cavoilera, Saint Athanase, Paris, 1908, p. 225. I.a théologie sco­ lastique approfondira cette conception de la cause première de l'idolâtrie et la placera dans les disposi­ tions défectueuses de l’homme, perverti par le péché, inordinatus o//cetus, repraesentationis delectatio, igno­ rantia. S. Thomas, Sum. theol., II* II®, q. χαν, a. 4. — c) Conclusion : Il faut donc distinguer — et c’est là aussi la conclusion des beaux travaux du P. Lagrange, de Mgr Le Roy, du F. Condamln -— dans les actes idolàtriques, deux éléments : l’un, que j’appellerais volontiers élément formel, la persistance de l’idée transcendante de Dieu, Indépendante des théories naturistes, et dont l’origine est antérieure à l’appari­ tion de l’idolâtrie sur la terre, idée qui donne précisé­ ment au culte divin rendu à des êtres qui n’en sont pas dignes, d’être une déformation et une dépravation coupable de l’acte latreutique réservé à Dieu seul, l’autre, élément matériel de l'idolâtrie (le seul que touchent les hypothèses émises par les savants ratio­ nalistes), qui est le choix fait par l’homme, sous l’une des in fluences psychologiques analysées par les histo­ riens des religions, et sous l’influence originelle d’ordre moral que représente le déséquilibre introduit dans la nature humaine par le péché, des objets indignes du culte divin. Schmidt, op. cil.; Lagrange, Études sur les religions séml· tfqlies, Paris, 1905; Λ. Borchert. Der Animismus oder Ursprung und Entwicklung der Religion aus der Seelen-Ahnen und Geislerkult, Fribourg-cn-Brisgau, 1900; P. Bugnicourt, art. Animisme, dans le Dictionnaire apologétique de la fol catholique; Mgr Le Roy, nrt. Naturisme, ibid. Voir aussi, dans les Recherches, les ilulleàns d'histoire comporte des religions du P. Bouvier. 3. Une application; l'évhémérisme. — L’évhémérisme (d’Évhémère, iv· siècle av. J.-C.) divinise les hommes ou humanise les dieux, ce qui est, sous scs deux aspects opposés, la même doctrine philosophique. C'est la plus simple et la plus facile explication de l’idolâtrie, celle à laquelle, pour mieux combattre le paganisme, auront recours les pères de l’Église, voir plus loin, col. 658. C’est egalement une des explications pro­ posées par saint Thomas, Sum. theol., II· II®, q. xav, a. 2. Et le plus curieux, ainsi que le remarque le K La­ grange, op. cil., p. -163, est que l’évhémérisme peut naître de deux principes absolument opposés, le mo- 623 IDOLATRIE, IDOLE no théisme et la mythologie, qui représentent les deux éléments concourant à l’éclosion dc l'idolâtrie. Le monothéisme, mis en présence des dieux, ne saurait, en vertu dc son propre principe, que nier leur existence. Il doit ensuite expliquer l’empire que ces fausses divi­ nités ont acquis sur d’autres hommes, et, dès lors, il les considère, ou comme des esprits mauvais, ou comme des forces naturelles, ou comme des hommes divinisés. La mythologie, dc son côté, peut aboutir à l'évhé­ mérisme. · A force dc développer les histoires des dieux, leurs généalogies ct leurs aventures, on les assimile tellement aux hommes qu'on Unit par sc demander où ils sont nés et où ils sont morts. A ce point cepen­ dant on touche à la limite qui distingue les dieux des hommes, ct on ne peut la franchir sans que le concept dc la divinité en soit atteint. Aussi faut-il supposer un moyen terme qui permettrait de procéder par ana­ logie : les hommes divinisés. Dc sorte que le phéno­ mène dc l’évhémérisme doit sc produire plus naturelle­ ment dans les pays où on divinise les mortels, ordinai­ rement les rois. » Lagrange, op. cil., p. 163. C’est le cas pour l'Égypte. Cf. Maspero, op. c//., 1.1, p. 81-85, 109111,116. Les dieux, fondateurs dc villes, étaient, dans toutes les religions, en nombre incalculable; on mon­ trait leur tombeau. A l'époque gréco-romaine, les exemples abondent : cf. Lagrange, op. cil., p. 461; certains assyriologues, Winckler, Hilprecht, Jeremlas, proposent même dc faire remonter l'évhémérisme aux premières origines connues dc la Chaldée. Mais celte doctrine, qui repose sur le sens ù donner au mot gigunu, tombeau ou sanctuaire, reste douteuse. Cf. Schell, Textes élamites-anzanilcs, 1.î, p. 31. En réalité l’évhémérisme est issu du polythéisme : il n'est qu'une application assez lointaine des principes que l'on a proposés plus haut louchant l'origine des cultes idolûtriqucs. 4. Apparition de l'idolâtrie dans la religion primi­ tive patriarcale. — Les Livres saints nous donnent, sur le point dc l’envahissement par l’idolâtrie du peuple que Dieu s’était choisi, des details Intéressants. Josué affirme, xxiv, 2, que les ancêtres d* Abraham ont servi les dieux étrangers; c’est pourquoi Abraham dut, sur l’ordre divin, quitter la terre où habitèrent ses aïeux ct abandonner sa parenté. Gcn., xu, 1. Tharé est nommément désigné. Abraham fut-il lui-même indemne? Les auteurs sont partagés sur celte question. Le témoignage d’Achlor l’Ammonite, Judith, v, 6-9, n’est pas sulllsar.t â prouver le contraire. Un passage parallèle dc Jérémie, xvi, 13, indique clairement que, dans Gcn., xn, 1, il est question d’une véritable ido­ lâtrie. Laban, au culte du vrai Dieu, Gcn. xxiv, 50; xxxi, 24, 29, 49, joint le culte des thiraphim, appelés aussi ilôtdm. Gcn., xxxi, 19,30, 32, 34. Rachel dérobe les idoles dc son père, sans doute pour se les rendre favorables. Mais Jacob ordonne aux siens de < jeter les dieux étrangers qui sont au milieu » d’eux, Gen., xxxv, 2, ct < ils lui donnèrent tous les dieux étrangers qu’ils avaient et les pendants qui étalent à leurs oreilles », 4. Cf. Judith, v, 6-8. Mais ce fut en Égypte que sc produisit la grande défection Idolàtrlquc dont parle Ezéchlcl, xxm, 3, 8, 19, 29. L’Idolâtrie avait pénétré jusque dans la maison de Jacob. Les ills dc Jacob s’étant alliés avec des Chananéennes, une foule de serviteurs appartenant à des cultes divers les suivirent sur les bords du Nil. Tout cela devait créer dans le peuple issu des patriarches un véritable foyer d’idolâtrie : foyer dont l’extension aurait infailliblement détruit le monothéisme primitif, si Dieu n’était intervenu directement. 111. L’ioolatiue et la blugion mosaïque. t· Les lois divines promulguées contre T idolâtrie. Le danger que courait le monothéisme dans le peuple de Dieu, par suite du contact des Chananéens et des 624 Égyptiens, rendait nécessaire, avons-nous dit, l’in­ tervention divine pour écarter la ruine complète de la vraie religion. De là, l’exode des Hébreux sous la conduite de Moïse, après quatre cents ans de séjour en terre d’Égypte. C’est au cours de cet exode qu’il plût au Seigneur de promulguer une solennelle inter­ diction de l’idolâtrie et des pratiques idolâtriques. Les lois portées par Dieu ct promulguées par Moïse sc trouvent principalement dans les livres de l’Exode et du Deutéronome. 1. Exod., xx, 3-5 : < Vous n’aurez point d’autres dieux devant mol (c’est-à-dire avec moi). Vous ne ferez pas d’images taillées, ni aucune figure de tout cc qui est en haut dans le ciel, et en bas sur la terre, ni dc tout cc qui est dans les eaux sous la terre. Vous ne les adorerez point et vous ne leur rendrez point le souverain culte; car je suis le Seigneur votre Dieu, fort ct jaloux, qui venge l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième ct quatrième génération de ceux qui me haïssent et qui fais miséricorde jusqu’à mille générations à ceux qui m’aiment et gardent mes préceptes. » Ibid., 22-23 : « Vous avez vu que c’est du ciel que je vous ai parlé; vous ne ferez point de dieux d’argent, ni de dieux d’or; vous me dresserez un autel dc terre sur lequel vous m’offrirez des holocaustes... Que si vous me faites un autel de pierre, vous ne le bâtirez point do pierres taillées... » Ces textes nécessitent un bref commentaire. Jéhovah ne suppose pas que son peuple puisse ne pas le re­ connaître comme le vrai Dieu. Mais il craint qu’il ne le reconnaisse pas comme le seul Dieu ct mêle au culte du vrai Dieu l’adoration dc fausses divinités. De là, la prohibition du verset 3. La défense de faire des images taillées est portée pour empêcher l’ido­ lâtrie proprement dite. Dieu fait allusion aux cultes idolâtriques que les 1 lébreux ont vus en Égypte, où le soleil était adoré sous le nom de Ra, où des hom­ mages étalent rendus aux animaux, par exemple au bœuf Apis, au crocodile, aux reptiles. Voir J. Capart, La religion égyptienne, dans Où en est Γhistoire dts religions? L î, p. 93 sq. il faut ajouter que cette prohibition visait aussi les pratiques idolâtriques des Assyriens. Cf. de Hummelaucr, In Exodum, Paris, 1897, p. 199. Mais cette défense n’était pas absolu­ ment prohibitive dc toute sculpture ou image repré­ sentant la divinité : elle concernait le culte rendu aux images, plutôt que la confection de ces images, cl cela, dans la crainte dc favoriser la propagation de l’idolâtrie. Moïse, en eflct, fit faire lui-même des chérubins qu’il posa sur l’arche. Exod., xxxi, 18-19. Salomon en plaça aussi dans le sanctuaire du temple; il mit des figures dc bœufs sous la mer d’airain ct, sur les socles, des figures de lions, 111 lieg., vj, 23, 3o; xn, 2a, 36, 44, sans compter toutes les autres sculptures qui devaient servir d’ornements. Enfin, la menace par laquelle Dieu termine la solennelle Interdiction portée contre l’idolâtrie marque bien la gravité du précepte donné; ct cependant quelle dliïérence entre la menace des châtiments ct la pro­ j messe des récompenses! Aux coupables, Dieu, dans sa justice, promet un châtiment qui ne sc prolongera que jusqu’à la quatrième génération; aux Israélites fidèles, Dieu promet une récompense in millia, c’està-dire sans mesure dans le temps. La bonté l’emporte sur la sévérité. Dans les versets 22-23, Dieu donne des prescrip­ 1 tions générales relatives à l’autel .sur lequel on doit lui offrir des sacrifices, et cela en vue de préserver son peuple de l’idolâtrie. Autel de terre ou même de , pierre, mais non sculptée. L’autel unique fut prescrit par Dieu pendant le temps des pérégrinations à tra­ vers le désert; les Hébreux devaient venir immoler 625 IDOLATRIE, IDOLE 626 devant le tabernacle les animaux destinés Λ leur qu’ils adorent, cc qui sera certainement votre ruine. * Exod., xxxiv, 11 sq. : « Je chasserai mol-memc nourriture ou aux sacrifices, et cela, outre la raison de sanctification des aliments, Lev., xvn, 3-5, dans devant vous les Amorrhécns, les Chananéens, etc..· le but d’eviter les pratiques idolâtriques qu'ils Prenez garde dc ne jamais faire amitié avec les habi­ avaient parfois associées â l'immolation des ani­ tant de ce pays, cc qui causerait votre ruinc; mais détruisez tous leurs autels, brisez leurs statues, maux, 7. Cette loi fut abrogée lorsque les Hébreux furent entrés dans la terre promise. Deut., xn, 15. coupez leurs 'asérim (c’est-à-dire les statues dc la < Les sacrifices devront être offerts dans le lieu que déesse Astarté); n’adorez point dc dieu étranger. Jéhovah aura choisi dans une des tribus. Deut., xn, Le Seigneur s’appelle (le Dieu) jaloux; Dieu veut 13-1 4. En attendant qu'il fût déterminé ct que Jéru­ être aimé uniquement. Ne faites point d’alliance salem devînt le seul lieu habituel des sacrifices, la avec les habitants de ce pays-là, dc peur que, lors­ législation du livre de l'alliance subsistait; il était qu’ils se seront corrompus avec leurs dieux et qu’ils toujours licite d'immoler à Jéhovah là où il avait auront adoré leurs statues, quelqu’un d’entre eux ne ordonné dc faire mémoire de son nom, et les expres­ vous invite à manger des viandes immolées (aux sions dc la nouvelle législation, Deut., xn, 13-11, dieux). Vous ne ferez point épouser leurs Allés à vos sont telles, que, tout en restreignant â un seul lieu fils, dc peur qu’après qu’elles sc seront corrompues l’érection des autels pour le culte ordinaire ct officiel, elles-mêmes, elles ne portent vos fils à sc corrompre cf. H Par., xxxn, 12, elles n’excluent pas que, dans I aussi avec leurs dieux. Vous ne ferez pas de dieux des circonstances extraordinaires, on ne pût, même en fonte. » Cf. HI Reg., XI, 2 après la construction du temple, ériger accidentelle­ Le Deutéronome, vn, 1-16; cf. xn, 1-2, répète, en ment et transitoirement d’autres autels ct y offrir accentuant les menaces et les promesses, les mêmes des sacrifices. · P. Renard, art. Autel, dans le Diction­ prescriptions. Cf. Num., xxxm, 52. A noter que l’in terdiclion d'adorer les étoiles, la lune, le soleil sc naire de la Bible do M. Vigoureux, t. î, col. 1267. trouve renouvelée au c. xvin, 3. Au c. xvr, 21-22, dé­ 2. Le Deutéronome reprend, en plusieurs endroits, en les précisant, les interdictions portées par Dieu ct fense est faite derechef, cf. Exod., xxxiv, 13, dc planter en '«MroTi, aucun arbre près de l’autel dc rappelées au livre de l’Exode. iv, 15 sq. : a Vous n'avez vu aucune figure (exté­ Jéhovah. Défense d’élever un niassêbdh (pierre levée, rieure) au jour où le Seigneur vous parla sur l’Horeb stèle). 1 Asêrâh désigne ici l'emblème dc la déesse du au milieu du feu (comparez : Exod., xx, 22 Vous avez même nom, qu’il faut identifier avec la déesse Astarté. vu que c’est du ciel que je vous ai parlé), de peur Cf. Jud., vi, 25, 26,28,30; IV Rcg., xxm, 6. De meme qu’étant séduits, vous ne vous fassiez quelque image que les Chananéens joignaient des 'âsérdh à l’autel dc Baal, la divinité mâle, de même, les Hébreux au­ de sculpture, quelque ligure d’homme ou dc femme,ou dc quelqu'une des bêtes qui sont sur la terre, ou des raient pu être tentés dc l’élever près dc l’autel do oiseaux qui volent dans le ciel, ou des animaux qui Jéhovah : d’où l'interdiction du Deutéronome, xvi, rampent et se remuent sur la terre, ou des poissons 21. Cf. Mich., v, 13; ls., xvn, 8; xxvn, 9; 11 Par., qui sont sous la terre dans les eaux; ou qu’élevant xxiv, 8. 4. Le Deutéronome, enfin, porte une Interdiction vos yeux vers le ciel, ct y voyant le soleil, la lune et tous les astres, vous ne tombiez dans l'illusion et spéciale relative aux hauts-lieux (bânuih, pluriel : bddans l’erreur, et que vous ne rendiez un culte d’ado­ môl). L’usage dc dédier les montagnes à la divinité était courant dans le pays dc Moab ct la terre dc Cha ration à des créatures. » naan ; sur les raisons religieuses dc ce fait, voir l·. Prat. 23 sq : ■ Gardez-vous d’oublier jamais l’alliance que le Seigneur votre Dieu a faite avec vous ct dc vous art. Hauts-lieux, dans le Dictionnaire de la Bible* de M. Vigoureux, t. in, col. 450. La législation du Deu­ fnirc en sculpture l’image d’aucune des choses dont le téronome, relativement aux hauts-lieux est formulée Seigneur a défendu d’en faire, parce que le Seigneur votre Dieu est un feu dévorant ct un Dieu jaloux au c. xn, où l’on retrouve également l’ordre formel (cf. Exod., xx, 5). Si, après avoir eu des enfants ct des dc détruire tous les objets ou édifices ayant servi au culte des idoles, do changer même le nom des lieux petits-enfants, ct être demeurés dans cc pays, vous vous laissiez séduire jusqu’à fabriquer quelque image pour effacer Jusqu'à la mémoire d’un culte supersti­ (sculptée), en commettant devant le Seigneur votre tieux. Mais une interdic»ion plus précise vise au n. 2 « les lieux où les nations .. ont adoré leurs dieux sur Dieu un crime qui attire sur vous sa colère, j’atteste aujourd’hui le ciel ct la terre que vous seriez bientôt les hautes montagnes, ct sur les collines ct sous tou* les arbres touffus ». Sur ce dernier point, cf. L·., î, 29; exterminés dc cc pays que vous devez posséder », etc. Le texte sncré énumère ensuite les châtiments ter­ i.vn, 5; Ezech., xm, 28; Os., xv, 13. Cet ordre, rela­ tivement à la destruction des hauts-lieux idolâtri­ ribles qui frapperaient Israel coupable d’idolâtrie, y compris le châtiment d’adorer des dieux faits de main ques, se retrouve au livre des Nombres, xxxm, 51, 52 : d’homme ct de les servir, au lieu d’adorer ct dc servir < Quand vous aurez passé le Jourdain, ct que vous serez entrés dans le pays dcChanaan, exterminez tous le vrai Dieu. Cf. Deut.. ni, U.-17. 3. Les livres de l’Exode ct du Deutéronome contien­ les habitants dc cc pays-là; brisez les pierres érigées nent des commandements plus précis encore sur (en l’honneur des fausses divinités); mettez en pièces leurs statues ct renversez tous leurs hauts-lieux... » l’attitude des Hébreux ù l’égard des nations dont les territoires leur sont dévolus, ct à l’égard des cou­ On remarquera, dans cc dernier texte, que Moïse ne dit pas : détruisez tous les, mais tous leurs hauts-lieux. tumes idolâtriques do ces peuples. Exod., xxm, 23, 24, 32, 33 : Mon ange marchera Ce ne sont donc pas les hauts-lieux eux-mêmes, m le culte rendu au vrai Dieu sur les hauts-lieux, que devant vous, ct il vous fera entrer dans la lerrc des Dieu entend prohiber, mais simplement les hauts-lieux Amorrhécns, des Héthéens, des Phérézéens, des Chananéens, des Hévéens ct des Jébusécns, car je de Chanaan ct le culte qu’on y rendait aux idoles. Λ les exterminerai. Vous ne vous prosternerez pas celte interdiction relative aux hauts-lieux, il convient devant leurs dieux ct vous ne les servirez pas. Vous dc joindre la prescription d’offrir à Jéhovah les n’imiterez point leurs œuvres, mais vous les détruirez sacrifices prévus par la loi, en un lieu unique. Les et vous briserez leurs statues... Vous ne ferez point rationalistes s'appuient principalement sur ce der­ nier point du code sacerdotal pour démontrer que d’alliance avec eux ni avec les dieux qu’ils adorent. Ils n’habiteront point dans votre terre, dc peur qu’ils l’idolâtrie avait été courante en Israël, ou tout au moins officiellement tolérée, jusqu’à la construction ne vous portent à m’offenser en servant les dieux G27 IDOLATRIE, IDOLE du temple dc Jérusalem. En effet, nonobstant l'obli­ gation de sacrifier en un lieu unique, les Hébreux gardèrent la coutume de sacrifier sur les hauts-lieux. Tout d'abord, avons-nous déjà remarqué, l’interdic­ tion des hauts-lieux regarde uniquement les hautslieux consacrés au culte fdolâtriquv. Les Hébreux ont donc pu, dc cc chef, avoir des hauts-lieux consa­ crés au culte du vrai Pieu. Ensuite, l'unité du sanc­ tuaire no pouvait obliger le peuple dc Dieu avant la construction du temple. Les sacrifices offerts au vrai Dieu sur les hauts-lieux sont mentionnés sans le moindre blâme. 1 Reg.» ix, 12, 13, 14,19, 25. C’était une application particulière de la loi de Exod., xx, 24, 25. Nous avons déjà dit d’ailleurs que la législation plus sévère du Lev., xvn, 3-9, était abrogée. Voir col. 625. On pourrait multiplier les exemples dcsacri­ fices offerts sur les hauts-lieux, sans que l’écrivain , sacré y trouve rien à blâmer. H Reg., xv, 7,.9; I Reg., xx, 29. La raison de la licéité de ccs sacrifices est indiquée. II Reg., vu, 6, 7; III Reg., vni, 16; cf. ni, 2-5. C’est que le temple n’était pas encore bâti. Parmi les hauts-lieux consacrés au culte de Jéhovah, Gabaon, III Rcg.,in,4; I Par.» xvi, 39; xxi, 29; H Par., i,3,13; Rama, I Reg., ix, 12,13,14/19,25; GabaalhEîohlm, I Reg., x,5,13; Bethléem, I Reg., xx, 24-29; xvi, 2-5; Galgala, Jos., v, 2-9; îv, 19-25; 1 Reg., vu» 16; x, 8; Ose.,îv, 15;ix, 15; xn» 11; Ophra» Jud.» vi, 26; vin, 27; Hébron, H Reg., xv, 7-9, 12; Silo, où demeura longtemps le tabernacle, Jos., χνιπ, 1 ; Nob, où furent pendant quelque temps le tabernacle, le I grand-prêtre et l'éphod., I Reg.» xxi, 1-9; ct proba­ blement aussi Béthcl ct Masphath, que les Septante appellent des lieux sanctifiés, έν tocç ήγιασμίνο:;. I Reg., vn, 16 : le mont des Oliviers, 11 Reg., xv, 30-32 ; le Carmel, IV Reg., iv,23 ; Dan, Jud., xvn.3; cf. xlvi, 5-6, 30; le principal fut à coup sûr Cabaon, habbdmdh, hag-gedôlàh, désigné cinq fois, loc. cil., sous le nom technique dc bâmâh. La légitimité dc ccs hautslieux, en tant qu'ils étaient consacrés au culte du vrai Dieu (encore qu’un culte idolâtrique ou schis matique ait été mêlé au culte de Jéhovah à Béthcl. HI Reg., xn, 26-33; Il Par., xi, 15; xm, 9, ct à Dan, cf. Jud., xvni, xvm), montre bien l'injustice des accu­ sations trop absolues des rationalistes. 5. 11 convient de signaler, en terminant, toute une série de mesures prises par Dieu pour empêcher son peuple de tomber dans l’idolâtrie, à laquelle un pen chant quasi-irrésistible semblait entrainer les Israé­ lites, Nous avons déjà d ailleurs touché quelquesunes dc ces mesures préventives : abolition du culte des images, Exod., xx, 3; Deut., îv, 15-19; ordre dc ne rien laisser subsister des lieux cl des noms mêmes dc culte païens, Deut., xn, 2-4; Num., xxxin, 52; extermination demandée des tribus chananéenncs, Deut., vn, 16; Num., xxxin, 55; dispositions restric­ tives relatives au commerce ct aux alliances avec les étrangers, Exod., xxm, 32-33; Deut., vn, 2-1; insti­ tution du sabbat, Exod.» xx, 8-11 ; xxxi, 13-17; Deut., v, 12-15; des pèlerinages, Lev., xxm; lient.,xvi; du nouveau tabernacle, Exod., xxv-xxx; xxxv-xl; des sacrifices, Lev., ι-vn; auxquels sc rapportent un sa ccrdoce spécial, vin-x, et un rituel différent de celui des autres nations, rituel réglé dans ses moindres détails; distinguant les animaux purs ct les animaux impurs, xi ; cf. Deut., xiv; interdiction d'une foule dc pratiques superstitieuses, Lev., xix, 26-28; Deut., xiv, 1 ; ct notamment des sacrifices humains, Lev., xvm, 31; xx, 2, 3, 4» 5, Deut., xvm, 10; substitu­ tion d’autres coutumes gênantes sans doute, mais dont l'effet était dc donner au peuple dc Dieu plus d’unité ct dc cohésion en l’isolant des contacts fu­ nestes; Injonctions ct menaces rigoureuses. Lev., xvn, 8-11 ; Deut., xm ; etc. Cf. F. Prat, art. Idolâtrie, op cil.. G28 col. 810; Spencer, De legibus Hcbrœorum riluulibuiqut carum rationibus, Tubingue, 1732, p. 281-288. 2° Aperçu historique dc l'idolâtrie dans le peupk d'Israël. — Les différentes prescriptions et interdic­ tions que l’on a exposées plus haut, Jointes à la suite des événements, nous tracent pour ainsi dire natu­ rellement lo cadre de l'histoire de l'idolâtrie dans le peuple d’Israël. On peut considérer trois périodes ; avant la construction du temple, de la construction du temple ù la captivité, après la captivité. 1. De Moïse à ia construction du temple. — a) Uido­ lâtrie dans le désert. — Deux faits culminants, l’adora­ tion du veau d’or, quelques semaines apres la sortit d'Égyplo ct, quarante ans après, adoration de Baul Phégor avec les Moabites ct châtiments Infligés aux prévaricateurs. Exod., xxxn, 1-6, 26-28; Num., xxv, 1-3, 5-9, Λ noter que, dans l'esprit d'Aaron, le veau d’or symbolisait Jéhovah. Exod., xxxir, 5. Sur le symbolisme du veau, voir Dhorme, Les Sémites, dans Où en est l'histoire des religions? Paris, 191 i, l. i, p. 117, 165, 166, 177; Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 93-91 ; 11. Vincent, Canaan, Paris, lv07, p. 467. Le taureau représentait le dieu syrien Àdad, qui présidait aux vents. Jéhovah sc manifestant sur ITlorcb dans les éclairs ct le ton­ nerre, il était naturel que, pour le symboliser, Aaron songeât à la représentation du dieu Adad. Voir H. Lesêtre, Veau d'or, dans le Dictionnaire de la Bible, t. v, col. 2388. Entre ces deux points culminants dc l’hisloire dc l’idolâtrie dans le désert, sc placèrent des défaillances que les écrivains sacrés ne nous ont pas conservées, mais dont nous soupçonnons l’existence par Amos, v, 25-26. — b) Au temps des Juges, « les enfants d*Israël, ajoutant dc nouveaux péchés aux anciens, firent le mal en la présence du Seigneur, ct servirent les idoles, les Baalim, les Astaroth, les dieux dc Syrie, de Sidon, de Moab, des enfants d’Ammon ct des Philistins, et ils abandonnèrent le Seigneur et ne l'adorèrent point. Le Seigneur, irrité contre eux, les livra aux mains des Philistins et des enfants d’Ammon. » Jud., x, 6-7. Cf. m, 7; vin, 33; n, 11-23. Les anathèmes prononcés par Dieu contre les tribus chananéenncs ne comportaient aucune exception. La première infidélité des Hébreux fut précisément d'excepter, soit délibérément, soit en raison dc cer­ taines circonstances imprévues, un grand nombre dc principautés chananéenncs; occupation (?), mais simplement temporaire, dc Gaza, Ascalon ct Accron, Jud., i, 18; maintien des Jébuséens dans la forteresse de Sion, 21 ; vie sauve consentie aux habitants dc Gabaon, Béroth, Cariathiarim, Gaphira, Jos., jx, 3-27; exceptions faites par Manassé, en faveur dc Belsan, Thanac» Dor, Jéblaam, Mageddo, cl leurs dépendances, Jud., i, 27, subjuguées ensuite, mais non anéanties, 28 ; par Éphraïm, en faveur dc Gazer, 29; par Zabulon, en faveur dc Gétron ct Naalol, qu’il sc contenta dc rendre tributaire, 30; par Azer, en faveur d'Accho (Acre), de Sldon, d’Ahalab, d’Achazlb, d’Helba, d’Aphec et dc Rohob, 31-32; par Nephthali, en faveur dc Betsamès ct de Bert banal h, qu'il soumit sans les exterminer, 33; par Dan, en faveur des Amorrhéens, qui résistèrent sur le mont Harès, ct â Aïalon cl Salébim, mais dont il fit, plus tard, ses tri­ butaires. Ainsi entourés dc populations païennes, conservant à l'intérieur même de leurs terres des centres d'idolâtrie, les Hébreux prirent une partie des croyances, des mœurs, des pratiques religieuses dc ceux avec qui ils habitaient. Les mariages avec les infidèles furent aussi une occasion dc perversion : < Les enfants d’Israel habitèrent au milieu du Chananéen, de l’Héthéen, dc l’Ainorrhéen, du Phérézeen, de 1 Hévéen et du Jébuséen; ils prirent pour femmes leurs filles ct ils donnèrent eux-mêmes leurs propres «29 IDOLATRIE, IDOLE filles & leurs fils, et ils servirent leurs dieux », m, 5. I Les hauts-lieux furent aussi une occasion dc perver­ sion : les infidèles ne faisant aucune difficulté de prendre part aux cérémonies des Hébreux, ceux-ci étalent tentes de les payer dc retour. Enfin, l’idée des religions nationales, idée si répandue chez les anciens peuples, fut aussi un prétexte d'idolâtrie : on se croyait obligé de prendre la religion du pays que l’on habitait, afin dc sc rendre propices les dieux protec­ teurs dc cette région. Ruth,t, 16. Delà, grave danger pour les Hébreux immigrés en Chanaan. Le livre des Juges est rempli du récit des défections du peuple hébreu, et des châtiments dont Dieu le frappe pour le ramener à la pureté du culte mono­ théiste. La faute commise par les tribus épargnant les peuples dc Chanaan leur est sévèrement reprochée par l’ange du Seigneur, π, 1 sq. La génération que gouvernait Josué étant disparue, les Israélites sc mi­ rent ù servir les Baalim ct ils abandonnèrent le Sei­ gneur... ct ils servirent les dieux étrangers, ct les dieux des peuples qui habitaient autour d’eux, ct Ils les adorèrent et excitèrent le Seigneur à la colère, l’abandonnant ct servant Baal ct Astaroth, n, 11-13. Cf. 1 Reg., vni, 8; xn, 10. Pour remédier à l’idolâtrie, amener le peuple à la pénitence ct aussi le délivrer des jougs ennemis qu’en punition dc la faute commise Dieu faisait pesersur les I lébreux, < le Seigncursuscita les juges... Lorsque le Seigneur suscitait les juges, samiséricorde fléchissait durant les jours deccs juges, mais après que Je juge était mort, ils (les Israélites) retombaient, ct faisaient des choses bien pires que n’en avaient faites leurs pères, suivant les dieux étrangers, les servant ct les adorant », n, 16-19. Après une chute profonde dans l’idolâtrie, Dieu leur inflige huit ans dc servitude sous le joug du roi Chusan Rasathaim de Mésopotamie, ct suscite, pour les délivrer, Othoniel, ni, 7-10. Après quarante ans dc paix, nou­ velle infidélité, 12 : nouveau châtiment, par l'inter­ médiaire d’Églon, roi dc Moab, que les Israélites servirent dix-huit ans, I L Aod les sauva. Après la mort d’Aod, nouvelle chute, îv, 1 ; nouvelle servitude sous le joug dc Jabin, roi dc Chanaan, 2. Délivrance d’Israël par Débora ct Barac, iv-v. Nouvelles infidé­ lités, vi, 1, nouvelle servitude sous Madian, pendant sept ans. Durant la mission même de Gédéon, deux cas d’infidélité particuliers à signaler, celle de Joas, père dc Gédéon, lequel a un autel dédié à Baal, avec un 'aschéra, vn, 25, ct l’incident dc l’éphod de Gédéon, vni, 27, 33. A signaler aussi, sous Abimélcch, le cas desSichémites,ayant leur dieu ct leur temple,le dieu Baal, dont le cuit c deviendra populaire dans le royaume d’Israël. Après le gouvernement dc Jair, « les enfants d’Israël, ajoutant dc nouveaux péchés aux anciens, firent le mal en la présence du Seigneur, ct servirent les Idoles, les Raalim, les astaroth, les dieux de Syrie, de Sidon, de Moab, des enfants d’Ammon ct des Phi­ listins; ct ils abandonnèrent le Seigneur et ne l’ado­ rèrent point », x, 6. Le Seigneur les livra aux mains des Philistins ct des Ammonites. Faut-Il voir dans le vœu dc Jephté, xi. 31, un acte Idolâtrique mêlé au culte du vrai Dieu? La chose n’est pas improbable. L’Écriture sainte nous laisse entendre, en diet, en plusieurs endroits,que l’idolâtrie des Israélites n’était point un abandon total du culte dc Jéhovah, mais un mélange dc pratiques Idolâtriques au culte dc Dieu. Le culte idolâtrique de Michas, xvi-xvu, en est un exemple. Samuel nous laisse supposer qu’il en était ainsi dans le peuple des I lébreux, 1 Reg., vn, 3, 4; cf. îv, 1-7; xn, 21. Enfin, la grande servitude des Hébreux courbés quarante ans sous le joug des Philistins eut également l’idolâtrie comme point dc départ. c) Au temps des rois. - - Sous le roi Said il n’est pas fait mention dc l’idolâtrie à proprement parler, mais dc la divination ct dc l'évocation des morts. La divi­ nation ct la made étaient fréquentes chez les peuples dc Chanaan, Exod., xxn, 18; Num., xxiv, 1; Deut., xvn, 11; xvm, 9-14; et chez les Philistins. Is., n, G. Les prophètes les combattent; ci. Jrr., xxvn, 9; Michée, v, IL Soutenues par le paganisme ambiant, elles survivaient toujours dans le j>cupic. H Reg., xxxin, 6; IV Rt-g., ix, 22. Voir, sur ce sujet, Davies, Magie,divination and demonology among the Hebrews, Baltimore, 1897; Blau, Dos atijûdische Zaubtrwesen, 1898. Ccs pratiques avaient dû pénétrer chez les Israé­ lites, puisque Saûl prend des mesures sévères à l’égard des magiciens et des devins, I Reg., xxvm, 3, 9, quoique lui-même allât consulter la pythonlsse d’Endor, 7 sq. Sous le roi David, cc fut le triomphe de la religion monothéiste. David résolut dc faire de Jéru­ salem lecentreducultedivinen y transportant l'arche d’alliance, demeurée à Cariat hiarim. On connaît par II Reg., vi, 1-23; I Par.,xm, 1-1 1; xv, 1-29; xvi, 1-43, les détails des translations de l’arche. Il voulut même y construire un temple au Seigneur, mais le prophète Nathan lui fit savoir, au nom dc Dieu, que cet hon­ neur était réservé à son successeur et fils, Salomon. II Reg., vu, 8-16. 2. De la construction du temple à ta captivité. — C’est le roi Salomon, dont le début du règne avait été marque d’uncsl grandesagesse ct d’unesi grande piété, qui donne le signal, dans son royaume, du retour à l’idolâtrie. Son apostasie fut la conséquence de son inconduite. Aimant beaucoup de femmes étrangères, III Reg., xi, 1-3, ois symbolique (cc que la Vulgate exprime ordinairement par lucus). I c culte d'Astarté, comme celui dc Baal, était sanguinaire, III Reg., xvm. 28; le sang coulait dans ses fêtes et on lui offrait, comme à Moloch, des sacrifices humains. Voir Aslarté, dans le Dictionnaire de la Bible, 1.i, col. 1187. Mais, en Israël, cc fut surtout par son aspect impur que le culte dc la « rcine du ciel » sc manifestait. Autour dc ï’aschéra, on retrouve des-courtisanes cl des hommes voués à l'immoralité et aux vices contre nature (Vulg., effeminati). Ill Reg., χιν, 24;xv, 12-13; IV Reg., xxm, 6-7; Ose., iv, 13-14. Le culte de Moloch, avec ses sacrifices barbares, fut pratiqué plus d’une fois dans le royaume d'Israël, comme il le fut dans le royaume de Juda. Cf. IV Reg., xv», 17. c) Pendant la captivité. — Le livre dc Tobie nous fournit quelques rapides aperçus sur la condition reli­ gieuse des Israélites en captivité. Tobie nous est re­ présenté lui-même comme faisant exception dans le royaume d’Israël. Alors que tous sc rendaient aux veaux d'or dc Jéroboam, lui seul fréquentait le temple dc Jérusalem. Tob., i, 6. Aussi, durant le temps dc la captivité, s’abstenait-il, seul entre tous scs compa­ gnons d'exil, dc manger des viandes interdites par la loi. Lev., xi; Tob., i, 12. Cc trait suffit à nous faire comprendre que les Israélites avaient transporté en exil leurs habitudes d’impiété et d'idolâtrie. Les repro­ ches blasphématoires que Tobie reçoit, pour sa con­ fiance en Dieu, dc la part dc scs proches et de sa femme elle-même, nous dépeignent un état d'esprit fort re­ grettable. n, 15, 16, 22, 23. La captivité dc Juda à Babylone était certes remplie de périls au point dc vue de l’idolâtrie pour les Juifs, transportés tout d’un coup dans cette ville riche, dans laquelle les dieux chaldécns, Bel, Nabo, Istar, étaient magnifiquement célébrés et honorés, c Quelle tentation d'adorer ces dieux, qui, aux yeux du vulgaire idolâtre, possédaient 636 plus de puissance que Jéhovah, puisqu’ils avalent assuré aux Chaldécns la victoire sur le peuple dc Jé­ hovah ! Quand Nabuchodonosor ordonnait dc rendre I les suprêmes hommages au dieu national dc Babylone, < tous les peuples, les tribus et les langues »se pliaient à son caprice, et la mort attendait ceux qui sc refu­ saient à cet acte d’idolâtrie. Dan., ni, 7, 21. Sc con­ tenter d'adorer Jéhovah constituait donc un acte dc révolte cont rôle prince,un attentat contre les dieux protecteurs dc Babylone. D'où, pour les Juifs Incli­ nation à croire que Jéhovah les avait vraiment aban­ donnés, qu'il avait manqué à leur égard ou dc puis­ sance ou dc bonté, qu'eux-mêmes pouvaient en tous cas associer à son culte celui de ces dieux de Babylone, qu'on portait en triomphe à travers la ville au milieu d'un peuple en délire, et qui savaient si bien ménager victoire, gloire et richesses à leurs adorateurs. Ce danger de perversion grandissait encore par le fait que les Juifs vivaient mélangés avec une population de même origine qu'eux, presque dc même langage, dc traditions, dc mœurs, dc goûts identiques sur bien des points. Vigouroux, La Bible cl les découvertes mo­ dernes, t. iv, p. 329-344. On ne peut dire combien de Juifs sc laissèrent prendre aux attraits d'une si bril­ lante Idolâtrie. Dans le sein même dc l'émigration, il sc trouvait des hommes pour entraîner leurs frères au mal. Jérémie disait aux exilés : a Que vos prophètes qui sont au milieu dc vous, que vos devins ne vous égarent pas. Ne prêtez pas attention aux rêves que vous suscitez. Ils vous prophétisent en mon nom; mais c’est à faux, je ne les ai pas envoyés, dit Jéhovah.» Lcsêtre, art. Captivité, dans le Dictionnaire de la Bible, t. n, col. 236. Néanmoins, les Juifs n'abandonnèrent pas, du moins en général, le culte du vrai Dieu. La captivité, au contraire, fut, au point dc vue du culte monothéiste, une épreuve salutaire. Dieu, en effet, pourvut providentiellement, par l’influence dc scs prophètes principalement, à la conservation de la vraie religion parmi son peuple. Il faut remarquer, avant de tracer brièvement le rôle des prophètes, que l'idolâtrie à laquelle sc livrè­ rent les royaumes d'Israël et de Juda ne fut jamais l’abandon complet du culte du vrai Dieu, mais plutôt le mélange à cc culte d'autres cultes idolâtriqucs. « L'Idolâtrie des Hébreux, écrit avec justesse le P. Prat, art. Idolâtrie, dans le Dictionnaire dc la Bible, t. ni, col. 815-816, était moins une apostasie que l'adoption de pratiques ou dc cérémonies étrangères. On n’abju­ rait pas Jéhovah, qui restait le seul Dieu légitime d’Israël; mais, par entraînement ou par intérêt, on associait à son culte un culte qu'il réprouvait. Chose extraordinaire! Il n'y a pas, dans les noms théophorcs juifs, qui sont très nombreux, un seul cas cer­ tain d’une divinité étrangère. L'impic Achab lui-même avait donné à scs fils des noms dans la composition desquels entre le nom de Jéhovah. Enfin, nous voyons par l'histoire que l'idolâtrie, loin d'être endémique,est toujours rapportée à une source étrangère; et si, pour éluder cet argument, on prétend que tous les Livres saints ont été falsifiés en faveur d’une théorie pré­ conçue, on tombe dans l’arbitraire et dans l'absurde. » Voir également l'intéressante série d’articles dc M. Touzard sur VAme juive au temps des Perses, dans Bévue biblique, 1916-1919. 3. Après la captivité. —a) Après la captivité,même chez les Juifs demeurés loin de la Terre Sainte, il n'y a plus d’idolâtrie proprement dite. Le livre d'Esther, en particulier, nous montre les Juifs installés à Suse, < ayant des lois et des cérémonies nouvelles et ,dc plus, méprisant les décrets des lois ». Est h., ni, 8. Les épreuves dc la captivité curent, en effet, un salutaire résultat. Selon la prophétie d'Ézéchiel, xxxvi, 24-28, le peuple de Dieu fut l’objet d'un renouvellement 637 IDOLATRIE, IDOLE profond qui le transforma moralement. Les leçons prédites par les prophètes, châtiments et délivrance, apprirent aux Juifs que les dieux chaldécns n'étaient rien en comparaison de Jéhovah. Le monothéisme s’en trouva raffermi chez les Juifs, et Dieu, qui du mal sait tirer le bien, ne permit la dispersion des Juifs que pour préparer les voies à l’évangile futur, en ré­ pandant dans les nations païennes, au milieu des­ quelles vécurent les Juifs, Vidée d’un Dieu personnel et du Messio à venir. Et, de fait, ni Esdras.nl Néhémic, ni Aggée, ni Malachie ne prononcent le nom d’idoles. La prophétie de Zacharie, xiu, 2, n’implique nulle­ ment qu’au temps du prophète, les idoles existaient encore en Israël. 11 ne s’agit d’ailleurs que du souvenir des idoles, nomina idolorum. De phis, il faut bien comprendre le sens de la prophétie. Bien qu’au temps dc Zacharie les Juifs ne fussent plus adonnés à l’idolâtrie, le prophète indique l’absence dc l’idolâ­ trie, disparue jusqu'à son souvenir même, comme note caractéristique delà théocratie nouvelle. Cf. Ose., n, 17. Voir Knabenbaucr, Jn prophetas minores, Paris, 1886, t.n, p. 381. Dans Zach., xi, 17, idolumncsignific pas idole. C’cst la traduction, assez imparfaite d’ail­ leurs, dc l’hébreu néant. Voir col.603. «Malheur au pasteur inutile », tel est le sens exact du passage. Il faut mémo dire qu'après la captivité, les Juifs poussèrent jusqu’à un rigorisme exagéré toute appa­ rence même d’idolâtrie. Toute image d’être vivant, même employée comme simple motif d’ornementation, fut sévèrement proscrite. Les aigles romaines furent presque considérées comme des Idoles. Il était interdit de sc baisser devant une statue païenne pour boire, pour ramasser un objet tombé, pour arracher une épine du pied. Cf. Aboda Zara, Mit. franç.» par Le Liant, 1890; Maimonide, Dc idolololatria eum interpretatione latina et notis Vossii, 1668. On retrou­ vera plus tard cette intransigeance des juifs contre le culte des images; ils s’uniront parfois, comme ils le firent à Damas, au v° siècle, avec les mahométans. pour accuser les chrétiens d’idolâtrie. Voir Icono­ claste. Cf. G. Bardy, Les trophées dc Damas. Intro­ duction. Patrotofjia orientalis, t. xv, p. 185. Toutefois, toute trace d’actes idolfttriques indivi­ duels n’est pas encore disparue. Néhémlc mentionne la fausse prophétesse Noadias, cl les faux prophètes qui voulurent l’empêcher dc reconstruire les murs de Jérusalem, 11 Esdr., vî, IL b) L'hellénisme.— Mais l’hellénisme essaya d’ébran­ ler, une fois encore, la religion monothéiste. Jusqu’à l’avènement d’Antiochus IV Épiphane, l’hellénisme ne pénétra pour ainsi dire pas la Palestine, mais Jésus ou Jason, qui avait acheté du prince le sou­ verain pontificat, lit tous scs'efforts pour helléniser scs compatriotes. H Mac., iv, 7 sq. 11 fil bâtir un gymnase et une éphébic; fit inscrire les habitants de Jérusalem panni les citoyens d’Antiochc; obligea les jeunes gens à se livrer aux jeux païens (cl non pas, comme traduit la Vulgate, il exposa les jeunes gens dans des lieux infâmes); il fil progresser la vie païenne et étrangère, 9-13. Les prêtres ne s’attachaient plus aux fonctions de l'autel, mais, méprisant le temple et négligeant les sacrifices, ils prenaient pari à la palestre, comptaient pour rien les gloires de leur pairie, et n'estimaient que les gloires des Grecs, 14-15. Jason osa davantage : des jeux devant sc célébrer à Tyr en l’honneur dc Melcarth, il voulut offrir, lui aussi, des sacrifices à l'IIcrculc tyrien, et envoya à cet effet une somme dc trois cents drachmes (Vulgate : didrachmas trecentas; version syriaque : trois mille drachmes); mais les députés de Jason ne voulurent pas remplir cc mandat infâme et sacrilège; fis suppliè­ rent le roi d’employer cet argent à un aulrc usage. On l’appliqua à la construction des trirèmes, 18-20. 638 Peu dc temps après, Antiochus traversa Jérusalem; le grand-prêtre lui fit faire un accueil enthousiaste, 21-22. Bientôt, Jason fut supplanté par Ménélas, qui acheta la souveraine sacrificature trois cents talents dc plus que Jason, 24-25. Josèphc rapporte que cet intrigant sc serait engagé à renier la foi dc ses pères et efforcé défaire disparaître la trace de la circoncision. Ant. jud., 1. XII, c. v, 1. Mais, incapable dc payer cc qu’il avait promis, Ménélas fut remplacé ou suppléé (le texte grec dit que Lysimaquc fut le &άδο/ος dc Ménélas) par son frère Lyrimaque, iv, 27-29, lequel sc rendit si odieux qu’il fut massacre par les Juifs dans le temple meme, 12. Une réaction, faite par Jason pour reprendre le pouvoir, irrita Antiochus, cf. I Mac., I, 20-29 ; 11 Mac., v, 11 21, quisc livra aux pillages et aux profanation sacrilèges sur la ville et le temple de Jérusalem. La persécution contre les Juifs fidèles au culte traditionnel devint alors terrible. Antiochus décréta « qu’il n’y aurait plus qu’un seul peuple, et que chacun abandonnerait sa loi ; et toutes les nations acquiescèrent à la parole du roi Antiochus, et beaucoup d*Israelites acquiescèrent à la servitude qu’il Imposait, sacrifièrent aux idoles et souillèrent le sabbat. » I Mac., i, 43-45. Le détail de ces persécu­ tions, dont le but demier et finalement avoué était de substituer le paganisme idolâtrique au monothéisme juif, est consigné dans les deux livres des Macchabées. En 168 ou 167 avant Jésus-Christ, Antiochus envoie Apollonius, à la tète d’une armée, avec la mission d’hclléniser complètement Jérusalem. I Mac., î, 30; H Mac., v, 1 L Pour y réussir, Apollonius devait, au besoin, anéantir une grande partie dc la population juive et la remplacer par des hellènes ou des hellé­ nisants. I Mac., 1,38-40; II Mac., v, 24. 11 profita d’un sabbat pour faire massacrer tous les hommes sans défense qui sc présentèrent, s’emparer des femmes et des enfants pour les vendre comme esclaves. 1 Mac., i, 30-31; II Mac-, v, 21-26. Ayant assuré sa position à Jérusalem, I Mac., i, 35, Apollonius commença la persécution ouverte. Le roi ordonna qu’U n’y eût plus dans le royaume qu’une seule religion, la sienne. 1 Mac., I, 43, 46, 53. L’observation de la loi mosaïque fut interdite, le culte légal supprimé, le sabbat et la circoncision prohibés sous peine dc mort. 1 Mac., i, 4G-53. Ordre fut donné dans toutes les villes de Juda «l’offrir des sacri lices aux idoles païennes. I Mac.,1, 54. Le 15 casleu dc l’an 143 dc l’èrc des Sélcucidcs (dé­ cembre 168) un autel païen fut construit sur l’autel juif des holocaustes, dans le temple même dc Jéru­ salem, et le 25 casleu on y immola pour la première fois des victimes. I Mac., 1,54 (texte grec). Le temple du vrai Dieu fut consacré ù Jupiter Olympien. II Mac , vî, 2. On dut célébrer également, chaque mois, le jour où Antiochus était né, selon les rites païens, avec des couronnes de lierre en l'honneur de Bacchus. Pour assurer l’exécution de scs ordres, le roi envoya des émissaires les publier dans toutes les villes dc Judée. 1 Mac., i, 46. Des inspecteurs avaient pour mission de les faire observer. 1 Mac., i, 53. Chaque mois, des perquisitions étaient faites. 1 Mac., i, 61. Quiconque était convaincu d’avoir gardé les obser­ vances dc la loi ou conservé chez lui les Écritures saintes était mis à mort. I Mac., i, 60. Les femmes ayant fait circoncire leurs enfants étaient tuées avec leurs enfants. 1 Mac., i, 63-64; Il Mac., m, 10. Partout s'offraient des sacrifices idolâtriques. 1 Mac., 1, 49-50, 57-58. 11 y eut des défections chez les Juifs. I Mac., i, 45. Mais il y eut aussi do nobles résistances. I Mac., î, 65; cf. II Mac., vi, 18-31 (le saint vieillard Éléazar); vit. 1-41 (les sept frères). D’autres échap­ pèrent à la violence ensecachant au fond des cavernes ou on s’enfuvant dans le désert. 1 Mac., î, 56; 11 Mac., v, 27; vi, 11. 639 IDOLATRIE, IDOLE 640 il sc sert de leur méthode, il emprunte leur éloquence, La rigueur de la persécution amena une réaction salutaire. Matathias et ses cinq fils, les Macchabées, en un mot, il revêt leurs annes, mais uniquement pour organisèrent une sainte rébellion et une résistance les combattre, et plier déjà leur belle langue à l'ex­ vigoureuse. 1 Mac.» n, 7-70; m, 4. Judas Macchabée, pression des vérités divines. > H. Lesêlre, Le Livre dr auquel s'étaient joints un grand nombre de Juifs fi­ I la Sagesse, Paris, 1880, Inlrod., p. 15. Le Livre de dèles, vainquit Apollonius. 1 Mac., m, 10-12. Un autre la Sagesse aborde la question historique de l’origine émissaire d’Antiochus, Séron, fut battu à son tour de l’idolâtrie,' opposée ù la sagesse, xm-xiv, voir col. près de Bélhoron. I Mac., ni, 10-12. Antiochus, en 616. Puis, il réfute le culte des idoles et en démontre colère, I Mac., ni, 26-27, résolut d'exterminer les Juifs, I l'inanité. Il ne dit rien de la démonolâtrie ; le culte des et chargea de l'œuvre de destruction Lysias en lui esprits n’ayant pas encore alors d'adeptes nombreux. Le chapitre xm est consacré à la réfutation du natu­ confiant une armée considérable avec des éléphants. ralisme; l’auteur y montre le vrai rôle des créatures; I Mac., m, 32-36. Lysias envoya contre Judas Mac­ chabée trois généraux, dont Gorgias, qui fut battu elles ne sauraient être le but des adorations de l'homme, près d’Emmaüs. 1 Mac., iv, 1-22. L’année suivante mais le moyen conduisant à la connaissance,à l'amour, (16-1 av. J.-C.) Lysias en personne fut vaincu. I Mac., au culte du créateur. Cette erreur, trouvant un pré­ iv, 28-35. Jérusalem reprise, Judas Macchabée purifia texte dans la beauté des œuvres de la nature, est néan­ le temple, et, au jour anniversaire où, trois ans au­ moins coupable, xm, 6-7; le fétichisme est le comble paravant, l'autel avait été profané, le sacrifice fut de la dégradation, 10-19; l’idolâtrie’, maudite de Dieu, oflert de nouveau et l’autel dédié au culte. 1 Mac., fait un mauvais usage des créatures, xi v, 7-14 ; le culte iv, 36-59; II Mac., x, 1-8; cf. Joa., x, 22. La maladie des morts, l'adulation des rois expliquent en partie d’Antiochus IV’ et sa conversion intéressée, I Mac., l’idolâtrie, 15-21; les conséquences morales de l’ido­ vî, 10-12; II Mac ,ix, 5-17, furent le signal d’un apai­ lâtrie sont terribles: sacrifices humains, orgies noc­ sement momentané. Antiochus s'efforça même de ga­ turnes, impudicité; < cc n’est partout que confusion, gner des partisans ù son fils, et écrivit en cc sens sang versé, meurtre, vol et tromperie, séduction et aux Juifs, à la fidélité desquels il rend hommage. mauvaise foi, tumulte et parjure, persécution des bons, oubli de Dieu, souillure des âmes, crimes contre II Mac., ix, 18-27. Un traité de paix, où l’interven­ tion des Romains se fit sentir, II Mac., xi, 31-38, fut nature, inconstance des unions, excès de l’adultère et signé, permettant aux Juifs le libre exercice de leur de l’impudicité », 15-29. Dieu punit l’idolâtrie, 30-31. religion. Il Mac., xi, 13-26. Mais cette poix était plus Le chapitre xv raille les idoles, faites de matière et sans feinte que réelle. Lysias, qui l’avait signée au nom âme, 1-17. Le cujte des animaux est aussi insensé que d’ Antiochus V, s’était laissé guider par des considé­ le culte des statues de pierre ou d’argile, 18-19. rations de pur intérêt politique. L’autorisation 3° Rôle des prophètes. — Les prophètes, à l’égard accordée au culte mosaïque, II Mac., xi, 22-26, de l’idolâtrie, sont, comme les juges, suscites par n'empêchait pas que les apostats fussent favorisés Jéhovah, pour maintenir dans le peuple Israélite la ouvertement. II Mac., xi, 27-33. Après un an de fidélité au culte du vrai Dieu. Mais leur action s’exerce trêve, la guerre recommença, plus violente que ja­ différemment, selon que le grand châtiment de l’exil mais (163). 1 Mac., vî, 20; II Mac., xm, 1. Sur les est encore â venir ou est déjà infligé. péripéties de cette lutte, voir F. Vigouroux, Antio· 1. Avant la captivité. — a) Les premières manifes­ chus V’ Eupalor, dans le Dictionnaire de la Bible, tations idolâtriques en Israël provoquent la colère t. i, col. 701-702, et E. Bcurlier, Judas Macchabée, de Dieu. C’est le prophète Ahias qui est suscité pour l. ni,col. 1797 sq. Antiochus V fut obligé finalement faire connaître les châtiments que Dieu infligera ά de traiter avec les Juifs. C’était fini désormais : l’idolâtrie de Salomon et de Jéroboam. Ill Reg., xi, aucun roi syrien ne renouvela la folle tentative d’im­ 11 ;cf. EcclL, xlvii, 21-23. Le nom de cc prophète, qui poser un culte païen aux Juifs. 11 n’y eut plus que des n’est pas prononcé à l’occasion de Salomon, nous cts tendances hellénistes, personnifiées dans les Saddu- connu par l’histoire de Jéroboam, ù qui, de la part céens, en face d’un attachement plus rigoureux aux de Dieu, il promulgue la sentence qu’a méritée l’im­ coutumes et au culte national, attachement qu’on piété de ce monarque. 111 Reg., xi, 29-33. A la femme trouve chez les Pharisiens. de Jéroboam, venue le consulter sous un déguisement Cc n'est pas a dire qu’aucune défaillance indivi­ au sujet de son fils Abia, lo prophète renouvelle les duelle ne sc produisit plus: parmi les soldats de Judas menaces terribles des châtiments réservés ù Jéroboam Macchabée eux-mêmes, un certain nombre, tués au cL au peuple tout entier à cause de l’idolâtrie. Ill Rcg., combat d’Odollam, furent trouvé*» porteurs des xiv, 6-13. Un autre prophète, dont le nom no nous offrandes faites aux idoles qui étaient ù Jamnia, est pas connu, reproche à Jéroboam son impiété, au 11 Mac., xn, 40, ce qui était contraire aux prescrip­ moment même où ce roi fait brûler l’encens sur l’autel tions du Deutéronome, vu, 23-26. du veau d’or de Béthel, et il lui annonce les châtiments L’hellénisme tenta de nouveau, mais sous une forme dix ins tout près d’éclater. HI Rcg., xm, 1-32. plus bénigne et respectueuse, somme toute, du culte b) Élie et Élisée sont suscités par Dieu pour lutter national, de s’introduire en Palestine, sous le règne avec la plus grande énergie contre le culte de Baal, des Hérodcs. Mais cette tentative n’apporte aucun installé par Achab à Samarie. Élie reçoit sa mission élément important à l’histoire de l’idolâtrie chez les de Dieu lui-même, III Rcg., xvm, 1, et doit la mani­ Juifs. Voir Prat, art. Hellénisme, dans le Dictionnaire fester par l’annonce de la cessation do la sécheresse de la Bible, L m, col. 578. qui depuis trois ans désolait Israël. Sc présentant c) Le Livre de lu Sagesse est un monument de conci­ devant Achab, il lui reproche vivement d’avoir attiré liation entre l’hellénisme et le monothéisme : il est le le trouble en Israël, par l’abandon des commande­ précurseur de ΓÉvangile, brisant l'exclusivisme étroit ments de Jéhovah et par l’installation du culte de Baal du judaïsme palestinien Sans doute, < il ne fait aucun Le roi doit choisir entre ces deux divinités. Élie pro­ pas en avant vers la philosophie païenne, et il maintient pose de réunir sur le mont Carmel tout le peuple, les dogmes révélés avec une inflexible rigueur. Ses avec les quatre cent cinquante prophètes de Baal Idéei philosophiques sont bibliques avant d'être plato­ et les quatre cents prêtres d’Astarté, que Jèzabel, niciennes, et il Ica reproduit comme pour revendiquer ennemie féroce des prophètes du vrai Dieu, nourris­ le patrimoine traditionnel de la révélation. Mais, afin sait ù sa table. On sait la proposition faite par Élio de prendre pied sur un terrain commun avec ceux aux prêtres des fausses divinités. Ils prépareront une qu il interpelle, il prend ce qu'il peut de leur langage. I victime, et demanderont à leurs dieux d’envoyer lo IDOLATRIE, IDOLE 641 feu du ciel pour la consumer. De son côté, il en fern autant a l’égard de Jéhovah. L'épreuve fut couronnée par un miracle en faveur de la vraie religion. Seul, Élie obtint de Jéhovah que le feu du ciel vint consu­ mer la victime préparée sur l’autel. Cct éclatant prodige convainquit tout le peuple que Jéhovah était seul Dieu véritable. Afin de détruire Je culte de Baal, Élie, non par rancune ou cruauté, cf. S. Jean Chrysostomc, Jn Matth., bondi. i.vi, n. 2, P. G., t. Lvin, col. 551; Alph. Testât, Jn JII Jleg,9 xvm, q. xxxv, Opera, Cologne, 1613, t. vu, p. 292; Sanchez, Jn qua­ tuor libros Regum, Lyon, 1623, p. 1256-1257, mais par une inspiration divine, et pour obéir aux prescrip­ tions du Deutéronome, xm, 15; xvn, 2 7, ordonna la mort de tous les faux prophètes de l’idole, et les fit tuer par le peuple sur le Cison. L’emplacement du sacrifice est nommé encore aujourd’hui Dl-Mouhraqa, « le sacri hcc, Γ holocauste », et le lieu du massacre, Tell tlQasis, «la colline des prêtres», ou Tell cl Qatl, • la colline du massacre ». Cf. V. Guérin, Description géographique, historique et archéo^gique de la Pales­ tine, 1Γ· partie, Samaric, Paris, 1875, t n, p. 245-247. Élie accompagna Achab à Jczraêl, probablement pour le fortifier dans la lutte contre l’idolâtrie, mais de­ vant les menaces de l’impie Jézabcl, il dut s’enfuir. III Rcg., xvm, 4; xix, 1-3. Enfin, ù l’occasion d’un acte d’idolâtrie d’Ochozias, Élie fit annoncer ά cc mo­ narque la punition de sa faute. Le feu du ciel, à deux reprises, châtia les envoyés insolents du monarque. IV Rcg., 1, 3-16. En dehors de ces interventions di­ rectes contre l’idolâtrie, Élie lutta pour le maintien du monothéisme dans Israël, en continuant l’œuvre de l’école des prophètes, dont il cachait les membres, sans cesse menacés par Jézabcl. La mission d’Élisée fut moins directement engagée dans la lutte contre l’idolâtrie, quoique cependant un des premiers actes du prophète fût de châtier les enfants idolâtres de Béthel se moquant de l’homme de Dieu. IV Rcg., n, 23-25. Sa mission fut plutôt politique, mais avec le but évident de conserver, au milieu des vicissitudes de fortune des rois de Juda et d*Israël, la pensée de la puissance de Jéhovah et, par voie de conséquence, l’obligation de le servir. Notons toutefois deux incidents sc rattachant immédiate­ ment â la question de l’idolâtrie : la conversion du général syrien Naaman, IV Rcg., v, 15-19, et la des­ truction de la dynastie idolâtre d’Achat), destruction dont Éllséc fut lui-même un des instruments. c)Sous les prophètes suivants, l’idolâtrie chananécnnc continue à faire scs ravages dans le peuple de Dieu. Sans doute le culte de Baal n’est plus un culte officiel â Samaric, mais il se trouve souvent allié ù un culte plus ou moins légitime de Jéhovah. Les prophètes d’action interviendront encore plusieurs fois; sous Manassé, cf. IV Reg., xxi, 10-15; l rie sous Joakim, Jen, xxvi, 23-30; mais ce sont surtout les prophètes écrivains qui feront entendre les menaces contre ridolâtric. Amos, bien que dirigeant principalement sa polé­ mique contre les désordres et l’immoralité, ne manque pas cependant de noter combien l’idolâtrie d’Israël attire sur le peuple les châtiments de Dieu, n, 4, 7; m, 5, 14; v, 4-6. Osée, au contraire, vise directement idolâtrie en Israël, idolâtrie qu’il appelle une for­ nication, i, 2. J.’idolâtrie proscrite par Osée est le culte de Baal, que les Juifs, en grand nombre,alliaient an culte de Jéhovah. Mais il vise aussi le culte des veaux d’or de Béthel, iv, 12-14, 15-17; v, 1-3; vin, 4-G, 11 ; ix, 1, 10,15; x, 1,5, 8,15; xi, 2; xn, 11 ; xm, 1 sq. 11 reproche â Israël scs infidélités politiques qui, en plaçant le royaume sous l'influence des empires païens du voisinage, étaient en opposition avec les principes théocratiqucs reçus dans le peuple de Dieu. PICT. DE THf.OL. CATIIOL. 642 Cf. vu, 8, 11 ; xi, 1 ; xiv, 1-3. En conséquence, le Sei­ gneur chassera le royaume d’Israël de sa maison, ix, 15. Isaïe combat moins directement l’idolâtrie; néan­ moins il flagelle en passant les pratiques idolâtriques de Juda, n, 5-9; les superstitions, les devins, les sor­ ciers, les ventriloques, les pylhoniens. etc., n, 6; in, 2; vm, 19; xxxi, 7; il mentionne les idoles ou les pra­ tiques idolâtriques des Juifs ou des peuples avoisi­ nants dans les termes les plus méprisants, et rattache leur chute définitive au triomphe du Messie, n, 20; xvi, 12; xvn, 7-8; xix, 3; xxi, 9; xxx, 22; xxxi, 7; dans la deuxième partie de son livre, I.yfie insiste sur la vanité des idoles, xl, 18 sq.; xu, 21 sq.; xlîv, 9-20; cf. xlvi, 1-7; ΧΙΛΉ» 12-14; et conclut que c’est Dieu seul et non les idoles qu’il faut servir, xlv, 18-27. Miellée» des le début de sa prophétie, fait allusion à l’idolâtrie de Juda et d’Israël, cause des châtiments dont Dieu frappera son peuple, i, 5. Samaric sera punie et scs idoles brisées 6-7 Le triomphe du Messie marquera la destruction de ’’idolâtrie, v,9-13. Sophonic écrit en un temps où le culte de. Baal est encore en honneur dans Juda, où l’on jure encore par Mclchom. Des châtiments terribles fondront sur Jerusalem ù cause de ces idolâtries, i, 2-10,13. Menaces analogues dans Habacuc, 1, 1-4, qui prédit cependant la ruine des Chaldécns, instruments de la vengeance divine, punis eux-mêmes en raison de leur idolâtrie, n, 18-20. Le prophète Jérémie avec son disciple Baruch ter­ minent la série des prophètes menaçant le peuple de Dieu, au nom de. Jéhovah, a cause de son idolâtrie. Jérémie annonce la reprobation définitive de Juda, il résume les causes de cette réprobation, dont la principale est l’infidélité du peuple et de scs chefs, n, 1-9; infidélité qui consiste ù abandonner sa religion pour courir — chose inouïe — apres des idoles, 10-13. Cf. 22-25; Juda, devant les malheurs qui ont fondu sur Israël, n’a pas su ouvrir les yeux et s’obstine dans rimptnitcncc; il ne voit pas le châtiment qui est imminent, et dont la cause est qu’il n’y a plus de justes â Jérusalem, mais seulement des hypocrites, des adultères, des idolâtres, v, 1-9. Juda périra donc; l’idolâtrie est, avec les crimes d’immoralité et d’injus­ tice, le principe de sa perte, vu, 8-20; cf. 29-34; xvn, 1-4; XXV, 4-11. Les ossements des morts eux-mêmes n’auront pas de repos; ils seront jetés hors de leurs tombeaux pour expie r leurs actes idolâtriques, 29-3-1; les faux dieux seront impuissants à protéger leurs adorateurs, car ces dieux ne sont ricn, et il ne faut craindre que le vrai Dieu, non pas les faux dieux, fa­ briqués de main d’homme, vaincs idoles destituées de toute puissance, x, 1-16; cf. xi, 6-13. 2. Pendant la captivité. — Le rôle des prophètes est plutôt de soutenir le moral des Juifs et de prédire l’anéantissement de leurs oppresseurs. D’ailleurs, les prophètes antérieurs qui avalent annoncé â Israël les châtiiqpnts dont Dieu punirait l’infidélité, n’avaient pas manqué de lui laisser entrevoir un avenir meil­ leur. Cf. Abdias, 21 ; Amos, ix, 11 ; Ose., ni, 5; Midi., iv, 1-13; 1s., xl, 3-xu, 29; xuv, 21-xlv, 26; uv, 1lvi, 8; i.x, 1-22. Jérémie, que les captifs connaissaient bien, et dont ils avaient méprisé les derniers et pres­ sants avertissements, avait aussi, ù côté des châti ments décidés par la justice de Dieu, prophétisé la fin de la captivité et l’heureux retour du peuple de Dieu, xxx, 1-xxxiii, 26. Ces promesses constituaient donc pour les exilés une véritable consolation et un motif d’espérer. Mais, dans cc but spécial, les prophètes eux-mêmes eurent une mission effective ù remplir. Si Jérémie ne peut pas accompagner lui-même les captifs à Babylone, il remet cependant â scs malheu­ reux compatriotes une lettre où il cherche ù les prému­ nir contre les dangers que leur fol pourra courir dans la capitale chaldéenne. Baruch, vî, 1-72. Baruch va VU. — 21 M3 IDOLATRIE, IDOLE 644 exercèrent, on l’a vu, une Influence considérable sur trouver les captifs et les exhorte à la pénitence et Λ la vie religieuse du peuple de Dieu. — a) Il faut citer, la confiance en la miséricorde divine. Baruch, ni, en premier lieu, les Hauls. Lc mot ba'al signifie « sei­ 9; v, 9. Ezcchiel, emmené avec les captifs, vit avec gneur, maître, possesseur ». Primitivement, il était eux et est reconnu par eux comme un prophète du donc plutôt un qualificatif de la divinité. Le dieu Seigneur: on vient le consulter en cette qualité, vm, 1 ; xiv, 1 ; xx, 1 ; xxxm, 30. S’il prophétisa, sous Jécho- Baal, chez les Chnnanéens, recevait diverses appella­ tions, selon les lieux où il était invoqué, ou encore nias, les derniers châtiments qui devaient frapper la selon scs attributions. Selon les lieux, Baalhasor, villc de Jérusalem â cause de son in fidélité, m, 22-xxi v, II Rcg., xm. 23; Baalhamon, Cant., vm, 11; Baal· 27, il ne manque pas de décrire la restauration du royaume d’IsraH, xxxvj, 1-xxxix, 29; xlvii, 13- hemion, Jud., in, 3; I Par., v, 23; Baalméon, Num., XLvm, 35. Ezérhicl réunissait autour de lui les exilés xxxn, 37; Jos., xm, 17; I Par., v, 8; Ezcch., xxv, 8 et ce fut lâ, disent quelques auteurs, l’origine des (ces deux derniers textes portent Béelmeon); Baal· pharasim, II Rcg., v, 20; 1 Pnr., xix, 11 ; Banlsalisa, synagogues. Lc prophète dont la mission providentielle est IV Rcg., iv, 42; Baalthamar, Jud., xx, 33; Béclphégor, Num., xxv, 1-9; 18; xxxi, 16; cf. Dent., iv, 3; Jos., marquée avec le plus de force en cc sens est Daniel. xxn, 17; Ps.cv,28; Os., ιχ,ΙΟ; Béelséphon,Exod.,xiv, Pendant qu'Ézéchiel vit au milieu du peuple qu’il 2, 9; Num., xxxni, 7. Selon les attributions, Baalbéréconforte de scs oracles, durant vingt-sept années rith, Jud., vm, 33; ix, 4, · le Baal de l’alliance »; de transmigration, Ezcch., xxix, 17, Daniel est élevé Λ la cour de Nnbuchodonosor. Il y acquiert une situa­ Baalgad (lieu où Baal est adoré comme dieu de la fortune), Jos., xi, 17; xn, 7; xm, 5; cf. Is., i.xv, 11; tion influente et peut ainsi assurer à scs compatriotes une protection efficace. Dieu l’a suscité au milieu de Béelzeboub, IV Rcg., i, 2, 3, 6,16,« baal des mouches », Babylone pour le représenter quasi-officiellement. soit qu’il les chasse, soit qu’elles lui soient consacrées. Plus intelligent que les ministres des autres dieux. En dehors de ces mots do la Bible, d’autres existaient Dan., n, 14-15; iv, 16-24; v, 9-29, il force Nabuchoque nous livrent les inscriptions phéniciennes. Voir donosor à reconnaître que le Dieu de Daniel est le Dictionnaire de ta Bible, art. Baal, 1.1, col. 1315-1321; dieu des dieux, n, 47; ni, 91-97. Daniel démontrera et J. Vandervorst, Israël et l'ancien Orient, Bruxelles, l’inanité de la grande divinité chaldécnnc, Bel, xin, 1915, p. 52; Lagrange, op. cit., c. n, § 2, p. 83-99. 65-xiv, 26. Mais il devra subir un châtiment mortel à — b) Le dieu Baal, pris comme divinité particu­ cause de son mépris pour les idoles de Babylone. Il lière, était la divinité mâle, associée à la déesse échappe miraculeusement à ce supplice, vi, 1-28; Astarté, principe femelle. Il est probable que c’était Xiv, 29-12, ainsi que trois compagnons qui partagent une divinité solaire, dont rcmbltmc, en hébreu son immunité, in, 1-97. Ces miracles démontraient comme en phénicien, est appelé hammân, « solaire » aux Juifs le néant du culte des faux dieux et la vérité (hébreu, seulement au pluriel : Hammânim), Lev., de la religion de Jéhovah. Enfin, les prophéties mesxxvi, 30; II Par., xiv, 4, 7; Is., xvn, 8; xxvn, 9; 1 slanlques de Daniel rappelaient aux captifs que Dieu Ezech., χί, 4, 6. Cf. dans Job, xxx, 28; Is., xxiv, 23; n’avait pas renoncé à scs desseins miséricordieux. xxx, 26; Cant., χί, 10; Ps. xix (hébreu), 7, le nom Enfin, les captifs étaient soutenus par les prophéties poétique du soleil, harnmâh. Sur cette caractéristique faites contre leurs oppresseurs. Voir Is., xm, 19-23; du Baal, voir Gesenius, Scriptura: lingiiirque Phanixiv, 4-12; xlvii; Habacuc, i, 12-n, 20. Jérémie prédit cheque monumenta, Leipzig, 1857, 1.1, p. 171-172,349; que la captivité ne durera que soixante-dix ans, xxv, P. Schroder, Die phônizischc Sprüche, Halle, 1869, 8-14; xxix, 10-14; xxx, 1-xxxi, 40; xxxn-xxxm; p. 125; A. Levy, Phônitlsches Worterbuch, Breslau, il annonce aussi la chute de Babylone, l-ij ; cf. Baruch, 1864, p. 19; Corpus inscriptionum semiticarum, part. I, iv-v. Ézéchlel annonce pareillement la fin de la capti­ Paris, 1881, L i, p. 154, 179. Certains commentateurs vité, le retour de Babylone et le rétablissement du pensent trouver une preuve du caractère solaire de royaume juif, ‘Xxx-xlxtiî. Enfin Daniel annonce les Baal dans IV Rcg., xxm, 5; cf. 11. Celle identifica­ dominations perse, grecque, romaine et messianique, tion de Baal et du soleil est d’ailleurs faite par bon qui succéderont à l’empire babylonien, νπ-χπ. nombre des auteurs classiques. Cf. Baal, dans le 4e La Iliblc et le culte idolâtrique des peuples étran­ Dictionnaire de la Bible, col. 1318. — c) Les baalim, gers. — On trouve dans la Bible certains renseigne­ forme plurielle de Baal, désignent soit les diverses ments touchant le culto idolâtrique des nations étran­ formes du dieu Baal, soit ses représentations ou scs gères. On relèvera ici les principales indications. emblèmes. On trouve ce pluriel fréquemment employé, 1. Des dieux égyptiens, le prophète Nahum, in, et la Vulgate l’a mémo souvent conservé. Cf. Jud., n, 8, nous conserve le nom du dieu Ammon, honoré 11; m, 7; vm, 33; x, 6, 10; I Rcg., vu, 3, 4; xn, 10; dans la ville de Thèbes. La formo égyptienne antique III Rcg., xvm, 18; II Par., xvn, 3; xxvm, 2; xxxin, est Amen, qui signifie « caché, mystérieux ». Pierret, 3; .1er., n, 23; vn, 9; ix, 14; xi, 13, 17; xix, 5; Ose., Dictionnaire d'archéologie égyptienne, p. 35> Jérémie, n, 13, 17; xi, 2. — d) Lc dieu clmnanéen Hadad, qui xlvi, 5, et Ezéchlel, xxx, 4,10,15, semblent rapporter n’est pas mentionné individuellement dans 1*Ecriture, le nom de la meme divinité; mais en réalité, il ne s’y trouve cependant indiqué comme élément com­ s’agit ici quo d’un jeu de mots. Xoïr Dictionnaire de la posant plusieurs noms propres, Bénadad, Adarézer, Bible, 1.1, col. 486. Le Livre de ta Sagesse, à propos de Adndremmon. D’après les documents les plus auto­ l'idolâtrie, fail des allusions constantes nu culte des risés, Hadad aurait été le dieu principal de la Syrie. faux dieux de l’Égypte· Le « feu » mentionné au c. xm, Il est le « baal » par excellence, le dieu de l’atmosphère, 2, rappelle le culte de Vulcain, ndoré ù Memphis sous du ciel, dont les attributs ressemblent assez â ceux Je nom de Ptah. Lc c vent » désigne Éolc ; i'< air subtil », de Jahveh pour que les Juifs aient mêlé lo culte de Héra ou Junon. Cf. Eusèbe, Pnrp. evangel., 1. Ill, c· n, cc baal à celui du vrai Dieu. Dieu do l'atmosphère, P. G., t. xxi, col. 15G; 1' « eau » était aussi véné­ cc baal ne serait donc pas a proprement parler le dieu rée par les Égyptiens. Philon, Vita Morijsis, I, 17. Le solaire, mais le dieu du tonnerre, â identifier sans « soleil » et la «lune» ne sont autres qu'lsîs et Osiris. doute avec le dieu assyrien Ramman (cf. Zach., xu, Lc verset 10, rappelant les « figures d’animaux », se 10, Adad remmon). Ainsi sc trouverait plus complète­ rapporte évidemment aux divinités égyptiennes. I ment expliqué le symbolisme du culte des veaux d’or, Cf. xv, 18. voir col. 628, et l’étrange syncrétisme du culto de 2. Les dieux channnéens, que les Hébreux trou­ Baal et do Jéhovah a Bi thcl. Sur Hadad, voir Diettonnairt d< la Bible, t. ni, col. 392; Lagrange,op. cil., vèrent honoré. comme dieux locaux, dans la Palestine, IDOLATRIE, IDOLE 646 p. 92-91.—e) Lc dieu Milk (M.L. K. Mélék, féminin Mll- nous donne le nom do quelques autres divinités dont kat; ponctué par les Massorètes Molek, chez les Sep· les Israélite: empruntèrent le culte aux peuples voi­ tante, Moloch), ou encore Mclchom (quoique les dieux sins.— a) Lc dieu-poisson Dagon, chez les Philistins, Moloch et Mtlchom aient été truités comme deux divi­ Jud., xvi, 23; 1 Rcg., v, 2, 3, 4, 5, 7; I Par., x, 10; nités distinctes, Mclchom ayant son sanctuaire sur i Mac., x, 84; xi, 4, avait une divinité féminine qui lu mont des Oliviers, IV Reg., xxm, 13, et Moloch, lui était unie, Atargatis, déesse syrienne appelée dans la vallée de Hinnom),cst un dieu phénicien, plus parfois aussi Dercéto, dont le temple était a Camion. particulièrement honoré chez les Ammonites, C’est H Mac., xn, 26; ci. I Mac., v, 43. CL I Rcg., xxxi, la divinité dont le culte est caractérisé par les sacri- 10. Cette déesse est une modalité d’Astarté. CL La­ lices humains et les sacrifices par le feu. Ixs rites grange, op. cil., p. 119-140. — b) Chamos était le dieu sanglants qui entouraient le culte de Baal, cf. ΠI Rcg., national de Moab. il apparaît une seule fois comme xviii, 28, (levaient sc rattacher en quelque manière au dieu des Ammonites avec Moloch. Jud., xi, 24. Par­ culte de Moloch. Moloch est d’ailleurs qualifié « baal » tout ailleurs il est le dieu de Moab. Num., xxi, 29; dans Jérémie, xxxn, 35; cf. xix, 5 Sous la forme Jcr., xi.vm, 46; cf. 7, 13. Salomon lui avait rendu un particulière de Mclchom, IV Reg., xxm, 13; I Par., culte à Jérusalem, III Reg., xi, 7,33; culte que détrui­ xx, 2; Jcr., xi.ix, 1, 3; Amos, i, 15; Soph., i, 5; dans sit plus tard Josias. IV Rcg., xxm, 13.— c) La déesse III Rcg., xr, 6, 33, l’hébreu Mllkôm est rendu par la ; Tharnmuz (Vulgate, Adonis), Ezech.» vin, 14, était Vulgate par · Moloch ». Sous la forme de Moloch, une divinité syrienne à laquelle des Juives idolâtres Lev., xx, 3, 5; HI Reg., xi, 7; IV Reg., xxm, 10; rendaient un culte, en célébrant une lamentation Jcr., xxxn, 35; Amos, v, 26; et, dans 1c Nouveau annuelle en son honneur. Son culte était primitive­ Testament, Act., vn, 43. Sur les sacrifices humains, ment d’origine babylonienne. Voir Tharnmuz, dans lo Dictionnaire de la Bible, L v, col. 2144-2145; cf. cf. Lev., xvm, 21 ; Jcr., xxxn, 35; Ezcch., xx, 26; cf. xvi, 20; xxm, 37. Sur l’interdiction do ces sacrifices A. Ixmonnycr, Le culte des dieux étrangers en Jsraél. dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques, par la loi mosaïque, Lev., xvm, 21; xx, 2, 3, 4, 5; cf. Deut., xvm, 10. Sur les sacrifices offerts à Moloch 20 avril 1910, p. 251 sq. On croit trouver des allusions . par les Israelites, IV Reg., xvn, 17; xxm, 10; Is., aux lamentations idolAtriques en l’honneur de Lvn, 5: Jcr., vu, 30-32; xix, 1-13; cf. Ps. cv (cvj), i Tharnmuz, dans Amos, vm, 10; cf. Zach., xn, 10; Jer.r xxn, 18. — d) Se rapportant à des divinités cliana37-38; Ezcch., xvi, 20-21; xxm, 37-39. Achaz, rol de néennes, il faut signaler le texte d’ls., lxv, 11 : repro­ Juda, oflrlt son fils en sacrifico, IV Reg., xvi, 3; If chant aux impies d’abandonner le vrai Dieu, Isaic Par., xxvm, 3; et son petit-fils Manassé suis it cct les interpelle, disant : · Vous qui dressez une table exemple, IV Reg., xxi, 6, cf. col. 633. Ccs sacrifices étalent accomplis à Topheth, dans la vallée de Beneno- pour Gad et remplissez une coupe pour Jfeni. » Gad, identifié par certains savants avec la planète Jupiter, mon. Il Par., xxvm, 3; xxxm, 6; cf. Jcr., vm 31; est le dieu de la Fortune. Meni est le dieu du destin. xxxn, 35. On rendait aussi un culte à Moloch, sur le 4. Il faut faire une place â part aux divinités assy­ mont du Scandale. Ill Rcg., xi, 5, 7, 33. Sur Moloch, cf. Lagrange, op. cil., p. 99-109. — f) Achéra- riennes et babyloniennes, mentionnées dans la Bible. Astarlé, compagne inséparable de Baal, principe —a) Le mot Assur, qui parait assez souvent dans les saints Livres, désigne ordinairement une contrée ou femelle, était la déesse de l’amour et de ia guerre. Cf. Lagrange, op. dt, c. m, p. 119-140; Lemonnyer, un peuple, mais non une divinité» sauf peut-être dans l’expression « terre d’Assur », Is., vn, 18; Mich., v, 6.— Le culte des dieux étrangers en Isratl, Achéra, dans b) Lc dieu Bel était le dieu principal de Babylone. Il est la Revue des sciences philosophiques cl théologiques, nommé par Jérémie, l, 2; u, 44; Baruch, vi» 40; et janvier 1912. « Reine du ciel », Jer., vu, 18; xuv, par Daniel, xiv, 2,3,5,8,9,10,11,13,17,21,27. Il s’agit 17, 18, 19, 25, elle nous apparaît, comme Baal, avec un caractère sidéral. Baal est le soleil; Astarté, ici du dieu Bcl-Mérodach, Marduk, dieu de la planète la lune; une figurine du musée du Louvre la re­ Jupiter, qui, d’après les renseignements fournis par Diodore de Sicile, était représenté debout et marchant, présente avec un croissant sur la tête. C’est la Vénus de Chanaan. Le nom aschéra signifie tantôt la έττηχός ην xsl Stxvc&qxo;· C’est bien 1Λ le dieu déesse, tantôt son emblème. Déesse» à laquelle on dont parle Jérémie, dans sa lettre aux Juifs captifs à rend un culte à côté de Baal et de toute l’armée du Babylone. Bar., vi, 3, 1 L Daniel nous donne quelques ciel, IV Reg., xxm, 4; xxi, 3; II Par., xxxm, 3, dont détails sur son culte. On lui servait tous les jours « douze artabes de farine, quarante brebis et six baths l’image est taillée, pésél, IV Reg., xxi, 7; est une idole. Ill Reg., xv, 13; II Par., xv, 16. Aschéra est ou métrètes de vin ». Dan., xiv» 2. 11 avait attachés l'équivalent d’.Ufur/é, cf. Jud., n, 13; lu, 7. Sur À son culte soixante-dix prêtres, qui sc nourrissaient, les prophètes d*Aschéra, cf. 111 Reg., xvm, 19. Em­ eux, leurs femmes et leurs enfants, do ccs mets, 9. 1 1. blème : pieu de bols placé près de l’autel, et non pas Cf. Jcr., U, 44 (?). Les prophètes annoncèrent la ruine un bois sacré, comme le veulent les Septante, constam­ du culte de Bel. Jcr., L, 2; u, 4 L A ce propos, Isaïe ment traduits par la Vulgate : lucus ou idolum luci. joint au nom do Bel le nom de Nobo, fils de MardoukExod., x.xxiv, 13; Jud., vi, 25, 26, 28, 30; IV Rcg., Mêrodach» primitivement adoré à Barsip, et adopté ensuite à Babylone. Is., xlvi, L Bel est appelé par xxm, 6, etc. Cf. Lagrange, op. cit.,c. v, §2, p. 175. Interdiction de placer des aschéra près de l’autel son nom de Mèrodach une fois dans la sainte Écriture, do Jéhovah. Deut., xvi, 21; ci. col. 626. Cf. Mich., par Jérémie, l, 2. Mais il parait une fols dans Je nom théophore Mèrodach Baladan. Is., xxxix, 1. — c) v, 13. Dans Is., xvn, 8; xxvn, 9, les 'ashertm, figurent à côté des hanimdnim, représentations solaires do Maîtres do Sumaric, les Assyriens en déportèrent les habitants et iœ» remplacèrent par des populations Baal. Cf. II Par., xxiv, 8. Sous lo nom d’Astarté, assyriennes, qui transportèrent on Palestine le culte II! Rcg.» xi, 5, 33, ou d’Astarolh, I Rcg.» vu, 3, 4; xn, 10; xxxi, 10; IV Reg., xxm, 13; Jud., n, 13; m, de leurs idoles, tout en adoptant le culte de Jéhovah. IV Reg.. xvn, 29. Les hommes de Babylone firent 7; x, 6 (le pluriel, en plusieurs do ccs derniers textes, s’explique soit par la juxtaposition du mot Baalim, Sochothbénoth, probablement la déesse Zarbanlt, soit parce que l’on entend désigner par lù la pluralité épouse de Mardouk, cf. G. Rawlinson, Iterodolos, t. i, p. 651. note, et E. Schradcr, Succoth-Denoth, dans des images, soit parce que le pluriel est mis pour lo E. A. Rlohm, Handwurterbiich biblischen Alterlums, singulier). Sur le culto d’Astarté chez les Hébreux, t. n, p. 1600; l lagcn, Lexicon biblicum, Paris, s. d. (1910), voir col. 635. L ni, p. 1035. Les hommes de Cutha lirent Nerge' ou 3. A côté de ccs divinités principales, l’Écriturc 9 647 I DOLAT R IE, IDOLE 648 Nergal, mentionné duns les inscriptions des monar­ ’ d’indiquer 1rs ouvrages généraux où rhistoire de l’IdolAtric dans Israël est retracée ou bien trouve un éclair­ ques assyriens comme le dieu de la chasse ct dc la cissement. guerre. CL E. Pannier, h'ergai, dans le Dictionnaire dc la P. Scholz, Gôtzcndicnst und Zaubenvesen bel dm allen Bible, L iv, col. 1603. Les hommes d’Emath lirent llebràcrn. Rntisbonne, 1877; J. Selden, Dc dits Sgrit, As!ma, dont l'identification avec le dieu phénicien syntagmata duo, dans Opera omnia, Londres, 1720; G. .1. Esmoun présente des probabilités, mais non une cer­ Vosslus, Dcor/plne ac progressu idololatria?, Francfort, 1668; titude. Ci. Vigoureux, La Bible et les découvertes mo­ Fr. Bncthgcn, Beilrdgc sur semit. Bcliglonsgcschlchte, Berdernes, 5e édit., t. iv, p. 174; Eb. Schrader, op. cil., i lin, 1888, spécialement c. n, Israels Vcrhallnis zum Polg1.1, p. 95. Les Hévécns (qu’il ne faut pas confondre, thclsmus; F. E. Kônlg. Die Ilaulproblcme der altisraditischen Beliglonsgcschiehte gegcnùbcr den Entivtckelimgilhcomalgré la similitude de nom, avec la peuplade dc ! rlkirn, Leipzig, 1884; Geschichtc der alllestamrntlichtn Palestine mentionnée au Dcut., n, 23, ct dans Jos., Beligion kritlsch dargestcllt, Gütersloh, 1912; J. Robertson, xm, 4), habitants dc la ville de Avah, firent Nebahaz The early religion o/ Israel, as set forth by biblical writers et Tharthac. Le premier dc ccs noms a très proba­ and by modern critical historian, Edimbourg* 1892; Smith blement été corrompu. En tout cas, l’une ct l’autre StUbc, Die Beligion dcrScmilen, Fribourg-cn-Brbgau, 1899; divinité sont à peu près inconnues et l’on n’en trouve card. Meignan, I^s prophètes d'Israël et quatre siècles de pas trace dans les documents cunéiformes. Les lutte contre l'idolâtrie, Paris. 1S92; Znplctal,Der Totemlunut und die Beligion Israels, Fribourg-en-Brisgnu, 1901 ;Buddc, représentations que les rabbins ont faites, sous des Die Beligion des Volkes Israel bls zur Verbannung, Giessen, formes d’animaux, dc plusieurs dc ccs divinités in­ 1905; Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, connues, ou incertaincment identifiées, ne reposent 1905; Le règne de Dieu dans U Ancien Testament, Bevue bi­ sur aucun fondement sérieux. Les deux idoles faites blique, 1908; Marti, Die Beligion des alien Testaments unter par les habitants dc Sépharvaïm, Adramélech et den Beligioncm des vorderen Orients, Tubinguc* 1906; JcrcAnamélcch sont mieux identifiées. Adramélech est mlas, Das alte Testament im Lichte des allen Orients, Leipzig, Adar-mélek, dieu souvent nomme dans les inscrip­ 1906; Bacnlscb, Altortentaiischer und Israelitlscher Monothclsmus, Tubinguc, 1906; Lcmonnycr, Le culte des dieux tions assyriennes. Adar est certainement un dieu etrangers en Israèl, dans la Bévue des sciences philosophi­ solaire, dans le genre du Baal-Moloch dc Chaanan ct ques et théologiques, 1910,1912; A. Du!ourc(\,Histoire com­ dc Phénicie. Le texte des Rois indique d'ailleurs parée des religions païennes ctdela religion juiue, Paris, 1908; expressément les sacrifices humains en son honneur. Dhorme, Ixireligion assyro-babylonienne, Paris, 1910 ; KortAnamélech n’est pas identifiée avec la même certitude. Icitncr, Dc Hebraorum ante exilium Babylonicum monoCertains considèrent celte divinité comme étant la thelsmo, Inspruck, 1910; L. Desnoyers, Irréligion dc Yahtvé déesse Anounit, ci. Pannier, Anamélech, op. cit., t. i, ct l'occupation dc Canaan, dans Bulletin dc littérature ecclé­ col. 536; d’autres croient, cf. Eb. Schrader, op. cit., siastique, février 1912; J. Touzard, La religion d'hraèl.dnns Où en est l'histoire des religions^ Paris, 1911, t.n; Nikel, 1.1, p. 61, que Anamélcch n’est autre que le dieu Anu, Irréligion d'Israël, dans Christus, Paris, 1913 : J.Vanderdémiurge, qu’il faudrait Identifier avec Oannès, divi­ vorst, Israël ct l'ancien Or/cnl,Bruxelles, 1915. nité mi-homme mi-poisson. M. Vigoureux, Bible Dans le sens évolutionniste : J. Wcllhauscn. Geschlchte polyglotte, t. n, p. 851, semble sc rallier à ccttc hypo­ Israël, 5· édit., Berlin, 1878; rééditée sous le titre do thèse, que combat M. Pannier, toc. cit. Pour la docu­ Prolegomena zur Geschichtc Israels, 5· édit., Berlin, 1899; Abriss der Geschichtc Israels und Judas, dans Ski::cn mentation, voir Pannier, art. cit.; F. Zorell, Lexicon biblicum, t. i, col. 240-241. Très probablement ct en und Vorarbelten, 3· fasc., Berlin, 1884; Israëlitisehe und Geschichtc, 4· édit.* Berlin, 1901; A. Kuenen, De toute hypothèse, Anamélcch était une divinité so­ fûdische godsdienst van Israel lot den ondergang van den foodschen laire; on lui offrait des sacrifices humains, comme à staat, Harlem, 1869-1870; du mémo auteur* les Bidragtn Moloch. — d) Parmi les divinités babyloniennes ou toi de gcschicâcnis van den israel. godsdtcnst.dnns dilTérents assyriennes mentionnées dans la Bible, il faut encore volumes dc la Thcolog. tljdschri/t, ct Volksgodsdicnst tn mentionner le dieu Remmon, dont il a déjà été ques­ Weraldgodsdlent (Hibbert Lectures, 1882); Jahivc und Mo­ tion ù propos du symbolisme des veaux d’or dc Béthcl, loch, Leipzig, 1871; Studiin zur scmitischen Bcligionsgcvoir col. 628. Cette divinité est mentionnée à propos schichtc, Leipzig, 1876,1.1; Goblet d’Alvlella, Les orlglnrt l'idolâtrie, Paris, 1885; Guyau, L'irréligion dc l'avenir, de Naaman. IV Rcg., v, 18. C’est le dieu assyrien du · de Paris, 1836;R.Smcnd, Lehrbuch der alttestamentllchcn Belltonnerre, Rammûn.Sur le rapprochement dc Remmon gionsgeschichte, 2· édit.. Frlbourg-cn-Brlsgau. 1899; G. Wilct de rlmmôn, grenade (rapprochement sans fonde­ deboer, Jahvcdlcnst und VolksrcUgion in Israël, Fribourgment), on consultera les bibliographies des articles en-Brisgau, 1899; Goldsclicr, Der Mythus bel der Itebrâcm, 1876; Lolsy, La religion d'Israël, CefTonds. 1908; R. Kittel, spéciaux, Dictionnaire de la Bible, t. v, col. 1037; Geschichtc des Volkes Israel, 2· édit., Gotha, 1912, t. I* Hagen, Lexicon biblicunu t. ni, col. 752. Mentionnons aussi le dieu Ncsroch* dieu adoré par Scnnachérib ct p. 188-218; 1909, t. n, passim ; Winckler, Geschichtc Israël! in Einzeldarstcliung, Leipzig, 1895,1.1; 1900, t. n. dans le temple duquel cc roi fut tué par scs fils AdramConsulter, pour plus dc renseignements, cl sur des points mélcch et Ncrgal-saréscr. IV Rcg., xix, 37. Sur son plus particuliers. les bibliographies dressées par M. Toward, identification, on ne peut apporter que des conjec­ op.cil.; Nikel, op. cit.; Dufourcq, op. cit.; Chnntcple de La tures. Cf. Pannier, Dictionnaire de la Bible, t. xv* Saussaye, Manuel d'histoire des religions, trad, frnnç», col. 1608. Avec une certaine probabilité, mentionnons Paris. 1904, c. vm, ct W. P. Paterson, art. Idolatry, dans encore, dans Amos, v, 26, texte hébreu, la divinité A dictionary of the Bible de Hastings, t. Π. Kiyyoîïn, Kaivan, d’où Rempham; cf. Act., vu, 43; et Osiris, cf. Is., x, 4.—e) La déesse persane Nanée est IV. L’moLATmr. i t la heuoion αιηϋτίΕΗΝΕ. — nommée au II· livre des Macchabées, i, 13-16. C’est 1° L'enseignement des apôtres.— La doctrine mono­ dans son temple que le roi Antiochus 111 fut massacré. théiste est incontestée aussi bien chez les Juifs C’est de ce temple probablement qu’il est question dans convertis ù l’Evangile que chez les gentils amenés à la I Mac., vi, 1-4; 11 Mac., ix, 1-2. Mais cette déesse doit fol du Christ. Cf. Schürer, Geschichtc des jiïdischcn vraisemblablement être identifiée avec la déesse Volkes im Zcitaltcr Jesu Christi, Leipzig, 1909; Felten, babylonienne Na-na-a, ou Na-na-nal, adorée à Arach. Neuteslamentliche Zeitgeschichte oder Judentum und Pour la discussion dc cette identification ct les réfé­ Heidenlum zurZeit Christi und der A poslcl, R a tlsbonnc, rences, voir Hagen, op. cit., t. m, col. 339. 1910; J. B. Frey* L'angélologte juive au temps dc J.-C., dans la Bevue des sciences philosophiques et Chaque nom propre nécessiterait une bibliographie thèologiqucs, 1911. Quand les apôtres abordent le sujet complète. Dans l’impossibilité dc dresser pareille biblio­ dc Γ Idolâtrie, c’est donc moins pour prémunir les fidèles graphie que Ton trouvera d’ailleurs à la suite des mono­ contre des chutes formelles dans le péché d’idolâtrie, graphies spéciales du Dictionnaire dc la Bible ou encore du Lexicon biblicum du P. Hngen. on devra sc contenter Ici | que pour les mettre en garde contre une participa- 649 IDOLATRIE. IDOLE 650 tlon coupable aux rites ct aux pratiques idolâtriques. encore présentée, en réminiscence évidente de I Cor., Saint Jacques ct le collège des apôtres avalent vj, 9, comme menant a la perdition ct à la mort éter­ décidé d’imposer aux gentils venus du paganisme à nelle, v, 1 ; liarnabæ epist., xx, 1 ; Patres apostal ici, l’Evangile de s'abstenir des viandes immolées aux de Funk, Tubinguc, 19U1, 1.1, p. 17, 15, 95. Ix culte idoles. Act., xv, 19-20,29. Voir Idolothytus,col.671. des Idoles est démoniaque, puisque le cœur dc l’homme, Saint Paul, lui aussi, parle le plus souvent a des con­ rempli du culte des idoles avant sa conversion, est vertis du paganisme, 1 Cor., xn, 2; Eph., n, 2; I Thés., comme une maison des démons. /Jarnabæ epist., xvî, 7, i,9; il leur fait la recommandation générale dc fuir p. 89. Partant, l’idolâtrie est le contraire même du le culte des idoles, I Cor., x, 14, c’est-à-dire, comme culte de Dieu. Ibid. Voir également l’identiflcal'indique la suite du contexte, tout ce qui peut pa­ 1 lion de l’avarice avec l’idolâtrie dans l’Epltre de raître une participation nu culte des idoles; et. ibid., saint Polycarpe aux Philippins» xi, 2, ibid., p. 309. 7; v, 10, 11; les idolâtres devant être exclus de la Cf. Testament des XII patriarches, c. iv, n. 19 : η φιλαριι^ωλα όοηγιι, ότι πλάνη όι’ αργύρου τους vio étemelle, VJ, 9. Λ cet égard, l'avarice est une γυρία espèce d'idolâtrie qui aura la même punition. Col., αη βντας 8<θυς ονοαάζουσι Ρ· G-, t. Π, col. 1080. Le trait esquissé par saint Jean à propos de Jézabel ni, 5; Eph., v, 5; cf. Matth., vi, 21; Luc., xm, 13. Sur le point précis des idolothytos prohibés par le sc retrouve accentué en plusieurs textes; la divina­ concile dc Jérusalem, saint Paul se montre plus tion est prohibée expressément comme conduisant conciliant à l’égard des fidèles dc Corinthe, leur à l’idolâtrie, ou même comme une espèce d’idolâtrie. interdisant dc prendre part aux festins donnés en Didaché, m, 4, p. 11. Le Pasteur d*Hermas parle, lui l’honneur des idoles, mais les autorisant, sauf péril aussi, des δ·ψχ/οι qui consultent les devins : c’est le dc séduction ou dc scandale, à acheter ou ù manger diable ct non pas l’esprit divin qui inspire les réponses des viandes offertes auparavant aux idoles. 1 Cor., qu’ils reçoivent; ceux qui sont aliénais dans la foi ne sc livrent pas à de semblables consultations, qui sont x, 19-21; vin, S, 9,10; x, 28. Cf. Idolothytes, col. une véritable idolâtrie. Mand., xi,2-i ; Funk, Li, p.504. 673 sq. Quant à l’idolâtrie elle-même, elle constitue un culte opposé au culte du vrai Dieu : il y a donc op­ Le Pasteur d’Hermas accentue également la note position complète entre Dieu ct les idoles, H Cor., donnée par saint Jean relativement à la possibilité du pardon pour le péché d’idolâtrie : cc pardon est vr, 16, car les idoles, afllrme saint Paul à la suite de plusieurs autorités de l’Ancien Testament, cf. Deut., possible à la condition d’une pénitence prompte. xxxn, 17; Il Par., xi, 15; Ps xcv,5; cv, 37; Baruch, ; Sim., ix, 21, 3*1. Voir plus loin. col. 667. L’fepltrc à Diognete est comme un prélude aux iv, 7, sont en réalité des démons. I Cor., x, 20. Par rapport à Dieu ou plus exactement par rapport apologies que susciteront dans l’Eglise les attaques à la nature divine que les païens leur attribuent ù , des païens contre les chrétiens. Elle démontre que les disciples du Christ ont raison dc refuser les hon­ tort, les idoles ne sont rien. I Cor., vm, 4; x, 19. A l'égard de certains judéo-chrétiens dc la communauté neurs divins à de vaines idoles, de bois, d’argile, de de Borne, saint Paul rappelle que leurs traditions pierre, de métal quelconque : le culte meme que leur rendent les païens est bien moins un hommage qu’un monothéistes ne suffisent pas à les justifier· Ces afTront à la divinité, c. i, n. Funk, op. cit., L i, p. 392chrétiens prétendent avoir les idoles en abomination ct cependant ils n’hésitent pas à commettre, à leur 394. 3® Les écrivains pseudo-apostoliques. — Dans ccs occasion, des sacrilèges, soit en commettant des vols dans leurs temples, soit en fabriquant et en vendant œuvres d*époque postérieure, le caractère apologétique des Idoles. Sur cette double interprétation possible qu’on vient dc signaler ct qu’on trouvera nettement marqué chez les Pères apologistes, est la note prédo­ dc Rom., n, 22, voir les commentaires. Saint Jean rappelle, au sujet de l’idolâtrie, un point minante au sujet dc l’idolâtrie. Inanité des idoles, qui de doctrine ct un point dc discipline, L'idolâtrie esc sont ou les démons, ou des ouvrages d'amusement. un péché qui ferme la porte du ciel â ceux qui s’en ren­ Constitutions apostoliques, 1. V, c. xi, P. G., L 1, dent coupables. Apoc., xxi, 8; xxn, 15. Il rappelle col. 853-856; les idoles sont impuissantes, inutiles. Recognitiones, 1. V, n. 15, 16, col. 1337, absurdes ct aux évêques de Pergame ct dc Thyatlre la nécessité Indiques dc l'intelligence humaine, n. 11, col. 1336; de veiller ù l'application de la défense de manger des Idolothytos, η, 1 1,20.Voir col.676-G77.Mais l'injonction cf. Ilomilia· pseudo-Clemcnl., homil. x, c. xiv, xmii, t. n, col. 268, 269; sans réalité divine, faites de pierre formulée ù l’adresse do l'évêquo de Thyatlre, ct qui porte sur un délit précis, celui dont s’est rendue ou d’acier, c. χχι, col. 272; leur culte est tellement honteux qu’il suffit â détourner dc lui les gens sensés. coupable la femme Jézabel, < qui se dit prophétesse » Recognitiones, 1. X, n. 36 sq., 1.1, col. 1339 sq. Dc ces ct à qui l’évêquo permet · d’enseigner ct de séduire les serviteurs (de Dieu) pour... leur faire manger vaines cérémonies, il faut s’abstenir, n. 30 sq.,col. 13-14, 1315. Rendre un culte aux idoles, c’est montrer à des viandes sacrifiées aux idoles », v, 20, sc com­ Dieu la pire des ingratitudes» c’est s’engager dans une plète d’un axis précieux touchant la possibilité vole dont les conséquences sont les plus fâcheuses, pour cette criminelle do faire pénitence, v, 21. C’est la première Indication que l'on rencontre sur le pardon car elle est source dc tous péchés» ibid., col. 1344 sq.; du péché d’idolâtrie commis par un chrétien. Enfin, 1 cf. col. 1329, ct Dieu punit l’idolâtrie de toutes sortes dc maux, I. IV, c. vm sq., t. i, col. 1319 sq. Défense dans une recommandation dc forme générale, ct qu’à tort certains auteurs non catholiques ont prétendue par conséquent dc chanter des chants païens, de jurer par les idoles, Constitutions apostoliques, I. V, c. xn, interpolée, l’apôtre saint Jean recommande, à la Πη dc sa Ir· Épflro, v, 21, Λ ses petits enfants, dc sc gar­ t. i, col. 856, dc manger des idolothytes. Ibid., 1. VH, der des idoles. Il no semble pas qu’il s'agisse ici dc c. xxi, OÔk 1012. Les Recogniliones expliquent comment, grâce aux prémunir les fidèles contre l’idolâtrie proprement ! dite, mais plutôt d’evciller leur attention contre les mauvaises passions qu’elle favorisait chez les hommes, l’idolâtrio s’est Introduite dans le monde, L IV, fausses doctrines, les rêveries hérétiques de la gnose naissante. Le terme simulacrum, ιϊω.ιλον, est employé c. xm sq., t. i, col. 1319; cf. pour sa propagation après le déluge, Ilomiliic pscudo-Clcment., homil. ix, par opposition au vrai Dieu du verset précédent. 2° Les Pères apostoliques. Des enseignements c. xv sq., t. n, col. 244 sq. Les astres et le feu furent Identiques se retrouvent sous la plume des Pères apos­ les premières idoles, Recognitiones, 1. IV, c. xm, t. 1, toliques. On reconnaît la prohibition relative aux col. 1320, 1321; cf. 1327; les apôtres ont reçu mission idolothytes, dans la Didaché, vi, 3. L’idolâtrie est do vaincre l’idolâtrie. Ibid. 651 IDOLATRIE, IDOLE 4e Les Pères apologistes* — L Critique directe de Hdoldlrie. — La critique de l'idolâtrie n’est pas l’apanaie des Pères de l’Église; les psaumes en contiennent plus d’un exemple; cf. ps. xxxix (xl), 5; cxni (cxv), 12 (4); clic avait été l'un des thèmes favoris des apolo­ gistes judéo-alexandrins. Le Livre de la Sagesse, en particulier, contient des critiques mordantes de l'ido­ lâtrie; les traits des plus vifs dont les Pères apologistes accableront le culte des fausses divinités semblent empruntés à ce livre inspiré. Cf. Schürer, Geschichte des jtïdischen Volkes, Leipzig, 1898, t. ni, p. 414-416. Souvent donc les Pères apologistes suivent les traces des judéo-alexandrins. Les arguments directs dont ils se servent, nonobstant les variantes de pure forme, peuvent sc grouper sous trois chefs : a) les idoles sont des dieux de bois, de pierre, êtres inanimés, de matière vile et ordinaire,façonnés de main d’homme. S. Justin, ApoL, I, n. 9. P. G., t. vi,coL 340; Dial, cum Tryphone, n. 55, col. 596; Minucius Félix, Octavius, c. xxm, P.L., t. in, col. 311; Théophile d’Antioche, Ad AuL, I. II, n. 36, P. G., L vi, col. 1113. Sur celle consta­ tation de fait, les apologistes exercent leur verve; lire en particulier Tertullicn raillant les dieux païens sou­ mis, dans leur fabrication, Λ des tourments analogues à ceux que les persécuteurs infligent aux chrétiens. Apologet., c. xn, P. L., 1.1, col. 337. Ces dieux repré­ sentent « des arbres, des fleurs, des rats, des chats, des crocodiles et d’autres animaux. Et cc ne sont pas les mêmes qui sont adorés par tous : chacun a son dieu, en sorte qu’ils sont tous impies les uns pour les autres, parce qu’ils n’ont pas le même culte ». S. Justin, ApoL, I, n. 24, P.G., t. vî, col. 364-365; cf. ApoL, II, n. 14, 15, col. 468, 469. La multiplicité des dieux rend ridicule l’idolâtrie païenne, qui varie selon les nations et les villes. Athénagore, Legatio pro Chris­ tianis, η. 14, col. 916, 917. Les rites idolâtriques sont par lâ mémo ridicules et grotesques, Minucius Félix, Octavius,c. xxiv, col. 312; Tertullicn, Apologet.,c· xn, col. 342; Tatien, Oratio adversus græcos, n. 29, P. G., t. m, col. 865, 868; cf. n. 4, col. 813. Les dieux sont I ainsi traités par l’homme avec impiété, sacrilège, irré- ! vércncc. Tertullicn, Apologet., loc. cit. — b) Les I légendes relatives â Vorigine, à la génération des | dieux suffiraient à prouver l’inanité du culte des idoles : co qui éclate en ces légendes, c’est surtout le caractère profondément immoral de toutes les mythologies disparates dont le paganisme olllcicl était fait. Aristide, dans son Discours apologétique, montre 1 principalement le ridicule des religions païennes; il critique l’idolâtrie grossière des barbares, le culte des éléments, introduit par les philosophes, la mythologle anthropomorphique des Grecs et particulière­ ment le culte des Egyptiens, n. 3-14; il relève avec soin les conséquences antimoralcs découlant de tous les méfaits dont les dieux sc sont rendus coupables. Voir spécialement, n. 8, 13. Cf. Pitra, Analecta sacra, Paris, 1883, t. iv, p. 282-286; P. G., t. xcvi, col. 1108-1124. Saint Justin met en opposition la pureté chrétienne et l’immoralité des mythes païens. ApoL, I, n. 25, col. 365.Taticn multiplie les détails sur l’im­ moralité de ces mythes et sur l’usage ridicule de l’astrologie, Oratio adversus græcos, n. 8,9,10, col. 831838, sur les métamorphoses fabuleuses des dieux, n. 21, col. 855; ci. n. 25, col. 861. Athénagore fait une argumentation en règle contre le polythéisme, raillant la multiplicité des dieux, et discutant le principe même de la mythologie, qui accorde aux dieux une origine analogue à la nôtre. Legatio, η. 11, 18-19, col. 916 sq., 925 sq. Ccttc origine est récente, n. 17, col. 921 sq., et démontre qu’ils ne sont pas Dieu, n. 18, l’Être divin ne pouvant avoir de commencement. Les détails de ccttc mythologie absurde sont mons­ trueux et révoltants, tout comme les dieux eux-mêmes 652 dans la conduite qu’on leur prête, n. 20-21, col. 929936. A son tour, Théophile marque le caractère absurde, inconvenant, immoral des légendes religieuses de la Grèce et de l’Égypte, Ad Aul.,1. 1, n.9-10, col. 1037, 1040; cf. 1. Ill, n. 3, 8, col. 1125, 1133; il ridiculise les cosmogonies d’Homère et d’Hésiode, 1. Il, n. 4-8, col. 1052-1064, et montre qu’il est aussi insensé d’accepter do pareilles fables que de se livrer aux pratiques de l’idolâtrie populaire, n. 2, 3, col. 10481049. Cf. Cohortatio ad græcos, n. 2, P. G., t. vi, col. 241-245; De monarchia, n. 6, P. G-, t. vî, eol. 324325; Minucius Félix, Octavius, c. xxn-xxmt, t. m,col. 306 sq. Présentée sous cet aspect, l’idolâtrie révolte la raison et offense la divinité. S. Justin, ApoL, 1, n.9,col. 340. — c) En troisième lieu, les Pères apolo­ gistes démontrent l’inanité de l’idolâtrie par les explications qu’ils fournissent relativement à l’ori­ gine du culte des faux dieux. Ces explications dé­ montrent avec évidence que ce culte ne repose que sur l’imagination ou la malice des hommes. Les Père?, en effet, nous placent en face do trois explications possibles de l’idolâtrie : a. l’explication stoïcienne : les dieux ne sont que des personnifications des forces de la nature. Dieu est la personnification du feu, Justin, ApoL, I, n. 20, col. 358; Athénagore, Legatio, n. 6, col. 904; ce feu, répandu à travers la matière cosmique, prend différents noms suivant les diffé­ rentes parties de la matière vivifiées par lui. Ibid.; cf. n. 22, col. 976. Mais ccttc explication des dieux est vaine : les stoïciens, en somme, ne reconnaissent qu’ « un Dieu, éternel et inengendré, et tout change­ ment de la matière constitue un corps ». L’esprit de Dieu pénétrant la matière recevrait différents noms selon les changements de la matière elle-même, mais • la divinité est immortelle, immobile, immuable ». Ibid.; cf. Tatien, Oratio, n. 21, col. 855; Tertullicn, Ad nationes, 1. II, n. 2 sq., P. L., t. î, col. 588. — b. L'évhémérisme.— Les dieux ne sont que des hommes, rois ou autres personnages illustres, que l’on a divi­ nisés. C’est l’explication généralement admise : elle favorise singulièrement la thèse des apologistes. Minucius Félix, Octavius, c. xx, xxî, xxm, P. L.,t.in, col. 297, 300, 310; Athénagore, Legatio, n. 18, 19, 26, 28,29, P. G., t. vî, col. 925, 929, 949-950,953,957; Théophile, Ad Autolycum, 1. I, n. 19; 1. Il, n. 2, col. 1037, 1048; l’auteur de la Cohortatio ad græcos, n. 21, 36, 37, col. 424, sq., 305, 308; du De monarchia, n. 6, col. 325; Tertullicn, Apologd., c. x, xi, col. 328 sq. Athénagore, Legatio, 28, col. 953, démontre par l’histoire que les dieux ont été d’abord des hommes; il fait appel, sur cc point, n. 29, col. 957, ù l’autorité des poètes et recherche, n. 30, col. 960, pour quelles causes la divinité a été attribuée ù certains individus. Défendant la même thèse, Minucius Félix, loc. cit., précise le processus de ccttc divinisation : « A l’égard des dieux, nos pères, dit-il, se sont montrés impré­ voyants, crédules et naïfs. Ils honoraient religieuse­ ment leurs rois, ils désiraient après leur mort les faire revivre dans des images et avaient plaisir ù conserver leur souvenir dans des statues; cc qui n’était tout d’abord qu’une consolation prit bientôt un caractère religieux. Aussi, avant que le monde sc fût ouvert parle commerce..., chaque nation adorait son fondateur, un chef remarquable, une reine chaste, plus forte que son sexe, l’auteur de quelque art ou bienfait, comme on honore un citoyen bienfaisant. Ainsi on donnait une récompense nux morts et un exemple aux vivants », c. xx, col. 299. Tertullicn, admettant, lui aussi, la thèse de l'évhémérisme, nie avec véhémence que les dieux aient mérité l’honneur qu’on leur a fait en les élevant au ciel. On n’en trouve pas un qui soit exempt de reproche ou de faute, à I moins de nier son existence »; mais, même en admet­ 653 IDOLATRIE, IDOLE tant qu’ils nient été bons et honnêtes, de meilleurs qu’eux, Socrate, Thèmistocle, Aristide, Alexandre, Polycrate, bémosthêne, Caton, Sclpion, etc., eussent mérité plus qu’eux les honneurs divin?. Apologet., c. xi, col. 335. Cf. Ad nationes, L Π, n. 8,12, col. 595, 601. — c. La raison thêologique. — Par cette raison, les Pères arrivent ù la cause première du péché d'ido lAtric. L’Idolâtrie est le résultat de la supercherie intéressée et de la malice des démons qui, par là, attirent les hommes à eux, et se substituent euxmêmes aux hommes divinisés pour s’identifier avec les Idoles et accaparer les honneurs divins à leur profit. Cette explication, loin do contredire l’explication évhémériste, la complète heureusement. Voir Athénagoro, Legatio, n. 21-27, col. 918-953. L’instru­ ment du règne des démons sur le monde est princi­ palement l’idolâtrie. Justin, ApoL, I, n. 5, col. 336; cf. n. 9, 25, 34, col. 310, 3G5, 408-409; l’auteur du De monarchia, n. 1, col. 313; Athénagore, loc. ciL; Théophile, Ad AuL, 1. I, n. 10, col. 1010. Pour quel­ ques Pères, l’idolâtrie a commencé au paradis ter­ restre. Tatien, Oratio, n. 7, col. 829 (voir cependant la note 64 dans l’édition de Migne); l’auteur de la Cohortatio, n. 21, col. 277 (même remarque do l’annotalour, note 64); Théophile, Ad AuL, 1. II, n. 28. col. 1096-1097. C’est pour jeter les hommes dans le péché et les détourner loin de Dieu que les démons cherchent ainsi à les tromper, S. Justin, ApoL, 1, n. 14, 58, col. 348, 416; de là, ils inspirent les fables, n. 54, 64; Dial, cum Tryphone, n. 70, col. 408, 425, 610; suggèrent le mensonge aux poètes et aux histo­ riens. Théophile, Ad Autolycum, 1. II, n. 8, col. 1061; cf. Minucius Félix, Octauius, c. xxvi, col. 322. Cf. Apologistes (Les Pères), t. î, col. 1590-1591. Pour aboutir à leurs lins, ils emploient la magie et sont les auteurs des prodiges qui ont lieu autour des idoles. Cf. Minucius Félix, Octauius, c. xxvn, col. 324 ; Terlullien. Apologet., c. xxii, col. 408; Athénagore, Legatio, n. 27, col. 952-953. Tatien rappelle que les démons n’ont inventé l’idolâtrie que pour séduire les hommes, Oratio, n. 16,17,18, col. 840,844, 848; ils · volent » la divinité, n. 12, col. 832; l’astrologie est une consé­ quence de l’idolâtrie, n. 7-12, col. 820-832; voir la réfutation de l’astrologie, n. 19, col. 848-849. Les démons peuvent aussi par leur malice provoquer des maladies et des guérisons; la médecine elle-même est sujette Λ caution, n. 18, col. 847. Finalement, le culte les Idoles, c’est le culte des démons. Justin, ApoL, I, n. 5, 21, col. 336, 360. Ces traits de la théologie démoniaque des apologistes, relativement à l’idolâtrie, se trouvent condensés chez Tertullicn. Nuire aux hommes est le but de toutes leurs impostures, de tous les prodiges par lesquels ils essaient d’accréditer les faux di ux. Apologet, c. xxi-xxii; De anima, c. lvii, P.L., t. n, col. 747. i butes les tonnes de divination leur sont bonnes : évocation les morts, sacrifices d'enfants, prestiges,chévTCspariantèA tables parlantes, A polo get., 23, coi. 408 : les démons veulent se faire passer pour des dieux grâce ù la divination et par des artifices perfides qui empruntent le masque de la religion. Ibid.; ci. d’.Aîès, La théologie de 'lerlulllcn, Paris, 1905, p. 158. Sur le spiritisme chez Tcnullien, voir Mgr Frcppel, Tertullicn, Paris, 1871, t. n, leçon xxxiv, p. 368373. 2. Défense directe du christianisme. — Cette dé­ fense, relativement A l’idolâtrie; prit» sous la plume des apologistes, trois tonnes ulfl rentes. — a) Le christianisme n'est pas tui-méme U e Idolâtrie. — Les accusations portaient sur trois chefs principaux : adorai on d’une tête d’âne, adoration de la croix, adora* Ion du soleil. La première calomnie est réfutée par Minucius Félix, Octauius, c. xxvin, col. 328; la mé­ thode d’argumentation de l’apologiste est simple: 654 personne ne peut être assez sot pour attribuer un pareil culte aux chrétiens, sinon ceux-là mêmes qui sont assez sots pour honorer des animaux. Le même auteur explique, c. xixx, ccqu’est l’adoration de la croix chez les chrétiens : Il rappelle que le signe de la croix, par lui-même, est déjà suggéré par la raison naturelle et comme la base mémo de la religion des païens. C’est en attaquant pareillement la religion païenne, avec une verve et une ironie Incomparables, que Tertullicn défend le culte de la croix. ApologeL, c. xvi, col. 364; Ad nationes, 1. I, n. 12, col. 601. C’est aussi par le même procédé indirect que Justin aborde cc même sujet. ApoL, I, n. 55, col. 412. Voir Croix (Adoration de la), t. m, col. 2347-2,348. L’accusation relative au culte du soleil se trouve chez Tcrtulllen, Apologet., c. xv, col. 371 : « Si nous fêlons le soleil — c’est d’alllcurs pour une tout autre raison que pour honorer le soleil — nous venons après ceux qui consa­ crent le Jour de Saturne A manger et à ne rien faire, et qui sont eux-mêmes les Imitateurs inconscients d’une coutume juive. > — b) Le chrétien, en désertant le culte des idoles nationales, ne commet aucune taule contre la patrie ou la société. — La multiplicité des dieux amène fatalement les citoyens à ne pas adorer partout les mêmes divinités : « Chacun a son dieu, en sorte qu’ils (les païens) sont tous impies les uns pour les autres...; une même chose est regardée ici comme un dieu, ailleurs comme un animal, là comme une victime. » Justin, ApoL, I, n. 21; cf. ApoL. Il, n. 14-15, col. 361-365, 468. Les chrétiens ne deman­ dent pour leur culte que la tolérance accordée aux divers cultes nationaux, Athénagore, Legatio, n. 1, col. 889 sq.; leur soi-our l'empereur, « demandant pour lui une longue vie, un empire assuré, une maison tranquille, des armées vaillantes, un sénat thlèle, un peuple vertueux, une paix universelle, en un mot, tout cc qu’il peut désirer comme homme et comme empereur », c. xxx; cf.c. xxxi-xxxn, col. 411, 116, 447. Mais les chrétiens doivent refuser de rendre un culte divin à l’empereur : on ne doit l’appe­ ler ni Dieu, ni Seigneur, cc serait une usurpation contre la majesté divine, c. xxxux-xxxiv, col. 448 sq. Sur le même sujet, voir Justin, ApoL, I, n. 17, col. 353; Théophile, Ad Aut., L 1, n. 11, col. 1011; Athénagore, Legatio, n. 37, col. 972. c) En adorant un seul Dieu, les chrrtiens, d'accord avec les philosophes les meilleurs, professent une vérité éminemment rationnelle. - Voir Apologistes, 1.1, col. 1591 ; Dieu, t. m, col. 1028 sq. L’attitude des apologistes, à l’égard des philosophes, dans la lutte qu’ils enlrcnrcnnent en faveur du mono­ 655 IDOLATRIE, IDOLE G56 théisme contre l’idolâtrie, varie selon le tempérament ci d’avoir commis des erreurs et toléré l’idolâtrie. dc chacun· Justin, modéré et favorable, voit dans la Coni. Celsum, I. V, n. 43; VI, n. 2; VU, n. 47, P. G,, philosophie païenne un cllort louable vers la vérité. t. xi, col. 1248; 1289; 1489. C’est ainsi qu’en passant, Origène est amené â proclamer l’inanité et la stupidité Les philosophes, en toutes les matières où ils sont d’accord avec la rtdigion chrétienne, le doivent ù la du culte des faux dieux. lumière que le Verbe leur a communiquée, Apol., I, 5° Les derniers écrits chrétiens contre l'idolâtrie. — n. 5, 44, 46; Apo/., Il, n. 7, 8, 10, 13, col. 336, 396, 1. La deuxième moitié du m· siècle ct le début 397, 456, 457, 460, 465, ou bien ils le doivent aux du iv· verront paraître un certain nombre d’écdls emprunts qu’ils ont faits à la révélation. Apof., I,n. 59- dirigés contre l’idolâtrie, qui n’apportent toutefois 60, col. 416, 417. Talien, dur et agressif, relève sur­ aucune idée nouvelle. Il suffit de les signaler ici en en tout les erreurs ct les contradictions des philosophes*, donnant une très brève analyse. Dc saint Cypricn Oratio, n. 1, 2, 3, col. 804-812; cf. n. 25, 26, col. 860, retenons l’écrit Ad Demetrianum : les chrétiens ne 861 ; cc que les philosophes ont dc bon est le résultat sont pas la cause des maux qui désolent le monde ct d’un plagiat des Livres saints, n. 40, col. 884. Alhéna- l’Afrique. La vraie cause dc ces maux est l’obstina­ gore, plus juste ct moins superficiel, fait appel aux tion des païens dans leurs cultes idolâtriques. Le témoignages profanes en faveur de runite divine, Quod idola dit non sint est une suite de notes tirées Legatio, 5, 6, 7, col. 900, 901, 901-905; dc l’existence parfois littéralement dc Minucius Félix et de VApolo­ des démons, n. 23, col. 941; dc la providence, dont geticum de Tertullien. L’authenticité de cct ouvrage, la notion a cependant été défigurée par suite dc l’in­ affirmée par saint Jérôme, Epist., i.xx, ad Magnum, fluence des démons, n. 25, col. 949. Les philosophes, P. L., t. xxii, col. 668, a été révoquée en doute, mais comme les chrétiens, ont souffert calomnies ct persé­ ne semble pas devoir être contestée. Le Carmen apo­ cutions pour avoir défendu la vérité contre l'erreur logeticum de Commodien, qui est, en réalité, un exposé ct la vertu contre le vice, n. 31, col. 961. L’auteur du de la religion chrétienne, est dirigé contre les Juifs De monarchia est favorable, lui aussi, aux philosophes. et contre les païens. Dans le Ier livre des Instructions, Son opuscule est une compilation de textes où Eschyle, on retrouve la meme tendance apologétique, visant Sophocle, Orphée, Pythagore, Ménandre, Philémon, les memes adversaires. Les sept livres Adversus Euripide viennent affirmer l'unité divine ct combattre nationes d’Arno be ont, pour le sujet qui nous occupe, l’idolâtrie. Même appel à l’autorité des philosophes une plus grande importance. Dans les deux premiers, chez Minucius Félix, en faveur de l’unité divine, de Arnobe,comme saint Cypricn dans le Ad Demetrianum, l’existence des démons, dc la fin du monde et de la répond à ceux qui prétendent que les chrétiens sont résurrection, de l’éternité des peines de l’enfer : < les cause des maux qui fondent sur l’empire. Dans les doctrines des philosophes sont presque identiques cinq autres, prenant l’oITcnslve, il fait le procès du aux nôtres », dc telle façon que « les philosophes paganisme officiel et populaire ct de la philosophie. païens étaient déjà chrétiens ou que maintenant les Tout d’abord, il prend directement ù partie le poly­ chrétiens sont philosophes ». Octavius, c. xix, xx, xxvi, théisme; il en fait ressortir l’absurdité ct l’immora­ xxxiv, col. 292,257, 320, 314. Cct accord s’explique lité. « Impossible de ne pas s’arrêter, à la fin du Ve livre, par les emprunts faits ù nos Livres saints, c. xxxv, devant la critique incisive ct mordante des allégories, col. 348. Théophile met davantage en relief les sous lesquelles les philosophes s’évertuaient à voiler erreurs, les contradictions des philosophes; il attaque dc leur mieux le scandale des mythes ct à idéaliser leur morale relâchéect perverse, Ad Aut., 1. Il, n. 12, le vieux culte païen. Les deux derniers livres tradui­ cf. 1-4, 8; 1. III, n. 5-6; cf. 2, 3, 7, 15, 26, cul. 1009, sent les cultes polythéistes à la barre d’une critique 1049-1053, 1059, 1121, 1121, 1125, 1141 sq., 1160; sans merci ct vengent les fidèles dc cette accusation mais il reconnaît cependant l’accord partiel de d’impiété que les païens ne sc lassaient pas d’élever, leur doctrine avec l’enseignement chrétien : cc faute dc trouver chez eux leurs temples, leurs sacri­ qu’il y a dc vrai chez eux, ils l’ont volé à la sainte fices, leurs images dc la divinité. » O. Bardenhewer. Ecriture, 1. I, n. 14; I. II, n. 37, col. 1045, 1118. L’au­ Les Pères de ΓÉglise, trad, franç., Paris, 1898, t. î, teur dc la Cohortatio ad gnccos soutient la même p. 362. Cf. t. î, col. 1985. Lactancc reprendra la plu­ thèse sur un ton plus mesuré. Les philosophes, dans part de ccs idées dans les deux premiers livres de ses cc qu’ils ont enseigné de vrai, ont plagié les Écritures. Institutions divines. Dans le II· livre, sur l’origine dc Cf.n. 1,5-8,14-19, 10-33,34-46, col. 248-219, 251-256, l'erreur, Lactancc développera une idée mainte fols 268 sq., 276 sq., 301 sq. Hermias sc borne au persi­ émise par les Pères apologistes : les démons doivent flage des contradictions relevées chez les philosophes. être considérés comme les véritables auteurs dc l’ido­ Irrisio, n. 2, col. 1169 sq. Si le reproche dc contra­ lâtrie. Le philosophe Porphyre de Tyr, mort â Borne diction est fondé, celui des emprunts faits aux Livres en 304, avait composé, en quinze livres, un ouvrage saints n’est pas justifié; les apologistes ont pris ce contre le christianisme. Dans cet ouvrage, il cherche lieu commun chez les judéo-alexandrins. Il fallait à sc débarrasser des impuretés mythologiques par toutefois constater que leur méthode apologétique, des interprétations physiques ct allégoriques. Il ne dans la preuve de l’unité dc Dieu contre le poly­ nous reste de cct écrit que des fragments dans Eusèbc, théisme idolâtrique, avait fait appel aux enseigne­ saint Augustin et Théodoret. Contre les assertions ments concordants dc la philosophie païenne. L’apo­ de Porphyre, dont quelques-unes sont en réalité une logie du christianisme contre le paganisme dolâtrique défense déguisée de l’idolâtrie, Apollinaire avait écrit a été continuée, dans le même sens, par Clément trente livres dc réfutation, aujourd’hui perdus, sauf d’Alexandrie, principalement dans le Protreptricus un fragment conservé par saint Jérôme, In Daniel., ou Exhortation aux gênais, P. G., t. vm, col. 49-245. ix, 24, P. L., t. xxv, col. 548. Du Monogène, autre Au fond, l'Exhortation s’adresse, non pas aux païens, réfutation, écrite par Macarius le Magnésien, en 410, mais aux chrétiens. Ce qu’elle combat, c’est le paga­ probablement contre ILéroclès (publiée en 1876, â nisme pratique, non encore complètement vaincu Paris, par Blondel), il n’y a rien ou presque rien qui dans les mœurs des chrétiens. Pour Clément d’Alexan­ intéresse la question de L'idolâtrie : l’apologiste sc drie, la philosophie grecque a emprunté à l’Anclcn contente, en eflct, dc réfuter les accusations de contraTestament la part de vérité qu’elle contient; elle fut < s contre les textes bibliques. \ la même un élément providentiel de la préparation du salut. époque qu’AppoJina.rc, ou même un peu aupara­ Cf. t. m, col. 146, 169. Origène est plus dur pour la vant, saint Athanasc, dans le Discours contre les grecs, philosophie et pour les philosophes. Il reproche à ceuxP. G., t. xxv, col. 3-96, avait expliqué l’origine dc 657 IDOLATRIE, 11)01.E 653 l'idolâtrie, n. 1-Î0, ct réfuté les différentes formes n’existant plus, xvr, 10, 22. En Occident, l’ancien sous lesquelles elle sc présente, n. 11-29. On trouve culte sc soutint plus longtemps en face du chris­ également dans Eusèbe de Césarée une excellente cri­ tianisme triomphant Longtemps encore les païens tique, aussi modérée que savante, des cultes ido­ rééditent les calomnies dirigées contre les chrétiens, lâtriques, principalement dans les quinze livres dc responsables, disaient-ils, de tous les maux de l’em­ la Préparation, προπαρασχιοη ίυαγγό.ιζ^, /*. G., t. xxi. pire. Cette accusation sera réfutée par Paul Orose, Adversus paganos, historiarum libri septem, mais Il faut aussi, du mime auteur, faire mention d'un grand ouvrage Contra Porphyre, ouvrage aujourd’hui surtout par saint Augustin, dans son De civitate Dei. Quelques populations païennes survécurent jus­ perdu. 2. L’histoire du iv· siècle accuse dans le paganisme qu'au vu· ct même ix· siècle. Saint Cêsaire d’Arles, officiel un recul de l'idée polythéiste. Cf. Mgr Batiffol, au vi· siècle, · dans scs sermons contre les pratiques La paix constanlinicnnr ct le catholicisme, Paris, 1911, païennes, adopte l’interprétation évhémériste de la Excursus B, p. 108-201. Un monothéisme abstrait mythologie, interprétation qui a déjà dc longs états prend progressivement la place des multiples divinités I de service. Appendice aux sermons de S. Augustin, P. L., t. xxxix, serin, cxxix, n. 1, col. 2001; exxx, de l’idolâtrie. Voir la lettre du grammairien Maxime de Madaure, dans saint Augustin, Epist., cni, P. L., n. 4, col. 2005. S’il appelle démons les dieux grécot. xxxm, col. 386-387. Toutefois, le peuple garde romains, c’est par figure; mais il sait que cc sont des encore le culte des idoles. Il n’entre pas dans le pro­ personnages méchants et vicieux qui vivaient au gramme de cet article théologique de retracer les temps où les Israélites sc trouvaient en Égypte. » péripéties de cette dernière phase de la lutte entre P. Lejay, Le rôle théologique de S. Césaire d'Arles, le catholicisme grandissant ct l’idolâtrie expirante. dans la Revue d'histoire cl de littérature religieuses, t. x» L'édit de Constantin, en 313, donne au catholicisme p. 161. Mais c’est surtout aux pratiques divinatoires ct aux sortilèges qu’il s’attaque. Strm., cclxxvui, une liberté ct un statut légal. Bien plus, ne pouvant supprimer d’un seul coup le culte des idoles, l’empe­ n. 1, col. 2269; n. 5, col. 2270-2271 ; Homilia sacra, reur essaye tout au moins dc restreindre ce culte. publiée par Elmenhorst, p. 51. Cf. Lejay,op.cit.,p. 481. Un grand nombre dc temples dédiés aux fausses divi­ Le 1 Ie concile de Braga (572) insiste dans son canon 1 nités furent fermés; plusieurs statues d’idoles furent sur l’obligation qu’ont les évêques d’exhorter le peu­ enlevées ct mises en poudre. Firmicus Maternus, ple, dans leurs tournées pastorales, à s’abstenir de dans son De errore profanarum religionum (vers 317), l’idolâtrie ct des vices. Cf. Hcfele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ni, p. 19 L Ce fut pour saint Martin P. L., t. xii, col. 971-1050, invitera les empereurs Constance et Constant à donner le coup dc grâce au de Braga l’occasion de composer le De correclione paganisme mourant. Les c. vi-xvii surtout ont trait rusticorum, édité par C. P. Caspar!, Christiania» 1883. â l’idolâtrie cl aux grossières superstitions du paga­ Un concile dc Tours, tenu en 567, avait condamné nisme. Toutefois l’avènement dc Julien ΓApostat un usage idolâtrique, celui dc distribuer au peuple une idole de farine. Cc rite bizarre est mentionné dans donne â l’idolâtrie un regain de vitalité, que saint Jean Chrysostome a décrite dans De S. Baby la, n. 14, une lettre de Pelage l*x à l'évêque d’Arles Sapaudus. P. G., t. L, col. 551-555. Julien l’Apostat composa Jaffé, n. 978. Cf. Hcfele, op. cil., p. 185, note 6. Si­ un ouvrage de huit livres pour attaquer le christia­ gnalons enfin la constitution du roi de France Childéric,Dcabolendis reliquiis idolobdriæ, P.L.,l. Lxxu. nisme et justifier le paganisme. Sur sa personne, scs écrits, et son œuvre polémique ct persécutrice contre col. 1Γ21-1Γ22. Si l’idolâtrie disparait des controverses religieuses, l’Église, voir l’ouvrage classique de Paul Allard, Julien P Apostat, 3 vol., Paris, 1900. Les attaques et c’est pour faire place â la divination, dont les pra­ tiques seront dénoncées et poursuivies par les Pères la persécution dc Julien provoquèrent de la part des défenseurs du catholicisme certaines répliques di­ et les écrivains ecclésiastiques. Voir Divination, rectes ou Indirectes qu’il suffit ici de signaler. Apolli­ t. iv, col. 1441-1455. 6« La morale de ΓÉglise et Γ idolâtrie. — Dès avant naire avait écrit une deuxième apologie, Sur la vérité, la liberté dc l’édit constantinien, les Pères de l’Église où il réfutait Julien : elle a péri entièrement. Saint Jean Chrysostome, dans plusieurs dc ses homélies. sc préoccupent du péché d'idolâtrie : leur enseigne­ ment n’est pas seulement apologétique; il est encore Oral, in sanet. mart. Juvenalem cl Maximinum. P. G.. t. L, col. 571-578; ct dans son livre Sur saint Babylas, moral. C’est surtout en Occident, avec Tertullien, que la contre Julien cl les païens, col. 533-572. Mais ces écrits sont postérieurs ù la mort du prince, tout comme les préoccupation morale sc prononce, plus développée. Le Dc spectaculis et le De idololatria sont les meilleurs deux < phllipniqucs », στηλιτυτηχο’’, de saint Grégoire de Nazianze (discours théologiques ivel v, P. G., t. xxxv, spécimens de cette préoccupation. Pour Tertullien, l’idolâtrie ne consiste pas seulement à olfrir des col. 532-720). Plus tardivement encore parut, de saint Cyrille d'Alexandrie, ΓApologie du christianisme victimes en sacrifice aux idoles; à bien le prendre» contre les livres dc l'impie Julien (paru en 433), conte­ toute offense de Dieu est une idolâtrie. L’idolâtrie nant originairement trente livres, mais dont nous s’insinue partout : dans les arts représentatifs, adon­ ne possédons, dans le texte original, que les dix pre­ nés à la fabrication des idoles; dans l'astrologie et miers, P. G., t. lxxvi, col. 503-1057; quelques frag­ la magic, sciences qui touchent dc près aux sciences ments grecs ou syriaques nous étant encore parvenus occultes; dans l'enseignement des belles-lettres, qui des dixsuivants, P.G., col. 1060-1061. L’idolâtrie n’est exige des connaissances approfondies dc la mythologie ; pas au premier plan des préoccupations dc l’apolo­ dans le négoce, où la cupidité exerce son influence giste, ni dc l’empereur apostat, mais, dans un ouvrage en faveur de l âchât ct dc la vente des matières des­ ipn s’occupe des rapports du judaïsme ct du catho­ tinées aux sacrifices païens; dans la participation licisme avec le paganisme, il en est forcément ques­ plus ou moins éloignée aux fêtes païennes, que les chrétiens eux-mêmes retiennent dans leurs coutumes; tion sous une forme ou sous une autre. 3, Après la mort de Julien, on peut dire qu’en ' dans l’acceptation des distinctions, des charges, des Orient l’idolâtrie et le paganisme sont ù leur extrême emplois publics, dans le métier des armes ct jusque déclin. Une loi de Théodosc le Grand défendit l'ido­ ! dans les paroles imprécatoires, tout imprégnées de lâtrie comme un crime de lèsc-majestc. Code Théodo­ locutions païennes. Cf. d’Alès, La théologie dc Ter­ sien, xsl, 10, 12. Les derniers temples furent démo­ tullien, Paris, 1905, p. 412-421. Bardenhewer attribue lis : en 123, le paganisme est considéré comme ces deux ouvrages à Tertullien catholique. Les Pères 659 IDOLATRIE, IDOLE de l'Églisc, trad, franç., Paris, 1898, t. t, p. 316. M. d'Alès, à cause des exagérations qui s'y trouvent, attribue le De idololatria à TertulUen déjà montanis te (3· pé­ riode, semi-mont anisnic), op. cil., p. xiv, sc ralliant cn cela à l’opinion de M. Monceaux, Chronologie des autres de TertulUen, dans la Revue de philologie, t. xxn (1898). Cette attribution est faite à cause de la sévé­ rité avec laquelle, ainsi que dans le De corona, Terlullicn y affirme l'incompatibilité du métier des armes et de la perfection chrétienne, cn raison du péril d'idolâtrie. Sur ce point, voir Guerre, t. vi, col. 19151916. 1. Le péché d'idolâtrie. — L'idolâtrie avait toujours été considérée comme un pêché extrêmement grave. Les Pères apologistes insistent déjà sur le caractère d'impiété de cette faute, S. Justin, Apol., I, n. 24,25, col.364,365,laquelle est, de plus, une insanité, Théo­ phile, Ad A ut., col. 1112; car c’est Dieu qu’il faut adorer ct non pas scs œuvres. Athéna gore, Legatio, n. 16, col. 922; cf. Tatien, Oratio adversus griccos, n. 4, col. 813. Les Constitutions apostoliques, 1. 11, c. xxm, édit. Funk, p. 89, déclareront qu’il n'y a pas de péché plus grave que l'idolâtrie, parce qu'elle est un mépris formel de Dieu, μιίζων ιβωλολατρίας ούχ ίστιν αμαρτία, ιις Οίόν *·λζ Ιστι ουσσέβιια. Donc, culpabilité des païens eux-mêmes, qui, éclairés par les raisons par lesquelles la foi chrétienne est justifiée, refusent néanmoins de se convertir. Quelles que soient leurs raisons de demeurer dans l’idolâtrie: prestige de la religion romaine, Minucius Félix, Octavius, c, \i, P. L,, t. m, col. 250-253; respect des traditions, Méliton, Apol., 12, Corp, apol., t. ix, p. 431; entraînement du grand nombre, Méliton, Apol., n. 1, ibid., p. 423; difficulté de briser avec scs coreligionnaires, ÂpoL, n. 3, ibid., p. 424; Homil. Clement., homil. v, n. 30, P. G., 1.1, col. 1344, 1345; la culpabilité reste réelle. Les habitudes séculaires n'au­ torisent pas l’erreur, ct le respect humain reste tou­ jours blâmable· Méliton, Apol., n. 12, p. 431 ; Minu­ cius Félix, Octavius,c. xx, P.L., t.in, col. 298; Homil. Clem., lue. cit. Les idolâtres sont donc coupables, quels qu'ils soient. Origène dénonce leur, culpabilité, cn s’appuyant sur le texte de saint Paul aux Romains, î, 19-20; les préceptes de la loi morale sont naturelle­ ment connus; Dieu est naturellement connaissable; au jugement divin, personne n'aura d’excuse à invo­ quer. P. G., t. xiv, col. 684; In Rom., c. n, 12-14, t.xv, col. 892; Cori/ra Celsum,!. l,n. 4-5,t. xi, col. 661661; De principiis, 1. I, c. m, n. 6„ col. 152. Cf. S. Jus­ tin, Apol., I, c. xxvm. Sur le témoignage de l’âme contre l’idolâtrie, c'est-à-dire sur cc sentiment inté­ rieur qui nous conduit à la connaissance d'un Dieu unique, voir Minucius Félix, Octavius, c. xvm, P. L., t. ni, col. 291-292; Tcrtullien, Apologet., c. xvn, P. L., 1.1, col. 376-377 ; De testimonio animæ, ibid., col. 607618; Cont. Marcioncm, 1. I, c. x, P. L., t. n, col. 257; De anima, c. xij, col. 720; S. Cyprien, De idolorum vanitate, c. ix, P. L., t. iv, col. 577. Pour le péché d'idolâtrie, les Pères admettent par­ fois une certaine excuse, provenant de l’ignorance. Cf. S. Justin, Apol., I, n. 3, P. G., t. vi, col. 332; Aristide, ApoL, n. 17, dans Texte und Untcrsuchungen, t. x (1893), p. 42; Clément d'Alexandrie, Strom., 1. H, c. xiv, P. G., t. vm, col. 997; Protrepl., n. 10, col. 213. Tcrtullien, Cont. Marcioncm, L V, c. xvi, P. L., t. n, col. 511, pense que les païens qui d'aventure n’auront pas connu l’Évangile seront traités avec in­ dulgence, mais il n’admet pas l'excuse de 1 ignorance pour l'idolâtrie positive. De idololatria, c. î, /*. L., 1.î, coL 663.Méliton est plus Indulgent, ΑροΙ.,η. 3, Corpus apol., t. ix, p. 421. Mais l'ignorance volontaire ne sera à aucun titre une excuse; elle ne saurait détourner la punition du cco I coupable. Homil. Clément., homil. x, 12sq.,P. G.,t.n, col. 265-268; Recognitiones, L V, n. 17, 18, P. G.,t.l, col. 1337-1338; cf. n. 5, col. 1333. Le châtiment viendra, col. 1333; l'ignorant volontaire sera puni comme s'il avait sciemment péché, col. 1337-1338; Homil. Clement., col. 265; il sera chassé du royaume ! éternel, Recognitiones, col. 1338; Homil. CÎanent., col. 265-268; ainsi les païens brûleront pour n’avoir pas connu, ou plutôt pour avoir méconnu leur créa­ teur. Pasteur d'Hermas, Sim., iv, n. 4; cl. S. Justin, ' Apol., I, n. 57; cf. 15, 28, P. G., t. vi, col. 413,397, 372; Méliton, Apol., n. 13, Corpus apol., t. ix, p. 432; S. Irénéc, Cont. hier., 1. V, c. xxix, n. 1, P. G., t. vu, col. 1201; Origène, Contra Celsum, 1. VIII, n. 39, P. G., t. xi, col. 1576; Tcrtullien, Ad nationes, 1. I, n. 7, P. L., 1.1, col. 569; S. Cyprien, Ad Demclrianum, n. 22, P. L., t. i\, col. 560. Aux auteurs indiqués Λ Apologistes Pires), t. r, col. 1600, 1602. ajouter : L. laigulcr, La méthode apologb tique des Pires dans les trois premiers siècles, Paris, 1905; J. Rivière, Saint Justin cl les apologistes du second siècle, Paris, 1907; XV. II. Cnrslaw, The carlg Christian apologists, Londres, 1911: A. Pucch,JLes apologistes grecs duIPsUclt de notre ère, Paris, 1912. Pour les monographies particu­ lières. voir les bibliographies établies par M. Tixeront, Histoire des dogmes, 7· édit., Paris, 1915, 1.1, p. 227, 228. 2. Discipline péniientidle du péché (Γ idolâtrie. — Mais il n’était pas suffisant de déclarer la gravité du péché d’idolâtrie. 11 était plus nécessaire encore, au milieu des persécutions ct des périls de chute, de ré­ gler les conditions de ceux qui avaient eu le malheur de commettre un péché d'idolâtrie. Nous avons déjà signalé plus haut, col. 649, à propos du cas de Jezabel, dans l’Apocalypse, h, 20-21, un commencement de discipline ecclésiastique à propos du péché d’idolâ­ trie ou tout au moins d’un péché connexe à l’idolâtrie. Get embryon de discipline esthl’ailleurs favorable au pardon, moyennant pénitence suffisante. Mais la que* tion de la réconciliation des chrétiens retournés à l’idolâtrie, des apostats, qu’on nommera plus tard les lapsi, devient bientôt une question de première urgence à résoudre. On l’a déjà étudiée ici, à ce point de vue, soit ù l’article Absolution, t. î, col. 145-161, soit à l’arL Apostasie, coi. 1605-1607. Toutefois, des travaux plus récents, de M. Vacandard lui-même, de M. d’Alès, de MM. Rauschen ct Esser, en Alle­ magne, du P. Stuilcr, en Autriche, proposent une autre explication, qui sera indiquée ici uniquement au sujet du péché d’idolâtrie, dans la discipline pênltentiellc des premiers siècles. Il s’agit par conséquent des chrétiens tombés dans l’apostasie de leur foi cn sacrifiant aux idoles. a) Antérieurement à Call isle. — Le crime d’idolâtrie n’est pas nommé expressément avant l'Apocalypse, à propos de la femme Jézabcl, compromise dans cette faute. On a vu que le pardon ne lui est pas absolument refusé. — Le Pasteur d'Hermas, dans la neuvième parabole, xxi, 3, parle de · ces inconstants, qui, nu premier bruit de la persécution, à cause de leur lâcheté même, s'empressent de sacrifier aux idoles ct rougis sent du nom du Seigneur ». 11 semble même en nommer un, Maxime. Vis., II,ni, 4. Ces inconstants, consultent aussi les devins, cc qui est une forme d'ido­ lâtrie. Mand., XI, 2-1. Cc Maxime dont il vient d’être question avait vraisemblablement renié une pre­ mière fois la religion chrétienne ct obtenu son parI don : < libre à toi de renier une seconde fols », lui dit ΓÉglise, loc. cit. Mais, quoi qu’il cn soit, le Pasteur offre le salut aux apostats, s’ils font pénitence, Sim., IX, xxvi, 5; les enfants d’Ifermas, coupables d’apoI stasic et «l’immoralité, ont pu eux-mêmes faire péni­ tence. 1 is., II, ir, 2; voir aussi la doctrine qui ressort de toute la dixième parabole. De ces textes, les au­ 661 IDOLATRIE. IDOLE teurs, môme catholiques, ne tirent pas des conclu­ sions identiques. Les uns, cf. Funk, Kirchengeschichlliche Abhandlungcn und Untcrsuchungen, Paderborn, 1897, t. 1, p. 171, pensent qu’il ne s’agit pas ici de réconciliation ecclésiastique. Pressé par l'argumen­ tation de M. Esser, dans Der Kalholik, 1907, t. n, p. 184-204, 297r309; 1908. t. î, p. 12-28, 93-113, Funk prit une position moins affirmative, déclarant simplement que la thèse d’une réconciliation ecclé­ siastique n’était pas appuyée par des preuves certaines. Theologischc Quartalschrifl, Ί ublnguc, 1906, t. Lxxxni, p. 541 sq· Cette nouvelle position de Funk fut appuyée, cn France, par Mgr Batiffol, Bulletin de littérature ecclésiastique, 1900, p. 345; par M. Vacandard, Hevue du clergé français, t. 1., p. 128, ct, plus récemment, par M. Lelong, dans son introduction au Pasteur . S. Thomas, Sum. thcol., II· II®, q. xav, a. 1. Évidemment, dans cette définition, le mot latrie signifie l’acte meme dc religion par lequel l’homme veut rendre un culte â la divinité ct non la religion elle-même. Ibid., ad 2,nn. Cf. S. Augustin, Jdololutrx dicuntur qui simulacris eam servitutem exhibent qux debetur Dco. De Trinitate, 1. I, c. vi, η. 13, P. L., t. xld, coi. 827 ; cf. De vera religione, c. xxxvn, P. L., t. xxxiv, coi. 152; S. Isidore de Séville, Etym., 1. VIII, c. xî, P. L., t. i.xxxn, coi. 315. Aussi, remarque Lcssios, De justitia et jure, 1. II, c. xliii, n. 9, le péché d’ido­ lâtrie existe non seulement lorsqu’il y a sacrifice en l’honneur d’une fausse divinité, mais encore en raison d’un simple signe par lequel la créature témoigne dc sa soumission au créateur, par exemple, une génu­ flexion, un encensement, une simple inclination dc tète à la statue dc Jupiter. 2° Nature. — L’idolâtrie est une espèce dc supersti­ tion : < la superstition consiste à outrepasser le mode que l’on doit observer dans le culte divin. On tombe dans cet excès chaque fois que l’on rend le culte divin à celui à qui il n’est pas dû. Or, on ne doit rendre cc culte qu’au seul Dieu souverain ct incréé, comme le veut la vertu de religion, cf. II· 1I«‘, q. lxxxî, a. 1; donc, Il y a superstition chaque fois qu’on le rend A une créature », S. Thomas, Sum. theol., Π· II’, q. xav, a. 1 ; l’idolâtrie peut être jointe à rinfldêllté, mais, à proprement parler, elle n’est pas une espèce d’infidélité. Ibid., ad 1 ·<·»>. 3° Divisions. - - L’idolâtrie peut être ou simplement externe, matérielle ct simulée, ou interne, c’cst-à-din? formelle. La première existe lorsque, poussé pnr la crainte ou par un motif analogue, l’homme simule extérieurement l’adoration des idoles, sans cependant consentir Intérieurement â cet acte. Cc fut le cas des chrétiens sacrifiant ou brûlant dc l’encens aux idoles par crainte des tourments. La seconde existe lorsque l’idolâtre a une véritable intention d’honorer une simple créature d'une culte divin, cc cjul peut sc conce voir dc deux façons difTércntcs : l’idolâtrie, en eflet, peut ici être parfaite ou imparfaite. L’idolâtrie par­ faite existe lorsque quelqu’un rend de plein gré les honneurs divins à une créature, mais avec la convie· tfon T» ture est vraiment un dieu. En ce c is, ridol.Hrîc est jointe Λ l’infidélité: c’est l’idolâ­ trie des peuples païens actuels. L’idolâtrie impar- GG9 I DOLATK IE, IDOLE — IDOLO! BYTES faite est le péché dc celui qui sait fort bien l'inanité des idoles, ct cependant, mû par un sentiment dc haine de Dieu ou par un désir d'obtenir du démon quelque avantage, rend un culte divin à l'idole qu’il sait vainc. L'idolâtrie parfaite, procédant toujours d'une ignorance plus ou moins Invincible, est donc, en somme, moins coupable que l'idolâtrie imparfaite, qui procède d’une volonté perverse. Ι/idolâtrie im­ parfaite ne comporte que la superstition et non, en sol, l'infidélité. Cf. S. Alphonse de Liguori, Theologia moralia, 1. Ill, tr. 1, c. I, dub. m, édit. Gaudé, Borne, 1905, t. i,p. 377; S. Thomas, loc. cil., a. 2, 3, et ad tum; S. Augustin, De civitale Del, 1. VI, c. x, P. L., t. xu, col. 190. 4° .Malice. — L'idolâtrie, soit matérielle, soit for­ melle, soit parfaite, soit imparfaite, est, en soi, un très grave péché.- 1. Elle est sévèrement interdite par le décaloguc,ct c'est à cause même dc cette gravité que Dieu l'a châtiée sévèrement sous i’ancicnnc loi, voir C01.629,et que la discipline de la primitive Église était à son endroit si dure, voir col. 659 sq. — 2. La malice dccc péché consiste dans une véritable rébellion contre Dieu; l’idolâtrie dérobe à Dieu le culte qui lui est ré­ servé, pour le transférer à une créature. Bien d’étonnant que l’Écriture l'appelle parfois une « fornication » ou «prostitution », Εχοά.,χχχιν, 15;Lev.,xvn,7; xx, 5,6; DcuI.,xxxî, 16;.lud.,n, 17; vin,33; I Par., v, 25; Il Par., xxî, 13. La prophétie d’Osée roule sur l’idée dc l’idolâtrie d’Israël présentée sous la forme d’une prostitution,!, 2;h, 4-0;ni, 1 ;iv, 11-19; v,3-4; vi, 10; vni, 9; ix, 1, 10. Cf. Jérémie, m, 1-8; xm, 27; Ezcch., xm, 15-34; xxm, 5-43; xuîi, 7, 8; Nahum, in, 4-6. « La gravité d'un péché peut sc considérer dc deux manières, premièrement par rapport au péché lui-même ct en ce sens l’idolâtrie est le plus grand dc tous les péchés. Car, comme dans un État la faute la plus grave que puisse commettre un citoyen, c’est de rendre les honneurs royaux à un autre qu'au roi véritable, parce qu'il trouble, autant qu’il est en lui, l’ordre entier du royaume; de même parmi les péchés que l'on peut commettre contre Dieu, le plus grave consiste à offrir à la créature le culte qui n'est dû qu'au créateur, parce qu’en diminuant par là, autant qu’il est en lui, la puissance divine, l’homme met dans le monde un autre Dieu; deuxièmement, la gravité du péché peut se considérer par rapport nu pécheur. Ainsi on dit plus grave le péché de celui qui pèche sciem­ ment que le péché de celui qui le fait par ignorance. A cc point de vue, rien n'empêche que les hérétiques qui corrompent sciemment la foi qu’ils ont reçue ne pèchent plus grièvement que les idolâtres qui pèchent sans le savoir. De meme, il y a aussi d’autres péchés qui peuvent être plus graves, parce qu'il y a dans celui qui les commet plus dc mépris. » S. Thomas, loc. cil., a. 3. — 3. L'idolâtrie meme matérielle ct simulée est toujours considérée comme un péché gras e. En effet, elle blesse la vertu dc religion en accordant extérieurement à une creature un honneur que les autres hommes estiment être réservé à Dieu; elle est un mensonge complet en matière religieuse, auquel sc joint souvent un grav e scandale; enfin, elle constitue un manquement grave contre le précepte dc professer sa fol extérieurement. D'où II n'est jamais permis dc si­ muler l’adoration des idoles, même pour sauver sa vie. 5» Consequence relative à Γeucharistie. — C’est une idolâtrie matérielle et par conséquent un acte grave­ ment illicite d’exposer sciemment à la vénération des fidèles ou dc distribuer à la communion une hostie non consacrée. Prümmer, Manuale theologi» moral is, Frlbourg-cn-Brlsgau, 1915, t. n, p. 399-401. Voir les auteurs dc théologie morale, aux péchés contre le premier précepte du décaloguc. A. Michel, 670 IDOLOTHYTES. — L Nom. IL Dans le Nouveau Testament. III. Dans la tradition ecclé­ siastique jusqu’au v· siècle. L Nom. — Le mot idolothyta est la transcription française du mot latin idolothyta, qui est lui-même la transcription du mot grec ιί&υλοθντσ. Ot adjectif, employé substantivement, désigne, conformément à son étymologie, les viandes Immolées aux Idoles, que les païens mangeaient dans les temples des dieux ou à la maison après n voir offert un sacri Oce.et qui étalent aussi vendues sur le marché, peut-être pour la nourri­ ture des pauvres. Cc nom composé, comprenant le mot tfônAov, ne pouvait être employé que par des juifs ct des chrétiens ; les païens disaient ίιρόΟυτο/, I Cor., x. 28, ou Oiôfbrov. Saint Luc, saint Paul et saint Jean ne l’ont pas inventé; ils ont dû le trouver employé parles juifs hellénistes. La version latine Italique, qui est devenue notre Vulgate, a conservé le mot grec en trois endroits, I Cor., vin, 7,10 ; Apoc., n, 20, que le traduc­ · teur ne pouvait rendre par un mot latin équivalent. Ail­ leurs, clic l’a rendu par des périphrases : immolata ! simulacrorum. Act., xv, 29; idolis immolatum. Act., xxî, 25; I Cor., x, 19, 28; quæ idolis sacrificantur. 1 Cor., vin, 1. Elle ne l’a pas rendu, Apoc., n, 14.— On lit aussi cc mot, IV Mac., v, 2. IL Dans le Nouveau Testament. — 1° Dans le décret apostolique, porté à la réunion qu'on est convenu d’appeler le concile dc Jérusalem. Act., xv, 1-29. — Ce décret, dont le texte ct le sens ont été si âprement discutés en ces derniers temps, surtout en Allemagne, ne présente pour nous aucune difficulté quant au texte original, puisque les deux recensions, orientale ct occidentale, du livre des Actes (voir t. i, col. 348) ont ici la même leçon. Nous n’avons donc qu’à élucider le sens du mot ίΓέωλΛυτα. Or, tandis que la plupart des commentateurs l’ont entendu exclusivement des viandes immolées aux idoles et ont considéré le décret comme établissant une règle alimentaire, quelques modernes, s’appuyant sur l'interprétation dc certains écrivains ecclésiastiques de l’Occidcnt, l’entendent de tout le culte idolâtrique ct reconnaissent dans les quatre prohibitions du décret une règle morale. Voir Iiilgenfcld, dans Zeitschrift fûr wissenschaltlichc Théo­ logie, 1896, p. 625 sq.; 1899, p. 138 sq.; G. Resch. Das A poslcldccret nach seiner ausserkanonischen Texigestall, dans Texte und Untersuchungcn, Leipzig. 1905. t. xxvm, fasc. 3, p. 41-43; A. Harnack. Die A pastel· geschichte. Untersuchungcn, Leipzig. 1908, p. 194-195; Nette Untersuchungcn zur A pastelgeschichte und zur Abfassungszcit der synoptichcn Evangelien, Leipzig, 1911. p. 22-24; Van Oort, dans Thcologische Tijd~ i schrift, Ley de, 1906, t. XL. p. 97-112; K. Lake, The fudaislic controversy and the apostolic council, dans The Church quarterly review, Londres. 1911, t. lxxi, p. 345-370. Nous parlerons plus loin des Pères occidentaux. Ici, nous n’avons qu’à déterminer le sens du mot d’après le contexte du livre des Ados. Quelques chrétiens dc Jérusalem venus ù Antioche prétendaient que les païens convertis ne pouvaient être sauvés s’ils ne recevaient la circoncision imposée par la loi de Moïse. Paul ct Barnabé leur répondirent vivement, ct tous convinrent dc référer la question à l’Églisc dc Jérusalem. La question fut nettement posée devant les apôtres ct les anciens : Les païens convertis doivent-ils être circoncis ct observer la loi dc Moïse? La discussion fut ardente ct longue. Saint Pierre trancha le début : Dieu a communiqué le SaintEsprit aux gentils qui avaient reçu l’Évangile ct a purifié leurs cœurs par la foi, sans rien exiger davan­ tage. Les judéo-chrétiens leur imposeront-ils un joug, celui de la loi dc Moïse, que leurs pères ct eux-mêmes I n’ont pu porter? C’est par la grâce du Seigneur Jésus 671 OLOTHYTES G72 que tous les chrétiens sont sauvés. Personne ne put I voulait décider l’apôtre des gentils à accomplir, rien répliquer à ce principe, que les gentils n'étaient avec quatre judéo-chrétiens, son vau de nazlréat, pas astreints Λ la loi mosaïque. Jacques confirma la afin que les nombreux chrétiens de Jérusalem, qui décision de Pierre par fenseignement des prophètes. étaient zélés pour l'observance de la loi mosaïque, Il estime donc, lui aussi, qu’il ne faut pas inquiéter les comprissent par cet acte volontaire que saint Paul pagano-chrétiens au sujet de l'observance de la loi n’était pas un adversaire irréductible de la loi Juive, mosaïque, à laquelle ils ne sont pas tenus. Toutefois, quoiqu'il exemptât, comme rassemblée de Jérusalem il pense qu’il faut leur demander, dans une lettre, de l’avait d'ailleurs décidé, les chrétiens, issus du paga­ s’abstenir de quatre pratiques, dont il énonce la pre­ nisme, de la circoncision et des coutumes mosaïques. Ibid., 26-28. La défense de manger des viandes immo­ mière par les mots : άλισγηυατχ των f (έωλων, Act., xv, 1-20. I.cs αλισγημχτα τών ιιδώλων sont expri­ lées aux idoles rentrait donc dans les prohibitions de més danslc décret,rendu à la suite de celte demande, la loi mosaïque, puisqu’elle était contenue dans la même législation qui réglait l’accomplissement du par le mot η’ύωλόθυτχ. Le sens du premier terme naziréat. fixera donc la signification du second. Sans doute, elle n’est pas, comme l’interdiction D’ailleurs ίλίσγηαα. qui dérive du verbe άλισγίω et qui est employé dans ΓAncien Test ament. Mal., i, 7,12 ; alimentaire du sang, établie au c. xvn, 10-1-I, du LéviEccli., xn, 29; Dan., ï, 8, signifie : souillure, et une tique ; elle est toutefois une extension de cette légis­ souillure religieuse produite par une nourriture pro­ lation et elle a été faite selon l’esprit judaïque, aussi fane et païenne. L’idolothytc est donc une nourri­ bien que la prohibition des animaux étouffés. Elle ture païenne qui, au point de vue juif, souille ceux ne se trouve pas davantage dans ce qu’on a appelé qui la prennent. Ce n'est pas, comme le prétend Har­ les préceptes noachiques, imposés aux fils de Noé, et par nack, une partie du culte idolAtrique qui désigne tout suite ù toute l’humanité, après le déluge. Ces pré] coptes ne sont, du reste, qu’un produit tardif du ce culte. Saint Jacques, du reste, confirme le point de vue rabbinisme. La raison de l’interdiction est plutôt que la pratique de manger des viandes immolées juif dans l’exposé des motifs de sa proposition :«Car, dit-il, xv,21, Moïse a depuis longtemps dans chaque cité aux idoles devait paraître abominable aux judéodes prédicateurs, puisqu’il est lu tous les samedis dans chrétiens. Les juifs, à cette époque, Imposaient sur­ les synagogues.» Les juifs étaient répandus dans beau­ tout aux gentils prosélytes l’observance du sabbat coup de cités de l’empire romain ; partout où ils se et les prescriptions alimentaires, qui leur étaient trouvaient, ils avaient des synagogues, dans lesquelles spécialement chères. On comprend dès lors pourquoi les livres de Moïse, le Pcntatcnque, étaient lus chaque l’idolothytc a été l'objet d’une interdiction particu­ samedi. Les païens, convertis ou non au christianisme, lière aux pagano-chrétiens. connaissaient donc certaines prohibitions de la loi ! G Rcsch a prétendu que cette interdiction visait mosaïque, notamment celles qui touchaient à l'alimen­ le sacrifice païen et la participation au repas qui le tation et qui présentaient aux yeux des juifs un carac­ suivait immédiatement. Ce «eux actes étaient censés, tère plus grave. De peur que, dans les cités où sc trou­ pour les juifs, prombés da..s l'/knc*cn Testament, tan­ veraient des chrétiens issus du judaïsme et de la dis que la manducation de l’idolothytc ù domicile, gentilité, les premiers ne fussent scandalisés par les sans aucun rapport avec le sacrifice, n’était pas défen­ seconds, si ceux-ci mangeaient librement ces aliments due ; au moins rien ne le prouve. Saint Jacques et les qui faisaient horreur aux juifs et étaient considérés chrétiens de Jérusalem n’ont donc pas pensé à inter­ par eux comme des souillures, saint Jacques propo­ dire aux gentils convertis des actes qu’ils ne connais­ sait d’imposer aux chrétiens convertis du paganisme saient pas et qu’ils ne pratiquaient pas eux-mêmes. l’abstention de ces aliments, spécialement odieux Il faut donc donner ù l’idolothytc le seul sens qu'il aux Judéo-chrétiens. Les trois premières prohibitions puisse avoir pour un juif d’alors, celui de pratiquer qu’il demandait d’étendre à tous les frères concernaient le sacrifice païen et de prendre part au repas sacré l’abstention d’aliments que les païens mangeaient et qui le suit, par conséquent ù deux actes essentielle­ que les juifs s’interdisaient. Celle des idolothytos In­ ment idoiâtrlqucs. La prohibition est donc morale terdisait la manducation des viandes qui avaient et non pas simplement alimentaire. L’idolothytc était été oiTertcs aux idoles. implicitement pronibé par la défense de participer La proposition de Jacques plut aux apôtres, aux aux sacrifices païens. Le juif de Palestine ne pouvait anciens de Jérusalem et ù l’assemblée entière. Tous sc procurer des viandes immolées aux idoles, puisque donc firent rédiger une lettre par laquelle ils signi­ tout sacrifice païen était absolument interdit cn Terre fiaient aux pagano-chrétiens d’Antioche, de la Syrie Sainte. Mais l’Israélite do la diaspora, qui vivait et de la Cilicie, qu’il leur avait paru bon de ne leur im­ dans les grandes cités grecques ou romaines, pouvait poser du fardeau de la loi mosaïque que ce qui était cn acheter au marché, et pour lui sc posait la question nécessaire, c’est-à-dire l’abstention de quatre prati­ des idolothytos. Dans le IV· livre des Macchabées,qui ques dont la première était la manducation des idolo­ est du i*rskcle avant notre ère, les idolothytos sont thytos. Act., xv, 22-29. Le principe de la non-obscr- énumérés, v, 1, panni les aliments prohibés que les vancc de la loi mosaïque était donc ainsi sauvegardé ; rois impies de Syrie forçaient les Juifs à manger. Nous on n’exceptait que quatre prohibitions, dont trois verrons bientôt qu'à Corinthe des consciences déli­ alimentaires, spécialement graves aux yeux des juifs cates ne comprenaient pas la licéité de les manger. et des judéo-chrétiens. Le concile de Jérusalem n’avait Cela étant, on comprend aisément que les judéo-chré­ donc pas pour but de tracer aux gentils convertis tiens de Jérusalem aient cru devoir imposer leur pro­ une règle morale, la règle d’or de la charité ne faisant hibition aux pagano-chrétiens d’Antioche, de la Syrie pas partie de son décret, ni d’interdire quatre actes et de la Cilicie, quoique nous ne connaissions pas la idolà triques. Son résumé de la morale chrétienne eût raison particulière qui les a décidés ù l'imposer ex­ été, du reste, bien restreint. pressément . Cette stipulation, cn tout cas, n’est pas Jacques rappelait à l’nul. venu ù Jérusalem pour la contraire ù ra conscience juive et il n’est pas nécessaire dernière fols, le sens du décret : par la lettre aux gen­ de l'interpréter dans un autre sens et d’y voir l’inter­ tils convertis, les chrétiens de la cité sainte n’avalent diction des sacrifices païens et de la participation au repas sacré qui les suivait. Saint Paul exposera aux demandé que de s’abstenir de quatre pratiques, dont Corinthiens des distinctions cjui ne sont pas faites la première était la manducation de Γtdololhyh. Act., dans le décret apostolique. xxi, 25. Or, dans cette circonstance, saint Jacques 11)0 LOT 11 YTES 2· Dans la première Êpttre aux Corinthiens, — La question des idolothyte* préoccupait les chrétiens de Corinthe cn l'an 57. Quelques-uns interrogèrent ù ce sujet saint Paul, leur apôtre. Celui-ci lit une longue réponse, I Cor., vin, 1-xi, 1, et donna une solution théorique et pratique. 1. Solution théorique, vin, 1-ix, 22. — Saint Paul : pose d'abord deux principes de solution, la science et la charité, vm, 1-3. Il sait que ceux qui l'ont Interrogé ont une science parfaite sur Dieu et les idoles; mais cette science ne suffit pas à résoudre la question des idolothytos, il faut y joindre la charité. La science seule cnlle, donne de l'orgueil, fait mépriser les faibles et no tient pas compte de leur faiblesse, mais la charité envers Dieu et envers le prochain édiIle,concourt à l'édification de l'Église, dont les chrétiens sont les pierres.SI quelqu'un s'ima­ gine avoir la science parfaite sur quelque chose, il ne sait pas encore comment il faut savoir, comment il faut s'y prendre pour avoir la science parfaite de cette chose. Mais si quelqu’un aime Dieu, celui-là est vrai­ ment connu de Dieu, qui le reconnaît pour son fils, parce qu'à la science il joint la charité. Quel est le rôle de la science et de la charité dans la solution de la question des idolothytos ? vm, 4-6. Au sujet de la manducation des viandes immolées aux idoles, les chrétiens savent qu’il n'y a pas d'idole, c'est-à-dire de faux dieux dans le monde et qu'il n'y a pas de Dieu, sinon l’unique vrai Dieu. En effet, s'il y a nu ciel et sur terre des êtres qu'on appelle des dieux dans le paganisme, pour nous, chrétiens, il n’y a qu'un seul Dieu, le Père, duquel vlcnnenttoutes choses et nous pour lui, et unscul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et nous par lui. Voilà ce que nous ap­ prend la science, vm, 4-6. Il n'y a pas de faux dieux, et par suite les viandes qui leur sont immolées pour­ raient être mangées sans scrupules. Mais la charité fraternelle intervient. Comme certains chrétiens croient encore peut-être à la réalité de l’idole, s'ils mangeaient des idolothytos, leur conscience qui est faible, cn serait souillée, en raison de la fausse idée qu’ils auraient de la réalité des idoles. En réalité, un aliment ne nous fait pas valoir devant Dieu; la nourriture est une chose indifférente aux yeux de Dieu ; si nous n’en mangeons pas, nous ne valons pas moins; si nous en mangeons, nous ne valons pas plus. Les chrétiens peuvent donc manger des Idolothytos, dont la mandu­ cation aussi bien que l'abstention est sans valeur auprès de Dieu. Mais ils doivent, pour régler leur conduite, prendre cn considération si leur droit d’en manger ne devient pas pour les faibles une pierre d'achoppement. La science de lu non-existence des faux dieux ne sufllt pas à autoriser la manducation des idolothytos eu n'importe quel cas. Par exemple, si quelqu'un voit un chrétien, qui a cette science et agi ten conséquence, assis à table dans un temple d’ido­ les et participant au banquet d'un sacrifice Idolàtriquc, sa conscience à lui, qui est faible, ne l’incllera-t-cllo pas à manger des idolothytos? ne le portera-t-elle pas, malgré sa fausse conviction, à imiter son frère fort et savant, et à souiller sa conscience? Son frère sera donc pour lui une pierre d’achoppement, et ce faible, pour qui le Christ est mort, sc perdra en raison de l’usage que le chrétien fort aura fait de sa science. Or, cn péchant do la sorte, cn induisant scs frères nu pêché et en portant un coup mortel à leur conscience faible, on pèche contre le Christ lui-même, puisqu'on méprise la mort qu'il a subie pour le salut des âmes faibles. C’est pourquoi, conclut l'apôtre, si la nourri­ ture scandalise mon frère. Je ne mangerai plus do viande pour toujours, pour ne pas Scandaliser mon frère, vm. 7-13. /\lnsl le principe de la charité doit écarter de la manducation des idolothytos, que la DICT. DE TIIÉOL. CATHOI « 674 science autoriserait, de peur de scandaliser les chré­ tiens faibles qui, par une fausse persuasion, croiraient encore à la réalité des faux dieux. Saint Paul illustre ensuite cette manière d'agir par son propre exemple. Quoiqu’il ait, comme les autres apôtres, le droit de vivre de son apostolat, il travaille de ses mains et ne sc fait pas accompagner d'une femme-sœur, ix, 1-18. Bien qu'il soit libre, il se fait l’esclave de tous : il se fait juif pour les juifs, sous­ trait à la Loi avec ceux qui ne sont pas sous son auto­ rité, faible avec les faibles afin de les gagner, rx, 18-22. 2. Solution pratique.— La pratique de la manduca­ tion des idolothytes doit se régler sur les exemples des juifs, qui, malgré les privilèges qu'ils avaient reçus du vrai Dieu, se sont laissé aller à l'idolâtrie. Ces exemples doivent servir de leçons aux chrétiens, puisqu'ils sont des τύχοι, des images prophétiques, des événements providentiellement ordonnés pour apprendre ce qu'il ne faut pas faire. Ils enseignent donc aux « forts » ce qu'ils doivent redouter s'ils ne veillent pas sur eux-mêmes : eux. qui sont debout, doivent prendre garde de ne pas tomber. Si Dieu permet la tentation, il donne la force de la supporter, x, 1-13. Puisque les Israélites, au désert. sont tombés dans l’idolâtrie. 7. les chrétiens doivent fuir l'idolâtrie, 14. s’ils veulent profiter des leçons du passé. Saint Paul leur parle comme à des hommes sensés, capables de Juger eux-mêmes de ce qu’il leur dit. Ils communient au sang du Christ en participant à la coupe de bénédiction qu’ils bénissent, et au corps du Christ, cn mangeant le pain eucharistique qu'ils rom­ pent. Un des effets de la manducation de l’eucharistie consiste à faire de tous ceux qui la mangent un seul corps. Les Israélites,en mangeant les victimes, parti­ cipent, eux aussi, à l’autel, x. 15-18. Un repas sacri­ ficiel a donc des conséquences religieuses, et y parti­ ciper n'est pas une chose Indifférente. Ainsi saint Paul est-ll amené à résoudre un premier cas, celui des repas de sacrifice, pris dans les temples païens ou dans leurs dépendances. /·* cas, manducation des idolothytes dans les temples païens, — Si la participation à la coupe et au pain eucharistiques est pour les chrétiens une communion au sang et au corps du Christ, si la participation aux victimes immolées au vrai Dieu est pour les juifs une participation à l’autel, l’idolothyte et l'idole des païens sont-ils quelque chose? Non. Saint Paul main­ tient donc le principe de science parfaite, qu’il a exposé plus haut. Mais ce que les païens offrent cn sacrifice, ils l’immolent à des démons et non pas à Dieu. Les chrétiens ne doivent donc pas en manger, car saint Paul ne veut pas qu’ils soient cn communion avec les démons. Ceux qui boivent le calice du Seigneur et participent à sa table ne doivent pas boire le calice des démons ni participer à la table des démons. Croire qu'on peut prendre part à la fols au sacrifice chrétien et aux sacrifices païens, n'est-ce pas vouloir provoquer la jalousie du Seigneur Jésus, tenter Dieu comme ont fait les juifs, 9. et attirer sur sol sa vengeance? N'est-ce pas s’imaginer qu’on sera plus fort que lui et qu’on évitera sa punition? x. 19-22. La conclusion est donc qu’un chrétien ne peut pas prendre part aux repas sacrés que les païens faisaient dans les temples des idoles. Après avoir offert un sacri­ fice, ils invitaient leurs parents et leurs amis. Ainsi Chérémon, au n· siècle de notre ère,invitait à dîner à la table du Seigneur Sérapis et au Sérapéum, pour le lendemain 15 du mois, à 9 heures. Grenfell et Hunt, The Οτι/rrinchus papyri, Londres, 1898, t. i, p. 177. n. cv. Un chrétien n'aurait pu répondre à cette invi­ tation. parce que le repas était pris dans un temple, (v (·δωλίω. 1 Cor., vm, 10. L'invitation à un banquet sacré qui serait fait dans une maison privée devrait VIL—22 675 IDOLOTHYTES encore être déclinée, quoique saint Paul n’en parle pas. Ainsi, au n· siècle, Antoine, fils de Ptolémée, invi­ tait à dîner avec lui ù la table du Seigneur Sérapis, dans la maison de Claude, fils dc Sérapion, le 16 courant, à 9 heures. Ibid., 1903, t. ni, p. 260, n. Dxxni. S’asseoir à la table du dieu Sérapis serait s'asseoir à la table des démons. L’apôtre, en prohibant ces repas sacrés, n’a pas oublié son principe, que les Idoles ne sont rien cl qu’il n'y a pas dc faux dieux, ni que l’idolothyte ne souille pas celui qui le mange. Mais il considère la participation aux repas sacrés comme un acte religieux d’idolâtrie, qui crée un lien religieux, non pas avec les idoles et les faux dieux, mais avec les démons ù qui les sacrifices idolâtriques étaient offerts. Or, il n’est pas permis à ceux qui parti­ cipent à la table du Seigneur Jésus de s’asseoir ù la table des démons. La religion l’interdit aux chrétiens. 2· cas, manducation des idolothytes dans les maisons particulières. — Tout est pennis, disent les forts. L'apôtre leur répond: Oui, mais tout n'est pas profi­ table. Tout est permis, mais tout n'édifie pas. Que personne ne cherche son propre avantage, mais celui d'autrui, x, 23, 24. Ces sages paroles servent d'intro­ duction naturelle à la solution du cas des idolothytes mangés à la maison. a) « Mangez de tout cc qui sc vend au marché, sans faire aucune enquête préalable par motif dc con­ science. » Le marché où les bouchers tenaient étal était tout proche du temple à Pompél. Dans une ville telle que Corinthe, on ne pouvait guère acheter de viandes exposées au public qui n'aient été offertes auxidolcs. Les chrétiens avaient donc ù sc préoccuper dc ce cas très fréquent pour eux. Or, saint Paul tranquillise tout à fait leurs consciences : ils n'ont pas à s'enqué­ rir de l’origine de ccs viandes ct ils peuvent acheter toutes celles qui sont mises en vente au marché. Cc ne sont plus que des viandes dc consommation, ct peu importe qu'elles aient été offertes au préalable aux idoles. La raison en est qu'elles sont do leur nature un don dc Dieu, à qui appartient la terre ct tout cc qu'elle renferme, x, 25-26. b) Si quclqu’infidèle invite un chrétien à salable, celui qui accepte l'invitation peut manger dc tout cc qui sera mis devant lui sans faire aucune enquête sur les plats présentés, par motif de conscience, 27. Un chrétien aurait donc pu nu n· siècle accepter l'invi­ tation d’I lirais aux noces dc scs enfants pour le len­ demain, cinquième du mois, à 9 heures, Grenfell et Hunt, op.cit., t. !,p. 177, n.cxi, alors même qu'il aurait pu craindre qu’on servit sur la table des viandes qui avalent été offertes aux idoles. Sa conscience n'y était pas engagée : ces viandes étaient pour lui des viandes communes, comme celles qui avaient été achetées au marché. c) Mais si quelqu'un vous dit : Ceci est un αρόΰυτος, une viande sainte, n'en mangez pas à cause de celui qui vous a avertis et à cause dc la conscience, non pas à cause de votre conscience, mais à cause dc celle d’autrui, 28, 29. L'inviteur lui-même n'a pas prévenu son hôte qu'il servirait des idolothytes ; mais à table un invité quelconque, un autre convive païen, signale au chrétien que tel plat est un ΙιρόΟυτος. Le chrétien doit s'abstenir d’y toucher, non pas que sa propre conscience le lui interdise, puisque l'idolothytc n'est rien pour lui, mais pour ne pas scandaliser le païen qui crolû lui, à la valeur religieuse du plat. Sans doute, la liberté d’en manger demeure entière pour le chrétien, dont la conscience est formée, ct elle n'est pas mise en cause par une conscience étrangère. Mais alors, dira quelqu'un, si je mange d'un aliment avec action dc grâce, pourquoi serai-je blâmé pour une chose dont je rends grâce? 29, 30. Néanmoins, pour éviter de scandaliser autrui, le chrétien doit s'abstenir de l’Ido- C76 I lothytc. Qu'ils mangent, qu’ils boivent ou qu’ils fas­ sent quclqu’autre chose, les chrétiens agissent en tout pour la gloire de Dieu. Mais ils ne doivent être une cause dc scandale ni aux Grecs ni à l'Église dc Dieu. L'apôtre propose encore ici son exemple : il ne cherche pas son utilité personnelle, mais celle de beaucoup pour leur salut. Que les Corinthiens l imitent, comme lui-même imite Jésus-Christ, x, 31-xi, 1« Saint Paul n’a pas fai t mention du décret apostolique porté au concile de Jérusalem contre les idolothytes. ('.e décret n'était qu'une simple mesure de discipline, que saint Jacques avait proposée dans un but de conciliation afin d’éviter les froissements entre les juifs ct les gentils convertis au christianisme, lln'avai été promulgué qu’à Antioche ct dans les chrétientés de Syrie et de Cilicie. La discipline est, dc sa nature, tem­ poraire et locale. Saint Paul l'avait promulguée en Lycaonie, Act., xvi, 4, ct peut-être aussi dans les communautés composées dc juifs ct de païens convertis. A Corinthe, l'Église comprenait surtout des paganochréticns. Le décret apostolique n’y trouvait donc pas d'application. Les scrupules sur les idolothytes y provenaient d’autres considérations ct intéressaient seulement la conscience chrétienne. L'apôtre, qui sc faisait tout ù tous, donna aux Corinthiens une solu­ tion plus libérale et mit leur conscience plus à l’aise quand la liberté accordée dc manger des viandes immo­ lées aux idoles ne devait scandaliser personne, soit chrétien faible encore, soit païen, qui attachait une valeur religieuse aux idolothytes. Il ne prohiba ri­ goureusement que la participation aux repas sacrés, qui était un véritable acte d’idolâtrie. 3. Dans Γ Apocalypse. — Le voyant de Patmos écrit au nom du Christ, qui lui en a donné mission, â l’ange, c'est-à-dire à l'évêque dc l'Église dc Pergame, que, bien que le lieu dc son habitation soit le trône dc Satan, c'est-à-dire un centre d'idolâtrie, il n’a pas renié sa foi, même au cours dc la persécution durant laquelle Antipas a été martyrisé. Mais il a des reproches à lui adresser: il a, parmi scs chrétiens, des sectateurs dc la doctrine de Balaam ct des nicolaïtcs. Or Balaam enseigna à Balac, roi des Moabites, Num., xxxi, 16, à jeter le scandale devant les fils d’Israël, à manger des Idolothytes ct ù forniquer. Apoc.,n, 12-15. Les nlcolaitcs avaient déjà été nommés dans la lettre à l’ange de l'Église d'Éphèse : cet évêque haïssait leurs œuvres comme le Christ lui-même les haïssait, n, 6. Les com­ mentateurs modernes dc l’Apocalypse pensent géné­ ralement que ccs hérétiques sont les faux apôtres que le même évêque d’Éphèse avait mis à l’épreuve ct qu’il avait trouvés menteurs, ir, 2, et qu’ils sont les mêmes que les balaainllcs, u, 1 1, ct que les parti­ sans de Jézabcl, n, 20. Tous ccs noms propres seraient symboliques. Les nicolaïtcs n’auraient dc commun avec le diacre Nicolas, Act., vi, 5, qu’une analogie de nom. La signification dc leur nom correspondrait à celle de Balaam. Les nicolaïtcs, d’après l’étymologie grecque de leur nom, seraient ceux qui séduisent le peuple. Balaam, en hébreu, signi fierait aussi celui qui séduit ou qui perd le peuple; nicolaïtcs ct baha­ mites usaient la même fausse doctrine : ils induisaient les fidèles à participer aux festins idolâtriques ct à pratiquer la fornication. Ils seraient dénoncés par saint Pierre, Il Pet., n, 10-16, comme s’adonnant à la volupté et à la bonne chère. Les mauvais chrétiens dc Pergame imitaient la conduite de Balaam, qui jeta le scandale devant les fils d’Israël, en les incitant à manger des gâteaux offerts aux dieux ct à forniquer avec les filles de Moab : ils mangeaient des idolothytes et ils forniquaient dans les temples païens dc la ville. Ce seraient les nicolaïtcs eux-mêmes qui enseigne­ raient la doctrine de Balaam. Les mêmes erreurs et les mêmes pratiques idolâ- 677 IDOLOTHYTES r.78 triques régnaient parmi les chrétiens de Thyatirc. n’impose pas, tout en conseillant d’accepter les Saint Jean écrit à l’évêque dc cette ville le reproche abstinences que l'on pourra porter. Quant aux idoloque lui adresse le Fils dc Dieu : cet ange, dont la thytes, seule prohibition retenue du décret apostolique, charité, la fol et la constance sont louées, laisse faire elle est absolue comme dans le décret et dans l’Apo­ la femme Jézabel, qui so dit prophétesse et qui par calypse, sans aucune des atténuations de saint Paul. son enseignement induit les chrétiens à forniqutr ct La raison dc la prohibition est que les viandes ont à manger des Idolothytes. Apoc., n, 18-20. ta femme, servi au culte des dieux morts. Elle est dans le style auteur dc cc désordre, est nommée Jézabel. Cc nom dc l'apôtre des gentils. La DidacM place donc les est très probablement symbolique comme les précé­ idolothytes dans la loi alimentaire et hors de la règle dents; le nom de la femme d'Achab, roi d'Israël, aurait morale, et si elle reste dans la ligne de l'Apocalypse, été choisi en raison des crimes dc cette reine, IV en ne maintenant que deux des prohibitions du décret Hcg., ix, 23, pour caractériser ceux de la prophétesse apostolique, elle en distingue nettement les carac­ dc Thyatlrc, l’immoralité et l'idolâtrie. Ses erreurs tères : moral pour l'interdiction de la fornication et disciplinaire pour celle des viandes immolées aux sont Identiques à celles des balaamltes et des nicolaïtcs. Elles sont les profondeurs dc Satan, que les bons chré­ idoles. En 112, Pline le Jeune écrit à l’empereur Trajan tiens dc Thyatlrc n'ont pas connues. Apoc., n, 24. Pas plus que saint Paul, saint Jean dans l’Apoca­ qu'avant l’époque où il a commencé à poursuivre les chrétiens, il n'y avait plus que dc très rares acheteurs lypse ne parle du décret apostolique des Actes des des chairs des victimes immolées aux idoles. Depuis apôtres. Des quatre prohibitions dc ce décret, il ne condamne, au nom du Christ, que les idolothytes ct la lors, les affaires des bouchers allaient mieux. Epist. fornication. Ccs pratiques idolâtriques, autorisées par ad Tra/anum, epist. xcvr, édit. Kukula, Leipzig. 1908, des sectes à tendances hérétiques, expliquent que les p. 309. L'apologiste Aristide, vers 140, signalait, parmi les viandes immolées aux idoles soient blâmées sans aucune des mitigations que l'apôtre des gentils avait pratiques propres aux chrétiens, non seulement qu'ils accordées aux Corinthiens. Les laxistes dc Pergame ne priaient pas les idoles à formes humaines, mais en­ et dc Thyatirc méritaient une sévère répression. On core qu'ils ne mangeaient pas les idolothytes,parce peut voir toutefois une allusion au décret apostolique qu'ils étaient purs. Apologia Aristidis, χν, 5, dans Texte und Untersuchungcn, Leipzig. 1883, t. îv, fnsc. dans la parole que le Fils de Dieu adresse aux chré­ tiens dc Thyatirc qui n’ont pas reçu l’enseignement 3, p. 37. Saint Justin refuse dc reconnaître comme de la prophétesse Jézabel : « Je ne jette pas sur vous chrétiens ceux qui mangent indifféremment des d’autre charge; retenez seulement ce que vous avez, viandes immolées aux Idoles. Dialogus aim Tryphone, 35, P. G., t. vi, col. 552. Seuls, les gnostiques osaient jusqu'à cc que Je vienne. » Apoc., n, 24. Le fardeau, βάρος, que Jésus laisse sur leurs épaules sans en ajouter participer aux repas qui suivaient les sacrifices païens. d’autre, semble faire allusion aux obligations impo­ Cependant, à Lyon, la manducation du sang des ani­ sées aux païens convertis par l’assemblée dc Jérusa­ maux était interdite, car,en 177, la chrétienneBiblias. lem dans le décret apostolique. En face des aberra­ après avoir d'abord renié sa foi, réfutait les calomnies tions des partisans dc la prophétesse, il suffit d'imposer lancées par les païens contre les chrétiens :· Com­ aux bons chrétiens dc Thyatirc l’obligation dc ne ment, disait-elle, mangeraient-ils des petits enfants, pas manger d'idolothytcs et dc ne pas sc livrer à la ccs hommes à qui 11 n’est pas permis de manper le sang des animaux ? » Lettre des chrétiens de Lyon cl fornication. Dans ccs Églises dc l’Asie Mineure, où le décret avait peut-être été promulgué, il n’y avait dc Vienne, dans Eusèbc, H. E., 1. V. c. i, P. G.,t. xx, plus qu'à maintenir les deux principales obligations col. 420. Le décret apostolique y élait donc connu et qu'avait imposées cc décret. Cette restriction montre observé, ct la discipline qui prohibait le sang des bien le caractère purement disciplinaire du décret, animaux a précédé l’introduction du texte dit lequel justifie les modifications qu'y ont apportées, « occidental » en Occident. A. Lolsy, Les Actes d'S selon les circonstances des temps ct des lieux, les apôlrts, Paris, 1920, p. 129. 2® De la fin du il· siècle au /Γ·— Les sectes gnos­ apôtres Paul ct Jean. III. Dans la tradition ecclésiastique. — Le tiques professaient la doctrine dc l'indifférence des ali­ caractère disciplinaire du décret apostolique expli­ ments. Saint Irénéc remarque ironiquement que les quera aussi les variations de la discipline ecclésias­ plus parfaits dc leurs membres mangeaient sans honte tique au sujet des idolothytes pendant les quatre pre­ les viandes Immolées aux idoles, qui ne pouvaient les miers siècles dc notre ère, tant que l’Égllse sctrouva souiller. Cont. hær., i, 6, n. 3. P. G., t. vu, col. 508. 11 citait les nicolaïtcs, i. 26, 3, col. 687, ct les en face du paganisme gréco-romain cl des sacrifices valcntlnicns, n, 14, 5, col. 752. Saint Hippolyte dit offerts aux idoles. que les nicolaïtcs avaient appris dc leur chef ù ne 1° Dc la fin du Ζ·Γ siècle au milieu du //·. —Jusqu'en 160, la liberté la plus grande est laissée aux chrétiens pas distinguer entre les aliments; le Saint-Esprit leur en matière d’aliments; seule, la manducation des reprochait, dans l'Apocalypse, dc manger des idoloidolothytes leur est interdite comme dans l’Apoca­ thvtcs. Philosophoumena. vu. 36, P. G., t. xvi, col. 33«. lypse. Tous les documents dc cette époque, en fait La réaction contre le laxisme des gnostiques ct la de restrictions alimentaires, ne visent que les idolo­ diffusion dc plus en plus grande du livre des Actes thytos. La DidacM énumère, parmi les œuvres dc la noie sous scs deux formes, orientale ct occidentale, ame­ nèrent les docteurs chrétiens Λ perdre dc vue la doc­ de mort, les idolâtries ct les fornications, v, 1, Funk, trine dc saint Paul ct même celle de saint Jean ct à Patres apnstnlict, Tubinguc. 1901, t. I, p. 14. « Quant considérer principalement le décret apostolique du aux aliments, porte cc que tu peux; mais abstiens-toi concile dc Jérusalem. Ccs deux causes produisirent complètement des idolothytes, car c'est le culte des dieux morts, » vi, 3. Ibid., p. 16. Le début de la phrase, cet effet, que les quatre prohibitions dc cc décret furent regardées par eux comme obligatoires pour rzipf Tt rr; βρώσπ·>ς, ressemble à celui de saint Paul. I Cor., vin. 4, qui ne parle que tics idolothytes. La tous les chrétiens et qu’elles furent interprétées, concession qui suit n'autorise pas. comme le pense surtout dans la forme occidentale du livre des Actes, comme des règles morales. Par suite, Fin· Harnack, la manducation dc toutes les viandes, à l’exception des Idolothytes; elle vise plutôt les pro­ tcrdictlon des idolothytes ne fut plus réduite, en hibitions alimentaires dc la loi mosaïque, qu’elle certains milieux, aux viandes des sacrifices païens, 679 IDOLOTHYTES mais fut étendue Λ cos sacrifices eux-mêmes et à tout Je culte idolâtrlquc. 1. En Occident· — a) Λ Lyon. — Saint Irénée décla­ rait que les gnostlques qui mangeaient les viandes immolées aux idoles ne pouvaient entrer au ciel, il montrait clairement par là qu'il regardait la mandu­ cation des Idolothytes comme un acte idolAtrique. Il est probable qu’il entendait dans ce sens la propo­ sition que saint Jacques lit à l’assemblée de Jérusa­ lem. Il la citait en clTct en ces termes : Propterca ego secundum me judico non molestari cos qui ex gentibus convertuntur ad Deum, sed preecipiendum eis uti ab­ stineant a vanitatibus idolorum eia fornicatione et a sanguine cl qiuecumque nolunt sibi fleri aliis ne faciant. Cont. har., tu, 12, 14, coi. 908. Il cite ensuite, de la lettre, le texte occidental à trois prohibitions avec la règle d'or dc la charité. Irénée entend donc les Idolothytes dc tous les actes idolàlriqucs. b) En Afrique. — Le prêlrc de Carthage, Tertulllen, nous fait connaître la discipline dc I’Église d'Afrique. 11 enseigne d'abord que lo Christ a rétabli toutes choses comme au commencement, qu’il a aboli la circoncision et rendu la liberté des aliments, à la seule exception de l’abstinence du sang comme aux temps dc Noé. Dc monogamia, v, P. L., t. tt, col. 935. Au sujet des idolothytes, il sc réfère à l’Épître aux Corinthiens et à l'Apocalypse. Saint Paul a permis d'acheter au marché même des Idololhyt es. Despec/ucu/fs, xm. P.L., t. î, col. 646; Corpus do Vienne, t. xx. p. 15-16. S’il a interdit dc manger chez des particuliers l’idolothyte, quand il est signalé commo tel, il défend, à plus forte raison, dc le manger avec tous les rites et l'appareil des sacrifices. De corona, x, P.L., t. n, col. 90. Saint Jean, dans l'Apocalypse, a ordonné dc châtier ceux qui mangent des idolothytos. De prie· scriptionibus,xxxih, t. n, col. 46. Tertulllen connaît cependant le texte du décret apostolique sous sa forme occidentale; il le traduit directement du grec et il rend αδωλοΟυτα par sacrificia. De pudicitia, xn, t. it, col. 1002; Corpus de Vienne, t. xx, p. 212. Au c. XIX. t. il, col. 1017; Corpus, p. 262, il interprète l'Apocalypse, n, 6, dans le mémo sens qu’il entend saint Paul. On en a conclu que, devenu montanlste, il avait interprété les prohibitions du décret apostolique comme des règles morales, et non plus comme des interdictions alimentaires. La con­ clusion ne vaudrait que pour la fin dc sa vie. car. De spectaculis, xnt.t.i, col. 646, il a traduit par sacrificatum (mais le Corpus de Vienne, t. xx, p. 15. a sacrificium), en sc référant à la première Épltrc aux Corinthiens. Après son passage à l’hérésie il ne représentait plus I’Église d’Afrique. Cf. A. d’Alès, LalhMogie dc Tertullien, Paris, 1905, p. 240. Saint Cypricn a cité, lui aussi, la forme occidentale du décret apostolique, mais sans la mention des ani­ maux suffoqués, et la version latine qu’il reproduit avait rendu ιίδωλοΟ^τχ par idololatris. Tesiimonlon., ΙΠ, 119, P. L., t. iv, col. 780; Corpus dc Vienne, t. ma, p. 181. Mais cette leçon doit être corrompue, et il faut la corriger par idololatriis. En peut-on conclure que saint Cyprien entendait les prohibitions du décret comme des règles morales ? Oui, si, avec l’évêque de Carthage, on entend les idolothytes dans le sens de la participation aux sacrifices païens, qui est alors une véritable apostasie dc la foi chrétienne. De lapsis, il, xv, xxv, xxvi, P. L., t. iv, col. 466. 478. 484, 187; Corpus dc Vienne, t. ut α,ρ. 238, 218, 255,256. Mais 11 ne s'agit plus alors des simples Idolothytes. Saint Augustin défendait absolument la manduca­ tion des Idolothytos. Il citait la forme occidentale du décret et il traduisait γομλοΟ^τχ par immolata. Contra Faustum, xxxn, 13, P. L., t. xui, col. 501; Corpus dc Vienne, t. xxv, p. 771. Dans le Spécu­ 680 lum de Scriptura sacra, xv, P. L., t. xxxiv, col. 994; Corpus do Vienne, t. xn, p. 198, son texte portait ab idolis immolato, mais il interprétait : ab cis quit idolis immolarentur. Il ajoutait sans doute : Undc nonnulli putant tria tantum crimina esse mortifera, idololatriam et homicidium et fornicationem. Dans sa lettre à saint Jérôme, il se contentait de la formule: ab idolis immolato. Epist., i.xxxn. P. L., t. xxxm, col. 279; Corpus de Vienne, t. xxxtv, p. 359. Mais on ne peut en conclure que l’évêque d’I lipponelui-même entendait de l'idolâtrie la défense apostolique de manger des idolothytes. Sa pensée n’est pas claire, et il n’est pas possible de savoir s’il entend la défense de participer aux sacrifices païens ou seulement de manger des viandes Immolées aux idoles. Epist,, xlvii, 6, ibid., col. 187; Corpus dc Vienne, t. xxxtv, p. 136; Dc bono conjugali, xvt, P. L., t. xl, col. 386; Corpus de Vienne, t. xu, p. 211. Saint Fulgcnce do Ruspe avait aussi, au v® siècle, la leçon : ab idolls. Pro fide catholica liber, P. L., t. lxv, col. 716. c) A Home. — Le témoignage des Philosophoumena, cité plus haut, montre qu'à Home, vers 220, il était défendu dc manger des idolothytes. Cette défense réagissait contre le laxisme des gnostlques. Était-elle une règle morale ou simplement une interdiction alimentaire? La citation de l’Apocalypse permet de l'entendre dans le même sens que l’interdiction faite par saint Jean à Pergame et à Thyatlrc. Nous Ignorons si saint Hippolyte connaissait le livre des Actes et citait le décret apostolique. Novatien enseignait que la distinction des aliments, établie par la loi mosaïque, n’existait plus dans la nouvelle alliance. Il ne faisait d'exception que pour la manducation des viandes immolées aux Idoles, immolata simulacris, et il en donnait cette raison: Quantum enim ad creaturam Del pertineat, omnis munda est, sed cum dœmoniis immolata fuerit, inquinata esi tamdiu Deo, quamdiu simulacris offeratur. Quod mos atque factum est, non est jam Dei sed idoli, quæ dum in cibum sumitur, sumentem dæmonio nutrit, non Deo, convivam illum simulacri reddendo, non Christi. Dc cibis judaicis, c. vit, P. L., t. ut, coi. 963-964. Il ne cite pas le décret apostolique et sc tient dans la ligne de saint Paul, parlant de la table des démons. L'Ambrosiaster cite le décret apostolique en ces termes : Cum tegem dédissent non molestari eos, qui ex gentibus credebant, sed Ul ab his lanium observarent, id est, a sanguine et fornicatione et idololatria. Comment, in Epist. ad Galatas, π, 2, P. L., t. xvn, col. 346. C’cst la forme occidentale avec trois prohibitions seule­ ment. Il connaissait la formule orientale à quatre interdici ions, mais il pensait que la défense dc manger des animaux étouffés, a suffocato, avait été ajoutée au décret par des sophistes grecs. Il entendait les trois autres de l’idolâtrie, du sang, c'cst-à-dirc dc l’homi­ cide, et de la fornication. L'Ambrosiaster Interprétait donc le décret apostolique comme règle morale et non pas comme règle alimentaire. Saint Jérôme citait la leçon : ab idolothytis, et l’ad­ dition dc plusieurs manuscrits : et a suffocato. Com­ ment. in Epist. ad Gai., v, 2, P. L., t. xxvi, col. 395 Les quatre prohibitions qu'il connaît rentrent donc dans les observances judaïques. Or, le saint docteur écrivait à saint Augustin que seuls les hérétiques él)ionilcs avaient mêlé les cérémonies de la loi à ΓÉvan­ gile du Christ. Epist., i.xxxt, ad Augustinum, P.L., t. xxxm, col. 279; Corpus dc Vienne, t. xxxtv, p. 359. Les prohibitions du décret apostoliquerenlraicntdonc, à son jugement, parmi les observances Juives que les apôtres avaient imposées aux gentils convertis, et l’abstention ortéc tout au long et le décret apostolique est cité avec ses quatre prohibitions, dont là première est celle des idolothytes. Ibid., p. 190-194. M. Nau a traduit : les sacrifices (offerts aux idoles). c) Un peu postérieurs sont les apocryphes Clémentlns, qui dateraient de la fin du in· siècle ou du com­ mencement du iv· (voir t. m, col. 213-214) et qui contiendraient encore des éléments judéo-chrétiens. Saint Pierre dit aux habitants dc Tyr qu'ils sc sont mis sous ki puissance des démons en participant à leur table, mais qu'ils peuvent revenir à Dieu par la pénitence. Dieu a ordonné par une loi dc s’abstenir de la table des démons. H omit., vu, 3, 4, P, G., t. n, col. 217,220. Or. panni les pratiques qui associent les hommes a la table des démons, l’apôtre nomme aux Sidonicus la manducation des idolothytes. Ibid., 8, col. 221. Le même enseignement est donné à Tripolis, à la suite de l'exposé de l’origine des démons, quoique ' hs idolothytes ne soient pas mentionnés. Homil., 1 vm, 10,20, col. 229. 237. Il est permis aux démons dc pénétrer dans les âmes et les corps de ceux qui mangent des mets et qui boivent des breuvages qui leur sont consacrés. JîrcoI gmt ions, IV, 19, P. G., t. I, col. 1322. Les actes qui î souillent à la fols l’âme et le corps des chrétiens sont : participare damonum mensu , hoc est, immolata degus­ tare... et si quid aliud est quod dxmonibus oblatum est. ibid., IV, 36, col. 1331. Les apocryphes Clémentins ajoutent aux idolothytes cinq autres sortes d’aliments qu’ils interdisent comme participations à la taule des démons. Ils dépassent donc en sévérité le décret apostolique, et cette plus grande sévérité corrcsjwnd ù leur caractère judéochrétien. lis ne s’inspirent pas dc saint Paul, quoiqu’ils se servent comme lui de l’expression : table des démons. Quelques-unes do leurs interdictions alimentaires pénétrèrent dans la littérature ecclésiastique au cours du iv·siècle. d) Saint Méthode d’Olympc, en Phrygie, a montré qu’aucune distinction entre aliments purs et impurs n’était admise dans le Nouveau Testament, et il a cité principalement la vision dc saint Pierre et le concile de Jerusalem. II reproduit les paroles de saint Jacqueset le texte du décret apostolique sans y ajouter un mot d’explication. Sur la distinction des aliments, trad, dc N.BonvveUch, Methodius von Olymp. 1. Schrif· ten, Erlangen, 1891, ρ. 297. Manifestement, il ne sc proposait pas d’interpréter la décision conciliaire et il voulait seulement prouver que les chrétiens n’étaient pas astreints auxJois alimentaires dc ΓAncien Testa­ ment. Il ne connaît que trois prohibitions et omet le sang. Bonxvctsch traduit : sacrifice des idoles au lieu d’idolothytes. Saint Méthode n’n pas subi l’InQucnce des apocryphes Clémentins. c) Le 2· canon du concile dc Gangrcs, tenu à une date incertaine vers le milieu du iv· siècle, anathema­ tise l’erreur dc ceux qui condamnaient les chrétiens , pieux, qui mangeaient de la chair, tout en s'abste­ nant du sang, des idolothytes et des animaux étouf­ fés, comme s’ils perdaient pour cela tout espoir dc salut. Mansi, Concil., t. il, col. 1100; Hefele, Histoire des concites, trad. Leclercq, Paris. 1907, t. I, p. 1033. Cc canon prouve que le décret apostolique avait encore force de loi dans I’Église grecque et qu’il com­ prenait trois prohibitions alimentaires. (Le canon 9 des canons apostoliques d’Antioche en comptait trois aussi, mais il nommait la fornication, et non les idolot hvtes. Voir t. n, col. 1620; 1 icicle, op. cit., t. n, p. 1077.) 6S3 IDOLOTHYTE* /) Les Constitutions apostoliques, VI, xn, 2-6, P. G., t. i, col. 940, 944, reproduisaient le texte de la DidascaUe, c· xxiv, 3-15. Voir t. m, col. 1523, et plus haut. La discipline du décret apostolique régnait donc encore, au iv· siècle, en Orient, et un concile recom­ mandait son accomplissement. g) Saint Cyrille de Jérusalem interdisait la mandu­ cation des idolothytes, prohibée par les apôtres, et citait la forme orientale du décret avec scs quatre prohibitions pour en faire pratiquer les observances. Cat., iv, 27, 28, P. G., t. xxxm, col. 489-492. L'auteur des Qiursttones et responsiones ad orthodoxos, q. cxlv, P. G., t. vî, col. 1397, qu'on rapporte à cette époque, n'interdisait que les viandes dont le sang n'avait pas été tiré. A) Julien l'Apostat fit servir l’horreur que les chré­ tiens avaient pour les viandes immolées aux idoles, soit pour les tenter et leur faire commettre la faute d’en manger, soit au moins, sur leur refus de le faire, pour les persécuter. Le patriarche Nectaire raconte qu'un jour l'empereur avait fait souiller tous les ali­ ments sur le marché de Constantinople, en les asper­ geant de vin offert aux idoles. Le saint martyr Théo­ dore apparut au patriarche et lui conseilla de faire distribuer aux chrétiens des vivres non pollués. Enar­ ratio in mart. Theodorum, 7-11, P. G., t. χχχιχ, col. 1828-1829. Au témoignage de saint Cyrille d'Alexan­ drie, Cont. Julianum, 1. IX, P. G., t. lxxvi, col. 1000, Julien, dans son ouvrage, Cont. christianos, avait blâmé les apôtres et avait critiqué leur défense de manger des idolothytos. Le décret apostolique était ainsi connu et observé dans toute l'Église grecque. i) Saint Jean Chrysostome est d’avis qu'un chré­ tien, s'il a conscience que des viandes ont été immo­ lées aux idoles, ne doit en manger à aucun prix et dans aucune circonstance, et il interprète dans ce sens l'enseignement de saint Paul. Selon lui, l'apôtre enseigne qu'on ne doit pas manger d'idolothyte même lorsque sa manducation serait permise, afin de ne pas scandaliser un frère dont la conscience est faible. Mais cette manducation n’est jamais permise, parce qu'elle est une participation à la table des démons. Si on réunit tous les motifs que saint Paul donne de s'en abstenir, on trouve les suivants : la faiblesse des frères, qu'il faut ménager, le scandale des juifs et des païens à éviter, la noblesse de son âme à conserver et le respect envers la sainte eucharistie. In J·· Cor., homll. xxi, xxiv, xxv, P. G., t. lxi, col. 159-161, 201-208. Dans ces conditions, est-il encore pennis d'acheter de ces viandes sur le marché? Saint Chrysostome ne répond pas directe­ ment à la question, il suppose seulement que la man­ ducation des idolothytes est alors inconsciente, puis­ qu'on a acheté des viandes mises en vente sur le mar­ ché, sans s'occuper de leur origine. Homil., xn, in Epist. /*·> ad Timolhæum, n. 1, P. G., t. lxii, col. 559. Cette explication fait perdre à la pensée de saint Paul une part de sa signification. Dans son homélie xxxm· sur les Actes, il observe, au sujet du décret apostolique à quatre prohibitions, que la loi nouvelle n'ordonne pas ces abstentions; nulle partie Christ n'en a parlé, mais les apôtres les empruntent à la loi juive. P. G., t. lx, col. 239- 11 entend donc la fornication dans un sens particulier qu'il n'explique pas. 11 ajoute, n. 2, col. 241, qu’il est nécessaire d’observer ces abstinences quoiqu’elles soient corporelles, parce que leur nonobservance produisait de grands maux. Mais nous entendons l'exégète qui explique des textes autant que le pasteur qui rappelle la discipline ecclésiastique. Conclusion. — De la fin du i»r siècle à la seconde moitié du n·, seuls les Idolothytes étaient interdits aux chrétiens, vraisemblablement d'après l’Apocalypse et sans la distinction des cas pratiques, que saint Paul GS'* avait établie dans sa P· Épilrc aux Corinthiens. Si le décret apostolique était connu, deux de scs inter­ dictions alimentaires étaient tombées en désuétude, à supposer qu'elles étaient applicables en dehors des Églises judéo-chrétiennes. A partir de la fin du n· siè­ cle, le décret apostolique fut connu partout, grâce ù la diffusion universelle du livre des Actes, sous sa double forme orientale et occidentale. Ses trois pro­ hibitions alimentaires furent justifiées par quelques I docteurs et celle qui concernait les idolothytes fut appuyée en Asie et à Alexandrie par cette considéra­ tion empruntée à saint Paul, que leur manducation était une participation ù la table des démons. En Afrique et en Gaule, les trois prohibitions alimentaires furent plus rigoureusement interdites et observées. Le décret apostolique eut aussi de l’autorité à Rome. Il fit ainsi le tour de l’Église chrétienne jusqu'à la fin du iv· siècle. Dans quelques Églises, on lui donna même, ù certaines périodes, une signification morale qu'il n'avait pas dans la pensée des apôtres et de l’Église de Jérusalem. Mais, en Occident, après qu'il eut eu force de loi, il fut ramené à sa signification primitive et cessa d'être observé. Cependant le 11· con­ cile d'Orléans, réuni en 533 pour veiller à l'observa­ tion des lois catholiques, excommunia, dans son 20· canon, les catholiques qui retourneraient aux idoles ou qui mangeraient des idolothytes, des ani­ maux étouffés ou tués par des autres bêtes. F. Maas­ sen, Concilia ævl merouingici, Hanovre, 1893, p. 64; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq,Paris, 1908, t. n b, p. 1133. Ainsi, la solution libérale que saint Paul avait don­ née aux fidèles de Corinthe n'entra jamais dans la discipline ecclésiastique, qui maintint toujours la décision plus rigoriste soit de l'Apocalypse soit du décret apostolique de Jérusalem, interdisant abso­ lument les idolothytes et ne tenant pas compte des cas spéciaux dans lesquels l'apôtre des gentils avait auto­ risé leur manducation. Les catholiques devaient se distinguer des hérétiques qui professaient et prati­ quaient l'indifférence absolue des aliments et même des viandes immolées aux idoles, et refuser de coopé­ rer, même matériellement, aux sacrifices païens. Du reste, les chrétiens, devenus de plus en plus nombreux, n'étalent plus, comme ceux de la jeune Église de Co­ rinthe, dans la nécessité morale de se fournir aux marchés publics, où on mettait en vente les viandes immolées aux idoles. Les Idolothytes furent donc prohibés absolument, comme le portait le décret apos­ tolique, et tenus comme participation à la table des démons. Ainsi le scandale des faibles et le danger de faire acte d* Idolâtrie étaient évités, d'autant que, renseignement de saint Paul sur la non-existence des idoles et l'indifférence foncière des idolothytes n’étant plus pris en considération, les viandes immolées aux idoles furent regardées comme souillées par le fait même de leur offrande et interdites absolument. On peut consulter, aux passages cités, les commentaires des Actes des apôtres,de in lrs Épllro aux Corinthiens et de l'Apocalypse dont les listes ont été dressées aux arti­ cles consacrés Λ ccs livres dnns cc dictionnaire. Dans l'abondante littérature moderne sur lo décret apos­ tolique du concile de Jérusalem, il faut signaler, nu sujet du but, du texte, do la signification et de l'interprétation do cc décret, 1rs principaux travaux suivants : Essai sur les motifs qu*curent les apôtres de défendre dans le concile de Jérusalem de manger du sang et des viandes étouffées, dans L'auxiliaire catholique, édité par l'abbé Llonnet. Paris, 1846, t. iv, p. 320-328 (envisage le décret apostolique comme règle morale); C. Eouard, Saint Paul, ses missions, Paris, 1802,1».6-1-98; A.Oppcnricdcr, Apostclgcschichte, XV, XXI, «Ions Hcun is des Glaubens, nouvelle série, 1893, t. xiv, p. 420· >11, 163-475; J. Thomas, L'Eglise et les fudabants , d l'Age apostolique, dans Mélanges d'histoire cl de littérature 685 IDOLOTHYTES — IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT)1 religieuse.Parti» 1899,p. 11-18; K. TMckenhoff, Da* aj>ojfr)llsche Sprite gescti in den mien funj Jahrhunderfcn,1903 ; Mgr Le Camus» L'ceuure des apôtres, Parts» 1905,1. i»p. 149-170; G. Ketch, Dos Aposlcldekrct nach selnrr ausscrkanonlschen Textgestalt, dans Texte und Untcrmchungcn, Ix'lpzlg, 1905, t, XXVI1T» fasc. 3 ;1I. CoppleUn, Le décret des apôtres (Act.t xr, 2S, 2P), dans la Prune biblique, 1907, p. 34-5«, 218-239; K. Lake, The judaistlc controversy and the apaitotlc council, dans The Church quarterly review, Londres, 1911, t. lxxi, p. 315-370; K.Six»Da* Apasteldekret (Act., XV, **-32). Seine Enslehung und Geltung in den enten uicr Jahrhundertm, Inspruck, 1912. Sur la Ir· Épttrc aux Corinthiens, volrC. Founrd.op. clt., p. 344-346; Mgr Le Camus, op. cit., t. ni, p. 121-121; F.Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. r, p. 157162· E. M knüenot. 1. IGNACE (Saint), évêque d'Antioche» martyr. — I. Vie. II. Lettres. III. Doctrine. 1. Vie. — 1° Cc qu'on sait de sa vie.— 1. Son nom. — Faute do documents, on ignore presque tout de la vie de saint Ignace d'Antioche. Scs lettres, du moins, donnent une haute idée de sa grandeur morale et de sa vivante personnalité ; et son martyre glorieux a rendu impérissable son souvenir. Ainsi qu’il l’a inscrit en tête do ses lettres, il s'appelait Ίγνχτιο; ό xx: Hcocopoç. C'était l’usage, chez les Romains, de porter parfois un double cognomen, l’un pour l’état civil et légal, l'autre pour l’usage familier, unis entre eux par la formule qui cl, équivalent latin de ό xx:. C'est ainsi que l'évêquc d'Antioche avait deux noms : l'un d’origine latine, l'autre d’origine grecque; le premier lui venant de sa famille, le second pris vraisemblable­ ment par lui à son baptême ; l'un et l'autre devenus dans la suite l'objet d’explications ingénieuses» mais dont quelques-unes tiennent plus à la légende qu’ù l’histoire. Ignatius, de ignis, feu, sert bien à carac­ tériser l’homme enflammé et tout embrasé d'amour pour le Christ que fut cct évêque syrien. Quant à Théophorc, cc nom est susceptible d’une double signi­ fication d’après l’accentuation grecque du mot. Au sens passif, Θιόφορος» il signifie celui qui est porté par Dieu; au sens actif, Ηιοςόοος, celui qui porte Dieu. Saint Ignace justifierait le nom de Théophorc au sens passif parce que, d’après le témoignage d'Anastasc le Bibliothécaire, cité par Pearson. Vindiciæ Ignaliana·, part. II, c. xn, P. G., t. v» coL 404, il aurait été l'enfant que Jésus prît entre ses bras et donna comme un exemple d’humilité ù ses apôtres. C’est l'interpré­ tation acceptée par Siméon Métaphraste et trans­ mise par lui à la postérité, ibid., col. 405, mais qui est complètement arbitraire» car saint Jean Chrysostome, bon témoin des traditions de l’Église d'Antioche, assure que saint Ignace n'a jamais vu le Sauveur. In sanct. mari. Ignatium, 5, P. G., t. xux, col. 59 t. Cc nom sc justifierait mieux au sens actif, mais nulle­ ment pour la raison qu’en donne saint Vincent de Beauvais, à savoir que, le cœur d* Ignace ayant été coupé en morceaux après sa mort, chacun de ces morceaux portait en caractères d’or les lettres qui composent le nom de Jésus-Christ. · Cc qui n'étant nullement recevable, observe Tillemont. Mémoires pour sendr ά l'hist. eccl. des six premiers siècles, Paris. 1701-1709, t. n, p. 191, ni par soi-même, ni par ceux qui en sont auteurs, est de plus tout Λ fait contraire Λ ce «pic nous savons, qu'il ne resta rien de son corps que les os les plus gros et les plus durs. » 2. Sa jeunesse jusqu'à l'épiscopat.— On ne sait rien de positif, ni sur son origine, ni sur sa naissance, ni sur son éducation. On le croit pourtant, non sans rai­ son, syrien d'origine. Il serait né vers l’an 35. Mais qu’il ait été cct enfant dont parle l'Évangilc et que le Sauveur proposa comme exemple aux apôtres, ni lui, ni saint Polycarpc, son contemporain, ni saint Irénéc, ni aucun écrivain parmi les anciens n'a fait la 686 moindre allusion à un tel fait. A-t-ll été esclave» comme pourrait le faire supposer cc mot de sa lettre aux Romains : ixtivot, üt'Jnw., ίγώ μίχρ*. vtfv δοΛο; ? L'antithèse ne permet pas de conclure que goîao; soit pris ici au sens propre ; il sert plutôt à amener l'idée d'affranchissement moral, qui vient à la suite : < Si je souffre» je deviendrai l’affranchi du Christ* > N'a-t-il pas été plutôt» un peu comme saint Paul, arraché aux désordres de la vie païenne et amené au Christ par une secousse violente de la grâce? C'est l'hypothèse émise par Lightfoot» St. Ignatius, Londres, 1885, L i, p. 28, 392; t. n, p. 229 sq., et qui explique­ rait le ton d'humilité et de repentir de ses lettres, le désir ardent du martyre dont elles témoignent. Un ancien persécuteur converti et devenu chef d’une Église ne s'exprimerait pas autrement. 11 faut renon­ cer à voir en lui un disciple de saint Jean. Sans doute» dans sa révision de la Chronique d'Eusèbe» saint Jérôme l'avait rangé avec Paplas et saint Polycarpe parmi les disciples de saint Jean, mais c’est une erreur qu'il a réparée dans son De Diris illustribus. Du reste, Ignace lui-même nous apprend qu’avant d’être venu à Smyrne.il n’avait pas vu saint Polycarpc. Ad Pohjc., i, 1, Funk, Patres apostolici, 2· édlt.» Tublngue» 1901, 1.1. p. 288. Fut-Il du moins disciple des apôtres? Ceci semble plus plausible ; car, pendant son enfance ou sa jeunesse, il a pu voir et entendre» à Antioche, saint Pierre et saint Paul. Il touche ainsi au temps des apôtres. 3. Son épiscopat. — D’après Origène» In Lue., homil. vî, P. G., t. xin. col. 1814, Ignace fut le second évêque d’Antioche; d'après Eusèbe» IL in, 22» P. G., t. xx» col. 256» c’est vers 69 qu”d aurait remplacé Evodlus, le successeur immédiat de saint Pierre. Sur ce point» saint Jérôme reproduit Eusèbe. De vir. illustr., 16, P. L.. t. xxni, col. 633. Mais, d’autre part» saint Jean Chrysostome, dans son panégyrique de saint Ignace, donne clairement à entendre qu’il remplaça immédiatement saint Pierre, puisqu’il lui fait un honneur d'avoir été choisi par le prince des apôtres et d’avoir reçu de lui l’imposition des mains. Loc. cit. Théodoret» Epist., lxxxix, cxlv, P. G., t. Lxxxin, col. 1284, 1381, est tout aussi catégorique. D’autre part, encore, d’après les Constitutions apos­ toliques, vu. 46» P. G.» t. i, col. 1052, saint Pierre aurait sacré Evodlus, tandis que saint Paul aurait imposé les mains à Ignace» d’où l'on a cru pouvoir inférer qu’Antiochc compta simultanément deux évêques, l’un pour les judéo-chrétiens, l'autre pour les convertis du paganisme, et qu’ù la mort d'Evodius, saint Ignace resta seul. Mais c'est là un renseigne­ ment suspect et une hypothèse invraisemblable, quoi qu’en aient pu penser Baronlus, I lalloixet Tillemont et, au siècle dernier, les partisans du pétrinisme et du paulinisme. Lightfoot, loc. cit., ne s’en embarrasse pas, et avec raison, car il n'y voit qu’une preuve en faveur du titre d’homme apostolique, qui convient ù saint Ignace. Pendant son épiscopat sévit la persécution de Domitlcn. Dans quelle mesure s’apphqua-t-elle ù l’Église d'Antioche? Sans donner le moindre détail précis, l’auteur des Actes du martyre do saint Ignace» le Martyrium Colbcrtinum. dans Funk, op. cil., t. n, p. 276, alllnnc simplement que le saint évêque sauva son troupeau par sa vertu et son activité apostolique, satisfait du calme momentané, mais attristé de n’avoir point reçu la couronne du martyre. De son adminis­ tration épiscopale, il ne reste qu’un souvenir, relatif ù la liturgie, mais de date assez récente. Socrate ra­ conte. en effet. IL E., vî» 8, P. G., t. lxvii» col. 692, qu’Ignace introduisit dans son église l’usage du chant alterné des psaumes et que de là cet usage était passé ù d'autres églises. Il n’y a ricn d’impossible à cela, d'au- 6S7 IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) tant que le chant alterné sc pratiquait déjà dans les synagogues ; et la lettre de Pline à Trajan, en 112, nous apprend qu’il sc pratiquait aussi parmi les chrétiens de Bithynie. Epist., x,97. Π est vrai que Théodorodo Mopsuestc, qui vivait au iv· siècle, affirme que Flavien et Diodore furent les premiers à emprunter aux syriens l’usage du chant alterné et à l’imposer aux fidèles d'Antioche ; cité par Nicétas, Thésaurus orthodoxe fidei, v, 30, P. G., t. cxxxix, col. 1390. C'est à peu près cc que répète Théodore!, quand il dit que Flavian et Diodore, sous l’empereur Constance, prirent l’ini­ tiative de faire chanter les psaumes à Antioche par deux chœurs qui se répondaient. //. E,, >i, 19, P. G., t. Lxxxn, col. 10G0. Théodore de Mopsueste étant contemporain du fait qu'il rapporte, et Théodoret étant bien au courant de l’histoire d'Antioche, il est à croire que Socrate a commis une erreur, à moins de supposer qu’d attribue à une tentative d’Ignace le succès qui couronna en réalité les efforts de Flavien et de Diodore ; mais, dans cc cas, Théodore de Mopsueste et Théodoret auraient eu le tort de passer sous silence l’intervention de saint Ignace, et de faire de Flavien et de Diodore les introducteurs du chant alterné à Antioche. 2° Son voyage comme prisonnier.— 1. Sa condamna­ tion ά Antioche. — D'après l’auteur du Martyrium Colbertinum, cc serait Trajan qui, passant ά Antioche, en janvier 107, lors de son expédition contre les Parthcs, aurait condamné l'évêque de la ville. Ccttc expédition d'Oricnt n'ayant eu lieu que quelques années après, Trajan n'a pu condamner Ignace en 107. Ni Eusèbc, ni Chrysostomo ne parlent d'une condamnation impé­ riale. Au reste, si l’empereur s'était prononcé en per­ sonne, Ignace aurait pu sc dispenser d’écrire aux chrétiens de Home pour les conjurer de ne pas inter­ venir en sa faveur, car aucun magistrat romain n'au­ rait pu commuer ou annuler une telle sentence, tandis que, s’il n'a été condamné que par le légat de Syrie, il avait tout lieu de craindre le succès d’une interven­ tion auprès de l’empereur. La date de 107 est à rete­ nir ; c'est celle où Eusèbc, dans sa Chronique, place le commencement de la persécution de Trajan et y rat­ tache le martyre de saint Ignace. Les notes chronolo­ giques données par les Actes, observe Allard. Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris, 1892, p. 181, sont d'une précision trop grande pour n'avoir pas été empruntées à une source ancienne. La condamnation du saint à Antioche y est rapportée à la neuvième année de Trajan, cc qui était la manière accoutumée de dater dans la partie orientale de l’em­ pire, tandis que son supplice à Borne est dit avoir eu lieu le 20 décembre, Sura et Sénécion étant consuls, cc qui est la formule romaine bien connue. Et ccttc date correspond bien à celle qu'indiquo Eusèbc, puis­ que la neuvième année de Trajan expire à la lin de janvier 107. C'est donc au mois de janvier 107 que fut condamné Ignace. Dans quelles circonstances et pour quels motifs? Nous l'ignorons. Peut-être à la suite d'une dénonciation écrite ou de quelque mouvement populaire. N'étant pas citoyen romain, mais étant le premier personnage de l'Église d'Antioche, le légat le désigne pour être conduit à Home et livré aux bêles dans l'amphithéâtre Flavien. 2. Son itinéraire d'Antioche à Rome. — Confié à une troupe de soldats, Ignace s'embarqua à Sélcucic pour l'un des ports de la Cilicie ou de la Pampiiilie, et sc rendit de là par terre à Smymc. Or la route qui traversait l'Asie Mineure, de l'est à l'ouest, bifurquait d'un côté vers le nord, où elle traversait, après Laodlcéc et Hlérapolls. une crête de montagnes, d’où clic descendait pour passer par Philadelphie et Sardes avant d'aboutir à Smymc ; d'un autre côté, vers l'ouest, le long de la vallée du Méandre, traversant 688 Tralles et Magnésie avant de remonter vers le nord, par Éphèsc, jusqu'à Smyrnc. C'est la premiere qu’a suivie Ignace ; car. dans sa lettre aux Philadelphkns, il fait clairement allusion à son passage nu milieu d’eux, lia vu, dit-il, leur évêque, s'csl cntrctcnuavec I ui ; il n’a trouvé chez eux aucune division, et il leur a recom­ mandé do vive voix l'obéissance à l'évêque et au pres­ byterium. Dans sa lettre aux Éphésiens, il dit s’être entretenu avec les hérétiques do Philadelphie. D’autre part, il est certain qu’il n'est passé ni par Tralles, ni par Magnésie, ni par Éphèsc, comme cela a été indiqué par une erreur d’impression, t. iv, col. 1188; car il dit ne connaître les communautés de ccs villes que par les délégués qu'elles lui avalent envoyés. ! Arrivé à Smyrnc, il y séjourna quelque temps. Il y reçut le meilleur accueil de la part de l'évêque, saint Polycarpc, et de la communauté. Or, pendant qu’il était ainsi conduit au martyre, le bruit de son passage s'était répandu. On lui députa de tous côtés des messa­ gers pour le saluer. Et c’est ainsi qu’arrivèrent, d'Éphèso, l’évêque Onésimc, le diacre Burrhus et trois autres délégués ; de Magnésie, l’évêque Damas, les prêtres Bassus et Apollonius et le diacre Zotion; de Tralles enfin, l'évêque Polybe. Bien qu’il eût à se plaindre de ses dix gardiens, qu'il nomme des léo­ pards, qui sont d'autant plus désagréables qu'on leur fait plus de bien, il put s'entretenir avec ses visiteurs. Ni la perspective du supplice, ni la longueur et les fatigues de la route, ni les mauvais traitements doses gardiens n'avaient pu altérer sa sérénité. Il pensait à sa ville d'Antioche, qu’il avait dû quitter, il atten­ dait anxieusement de scs nouvelles, il lui envoyait des consolât ions et des conseils, et il faisait prier pour clic. Mais en même temps il s’entretenait avec scs visiteurs, s'intéressant à leurs communautés; et quand fut venu le moment de la séparation, s’oubliant lui-même, il leur confia une lettre pour leurs commu­ nautés d'Éphèsc, de Magnésie et de Trafics, où il marque sa reconnaissance et où il donne des conseils appropriés en vue de leur faire conserver la foi cl évi­ ter l’hérésie menaçante. 11 écrivit une quatrième lettre, celle-ci aux Romains, d'un caractère exceptionnel et d’une Incomparable beauté, où il n’est question que de son désir du martyre. Elle est datée du 24 août. De Smymc, il fut conduit à Troas, accompagné de Burrhus, le diacrc d’Éphèsc, qui lui servit de secré­ taire. Là vinrent le rejoindre Philon, diacrc de Cilicic, et Rhalus Agathopus, diacrc de Syrie; ccux-ci lui apportaient l'heureuse nouvelle de la lin de la persé­ cution ù Antioche. On devine sa joie. De Troas, avant de quitter l’Asie, il écrivit à ceux qu’il avait vus en route, à l'Église de Philadelphie, ù celle de Smyrnc et à son évêque Polycarpc. Il n'y oublie pas de joindre à scs remerciements les conseils qu'il juge utiles ou nécessaires, mais il demande à scs correspondants d’envoyer à son Église d'Antioche des félicitations et des encouragements. Le temps lui fait défaut pour dicter d'autres lettres. 9 De Troas, il franchit le détroit pour aborder à Néapolis, d'où il arrive à Philippes, où il est très bien accueilli par les chrétiens. Mais il n'était plus seul prisonnier : Zozimc et Rufus, joints sur la route au convoi qui l'emmenait, partageaient scs chaînes. Il pria les Phillppicns d'écrire à ses fidèles d’Antioche. Et les Phillppicns s'empressèrent de lui obéir; écri­ vant à saint Polycarpc, ils le prièrent de faire parvenir à Antioche leur lettre et d'y joindre celle qu’il avait reçue lui même d’Ignace, tout en lui demandant copie des lettres d Ignace qu’il avait entre les mains. A partir de Philippes, saint Ignace dut suivre la Égnatlennc, à travers la Macédoine et i'Illvnc grecque, jusqu'à Dyrrachium. De là aborda-t-ll à Brindbi pour gagner directement Rome à pied parla 6δ9 IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) vole Apptenno? C’est de toute vraisemblance. Mais l les Actes, lui faisant contourner l'Italie, parlent d'une vainc tentative de débarquement à Pouzzoles, et nous le montrent prenant terre dans le port de Rome, aux bouches du Tibre, accueilli par des chrétiens, qui étaient venus à sa rencontre. 3° Sun martyre.— 1. Le désir qu'il en avail.— Cet évêque si humble, si sensible aux témoignages de respect qu'on lui rendait, si attentif aux besoins spi- > rituels des Églises, si manifestement préoccupé des dangers qui menaçaient la foi et pouvaient rompre l'unité, si attaché à sa communauté d'Antioche, n'as­ pirait qu’à l’honneur de verser son sang pour le Christ, estimant que c’était là le moyen par excellence de ne faire qu’un avec son maître. Déjà, pendant son voyage, il s'était fait, contre certains docctes» un argument irrésistible des chaînes qu’il portail et du martyre vers lequel il marchait. Mais sa pensée éclate, véhé­ mente, en traits de feu, sous une forme littéraire quelque peu déconcertante, dont les défauts dispa­ raissent devant la grandeur et la beauté du fond, dans la lettre qu’il écrivit aux Romains. « La fol la plus vive, l'ardente soif de la mort, a dit Renan, Les Évangiles, p. 489, n'ont jamais inspiré d’accents aussi passionnés; l'enthousiasme du martyre, qui durant deux cents ans fut l'esprit dominant du christianisme, a reçu de l'auteur de cc morceau extraordinaire son expression la plus exaltée. » La lettre serait à citer tout entière. Extrayons-en seulement quelques pas­ sages. · A force de prières, écrit Ignace, j'ai obtenu de voir vos saints visages; j'ai même obtenu plus que Je ne demandais, car c’est en qualité de prisonnier de Jésus-Christ que j'espère aller vous saluer, si toute­ fois Dieu méfait la grâce de rester tel jusqu’au bout... C'est votre charité que je crains. Vous n'avez, vous, rien à perdre, moi, c'est Dieu que je perds, si vous réussissez à me sauver... Laissez-moi immoler, pen­ dant que l'autel est prêt. Réunis tous en chœur par la charité, vous chanterez : Dieu a daigné envoyer d'Orient en Occident l’évêque de Syrie 1 11 est bon do sc coucher du monde en Dieu pour se lever en lui. > Ignace redoute tant l’intervention des Romains en sa faveur qu’il donne à sa prière des accents pathé­ tiques : « J’écris aux Églises; je mande à fous que je veux mourir pour Dieu, si vous ne m’en empêchez. Je vous conjure de ne pas me montrer une tendresse intempestive. Laissez-moi être la nourriture des bêles, par lesquelles il me sera donné de jouir de Dieu. Je suis le froment de Dieu : il faut que je sois moulu par la dent des betes pour que je sois trouvé pur pain du Christ. Carcssez-les plutôt, afin qu'elles soient mon tombeau, qu'elles ne laissent rien subsister de mon corps, et que mes funérailles ne soient à charge à personne. ® Il espère trouver les bêtes bien dispo­ sées ; il sc déclare prêt à les caresser pour qu’elles le dévorent sur le champ. « Si elles y mettent du mauvais vouloir, je les forcerai. » En même temps il s’excuse : « Pardonnez-moi : je sais cc qui m’est préférable. Maintenant, je commence à être un vrai disciple. » Et comme saint Paul il lance ce défi : · Nulle chose visible ou invisible ne m’empêchera de jouir de JésusChrist. l eu et croix, troupes de bêtes, dislocation des os, mutilation des membres, broiement de tout le corps, que tous les supplices du démon tombent sur mol, pourvu que je jouisse de Jésus-Christ. » En con­ séquence, que les Romains lui fassent grâce, qu’ils lui laissent recevoir la pure lumière et imiter la pas­ sion de Dieu. « Et si, lorsque je serai avec vous, je vous supplie, ne me croyez pas : croyez plutôt à cc que je vous écris aujourd'hui. Je vous écris vivant, et désirant mourir. > 2. Sa mort. — En voyant les chrétiens de Rome, Ignace dut éprouver une grande joie, car ils ne lui 690 apportaient pas la nouvelle de grâce ou de la commutation de sa peine. Il était au comble de ses vœux. < On calcula probablement, dit Allard, op. cit., p. 200, le voyage d'Ignace de manière à le faire arriver à Rome avant la fin des fêtes qui célébraient, avec une pompe inouïe jusqu'à ce jour, le triomphe du vainqueur des Daces. Si la guerre dacique se termina en 106, ces fêtes, qui durèrent cent vingt-trois jours, durent remplir l'année 107. Dix mille gladiateurs y périrent pour l'amusement du peuple romain ; onze mille bêtes féroces y lurent tuées. Mais, avant de les tuer, on leur jeta sans doute, selon l'usage, quelques condamnés. C'est amsi que, le 18 décembre, moururent deux compagnons d’Ignace, Zozimc et Rufus. Deux jours apres vint enfin le tour de l'évêque d’Antioche. Le 20 décembre, il obtint la grâce si ardemment dési­ rée ; moulu par la dent des bêtes, il devint le fro­ ment de Dieu. C’était pendant les venationes par les­ quelles on solennisait les saturnales. > 3. Ses reliques. — Saint Ignace eut la mort qu'il avait tant souhaitée : les bêtes déchirèrent son corps, broyèrent ses os, dévorèrent scs chairs. Cc qui en resta, notent les Actes, Martyrium Colbertinum, vi, 5, dans Funk, op. cil., t. si, p. 284, c'est-à-dire les parties les plus dures, fut pieusement recueilli et transporté à Antioche comme le plus inestimable des trésors. On déposa ces reliques dans un sanctuaire hors de la porte de Daphné, où elles étaient encore du temps de saint Jérôme. De viris illusL, 16, P. L-, t. xxm, col. 633. L'Église d'Antioche célébra longtemps le natalis de son évêque martyr le 17 octobre. C'est à pareil jour que saint Jean Chrysostome, ne doutant ni de la mort de saint Ignace à Rome, ni de la translation et de la présence de scs reliques à Antioche, prononça le panégyrique du saint. Il y disait, entre autres choses : « Rome fut arrosée de son sang ; vous avez recueilli scs dépouilles. Vous avez eu l’avantage de le possé­ der comme évêque ; ils ont recueilli son dernier sou­ pir; ils ont été les témoins de son combat, de sa vic­ toire et de son triomphe ; vous l’avez toujours au milieu de vous. Vous aviez envoyé un évêque, on vous a rendu un martyr. » In sonet. mart. Ignatium, 5, P. G., t. xlxx, col. 594. 4. Sa /été. — Les reliques de saint Ignace ne de­ vaient pas toujours rester hors de la porte de Daphné, car, sous Theodose le Jeune, lors de l'embellissement de la ville, on n oublia pas l’évêque martyr, l’une des gloires d’Antioche. Par ordre de l’empereur, ses restes furent transportés en pompe dans le temple de la For­ tune, sur lequel planait le génie de la cité, une statue de bronze doré, chef-d’œuvre d’Eutydiidès, l'élève de Lysippe· — Et ce temple ne s’appela plus que la basilique de Saint-Ignace. L'évêque martyr avait pris la place du génie tutélaire. Évagre, //. «E., T, 16, P .G., t. L.xxxvi, col. 2465. Cf. Lightfoot. SL lynalius, t. i, p. 47-49. Désormais, en Orient, on célébra sa fête le 20 décembre, qui dut être la date de cette translation. L’Église latine la célèbre le l,r février. IL Lettkls.— 1° Leur nombre d'après les témoi­ gnages primitifs.— 1. Le témoignage de saint Polycarpc. — Nous avons dit que saint Ignace avait écrit quatre lettres de Smv rue : une aux Éphésiens. une aux Magné­ siens, une aux Traitions et une aux Romains, trois au­ tres, de Troas : une aux Philadelphicns, une aux Smy rnlcns et une à Polv carpe. Quelques jours après le passage de saint Ignace à Philippes, les Phillppicns prièrent saint Polycarpc de leur communiquer les lettres de l'évêque d’Antioche qu’il possédait. La réponse de Polvcarpe à ccttc demande est d'une im­ portance capitale dans la question ignaticnne, car c'est le témoignage d’un témoin oculaire en faveur des lettres de saint Ignace. C'est même pour cela que | les uns rejettent sa réponse comme apocryphe, et que 691 IGNACE D'ANTIOCHE (SAINT) 692 d'autres la déclarent interpolée ; or, elle n'est ni l'un vierge mariée, il rapporte celle-ci : Martyr Ignatius ui l’autre. Voir Polycahpe. Sur la requête des fidèles etiam quartam addidit causam, cur a desponsata concep­ de Philippes, Polycarpe leur envole les lettres d’Ignace tus sit; ut partus, inquiens, ejus celaretur diabolo, dum qu'il a reçues et celles qu’il possède, les assurant qu'ils eum putat non dc virgine sed de uxore generatum. Mais en retireront un grand profit : xat άλλσς δσας tf/ομιν ce n’est là qu’une réminiscence du passage cité par παρ’ ήμιν· ίς ών αεγάλα ώ^ίλητηναι δυνησισΟί. Ad Origène; car rien ne prouve que saint Jérôme ait lu les lettres dc saint Ignace. Philip., χπϊ, 2, dans Funk, op. cit., 1.i, p. 312. C'était Par contre, Théodorct les a lues : il cite six passages donc une collection de lettres : combien en tout ? Six, a prétendu Usher, qui rejetait à tort la lettre à dc l'épitrc aux Smyrnicns, trois de l’épitrc aux Éphé­ saint Polycarpe ; six, a dit Zahn, qui croyait que la siens, et un dc l’épitrc aux Trallicns. Dial., i, n, m, P. G., t. lxxxîii, col. 81-84, 1G9, 284. Possédait-il le lettre aux Romains n’en faisait pas partie ; sept, avait déjà affirmé Pearson ; sept, prétend à son tour recueil des sept, dont avait parlé Eusèbe ? C'est ce qu'il n'a pas dit. Lightfoot, qui réfute l’opinion de Zahn. SI. Ignatius, 2° Leur nombre s'accroît dans la suite.— On conçoit t. i, p. 409-114. A priori, dit-il, il y a une forte pré­ somption que la lettre aux Romains faisait partie qu'étant donné le grand intérêt qu'offraient les lettres dc saint Ignace, on ait pris soin de bonne du recueil de saint Polycarpe ; car cette lettre avait heure d’en faire des copies et d'en donner des traduc­ été écrite à Smyrna même ; c'était celle qui devait tions. En fait, elles ont été reproduites en grec et le plus l'intéresser, car elle faisait prévoir le martyre, traduites, soit en latin, soit en syriaque, soit en armé­ et Polycarpe tenait à savoir comment ce martyre nien, tantôt intégralement et tantôt en partie. Mais s’était consommé. Du reste sa réponse aux Philipbientôt, pour des motifs d’ordre doctrinal, les sept, pions porte quelques traits de ressemblance avec connues d'Eusèbe, ont subi des interpolations, qui l'épitrc aux Romains. De plus l'Égllse de Smyrna, dans son récit de la mort de saint Polycarpe, trahit en ont amplifié le texte; puis la collection s'est une connaissance de cette lettre aux Romains et lui accrue dc lettres nouvelles, complètement apocry­ phes ; si bien qu’au fur et à mesure de la découverte fait même quelques emprunts. Et enfin, comme nous et dc la publication des difTércntcs collections, b allons le voir, saint Irénée, disciple de saint Polycarpe, l’a citée ; il en avait donc eu connaissance, du temps question s'est posée de l’authenticité et dc l’intégrité des lettres dc saint Ignace ; et cette question a été de sa jeunesse, auprès de son maître, à Smyrna même. Outre cette épître aux Romains, Polycarpe possé­ débattue d'autant plus Aprement qu'elle a mis aux prises les épiscopaliens et les presbytériens, les catho­ dait celle qu’il avait reçue lui-même et celle qu' Ignace liques et les protestants. Sans vouloir en faire le récit avait adressée à l’ÉgUse de Smyrna; il possédait aussi détaillé, il suffira d'indiquer la position prise par les la copie de celles qu'Ignace avait adressées, sous ses yeux, aux Églises d'Éphèsc, de Magnésie et de Tralles. uns et par les autres, et de noter les résultats acquis Quant à l'épitrc aux Philadelphians, nul doute qu’il au point de vue de la critique. 1. Quatre lettres inconnues de Γ antiquité.— Pendant n'eût eu connaissance de son existence par le messager qui la portait de Troas à Philadelphie et qui dut passer le moyen Age a circulé une correspondance, compre­ nant quatre lettres, ou plutôt quatre billets de quel­ par Smyrnc ; nul doute aussi qu'il n'en eût obtenu communication. ques lignes à peine : la première, d’Ignace à l’apôtre Sans nommer Ignace, saint Irénée cite de sa lettre saint Jean pour lui exprimer le grand désir qu'il aux Romains ce passage caractéristique : Je suis le aurait dc voir la sainte Vierge, tant sont grandes les froment de Dieu. Cont. hær., v, 28, P. G., t. vn, col. vertus qu'il entend vanter à son sujet ; la seconde, du 1200; texte grec dans Eusèbe, II. E., in, 3G, P. G., même au même, pour lui faire part dc son projet t. xx, col. 292. Peu après, Origène emprunte nommé­ d’aller à Jérusalem contempler la Vierge et Jacques le frère du Seigneur; la troisième, d'Ignace à Marie, ment à saint Ignace ccs mots de la même épltre : Meus autem amor crucifixus est. In Cant, cant., pour lui demander un mot de réconfort et dc conso­ prolog.;et ccs autres de l'épitrc aux Éphésiens : lation ; et la quatrième, de Marie à Ignace, pour lui Ώ.αΟι τον ïy/οντα του αιώνα; τούτου η παρθενία Μαρία; dire dc s'en tenir à l'enseignement dc saint Jean et lui In Luc., homil. νι, P. G., t. xrn, col. 7Ô, J801. Sans annoncer sa visite prochaine. Dans P. G., t.v, col. 911946, et Funk, op. cit., t. n, p. 214-217. Manifestement doute, ni Irénée, ni Origène ne font allusion à un l’auteur dc ccs lettres a eu pour but dc contribuer à recueil de lettres de saint Ignace et n’en signalent pas le nombre; mais Eusèbe va être d'une précision qui l'honneur de la sainte Vierge et n'a pu les écrire qu’après le vn· siècle, à l'époque où le culte dc Marie sc ne laisse rien à désirer. 2. Le témoignage d*Eusèbe. — Dès le commence­ développa dc plus en plus. Chose curieuse, il a réussi, ment du !ve siècle, l'évêque de Césarée a soin de mar­ malgré sa supercherie, à être accepté et lu. Sa corres­ pondance fut très répandue et fut même parfois la quer que saint Ignace a écrit aux fidèles pour les fortifier dans la foi, pour les exhorter à éviter les er­ seule à faire connaître saint Ignace. Sa mention par le pscudo-Dcxtcr n’est pas faite pour la recommander. reurs qui commençaient à se répandre et à garder les Connue dès le xn· siècle, et passant au xm·, sous traditions des apôtres. Mais outre le but de ces lettres, Innocent IV, pour une traduction du grec, clic fut il note l’endroit d’où clics sont écrites et nomme les Églises et les destinataires auxquels clics sont envoyées. éditée pour la première fois, en 1195, à la fin du livre intitulé : Vila et processus sancti Thomœ CantuaC'est exactement, dans le même ordre chronologique, la même liste donnée ci-dessus. Enfin il cite deux assez riensis martyris super libertate ecclesiastica. Cf. Funk, longs passages de l'épitrc aux Romains et de l'épitrc op. cit., t. it, p. xi.t-xi.nt. Elle est complètement apo­ cryphe. Cf. Llgthfoot, St. Ignatius, t. î, p. 223-226. aux Smymiens. H. E., in, 36, P. G., t. xx, col. 282 sq. 2. La collection longue.— Un recueil de lettres plus Cc témoignage est très important. Saint Jérôme s’en considérable, et moins indigne dc saint Ignace, est fait l'écho fidèle, sauf à préciser que ce passage quoique ne contenant pas son œuvre dans toute son de l'épitrc aux Smyrnicns : Ecce palpate et uidcle quia intégrité, fut celui que publia Le Fèvre d'Étaplcs, à non sum dœmonium incorporale, dont Eusèbe ignorait la fin du xv· siècle, sous ce titre : Ignatii undecim la source, est un emprunt à l'apocryphe qui porte le titre d’Évangilc selon les Hébreux. De uir. illust., î epi lolæ. Puris, 1498. C'était une version latine com­ prenant d’abord toutes les lettres, dont nous avons 16, P. L., t. xxxn, col. 634. Dans un autre endroit, parlé, puis les quatre suivantes : une aux Tarsiens, In Matth., t, P. L.. t. xxvi, col. 24, parmi les raisons pour lesquelles le Verbe incarné a voulu naître d une | une aux Philippicas, une aux Antlochicns et une autre G93 IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) ù Héron, diacre d'Antioche. Lc texte grec n'en fut publié quo plus tard par Valentin Hartung, dit Paceus, Dillingen, 1557. Cc texte comprenait en plus une , lettre d’Ignace à Marie dc Cassoboles. C'est cc qu'on est convenu d'appeler la recension longue, à raison do l’étendue dc ses lettres. On ne soupçonna pas tout d'abord qu'elle fût apo­ cryphe. En effet, Ignace avait été cité par les anciens, et c'était là le seul Ignace connu. Les épltres citées jadis portaient la mémo adresse, et les citations, bien que non littérales, se rapprochaient suffisamment du texte publié. Il n'y avait donc, semblait-il, qu’à tenir le tout pour authentique. Et pourtant ce tout était suspect. Les citations faites par les Pères, telles que celles d'Eusèbe et de Théodoret, différaient beaucoup trop du texte. Dc plus, en dehors des lettres signalées par Eusèbe, aucune autre ne se trouvait citée. Enfin la connaissance de plus en plus approfondie de l'an­ cienne histoire ecclésiastique allait faire découvrir dans cette collection bien des anachronismes cho­ quants. Mais à côté dc ces difficultés et de ces soupçons soulevés par la critique, H y en eut d'autres inspirés par des motifs religieux et ecclésiastiques. Tel pas­ sage, favorable à la suprématie dc l’Égllsc romaine, offusquait les protestants ; tels autres, favorables à l'épiscopat, déplaisaient aux presbytériens. Les catholiques, pour la plupart, acceptaient l’authcntl· cité et l'intégrité dc la recension. Petau, du moins, soutint qu’elle était interpolée. Parmi les protestants, quelques-uns, tels que Scultct, en 1598, et plus tard Saumaisc, la soupçonnèrent aussi d’interpolation. Védcl, professeur à Genève, en donna une édition en 1G23, où il eut soin dc mettre en tête les lettres qu'il jugeait authentiques, mais interpolées, à savoir les lettres signalées par Eusèbe. et relégua les autres dans un appendice, comme apocryphes. Mais il n'avait pas le moyen dc prouver et de souligner les interpola­ tions des premières. C'est la découverte d'Ushcr, l'ar­ chevêque anglican d'Armagh, en Irlande, qui allait le fournir et préparer ainsi la solution dc la question ignaticnnc, en permettant en outre de condamner définitivement, comme apocryphes, les lettres addi­ tionnelles, dont Eusèbe n’avait pas fait mention. 3. La collection moyenne. — Usher avait remarqué que les citations de saint Ignace, faites aux xin· et xiv· siècles par des auteurs anglais, différaient du texte dc la collection longue et concordaient avec celles qu'on trouve dans les anciens Pères. 11 y avait donc interpolation. Son soupçon devint une certitudo quand il eut découvert une version latine des lettres dc saint Ignace, dont le texte répondait exactement aux citations d’Eusèbc et de Théodoret. Plus dc doute, pensa-t-il, ccttc version donnait le texte authentique des lettres énumérées par Eusèbe. Il n’eut qu’un tort, celui d’écarter, parce qu’il la croyait apocryphe, la lettre à Polycarpe, et il publia sa découverte. Polycarpi cl Ignatii epistola, Oxford, 164 I. Son opinion fut bientôt corroborée par le texte grec dc ccttc ver­ sion latine qu’ Isaac Voss avait trouvé et qu’il publia. Epistola genuina sancti Ignatii martyris, Amster­ dam, 1646. Il n’y manquait que l’épitrc aux Romains, découverte bientôt après par Ruinart dans le Marty­ rium Colberlinum, et publiée par lui dans scs Acla marly rum sincera, Paris. 1689. C'est cc qu’on est convenu d’appeler la collection moyenne, parce qu'elle est dc moindre étendue que la précédente et beaucoup plus longue que celle de la version syriaque dont il sera question plus loin. Dc ccttc collection moyenne il existe une version arménienne, publiée pour la première fois à Constantinople, en 1783, des fragments dans une version syriaque, publiés par Cureton, Corpus Ignatianum, Londres. 1819, p. 197sq., 694 et un fragment important dans une version copte, publié pour la première fois par Lightfoot. SL Igna­ tius, t. if, p. 859-864. La découverte d*Usher était dc nature à trancher le débat sur la question d'authenticité et d’intégrité des lettres dc saint Ignace, car les objections soulevées contre la collection longue ne pouvaient plus tenir. Mais comme la collection moyenne contenait encore des passages non moins favorables à l’épiscopat, les protestants français et anglais continuèrent à rejeter en bloc toutes les lettres de saint Ignace, tant celles dc la collection moyenne que celles dc la collection longue. Tels Saumaisc, Adparai us ad libros dc pri­ matu papre, Leyde, 1645 ; Blondel, Apologia pro sententia Hieronymi de episcopis el presbyteris, Ams­ terdam, 1646 ; et surtout Daillé, De scriptis qua sub Dionysii Areopagita et Ignatii Antiocheni nominibus circumferuntur libri duo, Genève, 1666, dont l'œuvre touiTue et confuse suscita la magistrale riposte de Pearson, évéque anglican de Chester, Vindicia Ignaliana, Cambridge, 1672. Dans son ensemble et com­ parée à l'attaque de Daillé, c'était dc la part de Pear­ son, dit Lightfoot, SL Ignatius, t. t, p. 320, la réplique dc la lumière aux ténèbres. Dès lors la discussion pouvait être considérée comme close. Elle continua pourtant encore, mais avec moins d âpreté ; Cureton a dressé la liste de ceux qui y prirent part, dans l'ap­ pendice dc ses Vindicia Ignatiana, Londres, 1846. Un résultat, du moins, passait pour définitivement acquis, celui de la condamnation de toutes les lettres non signalées par Eusèbe. 4. La collection brtv'. — Celle-ci, ainsi nommée parce quelle ne contient que trois lettres beaucoup plus courtes que les lettres correspondantes dc la col­ lection moyenne, est uniquement représentée par une version syriaque dans deux manuscrits du désert de Nitric, apportés à Londres et déposés au British Museum. Cureton la publia, non sans prétendre qu'elle était la seule authentique. Aneient syriac version of the epistles of St. Ignatius lo St. Polycarp, the Ephesians and-the Unmans, Londres, 1845. Ce fut le point de départ d’une nouvelle controverse, où toute la ques­ tion ignattonne fut dc nouveau agitée. Car si Cureton avait raison, il fallait abandonner ce que Ton croyait acquis par la critique et les travaux d’Usher et de Pearson ; il fallait de plus ne retenir, comme authen­ tiques, que trois lettres sur les sept signalées par Eusèbe, à savoir celles de la version syriaque, à l’ex­ clusion des lettres correspondantes dc la collection moyenne. Mais avait-il raison? Wordsworth ne le crut pas. Dans VEnglish review, n. 8. juillet 1845, p. 348» il soutint que la version syriaque n'était qu'un abrégé, dû à un culychien, qui, au lieu dc détruire la valeur du texte grec d’Ignace tenu jusqu'alors pour authen­ tique, pourrait servir à le confirmer. Cureton releva le gant dans scs Vindicte Ignatiana, Londres, 1846, puis, ayant trouvé un troisième manuscrit, également au British Museum, il publia son Corpus Jgnatianum, Londres, 1849, qui contient la collection complète des épîtres dc saint Ignace, authentiques, interpolées et apocryphes, avec les nombreux passages cités par les écrivains ecclésiastiques, depuis le x· siècle, en syriaque, en grec cl en latin. Une traduction an­ glaise du texte syriaque et beaucoup de notes accom­ pagnent le texte. La mêlée devint aussitôt générale. Du côté de Cureton se rangèrent Bunsen, Die drei ûchtcn und die drei unlichten Briefe des Ignatius von Anliochien, Hambourg, 1817 ; Ignatius von Anliochien und seine Zcit, Hambourg, 1847 ; Rltschl, Entstehung der altkalholischen Kirehe, 1850 ; Weiss, dans le Reper­ torium dc Benter, 1852, p. 169; Lipsius, Ueber die Aechthcit der syrischen Recension der ignatianischen 695 IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) dans les sept dc la collection longue, mettant en tête Briefe, dans Zeitschrift fûr die historische Théologie, 1856,1.1, p. 3 sq.; L'ebcr dus Verhûliniss des Textes der la lettre de Marie ù Ignace ct la réponse d'Ignace j drei syrischcn Bricfe des Ignatios :u den ûbngcn Keren- Marie. Viennent ensuite : les lettres aux Tralilem, sionen der ignalianischen Literatur, dans Abhandlun- aux Magnésiens, aux Tarsiens, aux Philippiens, aux Philadelphicns, aux Smyrniens, à Poly carpe, aux gen filr die Kunde des Morgcnlandes, 1859, t. i,p. 1 sq.; Antiochicns, ù Héron, aux Éphésiens, aux Bomaini. Pressensé, Les trois premiers siècles, Paris, 1858; Sans doute, ccs six lettres sc trouvent aussi dam ln Ewald, Geschtchte des Volkes Israël, Gœltingue, 1859, collection moyenne, mais disposées d’une manière t.vn, p. 281 sq.; Mihnan, History of Christianity, 1SG3, t. n, p. 102 ; Bohringcr, Kirchcngeschichle in Biogra- différente ct singulièrement significative; elles n’y phien, 18G4, t. j, p. IG sq. forment qu'un seul groupe, ajoutées comme un appen­ Mais les opposants ne manquèrent pas, tant du côté dice avant les Actes où sc lit la lettre aux Romain*. protestant que du côté catholique. Dès 1817, dans la 1 Même groupement ct même rejet en appendice dan·, troisième édition dc scs Patres apostolici, Heielc sou­ la version arménienne, avec cette différence qu’ld. tint que la version syriaque n’était qu’un abrégé fait les Actes ne paraissant pas, la lettre aux Romain» par un moine syrien pour son usage personnel, comme reprend sa place avant le groupe des six lettres addi­ l'indique le caractère meme des manuscrits, qui tionnelles. Ccttc disposition est révélatrice. Le posses­ ne renferment que des extraits. D’autres critiques seur des lettres dc saint Ignace dc la collection s’inscrivirent en faux contre l’opinion de Cureton; moyenne, trouvant une liste plus longue que la sienne, Dcnzingcr, par exemple, Ueber die Acchthcit des a voulu enrichir son recueil. Sans comparer le texte bisherigen Textes der ignalianischen Bric/c, Würz­ de scs lettres avec celui des lettres correspondantes bourg, 1849 ; et Uhlhorn, Zeitschrift fûr die his­ de la collection longue, cc qui lui aurait pennis dcdé­ torische Théologie, 1851. Baur, pour sauvegarder les couvrir la différence ct d’en constater l'interpolation, théories de l’école dc Tubinguc sur le canon des il s'est contenté dc copier les six qu'il n’avait pas Écritures ct l’histoire dc la primitive Église, rejeta mais en les mettant toutes ensemble à la suite, saut la recension nouvelle. Die ignalianischen Bricfe und à rejeter à la fin les Actes qui contenaient l'épltrc ihre ncuester Kriliker, ein Slrcilschrift gegen Hernn aux Romains. L’auteur de la version arméniennes Bunsen, Tubinguc, 1848; de môme Hllgcnfcld, Die fait dc meme, sans avoir à séparer la lettre aux Ro­ aposlolischen Vater, 1853, p. 274-279. En outre Peter- mains du groupe dc celles dc saint Ignace, parce que mann, S Ignatii epistolœ, Leipzig, 1849, par la pu­ sa collection ne possédait pas les Actes. Ccs six lettres blication dc la version arménienne, ct Marx, Maletc- additionnelles sont donc apocryphes; le faussaire qui mata Ignatiana, Halle, 18G1, contribuèrent à prouver les a composées est en même temps l’intcrpolatcur de; la priorité de la recension moyenne. Zahn surtout, sept autres. Ignatius von Anliochien, Gotha, 1873, ruina l’opinion 2. Les lettres interpolées.— Cc sont les sept lettres de de Cureton ct porta le demier coup à l’authenticité saint Ignace de la collection longue. Ccttc collection dc la version syriaque Et Lightfoot, dans un examen n’a été citée au plus tôt qu'à la fin du vi° siècle par détaillé de ccttc version, au double point dc vue de Anastase d'Anliochc ct Étienne Gobar. Voir les l’évidence interne et externe, a définitivement clos textes dans Lightfoot, St. Ignatius, t. j, p. 195-196. le débat. St. Ignatius, t. i, p. 273-311. Personne, dit Mais avant de supplanter la collection moyenne, dont Funk, op. cil., t. i, p. lxh, ne détend plus l’Ignace se servaient les écrivains monophysltcs, un assez syriaque. long intervalle dc temps a dû s'écouler. D’autre part, 3° La question d'authenticité ct d'intégrité.— 1. Les la version arménienne, qui est du v· siècle, d’après lettres apocryphes.— Sur les treize lettres publiées sous Somal, Quadro dcllc opere di vari autorc anlicamtnlt le nom de saint Ignace, six sont suspectes du fait seul tradotle in Armcno, Venise, 1825, ct Pclcnnann, qu’elles n’ont pas été signalées par Eusèbc. Lightfoot, S. Ignatii epistolœ, Leipzig, 1849, contenait déjà k St. 1 gnatius, t. i, p. 234-235, a fait ressortir leur carac­ six lettres additionnelles dc la recension longue. Cotte tère apocryphe. Ce sont : une lettre de Marie de Casso- recension longue existait donc antérieurement, nu boles â Ignace, la réponse d'Ignace à Marie, ct quatre plus tard à la fin du iv® siècle. Son examen interne autres lettres d’Ignace aux Antiochicns, à Héron, donne des indications suffisantes pour ne pas remon­ diacre d’Antioche, aux Tarsiens ct aux Philippicus. ter plus haut que la seconde moitié du iv® siècle ; telles Au point dc vue dc la critique interne, clics offrent sont celles qui concernent la hiérarchie, les jeûnes, les avec les sept lettres d'Ignace dc la collection longue noms de lieux ct dc personnes, les emprunts littéraires, une telle ressemblance qu’on est en droit de conclure la doctrine. A propos dc la hiérarchie, par exemple, il qu'elles sont d’une seule ct môme main : le faussaire est question des sous-diacres, des lecteurs, des chan­ qui a fabriqué ccs six lettres additionnelles a également tres, des portiers, des χοπιάται, fossoyeurs, des exor­ interpolé les sept autres. On trouve, en effet, dans cistes ct des confesseurs, fonctions du clergé inférieur les unes ct dans les autres, le même emploi des textes qui n'étaient pas toutes nouvelles vers 360, mais qui scripturaires et des exemples tirés dc la Bible, le même constituent un anachronisme pour l’époque dc saint ensemble doctrinal ct les mêmes termes théologiques, Ignace. A propos du jeûne, il y est question dc celui les mêmes emprunts littéraires, le meme style. Les du carême, et l'on y combat ceux qui célébraient lettres, censées écrites dc Philippes aux fidèles dc la Pftquc en même temps que les juifs ; or la ques­ Tarse ct d'Antioche, s'attachent bien à démontrer tion des quartodéelmans n'a été soulevée qu’à la la divinité de Jésus-Christ et la réalité dc son incar­ fin du n® siècle, longtemps après saint Ignace. L’au­ nation, mais le faussaire sc trahit quand il parle des teur dc l’interpolation est au courant dc la littérature fonctions dc sous-dlacrc, dc lecteur, de chantre, de ecclésiastique du iv® siècle. Ainsi l’endroit où il fait portier, d’exorciste, dont l'apparition parmi les d’Éblon un hérétique. Ad Philad., vi, 3, dans Funk, membres du clergé inférieur est dc date postérieure op. cit., t. n, p. 134, est un emprunt à Eusèbc, H.E. à l'époque dc saint Ignace. Celle qui est censée écrite in, 27, P. G., t. xx, col. 273; le passage relatif au Logos, Ad Magn., vin, 2, dans Funk, op. cil., t. n, d'Italie aux Philippicus reporte à une date encore plus éloignée dc saint Ignace, car c'est une thèse ! p. 8G, rappelle Eusèbc, Eecl. theol., u, 8, 9, P. G., pour prouver qu’il n'y a pas trois Pères, trois Fils, t. XXIV, col. 913-920; cf. Ad Magn., vi, et Cont. Slorc., trois Saints-Esprits, ct que ccs trois personnes ne se n, 1, 4, d’Eusèbc; la remarque surin descente du Christ sont pas incarnées. D'autre part, le faussaire, pour ne aux enters, d'où H ramena une multitude, est un cmpas éveiller dc soupçon, les a glissées, deux par deux. i prunt à Ia Doctrina Addai, conlormc à la citation 697 IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) d‘Eu;èbc, II. E., i, 13, P. G., t. xx, col. 128; l'ex­ pression oJ Χριστιανοί X ριστήικοροι, Ad Trail., vî, 2, dans Funk, op. cil., t. n. p. 64, est de saint Basile, Epist., ccxl, P. G., t. xxxn, col. 897. L'auteur con­ naît semblablement les controverses théologiques dc la même époque, l'arianisme, le scml-arianismc, l’apolllnarlsmc, sans la moindre allusion aux erreurs de Nestorius ct d’Eutychès ; mais H n’est pas aisé de découvrir, au point de vue doctrinal, sa propre pensée. Parfois il corrige certaines expressions du vrai Ignace dans un sens nettement orthodoxe ; c’est ainsi, par exemple, qu’à la place dc sang dc Dieu, Ad Ephes., t, 1, dans Funk, op. cil., t. î, p. 211, H met sang du Christ, Ad Ephes., I, 1, Funk. t. n, p. 182; ct là où Ignace avait écrit : « Notre Dieu Jésus-Christ a été porté dans le sein dc Marie », Ad Ephes., xvm, 2, Funk, t. T, p. 22G, il met : « Le Fils dc Dieu qui est né avant tous les siècles. ■ Ad Ephes^ xvm, 2. dans Funk, op. cit., t. n, p. 202. Parfois aussi il semble pencher en faveur tantôt dc l’arianisme, tantôt de i’apollinarisme. Leclerc, Patres apost., Amsterdam, 1721, t. π, p. 506 sq., et Grabe, Spicilegium, Oxford. 1698-1692, t. n, p. 225, ont vu en lui un arien ; de même Zahn, qui a proposé dc Videnti lier avec Acacc de Césarée. Ignatius von Anliochien, Gotha, 1873, p. 132 sq. Pour Funk, Theol. Quarlalschri/t, t. lxiî, p. 355 sq., ce fut plutôt un apollinaristc. Mais quelle qu’ait été son erreur doctrinale, il n’en est pas moins l’auteur des six lettres additionnelles et l’inlcrpolatcur des sept autres. 3. Les lettres authentiques.— Après une controverse qui a duré plus dc deux siècles, c’est l’opinion d’Usher, de Voss, dc Pearson ct dc tant d’autres qui doit pré­ valoir. Pour tout esprit impartial, l’authenticité des sept lettres dc la collection moyenne ne saurait être mise en doute. Outre qu’elle a pour elle des témoigna­ ges qui remontent au π· siècle, ceux dc saint Polycarpc.de saint Irénéc, puis, plus tard, ceux d’Origène, d’Eusèbc ct de Théodorct, elle échappe à tous les arguments tirés de l’examen interne qu’on a fait valoir contre elle. Ces arguments sont nombreux, mais aucun ne tient. Il sulHra dc rappeler les principaux. a) Ceux qui sont relatifs d la condamnation ct d la mort de saint Ignace. — Il n’est pas vraisemblable, dit-on, que Trajan, l’auteur du reserit à Pline, ait condamné lui-même l’évêque d’Antioche à être livré aux bêtes dans l’amphithéâtre romain. Dc telles condamnations n’eurent lieu que sous Marc-Aurèlc, et on n’envoya jamais les condamnés à Home. Mais les lettres ne font allusion ni à un jugement ou une condamnation par Trajan, ni à une persécution générale; clics laissent plutôt entendre que la sen­ tence a été portée par le légat dc Syrie ct montrent que la paix régnait en Asie, ailleurs qu’à Antioche, puisque, pendant son voyage, Ignace a pu confé­ rer librement avec les communautés chrétiennes ct leurs chefs. Et s’il est vrai que, sous MarcAurèlc, les chrétiens dc Lyon ne furent pas en­ voyés à Koine pour y subir le martyre, on a des exemples qu’au π· siècle Borne reçut, des provinces, quelques condamnés aux bêtes, comme en témoi­ gne le Digeste, XLVIII, xix. Cette loi défend seulement un abus : elle Interdit d’envoyer à Borne des condamnés aux bêtes, à moins qu’ils n’en fussent dignes, auquel cas il fallait recourir à l’empereur: sed si ejus roboris vel arliflcii sint ut digne populo romano exhiberi possint, principem consulere debet. b) Invraisemblance de ce qui est dit dans Γitinéraire. —Cc transfert d’un prisonnier condamné aux bêtes ressemble plutôt, dit-on encore, à une marche triomphale ct suppose en tout cas une bien grande >liberté. Mais on oublie qno saint Paul, quelques 698 années plus tôt, a pu librement prêcher, et que très souvent des chrétiens ont pu, à prix d'argent, s'en­ tretenir avec les martyrs ct recevoir de ceux-ci quelques billets. On oublie également le De morte Peregrini de Luden. Cc satirique, qui vécut au n° siècle, a tenu pour digne dc fol ce qu'on racon­ tait du martyre d’Ignace, ou, s'il n’a pas connu les lettres de l’évêque d’Antioche, il n fait un tableau de la vie et dc la mort de son héros, qui rappelle singulièrement les divers traits du voyage et dc la mort d'Ignace.Voir les rapprochements nombreux, el, semble-t-il, décisifs, relevés par Funk, Opera Pair, apost., Tubinguc, 1881, t. I, p. l-lï, ct par Lightfoot, SL Ignatius, 1.1, p. 137-141. c) Certaines lettres ne s'expliquent pas. — Pourquoi écrire à telle Église plutôt qu'à telle autre? Pourquoi, notamment, à celle d’Éphèse, de Magnésie et de Tralles, dont il a reçu les légats, et auxquels il pouvait si I facilement confler dc vive voix cc qu’il voulait faire entendre à leurs communautés? Mais autre chose est d’écrire directement à une Église, autre chose de lui faire parler par des tiers. En remerciant les fidèles d’Éphèse, de Magnésie ct dc Tralles dc la consolation qu’ils lui avalent procurée par l’envoi de leurs repré­ sentants, Ignace profita de l’occasion pour les mettre en garde contre les hérétiques qui faisaient alors de la I propagande en Asie. Quant aux Smyrniens ct aux Philadelphiens, qu'il a vus à son passage, il a un motif de plus de leur écrire, celui de les prier d’envoyer à Antioche un délégué pour lui faire part dc la joie qu'il a éprouvée à recevoir le diacre Agathopus et à ap­ prendre l’heureux retour dc la paix. Les lettres à saint Polycarpc ct aux Romains se justifient sans peine par clles-mêmcs.Tandis que Renan. Les Évan­ giles et la première génération chrétienne, Paris, 1877, p. x-xxxv, ne reconnaissait comme authentique que la seule lettre d’Ignace aux Romains. D. Vôlter, Die Losung des Ignatianisshen Frage, dans Theologisch Tijdschrilt, 1886, p. 114-136; Ignatius-Peregrinus, ibid., 1887, p. 272-280 ; Die Ignalianischen Brie/e auf thren Ursprung unlersucht, Tubingue, 1892, soutint que cette lettre était un faux dc la fin du ni· siècle ct que les six autres épltres ignaticnnes étaient l’œuvre de Peregrinus, le Protéc dc Lucien dc Samosatc ; cc ne fut que plus tard, 160-170, quand leur auteur eut passé à la secte des cyniques, qu'elles furent attribuées à saint Ignace. Édouard Bruston admit l’authenticité des six lettres aux Églises d’Asie Mi­ neure. mais prétendit que celle qui était adressée aux Romains avait été fabriquée par un anonyme à la fin du n· siècle. Ignace d'Antioche, ses épltres, sa vie, i sa théologie, Montauban, 1893. A. Stall. Ignalianische Untcrsuchungen, I. Die Authentic der Sieben Ignatiusbrie/e, Grclsswald. 1899. démontra que cette épître ne dilTérait pas tellement des autres qu’elle dût être i attribuée à un autre auteur et qu’elle avait réellement élé écrite par saint Ignace. Otto Pflcidercr. Urchris(enlum, seine Schri/ten und Lchren, Berlin. 1887. était l’adversaire de l’authenticité des lettres ignatiennes ; mais il changea complètement d’avis dans la 2· édi­ tion dc cet ouvrage» 1902, t. n, p. 226-256. d) Certains traits ne seraient pas dignes d*un Père apostolique. — Tels passages témoigneraient, dit-on, dc quelque orgueil, d’autres d’une humilité affectée, d’autres encore d’une ardeur exagérée pour le martyre. Fussent-Ils vrais, ces reproches ne prouveraient rien contre l’authenticité des lettres. Or, ils ne sont pas fondés. Sans doute Ignace avoue qu’il pourrait écrire des choses célestes, mais il s’en abstient dans la crainte que cela no dépassât la portée d’esprit de scs corres­ pondants. Si c’est là dc l’orgueil, la phrase qui suit immédiatement est pour avouer qu’il a beau porte 6ί» IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) des chaînes, dire â même de comprendre ce qui re­ garde les anges, les choses visibles ct invisibles, il n’en est pas pour autant un disciple. Ad Trail., v. Car. pour lui, l'idéal du disciple, c’est l'imitation dc son Maître jusqu'à la mort ct par une mort semblable à la sienne ; disciple complet ct parfait, il le sera quand sa vie sera couronnée par le martyre. Ad Rom., î v, 2 ; Ad Polyc., vu, 1. En attendant, il ne l'est pas encore. Ad Ephes., î, 2 ; Ad Rom., v, 3. 11 ne sc prend pas pour un personnage capable d'enseigner les autres. Ad Ephes., in, 1. Il sc garde bien dc sc mettre au même niveau que les apôtres. Ad Trail., in, 3 ; Ad Rom., iv, 3.Use dit le plus petit dc ses correspondants. Ad Magn., xi ; le plus infime ct le dernier dc scs frères dc Syrie. Ad Ephes., xxi, 2; Ad Trail., xm, 1 ; Ad Rom., ix. 2 ; indigne dc compter parmi les chrétiens d'Antioche. Ad Magn., xiv; Ad Trail., χιπ, 1. Et comme saint Paul, il sc déclare un avorton. Ad Rom., ix, 2. Autant de formules, d'une sincérité réelle, où il est difficile dc voir une affectation d'humilité. Saint Ignace, il est vrai, a désiré le martyre, mais sans en faire naître la cause, sans en provoquer la sentence. Une fois condamné, il s'est réjoui dc l'hon­ neur qui allait lui échoir, ct, loin dc se soustraire ù la mort, il n'a eu qu'une crainte, celle de quelque inter­ vention indiscrète qui pourrait l'empêcher d'en béné­ ficier. Qu’on traite cela de fanatisme ou d'excès de zèle, on ne doit pas s'en étonner quand on sc rappelle combien d'autres, Λ l'époque des persécutions, s'offri* rent volontairement au martyre. Ignace était con­ damné, en route pour le lieu de son supplice, il lui tardait d’en finir. Les circonstances expliquent son langage. Il fait allusion à scs chaînes, Ad Magn., î ; Ad Philad., v ; il parle de son prochain martyre, Ad Ephes., î, m ; Ad Smyrn., iv, x, xi ; Ad Polyc., vu ; Ad Trail., m, iv, x, xn, mais d'une façon incidente. Cc n'est que dans l’épltre aux Romains qu'il laisse éclater l'ardeur dc ses sentiments, non sans manifes­ ter la peur que la crainte des tourments ne lui enlève la palme du martyre. Ad Rom., vn, 1. Et cc serait une erreur dc croire qu'il attribue moins de force à la volonté qui fait accepter le martyre qu’au martyre ! lui-même. Il ignore s’il est digne de souffrir. Ad Trail.. iv, mais il demande des prières pour en être digne ct conquérir ainsi Dieu, regardant comme une grâce ct un don de la miséricorde divine la réalisation dc scs désirs. Ad Rom.,\, 2; ix, 2. Cf. Zahn, Ignatius υοη Antiochien, p. 400-424 ; Funk, Opera Pair, apost., 1.1, p. lxix ; Lightfoot, St. Ignatius, t.1, p. 391-394. e) Prétendu anachronisme au sujet des hérésies combattues par les lettres.— L'une des raisons alléguées pour prouver que les lettres dc la recension moyenne ne sont pas authentiques, c’est que l'hérésie qu’elles combattent accuse un âge postérieur, puisqu’il y est fait allusion au gnosticisme dc Valentin. Cette raison est sans valeur : l’hérésie attaquée n'est pas celle des gnostiques du second tiers ou dc la fin du n· siècle, mais celle de la fin de l'âge apostolique, telle que l’ont combattue saint Paul ct saint Jean ; il n'y a donc pas d’anachronisme. En effet, sans nommer personne, saint Ignace, par les allusions qu'il fait, les expressions dont il sc sert, les quelques caractéristiques qu’il donne, désigne une erreur mâtinée de judaïsme et dc gnosticisme, à la fois judalsante et docètc. D'une part, il vise des judaïsants. Il avertit, par exemple, les Magnésiens, de ne pas sc laisser séduire par des fables antiques, qui ne servent â rien ; de ne pas judalscr, car vivre à la manière juive serait avouer qu'on n'a pas reçu la grâce. Les pro­ phètes ont vécu scion le Christ, ct des juifs ont délaissé le sabbat pour célébrer désormais le jour du Seigneur le dimanche. Il faut vivre selon le christianisme et rejeter le vieux ct mauvais levain pour le levain nou­ 700 veau, qui est le Christ, car il est absurde dc confesser le Christ ct de judaïser. Ad Magn., vm-x. Il met en garde les Philadclphicns contre ceux qui proposent le judaïsme. Mieux vaut, leur écrit-il, entendre le christianisme dc la part d'un circoncis que le judaïsme dc la part d'un incirconcis. Ad Philad., vi, 1. Il leur rappelle le conflit qu'il eut chez eux avec ceux qui refusent d’accepter dans l'Évangile ce qu’ils ne trou­ vent pas dans l'Ancien Testament ; il proclame la supériorité du Grand-Prêtre de la loi nouvelle sur les prêtres dc l’ancienne loi ; c'est â cc Pontife su­ prême qu’a été confié le Saint des saints, qu’ont été livrés les secrets de Dieu ; il est la porte du Père par laquelle entrent Abraham, Isaac, Jacob, les prophètes, les apôtres, l’Église. L'Évangile est la perfection dc la vie éternelle. Ad Philad., ix. D’autre part, saint Ignace s’en prend au docétisme, qui substituait un fantôme à l’humanité du Chr’q. ne voyant dans son origine ct sa naissance humaine, dans son baptême, sa passion, sa mort ct sa résurrec­ tion, que dc pures apparences. C'est pourquoi il ne cesse d'affirmer la réalité dc tous ces événements répétant que le Christ est vraiment né, vraiment mort, vraiment ressuscité. Ad Trait., xi; Ad Smyrn., ι·ιιι. Il insiste sur cc fait qu'après sa résurrection, le Christ a invité scs disciples à le toucher, à le palper, pour bien sc convaincre qu’il n’était pas un fantôme. Ad Smyrn., ni. Ces docctcs niaient donc la chair ct le sang du Christ,ses souffrances, ct regardaient sa croix comme une pierre d'achoppement. Ad Ephes., xvin; Ad Magn., ix; Ad Philad., m ; Ad Smyrn., î. v. vi. Les vrais croyants.au contraire, sont ceux qui confessent la réalité de l’humanité du Christ, qui cherchent un refuge dans sa chair, qui se réjouissent dc sa passion, qui s’ap­ puient sur sa croix. Ad Magn., xi; Ad Trail., n, vm; Ad Smyrn., î. Les êtres spirituels eux-mêmes, tels que les anges, ne peuvent être sauvés à moins dc croire au sang du Christ. Ad Smyrn., vi. Si le Christ n'est qu’une apparence, vide de réalité, tout n'est alors qu’une apparence, et la souffrance des martyrs, ct les héré­ tiques eux-mêmes. Ad Trail., x ; Ad Smyrn., n, iv. De prime abord, on pourrait croire qu’il s'agit là de deux hérésies distinctes ; mais la manière dont saint Ignace parle, sans distinction, du judaïsme ct du docétisme, comme d'une plantation qui n'est pas celle du Père, Ad Trail., xi, 1; Ad Philad., ni, 1; comme d'une plante ét ran gère et d'une mauvaise herbe, Ad Trail., vi; Ad Philad., m. 1 ; comme d'une doctrine hétérodoxe. Ad Magn., vin ; Ad Smyrn., vi, laisse entendre qu’il n’a en vue qu’une seule ct même erreur. C'est déjà une présomption qui devient une réalité quand on examine de plus près son langage. Après avoir attaqué les judaïsants, dans su lettre aux Magnésiens, saint Ignace ajoute qu’il n écrit ces choses, non qu’il sache que quelques-uns d’entre eux sont animés d'un tel esprit, mais parce qu'il désire les voir précautionnés contre l’hameçon d'une vaine doctrine ct pour qu’ils soient pleinement certains dc la naissance, de la passion ct de la résurrection dc Jésus-Christ. Ad Magn., xi. C’est donc que ces faux docteurs du Judaïsme professaient en même temps lo docétisme. Pareillement, dans sa lettre aux Philadcl­ phicns, il met scs lecteurs en garde contre ceux qui professent le judaïsme, il leur rappelle la discussion qu’il eut chez eux avec ccs faux docteurs qui en appelaient au témoignage dc Γ Écriture, ct il ajoute aussitôt ces mots : · Mes archives à moi sont Jésus-Christ, sa croix, sa mort, sa résurrection... Cc qui fait la prééminence dc l Évan­ gile, c'est l'avènement dc notre Sauveur, sa passion ct sa résurrection. » Nouvelle preuve que ccs faux docteurs étaient des judéo-gnostiques ou des docèles judaïsants. Sur le docétisme combattu par saint 701 IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) Ignace, voir t. IV, col. 1488-1490. Cf. Dhlhorn, Zeffschri/t lür hist. Théologie, 1851, p. 283 sq.; Lipsius, Ueber die Acchtheit der syrischen Recension, dans Xeltschri/l /Ur hist. Théologie, 1850, p. 31 sq. ; Zahn, Ignatius υοη Anliochien, p.356 sq.; Lightfoot, St. Igna­ tius, 1.1, p. 359 sq. L’anachronisme qu'on a voulu voir dans une allu­ sion d’un passage de l’épltre aux Magnésiens, Ad Magn., vm, 2, au gnosticisme dc Valentin n'existe pas, pour la bonne raison, comme on le verra plus bas, que cette allusion est elle-même inexistante. Les lettres dc la collection moyenne ne portent pas la moindre trace d’une allusion quelconque aux contro­ verses guostlques, à la discussion de la Pâque ct à l’agitation montanlstc, cjui ont eu lieu dans le cou­ rant du n · siècle ; elles sont bien du temps ct dc la main dc saint Ignace ; leur authenticité ne saurait plus être mise en doute. /) Ces lettres, étant un plaidoyer en /aveur dc l'épis­ copat, sont postérieures à saint Ignace.— Cette objec­ tion ne tient pas plus que les précédentes. Saint Ignace, en effet, ne plaide pas en faveur dc l’épiscopat contre toute autre forme du gouvernement ecclésiastique; il ne laisse pas soupçonner qu’il y ait le moindre conflit entre puissances rivales ; il constate ce qui est. Luimême sc dit évêque dc Syrie, Ad Rom., u; et, quand il parle d’Antioche, privée de sa présence, il écrit qu’elle n’a d’autre pasteur que Dieu, d'autre évêque que Jésus-Christ. Ad Rom., ix. Il nomme les évêques d’Éphèse, dc Magnésie et dc Tralles ; il fait allusion à l’évêque dc Philadelphie ; il parle souvent de Polycarpc, évêque dc Smyrna, et il lui écrit ; il laisse entendre qu’en dehors de la Syrie ct de l’Asie, l’épiscopat fonc­ tionne, quand il affirme que « les évêques établis à travers la terre sont dans les conseils dc Jésus-Christ ». Ad Ephes., m, 2. Bref, à ses yeux, l'épiscopat n’est pas une fonction nouvelle, mais une institution établie ct reconnue, dont il a soin dc souligner la double carac­ téristique. C'est un épiscopat unitaire: «Ayez soin dc n’avoir qu’une seule eucharistie : une seule chair dc Notrc-Scigncur Jésus-Christ ct un seul calice dc son sang pour l’union, un seul autel, comme il n'y a qu’un seul évêque avec le presbytérat ct les diacres. » Ad Philad., iv. C'est un épiscopat monarchique : « Tous attachez-vous à l'évêque, comme Jésus-Christ au Père, ct au presbytérat comme aux apôtres. Obéis­ sez aux diacres comme à l’ordre dc Dieu. Que per­ sonne, sans l'évêquc, n’cxcrce aucune fonction ecclé­ siastique. Légitime est l'eucharistie célébrée par l’évêquc ou par celui que l'évêquc autorise. Que par­ tout où parait l'évêquc, là soit la foule (des fidèles), comme partout où est le Christ Jésus» là est l’Église catholique. Il n'est permis, sans l’évêquc, ni de bapti­ ser ni de faire l'agape. Mais tout ce que l’évêquc ap­ prouve est agréé dc Dieu. » Ad Smyrn., vm. Ce sont des faits : l’évêquc est unique, l’évêque possède tous les pouvoirs, l'évêquc peut sc faire remplacer; mais, sans lui, sans son autorisation, rien ne peut sc faire dc ce qui concerne l'église. Il est entouré d’un clergé, d’un collège dc prêtres et dc diacres; les membres du pres­ bytérat lui sont unis comme les cordes à la lyre. Ad Ephes., iv. Cc qui le rend digne d’honneur ct d’obéis­ sance. c'est qu’il est l'envoyé, le représentant dc Dieu, Ad Ephes., vi, le remplaçant, l’administrateur, le familier, le ministre dc Dieu. Ad Polyc., vi. Ainsi entouré dc son presbytérat ct dc scs diacres, l'évêquc est le centre dc l’ordre, la garantie ct la sauvegarde dc l’unité dans l’Église. C’est pourquoi, en face des hérésies qui s’agitent ct des schismes qui menacent, saint Ignace recommande si fortement l’union étroite avec l’évêquc, l’obéissance absolue Λ l'évêquc. < Quicon­ que est do Dieu ct de Jésus-Christ est avec l'évêquc. » Ad Philad., ni, 2. · Ceux qui sont soumis à l’évêque, 702 comme à Jésus-Christ, vivent selon Jésus-Christ. « Ad Trail., n. L Ceux-là font vraiment partie de l'ÉgILe, tandis que celui qui agit sans Pévêque n'a pas la conscience pure. Ad Trail., vn. Sc cacher de l’évêquc, c’est se mettre au service du diable. Ad Smyrn., ix. Saint Ignace, on le voit, ne se préoccupe guère de promouvoir l’épiscopat» qui serait en vole de formation, ct d'étendre ses attributions, mais il signale dans cette institution en exercice le moyen efficace de couper court à toutes les tentatives de l’hérésie ct du schisme. Il tient ainsi le langage qui convient au début du u· siècle. Voir Évêques. Ori­ gine de l'épiscopat, t. v, col. 1656-1701. 111. Doctrine.— « Les lettres de saint Ignace — les dernières leçons, les derniers conseils de l’évêque — forment, dit Bardenhewer, Les Pères de ΓEglise, trad, franç., Paris, 1898, t. I, p. 104, un des monu­ ments les plus considérables dc la littérature chré­ tienne primitive. On y sent déborder à flots l’amour de Jésus-Christ ct de son Église, ct au feu de cet amour le zèle pastoral s'embraser; en bien des pages on dirait un écho dc certaines Épi très de l'apôtre des nations. Le style y est partout d’une étrange vivacité, style extraordinaire, inimitable ; la phrase y est sur­ chargée dc pensées, pleine de sous-entendus, incor­ recte, souvent obscure ; l’élan du génie et la puissance des sentiments, que gênent les règles ordinaires du discours, en font éclater le moule trop étroit. Du point dc vue dc l’histoire des dogmes, les lettres du martyr d’Antioche, écrites en quelque sorte au seuil du chris­ tianisme, offrent une singulière Importance : dès la première heure, elles proclament entre autres, sans conteste, la constitutiondc l’Église catholique, la priinautédcl’Égliseroinainc ct la prééminence de l'évêquc dans chaque Église particulière.» Là ne se borne pas leur Intérêt; outre la contribution qu’elles apportent à l'histoire dc l’hérésie ct des origines dc l’épiscopat, clics renferment quelques traits relatifs à l’Écriture, au dogme, à la morale, d'autant plus précieux à relever qu’ils viennent incidemment sous la plume dc saint Ignace ct qu’ils impliquent d’importantes données passées sous silence. 1° Sur T Écriture sainte.— Pour désigner l’Écriture ct les livres inspirés qui la composent» Ignace n’a à son service qu’une terminologie encore Imprécise. 11 n’emploie ni le terme do γρχφι.»^c παλαιι ou dc χαχνη ωαΟήχη. Mais ces livres, dont il ne dit ni le titre, ni le nombre, constituent, à scs yeux, des ar­ chives, éo/iîx, Ad Philad., vin, 2» où l’on peut puiser des arguments d’autorité qui s'imposent dans rensei­ gnement chrétien. C'est à eux qu’il en appelle pour fermer la bouche à scs contradicteurs dc Philadelphie : λέγοντας αου αύτοις δτι γέγραπταη. C’est à eux qu’il emprunte par deux fois un texte avec la formule qui marque unccitationscripturairc: γέγρ«ται. Ad Ephes., v;Ad Magn , xu. Il ne dit pas · la Loi ct l’Évangile » ou » les pro­ phètes ct l’apôtre », mais il fait allusion d’une manière équivalente à la collection des livres qui composent Γ Ancien et le Nouveau Testament, quand il parle des pO3Ï/ttV prophètes ct dc l'Évangile ρχπον ojv taxer τοίς προφητχι;· <;χφ«τω, ci_ τΛt ιύχΎ,. co · A d Smyrn., mi, 2. Il semble distinguer deux parties dans l’Ancicn Testament : les prophéties ct la Loi. « Ni les prophéties, ni la Loi dc Moïse, ni même l'Évangile n’ont pu convaincre » les faux docteurs. Ad Smyrn., v, 1. Distingue-t-il aussi deux parties dans le Nouveau, les Épttres ct les Évangiles, quand il joint les apôtres à l’Évangile? C’est cc qui ne parait pas nettement établi. Il écrit sans doute : · Me réfugiant dans l'Évangile, comme dans la chair de Jésus, ct dans les apôtres comme dans le presbytérium de l’Église, » προσφυγών τώ ίύαγγίλήυ ώςσαρχί Ίησαυ, χχίτο’ς άποστόλοις ώςπρισ- 703 IGNACE D'ANTIOCHE (SAINT) 70'. £υτιρ;ω Ιχχλησίας. Ad Philad., v, 1. Et Γ vn croit bien.saisir I XVI, 28, marque d’abord, non point la génération sa pensée, quand il ajoute immédiatement après qu'il éternelle du Fils, mais sa mission sur la terre ou ton faut « aimer les prophètes parce que, eux aussi, ont incarnation, puis son étemelle ct absolue union avec annoncé l'Évangile, ont espéré dans le Christ, l’ont le Père, ct enfin son retour dans le ciel par son ascen­ attendu ct ont été sauvés par leur foi en lui. » Ad sion. Pour venir accomplir sa mission, le Fils de Dieu Philad., v, 2. Or, au moment où il s’exprime ainsi, s'est incarné dans lo sein dc Marie, pour naître de h les apôtres sont morts ct ils n’en constituent pas race de David, par l’opération du Saint-Esprit : ’Ιησούς moins, selon son expression, le presbytérimn de ό Χριστός ίχυοφοριζθη 6πό Μαρίας ζατ’ οίζο/ομίαν θεού l’Église. Comment donc remplissent-ils les fonctions ίχ σπέρματος μεν Δαυίδ. Πνεύματος δΐ άγιον. Ad du presbytérium relatives à l’enseignement, à la direc­ i Ephes., xvin, 2. Il appartient dès lors à la famille de David selon la chair ct est à la fois fils dc l’homme et tion morale ct à la discipline, s’ils n'ont point laissé fils de Dicurouvip/joOi ίν μια πίστει,χαί iv ’Ιησού Χριστώ par écrit des livres contenant leur prédication, leur doctrine, leurs préceptes ? Quels sont ccs livres? A τώ κατά σάρκα εζ γένους Δαυίδ, τώ υίώ άνθρωπέ tout le moins, les Évangiles; ceci n'exclut pas les χαί υίώ θεού. Ad Ephes., χχ, 2. Sa naissance, son Épîtrcs ct autres livres du Nouveau Testament, mais baptême, sa vie, sa passion, sa mort, sa résurrec­ la manière dc s'exprimer dc saint Ignace est trop tion sont des réalités, ct non de simples apparences, indécise pour permettre d'affirmer qu’il a voulu dési­ δς άγηθώς Ιγίννηθη, Içxyiv τε χαί επιν, αληθώς εδιώχθη gner les Épltres en même temps que les Évangiles. ίπί Ποντίου Πιλάτου, αληθώς εσταυρώθη χαί άπεθανεν, Quoi qu’il en soit, scs lettres portent des traces indé­ I δ; χαί αληθώς ήγέρθη από νεκρών. Ad Trail., ιχ, 1,2.Saint Ignace insiste sur cc polqt capital contre l'erreur niables delà connaissance qu'lia vait de presque tous les livres qui composent le Nouveau Testament. Light foot, docète; parlant du Christ, il le dit γεγενημένον αληθώς ίχ St. Ignatius, t. it, p. 1IG7-1109, en signale plus d’une παρθένου, βεβαπτισμενον ύπό Ίαιχννου, αληθώς ίπ·. centaine, dont dix-sept accusent une ressemblance Ποντίου Πιλάτου ζαι ΊΙρώδου τετράρχου καθηλωμένο* si étroite avec le texte sacré qu'on peut les considérer ύπερ ημών ίν σαρχί. Ad Smyrn., I, 1, 2., 'Αληθώς comme des citations textuelles; quant aux autres, Ιπαθιν, ώ; χαί αληθώς άνέστησεν εαυτόν, ουχ ώτπιρ beaucoup plus libres, elles sont, dans certaines dc άπιστοί τινις λέγουσιν, τό οοζείν αυτόν πεπονθίναι. Ad leurs expressions ou dans leur sens, un écho ou une Smyrn., n. Le Verbe incarné a ainsi deux natures dans l’unité dc personne: εις ιατρός ίστιν, σαρκικός réminiscence soit des Évangiles, soit des Épltres. 2° Sur le dogme.— 1. La Trinité.— Par trois fols ; τε ζαι πνευματικός, γιννητό; ζαι αγέννητος, ίν σαρχί saint Ignace nomme les trois personnes de la Trinité : γινόμενος θεός, εν θανάτω ζωη αληθινή, ζαι εζ Μαρία; une fois dans l'ordre mémo dc la formule baptismale, ζαι ίζ Θεού, πρώτον παθητός, χαί τότε απαθές, Πησοδς quand il écrit aux Éphésiens: < Vous êtes des pierres Χριστός ό κύριος ημών. Ad Ephes., vu, 2. Et c'est du temple du Père, préparées pour l’édifice dc Dieu ie l'unité dc personne qui permet à saint Ignace de Père, élevées en l'air par le levier de Jésus-Christ, parler du sang de Dieu pour dire le sang du Christ : qui est la croix, ct mues par le Saint-Esprit. » Ad îv αίμα τι θεού. Ad Ephes., i, 1. Ephes., ix, 1. Pierres ct temple sont deux métaphores Les souffrances ct la mort réelles du Christ ont eu suggérées par Eph., n, 20-22 ct I Pet., n, 5. Dans pour but de sauver le genre humain. C’est pour nous deux autres passages il place le Fils avant le Père ct qu’il a été crucifié : καθηλωμένου ύπερ ημών. Ad le Saint-Esprit, comme l'avait déjà fait saint Paul. 11 Smyrn., i, 2; qu'il est mort: δι'ήμχς άποθανόντα, Ad Cor., xiii, 13. « Efforcez-vous, écrit-il aux Magnésiens, Trail., u, 1 ; c’est pour nos péchés qu'il a souffert. Ad do vous raffermir dans la doctrine du Seigneur cr des Smyrn., vu, 1 ; c'est pour nous ct pour notre salut qu’il apôtres, afin que tout cc que vous ferez vous réussisse a tant souffert : πάντα επαθεν οι' ημάς, tvx σωβώμεν. h Ί’ιώ xal Πατρί xal iv Πνεύματι. » Ad Magn., Ad Smyrn., it, 1. C'est par le sang de Dieu que nous xiit, 1. Et 11 ajoute aussitôt: «Soyez soumis à l’évêque avons été rappelés à la vie : άναζη>πυρήσαντες ίν αιμα:ι comme les apôtres au Christ, au Père ct à l'EsprlL » θεού. Ad Ephes., i, 1. Et saint Ignace félicite les Ibid., XîiT, 2. < Cette manière do s'exprimer, remarque Smymécns d'avoir été fixés dans la charité par le sang Ccillicr, Hist, génér. des auteurs sacrés cl ccclés., Paris, du Christ, ίν αγάπη ίν αίματι Χριστού. Ad Smyrn., I. 1858-1867, t. I, p. 386. peut encore servir à montrer Comment pourrions-nous vivre sans le Christ ? Ad l’antiquité ct l'authenticité de ses lettres ; car si elles Magn., ix, 2. Sans lui nous nc possédons pas la vraie eussent été composées après que l'on eut réglé la vie: ου 7*»>ρ1ς τό άληθινόν ζην ούχ ί/ομεν. Ad Trail,, doxologle, l’auteur n'en aurait pas renversé l'ordre. » ιχ, 2. Car Π est notre vie véritable : τό αληθινόν ημών 2. La christologie.— a) Divinité de Jésus-Christ.— ζην. Ad Smijrn., iv, 1. Saint Ignace a donc raison Ό θζύς ημών 'Ιησούς Χριστός. C'est en ces termes qu'à d’appeler Jésus-Christ notre Sauveur : σωτηρ ημών, plusieurs reprises saint Ignace désigne Jésus-Christ. Ad Ephes., ι, 1 ; Ad Magn., titre ; Ad Philad., ix, 2; Ad Ephes., xvin, 2; Ad Rom., titre; ni, 3; vi, 3; Ad Ad Smyrn., vn, 1, ct dc voir dans sa croix notre salut Polyc., vm, 3. Il le déclare au-dessus ct en dehors ct notre vie éternelle : σταυρός δ ίστιν ήμίν σωτηρία du temps, iziow.zoç άχρονος, autrement dit éter­ καί ζωη αιώνος. Ad Ephes., xvni, 1. nel, Ad Polyc., ni, 2; étant dans le Père, έν Πατρί ών, Saint Ignace fait simplement allusion à la descente Ad Rom., ni, 3; étant auprès du Père avant les siècles, du Christ aux enfers, quand il dit, à propos des pro­ δς προ αιώνων παρά Πατρί 7(ν, Ad Magn., vi, 1; phètes qui attendaient Jésus-Christ comme leur image du Père, τύπο; τον Πατρός, Ad Trail., in, 1 ; docteur, que Jésus vint à eux ct les ressuscita. Ad Fils et Verbe du Dieu unique, qui s'est manifesté Magn., ix, 2. Cf. I Pet., ni, 19; iv, 6. Par deux fois. Ad par lui; ι'ς θεός ίστιν, δ φαν’ρώσας εαυτόν διά 'Ιησού Trail., ix, 2: Ad Smyrn., vn, 1, il affirme que Dieu Χρίστου, τού υίθ’3αύτού,δς ίστιν ούτουΛόγο;, Ad Magn., ressuscita le Christ; cf. Act., n. 24 ; ni, 15; iv, 10; vm, 2; toujours uni à son Père et ne faisant rien sans I Pet., i, 21 ; dans un autre endroit. Ad Smyrn., n, lui; χνευ τον Πατρός ούδεν ιποίησεν, ξνωμίνο; ών. Ad il dit que le Christ s'est ressuscité lui-même: χαί αλη­ θώς ατησ > ίαυτόν. Et pour montrer la réalité dc sa Magn., vn, 1. Cc dernier trait rappelle le texte de saint résurrection. Il rappelle, comme nous l’avons déjà Jean. Joa., vin, 28. indiqué, qu'il sc fit palper ct toucher par scs disciples, b) Incarnation et rédemption. — Celui qui était avant les siècles auprès du Père a paru à la fin, Ad qu’il mangea ct but avec eux. Ad Smyrn., m, 2, 3. Saint Ignace témoigne aussi en faveur dc la con­ Magn., vi, 1 ; τον (Jésus-Christ) άφ’ ένός Πατρός προ -λception virgin dede Jésus. Marie a conçu par l’opéra­ θόντα. χαί <ίς :/χ Ο/τα, χαί χ*·>ρησα·*τα. Ad Magn., VU, tion du Saint-Esprit. Ad Ephes., xvni. 2. Le Verbe 2-Cc texte, qui est à rapprocher de Joa., i, 1 ; xni, 3; 705 IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT incarne est vraiment né d'une vierge : γιγινημίνος αληθώς cx παρ(Ηνου. Ad Smyrn., i, L La virginité dc Marie est au nombre des mystères qui ont échappé à la connaissance du démon : ίλαύιν τον ί&γσντα του α’ώνος τούτου ή παρθενία Μαο’ας, χα·. ό τοχιτος αυτής, xat ό θάνατο; του Κυρίου. Ad Ephes., χιχ. 1. c) A propos du Λϊ·;οζ·— Dans ie texte de la recen­ sion moyenne, on lisait (pic Dieu s'est manifesté par Jésus-Christ, son Fils, ος Ιστιν αύτου Λόγος άίο ος, ουζ από σιγής πριλΟών. Ad Magn., vm, 2. Ce passage fut pour Saumalsc, Blondel cl Baillé l’une des objec­ tions contre l'authenticité des lettres dc saint Ignace, parce qu'ils y voyaient une allusion au système gnostique dc Valentin, l’étau l'avait interprété dc manière â lui conserver un sens orthodoxe : le Verbe éternel nc provient pas du silence à la manière dc toute parole ou dc tout langage qui, n'étant pas étemel, sort du silence ou rompt le silence. C'est ainsi que l'avait com­ pris l'intcrpolatcur qui, au lieu dc ουχ από σιγής προελΟών. écrivit : ού £ητός. άλλ* ουσιώδη;· ου γαρ έστι λαλιάς ΙνάρΟρου φώνημα, άλλ* ένεργιία; θεϊκής ουσία γιννητή. Dans Funk, Opera Pair, apost., t. n, p. 8G. Tout en approuvant cette interprétation de Petau, Pearson eut raison dc soutenir que la σιγή, dont parle saint Ignace, n'est nullement une invention dc Valentin, Vindic. Ignat., II, v, P. G., t. v, col. 307-321, ct que d’ailleurs, dans le système dc cc gnostique, cc n'est pas le λόγος, mais le νους, qui émane dc la σιγή. La découverte des Philosophoumena est venue lui don­ ner raison. C'est Simon le Magicien qui, le premier, a donné une place importante à la σιγή dans son sys­ tème. Philosop., vi, 18, édit. Cruicc, Paris, 1860, p.261. Au reste, le contexte aurait dû montrerque l'argument dc saint Ignace, visant des docètes judaïsants, il nc pouvait s'agir dc Valentin, qui fut l’opposé d'un judaïsant. Mais objection ct réponse ont perdu leur raison d'être depuis que cc texte a dû être corrigé par la sup­ pression des deux mots άιοιος ούκ, conformément à la version arménienne ct à la citation littérale dc cc passage par Sévère d'Antioche. Dans Lightfoot, St. Ignatius, t. I, p. 173. C'est cc qu'a très bien démon­ tré Lightfoot, op. cit., t. n, p. 126-128, ct cc qu’ont admis Zahn ct Funk dnns leurs éditions des Pères apostoliques. Ainsi amendé, le texte oflrc un tout au­ tre sens: Jésus-Christ, Fils dc Dieu, est lo Verbe dc Dieu procédant du silence. Qu'est-co Λ dire 7 Sévère d'Antioche y a vu la génération éternelle du Verbe. Cf. Cureton, Corpus Ignal.,p. 213, 245. D'après le con­ texte, il s’agit plutôt dc l’incarnation. C'est par le Fils, dont saint Ignace a aflirmé dc la manière la plus explicite la préexistence dans le Père. Ad Magn., vi. 1, ct l’éternité, Ad Polyc., ut. 2. que le Père s'est manifesté : φανιρώσας εαυτόν. Et c’est cc Fils qui est le Verbe dc Dieu succédant au silence pour s’entretenir avec les hommes ; son incarnation est l’une des plus grandes manifestations de Dieu. Cc passage, ainsi rétabli et compris, s'accorde en outre avec cet autre où, parlant des trois grands mystères de la prédication, ù savoir dc la virginité de Marie, dc son enfantement ct dc la mort du Christ, saint Ignace dit qu’ils ont été accomplis dans le silence dc Dieu: άτινα cv ησυχία Οιου ΙπμάχΟη. Ad Ephes.,χιχ, 1. Mais on n'a pas le droit d'en conclure que, dans la pensée de saint Ignace, le Fils dc Dieu n’cst Λόγος qu’au moment dc son incarnation. Saint Ignace a pu sans inconvénient sc servir du mot σιγή ainsi que dc celui dc πλήρωμα qu'il emploie dans la suscription dc ses lettres aux Ephésiens ct aux Tratliens, à une époque où ccs tenues n’avalent pas encore la vogue ct le sens hétérodoxe qu'ils curent plus tard dans la terminologie gnostique. 11 était trop soucieux do la pureté de la fol ct dc ΓorthoD1CT. DE TltÉOL. CATIIOU 706 doxlc dc ceux auxquels il écrivait pour employer des termes ou des expressions qui, déjà exploités par des hérétiques connus, auraient pu les induire en er­ reur. Il en usait donc librement parce qu'ils étalent sans danger. d) A propos de γιννητύ; et de — Saint Ignace dit de Jésus-Christ qu'il est à la fois γίννητός xal αγέννητος. Ad Ephes., vu, 2. Telle est du moins l'orthographe donnée par les manuscrits grecs et re­ produite par les premiers éditeurs, Voss, Ùsher, CoteHcr. Telle quelle, elle se justifie, malgré l'impropriété du second terme. Ces deux mots marquent une relation ontologique et signifient proprement engendré eX. nonengendré; appliqués au Verbe incarné,ils veulent dire que le Christ est engendré quant à la nature humaine, qu'il a prise dans le sein dc Marie par l'opération du Saint-Esprit, et non-engendré quant à sa nature divine, qu'il possédait préalablement puisqu'il était dc toute éternité avec le Père. Une telle manière dc dire fait abstraction dc la génération étemelle du Verbe. On trouve, après saint Ignace, des expressions semblables ou équivalentes dans les Philosophoumena, ix, 10, édit. Cruice, Paris, I860, p. 433, et dans Tertullicn. De carne Christi, v, P. L., t. n, col. 761. Le manuscrit dc la version latine porte genitus et inge­ nitus, conformément à cette orthographe. Mais, d'autre part, les auteurs des versions syriaque et arménienne, traduisant la pensée plutôt que les ex­ pressions dc saint Ignace, ont écrit /actus et non /actus, cc qui exigerait γινητός ct άγένητος. Dc même, Gélasc ct Sévère d’Antioche. Cf. Lightfoot, St. Ignatius, t. T, , p. 168, 181, 182; t. n, p. 48, 608. En tout cas, Smith d'abord, puis Hcfelc ct Drcsscl ont substitué γενητός ct άγίνητος à γιννητός ct αγέννητος. Mais les derniers éditeurs des Pères apostoliques, Zahn, Funk et Light­ foot, ont maintenu avec raison γιννητός et αγέννητος. 11 est évident, en effet, que Théodore!, quand il cite ce passage dc saint Ignace, n’aurait pas écrit γιννττός i; αγέννητου,dans Lightfoot, SC Ignatius, 1.1, p. 163, s'il avait eu sous les yeux l’expression parfai­ tement orthodoxe dc γινητο; χαι άγίνητος. De même l'intcrpolatcur des lettres ne l'aurait pas remplacée par ccttc phrase : ό μόνος αληθινός 0<ός ό αγέννητος, et par celte autre : του δί μονογενούς πατήρ χαί γιννήτωτ. Et saint Athanasc, dans sa défense du consub­ stantiel. disait aux ariens : Vous rejetez Ρόμοούσιος parce qu’il a été condamné par le concile d’Antioche contre Paul dc Samosatc; mais les Pères d’Antioche avalent la même fol que les Pères dc Nicéc, ct s'ils ont rejeté cc terme, c'est dans le sens que lui donnait Paul dc Samosatc, car il l'entendait d’une manière erronée, prétendant que. si le Fils est consub­ stantiel au Père, il s'ensuivrait que la substance divine est partagée ; tout autre est le sens donné à cc mot par le concile de Nicéc.Tel autre terme, par exemple, celui dc άγίνητος, n'est pas plus dc l'Écriturc que celui dc ύμοούσιος, et a été pris semblablement dans le sens de non-engendré et dans celui dc non-créé, άχτιστος. Or le Fils nc peut pas être dit αγέννητος dans le premiersens, mais il peut l'être dans le second. Et saint Athanasc cite alors précisément saint Ignace, qui s'est servi dc ce terme dans le second sens. De synodis, 46, 47, P. G., t. xxvi. col. 776-777. Saint Athanasc lisait donc dans saint Ignace γιννητος χα· αγέννητος. Le concile dc Nicéc avait proclamé le Fils γιννηθέντα ού ποιηΟίντχ ct choisi le mot όμοούσιος pour expri­ mer la christologie orthodoxe. Dans la suite les ariens, voulant discréditer 1'όμοούσ ος, abusèrent des termes i γεννητος ct αγέννητος; sans nier la propriété de ccs termes, respectivement appliqués au Fils ct au Père, les écrivains orthodoxes du iv· siècle curent quelque répugnance à s'en servir. Tel saint Éplphanc : ώς VIL — 23 707 IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) γάα πνις (c'est-à-dire les ariens) ημάς βούλονται σοφίζεσΟαι και λ.γην ίσον τό γενητόν είναι τω γεννητω, συ παρα­ δεκτέ ον δέ έπί θεού λέγειν, άλλ' ή επί τα χτίσματα μόνον· ίτεσον γαο έστι γενητόν καί έτερόν έστι γεννητόν. liar., lxiv, 8, P. G., t. xlt, col. 1084. ’Εάν οί καινοί αιρε­ τικοί προσδιαλεγόμενοι άγέννητον λέγουσι καί γεννητόν, έύϋύμεν αυτοΐς, έπειδή καχουργήσαντεςτό της ουσίας όνομα εν γρήσει τοεΐς πατράσιν ύπαρχον ώς αγραφον oS δεχεσΟε, ουδέ ημείς τό άγέννητον αγοαφον ον δεξόμεόα. /Λτλ, lxxiii, 19, P. G., t. xi.ii, col. 437. Mais quand la con­ troverse arienne eut cessé, il n'y eut plus d'inconvé­ nient, pour exprimer la doctrine catholique, à dire que le Fils de Dieu est γιννητος ct à appliquer au Père seul le mot αγέννητος. C'est ce qui permettra à saint Jean Damascene d’écrire : χρή γαρ ιίδεναι δτι το άγένητον, δια του ίνός ν γρασόμενον, τό άχτιστο·/ ή τό μη γενόμενον σημαίνει, τό δέ άγέννητον, δια των δύο ν γραφό­ μενου, δηλοι τό μη γεννηθέν, et de conclure : μόνος ό πατήρ αγέννητος, μόνος ο υιός γιννητος. De fide orthodoxa, î, 8, P. G., t. xciv, col. 817. Du temps de saint Ignace, la langue théologique était loin d’avoir cette précision, ct l’évêque martyr a pu em­ ployer, au sujet du Fils, le mot άγέννητον dans le sens de non-créé ou non-fait, sans blesser l’ortho­ doxie, comme le montra plus tard saint Athanase. Cf. Lightfoot, St. Jgnatius, 1.1, p. 90-94. 3. L'eucharistie.— Saint Ignace est un bon témoin de l’eucharistie. « Celui, dit-il, qui n'est pas à l'inté­ rieur du θυσιαστήριον (c'est-à-dire à l’intérieur du sanc­ tuaire où s’accomplissent les mystères sacrés), est privé du pain de Dieu. Ad Ephes., v, 2. Quel est cc pain de Dieu 7 C'est le pain qui est rompu dans le sacrifice chrétien ; l'expression άρτον κλώντες, Ad Ephes.,xx, 2, rappelle celle du livre des Actes, n, 4G ; xx, 7, 11,ct de saint Paul, I Cor., x, 16. Plus expli­ citement encore, cc pain est la chair de Jésus-Christ : άρτον θεού, ο έστιν σάρ; 'Ιησού Χριστού. Ad Boni., vît, 3. C'est cc que saint Ignace appelle d'un mot qui restera dans la langue chrétienne, l'eucharistie. Ce pain est un, cette eucharistie est une, il n'y cn a pas deux : · Appliquez-vous à avoir une unique eucharis­ tie, car une est la chair de Notrc-Sclgncur Jésus-Christ, un le calice, comme un est son sang. » Ad Philad., iv. Cc pain un, ïvx άρτον, cette eucharistie unique, μια ευχαριστία, c'est le pain rompu, c’est l'eucharistie consacrée par l'évêque ou par celui auquel l'évêque l'a permis, la seule légitime ct valide. Ad Smyrn., vin, 1. Et cette eucharistie contient le corps ct le sang du Christ. En effet, les docètcs < s'abstiennent de l'eu­ charistie ct de la prière, parce qu’ils ne reconnaissent point que l’eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, cette chair qui a souffert pour nos péchés : διά τό μη όμολογειν την ευχαριστίαν σάρκα είναι τού σωτήρος ημών ’Ιησού Χριστού, την υπέρ τών αμαρτιών ημών παΟούσαν. Ad Smyrn., vit, 1. Comme cc n’est pas le pain qui a souffert, le pain, matière de l'eucharistie, contient donc le Christ qui a souffert. Par là saint Ignace témoigne cn faveur du dogme de la présence réelle. Il écrit aux Romains : < Je ne me délecte pas d’un aliment corruptible ni des saveurs de cette vie. Je veux le pain de Dieu, qui est la chair de Jésus-Christ, né de la race de David, je veux boire son sang, qui est une charité incorruptible. > Ad Rom., vu, 3. 11 connaît ct il signale les effets de cc pain de Dieu, qui est la chair du Sauveur, quand il dit que c'est le remède de l’immortalité, l'antidote contre la mort : φάρμακο/ αθανασίας, αντίδοτο; μη άποΟανειν. Ad Ephes., xx, 2. Aussi voit-il un grand danger, pour les docètcs. à s'abstenir de cc remède, de cet antidote, à.repousser ce don de Dieu, ct ce danger, c'est la mort. Il leur serait utile d’y recourir pour ressusciter. Oi o5v άνιλέγοντες τή δωρεά τού θεού άποΦνήσκουστ/· Σννέφερεν δέ αντοίς αγαπάν, Γνα και αναστώσιν. 7Γβ Ad Smyrn., vu, 1. Le verbe, αγαπάν, ici, a, d’après le contexte, la même signification que les deux mob άγάπΐ,ν ποειν, qui sc trouvent quelques lignes plus bas. Et faire l'agape ne signifierait pas autre chose que célébrer les rites eucharistiques. Quand saint Ignace écrit qu’il n'est permis, sans l'évêque, ni de baptiser ni de faire l’agape, Ad Smyrn., vm, 2, c'est comme s'il disait que, sans l'évêque, il n’est permis ni de conférer le sacrement de baptême ni de consacrer l’eucharistie. C'étaient là deux actes Im­ portants de la fonction épiscopale. Sur la question de savoir si, au temps de saint Ignace, l'agape fai­ sait partie des rites eucharisiqucs, voir Aoape, t. î, j col. 551-552. 4. L'Église. — Saint Ignace considère l’Églisc cn général comme une vaste assemblée de croyants ct de pratiquants, dont l'unité sc fonde sur la fol, se cimente par la charité mutuelle ct sc consomme dans le Christ; comme un chœur harmonieux et symphonique, dans lequel tous les fidèles accordent leur voix pour chanter par le Christ des louanges au Père. Ad Ephes., iv; comme un corps, έν ϊυα σωματι της εκκλησία; αυτού, Ad Smyrn., i, 1, dont le Christ est la tête ct dont les fidèles sont les membres : ημάς όντας μέλη αυτού. Ad Trail., xi, 2., Le président de cette assemblée, le chef de ce chœur, la tête de cc corps, pour chaque communauté particulière, n'est autre que l'évêque, assisté du presbytérat ct des diacres. C'est autour de l'évêque qu’il faut sc ranger, à lui qu'il faut s'unir dans une obéissance complète, sans rien tenter cn dehors de lui. Tous doivent être unis, n'avoir qu’une seule prière, qu'un seul esprit, qu’une seule espérance dans la charité, comme dans un seul temple de Dieu ct autour d'un seul autel, έπί ένα Ίήσουν Χριστόν. Ad Magn., vit. C'est cette union étroite que saint Ignace souhaite aux Églises particulières. Ad Magn., î, 2. Etre avec l'évêque, c'est donc faire partie de l'Églisc, être avec Jésus-Christ, avec Dieu, ct par suite, n'elrc pas avec l'évêque, comme les dissidents ct les faux docteurs, c'est sc mettre hors de l'Églisc, hors du Christ ct de Dieu. Mais cc n'est là qu'une Église locale, une partie de cette Église universelle, répandue dans le monde entier, que saint Ignace appelle pour la première fois, dans la littérature chrétienne, l'Églisc catholique: οπού 5v φαν ή ό έπι σκοπός, εκεί τό πλήθος έστω, ώσπερ όπου αν η Χριστός Ί ναούς, εκεί ή καθολική εκκλησία· Ad Smyrn., viit, 2. Le mot καθολική est pris ici dans son sens étymologique, comme l’indique le contexte, il n’a pas encore le sens très particulier qui lui sera donné plus tard, dès la fin du n· siècle, pour caractériser la véritable Église du Christ par opposition aux divers groupements hérétiques ou schismatiques. Là où est donc le Christ, là est l'Églisc catholique ; le Christ est l'évêque de tous, πάντων επίσκοπος, Ad Magn., ni, 1, le chef invisible de toute l'Églisc, comme l’évêque est le chef de chaque Église locale. Comment donc le Christ a-t-il organiséson Église pour faire l’unité ct maintenir l'union entre les diverses Églises particulières qui devaient la composer’? C'est cc que saint Ignace n’a pas dit, ct c'est ce qu'il a pu sc dispenser de dire, n'écrivant aux Églises d'Éphèse, de Magnésie, de Tralles, de Philadelphie et de Smyrnc que pour les mettre cn garde contre les tentatives locales d’hérésie ct de schisme ct pour leur Indiquer le moyen de sau­ vegarder la foi par l’union étroite avec leur clergé. H appartenait pourtant à une Église de fondation apostolique, il était le second successeur de saint Plene sur le siège d’Antioche, il ne cessait de penser à cette Église de Syrie ct de faire prier pour elle, mais il ne parle jamais de sa prééminence. Tout autre, au con­ traire. est son langage relativement à l’Églisc ro­ 1 maine. Celle-ci, dit-il, préside: ήτες προκα'Οηται εν τόπω 709 IGNACE D’ANTIOCHE χωρίου ’Ρωμαίων. Ad Horn., litre. Le verbe προζάΟημαι, employé comme Ici sans complément direct, signifie simplement présider, abstraction faite de la place ou de la société sur lesquelles s’exerce cette présidence ; cv τβπω n’est ici qu’un complément circonstanticï de lien, servant à indiquer, non l’endroit sur lequel l’Églisc romaine exerce sa présidence, mais celui où clic l’exerce; quant ù χωρίου 'Ρωμαίων, c’est le com­ plément déterminatif de τόπος. De telle sorte que le sens de la phrase est celui-ci : le lieu où l'Églisc romaine préside, c’cst la région des Romains. Il s’agit donc d’une prééminence de l’Églisc romaine, dont saint Ignace ne dit pas l'étendue. Mais deux lignes plus bas, il emploie le même verbe, ct cette fois avec un complément direct : προχαΟημάνη τής αγάπης. Que signifie αγάπη ici? Au sens ordinaire du mot, il signifie charité. 11 s'agirait donc de la présidence de la charité, ct saint Ignace aurait voulu marquer par là la prééminence de l’Églisc romaine dans les œuvres de miséricorde ct de charité. Et tel est Je sens adopté par Pearson, Rothe ct Zahn. Mais, observe Funk, Opera Pair. aposl., t. 1, p. 213, partout où le verbe προχάΟημαι s’emploie avec un complément direct, il est suivi d'un nom indiquant un lieu ou une société ; αγάπη, sous la plume de saint Ignace, serait ici le syno­ nyme de έχκλησια; c'est de cc mot justement qu’il se sert cn plusieurs endroits, Ad Trolly xm, 1 ; Ad Rom., ix, 3; Ad Philad., xi, 2; Ad Smyrn., xn, 1, pour désigner des Églises particulières; pourquoi donc ce même terme ne signifierait-il pas ici l’Églisc uni­ verselle? En conséquence Funk a traduit : universo caritatis cœtui président. 3° Sur la morale.— 1. La vie chrétienne.— Π con­ vient non seulement d’ôtre appelé chrétien, mais de l'être, écrivait saint Ignace. Ad Magn., iv. Pour l'être réellement, il faut vivre selon le christianisme, χατά χριστιανισμόν ζην. Ad Magn., x, 1. Et vivre selon le christianisme, ccrt’cst pas vivre selon l’homme, mais scion le Christ : ου κατά άνθρωπον ζΛντις, άλλα κατά Ιησουν Χριστόν.Ad Trail., il. 1. Et vivre selon le Christ, ce n'est pas seulement obéir à scs préceptes, suivre scs conseils, c'est imiter scs exemples, être vis-à-vis de lui cc qu’il a été vis-à-vis de son Père : μιμηταΐ Ιησού Χρίστου, ώς αυτός τον πατρός αυτόν, Àd Philad., vit, 2 ; c’cst s'unir à lui, à sa chair ct à son esprit, ί'νωσις σαρχός xxl πλύματος Ίησου Χρίστου, Ad Magn., 1, ne faire qu’un avec lui ct son Père. Ibid. Cela implique l’union la plus étroite dans la foi et la charité. Ad Magn., 1. La fol ct la charité sont le commencement ct la fin de La vie : αρχή μίν π στις, τέλος δέ αγάπη. Ad Ephes., χιν, 1. 11 faut s’aimer les uns les autres dans le Christ. Ad Magn., vî, 2. Il faut se montrer frères envers les autres par la bénignité, doux quand ils se fâchent, humbles, opposant la prière à leurs blasphèmes; sans cesse il faut prier pour eux, car il leur reste l’espoir de la pénitence pour revenir à Dieu. Ad Ephes., x, 1-2. Si la prière d’un ou deux chrétiens a tant de force, combien plus celle qui est faite avec l’évêque ct toute l’Églisc. Ad Ephes., v, 2. Il convient donc de sc réunir aussi fréquemment que possible pour remplir cc devoir, pour rendre grâces à Dieu ct le louer. Ad Ephcs., xm. 1. Il faut aussi garder sa chair comme le temple de Dieu. Ad Philad., vu, 2. Rien n'échappe au Seigneur, nos secrets lui sont connus : πάντα συν ποιάψιν ώς αυτουένη ήμ'ν χατοιχουντος, ίνα ωμιν αυτου ναοί και αυτός ίν ημίν Οιός ήμων, Ad Ephes., xv. 3. Le chrétien qui agit de la sorte, avec la conviction qu'il est le temple de Dieu, peut être rassuré : scs œuvres, même matérielles, ont une valeur spirituelle parce qu’elles sont accomplies dans lo Christ. « Tout co que vous faites selon la chair, écrivait saint Ignace aux Éphésiens, est spirituel parce que vous faites tout cn Jésus- SAINT) 710 Christ. » Ad Ephcs., vm, 2. Le bien réalisé est le signe qu’on appartient au Christ : · Dieu connaîtra au bien que vous faites que vous êtes tes membres de son Fils. » Ad Ejdies., iv, 2 ; Ad Trail., xi, 2. Cf. H. de Genouilloc, Etude d’histoire religieuse sur le christianisme en Asie Mineure au commencement dull· siècle. U Eglise au regard de saint Ignace (ΓAntioche (thèse), Paris, 1907, p. 91-121. 2. Lu vie domestique et sociale. - Ceux qui veulent s'unir par le mariage doivent le faire de l'avil de l’évêque, pour que leur union soit selon le Seigneur et non selon la concupiscence. L’épouse doit aimer son époux ct le mari doit aimer sa femme, comme le Sei­ gneur son Église. Ad Palyc., v. Les veuves ne doivent pas être négligées : leur soin incombe à l’évêque. Ad Polgc., iv, L Les esclaves, hommes ou femmes, ne doivent pas être méprisés ; saint Ignace ne leur inter­ dit pas l’émancipa lion, mais il ne veut pas qu’ils la demandent clTobtlcnnentaux frais de la communauté; il ne veut pas davantage qu’ils s'enorgueillissent de leur condition, mais plutôt qu’ils y voient un moyen de mieux servir la gloire de Dieu et d'obtenir de Dieu une liberté meilleure. Ad Polyc., rv, 3. Point de métier ou de commerce mauvais, χαχτιχνίας φ<υγί. Ad Polgc., v. 1. Il cn est qui, à raison du danger moral qu’ils offrent, ne sauraient convenir à un chrétien ; l'évêque doit cn avertiriez fidèles dans scs homélies. Ibid. 3. Les vierges. — Suint Ignace loue la virginité ; mais comme elle peut inspirer à ceux qui s'y vouent quelque sentiment d'orgueil et tes exposer ainsi au danger de sc perdre moralement, Π la veut protégée par l'humilité : « Si quelqu'un peut conserver la chas­ teté pour honorer la chair du Seigneur, qu’il soit hum­ ble, car s’il vient ù s’en glorifier, il sc perd. · Ad Polyc.. v, 2. Π salue en particulier les vierges de Smyrne, celles qu'on appelle veuves : τάς πασΟέναυ; τσς λιγομένας γήμας. Ad Smifrn., χτιι, 1. Mais qu'entendil par là? Son langage, difficile à saisir, a donné lieu à des Interprétations diverses. L'ordrc des veuves, insti­ tué par les apôtres ct réglementé par saint Paul, lTim.,v, 3-16, était-il, à Smyrnc. entièrement composé de vierges? Cela parait assez invraisemblable, car. au commencement du in· siècle, Tcrtullien regardait comme une anomalie choquante l'introduction d’une vierge dans l’ordre des veuves, ccs deux noms de vierge ct de veuve, donnés à la même personne, ne se conciliant pas entre eux : utramque se negans, el virginem, quae vidiiœ deputatur, ct viduam. qu.v virgo dicatur. De virg. vel., IX. P. L., t. il, col. 902. S’agirait-il là des diaco­ nesses, comme l'ont pensé Bingham, Cotelicr, Hefcle, Probst et Dœllingcr? Mais la question est de savoirs!, au début, les diaconesses ct les veuves étaient une seule cl même personne. Saint Paul.cn tout cas. ne les confond pas ct cn a parlé séparément. I Tim., ui, 11 ; v, 3-16; et rien ne prouve qu'au commencement du n·siècle,les diaconesses fussent choisies parmi les vierges. Ou bien saint Ignace sc serait-il contenté de saluer ù titre exceptionnel, parmi tes veuves, tes femmes qui, no s'étant jamais mariées, s'étalent con­ sacrées à la virginité? C'est l'interprétation qui a plu davantage à Zchn, Ignatii el Polycarpl epistulir, p. 95, ct à Funk, Opera Pair, apost., 1.1, p. 244. Mais Light foot croit, S/. Jgnatius, t. 11, p. 322-324, qu’il s'agit cn réalité des veuves, auxquelles saint Ignace a voulu donner te nom de vierges, ct il cite à l’appui de son opinion ce passage de Renan : < Cette position si difficile de la veuve sans enfants, le christianisme l’éleva, la rendit sainte. La veuve redevint presque l’égale de la vierge. » Les apôtres, p. 124. Quelle que soit l’interprétation qu’on préfère, fl n’en reste pas moins qu’en dehors des veuves il y avait, du temps de saint Ignace, des vierges consacrées à Dieu. 4. Les /aux docteurs. Aux yeux de saint Ignace, 71 f IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT) ceux qui cherchent Λ introduire l’hérésie ou à sus­ citer des schismes, ct qu’il qualifie de faux docteurs, d’empoisonneurs publics, sont dans un état de péché ct dc mort spirituelle. Ad Smyrn., vn, 1. En sc sépa­ rant dc l'évêque, ils soeont mis en dehors dc l’Église, ils n’auront pas de part ù l'héritage céleste du royaume de Dieu. Ad Philad., in, 3. Celui qui corrompt la foi dc Dieu par une fausse doctrine est mort, dit-il, il ira au feu étemel, ct de même celui qui l’écoute : ι’ς το πυρ τό ίαζιστον χωρ^αιι, όροίως zjî ό αχούων αυτοί. Ad Ephes., χνι, 2. Cependant la conversion dc ccs pécheurs reste possible, bien qu'elle soit difficile. Ad Smyrn., îv, 1. Ils doivent recourir à la pénitence ; car ceux qui, ramenés par la pénitence, auront fait retour à l’unité de l’Église, ceux-là seront de Dieu ct vivront selon Jésus-Christ. Ad Philad., m, 2. Dieu, en effet, pardonne à tous ceux qui font pénitence, s’ils se convertissent pour s'unir à Dieu ct restent en communion avec l'évêque. Ad Philad., vin, 1. Et dc même qu’il a demandé une prière incessante pour la conversion des gentils, Ad Ephes., x, 1, de même saint Ignace désire qu'on prie pour l’heureux retour dc tous ccs égarés. Ad Smyrn., îv, 1. I. Sources. — Avant tout, les lettres dc saint Ignace, et subsidiairement,dans la mesure où ils peuvent être uti­ lisés, les Actes du martyre. Or, ccs derniers nous sont par­ venus sous cinq formes différentes : 1. les Actes qu'on peut appeler nntlochlms, parce qu'ils concentrent tout l'intérêt du récit à Antioche; en grec, d'après un manuscrit de la bibliothèque de Colbert, découvert ct publié par Ruinart, Acta martyrum sincera, Paris. 1689 ; la lettre aux Romains y est Insérée; dans une version latine, traduction littérale de ce texte grec, découverte ct publiée par Usher en 1644 ; et dans une version syriaque, publiée par Cureton dans son Corpus Ignatlanum, Londres, 1849 ; on désigne ccs Actes sous le nom dc Martyrium Colbertinum ; 2. les Actes qu’on peut appeler romains parce qu’ils concentrent tout l'intérêt du récit Λ Rome; Je texte grec en n été découvert dans un manuscrit du Vatican ct publié par Dresse!, Patres apostolic!, Leipzig, 1857 ; on en possède une version copte et en les désigne sous le nom dc Martyrium Vaticanum. Le Martyrium Colbertinum ct le Martyrium Vaticanum sont indépendants l'un dc l'autre. D'après le Martyrium Colbertinum, Ignace, disciple de saint Jean, sauva son Église pendant la persécution dc Domltlcn; la neuvième année de Trajan, pendant que l'em­ pereur, dc passage Λ Antioche, préparait son expédition contre les Parthos, 11 fut arrêté ct condamné ά subir le martyre Λ Rome. Voyage par mer dc Séleuclc Λ Smyme, prés dc saint Polycarpe, son ancien condisciple. Saint Ignace écrit dc Smyme aux Églises qui lui ont envoyé des députés; Il écrit aussi aux Romains une lettre,dont le texte est inséré intégralement. Dc Smyme Λ Troas, puis à Néapolh par mer. De là, par Philippes, Λ travers la Macédoine ct l'Eplre, à Épldamne, où l'on s'embarque dc nouveau. On contourne l'Italie ct, ne pouvant débarquer à Pouzzolrs à cause du vent, on arrive nu port des Romains. Reçu par des chrétiens accourus dc Rome, Ignace les conjure dc ne rien faire pour lui. Et comme c'est la fin des spectacles, il est exposé aux bêtes qui ne laissèrent que les os les plus durs. Ceux-ci, pieusement recueillis, furent transportés Λ Antioche comme un trésor sans prix. Cela est arrivé le 13 des calendes de janvier, sous le consulat de Sura ct dc Sénéclon. Les rédacteurs dc ces Actes, qui sc donnent pour des témoins oculaires.sont en contradiction avec les Lettres sur l'itinéraire dc Séleuclc Λ Smyme ct sur le titre de con­ disciple de saint Polycarpe donné Λ saint Ignace; ils sont également en contradiction avec l'histoire de Trnjnn. parce que la neuvième année de son régne ne fut pas celle dc son expédition contre les Partîtes · Pour le reste, on peut leur faire crédit. D'après le Martyrium Vaticanum, Ignace, second suc ccsseur des apôtres, est envoyé dc Syrie Λ Rome, la neu­ vième année de Trojnn, à travers l'Asie, la Thrace. Abor­ dant ù Reggio, Il est conduit Λ Rome,où il comparait devant l'empereur ct le sénat. Trajan lui offre, s'il consent Λ sacri­ fier,de le faire grand-prêtre de Jupiter.Sur le refus d'Ignace, l'interrogatoire sc poursuit. Malgré les menaces ct les tour ments, Ignace fait le procès des faux dieux. Comlamné 712 après plusieurs séances, il est exposé aux bêtes dans l'am­ phithéâtre Flnvicn. Deux lions sont lâché*. Aussitôt Ignace eo met à haranguer les spectateurs : Je suis le pain de Dieu, dit-il, et 11 meurt, tué mais non dévoré par les fauves, afin que ses reliques fussent une protection pour Rome, où Pierre ct Paul étalent morts. Trajan, étonné dc Uni de courage, reçoit Λ cc moment une lettre dc Pline cl aban­ donne le corps du martyr aux chrétiens. La mémoire de ce ni Int se célèbre le 20 décembre. Ce n*e*t là qu'un récit ro­ manesque, dont on no peut utiliser que cc qui s’accorde avec le Martyrium Colbertinum,il savoir le martyrcd'lgnace Λ Rome, la neuvième année du règne dc Trnjnn, ct la date de la fête. 3. Les Actes en lutin, publiés en partie par Usher dans son Appendix Ignatiana, en 1617, ct Intégralement parles bol land 1st es dans les Acta sanctorum, ù la date du 1·’février. — 4. Les Actes arméniens, publiés d’abord par Aucbcr, Λ Venise, 1810-1814, ct ensuite par Pclcrmann, 5. Ignalil eptstohr, Leipzig, 1849. — 5. Les Actes dc Slméon Mêlaphraslc. Ces trois dernières espèces d*Actes no sont qu'une combinaison plus ou moins heureuse des éléments contenus dans le Martyrium Colbertinum ct le Martyrium Vatica­ num. CA. Zahn, Ignatius non Antlochlen,Gotha, 1873, p. 2-56; Ignalil ct Polycarpl epistuhr, Leipzig, 1876, p. lv-lvi ; Funk, Opera Patrum apostollcorum, Tubingue, 1881, t. î, p. lxxviu-lxxxhi; Lightfoot, SL Ignatius, t. U, p. 363-472. IL Éditions. — Lefèvre d'Étaples, Ignatll undecim eplstohc, Paris, 1498 ; Valentin Hartung, dit Paccus, Beati inter sanctos Christi defunctos hlcromartyrls Ignatll opuscula, DHlingcn, 1557 ; Vedcl, Ignalil cplstulœ, Genève, 1623; Usher, Polycarpl ct Ignalil cpistolœ. Oxford. 1614; Voss. Epistola! genuina! sancti Ignalil, Amsterdam, 16-16; A Ulrich, 5. martyris Ignalil Ant. episc. cpistohc septem grnutmr, Oxford. 1708; Smith, S. Ignatll epistola: genuina?, Oxford, 1709 ; Cotcllcr, Pair, apostal., édit. Leclerc, Amster­ dam, 1724 ; Jacobson, 5. Clementis Romani, S. Ignatll, S. Polycarpl, etc., Oxford, 1838,1840, 1847,1863 ; Hcfele, Patrum apostollcorum opera, Tubingue, 1839, 1842, 1847, 1855 ; Pctcrmann, 5. Ignalil cplstolir, Leipzig, 1849 ; Dres­ se!, Patrum apostollcorum opera, Leipzig, 1857 ; Cureton, Corpus Ignatlanum, Londres» 1849. Les meilleures éditions sont celles dc Zahn, Ignalil et Polycarpl epistula· Leipzig, 1876; de Funk, Opera Patrum apostollcorum, Tubingue, 1881 ; 2· édit., 1901 ; ct de Lightfoot, S. Ignatius, I.ondrei, 1885 ; 2·édit., 1889-1890 ;A. Hilgcnfcld, Ignatll Antiocheni cl Polycarpi Smyrna·ni episcopi epistula? ctmarlyria.Bcrhn, 1902; G. Rauschen. Florilcgium patristicum, Bonn, 1901, fasc. 1; A. Lelong, Ixs PèrtS apostoliques. III. Ignace d'An­ tioche et Polycarpe de Smyme, Paris, 1910 (texto grec ct version française). Let. v dc la P. G. dc Migne contient : 1· Pncfalio In epistolas sancti Ignalil, d'Isaac Voss, col. 31· 3-1 ; 2° Judicium de epistolis sancti Ignatll, dc Coteller, col. 33-36 ; 3· Vindicia: Ignatianœ, do PcarsÔD, col. 57-472; 4· Dissertatio de epistolis sancti Ignalil,de Le Nourry,col. 471-566; 5® Prommla ad epistolas sanett Ignatll, dc Gailand, col. 565-584 ; 6® De doctrina sancti Ignatll, de Lumper, col. 585-600 ; 7® De textus recepti Epistolarum sancti Ignatll integritate disquisitio critica, dc Dcnzinger.col. 601-624 ; 8® la préface ct le texte dc la 3· édition des Palrum apostollcorum opera, Tubingue, 1847, d'IIcfele, col. 625-728 ; 9® le texte des Lettres Interpolées des Patres a postal ici, Amsterdam, 1724, dc Cotrilcr, col. 729-872; 10· les Eplstohe supposttttlar, col. 873-942. III. Travaux. — Outre les études qui accompagnent 1m éditions citées, 11 faut signaler : Snumahe, Apj>aratus ad libros de primatu paptr, 1645; Blondel, Apologia pro sen· tcntla Hieronymi de episcopis ct presbyteris, Amsterdam, 1646; ct Dalllé, De scriptis qua? sub Dionysii Areopagita ft Ignatll Antiocheni nominibus circumferuntur, Genève, 1666, qui attaquèrent les lettres dc snlnt Ignace et multiplièrent les objections ; Penrson, qui répondit Λ Dalllô, Vindicte Ignatiuncr, Cambridge, 1672; Dupin, Nouvelle bibllothbpie dre auteurs eecUs tas tiques, 3· édit., Paris, 1693, t. î, p. 3850; Tiliemont, Mémoires pour servir d l'hfsfoire eccléslastlqut ttx pr, mires siècles, 2· édit.. Parts» 1701, t. n, p. 190-212, 576-583 ; Ccilllcr, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques. Paris, 1858-1803, t. î, p. 362-388; Mci hh r, Patrologte, 1840; Permaneder, Patrolngla speclulU, 1343 : Duspcrdleck, Qiuv de Ignatianarum epistolarum au' ni Iélhode»un confes­ seur de la foi. Méthode mourait en 847. Le peuple réclama Ignace comme patriarche, les évêques ap­ puyèrent cette candidature ct l’impératrice Théodore l'agréa elle-même, après avoir pris l’avis du saint anachorète Joannicc. Nicétas, op. cil., col. 501. Ignace succédait à saint Méthode dans des circon­ stances assez délicates. La querelle des images n'était terminée qu’en apparence; les deux partis conti nuaient à s’observer ct à sc combattre sournoisement. Les moines studitcs, plus intransigeants que beau­ coup d’autres, reprochaient au défunt patriarche sa mansuétude à l’égard des ecclésiastiques qui avaient faibli sur la doctrine des images. Ignace semble avoir . été cependant bien accueilli. Il sc montra d’ailleurs toujours pieux ct austère comme un vrai moine, d’une ténacité remarquable, mais d’une intelligence assez faible. Les premières années de son patriarcat furent calmes. La seule affaire digne d’intérêt que l’on connaisse dc cette époque est la condamnation dc Grégoire Asbcst.is, archevêque de Syracuse. Cc prélat, qui réridait à Constantinople depuis l'occupation de la Sicile par les Sarrasins, déplaisait à Ignace, on ne sait encore pour quelle raison. Toujours est-il qu’il lui Interdit d'assister â son sacre. Grégoire jeta son cierge en proférant des menaces ct commença aussitôt une violente campagne contre le nouveau patriarche. Plus lard. Il fui le meilleur auxiliaire de Photius duns sa lutte contre Ignace ct contre Home. Ignace finit par réunir un concile dans lequel il fit condamner Grégoire et ses partisans, Eulampius d’Apaméc et Pierre dc Sardes. Nicétas, op. cit., col. 512. Il faut croire que la sentence ne fut pas bien accueillie par tous, car la déposition fut renouvelée dans plusieurs conciles ct finalement Ignace cnit bon de s’adresser à Borne pour la faire confirmer. Léon IV (847-855) ct Benoit 111 (855-858) ne voulurent pas sc prononcer avant d’avoir devant eux les délégués des deux partis afin do juger en pleine connaissance dc cause. Jaffé, n. 2G67. Ignace députa alors à Benoit III le moine Lazare et Grégoire Asbestas envoya dc son côté un 715 IGNACE DE CONSTANTINOPLE (SAINT) nommé Zacluirlc. .Avant que le pape eût le temps de se prononcer, il mourait et Ignace se voyait brusque­ ment chassé de son trône. L'Orage qui s'éleva contre lui ne vint point des iconoclastes, mais du palais impé­ rial, où Michel III, qui avait secoué la tutelle de sa mère Théodore, régnait sous les auspices de Bardas, son oncle maternel. Celui-ci, excellent politique, mais d’une dépravation morale inouïe, s’attachait à per­ vertir le jeune prince qui lui était confié. C’était chaque jour des scènes d’orgie et des parodies des cérémonies saintes, auxquelles prenait part l’empe­ reur, soit dansson palais, soit dans les mes de Constan­ tinople. Bardas encourageait ces abominations et scandalisait lui-même la cour et la ville par scs rela­ tions .avec M belle-fille. Ignace n’hésita pas à lutter contre le tout-puissant césar. Après lui avoir adressé plusieurs remontrances, il lui refusa publiquement la communion, le jour de l'Épiphanie 858. Bardas entra dans une violente colère contre le prélat. Π ne put toutefois se venger immédiatement, car Théodore sc refusait à éloigner Ignace,en qui elle avait confiance, et que le peuple soutenait. Il obtint de Michel III qu’il enfermât sa mèro et ses sœurs dans un couvent, puis, cct obstacle enlevé, 11 lui arracha enfin un décret de proscription contre Ignace. Le 23 novembre 858, celui-ci était brusquement enlevé de son palais et relégué dans son monastère de l’Ilc de Téréblnthos. Nicétas, op. cil., col. 505. Si le peuple montre quel­ que irritation de cette mesure violente, clic ne causa pas le même émoi parmi les évêques,qui blâmaient généralement l'intransigeance du proscrit. Il y eut cependant une minorité pour le soutenir, parmi les­ quels Mélrophanc et Styliunos. Ils so réunirent en synode et suggérèrent l’idée de nommer un coadjuteur à Ignace, cn attendant qu'il pût regagner son •siège; ils proposèrent mémo trois candidats au choix. Métrophane, dans Mans!, t. xvï, col. 415. Les autres, habi­ tués à plier devant la volonté impériale, accueillirent sans difficulté la nomination d'un successeur proposé par Bardas et qui se présentait à point nommé. Laïque encore, mais déjà renommé pour sa haute culture intellectuelle, son éloquence, ses manières élégantes, Photius put monter sur le trône patriarcal, sans ex­ citer beaucoup d’étonnement. Ces sortes d’élévations n'étaient pas rares à Constantinople. 11 y avait toute­ fois un sérieux obstacle ù vaincre. Moins souple que plusieurs de scs prédécesseurs entraînés dans pareille aventure, Ignace refusait obstinément de donner sa démission. Une députation d’évêques eut beau aller le trouver dans sa retraite pour lui demander ce sa­ crifice, il maintint son refus. Photius réunit alors un synode, proclama hautement son respect pour le proscrit et rallia à son parti beaucoup d'adversaires trompés par cette feinte modération. Il ne tarda pas cependant h lever le masque. Deux mois à peine après son intronisation, c'est-à-dire au début de mars 859, il commença à s'attaquer aux amis d’Ignaco. Il sug­ géra ensuite à Bardas d’impliquer le patriarche déchu dans un complot politique, afin d’avoir une raison de sévir contre lui. Cela permit aux fonctionnaires Im­ périaux envoyés à Téréblnthos, sous prétexte de faire une enquête, de maltraiter Ignace et scs Intimes. Il fut ensuite arraché à son monastère et amené dans la presqu’île de Hiéria (aujourd'hui Phanaraki), où il fut enfermé dans une étable à chèvres. De là il fut conduit dam un endroit nommé Prométos, où Léon Lalucon, domestique des nombres, le souffleta si rude­ ment qu’il lui brisa deux dents. On lui passa ensuite les menottes et les entraves comme à un voleur. Nicétas, op. effi, col. 513. Toutes ces violences no vi­ saient qu'à lui faire donner sa démission. Mali Ignace demeura Inébranlable et la cour se décida à l'exiler à Mytllènc au mois d’août de la même année. Pendant 716 son absence Photius tint un concile dans l’église des Saints-Apôtres pour condamner sa victime et la dé­ clarer déchue do la dignité patriarcale. L’exil d’Ignace dura six mois. Vers la fin de février 860, il fut ramené à Constantinople. A cette occasion, Photius tint un nouveau concile aux Bhupierncs, dans lequel il déposa une fois de plus son adversaire. Les évêques qui refu­ sèrent de signer cette sentence furent envoyés cn exil. Mansi, t. xv, col. 520-521. Le 18 juin de la même année, une invasion inopinée de Russes, montés sur leurs barques légères, vint troubler Ignace dans sa retraite. Ses monastères furent ravagés par les bar­ bares, et vingt-deux moines mis à mort. Il ne semble pas avoir souffert p* sonnellcmcnt de cette incursion. Nicétas, op, cil., coi. 516. Une première fois, Ignace avait tenté de fairo en­ tendre su cause au monde chrétien par une encyclique. Scs lettres furent interceptées et les deux clercs qui devaient en porter un exemplaire Λ Romo, le prêtre Laurent et le sous-dlacre Étienne, les livrèrent traî­ treusement. Photius sentit fort bien le danger de ce recours :ru pape et, pour le prévenir, il fit envoyer à saint Nicolas Ier (858-867) une ambassade composée de quatre prélats et du ministre Impérial Arsaber.son onde. Elle devait remettre au pape des lettres et do riches présents. Photius prétendait qu'il avait été élu malgré lui et qu’Ignace étant trop âgé pour rester à la tête de l’Église de Constantinople, il «avait démis­ sionné de son plein gré; il était d'ailleurs traité avec toutes sortes d'égards dans sa retraite. Par contre, l'empereur accusait le patriarche déchu d’avoir fo­ menté un complot contre L'empire, d’avoir abandonné son Église et enfin d’avoir désobéi à Rome, en ne suivant pas les ordonnances des papes Léon IV et Benoit III. C'était une allusion assez adroite aux difficultés d’Ignace avec Rome, au sujet de Grégoire Asbestos. En agissant de la sorte envers Nicolas Ier, le parti de Photius avait un double but : gagner le pape, qui serait trop heureux d'envoyer des légats à Constantinople afin d'intervenir dans les affaires in­ térieures de cette Église et en même temps prouver au monde, par cet envoi de légats, que Photius était en communion avec l'Église romaine. Nicolas Ier, qui flairait une affaire louche, ne se laissa pas surprendre par ces finesses byzantines. II réunit un concile ro­ main (860), lui communiqua les lettres qu'il avait reçues de Constantinople et avec son assentiment désigna deux légats, les évêque» Rodoald de Porto et Zacharie d'Anagnl, qui devaient enquêter sur l'a flaire d'Ignace et communiquer fidèlement à Rome le résultat de leurs recherches. Le pape sc ré­ serva le soin de prononcer le jugement. Nicolas Ier confia aussi à «os envoyés deux lettres datées du 25 septembre 860, destinées l’une à Photius et l’autre à l’empereur. Dans cellc-ci il blâmait nettement la déposition d'Ignace prononcée sans l'assentiment de Rome et critiquait l'élévation de Photius comme contraire aux canons. Epist., 1 et x, dans Mans!, t. xv, col. 160, 261. A leur arrivée à Constantinople, les légats furent cn quelque sorte séquestrés. On monta autour d'eux une garde vigilante pour les empêcher d'avoir des relations avec l'extérieur et de sc rensei­ gner auprès des partisans d’Ignace sur la nature des événements qui avalent agité l'Église de la capitale. Promesses et menaces furent d'ailleurs mises en œuvre pour les faire céder aux désirs de l'empereur. Au bout de trois mois de résistance, Ils fléchirent et manquèrent à leur devoir. Aussitôt, Photius réunit, en présence de l'empereur, des légats, des principaux fon< Lion noires et d'une grande foule de peuple, un prétendu concile général, dans l'église des SaintsApôtre, (mai 861). Les Pères étaient 318, nombre qu'on avait visiblement cherché à atteindre afin de 717 IGNACE DE CONSTANTINOPLE (SAINT) comparer ce conciliabule au I·* concile de Nlcéc. Ignace fut officiellement cité à comparaître. H s’y rendit revêtu des ornements patriarcaux, entouré d'évêques et de moines· Un fonctionnaire impérial lui interdit nu nom de Michel JH de pénétrer dans l'église autrement qu'en habits de moine. Il dut sc soumettre ù la force, fut séparé de son cortège et amené ή l'empereur par les deux clercs qui avaient jadis livré scs lettres et par un laïque nommé Étienne. Après l'avoir couvert do grossières injures, Michel III le fit asseoir .sur un simple banc de bols. Ignace pro­ testa d'abord contre la façon outragcusc dont on l'avait Introduit, cn le faisant accompagner par deux simples clercs et un laïque, au lieu des trois évêques prévus par les canons conciliaires, puis il demanda ù saluer les légats, s'informant quelle était leur mis­ sion, et il leur déclara qu'avant de juger sa propre cause ils devaient d'abord chasser Photius qui n'était qu'un Intrus. Les légats sc bornèrent à objecter la volonté de l'empereur. On employa ensuite tous les moyens, conseils, persuasion, menaces, pour obtenir sa démission. Ignace maintint son refus. Convoqué de nouveau, Il ne voulut pas comparaître devant des juges corrompus et déclara cn appeler au pape. Dans une autre session, Il revendiqua la légitimité de son élection et demanda aux évêques présents, dont II avait ordonné un grand nombre, de reconnaître la vérité de ce fait. Aucun n'osa le faire par crainte de l’empereur et aussi parce qu’ils sc souvenaient de i'cxll infligé à plusieurs partisans d’Ignace. Ils sc bornèrent donc à exhorter celui-ci Λ l'abdication. Dix jours après, il comparut de nouveau pour sc voir accuser par soixante-douze faux témoins du bas peuple d'avoir été ordonné sans vote préalable des évêques et mis cn possession de son siège par la force. Bien que tout le monde sût que cela était le contraire de la vérité, on ne lui appliqua pas moins le 31· canon apostolique : « Quiconque aura obtenu une dignité ecclésiastique grâce aux dépositaires du pouvoir civil devra être déposé. · Nicétas le Paphlagonlvn, son biographe, fait justement remarquer que les prélats auraient dû donner la seconde partie du canon pour être logiques et sc reconnaître eux-mêmes comme excommuniés pour avoir été onze ans cn relation avec un intrus. Ignace fut ensuite solennel­ lement dégradé aux cris de ’Ανάξιος, indigne, que les légats pontificaux proféraient comme les autres. Nicétas, op. cil., col. 517.518. Pendant deux semaines, on essaya vainement de le faire souscrire ù sa dépo­ sition. Enfermé dans les caveaux de l’église des Saints-Apôtres, il y subit toutes sortes de tourments. Boue de coups, il était exposé ù In fraîcheur de la nuit avec une mince tunique; ses gardiens le faisaient asseoir û califourchon sur l’arête du tombeau de Constantin Copronymc avec de grosses pierres aux pieds. Enfin l’un d'eux, nommé Théodore, réussit à lui faire tracer par force une croix nu bus de l'acte d'abdication. Photius y ajouta : « Mol, très indigne ' Ignace, je reconnaît être devenu évêque sans élection préalable et j’avoue également avoir gouverné l’Église, non d'une manière sainte et régulière, mais tyrannique. > On permit alors au prélat déchu de sortir de prison et il fut même autorisé Λ résider dans sa maison de Posis que lui avait léguée sa mère. Il n’y resta pus longtemps en paix. Nicétas, op. cit., col. 521. C'est probablement pendant ce temps qu'il composa, avec l'aide de son ami dévoué le moine Théognostc, une longue lettre que nous avons en­ core et que Théognostc put faire parvenir ù Rome. En son nom et au nom de dix métropolites, quinze évêques et une multitude de moines, il s'adressait < nu très bienheureux président et patriarche de tous les sièges, au successeur du coryphée, à ses évêques et 718 à toute l'Église romaine ». Il résumait les événements qui avaient précédé : l'inceste de Bardas, son excom­ munication, sa vengeance par l'intrusion de Photios, les brutalités Inouïes exercées sur sa personne et, plus en détail, les faits relatifs au prétendu concile tenu dans l’église des Snlnts-Apôtrcs. Libellas Ignaiii, Mansi, t. xvi, col. 206-311. Photius cul-il vent de cette lettre? Toujours est-ll qu'il ne laissa pas long­ temps Ignace en paix. Il voulut le faire comparaître une fois do plus devant le concile, pour y lire du haut de l'ambon sa sentence de déposition. On devait ensuite lui crever les yeux. Tandis que les soldats cer­ nent sa Hudson, Ignace réussit à s'enfuir, la nuit de la Pentecôte (25 mai 861), déguisé cn homme du peuple. Pendant trois mois. Il erre dans les tics des Princes, puis dans celle de Proconèsc et les autres de la Propontide. Photius le tait rechercher dans tous les monastères, mais cn vain. Il finit par faire dési­ gner le grand-drongairc Oryphas, qui bat cn vain les rivages de la Marmara sans découvrir le fugitif. Ignace errait dans les montagnes et les déserts, sans cesse poursuivi par les limiers impériaux, qui ne réus­ sirent pas à le saisir. Nicétas, op. cit., col. 524. Au mois d'août 861, de violents tremblements de terre ébranlèrent Constantinople et sc continuèrent pen­ dant quarante jours. Le peuple y vit une punition de Dieu pour les mauvais traitements infligés à Ignace et obtint de la cour le retour du proscrit. Cdul-ci put regagner tranquillement son monastère dcTérébinthos. Nicétas, op. cil., col. 525. Photius essaya encore à plusieurs reprises de le décider à abdiquer. Pour dé­ courager sa résistance» 11 composa même défaussés lettres d'Ignace au pape Nicolas 1·* et d'autres de celui-ci à Photius. très élogieuses pour sa conduite. Nicétas, op. cil., col. 528-529. Rien n'y fit. Ne pou­ vant pas sévir contre son adversaire, que protégeait la faveur du peuple, il s’en prit à un autel qu' Ignace avait relevé dans l'îlc do Plati, après l’incursion des Russes, et, sur son ordre, des métropolites à sa dévo­ tion allèrent purifier cette pierre par quarante im menions dans la mer et des prières appropriées. La lettre que Nicolas 1·* avait confiée à ses légats pour les Pères du concile ne fut lue par eux que dans les réunions qui se tinrent après la déposition d* Ignace. Encore les légats, de plus cn plus Infidèles à leur mission, n’en présentèrent-ils qu’un exemplaire, qu'ils avalent falsifié sous l’influence de Photius. Plusieurs passages étaient enlevés, d'autres modifiés et quelques-uns interpolés. Il n’était plus question d'Ignace ni de la condamnation que le pape avait portée contre sa déposition. A leur retour à Rome, les légats osèrent prétendre que le concile avait de nouveau condamné Ignace et que tous les évêques avaient librement reconnu Photius commo patriarche légitime. Peu de temps nprès eux. arrivèrent les en­ voyés de l'empereur et do Photius, chargés de lettres ambiguës, à indue respectueuses. Nicolas 1er réunit alors son clergé cn concile romain, en présence des ambassadeurs byzantins, et déclara solennellement que les légats n'avaient pas reçu le pouvoir de juger Ignace; cn conséquence la déposition de celui-ci et l'élévation de Photius devaient être considérées comme nullos. Les 18 et 19 mars 862, il écrivit dans le même sens à l'empereur Michel 111 et ù Photius. Mansi, t. xv, col. 170; t. xvi, col. 64. Il adressa éga­ lement une autre lettre ad omnes fideles, mais spécia­ lement destinée aux patriarches d'Alexandrie, d'An­ tioche et de Jérusalem, pour proclamer qu'il recon­ naissait toujours Ignace pour évêque légitime de Constantinople et réprouvait Photius. Mansl, t. xv. col. 168. Ce ne fut que plusieurs mois plus tard que le pape fut exactement renseigné sur les événements de Constantinople par des amis d'Ignace que Photius 719 IGNACE DE CONSTANTINOPLE (SAINT) avait fait expulser ct qui sc réfugièrent à Borne. C'était au commencement dc 863. Nicolas I,r réunit aussitôt un concile, d'abord dans l’église Saint-Pierre, puis nu palais du Latran, ct y Ht condamner Zacharie d'Anagni, convaincu d’avoir trahi sa mission. Rodoald. qui était déjà reparti pour une nouvelle mission, fut déféré à un prochain concile. La conduite dc Photius fut de nouveau condamnée, son élection déchirée nulle et saint Ignace reconnu seul évêque légitime de Constantinople. Baronins, Annales, an. 863, n. G. Michel III, Bardas ct Photius, loin dc sc soumettre aux décisions pontificales, s’obstinèrent dans la ré­ sistance ct répondirent grossièrement à Nicolas Ier, dont la conduite énergique ne varia pas jusqu’au bout. Le 13 novembre 866, il écrivait encore à l’em­ pereur ct à Bardas, ainsi qu’aux évêques ct aux prêtres du patriarcat dc Constantinople, pour rétablir la vérité ct revendiquer la légitimité d'Ignace. Mansi, t. xv, col. 216, 210, 259, 265; U xvi, col. 101. Dans une autre lettre dc la même époque, il exhortait celui- ; ci à rester ferme ct à se confier en Dieu, comme saint Athanase, qui avait subi des épreuves pareilles. Mansi, t. xv, cul. 269. Quand ces lettres arrivèrent à Constan- I tinoplc, Bardas était mort, assassiné par ordre de Michel III, depuis près d’un an (21 avril 866). Cette mort ne changea d'ailleurs en rien la situation dc ΓÉglise. Photius sut faire sa cour nu nouveau césar, Basile le Macédonien, qui venait dc s'élever par le crime ct dont la conduitciétait rien moins qu'édifiante. Une tragédie nouvelle,qui ensanglanta la villo Impé­ riale moins dc dix-huit mois après, fit sortir Ignace dc sa retraite. Le 23 septembre 867, Basile assassinait Michel III et sc proclamait empereur. Bien que.Pho­ tius l'eût solennellement «sacré dès le lendemain, le nouvel empereur n’hésita pas à le sacrifier, pour s'attirer les faveurs populaires. Le 25 septembre, Photius fut enfermé dans le monastère dc Sképé ct Ignace ramené dc son exil avec les plus grands hon­ neurs. Sa réintégration formelle fut différée jusqu'au . 23 novembre, c'est-à-dire jusqu'au jour anniversaire dc son expulsion. En attendant, il habita le palais Mangana, qui faisait partie dc son domaine privé. j Nicétas, op. ci/., col. 510. L'empereur Basile tint à pré­ sider lui-même la cérémonie de réintégration qui eut lieu au palais dc la Magnaure. Un cortège pompeux conduisit ensuite le patriarche à l'église Sainte-Sophie, où il pénétra au moment où le prêtre qui célébrait derrière l’iconostase prononçait ces mots dc la pré­ face : « Rendons grâces au Seigneur, a Tout le peuple répondit : « Cela est digne et juste >, cc qui fut re­ gardé comme d’un heureux présage, et Ignace reprit possession dc son siège. L'empereur ct le patriarche ne tardèrent pas à envoyer des messagers à Rome pour notifier au pape cet heureux événement. Nicétas. op. cit., col. 511, 511. Nicolas l,r était mort depuis le 13 novembre dc la même année. Hadrien II, son successeur, tint en 868 un concile pour confirmer ce qui venait d'être fait à Constantinople et il écrivit à Ignace, le 10 juin 869, pour répondre à des questions qu’il lui avait posées sur lu conduite à tenir vis-à-vis des partisans de Photius. Mansi, t. xvj, col. 50. En même temps, il envoyait à Constantinople trois lé­ gats, Donat d'Ostic, Étienne dc Népi et le diacre Marin, qui devaient présider le concile général que tout le monde réclamait pour régler les difficultés pendantes. Cette assemblée s’ouvrit le 5 octobre 869, dans les tribunes dc droite de l’église Sainte-Sophie 11 y eut dix sessions qui furent assez laborieuses à cause des mésintelligences que Photius avait su semer dans les rangs de l'épiscopat grec. Il n'en fut pas moins condamné avec ses partisans. L'empereur ct Ignace écrivirent au pape pour demander son In­ dulgence en faveur d'un certain nombre dc clercs 720 ordonnés par Photius. Mansi, t. xvi, col. 203, 206. Trois jours après la clôture du concile, le 3 mars 370, Ignace prenait part à la réception solennelle que l'empereur Basile voulut faire aux ambassadeurs bulgares, en présence des légats, des envoyés des patriarches orientaux ct d’un certain nombre de prélats. Il insista avec tous les Grecs pour que lu jeune Église bulgare fût soumise ù celle dc Constan­ tinople. Après avoir défendu les droits de Rome, les légats le mirent solennellement en garde contre toute atteinte à la juridiction pontificale et lui signifièrent notamment qu’il n’avait pas le droit d’ordonner un évêque pour la Bulgarie. Ils remirent même une lettre d’Hadrien 11 qu'ils ne devaient produire qu'en cas de nécessité. Ignace la reçut scéancc tenante et, sans prendre la peine de la lire, il répondit d'une façon assez ambiguë qu’il sc garderait certainement d'ac­ complir une démarche qui fût contre l'honneur du siège apostolique : il n'était ni assez étourdi pour sc laisser entraîner ni assez affaibli pour qu’on lui fit faire cc qui paraîtrait répréhensible chez les autres. Vita Hadriani, P. L., t. cxvm, col. 1391 sq. Cela ne l’empêcha pas dc déférer aux désirs des Bulgares ct d'ordonner Joseph, qu’il leur envoya comme arche­ vêque. Comme nous le verrons plus loin, il ne semble pas s'être jamais départi de cette politique hostile à Rome, mais fort profitable à son Église et aux vues de l’empereur. Ignace reprit donc le gouvernement dc son Église au milieu de difficultés nouvelles. Malgré sa libéralité, sa douceur, sa piété, Nicétas, op. cil., P. G., L cv, col. 519, malgré les miracles que lui attribue son bio­ graphe, ibid., col. 552, malgré la faveur populaire qui lui était acquise, il ne réussit pas à désarmer les nombreux partisans dc Photius. Outre que celui-ci continuait à les exciter sournoisement, beaucoup d'entre eux étalent aigris par les condamnations sévères que le concile avait prononcées contre eux. Photius rentra d’ailleurs en grâce auprès de l’em­ pereur ct ne favorisa certainement pas les vues dc son adversaire. S’il ne tenta point de faire assassiner Ignace, comme le prétend Stylianos, un dc ses pires ennemis, Mansi, t. xvi, col. 129, il n’est pas douteux qu'il lui fit une guerre sournoise acharnée. Outre ces difficultés Intérieures, Ignace en connaissait d’autres aussi graves que lui valut sn conduite à l’égard de l’Églisc bulgare. En 871 ou 875, le pape Jean VIII le menaçait dc l'excommunier s’il persévérait dans son attitude vis-à-vis de cette Église. Sur le conseil des Byzantins, le clergé grec envoyé en Bulgarie avait fait expulser les missionnaires latins qui s’y trouvaient. Ignace justifiait cette mesure en écrivant que Rome avait dc son côté interdit toute fonction aux prêtres grecs que ses envoyés avaient rencontrés en Bulgarie. A quoi Hadrien II répliqua justement que ces clercs avaient été ordonnés par Photius, donc Invaiidcinent, ct qu'il avait fallu tenir à leur égard la même conduite en Bulgarie que dans l'empire byzantin. Mansi, t. xvi. col. 113. Ignace fit la sourde oreille, malgré une lettre assez sévère dc Jean VIH. Celui-ci lui écrivait encore le 16 avril 878 pour lui rappeler le double avertisse­ ment qu’il lui avait donné déjà dc ne pas étendre, au mépris des canons, les droits du siège dc Constanti­ nople, qu’il n'avait recouvré que grâce à l'autorité dc Rome. < Chacun sait, disait-il, que le pays des Bulgares fait partie du patriarcat de Rome. > Ignace l'a oublié, ainsi qu’il a oublié tous les bienfaits du siège apostolique, envers lequel 11 s'est montré ingrat et dont il a usurpé le territoire. Le pape, lui ayant déjà adressé deux exhortations, aurait dû rompre avec lui ; 11 veut toutefois user de condescendance et l'avertit une troisième fols. Ignace devra envoyer en Bulgarie des mandataires pour ramener tous les clercs grecs 721 IGNACE DE CONSTANTINOPLE (SAINT) — IGNACE DE LOYOLA (SAINT) établis duns cc pays. S’il ne sc conforme pas à cet ordre dans les trente jours qui suivront la réception de la lettre pontificale, il sera exclu dc la communion eucharistique, jusqu'à cc qu'il ait consenti à obéir. S’il s’obstine, 11 sera déposé du patriarcat, qu'il ne possède que grâce à la bienveillance dc Rome. Munsl, t. xvi, col. G7. Heureusement pour lui, Ignace était déjà mort depuis de longs mois lorsque les légats pontificaux arrivèrent Λ Constantinople avec cette lettre comminatoire. Il mourut, en effet, à l'ûgc de 8U ans, dans la nuit du 23 octobre 877. H fut revêtu, selon ses ordres, du manteau de l’apôtre saint Jacques, relique précieuse qu’il avait reçue de Jérusalem. Son corps, d’abord déposé dans l'église Sainte-Sophie, puis dans celle dc Saint-Mennas, fut Immédiatement l’objet d’un culte populaire. Pour satisfaire les exi­ gences dcsjidèlcs avides de reliques, il fallut mettre en pièces le drap qui recouvrait le cadavre. Les restes du patriarche furent enfin transportés à Satyre, sur la côte d’Asie, et ensevelis dans l’église du monastère dc Saint-Michel. Ignace avait fait construire cc cou­ vent dans les dernières années dc sa vie, après 873. Il faut en chercher les ruines à gauche dc la ligne du chemin de fer, entre Bostundjik et Maitépé. Pargolrc, Les monastères de saint Ignace et les cinq plus petits îlots de Γarchipel des Princes, dans le Bulletin de Γ Institut archéologique russe de Constantinople, t. vu, p. G9. Photius ne laissa pas les cendres dc son adver­ saire en paix; il tint à lui faire sentir sa vengeance jusque dans la tombe. Sur son ordre, le sacellairc Lydos chassa d’abord les malades qui venaient dc plus en plus nombreux au tombeau implorer leur guérison, puis, sous prétexte dc découvrir des trésors qu'Ignace aurait cachés, il ouvrit le tombeau, boule­ versa le monument ctlcs alentours, mais,frappe d’une maladie soudaine, il mourut quatre jours après. Nicétas, op. cil., col. 564-565. L'Église grecque, comme l’Églisc latine, fait mémoire dc saint Ignace au jour anniversaire dc sa mort, le 23 octobre. Bien qu'il fût sous le coup d’une menace très grave dc la part do Rome, Ignace n’est donc pas mort en dehors de la communion de l’Églisc. Il ne faut pas trop s’étonner que celle-ci n’ait voulu sc souvenir que dc sa constance dans les persécutions, dc sa lutte courageuse contre Photius et de scs vertus privées, quand elle le plaça sur les autels. Baronius, Annales, an. 878, n. 42, est le premier qui ait excusé la lutte d’Ignace contre 1rs instructions de Rome, en disant que soutenir les droits dc son Église, c'était, pour lui, rester fidèle nu serment qu’il avait fait de les dé­ fendre au jour de son ordination. Il est vrai qu’à les regarder dc près, ces prétendus droits dc l’Eglisc de Constantinople sur la Bulgarie sont plus que problé­ matiques. Sans vouloir excuser saint Ignace de son attitude vis-à-vis dc l’autorité pontificale, nous pou­ vons faire remarquer qu'il n ’a fait que suivre l’exemple de scs prédécesseurs, dont plusieurs ont cependant été honorés par l’Églisc, comme saint Jean Chryso· stome, saint l’iavicn, etc. Placés dans des circonstances à peu près semblables,les uns comme les autres n’ont pas reculé devant les empiètements. C’est en grande partie Λ cette politique habile, mais peu scrupuleuse, que l’Églisc dc Constantinople a pris une si rapide extension territoriale. Saint Ignace n’a pas laissé d’autres écrits que les quelques lettres adressées mi pape que nous avons signalées nu cours dc cette élude. S’il fut toujours considéré comme un champion dc l’orthodoxie contre les erreurs des iconoclastes, il ne semble pas les avoir réfutées dans des ouvrages. Du moins aucun auteur de celte époque n’y fait allusion. 11 ne possédait pro­ bablement pas, du reste, une Intelligence assez vive pour sc lancer dans la polémique. A part sa conduite 722 dans l'affaire bulgare, on peut dire qu'il gouverna consciencieusement son Église, en ancien moine fidèle û sa règle et que ne troublaient point les préoc­ cupations politiques. Nicétas le Pûphlagonlen Vita S. Ignatit, P. G., t. cv, col. 487-574;J. Ilergmrœthrr,Pàoilus, Patriarch oon Constantlnopcl, sein Is. ben, seine Schriften und dos gnechlsche Schisma, nach handschriftllchen und gedrûckten Qucllen, 3 ln-8·, Ratisbonne, 1867; Acta sanctorum, 1861, oetobrh t. x, p. 157-167; A. Vogt. Basile p', empereur dc Byzance (S67‘MG) et la civilisation byzantine à la fin du fX· siècle. ln-8·, Paris, 1908; Baronius, Annales,pass(m; Bcmardakii, Les appels au pape dans l'Église grecque jusqu'à Photius, dans les Échos d'Orient, 1903, t. VI, p. 254-257; Vila Nicolai, dans Munsl, Cône il., t. xv, col. 1 17 ; P. L., t. ex xvm, col. 1362; S. Nicolai 1 eplstolr, P, L·, t. exix; Mansi, op. cil., t. xv ct xvi, passim; A. Lapôtre,!^· pape Jean VIII, in-8·, Paris; S. Vnilhé, au mot Bulgarie» t. n, col. 1177; I J. Pargolrc, Let monastères dc saint Ignace et les cinq plus petits Ilots de Γarchipel des Princes, dans le Bulletin de Γ Institut archéologique russe de Constantinople, t. vu a; 1 Icfele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. nr a, passim ; J. Bousquet, L*unité de Γ Église et le schisme grec, Paris, 1913, p. 127-150; Beatcncgklopàdie fur protestantische Théologie und Ktrche, Leipzig, 1901, t. IX, p. 56-59. R. Jaxxx. 3. IGNACE DE LOYOLA (Saint). Né au châ­ teau de Loyola près d'Azpeltia, province de Guipuscoa (Espagne), en 1491 ou 1495, fondatcui delà Compagnie de Jésus (1540), mort à Rome, le 31 juillet 1356. La place dc saint Ignuce de Loyola dans la théologie est marquée surtout par ses Exercices spirituels ct par son ! influence sur la théologie de son ordre. De là les deux parties dc cet article. - - 1. Le livre des Exercices. IL Saint Ignace théologien. 1. Le livre des < Exercices ». — Ie Sa compost· (ion. — Cc livre est le fruit des méditations, ct sur­ tout des expériences faites par son auteur sous la conduite dc Γ Esprit de Dieu. Commencées à Loyola durant une convalescence, où la lecture de la vie dc Jésus-Christ ct des saints changea complète­ ment le cours des aspirations, jusque-là toutes mon­ daines, du jeune chevalier (1521), ces expériences se poursuivent dans la retraite dc Manrèse, près Bar­ celone. Là, en même temps qu il soumet son corps aux plus rudes pénitences, il plonge son âme dans la méditation des vérités étemelles. Tour à tour ravi en d’incflables consolations ct torturé par dc cruelles épreuves, inondé dc clartés célestes ct oppressé par d'angoissantes obscurités, il observe ct étudie atten­ tivement ces états si divers. Son but, d’abord, n’est que dc reconnaître et d'accomplir parfaitement cc que Dieu veut de lui. Puis il coordonne ses expériences, et quand il sortira de la grotte dc Manrèse. totalement transformé, il sera en possession d’une méthode spi­ rituelle, qui lui permettra d'opérer une transforma­ tion analogue chez beaucoup d’autres. En terminant cette espèce de noviciat, il avait déjà rédigé lu substance du petit livre qui résume le tra­ vail intime accompli dans son âme. L’épreuve qu'il en fit peu après sur d’autres lui permit dc contrôler et dc perfeciionner scs méthodes, d’enrichir scs direc­ tions pratiques. Quelques compléments encore datent du temps dc ses études théologiques. L’élaboration personnelle du livre α-t-cllc été aidée par des secours extérieurs et dans quelle mesure ? Question beaucoup agitée. Pour y répondre, il faut distinguer les divers éléments dont sc compose l'ou­ vrage de saint Ignace. On y trouve d’abord des médi­ tations, résumées en points plus ou moins brefs; puis des Instructions qui s’adressent, soit à celui qui fuit les Exercices, soit à celui qui .es donne ou les < fait faire ». De ces instructions, les unes, intitulées Anno­ tations ct Additions, renseignent sur l'objet à sc pro­ poser dans les divers Exercices ct sur la meilleure 723 IGNACE DE LOYOLA (SAINT) 724 manière de les faire pour l’obtenir; les autres, sous le monde que pour servir son créateur et sauver son titre de Règles, renferment surtout une direction Ame, il comprendra que toutes choses n'ont de prix pour reconnaître et vaincre les tentations et les autres réel pour lui qu'autant qu'elles l'aident à atteindre difficultés que rencontre un retraitant de bonne ccttc fin; et alors il commencera aussi à sentir combien peu cc principe a jusque-là réglé scs désirs et scs atta­ volonté. Les méditations des Exercices ayant généralement chements, et à vouloir sur cela réformer la conduite pour sujet les vérités chrétiennes fondamentales, de sa vie. Mais ce sentiment et ccttc volonté ont besoin comme les lias dernières et In vie do Jésus-Christ, d'être développés et forti fiés, pour mener à une parfaite il est naturel qu’on y rencontre la même matière que conversion : c'est la tâche de la première semaine. chez des auteurs spirituels plus anciens. Ignace luiIx*s opérations de cette campagne spirituelle sont même a indiqué comme ayant déterminé la crise de en effet réparties sur quatre semaines. C'est le temps sa conversion « un Vita Christi et un livre de Vies des que le suint juge communément nécessaire pour que saints >. Le premier de ces ouvrages est sans nul doute scs Exercices produisent tout leur fruit; mais il ob­ la Vie du Christ de Ludolphe le Chartreux, l'autre lu serve que ces périodes peuvent être raccourcies ou Fieur des saints ou Légendedorée de Jacques de Varazze prolongées nu delà de sept jours, selon que l'cflct ou Voragine. Ignace ne s'est pas contenté de lire ces cherché dans chacune est obtenu plus ou moins vite. deux ouvrages : il en a fait des extraits, remplissant Ces quatre semaines marquent les étapes du chemin 300 feuillets, qu’il n emportés à Mûnrèsc. 11 est donc à parcourir par l'âme qui veut sérieusement revenir à naturel qu’il s'en soit inspiré dans scs méditations. Dieu et sc fixer dans les voies de Γordre après s’en Le saint a dit en outre au P. Gonsalvez qu'à Manrèse être plus ou moins éloignée. c il avait vu pour la première fois le petit Gerson(VImi­ Le péché seul détourne l’homme de Dieu et de h tation de Jésus-Christ) et qu’ensuito il n'avait plus fin dernière. Aussi les exercices de la première semaine voulu lire d'autre livre de dévotion. » Monumenta visent-ils à détruire dans l'âme le péché avec ses historica Societatis Jesu, Ignatiana, sér. iv, 1.i, p. 200. causes. Ils obtiennent cet effet par une gradation On sait que VImitation est, avec i'Évangile et lu Vie bien ménagée : confusion et douleur, engendrées par des saints, le seul ouvrage dont il recommande nom­ la considération du péché dans des exemples, puis mément la lecture au retraitant, à partir de la seconde en nous-mêmes; résolution de ne plus le commettre, semaine. Ainsi s'explique, si l’on veut, la relation confirmée par la méditation de l'enfer. Le résultat est étroite de la spiritualité des Exercices avec celle de la contrition parfaite; il s’achève en une conversion Thomas a Kempis, laquelle n'est d’ailleurs que la totale, par la ferme volonté d'extirper les racines do spiritualité traditionnelle chrétienne. péché, le dérèglement de nos actions et l’amour du Le retraitant de Manrêso a-t-il connu et utilisé monde. Cc résultat est obtenu infailliblement, dans la d'autres livres? On l'a affirmé surtout pour V Exerci­ mesure où l'on est fidèle à la méthode de saint Ignace, tatorio de la vida cspiritual de l’abbé du monastère bé­ qui réidisc la pleine collaboration de l'effort humain nédictin de Montserrat, Garcia de Cisneros. La ques­ avec la grâce divine. tion est pleinement discutée par le P. I L Watrigant, L’auteur des Exercices était d'avis que la pre­ Genèse des Exercices de S. Ignace, 1897, et Quelques mière semaine suffit à la majorité des âmes. Une promoteurs de la méditation méthodique au Jtr· siècle, fois remises dans la bonne voie, elles n'ont plus qu’à n. 59 de la Collection de la Bibliothèque des Exercices, prendre les moyens de persévérance qu’il leur indique : à Enghlen (Belgique), 1919. \J Exercitatorω n'est fréquentation assidue des sacrements; pratique des qu'une compilation, dont le but diffère de celui des examens de conscience, surtout de l’examen particu­ Exercices et dont l'ordonnance n'a pu fournir à lier; oraison d'après des méthodes faciles. saint Ignace que la donnée, traditionnelle aussi et Les trois semaines suivantes sont pour les âmes commune, des trois voies ascétiques, avec In notion capables d'une vie chrétienne plus qu’ordinaire, des « semaines > de méditations. D’autres rapproche­ spécialement celles qui désirent choisir ou mieux ments qu'on a faits, et qui ne concernent que la ma­ régler leur état de vie. Elles parcourront CCS étapes tière des méditations, prouvent tout nu plus que à la lumière des exemples de celui qui est la vole, la saint Ignace a tiré d’ailleurs quelques pierres de sa vérité et la vie, en le contemplant dans les trois phases construction. 11 en est seul Je véritable architecte et de son existence terrestre. bien à lui sont les grandes idées qui font la force et la Cette nouvelle et triple série d'exercices a pour beauté exceptionnelles de l'édifice. On aurait retrouvé introduction, et en quelque sorte pour fondement toutes ses méditations et ses instructions chez les particulier, l’importante méditation du règne ou de la Pères et les ascétiques anciens, que son livre des royauté de Jésus-Christ. Le Sauveur y apparaît comme Exercices resterait vraiment et profondément origi­ notre roi éternel, descendu sur terre pour nous mon­ nal. Car ces éléments divers n'avaient jamais été trer le chemin du salut et invitant tous les hommes réunis et combinés comme ils le sont ici, où ils com­ à l'imitation de sa vie. Dans la forme militaire que posent un puissant instrument de rénovation inté­ saint Ignace donne à cet appel, il ne faut pas voir une rieure, en même temps qu'une admirable direction simple réminiscence de sa première vocation : c’est pour toute la vie spirituelle. Disons brièvement com­ vraiment à une guerre que Jésus-Christ nous invite, ment cc double caractère sc réalise dans les Exercices. une guerre spirituelle, mais contre des ennemis d’au­ 2® La rénovation intérieure par les Exercices. - - Le tant plus durs â combattre que les plus âpres sont en nous-mêmes, à savoir l'amour-propre, l’amour du travail par lequel doit s’accomplir la rénovation est résumé d'nvancc dans le titre : · Exercices spirituels, monde, la sensualité. pour se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se La réponse à l'appel de notre roi ne peut être que l’acceptation franche et sans réserve de cette guerre, déterminer par aucune affection qui ne soit pas dans avec la résolution de le suivre jusque dans sa pauvreté l’ordre. > Aussitôt après, Ignace fait comprendre à et ses humiliations s'il veut bien nous y donner part. son retraitant ce qu'est l'ordre à remettre dans sa vie, en lui présentant à méditer avant tout le Prin­ i Ixs contemplations de la vie de Jésus-Christ auront pour effet de fortifier et d'enraciner dans l'âme cette cipe et fondement, qui n’est autre chose que la fin de l’homme. Cette considération du but de sa vie ter­ résolution, en la précisant pour les applications. restre donnera l’orientntion à tout son travail ulté­ Ainsi sc prépare peu à peu Γélection, choix ou réforme de l'état de vie. Le moment venu d'aborder direc­ rieur. Quand i) se sera bien pénétré de ccttc vérité tement ccttc affaire capitale, le retraitant recevra de foi et de raison, à savoir qu'il n’est en cc 725 IGNACE DE LOYOLA (SAINT) la disposition finale, décisive, dans la méditation des deux étendard*. Encore une Image militaire, comme celle du règne. dont la conclusion est accentuée dans celte méditation des étendards. Id en effet nous sommes placés devant l'opposition des deux esprits qui se combattent dans le monde : l'esprit d'orgueil, personnifié dans Lucifer;l'esprit d'humilité, incarné dans Notrc-Seigncur Jésus-Christ. 11 faut choisir, il n'y a pas de milieu. El ainsi sc trouve nettement marquée la voie à suivre, en même temps que les écueils à éviter, pour que l’élection soit bonne et salutaire. Saint Ignace ajoute encore des < règles de l'élec­ tion », admirables de sagesse. Notons qu’il Interdit au directeur des Exercices d'influencer en quelque ma­ nière que cc soit le retraitant dans ccttc aiïairc : elle est à conclure entre Dieu et l’âme seuls. Les décisions prises seront confirmées par la con­ templation prolongée de la vie de Jésus-Ghrist, et par les deux semaines restantes. Lu troisième, consa­ crée à In Passion, est particulièrement propre à en­ flammer de plus en plus l’amour pour le Sauveur et les ardents désirs de l'imiter. La quatrième produit le même effet, en faisant goûter la suavité de Jésus ressuscité dans son rôle de consolateur. Les Exercices ont leur couronnement dans la Conlemplalion pour obtenir Γamour divin. Après nous avoir fait parcourir tous les bienfaits de Dieu en trois tableaux d'une synthèse sublime, qui s'illumine à la fin par un regard sur lu bonté et la beauté infinie, entrevue en elle-même, clic nous amène à conclure par l'offrande entière de notre être au service de la Majesté divine. Λ ccttc brève ébauche du livre, il faudrait ajouter tout cc que l’auteur fait pour soutenir et porter au maximum la bonne volonté du retraitant;pour guider celui qui doit le diriger, a lin qu’il sache à propos le stimuler ou le retenir, l'éclairer, l’encourager aux moments difficiles, le préserver des écarts, l’armer contre les « fraudes de l'ennemi », et tout cela sans jamais s’interposer indûment dans les rapports entre Dieu et l'âme. Tel est le but de scs notes et de scs règles: dans leur apparente minutie, elles n’offrent pourtant rien de superflu, rien qui ne réponde aux Indications d'une saine psychologie. De fait, l'expérience de plus de tro«s siècles a mis en lumière l'efficacité des Exercices pour renouveler, transformer, élever les Ames. Après la grâce de Dieu et l'impression que fait toujours la considération des grandes vérités, les causes de cette cfllcaclté sont la combinaison et l’ordonnance logique des divers exer­ cices, In méthode naturelle indiquée pour In médita­ tion et la contemplation, la sagesse des additions et annotations. D’ailleurs, les mêmes causes font que les Exercices gardent leur admirable efficacité pour toute sorte de personnes. Grands de la terre et peuple, prêtres et laïques, gens du monde et religieux, hommes et femmes, peuvent les faire, nu moins en partie, et y trouveront le salut cl le progrès de leurs Ames, sui­ vant les dispositions qu’ils auront apportées. Aussi les Exercices sont-ils une incomparable école d'hommes, de chrétiens, d’apôtres. S'ils se résument finalement dans l'invitation de Notrc-Scigneur : · Renoncez à vous-même et suivez-moi », ils sont bien loin d’abattre les forces naturelles. Ils les intensifient, au contraire, en les purifiant de ce qui rappelle trop la matière et la bête, en leur imprimant la direction vers le plus haut idéal, et les ampli flant à l'infini avec les forces surnaturelles. Pour preuve, il suffit de dire que les Exercices de saint Ignace ont fait saint François-Xavier et saint François Régis, saint Charles Borromée et saint François de Sales : ces noms dispensent de citer la foule d’autres qu’on pourrait y ajouter. 72G 3e Doctrine spirituelle des Exercices. — Déjà notre aperçu rapide de* Exercices a dû faire entrevoir quelle solide et haute spiritualité ils renferment. Bien qu'on n'y remarque nulle prétention proprement didactique, il ne serait pas difficile d’en extraire tout un cours de science spirituelle. Pour en marquer du moins quelques grandes lignes, deux principes domi­ nent et dirigent la pensée de saint Ignace : le droit absolu de Dieu sur le service de l’homme et le devoir correspondant de celui-ci. Son idéal est l'immolation de tout l'être et de son acth ité à la plus grande gloire de Dieu. Pour le réaliser, le premier moyen, c'est l'oraison. L'oraison des Exercices est essentiellement pratique: elle doit procurer à l'homme les grâces de lumière et de force nécessaires pour dompter scs passions et s’initier aux vertus. Comme c'est là une œuvre qui exige l'étroite cooj>ération de Dieu et de l’homme, il y faut, avec l’humble prière, l’application des fa­ cultés naturelles de l'Ame, mémoire, intelligence, vo­ lonté, sagement aidées par l'imagination. On a reproché à cette oraBon la grande place qu'y tient le raisonnement, et la minutie des avis pour la bien faire, donnés sous le nom d'additions et d'annota­ tions. Mais s’il est vrai que In raison a le premier rôle dans les exercices des quatre semaines, c'est parce que des convictions fermes et bien motivées doivent pré­ sider à la rénovation dont seules elles assureront lu stabilité. Au reste la tâche de l'intelligence ne s'arrête pas à la théorie : elle doit provoquer les actes de lu volonté, affections et résolutions, qui constituent d'ordinaire le fruit des méditations. Aussi bien la grâce qu’on nous fait demander dans les préludes n'cst-ellc jamais pour la seule intelligence, mais encore et surtout pour la volonté et l'action. Enfin, la méthode de saint Ignace, avec les apparences de la régularité presque mécanique, laisse tout son jeu à une sage liberté. Elle comprend tout ce qui peut < older », sui­ vant l'expression chère nu saint, A bien faire l’oraison, mais ne demande jamais la fidélité servile à ce que l’expérience montrerait plutôt gênant. Saint Ignace n'a donné de méthode que pour l'orai­ son ordinaire; il s'abstient totalement d'inciter à la haute contemplation. 11 l’a pourtant bien connue par expérience dès Manrèse. C’est que, durant les Exer­ cices, l’attention doit sc porter avant tout sur la lutte contre les inclinations mauvaises et l’acquisition dim vertus, et seule l’oraison enseignée dans les Exercices peut servir cc but. Quiconque avec un cœur immortiiié prétendrait à une forme d’oraison plus haute ne pourrait qu'être le jouet de l’Illusion. D’ailleurs. il n'ap­ partient qu'à Dieu d'inviter qui il lui platt,ct quand 11 lui platt, à ses communications plus intimes, et alors il sc charge lui-même d Instruire les Ames auxquelles Il réserve pareille faveur. Celles-ci, en attendant, trouveront la meilleure préparation dans l’amour ardent de Notre-Selgncur Jésus-Christ et l’esprit d’abnégation, qui sont Je fruit principal des Exer­ cices bien faits. Nous pouvons ajouter que d’émi­ nents auteurs.comme Gagliardi et Suarez, ont remar­ qué, dans le livre même de saint Ignace, une sorte d’amorce do la contemplation proprement dite, non seulement dans la contemplation finale, ad oblinendum amorem, niais déjà dans les applications des sens sur les mystères de la vie de Jésus-Christ, où nous sommes invités à goûter l’infinie suavité et douceur de la di­ vinité, de l’âme et des vertus de Notrv-Sclgncur, etc. J. Maréchal, Note sur la méthode d'application des sens dans les Exercices de S. Ignace. Mélanges Watrigant, Enghien. 1920. p. 52-55. Mais pour saint Ignace la perfection de la vie spi­ rituelle ne consiste pas dans l'union avec Dieu par l oraison. 11 ne craignit pas de dire souvent qu’à son τη IGNACE DE LOYOLA (SAINT) avis, < dc cent personnes très adonnées à l'oraison, quatre-vingt-dix (peut-être même a-t-il dit99)éta!ent dans l’illusion.» Monumenta Ignatiana, série iv, t. I, p. 251· En tout cas, au-dessus de la contemplation la plus élevée, il estimait, comme plus glorieuse à Dieu, limitation parfaite dc Notre-Scigneur Jésus-Christ dans la vie apostolique. C'est à cette imitation qu’il pousse par tous scs Exercices, en faisant bien com­ prendre ce qu'elle demande, à savoir le généreux renon­ cement aux aises du corps et la mortification totale dc l'amour-propre et de l’amour du monde. Dans la vio spirituelle il importe d'être armé contre les tentations dc l'ennemi des Ames et contre les illu­ sions de l’orgueil et de l’imagination. Saint Ignace y pourvoit, d’abord, par la direction, puis, par scs admirables règles pour le discernement des esprits. Lo saint juge le secours d’un maître spirituel indis­ pensable pour « donner « ou faire faire les Exercices, du moins à qui les fait pour la première fois. Aussi c’cst ù cc directeur qu’il adresse la plupart de scs Instructions. Le rôle qu'il lui assigne est caractéris­ tique et bien conforme à l'esprit de toute sa spiritua­ lité. Que le dirigé fasse connaître tout cc qui sc passo dans son âme, a fin dc recevoir les avis appropriés (Annot. xvii); quo le directeur lo soutienne avec bonté dans les moments difficiles, et qu'en revanche, dans les temps dc ferveur intense, il l'empêche dc prendre des engagements précipités (Annot. vu, -Xiv): mais qu'il ne s'ingère pas autrement dans les affaires à traiter entre l'âme et Dieu seuls, comme celle du choix d'un état dc vie (Annot. xv):enfin qu'il encou­ rage, éclaire au besoin les bonnes initiatives, sans prétendre jamais les dicter. Saint Ignace ne veut pas même que l'on développe beaucoup les points de méditation aux retraitants : < En effet, dit-il, si celui qui médite vient à trou­ ver, soit par scs propres réflexions, soit par illumina­ tion divine, quelque chose qui fasse mieux pénétrer et «sentir» le sujet,le goût et le fruit spirituel en se­ ront plus grands pour lui; car cc fi'cst pas l’abondance dc la science qui rassasie l'âme, mais dc sentir cl* de goûter les choses intimement» (Annot. n). Le prin­ cipe de psychologie pratique qui est au fond dc cette raison, c'est que l'homme no fait avec plaisir et, par suite, ne fait bien, que l'œuvre qui met en jeu son initiative et son action propre. La méthode spi­ rituelle dc saint Ignace a le grand mérite d'éveiller et dc soutenir admirablement l’activité personnelle, autrement dit la bonne volonté; c’est la cause princi­ pale de son efficacité, nu point dc vue humain. D’ail­ leurs, cela est en harmonie avec les lois ordinaires de la Providence divine, qui aime, suivant l'expression do saint Thomas, Sum. theol., 1M, q, xxn,a. 3, A com­ muniquer la causalité aux créatures. Et ce qui est ainsi demandé à la nature ne fait point injure ni tort à la grâce; car,comme saint Ignace le dit en concluant scs Constitutions : « Dieu, étant auteur do la nature et dc la grâce, veut être glorifié par l'une et pur l'autre; il demande seulement qu'après l’emploi des moyens naturels on n'attende le succès que de la grâce, et des moyens surnaturels auxquels elle est attachée. » Sur le discernement des esprits d'après saint Ignace, voir t. iv, col. 1391-1393. IL Saint IonacbtuêoLogien. Saint Ignace dési­ rait que les profès dc la Compagnie fussent théolo­ giens excellents, éprouvés par des examens sévères sur la philosophie et la théologie scolastique. Constitu­ tions, part. V, c. il, 2; part. X. n. 7. C’est lui-même aussi qui n marqué les principes fondamentaux de l'enseignement théologique de son ordre. Était-il théologien? S’il s’agit seulement dc la con­ naissance des matières théologiques, on ne peut, semble-t-ll, lui en refuser une profonde et étendue, reçue 728 du ciel. 11 a dit au P» Lainez, qui le rapporte, en parlant des grâces qu’il avait reçues de Dieu à .Manrèse» qu'il lui paraissait que si, par Impossible, les Écritures et les autres documents de notre sainte foi venaient à sc perdre, il lui suffirait, pour tout ce qui touche au salut, de la connaissance et do l’impression des choses que Notrc-Selgncur lui avait communi­ quées en cc Heu. Monumenta Ignatiana, sér. iv, t. î p. 201. Rappelons encore qu’à Salamanque il fut lon­ guement interrogé parles dominicains cl l’inquisiteur sur les questions les plus subtiles dc la théologie, sur la trinité, l'incarnation, l'eucharistie et d'autres sem­ blables, et qu'il répondit à tout sans qu'on pût le pren­ dre en défaut. Monumenta Ignatiana, sér. iv, t. î, p. 78, 109. Enfin sa science extraordinaire frappa également les docteurs de Paris, dont plusieurs recherchèrent son amitié; quelques-uns firent les Exercices sous sa direction. L'un de ceux-ci, que Polanco nomme le « docteur Martial », et qui doit être le docteur Martial Mazuricr, lequel fut pénitencier dc Notre-Dame, voulut très sérieusement le créer docteur en théolo­ gie, alors qu'il n'était pas même encore bachelier ès arts : Ignace s'y refusa. Naturellement cette science infuse ne lui avait fait connaître ni la langue ni en général la technique de la théologie. Quand donc il fut décidé à sc consacrer au ministère des âmes, il dut suivre des cours uni­ versitaires. Après des débuts peu fructueux en Espa­ gne, il vint à l’université dc Paris, la plus célèbre de toute l’Europe (1528). Il y reprit ses études par la base, en commençant par les humanités (février 1528octobrc 1530); puis il donna les trois années régu­ lières à la philosophie et conquit la maîtrise èsarts. Enfin il s'appliqua à la théologie, jusqu’à son départ dc Paris, vers le milieu dc 1535, donc pendant environ deux ans. Le certificat d'études qu'il obtint de la fa­ culté dc théologie, le 14 octobre 153G, ne lui donne qu'un an et demi d’études dans la faculté; sans doute, on ne tient pas compte du temps qu'il avait em­ ployé à entendre les leçons des professeurs domini­ cains et franciscains dans leurs couvents. En effet, le certificat obtenu par son premier compagnon Pierre Lefèvre ne lui en donne pas davantage, bien qu’il n’ait pas fait moins de cinq années dc théologie â Paris (1530-1536). Les disciples d'Ignace nous ont conservé les noms dc quelques-uns des maîtres qu'ils ont entendus et qu'il a dû entendre également. François-Xavier, des extrémités dc l’Orient, demande au docteur Picard, séculier, dc lui recruter des auxiliaires parmi les étu­ diants dc l'université· Monumenta historica Socie­ tatis Jesu. Monumenta Xaveriana, t. î, p. 286. 11 adressait la même requête au docteur franciscain Pierre dc Cornibus. Celui-ci est aussi nommé avec grande distinction par Lefèvre, Monumenta, 1.î, p. 99 et 518, et Bobadilla. Mon. Bob., p. 614. Cc dernier mentionne encore des dominicains dans un curieux passage dc son autobiographie· Loc. cit. Il nous y apprend qu'après avoir fait quatre ans de théologie à Alcala et à Valladolid et enseigné la philosophie, il s'était rendu à Paris avec l’intention d'étudier les langues latine, grecque et hébraïque, mais qu’il avait renoncé à cc dessein, « en voyant qu'à Paris ceux qui gréclsalcnt luthéranlsaiont», et surtout parce que • le saint homme maître Ignace dc Loyola l’exhorta à poursuivre les études dc théologie scolastique et dc positive des saints docteurs ». Il suivit ce conseil en allant entendre sur la théologie scolastique, « chez les dominicains, le docteur Benoit et maître Mathieu dc Ori, hommes très doctes, et chez les franciscains, maître de Cornibus, qui ne peut être assez loué par tous les théologiens ». Le nom du docteur franciscain Pierre de Cornibus (en français Cornu, ou de Corne, 729 IGNACE DE LOYOLA (SAINT) d’après Morcrl) ne rappelle guère aujourd'hui que les moqueries de Knbelais, qui lui en voulait de son zèle contre le protestantisme. Le docteur dominicain Benoit est un peu moins oublié des historiens de la théologie, béret, Λα faculté de théologie de Paris. épo­ que moderne, t. n, P· 263 (à rectifier pourtant et à compléter par les Eludes, 1905, t. civ, p. 105). Son | collègue, le P. Mathieu Ory, était prieur du couvent dc Saint-Jacques et inquisiteur général en France· C’est en la dernière qualité qu'il fit en 1529 une en­ quête sur saint Ignace, dont le résultat favorable fut plus t ard ntt est é et con firmé par son sccrét aire, devenu son successeur, le P. Jean Laurent. Acte du 23 janvier 1537, dans Acta sanctorum, julii t. vn, Comm. prav. de S. Ignatio, n. 185; mais cf. Études, loc. cit., p. 106, j note, et Acta S. Ignatii a P. Consaluto, n. 81, dans Monumenta historica Societatis Jesu, Ignatiana, 1 sér. iv, t. î, p. 85. , Le témoignage de Bobadilla montre que ce n’est pas seulement la formation spirituelle, mais encore une direction utile pour leurs études, que pouvait donner à ses disciples l’ancien soldat, dont on n voulu ' faire un ignorant. Au reste, cette direction sc trouve Indiquée déjà dans ses Jléptes pour penser commet' Église. Ces règles, par lesquelles II a terminé son livre des Exercices, furent probablement rédigées ά Paris en vue des premières agitations protestantes. 11 recom­ mande de louer ù la fois la théologie positive et la scolastique. Et remarquons comment, à cette occasion, il définit le but et la méthode de la vraie scolastique : « C’est, dit-il, le mérite le plus particulier des docteurs scolastiques, comme saint Thomas, saint Bonaven­ ture, le Maître des Sentences, etc., dc définir et éluci­ der pour nos temps les choses nécessaires au salut, et dc combattre et démasquer toutes les erreurs avec toutes leurs fraudes. Car les docteurs scolastiques, étant plus récents, ne profitent pas seulement de la vraie Intelligence de la sainte Écriture et des écrits des saints docteurs positifs, mais illuminés euxmêmes et éclairés par l’assistance divine, ils ont en outre le secours des conciles, des Canons et des const!- ΐ tutions dc notre sainte mère I’Église. » Saint Ignace ne concevait donc pas la vralc scolastique isolée dc la positive et négligeant, comme Melchior Cano accuse scs contemporains dc le faire, l’étude sérieuse dc l’Écrlturc, des Pères et en général des monuments de la tradition catholique. Quant à la mesure de science acquise par Ignace, voici cc qu’en dit son compagnon, le P. Jacques Lainez, le théologien admiré nu concile de Trente : « Quoiqu’il eût plus d’empêchements que les autres étudiants, il mit ù l’étude autant d’application et fit autant ou plus dc progrès, toutes choses égales d’ail­ leurs, que tous scs condisciples. Il parvint ainsi à une science moyenne, comme il l’a montré dans les examens publics et dans les disputes dc son cours. > Monumenta historica. Scripta de S. Ignalio, 1.1, p. 110. Le P. Jérôme Nadal atteste également son ardeur et sa persévérance extraordinaires nu travail, son assiduité aux exercices et le grand fruit qu’il en retira. Monumenta historica. Epist. P. Nadal, t. iv, p. 226. Une véritable compétence ne manquait donc pas à saint Ignace pour organiser l’enseignement théolo­ gique dans son ordre. Par le fait il en a très sagement posé les bases essentielles dans la IV· partie de scs Constitutions. Voici comment débute le c. xn» où il traite des < facultés » (disciplines), qui sont ù enseigner dans les universités de la Compagnie : « Comme la fin dc la Compagnie et des études est d’aider les prochains à la connaissance et à l’amour dc Dieu et au salut dc leurs Ames; et pour cela le moyen le plus propre étant la théologie, c’est sur celle-ci qu’il faudra insis­ ter principalement dans les universités dc la Compa­ 730 gnie, en faisant traiter avec soin, par de très bons maîtres, cc qui touche ù la doctrine scolastique et à la sainte Écriture, et aussi, dc la positive, ce qui con­ vient pour la dite fin, sans entrer dans la partie du droit canonique qui sert pour le for contentieux. » # Au c. xn. Des livres qu'il faut tire, c'est-à-dire expliquer, après avoir rappelé ce qu'il a dit en par­ lant descollèges(d'étudlants jésuites,c.v),·on ne lira, continue-t-il, dans chaque faculté que les livres dont la doctrine est tenue pour la plus solide et la plus sûre, sans en admettre qui soient suspects, ou eux ou leurs auteurs. Mais voici en particulier ceux qui doivent être nommés pour chaque université, dans la théologie: on lira l'Ancien et le Nouveau Testament et la doc­ trine scolastique de saint Thomas; pour la positive, on choisira ceux qui conviennent le mieux ù notre fin. > Quand le fondateur de la Compagnie prescrivait ainsi d’expliquer saint Thomas à ses étudiants, c’était là presque une nouveauté. En eflet, malgré la grande autorité dont il jouissait depuis longtemps dans I’Église, le docteur angélique n avait guère eu jusque-là dc commentateurs, même dans son ordre. C’était le « Maître des Sentences », Pierre Lombard, que les professeurs, même dominicains, glosaient et exposaient à leurs auditeurs. Aussi saint Ignace, dans une déclaration ajoutée au passage des Constitutions que je viens dc rappeler, pour ne point rompre trop vite avec l’usage consacré. Indiquait encore le Lom­ bard à « lire » avec saint Thomas. C'est ce qui fut exé­ cuté par le premier professeur de théologie du Collège romain, durant trois ans. Mais depuis lors, le Maître des Sentences céda la place à saint Thomas, qui fut seul commenté par tous les grands théologiens jésuites. Λ Paris, Maldonat en 1569 commence également par suivre Pierre Lombard; mais Mariana, dès 1570, prend saint Thomas : cc fut le premier cours de cc genre fait à Paris en dehors du couvent des domini­ cains. Tout le passé dc l'enseignement théologique dans la Compagnie autorisera la Congrégation géné­ rale dc 1615 à dire nu pape, que, · depuis déjà tout un siècle, peut-être nulle autre famille religieuse n’avait consacré plus dc travaux et dc veilles à faire connaître la doctrine dc saint Thomas ». C’est là un mérite qui ne saurait être cfTacé parce qu’on s’est permis d’aban­ donner son sentiment dans des cas très rares, et pour dc très fortes raisons, ù l’exemple dc Victoria et d’autres thomistes illustres. Saint Ignace n’a jamais prescrit à ses professeurs d’enseigner toutes et rien que les opinions dc saint Thomas. Il leur donne pour règle générale dc suivre la doctrine · la plus solide », < la plus sûre », « la plus approuvée dans I’Église ». Il précise sa pensée en dé­ clarant que · des opinions nouvelles ne sont pas ù ad­ mettre », c’est-à-dire» comme il s’explique immédiate­ ment, · des opinions contraires au sentiment commun dc I’Eglise et des docteurs ». 11 ajoute que, dans les questions mêmes où les docteurs catholiques ont des opinions différentes ou contraires, il faut dans la Com­ pagnie viser à l’uniformité, surtout dans l’intérêt de la charité fraternelle; et le moyen qu’il Indique pour cela est que chacun, «autant que possible, s’accommode à la doctrine la plus commune dans la Compagnie ». Les termes précautionneux dont use le saint fonda tcur indiquent suffisamment qu’il n’a jamais espéré ni désiré l’uniformité absolue dc sentiment dans son ordre. Sa connaissance de la nature humaine le lui interdisait, aussi bien que le souci du progrès légi­ time, qui ne lui était pas indifférent. Il ne dit pas qu’il condamnerait des explications, des théories nouvelles, sur des points où il n’y a pas de < sentiment commun dc I’Église et des docteurs », si elles axaient leur uti­ lité pour l’intelligence et la défense dc la doctrine ca­ tholique. 731 IGNACE DE LOYOLA (SAINT) — IGNORANCE Bien plus, il comptait que les travaux des siens produiraient des nouveautés dc ce genre. En effet, tout en assignant pour base dc renseignement théoJogiquc dc «-a Compagnie la théologie scolastique de saint Thomas, ilajouteque, si dans la suite un manuel de théologie était composé qui fût < plus approprié à nos temps », on pourrait, après examen très sérieux et avec l'approbation du Pêre général, l’employer dans les cours. Le saint chercha meme à provoquer la com­ position d'un ouvrage dc cc genre, surtout en vue des besoins dc l'Allemagne; il espéra uncertain temps l'ob­ tenir dc son plus savant compagnon, Lainez: les mul­ tiples travaux dc celui-ci ne lui permirent pas d'en pousser bien loin la rédaction. Mais nombre d’autres théologiens ont surgi dans la Compagnie, qui ont suivi la pensée de leur Père; et, fidèles à saint Thomas comme guide habituel, ils surent le compléter, soit par les questions dc controverse, qui, au xjh· siècle, ne sc posaient point, soit par l’introduction plus large des éléments dc positive, soit parles théories développées sur les fondements jetés par le docteur angélique ou même construites à nouveau. Bcllarmin, Tolet, Molina, Suarez, Vasquez, \ alentia, Lugo, Ruiz de Montoya doivent assurément être comptés parmi les interprètes les plus intelligents, en même temps que les plus res­ pectueux, dc saint Thomas ; mais ils ont amplement démontré par leur exemple la possibilité, après les grands docteurs du moyen âge, d'enrichir encore la théologie, dans l'explication et la preuve, comme dans la défense des dogmes. Voir Jésuites. Les documents sur saint Ignace sc trouvent dons les Acia sanctarum des bollandistcs, Julii L vu, que complètent déjà en partie plusieurs articles des Analeda bollandlana, publiés par les nouveaux successeurs de Bollandus; mais surtout dans les Monumenta Ignatiana, qui tonnent dèjft 15 volumes des Monumenta historica Societatis Jesu, que publient les jésuites espagnols : série i, ΕρΙχΙαίκ et Instruc­ tiones, 12 vol.; série n, Erercilia spiritualia et eorum di­ rectoria, 1 vol.; série rv, Scripta de sando Ignallo, 2 vol. Dans la seconde série, on nous donne le texte original des Exercices d’après le manuscrit corrigé dc In main dc saint Ignace, et, en regard, les deux versions soumises â l’ap­ probation papale en 1518, et enfin la version littérale du P. Roothaan; en note, les variantes de plusieurs copies an­ ciennes, dont une vient du B. P. Lefèvre. Les Directoires, publiés Λ la suite, sont importants pour la connaissance dc l’esprit et dc la méthode véritables des Exercices. Pour le resto dc l’abondante littérature relative ù saint Ignace, nous renvoyons ù son article dans la Bibliothèque de la C* de Jésus, par De Backer et Sommervoge). et ù la Bibliographie historique du P. Carayon, ainsi que, pour les ouvrages récents en particulier, aux Analeda bollandlana, où tout cc qui a été publié sur le saint depuis quarante uns est signalé en son temps et apprécié avec la compétence bollandicnne. Enfin disons que la Collection dc la Bibliothèque des Exer­ cices de S. Ignace,déjà indiquée dans Particle, est à la 65*11\ raison et contient,avec d’excellents travaux sur la spiri­ tualité. l’histoire et la pratique des Exercices et des re­ traites. te relevé par années des publications sur cette matière. J. Bbuckebl. IGNORANCE.—L Notion. IL Espèces. III. Culpabilité. IV. Applications morales. L Notion. — L’ignorance, que saint Thomas définit • lu privation dc ia science *, n'est pas l’absence de connaissance dans n'importe quel sujet, autrement, les minéraux et les plantes, qui sont privés dc connais­ sance sensible, et les animaux, de connaissance intel­ lectuelle, seraient des ignorants. C'est In privation dc la connaissance intellectuelle dans un sujet apte, de sa nature, ù l’acquérir. Et encore la simple négation de science dans un être intelligent n'est pas dc l’igno­ rance; c'est, selon le mot de άνγοία, employé par le pseudo-Aréopngite. De hierarchia aelcsti, c. vn, n. 3, P, G., L rn, col. 209, à propos des anges, de la non- 732 science, nescientia. S. Thomas, Sum. theol., p il*, q. lxxvi, a. 2. Mais encore tout être intelligent n’est pas tenu d’acquérir toute connaissance. Un idiot en est incapable. Un homme qui n'a pas étudié Ignore beaucoup de choses. Un esprit cultivé, à moins d'être un Pic dc la Mirandolc, ne peut disserter de omni re scibili cl quibusdam aliis. L'Ignorance dont s’occupent les théologiens est la privation de la connaissance des vérités que tous ou chacun sont obligés de savoir. Personne, â moins qu’il ne soit chargé de les enseigner, n'est tenu de connaître les théorèmes dc la géométrie. Mais tous les hommes sont tenus, dc règle commune, dc connaître les vérités principales de la foi et les préceptes universels du droit. Les particu­ liers doivent, en outre, connaître tout ce qui concerne leur état ou leur office : un médecin, la médecine; un prêtre, la théologie, etc., bref, cc qui lui est nécessaire pour accomplir régulièrement un acte qu’il est obligé d'accomplir. S. Thomas, loc. cit. Dans tous les cas où l’on doit posséder une connaissance, sa privation devient un défaut de science, qui est alors Impu­ table. IL Espèces. — Les théologiens ont distingué diiïérentes sortes d’ignorance, en considérant la privation de science â des points dc vue différents : 1° Quelques-uns ont distingué l'ignorance négative, qui est la nescience, dont nous venons dc parler; l’igno­ rance privative, au sens selon lequel saint Thomas a défini l’ignorance, et l’ignorance positive, qui existe chez un homme qui, non seulement manque dc la connaissance religieuse qu’il était tenu d'avoir, niais qui en plus, par suite de ses mauvaises dispositions, a adhéré ù l’erreur contraire à la vérité catholique qu’il devait croire. 2° Au point de vue du sujet chez qui elle existe, l’ignorance est invincible ou vincible. 1. L’ignorance invincible est celle qui n'a pu être dissipée par un cilort moral sérieux, soit qu’un sujet n'ait jamais pensé à rechercher la vérité qu’il était tenu de connaître, soit qu'il n’ait pas abouti dans les recherches qu'il avait faites autant qu'il en était ca­ pable. Quand le sujet n’a jamais pensé Λ l’obligation qu'il avait dc s'instruire, ou ne s'en est pas douté, son ignorance est, à proprement parler, l’ignorance invin­ cible, et elle est involontaire, même lorsque, s'étant douté dc l'obligation dc s'instruire, il n’a pu parvenir par l’étude à connaître la vérité ou son devoir. 2. L'ignorance vincible est celle qui aurait pu être dissipée par une diligence moralement suffisante à la faire cesser, diligence que le sujet n’a pas employée pour connaître la vérité qu'il avait le devoir d'acquérir. Elle est donc volontaire, puisqu'elle pouvait être chassée sans trop dc difficulté par un effort suffisant et qu’elle ne l'a pas été. SI le sujet n’a pas voulu déli­ bérément faire cct effort et a préféré rester dans son Ignorance, soit pour ne pas changer dc conduite et pécher librement, soit pour excuser son péché, soit pour ne pas troubler son repos par une recherche in­ quiétante, l’ignorance vincible devient alors affectée, et clic est directement voulue. Mais l’ignorance vincible peut n'êtrc volontaire qu’indirectement, par le fait que les moyens de lu vaincre ont été omis; c'est alors l'ignorance de purc négligence. Elle n’est pas affectée et voulue pour elle-même; elle est le résultat dc Tomission des moyens nécessaires h employer pour la dissiper. Ccttc négligence mise à sc renseigner peut exister perpétuellement, par exemple, si elle s'applique i\ l'étude des choses de In foi ou des obligations d'un état on d'une charge qu’on assume. Elle peut aussi se rencontrer duns un cas particulier seulement, et saint Thomas cite l’exemple du sagittaire qui, avant de tirer une flèche dans un lieu qui est ordinairement fréquenté par des passants, ne prend pas soin dc re­ 733 IGNORANCE garder si quelqu'un y passe, nu risque de le tuer. De malo, q. ni, a. 8. Les moralistes déterminent encore généralement des degrés différents dans l’ignorance vincible non affectée. Elle est simplement vincible chez le sujet qui fait bien quelque cifort pour sortir dc son igno­ rance, sans en faire toutefois un assez grand pour y parvenir. Elle est crasse ou supine, quand aucun moyen ou à peu près aucun n'a été pris pour la dissiper. Quel- 1 ques théologiens identifient l'ignorance crasse et supine. D’autres les distinguent, en reconnaissant une gravité plus grande à l’ignorance supine,soit en raison de sa plus longue durée, soit que l’ignorance crasse ne résulte que dc la seule négligence et que la supine provienne d’une affection excessive ou d'une sollici­ tude trop grande, apportées à d'autres affaires et qui empêchent dc s’appliquer à l'étude des choses qu'on est tenu dc savoir. 3° Au point dc vue dc l’objet, l’ignorance peut porter sur une question de. droit, ou sur une question de /ait, ou encore sur une question dc sanction ou dc peine. L’ignorance du droit est celle dc la loi ou du précepte qui ordonnent ou interdisent un acte. Saint Thomas, De malo, q. in, a. 8, cite l’exemple dc l’homme qui ignorerait que la fornication est un péché et s'y livre rait. Un catholique pourrait ignorer que l'affinité est un empêchement dirimant du mariage, ou que le jeûne ecclésiastique est imposé tel jour dc l'année. Cette sorte d’ignorance peut s’appliquer au droit naturel, au droit divin et au droit humain, ecclésias­ tique ou civil. L'ignorance dc fait est celle d'un homme qui ne sait pas que l’acte qu’il accomplit est un acte interdit par une loi. Saint Thomas, foc. cit., cite l'exemple de l’homme qui, croyant s’unir à sa femme, en connaît une autre. Un catholique, qui sait que l'affinité dirime le mariage, ignore que cet empêchement existe entre lui et sa femme. Celui qui connaît la loi du jeûne ecclésiastique ù tel jour de l'année, ignore que ce jour est arrivé et ne jeûne pas. Les exemples dc cc genre pourraient facilement être multipliés. L’Ignorance de la sanction ou dc la peine existe chez celui qui, sachant qu’un acte est Interdit par la loi, ignore qu’une sanction, par exemple, l'cxcommuni cation, est attachée ù l’acte prohibé, tel que frapper violemment un clerc. Un catholique peut aussi ignorer que l’absolution du péché qu’il a commis est réservée au souverain pontife. 4° Enfin, en raison dc l’action dont elle peut être cause, l'ignorance est ou bien antécédente, ou bien concomitante, ou bien conséquente. Il ne s’agit pas ici dc l’ignorance affectée qui est directement ou indirectement l’effet d’un acte volon­ taire, mais dc l’ignorance qui est cause d’un acte voulu par suite d’elle ou avec elle. L’Ignorance est alors antécédente ou concomitante. Elle est antécé­ dente, quand elle précède l’acte voulu, dont elle est lu cause involontaire, puisque l’agent n'aurait pas voulu son acte, s’il avait su reflet impiévu qui devait en résulter. Lc cas sc produit, dit saint Thomas, quand un homme, ignorant une circonstance dc son acte, qu’il n'était pas obligé de savoir, accomplit cc qu'il n’aurait pas fait s’il avait connu ccttc circonstance, et l’exemple cité par le saint docteur est celui du sagittaire qui, après un examen diligent, ignorant qu'un passant est sur la route, lance une flèche et tue le passant, cc qu'il n’aurait pas fait s’il eût su In pré scncc du passant. L'ignorance est alors antécédente à l’acte. Elle est concomitante, quand l'agent. Ignorant la portée dc son acte, aurait cependant voulu l’accom­ plir, même s’il avait su cc qui devait résulter. L’igno­ rance ne l'a pas poussé Λ faire ce qui est advenu, mais il est arrivé que cc qu’il ne voulait pas s’est produit 73 ί au lieu dc cc qu’il voulait. C’est le cas du chasseur qui, voulant tuer un cerf, tue son ennemi. Cc chasseur ne voulait pas tuer son ennemi, dont il ignorait la pré­ sence; cependant, il aurait tiré alors même qu'il eût su viser son ennemi, il n’a donc pas fait un acte qui aurait répugné à sa volonté; son acte toutefois n’a pas été voulu, puisqu’il ignorait sa portée. L’ignorance n'a pas précédé l’acte et n’en a pas été la cause; elle l’a seulement accompagné, et le chasseur a tué son ennemi, non pas ex ignorantia, mais cum ignorantia. L'ignorance conséquente porte, elle, sur l'acte de volonté, puisqu’elle est voulue elle-même directement ou indirectement. Elle suit donc cet acte, dont elle est un effet. Par suite, elle est elle-même volontaire : directement, quand l’acte d'ignorance est voulu, par exemple, lorsque quelqu’un veut ignorer, soit pour excuser son péché, soit pour ne pas sortir de la voie du péché dans laquelle il est entré selon cette parole : Scientiam viarum tuarum nolumus. Job., χχι, 14; in­ directement, lorsqu’on refuse de prendre les moyens dc connaître ce qu'on peut et ce qu’on doit savoir. La première sorte d’ignorance conséquente est donc l'ignorance affectée. Saint Thomas appelle la seconde sorte ignorantia malie electionis, qui provient de la passion ou dc la mauvaise habitude. Ainsi quelqu’un n'a nul souci d’acquérir une connaissance qu’il doit posséder : par exemple, les principes universels du droit que chacun doit savoir; sa négligence à s’ins­ truire est volontaire et conséquente à l'acte dc volonté qui l'a produite. Sum. theol., I* II·, q. vr, a. 8. III. Culpabilité. — Ie De Γignorance vincible et invincible. — 11 est clair, dit saint Tlwmas, ibid., q. lxxvi, a. 2, que quiconque néglige d'avoir ou de faire cc qu’il est tenu d’avoir ou dc faire, pèche par omission. D'où celui qui par sa négligence à s’instruire ignore cc qu'il est tenu de savoir, commet un péché. On n’imputera à la négligence de personne qu’il ignore cc qu’il ne peut savoir. L'ignorance invincible, qu’au­ cune étude ne peut faire cesser, n’est donc pas impu­ table, puisqu'elle n’est pas volontaire, ne pouvant être dissipée par celui qui en est atteint. Toute ignoI rance invincible n'est donc pas un péché· L’ignorance vincible est un péché, si elle porte sur les choses qu'on est tenu de savoir; mais elle ne l’est pas, si elle porte sur les choses qu’on -n’e^t pas tenu de savoir. La gravité dc la faute d’ignorance est proportionnée à la gravité de la négligence mise à apprendre la vérité ou le devoir; Suarez n’admet la gravité du péché d’ignorance vincible que si ccttc ignorance est crasse ou supine. De censuris, disp. IV, sect, x, n. 11, 12. 2· De Γignorance antécédente, concomitante et consé­ quente. -- L'ignorance antécédente et l’ignorance concomitante, quand elles sont involontaires, ne sont pas coupables. Elles ne le seraient que si, avant d'agir, l'agent n’avait pas pris le soin suffisant de sc rensei­ gner sur In moralité de son acte. S. Thomas. Sum. theol., 1* 11®, q. lxxvi, a. L L’ignorance conséquente ou affectée, même celle de mauvaise élection, sont coupables, parce qu’elles proviennent de la volonté d’ignorer. Le refus dc s'instruire et la passion qui pousse n agir sans connaissance suffisante sont répré­ hensibles. S. Thomas, ibid., q. vi, a. 8. La négligence à s'instruire et même la simple inconsidération avant d’agir sont des péchés. S. Thomas, ibid., a. 2, ad 3:«®. Ainsi un confesseur, un juge, un avocat qui négligent gravement d'étudier les devoirs dc leur état, commet­ tent une faute et ils sont responsables dc toutes les fausses décisions ou consultations que leur ignorance leur fait donner. IV. Applications morales. — L’Ignorance entre souvent en ligne dc compte dans les traités dc théo­ logie morale. On a déjà dit quelle sorte d’ignorance excuse dc l’hérésie. Voir I If.nÉsu:, t. vi, col.2220-2221. 735 IGNORANCE Nous examinerons les principaux des autres points de morale dans lesquels l'ignorance joue un rôle et exerce quelque influence. Ie Les actes accomplis par ignorance sont-ils morale­ ment imputables ά l’agent?— Tout acte humain doit être accompli avec connaissance et volonté. Or, de sa nature, l’ignorance rend involontaire l’acte dont elle est la cause. Elle est, en eiTct, la privation de la connaissance rationnelle de la malice ou de la prohibi­ tion de l’acte. Par suite, elle fait produire Λ l’agent un acte qu'il n'aurait pas accompli s’il avait su qu’il était mauvais ou prohibé. Elle enlève le volontaire de l’acte, comme disent les théologiens. L’acte dont elle est la cause est par suite involontaire comme elle; il n'est donc pas Imputable ά l’agent. Noé, qui ignorait la force du vin, ne fut pas responsable de son ivresse. Cette conclusion est vraie non seulement lorsque l’ignorance est antécédente ù l’acte, mais encore lors­ qu’elle lui est concomitante. L’ignorance concomi­ tante n’est pas cause de l’acte, mais elle l’accompagne, et elle empêche que l’acte mauvais soit voulu. Ainsi un fils qui tue son père, sans savoir que son père est sa victime, n’est pas parricide. Il ne le serait pas encore, même si scs dispositions étaient telles qu’il tuerait cct homme s’il savait qu’il est son père. Il commettrait seulement un homicide pour avoir voulu tuer un homme qui peut-être l’avait offensé. 11 n’a pas péché, dans le premier cas, ù cause de son igno­ rance; il a agi dans l'ignorance. S. Thomas, ibid., a. 4, in corp, et ad 3uin. Toutefois, l'ignorance, qui est la cause de l’acte, n'excuse pas toujours de toute faute. Si elle ne porte que sur une circonstance de l’acte, et non sur l’acte tout entier, l’agent a conscience que son acte est coupable, au moins en quelque chose, et il en est responsable dans cette mesure. C'est le cas du fils qui tue son père en voulant seulement frapper un homme qui l'a oiïcnsé;il commet un homicide, non un parricide. L'ignorance affectée et l’ignorance suite d'une négligence volontaire n'excusent pas totale­ ment du péché, à moins qu'elles ne concernent des vérités qu'on n'est pas tenu de savoir. S. Thomas, ibid., a. 3. Quand l’ignorance diminue le volontaire, elle dimi-· nue d'autant la faute, qui n’est plus entièrement vo­ lontaire. Ainsi l’ignorance affectée, si elle n'est volon­ taire qu’indircctcment et par accident, diminue le volontaire, et par suite le péché. La volonté ne sc porte pas alors directement vers le péché; elle ne le veut que par accident; le péché en est donc amoindri. Tel est le cas de l’homme qui s'enivre pour que, manquant de discrétion durant son ivresse, il accomplisse la faute pour laquelle il a de l'attrait et qu’il ne veut pas éviter. Mais l’ignorance affectée, qui est directement volontaire, loin de diminuer la faute, l’augmente nu contraire, puisqu’elle pousse la volonté ù pécher plus librement. Ibid., a. 4. Par ces paroles, saint Thomas veut dire, non pas que le péché ainsi accompli est aggravé, mais qu’il procède d’un plus grand amour du péché ou de l’intention que le pécheur a de pécher. 2° Un homme, jouissant de l'usage de la raison, peutil tire vraiment cl de bonne fot dans l'athéisme négatif, qui est la simple ignorance de Dieu ? -— Pour qu’il soit dans la bonne fol, cct homme aura dû employer tous les moyens qui étaient ù sa disposition pour connaître si Dieu existe. Son ignorance devra être invincible et non coupable. Or, cette ignorance ne paraît pas pos­ sible. Au témoignage de l’Ecriturc, l’ignorance de Dieu, dans laquelle se trouvaient les païens, était déraison­ nable et coupable. Sap., Xin, 1-9; Boni., 1, 20, 21. Tous les Pères ont pensé que l’on ne saurait mécon­ naître Dieu sans sc rendre coupable. Voir Petau, De Deo, 1. 1, c. I, n; Thomassln, De Deo, I, 1. Tel est aussi le sentiment de tous les théologiens. Cette doctrine 73C I résulte encore de In facilité qu'ont les hommes de connaître l’existence de Dieu par le moyen des créa­ tures. Voir t. iv, col. 834-835. Quelques théologiens admettent cependant qu’un homme, ayant atteint l'Ago de raison, peut demeurer, pendant un court espace de temps, dans l’ignorance Invincible de l’exis­ tence de Dieu. Mais il ne s’agit pas du premier usage de la raison; il s’agit du plein usage de cette raison, qui suppose la conscience réfléchie de la loi morale. Or cette connaissance ne peut exister sans une connaissanceau moins confusede Dieu, qui est la règle suprême du bien et qui interdit de faire le mal. Un homme ne semble donc pas pouvoir, dans le plein usage de sa I raison, ignorer Dieu de bonne foi. C'est une des raisons pour lesquelles il ne saurait y avoir de péché pure­ ment philosophique, c’est-à-dire de faute qui violerait gravement la loi morale, sans être en même temps une offense de Dieu. L'existence du péché philosophique a été condamnée par Alexandre VIII, le 24 août 1690. Voir t. i, col. 749-751. Cf. J.-M.-A. Vacant, Études (biologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, Lyon, 1895, t. i, p. 327-329; A. Lehmkuhl, Theologia moralis, tr. Ill, sect, i, c. i, n. 235, 5· édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1888, t. i, p. 150-151. Voir toutefois, l'article du cardinal Billot, Les infidèles, adultes d'âge, non de raison et de conscience, dans les Éludes, du 20 août 1920, p. 38G-403. 3° Peut-il y avoir ignorance invincible, et par consé­ quent non coupable, touchant quelques préceptes de la loi naturelle?— Lcr. théologiens ont distingué, à ce sujet, les premiers principes du droit naturel, les conséquences prochaines et les conclusions éloignées qui en découlent. Or ils enseignent communément que l’ignorance invincible ne peut exister au sujet des premiers principes du droit naturel, tels que Quod tibi fleri non vis alteri non facies; Deus esi colendus; Bonum est amandum, malum fugiendum, ni au sujet des conclusions prochaines qui découlent de ces principes premiers. Saint Thomas enseigne expressément que les premiers principes communs de la loi naturelle et certains principes propres, qui sont comme des conclu­ sions des principes communs, ne peuvent être ignorés, les premiers par personne et les seconds par très peu d'hommes seulement, cl hoc propter hoc quod aliqui habent depravatam rationem ex passione seu ex mala consuetudine, seu ex mala habitudine naturœ; sicut apud Germanos olim latrocinium non reputabatur ini­ quum, cum tamen sit expresse contra legem natura, ut refert Julius Casar (De bello gallico, I. VI, circa mcd.). La loi naturelle ne peut être effacée du cœur des hommes, in universali; deletur tamen in particulari operabili, secundum quod ratio impeditur applicare commune ad particulare operabile, propter concupis­ centiam vel ahquam aliam passionem. Et le saint doc­ teur ajoute: Quantum vero adalia pnreeptasecundaria, potest lex naturalis deleri de cordibus hominum, vel propter malas persuasiones (eo modo quo etiam in spe­ culativis errores contingunt circa conclusiones necessa­ rias), vel etiam propter pravas consuetudines et habitus corruptos, sicut apud quosdam non reputabantur latro­ cinia peccata, vel etiam vitia contra naturam, ut etiam Apostolus didi (Rom , /). Ibid., a. 6. Dans une disser­ tation spéciale, saint Alphonse de Llguorl n joint au témoignage de saint Thomas ceux de nombreux théo­ logiens tant probabilistes que non probabilistes, qui enseignent que l’ignorance invincible peut sc rencon­ trer et doit être admise, quand i) s’agit des conclu­ sions éloignées, médiates et obscures, qui découlent des principes du droit naturel. 11 cite saint Antonin, qui déclare que les plus grands docteurs eux-mêmes, saint Bonaventure et saint Thomas, par exemple, ne sont pas tombés d’accord sur quelques conclusions éloignées du droit naturel Theologia moralis, I. I,tr. 11, IGNORANCE Til be legibus, c. iv, dub. i, n. 170-171. Saint Alphonse ' prouve ensuite, n. 172, cette doctrine par la condam­ nation, portée le 7 décembre 1690, de la proposition deuxième des jansénistes belges, voir t. J, col. 752-753, suivant laquelle l’ignorance invincible du droit na­ turel n’excuse pas de péché formel dans l'état de nature déchue, et par celle de la 68· proposition de Balus, enseignant que l’infidélité négative est un péché en ceux ù qui Jésus-Christ n’a pas été annoncé. Voir t. n, col. 98. Le saint docteur tire la même conclu­ sion de la condamnation, faite sous Alexandre VU J, de la proposition troisième des jansénistes belges : Non lied sequi opinionem vel inter probabiles probabilissi­ mam. Voir t. i, col. 753. Si l’ignorance Invincible au sujet du droit naturel n’existait pas, on ne pourrait sans faute suivre une opinion même très probable, puisque cette opinion elle-même fait courir le risque de sc tromper, quand elle reste dans les limites de la probabilité et n’en sort pas. Saint Alphonse répond enfin, n. 173, très longuement à deux adversaires de sa thèse. Cf. A. Lehmkuhl, op. cit., tr. Il, n. 187, p. 134. On ne saurait s'étonner que des particuliers soient dans l’ignorance invincible au sujet de quelques conclu­ sions éloignées du droit naturel, par exemple, relati­ vement à des contrats usuralres, ά certains scandales â éviter, etc., quand on constate que, sur quelquesunes, de saints et doctes personnages ont émis et émettent aujourd’hui encore des sentiments différents sur des points sur lesquels l’Église ne s’est pas pronon­ cée. Cf. Marc, Institutiones morales alphonsianie, part. 1, tr. II, c. i, a. 2, § 2, n. 125,126, Home, 1885,1.1, p. 84. 4° L’ignorance relativement au droit positif, divin et humain, ecclésiastique et civil. — Si l'ignorance invin­ cible, et par suite non coupable, peut sc rencontrer relativement aux conclusions éloignéesdudroit naturel, Λ plus forte raison est-elle possible et existe-t-elle, non pas seulement chez les hommes Incultes, mais même chez les hommes doctes et pieux, en ce qui concerne les préceptes positifs de la loi divine et des lois hu­ maines, ecclésiastiques et civiles. Quand elle existe, elle exempte du péché, au for interne de la conscience. Cf. Marc, loc. cil., c. v, a. 1, 1°, p. 188. Au for externe, elle ne sc présume généralement pas, pas plus qu’au sujet de la peine. Codex juris canonici, can. 16, § 2. Quand elle est invincible, elle n’est pas imputable; si elle est vincible, elle diminue plus ou moins la culpa­ bilité, selon le degré de culpabilité de l’ignorance. Violatio legis ignoratas nullatenus imputatur, si igno­ rantia luerit inculpabilis ; secus imputabilitas minuitur plus nunusve pro ignorantiae ipsius culpabilitatc. Can. 2202, § 1. SI quis legem violaverit ex omissione dcbilie diligentia·, imputabilitas minuitur pro modo a prudenti judice ex adjunctis determinando; quod si rem prxviderii, et nihilominus cautiones ad eam evitandam omiserit, quas diligens quivis adhibuisset, culpa est proxima dolo. Can. 2203, § 1. Dans cc dernier cas, la négligence aggrave donc la faute. En effet, imputabilitas ddidl pendet ex dolo delinquentis vel ex ejusdem culpa in ignorantia legis violatic aut in omissione debitæ diligentia^ quare omnes causa qua augent, minuunt, tollunt dolum, aut culpam, eo ipso augent, minuunt, tollunt delicti imputabilitalem. Can. 2199. Ces règles canoniques ne sont que l’application des principes théologiques que nous avons exposés plus haut. Le droit français n’ndmct pas l’ignorance de la loi et il punit toute violation de la loi, même celle qui n’est pas imputable au regard de la conscience. Les théologiens enseignent que, post sententiam judicis, on est obligé en conscience de subir la peine Infligée pour la violation non coupable d’une loi civile, â moins qu’elle ne dépasse évidemment les limites d’une juste vindicte de la loi. PICT. DE TJIÉOL. CATHOU 738 5° L’ignorance, qui excuse de la violation non coupable d'une loi, excuse-t-elle de la peine attachée d la violation de cette loi ? — D’après saint Thomas, Sum. theol., I* 11·, q. xlvi, a. 6, ad 2®», il est de la nature d’une peine afflictive quod pro aliqua culpa inferatur. Comme l’ignorance invincible du droit excuse de toute faute, on en conclut que l’absence de la faute entraîne l’ab­ sence de Ja peine. La conclusion est valable au for de la conscience. 11 n'en est plus de même au for extérieur, et le nouveau Code de droit canonique a réglé en cc point la jurisprudence du for externe ecclésiastique. 11 suffira donc de citer ici scs décisions. Can. 2229, $ 1. A nullis latæ sententia panis ignorantia affectata sive legis sive solius poena excusat, ticet lex verba de quibus in § 2 contineat. § 2. S/ lex habeat verba : praesumpserit, ausus fuerit, I scienter, studiose, temerarie, consulto egerit aliave similia quæ plenam cognitionem ac deliberationem exigunt, quælibct imputabilitatis imminutio sive ex parte intellectus sive ex parte voluntatis eximit a poenis latæ sentcntiæ. § 3. Si lex verba ista non habeai : 1° Ignorantia legis aut etiam solius parue, si fuerit cras ta vel supina, a nulla i panæ latæ sententiæ eximit; si non fuerit crassa vel supina, excusat a medicinalibus, non autem a vindirativis latæ sententiae pceni\; 2° Ebrietas, omissio debitæ diligentia, mentis debilitas, impetus passionis, si, non obstante imputabilitatis deminutione, actio sit adhuc graviter culpabilis, a panis latæ sententia non excusant. C'est d'après ces règles qu'il faut interpréter cc que les anciens théologiens enseignaient à cc sujet et ce ; qui a été dit ici même, t. n, col. 2121, ù propos des censures ecclésiastiques. La discussion concernant l’ignorance affectée est donc résolue par le canon 2229, § 1, dans le sens négatif. Le § 3 établit la discipline au rapport de l’ignorance crasse ou supine et tranche les divergences d’opinions des théologiens. Voir Cl. Marc, op. cit., part. 11, sect. m. tr. 11. c. i, a. 3, n. 1269, t. n, p. 828-829; A. Lehmkuhl, part. Il, 1. II, tr. I, sect, i, c. i, § 2, n. 865, t. n, p. 620-622. I^cs théologiens enseignent communément que l’ignorance, qui excuse de la censure, excuse aussi de la réserve du péché auquel est attachée une censure. I En effet, c'est la censure qui est réservée immédiate­ ment; le péché ne l’est que médlatcmcnt. La censure étant le moyen par lequel le péché est réservé, ce moyen enlevé, le péché n'est plus réservé. Le nouveau Code canonique a sanctionné cette doctrine dans son canon 2246, § 3 : Reservatio censura impedientis receptionem sacramentum importat reservationem peccati cui censura adnexa est verum si quis a censura excusatur vel ab eadem fuit absolutus, reservalio peccati penitus cessat. Mais si on ignore seulement la réserve du péché auquel une censure est attachée, cette ignorance excuse-t-elle de la réserve? Quelques théologiens avaient répondu affirmativement. Mais saint Alphonse, avec Quarti et Mazzotto, De pernitentia, disp. H, q. ni, c. n, a soutenu que, dans cc cas, l’ignorance n’excusait pas de la réserve du péché. Le coupable, ayant accepté la censure que sa faute lui faisait encourir, avait impli­ citement accepté la réserve du péché commis, comme tous les autres effets de sa faute, bien qu’il les ignorât Theologia moralis, 1. VI, tr. IV, c. n, dub. iv, n. 580 Cf. A. Lehmkhul, op. cit., t. h, p. 622. Quant aux cas réservés au souverain pontife sans aucune censure jointe et aux cas dont les évêques se réservent l’abso’ution, beaucoup de théologiens admet­ taient que l'ignorance excusait do la réserve, qui était une peine que l’ignorance empêchait d'encourir, et récemment Llnscmann, Atoraltheologle, § 68, s'était rallié ù leur sentiment. L'opinion la plus commune cependant, que suivait saint Alphonse, loc. cit., n. 581, Vil — 24 739 IGNORANCE — ILDEFONSE (SAINT) soutenait que, dans tous ces cas, l'ignorance de la réserve ne fait pas que l’absolution du péché ne soit vraiment réservée. La réserve, en effet, n’est pas une peine qui atteint les pénitents; clic restreint seulement la juridiction des confesseurs.I~i réserve, par elle-même, n’est qu’une évocation de certains cas au jugement des supérieurs et une limitation du pouvoir d’absoudre chez les Inférieurs. Codex juris canonici, can. 893. Si la raison dc saint Llguori vaut, elle a maintenant peu dc portée, puisqu’un seul péché est réservé au saintsiège ratione sul, ù savoir, la faute de délation qui accuse un prêtre du crime de sollicitation au péché, canon 894, et que les évêques sont invités à ne sc ré­ server l’absolution que d’un petit nombre dc fautes très graves. Canons 897, 898. Les théologiens discutent aussi la question dc savoir si une loi pénale, qui irrite certains actes, voit son cilcl suspendu par l’ignorance invincible dc cette loi. Voir Ballerini, Opus theologicum morale, tr. III, c. i, n. 137, Prato, 1889, t. i, p. 313-314; A. Lchmkuhl, op, cit., tr. IH, c. v, § G, n. 214,1.1, p. 138. Le Code canonique a tranché la question au sujet dc l’irrégularité ct des empêchements aux ordres : Ignorantia irregularitatem sive ex delicto sive ex dejectu atque impedimentorum ab eisdem non excusat. Can. 988. 6® Panni les questions morales dans lesquelles intervient l’ignorance, signalons encore les deux sui­ vantes, qui concernent l’administration des sacre­ ments : 1. Un confesseur ne peut absoudre un pénitent qui ignorerait les mystères dc la foi, par suite d’une négligence coupable, avant de l’avoir instruit des mystères dc la sainte Trinité ct dc l’incarnation de Notrc-Scigncur. En effet, le pape Innocent XI a con­ damné, le 2 mars 1679, ccttc 64· proposition des jansénistes : Absolutionis capax est homo, quantumvis laboret ignorantia mysteriorum fidei, et etiamsi per negligentiam etiam culpabilem, nesciat mysterium sanctissima: Trinitatis et incarnationis Domini nostri J«uC/im/i.Dcnzingcr-Bannwart,Enc/uridion,n.l294. D’autre part, Buscnbaum, ayant fait au confesseur une obligation d’avertir le pénitent, qui était dans l’ignorance vincible ct gravement coupable, dc sortir de son mauvais état, ct même d'instruire dc son devoir celui dont l’ignorance était invincible, lorsqu'il y avait espoir dc lui faire entendre raison, fournit à saint Alphonse l’occasion d’un commentaire développé. Le saint docteur étudia spécialement la question dc savoir s'il y avait obligation d’avertir le pénitent dans le cas où le confesseur prévoyait que sa monition n’aboutirait pas. Il tenait l'obligation pour certaine quand l'ignorance était coupable, c'est-à-dire vincible, ou portait sur quelque moyen nécessaire au salut. 1λ discussion ne pouvait rouler que sur cc point si l’obligation d’instruire existait quand l’ignorance vincible portait sur des vérités dont la crox once n'était pas nécessaire dc nécessité de moyen pour le salut, et quand elle était Invincible. Des théologiens sévères, que saint Alphonse nomme, affirmaient l'obligation, lorsque l’ignorance portait sur des préceptes dc droit divin;ils ne l’imposaient pas si clic portait sur des préceptes dc droit humain. Saint Alphonse réfuta leurs raisons, qui étaient peu péremptoires, ct il sc rallia au sentiment qu'il déclarait être à la fois vrai ct com­ mun. L’ignorance est-elle invincible, soit qu’elle ait trait au droit divin ou au droit humain, ct la monition devant être infructueuse» sinon comporter plus d’in­ convénients que de profils, le confesseur peut ct doit omettre d’avertir son pénitent, en le laissant dans sa bonne fol. Saint Alphonse a dressé la liste des théolo­ giens qui pensaient ainsi; il a exposé ensuite leurs rai­ sons et les a appréciées. Il les trouvait peu opérantes, mais il en apporta d’autres. La principale et la plus forte est qu’entre deux maux il faut permettre le moindre 740 pour éviter le plus grand. Par suite, il faut laisser commettre un péché matériel plutôt que d’en provo­ quer un formel, le seul que Dieu punisse, parce que c’est le seul péché qui l’offense. Theologia moralis, I. VI, tr. IV, c. π, dub. v, n. 609, 610, Turin, 1879, t. π, p. 482-486. 2. Au sujet du mariage, le nouveau Code canonique a déterminé la science qui était nécessaire pour que le contrat fût valide ct a déclaré que l’ignorance con­ traire ne sc présumait pas après la puberté. Canon 1082, § 1. 17/ matrimonialis consensus haberi possit, neccsse est ut contrahentes saltem non ignorent matri­ monium esse societatem permanentem inter virum et mulierem ad filios procreandos. § 2. Hœc ignorantia post pubertatem non praesumitur. S. Thomas, De malo, q. m. a.7; Sum. theol., la II®, q. n, n. 8; q. lxxvi, n. 1-4; Suarez, De voluntario et libero, dlsp. IV; De peccato, etc., disp. IV, η. 5, 6; disp. V, sect, π, η. 4. Paris, 1850 sq., t. VI, p. 212-223. 550-551,558; Dc legibus, I. V, c. xn.xxn.n.4, t. v, p. 469-173,514 ; De fide, disp. XIV, sect, i; disp. XVII, sect, n, t. xn, p. 400-103, 429-432; De censuris, disp. IV. sect, via-ix, t. xxm a, p. 127-136, 148; Salman licenses, Dc voluntario, a. 8, Paris, Bruxelles, 1878. t. v.p. 529-530; De bon itate ad u um humanorum, tr. XI, disp. VII, dub. π, § 4, n. 26, t. Vf, p. 177; De villis et peccatis. disp. XIII, t. vn, p. 508-569; Billuart, Tractatus dc actibus humanis, dissert. I, η. 9, Paris, 1827, t. vn, p. 145-148; Tractatus de peccatis, dissert. V, n. 2-9, t. vm, p. 152-204; Ferraris, Prompta bibliotheca, édit. Mignc, Paris, 1865, nu mot Ignorantia, t.iv.col. 291-300; S. Alphonse dc Idguorl, Theologia moralis, 1. I, tr. II, c. iv.dub. i, n. 166-174,Turia, 1879,1.1, p. 113-127; L VI, tr. IV, c. n, n. 609. CIO; I. VII, c. i. dub. iv, n. 45, t. n, p. 4S2-486, 794; Cl. Mare, Institu­ tiones morales alphonstana·, part. I, tr. I, c. i, a. 2, n. 21, 22, 25; tr. II, dissert. I, c. 1, n. 2, § 2, n. 125; dissert. II. c. v, a. 1, n. 218, 220; tr. Ill, c. I, n. 2, n. 287-289; tr. IV, c. i, a. 1, n. 319; part. II, sect, m, tr. II, c. I, n. 3, n. 1269, Homo. 1885,t. i,p. 17, 18, 19,82,138-139, 182-IM, 206-207. 828-829; A. Lchmkuhl, Theologia moralis, tr. I, c. n, n. 2, n. 16-19, 5· édit., Fribourg-cn-Brlsgnu, 1889,1.1, p. 22-25; Ballcrini, Opus theologicum morale, tr. I, c. m, n. 54-102, édit. D. Palmieri, Prato. 1889,1.1, p. 30-55. E. Manoenot. 1. ILDEFONSE (Saint), évêque dc Tolède. — I Vie. IL Œuvres. I. Vie. — Goth d’origine, saint lldcfonse naquit à Tolède, d'une famille illustre, au commencement du vu· siècle, en 607, sous le règne dc Wlttéric. D'après une tradition dont Antonio s'est fait l'écho dans la notice qu’il lui consacre. Bibliotheca hlspana vetus, P. L., t. xevi, col. 11, il était le fils d'Étienne ct de Lucie, ct neveu par sa mère d'Eugène, le futur évêque dc Tolède, qui l'initia aux premiers éléments dc la science ct dc la vertu ct l'envoya ensuite à saint Isidore dc Séville pour qu'il pût progresser en l'une et en l'autre. Son séjour auprès d'Isidore ne fut pas sans pro lit. il apprit à mépriser les vanités du siècle, cl, cédant â l'attrait qu'il avait pour la vie religieuse, il s’enferma, jeune encore, dans le monastère bénédictin d'Agalia, tout près dc Tolède. Vers 631, il reçut le diaconat des mains d’Hclladius, évêque dc Tolède, comme il nous l’apprend lui-même. De vir. Ht., Ί, P. L., t. xevi, coi. 202. Devenu ensuite abbé dc son monastère, il assista ct signa en ccttc qualité aux VIII· ct IX· conciles dc Tolède, en 653 ct 655. A la mort dc son onde Eugène, devenu évêque dc Tolède, il fut obligé, par ordre du roi Rccceswinthe, de prendre sa place. Il occupa le siège de Tolède jusqu'au 23 janvier 669. jour dc sa mort. Un dc scs contemporains, qui fut son second suc­ cesseur sur le siège dc Tolède, saint Julien, crut devoir ajouter au De viris illustribus de saint lldefonsc une notice le concernant. Il y vante particu­ lièrement son éloquence ct sa piété, B. Jldejonsi elogium, col. 43, sans mentionner aucun des deux I miracle racontés plus tard par Cixlla, évêque de 741 ILDEFONSE (SAINT) Tolède entre 774 ct 783, Inrs de l'occupation arabe. D’après cc dernier, saint lldcfonse aurait ôté favo­ risé dc deux apparitions, l’une dc la part de sainte I.êocadic, vierge ct martyre, qui, pendant qu’il célébrait la messe en présence du roi, lui révéla le lieu dc sa sépulture Jusqu’alors inconnu ct le remercia, au nom de la reine du ciel, du livre qu’il venait de composer sur la perpétuelle virginité dc Marie; l’autre dc la part de la sainte Vierge elle-même, qui, ù la fête dc VExpcctatio partus, lui fit présent d’un manteau. Quoi qu’il en soit de ce renseignement, ignoré des contemporains ou tout au moins passé sous silence par eux, saint lldcfonse n’en est pas moins, après saint Isidore, l’une des belles figures dc l’épiscopat espagnol au vn· siècle. Son nom est inscrit dans le Martyrologe romain au 23 janvier. II. Œuvnns. — 1° Ouvrages qu’il a composés. — Saint Julien, loc. cit., col. 44, les énumère ainsi qu’il suit : librum J>rosopopæiæ imbecillitatis propria· : libellum Dc virginitate sanclœ Marite contra tres infideles; opusculum De proprietate personarum Patris ct Filii et Spiritus Sancti; opusculum Anno­ tationum actionis diurnat; opusculum Annotationum in sacris; librum De cognitione baptismi unum, et De progressu spiritualis deserti alium ; quod lotum primæ partis voluit volumini conncctendum. Partis quoque secunda: liber Epistolarum est, in quo, diversis scribens, trnigmalicis formulis egit, personasque interdum induxit; in quo etiam a quibusdam lucu­ lentiora scriptorum responsa promeruit. Partem sane tertiam Missarum esse voluit, hymnorum atque ser­ monum. Ulterioris denique partis liber est quartus, versibus prosaque concretus, in quo epitaphio et quædam sunt epigrammata annotata. Scripsit autem et alia multa, quæ variis rerum ac molestiarum occupatio­ nibus impeditus, aliqua capta, aliqua semiplena reliquit. De tant d'ouvrages, qui supposent quelque activité littéraire, tout a disparu, à l’exception dc deux réponses à deux lettres de Quiricus, évêque dc Barcelone, du Dc virginitate perpetua sancta· Marler, du De cognitione baptismi, du De itinere deserti quo pergilur post baptismum, ct du Dc viris illustribus. dont n'a point parlé saint Julien. 2° Éditions dc scs a livres. — A la fin du xvî· siècle. Feu Ardent, des frères mineurs, publia, le premier, tout cc qu’il crut être l’œuvre de saint lldcfonse : S. Ildcfonsi, Toletani archicpiscopi, opera, Paris, 1576. Un choix s'imposait, qu'une critique plus éclairée devait faire peu ù peu. A la lin du xvm· siècle, Lorenzana fil le départ entre les ouvrages vraiment authentiques, douteux ct apocryphes. Opera Patrum Toletanorum, Madrid, 1782-1785. C’est l’édition reproduite par Mlgne, P. L., t. xevi, qui la fait pré­ céder d’une Notitia historica in S. Hildc/onsum, tirée dc la Bibliotheca htspana vetus, col. 1-42; du B. Mildr/onsi elogium, dc saint Julien, col. 43-14; d’une Vila S. Hlldc/onsi, dc Cixlla, col. 43-48; d'une autre Vita dc Rodrigue, col. 47-50; du Monitum de Lorenzana sur le livre de la perpétuelle virginité dc Marie. Après les ouvrages authentiques, un premier appen­ dice contient les œuvres douteuses, telles que le Dc parla Virginis, qui est dc Paschasc Radbert, ct 14 ser­ mons sur l'Assomption ou sur une des fêtes dc Marie, qui ne sauraient êt”c dc saint lldcfonse ; dans un se­ cond appendice se trouvent le De corona Virginis, œuvre dc doctrine ct de piété, digne sans doute dc l’évêque dc Tolède, mais qui appartient plutôt à un auteur du xn· siècle; la Continuatio chronicorum B. tsldort, ouvrage indigne dc tout historien sérieux; 12 Épigrammes ct une Épitaphe, aussi suspectes que possible. Cf. Antonio, Notitia historica, P. L., t. xi.vi, col. 27-42; Godoy Alcantara. Historia critica de los /altos chronicones, Madrid, 1868. 742 3° De virginitate perpetua S. Marite adversus tres infideles. — De ces trois infidèles, deux sont nommés, Jovlnlcn et Helvidius; le troisième est simplement désigné sous le terme générique de Juif. Comme Jovinicn et Helvidius étaient morts depuis plus de deux siècles, il n'est pas à croire qu’en les prenant nommément à partie, saint lldefonse ail voulu simple­ ment écrire une œuvre d’apologétique rétrospective. Il sc propose, dit-il en commençant. De virgin., col. 57 de résister aux adversaires de Dieu, Λ tous les profa­ nateurs, aux seuls contradicteurs de la vérité. C'étaient, selon toute apparence, des contemporains espagnols, plus spécialement des juifs, qui reprenaient les objec­ tions faites autrefois par Jovinicn contre la virginité dc Marie in partu, ct par Helvidius contre la virginité dc Marie posf partum. 11 répond moins par des argu­ ments théologiques que par l’affirmation réitérée sous des formes multiples de la croyance chrétienne. Il dit au premier : Cum conceptu virgo, per conceptum virgo; in concepta virgo, post conceptum virgo; per parium virgo, cum partu virgo, post partum virgo. De virgin., 1, col. 60. Il dit au second : Hanc domum ingrediens non pudoris spolia (ut il. sed egrediens integritate ditavit. Malris et virginis nomina nullis dissociata sunt casibus, nullis impedita dj/fcultai i bus. indiscreta utraque. inseparabilia ulraque, tndissecabile totum. De virgin., 2, col. 63. Les blasphèmes venaient surtout des juifs, si nombreux alors en Espagne et si difficiles ύ convertir malgré les lois civiles et les canons ecclésiastiques. A ceux-ci il oppose l’Écriturc, notamment le passage d’Isaïe : Ecce Virgo concipiet et pariet filium. Is., vn, 14. Où serait le prodige, demande-t-il, si ce n'est dans la conception ct l’en­ fantement d’un fils par une vierge qui, tout en devenant mère, ne perd pas pour autant sa pureté ’ Et cela s'explique, puisqu’elle est mère de Dieu à raison dc l’incarnation du Verbe. C'est pourquoi elle est annoncée, prophétisée, figurée. De virgin., 3. Attaquer sa virginité, c’est attaquer celui qui est né d’elle, son fils. Dieu parfait ct homme parfait, ainsi que le montre l’accord du Nouveau Testament avec l'Andcn. De virgin., 7. Le Fils dc Dieu, devenu fils de Marie, a pu aussi facilement conserver la virginité dc sa mère que naître d’elle miraculeusement. De virgin., 8. Et lldefonse continue ainsi, achevant son traité par une pieuse ct fervente invocation ù la Vierge pour obtenir par elle la grâce du Saint-Esprit afin dc posséder son Fils, protestant que l'honneur qu’il rend À la mère ne s’arrête pas à elle, mais va au Fils, qu’il désire servir la mère pour devenir le ser­ viteur dévoué dc son Fils. Sic re/ertur ad Dominum, quod servitur ancillæ ; sic redundat ad Filium, quod impenditur matri; sic transit honor in regem, qui de/ertur in famulatum regime. De virgin.. 12. col. 108. 4° De cognitione baptismi. — Ce traité, en 142 chapitres très courts, est une série d’emprunts bien choisis faits aux Pères, surtout â saint Augustin, Λ saint Grégoire le Grand ct à saint Isidore dc Séville. HelHerich n cru y rctrouscr le Liber respon­ sionum ad quemdam Rusticum de interrogatis quxstionibus, de l'évêque dc Valence. Justinien, mort après 546. Der Westgolhische Arianismus. p. 41. L'ou­ vrage ne peut que manquer d’originalité, puisque cc n’est qu’un recueil de notes : non nostris novita­ tibus incognita proponentes, sed antiquorum monita reserantes. De cog. bapt.. præf., coi. 112. Mais il n’en ofire pas moins un grand Intérêt ct donne une idée complète de l’orgunisation ct du fonctionnement du cntéc.huiuénal : admission au catéchuménat, caté­ chumènes ct compétents; préparation ascétique et liturgique au baptême; traditio ct redditio symboli; renoncement à Satan ct profession dc foi; nature et effets du baptême; confirmation ct communion; 743 ILDEFONSE SAINT) — ILLÉGITIME prière dominicale; vêtements blancs des néophytes; supplément d’instruction pendant la semaine dc Pâques. Saint Ildcionsc y rappelle en particulier l’enseignement dc saint Augustin sur l’oblation du saint sacrifice ct l’aumône en faveur des défunts, ct il ajoute : Quibus autem prosunt, aut ad hoc prosunt ut sil plena remissio, aut certe ut tolerabilior flat ipsa damnatio. De cog. bapt., 94. coi. 145. Il y rappelle aussi un miracle, celui de l'apparition subite de l'eau dans les fonts baptismaux d'une église dont il ne cite pas le nom. au moment même dc la collation solennelle du baptême, ct de sa disparition non moins subite dès que la cérémonie était achevée. De cog. bapt., 105. col. 150-154. 5° De itinere deserti quo pergitur post baptismum. — Cc traité complète le précédent ct Indique les moyens dc persévérance. Le baptême étant figuré par le passage dc la mer Bouge, qui précéda la marche des I îébreux à travers le désert avant leur entrée dans la terre promise, saint Ildcionsc veut montrer que c’est par l’Évangile qu’on parvient au royaume cé­ leste : per tier Euangelii venitur ad regnum. De itin., 10, col. 179. Car. à scs yeux, la vie spirituelle res­ semble au désert. Et la marche à travers le désert, avec la nuée, la colonne dc lumière, la manne, l'eau jaillissante, les Heurs, les plantes. les arbres, les ani­ maux qu’on y rencontre, la verge, etc., tout lui sert a détailler les multiples bienfaits dont Dieu ne cesse de combler les baptisés à travers le désert de cc monde, pour les soutenir ct les conduire à la félicité. La foi ct les oeuvres sont également nécessaires au salut, ct cc salut est dû à la grâce persévérante ct concomitante dc Dieu : nemo salvari potest nisi precedenti et subsequenti misericordia Dei. De itin., 71. col. 187. 6° De viris illustribus· — A l’exemple de saint Jé­ rôme, dc Gennade ct dc saint Isidore dc Séville, saint Ildcfonsc, sans recommencer leur œuvre ni la reproduire, a voulu sauver dc l’oubli le nom de quel­ ques-uns dc ses compatriotes dont il possédait les écrits, ct dont le dernier n'est autre qu’Eugène» son prédécesseur immédiat sur le siège de Tolède. En tout, quatorze chapitres sur autant d’écrivains ecclésiastiques, tous espagnols, à l’exception de saint Grégoire le Grand, par lequel il commence, ct du moine Donat, qui avait quitté l'Afrique pour sc réfu­ gier en Espagne. Il n’y oublie ni son maître, saint Isidore, ni celui qui l’avait ordonné diacre, ni son oncle. C’est une contribution des plus précieuses pour la connaissance de l’Église d'Espagne, pen­ dant les deux premiers tiers du vn· siècle, au point de vue de l'histoire littéraire ct religieuse. Acta sancturum, 2 janvier ; Mabillon, Acta sanctorum ord. S. Benedicti, Paris. 1068-1702, t. n. p. 494 sq., 515. 519-521 ; t. ni, p. 628; Cclllier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques. Paris, 1858-1868, t.Xi, p. 773-776; Hnrez, Eipaha sagrada, Madrid, 1754 sq., t. v, p. 279, fil) sq.,500; t. χχιχ,ρ. 440,4 il ; Carranza, De vita S. llde· fortsl, Toleti archicpiscopt, Valence, 1556; Mayans y Stscar, Vida de santo lldefonso, Valence, 1727; Gams, Kirchen· ijesefdchie von Spanien,Hathbonne, 1862, t. n, p. 135-138; Ixxlcrcq. L9 Espagne chrétienne, Paris, 1906, p. 347; Smith et Waee, Dictionary o/ Christian biography, Londres, 1878-1833, t. in, p. 223-225; Kfrchenlexffon, l. vi, p. 600603; U. Chevalier, Ilépertolre. Bio-bibliographie, t. î, col. 2216; BoHandistes, Bibliotheca haglographlca latina. Druxellcs. 1898-1899. t. î, p. 583-585; t. n, p. 1358; Hurter. _V<-nenctator, Impruck, 1903, t. r, col. 625-627; Rralcncgklopddte fur protestanlische Théologie und Kirche, Leipzig. 1901, t. IX. p. 56-61. G. Bareille. 2. ILDEFONSE. évêque espagnol du milieu du ix· siècle, est auteur d’un écrit où il traite, d’une façon assez obscure, dc l’inscription des hosties, de leur grandeur, dc leur poids, dc leur figure, de leur com­ 744 position ct du nombre qu’on en devait consacrer selon les diverses solennités dc l'année. P. J.., I. evi, col. 881. Le cardinal Bonn, qui le trouva dans un ma­ nuscrit dc la bibliothèque Vaticane, sous le titre : Revelatio quæ ostensa est venerabili viro hispaniensi Eldcjonso episcopo, in Spiritu Sancto, mense septimo, 10communiqua à dom Mabillon. Celui-ci le publia à la suite dc sa Dissertatio de pane eucharistico azymo ft fermentato, in-8°, Paris, 1674. Cette relation a été imprimée aussi à la suite de la 2e édition des Vetera analecta dc Mabillon, Paris, 1723, p 549-551. Fabricius, Bibliotheca latina media: ct infltnæ irtatli. In-8·, 1858, t. m. p. 242; Journal des savants,29 juillet 1675, p. 221 ; Hurler, Nomenclator, 1903, 1.1, col. 625. noto 1. B. Heurterize. Nous exposerons, au double point dc vue du droit canonique et du code civil, la notion, les différentes espèces ct les effets de l'illé­ gitimité ct de la légitimation des enfants illégitimes. L Au POINT DE VUE DU DROIT CANONIQUE. — 1° Notion.— Sont illégitimes : 1. les enfants nés d'une mère qui, ni au temps dc leur conception, ni au temps dc leur naissance, ni pendant l'intervalle, n'était engagée dans les liens d'un mariage valide ou putatif; 2. les enfants nés d'une mère mariée, mais dont on a la preuve évidente qu'ils ne sont pas ceux du mari, ou qui ont été conçus après que l’un des parents a émis le vœu solennel dc chasteté ou reçu les ordres sacrés. Codex juris canonici, can. 1114. En effet: Lslla mère, au temps dc la conception, était engagée dans les liens du mariage, l’enfant né d’elle sera considéré comme légitime, puisque l’acte dont il lire son origine était légitime. On suppose en règle générale que la conception a eu lieu durant le mariage, lorsque l'en­ fant naît après le cent quatre-vingtième jour qui suit la célébration du contrat, ct avant le trois cen­ tième qui suit sa dissolution. En prlnclpê, la légitimité ne revient qu'au seul enfant dont les parents étaient mariés au moment dc la conception ; c’est la concep­ tion qui détermine la qualité dc l'enfant. Néanmoins, au cas où la mère n'était pas mariée au moment dc la conception, mais avait contracté mariage avant la naissance dc l’enfant, le droit canonique reconnaît cct enfant comme légitime. C'était, semble-t-il, l’opinion commune avant la promulgation du Code dc droit canonique, malgré l'affirmation de Benoît XIV, dans sa constitution Redditæ nobis, n. 3, Bullarium, Malines, 1826, t. in. p. 7, que « les textes ici ne s'accor­ dent pas entre eux, ni les docteurs ni les tribu­ naux > ; on présumait dans cc cas que l’enfant est bien celui du mari, ct les rapports sexuels qui ont déterminé la conception étaient considérés, par une fiction du droit, comme légitimes à causodu mariage qui avait précédé la naissance. Le Code dc droit canonique a adopté cc sentiment par cc texte : Legitimi prie· sumuntur filii qui nati sunt saltern post sex menses a die celebrati matrimonii, vel intra decern menses, a die dissohitæ vitre conjugalis. Can. 1115, § 2. Bien n'empêche que ΓÉglise étende ainsi la reconnaissance dc la légitimité aux enfants nés dans le mariage, quoique conçus en dehors de lui. En effet, comme le dit Schmalzgruber, Jus ecclesiasticum universum, lit. xvn, n· 10, bien que la légitimité soit en elle-même un effet qui ressort du droit naturel, elle dépend cependant aussi du droit positif, lequel peut attübuer les effets dc la légitimité à une personne née illégitimement, comme cela sc fait dans les cas de légitimation, par mariage subséquent. Il ne faut pas même, pour entraîner la légitimité do l'enfant, q · . didement ; un mariage putat ii suffit, comme il appert du eau. 1114; cela ré ultait déjà du c. 2, X,rv, 17,ainsi que des c. 8, 11 ct 11 du même titre. Mais il faut que le mariage ait ILLÉGITIME. 745 été contracté publiquement, ct non pas clandestine­ ment ou malgré l’opposition do l’Église, comme 11 res­ sort du décret cité, et comme le déclarent clairement le c. 3. X, IV, 3, ct le concile de Trente, sess. XXIV. c. î. De reform, malrim. Il y a mariage putatif quand il a été contracté dc bonne fol. 11 suffit dc la bonne fol d'un des conjoints, cnn. 1015, § 4, qu'elle provienne d’une ignorance de fait ou dc droit, pourvu qu'elle ne soit pas affectée; cela se déduit du décret de Trente, selon l'interprétation des canonistes. En effet, le texte du décret ne restreint nullement le cas dc la bonne foi à l'ignorance de fait ; il n'exclut que l’ignorance affectée, ct ne fait déclarer illégitimes que les enfants dont les parents connaissaient tous deux l'empêche­ ment qui les liait, c'est-à-dire quand ils ont été dc mauvaise fol tous deux. Cependant labonne foi au temps du mariage n’est pas pleinement suffisante : il faut qu'elle ait existé, encore, au moins de la part d’un des conjoints, nu temps dc la conception. Rciffcnstuel, Jus canonicum universum. Venise, 1726,1. IV, lit. χνπ,η.5. 2. Les enfants qui, tout en étant nés d'une mère mariée, ont certainement été conçus des œuvres d’un autre que le mari,doivent logiquement être considérés comme illégitimes. Dc fait, si le droit canonique tient pour légitimes les enfants conçus ou du moins nés d'une mère mariée, cc n’est que parce qu'il les présume être le fruit dc rapports légitimes, c’est-à-dire matri­ moniaux, ou tout au moins dc rapports dc deux per­ sonnes mariées avant la naissance dc l’enfant ; ct dans cc cas une fiction juridique recule la légitimité du coït jusqu au temps do la conception. Cette pré­ somption est fondée sur le principe juridique : paler est quem nuptiæ demonstrant. Mais cette présomption n'est pas inéluctable; clic cesse quand le fait est contraire, car clic n'est pas juris ct de jure. Cependant, puisqu'il est de règle d'avantager l’en­ fant ct le mariage, un argument douteux, quelle que soit sa force, ne suffit pas à détruire la présomption. Il faut un argument absolument convaincant, du moins quand les époux étaient mariés déjà au temps dc la conception. Il ne suffit donc pas que la mère ait dc fait commis l’adultère, ni qu’elle avoue elle-même, même sous la fol du serment, que l’entant provient dc cct adultère ; il ne suffit pas davantage que l’enfant ressemble plus à l'adultère qu'au vrai mari. Il faut une preuve inéluctable, telle que celle qui ressort du fait que le mari a été absent ou impuissant par suite do maladie entre le trois centième et le cent quatrevingtième jour avant la naissance. Cf. Schmalzgruber. Jus ecclesiasticum universum, Ingolstadt, 1716, 1. IV, til. xvn, η. 39-10; Rciffcnstuel, loc. cil., n. 1012; voir aussi la solution de la cause relatée dans les Acta S. sedis, t. xvn, p. 378 sq. En pratique donc, lorsqu'on apporte au baptême l'enfant d'une femme mariée, il faut l’inscrire au registre des baptêmes, comme enfant légitime, même si le père ou la mère dc l'enfant déclarent qu’il est adultérin. Le seul cas à excepter est celui dc l’absence ou de l'impuissance dûment connue du mari : alors le curé fera mention dc ccttc absence au registre, ct attestera qu'il a baptisé l'enfant N..., né dc N..., épouse légitime do N..., absent entre le trois centième et le cent quatre-vingtième jour avant la naissance. 2° Espèces.— Les enfants illégitimes sont naturels ou spurii : naturels, selon Schmalzgnibcr, loc. cit., n. G, < s'ils sont nés en dehors du mariage, dc parents qui auraient pu être mariés ensemble au temps dc la conception, ou au temps de la naissance ou dans l’intervalle »; spurii, « s’ils sont nés de parents entre lesquels le mariage n’a pas existé, ct n'aurait même pu exister pendant tout le temps qui s'est écoulé dc la conception à la naissance », à cause d'un empêche­ ment dirimant. 746 Les s puril sont adultérins,s’ils sont nés d'un adultère; sacrilèges, si leur père est religieux, clerc dans les ordres majeurs, ou la mère religieuse ; incestueux, si leurs parents sont unis entre eux par des liens d’affinité ou dc consanguinité collatérale ; nefarii, s’ils sont nés dc relations entre père ct fille, ou entre ascendants ct descendants directs quelconques. Rclffensluel, loc. cil., n. 28. 3° Effets. — I-a légitimité, au for ecclésiastique, comporte l'habileté â la réception licite dc la tonsure ct des ordres, ainsi qu'aux bénéfices ecclésiastiques et aux prélatures. Les Illégitimes sont donc < inhabiles > à cc point dc vue ; en d'autres termes ils sont irrégu­ liers. L'irrégularité ex defectu natalium existe, que l'illégitimité soit publique ou occulte, à moins que les fils illégitimes n'aient été légitimés postérieure­ ment à leur conception ou qu'ils n'aient fait les vœux solennels dc religion. Codex juris canonici, can. 984, 1. Les fils illégitimes ne doivent pas même être reçus parles évêques dans leurs séminaires. Ibid., can. 1363, Même après leur légitimation par le mariage subsé­ quent dc leurs parents, ils sont écartés dc la dignité cardinalice, can. 232, § 2, Ie ; ils ne sont pas idoines à l'épiscopat, can. 331, § 1, 1®, ni aux titres d'abbé ou dc prélat nullius, can. 320. § 2, ni à la charge dc supérieur majeur d'un ordre religieux, can. 504. Au point dc vue du lien dc parenté ct des empê­ chements dc mariage, résultant dc la parenté, les enfants illégitimes doivent être assimilés aux enfants légitimes. Quant au for civil, voici l’opinion qui paraît la plus rationnelle. Le for civil devrait reconnaître comme légitimes tous les enfants dont la légitimité est la conséquence naturelle d’un mariage canoni­ quement valide, c'est-à-dire tous les enfants conçus d’une mère valldcmcnt mariée aux yeux de l’Église ; il devrait par conséquent leur attribuer les effets tem­ porels résultant dc la légitimité. Par contre. 1rs enfants que le droit canonique reconnaît comme légi­ times, uniquement par une fiction du droit, ne de­ vraient être reconnus comme tels que si le droit civil consacre la même disposition. Dans ce cas, la légitimité n'est pas un effet direct ct naturel du mariage ; c’est une faveur accordée par l’Église à un enfant né ct non conçu d’une mère mariée. Or, l’Église ne peut, en dehors dc l’exercice du pouvoir indirect, dont nous faisons abstraction Ici. atteindre le for civil ct les effets temporels. Voir Wcmz, Jus Decretalium. Prato, 19111912. 1. IV, η. 661 et GS7; Gaspard, Tractatus cano­ nicus de matrimonio, Paris, 1S92, η. 1152» ù rappro­ cher dc 13, X. IV, 17. 4® Légitimation des enfants illégitimes. — 1. Modes. — Le droit canonique reconnaît deux modes dc légitimation : le mariage subséquent ct le reserit du souverain pontife ; le premier mode s'applique aux enfants naturels, le second aux spurii. a) Le mariage subséquent.— Les enfants illégitimes naturels sont légitimés par le fait même du mariage contracté dans la suite par leurs parents. La preuve dc cette proposition résulte du c. G, X. IV, 17 : < L'efficacité du mariage est si grande, que sa célébration fait considérer comme légitimes les enfants nés avant lui. » En d'autres termes, · le contrat de mariage survenant après coup sc volt comme antidaté, par une fiction du droit, et reculé jusqu'au temps dc la naissance ou dc la conception de l’en­ fant ; si bien que, la faute antérieure étant ainsi sup­ primée, l'enfant est considéré comme issu d'un ma­ riage contracté à temps... Cette disposition a été prise tant en faveur des enfants que du mariage luimême : en faveur des enfants, qui ne pâtissent pas 747 ILLÉGITIME 748 ainsi de h faute d’autrui et obtiennent les droit»: des le code Napoléon, la reconnaissance expresse de l’en­ enfants légitimes ; cn faveur du mariage, vers lequel fant par les parents, soit avant, soit pendant la célé­ le bien et l’avantage des enfants pousseront las parents bration du mariage. Mais le mariage de la mère avec un homme autre que unis illégitimement jusque-là. » Schmalzgruber, loc. le père de Ventant ne peut, en aucune façon, légitimer cil., n. 49. Les enfants illégitimes autres que les enfants natu­ celui-ci. Dès lors, chaque fols que le cas sc présente rels ne bénéficiant pas de ce privilège. Ceci résulte et que le fait est juridiquement avéré au for externe, clairement, pour les enfants adultérins, du c. G cité : le curé ne peut ni admettre ni inscrire comme légitime Si un mari, du vivant de son épouse, sc méconduit l’enfant né avant ce mariage ; et il ne peut tenir compte avec une autre femme et cn a un enfant, celui-ci sera ni des déclarations de la mère et du futur, ni de la spurius, alors même que le coupable sc marierait ά reconnaissance légale ou légitimation déjà accom­ Ια mère après le décès de sa femme; et de la constitu­ plie au for civil. Toutefois, aussi longtemps que la tion de Benoit XIV, Reddites nobis, § 2. La doctrine preuve du contraire n'est pas certaine, la présomption la plus communément reçue donne la même solution de paternité est cn faveur de l'homme qui épouse la pour tous les autres spurii. Le motif est que la légiti­ mère; c'est pourquoi le curé, malgré les soupçons qui mation est censée, par une Action du droit, so rap­ pourraient exister, admettra la déclaration que les porter à la naissance, ou plutôt que le mariage, contractants lui auront faite librement, et il inscrira contracté après coup, est censé dater du moment de au registre la légitimation de l'enfant. la naissance ; il faut donc qu'il ait pu exister alors, b) Le reserit du pape. — Les spurii qui ne sont pas et par conséquent qu’il n’y ait pas eu à ce moment-là légitimés par le mariage subséquent de leurs parents, d’empêchement dirimant entre les parents. peuvent être légitimés par un rescriptum principis, par un décret émanant du souverain pontife. D’autre part, tousles enfants sans exception qui sont compris sous le nom d’enfants naturels ont part C'est ainsi que, quand le pape dispense ou donne au privilège susdit : non seulement donc ceux dont le pouvoir de dispenser d’un empêchement cn vue k conception a eu lieu alors que les parents n'avaient d’un mariage à contracter ou Λ valider, il donne en entre eux aucun empêchement dirimant, mais encore même temps un décret de légitimation, ou la faculté les autres, pourvu que l’empêchement ait disparu de légitimer, cn faveur des enfants déjà nés des rela­ avant la naissance ; il cn est de même dans le cas où tions qu'ont eues entre eux les fiancés. Cette laveur une dispense lève, avant la naissance de l'enfant, un peut s'étendre à tous les spurii, même aux adultérins ; empêchement quelconque qui liait les parents au mais ces derniers cn sont ordinairement privés, et ii moment de la conception. Les meilleurs canonistes cn est de même des enfants sacrilèges, dont les préconisent cette doctrine, cn vue d'avantager l'en­ parents ou l’un d’eux étaient liés par un vœu solennel fant ; et la S. Pénitenccric a décidé dans le même ou par la réception d'un ordre sacré. Voir entre autres sens, le 21 avril 1903. documents la réponse du Saint-Office, du 8 juillet 1903, Toute cette doctrine est résumée dans le canon 11 IG aux termes de laquelle l'induit de 1888, en faveur des du nouveau Code canonique : Per subsequens paren­ moribonds concublnaircs, comporte la faculté de tum matrimonium, sive verum sive putativum, sive légitimer les spurii, à l'exception des enfants adulté­ noviter contradam sive convalidaturn, etiam non con­ rins et sacrilèges. summatum, legitima efficitur proles, dummodo parentes La légitimation par reserit s'accorde ordinairement habiles exstilcrin lad matrimonium inter se contra­ cn vue du mariage à contracter ou ù valider entre les hendum tempore conceptionis, vel praegnationis, vel auteurs du bâtard, cn même temps que la dispense nativitatis. de l'empêchement, qui a rendu l'enfant spurius. Bien Il y a toutefois, entre les canonistes, une contro­ n'empêche toutefois qu’elle ne soit concédée cn dehors verse très vive au sujet des enfants apparemment d'elle et Indépendamment d’un mariage a contracter naturels, mais réellement spurii; ceux qui sont conçus et à valider ; il y a même des exemples de légitimation et nés de parents liés par un empêchement que l'un survenue après le décès des parents. ou l’autre ignore de bonne fol. L'opinion qui dénie à 2. Efficacité de la légitimation.— SI la légitimation ces enfants le bénéfice du privilège semble la mieux est acquise par le fait du mariage subséquent entre fondée, du moins s’il s’agit d'enfants naturels cn les parents de l'enfant,· elle assimile complètement apparence, mais réellement adultérins. Cette inter­ celui-ci, e/ledus canonicos quod attinet, aux enfants prétation s’adapte mieux au texte du c. 6, rapporté légitimes, nisi aliud expresse cautum tuer il. Codex plus liaul, et beaucoup d’interprètes l'entendent ainsi. juris canonici, can. 1117. Par conséquent, celle légiti­ La légitimation a lieu par le /ait même du mariage mation permet aux fils légitimés d'entrer dans les contradé dans la suite : d’un mariage légitime assuré­ séminaires épiscopaux, de recevoir les ordres, d’être ment, quel qu’il soit, même simplement ratum et non I munis de bénéfices ccdéslastlques et de dignités, sauf consummatum, contracté n’importe quand, même à celles de supérieur majeur d’un ordre régulier, de pré­ l'article de la mort, même alors sans publications lat nullius, d’évêque et de cardinal, que le droit préalables ni permission expresse de les omettre. Peu i nouveau exclut, nous l’avons vu. des cfTets de la légi­ Importe aussi que le contrat suive immédiatement timation par le mariage subséquent des parents. L’exclusion de la dignité cardinalice avait déjà été ou médlatement seulement la naissance illégitime de l’enfant. L'enfant ne serait pas moins légitimé par introduite par Sixte-Quint, dans la constitution Post­ le mariage de scs parents, si le père, après avoir quam, du 3 décembre 1-586, § 12. En outre, la légitimât ion est censée, par une fiction du contracté d'abord un autre mariage, épouse la mère de son enfant plus tard seulement, après son veuvage. droit, se rapporter au temps de in naissance elle-même. On discute toutefois s’il faut attribuer la même effi­ Par conséquent, comme dit ReifTenstuel, lit. xvn, cacité au mariage putatif, contracté invalidement, I n. 60, rapproché des n. 42 et 43, les enfants légitimés de cette manière « sont assimilés cn tout aux enfants mais de bonne fol, devant l’Église, et précédé des vraiment légitimes (sauf les restrictions de droit), et proclamations voulues. Il semble que la majorité des auteurs incline vers l’affirmative. Le mariage contracté sont compris dans toutes les dispositions de droit positif qui exigent la naissance légitime ». entre les parents de Veniant illégitime, légitime par le Si, an contraire, la légitimation a été accordée fait et de plein droit les enfants déjà nés, sans qu’il par merit pontifical, son efficacité dépend des termes soit besoin «lu consentement d'aucun des intéressés, employés. Elle peut avoir la même ampleur que puisque le droit canonique n'exige pas, comme le fait ILLÉGITIME 750 Ailleurs, le père ou la mère, et de préférence celle-ci, l'autre (par exemple, dans 1a sanatio in radlce, où au moment de la célébration du mariage, couvrait les enfants sont légitimés avec effet rétroactif jusqu’au moment de la naissance).mais elle peut aussi, d’après l'enfant de son manteau. Cette cérémonie est un em­ la portée du décret de légitimation, être limitée à quel­ prunt au rite de l'adoption romaine : l'un et l'autre rite servait à marquer des relations de paternité et ques cifcts seulement. Conformément au principe énoncé plus haut,la légi­ de maternité. La cérémonie du manteau a fait appeler timation, tant par mariage subséquent que par res­ les enfants légitimés ainsi par le mariage subséquent : erit du pape, n'a d'effet direct qu'au for ecclésiastique enfants de manteau, filil mantellalt. En d'autres endroits encore, les enfants à légitimer seulement, puisque cette légitimation résulte, dans les deux cas, d’une disposition positive de l'Église, et i étaient placés au moment du mariage aux côtés des est la conséquence juridique d’une fiction du droit. parents; on posait sur leur tête le livre dont le prêtre Elle n’a aucune valeur au ior civil, ni quant aux sc servait pour lire la formule de bénédiction nup­ effets temporels, si ce n’est pour autant qu’une dis­ tiale; on les appelait Buehkinder. Enfin il y avait encore, dc-ci dc-là, d'autres cérémonies en usage; position analogue existe dans la législation civile. par exemple, pendant la célébration du mariage» on Voir plus loin. Notez que, si la légitimation enlève l’inhabilité liait les enfants aux parents par leur ceinture» ou bien on les plaçait sur les genoux ou dans le giron de provenant d’une naissance illégitime, d'autres moyens encore peuvent avoir le même effet, du moins par­ la mère. II. Au point de vue du code civil.— 1® Notion.-tiellement : ainsi la profession solennelle, sans pro­ duire une légitimation proprement dite, rend, par une Sont illégitimes, aux yeux du code civil ou code Na­ disposition du droit, les illégitimes habiles à recevoir poléon, le seul que nous avons en vue: l.les enfants qui ne sont ni conçus ni nés d'une mère mariée; 2. les les ordres, la prélature exceptée ; la dispense, de son côté, peut agir dans le même sens pour des cas parti­ enfants qui, tout cn étant conçus ou nés d'une mère mariée, ont été légalement désavoués par le mari de culiers. De droit, la dispense générale pour les ordres vaut même pour les ordres majeurs, et celui qui a la mère. 1. Personne ne conteste la légitimité de l’enfant obtenu une dispense de ce genre peut obtenir les bé­ conçu pendant le mariage, puisque, devant la loi civile néfices non consistoriaux, même à charge d'âmes, comme devant la loi canonique, c'est la conception mais il ne peut être nommé cardinal, évêque, abbé ou prélat nullius, ni supérieur majeur dans un ordre qui en principe détermine la qualité de l'enfant. On présume que l'enfant a été conçu pendant le mariage, religieux de clercs exempts. Coder, can. 991, § 3. En quanti il est né après le cent quatre-vingtième jour ces cas, H faut une dispense spéciale du souverain qui suit la célébration et avant le trois centième jour pontife. qui suit la dissolution du mariage. D'autre part, par 3. Histoire. — En 336, l’empereur Constantin, pour combattre plus efficacement les unions irrégu­ une fiction du droit, le code civil, comme le code canonique, reconnaît comme légitimes les enfants nés lières, prit des mesures très sévères contre les enfants pendant le mariage, quoique conçus avant lui, c’estillégitimes, et leur refusa notamment la capacité de à-dire les enfants nés avant le cent quatre-vingtième succéder ; toutefois, par mesure transitoire, il décréta que les enfants nés d’unions irrégulières, antérieure­ jour qui suit fa célébration du mariage. C’est ce qui semble résulter des termes de l'article 331, qui n'ap­ ment ù la promulgation de la nouvelle loi, pourraient être légitimés par le mariage subséquent de leurs plique la légitimation par le mariage subséquent qu’aux enfants · nés hors mariage»; de l’art. 314, qui parents : le mariage aurait cn leur faveur un effet détermine les conditions dans lesquelles le mari peut rétroactif. désavouer l’enfant né pendant le mariage et conçu Justinien donna à cette disposition, essentiellement avant lui, désaveu qui suppose la légitimité de l’en­ transitoire à l’origine, le caractère d’une Institution fant à désavouer; enfin de l’intitulé du c. 1er, titre permanente. Afin de favoriser davantage encore les vu : De la filiation des enfants légitimes ou nés dans enfants Illégitimes, il admit ceux qui ne pouvaient pas bénéficier de la légitimation par mariage subséquent le mariage. Néanmoins un grand nombre de juristes se refusent Λ la légitimation per rescriptum principis, à l’excep­ à regarder comme légitime l’enfant né, mais non conçu, tion toutefois des enfants incestueux cl adultérins. Le droit romain, en matière de légitimation des j pendant le mariage. Ils prétendent que cet enfant enfants illégitimes, ne semble pas avoir été adopté rentre plutôt dans la catégorie des illégitimes, mais qu’il est légitimé ipso facto par le mariage contracté par l’Église avant le xn· siècle; son apparition dans par scs parents avant la naissance, pour autant, bien le droit canonique coïncide avec le réveil des études du droit romain. On no connaît pas d’actes pontifi­ entendu, que la légitimation par mariage subséquent lui est applicable aux termes de l'article 331. caux, antérieurs au pontificat d’Alexandre 111, qui La controverse ne se ramène pas à une simple énoncent nettement le principe de la légitimation. Λ partir de celte époque, les dispositions du droit ro­ question de mots. Cela ressort clairement de l’attitude différente que prennent les tenants des deux opinions main passèrent dans le code canonique, et furent consacrées dans les Décrétales; la doctrine s’est pré­ vis-à-vis d’un enfant qui a été conçu des œuvres d’un homme marié et d’une Jeune fille, et dont le père, cisée dans la suite, notamment dans ce sens, que la légitimation par le mariage subséquent était réservée devenu veuf, a épousé la jeune mère avant la nais­ sance de l’enfant. Ceux qui rejettent l’idée d’une aux seuls enfants naturels, à l’exclusion des spurii : légitimité vraie, et ont recours à une légitimation pour ceux-ci il fallait recourir au rescrit du pape. 4. Anciens rites de légitimation. — La cérémonie subséquente, sont logiquement conduits à considérer cet enfant comme adultérin, puisque l’art. 331 exclut qui semble avoir été la plus usitée, dans la légitimation du bénéfice de la légitimation tous les enfants inces­ par mariage subséquent, consistait à placer les enfants tueux et adultérins; aux yeux de ceux qui soutien­ à légitimer sous le poêle dont on couvrait les parents au moment de la bénédiction nuptiale. Comme le nent l'autre opinion, le même enfant est dûment légitime. poêle, d’après l’explication la plus plausible, était le Le mariage donc, contracté soit avant la conception symbole du lit conjugal, ia signi Heat ion qui s'attache à ce rite est toute naturelle : on voulait représenter soit après la conception, mais avant la naissance, en­ ces enfants comme étant issus du mariage légitime, traîne de droit la légitimité de l'enfant. Cette même efficacité s’attache au mariage putatif non moins contracté par les époux. 751 ILLÉGITIME qu’au mariage valable, art. 201 sq. Le mariage putatif est celui que les deux parties, ou Tune d'elles au moins, ont contracté de bonne foi et qui a été annulé ensuite à cause d’un vice essentiel. La juris­ prudence semble même disposée à interpréter d'une manière extensive le privilège attaché au mariage putatif; les enfants issus de ce mariage sont tenus pour légitimes, et conséquemment considérés comme héritiers légaux meme du conjoint qui a manqué de bonne foi. A citer dans cc sens un arrêt de la cour de cassation de France, en date du 5 janvier 1910, dans la Pas 1eris le belge, 1010, t. iv, p. 101 sq. Il reste ù signaler une disposition de la loi, dont le caractère illogique saute aux yeux. L'art. 315 dispose que · la légitimité de l’enfant né trois cents jours après la dissolution du mariage, pourra être contestée ». Il pose donc en principe la légitimité de cet enfant, alors qu'il est absolument certain que cet enfant n'est ni conçu ni né dans le mariage, puisque le délai de la gestation la plus longue est dépassé. Comme le fait justement observer Planiol, op. cit., t. i, n. 1382, « ccttc paternité posthume, d’un mari mort depuis longtemps, est contraire nu bon sens et prèle au ridi­ cule ». 2. La loi reconnaît au mari de la mère le droit de désavouer l'enfant conçu ou né pendant le mariage; le désaveu renverse la présomption établie par le code en faveur de sa paternité, présomption formulée par l'adage bien connu : Is pater est quem nuptiœ demons­ trant. L'exercice de cc droit est subordonné à des condi­ tions bien déterminées. Pour que l’action en désaveu soit admise sans preuves, par simple déclaration de non-paternité, Il faut ou bien : a) que l'enfant soit né avant le cent quatre-vingtième jour du mariage; et encore l’art. 311 opposc-t-il une fin de non-recevoir < dans les cas suivants : a. s'il (le mari) a eu connais­ sance de la grossesse avant le mariage; b. s'il a assisté à l'acte de naissance, et si cet acte est signé de lui ’ ou contient sa déclaration qu'il ne sait signer; c. si l’enfant n'est pas déclaré viable ». Ou bien il faut b) que, · en cas de jugement ou même de demande, soit de divorce, soit de séparation de corps », l'enfant soit né < trois cents jours après la décision qui aura autorisé la femme à avoir un domicile séparé, et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet défini­ tif de la demande ou depuis la réconciliation »; encore est-il fait exception pour le cas où < il y a eu réunion de fait entre les deux époux ». Ccttc seconde cause, admettant l'action en désaveu sans preuves, a été Inscrite dans le code français par la loi de 1850, com­ plétée par celle de 1886. Jusqu’ici elle n’a pas été adoptée par la législation belge ; en 1911, un projet de loi dans cc sens a été déposé au Sénat et voté. Lorsqu'il s'agit d'un enfant qui est présumé avoir été conçu pendant le mariage, l’action en désaveu n’est admise, pour le mari, que sous réserve de faire la preuve de non-paternté. Cette preuve doit établir soit l'impossibilité physique pour le mari d'être le pere de l'enfant, soit l’impossibilité morale, si d'autre part il est prouvé que la femme a vécu en adultère et que la naissance de l’enfant a été cachée nu mari, irt. 313. L'impossibilité physique suppose que « pen­ dant le temps qui a couru depuis le trois centième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la naissance de cet enfant, il (le mari) était, soit pour cause d’éloi­ gnement soit par l'efTct de quelque accident, dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme », art. 312. Le mari pourra donc invoquer l'impuissance accidentelle, provoquée par une blessure ou une mu­ tilation, non l'impuissance naturelle, comme il est sti­ pulé en termes exprès à l'art. 313. La raison de ccttc distinction, comme le fait observer Thirj, op. cit.. 752 n. 103, est « que ccttc Impuissance est beaucoup plus difficile à constater que l’autre et qu'on a voulu pro­ scrire les preuves scandaleuses et incertaines aux­ quelles on avait recours dans l’ancien droit ». L'im­ possibilité moralesuppo.se l'existence de faits propres à établir la non-paternité du mari, notamment l'ini­ mitié, la cessation de tous rapports entre les époux, la séparation de corps. 2° Espèces. — D'après la condition respective des parents, les enfants illégitimes sont ou bien sim­ plement naturels : ceux dont les auteurs pouvaient contracter mariage entre eux sans qu'aucun empê­ chement dirimant ne s'y opposât; ou bien incestueux ou adultérins : lorsque leurs auteurs étalent pa­ rents ou alliés aux degrés prohibés, ou que l'un ou l’autre était engagé dans les liens d'un autre mariage. 39EUcls juridiques.— Pour cc qui concerne: Lies enfants simplement naturels : a) s'ils ont été légalement reconnus, la reconnaissance, soit volontaire, soit judi­ ciaire, établit des rapports de parenté entre l'enfant reconnu et les père et mère qui l'ont reconnu, non entre lui et les parents de scs père et mère, sauf cc qui est dit aux art. 161 et 162 du Code civil pour les prohibitions de mariage, et la disposition de l'art. 766 en ce qui concerne la succession de l'enfant naturel. Les enfants naturels ne sont pas même héritiers de leurs parents, art. 756, ils ne sont que des successeurs irréguliers, dans les limites fixées par la loi, de telle sorte qu’aux termes de l'art. 908, ils ne peuvent rece­ voir de leurs parents, par donation entre vifs ou par testament, rien au delà de cc qui leur est accordé par la loi, art. 756 sq. D'autre part, ils sont soumis à l'autorité paternelle et ils ont, envers leurs père et mère qui les ont reconnus, les mêmes obligations et devoirs que les enfants légitimes. b) S'ils n'ont pas été légalement reconnus, ils peu­ vent, en Belgique, en vertu de la loi du 6 avril 1908, introduire, sous certaines conditions, une action en réclamation d'une pension alimentaire, contre celui qui a eu des relations avec leur mère, pendant la période légale de la conception, c'est-à-dire entre le trois centième et le cent quatre-vingtième jour avant la naissance, pourvu que la preuve résulte de l'une des circonstances déterminées parla loi : c a. de leur aveu dans les actes ou les écrits émanés du défendeur; b. de leur caractère habituel et notoire; c. de l'atten­ tat à la pudeur, consommé sans violence sur la per­ sonne d'une fille de moins de seize ans accomplis; d. de la séduction de la mère par promesse de mariage, manœuvres frauduleuses ou abus d’autorité, » art. 340 b. Que si ccttc pension a été accordée, les enfants ont droit ù < une pension annuelle pour leur entretien et leur éducation jusqu'à l'âge de dix-huit ans accom­ plis »; en dehors de ccttc pension alimentaire ils peu­ vent, conformément au droit commun, recevoir des libéralités de leurs parents; en d'autres termes ils ne sont pas frappés d'incapacité par l'art. 908. D’autre part, ils ne sont pas considérés, aux yeux de la loi, comme les enfants de celui qui doit leur payer une pension, sauf pour cc qui concerne les prohibitions de mariage, aux termes des art. 161 et 162 du code. — En dehors de ces deux cas, les enfants naturels sont considérés au for civil comme étrangers vis-à-vis de leurs parents, si tant est qu’ils connaissent leurs auteurs ; et Ils n'ont aucun droit légal d’exiger d'eux quoi que cc soit. Naturellement, ils peuvent bénéficier comme tous les étrangers des dispositions du droit commun, et recevoir de leurs parents des dons entre vifs ou des legs :1a disposition de l'art.908 ne les atteint pas. Les prohibitions de mariage, inscrites aux art. 161 et 162 du code, ne leur sont pas applicables non plus. 2. Quant aux enfants adultérins ou incestueux, dont. 753 ILLÉGITIME hi filiation adultérine ou Incestueuse sc trouve par exception légalement constatée, Ils peuvent exiger de leurs parents les aliments en vertu de l'art. 720; mais vu la disposition de l'art. 908, qui. s'applique dans l'espèce, Us ne peuvent rien recevoir au delà, pas même par manière de don; en haine de l'adultère et de l’inceste, ils sont mis ainsi hors du droitcommun; ils sont toutefois atteints par les prohibitions de ma­ riage, résultant des art. 161 et 162. Cf. Crémlcu, op. ri/.» p. 178 sq. 4° Légitimation·— 1. Mode.— Le code Napoléon ne connaît qu'une seule espèce de légitimation, la légitimation par mariage subséquent. La légitimation par reserit du prince, dont l'origine remonte à l'em­ pereur Justinien, et qui fut maintenue dans le droit canonique ainsi que dans la législation civile d'Es­ pagne, de Hollande et d'Italie, a été rayée du Code civil français. Avant la Révolution, les rois de France s'attribuaient le droit (et l'ont fréquemment exercé) d'accorder à des enfants adultérins et incestueux des lettres de légitimation. C'est ainsi qu'Hcnrl IV et Louis XIV légitimaient leurs propres bâtards, s'ap­ pliquant ù eux-mêmes le droit commun. Quant à la légitimation par mariage subséquent, contrairement à cc qui sc passe dans le droit cano­ nique, elle ne s'acquiert pas ipso facto, par le seul fait du mariage célébré entre les parents naturels. Le code civil exige l'observation d'une condition sine qua non. 11 faut que les parents aient reconnu l'enfant comme le leur. Cette reconnaissance, d'après les dispositions de l'art. 331, doit être faite avant le mariage, ou nu moins dans l’acte même de sa célébration. « La recon­ naissance faite postérieurement à la célébration du mariage n’entraine pas la légitimation. Le législatcui a craint que la reconnaissance postérieure ne soit pas l’expression de la vérité. » Tribunal de Louvain. 22 juin 1910, dans Pasicrisie beige, 1910, t. ni, p. 243 sq. De plus, et ceci est à noter soigneusement, le droit civil, comme le droit canonique, requiert le mariage subséquent entre les parents naturels de Ventant ά légi­ timer· C'est pourquoi l'ofilclcr de l’état civil commet une faute grave si, comme le cas se présente parfois, fl fait des instances auprès du futur époux pour que celui-ci reconnaisse comme sien un enfant que la future épouse u eu antérieurement des œuvres d’un autre. D'autre part, dès que les futurs époux déclarent librement et sans aucune contrainte reconnaître comme étant issu de leurs relations un enfant dont la future épouse a accouché antérieurement, il n'ap­ partient pas à 1'ofllcicr de l’état civil de refuser d’in­ scrire leur déclaration, quand même il aurait toutes les raisons de croire qu’elle est mensongère. Mais cette reconnaissance peut, aux termes de l'art. 339, être contestée par tous ceux qui y ont intérêt. Le privilège accordé au mariage subséquent, de légitimer les enfants nés avant cc mariage, s'étend même, d'après l'opinion la plus répandue, au mariage putatif. Les jurisconsultes qui adoptent ccttc manière de voir invoquent la généralité des termes de l’art. 201, qui, sans restriction aucune, attribue au mariage putatif les mêmes effets juridiques qu'au mariage valable. Récemment encore la cour d’appel de Bruxelles vient d’appliquer la mémo solution dans son arrêt du 27 décembre 1911. Pasicrisie belge, 1912, t. n, p. 57 sq. Cf. Planiol, op. cit.· t. i, n. 1109 et 1156; Thin’, op. cit., n. 301 ; Carteron, op. cit., p. 90 sq. Il est donc acquis que, sous réserve de la reconnais­ sance à faire par les parents, le mariage subséquent, soit valable, soit putatif, légitime de plein droit les enfants illégitimes nés hors mariage. Seulement le droit apporte à cc privilège accordé au mariage sub­ séquent une restriction importante. La rédaction primitive de l'art· 331 excluait formellement de celte 75ό faveur les enfants incestueux et adultérins. Ces en­ fants ne pouvaient être légitimés par le mariage subséquent de leurs parents, auxquels il était d’ail­ leurs interdit de les reconnaître. Cette législation du Code civil a reçu des modifications tant en Belgique qu'en France. En vertu de la loi belge du 8 avril 1908. art. nouveau 342 b, l'exception en défaveur des enfants incestueux ne s'applique pas aux enfants « nés de personnes parentes ou alliées, entre lesquelles le mariage pouvait être autorisé par dispense >. Déjà un arrêté du 5 février 1817 (non inséré au Journal officiel) accordait la légitimation au profit des enfants nés de parents au degré prohibé, qui contractaient mariage en vertu de dispenses. Par le fait même, le bénéfice de la légitimation par mariage subséquent est étendu aux enfants incestueux, et l'exception faite contre eux à l'art. 331 est supprimée du coup. Les parents et alliés visés par l'art. 342 b et par l'arrêté de 1817 sont en effet les seuls qui puissent jamais contracter mariage. En France, l’indulgence du légis­ lateur est allée Jusqu'à réduire considérablement la portée de l'exception qui atteignait les enfants nés d'un commerce adultérin. Sous le régime de la nou­ velle loi du 7 novembre 1907, l’enfant adultérin, désavoué par le mari, est susceptible d'être légitimé par le mariage subséquent de la mère avec son com­ plice. Peuvent encore être légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère naturels, les enfants nés trois cents jours après l’ordonnance autorisant, dans une instance en divorce ou’en séparation de corps, la femme à avoir un domicile séparé, lorsque la procédure aura abouti soit au divorce soit à la sé­ paration de corps, ou aura été interrompue par le décès du conjoint trompé. Enfin, « tout enfant issu d'un père ou d’une mère séparés de corps et dont la conception sc place entre le Jour où la séparation est devenue définitive et celui où elle cesse, soit par la réconciliation de l'un ou de l’autre auteur avec son conjoint, soit par la dissolution du mariage, pourra être légitimé ». Cf. Raymond, De ta légitima­ tion des enfants incestueux ou adultérins depuis la loi du 7 novembre 1907, Paris, 1908, p. 131-189, où la loi est longuement exposée et sévèrement critiquée; Guérin de Litteau, De la condition juridique des en/ants incestueux et adultérins, Paris, 1913, p. 238-304. Voir aussi Planiol, op.cit., n. 1553, qui fait justement observer que la loi de 1907 a bel et bien installé en France. « sous une forme Indirecte, la polygamie et la polyandrie, puisque l'un des époux pourra avoir des enfants légitimes d'une autre personne que de son conjoint, et même, si c'est le mari qui est l'adultère, il pourra avoir, pendant la même période de temps, des enfants légitimes de deux femmes différentes. » 2. Efficacité de la légitimation. — Les enfants légi­ timés par le mariage subséquent jouissent devant la loi des mêmes faveurs et ont les mêmes droits que s’ils étalent nés de cc mariage, art. 333. Autrefois, « la légitimation par reserit du prince produisait des effets juridiques moins complets que la légitimation par mariage subséquent. Elle ne don­ nait pas par elle-même au légitimé la capacité de succéder ab intestat à scs père cl mère : pour que la légitimation par reserit du prince eût celte force, le consentement des parents à la légitimation était indispensable. » Viollcl, Histoire du droit civil fran­ çais, Paris, 1893, p. 475. A consulter, outre les ouvrages généraux cités, les mo­ nographies suivantes : Carteron, Du mariage putatif et des effets de ta nullité en général en matière de mariage, Paris, 1907; Clacys-Boutiaert, De la reconnaissance et de faction alimentaire des enfants naturels, dans Collationes Gandavenses, Garni, 1910; Crémlcu, Des preuves de la filiation naturelle non reconnue, Paris, 1907; Guérin de Litteau, De 755 ILLÉGITIME — ILLUMINÉS DE BAVIÈRE (ORDRE DES) la condition Juridique des enfants incestueux ct adultérins, Paris, 1913 ; GcncstaJ, H blaire dc la légitimation. der enfants naturel! en droit canonique, Paris, 1905; Koglcr, Bcilrâgc zur Geschichte der Bezcption und der Symboltkder Icgitimatlo per subsequent matrimonium, Weimar, 1904; Leclercq, Lof du β avril 190S sur la recherche d· la paternité et de la mater­ nité de Γenfant naturel, Bruxelles, 1908; Morel, Étude histo­ rique sur le mariage putatif, Paris, 1013; Raymond. De la légitimation des enfants incestueux ou adultérins depuis la lot du 7 novembre 1907, Paris, 1908. A. De Smet. ILLSUNQ Jacques, moraliste ct controvcrsistc fort renommé en Allemagne durant la seconde moitié du xvn· siècle. Né à Hall dans le Tyrol, le 21 juillet 1632, admis au noviciat dc la Compagnie dc Jésus le 22 avril 1650, il professa d’abord la gram­ maire ct les humanités à Hall, où il fut bientôt chargé de renseignement de la philosophie, charge qu’il remplit avec la plus grande distinction pendant neuf ans, donnant tout l’éclat possible aux soutenances publiques des thèses scolastiques et assurant la par­ faite clarté ct l’inébranlable solidité des connaissances parmi scs nombreux élèves par la rigueur ct la sim­ plicité dc sa méthode. Ses thèses sur les perfections dc Dieu : Theses ex theologia naturali dc perfectionibus divlnis, Ingolstadt 1667, ct sur les perfections dc l’âme en tant qu’être raisonnable : Theses philoso­ phic^ de per/eciionibus animæ rationalis, Ingolstadt, 1667, attirèrent particulièrement l’attention» Désigné par d’unanimes suffrages pour occuper la chaire dc théologie morale à l’université d’Ingolstadt, il se tint plus strictement que jamais Λ l’emploi des mé­ thodes scolastiques et ses discussions publiques en matière dc législation canonique et civile, dc succes­ sions, de contrats, de restitution, ou sur les principes généraux du droit, lui valurent dans tous les centres universitaires de l’Allemagne la plus haute réputa­ tion. 11 en donna le développement dans une série dc traités qui sont assurément d'un maître : Dispu­ tatio theologica de legibus, Augsbourg, 1669; Dispu­ tatio theologica de successione ex testamento et ab intes­ tato, Augsbourg, 1670;Disputatio theologica de contrac­ tibus in genere ct in specie, Augsbourg, 1670; Dispu­ tatio theologica de justitia et jure, Ingolstadt, 1672; Disputatio theologica de restitutione, ibid., 1674. Scs Vindicia, sive Controversial selectæ ex universa theo­ logia D. Thomæ Aquinatis, ibid., 1677, résument clairement les dilïlcullés qui partagent les diverses écoles dans l’interprétation des doctrines dc saint Thomas ct en proposent une solution généralement conforme à l’enseignement traditionnel de la Com­ pagnie dc Jésus. Le succès de cet ouvrage fut tel que le P. Haunoldus, collègue du P. Ulsung ù l'université d’Ingolstadt, le publia, comme un traité classique, à la suite de son célèbre commentaire dc saint Thomas. On doit aussi au P. Ulsung une série de thèses solide­ ment établies sur l’immaculée conception de Marie : Virginis Matris conceptio absque macula præservantis (ilii meritis compensata, Ingolstadt, 1670, et une œuvre ascétique qui lui valut les éloges publiquement formulés des maîtres dc l’université d'Ingolstadt : Verba viler niernae ex quatuor Euangelistis deprompta atque In argumenta quotidiana meditationis digesta, 2 vol., Ingolstadt, 1687. Mais l’ouvrage qui consacre le mieux sa réputation ct l'on peut dire qui fait sa gloire, car il est toujours consulté avec fruit, est son traité de morale publié sous cc titre qui répond au goût du temps : Arbor scientice boni et mali sive theologia praefica universa de bono et malo morali, Ingolstadt, 1693; Venise, 1700. Son étude sur les propositions condamnées par Alexandre Vil, Inno­ cent XI ct Alexandre V111, est de tous points remar­ quable, dc même que sa défense du probabilisme. Moraliste d’un jugement très sage, homme d'une haute 756 spiritualité ct d'une droiture d’âme qui lui gagnait les cœurs en son aimable simplicité, il n'est pas éton­ nant que le P. Ulsung ait exercé sur les maîtres cl les élèves, dans toutes les charges qu’il remplit, la plus profonde cl la plus sympathique iniluencc, ùlngobladt et ù Augsbourg comme professeur de théologie, à Dillingcn comme chancelier de l'université, à Lands­ hut cl à Hall comme recteur de collège ou de scolasticat. Il mourut à Ingolstadt, le 10 septembre 1695. Mcdcrcr, Annales Academftr Ingolstadensls, t. xn, p. 33; Hurtcr, Nomenclator, Inspruck, 1910, t. iv, col. 599 sq.; Sommorvogcl, Bibliothèque dc la C1· dc Jésus, t. iv, col. 554-556; Xcrdltre, Histoire dc T université d* Ingolstadt, P. Behnahd. ILLUMINÉS DE BAVIÈRE (Ordredes). — I. Objet IL Organisation. III. Histoire. I. Objet. — 1· Sources de renseignements,— Dans le dernier quart du xvm· siècle fut constituée, en Bavière, une société secrète dont le but, les moyens d’action ct de propagande, l'organisation et la hié­ rarchie ne furent connus en partie que par quelques publications anonymes de l’époque, par la déposi­ tion faite sous la foi du serment dc quelques adeptes désillusionnés, par la saisie ct la publication dc ccrtains documents originaux. Au nombre de ces publi­ cations il faut ranger : 1. Der æchte Illuminai, Édcsse (Francfort-sur-lc-Mein), 1788; c'est un rituel conte­ nant la préparation, le noviciat, les grades de miner· val, d’illuminé mineur et d’illuminé majeur, dont l’authenticité ne saurait être mise en doute, car le baron de Kniggc (t 179G), qui avait rédigé presque tout le code de la secte, avoue dans son Endlische Erklârung, Hanovre, 1788, p. 96, que tous ces grades sont absolument tels qu’ils étaient sortis dc sa plume; 2. Die neuesten Arbeiten des Spartacus und Philo, Munich, 1794; ces derniers travaux de Spartacus et de Philon sont l'œuvre d'un ancien illuminé, où sc trouvent deux des grades les plus remarquables de la secte, ceux de prêtre et de régent; 3. Kritische Geschichte der Illuminatengrade, histoire critique des grades de l’illuminisme, où tout est appuyé sur les lettres mêmes des grands adeptes; 4. Endlischcs Schicksal des Freimaurerordens, discours prononcé à la clôture d'une loge maçonnique, où l’orateur cxpo.sc les raisons qu’a la loge de renoncer ù scs travaux depuis que les illuminés ont pénétré dans la francmaçonnerie. Au nombre des dépositions il faut compter celles des deux prêtres, professeurs ù Munich, Com· sandey ct Renner, du conseiller aulique Utzschncldcr et dc l'académicien Grunsbcrger. Mais les pièces principales sont les quelques documents originaux saisis par la police bavaroise chez Zwack et le baron de Bassus, et publiés à Munich, en 1787, par ordre dc l'électeur de Bavière, sous le titre dc: Einige Originalschriflen des Illuminaterordens, etc., ct Nachtrag von weiteren Originalschriftcn, etc. En tête dc celle publication révélatrice se lit l'avis suivant : < Ceux qui auraient quelque doute sur l'authenticité dc cc recueil n'auraient qu’à s'adresser aux Archives secrètes de Munich, où l'on a l’ordre de leur montrer les pièces originales. » 2° Le fondateur de la secte, — Ce fut un jeune pro­ fesseur de droit ù l'université d'Ingolstadt, Adam Wcishaupt (17IS-183O), qui fonda l'illuminisme. Ancien élève des jésuites, dont il devint l’ennemi implacable, adversaire dc toute religion, ct consta­ tant la puissance des sociétés secrètes, alors si répan­ dues en Allemagne ct en Europe, le parti qu'on en pouvait tirer, dans un but déterminé, au moyen d'une organisation hiérarchisée comme celle dc l’Églisc et d’une subordination étroite comme celle des membres de la Compagnie do Jésus, Wcishaupt résolut d< fonder un ordre nouveau dans le but réel, 757 ILLUMINÉS 1>E BAVIÈRE (ORDRE DES) mois non avéré, de ruiner dc fond en comble l'auto­ rité paternelle dans la famille, l’autorité civile dans les Etats» l’autorité religieuse dans les Églises, sous prétexte dc ramener l’humanité à son état originel, à l'ûgc patriarcal, à l'époque où il n’y avait ni pro­ priété privée, ni société organisée, ni gouvernement établi, ni Église. Il regardait, en effet, l'égalité ct la liberté comme les droits essentiels de l'homme. Or la propriété privée blesse l’égalité, la société ct les gou­ vernements sont contre la liberté ; ct comme le seul appui de la propriété ct des gouvernements sc trouve dans la loi religieuse ct civile, il fallait, pour rétablir l’homme dans scs droits primitifs d’égalité ct de liberté, détruire toute religion, toute société, toute propriété. Un but aussi nettement révolutionnaire devait rester profondément secret; car il importait dc ne pas heurter dc front les opinions ct les préjugés ct dc donner le change aux candidats, en tenant sur l’au­ torité, la religion ct le christianisme, le langage cou­ rant; il fallait savoir attendre, par une préparation suffisante, le moment propice avant dc soulever un coin du voile. Cc but ultime ne devait être connu que dc quelques adeptes, assez discrets pour le dissimuler ct assez audacieux pour le poursuivre. Wcishaupt s’y appliqua avec une habileté consommée ct par des moyens dénués dc tout scrupule, mais combinés dc manière ù préparer graduellement les esprits, à grouper les intelligences d’élite ct les volontés déci­ dées, dc manière aussi à capter en meme temps la confiance des princes ct des supérieurs ct à les sou­ mettre, sans qu’ils s'en doutassent, à sa direction souveraine. 3° Recrutement et choix des adeptes. — Pour atteindre un tel résultat, il convenait dc choisir des adeptes d’une docilité absolue, en leur faisant entrevoir, outre l’importance ct la grandeur du rôle qu’ils étaient appelés ù jouer en vue dc la perfection du genre humain, les avantages qu’ils devaient en re­ cueillir personnellement, tels que des fonctions lu­ cratives dans l’Églisc ct dans l’Etat. le commerce des plus hautes intelligences, l’acquisition de sciences occultes, la connaissance du véritable christianisme primitif. Cc choix étant fait, il fallait former peu à peu les candidats, les initier graduellement, en les utilisant suivant leurs aptitudes, leur savoir-faire ct leur bonne volonté. Pour cela on devait s’adresser dc préférence aux jeunes étudiants, si accessibles à ce qui flatte l'orgueil ct l’ambition, les transformer en meneurs capables dc soulever, d'entraîner ct d’en­ rôler les autres, dc manière à piquer la curiosité ct à faire naître le désir dc progresser dans la connais­ sance du secret dc la secte. Cc rôle dc frère insinuant, de propagandiste ct d'apôtre était capital : dc son succès dépendait non seulement le recrutement dc l’ordre, mais encore la promotion à un grade supé­ rieur dc celui qui savait bien le jouer. 4° Conditions de l'admission. — Pour être admis dans la secte, tout candidat devait faire préalablement une confession écrite dc ses préjugés, de scs erreurs, de scs défauts, de ses fautes, ne pas hésiter à révéler les secrets dc sa famille cl de ses amis, seul moyen prétendait Wcishaupt, dc faire connaître son apti­ tude ù recevoir ultérieurement la communication dc certaines doctrines politiques ct de certaines opinions religieuses, en réalité moyen insidieux pour Wcis­ haupt de s'assurer l’asservissement dc l’adepte et de tirer profit de scs révélations. Dc plus, le candidat devait faire l’abandon ct le sacrifice de sa volonté, dc sa liberté, de son honneur, dc sa famille, dc sa patrie, dc sa religion, et nu besoin dc sa vie, pour obéir fidèlement aux ordres reçus, quelque immo­ raux ou injustes qu’ils pussent paraître aux yeux • du vulgaire : l’intérêt de l'illuminisme exigeait une I telle attitude. Enfin le candidat devait apprendre à se dissimuler, à copier des documents, a sc procurer des livres rares ou des manuscrits prédeux, à répandre dc faux bruits, â rapporter tout ce qu'il pouvait dé­ couvrir dc secrets ; autant d’actes, assurait-on, qui n’avaient rien dc répréhensible, du moment qu’ils avalent pour but dc servir la secte, au nom dc ce double principe, à savoir que tout ce qui est utile est un acte dc vertu, ct que le but justifie les moyens : principes monstrueux qui devaient servir à justifier non seulement l'hypocrisie et la délation, la ca­ lomnie ct le vol, mais encore l’empoisonnement et l'homicide. 5° Rr/caulions prises. — D'aussi graves engage­ ments devaient donner à réfléchir et faire redouter l'intervention des pouvoirs publies. Mais non, assu­ rait Wcishaupt, nul risque à courir, nulle crainte à avoir sous la protection toute-puissante de l'ordre. La police ne pouvait rien, ni sur les adeptes tous affublés d'un nom dc guerre, ni sur la correspondance d’une société qui avait son langage à elle et usait I d'une géographie spéciale. Wcishaupt s’appelait I Spartacus ; le baron dc Knigge, Philon ; Zwaek, Caton ; le baron de Bassus, Annibal; le marquis de Constanze, Diomède, etc. La Bavière, c'était l’Acha!e;la Souabc, la Pannonie; la Franconie, ΓIllyrie; l'Autriche, l'Égypte; etc. Munich était devenu Athènes; Bam­ berg, Antioche; Inspruck, Samos; Vienne, Rome; Wurzbourg, Carthage; Heidelberg, Utique; IngolI stadt, Éphèse ou Élcusls, etc. La secte usait en outre de l’ère persane commençant en 630, d un calendrier ! spécial; l’année commençait le 21 mars, devenu le 1·» Pharavardin, etc. Malgré tant de précautions, on pouvait être pris et menacé; mais il restait alors un i expédient suprême, celui de recourir au suicide : patet exitus, la sortie est libre. Ce dernier moyen per­ mettait ainsi de se soustraire à tout danger. La seule chose Interdite sous peine de mort était la divulgation du secret; car sans recourir à la force publique, le poison ou le poignard d’un frère suffisait à punir le traître. Pour réussir avec de pareils moyens, Weis, haupl avait compté sans doute sur la curiosité de ! tous, la crédulité ou la sottise des uns, l’ambition ou la scélératesse des autres. Le fait est qu’il réussit. En moins dc dix ans, il en vint, avec l'aide dc CatonZwaek tout d’abord, puis et surtout avec celle de Philon-Knigge, à mettre sur pied Γilluminisme. 11. Organisation de la secte. — 1° Hiérarchie et grades. — La question des grades et de la hiérar­ chie ne fut pas tranchée de prime abord. Au début, Wcishaupt s’était contenté de deux ou trois grades, qui parurent insuffisants lorsque des francs-maçons se furent affiliés à la secte. Il parut bon dc tenir compte du rituel dc la franc-maçonnerie ct dc scs trois grades, ainsi que de la franc-maçonnerie écossaise, ct de couronner le tout par des grades supérieurs, exclusivement propres à l'illuminisme. Chargé de mettre au point la hiérarchie de la secte, Knigge i envoya à Munich, le 20 janvier 1782. un projet qui partageait les Illuminés en trois classes : la première, ou pépinière, comprenait les grades dc novice, do mlncrval ct d’illuminé mineur; la deuxième, oufrancinaçonnerie, comprenait ceux d’apprenti, dc com­ pagnon ct de mattre, et ceux d'illuminé majeur ou do novice écossais ct d’illuminé dirigeant ou de che­ valier écossais; la troisième, classe des mystères, comprenait les petits mystères avec les grades d’épopte ou dc prêtre ct dc prince ou de régent, et les grands I mystères avec les grades dc mage ou do philosophe et d’homme-roi.Nachirag i>on tveiterenOriginalschri/len, t. I, p. 108. Cc projet ne reçut plus de modifications, et Knigge rédigea aussitôt tout cc c[ui concerne ces 759 ILLUMINES DE BAVIÈRE (ORDRE DES) grades jusqu’aux petits mystères inclusivement; les grands mystères nc devaient être rédigés que plus tard. Au-dessus dc ccs trois classes siégeait le conseil dc l’ordre, ou l’aréopage,composé de douze membres; ct à la tête dc toute l’association, comme grand-maître unique ct chef absolu, Spartacus-Weishaupt, dont la personnalité ct l’action nc devaient être connues que des seuls aréopagites. 2® Initiations successives et révélation progressive du secret. — L'entrée dans chaque grade avait un rituel propre, dont on peut voir les détails principaux dans Le Forestier, Ias illuminés de Bavière et a Iranc-maçonncrie, Paris, 1911, p. 251-297; mais cc qu’il est intéressant dc constater, c'est l’idée générale dc l'ordre des illuminés donnée par Knigge dans le cahier préparatoire à la première initiation. 11 y était question de frères, · qui possédaient les connaissances 1rs plus étendues, qui avaient fait leur éducation dans plus d’une école dc sagesse, qui avaient des affidés à la tète dc toutes les sociétés secrètes ct dc tous les systèmes maçonniques, qui savaient ainsi d’une façon certaine cc qui était bon, authentique et utile, ct dont le but suprême était dc rendre le monde meilleur ct plus sensé, dc ruiner dans leur principe les obstacles qui s'opposent au bien, et qui avaient choisi, afin d'atteindre cc but, les moyens les meilleurs et les plus sûrs pour récompenser la vertu dans cc monde même, peur sc faire craindre du vice, mettre la méchanceté dans les chaînes ct combattre le préjugé avec autant de courage que dc prudence. > C'était de quoi allécher les plus récalcitrants en leur laissant entrevoir, par une ascension graduelle, l’initiation dc plus en plus explicite sur le but final à atteindre. Il est vrai que l’initiation progressive correspondait à l'élévation en grade ct que l'éléva­ tion en grade dépendait avant tout, pour chaque candidat, de son savoir-faire, dc l’ardeur dc son zèle ct du succès dc sa propagande : bon moyen pour exciter l'émulation ct l’apostolat et récompenser les services rendus. Cc n’cst pourtant que dans la classe des mystères que le langage dc l’initiation dépouillait tout artifice ct prenait une signitlcation plus précise. En effet, dès son entrée dans les petits mystères, Vépopte ou prêtre apprenait que l’homme doit re­ tourner à l'égalité et à la liberté primitives ct par conséquent qu’il devait combattre les ennemis de ccs biens, à savoir la propriété et le pouvoir, la so­ ciété civile ct scs lois, causes dc tous les vices ct dc tous les malheurs du genre humain. Il apprenait aussi que la vraie morale consiste uniquement pour l’homme à devenir majeur ct que la raison seule doit lui servir dc religion. 3® Sur Jésus-Christ. — Sans doute il était encore question dc Jésus-Christ dans le grade des époptcs.mais c’était avec la prétention dc faire dc sa doctrine la garantie dc l'illuminisme. Un peu d’exégèse com­ plaisante suffisait à escamoter l’enseignement évan­ gélique au profit dc la secte. Philon-Knlggc écrivait, en effet, à Caton-Zwaek : < Jésus n'a point établi une nouvelle religion, il a voulu simplement rétablir dans ses droits la religion naturelle. En donnant au monde un lien général, en répandant la lumière ct la sagesse dc sa morale, en dissipant les préjugés, son intention était dc nous apprendre à nous gou­ verner nous-mêmes, ct de rétablir, sans les moyens violents des révolutions, la liberté ct l’égalité parmi les hommes. Sa religion si simple fut ensuite déna­ turée, mais elle sc maintint par la discipline du se­ cret, ct elle nous a été transmise par la franc-maçonneric. > Einige Orlginalschrilten, t. n, p. 101. Welshaupt disait dc son côté : « Personne ne s’est si bien mis à la portée dc scs auditeurs ct n'a si prudemment caché le sens sublime dc sa doctrine. Personne enfin 760 n'a frayé Λ la liberté des voies aussi sûres que notre grand maître Jésus de Nazareth. 11 cacha, il est vrai, absolument en tout cc sens sublime ct ccs suites naturelles dc sa doctrine; car il avait une doctrine secrète, comme nous le voyons par plus d'un endroit de l'Évangilc.» Et Weishaupt citait cc passage : < A vous il a été donné dc connaître le mystère du royaume de Dieu, tandis qu’aux autres il est annoncé en paraboles. » Luc., vin, 10. Mais il sc gardait bien dc rappeler cet ordre : < Cc qui vous est dit à l'oreille, publicz-le sur les toits. > Matth.» x, 27. 11 citait encore: < Les rois des nations dominent sur elles; pour vous, nc faites pas ainsi, mais que le plus grand parmi vous soit comme le dernier. » Luc., xxn, 25, 26. Dc ce précepte ct dc tous les conseils de l'humilité chré­ tienne, Weishaupt faisait des préceptes d'une égalité désorganisatricc, ennemie de toute supériorité des trônes ct des magistrats. Mais il se gardait également dc rappeler la leçon dc Jésus-Christ ct des apôtres sur le devoir dc rendre h César cc qui est à César, dc payer le tribut et dc reconnaître l'autorité même dc Dieu dans celle dc la loi ct des pouvoirs constitués. Si Jésus-Christ a prêché l'amour fraternel, c'est l'amour de l'égalité, prétendait Weishaupt; s’il a inspiré à scs disciples le mépris des richesses, c'est dans le but de préparer le monde à la communauté des biens qui doit faire disparaître toute propriété privée. Et Weishaupt dc conclure: « A présent, si le but secret dc Jésus, maintenu par la discipline des mystères ct rendu évident par la conduite et les discours dc cc divin Maître, était dc rendre aux hommes leur égalité, leur liberté originelles, ct de leur préparer les voies, combien dc choses, qui sem­ blaient contradictoires ct inintelligibles, deviennent claires ct naturelles ! A présent on conçoit en quel sens Jésus a été le Sauveur, le libérateur du monde. A présent on conçoit cc que c'est que l'état dc pure nature, dc la nature déchue ct corrompue, ct lo règne dc la grâce. > NachIra g von weilercn Originalscliri/tcn, t. n, p. 106: Die ncueslen Arbeiten, p. 58. •1® Nouvelles révélations. — L'épopte, ainsi mis nu courant, pouvait s’élever au grade dc prince ou de régent, s'il montrait assez d'habileté pour avoir part à la direction politique de l'ordre, c'est-à-dire s'il savait joindre à la prudence la liberté de penser et d'agir, combiner les précautions ct la hardiesse, la fermeté ct la souplesse, ct s'il était ainsi tout acquis aux intérêts de la secte. Au nouveau grade, il devait aspirer à changer l'état actuel dc la société. Il apprenait alors que la morale est l'art d'enseigner aux hommes à secouer le joug dc leur minorité, à sc passer des autorités régnantes ct à sc gouverner euxmêmes. Après quoi, il nc restait plus qu'à soulever le dernier coin du voile et à exprimer en termes expli­ cites que la religion est à détruire en faveur dc l'athéisme, que les gouvernements humains sont à renverser en faveur d'une Indépendance absolue, que la propriété privée est à supprimer pour ramener la vie patriarcale. Et tel est l’objet des révélations faites dans l’initiation aux grades supérieurs. C’est ainsi qu'en devenant mage l'illuminé apprenait le devoir d'assurer le triomphe de l'athéisme sur toute religion, cc mot de religion n'ayant été employé jusque-là que pour donner le change, ct ncsignifiant que la chimère dc la superstition ct du fanatisme, favorisée par l'ambition ct le despotisme pour tenir le genre humain dans l'esclavage. Voilà, en effet, cc qui ressort nettement de certaines lettres de Spar· - Original·* I tacus—Weishaupt à Caton-Zwaek. / ' schrillcn, t. i, lettre iv; t. n, lettre xv. 5® La pieuse fraude. — Tout ce qui précédait dans 1 les initiations précédentes était donc un mensonge, | une comédie, un escamotage, ou, comme le dit Philon- 761 ILLUMINÉS DE BAVIÈRE (ORDRE DES) Knigge à Caton-Zwack, une pieuse fraude pour trom­ ’ per les initiés. « Nous avons eu bien des préjugés à détruire avant de vous persuader que ccttc prétendue religion du Christ n’était quo l’ouvrage des prêtres, de l’imposture et de la tyrannie. S'il en est ainsi dc cct Évangile tant proclamé, tant admiré, que devonsnous penser de toutes les autres religions? Apprenez donc qu’elles ont toutes les mêmes fictions pour origine, qu’elles sont également toutes fondées sur le mensonge, l’erreur, la chimère et l’imposture. Voilà notre secret. Les tours et les détours qu'il a fallu prendre, les promesses mémo qu'il a fallu vous faire, les éloges qu’il a fallu donner au Christ et à scs pré­ tendues écoles secrètes, la fable des francs-maçons long­ temps en possession de la véritable doctrine, ct notre illuminisme aujourd'hui seul héritier dc scs mystères ne vous étonnent plus en ce moment. Si, pour détruire tout christianisme, toute religion, nous avons fait semblant d’avoir seuls le vrai christianisme, seuls la vraie religion, souvenez-vous que la fin sanctifie les moyens, que le sage doit prendre pour le bien tous les moyens du méchant pour le mal. Ceux dont nous avons usé pour vous délivrer, ceux que nous prenons pour délivrer un jour le genre humain dc toute reli­ gion, nc sont qu’une pieuse fraude que nous nous réservons dc dévoiler dans cc grade de mage ou dc philosophe illuminé. · Cité par Barruel, Mémoires pour servir à Thistoire du facobisme, 3· édit., Augsbourg, 1799, t. ni, p. 177. La même pieuse fraude, cela va sans dire, est dévoilée dans l’initiation dc l'homme-roi. L'élu apprend que le prétendu retour à l’âge patriarcal n’a plus lieu dc retenir son attention; l’empire n’a pas plus de réalité que le sacerdoce. Le vrai but, c'est la destruction de l’autorité paternelle au nom dc l’égalité ct dc la liberté : ni États, ni patrie, ni famille; l’homme no doit plus avoir d’autres lois que celles dc la raison; l’homme est son propre maître. Un dernier secret restait à dévoiler» celui de l'origine même dc l’illuminisme; sa connaissance était réservée aux quelques illuminés du grand conseil, aux aréopagites. Ccttc société entourée dc tant dc mystère, qui s’est appliquée ù déraciner du cœur ct dc l'esprit tous les principes dc religion, tous les sentiments d’amour domestique ct national, toutes les préten­ tions au droit dc propriété, qui a tant travaillé à montrer le despotisme ct la tyrannie des lois civiles, qui proclame la liberté, l'égalité ct la souveraineté de l’homme, n'est nullement l’œuvre dc l'antiquité, mais celle dc la philosophie moderne, l'œuvre dc Weishaupt. Ill. Histoire. — 1° Les débuts. — Weishaupt commença son œuvre avec deux étudiants, Masscnhaussen. dit Ajax, ct Mcrz. dit Tibère, le l*r mai 177G, à Ingolstadt. Ajax-Masson hausson gagna bientôt Caton-Zwack, qui devint l’adepte favori de Spar­ tacus ct implanta l’illuminisme à Munich pendant que Weishaupt continuait sa propagande, à Ingol­ stadt même, parmi les étudiants, ses élèves ou scs pensionnaires. En moins dc trois ans la secte, ré­ pandue en Bavière, en Souabc, en Franconie cl dans lo Tyrol, compta un grand nombre de loges ct plus dc mille affiliés· comme le constata Weishaupt dans une dc ses lettres Λ Caton-Zwack, datée du 13 Abcnmeh 1148, c'est-à-dire du 23 novembre 1778. Einige Orlginalschri/ten. t. 1, lettre xxv. Parmi les aréopagltcs dc ccttc période, outre Caton-Zwack, on trouve un prêtre catholique Marlus-IIcrlel, un médecin CclscBaadcr, un professeur, Sciplon-Bergcr, un marchand Coriolnn-Tropanero, un baron, Annlbnl-Bassus, un marquis, Diomèdc-Constanzc, un conseiller, Alcibiade· Hohenclcher. Les illuminés occupent déjà partout les meilleures places. Caton-Zwack écrivait : < Par 762 les Intrigues de nos frères, les Jésuites ont été éloignés dc toutes les chaires de professeur; nous avons purgé d'eux l'université d'Ingolstadt· La duchesse douai­ rière, pour l'institut des cadets, a tout disposé sui­ vant le plan fait par notre ordre. Cette maison est sous notre protection. Par la recommandation des frères, Pylade est devenu conseiller fiscal ecclésias­ tique. En lui procurant cette place, nous avons mis à la disposition dc l'ordre l'argent de l’Église. Nos frères ecclésiastiques ont été par nos soins pourvus de bénéfices, dc cures ou de préceptorats. » Voir d'au­ tres détails tout aussi caractéristiques sur ces pre­ miers succès de la secte dans les notes de CatonZwack, Einige Originaischriften, t. i, passim. 2° Seconde période : T intrusion de l'illuminisme dans la /ranc-maçonnerie. — Dès 1777, Weishaupt s’était fait afIUicr à la iranc-maçonnerie pour en surprendre les secrets sans lui dévoiler les siens. Il donna l'ordre à ses aréopagites d'en faire autant et songea même à incorporer la secte des francs-maçons dans son ordre. Pour réaliser cc dessein, l'homme qu’il lui fallait fut un baron du Hanovre» von Knigge, déjà franc-maçon et quelque peu disciple du charlatan Schroeder, le Cagllostro allemand. Au moment, en effet, où, sous la protection du duc de Brunswick, eut lieu à Wilhcmsbad, en 1781, l’assemblée générale des loges maçonniques, Knigge fit connaissance avec le marquis de Constanze et entra, grâce à lui, dans la secte des illuminés sous le nom dc Philon, se pro­ mettant de faire parmi les députés francs-maçons une active propagande en faveur de l'illuminisme. Il devint ainsi Γhomme-lige dc Weishaupt ct ouvrit à sa secte les portes de la franc-maçonnerie. Habile­ ment secondé par Bode, qu’il avait conquis ct qui lui procura de puissants protecteurs parmi les maçons de haut rang, Knigge fit dc la maçonnerie le séminaire do l'illuminisme et assura à celui-ci d’immenses pro­ grès dans toute l'Allemagnect les pays du Rhin. Et dès 1783 il dressa un état des loges allemandes affiliées ù Weishaupt. Ces loges, rangées par région sous 35 di­ recteurs. étaient divisées en provinces ; les provinces dc Bavière, de Souabe ct dc Franconie étaient sous la dépendance d’un preinicrinspcctcur; celles des élec­ torats du Rhin, des cercles du Haut-Rhin ct dc Westphalle sous la dépendance d’un second inspecteur; et celles dc la Haute ct Basse-Saxe sous un troisième inspecteur. Ces trois inspecteurs étaient soumis euxmêmes à un seul directeur, le directeur national de l'Allemagne. Chaque nation, semblablement orga­ nisée, devait dépendre d'un directeur national» ct les divers directeurs nationaux du conseil de l'ordre ou de l'aréopage, avec Spartacus-Weishaupt à la tète. C'est dire la diffusion prodigieuse dc la secte des illu­ minés, sept ans à peine après sa fondation. 3® Troisième période : découverte et condamnation de l’illuminisme· — Tant dc succès et une extension aussi grande nc pouvaient passer inaperçus, surtout en Allemagne, d'autant plus qu’un vit différend s’était élevé entre Spartacus-Weishaupt ct PhilonKnlggc ct que déjà quelques publications impru­ dentes avaient paru. La police bavaroise, en parti­ culier, fut mise en éveil. Sans doute les illuminés surent tout d'abord écarter scs soupçons ct déjouer scs recherches. Mais, en 1784, l’électeur dc Bavière n'en décréta pas moins l'interdiction dc toute com­ munauté, secte ou confraternité scrète non approuvée par les lois. Or, cette annéc-là, un professeur de Munich, Babo, commença à dévoiler les projets cachés dc l'illuminisme dans un livre intitulé: Ueber Freimaurcr, besonders in Bayern, erste Warnung, ou premier avertissement sur les francs-maçons. En outre, en 1785, après la déposition faite sous la fol du serment, le 3 ct le 7 avril, par Cosandey ct Renner, 763 ILLUMINÉS DE BAVIÈRE (ORDRE DES) 764 complètement désabusés, Wclshaupt fut destitué hensible. « Malheureusement pour hi sincérité de de sa chaire de professeur ct sc réfugia à Batisbonne, Wclshaupt, dit Le Forestier, Les illuminés de Ba­ dont il fit momentanément sa nouvelle Éleusis, aussi vière, p. 520, il est Impossible de considérer cc pré­ déterminé qu’avant à poursuivre scs ténébreuses tendu système comme autre chose qu'une super­ machinations. LA, comme il sc promenait avec l’un cherie destinée à égarer l’opinion publique cn lui de scs adeptes, le prêtre apostat Lanz, qui devait présentant un document forgé pour les besoins de la porter scs instructions en Silésie, ce prêtre fut sou­ cause. > ('.cite imposture de Wclshaupt devait être dainement frappé par la foudre, ct, dans le premier dénoncée, en 1794, par l’auteur anonyme de VUlstoire moment de désarroi, la police put s'emparer de quel­ , critique des grades illuminés. Entre temps, la police, dans une perquisition faite ques papiers secrets qu’il portait cachés dans scs vêtements. Enfin, le 9 septembre de la même année, chez Bassus au château de Sandersdorf, s’était emparée deux antres illuminés, Utzschneider ct Gninsberger, de pièces originales nouvelles, qui furent également contribuèrent par leurs dépositions, faites également publiées sous le titre : Nachlrag von weiteren Origlsous la foi du serment, à montrer tout le venin de la nalschri/ten, welchc die llluminatcnsckte ilberhaupt, secte. Wclshaupt, cn 178G, voulut faire front au sonderbar aber dm St i/ter derselben Adam Wclshaupt danger. Il publia, sous l'anonyme, une lettre à Utz­ gewesenen Professor zu Ingolstadt bclrc/lcn und bel schneider, une autre à Cosandey, des articles ct des der au/ dem Baron Bassusischen Schlosz zu Landers· brochures, tels que : Gedanken liber die Ver/olgung dor/, cinem bckanntm Illuminaten Neste, vorgenomder Illuminaten in Bayern; une Apologie der Illu- menen Visitation enldeckt, etc. Ces nouvelles révéla­ minaten ct une Vollstiindigc Geschichtc der Ver/olgung tions accablaient Wclshaupt, qui reprit la plume der Illuminaten in Bayern, Dans ccs écrits il essaya pour écrire deux nouveaux mémoires défensifs : une de montrer l’inanité des reproches qu’on adressait courte justification de ses intentions, Kurze Recht/craux illuminés, l’indignité de leurs dénonciateurs, le tigung meiner Absichten, puis un supplément à cette mensonge des déposants, l’illégalité des poursuites. justification, Nachlrag zur Recht/ertigiing meiner Mais les quatre déposants relevèrent le gant. Ils Absichten, qui ne réussirent pas à le blanchir. rééditèrent cn les complétant les Drei mcrkwûrdige 4° Quatrième période : le déclin. — 1. Wcishaupl Aussagen die innere Einrichtung des Illumlnatenordens abandonne la lutte. — La découverte ct la publication in Bayern belrc//end ct publièrent Grosse Absichten de ces documents compromettants portèrent un des Ordens der Illuminaten. De plus, Handler, dans coup funeste à la secte des illuminés. Des sanctions son Hùchst nbllge Beilage zu der vollkommcnen Ge- furent prises cn Bavière; l'électeur fit condamner schichte der Vcr/olgung der Illuminaten in Bayern, plusieurs adeptes, les uns à l'exil, les autres à la prison, établit que Wclshaupt, dans son histoire de la pour­ , mais il fut loin de les atteindre tous, ct sa répression suite des illuminés, avait travesti les faits cl repro­ n'eut pas tous les résultats désirables, d'autant qu'il duit d’une manière volontairement inexacte les fut le seul en Allemagne à intenter des poursuites. procès-verbaux des interrogatoires. C’était une Le grand chef avait trouvé un refuge assuré près du guerre de plumes dont l’intérêt fût de beaucoup duc de Saxe-Gotha, connu dans la secte sous le nom dépassé par la saisie ct la publication de documents de Tlmoléon. 11 semble s'être désormais désintéressé originaux. de son œuvre, ct il passa les quarante dernières an­ En ciTct, les 11 ct 12 octobre 1786, la police fit une nées de sa vie à composer des ouvrages de philosophie descente à Landshut, chez Caton-Zwaek, et s'empara et de morale, dont les caractères distinctifs, au dire de plusieurs pièces originales qui ne laissèrent plus de Le Forestier. Les illuminés de Bavière, p. 558, sont le moindre doute sur le caractère antireligieux, anti­ l'cnflurc, la platitude et la monotonie. social ct anarchique de l'illuminisme. Il y avait là 2. Vaine tentative de Bode ct de Bahrdt. — Con­ plus de 200 lettres de Wclshaupt à Zwaek, Massen- damnée en Bavière, la secte ne réussit pas à sc main­ haussen et Hertel, des lettres de différents aréopagltcs tenir au dehors. Ce n'est qu'en Saxe qu'Améllusqui < révélaient chez leurs auteurs des ambitions Bode essaya de lui procurer de nouveaux adhérents. démesurées et des opinions religieuses peu orthodoxes ». Pour détourner l'attention publique de l'ordre des « Ainsi, ajoute Le Forestier, Les illuminés de Bavière, illuminés, il imagina de faire courir le bruit que la p. 500, la plupart des accusations lancées contre les maçonnerie était secrètement dirigée par les jésuites. illuminés sc trouvaient justifiées : c'étaient des Étant parvenu à recruter quelques adeptes, cn 1787, impies, des conspirateurs qui voulaient ruiner la il crut avoir sauvé l'ordre; il chercha même à l’amen· religion, asservir le gouvernement civil, des empoi­ der sous un nom nouveau, mais sans y réussir. 11 sonneurs, des faussaires, des criminels de droit mourut cn 1793. D’autre part, quelques illuminés, commun. » Tous ccs documents furent publiés par pour accroître leur influence, essayèrent d'utiliser ordre de l'électeur de Bavière, le 26 mars 1787, sous l’Union allemande des vingt-deux. Die deutsche cc titre : Einige Orlginalschri/tcn des Illuminaten· Union der Zweiundzwanziger, fondée par Bahrdt; ordens, irelche bel dem gewesenen Regierungsrath c'était une société de propagande rationaliste ct Zwaek dutch vergenommenc Ilausvisilation zu Lands­ antichrétienne par le livre, le journal, les revues, hut den I! und 12 Oktober 1786 vorge/unden warden. les bibliothèques et les cercles d'études. Mais cette Union fut frappée, cn 1788, par Frédéric Guillaume Massenhaussen et Hertel furent incarcérés. Quant à Webhaupt, réfugié alors à Batisbonne, il ne pou­ de Prusse, pour son débordement d'impiété. Toutes vait plus nier; il plaida du moins les circonstances les tentatives pour continuer l'œuvre de Wclshaupt atténuantes dans deux brochures, l’une, Elnlcitungzu restaient vaines. L’ordre des illuminés n'existait plus, meiner Apologie, l’autre, Bemerkungen ûber einige il ne conserva que quelques adeptes secrets au sein Originabchrillen, parues en 1787, où il jetait la sus­ des universités. 3. L*illuminisme et la Révolution /rançaise. — picion sur l’authenticité des documents Imprimés ct prétendait qu’ils ne Justifiaient aucune des accusa­ Trempa-t-il dans le complot des loges françaises qui préparaient la révolution? Il est certain que, dès 1782, tions lancées contre les illuminés.C'étaient là, dlsalt-ll. des opinions privées, se rapportant à une époque de Spartacus-Wclshaupt et Phllon-Knlgge avalent formé le projet de faire pénétrer leur société cn France; tâtonnements, dont on était sagement sorti, et il publia Das verbesserte System der Illuminaten mit mais, crainte de quelque explosion prématurée qui allen seinen Graden und Etnrichtungen, pour montrer aurait pu les trahir, Ils ne se hâtèrent pas de pousser l’ordre sous un lour dlflércnt ct nullement répré­ leurs conquêtes au delà de Strasbourg. Il y avait 765 ILLUMINÉS DE ΒΛ\ 1ÈRE (ORDRE DES) — IMAGES (Cl LTE DES pourtant, cn France, outre Diétrlch, maire de Stras­ bourg, un illuminé de marque, Mirabeau, qui, pen­ dant l'un de scs voyages cn Allemagne, s'était fait recevoir à Brunswick par le professeur Mauvillon, un élève de Knigge. Et lorsque, cn 1787, AméliusBode ct Bayard-Busch sc rendirent à Paris pour conférer avec les loges, Mirabeau adressa ccs frères venus d'Allemagne au comité des Aml.s-Réunls, où se réunissaient de toutes les loges parisiennes les partisans les plus résolus de la révolution ct les plus avancés dans les mystères. Que résulta-t-il de cette visite? C'est cc qu’aucun document ne nous apprend; mais il n'est pas téméraire de croire que le but secret poursuivi par les illuminés ne fut pas pour déplaire aux exaltés ct ne dut pas rester étranger aux déci­ sions prises par le club des Jacobins. 4. Influence rational iste de Γ illuminisme. — Si l'ordre des illuminés n'existait plus, il comptait tou­ jours quelques représentants, notamment dans les universités, parmi les professeurs ecclésiastiques qui propageaient l'esprit nouveau. Un prêtre de Liefcnbach, du diocèse de Spire, Philippe Brunner (f 1829), connu dans la secte sous le nom de Pic de la Mirandolc, avait dressé pour. l’Allemagne le plan d’une académie des sciences, sous la haute protec­ tion du coadjuteur de Mayence, Crcsccns-Dalberg. Parmi les membres de cette académie se trouvaient d'anciens religieux ct des prêtres, entre autres Wcrkinelstcr (t 1823), F. Blau (t 1798) et Wreden, partisans d'un rationalisme qui menaçait le surna­ turel ct la foi. Or c'étaient là des illuminés avérés, ct ils n'étaient pas les seuls cn Allemagne. Parmi les plus connus on compte deux théologiens à Mayence, F. Blau, déjà nommé, et Laurent Iscnbichl (f 1818); à Bonn, Euloglus Schneider, qui, après s'être mis au service de l'évêque constitutionnel de Strasbourg, mourut sur l'échafaud, cn 1794, ct l'un des patrons du Joséphisme. Pli. Hcddcrich (t 1808); à Wurzbourg. l'historien F. Berg (f 1821), dont Hurter a dit : Vir liberrimæ sentiendi licentiæ, in cujus dictis jam semina reperiuntur illius criticismi siecult XIX omnia in dubium vocantis et religionem catholicam funditus evertentis, Nomenclator literarius, Inspruck, 1886, t. ni, p. 837; et Oberthur, dont Perrone a signalé les tendances protestantes. Prælect. theol., t. vu, De sacramentis in genere, n. 76. C’est ainsi que d’anciens illuminés avaient encore la haute main dans renseignement et les administrations ecclésias­ tiques. 11 importait de parer au danger qu'ils faisaient courir à la fol ct à la discipline. Les concordats signés par le saint-siège avec la Bavière, cn 1817, ct avec la Prusse, en 1821, contribuèrent pour une part à paralyser leur action sans réussir à la détruire complètement. Un ancien illuminé, qui avait été vicaire, général de Constance, le baron de Wessenberg. ne put obtenir l’agrément du pape pour être élevé à l’épiscopat ct continua scs intrigues. Un autre illuminé, le comte de Spiegel (t 1835), devenu arche­ vêque de Cologne, avait ouvert aux hcrméslcns les portes de son chapitre ct de l’université de Bonn. Cc n'est que peu à peu que disparurent les restes de l’illuminisme ct que l’Eglisc élimina le rationalisme dont il avait Imbu plusieurs membres du clergé. Robison, Proofs of a conspiracy against all the religions and governments of Europa, carried on in the secret meetings of the freemasons, Illuminati and reading societies, Edim­ bourg. 1797; Bnrrucl, Mémoires pour servir d l'histoire du jacobinisme, 3#édit., Augsbourg. 1799; Starck,Per Triumph der Philosophie tn XVIII Jahrhundert, Germantown, 1803; Mounter, De Γ influence attribuée aux philosophes, aux francs-maçons et aux illuminés sur la Révolution de France, Tublnguc, 1801; Zschokkc, Baycrtsche Geschtchte, Aarau, 1828, t. vni; Jnrkn, Vcrmtschte Schrlften, Munich, 1839, t. n; Rulnnd, Séries et vitre professorum SS. theologice qui 766 Wlceburgt usque ad annum 1331 docuerunt, Wurzbourg. 1835; Bruck, Die ratlonaUstiehen Be^trebungen In kathollschen Deutschland, Mayence, 1865; Schwab, Franz Berg, gelstlicher Bath und Professor der Klrchengeschidde an der Universital Würzburg, Wurzbourg, 1860; Kloss. Biblio­ graphie der Freimaurer und der mit (hr in Verbindung gesetzten gehelmen GtseUsehaften, Francfort, 1341; Wolfstleg. Bibliographie der frelmatirrr lichen Ltteratur, 1911; Funk, Histoire de VRglite, trad, franç.» Paris, 1891, t. ir, p. 302; Wolfranim, Dit Illuminaten in Bayern und ihre Vcrfolgung, Erlangen. 1899, 1900; Engel, Geschtchte des Dluminatenurdens, Berlin, 1900; Le Forestier, Les illuminés de Bavière et la franc-maçonnerie allemande, Paris» 1914; Mignc, Dictionnaire des hérésies, Paris, 1847, t. r p. 825826; Kirchenlextknn, 2· édit., t. vi, col. 603-603; Realencyklopàdlc fûr prfAestantische Théologie and Kirche, Leipzig, 1901,t.IX. p. 61-68. G. Bareille. ILLYRICUS Thoma·. Voir Thomas Illyricus. IMAGES (Culte des). — L Histoire. IL Doctrine. I. Histoire. — 1° Dans ΓAncien Testament. — Le culte des images n'existait pas dans l’Ancien Testa­ ment. L'usage même cn était fort restreint, à cause du danger d’idolâtrie. Le premier commandement du Dé­ calogue qui défend de faire aucune image taillée ni au­ cune figure « de ce qui est en haut dans le ciel, de ce qui est cn bas sur la terre, ou de ce qui est dans les eaux audessous de la terre », Exod., xx, 3 sq.f doit être entendu non d'une manière absolue, mais dans le sens du con­ texte, c'est-à-dire qu’il vise les images destinées à être adorées. Cette prohibition s’applique tout d'abord aux images des fausses divinités que les Israélites avaient pu voir dans les maisons et les temples des Égyptiens, mais encore, ct sans nul doute, aux images de Jahvch lui-même. Dcut.,xv,15sq. Le motif de cette défense, in­ diqué clairement par le Deutéronome, ibid., est le dan­ ger où était le peuple juif, récemment sorti d’Égypte et entouré de nations païennes, de tomber dans l’ido­ lâtrie. Représenter Jalivch par une image, c'était, ù cause de la mentalité de cc temps-là ct de la pratique des nations voisines, attribuer à Jahvch la forme choi­ sie pour le représenter ou prendre cette forme pour la divinité elle-même, ou du moins pour une chose ani­ mée par la divinité. C’est pourquoi l'adoration du veau d’or, qui dans la pensée d'Aaron, peut-être même dans celle des Hébreux, était une image de Jahvch, fut punie comme un acte d'abominable idolâtrie. Voir col. 624 sq Que le précepte du Décalogue cité plus haut n’eût point une portée absolue ct ne visât que les représenta­ tions de la divinité, cela paraît par le fait que Moise, sur l’ordre de Jalivch, fit placer deux chérubins d'or sur l’arche d'alliance, qu’il fit faire un serpent d’ai­ rain en signe de salut, Num., xxi, 3, et que Salomon décora le temple de sculptures variées (chérubins, lions, taureaux, palmes...), tous objets qui n'avalent point pour but de représenter la divinité. Plus lard, Ézéchlas détruisit le serpent d'airain, parce que les Juifs brûlaient des parfums devant cotte figure, et 11 cn est loué par l’Écriture. IV Rcg., χνιπ, 3-4. Le peuple hébreu en cfïct était toujours enclin à l'idolâtrie ct les prophètes ne cessaient de combattre cette ten­ dance. Leur réaction « aboutit, vers le vin· siècle, à la proscription de toute image taillée ou fondue d'un être quel qu'il fût, appartenant au règne animal. En pratique, la statuaire n’a jamais été que tolérée, avec des retours offensifs sous Ézéchlas, Josias cl d'autres encore. Mais les artistes ne pouvaient travailler qu'en cachette, ct l’art, on peut le dire, n'exista jamais. Ira peinture fut tenue en pareille suspicion; elle fit si peu de progrès chez les Juifs que la langue hébraïque ne possède même pas de mots qui signifient proprement peindre, un peintre, une peinture. » Leclercq, Manuel d*archéologie, t. î, p. 519. A l’époque des Macchabées, la défense du Décalogue IMAGES (CULTE DES) fut prise à la lettre, et l'hostilité contre toute image d’être vivant fit en quelque sorte partie dc la mentalité des Juifs. Josèphe nous les mont rc dél misant l'aigle d’or placé par Hérode au-dessus dc l'entrée principale du temple, An/./ud., 1. XVII, c. vî, § 2,3, Joseph! opera, édit. Dldot, 1.1, p. 669-670,réclamant de Pilate qu’il ôtât les statues de César qui étaient sur les étendards dc l’ar­ mée à Jérusalem, ibid. J. XVIII.c. in(rv), l,p. 698; De belto judaicoj. II,c.ix(xrv), 2-3,t.n,p. 100-101,deman­ dant même à Vitellius de ne plus faire transporter de semblables statues d travers leur pays. An/. jud., 1 XVIII, c. v(vi),3,t.i, p. 705. « Il est contre la loi, dit Josèphe, d’avoir dans le temple des images ou tableaux ou toute autre représentation d’êtres vivants »De bello jud., 1. I, c. xxxm (xxi), § 2, l. n, p. 79. Tacite apporte series Juifs un semblable témoignage: «Ils ncsouflrent aucune effigie dans leurs villes, encore moins dans leurs temples. Point de statues ni pour flatter leurs rois, ni pour honorer les césars. » Hist., V, 5. Cette hostilité fut surtout le fait des Juifs dc Pales­ tine, plus soucieux dc garder la lettre dc la loi que ceux dc la Diaspora. Nous remarquons bientôt chez ceux-ci des idées plus larges nu sujet qui nous occupe. On trouve dans leurs cimetières, aux premiers siècles du chris­ tianisme, des peintures représentant des plantes, des oiseaux, des poissons, des hommes et des femmes. Cf. dom Leclercq, Manuel d'archéologie, 1.î, p. 495-528. La nécropolcdc Gamart, aux environs dc Carthage, est in­ téressante â cc point de vue. Mais ces images, même si elles représentent des objets du culte, comme le chan­ delier àsept branches, ne sont jamais que des motifs dc décoration, et ne sont pas l'objet d'un culte particulier. Cc n’est que dans le christianisme que nous voyons fleurir le culte des images. 2° Dans le christianisme avant Γ iconoclasme. — 1. Du­ rant les trois premiers siècles. — La loi dc grâce abolis­ sait les prescriptions rituelles et purement légales de l'ancienne alliance. La contrainte, en son temps néces­ saire, qu’imposait la lettre de la loi mosaïque, était brisée, et toutes les aspirations légitimes de l’âme hu­ maine pouvaient prendre un nouvel essor ennobli dans la sainte liberté des enfants de Dieu. Parmi ces aspira­ tions est le goût esthétique, l'amour de l'art, imitation ou mieux · embellissement dc la nature ». Bossuet, Sermon sur la mort, IIe part Chose bonne en soi, l'art s'était prostitué au vice et à l’idolâtrie. La reli­ gion chrétienne, au Heu dc le proscrire, allait s'en emparer, le purifier et le grandir jusqu’à la représen­ tation sensible dc la beauté morale et surnaturelle. Cette rénovation ne sc fit pas tout d’un coup. L'É­ glise,recrutée d’abord chez des Juifs, qui dans leur édu­ cation première avaient puisé un grand éloignement des images, cl chez les gentils, qu’il importait de pré­ munir contre la pratique de l'idolâtrie, ne pouvait don­ ner, dès son commencement, à l’usage et au culte des images toute l’importance qu'ils eurent dans la suite. La pauvreté deses moyens, du reste, ne le lui permettait guère. Cependant, dès l’origine, l'art chrétien s'essaie à orner les lieux du culte dc peintures religieuses, à sculp­ ter sur des sarcophages ou des pierres fines ou à graver surdes médailles des motifs religieux. Les documents archéologiques abondent. C'est Rome souterraine sur­ tout qui les fournit. A la suite du célèbre Dc Rossi,on a divisé eu six categories principales les sujets représen­ tés dans les catacombes : « n) les sujets symboliques,ob­ jets, animaux qui symbolisent des personnages ou des mystères chrétiens (l'ancre, l'agneau, la colombe, le poisson, etc.); b) les sujets allégoriques, représentant les paraboles de Notre-Scigncur et les figures sous les­ quelles Il s'est dépeint lui-même (la vigne, le bon pas­ teur, les vierges sages et les vierges folles); c) les sujets bibliques dc l'Anden Testament souvent figures euxmêmes des mystères du Nouveau (Noé dans l’arche, 70S I Daniel, Jonas, Moïse frappant le rocher). On a dc ces trois premières catégories dc sujets des exemples re­ montant au rr ou au n· siècle; d) les images directes de Noire-Seigneur, de la Vierge et des saint?. Un peu pim récentes en général que les précédentes, plus impor­ tantes aussi pour notre objet, peintes sur le stuc des murailles ou sur des fonds de verres dorés, ou même frappées en médailles, ces images présentent quelques spécimens qui paraissent remonter tout à fait à l’âge apostolique, au Ier ou au n® siècle, mais appartiennent surtout au in· et au iv® siècle; e) les scènes tirées des vies des saints et de l’histoire dc I’Église, qui n’appa­ raissent guère avant le iv® siècle, après la pacification I de Constantin; j) enfin les sujets liturgiques, dont les plus remarquables exemples se trouvent dans les cham­ bres du cimetière de Calliste dites Chambres des sacre­ ments, Moïse frappant le rocher, le pécheur tirant dc l’eau un poisson, le baptême, le sacrifice eucharistique, le repas des sept disciples devant le pain et le poisI son, etc.,ornementation exécutée ù la fin du n"ou tout au commencement du ni® siècle. I < Que l’on joigne à ces représentations figurées des ca­ tacombes les sculptures des sarcophages (généralement du iv® ou v® siècle), quelques statues du bon Pasteur, dont deux au moins paraissent antérieures à Constan­ tin, et l'on aura une idée du témoignage que fournis­ sent les plifc anciens monuments pour établir l'usage que I’Église a fait, dès son origine, des images reli­ gieuses. » Tixcront, Histoire des dogmes, t. ni, p. 437438. Cf. Dc Rossi, Roma sotterranea, Roma, 1864 ; Paul Allard, Rome souterraine, Paris, 1872; Marucchl, Élé· merits d*archéologie chrétienne, Rome-Paris, 1900-1902; Sixte Scaglia, Notiones archeol., 3 vol., Rome, 1908; dom Leclercq, Manuel d'archéologie chrétienne, 2 vol., Paris, 1907. Précieux aussi sont divers textes d’auteurs. Certes, ne peuvent témolgncrpourla tradition chrétienne nilastatuc légendaire élevée à Jésus par l'hémorroïssc de J’Évangile, selon Eusèbe, J/.E.,vn, 18, P. G.,t.xx,col.679, ni les images honorées par les carpocraticns, selon saint Irénée, Cont. hœr., i,25, P. G., t. vn, col. 685, ni les sta­ tues d’Abraham et de Jésus placées dans le Lararium d’Alcxandrc-Sévère, selon Lampridius, Alex. Sco., 29, mais on doit mentionner et Tertulllen parlant du bon Pasteur représenté sur les calices. De pudicitia, vn, 10, P L., t. n,col. 1000,et Eusèbe affirmant avoir vu des Images peintes des saints Pierre et Paul et dc JésusChrist. H. E., vu, 18, P. G., t. xx, col. 679. L'usage des images s'établit donc cl sc répand dans I’Église, ni Imposé par décret, ni introduit parsurprise, mais fleurissant comme naturellement dc l'âme chré­ tienne, restée humaine sous l'empire de la grâce. Mais leur rendait-on d'ores et déjà un culte? Aucun texte n’autorise à l’affirmer, aucun non plus à le nier. Celui de Minucius Félix dans V Octavius, 29, P. £., t. m, col. 332,manque dc précision. Cf. Tixcront,op.cit., t. m, p. 439. Toutefois il est probable que les chrétiens de­ vaient s’en abstenir pour ne point paraître Imiter les païens, auxquels ils reprochaient dc sc prosterner de­ vant les idoles. Origine, Contra Celsum, I. VII, 66, P. G., L xi, col. 1514. 2. Aux /?·<·/ r®5/èf/our le païen qui prie devant elles, à croire son idole, qu’il voit Im­ mobile, habitée ou animée par un numen invisible. En VIL— 25 771 IMAGES (CULTE DES) fin, la force dc la tradition, l’autorité dc maîtres qui pa­ raissent sages, le spectacle et la contagion dc la foule prodiguant scs hommages à l’idole, achèvent en lui la persuasion qu'il est bien devant la divinité elle-même quand il est devant son image, et même que la statue s'identifie avec la divinité. On voit tout cela dans le dis­ cours de saint Augustin. Nous touchons Id à un point qui nous explique en grande partie la rareté des statues religieuses à l’origine de l'Égllse, comparati­ vement au nombre des peintures, fait que le savant Petau avait déjà noté. Opera theologica, Anvers, 1700. t. vi, p. 325. Celles mêmes qui nous restent ont pour la plupart un caractère purement symbolique, qui nous explique aussi pourquoi dans l'Égllse orientale les sta­ tues furent dans la suite et sont encore proscrites. Dans la lettre dc Germain dc Constantinople à Tho­ mas de Claudiopolis, lue au concile dc 787, on voit in­ diqué, à propos dc la statue de Panéns, que l'usage dc dresser des statues était encore considéré comme pro­ pre aux païens. Mansi, ConciL, t. xm, col. 125-128; cf. Petau, op. cit., t. vi, p. 325. Les statues prodiguées par le paganisme devinrent, quand l'empire se fit chrétien, des ornements pour les places publiques. La statue fut par suite considérée comme un objet profane et civil, et dans la demeure de Dieu ne furent admises que les images peintes, et aussi, quelquefois, les rondes-bosses qui, plus semblables à la peinture, avaient comme elle un caractère d'évocation plutôt que dc représentation proprement dite. 3. Aux VI· et Vil* siècles.—A cet te époque, 1 es i magesse multiplient II nous en reste un grand nombre. La chose duresteestsi notoire qu'ellcdispcnse d'une énumérât ion qui serait trop longue. Notons seulement qu'il y a ten­ dance à en couvrir toutes les parties de l'édifice sacré, comme en témoigne l'église Sainte-Maric-ΓAntique, découverte en 1899, sur le Forum romain. Cf. Ilcfele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. m, p. 610, note 2. Ce qui nous occupe désormais et uniquement, c'est le développement du culte. Jusqu’ici, on en a vu peu de traces, et les images paraissent surtout des orne­ ments instructifs. A l'époque où nous sommes, il prend un essor inattendu, favorisé qu'il est par la croyance qui sc répand alors aux images miraculeuses (αχειρο­ ποίητοι), celle surtout que Notre-Selgneur aurait en­ voyée à Abgar, cf. Tixeront, Les origines de ΓÉglise d'Edesse, Paris, 1888; Leclercq, Dictionnaire d'archéo­ logie et de liturgie, art. Abgar, et à l’histoire dc la fa­ meuse statue dc Panéas, élevée à Jésus-Christ par l’hémorroUscdel'Évangile. Plusieurs textes nous indiquent ce développement. Une lettre dc saint Siméon Stylltc le Jeune, mort en 526, citée par le VIIe concile général, dans sa V· session, Mansi, t. xin,col. 160-161 ; P. G., t. lxxxvî, col. 3216-3220, demande à l'empereur Jus­ tin la punition dc malfaiteurs qui ont commis l’impiété et l’abomination de profaner dans une église l’image du Fils dc Dieu et de sa sainte mère. Le même auteur, cité par saint Jean Damascène, P. G., t. lxxxvî b, col. 3220; cf. P. G., t. xav, col. 1 109-1112, repousse l'accusation d’idolâtrie portée contre les chrétiens parce qu'ils honorent, προσκυνουντες, les images. Un autre Père nous fournit un témoignage précieux par sa netteté et sa précision. C'est Monee, évêque de Nea­ polis en Chypre (582-602), dont le IIeconcile de Nicée cite un long fragment Υπέρ της χριστιανών απολογίας κατά ’Ιουδαίων καί περί εικόνων των αγίων. Voici condensée sa peusée : χριστιανοί πάντες εΙκόνα Χρίστου, ή αποστόλου, ή μάρτυρας κρατούντες καί ^σπαζόμενοι τη σαρκί, τη ψυχή αύτόν τόν Χριστόν νομίζομεν ή τόν μάρτυρα αύτοΰ κατέχειν. Mansi, t. xm, col. 44; P. G.» t. xcui, col. 1600· < Cc ne sont pas les signes extérieurs, c’est l’intention qu’il faut considérer dans tout salut et toute adoration. Et l'auteur poursuit ainsi sa démonstration, empruntant 772 ses exemples à l’Écriturc, à la vie civile, à la vie dc fa­ mille, où l’on voit constamment honorer l’image, le sceau, le vêtement même d’une personne et tout cc qui lui appartient. Et si l’on place dans les églises des croix et des images, continue-t-il, cc n'est pas qu'on regarde ccs objets comme des dieux : c’est πρός άνάμνησιν καί τιμήν, καί εύτφέπειαν έκκλησιών. Ainsi, conclut Léonce, celui qui craint Dieu honore conséquem­ ment et vénère et adore comme Fils dc Dieu le Christ, notre Dieu, et la représentation dc sa croix et les Ima­ ges de scs saints. ■ Tixeront, op. cit., t. ni, p. 449. Cette vénération pour les images est encore attestée parles Collectanea d’Anastasc Je Bibliothécaire. On y lit la re­ lation d’une conférence en 656 dc saint Maxime le Confesseur, avec Théodore, évêque dc Césarée,où il est dit que Théodore, Maxime et tous ceux qui sc trou­ vaient là sc Jetèrent àgcnouxct baisèrent les Évangiles, la vénérable croix, l’image dc Noire-Seigneur et de sa mère. P. G., t. xc, col. 156; cf. ibid., col. 164. Jean dc Thessalonique, légat du pape au concile dc 680, re­ vendique dans un discours cité par le I Ieconcile dc Nicée le droit dc peindre les images des saints, non qu’on adore les images elles-mêmes, mais parce qu’on glori­ fie les saints dont la peinture reproduit les traits, τούς διά γραφής δηλουμενους δοςάζομεν. Il ne croit pas possible d’avoir des images de Dieu, en dehors de JésusChrist, qui a été visible dans un corps. Mansi, t. xm, col. 164-165. Le concile Quinisexte (in Truite) dc 692 s’occupe aussi des images, can. 82. Il les déclare σεπτάς, c’est-à-dire vénérables, augustes, mais prescrit dc ne plus représenter Jésus-Christ sous la forme d’un agneau, mais sous la forme humaine, en laquelle il a apparu, Mansi, t. xi, col. 977-980, mesure de précau­ tion destinée à prévenir ou à guérir des abus. Lc culte des images, en effet, avait alors pris en Orient «un pro­ digieux développement; il s’était enraciné peu à peu dans la vie religieuse du peuple, qui s'était fait une ha­ bitude très chère dc demander aux images secours et protection dans toutes ses entreprises. On les empor­ tait en voyage; elles présidaient aux jeux de l'hippo­ drome; elles marchaient dans les batailles en tête des armées impériales: 1 léraclius emmenait avec lui dans son expédition contre les Perses l’image «non faite dc main d'homme > du Sauveur; à la veille d’engager une lutte décisive, une image du Christ à la main, H haran­ guait scs soldats; les Avares, qui étalent venus, en son absence, mettre le siège devant Constantinoplc.avaicnt été obligés, après quarante jours d’efforts inutiles, dc sc retirer en désordre, re poussés loin delà «ville gardée dc Dieu ■ moins par le courage dc ses habitants que par la toute-puissante protection dc ia mère dc Dieu, pa­ tronne de la capitale. Comment la t rès sainte Théo tocos aurait-elle pu résister aux supplications dc son peuple? Son image et les images des saints auraient-elles donc en vain été portées en procession, nu chant des psau­ mes et des cant iques, à t ravers les flots pressés d’une po­ pulation suppliante? a Marin, Les moines de Constanti­ nople, Pans, 1897, p. 319. < Lc culte des images occu­ pait une place considérable dans les circonstances so­ lennelles et dans les cérémonies officielles de l’empire; Il se trouvait mêlé plus intimement encore aux habi­ tudes dc la vie ordinaire du peuple dc Byzance. Par­ tout, dans les églises et les chapelles, dans les maisons particulières, dans les chambres d’habitation et dans les chambres ù coucher, devant les boutiques, sur les marchés, sur les livres et les habits, sur les ustensiles de ménage et les Joyaux, sur le chaton des bagues, sur les coupcs,sur les vases, sur les murailles, à l'entrée des ateliers,en un mot, partout où cela pouvait se faire, on plaçait l'image du Sauveur, de la mire de Dieu,ou d'un saint. On 1rs trouvait sous toutes les formes et toutes les grandeurs; on peut les voir encore sur les sceaux d’une multitude dc particuliers et dc fonctionnaires do m IMAGES (CULTE DES) tout ordre; on en portait sur sol comme amulette, on les emmenait avec soi en voyage : les images étaient pour le chrétien de Byzance un gage assuré dc béné­ diction et de salut, une garantie de la protection et du secours d'en haut : sans l'image il ne pouvait pas vivre. Ibid, p. 320-321. Passons en Occident. Lu aussi, bien qu’on soit plus réservé, on a accepté le culte des images. Fortunat, dans son poème de saint Martin (avant mai 570), dit qu’une lampe brûle devant l'image du saint; un mal d’yeux dont il sou lirait avait cessé par une onction de l’huile de celte lampe. Hic paries retinet sancti sub imagine formam.,. Lychnus adest, cujus vitrea natat ignis in urna. P. L., t. lxxxvhi, coi. 426. Un auteur dont le témoi­ gnage est précieux, c'est saint Grégoire le Grand, Il n’y a pas seulement le texte cité par le pape Hadrien aux reprehensiones dc Charlemagne, que trop peu de manu­ scrits contiennent : Et nos quidem non quasi ante dtvinilutem ante iltam (image deNotre-Scigncur) prosternimur std illum adoramus quem per imaginem aut natum, aut passum, sed et in thromo sedentem recordamur.Epist., ix, 52, P. L., t. lxxxvh, coi. 991. Voici un autre tctxe tout aussi important et sans suspicion. Il sc trouve dans une lettre que saint Grégoire écrivait en 599 à Januarius, évêque dc Caralis. Un nommé Pierre, juif nouvelle­ ment converti et baptisé dc la veille, c’était, par un zèle intempestif, emparé dc la synagogue avec plusieurs autres chrétiens, et ils y avaient transporté une croix et une image de la Vierge. Le pape ordonne de rendre la synagogue aux juifs, après en avoir retiré avec l’hon­ neur qui convient l'imago et la croix : sublata exinde cum ea qua dignum est veneratione imagine atque cruce. Epist., ix, 6, P. L., t. lxxvh, coi. 91 L En opposition à ccttc lettre, on a voulu citer du même auteur la lettre à Sérénus, le premier des iconoclastes, écrite en l’an 600, où il dit : Frangi non debuit, quod non ad adorandum in ecclesia sed ad instruendas solummodo mentes fuit ne­ scientium collocatum, Epist., xi, 13, P. L., t. lxxvh, col. 1128. Mais on comprend que le pape, ayant affaire à un peuple porté ù la superstition, ne pouvait s’é­ tendre en des considérations qui eussent été mal com­ prises. Ce qu'il y a lieu surtout dc souligner dans cette lettre, c'est le reproche que saint Grégoire fait à Séré­ nus d’être en opposition avec la conduite universelle de l’épiscopat : Dic, frater, a quo factum sacerdote ali­ quando auditum est quod fecisti. Si non aliud, vel illud te non debuit revocare, ut, despectis aliis fratribus, solum te sanctum et esse crederes sapientem? Ibid. Citons un dernier témoignage. Saint Augustin de Cantorbery raconte saint Bèdc le Vénérable, se présenta avec scs compagnons devant le roi Édilbcrt.en portant comme étendard une croix d’argent et l’image du Sauveur peinte sur un tableau, et en chantant des prières, cru­ cem pro vexillo ferentes argenteam, et imaginem Domini Salvatoris in tabula depictam, lalaniasquc cantantes, Hist. eccl. gentis. Anglorum, I. I. c. xxv, P. L., t. xcv, coi. 55. Telle est la tradition, tel est le développement dc l’usage et du culte des Images durant les siècles qui pré­ cédèrent l'iconoclasinc. On l’a vu, c’est surtout en Orient qu'ils fleurissent. C'est la terre classique de la dévotion aux icônes et il le sera de plus en plus. Au vm· siècle, où nous arrivons, on multiplie pour elles les té­ moignages de la vénérations la plus profonde, baisers, encensements, inclinations, prostrations, pieux can­ tiques, lampes allumées, draperies, couronnes, rubans. Cf. Marin, op. cit., p. 321. · L’extension prodigieuse et la vénération profonde, constante, des images telle qu’elle ressort do toutes les histoires (pie nous connais­ sons, nous font voir avec une évidente clarté combien leur usage était profondément enraciné dans la vie cl 774 les habitudes du peuple, combien on s'était accoutume dans toutes les situations et toutes les entreprises d'at­ tendre secours et profit dc la présence dc ccs images. La prière faite devant une image égalait la prière faite à l'endroit le plus vénérable d’une église. L’image était une garantie dc bénédictions, l’intermédiaire vi­ sible entre le saint et ceux qui imploraient son secours; mettre en question le culte et l’existence des images, c’était, aux yeux des fidèles, compromettre la prospé­ rité et la sauvegarde des individus cl des peuples: les avantages dc toutes sortes... qu'on attribuait aux images sont l'un des arguments les plus graves que l’on puisse faire valoir en leur faveur. · ScIivk ariose, Der Üilderstreil, p. 173, dans ilcfele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, l. m, p. 613, en note. Dans cet élan de la piété excité bientôt par la persécution, il ne faut pas s’éton­ ner que des abus se soient glissés, semblables à ceux que Michel le Bègue, dont le témoignage, il est vrai, n'est point d’absolue valeur, indiquera en 824 à Louis le Dé­ bonnaire (voir plus loin), et dont on trouve un exemple dans le fait du spathairc Jean, qui donna pour parrain à son fils l’image de saint Démétrius, P. G., t. xax. col. 962-963. Désormais le culte des images est une partie importante et comme intégrante de ia vie reli­ gieuse des grecs. Les ateliers de peinture et de minia­ ture sc multiplient. Saint Théodore Studite en fonde un au monastère de Studion, dont les règles et les mo­ dèles feront autorité. En Occident, il y a moins de traces dc ce culte. On y est, en général, moins prompt dans la veneration, comme on y sera plus calme dans l’hostilité (du moins jusqu’aux violences de la Réforme). Dans toute cette histoire dc l’usage et du culte des images, nous n’avons pas mentionné les diverses oppositions qui çà et là sc produisirent. Voir Icoxoclasme, col. 576-577. 3e La querelle des images en Orient. Voir Icoxo­ clasme, col. 577-590. 4· La querelle des images en Occident. — 1. Concile de Gentilly. — La querelle des images en Orient, eut son contre-coup et son pendant en Occident, parle fait sur­ tout dc l’intervention de Charlemagne. En dehors de Rome, où les papes et deux conciles (731 et 769) avaient condamne les prétentions des empereurs iconoclastes, il n'y avait eu à s’occuper de l’afTairc que le concile de Gentilly,bourg aux environs dc Paris, en 767.Éginhard. Annales, an. DCCLXVIL P. L., t. αν, col.385; Adon de Vienne, Chronieon. Ætas sexta, P. L., t. exxm, col. 125. Les actes de cc concile sont perdus. Le texte d’Adon de Vienne donne à penser qu’il ne fut point question du culte, mais seulement de l’usage des images, quastio ventilata inter gracos et romanos... de sanctorum ima­ ginibus, utrumne fingenda aut pingenda- essent in eccle­ siis. Mansi, t. xn, coi. 677. Le texte de Migne, loc. cit., reproduisant celui de la Pibliotheca maxima Patrum, porte cette variante : utrumne fingenda an pingenda essent. Quelle que soit la vraie leçon, s'il faut l’entendre au sens disjunct if qui se présente à première vue, l’u­ sage des Images est évidemment suppose permis et le débat n’en vise que les modalités Si le sens est copulatif, la question porte sur la légitimité même de l’usage. Ce qui peut donner lieu à cette interprétation, c’est qu’alors en Orient sévissait la persécution (761775) de Constantin Corponyme. qui s'acharnait contre l’usage même des images. Réduit à cc point, il n’y a pas dc doute que le concile ne sc soit prononcé dans le sens de l’orthodoxie, surtout si l'on admet, avec toute pro­ babilité, comme lui étant postérieure, la lettre du pape Paul au roi Pépin, Mansi, t. xn.col. 601; P. L., t.xcvui, col. 206, où il le loue de son zèle pour l’exaltation de l'Egllse et la defense de l’orthodoxie. Hcfcle, op. cit, trad. Leclercq, t. ni, p. 726. 2. Livres Carotins et concile de Francfort (794). — C’est C harlemagne qui rouvrit la question, selon toute 775 IMAGES (CULTE DES) apparence, pour raisons politiques. Irène, récemment arrivée au pouvoir (780), inquiète des attaques des Arabes et des Bulgares, avait recherché l’alliance du puissant roi des Francs. Elle fut conclue en 781, au cours des fêtes de Pâques, et la fille aînée de Charle­ magne avait été fiancée au jeune empereur Constantin. D’autre part, la même Irène, soumettant au saintsiège la majesté impériale, rétablissait en Orient la paix religieuse cl la situation de l’orthodoxie. Lepapenepouvail que l’en remercier et l’encourager. Charles vit de mauvais œil ce rapprochement et craignit de voir sa puissance décroître en Italie. Pourcomble de malchance, Irène rompit l’alliance et fit épouser à son fils une Jeune fille arménienne. En même temps qu’elle faisait cet af­ front, elle envoya sa Hotte opérer un débarquement en Italie pour y revendiquer l’intégrité des droits impé­ riaux. Charles para le coup, et les grecs furent com­ plètement détails. De tout cela, il restait à Charles un profond ressentiment. Il en voulait à Irène de l’avoir outrageusement trompé, et au pape d’avoir favorisé la politique de Byzance en Italie. C’est dans ces disposi­ tions qu’il accueillit les résultats du I Pconcilc de Nicée. De la conduite qu’elles lui inspirèrent, il « faillit résulter, pour l’Occidcnt, un schisme à l’heure même qui mettait fin au schisme de l'Oricnt et à propos de cette même question des images. » Hefele, op. cil., trad. Leclercq, L m, p. 1212. Les circonstances favorisèrent le ressentiment du roi. Le pape fil faire des actes du concile de 787 une tra­ duction qu’il lui envoya vers 788. Elle était si défec­ tueuse et si peu intelligible que le savant bibliothé­ caire romain Anastase disait, au ix· siècle, qu’elle était illisible, cc qui l’avait décide Λ en faire une autre, Mansi, t.xn,col.981,qul aété placée en regard du texte grec dans les collections des conciles. De la première traduction il ne subsiste que les fragments contenus dans les Livres Carolins ; on y volt en particulier quel tra­ vestissement a subi le vote de l’un des principaux Pères du concile, Constantin de Constantia, dans l’IIc de Chypre. Dans la IIP session, ce prélat avait dit : c J’accepte et je bal*e avec honneur les saintes et véné­ rables images; mais je réserve à la seule et suressentidle et vivifiante Trinité l’adoration de latrie. · MansI, t. xn, col. 1147. Le traducteur avait rendu ce passage par le texte suivant : Suscipio et amplector honorabiliter sanctas et venerandas imagines secundum servitium ado­ rationis quod consubstantiali et viviflcatrici Trinitati emitto et qui sic non sentiunt neque glorificant a sancta catholica et aposlolica Ecclesia segrego et anathemati submitto. C’était juste l'opposé de ce qu'avait proféré l’évêque Constantin. On conçoit qu'à travers un pareil document, le second concile de Nicée devait paraître tout autre qu’il n’avait été et devait susciter l'opposi­ tion de l’Occldent. Sans doute, celte détestable tra­ duction n'en est pas seule responsable, mais en faisant attribuer aux grecs l'énormité qu'on vient de voir, elle rendait les théologiens occidentaux bien plus défiants pour tout l’ensemble de leur doctrine. Revenons à Charlemagne. Quand lui fut lue la tra­ duction, il s'aperçut vite du part l qu’il en pouvait tirer. Il nota au fur et à mesure un grand nombre de choses qui le choquèrent, et en fit composer en 790 une ré­ futation très détaillée. Cc sont les Livres Carolins, P. L., t. xcvni. L’auteur en fut probablement Alcuin. Mais quel qu’il fût, il n'était que l'instrument de Charles et l'interprète de scs sentiments. Dès le début de l’ou­ vrage, on sent quel esprit l’a dicté : « Le vent de l'am­ bition la plus arrogante, l'appétit le plus insolent de vainc gloire, s’est emparé en Orient non seulement des princes, mais aussi des prêtres. Ils ont rejeté toute sainte et vénérable doctrine et méprisé les paroles de l'apôtre : « Si quelqu'un vient nous annoncer un évan« gile qui n’est pas l’Évangilc, quand même il serait un 776 « ange,qu’il soit anathème >; et transgressant les ensei­ gnements des ancêtres, par leurs infâmes et ineptes synodes, ils s'efforcent de faire prévaloir des croyances que ni le Sauveur ni les apôtres n’ont connues; et pour que la mémoire de leur nom parvienne à la pos­ térité, ils n’hésitent pas à briser les liens de l'unité de l’Église. Il y a plusieurs années, en Bithynie, un synode fut assemblé, qui, par une audace insensée, prescrivit la destruction des images. Ce que le Seigneur avait or­ donné touchant les idoles des païens, ils l'ont étendu à toute représentation figurée, ignorant que l'image est le gepre, l’idole l'espèce,et qu'on ne peut conclure de l'espèce au genre ni du genre à l'espèce. Il y a trois ans à peine, dans le même pays, un nouveau synode, présidé par les successeurs des empereurs précédents, et où assistaient des prélats qui avaient siégé dans l'autre concile, préconisa une doctrine qui diffère de tout point de la première, mais qui constitue uneerreur aussi grave. Ces images que le premier synode défen­ dait même de regarder, celui-ci oblige maintenant à les adorer, d Libri Carolini, præf., P. L.t t. xcvni, col. 1002; Hefele, op. c//., trad. Leclercq, t. ni, p. 1243. Et tout de suite, on en vient à des personnalités sur Constantin et Irène, qui n’ont pour but que de froisser et pour principe l'animosité d’un cœur blessé. Puis c'est la critique du concile. Elle sc poursuit avec la vi­ sible intention de le trouver en défaut. C'est ainsi que le mot adoratio, de soi équivoque, est toujours pris dans le sens le plus défavorable aux Pères de Nicée. On pouvait sc douter que pour cette discussion subtile et ergoteuse l'auteur avait dû s'aider de quelques sources byzantines. La découverte, au début de cc siècle, d'un ouvrage inédit de Nicéphore, patriarche de Constanti­ nople, enlève toute témérité à celte supposition. On y trouve, en effet,certains témoignages invoqués parles Livres Carolins, témoignages empruntés sans doute à des écrits de propagande iconoclaste composés à Con­ stantinople au vin· siècle. Cf. D. Serruys, dans les Comptes rendus de Γ Académie des inscriptions et belles· lettres, 1904, p. 360-363. Voir t. n, col. 1792-1799. Quant à la doctrine émise dans ces Livres, la voici condensée en ces divers points : a) Bien que l’auteur donne le plus souvent au mot adoratio le sens strict de culte «dû à Dieu seul »ct l’oppose aux décrets de Nicée, il ne méconnaît pas cependant une autre adoratio,quœ... humilitatis et salutationis officio erga homines agitur. Mais celle-là même ne se donne qu'aux personnes vivantes, n, 24. b) On doit vénérer (c'est le terme employé) la croix, parce qu'elle a été l’instrument du salut, et les reliques des saints, qui aut in corporibus eorumdem sanctorum, aut circa corpora fuisse, cl ab his sanctificationem ob quam venerentur percepisse credan­ tur; mais on ne doit aucunement vénérer les Images, parce que cc n'est pas avec de la peinture que le Christ nous a sauvés et parce qu'elles n'ont vis-à-vis des saints aucun rapport d’appartenance, sed pro captu uniuscu· jusque ingenii, vel instrumentis artificii, modo formosa, modo déformés,plerumqueetiamrebus impuris fiunt, π,’28; m, 24. c) Le principe du culte des images, à savoir que l’honneur qui leur est rendu remonte à l’original, nulla ratione percipitur, nec divinorum eloquiorum testimoniis approbatur, m, 16. Et à supposer d’ailleurs que les gens instruits soient capables de reporter sur l’original les honneurs qu’ils parai· sent rendre aux images, indoctis tamen quibusque scandalum generant, qui nihil aliud in his prater id quod vident venerantur et adorant, m, 1 G. cf) H nc donc pas allumer des cierges ni brûler de 1 encens dcA int les images qui ne peuvent ni voir ni sentir, iv, 3 r) Tout culte ainsi écarté, il est permis de peindre et d'employer les images à la décoration des <'·.·’· faits passi elamêmccst e ou non · < fa religion n'a i agn r ni à perdre, cum ad peragenda nostra sa· 777 IMAGES (CULTE DES) luth mysteria nullum penitus offlcium (imagines) ha­ bere noscantur, n, 21. /) Cependant là où il existe des images religieuses, on ne doit point les briser, ni les dé­ truire, ï, præf.; n,23. Cette doctrine, on le voit, était très nette, et alluit plus loin que le refus d’adorer les images. Tout culte, mémo relatif, leur était dénié; on pouvait seulement s’en servir. » 'fixeront, op. cit., t. ni, p. 475-176. Le concile de Francfort, formé de trois cents évêques environ,qui s'était rétinien juin794 pour combattre l’adoptianlsme espagnol, voir t. vî,col. 712sq.,nc pouvait pointnc pasdircson mot au sujet de l'ailaircqui agitait tout l'Oricnt, et y avait fait, ù trente-quatre ans d’in­ tervalle, l'objet de deux conciles contradictoires. Les Livres Carolins lui furent,scion toute probabilité, com­ muniqués. Nous ne possédons pas le compte rendu des débats, et de tout ce qui se dit et décida au concile, au sujet des images, il ne reste de précis que cc que con­ tient le 2e canon. Ixî voici : Allata est in medium quæstiode nova græcorumsynodo, quamde adorandis imagi­ nibus Constantinopoll fecerunt, inqua scriptum habeba­ tur ut qui imaginibus sanctorum, ita ut dei flew Trinitati servitium aut adorationem non impenderent, anathema judicarentur. Qui supra sanctissimi patres nostri omni­ modis adorationcmcl servitutem renuentescontempserunt, atque consentientes condemnaverunt. Mansi, t. xm, coi. 909. < On voit par cc canon : a)que les Francs ne considéraient pas le concile de Nicée comme œcumé­ nique, et qu'ils le croyaient tenu à Constantinople, cette dernière erreur étant explicable par le fait que la dernière session s'était tenue en eflct dans cette ville; b) qu’ils lui attribuaient une doctrine qui n’était pas la sienne, erreur occasionnée par la mauvaise traduc­ tion qu’ils avaient sous les yeux, et notamment par le travestissement qu’y avait subi le vote de l’évêque Constantin de Constantia dans l’Ilc de Chypre. » Taxe­ ront, op. cil., t. ni, p. 476» en note. Les légats du pape, Théophylactc et Étienne, étaient présents. Les actes nemcntionnentni leur acceptation ni leur protestation. Leur embarras devait être bien grand ; car, d’une pari, le pape avait approuvé le concile de Nicée,et d’autre part, les Pères de Francfort jugeaient l'œuvre des grecs d'après la traduction cxécutécsur l’ordre du pape lui-même et envoyée par lui à Charlemagne. Or, cette traduction rendait indifféremment par le mot adoratio les diflérents degrés et nuances du culte que les grecs avaient pris soin de distinguer, et en outre, prêtait, nous l’avons vu, des absurdités formelles aux restau­ rateurs du culte des image/. De plus, l’objet principal du concile était l’examen et la condamnation de i’adop­ tianisme : la question des images n’était traitée que secondairement. 11 est probable que, condamnant l’er­ reur prêtée aux grecs, les légats, pris au dépourvu, durent, quant à la condamnation du concile de Nicée, réserver leur avis. Lo 2· canon de Francfort condamne-t-il aussi le culte relatif des images? Le terme omnimodis pourrait le faire croire, mais il est bien certain que, la seconde phrase étant la contre-partie de la première, les mots adoratio et servitium, indépendamment même de toute autre considération sur leur valeur pour les évêques francs, doivent y avoir le même sens, c’est-àdire absolu. El comme il faut bien que le mot omnimodissignifie quelque chose, voici comment doit être en­ tendu le canon cité plus haut : le concile condamne non seulement 1’adoration des images qui sc fait selon le culte dû à la très sainte Trinité, mais encore, et c’est la portée du mot omnimodis, toute adoration et tout service, au sens absolu de ces mots. Cette remarque est importante, si l’on considère la présence des légats du pape à ce concile. Le concile n’errait point sur la doctrine; mais seulement sur un point d’histoire. Les légats pouvaient laisser passer une 778 erreur historique qu'il n'était pas en leur pouvoir de redresser, mais ils ne pouvaient trahir sur la question dogmatique la pensée du saint-siège. C'est même sans doute à leur influence que les Pères de Francfort sc re­ fusèrent à suivre jusqu'au bout l'enseignement des Livres Carolins, et gardèrent, en fait de doctrine, la juste vérité» Charlemagne, du reste, obtenait l'essentiel de ce qu’il désirait, à savoir un blâme solennel infligé aux grecs. Mais il ne parut pas s’en contenter et voulut faire partager ou du moins connaître au pape lui-même son ressentiment contre les Orientaux. C’est pourquoi il lui envoya, dans la seconde moitié de 794, par l'en tremised’Angilbert, quatre-vingt-cinq capitula, extraits des Livres Carolins. Ce Capitulaire, que nous n'avons plus, peut facilement être reconstitué en con­ férant la réponse du pape et les Livres Carolins. Ha­ drien reçut l’envoyé du roi avec grand honneur et prit connaissance de l’ouvrage. L’opposition de Charle­ magne, ainsi que celle aes évêques francs, dut bien l’étonner. Il invoqua la tradition de l'Église romaine et la doctrine deses prédécesseurs. Sans se décourager, il répondit point par point à chaque reprehensio du Ca­ pitulaire. La su bl Hi 16dc bien des réponses a pour cause la futilité pointilleuse de l’attaque,c t quelquefois aussi l'embarras du pontife, lié lui-même par la mauvaise traduction des actes de Nicée. C’est ainsi qu'à la re­ prehensio qui concerne le vote de l’évêque Constantin de Constantia, il ne peut que dire qu’il faut l’entendre dans le sens général delà définition du concile. P. L.· t. xcvni, col. 1276. Vers la fin de sa lettre, il dissipe le malentendu qui cause 1 opposition de Charlemagne. Et sicut de imaginibus sancti Gregorlt sensum et nostrum continebatur (i\s* agit de 1 a lettre à Secundinus, citée plus haut) : ita ipsl (les Pères de Nicée) in eadem synodo definitionem confessi sunt, his (les images) osculum et honorabilem salutationem reddidere; nequaquam secun­ dum fidem nostram veram culturam quædccel soli divinœ naturae... Et ideo ipsam suscepimus synodum. Mansi, t. xui, coi. 80S; P. L., t.xcvm,coi. 1291. Nous ne sa­ vons pas quel eflct produisit la réponse du pape sur Charlemagne et son entourage. Hadrien meurt celte année même, et il ne semble pas que son successeur ait dû s'occuper de la question. Charlemagne, qui, sans au­ cun doute, aspire dès cette époque â la couronne im­ périale, a besoin pour cela du saint-siège, et n'a garde de vouloir en éprouver de nouveau l’inflexibilité. Il s'apaise peu à peu, mais le concile de Nicée continue dans le royaume des Francs à n’êtrc point considéré comme œcuménique. Toutefois, on n'entend plus par­ ler des images sous son règne. On a déjà dû remarquer combien la politique se trouva mêlée à cette querelle religieuse. C'est alors la lutte pour la domination, sur l’Italie èn particulier, entre l’empire byzantin et le royaume franc, dont le prestige grandit de jour en jour C'est à qui entraînera dans son orbite la papauté romaine, dont l’appui est le plus sûr gage de la suprématie. Le fossé sc creuse ainsi entre l’Oricnt et l’Occidcnt, Le blâme de Francfort l’approfondit, et l'élévation de Charles à l’empire, que le pape Léon III ne peut lui refuser à cause des émi­ nents services qu'il arendus à l’Église et de ceux qu’on peut attendre de lui, achève entre les deux parties du monde chrétien l’opposition politique et prépare, pour une grande part, le schisme religieux qui sc produira au siècle suivant. 3. Réunion de Paris (825). — La question des images ne réapparaît en Occident qu’en 824, à l'occasion de l’ambassade et de la lettre de Michel le Bègue à Louis le Débonnaire. Cette lettre révélait et vraisemblable­ ment exagérait les excès où sc portait la dévotion des iconophilcs. « Ils ont éliminé des églises la sainte croix, qu’ils ont remplacée par des images devant lesquelles 779 IMAGES (CULTE DES) 780 Ils font brûler des parfums, leur rendant le mémo hon­ croix en l’honneur de la passion du Christ, parce que neur qu'au signe sacré sur lequel le Christ a souffert. Ils la vénération rendue ù la croix est une institution de chantent des psaumes devant ccs images, leur témoi­ l’ÉgLse universelle, mais rejeté l’argument qu'on en gnent leur vénération (προσκυνεΐν, mot â mot adorare, tire en faveur dc l’adoration des Images. Et certes, bien geste qui consiste à porter la main ù sa bouche ct à la à tort,car le mémoire ne parle pas seulement dc la baiser en signe dc vénération), ct en attendent du se­ vraie croix, mais de toute autre croix destinée ù rap­ cours. Beaucoup revêtent ces images d’habits de lin, peler la passion du Sauveur, Sancta mater Ecclesia... ct les choisissent pour parrains de leurs enfants. décrétât licitum esse universis catholicis, ob amorem so­ D’autres, voulant prendre l’habit monastique, aban­ lius passionis Christi, ubicumque cas (cruces) viderint, donnent la vieille tradit ion, d'après laquelle les cheveux inclinando si voluerint venerari, ct insuper die sancto quo qu'on leur coupe étaient reçus par des personnes dc passio Domini in universo mundo specialiter celebratur, marque; ils préfèrent les laisser tomber sur les images. cum omni devotione universum ordinem sacerdotalem Des prêtres ct des clercs grattent les couleurs des seu cunctum populum prostratum adorare, can. 14. Car, images, mêlent ccs couleurs aux hosties ct au vin, ct si l'image de la croix est vénérable, pourquoi l’image distribuent le tout après la messe (comme eulogies). dc celui qui est mort sur elle ne le serait-elle pas? Le Enfin d’autres placent le corps du Seigneur entre les second document contient des considérations vagues mains des images, avant de le distribuer aux commu­ sur le bien général ct n’a rien dc commun avec notre niants. Quelques-uns ne célèbrent plus le service divin objet. Le troisième ct le quatrième documents repro­ dans les églises, mais dans les maisons privées ct sur duisent l'enseignement des Livres Carolins au sujet des imagos qui tiennent lieu d’autels. Ccs faits ct des images. Use résume en ccs quelques mots: les ima­ plusieurs autres bien constatés, les hommes savants ct ges sont chose indifférente & la religion, leur usage est sages les regardent comme détendus ct inconvenants. > permis, mais leur culte illicite, e Ainsi l'assemblée dc Hcfele, op. cit., trad. Leclercq, t. îv, p. 42. Paris ne se contentait pas de rejeter la doctrine Le concile de 815 avait condamné ccs abus.ct l'empe­ romaine; elle prétendait dicter au pape la lettre qu'il reur partageait lemême sentiment. Pour rétirblirdansla écrirait en Orient ct les arguments qu'il y alléguerait sainte Église la paix ct l'orthodoxie,il envoyait au pape pour désavouer les décisions doses prédécesseurs ct con­ des ambassadeurs (les mêmes qui étaient adressés à l'em­ damner un concile reçu par eux. On ne pouvait trahir pereur Louis) ct priait cet empereur de les faire accom­ plus dc naïveté et de confiance en soi. » Tixeront,op.cit., pagner avec honneur ct à l’abri dc tout danger jusque t. m, p. 179. auprès du pape. Mansi, t. xxv, col. 417. Le monarque De tous ccs documents qui lui furent remis le G dé­ franc, ému des désordres auxquels aboutissait, lui assu cembre 825, l'empereur fit faire un extrait qu'il char­ rait-on, la dévotion aux images, flatté d'ailleurs qu'on gea deux évêques francs, Jérémie de Sens ct Jonas d’Or­ eût recours à sa protection pour clore toutes les diffi­ léans, de porter à Rome. Ils devaient aussi remettre cultés, entra dans les vues dc l’empereur byzantin. au pape une lettre de l'empereur Louis pleine dc défé­ Il fit à scs envoyés le meilleur accueil, les fit accom rence. « Nous avons fait demander à Votre Sainteté pagner à Rome comme on l’en priait, ct demanda au qu'il fût permis à nos évoques de recueillir les textes pape Eugène II l’autorisation d’ouvrir, dans une assem­ des saints Pères... Nous vous envoyons, par les véné­ blée d'évêques, une enquête patristique au sujet des rables évêques Jérémie ct Jonas, cc qu'ils ont pu réunir images. Le pape y consentit. La réunion eut lieu à Pa­ dans le peu de temps qu'ils ont eu. Cependant cc n’est ris en 825. Sans être ct sans vouloir être un concile, elle pas pour vous enseigner que nous vous les envoyons prétendit tracer sa conduite au saint-siège. Quatre avec cc recueil d'autorités : c'cst seulement pour vous pièces nous sont restées dc scs délibérations : un mé­ fournir quelque secours... Si vous avez pour agréable moire à l'empereur ct à son fils Lothaire, ct trois pro­ que nos ambassadeurs aillent à Constantinople avec jets dc lettres officielles; l’une, que Louis écrirait au vos légats, faitcs-lc-nous savoir à temps... Nous ne di­ pape, une autre, que le pape écrirait aux empereurs sons ceci que pour vous montrer combien nous sommes grecs, ct une troisième, que l’épiscopat français adres­ disposé à faire tout ce quiscra du service dusaint-siège.· serait au pape. De cette dernière nous n’avons que des I Icrgcnrœthcr, Histoire de l'Église, trad. Bolet, Paris, fragments intercalés dans la précédente. Voir ccs docu­ 1886, t. in, p. 108; P. £., t. civ, col. 1318-1319. Quelle ments dans Mansi, t. xiv, col.422 sq. La première pièce, suite fut donnée à ccs démarches? Rien ne nous l’ap­ dissertation détaillécsurlcs images, commence par juger prend. Aucune, sans doute, ct tout dut finir par l’am­ la lettre du pape Hadrien à Irène: on le loue d’avoir bassade de politesse que devait le monarque franc. On blâmé les briseurs d’images, ct on le blâme d'avoir sait, en cflct, par un biographe anonyme de Louis le Dé­ ordonné d’adorer ces mêmes Images. Le concile de bonnaire, que cc prince envoya comme ambassadeurs Nlcée, poursuit le mémoire, s'est grossièrement trompé, à Constantinople l’évêque Halitgar et l'abbé Ansfrled ct scs raisons en faveur du culte des images ne valent dc Nonuntula. 1 Icicle,op.cit.,trad. Leclercq, t.iv,p.48. rien. La réponse du pape Hadrien aux reprehensiones 4. Claude de Turin. — Vers cc temps, sc place l'éclat de Charlemagne apporte, de/ensionis causa,des témoi­ dc Claude, évêque dc Turin. D'origine espagnole, Il gnages aliquando absona, aliquando inconvenientia, ali­ avait passé quelque temps à la cour dc Louis ct en par­ quando etiam reprehensionis digna; le pontife romain tageait l'hostilité contre le culte des Images. Homme avait répondu quæ voluit,'non tamen quæ decuit,et sans peu cultivé ct d'ailleurs d'un caractère entêté, suivant renseignement dc saint Grégoire, il se fourvoyait nu jusqu'au bout une logique étroite ct fniste, il ue mit à point de tomber dans le précipice de la superstition. effacer les Images ct à briscr les croix. Il alla même Aussi priait-on le prince dc s'entremettre auprès des jusqu'à condamner le culte des reliques ct nier l’inter­ grecs ct du pape, pour les ramener dans la bonne voie. cession des saints. Cela causa beaucoup d’émoi dans Et dans ce but, on leur présentait une série dc textes le peuple fidèle. Le pape Paul 1« infligea ù cct Icono bibliques ct patristiques, dirigés, les uns contre les ico­ elaste un blâme qui n'eut aucun résultat. Théodmir, noclastes, les autres, en nombre beaucoup plus consi­ abbé du monastère dc Psalmody (diocèse dc Nîmes), dérable, contre les Iconophiles. Les empereurs choisi­ .son ancien ami, le reprit fortement. Claude répondit raient eux-mêmes ceux qui leur paraîtraient les plus par un volumineux écrit, Apologeticum atque rescrip­ propres à établir la vraie doctrine. On volt persister tum Claudit episcopi adversus Theudmirum abbatem, dans cc recueil le malentendu qui prête au II· concile P. L.,t, cv, fol. 459-464, où 11 exposait et accentuait scs dc Nlcée l'absurdité même qu'il a expressément rejetée, erreurs, traitant d'idolâtrie le culte ct l'usage même can. 12. On y volt, par contre, admise Vadoratio dc In des images ct de la croix, non idola reliquerunt,sed no- 781 IMAGES (CULTE DES) mina mutaverunt. L'empereur lui-même trouva son zèle excessif, mais 11 le laissa dans la tranquille posses­ sion dc son siège, jusqu'à sa mort,qui arriva à quelque temps dc là, vers 827. A V Apologeticum répondirent le moine Dungal, dc Saint-Denis, Liber adversus Clau­ dium Taurinenscm, I1, L.,t. cv, col. 465-530,en 827,et Jonas, évêque d’Orléans, J)e cultu imaginum libri 1res, P, L.t t. cvi.col. 305-388. Cet ouvrage ne ponit qu’une quinzaine d’années après la mort de Claude. Jonas, à la suite de saint Augustin, établit que le mot culte a un sens applicable à la créature, col. 319. On ne doit donc pas traiter d'idolâtres ceux qui pratiquent le culte des images; tout au plus sont-ils des ignorants qu’il faut charitablement Instruire, col. 315,336. Dungal va plus loin, cl ne refuse pas aux saintes peintures un certain honneur in Deo ct propter Deum. Tixeront, op. cit., t. in, p. 481. Le texte est intéressant ct marque le progrès que fait en Occident le culte des images. Evidentissime patet picturas sanctas ct Domini crucem etsacras electo­ rum Dei reliquias dignis ct congruis honoribus a catho­ licis et orthodoxis in Deo et propter Deum venerari opor­ tere, coi. 527. Voir t. in, coi. 13-16. ' L'opposition au culte des images sc manifestait en­ core à la même époque parle traité d’Agobard de Lyon, Liber de imaginibus sanctorum, P.L.,1. αν, col. 199228, écrit vers 825, où l’usage est admis, mais où l’on met en garde contre le culte. Voir t.i,col.614. La même attitude est gardée par Walafrid Slrabon, mort en 849, dans son Dc rebus ecclesiasticis, p, L„ t. exiv, col. 927-930, où, voulant garder le milieu entre < l’irrévérence » ct le « culte immodéré ·, il s’en tient à un honneur tout négatif, que rendrait bien le mot de respect. Comme il reconnaît que l’irrévé­ rence envers les images rejaillit sur ceux qu’elles représentent, il semble bien que seule la crainte des excès l’ait détourné d’un culte positif. Sic itaque imagines ct pictune habenda surit fl amandæ ut nec despectu utilitas annutetur, et hire irreverentia in ipsorum, quorum similitudines sunt, redundet injuriam; nec cultu immoderato fidei sanitas vulneretur, ct corpo­ ralibus rebus honor nimie impensus arguat nos minus spiritualia contemplari. P.L., t. cxiv,col.930.1 Ilncmar de Reims, mort en 882, fit un ouvrage. Qualiter imagi­ nes Salvatoris nostri vel sanctorum ipsius venerandae sint, aujourd’hui perdu, mais dans un autre ouvrage, Opusculum LV capitulorum adversus Hincmarum Laudunensem,P. L., t. cxxvi,col.360,on voit qu’il regarde le concile de 787 comme un pseudo-concile tenu sine auctoritate apos loi ica, qui fut incapable de résoudre la question intellectu sano. C’est pourquoi le concile tenu en France sous Charlemagne l’avait détruit ct rejeté. La méprise persistait donc qui avait donné lieu au 2· canon du concile dc Francfort. L’opposition au culte des images ne cessa qu’à la fin du IXe ou au commencement du x* siècle, quand fut reçu en France le V111· concile général, IV* de Constan­ tinople (869), qui avait approuvé les décisions du II· concile dc Nlcée. «Ainsi se termina cette longue controverse, dans laquelle le génie propre de chaque nation tint une si large place. Le culte des images cadrait avec le tempérament religieux des grecs, ct l'Église grecque en est restée la terre classique. En Occident, Rome et l'Italie, la patrie des arts, furent les premières à le défendre, bien qu'on n’y ait jamais accepté certaines conceptions des byzantins, qui faisaient des images dc vrais sacramcntaux,ct les Identifiaient par trop, au point dc vue de l’action ct dc la vertu, avec les originaux qu’elles représentent. La France ct l’Allemagne, longtemps rebelles, cédant à la logique ct aussi, on peut le croire, à l’influence romaine, ont fini par y venir, mais en y gardant toujours plus dc réserve ut de sobriété.» Tixeront, op, cit.,t. m, p.482483. 782 5. Le malentendu dans la querelle des images en Oc­ cident. — On a souvent expliqué l'opposition des Francs à la doctrine dc Nlcée parce qu'ils donnaient au mol adoratio,<\nnl on avait fait l’équivalent de προσ­ κύνησή,le sens dc latrie. C’est trop dire ou plutôt ce n'est pas assez expliquer, car les théologiens occiden­ taux n’ignoraient pas que ce mot eût aussi un autre sens, employé dans la Bible, et l’auteur des Livres Ca­ rotins le reconnaît à plusieurs reprises. Il est bien vrai toutefois que, mises à part les préventions politiques et la défiance causée par les graves contresens de la traduction des act es de Nlcée,c’est dans un malentendu verbal qu’il faut, pour une bonne part, rechercher le principe du désaccord qui survint entre l’Orient et l'Occident. Tout d’abord sc présente le mot adoratio, qui rend celui dc προσκύνησή. Cc mot avait été employé au concile de Romc(769) auquel assistaient douze évêques francs. Mansi, t. xn, col. 721. Pour l’auteur des Livres Carolins, qui déclenche l'offensive contre les décisions dc Nlcée, cc mot a un double sens : l’un, réservé au culte religieux, ct qui s’identifie avec celui dc latrie; l’autre, en usage dans le commerce des hommes entre eux. Dans les deux cas, le sens est absolu. Parce qu’il s'agic d’actes rcligieux,Vadoratio imaginum prend pour l’auteur une signification dc latrie. Et comme les ico­ nophiles disent qu’on peut fort bien adorersans latrie, ainsi que la Bible le dit dc plusieurs personnages, il leur répond que,s’il est raisonnable d'exprimer sa défé­ rence envers des personnes vivantes, il est Insensé d’en faire autant pour une peinture qui ne voit ni ne sent, ; insensé d’accorder la même vénération à un être rai­ sonnable ct à une chose Inanimée. Par où il apparaît bien que le terme d’adoration n'a point chez cet auteur le sens le plus large qu’a chez les grecs celui dc προσκύ­ νησές. Il le restreint au sens absolu, et, dans ce sens, à deux déterminations précises. Le terme colere est res­ treint à une signification religieuse, ct dans cette signi­ fication, H a la même portée que Vadoratio dc latrie. Dieu seul est adorandus et colendus. Au-dessous est le mot fenerari. Il s’applique à la croix,aux saints,à leurs reliques, à leurs basiliques, à toutcc qui est consacré pour le culte dû à Dieu. C'est celui qui eut le plus de chance d'être reçu des Occidentaux. Dans les réponses d'Hadrien aux reprehensiones du Capitulaire de Char­ lemagne, Il est à remarquer que le pape paraît aban­ donner, pour désigner le culte des images,le terme d’a­ doration qui effarouche son royal contradicteur, mais sc sert ù sa place de celui dc vénération. Voir en parti­ culier P.L.,l. xcvm.col. 1285-1286. Et même,en repro­ duisant un passage dc sa lettre aux empereurs grecs où un texte dc saint Ambroise contient le mot adoramus au sujet dc la croix, il lui substitue celui dc veneramur. Cf. Mansl, t. xn,col. 1068-1069; P. L., t. xcvm, col. 1288. Cc rapprochement n’a toutefois dc valeur que si le texte latin qui se trouve dans Mansi est vraiment, comme l'assure Hcfele, la reproduction de l’original latin dc la lettre d’Hadrien. Le mot adoratio est de même absent du décret du concile dc Trente pour désigner le culte des Images, pour ne pas permettre aux hérétiques de surprendre la bonne foi des simples. Mais comment expliquer que la vénération elle-même soit refusée aux images, alors qu’elle est accordée aux reliques et aux temples? Nous sommes ici nu nœud de la question. 11 faut quitter les considérations philologiques, pour faire appel à l’histoire ct à la psychologie. Les Occidentaux étaient peu por­ tés par tempérament à cette forme de religion qui fleu­ rissait en Orient. Quand une méprise leur eut fait croire que cotte piété tournait à l'idolâtrie, ils recu­ lèrent d’horreur ct d'indignation, et le recul brusque et violent les rejeta, comme il arrive presque toujours, i plus loin qu’il ne fallait. Redoutant jusqu’à l’ombre 783 IMAGES (CULTE DES) mémo dc pratiques païennes, Ils condamnèrent tout culte des Images, n’en permettant que l’usage. Et cc faisant, Ils s’imaginaient tenir le juste milieu entre les iconoclastes ct les iconolâlrcs. Ainsi engagés par dé­ fiance, ils prirent à cœur dc prouver la sagesse dc leur position. On vit que les images ne ressemblaient à rien dc cc que la piété occidentale vénérait alors; il ne fal­ lait donc pas les honorer. Elles n’étaient pas autre chose que dc la peinture, plerumque ex rebus Impuris, étendue sur une toile ou sur un mur avec plus ou moins do talent par un artiste quelconque. On prêtait peu d’attention ù l’original, mais on considérait surtout la matière dc l’icône, qui n’avait qu’accidcntcllcment l’avantage d’instruire ct d’exciter le souvenir. On ne pouvait donc les comparer «à des reliques, sanctifiées par le saint à qui elles avaient appartenu, ni aux tem­ ples, ni aux vases consacrés pour le culte divin, encore moins à la croix, instrument de notre rédemption. Ainsi donc, la pensée occidentale se porte sur l’image, d’abord et principalement en tant que chose, ct secon­ dairement en tant que similitude. D’où il suit que, si l'on vénère l'image, la vénération sc porte directement sur l’image en tant que chose. Or, l’image, en tant que chose, ne mérite aucune vénération. Donc il ne faut point vénérer les images. Sans doute, cela n'est point dit aussi clairement par les théologiens francs, mais à lire les multiples objections des Livres Carolina ct du concile de Paris à ladoctrinc dc Nicéc,on s'aperçoit que c’est bien ccttc conception toute matérielle dc l’image qui en fait le fond. Ce n’est que plus tard, sous l’in­ fluence des doctrines aristotéliciennes, que l'on s'élè- i vera jusqu’à la conception formelle. Tempérament national, rivalités politiques, traduc­ tion maladroite, confusions linguistiques, amourpropre engagé, conception matérielle de l’image, tout cela a contribué, pour une part plus ou moins grande, à diviser l’Occident dc l’Oricnt. Cc n’est que peu à peu que tout cela sc dissipe. Le concile dc Paris élargit le sens religieux du mot adoration, ct l’appli­ que à la croix. Strabon reconnaît que le mépris des Images rejaillit sur l'original ct l'on a vu le moine Dungal admettre comme évident pour les saintes peintures un culte in Deo et propter Deum. L'idée orthodoxe est I en marche ct atteindra son plein développement et sa claire explication au xm· siècle, surtout avec le doc­ teur angélique. 5° Iconomaques du moyen âge et de la Réforme. — Le moyen ûgc, en dehors dc l’opposition carolingienne, nous présente encore plusieurs iconomaques. Un cer­ tain nombre dc sectes professent le mépris des images parmi d'autres erreurs beaucoup plus graves. C'est, en Orient, après les paulldens, qui s'attaquent surtout aux croix, 'fixeront, op. cil.. t. m, p. 452, n. 1, les bogomilcs, dont le plus célèbre est Basile le Méde­ cin, qui préféra marcher au bûcher plutôt que d’honorer la croix. Ils tiennent tous les hiérarques ct les Pères pour des idolâtres, nous apprend d’eux Euthyme Zigabène, parce qu’ils adorent les images (διά την των εΙκόνων προσκύνησιν), et no regardent comme vrai­ ment chrétiens, fidèles et orthodoxes parmi les baslleis que les Iconomaques, surtout le Copronyme. Panoplia dogmatica, tit. xxvn, 11, P. G., t. exxx, col. 1308. En Occident, c’est Pierre de Bruys qui s’élève contre le culte dc la croix, en particulier, parce que, selon lui, l'instrument qui a tant fait souffrir le Sauveur est plu­ tôt digne d’exécration que dc vénération. Cruces sa­ cras confregi præcepit ct succendi, quia species illa vel instrumentum, quo Christus tam dire tortus, tam crude­ liter occisus est, non adoratione, non veneratione digna est; sed ad ultionem tormentorum ct mortis ejus, omni dedecore dehonestanda, gladiis concidenda, igni succen­ denda est. Pierre le Vénérable, Tractatus contra petrobrusianos. præf., P. L., t. cxxxix, coi. 722. Voir t. n, 784 coi. 1153. Pierre de Bruys eut des disciples appelés pétrobrusiens, dont le plus célèbre fut Henri de Bruys (qui engendra à son tour les hcnricicns). Il périt sûr le bûcher ct fut salué par les protestants comme un dc leurs patriarches. Voir t. vr, col. 2180-2181. Les widefllstes ct les hussites devaient avoir aussi, au nombre dc leurs erreurs, la condamnation du culte des images, car parmi les questions qui doivent leur être posées, d’après la bulle Inter cunctas, du 22 février 1 1 18, la 29e porte ceci : Utrum credat et asserat, licitum esse sanctorum reliquias cl imagines a Christi fidelibus vene­ rari? Denzinger-Bannwarl, Enchiridion, 1908, n. 678. Onsait du reste le mépris des widefllstes pour leslmagcs dc la croix, qu’ils appelaient des troncs pourris. A l'épo­ que de Wiclef! ct de Jean Hus, s'élève en Russie un iconoclaste du nom dc Markian : chose étrange en cc pay’s, où les icônes étaient si unanimement vénérées. 11 apparut à Rostov, sous l'évêque Jacob (1385-1392). Cet hérétique, dc rite arménien, prédicateur dc grand talent, avait réussi ù ébranler non seulement le peuple, mais aussi le prince et les boyards. L’évêque prépara et organisa une discussion publique en présence du prince, des boyards, du clergé ct du peuple, accuso solennel­ lement Markian,le confondit ctlc fit chasser de Rostov. Macaire, Histoire dc l’Église russe (en russe), SaintPétersbourg, 1888, t. xv, p. 251. Nous voici ù la Réforme. Les novateurs n'ont pas tous au même degré la haine ou l’éloignement des Ima­ ges ct le goût dc les briser. Dans ses débuts, Luther permet l'usage des images, mais en défend le culte; Il s'élève contre les iconoclastes, dont le diablcsc sert pour susciter des troubles ct faire couler le sang. Mais H n'est point constant avec lui-même. Dans un sermon sur l'invention dc la sainte croix, il s'écrie : Ad diabolum cum ejusmodi imaginibus; nullius enim boni causa sunt. Jungmann, De Verbo incarnato, Fribourg-cn-Brisgau, 1897, p. 366. Carlostadt s'opposa violemment nux images et excita contre elles à Wiltenbourg une guerre ouverte. De meme, Zwingle, Vera et /alsa religio, c. De statuisct imaginibus, dont le parti brisa les images dans la ville dc Zurich. Les apologistes do la Confession d'Augsbourg accusèrent les catholiques d'enseigner qu’il y avait dans les images une certaine vertu, comme les magiciens le prétendaient pour les figures des con­ stellations. Mais ceux qui combattirent le plus bruta­ lement les images furent les calvinistes. Ils les ban­ nirent absolument dc leurs temples, auxquels Ils don­ nèrent la froide nudité des mosquées. Calvin, dans scs Institutions, t, 11, déclare que les catholiques, par l’u­ sage ct le culte des images, sont allés contre le premier précepte du Décalogue ct sont retombés dans l'idolâ­ trie. Et l'on connaît cc propos impie de Théodore do Bèze : Fateor me ex animo crucifixi imaginem detestari. Voir encore Jean Daillé, Dc cultibus religionis latino­ rum, Genève, 1671, passim· Les soclnlcns curent sur les images les mêmes sentiments que les calvinistes. Catcchismus Racovicnsis, q. ecu sq. La mise en pratique dc ccs doctrines perverses couvrit dc ruines un grand nombre dc régions. La France surtout ct les Pays-Bas en souffrirent. En France, environ cinquante cathé­ drales ct cinqccnts églises furent pillées et leurs croixct Images abattues ou détruites. Dans les Pays-Bas, des milliers d'autels furent saccagés, les images orisées ct les croix foulées aux pieds. En Angleterre, la Réforme n’a point introduit d’iconoclasme.mais les « anglicans ont banni les crucifix ; Ils représentent la sainte Trinité par un triangle renfermé dans un cercle, ct un auteur anglais trouve cette figure plus ridiculed plus absurde que toutes les Images catholiques. Siècle, Épitre au pape. » Bergler, Dictionnaire de théologie. Lin, p. 115. Au cône le dc Trente, ΓÉglise précisa de nouveau sa doctr ne et proclama le culte dû aux Images. Voir plus loin. Après h concile de Trente, on ne voit pas sc pro- 785 IMAGES (CULTE DES) 786 t. vm, p. 17. Un voyageur du xvn· siècle atteste la duire de nouvelles oppositions contre la doctrine du culte des!mages, mais seulement contre certains usages même ferveur. · Dans leurs églises, écrit Oléarl, les permis ou approuvés par l'Églisc. Les botanistes et les Russes ont une énorme quantité d'icônes, suspendues jansénistes déclaraient qu’on ne devait pas représenter tout autour sur les murs... Les images sont considérées dans les églises l’image dc Dieu le Père. C'est la 25· des comme indispensables à la prière ct, pour cela, elles se 31 propositions condamnées par Alexandre VIII, le trouvent non seulement dans les églises ct processions 24 août 1690. Denzinger-Bannwarl, Enchiridion, solennelles, mais aussi dans les maisons de tous les par­ n. 1315. Voir t, i, col. 759-760. Le synode de ticuliers ct dans chaque chambre, afin que chacun Pistole (1786) émit sur le culte des Images un certain puisse voir l’image pendant sa prière, > Cité par Ma­ nombre dc prescriptions ct d’avis qui encoururent caire, t. xi, p. 210. Cela nécessitait un grand nombre la condamnation du saint-siège. 11 voulait qu’on d’iconographes. Le tsar en avait un groupe à son ser­ enlevât toutes les images dc la Trinité incompréhen­ vice. A Moscou, selon Oléarl, près du Kremlin,il y avait sible, comme pouvant être une occasion d’erreur une rue où on ne vendait que des icônes. Les Russes no pour les fidèles, blâmait le culte spécial rendu à cer­ donnaient pas à ccttc transaction le nom de vente,mais taines images dc préférence à d’autres, défendait qu’on disaient qu’ils échangeaient l'icône contre de la mon­ sc servît de vocables pour les distinguer (surtout celles naie. Macaire, ibid. Depuis la fondation du saint-sy­ de la sainte Vierge) en dehors dc ceux qui sont en rap­ node, le gouvernement réglementa par une série d’ouport avec des mystères expressément mentionnés dans kazes la peinture, la vente ct l'entretien des saintes l’Écriturc, enfin voulait extirper comme un abus l’u­ images. L. Baurain, loc. cit., p. 652. Sous ccs lois, pro­ sage dc garder voilées certaines images. Ces idées furent tectrices de la sainteté des icônes, mais aussi parfois jugées par le saint-siège téméraires,contraires à l’usage gênantes pour la piété des fidèles, le culte des icônes dc l’Église ct à la piété des fidèles. Bulle Auctorem fi- chez le peuple russe ne s'est pas démenti jusqu'à nos del, 28 août 1794, Denzinger-Bannwart, n. 1569-1572. jours. La liturgie leur a accordé une large place dans En Russie, au xm· siècle, apparut un hérétique connu son cycle. Les icônes dc la sainte Vierge, à elles seules, sous le nom de Cosoï, qui, parmi beaucoup d’autres sont fêtées plus de cinquante fois par an, sous des noms erreurs, considérait le culte des images comme une divers. L. Baurain, loc. cit., p. 658. Dc 1518 à 1569, Idolâtrie. Voir t. in, col. 1919. La plupart des sectes cinq fêtes ont été Introduites dans le calendrier pour nées du raskol, depuis le xvn· siècle, condamnent le honorer différentes icônes plus célèbres, toutes de la culte des images ainsi que des reliques, pour les mêmes sainte Vierge. Macaire, op. cit., t. vm, p. 48-49. Le culte se motifs que les iconoclastes byzantins du vm· siècle. répand en dehors du sanctuaire, ou plutôt il fait de la Cf. L. Baurain, Le culte des images, dans la Revue augus· Russie un vaste sanctuaire. Dans les bateaux, les res­ tinienne, 1906, t. îx, p. 647-649. taurants, les banques, les bureaux, la plupart des ma­ 6° La pratique du culte des images dans les temps mo­ gasins, il y a toujours l’icône, généralement de la dernes, surtout en Orient. — Pour terminer rhistoire du sainte Vierge ou de saint Nicolas, à la place d’honneur. culte des images, il nous reste à voir comment il est Les salles d’attente des garcs ont la leur, devant la­ pratiqué, surtout en Orient. En cc pays, Il garde tou­ quelle les voyageurs vont faire brûler des cierges. Dans jours la même importance et Je même éclat. La Russie les gares importantes des grandes villes, ce sont des le reçoit de Byzance en même temps que le christia­ centaines de lumières qui étincellent devant l’icône. nisme, quand on célèbre encore la victoire des icono- Les maisons des pieux orthodoxes ont de même des philcs sur les iconoclastes. Elle s’y porte avec une icônes dans chaque chambre, et devant l'une d'elles, grande ferveur. L’iconographie, qui fleurit en Russie une lampe brûle, sinon constamment, du moins les di­ d’assez bonne heure, xn· siècle, fut considérée comme manches et les jours dc fête. une sorte dc sacerdoce. Plusieurs évêques, panni les­ Cette dévotion aux Icônes, qui est portée à un tel quels le métropolite Pierre dc Moscou (1308-1326), degré en Russie, so retrouve avec plus ou moins d’in­ s’adonnaient Λ la peinture des Icônes. Le xiv· ct le xv· tensité dans tout l'Oricnt. Elle fleurit surtout chez les siècle ont déjà un grand nombre d’icônes thaumatur­ grecs. Le rôle qu’elle joue, en cas dc maladie, à l’occages, surtout delà sainte Vierge,dont plusieurs peintes slond'unc naissance,d'un baptcmc,d’un mariage,d’une par Pierre dc Moscou. « Dans le Domostroi (Ordre dc la cérémonie d’action dc grâces, en attestent l'étendue maison), livre du commencement du xm· siècle, il est ct la profondeur. L’icône préside à tous les actes écrit: La maison dc chaque chrétien doit être pareille dc la vie; elle est la compagne inséparable du prêtre. à une petite église ; sur les murs, à une place spéciale ct < Λ vrai dire, ces manifestations de la piété russe ra­ ornée, doivent être placées les saintes icônes; pendant mènent en d’autres temps. L'étranger qui arrive en les prières il faut allumer devant elles des cierges ct les Russie se croit transporté une dizaine de siècles en ar­ encenser. » Macaire, op. cit., t. vn, p. 448. Le respect dû rière, au lendemain dc la défaite dc l’iconodasmc. aux icônes réclame qu’elles ne soient pas livrées aux Comme pour affirmer plus fortement un dogme ct un caprices des artistes et demande à ceux-ci une conduite culte longtemps discutés,les fidèles sc pressent devant digne de leur art pieux. Plusieurs conciles s’y emploient. les images. Elles sont à la fois un drapeau et un trophée ; « En répondant aux questions posées par Ivan le Ter­ ct dc meme que, au lendemain de luttes terribles où la rible, le concile des Cent décida: 1. les iconographes patrie n élé en danger, tous les enfants d’un pays so doivent exécuter les images selon les icônes anciennes, serrent plus près autour du drapeau ct perçoivent plus et non pas selon leur fantaisie; 2. les iconographes clairement dans leur âme l’idée dc patrie qui les unit, doivent être obéissants, modestes, pieux, ne doivent ainsi le culte que l'Églisc gréco-slave rend aux saintes pas abuserdu vin, être chastes, ct en général vertueux, images témoigne dc la dernière lutte d'où elle est sortie ct ils doivent faire les icônes avec une grande applica­ victorieuse, en même temps qu’il entretient l’amour do tion; 3. dc pareils iconographes doivent être protégés la patrie céleste. Mais, hélas 1 pourquoi faut-ll que par le tsar, sauvegardés et estimés par les prélats plus l’Églisc russe semble toujours n'êtrc encore qu’au len­ que les autres et vénérés par les seigneurs et le peuple. » demain dcjl’iconoclasmcl > L. Baurain, loc. cit., p. 664. Macaire, op. cit., t. vm, p. 15. Le même auteur ajoute : Les images usitées dans les église^ de rite oriental « On peut juger à quel point on honorait l’iconogra­ sont les images peintes. On ne permet généralement phie par cc fait, que,lorsque les icônes avaient besoin pas les sculptures, mais seulement le Christ en croix, la d’être restaurées, on les transportait de loin à Moscou saintcVicrgcct saint Jean sur boisdécoupé.Lesstatues avec une grande solennité ct souvent les métropolites ne sont pas admises, bien que cet usage n'ait jamais eux-mêmes travaillaient à leur restauration. » Op. cil., fait l’objet d’un grief Important contre les Occidentaux. 787 IMAGES (CULTE DES) C'est par fidélité à leurs traditions, par goût et tem­ pérament national (cn Orient on aime les couleurs) que les fidèles s'en tiennent ù la seule peinture. En Russie, on est cependant moins rigoureux. Dans certaines con­ trées occidentales, on vénère même dans plusieurs églises des statues très anciennes. Cela est dû à l'in­ fluence latine qui sc fit sentir sur plus d’un point par l’intermédiaire des Ruthènes. Tandis qu'en Orient, le culte des images parait ab­ sorber le meilleur de la piété des fidèles, cn Occident, il sc pratique avec beaucoup plus de modération et de discrétion. Il se porte surtout sur les nombreuses images dites miraculeuses, spécialement de Notre-Dame, qu'abritent nos sanctuaires, et leurs reproductions. Des cierges et des lampes brûlent devant elles, mais on ne voit point autant de démonstrations corporelles. Une forme particulière du culte des images cn Occident est le couronnement solennel, dont le plus célèbre exemple est le couronnement de l'image de Not re-Dame dans la basilique de Saintc-Maric-Majcurc, à Rome. Le rite usité à cette occasion sert de règle à toutes les cé­ rémonies du même genre. IL Doctrine.— /. NOTION de Pi mage. — 1° Sens divers du mot image. — Le nom d'image est donné premièrement ù toute représentation visuelle d’un objet. La nature cn fournit d'impalpables, quand des corps lumineux ou éclairés projettent leurs rayons sur la surface polie d’un miroir ou d'une onde calme. L'art surtout cn produit de durables et de tangibles quand, au moyen du pinceau, du ciseau, du moule, etc., il retrace sur une toile ou reproduit dans un bloc de marbre ou de métal une personne, une chose, un événement, réels ou fictifs. C’est là ce qu’on entend le plus ordinairement par le mot image. Dans un sens plus large, on a donné ce nom ù tout ce qui, à la façon d’une image, fait connaître quelque chose. C'est ainsi que nous l'appliquons aux métaphores et aux comparaisons qui servent ù traduire dans un langage sensible les réalités invisibles de l’ordre Intellectuel ou moral, et aussi que nous disons que l'image de Dieu brille dans la création. C'est ainsi que saint Jean Damascène appelle image (εικών) soit l’Écriturc sainte qui revêt de tonnes Dieu et les anges pour nous les faire connaître, soit les figures prophétiques de 1*Ancien Testament, comme l’arche qui annonce la Merge mère de Dieu, soit les choses créées qui servent à expliquer la révélation divine, comme le soleil, la lumière et le rayon, qui signifient la sainte Trinité, soit enfin toute écriture qui relate les événements passés. Il applique même ce nom d’image aux idées Immuables et aux conseils étemels de la Divinité, non évidemment cn ce sens qu'ils sont le reflet des êtres créés et des événements futurs, car c'est le contraire qui est le vrai, mais parce que c'est par eux que Dieu les connaît. De imaginibus, orat, m, 18-23, P. G., t. xciv, col. 1337-1344. Nous laisse­ rons ces significations dérivées, sinon impropres, du mot image, et nous essaierons d'en dégager le sens naturel et formel. Mais il nous faut tout d'abord, à la suite des Pères, marquer la diiTérencc radicale qui sépare l’image de l’idole, par où se dissipe l’accusation d’idolâtrie, portée par les Iconoclastes contre les iconophilcs. 2e Distinction entre Γ image et Γ idole.— Le mot idole n'a certainement pas l’ctymologie forcée que lui attribue l'auteur cité par Euthyme Zigabène : Είδωλα οδν ώς εϊκότα βλλειν καί διαφθείρειν τούς τιμώντας αύτά, PanopUa, tit. xxn, P. G., t. exxx, col. 1173, mais bien sans doute celle que lui assigne Tertullien : είδος grarce formam sonat; ab eo per diminutionem είδωλον deductum, aeque apud nos formulam fecit. Igitur omnis forma oel formula (dolum se diet expos­ ed. De idololatria, ni, P. L·, t. i, coi. 665. C’est 788 I donc un diminutif de είδος. SI on lui compare εΤκών (image), la diiTérencc n’est pas grande au I point de vue étymologique, car είκών, de εΤζω, veut dire ressemblance, similitude. Mais il faut juger du sens des mots par l’usage qui s’en fait. Comme i l’usage a précisé la signification de tyran et de martyr, il a précisé aussi celle d’idole. Déjà les auteurs pro' fanes lui attachaient un sens péjoratif. 11 est pris habituellement chez eux pour signifier ombre des morts, songe vain, rêve, apparence fugitive. 1) in­ dique quelque chose d'insaisissable, d'inconsistant, prope nihil. Cf. Henri Estienne, Thesaurus lin gme graeæ. La version des Septante rend par ce mot les statues des faux dieux. Voir col. 603. Et c’est ce sens qui, tout naturellement, passe dans la langue chrétienne. Qu’il suffise de rappeler le texte de saint Paul : ΟΤδαμεν βτι ούδέν είδωλον έν κόσμφ. I Cor., νιπ, 4. C’est sur cette parole que s’appuient les Pères pour marquer la diiTérencc de l’idole et de l’image. Origène distingue ainsi la similitude de l’idole : < Autre est l’idole et autre la similitude; il y a similitude quand, par la sculpture ou la peinture, on reproduit un poisson ou un quadrupède, ou une bête sauvage; mais on a une idole, si l’esprit produit une forme qu’il a imaginée, et qui n'a pas son proto­ type parmi les choses existantes, comme est une figure tenant a la fois de l’homme et du cheval.· Horn. in Exod., vm, 3, P. G., t. xn, col. 353. De même Théodoret : « L’idole ne présente aucune substance, mais la similitude est l’apparence et la reproduction de quelque chose. Parce que les gentils façonnent des formes qui n’existent pas, comme les sphinx, les tritons, les centaures, le nom d’idole est donné à ces imitations de choses inexistantes, et celui de simili­ tude aux reproductions de choses qui existent, comme le soleil, la lune, les étoiles, les hommes... Dieu défend d’adorer tout cela.» Quest., xxxvm, in Exod., P. G., t. lxxx, col. 264. Comme on l'a remarqué, le mot idole a chez Origène et Théodoret, et aussi plus tard chezsaint Théodore Studile, Anlirrheticus, Ι,χνι, P. G., t. xeix, col. 315, un sens restreint pour désigner les reproductions de choses inexistantes, sam exclure ce­ pendant le sens plus large qu’implique le moUdolûtrie. Chez les auteurs latins, le mot idole signifie toute effigie, soit d’un être inexistant, soit d’un être exis­ tant, faussement reçu et honoré comme Dieu. Les latins empruntent ù la langue grecque le mot idole, dont ils n’ont point le correspondant dans la leur. Les auteurs profanes lui donnent le sens qu’il a dans la langue grecque profane. Chez les Pères, il signifie toute statue de fausse divinité, même si la chose représentée existe dans la nature. C’est ainsi que Tertullien l’entend, et c’est pourquoi il pense que Dieu, après avoir défendu de faire des idoles, proscrit aussi, en ajoutant le mot similitude, tous les arts représentatifs. De idololatria, iv, P. L., 1.1, col. 665666. Saint Augustin définit l’idole ciifusquam Del /alsi et alieni simulacrum. In Heptateuchum, 1. VII, q. Xia, P. L . L xxxiv, coi. 806. Quant à l’image, son sens naturel et premier est d’être la reproduction de quelque chose qui est censé exister ou avoir existé. ΕΙκών veut dire simi­ litude, ressemblance, sans aucun doute tout d’abord similitude et ressemblante de quelque chose qui existe ou que l’on croit exister. Imago veut dire imi­ tation, tout d’abord pareillement de quelque chose qui a ou qui a eu l’existence. Et c’est ainsi, cn pre­ nant le mot dans son sens premier, que les défenseurs des images ont repoussé les attaques de leurs adver­ saires. La diiTérencc entre l’image et l’idole est donc celle-ci : le mot Image, dans un sens large, est de sol indlHércnt et est susceptible de désigner soit les idoles, comme lorsqu’on dit les Images des faux dieuxj 789 IMAGES (CULTE DES) soit toute autre reproduction, et dans son sens pre­ mier, naturel et précis, signifie la représentation d’une chose existante ou qui a existé, tandis que le tenue d’idole, toujours pris cn mauvaise part, meme chez les auteurs païens, pour désigner une ombre, un songe vain, une apparence à quoi rien ne répond, veut dire chez les chrétiens représentation d’une fausse divinité, soit que l’objet regardé comme dieu n’ait jamais existé (Pères grecs), soit encore qu’il existe ou ait existé, mais n’est point tel qu’on le présente, c’cst-ù-dire n’est point Dieu (Pères latins). De toute façon l’idole n’est qu’un mensonge à la réalité. Aussi plusieurs théologiens sc sont élevés contre la définition d’Henri Estienne, dans son Thé­ saurus linguæ gnvcæ: A pud Ecclesia; autem scriptores είδωλα, latine etiam /dola, peculiari significatione vocantur Simulacra numen aliquod repræsenlantia, quod honore c/ cultu dignamur. Sans doute, le savant humaniste ne mérite pas les anathèmes qu’appellent sur lui les Sahnanticcnses, car cn disant aliquod, il donne à entendre qu’il parle de divinités païennes. Il aurait dû toutefois dissiper l’équivoque, et dire numen aliquod /alsum vel fictum. Les défenseurs des images n’ont pas manqué d’attirer l’attention sur cette diiTérencc de l’image et de l’idole. Saint Grégoire II, dans sa lettre à saint Germain, dit : Eorum quæ non sunt /ormatio idolica pictura nominatur, quæ et paganæ fabulationis poema finxit, eorum quæ nunquam fuerunt per essen­ tiam (έν τη ύπάρξει) facturam desipie nier asseverans. Mansi, t. xm, coi. 95. Saint Théodore Studite com­ pare ainsi l’image et l’idole : · Celle-ci (l’image) est réellement la ressemblance de la vérité; celle-là (l’idole) est la similitude du mensonge et de l’erreur. C’est ainsi que les habiles cn cette matière (de langue) ont cru devoir distinguer ces noms, cn appelant idole une imitation mensongère et image la représentation du vrai. » Vila (par le pseudo-Mlchel), lxx, P. G., t. xcix, col. ISO. Saint Nicéphore dit de même : « L’image est la similitude et l’empreinte des choses qui sont et qui subsistent. Mais l’idole est la fiction de choses qui ne sont pas et ne subsistent pas... C’est ainsi que l’image et l’idole diffèrent, de telle sorte que ceux qui n’admettent pas cette diiTérencc seraient justement appelés idolâtres.» Antirrheticus, 1,28-29, P. G., t. c, col. 277. Enfin l’auteur cité par Euthyme Zigabène proclame la même différence : « Les proto­ types des maudites Idoles sont faux, étant appelés dieux et n’étant que des démons; mais les archétypes des Images sont vrais. » Panoplia, tit. xxn, P. G., t. exxx, col. 1173. Aux mots d’image et d’idole, touche de près celui de simulacre. Son correspondant grec, άγαλμα, signifie proprement statue et est appliqué principalement aux statues des divinités païennes. Simulacrum a un sens ambigu. Lactance appelle l’homme Del simu­ lacrum, Div. inst., 1. VI, De vero cultu, x, P. L., t. vr, col. €66. Les traductions latines de l’Écriturc em­ ploient ce mot pour désigner les idoles. Voir col. 603. C’est bien aussi un sens péjoratif qui domine chez les Pères. Saint Augustin observe que ce que les latins appellent simulacre est appelé idole par les grecs, //i ps. CXXXr, 3, P. L., t. xxxvn, col. 1757. Saint Jérôme sc sert du mot simulacre comme par­ fait synonyme d’idole, sicut enim contrarium est simu­ lacrum Deo, ita mendacium veritati, /n Ose., 1. II, c. vn, 1, P. L., L xxv, coi. 872. Toutefois, Λ la diffé­ rence d’idole, il n’exclut pas un sens favorable, et c’est ainsi qu’Alexandre VIII (1690) a pu condamner la proposition suivante : Dei Patris (Viva ajoute sedentis) simulacrum nefas est Christiano in templo collocare. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1315. Voir t. i, coi. 759-760. 790 3· Sens formel du mot image. — Tl nous faut main­ tenant, après avoir distingué l’image de l’idole, en dégager le sens formel et les caractères saillants. Nous suivrons ici les traces du docteur angélique. A la suite de saint Augustin, qui, dans son livre des LXXX/II Quæstiones, ù la q. i.xxîv, P. L., t. xl, col. 85-86,distingue soignrusementet ingénieusement l’image, l'égalité et la similitude, et les éclaire par leur comparaison mutuelle, saint Thomas nous apprend quels sont les éléments que requiert la raison d’image. < Dans la raison d’image, nous dit-il, se trouve la similitude. Non pas toutefois qu’une simi­ litude quelconque suffise pour nous donner la raison d’image. Il faut une similitude spécifique ou tout au moins portant sur un des caractères spécifiques. Or, parmi les notes ou les signes de l’espèce, dans les choses corporelles, U semble qu’il n’est rien de plus caractéristique que la figure. Nous voyons en efiet, observe finement saint Thomas, que les diverses espèces d’animaux ont toutes une figure différente. Il n’en est pas de même pour la couleur. Aussi bien, si l’on peint sur un mur la couleur d’une chose, on ne dira point que ce soit son image, à moins qu’on n’y dessine cn même temps ses traits et sa figure. » Donc, la ressemblance dans la forme spécifique, ou tout au moins dans l’un des caractères de l’espèce, et, par exemple, s’il s’agit des êtres corporels, dans les traits de la figure, est requise pour la raison d’image. « Pourtant, ni cette similitude de l’espèce, ou de la figure, ne suffit encore. Il faut de plus, pour la raison d’image, que nous ayons le rapport d’origine ; car, ainsi que le remarque saint Augustin dans son livre des LXXX11I Quaestiones, q. lxxiv, nous ne disons pas qu’un œuf soit l'image d’un autre œuf » bien qu’il lui ressemble spécifiquement : « c’est qu’il n’en a pas été exprimé; » il n’a pas avec lui un rapport d’origine. · Pour cela donc que nous ayons vraiment la raison d’image, il faut que nous ayons un quelque chose procédant d’un autreen ressemblance de nature soit par la forme spécifique, soit au moins par un de ses caractères distinctifs. » S. Thomas, Sum. theol., 1·, q. xxxv, a. 1; P. Pègucs, Commentaire français littéral de la Somme (héologique de S. Thomas if Aquin, t. n, p. 331-332. Notons ici avec le P. Pègues qu’< il n’y a pas qu’une manière dont l’image peut procéder de la chose dont elle est l’image. Elle en peut procéder comme de son principe d’ordre physique; et c’est ainsi que le fils procède de son père. Mais elle cn peut procéder aussi comme de son principe d’ordre intel­ lectuel; et c’est ainsi que la statue de César procède de l’être intellectuel qu’a César dans la pensée de l’artiste. » /bid., p. 332. Trois choses donc sont re­ quises pour qu’il y ait image. 11 faut : 1. qu’il y ait similitude; 2. que la similitude porte sur un des ca­ ractères spéci fiques ; 3. qu’elle ait pour cause l’origine. Dans l’article suivant de la même question, saint Thomas ajoute une quatrième condition ou plutôt il précise la troisième, à savoir qu’il faut que l’origine soit la raison propre de la similitude. C’est à défaut de cette dernière condition que le Saint-Esprit ne peut être appelé image au sens propre et formel du mot, bien que ce nom lui ait été donné par les Pères grecs pour indiquer la parfaite ressemblance qu’il a avec le Père et le Fils, dont il procède. En recueillant ces divers traits, on aura donc de l'image la définition suivante : similitudo in aliquo signo speciei expressa ab exemplari. Similitude en un des caractères spécifiques reçue de l'original. Nous voyons par cette définition que l'image est un être relatif, essentiellement relatif, qui ne peut s’expliquer que par l’être auquel il dit relation. De même que le père est père du fils, que le fils est fils du père, que l’ami est l’ami de son ami, ainsi l’image est l’image 791 IMAGES (CULTE DES) do prototype, comme le prototype est le prototype de l’image. C’est cette relation que nous allons main­ tenant considérer. Nous en marquerons deux carac­ tères saillants. L’image, d’une part, est semblable à l’original, elle est en quelque sorte identique à l’ori­ ginal, ct d’autre part, elle s’en distingue nécessaire­ ment. Ccs deux caractères: ressemblancectdifférence, sont importants, car ils servent, l’un à légitimer le culte des images, ct l’autre à en préciser la nature. Tous les deux ont été mis en relief par les défenseurs des images. Le concile dc Nicée (787) rapporte des textes qui établissent le premier caractère. C’est d'abord saint Athanasc : < Dans l’image du oi, il y a sa forme (είδος) ct son aspect (μορφή) ct dans le roi il y a la même forme que dans l’image, car dans l'image il y a la similitude exacte du roi, ct qui volt le roi connaît que c’est lui qui est dans l'image; ct parce que la ressemblance ne varie pas, l’image pour­ rait dire à celui qui voudrait voir le roi après avoir vu l’image : Moi ct le roi nous sommes un; je suis en lui ct il est en mol; ct cc que tu vols en moi, tu le vois en lui, ct cc que tu vois en lui, tu le vois en moi. Qui donc adore l’image, adore en clic le roi; car elle en est l’apparence ct la forme (μορφή καί είδος). * Mansi, op. cit., t χπι,οοί. 69. C’est ensuite saint Basile, dont le texte suivant est si souvent cité: < L’image du roi est aussi appelée roi, ct il n'y a pas deux rois. En effet ni la puissance n’est scindée, ni la gloire n’est partagée. » Mansi, ibid. Saint Jean Damascène, après avoir reproduit cc texte, l’applique aux Images saintes. · Si l’image du roi, c’est le roi, l’image aussi du Christ est le Christ ct l’image du saint est le saint. Ni la puissance n’est scindée, ni la gloire n’est partagée, mais la gloire dc l’image devient celle dc celui qu’elle représente.» De imaginibus, orat.i, Testi· monta, P. G., t. xav, col. 126 L Dans saint Théodore Studite, on trouve également aussi cette pensée : του αρχετύπου την κλήσιν τδ παράγωγου κέκτηται, ce qui procède de l’archétype en possède le nom. Epist., 1. II, epist. xxvi, P. G.,t. xax, col. 1193. Ainsi donc, À cause dc la ressemblance, le nom même du proto­ type passe à l’image, il y a entre eux comme une Identité morale, fondée sur la communauté de forme, car la forme, la cause formelle est celle qui donne aux choses leur être ct par suite leur unité, ct qui est la raison de leur cognoscibilité ct dc leur appella­ tion. C’est dc cc premier caractère que découle la vénération ct le culte des images. A cc titre seul elles sont vénérables ct c’cst à raison dc ce titre que l’Église y ajoute une députation spéciale au culte divin par ses prières et ses bénédictions. Le second caiactère dc l'image, la différence, est tracé avec autant de clarté. Après avoir défini l’image όμοίωμα καί παράδειγμα καΐέκτύπωμα τινός, t/ έαυτω δείκνυαν τδ είκονοζομενον, saint Jean Da­ mascène ajoute : < Et cependant, l’image n’est pas semblable en tout à son prototype, c’est-à-dire à la chose dont elle est l’image, et absolument l’on voit entre eux une différence, autrement l’image ne serait pas une chose ct le prototype une autre. Par exemple, l'image de l'homme, même si elle exprime la figure du corps, n'a cependant pas les facultés dc l'âme ; car ni elle ne vit, ni elle ne pense, ni elle ne parle, ni elle ne sent, ni elle ne meut aucun membre; ct même le fils, qui est l’image naturelle du père, a quelque chose qui le distingue dc lui, car il est fils etnon père. * De imaginibus, oraL ni, 16, P· G., t. xav, cul. 1337. Ailleurs, le même docteur fait entrer expressément cette note de différence dans la définition de l’image et l’applique tn divinis : Είκών μένουν έστί όμοίωμα χαρακτηρίζον τδ προτότυπον, μετά τού καί τινχ διαφοράν ίχειν πρδς αύτό.Ού γάρ κατά πάντα ή είκών όμοιούται πρδς τδ αρχέτυπον. Et il poursuit: «Ainsi, le 792 Fils est l’image vivante ct parfaite du Dieu invisible, reproduisant en lui-même le Père, identique en tout ù lui, excepté en ceci, qu’il en procède comme dc son principe. > De imaginibus, oraL î, 9, coi. 1240. Le concile de Nicée (787) relève aussi cc caractère dans les images pieuses quand il repousse l’accusation d’idolâtrie. < Autre est l’image, dit-il, ct autre l'ori­ ginal. Dans l’image, aucun do ceux qui ont la raison saine ne cherche ce qui est propre à l’original. La droite raison ne voit rien dans l’image, sinon qu’elle prend le nom de l’original, ct non la nature. · Mansi, t. xm, coL 257. 11 s’agit, évidemment ici de l’image artificielle dont parlent les adversaires. Cc second caractère déterminera le caractère dc l’adoration qui est due à l’image. S’il n’y a pas dc différence dc nature entre l’image et le prototype, il n’y aura pas non plus dc différence d’adoration. Le Père ct le Fils, son image, sont la même nature divine, ils seront adorés de la même adoration latreutique. Et c’cst dans cc sens que saint Augustin dit : Nulla ejus (Dei) imago coli debet, nisi illa quæ hoc est quod ipse; nec ipsa pro illo, sed cum illo. Epist., LV, ad inquis. Januarii, c. xi, P.L., L xxxm, col. 213. Et comme, dans les images artifi­ cielles, il y a diversité dc nature avec le prototype, il s’ensuit aussi qu’il y aura à leur égard diversité d’ado­ ration. L’adoration des images devra être σχετική, ού λατρευτική, comme s’expriment le II· concile dc Nicée ct les Pères grecs, défenseurs des images. Ainsi donc, le caractère dc ressemblance au prototype qui appartient aux images, fonde la légitimité dc leur culte, et le caractère dc différence qui en est insépa­ rable précise la nature ct la portée dc cc culte. 4° Division des images. — Nous avons déjà parlé d’images naturelles ct d’images artificielles. 11 est temps dc préciser ct de mettre en relief cette grande division des images, en négligeant celle donnée par saint Jean Damascène, où parfois le mot d’image s’écarte trop de sa signification propre ct naturelle. De imaginibus, on\t.in, 18-23, J1. G., t. xav, col. 13371344. Mieux que lui, saint Théodore Studite a marqué cette séparation des images en deux catégories ct leurs différences caractéristiques. « Toute image, dit-il, porte la ressemblance de son prototype, l'image natu­ relle une ressemblance naturelle, l’image artificielle une ressemblance artificielle. La première est parfaite (απαράλλακτος) ct quant à la nature ct quant à la similitude (τη ούσία καί τη ομοιώσει ) à celui dont elle est le sceau (άποφράγισμα) : ainsi le Christ selon sa divinité est semblable à son Père, ct selon son humanité à sa mère. La seconde, identique au proto­ type quant ù la similitude, en diffère quant à la nature (ομοιώσει ταυτιζομένη, ήλλωτρίωται της ούσίαςτού αρχετύπου) : ainsi l’icône du Christ est différente du Christ,» Antirrh., Ill,c.n, P. G., t. xax, col. 417;ct ailleurs : « L’image artificielle ct le prototype sont deux choses, ct leur différence est non pas dans la personne, mais dans la nature (ή διαφορότης ούκ έπΐ της ύποστάσεως, αλλά κατά τδυ της ουσίας λόγον. » Epist.,1. II, epist. ccxn,P. G., t. xax, col. 1640. Cf. Epist. ad Platonem, ibid., col. 501. Saint Nicéphore ades passages semblables, mais moins précis. Antirrh., Ill, 21, P. G., t.c, col. 405-108. Euthyme Zigabène déve­ loppe très heureusement la doctrine du Studite : άλλο φυσική είκών καί άλλο μιμητική. La première n’a pat de différence denature d'avec son principe,mais une différence de personne: ainsi le Filsparrapport au Pcre; car ilsn’ontqu’unenature.maissontdcux personnes. La seconde,nu contraire, ne diffère pas del'original quant à la personne, mais quant à la nature : ainsi l’image du Christ par rapport au Christ, car ils n’ont qu’une personne, mais deux natures (μία μέν γάρ τούτων ύπόστασις, δύο δέ φύσεις). Autre en effet est la nature de la matière peinte, autre celle du Christ 793 IMAGES (CULTE DES) 794 dans son humanité, selon laquelle 11 est représenté ct | divine clarté, ou encore le Père étemel sous la forme d’un vieillard vénérable pour signifier son éternité. est constitué l'exemplaire de l’image... L'Image imitatativc ou artificielle n'a pas de personne propre (ού Troisièmement on peut représenter Dieu ct les anges, γάρ ϊδιο—ύπόστατός έστιν), mais désigne la per­ non comme ils sont en eux-mêmes, mais en la forme où ils ont apparu aux hommes: ainsi l’Esprlt-Saint sonne dc l’archétype, ct c'est en quoi elle est son est représenté sous la forme d'une colombe. Il ne s’agit Image. Nous appelons Ici personne (ύπόστασιν) non cc qui simplement subsiste (ού τδ άπλώς ύφεστως), point évidemment ici des Images de la première ma­ mais une nature (ουσίαν) avec des propriétés qui la nière, mais seulement des deux autres ct nous verrons distinguent des choses de même espèce. C'est pour­ en son lieu cc qui sc rapporte à leur usage ct à leur quoi l’image n'a point de personne propre, mais seu­ culte. //. LÉGITIMITÉ DE Ü VBA GE DES IM A GES.— Ie Preu­ lement l'archétype... Et tout cc qui est représenté par l'art est reproduit non selon sa nature, mais ves (f autorité.—En matière de religion, c’est le premier selon la personne; ct à cause de cela l'image est Iden­ genre d’arguments qu’il nous faut invoquer. Sans tique à l'exemplaire, non par la nature, mais par la doute, la raison nous montre la sagesse de l’usage des personne, à savoir par l’imitation dc la personne. > images saintes ct l’utilité immense qui en découle. Panoplia, tit. χχπ, P. G., t. exxx, col. 1165. Nous Mais comme, d'une part, les images ne sont pas essen­ devons noter ici un caractère spécial dc l'image arti­ tielles à la religion ct appartiennent à la catégorie ficielle. L’image artificielle ne présente directement des choses dites indifférentes (ex genere άοιαφόρων) que cc que la vue peut percevoir, c'est-à-dire les cou­ ct que, d'autre part, leur emploi peut donner lieu à des leurs, les traits, les contours; elle ne peut représenter abus, soit dans la confection elle-même des images, l’âme et ses facultés; mais parce que ccs dernières sont soit dans le culte qui ne peut manquer de s’y attacher, nécessairement unies dans l'homme avec les caractères la question dc l’usage des images est ct demeure une individuels perçus par la vue, il s’ensuit qu’en peignant question d'ordre disciplinaire, ct c’cst à l’autorité ceux-ci, on désigne indirectement celles-là, ct partant religieuse qu’il appartient dc déterminer positivement l’on peut vraiment dire que l'image artificielle est si nous devons ou pouvons faire des images ct nous l’image dc tel homme, quoiqu’elle ne soit directement en servir. L'Écriture sainte, la pratique constante de l’Église, le magistère ecclésiastique surtout établis­ que l'image dc son corps dans scs accidents extérieurs. Le concile dc Nicée arguera dc ce caractère pour re­ sent la légitimité dc cct usage. 1. L9Écriture sainte nous apprend que l’usage des vendiquer la légitimité des images de Jésus-Christ. Saint Thomas nous donne une autre division des images est bon ct apte à des fins religieuses. Dieu luiimages: Imago dupliciter in aliquo invenitur : uno même a commandé de faire des images. En dehors modo in re ejusdem natune secundum speciem, ut imago dc l'arche d’alliance, qui était une figure des réalités regis invenitur in jilio suo; alio modo in re alterius dc la Loi nouvelle, il a prescrit dc faire des chérubins nature:, sicut imago regis invenitur in denario. « De la d’or ct dc les placer dc part ct d’autre dc l’arche, et première manière, le Fils est l'image du Père; dc la dans le désert il a ordonné à Moïse dc faire un serpent seconde, l’homme est appelé image dc Dieu, ct pour d'airain en signe de salut. Salomon fit aussi placer indiquer l'imperfection de cette image, nous disons dans le temple d’autres figures dc chérubins ct un non pas seulement qu’il est l'image de Dieu, mais qu'il certain nombre d’images symboliques diverses. Cct argument scripturaire fut utilisé par le concile de est à son image, par où nous signifions un certain Nicée ct les iconophilcs. Au début de La IV· session, mouvement tendant à la perfection. > Sum. theol., P, q. xxxv, a. 2, ad Celte division dc saint Thomas on relit les principaux passages de la Bible concernant les images : Exod., xxv, 17-22; Num., vn, 88 5-89; coïncide avec la première, à condition d'entendre le terme μιμητική dans un sens assez large pour s'appli­ Ezcch., xu, 1, 15c-19; Heb.,ix, 1-5a. Mansi, t. xm, quer aux œuvres dc Dieu ad extra, qui ne sont en cfTct col. 4-5. Le pape Hadrien, dans sa lettre aux empe­ que des arlejacta Dei. Cc n’est pas le lieu ici dc traiter reurs Constantin ct Irène, Mansi, L xn, col. 1063; dc l’image naturelle, d’expliquer comment le Fils est Léontius dc Néapolis, ibid., t. xm, coL 44 ; le pape l’image du Père, ni non plus comment l'homme est Grégoire II à saint Germain, ibid., col. 97; Jean de l’image dc Dieu. Nous nous restreignons aux images Thcssalonlque, ibid., col. 168; S. Jean Damascène, De imaginibus, orat. I, 20; oraL ni, 9, P. G., L xciv, artificielles religieuses ou saintes. 5° Les images religieuses. — Les images religieuses col. 1252, 1329 ; S. Théodore Studite, Epist., LU, sont celles dont l'exemplaire est quelque chose de epist. xxi, P. G., t. xax, col. 1184, s'appuient égale­ saint ct c’est à cause du prototype qu'elles représen­ ment sur l’Écriture pour prouver la légitimité des tent qu'on les appelle saintes, religieuses ou sacrées. images. Parfois même, on va dans cc but jusqu’à invoquer le passage dc la Genèse où il est dit que Dieu Elles sont de deux sortes : les unes représentent des fit l’homme à son image ct à sa ressemblance. Ainsi êtres corporels, comme les images du Christ et des saints, les autres des êtres purement spirituels, comme le pape Hadrien, dans sa lettre aux empereurs, Mansl, L xn, col. 1070; ainsi saint Jean Damascène, quand les images de Dieu ct des anges. En outre, parmi les images d'êtres corporels, il y en a qui représentent il donne la division des images. De imaginibus, oraL ni, proprement leur original, comme l'image du Christ 20, P. G., L xav, col. 1340. A noter ici que les images en croix, ct d'autres qui le représentent symbolique­ religieuses employées dans l’Ancicn Testament ment, comme l'image dc l'agneau représente Jésus- n'étaient que des images symboliques, ct que ce n'est que dans le christianisme qu'apparaît l'emploi d'images Christ. 11 en est en eflct des images comme des noms; les uns désignent proprement une personne, comme représentant proprement de saints personnages, le nom de Jésus désigne le Verbe fait chair, ct d’autres patriarches, prophètes, martyrs, ct surtout JésusChrist ct sa sainte mère. la désignent sous une métaphore, comme l'agneau divin, 2. La pratique constante du peuple chrétien. — Nous le lion de la tribu de Judo, la pierre angulaire, etc. Au sujet des images des êtres spirituels, Il faut obser­ avons vu dans la première partie de cette étude com­ ver qu'il y a trois manières dc les faire. Ou bien l'on ment, naturellement ct spontanément, les premiers prétend retracer par la couleur leur nature propre; chrétiens ont adopté ce moyen très simple d'instruc­ c’est qu*alors on a une idée fausse ct païenne dc la di­ tion ct d'édification ct comment l'usage, tout au vinité ct des esprits; ou bien on ne veut les exprimer moins, des images remonte aux origines mêmes dc qu’analogiqucmcnt : ainsi, si l’on représente Dieu sous l’Église et a pris naissance, pour ainsi dire, avec elle. la forme d’une très pure lumière, pour signifier sa Cct usage, au lieu de s'affaiblir, n’a fait que s'étendre 795 IMAGES (CULTE DES) et se développer prodigieusement. Nous ne revenons pas sur ccttc histoire. Cette tradition pratique trouve son expression théorique et authentique dans les actes du magistère ecclesiastique. 3. Le magistère ecclésiastique s’exprime dans les conciles généraux et particuliers, approuves par Home, dans les documents pontificaux et renseignement des Pères, ceux surtout qui ont consacré leur vie à la defense des images. Nous en ferons ici la revue, nous reservant de les citer à mesure et selon que nous en aurons besoin, soit pour montrer l’utilité des images,· soit pour en établir et en déterminer le culte. a) Conciles. — Les principaux conciles qui suppo­ sent ou déclarent légitime soit l'usage, soit le culte (qui implique l’usage) des images sont les suivants : a. le concile Quinisexte (691), can. 82, Mansi, t. xi, col. 977-980, suppose légitime l’usage des images, puisqu'il ordonne de représenter Jésus-Christ non plus sous la figure d’un agneau, mais dans sa forme humaine. Hadrien Ier, dans sa lettre à saint Taraisc, accepte tous les canons de cc concile, quœ jure ac divi­ nitus promulgate sunt, parmi lesquels il range le 82·. Mansi, t. xn, col 1080. A plusieurs reprises, dans le con­ cile de Nicée (787), on rappelle ou reproduit cc canon. III· session, Mansi, t. xn, col. 1125-1126; IV· sess., Mansi, t. xin, col. 40-11; VI· sess., ibid., col. 220. b. Le concile de Home tenu sous Étienne III, en 769, VI11· sess., Mansi, t. xn, col. 720. c. Le II· concile de Nicée, VU· œcuménique (787), qui sc réunit dans Je but exprès de rétablir l’usage et le culte des images. Mansi, t. xi et xn. d. Le VIH· concile œcuménique, IV· de Constantinople, en 869, 3· canon. Mansi, t. XV!, col. 161-162, 400. Voit t. m, col. 1296 sq. e. Le concile de Florence (1438), V· session, où fut repro­ duite la doctrine du II· concile de Nicée. Mansi, l. xxxi», col. 548. /. Le concile de Trente (1563), ses­ sion XXV· Mansi, t. xxxnr, col. 171-172, qui exposa avec une grande précision et une grande clarté la doctrine de l’Église sur les images, et les règles géné­ rales qui doivent diriger leur confection et leur emploi. On peut signaler aussi d’autres conciles particuliers moins importants ou dont les actes sont perdus : deux conciles tenus à Borne, l'un en 727. sous Grégoire II, dont parle Hadrien I·» dans sa réponse au reprehen­ siones de Charlemagne, P. L., t. xcvm, col. 1275, 1278; Mansi, t. xn, col. 789, 792, et l’autre en 731, sous Grégoire III, Mansi, t. xn, col. 299; Hcfele, op. cit., trad. Leclercq, t. ni, p. 676-678; le concile de Constan­ tinople (842), qui triompha définitivement de la réaction iconoclaste et dont les actes sont perdus. Mentionnons en lin le concile de Sens, sous Clé­ ment VII. en 1529, qui soutint contre les vaudois l’usage et le culte des Images, qu’ils accusaient d'idolAlric, can. 14, Mansi, t. χχχιι, col. 1175-1176, cl celui de Mayence, en 1549, sous Paul IIL can. 41, 42. Mansl. t. xxxu. col, 1111-1 115. b) Les principaux documents pontificaux sont : a. la lettre de saint Grégoire H A saint Germain de Constan­ tinople, Mansl, t. xm, col. 93; b. les lettres d’Hadrien I· aux empereurs Constantin et Irène, Mansi, t. xm, col. 1056 et au patriarche saint Taraisc, ibid., col. 1020, ainsi que sa réponse aux reprehensiones de Charle­ magne au sujet du II· concile de Nicée, P. L., t. xvm. col. 1247 sq.; Mansi, t. xm, col. 759 sq.; c. la consti­ tution de Martin V inter cunctas (1118), DenzingerBannwart. n. 679; d. la profession de foi de Pic IV (1564), Denzinger-Bannwart, n. 998; e. le Codex juris canonici, can. 1225, § 2, 1276. c) Les Pères, déjenseurs des images. — a. Avant Γiconoclasme. — Saint Basile n’a pas eu à défendre la légitimité des images, mais il a posé les principes sur lesquels sc sont appuyés tous les Iconophiles : il n’est pas d’autorité qui, durant toute la querelle des images, 79(5 ait été plus souvent invoquée que la sienne. Ces prin­ cipes, en petit nombre, sont les points lumineux qui éclairent toute la doctrine : Il y a Identité (morale) entre l’image et le prototype; dans la confection et le culte de l’image, c'est l’intention qu’il faut voir et d’après elle qu’il faut juger; l’honneur fait Λ l’image rejaillit sur le prototype. Toute la doctrine rationnelle des images sort de là. A un moindre degré, on invoque saint Atbanasc. Léontius, évêque de Nénpolls, en Chypre, on s'en souvient, ù développé le premier d'une façon logique, la légitimité de l'usage et du culte des images, P. G., t. xcm, col. 1597-1609. Le concile de Nicée le cite tout au long. Mansi, t. xm, col. 49-53. Plus proche de l'Iconoclasme est Jean dcThcssaloniquc cité de même par le concile. Mansi, l. xm, col. 164-168. — b. Au temps de Γiconoclasme, nous avons saint Germain de Constantinople (lettres à Jean, évêque de Synnade, Mansi, t. xn, col. 100-105; P. G., t. xcvm, col. 156; surtout à Thomas, évêque de Claudiopolis, Mansi, ibid., col. 108-128; P. G., t. xcvm, col. 164); le patriarche saint Taraisc (lettres aux empereurs Constantin et Irène, Mansl, t. xm, col. 400; P. G., t. xcvm, col. 1428; au pape Hadrien I*', Mansi, t. xm, col. 458; P. G., t. xcvini, col. 1436; à Jean, prêtre cl higoumène, Mansl, t. xm, col. 471; P. G., t. xcvm, vol. 1452; aux évêques et aux prêtres d'Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem, Mansl, t. xn, col. 1119; P. G., t. xcvm, col. 1460). Mais les trois grands doc­ teurs des images sont : saint Jean Damascène, dont les trois discours sur les images sont si célèbres, P. G., t. xav, col. 1232-1420, saint Théodore Studile, qui sc fit le défenseur des images, non seulement dans scs Antirrhétiques, mais dans de nombreuses lettres, P. G., t. xax; il lit vraiment sa cause de la cause des images, et nous verrons que mieux que tout autre il en caractérisa le culte. Enfin saint Nicéphore, qui, comme le Studitc, consacra sa vie à la même œuvre. Antirrhétiques et Apologétiques, P. G., t. c. 2· Preuves de raison. — La raison nous montre com­ bien l’usage des images religieuses est bon, utile, conforme aux besoins légitimes de notre nature, et, par suite, acceptable et louable. 1. Un premier argument se lire de Vestimation commune des hommes. Puisque chez toutes les nations sc trouve l'usage des images dans la vie domestique et civile, pourquoi serait-il absurde, déraisonnable et défendu per se, dans la vie religieuse? Si l'on reçoit communément les images des rois, des empereurs, des grands hommes, des parents, pourquoi n’aurait-on pas des images des saints? Cet argument sc trouve exprimé dans le II· concile de Nicée, dans la profes­ sion de foi de l'évêque Théodosc (P· session) : « Si l'on vient en foule avec des cierges et de l’encens au-devant des λαυράτα cl des Images impériales envoyées aux cités et aux provinces (χωρίοις). honorant ainsi non le tableau enduit de cire, mais l’empereur, com­ bien plus faut-il dans l'église peindre l’image du Christ notre Dieu, de sa mère immaculée et de tous les saints cl bienheureux Pères et ascètes. · Mansi,t. xn,coL 1014. 2. La principale preuve de raison en faveur de l'usage des images se trouve dans leur multiple utilité C'est cela surtout (pii est mis en relief par le concile de Nicée et les iconophiles. · Ce n’est pas par un amour charnel, dit le II· concile de Nicée, que nous louons les saints ou que nous les peignons, mais parce que nous voulons avoir leurs vertus a imiter, cl nous retraçons leurs vies dans les livres et nous les repro­ duisons par la peinture; non qu'ils aient besoin d’être loues par nous par le récit, ou d’être reproduits en peinture, mais nous faisons tout cela pour notre utilité. » Mansl, t. xm, col. 301-340. Une utilité préa­ lable des images, si on peut lui donner cc nom, c’est d’être un ornement pour les églises, l’ornement qui 797 IMAGES (CULTE DES) leur convient. Ccttc vue artistique ne semble pas i toutefois avoir été celle des défenseurs des images, ou du moins clic n’a Joué qu'en fonction des utilités pro­ prement dites qui reviennent nu peuple chrétien de la fréquentation des images. C’est pourquoi nous nous contentons de la signaler. Les utilités de l'image dé­ coulent de sa notion même. Puisque l’image tient lieu du prototype et qu'il est moralement idem cum illo, le commerce des images procurera proportionnelle­ ment les mômes avantages que le commerce du prototype lui-même. Ces avantages sont au nombre de trois, ainsi résumés par saint Thomas : Fuit autem tri­ plex ratio institutionis imaginis in Ecclesia· Primo, ad Instructionem rudium, qui eis quasi quibusdam libris edocentur. Secundo ut incarnationis mysterium cl sanc­ torum exempla magis in memoria essent, dum quotidie in oculis reprivsentaniur. Tertio ad excitandum devo­ tionis allectum qui cx visis e/Jicaeius excitatur quam ex auditis. Jn IV Sent.,1. Ill, dist. IX, a. 2,sol.2, ad3°“. Cctte triple utilité appartient à l'image pius qu’à tout autre moyen de connaissance, comme le répètent à l'envl les iconophiles, car la vue est le premier des sens cognoscitifs, le plus prompt, le plus rapide, Je plus universel et qui saisit le plus vivement l’objet. a) La première utilité de l’image, Γinstruction, est celle qui n été tout d'abord signalée par les anciens Pères. Nous l’avons vue indiquée par saint Nil à Olympiodorc, P. G., t. i.xxix, col. 577, et par saint Gré­ goire Ier à Sérénus de Marseille: Quod legentibus scrip­ tura, dit ce docteur, hoc idiotis p restat pictura cernen­ tibus, quia in ipsa etiam ignorantes vident quid sequi debeant, in ipsa legunt qui litteras nesciunt. Unde et præcipue gentibus pro lectione pictura est. P. L., L Lxxvn, coi. 1128. De même saint Jean Damascène : δπερ τοϊς γράμμασι μεμνημένοις ή βίβλος τούτο καί τοϊς άγραμμάτοις ή βίκών · κχΐ δπερ τη ακοή ό λόγος, τούτο τη όράσει ή είκών. De imaginibus, orat. î, 17, P. G., t. xav, col. 1248. Cette compa­ raison de l’image avec la parole ou le livre, qui sc trouve aussi dans le concile de Nicée, Mansi, t. xm, col. 113, 300, est à plus d'un égard à l’avantage de l'image. Saint Nicéphore développe ainsi cc point : < Les discours aussi sont les images des choses et en dépendent comme de leurs causes. Et pre­ mièrement, ils entrent dans l’oreille, car il faut tout d'abord que les sons des paroles frappent l’oreille des auditeurs, et secondement, l’auditeur, au moyen du raisonnement, arrive à l'intelligence des choses qu’on lui montre; tandis que la peinture, dès l'abord et sans intermédiaire, conduit aux choses elles-mêmes, comme si elles étaient présentes, l’esprit de ceux qui la contemplent, et du premier regard, dès la première rencontre, donne une connaissance claire et parfaite des choses; et pour me servir de la parole d’un Père, cc que le récit raconte, la peinture, par l’imitation, le montre. Et autant le fait (δργον) est au-dessus du discours, autant l’imitation et la similitude du fait l’emportera sur les sons du discours pour nous faire connaître les choses .C’est pourquoi souvent les discours deviennent plus manifestes et plus clairs au moyen d’une telle description (τής τοιαύτης Ιστορίας). Car souvent les doutes et les ambiguités naissent de la parole, et de là, sans doute, proviennent diverses pen­ sées dans les âmes; beaucoup, en effet, ont en euxmêmes et vis-à-vis des autres des sentiments opposés, disputent sur les mots et ne savent au juste cc qui est dit; tandis que la connaissance qu’engendre la vue des choses est à l’abri de l’ambiguïté (άναμφίλεκτον). Ces deux moyens de connaissance sont d’ailleurs si bien faits l’un pour l’autre, que, dans un seul et même livre, comme on pcutle voir souvent dans de très an­ ciens documents (δέλτοις), le discours est tracé alter­ nativement ici en syllabes et là par la peinture, et c’est 798 la mémo narration qui est reproduite de part et d’autre. > Antirrh., III, P. G., L c, col. 381-384. L'histoire de Γ iconoclasme nous fait connaître une autre utilité des Images, spéciale à ce temps,et qui sc ra­ mène au chef de l’instruction. Elles étaient un moyen très efficace de combattre l’erreur des phantasiastes et d’affirmer, par un langage qui parle aux yeux, la réa­ lité de la chair de Jésus-Christ et la vérité de sa nature humaine. Ces hérétiques prétendaient que le Christ n’a point pris une vraie chair, semblable à la nôtre. et par suite soutenaient qu’on n’avait pas le droit d’en faire des images. C’est pourquoi saint Germain de Constantinople écrit à Thomas de Claudiopolis : < La représentation du Seigneur dans les images, scion sa forme de chair, est d’abord une réplique (είς έλεγχον μέν έστί) aux hérétiques qui ont la folie d’affirmer qu’il ne s’est pas fait homme véritablement, puis un secours (χειρτγωγίχν ) pour ceux qui sont Incapables de s’élever à la contemplation spirituelle, mais ont besoin d'une considération corporelle pour affermir ce qu’ils ont entendu. » Mansi, L xm, col. 116. b) Le deuxième avantage des images est qu’elles font souvenir. Il ne suffit pas à l’homme de connaître une fois pour toutes les vérités religieuses; Il a besoin 1 de ramener souvent son esprit à leur contemplation, I sous peine d’oublier ce qu’il a appris ou, tout au moins, ; de n’en tirer aucun profit. C’est seulement par le commerce assidu et la contemplation fréquente des mystères de la religion et des exemples des saints que l’âme s’élève au-dessus du terre-à-terre auquel l’en­ traîne continuellement le corps qu’elle anime. Λ ce but tendent la lecture du saint Évangile et des livres pieux, les méditations, les saintes exhortations. A cc but aussi contribuera, et à un haut degré, la vue des images religieuses par le souvenir des saints person­ nages et des scènes bibliques qu’elles impriment et gravent dans l’esprit. C’est cc que si fréquemment inculquent les défenseurs des images et le IIe concile de Nicée. Saint Grégoire II, dans sa lettre à saint Germain, inculque cette raison de faire des Images, dans un développement saisissant dont voici la fin : < S’il (Jésus-Chirst) n’a pas ressuscité les morts, reI dressé les paralytiques, purifié les lépreux, fait voir les avcug.cs, délié la langue des muets, raffermi les pieds des boiteux, cl chassé les démons; s’il n’a pas ouvert l'oreille des sourds, opéré toutes les merveilles et accompli les divins oracles : qu’on ne le retrace point; et s’il n’a pas volontairement subi la passion, dépouillé l’enfer et n’est point ressuscité et monté au ciel pour venir juger les vivants et les morts : qu’on ne retrace point, qu’on ne reproduise point tout ce qui raconte ces choses soit en lettres, soit en couleur, soit livres, soit peintures. Mais si toutes ces choses sont arrivées, et c’est un grand mystère de bonté, plût à Dieu qu’il fût possible que le ciel, la terre et la mer, tous les vi­ vants et toutes les plantes, et s’il est quelque autre chose, eussent pour nous les raconter des voix, des lettres et des couleurs. > Mansl, t. xin, col. 96. L’image est un mémorial (ύτύμνημα), dit saint Jean Damascène. Elle nous rappelle les bienfaits de Dieu et les mystères de Noire-Seigneur.De imaginibus, or.it. 1.17,18, P. G., t. xav, col. 1218-1249. · C’est pour nous souvenir d'eux, écrit Hadrien Ier aux empereurs Constantin et Irène, que nous faisons les images des saints, à sa­ voir d*Abraham, de Moïse, d’Élie, d* Isaïe, de Zacharie et des autres prophètes, des apôtres et des saints martyrs qui ont souffert pour le Seigneur, afin que qui­ conque les voit dans l’image sc souvienne d’eux et glorifie le Seigneur qui les a glorifies. · Mansi, t. xn, col. 1070. Jean de Thessalonique, cité par le concile, avait dit aussi : · Les images que tu vois sont peintes pour rappeler la rédemption miséricordieuse de notre Sauveur Jésus-Christ,en indiquant la figurc(zpôoonov) 799 IMAGES (CULTE DES) de son Incarnation, et également les images des saints, qui indiquent les combats de chacun contre le démon, et leurs victoires ct leurs couronnes. Il n’est pas vrai, comme tu penses, que les chrétiens les divinisent ct les adorent, mais dans la ferveur de leur zèle çt dc leur foi. Ils contemplent les images des saints, en sc sou­ venant dc leur culte envers Dieu. · Mansi, L xm, toi. 168. Ccttc deuxième utilité, l’image la fournit d’une manière permanente. < Par clics (les images), dit le II· concile dc Nicéc, nous avons toujours le sou­ venir dc Dieu. La lecture n’cst pas toujours chantée dans les temples vénérables, mais la représentation par l’image y est comme une chaire, qui, le soir, le matin ct au milieu du jour, nous raconte ct nous pro­ clame la vérité dc cc qui s’est passé. » Mansi, t. xm, col. 361. Ccs deux utilités, Instruire ct rappeler, dc l’image lui sont communes, avons-nous vu, avec le discours et le livre. Les iconophilcs, au moyen de cc rappro­ chement, tirent un argument très fort dc l’emploi dc l’Écriturc sainte. SI l’on accepte l’Écriturc sainte, on doit aussi recevoir l’image sainte. Saint Jean Damas­ cene, dans sa division des Images, les place dans la mémo catégorie : « Le sixième genre d’image est celle qui est faite en mémoire des choses passées, soit d’un prodige, miracle ou action vertueuse, pour la gloire, l’honneur, la louange (στηλογραφ(αν) de ceux qui ont excellé dans la vertu, soit d’une action condam­ nable, pour l’opprobre ct la honte des méchants, et cul devient futilité dc ceux qui, dans la suite, la regarde­ ront : à savoir pour que nous fuyions les vices ct cher­ chions ά acquérir les vertus Or, celle image est dc deux sortes. Ou bien clic est tracée par le discours dans les livres (car la lettre est l’image du discours) ct c’est ainsi que Dieu a gravé la loi sur des tables cl a ordonné dc retracer par récriture la vie de ceux qui ont été scs amis, nu clic est perceptible par le simple regard, ct c’est ainsi que Dieu a ordonné dc placer dans l’arche l’urne ct la verge... Dc la même manière, maintenant, nous traçons avec amour les images des hommes qui ont été vertueux pour nous les rappeler cl nous exciter à les Imiter. > P. G., t. xav, col. 1341-1341. Le II· concile dc Nicéc presse le rapprochement : « Si les Pères ont transmis qu’il ne faut point lire f f vangile, lis ont transmis par là même qu’il nc faut point faire d’image; mais s'ils ont transmis la premiere chose, Ils ont par là même transmis la seconde. La représen­ tation par l’image reproduit la narration évangélique ct celle-ci développe celle-là, ct toutes les deux sont bonnes ct précieuses. Elles sc montrent l’une l’autre (αλλήλων δηλωτικά). » Mansi, t. xm, col. 2u9. Tout aussi catégorique est saint Nicéphore : « Qui reçoit l’Écriturc admet nécessairement aussi la représenta­ tion; s’il rejette l’une, il doit aussi rejeter l’autre. Et puisque tout le mystère dc l’anéantissement du Verbe est l’œuvre de la providence divine, ct qu’il a plu à Dieu de nous fxrc voir avec bonté, même en ccttc manière, les desseins de sa miséricorde; à cause dc cela, il a fallu aussi cc genre d'écriture, plus grossière ct néan­ moins plus claire, pour les gens simples ct frustes, afin que même les Illettrés rencontrassent ct apprissent par la simple vue ce qu’ils sont privés de connaître par la lecture ct ainsi reçussent jnc connaissance plus abrégée et plus claire des choses. Car, cc que Souvent l’esprit n’a pas saisi eu entendant les pannes, la vue, en le percevant d’une manière stable, l’a Interprété plus claircmc.it. On est donc ainsi conduit puis facile­ ment au souvenir dc cc que Jésus-Christ a fait ct souf­ fert pour nous, ct plus rapidement que par le déve­ loppement des paroles, pour autant que la vue est plus prompte que foule à connaître les choses ct à s'assurer de leur vérité. » Arüirrheticus, III, 3, P. G., t c.coL 380-381. 800 c) Dc la seconde utilité des Images, qui est dc faire vivement souvenir des bienfaits de Dieu ct des exem­ ples des saints, une troisième découle : les images excitent, nourrissent ct entretiennent la vie chrétienne et dévote : consolation de la piété, sentiments de recon­ naissance envers Dieu, d’admiration envers les saints, de désir de les imiter; cc sont tous avantages que procurent les images, par la façon vive dont elles nous représentent les mystèresde la religion ct les exemples dc la sainteté. C’est là surtout qu’apparaît leur supé­ riorité sur la parole, comme le dit saint Thomas (voir plus haut) ct comme avant lui le proclamait déjà la raison d’I lorace (ad Pisones) : Segnius irritant animos Immissa per aures Qunm quæ sunt oculis subjecta fidelibus... Pour exciter notre affection, nous aimons à avoir ct à contempler les images de ceux qui nous sont chers, le fils dc soi) père, l’épouse dc son mari, les sujets de leur roi ct l’ami dc son ami. Cette vue en effet ravive le sentiment en agissant sur l'imagination ct la mé­ moire. Le concile mentionne cette puissance d’émou­ voir en faisant relire la conversion d’une pécheresse à la vue d’une Image dc saint racontée par saint Gré­ goire de Nazianzc, Mansi, t. xm, col. 13, et aussi le passage où saint Grégoire dc Nysse déclare qu'il n’a jamais vu l’image du sacrifice d’Isaac sans en être touché jusqu’aux larmes. Après cette dernière lecture, Basile, évêque d’Ancyrc, fait la réflexion suiv^rle : « Souvent cc Père avait lu cette histoire, ct n’avait pas pleuré; mais quand il fa vue en peinture, il a pleuré. » Et Jean, prêtre ct moine, vicaire dc&.évêqucs orientaux, d’ajouter : · Si la peinture produit une telle utilité ct deslarmeschez cc maître, combien serat-elle plus utile aux ignorants ct aux simples. » Mansi, t. xm, col. 9. Nous avons tout le récit évangélique retracé dans les images, dit plus loin le concile, nous rappelant à la pensée dc Dieu ct nous comblant de Joie. Quand elles sont sous nos regards, le cœur dc ceux qui craignent Dieu se réjouit, leur visage s’épanouit, leur Ame passe dc la tristesse à l’allégresse ct chante avec David, l’ancêtre du Seigneur (Οεοπάτορος) : «Je me suis souvenu dc Dieu ct j’ai été comblé dc délices. » Mansi, t. xm, col. 260-26L Aussi le concile, pénétré dc ccttc puissance qu’a l’image pour exciter la dévo­ tion, la proclame-t-il dans son δρος : < Autant iis (Notrc-Seigneur ct les saints) sont fréquemment re­ gardés au moyen dc la reproduction dc l’image, autant ceux qui contemplent ccs Images sont excités au sou­ venir ct au désir des prototypes. » Mansi, t. xm, col. 377. Répondant à un iconoclaste qui demandait à quoi bon les images ct quel fruit on pensait en retirer, saint Théodore Studitc réplique : < Qui donc, mon ami, regardant attentivement une Image, à droite ct à gauche, sc retire sans en garder l’empreinte dans l’es­ prit, empreinte bonne, si l'image est bonne, honteuse, si l'image est honteuse, dc telle sorte que souvent, même à la maison, l’une excite la componction ct l’autre la passion. » P. G., t. xax, col. 1220. On aura plaisir à retrouver sous la plume d’un auteur mystique moderne de la plus haute autorité, sainte Thérèse, ce sentiment de l’utilité dc l’image pour exciter la dévo­ tion : « Savez-vous, dit-elle, en quel temps il est utile dc recourir à un tableau de Notrc-Seigneur, ct que je le fais moi-même avec le plus grand plaisir? C’est lorsque Je divin Maître s’éloigne dc nous, ct nous le fait sentir par les sécheresses où H laisse notre Ame. C’est alors une bien douce consolation d’avoir devant les yeux l’image du Bien-Aimé dc nos cœurs; je voudrais que notre vue nc pût sc porter nulle part sans la ren­ contrer Et quel objet plus saint, p’us fait pour charmerles regards, que l’image de celui qui a tant d’amour pour nous, qui est le principe ct la source de tous les IMAGES (CULTE DES) 301 biens? Oh! que malheureux sont ces hérétiques qui, i par leur faute, ont perdu ccttc consolation, ct tant d'autres! > Chemin de la perfection, c. xxxv, Œuvres, trad. Boulx, t. m, p. 256. Les Images sont un soutien, un stimulant pour la vie chrétienne. Exempla trahunt, surtout lorsqu ! 1s sont vus, ct l'image les fait voir : « Les images qu’ont les chrétiens, écrit saint Germain à Thomas dc Claudiopolis, des saints qui ont résisté au péché jusqu’au sang, selon le mot dc l’apôtre, qui ont été les serviteurs dc la parole dc la vérité, Λ savoir des apôtres ct des martyrs, ou encore de ceux qui, par une vie pieuse et la pratique droite des bonnes œuvres, sc sont montrés vraiment les serviteurs dc Dieu, nc sont pas autre chose pour nous qu’un exemple d’héroïsme, un modèle de vie sainte ct dc vertus, un stimulant ct une excita­ tion pour glorifier Dieu, h qui Ils ont plu dans la vie présente. · Mansi, t. xm, col. 113. « Je reproduis par la peinture, dit saint Jean Damascene, les vertus ct les souffrances des saints, parce qu’ils me sanctifient ct m’animent du désir de les imiter. > De imaginibus, orat, i, 21, P. G., t. xav, col. 1252. Longtemps aupa­ ravant, saint Paulin montrait cette valeur moralisa­ trice dc l’exemple vu dans l'image : 11 ajoutait têrne que le temps que les pèlerins de saint Félix passeraient à contempler les peintures dc sa basilique serait un temps dérobé aux bas plaisirs dc l’homme animal ct qu’ainsi s’insinuera la pratique ct le goût dc la tempé­ rance chrétienne. Sanctasquc legenti Historias, castorum operum subrepit honestas Exemplis inductu piis; potatur hianti Sobrietas, nimii subeunt oblivia vini. Dumquo diem ducunt spatic majore tuentes. Pocula rarescunt, quin per miracula tracto Tempore, jam paucm supersunt epulantibus horae. Poem., xxvn, 589-591, P. L., t. lxi, col. GG1. Pour finir ccs considérations sur rutili té des images, citons le concile dc Trente, qui les résume si bien : Illud vero diligenter doceant episcopi, per historias mysteriorum nostra redemptionis, picturis vel aliis similitudinibus expressas, erudiri ct confirmari popu­ lum in articulis fidei commemorandis et assidue reco­ lendis; tum vero ex omnibus sacris imaginibus magnum Iructum percipi, non solum, quia admonetur populus beneficiorum et munerum, quie a Chrislo sibi eollata sunt, sed ellam, quia Dei per sanctos miracula et salu­ taria exempla oculis fidelium subjiciuntur, ut pro iis Deo gratias agant, ad sanctorumque imitationem vitam moresque suos componant, cxcitcnturque ad adorandum ac diligendum Deum, ct ad pietatem colendam. Sess. XXV. Cavallcra, Thesaurus doctrina: catholica, n. 822. Après tous ccs avantages que procurent les images, on ne sera pas étonné que les théologiens orientaux, en particulier, leur aient attribué une sorte dc vertu sanctificatrice. Chez eux ccs effets sc produisaient à un haut degré. Cette vertu sanctificatrice nc réside pas dans la matière dc l’image, mais seulement dans son élément formel, la similitude avec le prototype. L’image opère ù la manière dc l’Évangllc, indirecte­ ment, simplement en étant connue, en mettant devant les yeux ct en gravant dans l’esprit les épisodes tou­ chants de 1*Évangile, les exemples des saints ct les augustes mystères du christianisme. < Les vrais fils de l’Église catholique..., dit le concile de Nicée, en contemplant par le sens dc la vue l’image du Christ ct dc sa sainte mère, qui est proprement ct véritablement notre souveraine, ct des saints anges ct dc tous les saints, sont sanctifiés, ct conforment leur esprit ù ccs souvenirs ct croient dans leur cœur à un seul Dieu pour être justifiés, ct le confessent dc bouche pour être sauvés : tout ainsi que ceux qui entendent l’Évangllc remplissent le sens dc l’ouïe dc sanctification ct dc DICT. DE TMÉOU CATIIOU 802 grâce ct comprennent dans leur cœur le récit des choses qui sont écrites. » Mansi, L xm, col. 249. 3. L’utilité des images est si grande qu’elle confine à la nécessité. Nous en avons pour ainsi dire besoin. Elles sont à la mesure humaine, proportionnées au mode humain dc connaissance, qui dépend du sensible, et des limites qu’imposent le temps ct la distance. Cf. S. Jean Damascène, De imaginibus, orat, in, 17, P. G., L xav, col. 1337. « Parce que nous sommes sen­ sibles, trouve-t-on dans une pièce anonyme qui ter­ mine la collection des Actes du II· concile dc Nicée, nous nc pouvons tendre aux choses intelligibles qu’au moyen dc symboles sensibles, soit par la contempla­ tion dc l’Écriturc, soit par la représentation dc l'image. Ainsi nous nous souvenons dc tous les prototypes et nous sommes introduits auprès d’eux. Nous percevons l’une par l’ouïe ct l’autre par les yeux; toutes deux, sans contredit, s’expliquent mutuellement et s’éclai­ rent l’une l’autre et reçoivent les mêmes honneurs. » Mansi, t. xm, col. 482. Dans la Vf· session, la vue des images est donnée comme appartenant à l’ensemble des moyens nécessaires pour acquérir la vertu. Ibid., col. 304. Cc besoin des images, saint Jean Damascène le proclame énergiquement à l’orgueilleux qui prétends’en passer : < Toi peut-être, tu es haut ct immatériel, et, t’élevant au-dessus du corps ct devenu sans chair, tu méprises toutcc qui sc voit; mais mol, je suis homme, entouré d’un corps; je désire, même avec mon corps, rencontrer ct contempler les choses saintes. Toi, qui es si haut, tiens compte dc ma petitesse ct garde pour toi ta sublimité. » De imaginibus, orat, i, Testimonia. P. G., t. xav, col. 1264. Même le parfait, selon saint Théodore Studitc, a besoin dc l’image, comme il a be­ soin du livre pour l’Évangllc. Epist., 1.11, epist. clxxi, P. G., L xax, col. 1537. 3° Objections et réponses. — L’hérésie iconoclaste est fille du monophysisme, et par là, du manichéisme. Cette dernière secte, que l’on retrouve si vivace dans l’histoire dc l’Église, professait qu’il y a deux principes, l’un bon, l’autre mauvais, deux mondes en lutte, d’un côté Dieu ct les esprits, et dc l’autre le mal ct les corps. La matière, unie à la divinité dans l’unité dc nature, tout en demeurant matière, cela parut inadmissible à cc dogme orgueilleux, qui par endosmose s’insinuait partout. Dc là, Arius, qui prétendit que le Christ n’était qu’une créature; Nestorius, qui enseigna qu’en lui 11 y avait union seulement accidentelle dc deux sub­ stances distinctes; Eutychès ct Dioscorc, qui sc refu­ sèrent Λ admettre en lui la permanence de l’élément humain; le monothélisme qui ne fut qu’un monophy­ sisme mitigé ou voilé; l’iconoclasmc enfin, qui mit en pratique le monophysisme ct repoussa toute réalisation matérielle du divin, opposant ainsi le monde corporel ct le monde spirituel. Saint Jean Da­ mascène note, à plusieurs reprises, cet esprit mani­ chéen dans l’erreur qu’il combat. Bien entendu, tout cet enchaînement n’est point formulé clairement par les iconoclastes, ct dans leur lutte contre les images, ils font flèche dc tout bols, mais c’est bien ce qui s’en dégage ù la réflexion. Ici, comme plus tard, chez les réformateurs, qui s’élevèrent contre le dogme de l’Église visible, nous rencontrons l’orgueil dc l’esprit qui, sans aucun secours humiliant, voudrait monter ù Dieu par ses propres forces ct devenir semblable au Très-Haut, et qui, pour étayer ses folles prétentions, trouve bons tous les arguments, même contradictoires. Voyons ceux que l’iconoclasmc présenta contre l’usage des images : d’abord ceux que l’on rencontre dans l’iconoclasmc oriental, puis ceux qu’y ajoutèrent les théologiens protestants dc la Réforme. 1. Objections des anciens iconoclastes. — a) La pre­ mière objection ct la plus fréquente chez les iconomaques dc tous les temps est celle tirée dc la prohiblVIL --26 803 IMAGES (CULTE DES (Ion contenue dans le Décalogue : « Tu ne te feras pas d’image taillée ni aucune figure dc cc qui est en haut dans le ciel, ou dc cc qui est en bas sur la terre, ou dc ce qui est dans les eaux au-dessous delà terre ». Exod., xx, 4. Le contexte montre clairement que la défense n’est point absolue, mais ne concerne que les images destinées à être adorées comme des divinités ; l’Écriture ajoute en effet immédiatement : « Tu ne te proster­ neras point devant clics et tu ne les serviras point Car je suis Jahvé ton Dieu », etc., v 5 ; c’est cc qu’indi­ quent aussi les passages parallèles, Lev., xxvn, 1 ; Dcutj vn, 13 sq.; Ps. xcvn, ct les circonstances histo­ riques de cette prohibition : le peuple juif sortait d’Egypte, où il avait vu des idoles dc tout genre, ct le premier soin devait être dc le mettre en garde contre tout retour à l’idolâtrie. Voir col. 624-625. Du reste, Dieu lui-même fit faire des images : aurait-il établi des choses contraires? τί ουν νομοθετεί τά έναντία; Telle est la réponse qu’ont faite aux iconoclastes les défenseurs des images, saint Jean Damascènc, De imaginibus, oraL i,15, P. G., t. xav, col. 1211; orat. I n, 7-9, col. 1288-1293: orat. nr, 7, 9, col. 1325-1328, 1329; le concile dc 787, Mansi, t. xm, col. 281-285; S. Théodore Studitc, Antlrrheticus, I, 5, P. G., t. xax, col. 333· ct à supposer que Dieu eût fait une défense positive d’avoir des Images, ce qui ne pouvait être qu’à cause du penchant naturel des Juifs à l’ido­ lâtrie, par suite, cc frein n'avait plus sa raison d’être pour les chrétiens, à jamais délivrés dc cette grossière erreur par l'incarnation du Fils de Dieu. S. Jean Damascènc, De Imaginibus, orat t, 8; m, 8, P. G., t. xav, col. 1237,1328. Outre l’autorité dc l’Écriture, les iconomaqucs ont recherché celle des Pères. Comme ils ne trouvaient point assez chez eux, ils abritèrent de leur nom cer­ taines pièces rédigées dans cc but II n’y a évidem­ ment qu’à négliger ces fact unis. Quant aux textes authentiques allégués par eux, Il serait trop long dc les rapporter par le menu ct d’en faire le commentaire. Qu’il suffise dc noter premièrement que ces textes sont bien souvent isolés du contexte, comme le remarque le concile, sess. VI : « C’est le propre des hérétiques de lancer des témoignages tronques, » Mansi, t. xm, col. 301; ensuite, que les passages invoqués ont géné­ ralement une portée autre que celle que lui prêtent les iconomaqucs, comme, par exemple, celui d’Amphlloquc d* Iconium :ούχρήομεν τούτων (images des saints), άλλα την πολιτείαν αυτών δ’.’ αρετής έκμιμείσύαι, Mansi, ibid., qui veut dire, comme l’indique tout son discours, que c’est en vainque l’on fait des images des saints si l’on n’imite leurs vertus; ct enfin que, si quelques Pères anciens, comme Clément d’Alexandrie, ont pensé que la prohibition du décalogue avait une portée absolue, il la faut restreindre à Γ Ancien Testa­ ment, et qu’en tout cas, l’autorité d’un ou de quelques docteurs doit s’effacer devant la doctrine commune des Pères et la pratique générale et constante de l’Églisc. b) Une autre objection concerne V image de Jésus· Christ. C’est le point central de la controverse. Les Iconomaqucs accusent ceux qui font des images d’être nestoriens, parce que, peignant l’humanité, ils la sé­ parent de la divinité, ct d’être monophysites, parce qu’en prétendant peindre Jésus-Christ, qui est Dieu, ils circonscrivent la nature divine ct commettent le crime de la confondre avec la nature humaine. Cette double accusation n’est point formulée seulement à la façon d’ua dilemme, quoiqu’on la trouve aussi sous cette forme, Mansl, t. xm, col. 257-260, clic n’est point seulement disjonctivc, main encore copulative. Mansl, t. xm, col. 241, 214, 340-341. Le concile ne manque pas dc relever cette contradiction flagrante : < O contes inconsidérés et dignes de vieilles radoteuses î ô mensonge caché! Dc nouveau, Ils trouvent bon de 804 s’arrêter aux mêmes Inepties. Car, ou Ils Ignorent l’opposition des hérétiques qu’ils ont énumérés, ou Ils se plaisent délibérément dans un vain bavardage... Il est donc clair que c’est témérairement ct en vain qu’ils accusent l’Églisc dc Dieu, disant tantôt qu’elle s’unit à Ncstorius, impie qui divise (le Christ), parce qu’elle peint l’incarnation du Seigneur, ct tantôt qu’elle s’unit à Eutychès ct à DIoscorc, crimi­ nels qui confondent (les natures)... Si nous accordons que l’Églisc, comme ils disent, suit Nestorius, Ils men­ tent en l’accusant dc penser avec Eutychès et Dloscore ; si, au contraire, nous accordons que son sentiment est celui d’Eutychès ct dc Dioscore, là encore on les trouve à mentir, car, comme on l’a montré, Nestorius ct Eutychès sc combattent dans leur Impiété, ct le raisonnement de ceux-là (les iconoclastes) est sans raison ct hors dc propos. » Mansl, t. xm, col. 241-244. A l’accusation de nestorianisme, le concile répond par l’affirmation dc sa doctrine christologique ct par l’imperfection essentielle de l’image artificielle, que nous avons signalée plus haut en étudiant la notion dc l’image. < Dc nouveau, ils énoncent seulement ct ne prouvent pas. Comment celui qui peint l’image du Christ établlt-’l Ncstorius? Nestorius introduit deux Fils : l’un, le Verbe du Père, ct un autre, né delà Vierge. Mais les vrais chrétiens confessent un seul ct même Fils, Christ et Seigneur, ct, quand ils peignent une image scion que le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous, homme parfait, ils agissent selon la raison, car Dieu le Verbe a été circonscrit par la chaircn venant à nous; mais cependant personne n’imagine dc pein­ dre sa divinité... L’image n’est pas semblable selon la nature (κατά την ούσίαν) au prototype, mais seulement selon le nom ct selon la position des membres exprimés (κατά τό δνομα καί κατά τήν Οέσιν των χαρακτηριζομένων μελών). Et en effet, lorsqu’on fait l’image d’un homme quelconque, personne ne cherche son âme dans l’image, ct cepen­ dant il y a une distance infinie entre l’âme hu­ maine ct la nature divine, car celle-ci est incrééc, créa­ trice ct éternelle et celle-là est créée ct temporelle, et faite par l’autre. Et aucun dc ceux qui ont le sens bon ne pense, en voyant l’image d’un homme, que le peintre a séparé l’homme dc son âme; car l’image n’est pas seulement privée d’àmc, mais dc la substance même (ούσίας) du corps, je veux dire dc chairs, dc muscles, d’os ct d’éléments, c’est-à-dire de sang, dc phlcgme, d’humeur ct dc bile; le mélange (σύγκρασιν) dc ces choses ne sc peut voir dans l’image. Si, en effet, on voyait tout cela dans l’image, nous l’appellerions un homme et non pas l’image d’un homme. » Mansl, t. xm, col. 241-214. Cf. Ibid., col. 314. Il suit dc là que c’est bien Jésus-Christ qui est peint dans l’image, malgré que sa seule humanité y soit reproduite. « Pierre ct Paul, dit encore le concile, sont vus en peinture, mais leur âme ne parait point, puisque, même quand le coqjs de Pierre est présent, on ne volt pas son âme, ct parce qu’on ne la voit point, qui dira, parmi ceux qui suivent la vérité, que la chair de Pierre a été séparée dc son âme, si cc n’est par la considération seule­ ment (κατ’ έπίνοιαν μόνον )? Qui dira, à plus forte raison, que la nature incirconscriptiblc du Verbe de Dieu a été séparée dc la chair circonscrite qu’il a prise? s Mansi, ibid., col. 261. En résumé, dc même que, quand on peint un homme, on ne peint pas son âme, mais seulement son corps dans scs accidents extrinsèques ct que cela suffit pour que l’image repré · sente un homme ayant une âme; dc même, en pei­ gnant le Christ, on ne peint point sa divinité, mais seulement son humanité; mais parce que la divinité est jointe indissolublement à l’humanité, l’image que nous avons est bien l’image de Jésus-Christ, à savoir d’un homme qui est Dieu, dc l’Hommc-Dleu. Aussi, 805 IMAGES (CULTE DES) 806 saint Théodore Studitc, a pu dire : El γάρ άνθρωποςapparu mortel, demeurant Dieu par nature. Celui καί είκονίζεται δηλονότι·... cl οέ ούκ είκονίζεται· qui ne veut pas le regarder ainsi professe par là qu’il ούκ άνθρωπος* άλλα άσαρκος· καίούπωήκε Χριστός. ne s’est incarné qu'en apparence. > P. G., L xax, Epist,1. Π, epist. xxî, P. G., t. xax, col. 1181, ct col. 1792,1793. De telles gens, dit-il ailleurs, sont des encore plus énergiquement : Χριστός ού Χριστός, άρνεσίχριστοι, par là même qu’ils renient son image. cl μή έγγράφοιτο. Epist., 1. Π. epist. xxxvn,col. 1225. EpisL, 1. II, epist. cav, P G.t t. xax, col. 1621. Contre l’accusation de monophysisme que, par 2. Objections des réformateurs. — a) Comme leurs de­ une inconséquence piquante, les Iconomaqucs adres­ vanciers, ils en ont appelé à l’Écriture c taux Pères. Les sent aux iconophiles, le concile proclame encore la observations faites plus haut à ce sujet leur sont pareil­ distinction des natures en Jésus-Christ avec leurs lement applicables. Mais de plus, Ils ont cherché si propriétés respectives dc · circonscription » et d'< in- quelque concile ne s’était point prononcé contre l’em­ circonscriptibilité » ct, par suite, la légitimité de ploi des images. En dehors des conciles iconoclastes l'imago qui reproduit le Sauveur selon celle dc scs dc Léon l’isauricn (726) ct de Constantin Copronymc deux natures qui est circonscrite. · C’est selon la nature (753), que certains ont eu l’impudeur d’opposer, Cendans laquelle il a été vu que les chrétiens ont appris turiateurs de Magdebourg, 8· centurie, les protestants à peindre son image, ct non selon celle en laquelle 11 est ont généralement invoqué le concile de Francfort (794) Invisible, car elle est incirconscriptible. Le Christ étant ctsurtoutleconcilcd*Elvire(305ou 306). Le 2* canon peint selon son humanité, il est clair que... les chré­ du concile dc Francfort ne s’occupe que du culte et tiens confessent que l'image qu'ils voient ne ressemble nous avons vu cc qu’il en faut penser. Nous n’y re­ au prototype que par le nom ct non par la nature. viendrons plus. Le 36· canon du concile d’Elvire porte sur l’usage même : Placu it p icturas inecclesia esse non Cc sont eux qui, devenus Insensés, disent qu’il n’y a aucune différence entre l'image ct le prototype ct debere ne quod colitur et adoratur in parietibus depin­ gatur. Mansl, L n, col. 11. Bien des interprétations ont jugent qu’en des natures diverses il y a la même nature. Qui ne raillerait leur ignorance, ou plutôt ne pleure­ été données de cc canon. Voir Mansi, ibid., coL 33-34, 46. Même en le prenant dans le sens rigoureux, on rait sur leur Impiété?... La nature divine est au-dessus n’a pas le droit d’en faire une décision doctrinale, mais de toute circonscription, mais la nature humaine est seulement une décision disciplinaire dont la raison circonscrite ct aucun de ceux qui ont l’esprit bon, en disant que la nature humaine est circonscrite, ne cir­ doit être cherchée dans les circonstances historiques. conscrit par elle celle qui est incirconscriptible. Et en Cf. Elvire, L iv, col. 2383-2385. Et en mettant les effet, lorsque le Seigneur, selon qu’il était homme par­ choses au pire, un concile particulier ne saurait pré­ fait, était en Galilée, il n’était pas en Judée, ct il l’affirme valoir contre l'usage constant ct la pratique commune en disant : · Allons en Judée do nouveau; · et quand de l’Églisc. b) Une autre objection qu’on ne trouve point chez il parlait dc Lazare à scs disciples, il leur dit : « Je me réjouis pour vous, parce que je n’étais pas là ; · mais les anciens Iconomaqucs, nous en dirons plus loin la selon qu’il est Dieu, il est en toutlicu de sadomination, raison, concerne l'emploi des Images pour représenter demeurant dc toute manière incirconscriptible. Com­ les anges ct surtout Dieu. On ne peut rcprèsentcrce qui ment donc, par des paroles vaincs ct futilcsct donnant n’a point dc corps, et vouloir le représenter, c'est agir comme les païens, qui avalent une Idée toute matérielle libre cours à leur langue intempérante, disent-ils que de la divinité. Nous avons déjà dit qu’il y a plusieurs le peintre a circonscrit, comme il a plu à sa folie, la divinité Incirconscriptible par la circonscription de la manières dont un peintre ou un sculpteur peut pré­ chair? Si, quand il était couché ct enveloppe dc langes tendre représenter Dieu. En dehors de toute Intention dans l’étable, la nature de sa divinité a été circonscrite païenne, on peut représenter Dieu en lui prêtant par par la nature de son humanité; ct pareillement, si, sur métaphore des conditions matérielles et sensibles la croix, la nature dc sa divinité a été circonscrite par qu’il n'a pas. On sc sert dc ces sortes d’analogies dans la nature dc son humanité : alors aussi, dans l’image le langage, quand, par exemple, on parle dc l’œil ou dc la main de Dieu. Pourquoi ne le pourrait-on pas que l’on a tracée dc son humanité, te trouve en même temps circonscrite la nature incirconscriptible de sa en peinture et en sculpture? Quant aux anges ct aux divinité; mais si cela n’a pas eu lieu, ceci non plus au­ personnes dc la sainte Trinité, nous les représentons cunement. ■ Mansi, l.xm,col. 252-253. Saint Théodore sous la forme où l’Écriture nous montre qu’ils ont Studitc a longuement développé la même doctrine, An- apparu ct non pour reproduire leur nature. Nous re­ (irrheticus, 111, c. i, n, P. G.,t. xax, col. 389-420; Hpo- viendrons plus loin sur cc sujet c) I.es protestants Insistent et disent que cette ma­ βλήματά τινα πρδς είκονομάχους, ibid.,col. 477-185, ct nière dc peindre Dieu ct les anges Induit les simples l'a condensé en des vers d’une précision remarquable : en erreur. La Bible elle-même devrait alors être dé­ Ώς μέν γάρ απλούς, ού περιγραφήν έχει. fendue, car elle est pleine dc ces métaphores qui nous Θεός γάρ έστι, παντός έξωθεν τόπου. rendent sensibles les perfections divines. Mais 11 y a *Ως ένδυθείς δέ την καθ’ ημάς ούσίαν, pour expliquer les images, comme pour expliquer la Άνθρωπός έστι, συνΟέσς γεγρα^μένος, Bible, le magistère dc l’Églisc. Le concile dc Trente ne Έχων άφύρτως Οάτερον κατ’ ουσίαν, nie pas, il semble supposer même, que les simples Ύποστάσι μιφ τε συντεθειμένος. livrés à leur propre sens seraient facilement trompés par dc telles Images, mais à cause des avantages que • En tant qu’il est simple, il n’a point dc contours, car 11 est Dieu, en dehors dc tout lieu. En tant qu’il a procure leur droite compréhension, Il ne les condamne revêtu une nature comme la nôtre, il est homme, ct a point. 11 enjoint seulement aux évêques dc veiller à ce été peint Λ cause dc ses parties; ayant sans mélange que le vrai sens en soit expliqué aux fidèles. chacune des deux natures, il n'est constitué que d'une d) L’emploi des images chez le peuple chrétien et dans les églises peut donner lieu à des inconvénients d’ordre seule personne. > moral. Car, non semel (ales imagines generant turpes Et aussi : affectus ct sunt incentivum luxarite. Que des abus puis­ Ό Χριστός έστι τη γραφή δεδειγμενος, sent sc glisser dans la confection ct l'emploi des images ΈχεΙ βροτός πέφηνεν, ών θεός φύσει. religieuses, qui le niera? Les sacrements institués par *0 μή γάρ αύτώς προσβλέπειν αυτόν Οέλων Notre-Scigneur ne sont-ils pas profanés parfois par Φαντασματωδώς σωματοΰσΟαι προσλέγει. d’abominables sacrilèges? Faut-Il, à cause des abus, Le Christ est montré par la peinture, puisqu'il est supprimer l’usage, surtout lorsque, comme c’est le cas, 807 IMAGES (CULTE DES) Il en est si facilement séparable. Abusus non tollit usum. Oui certes, Ton peut rencontrer des images de NotreSeigneur, de La sainte Vierge et des saints qui man­ quent de dignité religieuse ct qui portent à des pensées mondaines plutôt qu’à de pieux souvenirs. La conclu­ sion directe cn est que ccs images-là seulement doi­ vent être supprimées et prohibées, ct non point les autres. Et de fait, l'Églisc les a condamnées ct elle veille, suivant son pouvoir, à cc que les images pro­ posées à l’usage ct à la vénération des fidèles soient chastes, dignes et leur inspirent vraiment le respect ct la piété. Voir le Décret du Saint-Office, du 30 mars 1921, prohibant les images d’un nouveau genre qui sont reproduites dans La Passion de Noire-Seigneur Jésus-Christ, par C. Verschaevc, Bruxelles, Paris, 1920. Ada aposlolicœ sedis, 4 avril 1921, p. 197. e) Calvin accepte bien que l’on représente des scènes historiques qui relatent les actions vertueuses des saints, mais il ne veut point que l’on fasse des images de personnages Isolés. D’abord, quel inconvénient y a-t-il? Ensuite, s’il est utile de nous remettre sous les yeux des actions vertueuses, il est pareillement utile de nous rappeler les saints qui les ont accomplies, Indépendamment de telle ou telle action déterminée, ct seulement avec la pensée générale de leur héroïsme sur la terre ct de leur triomphe dans le ciel. Si cc sou­ venir est utile, pourquoi ne pas l’aider par l’image du saint, mémo représenté isolément? Du reste, assez souvent, les saints sont représentés dans une attitude ou avec un attribut qu! rappelle un souvenir plus précis. Le lis de saint Joseph nous parle de sa virginité ct le gril de saint Laurent nous fait penser à son martyre. De plus, si, comme on le verra plus loin, le culte de l’image est raisonnable, si l’honneur qu’on lui rend rejaillit sur le prototype, cela suffit à légitimer toutes les images, celle qui nous représente isolément une personne sainte, comme celle qui nous la montre accompliss int une action vertueuse. C’cst à la personne en effet que s’adresse l’hommage, et non à l’action. ZZZ. LEGITIMITE DU CULTE DES IMAGES. — 10 No­ tions sur le culte ctlaproskynèse. — l.Le culte. — Le culte est la reconnaissance, l’aveu fait de plein gré de l’excellence supérieure que l’on reconnaît cn quel­ qu’un ou quelque chose. Le culte religieux est la re­ connaissance d’une excellence surnaturelle. Comme cn Dieu sc trouve la plénitude infinie et la source de toute excellence surnaturelle ct qu’il lui a plu de la répandre sur des créatures, c’est à lui, tout d’abord, qu’ira le culte religieux, puis, à cause de lui, à ceux qu’il a daigné sanctifier ct glorifier. Tout le culte chrétien commence donc à Dieu et finit à Dieu. C’est lui qui est vraiment et proprement l’objet du culte. Les créatures qu’il a associées à sa félicité ne le sont que relativement, comme disent les anciens Pères, σχετικώς. Cf. Pctau, op. cil., t. vi, I. XV, c. v. Et, comme le dit si bien Thomassln, prader ipsum non colitur quod propter ipsum colitur. De incarnatione, L Xl, c. î, n. 9, Venise, 1730, p. 731. Charitatc, non servitute, dit saint Augustin, De vera relig., c. lv, P. L., t. xxxiv, col. 170. Ainsi le culte ne convient cn propre qu’à Dieu, ct c’cst donc dans ce sens qu’il faut entendre les paroles des Pères, quand ils disent qu’il n’y a pas de culte que de Dieu seul Ille solus colendus est, dit saint Augustin, quo solo /ruens, beatus fit cultor e/us, et quo solo non fruens, omnis mens misera est, qualibet re alia per/ruatur. Contra Faustum, 1 XX, c. v, P. L., t. xut, coi. 371. Le nom de culte, pouvant s’appliquer à Dieu ct à la créature, est donc, comme celui d’excellence, dont Il est la reconnaissance, un nom de signification large, ou, comme disent les scolastiques, analogue. La doc­ trine aristotélicienne ct thomiste de l’analogie, dont l’importance s’est avérée si grande dans l’apologétique 808 ' antiinodcrnlsle, trouve une application de plus dam la question qui nous occupe. Parce que la nature divine est d’une excellence, d’une dignité infinie, à côté de laquelle celle de toute créature est non point seule­ ment chétive, mais nulle, on devra dire que le culte, testification d’excellence, devra lui convenir en propre; lui seul est adorable par nature, dit saint Jean Damascène, μόνω τφ φύσει προσκυνητφ Οεφ, De imagini­ bus, orat, i, 14, P. G., t. xav, col. 1244; ct parce que la créature, dont l’origine est le néant, n’a d’excel­ lence que de la main toute-puissante ct libérale de Dieu, elle ne pourra avoir de culte que par participa­ tion, à cause de ce rapport qu’elle a avec le Premier Excellent, σχετικώς. .Mais il faut remarquer ici qu’il y a deux sortes de σχέσις ct que les êtres qui reçoi­ vent d’un premier analogué une appellation dérivée sont dam un double cas. Certains, cn effet, possèdent cn eux-mêmes la forme qui les dénomme, diverse sam doute (simpliciter diversa) de celle qui est dans le suprême analogué, mais propre ct proportionnée à leur capacité. Ainsi l’homme est Intelligent ct libre parce qu’il a vraiment ct proprement cn lui les formes qui le dénomment ainsi, à savoir l’intelligence ct la liberté, mais elles sont imparfaites et dans un ordre tout à fait inférieur (simpliciter diversa) si on les compare à l’intelligence ct à la liberté divines, dont elles sont une faible participation. D’autres objets sont privés de la forme qui sert à les nommer ct ne reçoivent le nom analogue que parce qu’ils regardent la forme qui est dans le principal analogué. Ainsi, pour employer l’exemple classique, l’air, la nourriture, le teint, le pouls, le régime ne sont dits sains que parce qu’ils sont causes ou indices de la santé qui est dans un vivant ct non point parce qu’ils ont la santé, qua­ lité qui ne peut appartenir qu’à une substance vivante. Appliquons ces considérations au culte religieux. Cc culte n’est dû ct ne sc rend cn propre qu’à Dieu, plé­ nitude, source infinie de toute sainteté. Il sc rend aux créatures par analogie. .Mais les créatures raisonnables, anges ct hommes, ayant cn elles-mêmes la perfection qui motive le culte qu’on leur donne, à savoir la sain­ teté, participation de la sainteté divine, sont dites ct sont vraiment saintes subjective, ct par suite sont l’objet d’un culte dans un certain sens absolu; les créatures Irrationnelles, temples, reliques, Images, vases sacrés, etc., n’ayant point en elles-mêmes la forme qui les dénomme, mais ayant seulement relation à un être qui possède cette forme, étant dites saintes, non parce qu’elles possèdent la sainteté, mais parce qu’elles ont appartenu à des saints, ou les représen­ tent, ou bien sont dédiées au culte du Dieu Très-Saint, n’auront qu’un culte purement relatif. Ainsi, seul, le culte de Dieu est parfaitement absolu; celui des saints n’est point absolu, si l’on veut dire par là qu’il ne sc rattache à rien de supérieur; mais il est absolu, si l’on entend par là que l’on reconnaît cn eux non point seulement une pure relation, mais vraiment une forme ou perfection qui leur appartient ct pour laquelle ils méritent qu’on les honore ct glorifie cn eux-mêmes, ct, dans un sens subordonné, pour eux-mêmes; enfin, celui des objets Inanimés est purement relatif. En plus du terme commun qui sert à les désigner tous, chacun des analogues a généralement un nom particulier qu’il ne communique pas aux autres. • Culte · est le terme analogue qui englobe toute < testification d’excellence ». Il faudra d’autres noms pour préciser cc qui est dû à telle ou telle excellence. Il en faudra un surtout pour distinguer le culte que l’on doit à Dieu de celui que l’on doit à des créatures. Le cuit» propre à Dieu a reçu le nom de latrie, qui veut dire service, Ici soumission absolue et dépendance sans réserve vis-à-vis du souverain Maître. C’est l’ado­ ration au sens ordinaire du mot français. Celui que 809 IMAGES (CULTE DES) l’on rend à des créatures Intelligentes a reçu celui de dulie, qui veut dire service aussi, mais que l’usage a restreint à signifier l’honneur que l’on rend à une créa­ ture, non pas à cause de la dépendance, mais à cause de la charité, non servitute sed charilate. « Nous véné­ rons (προσκυνούμε) les anges, mais nous ne les servons pas (ού λατρεύομεν) », dit saint Anastase, patriarche d’Antioche, tant de fols cité dans le concile de Nicéc. Que nous ne devions la latrie qu’à Dieu seul, cela apparaît de cc que nous n’avons l’être que de lui, ct que de lui seul nous pouvons avoir notre félicité. II n’y a rien d’intermédiaire en ciTet entre l’ûm raison­ nable ct Dieu, car il n’y a que la vue de Dieu, vérité immuable qui puisse la béatifier. Les autres créatures sont ou à côté ou au-dessous; à côté,les anges,heureux de la même source;au-dessous, la nature inanimée. Le culte donné aux objets inanimés prend un nom particulier dans le concile, c’cst la τιμή, l’honneur, le respect. On les honore ct respecte parce qu’ils disent rapport à Dieu ou aux serviteurs de Dieu. « Ceux qui disent qu’ils ont de l’honneur (τιμάν) pour les images et leur refusent la vénération (προσκύνησις) sont convaincus d’hypocrisie », dit Taraisc au concile de Nicéc. Mansi, op. cit., t. xm, col. 5G. Λ noter que, si la latrie ne sc dit que de Dieu, la dulie peut sc dire aussi de Dieu, ct la τιμή des saints et de Dieu. Mais pour les Images ct autres objets inanimés, on ne dit que τιμή, pour les saints que τιμή ct δουλεία ct pour Dieu τιμή, δουλεία ct λατρεία, cette dernière expression étant réservée à son cuite. Notons aussi que le terme de dulie, n’a été déterminé à signifier le culte des saints que plus tard, ct procède de la distinction que saint Augustin a remarquée dans l'Écriture entre le service dû à Dieu (λατρεία) ct celui que l’on rend aux créatures (δουλεία). 2. L'expression du culte. — Le culte ne sc termine pas dans le cœur, il s’épanche, il éclate au dehors. En tant qu’il est dans l’ûme, c’est le culte intérieur; l’ex­ pression sensible de l’hommage intérieur s’appelle culte extérieur. Le culte total est constitué des deux, mais de telle sorte que l’acte extérieur n’a sa valeur que de l’acte intérieur. Le signe ordinaire, l’expression habituelle du culte ct de tout hommage est l’inclina­ tion, le fléchissement du corps. Chez les Orientaux, cette inclination se faisait jusqu’à terre ct s’appelait προσκύνησις, à proprement parler, prostemement accompagné d’un baiser. On ne peut le traduire par adoration qu’en prenant cc mot dans le sens plus large qu’il a cn latin. Si nous le faisons quelquefois, c’cst cn l’accompagnant du mot grec pour cn préciser le sens. Cc mot de proskynèse peut être pris dans le sens de culte, mais strictement il signifie l’expression du culte. Saint Jean Damascènc le définit : · indice de soumission ct d’honneur, marque de soumission, c’està-dire d’infériorité ct d’humilité, · De imaginibus, orat, i, 14 ; ni, 27, P. G., t. exiv, col. 1244, 1348. Ana­ stase d’Antioche, cité parle II· concile de Nicéc, avait donné cette définition : « expression de l’honneur, du respect. » Mansi, t. xm, col. 5G. , Comme le culte dont clic est le signe, la προσκύνησις n une signification large ct analogue. Elle peut s’ap­ pliquer à tout culte civil ou religieux. De sol indéter­ minée, c’cst le sentiment intérieur d’où clic procède qui lui donne sa signification précise, qui fait qu’elle est λατρευτική ou τιμητική, une vraie adoration ou simple honneur. C’est cc que les défenseurs des Images ont eu soin de faire remarquer ct pourquoi Ils ont établi tant de modes do proskgnèses, dont le premier est toujours celui qui sc donne à Dieu selon la latrie, De imaginibus, orat. iu, 28, P. G., t. xav, col. 1348. Cf. S. Nicéphore, Antirrheticus, III, 10, P, G., t. c, col. 392. Le concile déclare expressément que cc n'est pas la même chose que προσκυνεΐν ct λατρεύειν, et 810 base celte distinction sur le texte de Γ Évangile : κύριον τδν Θεόν σου προσκυνήσεις, καί αύτω μόνω λατρεύσεις, où il note que μόνω n’est employé que pour le mot λατρεύσεις. Matth., iv, 10. Mansi, t. xm.col. 5G. Comme on a distingué un culte propre à Dieu, qui est celui de latrie, on a institué aussi pour ce culte un signe, une action extérieure qui lui est propre ct qu’on ne peut employer dans le culte des créatures. « Cette action, c’est le sacrifice où on lui ofire quelque chose avec des cérémonies qui marquent expressément qu’il est le seul de qui tout dépend. Celte action, du consen­ tement de tous les peuples, est réservée à la Divinité... Telle est la nature du sacrifice, qu’il attribue toujours la divinité à celui à qui on l’ofire. > Bossuet, Le culte dû ά Dieu, vm. Multa denique de cultu divino usurpata sunt, dit saint Augustin, quœ honoribus deferuntur hu­ manis, sive humilitaie nimia, sive adulatione pestifera : ita tamen, ut quibus ea deferuntur, homines haberentur, qui dicuntur colendi et honorandi, si autom eis multum additur, et adorandi; quis vero sacrificandum censu it, nisi ei quem Deum, aut scivit, aut putavit, aut finxit. De civitate Dei, 1. X, c. iv, P. L., t. xu, coL 281. Saint Germain, cité par le concile, donne aussi le sacrifice auguste des chrétiens comme la marque propre de la latrie. Mansi, t. xm, coL 120. Et même ce mot latrie I était employé anciennement pour désigner ces divins mystères eux-mêmes. Voir, par exemple, S. Épiphanc, lixr., 1. III, c. n, 22, P. G., t. xui, col. 828. On voit donc, par cc qui précède, cc qu’il faut en­ tendre par le culte que les catholiques rendent aux images, comment il sc distingue de celui qui sc rend aux personnes, et surtout à Dieu lui-même. Cela suffit pour le moment. Nous verrons plus loin les sentiments divers des théologiens sur la nature du culte à rendre aux images. Il est temps de faire voir comment l’Églisc expose son dogme, le légitime ct le défend. 2° Doctrine de ΓÉglise. — C’est Ici le fieu de repro­ duire les principaux documents qui contiennent la doctrine officielle de l’Églisc ct que nous n’avons fait qu’indiquer à propos de l'usage des images. 1. La définition du concile de Nicéc (787) : • Nous décidons avec toute exactitude ct soin de rétablir, semblablement ù la figure de la croix précieuse et vivifiante, les saintes ct vénérables images, faites de couleurs, de mo­ saïques ou de quelque outre matière décente, dans les églises de Dieu, sur les vases ct les vêtements sacrés, sur les murs ct les planches, dans les maisons ct sur les che­ mins : Λ savoir l’image de Jésus-Christ, notre Seigneur, Dieu ct Sauveur, celle de notre souveraine immaculée la sainte mère de Dieu, des anges honorables ct de tous les pieux et saints personnages, car plus on les regarde longuement à travers la représentation de l'image, plus ceux qui les contemplent sont excités nu souvenir ct au désir des pro­ totypes; de leur rendre salut cl adoration d'honneur (τιμητικήν προσχύνησιν): non pas certes la latrie véritable qui provient de la foi et qui ne convient qu’à Dieu, mais l'honneur que l'on donne Λ la figure de la croix précieuse et vivifiante, aux saints Evangiles et aux autres objets sacrés ; d'approcher d'elles de l'encens ct des lumières, comme c'était la pieuse coutume des anciens. Car l’honneur témoi­ gné à l’image passe au prototype ct celui-là qui vénère l'imago vénère la personne qu’elle représente... Si donc il cn est qui ont la témérité de penser ou d’enseigner autre­ ment, de mépriser à la façon des hérétiques impies les tra­ ditions ecclésiastiques, de méditer quelque nouveauté ou de rejeter quelqu'une des choses consacrées par l’Eglise, Évangile, figure do la croix, représentation par l’image ou reliques de martyr; ou de travailler avec fraude et fourberie à détruire quelqu’une des traditions légitimes de 1*Église catholique; ou encore d'employer à des usages profanes les vases sacrés ou les saints monastères : ils seront déposés s’ils sont évêques ou clercs, ct excommuniés, s'ils sont moines ou Iniques. » Mansi, Concit., t. xin.col. 377-380. lui définition proprement dite comporte trois déci­ sions : a. La première concerne l’usage des saintes images. 11 faut les admettre comme on admet la croix 811 IMAGES (CULTE DES) 812 (παφχπλησίως). Les Images dont II s agit sont celles de tum Euangeliorum liber atque typus prettosæ cruels. Notre-Scigncur, dc la sainte Vierge, des anges et Denzinger, n 137 ,p 155. Cc cuite est conforme à la des saints. On ne parle point des images de Dieu le raison, secundum congruentiam rationis, et repose sur Père ou dc la sainte Trinité, b. La deuxième décision une tradition très ancienne, et antiquissimum tradiconcerne le culte des images. Un culte leur est dû, I tionem. mais bien compris et contenu dans dc justes limites. 4. Le concile dc Trente s'est occupé des Images Le concile vise avant tout à le distinguer dc celui que dans sa XXV· session. Le décret qui les concerne l’on doit à Dieu. La grande accusation des Iconoma- comprend trois parties : la première précise le culte, ques était en effet que I’Église rendait aux images des la seconde en explique l'utilité, la troisième en règle honneurs divins. A noter ici que le même genre dc disciplinairement l’usage. Nous donnons ici la pre­ culte est adressé à toutes les images et qu’à toutes, mière partie et un fragment de la troisième, qui a un même celles dc Jésus-Christ, on refuse la latrie, c. La Intérêt doctrinal. troisième décision légitime certaines marques d’hon­ Imagines porro Christi, Deiparas Virginis el aliorum neur adressées aux images, comme dc les encenser et sanctorum tn templis purserUm habendas et retinendas, dc mettre des lumières auprès d'elles. Le tout est eisque debitum honorem et venerationem impertiendam, non couronné par le grand principe dc l’honneur relatif, quod credatur tnesse aliqua in iis divinitas vel virtus propter énoncé par saint Basile, et qui caractérise le genre de quam sint colenda:, vel quod ab cis sit aliquid petendum, vel culte qui convient aux images. Quant à la sanction quod fiducia in imaginibus sit figenda, velat olim fiebat a qui accompagne la définition, elle tombe sur ceux qui gentibus, quæ in idolis spem suam collocabant (Pe. cxxxiv, 15 sq.); sed quoniam honos, qui cis exhibetur, refertur ad repoussent l’usage et le culte des images, parce que prototypa, illæ représentant, tta ut per imagines, quas c’cst là incriminer I’Église de choses qui, bien que non osculamur,quæ et coram quibus caput aperimus et procumbimus, nécessaires, sont cependant bonnes et légitimes, et Christum adoremus, et sanctos, quorum illæ similitudinem accuser d’erreur celle qui est Instruite et gardée par gerunt, veneremur. Id quod conciliorum, privscrlim vero l’esprit dc vérité. secundæ Nictrnæ synodi decretis contra imaginum oppugna­ 2. Le pape Hadrien Ier, dans sa lettre aux em­ tores est sancitum. Quod si aliquando historias et narrationes pereurs Constantin et Irène, avait proclamé la relati­ sacræ Scriptura:, cum id indoctæ plebi expediet, exprimi et figurari contigerit, non propterea divinitatem figurari, quasi vité du culte donné à l’image : < Toute image faite au corporeis oculis conspici vel coloribus aut figuris exprimi nom du Seigneur ou des anges ou des prophètes, ou possit. Cavallcra, Thesaurus, n. 821, 823. des martyrs, ou des justes, est sainte; car ce n’est pas le bois qu’on vénère, mais ce qui est rappelé sur le Lo concile de Trente, comme celui de Nicée, auquel bois qu’on honore. » Mansi, op. cit.,1. xn, col. 1037. il se réfère, ne propose et ne recommande expressé­ 3. Le IV· concile de Constantinople, Vil· oecu­ ment à l’usage et à la vénération des fidèles que les ménique (869), donne dans son 3· canon la mémo images dc Notre-Scigncur, de la sainte Vierge et des doctrine. Voici la traduction latine d’Anastase et la saints (les anges y sont compris implicitement). Il s’at­ traduction française du résumé grec. tache à écarter de leur culte toute superstition païenne. • Qui pèsera avec attention tout ce décret du concile y Sacram imaginem Domini nostri Jesu Christi et omnium trouvera la condamnation de toutes les erreurs de liberatoris et salvatoris, irquo honore cum libro sanctorum Euangeliorum adorari decernimus. Sicutenlm per syllabarum l'idolâtrie touchant les images. Les païens, dans eloquia, qute in libro feruntur, salutem consequemur omnes, l'ignorance profonde où ils étaient touchant les choses ita per colorum imaginariam operationem et sapientes et divines, croyaient representer la divinité par des traits idiota: cuncti ex eo, quod in promptu est, per/ruuntur utiliet par des couleurs. Ils appelaient leurs idoles dieux tale; quæ enim in syllabis sermo, lure et scriptura, quoi in d’une façon si grossière, que nous avons peine à le coloribus est, pnedlcal et commendat; et dignum est, ut secun­ croire, maintenant que l'EvangUo nous a délivrés et dum congruentiam rationis ei antiquissimam traditionem désabusés dc ces erreurs. Ils croyaient pouvoir ren­ propter honorem quia ad principalia ipsa referuntur, etiam derivative tconæ honorentur et adorentur irquc ut sanctorum fermer la Divinité dans leurs idoles; selon eux, le se­ sacer Euangeliorum liber atque typus pretiosa: crucis. St quis cours divin était attaché à leurs statues, qui conte­ ergo non adurat iconam Salvatoris Christi, non videat formam naient en elles-mêmes la vertu dc leurs dieux : touchés ejus, quando veniet (n gloria paterna glorificari et glorificare de ces sentiments, ils y mettaient leur confiance : ils Sanctos suos ( IIThcss., i, 9sq.) ; sed alienus sita communione leur adressaient leurs vœux, et ils leur offraient leurs Ipsius et claritate : similiter autem et imaginem intemerata: sacrifices. Telles étaient les erreurs des Idolâtres, matris ejus et Del genitricis Marite; insuper et iconas sanc­ ... le concile a rejeté toutes ces erreurs dc notre torum angelorum depingimus, quemadmodum eos figurat verbis divina Scriptura; sed et laudabilissimorum apostolo­ culte, b Bossuet, Culte des images, î, (Euvres complètes, rum, prophetarum, martyrum et sanctorum virorum, simul édit. Bloud et Barrai, t. ni, Controverse, p. 71. Quant et omnium sanctorum, et honoramus et aduramus. Et qui sic aux images dc Dieu, qui le représentent en la forme se non habent, anathema sint a Patre et Filio et Spiritu oùilcstapparu dans l’Ancien et le Nouveau Testament, Sancto. Denzingcr-B&nnwart, n. 337 ; Mansi, op. cit., t. xvi, elles sont seulement permises, et, suivant le commen­ col. 161. taire dc Bossuet, « ces peintures dolvcntêtrc rares selon « Nous ordonnons que l’image sacrée de Notre-Scigncur l’intention du concile, qui laisse à la discrétion des Jl-sus-ChrisUoitvênérêcùl’égal du livre des saints Évangiles. Car dc même que les mot*» renfermés dans cc livre procurent évêques dc les retenir ou dc les supprimer, suivant les à tous lesalut.de même les représentations en couleurs sont utilités ou les inconvénients qui en pourraient arriver.» la source d'une utilité à la portée dc tous, savants et igno­ Ibid. rants; car ce que le livre nous dit par le mol, l’imago nous 5. La profession dc foi de Pie IV (1564) ne concerne l'annonce par la couleur et nous le rend présent. Si donc également que les images de Notre-Scigncur, dc la quelqu’un ne vénère pas l’image du Christ Sauveur, qu’il ne sainte Vierge et des saints : F irinissime assero imagines vole point sa forme, lors dc son second avènement. L’imago Christi uc Deiparte semper Virginis, neenon aliorum de sa mère immaculée et les images des saints représentés sancturum habendas et retinendas esse, atque cis debitum sous les traits que *cur donnent les récits do la sainte Écri­ ture, et aussi les images de tous le saints, sont également honorem ac venerationem impertiendam. Cavallcra, l’objet de notre respect et dc notre vénération ; et s’il en est i Thesaurus doctrinas catholica, n. 824. qui ne leur rendent point ce culte, qu’ib soient anathème. » G. Citons enfin le Codex juris canonici, can. 1255, Mansi, op. cit., t. xvi, col. 100. § 2. Sacris quoque reliquiis atque imaginibus veneratio C’est donc un honneur relatif qu’on doit témoigner et cultus debetur relativus personal ad quam reliquae imaginesque referuntur. Can. 1276. Bonum atque utile aux images, derivative iconæ honorentur, pareil à celui que l’on rend à la croix et aux Évangiles, æque ut sanc­ i est Del servos, una eum Christo regnantes, suppliciter 813 IMAGES (CULTE DES) Invocare eorumque reliquias atque imagines venerari. ! Dans l’expression générale Sacris... imaginibus dc la première citation faut-il aussi comprendre les Images de Dieu? 11 serait besoin, semble-t-il, d’un texte plus formel pour permettre dc croire que le lé­ gislateur a voulu ajouter quelque chose aux décisions de Trente et dc Nicée. Peut-on faire appel, pour étayer le culte des Images, à l’Ancien Testament? Les défenseurs des images l’ont pensé, mais celte raison se présente plutôt sous leur plume comme une réponse ad hominem. On leur reprochait d’adorer deschoses faites dc main d’homme ; ils répliquaient que Γ arche, le propitiatoire, les ché­ rubins, etc., étaient faits de main d’homme et que cependant les Juifs étaient pour eux pleins de respect et les vénéraient (προσκυνεΐν). Ainsi trouve-t-on dans la lettre d’Hadrien 1er aux empereurs, Mansi, op. ci/., t. xn, col. 1070; dans la Synodiquc de Théodore de Jérusalem, ibid., col. 1115, dans saint Jean Damascene. De imaginibus, orat, π, 14,22, P. G.,L xav, col. 1300, 1308. Cf. Léonce de Neapolis, Mansi, op. cil., t. xm, col. 52. Enfin Dieu lui-même, pardes miracles, est intervenu, pour montrer que le culte des images lui est agréable. Le II· concile de Nicée en relate plusieurs dans sa IVe session. 3° Preuves dc raison. — 1. Le fondement rationnel du culte des images, comme de leur usage, sc tire de leur notion même. Dans l’image, il y a deux choses,la matière, or, argent, bronze, bois, toile, couleur, etc., et la forme, représentation d’une personne ou d’une chose. « Nous vénérons (προσκυνουμεν) les images, dit saint Jean Damascènc, non pas en adressant notre vénération à la matière, mais à ceux qu’elle repré­ sente. » De imaginibus, orat, ni, 41, P. G., t. xav, col. 1357. La matière n’est pas susceptible de vénération, ούδέ προσκυνεΐσΟχι πέφύκε, dit saint Théodore Studite, Anlirrhcticus, 111, c. m, 1, P· G., t. xax, col. 421. C’cst l’élément formel dc l’image qui est la raison du culte qu’on lui rend. C’est en tant qu’imagé et non en tant que chose qu’on l’honorc. Et cc culte est très raisonnable. L’image, en tant qu’image, avons-nous vu, est une en quelque sorte avec l’original; elle n’a point dc personne propre, mais présente la personne dc l’original. Et puisque c’cst l’original que je vois et regarde dans l’image, tous les sentiments que je ressens pour l’original se réveillent alors, sentiments d’amour, dc reconnaissance, dc respect, dc vénération, et, comme je suis homme, à la fois raisonnable et sensible, intelligent et maté­ riel, tout naturellement je les produis au dehors, tout naturellement je m’incline devant celle image, à cause du prototype, je la baise, je la vénère (προσκυνώ). Et parce que l’image n’a point dc personne propre susceptible dc vénération, mais ne présente que la personne du prototype, en la vénérant, on ne vénère rien en elle, si cc n’est la personne dc l’original; et l’honneur qu’on lui rend est un honneur rendu à l’ori­ ginal. C’est l’inébranlable fondement du culte des images, celui qu’invoquent les Pères et les conciles de Nicéoct de Trente. Saint Basile est le premier ù le proclamer. Après avoir dit que l’image du roi est aussi appelé le roi, et que cela ne fait pas deux rois, il ajoute : « Comme est une la domination qui nous tient et la puissance; une aussi et non multiple est la louange que nous lui donnons, parce que l’honneur dc l’image passe nu prototype. « Mansi, op.[c/7., t. xm» col. 69. A sa voix fait écho toute l’antiquité. C’est la nature même des choses qui nous l'enseigne, dit saint Taraise. Ibid. < Si tu me demandes, dit saint Théodore Studite, où ilestécrit qu’il faut vénérer l’image du Christ, tu re­ cevras vite cette réponse : Partout oü il est écrit qu’il faut adorer le Christ, car cc qui procède du prototype 814 en est inséparable. · Anlirrhcticus, II, 6, P. G., t. xax, col. 356. Le même auteur, tout pénétré dc ccttc notion formelle dc l’image, fait bien ressortir l’identité du culte de l’image et du prototype. 11 ne saurait y avoir deux hommages, l’un pour l’image et l’autre pour le prototype, mais seulement un seul, puisque c’cst la même ressemblance dc part et d’autre. < Cc n’est pas la substance (ουσία) dc l’image qu’on vénère, ditil, mais la figure du proto type qu'elle exprime, la substance dc l’image demeurant sans vénération. Ce n’est pas la matière qui est honorée, mais c’cst le prototype qu'on vénère avec la figure et non pas avec la substance de l’image. Si c’est l’image, donc la véné­ ration dc l’image est la même qui va au prototype, dc même c’est la même similitude. On n’introduit donc pas, quand on vénère l’image, une autre véné­ ration en dehors dc celle qui s’adresse au prototype. > Et encore: «Si celui qui voit une image voit en elle la ressemblance du prototype, il faut de toute nécessité que celui qui vénère l’image vénère en clic la forme du prototype. Comme lar essemblancc est une, il n'y aura donc qu’une vénération pour les deux. » Antirrhdicus, III, c. ni, 2 et 13, P. G., L xav, col. 421, 425. Ainsi donc, dès là qu’on admet l’usage dc l’image, on doit aussi en recevoir le culte. C’est une inconséquence d’accepter l’un et de repousser l’autre. Le concile la relève. * Ceux qui disent qu’il suflit d’avoir des Images pour le souvenir seulement et non pour les saluer, acceptant l’un et rejetant l’autre, sc montrent par là demi-pervers et faussement véridiques, confes­ sant ici la vérité et la méprisant là. > Mansi, op. ci/., t. xm, coL 364. Saint Théodore Studite dira plus tard : « Si quelqu’un, quand on présente l’image du Christ, dit que c’est assez dc ne lui adresser ni honneur ni injure, est hérétique, parce qu’il rejette par là la proskynèse relative qui est une marque d’honneur. » Anlirrhcticus, 1, 20, P. G., t. xax, coL 349. De même sont convaincus d’inconséquence ceux qui professent , du respect pour les saintes images et leur en refusent les marques : « Ceux qui disent qu’ils ont en honneur lec saintes Images et leur refusent la vénération sont convaincus par cc Père (saint Athanase de Théopolis, dont on vient dc citer un passage) dc parler avec hypocrisie. En cilet, ceux qui ne veulent pas vénérer, ce qui est la marque dc l’honneur, sont censésfairelecontraire, cc qui est injurier. > Mansi, t.xni, col. 56. « C’est pourquoi le concile ordonne non. seulement la véné­ ration, mais encore l’adoration pour les images, parce que nul homme sincère ne fait difficulté dc donner des marques dc cc qu’il sent dans le cœur. · Bossuet, Le culte des images, i, loc. cit., p. 72. 2. Cette raison fondamentale du culte des images ne sc présente pas seulement sous une forme abstraite, qui, toute claire et évidente qu’elle est, n’a cependant pas assez dc force sur l’ensemble des hommes tant qu’elle ne revêt pas des conditions sensibles; vérité dc sens commun, elle se concrétise aussi, clic prend chair et os et s’incarne dons les manifestations natu­ relles et quotidiennes dc la vie affective de l’humanité. Les défenseurs des Images surent la présenter avec cc caractère tangible qui frappe l’esprit et s’impose à lui, et cela d’une double manière : a contrario et a simili. a) A contrario.'—« Si tu méprises le vêtement royal, dit le pape Hadrien Ier en citant saint Jean Chryso» stomc,cst-ccque tu ne méprises pas par là celui qui en est revêtu? Ne sais-tu pas que, si quelqu’un injurie l’image dc l’empereur, .c’est a l’empereur lui-même qui est le prototype et ù sa dignité qu’il adresse l’in­ jure? Ne sais-tu pas que, si quelqu’un maudit l’imago faite dc bois ou dc couleurs, il n’est pas jugé pour avoir attenté à quelque chose d'inanimé, mais pour avoir agi contre l’empereur? » Mansi, op. cit., t. xn, coL 1068. 815 IMAGES (CULTE DES) Cf. t. xm, col. 325. « L’honneur dc l’image, dit aussi le concile, passe au prototype et celui qui voit l'image du roi voit en elle le roi. Celui donc qui vénère l'image vénère en elle le roi; car c’est son apparence et sa forme qui sont dans l'image; et de même que celui qui fait injure à l’image du roi subit justement un chAtiment, comme ayant injurié véritablement le roi, bien que l'image ne soit pas autre chose que du bois avec des couleurs et de la cire unies et mélangées, ainsi celui qui iniurie l'image dc n’importe qui adresse son Injure à celui dont l'image est la reproduction. Mais la nature même des choses nous apprend, que quand l’image est déshonorée, c’est évidemment le prototype qui est déshonoré : tout le monde sait cela. » Mansi, op. e//., t. xm, col. 273. Ainsi, mépriser l’image de Jésus-Christ sera mépriser Jésus-Christ, lui-même. Refuser la proskynèse à l’image dc Jésus-Christ sera la refuser à Jésus-Christ même. Professer qu’il ne faut point honorer l’image dc Jésus-Christ, c’est professer qu’il ne faut point honorer Jésus-Christ. Antirrheticus, 111, c. iv, 5, P. G., t. xax, col. 429. S’il en est ainsi, si l’opprobre rejaillit sur l’original, le culte aussi qui est son contraire, oppositorum eadem est ratio. Et vraiment c’est vouloir détruire le culte du Christ que dc vouloir détruire celui dc son image. b) A simili. — Si, dans la vie civile et domestique, on rend un honneur aux images, et que cet honneur ne s’adresse aucunement à la matière dc l’image, mais seulement à celui qu'elle représente, pourquoi en serait-ll autrement dans la vie religieuse? L’homme est le même partout et partout l’image a la même essence et les mêmes caractères fondamentaux. · Quand on apporte aux villes, dit le pape Hadrien I*f, les effigies et les images des empereurs et que les magis­ trats et le peuple viennent à sa rencontre, ce n’est pas le tableau qu'ils honorent ou la peinture faite d’enduit dc cire, mais bien la ilgurc dc l’empereur. » Mansl, op. cil., t. xn, col. 1068. < Dis-moi, dit Léonce dc Néapolis en Chypre, cité par le concile, dis-moi donc, toi qui penses qu’il ne faut rien vénérer de ce qui est fait dc main d'homme, ni absolument rien de créé, est-ce que bien souvent, en voyant dans ta chambre un habit ou un ornement de ta femme ou dc tes enfants décédés, tu ne les as pas saisis, baisés et arrosés dc larmes, sans que personne t’en fit un reproche? Tu n’as pas adoré les vêtements comme Dieu, mais tu as montré en les baisant ton affection envers celui qui en était autrefois revêtu. » Mansi, op. cit., L xm, col. 45. Si, dans la vie sociale et domestique, il y a un honneur, un culte relatif, c’est tout naturelle­ ment qu’il y en aura un aussi dans la vie religieuse. Si l'on honore quelque chose qu'a possédée une personne qui nous est chère à un titre spécial ou qui la repré­ sente, à plus forte raison dovra-t*on honorer ce qui appartient à Dieu, cc qui représente une personne divine ou amie de Dieu, les temples, les autels, les reliques, les Écritures divines, et enfin les images saintes. 3. La comparaison des Images saintes avec d’autres objets sacrés que l’on vénère d’un culte relatif fut aussi un argument puissant des iconophllcs. On a déjà remarqué que le concile, dans son δρος, parle de la figure de la « croix précieuse et vivifiante > et des saints Évangiles, et dit qu’il faut rendre aux saintes images le même honneur qu’on rend à ces objets. C’est le moment d’exposer cc double argument, qui a toute la force d’un argument ad hominem. a) S\ les iconomaqucs honorent le livre des Évan­ giles, ce ne peut être à cause des lettres ou des sons matériels, c’est parce que lettres et sons rappellent les mystères de Jésus-Christ; mais pareillement l'image rappelle les mêmes choses que l’Evangile : ils s'expliquent mutuellement; ils ont donc droit aux 816 I mêmes honneurs. Mansl, op. cit., t. xm, col. 482. Poursuivant la comparaison qu’il n déjà faite de l’Écritureet de l'image, qui ont même ut ill té, saint Nicéphore continue : < Si l'Évangile qui résonne aux oreilles mérite tant d'honneur (car la fol dépend dc l’ouïe), certes ce qui tombe sous la vue et nous fournit par cc sens le même enseignement que la lecture, ou bien l’emporte sur elle à cause de la rapidité de l’instruc­ tion, car la vue a plus dc force que l’ouïe pour per­ suader, ou bien tout au moins n'est pas au second rang. Le même honneur lui sera donc rendu qu’à l’Évangilc. · Antirrhdicus, 111, 5, P. G., t. c, col. 384. (Il va sans dire qu’il faut restreindre cc rapprochement à la clarté de l’exposition et ne pas l’étendre à l’autorité.) b) Plus souvent encore qu’avec le livre, on com­ pare, pour justifier leur culte, les images saintes avec la croix. L’honneur donné à la croix et même à la figure de la croix n’était contesté par aucun des Iconomaques. On conçoit donc quelle était la faiblesse dc leur position. Les iconophllcs ne pouvaient manquer d’en tirer parti. Ils le firent, et parfois avec un grand luxe d’arguments. Saint Jean Damascène, du culte rendu aux instruments de la passion et à la figure dc la croix, tire un éloquent argument a fortiori en faveur dc l'image du Christ. « Si j’honore et vénère comme des moyens de salut la croix, la lance, le roseau, l’éponge, par lesquels les Juifs déicides ont couvert d’opprobres mon Maître et l'ont tué, n’adorcrai-jc pas les images faites par les fidèles dans une intention droite pour glorifier et rappeler les souffrances du Christ? Si j’adorc l’image dc la croix, faite dc n’importc quelle matière, n’honorcrai-jc pas l'image dc celui qui a été crucifié et qui nous présente la croix comme un salut? Ώ άπαυΟρωπίας I Que je n'adore pas la matière, c’est clairl Détruite la forme dc la croix, faite de bois par exemple, je jette le bois au feu : ainsi des images. » IXe Imaginibus, orat, π, 19, P. G., t. xav, col. 1305. En dehors dc son δρος, le concile fait aussi plusieurs fois la même comparaison. Mansi, op. cit., t. xm, col. 2G9-272, 284. Dans son 11· Antirrhétique, saint Théodore Studite presse fort l’argument ad hominem : Έκ σοΰ μοι τό νικάν τά ίσα λέγοντι, P. G., t. χαχ, col. 359-362. Mais c’est surtout saint Nicéphore qui développe cet argument et s’attache à montrer combien l’image du Christ l’emporte sur sa croix et l'image dc sa croix. Dans son III· Anlirrhé· tique, il présente dans cc but dix raisons dont voici la première : < L’image est la ressemblance du Christ; clic est semblable à son corps, nous décrit la figure dc son corps, nous rappelle sa forme et nous signifie en le reproduisant le mode dc son action, de sa doc­ trine ou le plus souvent de sa passion. La figure dc la croix n’est ni semblable à son corps, ni ne nous montre aucune des choses dites. Or cc qui est semblable à quelqu'un lui est plus proche et le touche dc plus près que ce qui ne lui est pas semblable, parce qu’il nous le fait mieux connaître au moyen de la ressemblance, et à cause dc cela, est aussi plus précieux. Donc la figure du Christ, qui le touche de plus près et le fait mieux connaître, devra être d’un plus grand prix et en plus grande vénération que la figure dc la croix, qui parmi nous est précieuse et vénérable. » P. G», t. c, col. 428. Un autre argument ad hominem est celui qu’on adresse à Calvin, qui, ne croyant pas à la présence réelle dc Notre-Scigncur dans l’eucharistie, explique la terrible sentence dc saint Paul sur la communion indigne, en disant que l’injure faite au symbole va à cc qui est symbolisé. C’est évidemment sc condamner soi-même et dévoiler son parti-pris que dc faire appel à un principe pour expliquer un texte gênant et n’en vouloir plus sentir la force quand cc sont les adver­ saires qui l’invoquent. Si l’injure au symbole est une injure à ce qui est symbolisé, l’injure à l’image sera donc 817 IMAGES (CULTE DES) 818 une Injure à celui que l’image représente, et il en sera dans les statues. Qu’Importe de rechercher toutes leurs de même de l’honneur; car l’image, comme le symbole, imaginations touchant leurs idoles? tant il y a qu'ils est essentiellement relative. conspiraient tous à y attacher la Divinité, et ensuite 4. Objections et réponses, —a) Plusieurs dc ccs objec­ leur religion et leur con fiance. Ils les craignaient, ils les tions ont pour but de prouver que le culte des images admiraient, ils leur adressaient leurs vœux, ils leur est une Idolâtrie. Car c’est la grande accusation de tous offraient leurs sacrifices : enfin ils les regardaient les iconomaqucs. Ils l'étayent tout d’abord sur comme leurs dieux tutélaires, et leur rendaient publi­ récriture. quement les honneurs divins. * Du culte des images, n, « Ils prétendent, dit Bossuet, que s'incliner et fléchir loc, cit., p. 77 et 78. C’est tout cela que le Décalogue le genou devant une image, quelle qu’elle soit, fût-cc défend, et l’on verra, par la réponse à l'objection sui­ celle dc Jésus-Christ, et pour quelque motif que cc vante, combien les catholiques sont loin de telles pra­ soit, c'est tomber dan· une erreur capitale, puisque tiques et dc telles erreurs. Quant à la destruction du c'est contrevenir à un commandement du Décalogue, serpent d’airain Jouée par l'Écriturc, elle s'explique et encore du plus essentiel, c'est-à-dire à celui qui par la conduite des Juifs, qui avaient commencé à règle le culte de Dieu. » Cf. Deut., v, 6-9. Ccttc dé­ l’adorer à la manière des païens. — Nous ometton· les fense est confirmée par la destruction du serpent d’ai­ objections tirées des Pères, qu’il serait trop long rain, louée par l'Écriturc. IV Reg., xvm, 3-4. Et ils d’examiner. Les textes allégués sc rapportent soit au précisent leur objection en disant que les paroles d'un culte absolu, soit aux images destinées à représenter commandement doivent être prises simplement et la nature divine, soit à des abus à prévenir ou à ex­ dans leur sens littéral. — Mais précisément, quel est tirper. b) Avoir des Images dans les temples, sc prosterner le sens littéral? Si le commandement divin, pris à la devant elles, c’est imiter les païens, c'est agir en lettre, défendait tout culte des images,il faudrait aussi que, pris à la lettre, il en prohibât toute confection, païens; car les païens, que font-ils autre chose? parce qu’en effet les deux ne font qu’un même com­ Entrez dans un temple païen, puis dans un temple mandement. Aussi les iconomaqucs extrêmes ont catholique, ne verrez-vous point que dc part et d’autre poussé jusque-là leur erreur; ils ont bien vu qu'adoucir il y a des images et que l’on sc prosterne devant elles? la défense dc faire des images était adoucir la défense Par là, l’Égllse ne fait-elle pas voir qu'elle est retombée de les honorer. Nous avons dit plus haut cc qu'il fal­ dans l’idolâtrie? — La réponse est tout à fait simple lait penser dc la prohibition touchant l'usage des et facile. Quand il s'agit de juger un acte extérieur images. Les mêmes considérations s’appliquent à qui dc sol a une portée multiple, comme est le prosterl’objection présente et nous font connaître quel est ncment (προσκύνησές), et dont toute la valeur et la le vrai sens littéral du passage invoqué. Cc que Dieu signification dépend dc l’intention d'où il procède, défend, tout le contexte l'indique, c’est qu’on ait c’est évidemment l'intention qu’il faut uniquement d'autres dieux que lui, c’est qu’on pense qu’une image regarder et sur elle qu’il faut régler son jugement. C'est matérielle puisse exprimer sa nature, qu’on fasse dc le principe qu'ont unanimement suivi les défenseurs telles images et qu'on sc prosterne devant elles, à la des images et les Pères de Nicée (7S7). On le trouve façon des païens qui attribuaient à leurs idoles la exposé et développé dans le remarquable discours de divinité. Cc que Dieu défend, en un mot, c’est l’ido­ Léonce, évêque de Néapolis, cité par le concile. lâtrie. Il faut donc entendre cc qu'elle est pour bien « Comme je l’ai dit souvent, il faut rechercher l'inten­ comprendre le dessein dc Dieu dans le commandement tion dans tout salut et dans toute proskynèse. Or, si dont il s’agit. · L’idolâtrie, dit Bossuet, n'est pas tant tu m’accuses d'adorer comme Dieu l’image dc la croix, une erreur particulière touchant la Divinité que c’en pourquoi n'accuses-tu pas Jacob, qui a adoré le est une ignorance profonde, qui rend les hommes sommet du bâton dc Joseph, mais il est clair qu'il n'a capables de toutes sortes d’erreurs. > Deux points I pas adoré le bois qu'il voyait, mais, par le bois, Joseph : principaux faisaient le fond dc la religion des païens : ainsi nous, nous adorons le Christ par la croix... Parce « Ils regardaient leurs idoles comme des portraits de que tu m'as vu saluer l'image du Christ ou dc sa leurs dieux. Bien plus, ils les regardaient comme leurs mère Immaculée, ou dc tout autre juste, tu t'indignes dieux mêmes : ils disaient tantôt l’un et tantôt l’autre, et tu bondis, l'injure à la bouche, et tu nous appelles et mêlaient ordinairement l’un et l'autre ensemble... idolâtres. Dis-moi, ne frémis-tu pas? ne trembles-tu Premièrement, il est certain qu’ils sc figuraient la pas? ne rougis-tu pas, en me voyant abattre par toute Divinité corporelle, et croyaient pouvoir la repré­ la terre les temples des idoles et édifier des temples senter au naturel par des traits et par des couleurs. dc martyrs? Si j’adorais les idoles, pourquoi honore­ Comme leurs dieux au fond n'étalent que des hommes, rais-je les martyrs qui ont détruit les idoles? Si j’honore pour concevoir la Divinité, ils ne sortaient point dc la et glorifie des morceaux de bois comme des dieux, forme du corps humain : ils y corrigeaient seulement comment puis-Jc honorer et glorifier les martyrs qui quelques défauts; ils donnaient aux dieux des coq>s ont détruit ces simulacres dc bols? etc.· Mansi, op. cit., plus grands et plus robustes, et quand ils voulaient, t. xm, col. 45-48. Cf. col. 52. Et plus loin : < Nous ne plus subtils, plus déliés et plus vîtes. Ccs dieux pou­ disons pas à la figure de la croix, ni aux figures des vaient sc rendre invisibles et s'envelopper de nuages. saints : Vous êtes nos dieux, car les images ne sont Les païens ne leur refusaient aucune de ccscommodités ; pas des dieux, mais seulement des similitudes du mais enfin ils ne sortaient point des images corporelles; Christ et des saints, placées et vénérées pour le souvenir, et quoi que pussent dire quelques philosophes, ils l’honneur et pour l’ornement des églises, · col. 53. croyaient que par l’art et par le dessin on pouvait Saint Germain, dans sa lettre à Thomas, évêque dc venir à bout de tirer les dieux au naturel. C'était là le Claudiopolis, après avoir dit que le peuple chrétien fond dc leur religion... Mais les païens passaient adore et glorifie la seule Trinité vivifiante, ajoute : encore plus avant, et ils croyaient voir effectivement « Lc peuple chrétien, vrai et sincère adorateur dc la la Divinité présente dans leurs idoles. 11 ne faut point Trinlté, n’encourt pas la condamnation des idoles, leur demander comment cela sc faisait. Les uns, igno­ écrite dans les saints Livres, en ayant les images des rants et stupides, étourdis par l'autorité publique, saints pour sc souvenir de leur vertu; dc même que croyaient leurs idoles dieux, sans aller plus loin; d'au­ personne ne fait au bienheureux apôtre Paul, qui dé­ tres, qui raffinaient davantage, croyaient les diviniser fendait la circoncision dc la chair et s'élevait contre en les consacrant. Selon eux, la Divinité sc renfermait ceux qui voulaient être justifiés par la loi, un reproche dans une matière corruptible, se mêlait et s’incorporait et un crime d'avoir circoncis Timothée, de s'être 819 IMAGES (CULTE DES) tondu selon la loi et d’avoir offert un sacrifice dans le temple. Car II ne faut pas regarder seulement cc qui sc fait, mais partout examiner le but de ceux qui agissent, » Mansi, op. cil., L xm, col. 120-121, principe qu’il répète plus loin à propos de la statue d’airain élevée par l’hémorrhoîssc, col. 125. Saint Jean Damascène dit de même : « Quand il s’agit d’images, il faut rechercher la vérité et l’intention de ceux qui les font. Si l’intention est juste et droite, et qu’elles soient fai tes pour Ja gloire de Dieu et de ses saints, pour le désir de la vertu, la fui te des vices et le salut des âmes, il faut les recevoir comme images, initiations, ressemblances, livres des ignorants, les vénérer, les baiser, les saluer des yeux, des lèvres, du cœur; ù savoir, la ressem­ blance du Dieu Incarné, ou de sa mère, ou des saints, compagnons des souffrances et de la gloire du Christ. » De imaginibus, orat, π, 10, P. G., L xav, col. 1293. Cf. orat. ni, 9, col. 1332. « Si nous faisions, dit-il ail­ leurs, des images du Dieu invisible, nous serions vrai­ ment dans l’erreur, car cc qui est sans corps, ni figure, invisible et incirconscriptible, ne peut être mis en mage. Et aussi, si nous pensions que celles que nous faisons sont dieux, et que nous les adorions comme des dieux, nous serions vraiment impies : cc n’est pas ainsi que nous agissons. » Orat. ni, 2, col. 1320. Le concile de Nicée précise bien lui aussi à quel titre il reçoit les images, et que cc n’est pas à la façon dont les païens ont leurs idoles. « Nous recevons les vérita­ bles Images, sachant bien que cc ne sont que des images et ricn autre chose, n’ayant de l’original que le nom et non la substance. > Mansi, t. xm, col. 261. Cf. col. 232. < Les chrétiens ni n’ont appelé les saintes Images leurs dieux, ni ne les ont adorées comme des dieux, ni n’ont placé en elles l’espérance de leur salut, ni n'attendent d’elles le jugement à venir, mais les ayant comme un souvenir et un avertissement, et épris d’amour envers leurs prototypes, ils les ont saluées et vénérées dans un sentiment de respect (τψητικώς), mais ils ne les ont pas servies (ού μέν oc έλάτρευσαν) et ne leur ont pas rendu les honneurs divins. · Mansi, op. cit., t. xm, col. 225. Le concile de Trente a reproduit une partie de cette déclaration dans sa définition sur les images. On ne peut donc, pour conclure avec Bossuet, « reprocher aux défenseurs des Images qu’ils leur rendaient des honneurs divins, puisqu’ils ont déclaré si hautement que cc n’a jamais été leur intention, >ct que < c’est l’intention qui donne la force aux marques d’honneur qui d’elles-mêmes n’en ont aucune. > Le culte des images,!, loc. cil., p. 73. < Selon nous, dit-il encore, la divinité n’est ni renfermée ni représentée dans les images. Nous ne croyons pas qu’elles nous la rendent plus présente, à Dicti ne plaise ! mais nous croyons seulement qu’elles nous aident à nous recueillir en sa présence. Enfin nous n’y mettons ricn que ce qui y est naturellement, que cc que nos adversaires ne peuvent s’empêcher d’y reconnaître, c’est-à-dire une simple représentation, et nous ne leur donnons aucune vertu que celle de nous exciter par la ressemblance au souvenir des originaux; ce qui fait que l’honneur que nous leur rendons ne peut s’adresser à elles, mais passe de sa nature à ceux qu’elles représentent. Voilà cé que nous mettons dans les Images. » Ibid., p. 71. c) 11 n’en est pas moins vrai qu’en sc prosternant devant l’image, c’est devant de la matière, de la vile matière, qu’on sc prosterne. On ne doit se prosterner que devant Dieu, n’adorer que lui. — Saint Jean Damascènc répond à cette objection en notant l’esprit manichéen qui la dicte. < Tu vilipendes la matière et la déclares vile ; les manichéens ont fait de même. Mais la sainte Écriture la proclame bonne, car elle dit : « Dieu vit tout cc qu’il avait fait, et tout cela est très « bon. » Donc la matière aussi est l’œuvre de Dieu, et 820 * je la proclame bonne; mais toi. si tu la déclares mau­ vaise, tu dois avouer ou bien qu’elle ne vient pas de Dieu, ou bien que Dieu est l’auteur du mal. Or, écoute cc que dit la sainte Écriture de la matière que tu re­ gardes comme méprisable : < Moïse parla à toute l’as« semblée des enfants d* Israël et dit : Voici ce que « Γ Éternel a ordonné : Prenez sur cc qui vous appar« tient une offrande pour l’Étcmcl. Tout homme dont « le cœur est bien disposé apportera une offrande à • l’Étemel: de l’or, de l’argent et de l’airain: des étoffes < teintes en bleu; du bois d’acacia; de l’huile pour le < chandelier; des aromates pour l’huile d’onction et • pour le parfum odoriférant; des pierres d’onyx cl «d’autres pierres pour la garniture de l’éphod et du « pectoral. Que tous ceux d’entre vous qui sont habiles « viennentet exécutent tout cequel’Éternclaordonné: ■ le tabernacle. » Voici doneque la matière est honorée, quoiqu’elle soit pour vous méprisable... Je n’adore pas la matière, mais j’adore l’auteur de la matière, qui s’est fait matière pour moi, a pris domicile dans la matière, et a accompli mon salut par la matière. Le Verbe s’est fait chair et il a habité au milieu do nous. Tout le monde sait que la chair est matière et qu’elle a été créée. Je vénère donc et j’adore la ma­ tière par laquelle s’est accompli mon salut. Je la vénère, non comme Dieu, mais comme remplie de la vertu et de la grâce divines. Le bois de la croix, trois fois heureux, n’cst-il pas de la matière? La sainte et vénérable montagne, le Calvaire, n’est-il pas de la matière? La pierre vivifiante, le monument saint, source de notre résurrection, n’est-il pas de la matière? L’encre et les feuilles des Évangiles ne sont-ils pas de la matière? La table vivifiante, qui nous donne le pain devie, n’cst-ellc pasde Ja matière? L’orct l’argent, dont on fait les croix et les images, et les calices, ne sont-ils pas de la matière? Et, avant tout, le corpset le sang du Seigneur ne sont-ils pas de la matière? Ou supprime la vénération et l’adoration de tout cela, ou accorde à la tradition ecclésiastique le culte dec images sanctifiées par le nom de Dieu et de ses amis, et, à cause de cela, recouvertes de la grâce de Γ Esprit divin. * De imaginibus, oral, n, 13-14, P. G., t. xav, col. 1297-1300; trad. Ermoni, Saint Jean Damascene, p. 300-302. d) Certains trouvaient que l’usage et l’adoration des images devaient se limiter à celles de Notre-Seigneur et de sa sainte mère, et ne voulaient pas qu’on peignit les saints. — Les iconophilcs trouvèrent into­ lérable cette restriction et Injurieuse pour les saints. « C’est bien assez de peindre l’image du Christ et de sa divine mère. O absurdité! répond saint Jean Da­ mascènc, tu t’avoues donc nettement l’ennemi des saint*. Car, si tu peins l’image du Christ et aucunement celle des saints, sans doute tu n’écartes plus l’image, mais tu enlèves aux saints leur honneur. Tu fais l’image du Christ comme étant plein de gloire et tu ne fais pas l’image des saints, comme s'ils étaient sans gloire, et tu déclares mensongère la Vérité : « Je vis, « dit le Seigneur, et je glori fie ceux qui me glorifient. » Cc n’est plus aux images, c’est aux saints que tu fais la guerre. » De imaginibus, orat. t, 19, P. G., t. xav, col. 1219. Et ce n’est pas seulement l’honneur des saints, c’est l’honneur dû au Christ qu’atteint indirec­ tement cet ostracisme : « Nous peignons le Christ, roi et Seigneur, ; d’ailleurs lorsque le VII· concile œcuménique définit que les images du Christ doivent être honorées, mais d’un culte autre que celui de latrie, Il ne peut parier que de l’hommage rendu à l’image en elle-même. On ne doit pas dire, surtout dans des sermons au peuple, que le culte de latrie est dû ά quelque Image que ce soit; en effet, cc mode de parler est Interdit par le VII· concile; les scolastiques ne semblent pas avoir connu cc concile, sans quoi ils n’auraient pas employé ccttc expression; elle est pleine dc péril, ne peut s’ex­ pliquer que par des distinctions subtiles ct Incom­ préhensibles au peuple, prête aux blasphèmes des hérétiques. On peut dire improprement que le culte de latrie est dû aux Images du Christ, < car quelque« fois l’image est prise pour son objet, ct on fait en sa • présence les actes qui scieraient devant l’objet même • s’il était présent, la pensée s’arrêtant à l’objet; » c’est là ce qu’ont voulu dire les scolastiques, quand Ils ont attribué aux images du Christ le culte de latrie. La conséqucncccst que les images n’ont pas droit au même culte que l’objet représenté; sans quoi 1rs images dc Dieu ou du Christ auraient droit au culte dc latrie. Dc plus, l’image, en tant que telle, est Inférieure ù l’objet qu’elle représente, ct par conséquent ne mérite pas le même culte. > La théologie de Bcllarmin, p. 316-317. Accusé auprès de Clément VIII par Baficz dc s’écarter des expressions de saint Thomas au sujet du culte dû aux Images, il répondit qu’il le faisait à cause des décret# des conciles ct des papes que le doc­ teur angélique n’avait pas connus et à cause du danger que présentait ce langage en face des attaques diri­ gées par les hérétiques contre le culte des images. Ibid., p 317, note G. 2. Critique des opinions. — a) Celle de saint Thomas. — Il est de fait que le texte de saint Thomas semble en opposition avec la définition du II· concile de Nicée, que sans doute 11 n’a pas connue. Dans ccttc défini- | lion, toutes les images sont mises dans la même caté­ gorie, celle de Notre-Selgncur, dc la sainte Vierge ct des saints, ct à toutes on dit de rendre le même genre d’honneur qu’on rend à la croix, la προσκύνησες τιμη­ τική, qu’on a bien soin dc distinguer dc la προσκύνησες κατά λατρείαν, refusée à toutes et réservée à Dieu seul. Il y a donc entre le docteur angélique ct le concile une antilogie qu’il faut résoudre. Les thomistes s’y sont appliqués. Ils répondent d’abord, ct le cardinal Billot à leur suite, De Verbo incarnato, Rome, 1904, p. 356, que le II·concile de Nicée ne refuse pas toute latrie aux images, mais seulement la vraie latrie, άληΟινην λατρείαν, par où, disent ccs théologiens, le concile désigne seulement la latrie absolue ct laisse entendre qu’il peut y avoir un culte relatif de latrie. Examinons à la lumière des documents cc que vaut cette explica­ tion. Il nous sera facile de voir que, dans le concile ct chez les Pères, s’il est un mot qui sert à expliquer le culte relatif, ce n’est jamais celui dc λατρεία, tou­ jours celui dc προσκύνησες. — a. Dans la 11· session, saint Taralse marque ccttc opposition : < Nous les (les Images) honorons par une affection relative..., n’adres­ sant manifestement notre latrie ct notre foi qu’à Dieu seul. · Mansi, op. cit., t. xn, col. 1086. Pareillement, mais sans le mot σχετεκω, le même Père, dans sa lettre à Jean, prêtre ct higoumène, où est expliquée la doctrine du concile, dit : < Nous les saluons comme les représentations des prototypes ct pas autre chose, en réservant évidemment notre fol à Dieu seul loué , 828 dans la Trinité, ct n’offrant qu’à lui la latrie, b Mans!, op. cit., t. xn, col. 474. Dans la lettre dc saint Gré­ goire II à Léon l’Isauricn, document apocryphe, sans doute, mais où 11 est permis dc chercher le sens des mots, nous trouvons cette opposition en toutes lettres: < Les hommes, ayant abandonné le culte du démon, I ont vénéré les saintes Images non d’un culte dc latrie, mais d’un culte relatif, ού λατρευπκώς, άλλά σχετι· κώς, > Mansi, op. cit., t. xn, col. 963. Ainsi, pour le concile, le culte de latrie est réservé à Dieu seul ct jamais ne signifie le culte relatif. Que veut donc dire la vraie latrie de Γορος? Si l’on en juge par quelques passages du concile, cette expression n’est qu’un rappel de ccttc adoration dn esprit et en vérité que les vrais adorateurs doivent offrir au Père, ct dont Notre-Selgncur parle à la Samaritaine. Joa., iv, 23-24. < Sachant que Dieu est esprit, cst-il dit dam la VI· session, ct que scs adorateurs doivent l’adorer en esprit ct en vérité, (les chrétiens) n’offrent l’ado­ ration ct la latrie qui procède de la foi qu’à Dieu seul, loué au-dessus de tout dans la Trinité... (Quant aux images) nous leur rendons salut ct proskynèse d’hon­ neur, άσπαζόμεΟα καί τιμητικώς προσκυνούμεν, · Mansi, op. cit., t. xrn, col. 284. Et encore : « Norn qui n’offrons qu’à Dieu notre latrie en esprit ct en vérité, baisons ct embrassons tout ce qui lui est dédié ct consacré, soit la divine figure de la précieuse croix, soit les saints évangiles, soit les vénérables Images, soit les vases sacres, dans l’espoir d’en recevoir sancti­ fication ct rcndons-lcur une proskynèse d’honneur. · Mansi, op. cil., t. xm, col. 309. b. Doctrine des Pères. — Elle est encore plus nette. Interrogeons en particulier saint Théodore Studile. Son témoignage est on ne peut plus explicite. Nul n’a mieux que lui proclamé qu’il n’y a qu’un culte pour l’image ct le prototype, et pour le prouver, c’est à foison qu’il a multiplié les arguments. Voir III· Antirrhétique, c. in ct iv, P. G., t. xax, col. 420-133. Dit-il pour cela qu’il faut adresser la latrie à l’image du Christ? Non seulement il ne le dit point, mais il le nie énergiquement toutes les fois qu’il sc pose ou qu’on lui pose la question: · Il n’y a dans la proskynèse dc l’image du Christ, écrit-il à saint Platon, qu’une seule proskynèse ct glorification dc la bienheureuse Trinité. Mais quelqu’un dira peut-être : Puisque cette proskynèse est latrie, il arrive donc que l’image du Christ reçoit la latrie avec la sainte Trinité. Celui qui dit cela oublie qu’il y a plus d’une proskynèse, puisque nous 1’offrons aux saints sans leur offrir la latrie. En outre, qu’il apprenne que la proskynèse ne s’adresse pas à la substance (ούσίας) de l’image... En un mot, l’image du Christ ne reçoit pas la latrie, mais seulement le Christ que l’on honore en elle, ct il faut la vénérer (προσκυνείν), parce qu’elle représente la personne du Christ, bien qu’elle en diffère par sa substance. > P. G·, t. xax, col. 504-505. Une autre lettre, adressée à Anastase, est remarquable dc précision : · Comment, me dis-tu, l’image du Christ ne reçoit-elle pas la latrie, mais seulement le Christ qui est adoré en clic? Parce que, quand il s’agit du Christ lui-même, l'adoration (προσκύνησες) est latreutiquc, car lorsque je l’adore (προσκυνών), j’adore en même temps (συμπροσκυνώ) le Père ct le Saint-Esprit : cc qui est notre proskynèse ct latrie triadique (réservée à la Trinité). Quant à l’image, c’est la même proskynèse ct pourquoi pas? car les choses qui ont une puissance, une gloire, ont aussi manifestement un culte ct une proskynèse, mais relative ct homonymlque. En l’adorant (προσκυνών), je n’ai pas coadoré(où προσεκύνησα), mais J’ai adoré (προσεκύνησα) le Christ, qui n’est pas différent scion la personne, mais divers selon la nature : cc qui est la proskynèse relative ct non latreutiquc. C’est cepen­ dant la même, revêtant un concept ct un nom different. 829 IMAGES (CULTE DES) selon qu’elle s’adresse à la Trinité ct concerne la na­ ture, ct selon qu’elle est relative ot concerne la per­ sonne. SI donc tu appalles latreutiquc la proskynèse de l'image, tu signi îles par là que le Père ct le SaintEsprit se sont Incarnés comme le Fi’s, ce qui est I absurde. » Epist., 1. Il, epist. i.xxxv, p. G., t. xax, col. 1328-1329. Λ Sévérlen, son ills spirituel, qui lui avait fait cette objection : < Le Christ reçoit un culte dc latrie dans son image, donc l’image aussi doit rece­ voir un culte dc latrie », le saint répond avec indigna­ tion : < D’où ct dc qui as-tu donc appris ce que tu enseignes? car aucun des saints n’a pu dire cela, mais seulement que le Christ reçoit un (Suite (προσκυνεΐται) dans son image ct que l’image est digne de culte (προσκυνητή), c’est-à-dire est honorable, ou vénérable, ccs deux mots ont même sens; ct cela, avec raison, car la latrie, comme la fol, ne s’oiïrc qu’à la sainte Trinité, mais aux autres on rend un autre culte, à la mère de Dieu, à La sainte croix, aux saints, à l’image vénérable du Christ ct aux autres images saintes, ct cela en tenant compte que les prototypes sont audessus dc leurs similitudes. Que si le Christ reçoit la latrie dans son image, ainsi que tu dis, comme cc culte est propre à la Trinité, le Père ct le Saint-Esprit sont donc adorés aussi dans l’image. Que s’ensuit-il? Ceci, que le Père ct le Saint-Esprit sc sont aussi In­ carnés. Quoi dc plus impie? Et de plus, puisque tu dis que l’image du Christ est digne dc latrie, tu te trouves être tétradlquo, parce que, en plus de la Trinité, tu honores l’image du Christ d’un culte de latrie. Cette absurdité sera évitée, si c’est la proskynèse que l’on offre à la Trinité ct aussi à l’image, car l’honneur ct la proskynèse peuvent sc donner même au simple mortel, mais non pas la fol ct la latrie. Comme nous ne croyons qu’au Père, au Fils ct au Saint-Esprit, nous n’offrons qu’à eux la latrie. /\près avoir entendu ces explications, renonce, mon frère, je t’en prie, aux vains discours ct à l’hérésie tzycaliquc ou ccntucladique, qui est diamétralement opposée à celle des Iconomaques. » Epist., 1. II, epist. eu, P. G., t. xax, col. 1472 < Il faut vénérer (προσκυνεΐν) l’image du Christ, écrit le même auteur dans une lettre à Diogène, et, c’est Ici le dernier mot du sujet, relativement, σχετικώς,ιηηίβηυ point lui offrir la latrie, άλλ’ού λατρευ­ τήν. Car 11 n’y a qu’une latrie, ct clic est pour la Trinité. Λ la mère dc Dieu elle-même, on ne peut offrir la latrie, ni à la croix vivifiante. Dc même à l’image du Christ point dc latrie, mais seulement la proskynèse : dc telle sorte que toutes les proskynèses soient, par le moyen des prototypes, rapportées à l’unique ct seule adoration latreutiquc de la sainte Trinité. » Epist., 1. Il,epist. CLXvn, P. G., t. xax, col. 1532. Et au grammairien Jean : « Remarque bien que, pour nous chrétiens, Il n’y a qu’une latrie, que toute la nature visible ct invisible offre à la seule Trinité sainte et consubstantielle. Et il n’est pas permis dc dire qu’il faut rendre à la vénérable Image du Christ un culte dc latrie. Car l’un ou l’autre : ou bien ce que vous adorez ainsi par latrie est introduit dans la latrie que l’on rend à la Trinité, cc qui est impossible, puisqu’on ne peut rien ajouter à la Trinité sans en faire une quaternité; ou bien si cela n’a pas lieu ct qu’on adore vraiment l’image en elle-même, vous professez qu’il y a parmi nous deux latries. Et que cherchent autre chose les iconomaques, sinon de montrer que nous avons une double latrie, et qu’en plus du créateur nous adorons (λατρεύομεν) la créature, égalant les ariens en impiété? Il faut donc offrir à l’image du Christ la proskynèse ct non la latrie, celle-ci étant ré­ servée au Christ qu’on vénère dans l’image,selon les lois dc la conséquence, car cc sont deux choses que l’image et le prototype, la différence étant non dans la personne, mais dans la nature. · Epist., 1. II, epist ccxu, P. G·, 830 t. xax, col. 1640. Terminons ces témoignages Inté­ ressants du célèbre Studite par quelques mots adressés à la vierge Thomafs : < Nous vénérons (προσκυνουμτν) l’Image de Notre-Seigneur Jésus-Christ comme NotreScigncur Jésus-Christ lui-même. Mais cc mot comme, ’Ως, signifie la similitude et non l'affirmation (le mot ώς en grec comporte en effet les deux sens)... Il ne faut pas, parce qu’on rend au Christ l’adoration de latrie, rendre aussi la latrie à l’image; autrement, il n’y aurait pas dc distinction entre l’image ct le pro­ totype. Or, cc sont deux choses diverses par leur substance, non par la similitude dc la personne. > Epist., 1. II, epist. ccxvn, P. G., L xax, col. 1656. Eu thyme Zigabène, qui, nous l’avons vu plus haut, avait fortement Insisté sur l’identité de la personne pour l’image ct le prototype, donne le même enseigne­ ment. Son texte n’est du reste qu’un tissu de paroles des Pères ct du concile à cc sujet et présente un bon résumé dc leur doctrine. « Les orthodoxes offrent à la bienheureuse Trinité la latrie en esprit et en vérité, aux saintes Images aucunement la latrie, mais la proskynèse, le baiser, l’honneur. Bien que l’honneur de l’image passe à l’original, on ne doit cependant pas la latrie aux saintes images, mais à la seule bien­ heureuse Trinité, pour ne point paraître adorateurs de la créature ct de la matière, κτισμολάτραι καί ύλολάτραι. Quand il s'agit du Christ lui-même, 1*adora­ tion est latrcutique ct concerne la nature (λατρευτική καί φυσική), parce qu’il appartient à la sainte Trinité par sa nature divine. Quand il s’agit de l’image du Christ, l’adoration (προσκύνησες) est relative ct homonymique : en elle j’adore le Christ, qui, parce qu’il s’est Incarné, est représenté selon sa forme corporelle; et ccttc adoration est relative ct concerne la per­ sonne Γcpréscntéc(σχετική καΐύποστατική). De meme que la foi, la latrie est réservée à la bienheureuse Trinité. C’est pourquoi celui qui rend à l’image du Christ un culte de latrie est jugé offrir la latrie à une quaternité et Introduire l’image dans la Trinité, car c’est le propre dc la Trinité, comme il a été dit, dc recevoir la latrie. » Panoplia, tit. xxn, P. G., t. exxx, col. 1168. Voilà plus dc témoignages sans doute qu’il n’en faut pour établir que le mot de latrie n’était pas suscep­ tible chez les grecs d’un double sens, absolu ct relatif. De cc que l’honneur de l’image passe à l’original, 11s ne croyaient pas permis, Ils jugeaient même criminel dc conclure que l’image du Christ peut recevoir aussi la latrie. Car, pour eux, la latrie, comme la fol dont die dérive, est essentiellement absolue, c’est Γadoratio alicujus propter seipsum. Ce qui lui est opposé est pré­ cisément la relativité du culte, προσκύνησες σχετική. Puis donc que la « latrie relative » est pour les grecs un non-sens, on ne peut dire que les Pères du 11· concile de Nicée ont voulu, en parlant dc latrie véritable, la distinguer d’une latrie relative dont ils n’avaient pas l’idée. La « latrie véritable » dont Ils parlent est celle qui procède dc la fol : τήν κατά πίστιν αληθινήν λατρείαν, est-il dit dans Γορος. Et dc même qu’il n’y a pas dc foi relative, de même, pour les Pères grecs. Il n’y a pas de latrie relative. Ainsi donc, on ne saurait admettre ce premier essai dc conciliation entre la doctri ne dcsalntThomas et la définition du II· concile dc Nicée. Une autre explication est fournie par plusieurs commentateurs. Billuart remarque qu’il y a trois ma­ nières de considérer l’image : P materialiter ut res qu.rdam auro, ligno, tela constans, figura, coloribus, lineamentis aliisque artis ornamentis decorata ; sic sumpta imago nulla veneratione est digna. Potest considerari formalissime imago prout in actu exercito exercet officium imaginis, quod est actu exhibere exem· I pia/ cujus uiccs gerit et a quo sub ista formalissima ra- 831 IMAGES (CULTE DES) tione non distinguitur nisi penes diversum esscndl modum, eo /ere modo quo species intclligi bilis est ipsum objectum in esse intelligibili; imago enim formaliter et reduplicative qua imago, idem est quod exemplar in esse repnrsentatioo, licet ut est res addat materiam, figuram, colores, etc,, et hic modus considerandi imagi­ nem est illi proprius, nec ita proprie convenit aliis rebus sacris aut signis respectu Dei ucl sanctorum. 3° Quodam modo medio quidam iterum considerant imaginem, nempe prout est res sacra cultui divino deputata ct in honorem Dei ct sanctorum instituta, habens vim eos significandi seu repraesentandi; et sic, inquiunt, consi­ deratur etiam ut imago formaliter, non in actu exercito, sed in actu signato, non ut actu repraesentans, sed ut representation ct ut habens relationem ad exemplar a quo mutuat quamdam significationem ct quasi conse­ crationem, eo fere modo quo codex Euangeliorum, signum crucis, exterius expressum, vasa altaris, reli­ quia: sanctorum, propter relationem quam habent ad res sacras, dicuntur sacra. De incarnatione, dissert· XXIII, a. 3, Paris, 1886, t. ni, p. 144. Ainsi distin­ guent aussi Suarez, Sylvius, les Salmanticcnscs, Gotti, Pcsch, Lottlni. On pense tout concilier en disant que l’opinion de saint Thomas ct celle de Bcllannin sont toutes les deux vraies, selon la considération respec­ tive qu’ils font de l’image, saint Thomas la considé­ rant de la deuxième manière, Bcllannin, à la suite du concile de Nicéc, de la troisième. — Cette explica­ tion concilie bien, en effet, les deux théories. Saint Thomas aurait ainsi dépassé la conception formelle que les Orientaux se faisaient de l'image et regardé celle-ci comme tenant tellement lieu de l’original, qu’elle reçoit vraiment tpus les hommages, qui pas­ sant par elle, s’adressent à. lui. 11 reste que cette hypo­ thèse sc concilie avec l’expérience ct l’histoire. Sans doute, la distinction est philosophiquement bonne ct juste entre l’image considérée in actu exercito ct l’image considérée in actu signato; mais vaut-elle aussi dans la pratique? Ne parait-il pas, au contraire, qu’au mo­ ment où nous honorons l’image, nous ne l’honorons pas parce qu’elle peut nous représenter le prototype, mais bien parce qu’elle nous le représente, cn effet, in actu exercito, et que c’est le prototype que nous honorons en clic? On peut sans doute par la pensée faire retour sur l’image, cn tant que distincte de l’original, mais ce n’est pas le mouvement premier ct ordinaire, mais un mouvement secondaire ct acci­ dentel, l’honneur qu’on lui donne dans cette considé­ ration restant toujours relatif. Quant à l’histoire, il n'est pas nécessaire d’examiner si vraiment chez les Orientaux ct saint Thomas il y a eu, au sujet de l’image, cette diversité de conception. C’est une hy­ pothèse dont on peut douter tout au moins; car, qui mieux que les Pères grecs a Insisté sur l’identité de la personne entre le prototype et l’image, ct sur l’unité de l’hommage qui les atteint tous les deux? Notons seulement, ct cela suffira ù juger cette tentative de conciliation, que, si les Pères grecs avaient eu cette conception plus formelle de l’image que l’on réserve à saint Thomas, Ils n’auraient nullement modifié leur manière de parler. Ils auraient continué à refuser à l’image le culte de latrie, car le culte de latrie pour eux est essentiellement absolu, tandis que le culte de l’image est essentiellement relatif. On ne peut donc expliquer par une conception diverse de l’image la | diversité du langage théologique de saint Thomas ct du II· concile de Nicéc. Le sens qu’ont cn grec les mots qui expriment le culte y suffit. c) Examen de ΓορΙηίοη de Bellarmin. — Si Bellar­ min entend par son cultus imagini per se et proprie debitus un culte qui s’arrête à l’image ct ne sc réfère pas à l’original, autrement dit absolu ct non relatif, il est impossible d’admettre sa théorie, étant bien évident 832 I que toute la raison d’étre du culte qu’on rend à l’image est l’honneur qu’on veut rendre par là au prototype. Si fortes que soient les expressions par lesquelles il s’applique à distinguer ct même à séparer le culte de l’image do celui de l’original, on hésite Λ croire qu’il ait pensé à lui ôter toute relativité. Il reste cependant qu’il ne les unit pas assez et que les expressions de proskynèse unique ct même identique qu’emploie saint Théodore Studlte ne trouveraient pas chez lui une explication aisée. Il s’en est peutêtre trop tenu à la lettre de Γβρος de Nicéc. Il faut noter de plus, avec le cardinal Billot, que la bénédiction de l’image par l’Église ne la rend pas digne d’un culte distinct. L’image, pouvant être considérée comme une œuvre d’ouvrier ou objet d’art, ct par suite, mise cn vente ou placée dans un musée, la béné­ diction de l’Église fait que la formalité d’image prime tout autre aspect, qu’on n’a plus le droit de la vendre ou d’en faire un objet de musée, ct qu’elle est, de jure, au nombre des images auxquelles on doit un culte, mais ne lui confère pas un culte distinct. Cf. De Verbo incarnato, Rome, 1904, p. 357, note 1. En conséquence ce théologien rejette ccttc explication ct s’en tient à celle qui a été exposée plus haut ct dont on a dit l’in­ suffisance. d) Le fondement de Γopinion thomiste. — Il s’ex­ prime dans le Sed contra par la célèbre parole de saint Basile : Imaginis honor ad prototypum pervenit, ct dans le corpus articuli par cette parole d’Aristote : Motus in imaginern est motus in imaginatum. Il est à remar­ quer que les Pères grecs n’ont pas cm que la parole de saint Basile, qu’ils connaissaient bien, certes, les autorisât ù dire que la latrie atteint l’image, même relativement. Bien au contraire, précisément parce que le culte de l’image est relatif, ils lui refusent la latrie, la latrie, qui est le culte dû à la sainte Trinité, ne pouvant être qu’absolue. Quant au principe d’Aristote, dont saint Thomas, qui l’applique aux images arti ficicllcs, se sert pour expliquer ct commenter la parole de saint Basile, on peut cn donner une double interprétation. Ou bien il veut dire simplement que, l’image n’étant honorée qu’à cause de l’original, l’honneur qu’on lui donne atteint aussi l’original, ct ainsi entendu, il est évident ct ne peut prêter à discus­ sion. Sans doute, l’honneur qui est ainsi donné à l’image se rattache à celui qui est dû directement au prototype, ct pour ainsi dire est absorbé ct surélevé par lui. Employé pour signifier, s’il s’agit d’une Image de Jésus-Christ, le sentiment de latrie que nous avons pour l’original, il peut être considéré avec ce sentiment per modum unius, ct alors cn recevra le nom, parce que c’est cc sentiment qui l’inspire, qui l’informe cn quelque sorte ct cn est toute la raison d’être. C'est ce qui explique que saint Thomas ait pu sc faire une conception de latrie relative qui n’existait pas chez les Pères grecs. Ou bien encore, le principe énoncé plus haut veut dire que l’honneur que l’on donne au prototype en dehors de l’image doit être aussi donné à l’image cn vue du prototype. Et cela ne peut être admis. Les diverses sortes de culte, avons-nous vu, sont marquées par les divers degrés d’excellence. A l'excellence suprême de la divinité, indépendante de toul et de qui tout dépend, excellence absolue nu plein sens du mot, est dû le culte parfaitement absolu, ne se rattachant à aucun autre ct auquel tout autre sc rattache. Son nom est latrie. Λ l’cxccllcncc surna­ turelle participée qui se trouve Intrinsèquement dans la créature raisonnable est dû un culte inférieur, miabsolu, mi-relatif. A l’cxccllcncc purement extrin­ sèque qui appartient à l’Image ct aux autres objets sacrés est dû un culte purement relatif. Puisque cc sont ces divers degrés d’cxccllcncc qui causent les divers genres de culte, on ne peut, sans sc contredire, IMAGES (CULTE DES) 833 les confondre ct établir que les images, la croix, les I reliques, les vases sacrés, toutes choses qui n’ont qu’une excellence extrinsèque, à savoir un simple rapport Λ une sainteté qui est cn dehors d’elles, doi­ vent recevoir le mémo culte spécifique que Dieu, qui est la sainteté même, ou que les êtres privilégiés qu’il a daigné faire participer à sa divinité· Que si l’on précise cn ajoutant relatif, alors on détruit cc que dit le mot spécifique. Car, comment saisir qu’un culte relatif soit le même spécifiquement qu’un culte absolu? L’absolu ct le relatif sont dans un genre différent Et de même que le prototype ct l'image, qui a relation au prototype, ne sont pas la même personne spécifiquement, mais seulement par analogie, de même le culte du prototype ct le culte de l’image, qui a relation ù celui du prototype, ne peuvent être le même spécifiquement, mais seulement par analogie. Certains commentateurs de saint Thomas paraissent avoir tenu à défendre la lettre de leur maître plutôt qu’à expliquer sa doctrine, ct cn sont arrivés ainsi à ces conséquences choquantes que l’on a dites plus haut. Quant à l’argumentation empruntée aux Salmanlicenses, elle ne prouve rien d’autre sinon que dans le culte relatif il y a des degrés,selon que le rapport à Dieu ou au saint est plus ou moins direct, ou s’il s’agit des images, selon qu’elles représentent tel ou tel prototype. e) Conclusion. — Voici en quelques points cc que la théologie positive autorise à dire sur la nature du culte à rendre aux images. a. Le mot de latrie désigne un sentiment intérieur de dépendance absolue, servitus. Il est évident que cc sentiment intérieur ne va qu’à Dieu seul ct ne peut aller à aucune image. La proskynèse, adoratio, n’est à proprement parler qu’un mouvement du corps, qui désigne cn général le respect ct qui reçoit sa signifi­ cation précise du sentiment intérieur qui le dicte. D’où la προσκύνησις κατά λατρεία5;, λατρευτική, c’est-à-dire le prostemement qui sc fait selon la latrie, dans un sentiment de latrie, ne peut s’adresser qu’à celui à qui s’adresse la latrie, c’est-à-dire à Dieu seul. On peut le faire à l’occasion de l’image, devant l'image, mais on ne peut l’adresser à l’image elle-même. Cela sc fait surtout quand, sous la véhémence du senti­ ment, on s’adresse à l’image, par une fiction de l’es­ prit, comme si l’on était devant l’original lui-même. Dans cc cas, c’est l’original seul qu’on vise, l’image n’étant atteinte que matériellement et seulement par l’acte extérieur. Ainsi fait l’Église, quand elle chante : O crux, ave, spes untca. C’est la part de vérité qu’il y a dans l’opinion de Durand. D’où i) suit encore que les actes qui ne signifient que la latrie, comme le sacrifice, le vœu, ne pourront se donner Λ aucune image, mais à Dieu seul. à. Le sentiment qui concerne et atteint directe­ ment les images de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, est traduit dans le II· concile de Nicéc par lo tonne de τιμή. Et l’hommage extérieur qui leur est rendu est la προσκύνησις τιμητική. On n’a pour elles ce sentiment et on ne leur cn donne la mar­ que qu’à cause du prototype dont elles sont la simi­ litude. Et parce qu’elles n’ont que cette raison d’être honorées, il s’ensuit que cette προσκύνησις τιμητική s’appelle aussi σχετική, relative,ct que c’est au proto­ type qu’elle aboutit. On n’introduit point une nou­ velle proskynèse cn dehors de celle du prototype. Car, comme c’est la même personne que l’on honore dans l’image ct dans le prototype, il n’y a aussi qu’une proskynèse pour les deux, avec cette différence que, cn tant qu’elle atteint l’image, elle n’est que relative, ct qu’elle est absolue cn tant qu’elle se termine à l’original. L’identité morale de personne entre le pro­ totype et l’image fait qu’il n’y a qu’un hommage, la DICT. DE TUÉOL·. CATIIOU- 830 diversité de nature entre le prototype ct l’image cn cause la diversité d’« attingence » et, par suite, d’appel­ lation. Le principe : Motus in imaginem est motus in imaginatum n’autorise pas à dire que l’hommage donné à l’image de Jésus-Christ en vue de l'original est une latrie vis-à-vis de l’image. Car, autre chose est de dire que le même hommage traverse l’image ct atteint l’original, autre chose est de dire que le mou­ vement qui se porte directement au prototype est le même qui doit atteindre l’image. Jamais les Pères ne disent que ce qu’on doit au prototype, on le doit à l’image, mais Ils disent, cc qui est bien différent, que l’honneur que l’on rend à l’image est un honneur rendu au prototype. Du reste, c’est bien la pratique de l’Église et le langage des théologiens. Si l’Eglise donne aux images la προσκύνησις, qui est une expression commune Λ divers sent iments, jamais elle ne leur donne les témoignages propres à la latrie, comme le vœu et le sacrifice. Aussi, bien que des théologiens thomistes comme les Salmanticenses, ne craignent pas de dire qu’on pourrait offrir des sacrifices aux images, d’au­ tres, comme Billuart, croient devoir adoucir leur langage ct disent coram imagine, ce qui n’est pas la même chose q\ï imagini. L’Église, du reste, n’a point adopté l’expression de latrie relative, et l’on sait cepen­ dant en quelle estime et honneur saint Thomas était tenu au concile de Trente. Elle a pensé sans doute que cette restriction ajoutée au mot latrie ne suffisait pas à empêcher les protestants de répandre leurs calom­ nies sur la religion catholique ct qu’à cause de la diffi­ culté de faire comprendre ces distinctions assez subtiles à l'ensemble des fidèles, il valait mieux s’en abstenir. c. C'est le même genre de culte qui s’adresse à toutes les images, les différences de culte n’étant qu’entre les divers prototypes. C’est ce qui ressort d’un passage de la lettre de saint Germain à Jean de Synade : < Si nous saluons les images de Notre-Seigneur ct Sauveur, de sa mère immaculée, qui est vraiment mère de Dieu, ct des saints, nous n’avons cependant pas envers eux une égale affection ct une même foi à leur sujet, » ce qu’il développe cn détail. Mansl, op. ciL, L xni, col. 101. Donc, vis-à-vis de toutes les images, même genre de culte, ct différence de culte seulement quand il s’agit des prototypes eux-mêmes. d. Il est évident que l’honneur rendu aux Images est proportionnel à la dignité du prototype qu’elles représentent. On aura cn plus grand honneur l’image de Notre-Seigneur que celle de la sainte Vierge, celle de la sainte Vierge que celle des saints. C’est cc qu’in­ dique Photius cn disant que le II· concile de Nicéc a ordonné d’honorer toutes les images du Christ pro­ portionnellement à l’excellence et à la dignité des prototypes, κατ* αναλογίαν της των πρωτοτύπων ύπεροχής καί σεβασμίοτητος τιμχσϋαι καί προσκυνεΐσθαι» Epist., 1. II, epist. vin, 20, P. G., t. ai, col. G53. On pourra, si l’on veut exprimer ces degrés, employer le nom de culte adressé au prototype, mais il sera bien entendu que ces termes doivent être pris dans un sens impropre, purement analo­ gique et non spécifique, comme est analogique et non spécifique l’identité de personne de l’image ct du prototype. Et même, comme c’est là détourner les mots de leur sens originel, sera-t-il sage, au moins pour celui de latrie, de réserver ces expressions au langage de l’école. Plus sage encore sera-t-il do les abandonner tout à Lut ct d’imiter la reservo do la sainte Église, qui ne veut point par des querelles de mots mettre un obstacle au retour à l’unité de nos frères séparés N’oublions pas surtout que les grecs, auxquels le mot de latrie appartient en propre, ne sauraient aucunement comprendre qu’on l’emploie pour désigner le culte de la croix ct des images du Christ. Parmi les griefs adressés aux latins par le VU.— 27 835 IMAGES (CULTE DES) synode tenu à Sainte-Sophie (1150), peu après l'union de Florence, se trouve celui-ci : Cultum latriæ exhibere imagini Christi et cruci, quæ soli tradi Vtrbo Deo et homini debttur. Mansi, op. cil.t t. xxxn, coi. 103. Bcllarmin exprime assez bien le genre de culte qui convient Λ l'image : Cultus qui per se, proprie, debetur imagi­ ni bus, est cultus quidam imperfectus, qui analogice et reductive pertinet ad speciem ejus cultus qui debetur exemplari... Imaginibus non convenit proprie nec tatria, nec hgperdulia, nec dulia, nec ullus alius eorum qui tri­ buuntur naturæ intelligmti, sed cultus quidam inferior, ct varius pro varietate imaginum... sicut se habet imago ad suum exemplar, ita se habet cultus imaginis ad cul­ tum exemplaris: sed imago est ipsum exemplar analo­ gice et secundum quid: ergo etiam imagini debetur cultus ipsi exemplari debitus, imperfectus et analo­ gicus. De imaginibus sacris, c. xxv; J. de LaServièrc, op. cit., p. 318, note 1. Bellarmin n’a qu’un tort, c'est de laisser dans l’ombre le caractère essentiellement relatif dc cc culte. e. La vraie formule du culte des images nous semble être contenue dans la lettre dc saint Théodore Studite ù Anastase au sujet dc l'image du Christ. Elle est citée plus haut. Voici le passage important : « En ado­ rant l’image, je n’ai pas coadoré, mais j’ai adoré le Christ, qui n’en est pas différent selon la personne, mais selon la nature : cc qui est l’adoration relative et non latreutique. C'est cependant la meme, recevant un concept ct un nom diffèrent selon qu’elle s’adresse à la Trinité et concerne la nature, ct selon qu’elle est relative et se fait en vue de la personne. > Epist., 1. 11, episL lxxxv, P. G., t. xax, col. 1329. Le culte de l’image a pour objet principal le prototype : donc en tant qu’il sc termine au prototype, il sera et s’appel­ lera latrie ou dulie. Mais il a aussi pour objet secon­ daire, et en vue du premier, l’image elle-même. Tou­ tefois, comme elle n’est pas le prototype lui-même, mais lui est inférieure, le culte qui l’atteint ne l’atteint pas dc la même manière qu’il atteint le prototype» mais d’une manière inferieure; ct c’est ce qu’on exprime en donnant au culte de l’image le nom dc προσκύνησις τιμητική ou προσκύνησις σχετική, κατά σχέσιν. Et cela ne fait pas deux hommages, mais un seul hommage, a double étape, pour ainsi dire, l'hommage et Γhonneur adressés à Minage n'étant que le signe, la protestation du sentiment inté­ rieur qui concerne le prototype. I) Saint Thomas ct le 11· concile de Nicée. — Le tort dc saint Thomas, et il est minime, est d’avoir ignoré le texte du concile dc Nicée (peut-être, de son temps, le concile n’était-il pas encore considéré comme œcuménique, tout en étant reconnu comme légitime) ct d’avoir ignoré la signification précise du mot dc « latrie », ayant cru qu’on pouvait par ce mot designer les honneurs plus grands que l’on rend à la croix, à l'image du Christ comparativement aux autres Images. Peut-être aussi a-t-il induit scs commentateurs à inter­ préter à rebours le principe d'Aristote : motus in ima­ ginem est motus in imaginatum. En tout cas, il est bien certain que le fond dc sa doctrine est identique à celle du II· concile de Nicée et des Pères défenseurs des Images. Sa latrie absolue n’est autre que leur latrie tout court; sa latrie relative est comprise dans leur προσκύνησις τιμητική ct σχετική : car dc part ct d’autre, on refuse aux images le culte absolu ct parfait dû à Dieu seul. Le docteur angélique, comme le doc­ teur du Stoudion, a fort bien vu qu’il n’y avait qu’une adoratio atteignant l’image du Christ ct le Christ luimême et que la différence était marquée par les carac­ tères d’absolu ct dc relatif; seulement, par ignorance du sens des mots, il donne à cette adoratio, en tant qu'elle atteint l’image, le nom que la langue grecque réserve pu culte absolu que l’on rend à Dieu. 11 a pensé 836 pouvoir le faire, sans doute parce que c’cst le senti­ ment de latrie envers le prototype (pu inspire, dicte, informe en quelque sorte le respect, l'honneur, l'hom mage rendus à l'image. Thomassin a marqué heureu­ sement les points de vue qui expliquent cette diver­ gence dc langage entre les docteurs scolastiques ct le II· concile de Nicée : Cam longe aliud reapse sd, imaginem osculari, amplecti, salutare corporis inclina­ tione, animi etiam effectu congruo : aliud autem infini­ tam Dei magnitudinem fide complecti, t ique honores omnes alios ut omnium fonti refundere : quia hac duo simul perficiuntur, fas jusque erat septinue synodo hæc discrimininare, ne imagines pro Deo colere infa­ maremur : fas juit doctoribus scholasticis hocc cogitando cogere in unum et conflare, ut imagini Christi uberiores quam caderis, ct Christo dignos honores infunderent,sed potissimum ut septima: synodo, quem ita decrevisse falsis rumoribus delusi opinabantur, acquiescerent. Dc incar­ natione Verbi, 1. XII, c. xm, n. 16, λ enise, 1730, p. 825. Il ne manque pas d’exemple, ajoute-t-il, de cet accord fondamental dc la pensée dans le désaccord des mots; ct il rappelle particulièrement les expressions όμοούσιος, mère de Dieu, un de la Trinité a souffert, qui ont été prises en sens hétérodoxe comme en sens orthodoxe. Certes, si saint Thomas et les docteurs du moyen âge avaient connu le texte du 11· concile dc Nicée, c’est de toutes leurs forces qu’ils eussent défendu les expres­ sions mêmes dc la définition, ipsa quoque verba mor­ dicus tenuissent, constantius defendissent, atque firmius asseruissent, dit Baronlus, Annales, an. 787, n. IL Puisque la vérité historique qui leur était cachée nous est connue maintenant, pourquoi nous obstiner à des manières dc parler qu’ils eussent été les premiers ù rejeter, si elle leur était apparue? g) Le concile de Trente. — Le texte du concile dc Trente sur les images confirme les diverses conclu­ sions delà théologie positive. Voir plus haut col. 883sq. Imagines porro Christi... similitudinem gerunt, vene­ remur. Ce décret est certainement moins l'écho dc l’enseignement scolastique que dc la tradition patristique ct dc la doctrine de Nicée. On ne peut rien trouver, en si peu dc mots, de plus concis, de plus abondant ct de plus sage. Thomassin fait ressortir admirablement tout cc qui y est contenu : Primum enim tatria secundum fidem cl in spiritu imaginibus omnino denegatur, cum vetatur ab eis aliquid peti, veta­ tur spes in eis defigi, velatur divinitas carum ulla credi. Secundo honos imaginum non alius tangitur, quam ut eas retineamus, cas in templis honorifice collocemus, eas osculemur, cis advolvamur, caput aperiamus,etc., qtue ad externum et honorarium cultum omnia pertinent. Tertio non imagines propter Christum adorare dicimur, sed imagines osculari, iis adgenicutari, at Christum adorare, sanctos ipsos venerari. Quarto is ipse honora­ rius cultus non propter se imaginibus, sed ad prototypa refertur, quæ per illas repraesentantur. Quinto indisert· minatim de omnibus agitur imaginibus seu Christi seu sanctorum, quia nullis penitus tatria,omnibus honoraria adoratio adhibetur, quanquam in multos ista gradus dispensetur. De incarnatione Verbi, 1. X11, c. xm, n. 19, p. 857. Ainsi donc, le concile dc Trente n soin dc ne pas employer le mot d’adoration (qui dans le texte du décret indique la latrie puisqu’il est réservé au Christ) pour désigner le culte des images du Christ. A travers l’image, que nous baisons, que nous saluons, devant laquelle nous nous prosternons, c’cst le Christ que nous adorons, le saint que nous honorons. Le senti­ ment qui dicte ccs actes envers l'image du Christ est un sentiment dc latrie envers le Christ lui-même, Christum adoremus, mais cc sentiment, en traversant l’image, ne sc répand aucunement sur elle, ne l’investit point, dc telle sorte que l'image peut être dite adorée, même relativement. Seul, le Christ est dit adoré. 837 IMAGES (CULTE DES; 838 5e Les Images de Dieu et des anges. — Nous avons Pères ct le concile de Nicée sur les images dc Dieu. déjà dit, dans les notions sur l'image, qu’il y a trois Sans doute, on ne trouvera point chez eux la défense manières de représenter les êtres spirituels. 11 faut des images symboliques de la Divinité ou de la Trinité, rejeter, comme impie ct sacrilège, la prétention mais on y constatera que ccs images ne devaient guère <|u'avaient les païens de reproduire leur nature, mais être en usage. Peindre, pour eux, c’est représenter 1rs deux autres modes sont acceptables. L’image ne fait quelque chose dc réel, qui se voit, ou qui s’est vu, et alors que représenter une apparition divine ou angé­ c’cst pourquoi ils trouvent dans les images dc Jésuslique, vn la forme même que Dieu a choisie pour nous Christ un moyen efficace pour affirmer la réalité de faire connaître à l’aide des figures sensibles les réalités sa chair. Les Images purement symboliques de Dieu intelligibles, ct dc sol, n’induit pas plus en erreur que ou sont inconnues, ou, cc qui revient au même, ne ne fit l’apparition elle-même; ou bien, à l'imitation sont pas comptées parmi les images saintes qui ont un culte, ct au sujet desquelles se divisent iconoinadu langage de la sainte Écriture, clic prête soit aux anges un corps jeune ct des ailes pour indiquer leur maques et iconophilcs et sc tient le concile. • Nous faisons des images de Dieu, dit Jean de pureté ct leur prompte obéissance aux ordres divins, soit à Dieu des membres ou des passions pour expri­ Thcssalonique, cité dans le concile, c’est-à-dire de Notrc-Sdgneur et Sauveur Jésus-Christ, en le pei­ mer l’un ou l'autre de scs attributs, la vehemence de son amour ou la force dc sa volonté irrésistible. Quos gnant comme il a été vu sur la terre ct a conversé Scriptura facit verbis, dit Thomas de Vaux, cur artifex avec les hommes ct non en tant qu’on le sait Dieu. non faciet signis? An magis peccatum circa hanc rem Car, quelle similitude, quelle figure peut-il y avoir du incurrit penicillus, quam penna? imago quam littera? Verbe dc Dieu, qui est incorporel et sans figure? car Il est donc clair que ccs sortes d'images ne sauraient Dieu, c’est-à-dire la nature de la Trinité sainte et être, per se ct a priori, défendues. C’est à i'Égllse consubstantielle, est esprit, comme il est écrit. Mais, qu’il appartient de les autoriser ou de les prohiber, parce que, par la miséricorde de Dieu le Père, son Fils unique, Dieu le Verbe, s’est incarné pour notre selon la sagesse. Étudions Ιά-dcssus son enseignement 1. Les images de Dieu et de la sainte Trinité. — salut, par l’action du Saint-Esprit. de Marie, Vierge L’opoç proclamé dans la VU· session du II· concile immaculée ct mère de Dieu, nous peignons son huma­ de Nicée ne dit pas un mot dc ces images. Mais, dans nité, non sa divinité incorporelle. · Mansi, op. ctL, la VIII® session, session dc clôture, après qu’on eût t. xm, col. 164. En un mot, si l’on fait des images de relu Γδρος, les Pères firent entendre un cer­ Dieu, ce n’est que de Jésus-Christ, ct parce qu’il est tain nombre d’acclamations, parmi lesquelles on homme. « Nous ne faisons, dit plus explicitement remarque celle-ci : · Croyant en un seul Dieu, loué saint Germain, aucune image ou similitude ou figure de dans la Trinité, nous saluons scs précieuses images >. la Divinité invisible, que les ordres sublimes des anges Mansi, op. cit., t. xm, col. 416. Certains théologiens, ne peuvent eux-mêmes considérer ct comprendre; comme Pesch, Pnchctiones dogmatica·, Fribourg-cn- irais, parce que le Fils unique, qui est dans le sein du Père, a daigné sc faire homme, par la volonté miséri­ Brisgau, 1900, t. iv, p. 334, ont pensé que le concile, par cette acclamation, authentiquait l’usage ct le cordieuse (ευδοκία) du Père et du Saint-Esprit, parti­ culte des images de Dieu ct dc la Trinité. Le sens qu’ils cipant à la chair cL au sang comme nous-mêmes, selon ont donné à cc texte est bien celui qui sc présente à le mot du grand apôtre, ct devenu semblable à nous première vue, ct à qui ne lit pas autre chose. Il est en tout hormis le péché; (à cause de cela) nous retra­ difficile d’en soupçonner un diflérent. Mafe la lecture çons sa figure d’homme et l’image de sa forme hu­ maine selon la chair ct non dc sa divinité incompré­ des actes du concile et des écrits des Pères empêche hensible ct invisible : nous nous efforçons dc rendre dc l’accepter. Une remarque tout d’abord sur le texte susdit. Ce présentes par là des vérités dc la foi, en montrant texte ne se volt pas seulement dans le passage des qu’il ne s’est pas uni notre nature en apparence seule­ actes que nous avons indiqué. Dans la V11· session, ment ct en ombre, comme certains hérétiques l’ont après la lecture dc Γδρος,avaient eu lieu, à fort peu do autrefois pensé, mais que, en fait ct en vérité, il est chose près, les mêmes acclamations. On y remarque devenu homme parfait en toutes choses, excepté le aussi celle que nous avons citée plus haut : πιστεύοντες péché que l’ennemi a semé en nous. * Mansl, op. cit., εις ένα Θεόν έν Τριάδι ύμνούμενον, τάς τιμΑις εικόνας t. xm, col. 101. C’est la même pensée sous la plume άσπαζόμεΟα, sans αύτου. Mansl, op. cit., t. χπτ,εοί. 397. I dc saint Jean Damascène : « Qui peut faire une imita­ On les retrouve à la fin de la V· session, où l’on lit : tion dc Dieu, invisible, incorporel, sans tenue et sans figure? C’cst donc le comble dc la folie ct de l'impiété πιστεύοντας εις ένα Θεόν èv Τριάδι άνυμνόυμενον. τάς τιμίας εικόνας άσπαζόμεΟα, pareillement sans αύτου. que de vouloir donner une forme Λ la divinité. C'est Mansi,op. ci/., t. xm, col. 201. C’est exactement la mémo pourquoi dans l’Ancicn Testament n'était pas répondu formule qui est contenue dans les acclamations dc la l'usage des images. Mais après que Dieu, par scs cnIV· session. Mansl, op. cit.A· xin>col. 128. C’cst encore l t railles dc miséricorde, s’est fait vraiment homme elle que répètent presque dans les mêmes termes pour notre salut et ne s’est pas seulement montre plusieurs textes des Pères. Ainsi, à la fin de la lettre comme ù Abraham ct aux prophètes sous une appa­ à l’empereur Théophile, n. 31, inter opera S. Joan. rence humaine, mais s’est fait homme en toute vérité Damasceni : πιστεύοντες είς την άγιάν καί όμοούσιον ct réalité, a vécu sur lu terre, est demeuré avec les καί ζωοποιόν Τριάδα, τάς τιμίας είκόνας άσπαζόμεΟα, hommes, a fait des miracles, a souffert, est ressuscité, encore sans αύτου, et le contexte montre évidemment est monté au ciel, et tout cela véritablement : ccs qu'il n’y a là qu’une réminiscence du concile. P. G., choses ont été écrites pour le souvenir et l'instruction t. xcv, col. 385. Saint Nicéphore, citant les anathèmes do ceux qui n'étaient pas là, afin qu’en entendant des Pères dc Nicée, commence ainsi : Πιστεύοντες cc que nous n’avons pas vu, nous recevions la béati­ είς ένα Θεόν τον έν Τριάδι ύμνούμενον. τάς αγίας tude du Seigneur. Mais parce que tous ne connaissent pas les lettres et ne s’adonnent pas à la lecture, είκόνας άσπαζόμεΟα. Apologelicus minor pro sacris imaginibus, G, P. G., t. c, coi. 841. Ainsi, partout les Pères ont jugé bon que ces événements fussent ailleurs que dans Ia VIII· session, c’cst toujours sans retracés dans des images, ainsi que des exploits, en αύτου quo notre fonnulc revient. Cette remarque vue d'un souvenir prompt. » De fide orthodoxa, 1. IV, peut nous amener à une interprétation particulière c. xvi, P G., t. xav, col. 1169-1172. Cité par Euthymo du texte que nous examinons. Zigabène, Panopl., tit. xxn, P. G., t. exxx, col. 1172. Voyons auparavant quels sentiments avaient 1rs • Autrefois, dit-il ailleurs, Dieu, parce qu'il est sans 839 IMAGES (CULTE DES) corps et sans figure, n’était aucunement reproduit dans l'image. Mais maintenant que Dieu a etc vu dans la chair et a conversé avec les hommes, je retrace l’image de Dieu, comme il a été vu. » De imaginibus, orat, i, IG, P. G., t. xav, col. 1245. Et encore : < Nous serions vraiment dans l’erreur si nous faisions une Image de Dieu invisible. Car il est impossible de mettre en image ce qui est Incorporel et invisible, sans terme et sans figure... Mais après que Dieu, dans sa bonté Ineffable, s’est incarné et a été vu ici-bas dans la chair et a conversé avec les hommes, ayant pris la nature, la densité, la figure et la couleur de la chair, nous ne nous trompons pas en faisant son image. > De ima­ ginibus, orat.n, 5, P. G,, t. xav, col. 1288. Cf. oral, n,8, ll;m,2,4,8,9,col. 1289,1293,1320,1321-1321, 1328-1329, 1332. Le concile de Nicée, dans la VI·ses­ sion, dit ceci qui est remarquable : < Les chrétiens n’ont jamais donné l’adoration en esprit et en vérité ni aux Images, ni à la divine figure de la croix; ils n’ont même jamais fait d’image de la nature invisible et incompréhensible, mais c’est selon que le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous que l’on peint les mystères de la rédemption de l’homme. > Mansi, op.cit.,l. xin.col. 284. Il est clair que tous ces textes ne sauraient condamner l’usage des images symboliques de la divinité et de la sainte Trinité. C’est la nature divine elle-même que l’on déclare ne pouvoir être l’objet d’une Imitation artificielle, et si une personne divine, Jésus-Christ, est déclarée pouvoir être peinte, cc n’est pas selon sa nature divine, mais selon sa nature humaine. Mais il est non moins clair que cet usage est comme Ignoré : on ne connaît, en fait d’images, que celles qui reproduisent un objet visible. De mémo que peindre Jésus-Christ comme homme, c’est affirmer la réalité de sa nature humaine, de même représenter Dieu sous des formes sensibles, serait signifier qu’il a une nature sensible. Dans un tel état d’esprit, des Images symboliques de la Divinité ne sont point possibles. C’est du reste la même concep­ tion qu’avalent les premiers Pères, à cause de la men­ talité créée par le paganisme et, à leurs yeux, faire une Image de Dieu eût été imiter la pratique des idolâtres. Plus tard on la rencontre encore chez Nicéphore Calliste, qui, pai mi les erreurs qu’il reproche aux jacobltes, range celle-ci, qu’ils font des images de Dieu et du Saint-Esprit, car, dit-il, < il n’y a d’images que des corps, qui sont visibles et clrconscriptibles, et non des choses incompréhensibles et invisibles.» //. E., 1. XVIII, c. un, P. G., t. cxLvm, col. 441. Mieux encore que les écrits des Pères, le silence des icono­ clastes nous renseigne sur l’absence, en leur temps, d’images de la divinité. Leurs ouvrages ont été dé­ truits, mais il en reste quelque chose dans les réfuta­ tions des iconophiles; il reste la définition du concile de Ilierla reproduite dans la VI· session du concile de Nicée. On y volt qu’ils s’élevaient contre les images du Christ, parce que, Jésus-Christ étant Dieu,c’était, disaient-ils, circonscrire la divinité que de le peindre. Qu’eussent-ils dit, ou que n’eussent-ils pas dit, si outre les Images du Christ, les chrétiens orthodoxes avaient eu aussi des images de Dieu le Père ou de la sainte Trinité? Or, nulle part, on ne rencontre d’ob­ jection ou d’accusation à cc sujet. Il est donc bien évident qu’il lie saurait s’agir, dans le texte cité de la VIII· session, des images de la sainte Trinité. Une dernière remarque confirme cette conclusion. Si le rap­ prochement que nous avons fait plus haut de cc texte avec les passages parallèles ne nous permet pas de le corriger, audace à laquelle il faut rarement recourir et pour des raisons qui s’imposent, toujours est-il qu’il nous montre en quel sens il faut l’interpréter. Or, ce sens en dehors des adfunda historica, nous est fourni par le contexte iui-mème, dans la VII· et la 840 VHI· session. Les acclamations s’y font après la lec­ ture de Γδρος. Or, Γδρος parie expressément et seulement des images de Noire-Seigneur, de la sainte Vierge, des anges et des saints et ne souffle mot des images de la sainte Trinité. Est-ll possible que le concile, proclamant son adhésion à Γδρος, men­ tionne expressément et seulement les images dont ni dans Γδρος, ni nulle part ailleurs il n’est question et se taise sur celles précisément qui font l’objet de sa définition? N’cst-il pas plus simple de penser que τάς τιμίας αύτού είκδνας est une expression qui résume toutes les images que Γδρος a énumérées, quitte à expliquer αύτου dans un autre sens que celui qu’il présente à première vue? — Puisqu’il faut écarter les images de la Trinité, comment donc expliquer notre texte? On peut en donner une double interprétation, avec un égal fondement dans divers passages du concile. L’une est celle-ci : Ne croyant qu’à la Trinité, ne donnant notre fol qu’à elle, nous saluons les pré­ cieuses Images (αύτου, destinées à sa glorification, comme nous verrons plus loin). Cette explication s’accorde avec la préoccupation dominante du concile de repousser l’accusation d’idolâtrie. Elle s’appuie particulièrement sur les divers passages du concile où l’on réserve à Dieu la foi et la latrie pour n’accorder aux images que le salut et la proskynèse d’honneur. Elle se trouve de plus, en ternies exprès, dans la lettre de Taraisc à Jean, prêtre et higoumène : < Nous saluons les Images comme étant des reproductions des proto­ types, et pas autre chose, en réservant manifestement notre foi et notre latrie à Dieu seul, loué dans la Tri­ nité. » Mansi, op. cit., t. xm, col. 474. Dans la pièce anonyme qui clôt les actes du concile on lit une ex­ pression semblable : « Les chrétiens honorent un seul Dieu, loué dans la Trinité, et n’offrent de latrie qu’à lui seul. > Mansi, op. cit., t. xm, col. 482. Cf. aussi, t. xm, col. 284. La seconde interprétation, qui a l’avan­ tage de s’accorder mieux avec le mot αύτου, est celle-ci : Croyant à la Trinité, nous voulons la louer par la vénération que nous accordons aux images, qui toutes lui sont dédiées et servent à sa gloire et par suite lui appartiennent. Plusieurs textes autorisent cette explication. Ό Θεόν φοβούμενος, dit Léonce de Néapolis, cité par le concile, τιμά πάντως καί σίβει καί προσκυνεϊ ώς ύιόν Θεού Χριστόν τόν Θεόν ημών, καί τόν τύπον τού στανρού αύτου, καί τούς χαρακτή­ ρας των άγιων αύτού, celui qui craint Dieu rend honneur, culte et proskynèse au Christ notre Dieu comme au Fils de Dieu, à la figure de sa croix et aux traits de scs saints. » Mansl, op. cit., t. xm, col. 53. Comine s’il disait que notre culte des images est une suite du culte que nous avons pour Dieu. Dans la VI· session, il est porté expressément que nous hono­ rons les images et les autres objets sacrés, parce qu’ils sont faits au nom de Dieu et lui sont dédiés : τούτα άσπαζόμεΟα 8ιά τό έπΐ τώ όνόματι σού γενέσΟαι καί άνατεΟηναι. Mansi,op. cit., t.xm.col. 310.Et plus loin: < Offrant à Dieu la latrie en esprit et en vérité, nous saluons et embrassons toutes les choses qui lui sont dédiées et consacrées » et, parmi elles, les images. Mansi, op. cit., t. xm, col. 310. C’est de la meme manière que saint Théodore Studitc, dans un texte que nous avons cité plus haut, après avoir réservé la latrie à Dieu seul, relie toutes les proskynèses à la proskynèse latreutique due à la seule Trinité. Epist., 1. II, epist. CLXvn, P. G., t. xeix, col. 1532. Les images symboliques de Dieu n’étalent donc pas en usage en Orient aux temps de ΓIconoclasme et le concile n’a pas ou à sc prononcer à leur sujet. En Occident, on trouve des images de la sainte Tri­ nité dès le iv· siècle, des Images de Dieu le Père seul avant le x" siècle. Molanus, Dr historia sanctarum imaginum, 1. 11, c. ui, dans Theologiie cursus de Migne, 841 IMAGES (CULTE DES) t. xxvm, col. 41, note 1. Mois ces sortes d'images (de Ja Trinité et de Dieu le Père), parce qu'elles peuvent facilement Induire en erreur, ne sont pas authentique­ ment proposées par l’Église à l’usage et à la vénéra lion des fidèles. Leur légitimité était autrefois rc gardée comme une simple opinion, contredite par plusieurs théologiens. Non est tam certum, dit Bellarmin, in Ecclesia an sint /aciendu* imagines Dei, sive Trinitatis, quam Christi et sanctorum. Controv., 1. II, De imaginibus sacris, c. vin. On ne peut plus s'y oppo­ ser maintenant depuis la condamnation par Alex­ andre VHI (1690), et Pic VI (1794) de propositions s'attaquant à cet usage. Cc n’est pas à dire que l’Église en fasse par là une institution publique; elle les per­ met seulement, et si elle condamne les propositions susdites, c’est parce que leurs auteurs font un crime à l’Église de cette tolérance. Le concile de Trente permet aussi ces images, mais c’est avec une certaine réserve, dans l'intention visible qu'elles soient rares : quod si aliquando, et en ordonnant que le vrai sens en soit expliqué au peuple. Du reste, l’Église n’a pour elles aucun culte public, et bien qu'on ne trouve pas de défense de leur rendre des hommages privés, il semble bien que cela soit contraire à son esprit. 11 faut dire la même chose des images symboliques sous lesquelles on peut représenter Notre-Seigneur, comme le pélican, l’agneau, etc., et c’est sans doute pour éviter ou pour supprimer un pareil culte que le concile in Trullo défendit de peindre à l’avenir Jésus-Christ sous la figure d’un agneau. Cela, en diet, ressemble trop aux formes extérieures du paganisme. En Orient, il y avait aussi des colombes au-dessus des baptistères et des autels pour rappeler le SaintEsprit, par la vertirduquel s'opèrent les mystères du baptême et de l'eucharistie. Mais ces objets n'étalent pps des peintures et n'étaient pas comptés au nombre des images. · Une lettre écrite en 518 par le clergé d'Antioche au patriarche Jean II de Constantinople, et insérée dans les actes du concile de Constantinople de 536, action cinquième, accuse Sévère d’avoir enlevé et de s’être approprié les colombes d'or et d’argent représentant le Saint-Esprit, suspendues au-dessus des baptistères et des autels, sous prétexte que l'on ne devait point représenter ainsi l’Esprit-Saint. b Mansi, op. cit., t. vm, col. 1039; Tixcront, op. cil., t. m, p.453, note L La position même de ces objets empêchait qu'on leur rendit la proskynèse. C'est ainsi que cer­ tains iconomaques, qui admettaient les images, mais sans le culte, voulaient qu'on les plaçât hors de portée, afin de les soustraire aux saluts et aux baisers des fidèles. Voir S. Théodore Studitc, Anlirrhcticus, 11. proL, P. G., t. xax, col. 352-353. 2. Images des anges. — La doctrine de l'Église est claire sur cc point. Dans Γδρος de la VII· session du concile de Nicée, les anges sont nommés parmi ceux dont il faut rétablir et vénérer les images. Et de fa.t, leur culte remonte à l'origine historique du culte des Images, comme en témoignent des epigrammata de Marin (fin du v· et vj· siècle), de Nil le Scolastique (vî· siècle) et d'Agatbias le Scolastique (vi· siècle). Epi grammatum anlhologia palatine, édit. Didot, 1861, t. J, p. 5, 6.1 ne question sc pose cependant. Pourquoi les Pères iconophiles ne veulent-ils point d'images de Dieu et acceptent-ils celles des anges? Si l'immaté­ rialité de Dieu s’oppose à ce qu’on le représente, com­ ment l'immatérialité des anges sc concilie-t-ellc avec l'usage de leurs images?(’etle immatérialité est attes­ tée par le décret qui termine la IV· session. Parmi les Images saintes, on y mentionne celles des anges incorporels, et aussitôt on ajoute: · Car ils ont apparu aux justes sous la forme humaine. > Mansl, op. cit., t xm, col. 132 Dans la session suivante, on lit un discours de Jean de Thessalonique, où il est dit qu'on 842 ne peut peindre Dieu, parce qu'il n'a pas de corps, mais qu’on peut peindre les anges, parce qu'ils ne sont pas tout à fait incorporels, ayant des corps plus subtils que les nôtres. Saint Taraisc mitige cette affir­ mation en disant simplement que les anges peuvent être peints parce qu'ils sont circonscrits, περίγραπτχ, et ont apparu comme des hommes. Mansi, op. cil., t. xm, col. 164-165. Théodotc avait dit : «Les anges ont des corps, mais, comparés aux corps terrestres, ils sont sans corps et sans figure. · l'ragm., π, 14, dans Clément d'Alexandrie, P. G., t. ix, col. 663. Et saint Grégoire le Grand : Ipsi (les anges) comparatione qui­ dem nostrorum corporum spiritus surd, sed compara­ tione summi cl incircumscripti Spiritus, corpus. Morat., 1. II, 3, J\ L., t. lxxv, coi. 557. Ainsi l’on peint les anges parce qu'ils ont apparu sous forme humaine, et parce que,étant finis et bornés, περίγρ απτοί, on ne ris­ que point, en les peignant, d'imiter l’erreur des païens qui était de renfermer la divinité sous une forme criée ; on signifie seulement par là leur qualité de créatures. Il reste bien entendu qu'on ne leur attribue pas la nature humaine, mais qu’on la leur prête par analogie. « Dieu, dit saint Jean Damascène, après avoir déjà affirmé que les anges sont spirituels et sont dans des lieux spirituels, Dieu est incorporel par nature et d’une manière absolue; l’ange, l’âme et le demon, comparés à Dieu qui est seul incomparable, sont cor­ porels; comparés aux corps matériels, Us sont Incor­ porels. Dieu, ne voulant pas que nous ignorions les choses incorporelles, les a environnées de corps, de figures et d’images en analogie avec notre nature... C’est cc que nous figurons et mettons en image. Au­ trement, comment les chérubins auraient-ils pu être figurés et mis en Image? Bien plus, l'Écriture contient des figures et des images de Dieu même. > De imagi­ nibus, orat, ni, 25, P. G., t. xav, col. 1345. On volt par là que ce doctcurn’anrait pas été éloigné d'accepter les images symboliques de la divinité, celles du moins qui sont contenues dans ΓÉcriture. Saint Nicéphore, distinguant avec une précision digne des scolastiques les diverses sortes de circonscriptions, περιγραφή, indique celles qui conviennent ou non aux anges. · La circonscription, dit-il, sc fait ainsi, ou par le lieu, ou par le temps, ou par la compréhension. La circonscrip­ tion du lieu appartient aux corps, car ils sont entourés par le lieu, puisque le lieu est la limite du contenu, en tant que le contenant le contient. Celle du temps et du commencement apparticn t à cc qui, n’étant pas d’abord, a commencé d'exister à partir d'un temps : elle appar­ tient aussi aux anges et aux finies; les anges ne sont pas contenus corporellement dans un lieu, puisqu’ils manquent de forme et de figure, μή τυπουσΟαι καί σχηματίζεσΟαι, Ils agissent cependant dans un lieu selon leur propre nature, parce qu’ils sont là spiri­ tuellement, νοητώς, étant spirituels, νοεροί, et ne sont pas ailleurs, étant circonscrits là d’une manière spiri­ tuelle... Ce qui est circonscrit selon la compréhension est ce qui est compris par la pensée et la connaissance, car la compréhension est une espèce de circonscrip­ tion. Ainsi les anges comprennent mutuellement leurs natures. » Anthirrhcticus, II, 12, P. G., t. c, col. 356-357. Dieu seul est absolument incirconscriplible. 6° Précepte du culte des images. - Y a-t-il un pré­ cepte d*honorer les images? A ccttc question on peut ré­ pondre brièvement cc qui suit : L II y a un précepte naturel négatif de ne pas mé­ priser et traiter avec irrévérence les saintes images, car comme l’honneur de l'image rejaillit sur l’original, ainsi en est-il du mépris et de l'irrévérence. 2. C'est l'opinion commune, qu’il n'y a pas de pré­ cepte affirmatif absolu d’honorcr positivement les images ; ni naturel, puisqu'on peut honorer les proto- 843 IMAGES (CULTE DES) — IMBONATI (CHARLES-JOSEPH) types sans le moyen des images, ni positif, puisque cela n’est ni dans l’Écriturc ni dans la tradition. 3. Cependant il y a un précepte naturel affirmatif d’honorer les images occaslonaliter, quand l’abstention ou le refus dc le faire peut scandaliser le prochain, ct surtout quand, dans l’estimation commune, ils équi­ valent soit à une injure, soit à la négation dc la légi­ timité dc cc culte. C’était le cas chez les grecs, au temps dc l’iconoclasmc. Il faut rappeler à ce sujet que les expressions d’hon­ neur ont pu avoir dans divers pays des significations diverses, comme cela sc voit encore maintenant; d’où il suit qu’il pourra y avoir entre les diverses Églises des différences ct des degrés dims la manière de témoi­ gner son respect aux images. Honorem habere imayi· ni bus, dit Thomassin, fïdei aul/iortlas sanxit : quod genus honoris cl quousque, an ad oscula, an ad amplexus usque, an ad geniculationes, cuique Ecclesia permis· sum est statuere. De incarnatione, 1. XIII, c. xn, n. 17,1.1, p. 848. Les grecs donnaient aux images des témoignages d’honneur que les Francs avaient cou­ tume dc réserver soit ù Dieu, soit aux saints, soit exceptionnellement à la croix, instrument de salut. Les Francs, trompés par la mauvaise traduction des actes de Nicée, crurent que les grecs étaient tombés dans l’idolâtrie ct curent la préoccupation d’empê­ cher qu’un si grand mal s’introduisit chez eux. C’est pourquoi ils tempérèrent le culte des images, mais sans Voter tout â fait. D’abord, ils ne voulaient pas qu’on les détruisit; cet honneur négatif nc peut être sans un certain honneur positif. On ne défend pas de détruire cc qu’on regarde avec indifférence. De plus, ils admettaient ces images dans les églises, comme dc pieux souvenirs, exposés ainsi ù la contem­ plation des fidèles au moment dc la prière pour exciter leur dévotion; on n’en fait pas autant pour les scènes dc chasse et de pêche, ni pour les personnages dc l’his­ toire profane. EL c’est bien un certain honneur positif. Malgré les oppositions verbales ct les differences de | mentalité, ce n’était donc pas en réalité au sujet de la foi, mais sur des coutumes que les Francs différaient des grecs. C’est pourquoi ni les Francs ne sc sont sé­ parés du siège apostolique qui avait approuvé les décisions dc Nicéc, ni celui-ci nc les a condamnés pour avoir critiqué les pratiques des grecs. 11 a laissé, dans sa sagesse, le temps faire son œuvre, et le temps a si bien fait son œuvre que les Occidentaux, ainsi que nous avons vu, ont introduit dans le culte des images du Christ une latrie relative, dont les Orien­ taux n’axaient pas l’idée. Abstergamus ergo, conclut Thomassin, hune non a Majoribus nostris maculam, cujus puri et expertes semper /ucre, sed ab animis nos­ tris ineptam suspicionem d popularem hallucinationem. Majoribus nostris contumeliosam, /bid., n. 20, p. 850. I. Spt nets. — Voir Iconoclasme. On y trouvera égale­ ment un certain nombre dc travaux anciens ct modernes, non Indiqués ici. Voir aussi le* documents du magistère ecclésiastique, publiés dans l’article. II. Ouvrages gînihaux. — Ferraris, Prompta biblio­ theca, édit. Mignc, Pnris, 1865, t. iv. col. 299-318; Bergier, Dictionnaire de théologie, Paris, 1852, t. ni, p. 112-117; Go-chlcr, Dictionnaire encyclopédique de la théologie catho­ lique, Paris, 1870, t. xi, p. 280-288; Wctzcr ct Wclte. Klrchenlcxtkon, Fribourg-cn-Brbgxiu, 1883, t. u, col, 812-833; Realcncyklopadie fur prottdantische Théologie und K irchc, 3’ édit.. Leipzig, 1897, t. ni, p. 211-226; The catholic ency­ clopedia, New York, 1910, t. vn, p. 864-872; Phiquct, Dictionnaire des hérésies, 2 vol., Paris (Mignc), 18-17-1853; H. Klce, Manuel de l’histoire des dogmes chrétiens, trad. M abire, Louvain, 1851, t. n, p. 334-338; Merge nrwthcr. Histoire del’Eglise, trad. Bclet, Paris, 1836, t.m ;llohrbachcr. Histoire universelle de l’Église catholique, Paris, 1887, t. vi; Macalre, Histoire de l’Eglise russe (en russe), 12 vol., SaintPétersbourg, 1883, passim. HL Travaux sj'Lgiacx. — 1» Histoire. - - De Rossi, 844 Roma sottcrrancu, Home, 1864; Paul Xlhtrd, Home souter­ raine, Paris, 1872; Martlgny» Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1877; 11. Marucchi, Eléments d’archéo­ logie chrétienne, Rome, Paris, 1900-1902; Guide des cata­ combes romaines, Rome, Paris, 1900; Sixte Scaglia. Notiones archeologicK disciplinis theologicis coordinates, Rome, 19081910, t. in, Symbola cl piclurir cametertales·, dom Leclercq, Manuel d’archéologie chrétienne, 2 vol., Paris, 1907 ; L. Bauraln, Le culte des images dans l’Église russe, dans In Ileduc augustinlennc, t. i.x, p. 641-661. 2° Doctrine. — S. Thomas, In IV Sent., 1. III. dist. IX, q. i, c. 2, sol. 2; Sum. theol., 111% q. xxv, a. 3; nombreux commentateurs, parmi lesquels : Salmnnticcnses, Cursus theologicus, tr. XVIII, De incarnatione, disp. XXVII, Dr adoralionœ sanrarum imaginum, Salamanque. 1630-1701; Paris, 1870-1883, t. xvr, p. 659-717; Contcnson, Theologia mentis ct cordis, 1. X, De Deo conversante, c. n, spccul. n. Lyon, 1673-1676; Paris, 1875, t. lu, p. 152-162; Golti. Theologia scholastieo-dogmatica. In JUam partem, tr. XIV, q. vu,dub. v, Bologne, 1727-1735 ; Venise, 1763, t. m, p. 354359;Billunrt, Cursus theologia: universalis, De incarnatione, dissert. XXIII, a. 3, Wurzbourg, 1758, t. in, p. 167-179; Paris, 1886, t. m. p. 128-143. Autres théologiens : M. Bu­ chinger, De Imaginibus, jejuniis et eucharistia, Mayence. 1543; Conrad Braun, De imaginibus, Mayence, 1548; René Benoît, Traité catholique des images et du vrai usage d’icelles, Paris, 156-1; Schenk, De vetustissimo sacrarum imaginum usu, Anvers, 1567 ; N. Sander, De typica el hono­ raria sacrarum imaginum adoratione, Louvain, 1569; Cas­ tellani, De imaginibus et miraculis sanctorum, Bologne, 1560; Bulognctti, De sacris ct profanis imaginibus, Ingol­ stadt, 1594; d’abord en italien· Bologne, 1582; F. Hamil­ ton· Dc legitimo sanctorum cultu per sacras imagines, Wurzbourg, 1586; Layman, Theologia moralis, 1. IV. tr. VII, c. v, n. 2-10, Munich, 1625; Mayence, 1709, L u, p. 139-142; Veronius, Régie générale dc la foi catholique, séparée de toutes autres croyances, c. n» § 8, Des Images, Paris, 1640; édit, latine dnns le Cursus theologia: completus dc Mignc, t. i, coi. 1081-1084; Pelau, Opus de theologicis dogmatibus. De incarnatione, L XV, c. v-xvin, Paris, 16441650; Anvers, 1700, t. vi, p. 297-340; Thomassin,Dogmata theologica, Dc incarnatione, L XII, c. νιπ-xni, Paris, 16891689; Venise» 1730, t.i, p. 823-857; Bossuet, Fragment sur le culte dh aux images, Œuvres complètes. Blond ct Barrai, t. ni, p. 70-78; L. G. de Cocdcmoy, Traité des saintes images, Paris, 1715; Frova, De sacris imaginibus, Venise, 1759; Guevara,Dissertatio historico-dogmatica de sacrarum imagi­ num cultu religioso, Foligno, 1789; Christian Pcsch, Priclcc· tiones dogmatiav, Fribourg-cn-Brisgau, 1900,t.iv,Z)e Verbo incarnato, p. 328-335; Hurter, Theologia: dogmaticae com­ pendium, Inspruck, 1900, t. m, p. 668-674; J. Lot tini, Institutiones theologia: dogmatiac specialis, Rnlisbonnc, Rome, New York, 1906, t. n. p. 335-342. V. Grumel. IM BERT(Pierred’),doctcurcnthéologicctdoyen dc l'église collégiale dc Notre-Dame dc Mnrvcjols, vécut dans la seconde moitié du xvn· siècle. Il publia : Méthode nouvelle, aisée ct convaincante pour rappeler tout le monde d la véritable Église chresticnne par les principes de la lumière naturelle ct le sens commun, in-8°, Paris, 1G82; Le voyage ou la conduite du dévoyé à la orage Église qui contient une méthode pour connoistre la véritable religion, in-8°, Paris, 1G82. Journal des savants, 2 mars 1682. p. 91; Brunet, Manuel du libraire, ln-8% 1860, t. m, col. 410. B. Heurtedizb· IMBONATI Charles-Joseph, religieux cister­ cien, né à Milan, vécut dans la seconde moitié du xvu· siècle. D’une noble famille milamdsc, il entra dans La congrégation de saint Bernard, réforme de l’ordre dc Cîteaux, et lit profession à Borne au monas­ tère de Salntc-Pudcnticnnc, recevant comme reli­ gieux le nom de Charles-Joseph dc Salnt-Benoit. Il eut pour maître Jules Bartolocci, religieux du même ordre, ct apprit ùfond les langues grecque ct hébraïque. Il enseigna cette dernière ù Rome en même temps que lu théologie. Imbonali, en 1693, fit imprimer le HP tome dola Bibliotheca lalino-hebraica de son maître, auquel plus tard il ajouta : Bibliotheca latino-hebraica. 845 IMBONATI (CI 1A R LES-.JOSEP II, sivt de scriptoribus Latinis qui ex d lifers is nationibus contra Ji iduos vel dc re. hcbrulca utriusque scripsere... Coronidis loco adventus Messim a Judaorum blasphcniiis ac hivrcticorum calumniis vindicatus, sacra­ ram Scripturarum, sanctorum Patrum, conciliorum, rabbinorumquc suffragiis obsignatus ex hebraico, gritco ac latino codice, auctoritatibus resumptis in duas dissertationes scholastico-historlco-dogmaticas distri­ butus, in (piarum prima omnes fere hit rises contra divi­ nitatem ac humanitatem Christi referuntur ac repro­ bantur; in secunda Messiam in lege promissum ad­ venisse Veteris Testamenti ac rabbinorum testimoniis comprobatus coranique falsa commenta reprobantur, in-fol., Home, 1695. On lui attribue en outre : Chroni­ co n tragicum sive de eventibus tragicis prineipum, ty­ rannorum. virorumque fama vel nobilitate illustrium... a primo in orbe terrarum monarcha usqui ad xvn saxulum Christi Domini, ln-4°, Home, 1696. , Morolius, Cistcrci i reflorescentis ehronologtca hi’foria, part. III. In-fol., Turin. 1690. p. 130; Argclnli. Biblio­ theca scriptorum Mediolanensium, in-fol., Milan, 1745, t. n, cui. 737; Journal des savants, 20 juin 1695, p. 419; Actorum eruditorum supplementum, Leipzig, 1696, t. u. p.303; Hurter, Nomenclator,Inspruck, 1910, t. iv, coi. 474; Kirchcnlrxikon. t. i, coi. 2060; [doni François], Bibliothèque générale des écrivains de Vordre dc saint Benoît, t. n, p. 4. B. Heurtbbizb» IMMACULÉE CONCEPTION, privilège propre à la bienheureuse Vierge Marie, d'avoir été conçue sans péché, c'est-à-dire exempte, au premier instant de son existence,de la tache du péché originel. Après avoir étudié la doctrine dc l’immaculée con­ ception dc la Sainte Vierge : 1° dans l’Écriturc ct dans la tradition commune jusqu’au concile d’Éphèse, on traitera spécialement de cc dogme : 2° dans l’Église grecque après le concile d’Éphèse; 3° dans les Églises neslonennes ct monophysites; 1° dans l’Église latine depuis le concile d’Éphèse jusqu’à nos jours, I. IMMACULÉE CONCEPTION DANS L’ÉCRI­ TURE ET LA TRADITION JUSQU’AU CONCILE D’ÉPHÈSE. I. Notion du dogme d’après la bulle Ineffabilis Deus. II. L’immaculée conception dans ΓÉcriture. III. En Occident ct en Orient jusqu'au concile d’Éphèse : période de croyance implicite. I. Notion du dogme d’aphès la bulle Ineffabi­ lis Dcus. — Promulguée le 8 décembre 1854, cette bulle contient, à la suite d'un exposé doctrinal, h formule même dc la définition : Auctoritate Domini nostri Jesu Christi, beatorum apos­ tolorum Petri ct Pauli, ac Nostra declaramus, pronuncimnus ct definimus, doc­ trinam, quæ tenet beatissi­ mam Virginem Mariam in primo instanti susb concep­ tionis fuisse singulari omni­ potentis Del gratia ct pri­ vilegio, intuitu meritorum Christi Jesu Salva toris hu­ mani generis, ab omni origi­ nalis culp.v labo pneservntnm immunem, esso n Deo revelatam, atque idcirco ab omnibus fld libus flmiltcf constantcrquo credendam. Par l’autorité dc NotreScigmur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierro ct Ihuil. ct la Nôtre, nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine suivant laquelle, par une grâce ct un privilège singu­ lier do Dieu tout-puissant ct en vue dos mérites dc JésusChrist, Sauveur du genre humain, la très bienheureuse Vierge Marie n été, au pre­ mier Instant de sa concep­ tion, préservée dc toute tache du péché originel, est une doctrine révélée dc Dieu cl qui. par conséquent, doit être crue fermement ct constamment par tous les fidèles. D’après cette formule, il est facile dc déterminer nettement l’objet, le sujet, le mode ct la certitude du privilège revendiqué pour la mère dc Dieu. 1° Objet. — La définition concerne l’exemption dc la tache du péché originel, dc celle lare héréditaire à laquelle tout homme descendant d’Adam par volo -? IMMACULÉE CONCEPTION 846 naturelle est soumis, du fait même dc sa conception. Cc qu'est exactement, dans sa nature intime, ccttc tache ou cette tare, l’Église nc l'a pas défini, mais elle en a déterminé les effets essentiels : privation dc la sainteté ct de la justice originelle, mort dc l’âme, inimitié divine. En outre, elle a déterminé do quelle manière ccs effets cessent, à savoir par une rénova­ tion intérieure, en vertu dc laquelle les rejetons du premier Adam passent, de l’état d'injustice où ils naissent, à l’état dc grâce ctde filiation adoptive en Jésus-Christ, notre Sauveur, le second Adam· Concile de Trente, sess. V, can. 1 et 2; sess. VI, c. i, xv, vn. Déclarer Marie exempte de la tache du péché originel, c'est donc écarter d'elle, dès le premier instant de son existence, les effets du péché originel qui vien­ nent d’être rappelés; par opposition, c'est lui attri­ buer, au même instant, la justice intérieure, la grâce sanctifiante, l’amitié divine ct la filiation adoptive en Jésus-Christ. Aussi peut-on concevoir ct énoncer le privilège marial sous une double forme ; l'une né­ gative, par exclusion dc la tare héréditaire; l'autre positive, par affirmation dc l'état dc grâce ou de sainteté primordiale. La forme négative est employée dans la formule de définition, ab omni originalis eulpæ labe préservaiam immunem; l'autre apparaît souvent au cours de l'exposé doctrinal, en particu­ lier § .Vos considerantes, ou sont rappelés les termes dont le pape Alexandre VII s'était servi dans la bulle Sollicitudo en 1661 : prævenienie scilicet Spiritus Sancti gratia... animam B. Marts Virginis in sut creatione et in corpus infusione Spiritus Sancti gratia donatam. Marie est déclarée exempte de toute tache dc la faute originelle. La présence de l’adjectif omni pour­ rait, à la rigueur, s'expliquer par le double rapport qui convient au péché, celui dc tache morale, en tant qu’il dit état de culpabilité devant Dieu, ct celui de tache physique, en tant que, dans l'ordre actuel, il dit privation de la grâce sanctifiante. Mais comme, au cours dc la bulle, le privilège est souvent exprimé abstraction faite dc l’adjectif : ab ipsa originalis labe plane immunis, sine labe originali conceptam, a ma­ cula peccati originalis præscroatam, rien ne prouve qu’il faille attribuer à la particule omni une portée spécbilc. La définition exclut tout cc qui est vraiment péché, sans déterminer d’une façon précise en quoi cela consiste; la concupiscence reste en dehors de ccttc notion, puisqu’elle n’cst pas vraiment péché, suivant la doctrine formelle du concile de Trente, sess. V, can. 5. 2° Sujet. — C’est la bienheureuse Vierge Marie au premier instant dc sa conception. 11 ne s’agit pas de la conception active, c’cst-à-dirc dc l’acte générateur de saint Joachim et de sainte Anne, pris en lui-même: il s’agit dc la conception passive, c’cst-à-dirv du terme où l'acte générateur aboutit, ct du terme parvenu à sa perfection, au moment où l’âme est unie au corps, parce qu’nlors seulement la bienheureuse Vierge Marie exista comme personne humaine. C'est, en style sco­ lastique, la conception passive consommée, ainsi dite par opposition logique à la conception passive com­ mencée, dans l'hypothèse philosophique où l'embryon ne serait vivifie par une âme humaine qu’après une certaine période de préparation ct de développement. A quel moment précis sc fait l'animation ou l'union dc l’âme ct du corps? Voir t. x, col. 1305-1320. Ccttc question controversée, la définition dc 1854 nc la tranche pas; elle nc dit pas non plus dnns quelle condi­ tion se trouverait la chair dc Marie, si l'on supposait une conception passive d’abord imparfaite; elle dé­ termine seulement que la bienheureuse Vierge a joui du privilège au premier instant de son existence I humaine. i 848 3° Mode. — L’immunité attribuée à la mère de Dieu est une immunité par voie dc préservation, pmervatem immunem; de préservation faite en vue des mérites dc Jésus-Christ, Sauveur du genre hu­ main. 11 y a donc eu pour Marie application dc ces mérites, non seulement anticipée, comme pour ceux qui ont vécu avant Noire-Seigneur, mais exception­ nelle, unique en son genre. Aux autres descendants d’Adam Dieu applique le fniit des mérites du Sau­ veur, la grâce, pour les délivrer du mal héréditaire qu'ils ont réellement encouru; ù Marie la grâce est donnée au premier instant dc son existence, en sorte qu’elle échappe réellement au mal. La Vierge est ainsi rachetée d’une façon plus noble que les autres, sublimiori modo redemptam, comme il est dit dans la bulle, § Omnes autem. Mais elle a été quand même rachetée, ct elle devait l’être. Par cc côté, l’exemp­ tion du péché dont la mère de Dieu a joui par privilège personnel, dillèrc dc celle qui convient soit aux bons anges, soit à nos premiers parents considérés au mo­ ment dc leur création ou production. Elle diffère aussi de l’immunité propre au Sauveur, conçu virginalcment par l’opération du Saint-Esprit ct échap­ pant, dc ce chef, à la loi commune; car l’aflinnation que Marie dut à une grâce dc préservation le privilège dc ne pas tomber sous cette loi suppose, objective­ ment ct dans la pensée dc l’Églisc romaine, que la Vierge a été engendrée comme les autres descendants d’Adam, qu’elle eut un père selon la chair. Là inter­ vient le problème du debitum peccati en Marie, c’està-dire dc la nécessité où elle aurait été ou du moins aurait dû être, ù ne considérer que sa descendance adamique, dc contracter la tache héréditaire. Pro­ blème que nous rencontrerons au cours dc cette élude, avec la controverse qu’il renferme relativement à la nature dc cette nécessité ou ù la façon dont elle s’applique à la mère dc Dieu : dc près ou dc loin, im­ médiatement ou médiatement; en termes techniques, théories du debitum proximum ou du debitum remo­ tum. Ce problème, d’ordre relativement secondaire, est resté, après comme avant la définition, à l’état dc libre discussion. 4° Certitude. — La conception immaculée dc la mère dc Dieu a été définie, non pas simplement comme une vérité ou conclusion théologique certaine, mais comme une vérité divinement révélée, a Dca revelatam. Expression dont le relief s’accentue, quand on la compare avec cette autre, qui figurait dans le premier texte dc la bulle : catholicœ Ecclesia: doctrinam cum sacris litteris ct divina et apostolica traditione cohserentem. Sardi, La solenne definitione dei dogma dell’ irnmacolato conccpimento di Maria santtssima, Rome, 1904, l. n, p. 38. Le dépôt de la révélation étant, d’après les principes dc la foi catho­ lique, contenu tout entier dans la sainte Écriture ct la tradition apostolique, il faut que le privilège défini ait son. fondement objectif dans ces sources, à tout le moins dans J’unc ou dans l’autre. Toutefois trois remarques préalables s’imposent. 1. Autre chose est la contenance d’une vérité dans le dépôt dc la révélation, nuire chose est le mode de celte contenance. La révélation d’une vérité ayant pu.se faire d’une façon explicite ou implicite, la conte­ nance dc la vérité dans le dépôt dc la révélation peut être, également, explicite ou implicite. Quoi qu’il en soit dc la question de savoir si, en réalité, l’immaculée conception de Marie a été révélée d’une façon expli­ cite ou seulement implicite, il est manifeste que, dans la formule dc définition. Pic IX a restreint son affirmation au fait de la révélation, esse a Deo reve­ latam, sans spécifier ni le mode dc cette révélation til, par conséquent, la façon dont le privilège marial est contenu dans les sources primitives. 2. Autre chose est la contenance d’une vérité dans le dépôt dc la révélation, autre chose est la profession ou croyance explicite de celte vérité dans l’Église. Les deux questions ne sont pas du même ordre : la première est d’ordre objectif ct la seconde, d’ordre subjectif. Or il n’est nullement nécessaire qu’il y ail entre les deuxordres un tel parallélisme, qu’on trouve toujours formulé dans l’un cc qui est réellement contenu dans l’autre. Pareille concordance ne sc vérifie même pas, en toute rigueur, pour les vérités explicitement révélées; à plus forte raison serait-il abusif dc l’exiger quand il s’agit des autres, car il peut sc faire que la profession ou croyance explicite ne sc manifeste pas ou même n’existe pas réellement dès le début, soit qu’on doute dc la vraie contenance de la vérité dans le dépôt dc la révélation, soit que, pour une raison quelconque, on n’en ait pas encore pris conscience. Dès lors, qu’il y ait yu ou qu’il n’y ait pas eu, dès le début, croyance explicite au privilège de l’imma­ culée conception, n’est pas une question dc principe qu’on puisse résoudre a priori;c'est une question dc fait où l’étude attentive des témoignages anciens a sa place marquée. Cette question de fait, Pic IX ne J’a pas plus définie que cette autre : dc quelle manière, ex­ plicite ou seulement implicite, le dogme défini est-il contenu dans les sources primitives dc la révélation? 3. Autre chose enfin est le dogme lui-même, autre chose sont les preuves dont on peut l’appuyer. En dehors dc la formule dc définition il y a, dans la bulle Ine/fabilis Deus, toute une partie qui précède à titre d’exposé historico-doclrinal : elle forme comme les considérants rationnels de la sentence pontificale. Trois chefs de preuves y apparaissent : l’Écriture sainte, la tradition ct la convenance du glorieux pri­ vilège. Dans la formule même dc définition, Pie IX n’a rien spécifié relativement ù ces preuves, qu’il s’agisse de leur valeur absolue ou de leur influence respective dans la formation ct le développement de la pieuse croyance. 11 n’en est pas moins vrai que, dans l’exposition ct la défense d’un dogme défini, un théologien catholique ne saurait faire abstraction des fondements où le magistère ecclésiastique a cherché la raison.d’être dc scs actes. Ne scrait-cc pas construire en l’air, que dc rêver, en dehors dc ces fondements, soit une élaboration théorique, soit une défense apologétique du dogme défini? Un tel pro­ cédé serait d’autant moins recevable, que les objec­ tions faites par les adversaires du privilège marial n’atteignent pas seulement la doctrine elle-même, mais encore, ct tout particulièrement, les fondements dc la doctrine, tels qu'ils sont exposés dans la bulle. II. L’tUMACVLÉE CONCEPTION DANS LA SAINTE Écriture· — Des auteurs graves, d’illustres défen­ seurs dc la foi catholique,ont pensé que la révélation écrite ne fournissait rien, ou du moins rien du solide en faveur du glorieux privilège. Petau, indiquant les raisons qui lui font admettre la pieuse croyance, De incarnat. Verbi, I. XIV, c. iî, ne fait même pas mention dc la preuve scripturaire. Bcllaiinin dit dans un Votum émis devant Paul V en 1617; In Scripturis nihil habe­ mus; ce qui, d’après le contexte, doit s’entendre en cc sens relatif : Nous n’avons rien qui permette dc définir la pieuse croyance comme vérité dc foi, ou de condamner l’opinion contraire comme hérétique. X. Le Bachelet, Auctarium JJellarminianum, Paris, 1913, p. G27. En revanche, d’autres tenants du pri­ vilège ont cité les textes avec une abondance, une prodigalité qui expliquent ct justifient ces paroles de Mgr Malou, L’immaculte conception, Bruxelles, 1857, t. i, p. 242 : « Disons-lo sans détour, dc tous les arguments que les défenseurs de ce prix ■ ont fait valoir, ceux qu’ils ont tiré· de l’Écriture sainte 849 IMMACULÉE CONCEPTION 850 ont été traités avec le moins de critique ct d’exacti- texte hébreu diffère en plusieurs points du texte de tuile. Trop souvent on a allégué, 68ns jugement et la Vulgate. Au mot inimicitias correspond na'K, pour ainsi dire au hasard, une foule dc textes complè­ 'égbàht qui est au singulier. Le mot femme est précédé tement étrangers au sujet, ct Ton a rarement songé dc l’article déterminé, Πϋκη,/ια'ϋίά. Différence plus ù préciser lesens littéral ou mystique qui faisait toutlc t T prix des passages que l'on pouvaitallégucrà bon droit.» notable, le pronom xm, hû’, correspondant à Vipsa, Pour comprendre la justesse dc cette remarque, est au masculin ct sc rapporte, non pas à la femme, il suffit dc jeter les yeux sur la liste, incomplète pour- | mais à son lignage, à sa descendance. Les Septante, tant, des vingt-quatre passages signalés par Piazza, personnifiant cette descendance ou traduisant le Causa immaculata: conceptionis, Act. i, a. 2. Il en pronom par syllepse, ont mis, au lieu du neutre que est qui n’ont aucun rapport objectif avec la concep­ demanderait le mot grec σπ/ρμα, le masculin: βότ'χ, tion ni même avec la personne dc Marie; ils n’ont qui sc retrouve dans Vipse de l’Itala ct de plusieurs pu lui être appliqués que par un singulier abus d’inter- i Pères anciens. Enfin aux mots : conteret, insidiaberis, prêtât!on ou d’accommodation; tels, Gcn., î,3:Dtxtl· répondent : qtrt, r,:rr, yeiûf, uiûf, dont la signi­ queDeus: Fiat lux, ct facta est lux; Job., m, 9 : Exspectet fication précise est contestée. La plupart interprè­ lueem, et non videat, nec ortum surgcnlis aurora, texte appliqué au démon ct ù la Vierge, mais dont le sens tent les deux termes de la même façon, soit dans le est tout autre dans l’original; Ps. lxxiii, 12: Deus sens d'observer, épier, comme les Septante : τηοήσιι, autan rex noster ante sæcula optratus est salutem in ττ,ςηΐί»;, et 1'Itala : servabit, servabis, soit, plus habi­ tuellement, dana le sens de broyer, à la suite de saint medio terra. Dans d’autres passages, comme Is., xi, 1 : Egredietur virga de radice Jesse, ct Luc., I, 49 : Fecit Jérôme : Melius habet in hebreco, Ipse conteret caput mihi magna, qui potens est, l'expression est trop géné­ tuum, ct tu conteres ejus calcaneum. Liber quæst. hebr., in h. L, P. L., t. xxm, col. 943. Le sens serait alors: rale pour légitimer une application déterminée au point précis dc la conception sans tache. Plus impor­ que la descendance dc la femme broierait la tête du tante est celte phrase, dite incidemment dc Marie, serpent, tandis que celui-ci n’infligerait qu'une légère Matth., i, IG: dequa natus est Jesus,qui vocatur Christus; blessure à son adversaire en l'atteignant au talon. elle peut contenir virtuellement l’immaculée concep­ Voir l. vi, col. 1209 sq. D’autres, par exemple, le P. de tion, comme privilège propre ù la mère dc Dieu consi­ Hummclaucr, Comment, in Genesim, p. 161, regardent dérée d’une façon concrète ct dans son être moral; le mot sùf comme susceptible d’une double accep­ mais ni la notion concrète ni l’être moral dc Marie tion, répondant à l’attitude diverse ie l’homme ct du serpent dans une lutte mutuelle, ct s’en tiennent mère dc Dieu ne peuvent être déterminés par ce seul énoncé : dc qua natus est Jesus. Restent deux groupes à la traduction dc la Vulgate. La descendance dc la dc textes qui méritent d’être examinés. Le premier femme broiera de son pied la tête du serpent, tandis comprend ceux qui sont communément invo­ que celui-ci essaiera d’atteindre son adversaire au talon. La divergence sur cc point n’aflcctc en rien la qués par les défenseurs dc l’immaculée conception ct qui, dc cc chef, peuvent être appelés les textes prin­ valeur dc la preuve qui sera proposée. Les exégètes catholiques et beaucoup dc protes­ cipaux : Gcn., ni, 15 ct Luc., i, 28, 42. Au second tants s’accordent ù voir dans Gen., ni, 15, plus que groupe sc rattacheront les passages non seulement secondaires, mais considérés comme inefficaces par le la simple annonce ou l’injonction d’un antagonisme plus grand nombre : textes des livres sapientiaux et qui durerait désonnais entre deux races, celle du ser­ autres, sc rapportant surtout aux figures dc la Vierge pent et celle dc la femme; il s’agit d’une inimitié dans l’Anclen Testament; texte dc saint Jean relatif d’ordre spècial, qui sc projette dans l’avenir ct que Dieu lui-même suscitera, comme un plan dc revanche à la femme revêtue du soleil, Apoc., xn. Viendront enfin les témoignages opposés par les adversaires, i contre le démon : Quia fecisti hoc, maledictus es... et ■ inimicitias ponam inter te ct mulierem, etc. Le résultat jadis ou maintenant. final sera la pleine défaite du serpent; dégagée dc la 1° Textes principaux : Gcn., in, 15; Luc., î, 28. — forme littéraire ou symbolique sous laquelle elle est Ces deux textes sc rencontrent à la base dc l’économie rédemptrice : dans l’un, la première annoncc;dans l’au­ énoncée dans le texte gcncsiaquc, cette défaite ne tre, l'accomplissement. Dc là vient qu’en rapprochant peut être que la mine de l’empire diabolique. Voir les deux termes, on obtient une lumière plus vive. Néan­ t. vi, col. 1210. A s’en tenir à la lettre seule, on pour­ rait, suivant la remarque dc plusieurs exégètes, sc moins un examen distinct, sinon indépendant,s’impose. demander de quelle manière la victoire promise à la 1. Le Protévangile. — Le verset communément descendance dc la femme serait réalisée : par tous h s désigné sous cc nom est encadré dans le passage du membres dc la collectivité, ou autrement? Que l’idée livre de la Genèse où Dieu règle en quelque sorte le compte des personnages qui ont concouru à la chute d’une victoire collective sc soit présentée à l'esprit originelle. Adam interpellé s’excuse sur Èvc, qui lui dc nos premiers parents, c’est une pure hypothèse; a présenté le fruit défendu; Èvc s’excuse sur k ser­ en eût-il été ainsi, leur propre expérience dc la vio les aurait promptement éclairés. pent, qui l’a trompée. Tout cria étant vrai ct menant D’ailleurs, c’est mal poser le problème que dc finalement au démon, comme instigateur ct première cause responsable du mal, la sentence commence par l’énoncer en ces tenues : Quel sens Adam ct Èvc ontlui : « Jéhovah dit au serpent : Puisque tu as fait cela, ils attribué ou pu attribuer aux paroles divines? maudit sois-tu entre tous les animaux ct entre toutes Adressées directement au démon, ces paroles avaient un double caractère : celui d’un châtiment édicté et les bêles des champs; tu marcheras sur ton ventre, ct tu mangeras dc la poussière tous les jours de ta vie. » celui d’une annonce prophétique. Sous le second Cc qui s'applique nu serpent, considéré comme instru­ aspect, le Protévangile intéressait assurément nos ment dont s’était servi Satan; à cc dernier,pris en lui- premiers parents ct leur postérité; il fallait qu’ils comprissent assez la promesse pour y puiser l’espé­ même, convient le reste, partie capitalodc la sentence: rance d’une revanche future, mais est-il nécessaire Et je mettrai des inimitiés Inimicitias ponmn inter te qu’ils en aient saisi expressément toute la portée? ct mulierem, et semen tuum entre toi ct la femme, mire et gemen filius : ipsa conteret ton lignage ct le *lcn : elle te • Restreindre la signification des anciennes prophé­ caput tuum, ct tu insidia­ broiera la tête, et tu essaieras ties à l'intelligence qu’en ont pu avoir ceux qui les de la mordre nu talon. beris calcaneo ejus. ont entendu prononcer, c’est méconnaître l'économie a) Question textuelle ct question exégétique. — Le dc la divine Providence dans renseignement de la 851 IMMAGI LEE CONCEPI ION foi, et répudier Imprudemment uno grande part . cit., I. i, p. 219. Lo point capital <*%t de savofi ce (pic Dieu lui mémo avait en vue, H pour le savoir, il faut étudier le texte sous lu lumière que projette ni d< sus et le développement de h révélation et l'accomplissement de la prophétie. Envisagé île l.i sorte, le Protévanglta contient Indubi­ tablement lo M< -esta, quelle quo noil hi manière, directe ou indirecte, explicite ou Implicite, dont ou préfère concevoir et dénommer celle contenance· Voir I. vr, col. 1210-1211. lin va-t-il do mémo pour Mario? Non pas (pl'il s'aftliM? n.,homll. xvn, n. 7, P.G., t. un, col. 113. Voir t. vr, col. 12U9-I210. Enfin d'autres Pères virent I'Eglho dans la femme visée par Dieu et les fidèles dans son lignage. S. Augustin, Serm., rv, In ps, Cltl, n. 0, P. E., I. xxxvn, col. 13811 Z/ι figura dictum Hcclcslir lutura, Cf. Hècndnnt, si Marie rentre dans lo Protévangilo indirectement et par vole do conséquence, c'est en vertu do l'étroite connexion i qui existe entre lu Messie, Implicitement révélé dans l'mitlquo prophétie, et nn mère, no faisant morale­ ment qu'un avec lui dans l'œuvro de la réparation· Mais cello dernière affirmation est susceptible d'un doubla semi. Un peut admettre l'imité morale du Meule et do sa mère dans la lutte et la victoire comme ayant un fondement objectif dans le texte lul-nièmc, étudié et mieux compris sous la lumière combinée de la révélation Intégrale cl Dieu lui-même, nu Dieu de In paix, cps’il attribua l'écrasement de Satan, Hom., xvt, 20 : i 6« Oô; 0\>ντρ(4π T''v osxeviv Oro τούς r.ohiç Ορών h τ-ί/4« Nombreux sont 1rs pères dos premiers siècles qui, dans le lignage do In femme, vainqueur du démon, ont vu Jésus-Christ, né de la Vierge Mario t tels, en Orient, S. Justin, D/ûf. cum Tryphone, 100, />. G., t. vj, col. 712; S. Irénée, Con/. Zwrr., m, 23; jv, 40; v, 21, /'. itlon ; ceux qui s'en sont occupés rxpr«· léinent n'ont pas laissé des commentaires (rx!iniques on ils aient distingué nettement entre sens littéral ou moral, entre acception principale ou secondaire. Voir cepen­ dant b i commentateurs do la Geo4 te, ii partir du v* siècle, L vr, col. 1209, 1210. Cc qui est plus lrnjx>rtant encore, l'application générale qu'ils font a tous les Justes dos expre- ions : « lignage dc la femme * et : • Il te broiera la tête », n'exclut nullement une appli­ cation spéciale A Jésus-Christ, suivant une remarque du P. dc Hnmmelatier lui-même, op. cil, p, 162; re­ marque confirmée d'ailleurs par l'exemple des saints Éphrcm et Arnbtohc dons les pa»»apex cités. L'argument que les tenants de la première interpré­ tation tirent du paralléli πιο entre la descendance du serpent et celle do In femme, voir t. vj, coL 1209, n'a proprement de valeur qu'a rencontre des théologiens et des exégète* rv que « le lignage do la femme · signifie, ou moins principalement, Jétus-Chrlst, Sauveur du genre humain, · In femme » no doit-elle pus êlro lu blcnlieurcuse Vierge Marie? G'cit d’elle seule qut, dans la sainte Écriture, Jésus ost dit le rejeton; c’est comme fils dc Mario, n'ayant pas dc père selon la Chair, qu'il «t vraiment, dans un sens unique, · formé d'une femme », comme dit l'apôtre. Gai., iv, 4. Sur­ tout, le rôle attribué u In femme dc In Genèse ne con­ vient parfaitement qu’l· Marie. L'inimitié que Dieu annonce et qui sera ion couvre n'rxistrrn pn· seule* ment entre le lignage du scrprnt cl rrhd de Mûrie, elle existera également entre le serpent cl la femme; In distinction ent amd nette dans le texte hébreu qu'elle l'rtt dans le texte latin : inter te et mulierem, et inter ccmctl tuum et tf/nen ill lut. Celle Inimitié tendant A la défaite du serpent, comme A son tenue, la femme nent donc unie A son lignage dans la vic­ toire non moins qu© dans la lutte. Si tout sc bornait A une reprise d'hostilités entre βνο cl le démon, hostilités destinées a se perpétuer entre leurs lignages et suivie* plus tard d'une victoire décisive (pic le hcul Sauveur remporttrait nu nom et dans l'intérêt du genre humain, pourquoi i'bustllllô serait-elle attribuée A la femme avec tant d'emphase, et pour­ quoi A la femme plutôt qu'A l'homme? En droit, l'inimitié entendue do ccttc manière ne convlrndmlt« Ile pas tout aussi bien, sinon mieux, nu premier homme, souche physique et chef moral dc la race? En fait, qu'y n-t-ll do particulier, sous co rapport, dans l'histoire d’Eve cl de sa dctcendance féminine, abstraction f ille de Mario? SI «loue Dieu attribue un rôle spècial A la femme dam lu lutte contre lo serpent, 855 IMMACULÉE CONCEPTION n'en faut-il pas chercher la raison dans quelque circon­ stance mystérieuse que le seul texte de Ja Genèse ne révèle pas, niais que la suite de la révélation devait dévoiler? Tout s’explique s’il s'agit de la nouvelle Ève, associée au nouvel Adam dans la victoire comme dans la lutte. Qu’Ève soit réellement « la femme » désignée dans les versets qui précèdent ct qui suivent le Protévan­ gile, c'est chose incontestable et incontestée; l’écri­ vain sacré y raconte sa faute ct celle d'Adam, 1-6, puis l’interpellation divine, 12-13, ct le châtiment infligé aux deux coupables, 16-17. Le cas est tout autre dans les deux versets intermédiaires, où le Protévangile est enveloppé : Dieu s’y adresse, non pas â nos premiers parents, mais au démon, pour prononcer contre lui une sentence cn punition du péché qu'il a fait commettre d'abord à Ève; cette sentence comprend un plan de revanche dressé par Dieu contre Satan : < Puisque tu as fait cela, sois maudit..., ct je mettrai une inimitié entre toi ct la femme, etc. > C'est-à-dire, « puisque lu t'es servi de la femme, comme d'un instrument, pour faire tomber le premier homme ct détruire ainsi mon œuvre, à mon tour je me servirai de la femme, comme d'un Instrument, pour détruire ton œuvre ct restaurer la mienne. » Pour que cc programme se réalise, cn ce qui concerne « la femme », il n'est pas nécessaire que cc mot désigne dans les deux cas un seul ct même sujet. Quand on dit, suivant un adage connu : · La femme nous’a perdus, la femme nous a sauvés », le sens n'est pas que la chute ct le relèvement viennent d'un seul ct même individu, mais seulement qu'ils viennent, l’un ct l’autre, d'une femme qui, dans l’hy­ pothèse, représente ct personnifie cn quelque sorte l'espèce. De même, pour expliquer la double accep­ tion du mot ha’ ü.ia, il suffit qu'au relèvement comme à la chute, une femme Intervienne; non pas une femme quelconque, mais une femme qui, par sa condition I spéciale et le rôle qu'elle joue, puisse, comme Ève elle-même, s’appeler « la femme », soit par personnifi­ cation de l’espèce dans un individu, soit par méto­ nymie, la partie principale étant prise pour le tout. Cette application d’un même terme à deux sujets dis­ tincts est d'autant plus facile à concevoir ici, que les deux femmes,sc trouvant dans le rapport de première et de seconde Ève, ne sont nullement, cn leur être moral et pour ainsi dire social, indépendantes l'une de l'autre. Considération qui explique, semble-t-il, cn quel sens certains auteurs ont pu voir dans la femme de la Genèse ct Marie ct Ève : la première principalement, la seconde secondairement, comme ne faisant moralement qu'une avec l’autre : Illa mulier principaliter esi B. Virgo, cujus semen est Christus ; Eva vero solum in conjunctione cum filia sua. C. Pcsch, Prit lectiones dogmatica:, t. in, De Deo creante, n. 302. C'est sans doute à un rapport de cc genre que son­ geait l'auteur d’un sermon attribué à saint Augustin, quand il présentait Ève comme une anticipation de Marie, ct celle-ci comme une révélation ultérieure de celle-là: InEvajam tune Maria inerat, et per Mariam postea revelata esi Eva. Serm., ai, in nat ivit. Domini, n. 5, dans Mai, Nova Patrum biblioth., t. i, p. 212. | Réduite à cette simple Idée, que Marie est étroite­ ment unie à son Fils considéré comme le grand adver­ saire et comme le vrai vainqueur de Satan, l'interpré­ tation du Protévangile qui vient d'être exposée ré­ pond à la doctrine générale des Pères ct des écrivains ecclésiastiques. Plusieurs de ceux qui ont été cités comme voyant dans le lignage de la femme le Messie, parlent de ce dernier d'une façon concrète, comme né de la Vierge Marie : tels Justin, Irénée, Cyprien, Éphrem, Léon le Grand, Isidore de Pélusc. D autres identifient formellement ou équivalcmmenl la mère 856 de Dieu avec la femme de la Genèse : S. Épipliane, I Hær, Lxxvm, n. 18, 19, P. G., t. xi.n, col. 728; S. Éphrem, Orat. ad SS Dei matrem, Opera gru e lot,, t. m, p. 617: Suive pura, quir draconis nequissimi caput contrivisti; pscudo-Chrysoslome, Homil. in annunt. Deip., P. G., t. lxh, coi. 766: Ave, ct calca caput ser­ pentis; Ilesychius, Serm.,\', de S. Muria Deip., P. G., t. xan, coi. 1466: Gloria tuli nostri, quit... audaciam draconis absciait;S. JosephTHymnographe, Maria.t, 16 avril, P. G. t cv, col. 1102 : lu quæ gaudium pepe­ risti, el serpentem interemisti. En Occident, saint Jérôme, si, comme l'a soutenu G. Paucker, dans Zeitschrift ftïr die bstcrrcich. Gynmasien, Vienne, 1880, t. xxxi, p. 891-895, il est réelle· ment l'auteur de VEpist., vi, ad amicum aegrotum, de viro perfecto, c. m, P. L., t, xxx, col. 82 : Mater itaque Domini nostri Jesu Christi in ilia jam tunc mu­ liere promissa est, etc.; Prudence, Cathem., hymn, in, v. 150, P. L., t. lix, col. 806 : femineis vipera prote­ ritur pedibus; S. Avit, Carmina, L III,c. vi, P. L., t. lix, coi. 340 : Conterat illa caput, vicloremqite ultima vincat; divers exégètes au temps du pscudo-Euchcr, Comment, in Gen., m, 15, P. L., t. l, col. 914 : Quidam autem, quod dictum est: Inimicitias ponam inter te ct mulierem, de virgine, unde natus est Dominus, intelle­ xerunt; S. Isidore rapportant le même texte, Mysti­ corum expositiones sacramentorum, P. L., t. lxxxih, coi. 221 (et Fidel Fita, La Biblia y san Isidoro, dans Bolelin de la Beal Academia de la historia, Ma­ drid, 1910, t. lvt, p. 484 sq.); S. Fulbert de Chartres, Scrm., rv, de nativ. B. M., P. L., t. cxli, col. 320 : ILvc (Maria) est ergo mulier ad quam divinum illud intendebat oraculum; Rupert, De victoria Verbi Det, 1. II, c. xvi, P. L., t. CLXix, col. 1256 : Equidem principaliter beata Virgo Maria, mulier illa est inter quam et serpentem inimicitias positurum se dixit, et posuit Deus; S. Bernard, Homil., n, super Missus est, n. 4, P. L., t. cLxxxni, col. G3: Quam tibi alium prae­ dixisse Deus videtur, quando ad serpentem dixit : Ini­ micitias ponam inter (e ct mulierem? De même, Serm. de duodecim praerogativis B. M., n. 4, ibid., col. 431: Nimirum Ipsa est quondam a Deo promissa mulier, serpentis antiqui caput virtutis pede contritura. Mais pour avoir pleinement la pensée des Pères, il ne suffit pas de considérer les applications plus ou moins directes qu'ils ont pu faire du Protévangile; il faut encore, comme le remarque ù bon droit Palmieri, Tractatus de peccato originali ct de immaculato B, V. Deiparre conceptu, 2e édit., Rome, 1904, p. 304, tenir compte de la doctrine, commune parmi eux, du nouvel Adam ct de la nouvelle Ève, unis dans l'œuvre de In réparation; doctrine appartenant ù la tradition patristique des premiers siècles ct qui, ù ce titre, sera développée plus loin. Ébauchée par saint Justin ct poussée plus avant par saint Irénée, elle sc trouve aussi chez le plus ancien des Pères latins, Tcrtullien, avec moins de relief, mais nette encore dans scs lignes fondamentales, De carne Christi, 17, P. L., t. n, col 782 : « Dieu n recouvré par une opération con­ traire son image ct sa ressemblance dont le démon s'était rendu maître. Dans Ève encore vierge s'était Insinuée la parole qui créa la mort; c’est aussi dans une vierge que devait descendre le Verbe de Dieu qui créa la vie, afin que le même sexe qui avait été la cause de notre perle devînt l’instrument de notre salut. » De là résulte, entre la première femme ct la mère du Sauveur, une antithèse qui, dans la période postnicéennc, s’énonce couramment sous forme d’adage : Mors per Evam. vita per Mariam, dit saint Jérôme, Epbl., xxn, ad Eustochium, n. 21, P L. t. xxn, col. 108; au lieu d'Ève, Marie, αντί τή; Ευας ή Μαρία, dit saint Jean ChrysoMomc, Homil. In Pd'.c/ια, n. 2, 1*. G., t. lu, col. 768; et saint Éphrem, 857 IMMACULEE CONCEPTION Hymni d sermones, t. n, col. 526 : « La mort est venue par Ève, ct la vie par Marie. » D'autres témoignages, plus importants ceux-là, n’expriment pas seulement /antithèse entre les deux femmes, mais cn détermi­ nent la portée dans l'ordre providentiel, conformé­ ment à l’idée contenue dans le texte de Tcrtullien. S. Cyrille de Jérusalem, Cat., xn, 15, 1·. G., t. xxxm, col. 742 : « Comme la mort était venue par Eve encore vierge, il convenait que la vie revînt par une vierge; » S. Ephrem, De diversis, serin. ni, Opera syr. (at., t. m, p. 607 : · Cc qui a été un instrument de mort, a donc été un instrument de vie; » S. Augustin, De agone christiano, c. xxn, n. 24, P. £., t. xu col. 203 : « Il fallait que le diable souffrît de sa défaite par les deux sexes, comme il avait joui de son triomphe sur les deux; ce n'aurait pas été assez pour son châtiment que les deux sexes fussentdélivrés,sl les deux n'avaient point contribué à la délivrance. » Cf. Maxime de Turin, Homil., xv, de natio. Dom., x, P. L., t. Lvn, col. 254. Il y a donc, de la part de Dieu, un plan de revanche sur le démon; plan qui comprend, cn face d’Adam ct d’Èvc formant le groupe des vaincus, Jésus-Christ et sa mère formant le groupe des vainqueurs. D'où vient cette doctrine? Pour cc qui concerne le Sauveur, nul doute qu’il n’en faille chercher le fondement dans l'Èvangilc ct les écrits apostoliques, Joa., xn, 31; Boni., v, 14 sq.; Gai., n, 15; Heb., n, 14; I Joa., in, 8; car les expressions patristlques rappellent ù la mé­ moire ccs divers passages. Mais pour cc qui concerne la mère du Sauveur, nul autre fondement ne parait assignable, qu'un rapprochement entre le récit de la chute originelle, Gen., ni, 1-10, ct celui de l'Annon­ ciation, Luc., î, 26-39. Au colloque du démon avec Ève, les Pères opposent le colloque de l'archange Gabriel avec la Vierge de Nazareth; ù l'orgueil et â la désobéissance de la première femme, ils opposent l’humilité et l’obéissance de Marie; à la ruine que la conduite de l’ancienne Ève attira sur le genre humain, ils opposent le relèvement dont la conduite de la seconde Ève fut la condition ct le principe. Cette dernière considération, telle qu’elle apparaît dans ceux des Pères qui l’ont tant soit peu développée, nous reporte au Protévangile. La traduction de la Vulgate, attribuant Λ la femme la défaite du serpent : Ipsa conteret caput (uum, confirme à sa manière cette conclusion; car elle suppose dans ceux qui l’intro­ duisirent ou l’adoptèrent la conviction d’une union étroite entre la femme ct son rejeton dans la lutte contre l’ennemi, cn sorte que la victoire de l’un pût être aussi considérée comme victoire de l’autre. 11 n’est nullement prouvé que cette traduction ait in­ troduit dans le texte un apport doctrinal objective­ ment distinct; elle contient, cn réalité, la détermina­ tion et l’expression de cc qui était enveloppé dans le sens intégral de la mystérieuse prophétie. Prise dans toute son ampleur, la doctrine du nouvel Adam ct de la nouvelle Ève forme donc comme une Interprétation pratique du Protévangile; les Pères y ont trouvé le Messie ct sa mère, quoiqu’il cn soit de la question de terminologie, discutable mais se­ condaire, ù savoir s'il faut dire que tels ct tels les y ont vus directement ct explicitement, ou bien indi­ rectement et implicitement. Les considérations pré­ cédentes écartent seulement l’opinion arbitraire do ceux qui, ne reconnaissant 1Λ que des données exclu­ sivement traditionnelles, enlèvent par le fait même toute valeur scripturaire à l’argument tiré du Pro tévangilc. Elles nous font aussi dépasser l’hypothèse d’un sens spirituel ou typique, qui serait fondé sur un rapport d'analogie entre Ève, redevenant après son repentir l'ennemie du démon, ct Mario, réalisant pleinement avec son divin Fils l’inimitié prédite. L’hypothèse ne rentre ni dans le cadre historique de 858 ’ la révélation écrite ni dans celui de la tradition pri­ [ mitive. Quand l’Écriturc fait mention d’Èvc cn de­ hors des premiers chapitres de la Genèse, où elle ra­ conte son état primitif ct sa chute, c'est toujours cn rattachant à sa personne l'idée de ruine, de séduction, de prévarication. Eccli., xxv, 33; II Cor., xi, 3; I Tim., n, 14. De même, quand les anciens Pères considèrent la première femme après sa déchéance, cc n'est pas pour la comparer ù la mère du Sauveur vic­ torieuse avec son divin Fils; c’cst, d'ordinaire, peur opposer l'une et l'autre, suivant l’antithèse connue. Un autre rapprochement leur est, il est vrai, suggéré par le titre ct la qualité de mère des vivants, Gen., in, 20 : Ève, mère du genre humain dans l’ordre phy­ sique, devient pour saint Èpiphane, loc. eiL, et d'au­ tres après lui, la figure de Marie, mère des hommes I dans l'ordre de la grâce; mais si ce rapprochement confirme qu'aux yeux de ces Pères Marie est la nou­ velle Ève, il n'entraîne aucun rapport typique entre les deux femmes envisagées comme adversaires victorieuses du serpenL Voir card. Billot, De Verbe incarnato, 4· édit., p. 374 sq., note. C'est donc avec raison que, dans la bulle Ineflabilis,iï est dit des saints Pères ct des écrivains ecclésiastiques : • Ils ont enseigné que par cc divin oracle. Je mettrai l'inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et la sienne, Dieu avait clairement et ouvertement montré à l'avance le miséricordieux rédempteur du genre humain, Jésus-Christ, son Fils unique, ct dési­ gné sa bienheureuse mère, la Vierge Marie. » Idée re­ prise, mais sous une forme plus absolue, par Léon XIII dans cette phrase qui contient une allusion mani­ feste au Protévangile: «Au début des siècles, quand, par leur péché, nos premiers parents sc furent souillés eux-mêmes et curent souillé toute leur postérité d'une commune tache, l'auguste Vierge Marie fut constituée comme le gage du salut ct du relèvement futur. 9 Encycl. Augustissima, sur le rosaire, 12 sep­ tembre 1897. c) Marie immaculée dans le Protévangile. — Le glorieux privilège de la mère de Dieu ne ressort pas immédiatement de cc qui précède. Des Pères ont vu dans la femme de la Genèse Marie, nouvelle Ève, sans y voir Marie conçue sans péché; il cn fut ainsi de saint Bernard, si catégorique cn cc qui concerne le premier point. Pour lui, comme pour d'autres, l’ini­ mitié de la bienheureuse Vierge ct son triomphe se seraient réalisés, soit cn général dans sa vie morale, par l’absence complète de toute faute personnelle, soit cn particulier, au jour do l’Annonciation, alors que par sa foi, son humilité ct son obéissance, elle fit contre-poids ù l’incrédulité, ù l'orgueil, à la déso­ béissance de l’ancienne Ève ct nous 'onna le Sauveur. En outre, n'ayant pas traité formellement de la conception de Marie, les Pères des premiers siècles n’ont pas relié le privilège qui s’y rattache au rôle de nouvelle Ève que le Protévangile leur a révélé. Mais c'est lù une question de fait qui ne préjuge en rien la question do droit Dans cc cas comme dans beaucoup d’autres, les anciens Pères ne sont pas par­ venus ù la connaissance explicite do ce qui n’était contenu que d’une façon implicite dans le texte gé* nésiaquo ct ceux qui le complètent ou l'éclairent. Us n'en ont pas moins posé, par la doctrine de la nou­ velle Ève, intimement unie au nouvel Adam dans /œuvre de la réparation, les prémisses d'où la conclu­ sion devait sortir un jour, l'Esprit-Saint aidant. Aussi, quand le problème de la conception de Marie entrera dans une phase de discussion formelle et publique, les défenseurs du privilège commenceront ù invoquer expressément le Protévangile, par exemple, au xn· siècle, O Texte qui con­ tient deux phrases nettement distinctes : une pre­ mière, narrative, où l’on attribue aux Pères et aux écrivains ecclésiastiques le susdit enseignement. docuere; une seconde, déductive, quocirca...., où les Pères ne sont plus mis directement en scène; ce sont les rédacteurs de la bulle et Pie IX avec eux, qui, partant de l'enseignement des Pères comme fournis­ sant le principe, tirent la conséquence et font l’appli­ cation. Ces considérations d'ordre positif permettront d’apprécier à leur juste valeur certaines critiques faites couramment, dans des encyclopédies protestantes ou rationalistes, par les adversaires du dogme ou de la bulle de définition. Quand, par exemple, on reproche aux théologiens de Pic IX d'avoir fondé leur argu­ mentation sur une leçon fautive, Ipsa de la Vulgate, on attribue à ces théologiens et au pape lui-même exactement le contraire de cc qu'ils ont voulu faire et ont fait réellement. Quand on objecte que, parmi les anciens Pères, nul n'a entendu l'oracle génésiaque dans le sens immaculistc, on mêle, inconsciemment peut-être, cc qui, dans la bulle, est proprement attri­ bué aux Pères et cc qui s’y trouve affirmé comme une conséquence tirée de leur enseignement. Ces adver­ saires méconnaissent le véritable état de Ja question, en ne tenant compte que des affirmations directes et explicites; ils négligent à tort ce qui peut être contenu d'une façon soit équivalente, soit indirecte ou implicite, dans la doctrine générale des écrivains primitifs sur Marie nouvelle Èvc et leurs allusions à l’union de cette nouvelle Ève avec le nouvel Adam dans la lutte victorieuse contre Satan. λ olr les théologiens traitant de l’immaculéeconception: Piazza, op. cil.. Act. i. η. 1, n. 77-85; Perrone, De imma­ culato U. Marii»· V. concepht dhguis11io theologica, p. 204 sq.; dans Pareri dell* episcopate catfollco, Rome, 1852, t. vi; Pnshaglia, D< immaculato Deipara semper Virginis con­ ceptu commentarius, sect, v, c. 1, Rome. 1354; Palmieri, d'abord Tractatus de Deo creante et elevante, th. ixxxvm I'··: ‘ 'S i ii ‘· ' L · <■<-.'·, or iginr/i et !e imnuv SGI IMMACULÉE CONCEPTION culato Π. Marta· V. conceptu, th. xxm, Home. 1901; Scheebcn. llandbuch der kathollschcn Dogmaiik, J ri bourgcii-Brhgnu. 1882, L m, n. 16Î7 *q.; Christ. Patch, Praleclionet dogmatlc/r, t. ni. Dr Dco errante rt elevante, 2' édit., Fribotirg-cn-BriMgnu, 1899, n. 392; L JanMem, Summa theologica. Tnirtatu» de Dro homine, Fribourg-cn-Brisgau, 1902. t. v, p. 43-6-1; L. Billot. De Verbo incarnato, th. XU, Borne, 1904; G. Van Noort, De Deo redemptore, 2· édit.. Amsterdam, 1910, n. 215, 223. 244; G. Van Crombragghe. Tractatui de beata Virgine Maria, Gand, 1913, p. 113-118. Études spéciales : I·’. X. Patrtai, De KV1, hoc est de Immaculata Maria: origine a Dca pradlda disquisitio, Rome, 1853; E. Bigarra, Purissima: Virginis Martas Dei Geni­ tricis conceptus quomodo immaculatus bibiteo τού πρωπυαγγ().ίου testimonio statuendus, Venise, 1850,dans Pareri dell* episcopate) cattolico, t. vu, p. i.xxxi sq.; G. Mcignan, Let prophéties messianiques de VAncirn Testament, t. I. Pro­ phéties du Pentatruqur, Paris. 1866, p. 238-261 ; V. Cordelia cl II. Lcgnanl. Jxi Danna del Protoeuangelo e le sue rclazioni colla Chicsa, dans Civiltd caltolica. nov^déc. 1869, 7· série, t. vni. ρ. 560, 650; Al. Scharfer, Die Gotlesmuttrr in der hl. Schrift, Munster, 1887, p. 105 sq.;lL Ixgmini. De secunda Eva commentarius in Protocvangclium, Venise, 1888; J.-B. Terrien, Jxi mère de Dieu et la mère des hommes, II· part., Paris, 1902. I. I, c. n; M. Flunck, Dos Protoevangelium und seine Beztehung sum Dogma der unbrfleckten Empfungnis Marias, dans Zeitschrift fùr katholischc Théo­ logie, Inspruck, 1901, t. xxvni, p. 641-671; H. Bremer, Die unbcflcckte Empfüngnis und die reste Prophezeiung der Erlôxung, dans Theologisch-praktische Quartalschrift, Linz, 1904, p. 752-773; L. Murillo, El Protoevangelio gel dogma de la conccpciôn inmaculada de Maria, dans Ra:6n y fc, Madrid, 1904, num. extrnord. (ù compléter par El Gênais, du mémo auteur, Rome. 1914, p. 303-307); S. Protin, Le Protévangilc et V immaculée conception, dans la Revue augustinicnne, Paris, 1904, t. v, p. 449-460; G. Arendt. De Pndocvangcllt habitudine ad immaculatam Deiparte conceptionem, Rome, 1904. Cc dernier ouvrage est la prin­ cipale monographie sur la question. 2. La salutation angélique et celle d'Élisabeth. — Émises par des personnages distincts et qui parlaient dans des circonstances différentes, mais l'un et l’autre au nom de Dieu ou sous l’action du Saint-Esprit, ces deux salutations doivent être rapprochées, la seconde complétant en quelque sorte la première. Luc.» î, 28. Ave. gratta plena; Dominus tecum; [be­ nedicta tu In mulieribus]. .le vous salue, pleine dr grâce; le Seigneur est avec vous; (vous êtes bénie entre les femmes). Vous êtes bénie entre les 42. Benedicta tu inter mu· •llcres, et benedictus fructus femme*, et le fruit de vos ventris lui. entrailles est béni. Dans le texte grec de la salutation angélique, on Ht seulement d’après les manuscrits : Xaîp<» τωρίνη· ô κύριος μ<τα goÛ; les autres paroles, qui sc retrouvent dans de très anciennes versions et divers écrits des premiers siècles, ont été vraisemblablement empruntées à la salutation d’Élisabeth : Ευλογημένη συ iv γυναιξίν. xal ιυλογημίνος ό κχρπύς της κοιλίας ooj. Ce qui frappe d'abord dans la salutation angélique, ce sont les premiers mots, soulignés ainsi par Origènc, In Lucam, homil. vj, P. G., t. xm, col. 1815 ; « Puisque l’ange salua Mario en des termes nouveaux, que je n'ai pu trouver dans toute l’Écriture, il faut en dire quelque chose. Celte expression : Xatps, χιχαριτωμίνη. je ne me rappelle pas en effet l’avoir hic dans aucun autre endroit des saints Livres; par ailleurs, cc n’est point ù un homme que sont adressées ces paroles : Χαίρι, χί/αριτωρένη ; c’est une salutation exclu­ sivement réservée â Marie. » Passage dont saint Am­ broise s’est inspiré quand il dit de la bienheureuse Vierge, Expos. Evang. secundum Lucam, 1. Ill, η. 9, P.L., t.xv, col. 1555 sq. : Benedictionis novam formulam mirabatur, qutc nusquam lecta est, nusquam ante comperta. Soli Marite hive salutatio servabatur, l.a remarque du docteur alexandrin, reprise par l’évêque de Milan, suppose manifestement que l’un et l’autre 862 attribuaient au mol χιχαριτω^ίνη une portée bien su­ périeure à cette froide traduction d’auteurs protes­ tants : qui as été justifiée. Le mot jsyz signifie dans le Nouveau Testament une grâce, une faveur, un bienfait venant de Dieu; cc qui, dans le participe passé χχ/χριΤύψίνη, étant données la dérivation et la forme du verbe correspondant γαρτού?. mène di­ rectement au sens d'enrichie. comblée de grâce. Knabcn~ bauer. Comment, (n h. I., p. 60 sq. De même, quand Élisabeth, «remplie de l'Esprit-Sainl », proclame sa cousine « bénie entre les femmes », il s’agit évidem­ ment d’une bénédiction exceptionnelle, unique, dont la raison et Ja mesure se tirent des relations intimes Mais la question présente est tout autre : les applica­ tions des textes répondent-elles au sens littéral, ou du moins à un sens spirituel suffisamment établi, en sorte qu’on puisse légitimement l'attribuer à l’écrivain sacré ou à i'Esprit-Saint, auteur principal? Pour cc qui est du sens direct et principal, la réponse négative s’impose : il s’agit, dans les psaumes, dc Jérusalem, la cité sainte; dans les livres saplcntaux, dc la Sa­ gesse divine, personnifiée ou personnelle; dans le Cantique des cantiques, de la synagogue ou Les artistes chrétiens se sont inspirés de cc verset dans l'une des plus belles représent allons qu’ils nous aient donnée dc la Vierge sans tache. Deux fois le verset apparaît dans l’office dc l’immaculée Concep­ tion, au 6« répons de matines et au capitule de none. Enfin Pie X l’a utilise dans son encyclique du 2 fé­ vrier 1904, Ad dicm ilium, pour le cinquantième anni­ versaire de la définition. Mais ccs applications ne constituent pas une interprétation authentique; une simple accommodation suffit à les justifier. Le texte doit être examiné dc plus près, et le verset 1" ne doit pas être pris à part du reste du chapitre. 1. Vn grand signe parut 1. Et signum magnum ap­ paruit In cælo : mulier amic­ dans le ciel : une femme ta sole, et luna sub pedibus revêtue du soleil, la lune ejus, ct in capite ejus corona sous ses pieds ct. sur sa tête, stellarum duodecim; 2. et in une couronne de douze étoi­ utero habens. clamabat par­ les; 2. elle était enceinte et turiens, cl cruciabatur ut criait, étant en travail cl «tans les douleurs dc l'en­ pariat. fantement. 3. Et un autre signe parut 3. Et visum est aliud si­ gnum in cirlu : ct cccc draco dans le ciel : un grand dragon magnus rufus, habens capita roux, qui avait sept trtrs septem, et cornua decem, cl cl dix cornes ct, sur ses fîtes, In capitibus ejus diademata sept diadèmes; 4. de sa septem ; 4. ct cauda ejus tra­ queue il entraînai· le tiers hebat tertiam partem stella­ «les étoiles de ciel, et il 1rs rum cæli.ct misit eos In ter­ jeta sur la terre. Et le dragon ram; cl druco stetit ante mu­ se tint devant la femme qui lierem, quæ cnil paritura, ut, allait enfanter, afin dc dévocum pcpcrisscl, filium ejus rcr son fruit, dès qu’elle l’aurait enfanté. devoraret. 5. Et clic mit au monde 5. Et pe perit filium mas­ culum, qui rrcturus erat un enfant mâle, qui devait omnes gentes in virga ferrea; régir toutes les nation» avec et raptus est filius ejus ad une verge dc fer. Et son en­ Deum ct ad thronum ejus; fant fut enlevé vert Dieu et 6. ct multer fugit in solitu­ vers son trône. 6. Et la dinem, ubi habebat locum femme s’enfuit au dtScrt, où paratum a Deo, ut ibi pa­ Dieu lui avait préparé une scant cam diebus mille du­ retraite,afin d’y être nourrie pendant mille deux cents centis scxngintn. soixante jours. 7. Et factum est pnrlium 7. Et il y eut un gran«l magnum in cælo : Michael cl combat dans le ciel : Michel angeli ejus pnrllabontur et scs anges combattaient cum dracone; ct draco pu­ contre le dragon; le dragon gnabat, ct angrli ejus;8. et ct scs anges combattaient ; non valuerunt, neque locus X. mais ils curent le dessous, inventus est rorum amplius ct leur place ne fut plus trouin cado. 9. Et projectus est véc dans le ciel. 9. Et il fut draco ille magnus, serpens précipité, le grand dragon, antiquus, qui vocatur dia­ l'antique serpent, celui qui bolus ct Satanas, qui seducit est appelé le diable ct Satan, unis ervum orbem, ct pro­ qui séduit le monde entier; jectus est in terram, ct an­ il fut précipité sur la terre, geli ejus cum illo missi sunt... et scs anges furent précipités ax ce lui... 13. Et postquam vidit 13. Et quand le dragon sc draco quod projectu» esset vit précipité sur la terre, il in terram, persecutus est poursuivit la femme qui VII. —28 S67 midicrcm quæ pe perit mas­ culum; 11. ct datæ suât mulieri ni.τη du» aqullxo magnæ, ut votaret In deser­ tum In locum suam, ub! nlltur per tempus, ct tempora, ct dimidium temporis, η fade serpentis. 15. Et misit serpens ex ore suo. post mu· Jierem, aquam tanquam Ωαιηοη, ut eam faceret trahi a flumine. 16. Et adjuvit terra mulierem, ct aperuit terra os suum, et absorbuit flumen quod mbit draco do ore suo. 17. Et iratus est draco in mulierem, ct nbiit lacero pnrlium cum reliquis do semine ejus, qui custo­ diunt mandata Del, ct habent testimonium Jesu Christi... IMMACULÉE C0NCE1 ’TI0N avait mis nu monde l'enfant inAle; 11. et les deux ailes du grand aigle furent don­ nées ά In femme pour s'en­ voler au désert en sa retraite, où elle est nourrie un temps, des temps ct In moitié d’un temps, loin do la face du ser­ pent. 15. Et le serpent lança do sa bouche après la femme dc l'eau comme un fleuve, n lin do la fairo entrainer par lo fleuve. 16. Mais la terre vint au secours dc la femme : elle ouvrit son sein et engloutit le fleuve quo le dragon avait vomi. 17. Et le dragon fut rempli do fureur contre la femme, ct il s’en alla faire la guerre au reste do sa race» ù ceux qui gardent les com­ mandements dc Dieu ct qui ont le témoignage de Jésus... Quelle est cette femme qui, d’un côté, apparaît aux yeux ravis de l’apôtre comme enveloppée dc splendeur, ct qui, dc l’autre, enfante dans les gémis­ sements, puis devient, elle ct son fruit, l’objet d’une singulière hostilité dc la part du grand dragon? Quel­ ques anciens Pères l’ont identifiée avec la Vierge Marie, par exemple, chez les latins, l’auteur du Serai.,îv, de symbolo ad caleth., imprimé ù la suite des sermons dc saint Augustin, P. L., t. xl, col. GG5; chez les grecs, le pscudo-Éplphane, De laudibus S. Mariæ, liomil. v, P. G., t. xuit, col. 493 (ù rapprocher du véritable Épiphanc, disant que le verset G, où nous voyons la femme fuyant au désert, a pu trouver son accomplis­ sement en Mario : τα/χ oi δίνχτχι t-’ αώτζ πληροζσΟχι. Hier., txxvni, 11, P. G., t. xui, col. 716). Cette opinion conserva longtemps des partisans en Orient, comme en témoignent, au vi· siècle, André de Césarée, ct sur la fin du ix·, Aréthas, dans leurs com­ mentaires sur l’Apocalypse* P. G., t. evi, col. 320, 660. Mais on ne peut admettre ccttc interprétation qu’en s'attachant exclusivement ù certains traits du tableau, abstraction faite de l'ensemble et du rap­ port étroit qui existe entre le c. xn ct lo reste du livre. Aussi d’autres Pères, en plus grand nombre ct dc plus grande autorité, ont vu dans la femme dc l’Apo­ calypse une personnification dc l’Église, considérée comme mère spirituelle du corps mystique du Sauveur et soumise, en ccttc qualité, ù la loi de la souffrance et de la persécution: S. Hippolyte, De Antichristo, GO-61, P. G., L x, col. 780; S. Victoria, Scholia in Apoc., P. L., t. v, col. 336; S. Méthode» Symposion. vn, 4, P. G., t. xviit, col. 145; S. Augustin, Enarr. in ps. cxut,3, P. L., t. xxxvn, col. 1846; Primasius, in h. L, P. L., t. Lxvm, col. 872sq.; Andrédc Césarée cl Aréthas, loc. cit., ct beaucoup d’autres à la même époque et dans les siècles suivants, en sorte que ccttc interpretation est devenue courante parmi les exé­ gètes, malgré les divergences qui se produisent quand il s’agit d’expliquer dans les détails l’allégorie com­ plexe contenue dans la vision dc l’apôtre, ou de déterminer d’une façon précise en quelle période dc son existence l’Église doit être considérée. Marie n’est donc pas au premier plan dans le c. xn dc l'Apocalypse; en est-elle complètement absente? C’est une autre question. Si plusieurs des traits dont se compose le tableau d’ensemble ne lui conviennent pas proprement, d’autres ne lui conviennent pas moins qu’à l’Égllse, et certains ne conviennent même à celle-ci qu’en vertu d’une sorte d’attribution qui lui est faite de prérogatives réellement propres à la mère de Dieu. C’est ainsi qu’en face du contraste présenté par l'Église apparaissant en même temps 868 comme « mère souffrante » ct · sous un aspect divin », un auteur récent a écrit : « Cette emphase symbo­ lique surprendra moins, si l’on admet que la mère allégorique du Messie, la communauté, est ici repré­ sentée sous les traits qui conviennent premièrement à sa mère réelle. » B. Allô, Le douzième chapitre de l9 Apocalypse, p. 540. Do même, en face du ÿ. 5 énon­ çant la naissance dc l'enfant mâle destiné à régir toutes les nations, Newman fait ccttc réflexion : ■ Personne ne doute que l'< enfant mâle · ne soit une allusion à Notre-Sclgncur; pourquoi donc la « femme » no serait-elle pas une allusion â sa mère? » Du culte de la sainte Vierge, p. 87 sq. D'autres allusions sont relevées par divers commentateurs. Saint Jean n fait un portrait Idéal où, pour peindre l'enfantement du Christ mystique ct la maternité spirituelle de l’Église au cours des siècles, il s'est Inspiré de faits qui se sont réalisés dans l’ordre historique où Jésus-Christ ct sa mère ont vécu. Par là s'explique (pie beaucoup d'au­ teurs ont été amenés à voir dans la femme dc l'Apo­ calypse non seulement l'Église personnifiée, mais encore Marie, son exemplaire; il y a seulement diffé­ rence dc terminologie. Lés uns parlent de sens spiri­ tuel ou figuratif, dont le fondement est le rapport dc ressemblance qui existe entre Marie et l’Église, comme entre l’exemplaire ct la copie. D'autres, envi­ sageant les deux termes d'une façon plus intime ct plus profonde, ajoutent au rapport dc ressemblance un rapport dc dépendance ct de connexion tel qu’en dehors dc lui, le sens même littéral du texte sacré n’est pas saisi dans sa plénitude ou sa portée intégrale. Voir, entre autres, J.-B. Terrien, La mère des hommes, t. n, p. 71 sq.; Schcebcn, op. cit., n. 1531. Pour ccs derniers, Marie rentre donc, indirectement ou impli­ citement, dans le sens littéral. Loin dc contredire les données traditionnelles, cette interprétation les concilie plutôt; elle synthé­ tise ct harmonise les deux courants qui sc sont ma­ nifestés chez les Pères ct les écrivains ecclésiastiques. Que la femme dc l'Apocalypse ait été identifiée, par les uns avec l'Église, par les autres avec la mère de Dieu, il n'y aurait en cela d'opposition stricte que si, dc côté cl d'autre, l'affirmation sc posait dans un sens proprement exclusif, cc qui, en général, n'est point le cas. Ils ne sont pas rares, au contraire, ceux qui combinent les deux points de vue; voie moyenne dont saint Bernard est un illustre représentant, Sermo dc duodecim prærogatiuis JL V. M., ex verbis Apoca­ lypsis, xn, 1, P. L., t. clxxxhî, col. 130 sq. Le pieux docteur ne soutient pas, comme on le suppose parfois, que le texte sacré s'applique directement ù Marie, mais que, néanmoins, on est en droit do le lui appli­ quer, n. 3 : Esto siquidem, ut de præsenll Ecclesia id Intdligendum prophetica: visionis series ipsa demon­ stret; sed id plane non Inconvenienter Marne videtur attribuendum. Idée que l'abbé de Clalrvaux développe brillamment. Les précurseurs ne lui avaient pas man­ qué; qu'il suffise de citer, au vi· siècle, Primasius, op. cit., ct Gissiodore, Complexiones in Apoc., xn, 7, IL L·., t. lxx, col. 1 lit;au vin·, Ambroise Autpert, In Apoc., xn, dans Maxima bibllolh. Patrum, Lyon, t. xm, p. 530 sq. : Ipsa beata ac pia Virgo hoc loco per­ sonam gerit Ecdtslæ, quæ novos quotidie populos parti; au tx*, Haymon d’Halbcrstadl, qui répète te précédent, Expos. in Apoc., xn, P. L., t. cxvn, col. 1081, et Bérengaud, le pseudo-Ambroise, Expos, in Apoc., xn, P. L., t. xvn, col. 876. Dès lors, cc qui convient à la femme de Γ apocalypse, comme copie on figura de Marie, mère du Christ ct dc son corps mystique, convient également à celle-ci, non par simple accommodation, mais proprement, en vertu d’une connexion réelle et objective. Ainsi, dans la femme « revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds 869 IMMACULÉE CONCEPTION et, sur sa tête, une couronne dc douze étoiles, » New­ man a-t-il pu voir. op. cit.. p. 80, 87, « la doctrine dc l’exaltation actuelle de la sainte Vierge ». Ainsi, dans l’enfantement douloureux dc cette femme couronnée | de gloire, Pie X a-t-il pu voir symbolisée, non pas précisément la conception sans tache, mais la ma­ ternité spirituelle dc la nouvelle Èvc : < Saint Jean vit donc la très sainte mère dc Dieu au sein dc l'éter­ nelle béatitude ct toutefois en travail d’un mystérieux enfantement. Quel enfantement? Le nôtre assuré­ ment, ù nous qui, retenus encore dans cet exil, avons besoin d'être engendrés au pariait amour de Dieu ct à l’éternelle félicité. Quant aux douleurs dc l’enfante­ ment, elles marquent l'ardeur ct l’amour avec lesquels Marie veille sur nous du haut du ciel, et travaille, par d’infatigables prières, à porter à sa plénitude le nombre des élus. » Pouvons-nous aller plus loin, jusqu'au privilège de la conception sans tache? Il semble que non, à tout le moins par voie dc preuve proprement dite ou d’inférence directe. L'exaltation actuelle de Marie ct sa maternité spirituelle ne sont pas, en fait, sans rapport objectif avec son immaculée conception; mais cc rapport n'est que médiat, même dans l'ordre actuel, et le texte dc l'Apocalypse ne fournit pas d’éléments suffisants pour rapprocher ct nouer les deux anneaux. Mais ce texte peut fournir une confir­ mation appréciable de I interprétation du Protévangilc donnée ci-dcssus. Dans ccttc allégorie complexe, où les points obscurs ne font point défaut, un trio de personnages se distingue pourtant avec une grande netteté : la femme, l'enfant mâle qu'elle met au jour ct leur adversaire acharné, le dragon, expressé­ ment Identifié avec l’antique serpent. · Cette ren­ contre de l'homme, dc la femme ct du serpent, observe justement Newman, op. cit., p. 88, ne s'était pas reproduite depuis le commencement dc la Bible; voici qu'on la retrouve vers la tin du texte sacré. De plus, comme pour suppléer, avant dc clore la Bible, ù ce qui manquait au début, saint Jean, dans ce passage dc l’Apocalypse, nous dit, pour la première fols, que le serpent du paradis était l’esprit du mal. » La révé­ lation nouvelle complète donc ct précise l'ancienne en montrant ccttc hostilité singulière du démon, qui sc concentre sur l’enfant ct sa mère et sc traduit par des attaques répétées, mais stériles. Ces attaques vont sans doute nu Christ mystique ct ù cette mère allégorique qu'est son Église; mais elles supposent ct attestent, par vole dc connexion, les attaques préalablement entreprises contre le Christ réel et sa mère naturelle, attaques continuées et, dans un cer­ tain sens, reproduites au cours des siècles. Quand lo peuple chrétien aime ù contempler Marie, ct que scs artistes la représentent, comme la femme ■ revêtue do gloire, ayant la lune (ct le dragon) sous scs pieds ct, sur sa tête, une couronne do douze étoiles », fait-il autre chose en réalité qu’interpréter ct combiner les données, corrélatives ct complémentaires, que lui fournissent lo Prolévangile ct le chapitre douzième de l’Apocalypse? Mgr Ullathorno, The immaculate conception of the mother of God. Londres, 1855, p. 77-82; Newman, A letter addres­ sed to the Keo. E. D. Pussy, 1). D., on occasion of his Eire­ nicon. 1865, réimprimée dans Certain difficulties felt by Anglicans in catholic teaching. Londres, 1S76, p. 53 tq.5 trad, iranç. déjà citée, p. 80-92; X..., /-a Donna del Protoevan grin, novembre 1869, dan* Clnlltà catlolica, 7· série· t. vin, p. 565; Schebcn, Hnndbuch der kalhol. Dogmatik. t. m, n. 1531; Al. Scliadcr, Die Gotlesmutter in der ht. Schrlfl. p. 211-218; IL Lcgnanl, De secunda Eva, c. xvm, Venise, 1888. p. 90-98; H. do la Broise. Mulier amicta sole. dans le* Étude*. 1897. t. lxxl p. 208-307; J.-B. Terrien.La mere des hommes, t. n. p. 59-81; L. Fonde, Das sannumglunzte und slcrncnbckrdnztc Wctb in der Apokalypse, dans 870 Zeitschrift fur kalhol. Théologie, Inspmck. 190-1. t. xxvm, p. 672-481 ; B. Allô, Le douzième chapitre de ΓApocalypse. dnn.% la Revue biblique, 1909, t. xvm, p. 525-554. 3· Textes opposés. — Tous ceux qui ont nié jadis ou qui nient maintenant encore l'immaculée concep­ tion, protestants, grecs schismatiques, vieux-catho­ liques, tous ont pris ou prennent un point d'appui dans la sainte Écriture. Les textes qu'ils allèguent sc ramènent à quatre chefs généraux : 1. Universa­ lité du péché chez les fils d'Adam, Rom., v, 12,18 : in quo omnes peccaverunt... Sicut enim per unius de­ licium in omnes homines in condemnationem..,; Eph., n, 3 : Et eramus natura filii inr, sicut et arteri. 2. Uni­ versalité de la rédemption en Jésus-Christ, fondée précisément sur l'universalité du péché. Rom., ni, 23 : Omnes enim peccaverunt, et egent gloria Dei; v, 18: Sic et per unius justitiam in omnes homines in justi­ ficationem vilir ; II Cor., v, 1 i : Quoniam si unus pro omnibus mortuus est, ergo omnes mortui sunt. Il faut donc de deux choses l’une : ou soustraire Marie à l’universelle rédemption du Christ, ce qu'on ne peut faire, puisqu'elle-même proclame Dieu son Sauveur, Luc., î, 47; ou la soumettre à la loi du péché commun. 3. Universalité de la mort, considérée comme effet ou peine du péché. Rom., v, 12 : et Ua in omnes homines mors pertransiil, iz ω πάντκ ήρ.ιοτο·/, c’est-à-dire parce que tous ont péché. Marie étant morte comme les autres, c’est donc qu'effe avait aussi péché. 4. Con­ dition vicieuse, dans l’ordre actuel, de la génération humaine, prise ct dans son principe ct dans son tenue, Ps. L, 7 : Ecce in iniquitatibus conceptus sum, et in peccatis concepit me mater mea; Job, xxv, 2 ; Quis potest facere mundum de Immundo conceptum semine? Marie ayant été conçue dans les mêmes conditions physio­ logiques que les autres fils d’Adam, n’a donc dus pu échapper à la tare commune. Ces textes sont graves assurément, assez graves pour qu’aux yeux d’un grand nombre ils aient donné lieu, pendant plusieurs siècles, à celte question préa­ lable : la sainte Écriture ne s’oppose-t-elle pas à l'hypothèse d’une conception immaculée dc Marie? La solution complète de la difficulté est subordonnée au développement dc notre étude, car c’est au cours ct sous l’influence dc la controverse que cette solu­ tion a été provoquée ct qu’elle s’est formée. Qu'il suffise d’en donner ici le principe. Nul ne songe à nier que la sainte Écriture ne proclame Puniversalité du péché originel ct de la rédemption par Jésus-Christ, comme elle proclame aussi l’universalité dc la mort; mais les textes allégués, pris dans leur ensemble, énoncent des nécessités morales, des exigences dc droit ou dc principe : tout rejeton d'Adam est, de droit ou en principe, soumis ù la loi du péché com­ mun; en conséquence, il l’encourra dc fait au premier Instant dc son existence^ à moins que, par un acte dc sa volonté libre, Dieu ne fasse une exception. Car tout législateur qui jouit d’un pouvoir suprême et 1 indépendant garde le droit de ne pas appliquer la loi dans un cas particulier, sans compromettre par là l’existence de la loi elle-même; ainsi, nonobstant la loi gêne raie qui reporte à la fin du monde la résur­ rection des corps, Notre-Seigneur a pu. par une grâce spéciale, anticiper l'événement en faveur do sa mère bénie. Une exception de cc genre ne peut pas être sim­ plement supposée, c'est trop évident; elle doit être prouvée, ct d’une façon certaine. Mais une fols prouvée, l’immaculée conception dc Marie n'est pas plus in­ compatible avec l’universalité des lois invoquées cidessus, que d’autres privilèges de la mère dc Dieu communément admis ne le sont avec des luis énoncées, elles aussi, d’une'façon générale dans les oracles di­ vins Par exemple, saint Jacques dit dans son Épltrc, in, 2, que nous péchons tous en beaucoup do choses : 87ί IMMACULÉE CONCEPTION Jn multis offendimus omnes; cc qui n’a pas empêché, non seulement les Pères du concile de Trente, niais encore beaucoup d’adversaires de l'immaculée concep­ tion, d’attribuer ù la mère de Dieu l’exemption de toute faute actuelle. En outre, à l’interprétation dos textes objectés sc rattachent d’autres problèmes, ceux-ci tout d’abord : si Marie a été rachetée par l’universel rédempteur, cc qui est incontestable ct incontesté, a-t-elle été rachetée comme les autres? Si elle est morte, cc qui est un fait, est-elle morte au même titre que les autres? Si, fille d’Adam, clic a été conçue par voie de généra­ tion chamelle, n’y-a-t-il eu rien de privilégié dans sa conception, considérée dans son principe comme dans son terme? Si clic n’a pas encouru réellement la tache héréditaire, aurait-elle dû l’encourir ct com­ ment? C’est-à-dire, a-t-cllc été comprise dans la loi générale de solidarité qui fait dépendre d’Adam la cause de toute sa postérité; ou bien, cn a-t-cllc été exclue? Dans la première hypothèse, celle du debitum proximum, le privilège s’insérerait entre la loi ct son exécution; dans la seconde hypothèse, celle du debi­ tum remotum, Marie serait dans un ordre à part, cn dehors de la loi commune, mais toujours cn vertu d’une application anticipée des mérites futurs de son divin Fils. Autant de problèmes que les textes objectés pourraient soulever, et qu’ils soulèveraient effectivement le jour où la question de la sainte conception de Marie, posée formellement ct nettement, entrerait dans une phase de discussion publique, ct pour ainsi dire technique. Des siècles devraient s’écouler avant qu’il fût possible de concilier dans une harmonieuse synthèse les deux séries de textes scripturaires invoqués cn sens inverse par les défen­ seur» cl les adversaires du glorieux privilège. 872 neur : Nullum fere est (n sacris litteris, pro prtrserva· tione B. Virginis a b originali peccato, locupletius tes­ timonium; il cite, l’ayant utilisé, des docteurs plus anciens, tels quo Dcnys le Chartreux, Lanspcrg, Jean Eck, Jacques de Valentia, etc. Même attitude de la part des théologiens qui, depuis la définition solennelle, se sont préoccupés d’indiquer ou de Jus­ tifier les fondements du dogme: presque tous invo­ quent les deux textes, particulièrement le Proté­ vangilc, sans attribuer cependant à la preuve la même valeur. Quelques-uns sc contentent de l’utiliser, par exemple, Van Noort, n. 241: ita argumentari lied. D’autres parlent de valeur persuasive, qu’ils accen­ tuent plus ou moins; tels Palmieri, De Deo creante, p. 723 : suadetur sallem vehementissime, ou Christ. Pesch, n. 302 : vehementer suadent. D’autres donnent la preuve comme suffisante, par exemple, Perrone, op. cit., p. 408 : fundamentum satis solidum, ou L. Jans­ sens, p. 43 : sat valide erui potest. D’autres enfin tien­ nent l’argument pour démonstratif, comme le car­ dinal Billot, p. 377: vim ct robur plenæ demonstra­ tionis, ou λΓηη Crombrugghc, p. 117 : indubie fundat. Nous avons déjà vu, col. 860, 862, cn quel sens les deux textes ont été maintenus ct utilisés dans la bulle Ine/Jabilis. Il y est affirmé, § Nil igitur mirum, qu’au jugement des Pères la doctrine de la conception sans tache est consignée dans les saintes Lettres : doctrinam judicio Patrum divinis litteris consignatam. Ailleurs, § Itaque plurimum, l’idée revient sous forme, non plus do simple constatation, mais d’assertion positive cl directe : quam divina eloquia, veneranda traditio, perpetuus Ecclesiæ sensus... mirifice illustrant atque declarant. Du reste, les témoignages des Pères relatifs aux deux principaux textes, le Protévangilc ct la salu­ tation angélique, ne sont pas rapportés dans la bulle d’une façon quelconque; ils s’y trouvent comme Piazza, op. cit., Act. ι, π. 1 i Scripturae testimonia ab ad­ versa parte allegata ; Perrone. Disquisitio, part. J. c. v, a, 15, des prémisses, d’où sont tirées des conclusions. Il $ 1, dans Pareri, t. vi, p. 347, 405 sq.; Palmier!» De Dca semble donc qu’en sanctionnant sur ces points l’ex­ créante, th. lxxxiî; De peccat, origin., th. χνιιι; L. Jans­ posé doctrinal, Pic IX ait favorisé Je sentiment de sen.*, op. cit., p. 62-64; Sardi, op. cit., t. n. Sillogc degit ceux qui relient le glorieux privilège à ces textes, sans argomenti, p. 48, 55. prétendre toutefois faire porter là-dessus, ni de près 4° Conclusion : révélation implicite du privilège ni de loin, aucune définition. dans la sainte Écriture. — Abstraction faite des textes III. En Occident et en Orient jusqu’au concile c inefficaces ou secondaires », étudiés cn second lieu, d’Éphèse: période de croyance implicite.—Quand Il résulte de cc qui précède que le Protévangilc ct la il s’agit de vérités qui n’ont pas été, dès le début, pro­ salutation angélique, rapprochés l’un de l’autre ct fessées publiquement dans l’Église, classique est la pleinement saisis à l'aide de la tradition active,contien­ distinction de trois étapes successives : possession nent l'immaculée conception de Marie; ils la contien­ tranquille ou croyance implicite;controverse, quand nent comme enveloppée dans l’inimitié avec le ser­ la croyance, commençant ù sc manifester soit dans la pent, la plénitude de grâces, l’union avec Dieu, la connaissance soit dans la prédication, provoque la bénédiction propres à Marie, mère de Jésus, unie discussion; enfin profession publique ct commune, étroitement ù son Fils non seulement comme mère, habituellement sanctionnée par un acte solennel du mais encore comme nouvelle Ève, placée à côté du magistère ecclésiastique. Cette division n’offre rien nouvel Adam ct formant avec lui un groupe ù part d’équivoque pour ks deux derniers membres; il n’en dans l’œuvre de la rédemption ou la défaite du ser­ est pas de même pour le premier. Dans l’hypothèse pent Le privilège est donc contenu dans ces textes, d’une révélation non explicite, les termes de posses­ d’une façon non pas explicite, mais implicite. Schceben sion tranquille ct de croyance implicite sont suscep­ donne la note juste, op. cil., n. 1687 sq.; après avoir tibles d’un sens plus large que dans l’hypothèse d’une déclaré qu’il n’y a rien de formel dans la sainte Écri­ révélation explicite; car il se peut que l’Égllseaccepte ture, il ajoute que, pris sous la lumière de l’interpré­ d’intention tout le dépôt divin, sans avoir pris con­ talion ecclésiastique, le Protévangilc ct la salutation science de telle vérité particulière qui s’y trouve en­ angélique, complétée par celle d’Élisabeth, figurent veloppée. Dans cc cas, nous sommes cn face d’un impli­ cn Marie de telles prééminences cl lui assignent dans cite objectif, ct la dénomination de croyance implicite l’économie de la rédemption une telle place, que le a, cn fin de compte, son fondement dans l’objet luiglorieux privilège s’y trouve nécessairement compris, même, cn tant que réellement contenu dans le dépôt non comme une simple conclusion théologique, mais de la révélation. comme rentrant dans le contenu immédiat du texte, Or, beaucoup estiment qu’en cc qui concerne l’imentendu dans toute sa plénitude. maculée conception de la mère de Dieu, il ne saurait Parmi les théologiens catholiques qui, jadis, ont être question que d’implicite objectif pour toute la considéré l’immaculée conception comme pouvant période patristlquc; période qu’on a coutume d’étenêtre définie, il cn est peu qui n’aient pas fait appel à I dre, pour l’Oricnt, jusqu’à saint Jean Damascène, ces deux textes, surtout au Protévangilc. Piazza, mort nu milieu du vm· siècle, ct, pour 1’Occident, op. cit., n. 77 sq., accorde à cc dernier une place d’hon­ jusqu’à saint Grégoire le Grand (f604), à moins que, 873 I Μ M A C ü L É E C 0 N C E PT 10 N par une extension assez raisonnable, on ne préfère descendre Jusqu’au Vénérable Bède (f 735). I) semble donc nécessaire de dédoubler cc qu’on présente ordi­ nairement connue une première étape, en distinguant une période de croyance implicite, qui va des origines au concile d'Éphèse, ct une autre, de développement progressif, qui commence ct se poursuit après cc concile, mais dans des conditions assez différentes cn Orient ct cn Occident pour qu’il y ait lieu de l’étudicrséparémcnt.Dans la première période,au contraire, la marche est sensiblement la mémo, surtout jusqu'au iv* siècle; car, après le concile de Nicéc, tenu cn 325, des facteurs distincts interviennent déjà. 874 velle Ève a côté du nouvel Adam. Ainsi, dans un texte déjà cité, col. 856, Tertullien nous a-t-il montré Dieu recouvrant < par une opération contraire son image ct sa ressemblance, dont le démon s’était emparé, » c’està-dire sc servant d’une vierge pour donner au monde le Verbe rédempteur, « afin que le même sexe qui avait été la cause de notre perte devînt aussi l’instru­ ment de notre salut. > Les Pères grecs avalent précédé le docteur afri­ cain. Saint Justin, le premier, avait ébauché l’idée. Dialog, eum Tnjph., 100, P. G.. t. vi, col. 710 : < Le Fils de Dieu s'est fait homme d’une vierge, aftn que la désobéissance, dont le diable asait été le principe, prit fln de la même façon qu'elle avait commencé. /. LES TROIS PREMIERS SIECLES : MARIE NOUVELLE Vierge encore et sans corruption, Ève reçut dans son ève. — C’est dans le prolongement des mystères de l’incarnation ct de la rédemption, que les anciens cœur la parole du serpent, ct par la enfanta la déso­ Pères ont d'abord envisagé la bienheureuse Vierge. Les béissance ct la mort; mais Marie, là Vierge, l'âme hérétiques primitifs, judaïsants ct docètcs, s’en pre­ pleine de foi et d’allégresse, répondit ù l’ange Gabriel naient,les uns à la divinité de Jésus-Christ, les autres A qui lui apportait l’heureux message : Qu'il me soit la réalité de sa vie ct de sa mort. Il fallait défendre /ait selon votre parole. C'est d'elle qu'est né celui dont contre leurs attaques ces vérités fondamentales de , tant de choses, comme nous l’avons démontré, ont notre foi, et Marie, mère de Jésus, mais mère-vierge, été dites dans l’Écriturc, celui par qui Dieu renverse était appelée cn témoignage. Deux grands titres ré­ le serpent avec les anges ct les hommes qui lui ressumaient donc cette mariologic embryonnaire : Marie I semblent, tandis qu’il délivre de la mort ceux qui est la mère du Verbe fait chair; Marie est la Vierge, la font pénitence de leurs fautes ct croient en lui. » Saint Irénéc développe le même theme, cn lui don­ sainte Vierge. Que le seul énoncé de ces titres ne suffise pas pour nant plus de relief, dans sa doctrine de donner l’idée de l'immaculée conception, la chose est σι;. Jésus-Christ « a tout récapitulé, cn engageant la évidente ct reconnue dans le Silloge degli argomentt: lutte contre notre ennemi, cn vainquant celui qui, à l'origine, nous avait faits captifs dans la personne Non est diffitendum inter Patres cetcrosque scriptores, qui vetustiori bus Ecclesiæ ætatibus vixere, nandum d'Adam, ct en lui broyant la tête, selon la parole dite repertos qui apertis verbis affirmaverint beatissimam par Dieu au scq>cnt dans la Genèse, » Cent, hær., Virginem sine originali peccato esse conceptam. Sardi, v, 2, 1, P. G., t. mi, col. 1179. Cette récapitulation dit reprise de l’économie pri­ op. cit., t. n, p. 18. Quelques consulteurs, avalent, 11 mitive, considérée dans ses traits fondamentaux : est vrai, fait appei ù certaines homélies portant les noms d’anciens docteurs, Origène, Grégoire le reprise directe ou par ressemblance, quand il s'agit Thaumaturge, Méthode, Athanase, Basile, Chryso- de l’œuvre même de Dieu; reprise à rebours ou par stome, Éplphane, Jérôme, Augustin, ou même à des opposition, quand il s'agit du désordre introduit par la malice du démon ct la faute d’Adam ctd’Ève. Ainsi témoignages rattachant l'institution de la fête de la Conception aux apôtres saint André ou saint Jacques; le premier homme fut formé, dans son corps, d’une mais des voix nombreuses s’étalent inscrites cn faux terre neuve ct vierge encore; le Verbe incarné naîtra contre ces documents, et dans le Sillage comme dans de la Vierge Marie, m, 21,10, col. 954. Auprès d'Adam la bulle Ineffabilis on évita de faire entrer cn ligne il y eut Ève, cette première femme que Dieu lui avait donnée pour compagne ct pour aide, mais qui · par de compte celte llttci attire apocryphe. On se contenta de parler, pour les premiers siècles, d'indices et de sa désobéissance fut une cause de mort pour elle-même vestiges île la pieuse croyance, quædam tamen indicia ct pour tout le genre humain»; auprès du nouvel Adam, et quasi vestigia hujus sententiæ. En fait de témoignages il y aura Marie qui, « par son obéissance, scraunccause particuliers, quatre seulement sont mentionnés;ils sc de salut pour elle-même ct pour tout le genre humain. » rattachent aux noms d'Éphrem, Ambroise, Augus­ in, 22, 4, col. 958 sq. Nouvelle Ève, la bienheureuse Vierge fait donc antithèse avec l’ancienne, dans l’œu­ tin cl Denys d'Alexandrie. Ces auteurs vécurent après le concile de Nicéc, sauf le dernier; mais VEpi­ vre du relèvement : « Comme le genre humain avait été voué à la mort par une vierge, il a été également sauvé stola ad Paulum Samosatenum, qu’on lui attribue, est maintenant tenue pour apocryphe ct ne semble pas par une vierge; par un juste équilibre, l’obéissance antérieure au v* siècle. Bardenhewer, Geschichte der virginale a réparé cc que la désobéissance virginale altkirchltchen Lileratur, t. n, p. 188. D’ailleurs, les avait perdu. » v, 19, 1, col. 1175. Doctrine d’une assez grande valeur, aux yeux de saint Irénéc, pour qu’il expressions Invoquées, do « tabernacle créé par Dieu ait jugé à propos de l’insérer dans son Exposition de cl formé par le Saint-Esprit, » sont trop vagues cn τού χποστόλιχου elles-mêmes et trop peu déterminées dans le contexte la prédication apostolique. Et; pour qu’on cn puisse tirer un argument efficace cn fa­ κηρύγματος, 33, édit. Harnack, Texte und Untersuchungen, t. xxxi, p. 19. veur de limmaculéc conception de Marie. Cc rôle de nouvelle Ève, associée au nouvel Adam 11 ne reste, pour la période anlénicéennc, que des dans l'œuvre de la réparation, entraîne-t-il quelques témoignages généraux et indirects, sc ramenant presque exclusivement Λ la notion de Marie nouvelle conséquences pour la personne même de Marie, sous Je rapport de la sainteté, ct quelles conséquences? Les Ève Celle notion sc rattache à une idée plus générale : Pères anténicéens ne sc posent pas celle question; l’œuvre de la rédemption a été modelée, mais comme .A rebours, sur l’œuvre de la perdition. Saint Paul avait ils s’en tiennent ù cc qui vu directement à leur but: virginité de Marie avant ct pendant la conception ou applique celle doctrine A Notre-Scigneur Jésus-Christ, sauvant par son obéissance ceux que le premier l'enfantement de Jésus; attitude de la nouvelle Ève homme avait perdus par sa désobéissance. Rom·, v, 19. cn face de l’ange Gabriel qui lui transmet le message Les yeux fixés cn même temps sur le récit de la chute divin. Ont-ils, ù part eux, saisi ou du moins entrevu originelle, Gcn., ut, 1-20. et sur celui de I annoncla- quelque chose? Qui pourrait donner, dans un sens tion, Lue., i, 26-39, les Pères anténicéons ont déve­ ou dans l’autre, une réponse assurée? Mais ce n’est loppé l'antithèse, cn présentant Marie comme la nou­ pas exagérer que d’appliquer à la question présente SK IMMACl LEE CONCEPTION le jugement porté par un auteur Suivant la juste remarque de Neubert, op. cit., p. 218, · le but direct d’Hippolyte était dc démontrer l’impcccabillté de Jésus, mais son raisonnement suppose qu’à ses yeux, la Vierge, bois incorruptible dont est faite l'humanité du Sauveur, est elle-même toute pure >. Si ces considérations prouvent suffisamment que, pour les Pères anténicécns, l’idée dc pureté ct dc sainteté s'attachait à la personne dc Marie, elles ne permettent pas de leur attribuer une croyance for­ melle en son immaculée conception. Y a-t-il ailleurs des traces dc celle croyance? La question sc pose à propos d'un apocryphe, le Protévangile dc Jacques, composé en grec dans la seconde moitié ou vers le milieu du n· siècle, au moins pour la première partie, relative à la vie dc la Vierge avant la naissance dc Jésus. E. Hcnncckc, Neutestamenlliche Apokryphen, Tubinguc, 1904, p. 48; E. Amann, Le Protévangile de Jacques, p. 99 sq. L'écrit mérite dc fixer l’attention à cause dc l'influence considérable qu’il a exercée, surtout en Orient. On y raconte que saint Joachim cl sainte Anne, élant sans enfants, souffraient dc celle épreuve ct suppliaient instamment Dieu dc les en délivrer. Il arriva que, Joachim s'étant retiré au désert, un ange lui apparut ct lui dit, xv, 2 : « Joachim, Joa­ 876 chim, le Seigneur Dieu n exaucé ta prière; descends d'ici, car voici que ta femme Anne concevra en son sein, cv γαστρί λήψιται. » Anne, favorisée d'un mes­ sage semblable, sc rend au-devant dc son mari, qu’elle rencontre à la Porte dorée dc Jérusalem; elle exprime sa joie en ccs termes, jv 4 : « Voici que la veuve n’est plus veuve, ct que moi qui étais sans enfant je con­ cevrai dans mon sein, έν γαστρί ληψομαι. » Amann,op. ci/., p. 193-195. Bien dans tout ceci qui dépasse l’annonce d’une conception miraculeuse, en tant qu'accordée aux priè­ res des deux époux après une longue période dc stéri­ lité. Mais, dans un manuscrit très ancien, le passé est substitué au futur : « Voici que la femme a conçu, ιΠηφί; voici que j'ai conçu, ιΓληφα. * Leçon confir­ mée aux v· ct vi· siècles par diverses versions ct, particulièrement au iv· par saint Épiphane, liter., lxxix, 5, P. G., t. xui, col. 748, où il mentionne « l'histoire de Marie cl les traditions » portant «qu'il a été dit à son père Joachim dans le désert : Ta femme a conçu ». Il suffit de prendre ccttc expression à la lettre en y joignant ccttc circonstance, que Joachim était alors loin dc son épouse, pour comprendre comment ct dans quel sens le problème qui nous occupe peut apparaître : « Si l'auteur du Prutévangilc a cru à la conception virginale de sainte Anne, si en la rapportant il s'est fait sur ccpoint l'écho dc la tradition ct dc la piété populaire, i) faut le ranger parmi les tout premiers défenseurs dc l’immaculée conception, il faut reconnaître dc plus que ccttc idée a dans la tradition catholique des raisons beaucoup plus profondes qu’on ne le suppose ordinairement. » Amann, op. cit., p. 17. Ajoutons que, compris dc Ια sorte, le privilège marial dépasserait la notion du dogme défini par Pie IX, car l'hypothèse dont il s’agit conduirait à une conception pure au sens actif ou dans son principe, non moins qu’au sens passif ou dans son terme, comme celle dc Notre-Selgncur. L'auteur du Protévangile a-t-il réellement cru à la conception virginale dc l'épousc-dc Joachim? L'emploi du passé, au lieu du futur, ne le prouve pas efficace­ ment, car, suivant la remarque de saint Épiphane, l ange a pu parler ainsi à la manière des prophètes, pour mieux exprimer la certitude dc l'événement annoncé; la présence du futur dans presque tous les manuscrits favorise évidemment celle interprétation. Des chrétiens ont, il est vrai, pris à la lettre le terme ίϊλτ,φα, et conclu à une conception virginale; en les réfutant, saint Épiphane témoigne dc la réalité dc leur sentiment, qui reparaîtra dans la période postephésicnne; mais désavouée par les pasteurs ct limitée à un petit nombre de partisans, cette manière dc voir ne représente ni la pensée de l’Église, ni même une croyance populaire commune. Le Protévangile de Jacques n'en n pas moins scs ! enseignements. Le fait que la conception dc Mario y est présentée au moins comme aussi miraculeuse que celle de saint Jean-Baptiste, explique celle observa tion de M. Amann, op. cit., p 15 : « Dans les milieux chrétiens où fut composé le Protévangile, instincti­ vement la piété populaire faisait le raisonnement qui revient à chaque page des traités modernes de mariologlc : il faut admettre que la vierge Mario non seu­ lement a reçu les mêmes faveurs que les saints les plus éminents, mais qu'elle les a eues d'une manière plus éminente. » En outre, dans le cantique d'action de grâces mis sur les lèvres d’Anne, on lit ce verset, vî, 3 : h al Ζ&ωχέν μοι χυριος ναρπον δικαιοσύνης (αύτοΰ). μονοουσιον πο)υπ)ίσιον ένώπιον αυτού. < Et le Seigneur m’a donné un fruit de (sa) justice, fruit simple, (mais) dc multiple aspect d nt lui. » Amann, op. cil., p. 203. Phrase au sens discuté, mais qui paraît exacte­ ment commentée par le P. Juglc, Le Protévangile de 877 IMMACULÉE CONCEPTION jaequrs ft ΓimmacuUr eonerptlon, e Protéi>ang(le de Jacques ct ses remit· nicments latins, introduction, c. n, § 2. Paris. IDlO.p. 15 sq.; M. Juglc. Le Protévangile dc Jacques et l'immaculée Conctp· lion, dans les Éc/ios d* Orient, 1911, t. xiv, p. 16-20, ct dans Notre-Dame, 1.1, p. 161-163. IL DU CONCILE DE NICÉE AU CONCILE D'ÉEIIÉSL (325-131): PALIE TOUTE SAIE TE, — Le développe­ ment de hi mariologic pendant ccttc période présente déjà, en plusieurs centres, des caractères assez tran­ chés pour donner lieu à des groupements distincts. 1° Église grecque : saint Épiphane. — Nous sommes à l'époque des grands docteurs, ct l’on rêverait volon­ tiers d’une brillante littérature mariale sous la plume des Athunase, des Basile, des Grégoire» des Cyrille ct des Chrysostome. Autre est la réalité, abstraction faite des écrits apocryphe*,homélies surl’annonclatlon ct sur la nativité dc la bienheureuse Vierge, panégy­ riques ou sermons en son honneur. Champions de l’orthodoxie contre les hérétiques de leur temps, ccs Pères concentrèrent leurs efforts sur les points capi­ taux des mystères do la trinité ct dc l’incarnation, qui étaient alors attaqués; comme, d'un autre côté, le culte dc Marie n’était encore qu’à l’état embryon­ naire, ih ne furent pas amenés à se prononcer, dans 878 leurs discours, sur les diverse» circonstances dc la vie dc Notrc-Iiamc, celles surtout que la sainte Écriture a laissées dans une ombre mystérieuse. L’influence d’Origène induisit même plusieurs d'entre eux O inter­ préter d'une façon malheureuse, comme on le verra bientôt, quelques passages des Évangiles relatifs ù la mère dc Jésus. La mariologie grecque de cette époque n’en fournit pas moins, pour le problème qui nous occupe, des éléments qu’on ne saurait négliger. L'absolue virginité est affirmée en des termes on ne peut plus expressifs, par exemple, quand Didyme d'Alexandrie donne à Marie l’épithète de vierge immaculée toujours et en tout, xil xal διά <αντάς αμωμος r.apOtvx. De Trinitate, 111, 4» P. G., L χχχιχ, col. 832. Mais, suivant une remarque déjà faite à propos des Pères antémo eus le contexte montre souvent que la virginité parfaite ne comprend pas seulement l’intégrité physique» mais qu'elle s’étend aussi à l’in­ tégrité de l’esprit et de l’àme. Dès lors, Marie toujours vierge serait également Marie toufours sainte. Faisons une application spéciale de cette remarque à l’écrit connu sous cc titre : Lettre des prêtres ct des diacres d'Aehale sur le martyre de saint André, ct rapporté par les uns au iv*, par les autres au v· siècle. Il contient une phrase exploitée par des défenseurs de 1 immacu­ lée conception : Le premier homme ay ant été créé et formé dc la terre immaculée, έχ τής άμωμττου γής, il fallait que l’homme parfait naquit dc la vierge imma­ culée, ex τής αμίμητου eaptaav· P. G.» t. Il» col. 1217. Entre la terre et la vierge, dont furent formés le pre­ mier ct le second Adam, Il y a donc rapprochement sous l’idée commune ά’άμωμητος. D'après 1 analogie fournie par des auteurs plus anciens ou contempo­ rains, par exemple. Irénée, Cont. htrr., ht, 21,10, P. G., t. vn, col. 954. ct Chrysostome, Homil., n, de mafahone nominum, n. 3, P. G., t. u. col. 129, celte épithète peut s’entendre, dans le premier terme, de la terre encore vierge, et n'nppelcr en Marie que l’intégrité virginale, comme terme correspondant. Mais, à consi­ dérer la signification propre du mot άμώμητχ» irré­ préhensible, répithète peut aussi s’entendre de la terre non souillée encore par le pêché d Adam ni soumise, en conséquence, à la malédiction divine; alors, appli­ quée à Marie dans le second terme dc la comparaison, elle dépasse manifestement l'intégrité virginale ct présente un sens analogue ù celui de ccttc expression dc saint Justin, citée plus haut : ούσχ xal i'çûopo;. Tour n’être pas certaine, ccttc seconde inter­ prétation est-elle dénuée dc probabilité? La doctrine des deux Èxes demeure chez les Pères postnicécns, mais elle n’a pas le même relief chez tous ceux qui s’en servent. I41 plupart se contentent d'énoncer l’antithèse traditionnelle : d’un côté, mort, expulsion du paradis, déchéance par une vierge; de l’autre côté, vie, salut, délivrance ou relèvement, par une vierge. S. Cyrille de Jérusalem, Cal., xn, 15, P. G., t- xxxm, col. 74 ; S. Amphiloque» Orel, in Christi nativ., 4, P. G., t. χχχιχ, col. 41 ; S. Jean Clirysostome» Exposit. in ps. xuv, n, 7. P. G., t. lv, col. 193. Saint Épiphane va plus loin; non seulement 11 rattache expressément Λ l’oracle gênésiaque la doctrine du nouvel Adam et dc la nouvelle Ève,mnis il tire plusieurs conséquences du rôle unique qui échut à Marie. 11 la voit figurativement dans lu première femme rece­ vant le nom d'Èoc, ou mère des vivants, Gen., m, 20: « Èvc, en eflet, reçut cc nom après avoir entendu ccs paroles : Ί11 es terre, et tu n tourneras ù la terre, c’està-dire après le péché. Pourquoi ne lui donner cette appellation qu’après sa déchéance? /X considérer la seule vie corporelle ou sensible, c’est assurément dc celte Ève que toute la rare humaine est Issue; mais, en réalité, c’est Marie qui a Introduit dans le monde la vraie vie, c’est elle qui a enfanté le Vivant, ct elle S79 IΜ Μ ACLLEE GONG EPT IO N SSO est la mère des vivants. > ZZ.rr.,i.xxvni, 18, P. G., t. xui, Dieu. > Citation du P. Joseph Besson, missionnaire en col. 728. Un tel rôle n’cnlrainc-l-il pas une grâce, une Syrie au xvn· siècle, dans Ciuiltà catloUca, 1876, sainteté unique? L’auteur du Panarium le suppose 9° série, t. xn, p. 519, Comment ne pas reconnaître manifestement, quand il nous présente la bienheureuse dans un tel langage i’ailinnation de la sainteté indé­ Vierge comme une demeure et un temple préparés en finie dc la Vierge, sainteté s'étendant à sa personne vue de l'incarnation du Verbe par un grand et stu­ comme à sa vie entière? péfiant miracle dc la bonté divine· Hier., lxxjx, 3, Saint Jacques de Nisibe n’est qu’un précurseur, dont col. 713. Bien plus, il l’affinnecn attribuant au xe/ept- la gloire s’éclipse devant celle dc son disciple, Éphrem Twuivîj de la salutation angélique une ampleur indé­ le Syrien, mort à Édesse vers 373. Orateur, exégète, finie : pour lui, Mario n’est pas seulement < la sainte poète, Éphrem est partout le panégyriste, et combien Vierge, ή αγία παρθένος, elle est « la toute-pleinc dc fécond I dc la mère de Dieu. < Pleine dc grâce..., toute grâce», συτηγορουντις rp κατά πάντα κεχαριτωμίντ,, ώς pure, toute immaculée, toute sans faute, toute sans <Ιπιν ό Γαβριήλ. Hier., Lxxvm, p. 24, 25, col. 737. souillure, toute sans reproche, toute digne dc louange, Ne sufilrait-il pas dc presser le qualificatif κατά πάντα, toute intègre, toute bienheureuse..., vierge d’âme, ct pour y trouver un témoignage implicite ou virtuel en de corps, et d’esprit..., arche sainte qui nous a fait faveur de la sainte conception dc Marie, comme échapper au déluge du péché, belle par nature, taber­ enveloppée dans celte plénitude indéfinie dc grâce? nacle sacré que le Verbe, nouveau Bésclécl, a travaillé On est d’autant mieux fondé â poser la question que, dc ses mains divines...,complètement étrangère à parlant en cet endroit contre des idées cl des pratiques toute souillure ct à toute tache du péché. » Opera mariohilriqucs, le saint docteur devait surveiller de grace ct latine, t. in. Oratio ad Deiparam, p. 528, 529; près son langage, ct que le Protioangile dc Jacques ad SS. Deigenitricem, p. 577. Tel est le langage rappelé avait, comme on l’a déjà vu, attiré son attention dans la bulle Ineffabilis Deus. Mais pour en comprendre sur la conception dc la bienheureuse Vierge. Il réprouve toute la portée, il faut dépasser la lettre ct pénétrer plus avec vigueur ceux qui prétendent faire dc Marie une à fond dans la théologie du docteur syrien. déesse en lui offrant des sacrifices, ou qui lui attri­ Le mystère du Christ en est le point central, ct buent un corps venu du ciel: ο(ίτ& γάρ Οιός ή Μαρία, Marie se rattache à cc mystère parmi double rap­ οϋτι άπ’ουρανού i/ουσα το σώμα. Ibid.t n. 21. Il con­ port, l’un social, l’autre personnel. Sous le premier naît le récit qui faisait dc la fille dc Joachim et rapport, elle est la nouvelle Èvc qui coopère avec le d’Anne un fruit dc bénédiction, accordé par la bonté nouvel Adam au mystère du salut. « Deux vierges divine à leurs instantes prières; ce n’est pas là cc ont été données au genre humain: l’une fut cause de rie qu’il rejette, mais l’interprétation abusive, fondée sur comme l’autre avait été cause dc mort. » Hymni cl la leçon : ‘II γυνή σου συνίΐϊ.ηφυΐα, suivant laquelle sermones, édit. Lamy, t. n, p. 52G. · Èvc ct le serpent Anne aurait conçu virginalcmenl; à l’encontre, il dé­ ont creusé la fosse où ils précipitèrent Adam, mais clare Marie soumise aux conditions ordinaires de la Marie ct l’enfant royal ont fait la contre-partie; s’étant génération humaine, qui suppose le concours actif penchés, ils l’ont retiré dc l’abîme. » Ibid., p. 521. d’un père ct d’une mère. : καθώς πάντβς, έκ σπέρματος Éphrem ne s’en tient pas la; il tire une conséquence άνοροςκαί μήτρας γυναικός lifer., LXXIX, 5, col. 718. que n’ont pas tirée ses devanciers : rapprochant les Mais rien dc tout cela ne s’oppose à cc que la béné­ deux vierges avant le moment où elles sc font anti­ diction divine, tombant sur la Vierge au début dc son thèse, il les volt sortant semblables des mains du existence, n’ait été comme une première application créateur : < Toutes deux innocentes, toutes deux du κατά πάντα κεχαριτωμένη. simples, Marie ct Èvc avaient été faites dc tout point Cette hypothèse cadrerait bien d’ailleurs avec la semblables; mais ensuite l’une est devenue cause dc façon dont saint Éplphanc répond à cette question : mort, ct l’autre cause de notre vie. » Sermones exe ge­ Comment la sainte Vierge a-t-elle quitté cc monde? lid. In Gcn., ni, 6, Opera syrtace ct latine, t. n, p. 327. Est-elle morte et a-t-elle été mise au tombeau? A- Ainsi l’idée d’innocence parfaite vient-elle s’associer l-elle reçu la couronne du martyre, comme les paroles a celle de nouvelle Èvc. du vieillard Simeon, Luc., u, 35, pourraient le faire Mais Marie est d’abord mère du Verbe incarné; conjecturer? N’est-elle pas morte? Question ouverte : rapport personnel qui, plus impérieusement encore • Dieu peut faire tout cc qui lui plaît, ct nous n’avons que l’autre, entraîne des conséquences merveilleuses. rien de certain sur la fin dc la Vierge. » Hœr., lxxviii, • Elle est vierge, elle est mère, donc que n’cst-clle pas?» 24, col. 737. Cc privilège éventuel dc n’ètre pas tom­ s'écrie Éphrem. Hymni, t. n, p. 521. Jésus est le fruit bée sous le coup de la mort, Éplphanc ne le rattache béni dc Marie, mais par un renversement des causa­ pas, il est vrai, à l’exemption du péché originel; il n’en lités, la Vierge devient à son tour un fruit unique du reste pas moins qu’il ne volt pas de difficulté à cc que Christ, ct la plus merveilleuse efflorescence de son la mère dc Dieu ait été soustraite à la loi commune de mystère d’amour. C’est le Verbe qui a créé sa mère, la mort, fondée sur le péché originel d’après la doc­ comme il a formé dc la terre le premier homme, trine dc l’apôtre, Rom., v, 12; doctrine si familière comme il a façonné son propre corps : Plasmasti Adam pourtant aux Pères grecs ct si fortement accentuée à la e pulvere, et matrem luam creasti, el tu teipsum formasti même époque par plusieurs d’entre eux, notamment i in mente (matre?) tua. Ibid., p. 5G4. Aussi quelle saint Jean Chrysostome. beauté, quelle perfection dans l’œuvre du Christ 2· Église syrienne : saint Éphrem. — Singulièrement rédempteur I < O la très sainte, ô reine, ô mère dc Dieu, expressifs sont les témoignages relatifs à la sainteté seule toute pure en ton corps et en ton Ame, seule bien dc la mère de Dieu, que nous fournissent les Pères au-dessus dc toute pureté, dc toute intégrité, de toute syriens du XV· siècle. C’est d’abord, à l’époque du virginité, seule devenue tout entière la demeure de concile dc Nicée, saint Jacques dc Nisibe, dans un toutes les grâces du Saint-Esprit. > Opéra gnveedatine, fragment que lui attribue un manuscrit syriaque très t. m, p. 524. ancien : « Dieu, dit-il, s’est choisi pour mère une vierge Aux yeux du grand docteur syrien, l'innocence pure, prévenue dc scs faveurs, qu'il s’était consacrée brille tellement en Marie, que, dans une poésie de et fiancée; seule entre tous, il l’a maintenue sans souil­ l’an 370, il ne craint pas de présenter en quelque sorte lure, sans tache; puis il est venu habiter dans cette sur le même plan la pureté du Christ et celle dc la bienheureuse pleine de beauté, intègre de corps, Vierge, met tant en scène l’Église d’Édesse, désolée toute pure ct scellée en son âme; ct il s’est manifesté par un schisme dc six années, il lui fait <|ire : · En en cette fille d’origine divine, pleinement agréable â vérité, vous ct votre mere, vous êtes parfaitement 881 IMMACULÉE CONCEPTION beaux sous tous rapports; car. en vous. Seigneur, il n’est point de tache, ct en votre mère 11 n'est point do souillure. » Carmina Kisibina, édit. Bickcll, p. 122. Passage dont la force est justement soulignée par le savant éditeur, p. 2« : Probatione vix eget, Ephræmumhoc loco immunitatem non solum ab actuali, sed etiam ab originali peccato tribuere. Adscribil enim ei talem sancti­ tatem quam cum solo Christo participat quaque omnes cell· qui homines carent. Raisonnement d'autant pius sérieux, que saint Éphrem regardait les enfants non baptisés comme infectés d’une tache; parlant en effet du ciel, il nous y montre les mères chrétiennes voyant avec les anges leurs enfants préalablement purifiés de toute tache ; Aspiciunt parvulos suos... sublimi gradu tocatos et laetos omni detersa labe angelorum cognatos. Dc para­ diso Eden, serm. vn, Opera syr. lat., t. m. p. 582. Comme Bickel), Mgr Rahmani compte l’immaculée conception au nombre des vérités admises par l’illustre diacre d’Édesse. Sancti Ephræmi hymni de virgini­ tate, Scharfé, 1906, p. XU. 3° Église latine : saint Ambroise ct saint Augustin. — En Occident comme en Orient, nous retrouvons l’an­ tithèse des Èves sous des formes diverses. Saint Jérôme l'énonce en passant, par manière dc dicton familier : Mors per Evam, vita per Mariam. Epist., xxn, ad Eustoch., n. 2, P. L., t. xxn, col. 408. Saint Ambroise y revient plusieurs fois, en considérant soit le rôle d'Èvc et dc Marie, soit le caractère virginal dc celle dernière ct dc son enfantement : Veni, Eva, jam Maria, quæ nobis non solum virginitatis incentivum, attulit, sed etiam Deum intulit. De institut, virginis, c. v, n. 33, P. L., t. xvi, coi. 31 i ; Ex (erra virgine Adam, Christus ex virgine... Per mulierem stultitia, per virgi­ nem sapientia. Exposit. in Luc., I. IV, n. 7, P. L., t. xv, coi. 1611; cf. Exhort, virginitatis, c. iv, n. 26; Epist., lxiii, ad eccles. Verceil., n. 33, P. L., t. xvi, coi. 313, 1198. Saint Zenon, évêque de Vérone (t vers 371), emploie un langage plus expressif encore» quand il montre Dieu nous redonnant Èvc en Marie ct renou­ velant Adam dans le Christ : Tu Evam in Mariam redintegrasti, lu Adam in Christo renovasti. Tract., Il, de spe, fidc et caritate, 9, P. L., t. XI, coi. 278. Saint Augustin refait la comparaison classique : Decipiendo homini propinatum est venenum per /eminam, reparando homini propinatur salus per /eminam. Serm., u, de concord. Evangel., c. n; cf. Serm., cclxxxix, in natali Joannis Bapt., n. 2. P. L., t. xxxvm, coi. 335, 1308. En outre, dans un texte du De agone Christiano, c. xxn, déjà cité. col. 857, Il donne au plan dc revanche choisi par Dieu sa pleine signification : Pour que le diable souffrit de sa défaite par les deux sexes qu’il avait vaincus, un homme et une femme devaient contri­ buer à la délivrance du genre humain. C’est par allusion A cc rôle dc nouvelle Èvc, asso­ ciée au nouvel Adam dans l’œuvre du relèvement ct victorieuse avec lui de l’antique serpent, que, sur la On du îv· siècle, le poète Prudence nous représente celui-ci foulé aux pieds d’une femme, la vierge Marie, qui, ayant mérité dc devenir la mère dc Dieu, est restée invulnérable à tout venin, Cathemer., ni» ante cibum, vers 116 sq., P. L., t. xi.iv, col. 806: Hoc odtum velus lllud rrat, Hoc cnit nspldls nique hominis Digladiabile dhcldlum, Quod modo ccmua femineis Vipera proteritur petii bus. Edero nninque Deum merito. Omnia virgo venena domat : Tactibus nnguls inexplicitis. Vinis Inerme piger revomit Gramine concolor tn viridi. Λ ccs témoignages généraux s’ajoutent quelques témoignages spéciaux, utilisés dans la bulle lne//abilis 882 ou mentionnés dans les Actes de la commission prépa­ ratoire. Dans un texte partiellement cité, col. 861, saint Ambroise attribue a Marie, A titre de privilège strictement personnel, une plénitude de grâce dont le fondement est dans sa qualité dc mère dc Dieu : lie ne enim sola gratia plena dicitur, quæ sola gratiam quam nulla alia meruerat, consecuta est, ut gratiæ reple­ retur auctore. Expasit. in Luc., L 111, n. 9, P. L., t. xv, coi. 1555. Aussi veut-il que, pour apprécier digne­ ment cc qu’est Marie, on tienne compte dc ce qui est convenable dans une telle mere : Sed nee Mana minor, quam matrem Christi decebat. Epist., lxhi, ad eccles. Verceil., n. 110, P. L., L xvi, coi. 1218. Il est des lors facile de comprendre toute la portée d’un texte souscrit invoqué par les défenseurs dc l’imma­ culée conception. Expos it. in ps. cxvttl, serm. xxn, 30, P. L., t. xv, col. 152. Personnifiant la nature hu­ maine déchue, le grand évêque de Milan lui fait adres­ ser cette prière au Verbe : « Venez chercher votre brebis égarée; n'envoyez pas vos serviteurs ni des mercenaires, venez vous-même. Prenez-moi, non pas de Sara, mais dc Marie, afin qu’elle soit une Vierge sans corruption, une Vierge exempte, par la grâce, dc toute tache du péché. » En d’autres termes, la nature humaine supplie le Verbe dc s’unir a elle, mais par l’entremise dc la femme bénie qui, par sa virgi­ nité ct sa sainteté parfaites,soit une digne mère de Dieu. Ne serait-ce pas restreindre arbitrairement la portée Indéfinie dc l’expression : ab omni integra labe peccati, que dc l'entendre des seuls péchés personnels ou actuels ? Sardi, op. cit., 1.1, p. 805. Pour saint Jérôme, Marie est la porte orientale que Dieu fit voir au prophète Ézéchiel, lxiv, 1-2; porte fermée à tout mortel, · car Jéhovah, le Dieu des années, est entré par là. » Figure de la perpétuelle virginité dc la mère du Verbe, suivant l'interpréta­ tion rapportée par le saint docteur dans son commen­ taire sur cc passage, P. L., t. xxv, col. 430. Cf. pseudoAmbroise, In Apocal., xxi. 12, P. L., t. xvn, col. 948. Mais dans un autre endroit, il va plus loin : il donne à la bienheureuse Vierge, porte mystique répondant à l’antique figure, ccs deux épithètes : semper clausa et lucida. Eptst., XLvni, ad Pammach., n. 21, P. L., t.xxn, col. 510. L’adverbe semper tombant sur les deux adjectifs, Marie toujours vierge nous est donc présen­ tée en même temps comme toujours lumineuse, c*cst-àdirc toujours éclairée, comme porte orientale, parles rayons du soleil dc justice. L’idée est reprise ct accen­ tuée dans les Homihæ tn psalmos. Appliquant à Marie ccs paroles du ps. lxxvii, 24: in nube diet, Jérôme voit en elle une nuée qui ne fut jamais dans les ténèbres, mais toujours dans la lumière : Pulchre dixit, diei; nubes enim illa non /uit in tenebris, sed semper in luce. G. Morin, Anecdota Maredsolana, t. in, p. 65; cf. Breviarium in psalmos, P. L., t. xxvi, coi. 1049. Saint Augustin mérite dc fixer davantage notre attention, à cause dc son autorité personnelle ct dc l'influence profonde qu’il a exercée sur ceux qui sont venus après lui. Deux textes sont habituellement cités en faveur du glorieux privilège. Le premier est tiré d’un écrit composé contre Pelage en 415, De natura ct gratia, c. xxxvr, P. L.. t. xuv, col. 267. En même temps qu’il niait la déchéance originelle, l’hérésiarque attribuait aux rejetons d’Adam des forces les rendant capables d’observer par eux-mêmes toute la loi morale ct de vivre sans péché. Pour confirmer cette assertion il citait un certain nombre dc personnages, hommes et femmes, qui auraient réalisé cc programme, qui non modo non peccasse, verum etiam juste vixisse re/eruntur. La série des femmes aboutissait à la « mère de Notrc-Sclgneur et Sauveur, que la piété nous con­ traint de proclamer exempte de péché, quam dicit SS3 IΜMAClLEE CONCEPTION sine peccato confiteri neccsse pietati, » L'évêque d’Hipponc rejette absolument l’assertion en cc qui concerne les personnages allégués, · exception inite pour la sainte Vierge Marie, dont je ne veux pas qu'il soit aucunement question quand il s’agit de péchés, et cela pour l’honneur du Seigneur : qu elle ait, en effet, reçu une grâce surabondante pour remporter une vic­ toire absolue sur le péché, nous le sax ons de cc qu’elle n mérité de concevoir c! d’enfanter celui qui fut incon­ testablement sans péché. » Beaucoup de théologiens n'ont voulu ou ne veulent voir dans co passage que l'exemption des fautes actuelles ou personnelles: quelques-uns ont même prétendu ou prétendent en limiter la portée à la période de l’existence de Marie qui suivit l'incarnation. Le témoignage est cependant utilisé dans la bulle J ruflabilis; en quel sens, le Sillage degli argomenti nous l’apprend. Saint Augustin parle en cet endroit des péchés actuels, il est vrai, mais, à cc propos, il n'en affirme pas moins d’une façon géné­ rale que la bienheureuse Vierge est complètement exempte du péché; l’honneur du Christ, qu’il met en avant, n’est pas moins incompatible avec l’hypothèse du péché originel qu’avec celle du péché actuel; il l'est même davantage, étant donnée la légèreté des péchés actuels que le saint docteur énumère, peu apres, § 45, col. 269, à titre d’exemples. Sardi, op. cil., t. n, p. 49. Là est la force réelle de cc témoignage, il exclut de Marie directement tout péché, indirectement ou implicitement le péché originel. Une autre considération augmentera la valeur de l'argument. Si Pélage attribuait aux hommes, tels qu’ils sont actuellement, des forces suffisantes pour éviter tout péché, c'est qu’il n’admettait pas la déché­ ance originelle; au contraire, si l’évêque d'Hippone tenait la contre-partie, c'est qu'il croyait à celte déchéance. De là, en 421, ccttc assertion, Contra Julianum, J. V, c. xv, n. 57, P. t. xuv, col. 815 : « A l’exception du Sauveur, nul homme en grandissant ne reste sans péché, parce qu’il n’est personne, en dehors de lui, qui n'ait été, au début de son existence, soumis au péché. » Si donc, six ans auparavant, le saint docteur a déclaré la mère de Dieu complètement exemple de péchés, à tout le moins aclucls, il faut, d’après scs principes, conclure qu’elle n'a pas élé sujette à la déchéance originelle. Aussi, après avoir exposé les textes auguslinicns qu'il juge défavorables a l’immaculée conception et que nous examinerons bientôt, Pctau ajoute-t-il, De incarnatione Verbi, 1. XIV, c. n, n. 4 : Al non adeo constanter et prafracle originali infectam macula fuisse sanctissimam Dei matrem defendit Augustinus, ut non aliqua interim ads pergat, ex quibus contrarium ratiocinando colligi possit. Reste à sc demander s’il y a là seulement une conclusion possible, mais que le grand docteur n’aurait personnellement ni tirée ni meme soupçonnée. Le second texte est emprunté à un ouvrage entrepris par l'évêque d’Hippone sur la fin de sa vie, en 428-430, et qu’il n’eut pas le temps d’achever. Opus imperfcc*um contra Julianum, 1. IV, c. xxn, P. L., I. xlv, col. 1417 sq. Pour attaquer dans ses conséquences la doc­ trine du péché originel, Julien d’Éclanc, disciple de Pelage, avait eu l’idée d’établir entre son adversaire, I Augustin, et l’hérésiarque Jovinien un parallèle. t qu’il présentait tout à l’avantage de ce dernier. Entre autres choses, il disait : Ille virginitatem Marier partus conditione dissolvit; tu ipsam Mariam diabolo nas­ cendi conditione transcribis. Malgré la concision de la i phrase, le sens est clair. En supposant Marie soumise â la loi commune ou à la condition naturelle de l’en­ fantement humain, Jovinien a\ait sacrifié la virgi­ nité perpétuelle de la mire de Dieu; en affirmant la loi du péché originel qui atteint, au momçnt mime de ta conception ou première naissance, tout homme . 884 j issu d'Adam et le rend esclave du diable, en soutenant que telle est la condition actuelle de toute génération ; humaine, Augustin as* ujélissnit au diable la personne même de Marie. L'attaque mettait l’évêque d’Hippone en face du problème de la conception ou première naissance delà mère de Dieu. Que répond-il? Aon tran­ scribimus diabolo Mariam conditione nascendi, sed ideo (Deo, d’après M. Saltet, Bulletin de littérature ccclisiaslique, Toulouse, 1910, p. 165) quia ipsa condiliosoirilur gratia renascendi. « Nous ne vouons pus Murie au diable par la condition de la naissance, (mais à Dieu), parce que celte condition est abrogée par la grâce de la re­ naissance. · Ainsi traduite littéralement, la phrase présente un sens vague, qui a donné lieu à deux inter­ pretations opposées : « Nous ne vouons pus Marie au diable par la condition de la naissance (humaine): a) parce que la grâce de la renaissance abroge (ulté­ rieurement) celte condition (en la faisant disparaître); b) parce que la grâce de la renaissance abroge (sim­ plement) cette condition, (en empêchant qu’elle se réalise en Marie). » Dans la seconde interprétation, la conception sans tache est affirmée; dans la première, elle est niée, il n'y a plus lieu qu’à une sanctification ultérieure, dont l'époque reste indéterminée. Nous voyons par les Actes de la Commission préparatoire que certains consultcurs soutinrent la première Inter­ prétation et nièrent en conséquence la valeur du té­ moignage. Surdi, op. cit., t. i, p. 863; t. u, p. 58. Tel fut avant la définition et tel est encore depuis,le sen­ timent de beaucoup de théologiens : ils invoquent, en général, la doclrinc si ferme de saint Augustin sur l’universalité du péché originel, en particulier l’ex­ pression gratia renascendi, une renaissance spiri­ tuelle ne sc comprenant pas sans une mort spirituelle qui précède. D’autres, sans porter de jugement absolu, accordent que, ni de cc texte ni d’aucun autre, on ne peut rien tirer de certain en faveur du privilège marial. Noir notamment Ph. Friedrich, Die Mariologie des hL Augustins, p. 200 sq. (état de la controverse), p. 218 sq. (discussion); compte rendu de cet ouvrage par A. Alvéry, dans la Ilevue augustinienne, Paris, 1907, t. xr, p. 705. Celte interprétation est loin de s’imposer. A une objection grave, qui concerne spécialement la mère de Dieu et qui, pour n ôtre pas futile, devait s'appuyer sur une croyance commune en la parfaite sainteté de Marie, saint Augustin ferait une réponse qui, sur le point débattu, exclurait tout privilège et assimilerait la Vierge à ceux que la grâce de la régénération spiri­ tuelle délivre de l'esclavage du démon. En outre, cc qui, dans celle hypothèse, serait abrogé par la grâce de la renaissance, ce ne serait pas la condition mime ou la loi de la naissance humaine, en tant qu’appliquée à la mère de Dieu, mais seulement l'ctat de péché, conséquence normale de la condition inhérente à la naissance de tout fils d’Adam; or le texte porte : conditio ipsa solvitur, et les deux choses ne doivent pas sc confondre, suivant la remarque faite dans les déclarations complémentaires du Sillage degli argo­ menti. Sardi, t. n, p. 58. Enfin cette inleq>rêlatlon introduit dans la réponse d’Augustin quelque chose d’incohérent. Au pélagicn qui l’accuse de vouer la personne même de Marie nu diable par la condition ou loi de naissance humaine qu'i 1 suppose en affirmant le péché originel, le saint docteur commencerait par répondre : · Nullement, non transcribimus Mariam diabolo conditione nascendi·, puis, motivant sa néga­ tion, il dirait implicitement le contraire. Incohérence dont on n'arrive à délivrer l'adversaire de Julien qu'en supposant de sa part, pour parler avec A. Alvéry, une · échappatoire », un « subterfuge », une < habile manœuvre pour esquiver une étreinte dangereuse », un « adroit demi-tour ». Suffit-il de dire a\ec M. Sallet, 885 . IΜM AC L LÉ E CO NCE PT I ON loc. ci/., p. 165, que, pour Augustin, « tous les prédes­ tinés sont IBs de Dieu,même avant la régénération»? ’ 11 ne semble pas;avant leur régénération, les prédes­ tinés ne sont (ils de Dieu qu'en puissance ou par des­ tination; en réalité ils sont sous l'esclavage du démon. De nuptiis et concupiscentia, n, 3, P. J.., t. xuv, col. 438: Non negamus adhuc esse sub diabolo, nisi renascantur in Christo. Cf. Contra Julian., vi, 3; Opus imperfect., i, | 62, P. L., t. xlv, coi. 822 sq., 1081 sq. En somme, l'adversaire de Julien jouerait d'équivoque, en donnant I aux termes : Non transcribimus Mariam diabolo, un sens tout dilïércnt de celui que l’hérétique leur attri­ buait. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup s'en tien­ nent à la seconde interprétation du texte augustinlcn, celle qui rejette l’application de la loi commune, en cc qui concerne non pas la conception active, mais la conception passive ou naissance première de la mère de Dieu. A supposer même que l’hésitation soit possible pour qui envisagerait cc texte et les autres d’un point de vue purement philologique, il reste, comme l’a montré W. Scherer, que la psychologie du saint docteur mène au sens immaculiste. Cc n’est donc ni fausser, ni dépasser sa pensée, que de l’admettre. Mis par Julien en face d’un cas particulier, il applique simplement le principe énoncé quinze ans auparavant : «Quand il s'agit de péchés, qu’il ne soit point question de Marie. » On comprend mieux alors tout cc que pouvait signifier, pour son auteur, cette affirmation déjà signalée : · 11 fallait que le diable souffrit de sa défaite par les deux sexes, comme il avait joui de son triomphe sur les deux. » Triomphe complet sur Adam et Èvc, entraînés dans une faute personnelle qui fut le point de départ du péché originel; défaite com­ plète par le second Adam et la seconde Ève, indemnes l’un et l’autre de toute faute, personnelle et originelle. Comment y a-t-il alors, pour Marie, grûcc de renais­ sance on de régénération? Comme il y a grûcc de re­ naissance ou sacrement de régénération dans l’adulte qui, Justifié déjà en raison d’un acte de charité ou de contrition parfaite, reçoit le baptême. Ces dénomi­ nations conviennent à la grûcc de Jésus-Christ et au sacrement du baptême, en fonction des effets qu’ils sont destinés à produire et qu’ils produisent en fait d’une façon normale.D’ailleurs, si l’on considère Marie en sol, comme terme d’une génération humaine sou­ mise du côté des parents aux conditions communes, ne peut-on pas dire que la grûcc, reçue au premier instant de son existence, constitue pour elle une se­ conde naissance et que, par rapport à la mort spirituelle contractée en droit, de près ou de loin, il y n, dans le même sens, renaissance? La naissance physique ne peut-elle pas précéder, d’une antériorité logique, la naissance spirituelle? N est-ce pas d’une façon ana­ logue que, dans le passage dont nous nous occupons, saint Augustin attribue à la grûce rédemptrice du Christ, non seulement de remettre les fautes commises, mais encore de prévenir les chutes? Quod non ois dici­ mus, nonnisi per gratiam liberari (homines), non solum ut cis debita dimittantur, verum etiam ne in tcnlationem inferantur. Bien plus, saint Ambroise ne craint pas d’appliquer à Noire-Seigneur lui-même l’idée de renaissance, c’cst-à-dirc de naissance spirituelle par opposition à la naissance matérielle ou physique : cum ipse Dominus Jesus Christus de Spiritu Sancto et natus sit cl ni.vatV8. De Spiritu Sancto,]. Ill,c. x, η. 65, P. L., t. xm. col. 791. 4° Les objections. — Pris dans leur ensemble, les témoignages qui précèdent permettraient de conclure à l’existence, chez les Pères anténicéens et postnicéens, de germes et d’anticipations de la croyance nu glorieux privilège de Marie, si les adver­ saires du dogme et d’autres encore ne déclaraient 886 ccttc conclusion Incompatible avec la doctrine géné­ rale des mêmes Peres sur plusieurs points. Les textes invoqués sc ramènent à trois séries. F· série : Jésus-Christ seul sans péché. — Sous sa forme générale, l’objection sc résume en cette phrase de Tertullicn : « Dieu seul est sans péché, cl le Christ est le seul homme qui fut sans péché, parce que le Christ était Dieu. » De anima, 41, P. L., t. n, coi 720. Doctrine commune à beaucoup d’autres ; par exemple. Clément d’Alexandrie, J‘adag., rn, 12, P. G., t. vin, col. 672 : γΐρ αναμάρτητος αύτός < Λογος; saint Hilaire, Trad, in ps. cxxxvm,A~, P.L.,t. ix, col. 815: Solus enim extra peccatum est Dominus noster Jaus Christus; saint Cyrille d Alexandrie, Jn Lev,, xvi, 2, P. G., t. lxix, col. 584., où il dit du grand prêtre Aaron, comparé à Jésus-Christ, qu’étant homme, άν(ιρωχος ών, il ne peut être sans péché. Que la mère de Dieu ne fasse pas exception, la preuve en est dans les faiblesses, les défaillances de foi, l’inintelligence des choses de I Évangile que les Pères lui attribuent. Saint Irenée traite la demande qu elle adresse au Sauveur aux noces de Cana. Joa., n,4,d’ « empresse­ ment intempestif que Jésus rejette, repellens ejus intempestivam festinationem >. Coni, hsrr., m, 16, 7, P. G., t. vn, col. 926. Saint Jean Chrysostome rap­ porte celte même demande à un sentiment de vaine gloire. Jn Joa., homil. xxi, 2, P. G., t. ux, col. 130. Séveriende Gabala, contemporain du grand orateur, parait supposer qu’à cette époque, Marie ne croyait pas encore à la divinité de son Fils, ou du moins qu’elle agit en celte circonstance comme si elle n’y croy ait pas encore, cc qui explique la réprimande du Sauveur : matrem ut frustra et importune suggerentem incutpat. Homil., xm, in sandum martyrem Aeacium, dans Sevenani Gabalorum episcopi Emesensis homilise, édit. J.-13. Aueher, Venise, 1827, p. 317. Dans la prophétie du vieillard Siméon. Luc., n, 35 : Et tuam ipsius pcrtransibit gladius, Origenc λ oit le glaive de l'incrédulité ou du doute qui, pendant la passion, devait atteindre l’ûmc de Marie comme celle des apô­ tres. In Luc., homii. xvn, P. G., t. xm, col. 1845. Celte Interprétation est suivie par beaucoup : S. Basile, Epist., cclx, 9, P. G., t. xxxn, col. 967 : S. Cyrille d’Alexandrie, Jn Joa., 1. XII, P. G., t. lxxiv, col. 662 sq., et plusieurs auteurs de moindre lnq>ortance; S.Amphiloquc ou l'auteur qui porte ce nom, Homil. in occursum Domini, 8, P. G., L xxxix, col. 57 ; pseudoGrègolrc de Nysse, Homil. de occursu Domini, P. G., t. xLvi, col. 1176; pseudo-Chrysostome, Homil. in ps, XHl, 4, P. G., t. lv, col. 555; pseudo-Augustin, Ques­ tiones ex N. T., 73, P. L., t. xxxv, col. 2267. Tcrtullicn rattache à l'incrédulité, ou du moins à un désir importun de détourner Jésus de sa mission, la démar­ che faite auprès de lui par < sa mère cl scs frères » au cours de sa vie publique, Matth., xu, 46; interpreta­ tion dont paraissent s’inspirer ceux des Pères latins qui virent dans la mère et les frères de Jésus la figure de la Synagogue cl des Juifs, s'abstenant d'aller nu Sauveur ou se rendant indignes d’entendre ses dis­ cours : S. Hilaire, In Matth., xn, 24, J\ L., t. îx, col. 993; S. Jérôme. In Matth., xu. 49, P. L., t. xxvi, col. 85. Dans celte dernière circonstance, comme aux noces de Cana, saint Jean Chnsostome donne pour mobile à ht conduite de Marie la vainc gloire. In Matth., homil. xxvu, 3; xuv, i, P. G., t. tvn, col. 347, 4G4 sq. Ailleurs, parlant de l'hypothèse où la Vierge aurait conçu sans axoir été préalablement avertie et ins­ truite par l ange.lc même docteur raisonne comme s’il la supposait capable 2· série : universalité du péché originel ct de la ré­ demption. — Les anciens Pères enseignent comme la sainte Écriture, ct plus nettement encore, l’unlvcrsalité do la chute en Adam ct dc la rédemption par Jésus-Christ, le nouvel Adam. Ils déclarent, en conséquence, que seul, parmi les hommes, le rédemp­ teur échappe au commun naufrage. « Seul mon Jésus est entré dans le monde sans avoir contracté de souil­ lure en sa mère », dit déjà Origène. Jn Lev,, homil. xn, 4, P. G., t. xn, col. 539. L'assertion s'accentue chez les Pères des iv· ct v· siècles. D’après saint Ambroise, cite par saint Augustin, Contra Julianum, n, 4, P. L., t. xuv, col. G74 : « Seul Notrc-Scigneur a été parfaite­ ment saint ct n’a pu être tel qu'à la condition d'échap­ per, en naissant d'une vierge, à la loi du péché qui s’attache à toute génération humaine. > Et saint Augustin de dire, pour son propre compte : « Celui-là seul est sans péché, qui n été conçu par une vierge, en dehors des embrassements humains, dans l’obéis­ sance dc l'esprit ct non pas dans la concupiscence dc la chair. » De peccatorum meritis et remissione, i, 57, P.L., t. xuv, 112. Il y a donc, chez les ills d’Adam déchu, connexion entre la génération humaine, soumise à la loi dc la concupiscence, ct le terme de cette génération, soumis à la loi du péché. Connexion si rigoureuse, dans la pensée des Pères, que, pour écarter de Jésus-Christ le péché originel, ils con­ cluent à la nécessité d’une conception virginale. Tel l’évêque d’IIippone, ayant rappelé l’origine de la concupiscence, Gcn., m, 7 : « Voilà, dit-il, d’où vient le péché originel; voilà pourquoi tout homme naît dans le péché; voilà pourquoi Notre-Scigncur n’a pas voulu naître ainsi, lui qui a été conçu d'une vierge. » Serm., eu, 5, P. L., t. xxxmii, col. 817. Dès lors, on ne peut pas songer à exempter de la loi commune la Vierge Marie, dont la chair fut conçue dans la concupiscence, de peccati propagine venit, comme celle des autres enfants d'Adam. Aussi Marie, fille d'Adam, est-elle morte à cause du péché. Maria ex Adam mortua propter peccatum, tandis que hi chair du Seigneur, issue dc Marie, est morte pour eflaccrlcs péchés. Inps.XXXl r. serin. n,3, P. J.., t. xxxm, col. 335. Réponse. — Les objections qui se rattachent à celte seconde série de témoignages n'ont pas toutes la même portée. Souvent les Pères ne font que reproduire la doctrine do la sainte Écriture sur l'universalité du péché originel ct de la rédemption Doctrine catholique que personne ne songe à nier; il n’est nullement ques­ tion dc soustraire Marie à l’influence rédemptrice dc son divin Fils, ct, pour cc qui concerne l’universalité du péché originel, autre chose est la loi, autre chose est l’application dc la loi. Un législateur, s'il jouit d’un pouvoir indépendant, garde toujours le droit dc né pas appliquer la loi dans un cas particulier, sans com­ promettre en rien l’existence de la loi elle-même. C'est ainsi que, nonobstant la loi universelle dc la résurrection des coqis à la fin des temps seulement, Notre-Seigneur a pu, par un privilège spécial, anti­ ciper l’événement en faveur de sa mère bénie. Beaucoup plus sérieuse est l’objection sous la forme qu’elle présente d'après les textes cités d'Ambroise ct d’Augustin. Une première solution, pour cc qui 890 concerne cc dernier, consisterait à dire qu’au début le grand adversaire dc Pélage n'aurait pas dégagé Marie de la condition commune, mais qu’une évolu­ tion sc serait opérée peu à peu dans son esprit ct qu’à la fin, mis brutalement par Julien en face dc cette conséquence: tu transcribis Manam diabolo conditione nascendi, il aurait affirmé l'immunité originelle de la mère dc Dieu, rétractant ainsi ou du moins dépassant ce qu’il avait tenu antérieurement. E. Vacandard, Les origines de la fêle et du dogme de Γ immaculée conception, i, dans la Revue du clergé français, 1910, t. xui, p. 38 sq.; L· Talmont, Saint Augustin et l'immaculée conception, dans la Revue augustmienne, 1910, t. xm, p. 747 sq. ; à l’opposé : L. Saltet, Saint Augustin ct Γ immaculée conception, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Toulouse, 1910, p. 162 sq. Il semble difficile d'établir solidement, entre l’en­ seignement des écrits antérieurs et celui dc l'Opus imper/ectum, autre chose qu’un développement ou progrès relatif, par passage de HmpUdte à l’explicite. En tout cas, la difficulté reste, quant au point délicat : I l’affirmation de la conception virginale comme moyen nécessaire pour que Jésus-Christ échappe, en naissant, à la loi du péché, car cette affirmation se retrouve dans iOpus imper/ectum, par exemple, iv, 79, P. L., t. xuv, col. 1384. Toute la question est de savoir si cette affirmation a la valeur absolue qu’on prétend lui attribuer. Ceux qui objectent les textes cités d’Ambroise ct d’Augustin raisonnent toujours comme si, dans la pensée dc ces docteurs, il s’agissait d’une immunité quelconque par rapport à la tache héréditaire. Le problème est moins simple. L'immunité peut exister de deux façons diflérentes; d’abord, en /ait seulement, parce que le sujet conçu dans les conditions ordinaires ne contracte pas la souillure du péché originel, mais grâce à une Intervention particulière qui le protège contre l’application dc la loi commune, loi qui, autre­ ment, s’appliquerait, étant donnée la façon dont le sujet est conçu. Mais l’immunité peut aussi exister, non pas en fait seulement, mais en droit, parce que le sujet conçu ne tombe pas sous la loi du péché. Cette seconde manière seule pouvait sc réaliser en JésusChrist, Homme-Dieu ct rédempteur du genre humain; or, pour qu’elle pût avoir lieu, pour que Jésus-Christ ne tombât pas sous la loi du pèche par la façon même dont il serait conçu, conditione nascendi, il fallait qu’il naquit d’une vierge; ainsi tout serait pur. saint et béni dans sa conception : non seulement le tenue ou le fruit, mais la cause elle-même. Tel est le sens premier cl direct des témoignages allégués. Secondairement cl par voie de conséquence, ils prouvent qu’il ne peut être question pour Marie d’une Immunité dc droit par rapport au péché originel; n’ayant pas été conçue virglnalcmcnt,mais comme les autres enfants d'Adam, elle tombait de cc chef, conditione nascendi, sous la loi du péché. Mais rien n'exclut la possibilité d’une simple immunité de fait en vertu d’une intervention divine qui, laissant l’acte générateur soumis à la loi commune dc la concupis­ cence, s’exerce sur le fruit ou le terme par l’infusion dc la grâce sanctifiante dans l’âme dc Marie. Qu’a­ vons-nous alors, si cc n’est, suivant l'expression de saint Ambroise, une vierge exempte, mais par grâce, dc toute tache du péché, Virgo per gratiam a b omnt integra labe precati i Cette hypothèse n'empêche pas qu’on ne puisse dire de Marie, avec saint Augustin, qu'elle est « morte à cause du péché > : étant issue d’Adam par voie naturelle, elle peut, même étant préservée de la souillure héréditaire, porter certaines conséquences de la faute du premier père, celles du moins qui n’ont pas dc connexion essentielle ou im­ médiate avec le péché proprement dit 891 IMMACULEE CONCEPTION 3· série : purification ou sanctification de Marie. — Celte doctrine apparaît chez les Pères poslnicécns, grecs, syriens ou latins. Elle sc rattache aux paroles adressées par l'archange Gabriel ù la très sainte Vierge, Luc., h 35 : Spiritus Sanctus superveniet in te L'objection est diversement proposée. Certains pré­ tendent établir par là que, d’après certains Pères, Ja mère du Verbe fut alors pleinement délivrée de la loi du péché, mais alors seulement, c La piété chrétienne n’avait pas attendu Augustin pour proclamer que Marie avait été purifiée de ses péchés au moment de l’incarnation Avant même qu'Ambroise eût placé dans la mère du Christ l’idéal de la vertu, à une époque par conséquent où l’on n'avait pas scrupule d’attribuer à la Vierge diverses imperfections, saint Grégoire de Nazianze avait dit: «Le Christ est né d’une vierge • purifiée préalablementdanssachairetdans son cœur, « par ΓEsprit-Saint. » G. I ferzog, foc. cil., p. 51 G. Cemèmc texte du Théologien ct d’autres semblables, cn parti­ culier des saints Cyrille de Jérusalem, Éphrem ct Au­ gustin (sans parler des écrivains postérieurs), devien­ nent entre les mains des théologiens grecs ou russes de l’Eglisc orthodoxe, de Métrophanc Critopoulos ù Alexandre Lebedev, un argument direct contre l’im­ maculée conception; pour eux, c'est du péché originel que Marie fut purifiée au jour de l’annonciation. Il suffira, pour répondre, de soumettre ccs textes à un examen moins superficiel. Saint Cyrille de Jérusalem : « Le Saint-Esprit venant cn elle la sanctifia, pour qu’elle pût contenir celui qui a tout créé, » ήγίκξιν αυτήν προς το ουντ/ζήναι έέξασόαι τον 6 ’ ου τά πιντά έγήετο. Cat., χνπ, G, P. G., t. xxxm, 976. Tel est le texte. — L’auteur des Catéchèses affirme un effet de sainteté, produit cn Marie par le SaintEsprit ct formant comme la préparation prochaine è la maternité divine. En vertu de quelle exégèse pré­ tend-on identifier cet effet de sainteté avec la déli­ vrance du péché originel ou de la loi du péché, qui auraient existé dans la Vierge ou même persévéré cn elle jusqu’à ce moment-là ? Comme si un effet de sainteté ne pouvait pas se produire cn quelqu'un qui est déjà saint, pour qu’il devienne plus saint I « Que le juste pratique encore la justice, ct que le saint se sanc­ tifie encore, » κχΐ ό άγιος άγιασίιήτω trt. Apoc., xxn, 11. Saint Grégoire de Nazianze : · Le Verbe se fait honime, prenant tout ce qui est de l'homme, sauf le péché; il est conçu par la Vierge, préalablement purifiée pari’Es prit dans son Ame et dans sa chair, κυτ/κίς μ ·/ va rfa κκΐ Φυχήν καί σάρκα προκαΟαρόιίσης ; car il fallait tout à la fois honorer la maternité ct donner l'avantage a la virginité. » Oral., xxxvm, in Théophânia. 13. P. G., t. xxxvi, col. 325. Cf. Oral., xlv, in sanctum Pascha, 9, col. GG3. —Dece texte il faut dire la même chose que du précédent. Grégoire parle d’une purification relative, cn vue de la conception virgi­ nale de Jésus-Christ; purificat Ion qui devait élever la Vierge Marie au degré de sainteté ct de pureté nécessalre· pour que le Fils de Dieu sortit d’cllc d’unefaçon mystérieuse et cn dehors de toute souillure. Oral., xu in sanctum baptisma, 45, col. 123. Vouloir pren­ dre ici le terme xa'jxipftv dans le sens absolu du mot, pour signifier le passage de l’impureté posi­ tive h la simple pureté, c'est méconnaître l’usage scrip­ turaire ct padistique du mot dans un sens plus large, pour signifier le passage d’un degré inférieur à un degré supérieur de pureté positive; qu’on sc rappelle seulement la théorie de la purification des anges. Pseudo-Denys, De cjelesti hierarchia, x, î ; De ecclesias­ tica hierarchia, χί, β, P. G., t. ni, col. 272, 537. D’ail­ lée», les disciples du Théologien nous donneront, dans les siècles suivants, un brûlant commentaire de sa vraie pensée. Saint Éphrem : « Le Christ est né d’une nature su- 8£2 jette aux souillures, que Dieu devait purifier en la visitant... Aussi le Christ purifia-t-il la Vierge, ct c’cst ainsi qu'il est né, pour montrer que le Christ opère toute pureté là où il sc trouve. 11 la purifia dans le Saint-Esprit pour la préparer (à la maternité divine), et c’cst ainsi que d’un sein purifié il fut conçu. Il la purifia dans la chasteté, κίϋηρεν αυτήν h άγνιίχ; aussi, cn naissant d’elle, il la laissa vierge. > Sermo ad­ versus hicreticos (intitulé aussi, De margarita), Opera grivee, t. n, p. 270.— Qu’une purification de cc genre ne sc rapporte ni ù la tache originelle ni ù un pèche quelconque proprement dit, l'ensemble du texte (souvent mal traduit) l’indique assez. Ce que l’ora­ teur a en vue, il le déclare ailleurs par une comparai­ son expressive : < La lumière reçue dans l’œil le nettoie ct l’éclaire, par son propre éclat elle en augmente et pare la grâce ct la beauté. Marie fut un œil, In lumière habita cn elle et divinement purifia son esprit, son imagination, ses pensées et sa virginité. » Scrmo (n Genesim, ni, 6, Opera syriacc, t. n, p. 328. Dans l'autre texte, emprunté Λ un discours sur la naissance du Sauveur, Notre-Dame est mise cn scène: « Vous appellerai-je fils, frère, fiancé ou Seigneur, vous qui avez régénéré votre mère par la nouvelle génération dont l'eau est le principe? Votre sœur, je le suis, puis­ que tous deux nous avons David pour ancêtre; votre mère aussi, puisque je vous ai conçu; votre fiancée encore, ayant été sanctifiée par votre grâce; votre ser­ vante enfin ct votre fille, née dci’cau et du sang, puisque vous m’avez achetée aux dépens de votre vie ct que vous devez m’engendrer par le baptême. Celui que j’ai engendré, m’a régénérée ù son tour par une nou­ velle génération, lui qui a orné sa mère d’un nouveau vêtement ct s'est incorporé sa chair, alors qu’ellemême revêt la splendeur, la grandeur ct la dignité de son Fils. » Serm., xi, de natiuilale Domini. Opera syriace, t. n, p. 429. — Rien, dans cc passage, qui ait trait au péché originel; la double sanctiflcation de Marie dont parie le docteur syrien est d’un tout autre ordre. L'une est la sanctification dont la bienheureuse Vierge devait bénéficier plus tard, comme fille spirituelle du Christ, en rece­ vant le baptême, sacrement de la régénération; mais qui ne sait que le baptême peut être conféré à des adultes déjà justifiés? L’autre est la sanctlfication reçue par la Vierge avant la naissance de son Fils ct que saint Éphrem compare à des fiançailles. Qu’estcc exactement: la sanctification première ou la sancti­ fication privilégiée au moment de l’incarnation? Il est difficile de donner une réponse ferme, mais ce qu’on peut affirmer sans hésitation aucune, c’cst que la sanctification opérée cn Marie ù l’annonciation n’est pas sa sanctification première, comme si alors seulement elle eût été délivrée du péché originel, contracté à sa naissance ct conservé jusqu’à cette épo­ que. Car, dans scs hymnes sur la mère de Dieu, le poète syrien nous la montre, au moment même où l'envoyé céleste l'aborde, comme déjà pleine de grâce ct digne d'être saluée au nom du Père : « L’ange vit la Vierge tout admirable, ct, ravi, il lui rend cn ccs tonnes son tribut d’amour ct d'hommage flatteur : Je vous salue, pleine de grâce, le ciel n’est pas plus élevé que vous... > Hymni cl sermones, t. n, col. 578. • Heureuse Vierge, qui avez mérité d’entendre Gabriel vous saluer au nom du Père. » Ibid., col. 588. D’ail­ leurs, entre la supposition contraire ct la doctrine générale du saint docteur sur la mère de Dieu, l’in­ compatibilité est simplement radicale. Saint Augustin, De peccatorum meritis ct remiss., ι, 28, P. L., t xuv, col. 174 sq. : · Seul, celui qui s'est fait homme cn demeurant Dieu n'a jamais eu de péché et n’a pas pris une chair de péché, bien qu’il tienne sa chair d'une mère qui avait une chair de pé* 893 IMMACULÉE CONCEPTION 894 ù Michel Cérulaire. HL Doctrine des byzantins du ché. Car cc qu'il lui doit. Il l’a sûrement purifié, xi· au xv· siècle. IV. La fête de la Conception. Les soit avant de le prendre, soit cn le prenant. Aussi textes liturgiques. V. I^a croyance à l'immaculée celte Vierge mère, qui n’a pas conçu selon la loi inhérente i la chair de péché, c'est-à-dire par un mou­ conception dans l’Églisc gréco-russe a partir du xvx· vement de concupiscence charnelle, mais qui, par siècle. I. Co nsi dî; bâtions préliminaires. — L'examen sa foi ardente, a mérité de recevoir cn elle-même le de la tradition grecque sur la conception immaculée germe sacre, il l’a créée pour la choisir un jour ct 11 l’a choisie pour cn être créé, quarn eligeret creavit, de de la mère de Dieu, spécialement après le concile qua creantur elegit · Texte où toute la difficulté se d’Éphèse» est particulièrement difficile à faire. L’ixisconcentre vraiment : si la parcelle de chair, dont le toirc critique cl détaillée de cette tradition sur ce point spécial n’a pas encore été entreprise. Les théolo­ corps du Sauveur fut formé, n dû être purifiée pour giens catholiques sc sont contentés jusqu’ici de citer n’êtrc plus une chair de péché, c'est donc qu’en quelques témoignages plus ou moins probants em­ Marie elle était chair de péché, jusqu'au moment de la purification. 11 résulte, cn eflet, de cc texte pruntés ù un nombre d’auteurs très restreint Ces témoignages sont produits, la plupart du temps, isolés ct de plusieurs autres que, suivant Augustin, Marie, avait reçu de scs parents une chair de péché, suscep­ de leur contexte, ct perdent ainsi beaucoup de leur tible comme telle de purification. — Mais que force. Phénomène curieux : les textes que Ton a fait valoir de tel ou tel écrivain byzantin dont les oeuvres signifie au juste l'expression : chair de pêché ? D’après le texte présent ot ceux qui ont précédé, cette se trouvent dans la Patrologie grecque de 5Ugne, ne expression signifie, pour le saint docteur, une chair sont pas toujours ceux qui méritaient de venir en engendrée selon la loi de la concupiscence et, par première ligne. On a passé sous silence les passages conséquent, soumise ù la meme loi. Gomme il écarte où l’idée du dogme catholique est contenue le plus clai­ du Sauveur une conception qui serait soumise, ne rement, ou bien on a noyé ccs passages dans une masse d’autres qui ne prouvent pas grand’chose. VIfût-ce qu’en droit, à cette loi, il devait également écarter de sa personne sacrée une chair qui serait, I siblcmcnt, on s’est trop fié â l’œuvre confuse et dé­ nuée de critique de Passaglla, Commentarius de im­ même cn simple droit, soumise à la concupiscence. maculato Deipane semper virginis concepta, 3 ln-4’, Autre est le cas pour Marie : il peut y avoir en Rome, 1854-1855. A sa suite, on a trop insisté sur la elle chair de péché, c’cst-ù-dire chair engendrée portée des épithètes mariales, des métaphores, com­ selon la loi de la concupiscence ct soumise, cn droit paraisons ou types plus ou mdîns accommodatices du moins, ù cette loi. S'il s'agit non plus de la loi, dont abondent la rhétorique et la liturgie byzantines mais de son application, la mère de Dieu fut-elle, en fait, préservée ct comment? L’évêque d'Hippone et qui visent très souvent la maternité divine et la perpétuelle virginité de Marie ct non sa sainteté ori­ ne touche pas expressément cc problème, mais son enseignement sur l’absence de péché cn Marie, De ginelle· On a aussi accordé une importance exagérée au fait de la célébration d'une fête de la conception natura et gratia, 36, autorise ù conclure d’une façon de la sainte Vierge en Orient, ct l’on a voulu en déduire favorable, cn cc sens du moins que, si le /ornes des conséquences théologiques qui, dans le cas, n’ont peccati existait cn la Vierge avant l’incarnation, pas de fondement solide. c’était sans exercer son empire. D’ailleurs, toute Ces erreurs de méthode n’ont pas peu contribué à cette doctrine d’Augustin s'applique à la chair, ct non pas à l’âme de la mère de Dieu. La concupis­ jeter le discrédit sur la preuve que les apologistes du cence, prise cn sol, ne s’oppose pas à la sainteté dogme catholique ont tirée des monuments de la de l’ùme, car les deux coexistent dans les chré­ tradition grecque. Ce discrédit a été augmenté par un préjugé tenace qui a cours communément depuis tiens baptisés ct justifiés. Voir Aüousnx (saint), Pelau panni les théologiens ct les historiens du dogme. t. î, col. 2395. Il est donc illégitime de s’appuyer Au c. n du 1. XIV sur l’incarnation, le père de la théo­ sur l’expression : chair de péché, pour conclure que la très sainte Vierge fut soumise à la loi commune logie positive a écrit, précisément cn parlant de du péché originel. Mais l’obscurité ct l’ambiguité l’immaculée conception : Siquidem Græci, ut originalis qui s’attachent aux fonnulcs au gusti nlen nés donne­ /ere criminis raram, nec disertam mentionem scriptis ront lieu, plus tard, à de vives ct longues controverses. suis attigenuitt sic utrum beata Virgo affinis illi concepta fuerit, liquidi nihil admodum tradiderunt. Cette brève Schwnnc, Dogmtngcichiehle, 2· édit., I. u,$70, p. 530-640; declaration, par laquelle Pctau se dispense d’examiner trnd. franç·, par A. Degert, t. iiî, p. 179-186; Palmieri, De la doctrine des grecs, a passé pour un oracle, ct on Dco errante, th. Lxxxm; De precata originali, th. six; la répète encore. On l’exagère même, el il n’y u pas L. Joniscns, op, cil,, p. 77-79,85-91 ; M. Jugie, La doctrine longtemps qu’un moderniste, qui se piquait d’être de Nmmaculte conception cl les Pires orientaux du IT*slide, un historien informé, osait écrire cette énormité : · A dun* Notre-Dame, 1912. t. π, p. 129; S. Protia,La martologle l’époque de saint Jean Damascène, l'Églisc grecque de saint Augustin, dans la Rrimc augudinlcnne. Paris, 1902, ignorait encore le dogme de la faute héréditaire. Elle t.i. p. 375; Ph. Friedrich» Die .Marlologte des Id. Augustins, Cologne, 1907; II. Kir (cl, Dcr hl. Augustinus und das Dogma ne pouvait donc pas songer à exempter la sainte Vierge dcr unbc/lccktcn Empfangnls Martens, dan* Jahrbuch fur d’une loi qui lui était inconnue. » G. Herzog. La sainte Philosophie und spekulatloe Théologie, Pndertom, 1907, Vierge dans Γhistoire. IL Débuts de ta croyance à la t. xxn, p. 211 ; E. Dorsch, Die .Marlologte des hl, Augustin*, sainteté de .Marie, dans la Revue d'histoire cl de liltêdoh Dr. theoL Phil, Friedrich, dons Zeitschrift file kalholhche rature religieuses, 1907, t. xn. p. 549. Si l’on part de Théologie, Inspruck, 1908. t. xxxii, p. 519; If. Morllln, l'idée que les grecs ne songeaient jamais ou presque Sun Augustin defensor de la rancepc Mn Inmaculada de.Marla, άτου ίυνάστίΐα·/ έχράτυχν; S Anastase I" d'Antioche (f 599), De passione ct impossibilitate Christi, P. G., L lxxxix, col. 1350, 1352-1353; S. Sophrone dc Jérusalem, Jn S. Deiparæ Annuntiationem, 12, P. G., t. uxxvm, col. 3229; De Jtypapante, 16, ibid., col. 3298-3299; Anastase le Sinaitc, Quæst., exua, P. G., t. lxxxix, coL 796; S. Jean Damascènc, De fide orthodoxa, L II, c. xxx, P. G., t. xav, col. 976; Jn Epist. ad Romanos, v, 12,19, P. G., t. xcv, col. 477;Théophylacte. Exposi­ tio in Epist. ad Rom., P. G., t. cxxiv, coL 408. D'autresdoctcurs,à lasultcdcsaintCyrilled’Alcxandric, Insistent surtout sur la concupiscence. Comme saint Jean Chrysos tome, saint Cyrille a été amené à dire sa pensée sur le péché d’origine en expliquant le passage du c. v dc l’Epltre aux Romains. Après avoir affirmé que, par suite de la transgression d'Adam, le péché a envahi la nature humaine, et qu'ainsi tous les hommes ont été constitués pécheurs, il poursuit : • Sans doute, dira-t-on, Adam est tombé, ct son mé­ pris du commandement divin l’a fait condamner à la corruption ct à la mort. Mais comment les autres hommes ont-ils été constitués pécheurs à cause de lui? Que nous importent à nous scs péchés person­ nels? Comment donc avons-nous été condamnés avec lui, alors que Dieu dit : « Les pères ne mourront pas «pour leurs enfants ni les enfants pour leurs pères; f celui-là mourra qui péchera, > Deut., xxiv, 16? Que répondrons-nous à cela? Il est bien vrai que c’cst celui qui péchera qui mourra. Or, nous sommes devenus pécheurs, à cause dc la désobéissance d'Adam, dc la manière suivante: Adam avait été créé incorruptible ct immortel. Sa vie dans le paradis dc délices était sainte ; sans cesse son esprit était occupé à contempler Dieu; son corps, à l’abri dc toute atteinte du plaisir hon­ teux, jouissait d’un calme parfait ct ignorait le trouble des mouvements désordonnés. Mais, après qu’il fut tombé dans le péché ct qu’il eut glissé dans la corrup­ tion, les plaisirs impurs envahirent la chair ct la loi bestiale qui règne dans nos membres sc manifesta. La nature devint donc malade de la maladie du péché, à cause dc la désobéissance d'un seul, c'est-à-dire d’Adam. Et ainsi tous les hommes ont été constitués pécheurs, non qu’ils aient péché avec Adam, puisqu’ils n’existaient pas encore, mais parce qu’ils ont sa nature, soumise désormais à la loi du péché. » Jn Epist. ad Rom., P. G., t. lxxïv, col. 7S8-789. Ainsi, d’après saint Cyrille, nous sommes constitués pécheurs par la faute d’Adam, parce que nous tenons de lui une nature privée de scs anciens privilèges. Cc saint insiste visiblement sur la concupiscence, mais il serait faux dc dire que c'est elle uniquement qui constitue pour lui le péché. Voici un passage d'un dc scs écrits où la privation de la grâce est mise en première ligne : < Ayant échangé contre un plaisir coupable la grâce qu'elle tenait dc Dieu ct, par suite, ayant été dépouillée des biens qu’elle possédait à l’origine, la nature hu­ maine fut chassée du paradis dc délices; elle perdit aussitôt sa beauté ct fut désormais en proie à la cor­ ni pl ion. » De adoratione in spiritu et veritate, x, P. G., t. Lxvxn, col. 149. Un disciple dc saint Jean Damascènc, Théodore Aboucara ou Abou-Kourra, écrit : · Adam avait reçu dc Dieu une nature immaculée; il la souilla par le péché ct les passions, rfl άραφτια χαί τοις παίΟισι, ct c’est dans cet état qu’elle nous a été transmise. » Opuscula, P. G., t. xcvn, col. 1524. Ailleurs, il insiste beaucoup sur l’une des suites dc la faute originelle: 903 IMMACULEE CONCEPTION l'esclavage du démon. Jésus-Christ, dit-il, nous a déli­ vrés de cinq ennemis mortels, qui sont : la mort, le diable, la malédiction de la loi et la condamnation, le péché, l'enfer. Nous sommes devenus sujets du diable, en lui obéissant et en désobéissant à Dieu. A l'origine. Dieu avait créé l’homme fort et invincible. Ne pouvant arriver à le vaincre, le diable usa de ruse pour le dépouiller de la grâce, qui faisait sa force. Une fols co résultat obtenu, il n'eut pas de peine ù le pré­ cipiter dans toute sorte de plaisirs, de péchés et de désobéissances. Et Dieu permit justement que celui qui l’avait abandonné et avait passé à l’ennemi fût soumis à la tyrannie de celui-ci. » Ibid., col. 1464. Proclus avait dit avant lui : « Par l'intermédiaire d'Adam nous avons tous souscrit au péché; le diable nous retenait captifs. » Homil., i. de laudibus H. Marine, P. G., t. lxv, col. 686. Souillée, avant le baptême, par le fait qu’elle n’a plus les dons de la justice originelle, notre nature redevient Innocente aux yeux de Dieu par le sacrement de Ja régénération. Les théologiens orientaux sont parfaitement d'accord avec le concile de Trente : in renalis nihil odit Deus. Commentant le passage du ps. L : Ecce in iniquitatibus conceptus sum, Hésychius de Jérusalem écrit : « Ces paroles ne font pas seulement allusion â la souillure qui vient d’Adam. A cause de lui, en effet, nous sommes regardés comme souillés dès notre naissance, et, avant que nous ayons atteint l’âge de discerner le bien et le mal, nous avons besoin de purification, tenant de nos parents une tache. » Fragmenta in ps., ps. L, P. G., t. xon, col. 1201. Olympiodore, diacre d’Alexandrie au vn· siècle, déclare que le baptême « cfïacc réellement et complètement la sentence et le péché, άποτάαιω; xal αμαρτία;, de notre premier père Adam, qui nous ont atteints nousmêmes. C’est pourquoi les enfants baptisés, étant absolument purs de toute Iniquité et de tout péché, ayant reçu l’Esprit et revêtu le Christ, meurent sou­ vent au moment du baptême ou après, et sont imma­ culés et saints. » Citation faite par Anastase le Slnaite, In Hexaem., I. «VI, P. G., t. lxxxjx, col. 938. Théo­ dore Abou-Ko urra n’est pas moins explicite : « Le Christ nous baptise dans l’eau et dans l’Esprit, et la grâce du Saint-Esprit efface toute infirmité et tout péché, et nous rétablit dans l’ancienne vigueur et dans la beauté d’avant la chute, χαι ι!ς τό άρχαίον oOivo; xal κάλλο; τό προ της παραβάσιω; £ποκαΟίστησιν. » Opuscula, P. G., t. xcvn, col. 1469. Théodore, qui nous a dit tout â l'heure qu’Adam nous transmet une nature souillée par le péché et les passions, semble oublier Ici que la concupiscence persiste après le baptême. N’cst-cc pas nous enseigner indirectement que la concupiscence dans le baptisé ne souille plus la nature aux yeux de Dieu? Au xi· siècle, Siméon, le nouveau théologien, écrit dans le même sens : Qui­ libet baplizatus (alis jam qualis ille erat qui primus est conditus. Orationes, P. G., t. cxx, coi. 321. Ces quelques citations, qu’il serait facile de multi plier, suffisent, croyons-nous, à établir que les byzan­ tins croyaient au dogme de la faute héréditaire, qu’ils en parlaient plus souvent qu’on ne le dit communé­ ment, qu’ils voyaient dans cette tare originelle quel­ que chose de complexe, c'est-à-dire la privation, duc nu péché d'Adam, des divers dons de la justice origi­ nelle, et que cette privation, dans les non-baptisés, constitue une faute, une souillure que le baptême fait disparaître. En vertu même de cette doctrine, les textes qui, dans les écrits de ces docteurs, écartent positivement de la mère de Dieu la concupiscence, la corruption du tombeau, l’esclavage du démon, à plus forte raison la privation de la grâce divine, ou même n’importe quelle souillure, reviennent à dire que Marie a été exempte du péché originel. 904 Cette signification est d’autant plus certaine que jamais, pendant toute la période byzantine, il n’y a en, dans l’Eglise grecque, de controverse sur la question de savoir si Marie a été préservée de la faute originelle dès le premier Instant de l’union do son âme avec son corps. Au contraire, il est évident pour quiconque parcourt l'énorme littérature niariologique de cette époque, tant celle qui est publiée que celle qui sc cache encore dans les manuscrits, qu'à Byzance, la mère de Dieu, la Panaghia, est unanimement considérée comme la créature humaine idéale, l’homme par ex­ cellence, comme diront de nombreux théologiens, cl que, suivant le mot de Théodore Prodrome, au xn· siè­ cle : < 11 est absolument impossible de supposer ou d’imaginer en elle la moindre trace de souillure ou de péché, » έν η ούδέν δπωατιουν ρυπαοίας η αμαρτία; ι/νο; ύπονοήσαι ή φαντασΟηναι δλως ένδί/μται. Η. Μ. Steven­ son, Theodori Prodromi commentarios in carmina sacra melodorum Cosmæ hierosolymitani et Joannis Damasceni, Rome, 1888, p. 52. C'est bien là le canon niariologique byzantin, au moins à partirdu concile d'Éphèse. A quel­ ques rares exceptions près, il mesure exactement l’idée que se font de Marié et les prélats et les fidèles, cl les sa­ vants et les ignorants. Il importe de s'en souvenir, quand il s’agit d'apprécicr la portée réelle de certaines expressions, qui ne nous donnent, à nous, que l’impres­ sion de l'implicite, mais qui, en réalité, traduisaient une croyance explicite dans l’esprit de ceux qui les employaient. Après ces considérations préliminaires, qui nous ont pani indispensables pour la pleine intelligence des témoignages qui vont suivre, nous allons aborder l’examen de ces derniers, en suivant l’ordre chrono­ logique. Nous donnerons, à propos de chaque auteur, cc qu’il a dit de plus clair sur la matière. Cct examen de la doctrine des théologiens grecs sera divisé en deux sections. Dans Ja première, nous interrogerons ceux qui ont vécu du concile d'Éphèse à la consommation du schisme byzantin, sous Michel Cérulairc. Dans la seconde, nous poursuivrons l'histoire de la tradition · grecque jusqu'au xv· siècle inclusivement. Nous de vrons ensuite parler de la fête de la Conception dans l’Église grecque et de la valeur des témoignages cm pruntés aux livres liturgiques. Nous terminerons par un bref aperçu de l'histoire de la doctrine dans l’Église grecque et dans l'Église russe à partir du xvi· siècle jusqu'à nos jours. Nous avertissons le lecteur que, dans cette étude, nous n'utiliserons pas seulement les sources éditées, mais aussi plusieurs sources encore manuscrites. Ce sont même ces dernières qui nous fourniront les témoignages les plus explicites de la croyance des byzantins au privilège de l’Immaculée. II. L'immaculée conception dans l'Église GRECQUE DU CONCILE D'ÉPHÈSE A MlCIIEL CÉRULA1RE. — Il est incontestable que le concile d’Éphèse eut sur le développement de la théologie mariale en Orient une influence considérable. En proclamant solennel­ lement que la Vierge Marie était véritablement mère de Dieu, Οέοτδζο;, il attira l’attention des docteurs sur la dignité sublime exprimée par cc titre, et l’on vit bientôt éclore sur les lèvres des prédicateurs ces magnifiques éloges, ces gracieuses comparaisons, ces litanies Interminables d’épithètes laudatives, où sc complaît l’abondance byzantine. En même temps, lo culte marial progresse rapidement : les fêtes en l’hon­ neur de la Vierge-mère sc répandent de la Ville sainte dans tout le monde oriental. Celle qui semble avoir inauguré le cycle, la fête de l’Annonciation, est célé­ brée dès le v· siècle, à Jérusalem, à Constantinople et, sans doute, en d’autres endroits, bien que cc ne soit que vers le milieu du vî· siècle, qu'elle reçoive sa date fixe du 25 mars. S. Vallhé, Origines de la/été de Γ Annon­ ciation, dans les Échos d'Orlent, t. ix, p, 111 sp. Cf. 905 IMMACULÉE CONCEPTION 906 M Jugic, Abraham d'Éphèse et ses écrits, dans la levée la sentence portée contre la femme : Respice Byzantinische Zeibchrl/t, t. xxu, p. 41-45. On ren­ harum tristium lentendarum a Christo praelitam reso­ contre encore chez quelques Pères contemporains de lutionem; et c’est l'ange qui annonce ù Marie son pri­ la controverse nestorienne des affirmations sur la vilège, en lui disant : Ave, gratia plena. Tout cela n'est sainte Vierge qui étonnent notre piété. La doctrine sans doute pas aussi clair que nous le désirerions ; mais mariale contenue dans les écrits authentiques de saint cela est fort suggestif. Si l’on ne peut affirmer avec Cyrille d'Alexandrie no dépasse pas celle des Pères certitude que, pour Nestorius, exempter Marie des grecs du xv· siècle. Saint Cyrille prête encore à Marie peines du péché originel équivalait à l’exempter du des doutes et des ignorances sur la résurrection de péché originel lui-même, je ne crois pas qu'on puisse Jésus, lorsqu’elle le volt crucifié sur le Calvaire. In Joa., avancer non plus que sûrement cette équivalence xxx, 26-27, P. G., t. ï.xxiv, col. 661-665; Ilomilia in n’existait pas dans son esprit. occursum Domini, P. G,, t. lxxvu, col 1049 ; In Lucam, Nous trouvons quelque chose de plus explicite dans P. G., t. lxxii,co1. 505. Voir col. 886 sq. Mais cc sont là les écrits d’un des principaux membres du concile des exceptions. Bientôt les docteurs sont unanimes à d’Éphèse, Théodote, évêque d'Ancyrc, en Galatie, qui, exalter la parfaite sainteté de la mère de Dieu et à malgré son ancienne amitié pour Nestorius, embrassa éloigner d’elle toute souillure de l’ftmc et du corps. résolument la cause de l'orthodoxie. On a de lui six En agissant ainsi, du reste, ils n'innovent pas; homélies, traitant toutes du mystère de 1 incarnation. ils ne font que se conformer nu sentiment qui a été La plus remarquable au point de vue de la doctrine général dans l’Église dès l’origine et que les opinions mariologlque est celle qui vient la dernière dans la Patrologie grecque de Mignc, t. lxxvu, col. 1418-1432. particulières de quelques exégètes ne doivent pas obscurcir pour nous. Elle fut éditée pour la première fols par Combe ils dans 1° Pères du F· siècle. — Chose curieuse, l’adversaire le t. x de sa Bibliotheca concionatoria, p. 45, en traduc­ tion latine seulement. C'est cette édition que reproduit du théotocos, Nestorius, semble soustraire Marie au péché originel. 11 affirme d'abord que c'est par elle que la P. G. de Mignc. Nous avons pu consulter le texte la bénédiction et la Justification sont arrivées au genre grec, qui sc trouve dans un manuscrit du x· siècle, humain, comme c'était par Èvc que la malédiction le cod. 1171 du fonds grec de la Bibliothèque national* était venue : Diabolus peccatum ex Adam tanquam de Paris, fol. 96 vM 17. L'oratcurcommcnccpar rappeler chirographum pro/crebat, cl c diverso Christus ex carne le récit de la création de l'homme, décrit son état au sine peccato debiti hujus evacuatione nitebatur. Ille paradis terrestre ct fait un tableau éloquent des tristes condemnationem, quœ per Evam adversus totam naturam suites du péché de nos premiers parents. Cc tableau processerat, relegebat; Christus vero justificationem,quæ est complet : perle de la justice originelle : πώς b per beatam Mariam generi obvenerat, rrjercbat. Loofs, άμαρτίφ ό iv δ·.χα·.οσύνη; perte de l’immortalité : πώς Nestoriana, Halle, 1905, p. 349. Cette opposition entre έν Οανάτω ό έν αθανασία; perte de l’impassibilité : πώς Èvc et Marie, cette naissance du Christ d'une chair b φθορά ό Ιν αφθαρσία; πώς iv αδυναμία δ h θυμηδία; sans péché, méritent déjà d'attirer l’attention. Nesto­ perte de la rectitude morale ct sujétion à la con­ rius continue le parallèle entre les deux mères de cupiscence : πώς έν κακία ό έν ακακία; πώς έν άτιμία ό έν τιμϊ[; πώς έν πολεμοις ό b είρην?κοίς; πώς έν πονηροί; l'humanité. La première enfante dans la douleur. Ces douleurs de l'enfantement sont pour les femmes, filles λογισμοί; ό έν αγαθοί ς λογισμοί;; ignorance : πώς το d’Ève, une peine du péché d'origine : Multiplices οίκητήριον του φωτός σπηλαιον γ/γονεν σκοτασμού; servi­ gemitus in parturitione feminarum pana peccati est; el tude du démon, sur laquelle Théodote insiste parti­ parere quidem non esi maledictum; non enim benedictio culièrement : πώς b ταραννίδι ό b δυναστεία; ιΓχιτο της in maledictum daretur; in tristitia autem parere, hoc χαθ’ ημών τυραννίδας ό διάβολος, χατεδουλου πάσαν ^υχτ{ν. ex maledicto illo trahitur post peccatum... In mceroribus Ces maux n’ont pas seulement atteint Adam; ils sont paries filios; huic sententia: socium est quod nascitur et le lot commun de tous scs descendants; son histoire quod parit, unum eorum in mceroribus pari ens, alterum est la nôtre : κοινόν τό πάθος xal κοινόν το πένθος. Théovero-in mceroribus nascens. Loofs, op. cit., p. 324-325. dotc a une notion très nettode la déchéance de notre Λ la seconde Dieu a préparé un enfantement sans nature à cause du péché d’Adam. Cela ressort non douleur. Mario est la nouvelle mère, mais une mère seulement de ce qu’il dit dans cette homélie sixième, vierge, que Dieu a donnée à la nature humaine. La mais aussi d’autres passages. Cf. Homil., i, 11, P. G., condamnation prononcée contre Èvc n été détruite loc. cil., col. 1368; Homil., il. 10, col. 1331. C'est après avoir décrit ainsi l'état lamentable de par le salut de l'ange à Marie. Λ Èvc les douleurs et les gémissements, fndts du péché; à Marie la joie, fruit l’homme déchu que notre orateur en vient ù parler du de la grâce dont elle est remplie. Èvc enfante des rédempteur ct de sa mère, du nouvel Adam ct de la pécheurs dans la tristesse; le fndt du sein de Marie est nouvelle Èvc : ■ Lorsqu’est arrivée la plénitude des béni : Miserator Dominus non despexit illos /cetus temps, quand a sonné l’heure des miséricordes divines, condemnatos, sed /emina· in uterum adveniens, vertit in alors Celui qui est puissant a manifesté les moyens de illa matre consuetudinem portendi et mutavit in illa salut. A la place du dragon infernal, auteur du mal, partuum leges (parturitiones enim sanctae Virgini qui avait plongé le monde dans la tristesse, voici venir immunes a mceroribus praeparaverat) et naturœ humanae l’archange porteur d'un message de joie. Au lieu do matrem donavit innuptam, non spernens /ructus nup­ celui qui, par une rapine sacrilège, prétendait devenir tiarum neque despiciens. Respice omnium harum tris­ l’égal de Dieu, voici que Celui qui est Dieu par nature tium sententiarum a Christo praestitam resolutionem : ct le Seigneur de tout vient régénérer lui-même la (το) < multiplicans multiplicabo tristitias tuas ct gemitus nature qu’il avait créée. A la place de la vierge Èvc, tuos » per hoc solvit, ubi dictum est : Ave, gratta Dei médiatrice de mort, une Vierge a été remplie de grâce plena; (το) « in tristitia paries filios, > solvit per id quod pour nous donner la vie, θεο/αρίτωτο παρθένος ci; scriptum est : « Benedictus fructus ver fris tut. » Ibid., λειτουργίαν ζωής, ms. cité, fol. 103; une Vierge a été p. 326. Cf. M. Jugic, Nestorius, p. 285-286. Ainsi Nesto­ façonnée possédant la nature de la femme, mais sans rius exempte explicitement Marie de la peine du péché la malice féminine, προσεχειρίζετο παρθένος Ιντό; γυναι­ originel spéciale aux femmes; d’après lui. Dieu avait κείας φύσε ως και έκτος γυναικείας σχαιότητος; Vierge Inno­ préparé à la sainte Vierge un enfantement sans dou­ cente, sans tache, tout Immaculée, πανάμωμος, intègre, leur, ct c’est elle qu'il n donnée comme mère nouvelle sans souillure, sainte d’âme ct de corps, ayant poussé à l’humanité. C’est du reste à Jésus que Marie doit comme un lis au milieu des épines, ώς κρίνον iv μέσω d'échapper à la loi commune; car c’est par lui qu’est I άκανθων βλαστησασα; qui n’a pas été instruite des 907 1MMACULÉE CONCEPTION 908 vices d’Èvc, ου μαθητ<υθ«ΐσχ τοί; τη; Ευας χχχοις. » κατέστη Ζ\ διαυγώ; h χχλώ τή; φυσιως. ώ; <·ναι λοιπόν Jbid.9 fol. 101 recto. Ces vices l'Èvc, l’orateur αδιάβατου καί αοικτον και απρόσβλητον τοίς σαρκικοί* les énumère; il s’agit surtout de u vanité et de la παρανοΟιυμασι. Et de même quo celui qui se place coquetterie. Puis, il continue l’éloge de Marie: ·Consa­ sous une cascade est mouillé de la tête aux crée à Dieu avant sa naissance, ct une fois née, offerte pieds, de même la Vierge mère de Diou fut, à Dieu cn signe de reconnaissance pour être élevée c'est notre conviction, ointe entièrement de la sain­ dans le sanctuaire du temple, revêtue de la grâce teté du Saint-Esprit, qui descendit sur elle; puis elle divine comme d’un vêtement, πιριβιβληαΐνη On'xv reçut le Verbe de Dieu vivant dans la chambre toute /xpiv ώ; Ο/ριστρον, l’âme remplie d'une divine parfumée de son sein virginal. » IIomiL, iv, in sagesse, épouse de Dieu par le cœur..., clic a reçu Dieu Si Deiparam d Simeonem, 6, P. G., t. lxxvii, col. 1397. dans son sein; clic est véritablement théotocoi, ct pour Si la seconde comparaison employée par Théodotc ainsi parler, elle est toute belle, comme un objet de s'entend facilement d'une augmentation de sainteté complaisance, ct toute agréable comme un sachet reçue par la Vierge au moment de l'incarnation du d’aromates, τή γχστρί Orooo/o;, τώ ίργω Οχοτοχο;, χχ·, Verbe, la première, iî faut le reconnaître, suggère, au ώ; Ιπο; ίΐ"<ΐν, ολη χαλη, ώ; (υδοχία, χαί δλη ήδιιχ, ώς premier abord, quelque chose de difficilement conci­ χρωαχτων. C’est cette Vierge digne de Celui liable avec la sainteté originelle de Marie. Que peuvent qui l’a créée, que la divine providence nous a donnée, bien êtreeds choses matériel!es et étrangères à la nature pour nous communiquer le salut, τχύτην ήαίν την άξίχν considérée dans sa pureté idéale, dont fut ρμ ri fiée la του χτίσαντο; ή (lux δίδώρητχι πρόνοια. > mère de Dieu? Ne sont-cc pas comme des restes du L'éloge continue, toujours magnifique, toujours péché originel? Ou bien l’orateur aura-t-il été entraîné à la hauteur de celle qui cn est l’objet. L'archange par sa comparaison du fer chargé de scories au delà Gabriel admire sa vertu ct sa sainteté et la déclare de sa véritable pensée? Go qui est sûr, c’est que cc toute vénérable, toute bonne, toute glorieuse, toute passage ne cadre pas, pris à la lettre, avec la doctrine noyée dans la lumière. C’est par clic que la tristesse de la vie homélie. Il ne reste que deux hypothèses: d’Eve a cessé, par elle que la sentence de condamna­ ou la pensée de Théodotc sur la sainteté de Marie a tion a été effacée, έςήλειπται δ:χ σου τχ τής καταδίχη;; passé par une certaine évolution, ou l'auteur de la à cause d'elle qu’Ève a été rachetée, λιλύτρωται sixième homélie n'est pas le même que l’auteur de la E7x o:x σέ : « Car c’est un Fils saint qui est né quatrième. Ce n'est pas le lieu de chercher à éclaircir de la sainte, le saint par excellence ct le Seigneur ici le problème littéraire. de tous les saints, le Saint auteur de toute sainteté. Un contemporain de Théodotc d’Ancyrc, saint ProL’Excellente a donné le jour à Γ Excellent,, l'ineffable clus, patriarche de Constantinople (f 446), a laissé ù ΓIneffable, la Très-Haute au Fils, du Très-Haut. » trois homélies mariales, dont deux sont unanimement De l’ensemble de ces expressions i l ressort, ù notre avis, reconnues comme authentiques, Dans la première, que Théodotc d’Ancyrc croyait d'une fol explicite que P. G., t. lxv, col. 679-692, il affirme clairement l’exis­ Marie a été préservée de la faute originelle, ct qu’elle tence du péché originel : « Par l'intermédiaire d’Adam, a toujours été cn grâce avec Dieu. Le passage principal dit-il, nous avons tous souscrit au péché ct le diable où sa pensée sc manifeste d'une manière suffisamment nous retenait captifs.. La nature humaine tout en­ claire est celui-ci : < A la place de la Vierge Ève» mé­ tière était asservie au péché. »Loc. cil., col. G86, GS8. diatrice de mort, une Vierge a été remplie de grâce, D'un passage de sa lettre aux Arméniens il ressort Οεοχαρίτωτο, pour nous donner la vie; une Vierge a que pour lui la générât! n humaine est le véhicule de été façonnée possédant la nature féminine, mais sans la tare originelle, ct i) dit que la corruption, φθορά, la déviation ct la déformation de ccttc nature, έκτο; qu’il paraît entendre dans un sens particulièrement γυναικεία; σχαιότητος. > Ces paroles indiquent une matériel, est le prélude de tout enfantement naturel. intervention spéciale de Dieu pour préparer â son Epist., n, ad Armenios, ibid., col. 8G8, 869. Marie aFils une mère digne de lui. Cc qui précède ct surtout t-elle été soustraite à cette tare originelle? Proclus cc qui suit, montre suffisamment que, si Marie a été parait l’enseigner dans les deux homélies sûrement remplie de grâce, cela a été fait dès le premier instant authentiques. Il est préoccupé, comme tous les doc de son existence, et que la déformation de la nature à tours antlnestorlens de l'époque, de montrer qu’il laquelle clic a échappé doit s'entendre de la faute n'a pas été indigne de Dieu de sc faire homme dans originelle, qui a faussé l’œuvre primitive du créateur. le sein d’une Vierge, ct pour établir sa thèse, il déclare Nous ne pouvons taire cependant qu’un passage de que Dieu lui-même a façonné sa future mère, mais la quatrième homélie attribuée Λ Théodotc paraît sur le modèle primitif : a Dieu, dit-il, n’a pas été exprimer une doctrine différente de celle que nous souillé cn prenant chair dans celle a laquelle il a donné venons de trouver dans la vi· homélie. Cc passage est la première forme sans contracter de tache, > άλλ’ ήν ainsi conçu : < Les adversaires de la maternité divine άναπλάττων ούζ έαολύνΟη, έν χυτή σαρκωθιΐς καί ε; χυτή; n'ont pas voulu comprendre renseignement des nôtres γιννηΟιίς οΰκ έμιάνθη. Homil., v, de laudibus S. Maria, touchant la transformation de sainteté qu'éprouva P. G., t. cit., col. 717. Le mot important dans la Vierge, την cf; αγιασμών αλλώωσιν τής ζχρΟινου. ce texte est le verbe άναπλάττων, qui signifie d'une Mais des comparaisons empruntées à des choses manière générale : modeler, façonner de nouveau, tangibles peuvent nous donner une idée du mystère. restaurer, et qui est un des tonnes classiques Si un morceau de fer tout noir ct chargé de scories sc de la théologie grecque pour exprimer la restau dépouille, dès qu’on le jette dans le feu, des corps ration de l’homme dans le Christ, le rétablisse­ étrangers, ct prend, cn un instant, la pureté de sa ment de l’état primitif. Proclus veut dire que Dieu nature; s'il acquiert la ressemblance de la flamme qui est intervenu d’une manière spéciale pour créer Marie, ct qu’il a fait d’elle une creature nouvelle, le purifie, devient Inaccessible au toucher et consume toute matière qu’on cn approche, quoi d'étonnant si semblable à Adam avant sa chute. Que cc soit bien la Vierge tout immaculée fut portée à une pureté par­ là le sens que notre orateur attribue à άναπλάττων, faite par le contact du feu divin ct immatériel; si clic c'est cc qui ressort de cc qu'il dit dans d'autres pas­ fut purifiée de tout cc qui était matériel et étranger à la sages. Après avoir parlé de la chair immaculée de la nature, et constituée dans tout l’éclat de beauté de Vierge, ή τής παρθένου άμολυυτος σάρ;. il ajoute : la nature, de manière ù être désormais inaccessible ct « Le Verbe n’a pas été souillé cn habitant le sein que fermée ct soustraite à tout abâtardissement charnel, lui-même n créé sans déshonneur... L’argile ne souille xxi χπίσμη/η jxiv των Ολικών απάντων xx: τώνπχρχ *υσιν, pas le potier lorsque celul-cl renouvelle le vase qu’il a 909 I MMACULÉE CONCEPTION 010 façonné,· ΙμολύνΟη ο-κήσας μήτραν, ήνπιρ αύτός Hésychlus, prêtre de Jcrusa.cm (t vers 450), dont ανυρρίστω; «δημιούργησαν.... Ού μιαίνιι πηλό; τον nous avons cité plus haut, col. 903, un passage affirmant αιρχμια άνακαινίζοντα όπ<ρ ϊπλασι σζιΰος. Homil, ί, de si clairement l’existence delà tache originelle, ρύπος, laudibus S. Marla·, ibid., col 681, 684 Qu'on re­ que chacun reçoit par la génération, parle de Marie cn marque de nouveau lei remploi du verbe ανακαινίζω, trois Puis il décisive, et Jusqu'à preuve positive du contraire, nous continue : « Lève-toi, Seigneur, toi ct l'arche de ta acceptons l'authenticité de cette pièce, d'autant plus sainteté; l'arche de ta sainteté, c'est-à-dire la Vierge, que la doctrine mariale qui y est contenue est en la théotocos. Si tu es une perle, elle en est l'écrin. Si tu accord parfait avec celle que nous avons trouvée dans es le soleil, on l'appellera ton ciel. Tu es une fleur qui les deux autres homélies. En particulier, l’intervention ne se fane pas; la Vierge est donc une plante d'incor­ spéciale de Dieu pour former sa future mère y est ruptibilité, un paradis d’immortalité, έχίίδή συ άνθος bien mise cn lumière. Qu'on en juge par les passages τυγχάνεις αμάραντο*, αρα ή παρθένος αφθαρσίας φυτό/, suivants : « Joseph ne sc souvenait pas que celle qui αθανασίας παρχδιισος. C’est d'elle qu’Isafe a prononcé avait été formée d'un limon pur, ή ix τού καθαρού cet oracle : Voici, la Vierge concevra,etc. Voici la Vierge: πιπλασμ/νη πηλού, devait devenir le templo de Dieu: laquelle ? La plus excellente des femmes, la perle il ignorait que le second Adam devait de nouveau être des vierges, l’ornement éclatant de notre nature, τό façonné du paradis virginal, ixτού παρθίνικού παραδιίσσυ, ! σεμνόν τής ήμττίρας τύσιως ίγχαλλώπιτχχ, l’orgueil de par les mains immaculées du Seigneur... Eh quoi I se notre limon, τό τοΰ ημχτίρου πηλού καύχημα. C’est elle disent les démons entre eux, avons-nous affaire de qui a délivré Ève de sa honte, Adam de la menace nouveau à une seconde Ève? Faut-il nous préparer qui pesait sur lui; elle quia réprimé l’insolence du au combat contre une femme exempte de la corrup­ dragon. La fumée de la concupiscence ne l’a point atteinte ct le ver de la volupté ne l’a point entamée, tion? πρός άφθορον γυναίκα ή παράτχςις. Allonsnous être obligés d'adorer le second Adam?... La ή την παρρησίαν άποτιμουσχ τού δράχσντυς, ης καπνός femme de l'Adam terrestre a été facilement la victime Ιπιθυμίας ούν ή}ατο, ούό! Λωλή; χύτην ήδυπαθπας de scs yeux, mais celle-ci, l'Adam céleste l’a prise sous ϊβλαφιν... Elle a gardé Incorruptible le temple [du sa protection ct l'entoure comme d’un rempart redou­ VerbeJ et son tabernacle exempt de toute souillure, table. Marie est le sanctuaire sacré de l’impeccablllté, τον ναόν άφθαρτο* xx: την σκηνήν ρύπου παντός έλ<υθ&ραν /e temple sanctifié de Dieu..., l'arche dorée à l’intérieur έτήρησας. » Homil., v, de sancta Maria Deipara, P. G., t. xun, coi. 1464-1465. Incorruptibilité, Im­ et à l’extérieur, sanctifiée dans le corps ct dans l’esprit, la génisse blonde dont la cendre, c'est-à-dire le corps mortalité, immunité de la concupiscence, impeccability du Seigneur pris d'elle, purifie ceux qui sont rendus triomphe sur le démon, rôle de corédemptrice : tels sont les glorieux privilèges qu’Hésychius réunit Ici en impurs par la souillure du péché..., le champ de la quelques mots sur la tête de la Vierge-mère ct qui bénédiction paternelle, αυτή της πατρικής ιολογίας δ αγρός, dans lequel a été déposé le trésor de l’écono­ sont nu privilège de l’immaculée conception ce que les effets sont à la cause, ce que les parties sont au mie divine..., l’épouse toute belle des Cantiques, qui a déposé la vieille tunique, αύτη ή χαλη τ<3ν 'Ασμάτων tout On remarquera surtout la gracieuse comparaison νύμφη, ή τον παλαιόν χιτώνα άποδυσχμινη... Elle tirée de la fieur. Jésus est la rose qui ne se fane pas, est le paradis verdoyant et incorruptible dans lequel la rose immortelle. Le rosier sur lequel s’épanouit cette l’arbre de vie a été planté pour donner à tous le fruit rose participe ù ses qualités. Lui aussi est à l’abri de de l'immortalité. Elle est le globe céleste de la nou­ la corruption ct de la mort, ct, donc, ne porte point velle création qui porte le soleil de justice, αύτη dans sa racine le virus originel. Dans un passage de son discours sur l’Hypapante, ή (ύθαλής καί άφθαρτος πα^άδπσος, Ιν η τό τής ζωής Hésychlus parait séparer Marie du reste de l’humanité. ξύλον φυτίυθ'ίν πχσιν άχωλυτως γορηγιί τής αθανασίας 11 déclare qu’elle n’était pas soumise à la loi de la puriτόν χα&πόν. Αύτη τής καινής χτίσιω; ή ουράνιος σφαίρα, ίν η ο ααφατης τής δικαιοσύνης ήλιος. » De laudibus S. Ma· I (Ration mosaïque, parce que mère vierge, et il en conclut que l'offrande qui fut faite au temple « ne rnr,homlL vi, P. G , ibid., col. 733, 752, 753, 756, 757. fut pas faite pour elle, mais pour tout le genre humain,» L’idée maîtresse qui sc dégage de tous ces textes est ώστα ού/ ύπίρ αυτής ή προσφορά. ίτπ<ρ 6λου τού que Marie a été soustraite ù cette corruption, φθορά, qui accompagne d’après Proclus, toute naissance hu­ γένους έγίνττο : « car c’est à cause do nous que le maine ct qui est une conséquence du pêché d'Adam. Christ est circoncis, pour nous qu’il est baptisé, sur nous que s’accomplissent les purifications de la loi...; Par une intervention spéciale de Dieu, Marie a reçu lorsqu’il est couvert de crachats, c’est Adam qu'il une nature Immaculée, sanctifiée, ne tombant pas sons la malédiction originelle ct faisant d’elle une delivre du crachat de la malédiction. » Homil.,\i, ibid., créature régénérée, renouvelée, façonnée selon le col. 1469. Par contre, notre orateur, quand H parle du modèle primitif. Les expressions : · formée d'un limon glaive qui transperça l'âme de la Vierge, a une exégèse pur s, « femme incorruptible », « sanctuaire sacré de voisine de celle des Pères du iv· siècle. Le glaive s'en­ l’impcccabillté », t temple sanctifié de Dieu », « sancti­ tend des pensées contradictoires qui agitent l’ârne et fiée dans le corps et dans l’esprit », « champ de la bé­ la tiennent dans l’incertitude. Non seulement les dis­ nédiction paternelle », « épouse toute belle dépouillée ciples de Jésus, mais sa mère elle-même connurent ce* de la vieille tunique », « paradis exempt de corruption », agitations intérieures au moment de la Passion, « car • globe céleste de la nouvelle création », ne signifient bien que Marie fût vierge, elle était femme; bien que pas autre chose. D'après nom, Proclus a enseigné mère de Dieu, elle était de notre masse. » Hésychlus, explicitement la doctrine de l'immaculée conception. cependant, ne dit pas qui Marie a douté au point de 911 IMMACULÉE CONCEPTION commettre une faute. Scs paroles peuvent s’entendre d’une sorte d’angoisse intérieure ct dc tentation, πάντες έσινιάνΟησαν και έσαλεύΟησαν. Ibid., col. 1-176. Chrysippe, prêtre dc Jérusalem (t 479), dans un sermon sur l’Annonciation, commente, comme Hésychius, les paroles du ps. cxxxi : Surge Domine, in re­ quiem tuam, tu ct area sanctificationis hue. Comme lui, il voit dans ccttc arche la Vierge Marie, mais cc qu'il en dit, loin dc favoriser la doctrine dc la concep­ tion immaculée, parait, à première vue, en être la négation explicite. Voici le discours qu’il met sur les lèvres du psalmistc : « Levez-vous, Seigneur; venez au lieu de votre repos. Le lieu dc votre repos, c’est la Vierge, c’est son sein, qui deviendra votre lit ct votre demeure. Levez-vous, Seigneur, dit le prophète, car si nous ne vous levez pas du sein dc votre Père, notre race, qui est tombée autrefois, ne sc relèvera pas, πεπτωχός πάλαι τό γένος ημών ούχ αναστήσεται. Levez-vous, vous ct l’arche dc votre sainteté. Car c’est lorsque vous vous lèverez du sein paternel et que vous scellerez l’arche de votre sainteté, que l’arche, elle aussi, sc relèvera avec tous les autres dc la chute dans laquelle l’a établie, même elle, la parenté d’Ève, δταν γαρ συ εζείΟιν i Çav αστός, τήν τού σου αγιάσματος κιβωτόν σφράγισης, τότ: καί ή ζ/βωτός μετά πάντων έςχναστήσεται εκ τού πτώματος, έν ω κατέστησε καί αυτήν ή τής Ενας συγγένεια. » Bibliotheca vete­ rum Patrum, édit, dc Fronton le Duc. Paris, 1624. t. n, p. 426. Chrysippo semble bien sou­ mettre Ici la sainte Vierge à la loi commune dc la chute originelle. Cc qui est encore plus étonnant, c’est qu’il parait retarder jusqu’au jour dc l’annonciation, jusqu'au moment où le Verbe viendra sceller l'arche par sa présence, la justification de Marie. Mais avant dc porter un jugement définitif, écoutons d’autres passages dc la même homélie. C’est encore David qui parle ct s’adresse en ces termes ù Marie, sa fille : · Écoute, ma fille, regarde ct prêle l’oreille; oublie ton peuple ct la maison dc ton père, Ps. xuv, 11 ; car un peuple méchant te déshonore par la proche parenté que tu as avec lui, πονηρός γάρ σε λαός ένυβρίζει τή αγχιστεία τή παρ' αυτού, un peuple dépourvu dc sens est apparenté ft toi, qui es un rejeton irrépréhensible par nature; ct c’est un champ couvert d’épines qui produit ta rose, λαός αγνώμων πσοσοικεωύταί σοι τω αμώμω βλαστημάτε φύσει, και τό σον φύει £όδον όζανΟοφόρον γιώργιον. · Op. cit., ρ. 427. Décidément, Chrysippe est déconcertant. Tout ft l'heure, il nous a paru soumettre Marie au péché originel. Ici, il parait bien l’en exempter, puisqu'il l’appelle · un rejeton Irrépréhensible par nature », « une rose poussée dans un champ d'épines ». Un certain déshonneur rejaillit cependant pour elle du fait qu’elle est fille d'Adam pécheur. Cela fait penser ft cc que les théologiens appellent le debitum remotum; en vertu dc sa naissance par la voie naturelle, Marie devait contracter la faute originelle. Si elle l’a évitée, c'est par un privilège spécial dc Dieu. Cc serait donc dans cc sens qu’il faudrait interpréter le premier passage. D’autres expressions dc la même homélie nous inclinent à croire que ccttc interprétation a chance d'être la vraie. L’orateur appelle, en effet, Marie la tige dc Jessé toujours verdoyante, ή αειθαλής fâiïoç Ίεσσα·, le jardin du Père, la prairie de toute la bonne odeur dc l'Esprit, ό κήπος ό του I Ιατρός, ό λειμών όλης τή; ευωδίας του Πνεύματος, l’arche dont Dieu a été l'ar­ chitecte ct l'habitant, le pilote ct le passager, le compagnon ct le conducteur, κιβωτός ης αρχιτέκτων χαί Ivo χος, κυβερνήτης χαί έμπορος, συνοδοιπόρος και ήγεμών ύ τής κτίσεως όλης δημιουργός. Surtout, il met en relief la victoire de Marie sur le démon, ion rôle de nouvelle Èvé : · Comment sc fnit- 912 «I, sc dit le diable, que la femme qui, Λ l’origine, avait été mon auxiliaire, soit maintenant devenue mon adversaire? Une femme me prêta son concours pour soumettre le genre humain à ma tyrannie, ct c’est une femme qui m’a fait perdre mon empire. L’Ève antique causa mon élévation; l’Èvc nouvelle m’a précipité dans la ruine, ή Εύ'αή πάλαια με ανύψωσε χαί ή νέα κατέβαλεν. ■ Op. cit., ρ. 428. Marie, ajoute Chrysippe, est la plus belle d’entre les femmes comme Jésus est le plus beau des hommes, μετχ τής αφαίας έν γυναιξίν ο ώραιος κάλλει παρά τούς υιούς τών ανθρώπων. Deux autres orateurs dc la seconde moitié du v· siè­ cle, Basile dc Séleuclc ct Antipater de Bostra, sc font de la sainteté dc la Vierge-mère une idée très élevée. Basile appelle Marie la Vierge toute sainte, παναγία παρθένος, Homilia in Annuntiationem, 6, P. G., t. lxxxv, col. 452; il l'exalte au-dessus des anges et des saints. Ibid., col. 429, 448. C'est dans son sein Immaculé que le décret dc condamnai ion porté ft cause du péché a été déchiré, έν η τό τής αμαρτίας δ’.ερράγη χειρόγραφον (allusion au péché originel), col. 437. Elle est la médiatrice du salut, un temple digne de Dieu, ναός υπάρχεις όντως αξιόΟεος, col. 444. Elle est la Vierge enfantant sans malédiction, que Dieu oppose ft Èvc, αντί τής Ευας, παρθένον χωρίς κατάρας ώδίνουσαν. Orat., in, in Adanium, loc. cit. col. 62. Pour Antipater de Bostra, Marie est la sainte pnr excellence, ή αγία. In Annuntiationem Deipara, P. G., ibid., col. 1777, 1784. Marie était sainte au moment où l’ange vint la saluer. La descente du Saint-Esprit lui procura une augmentation dc sainteté : αγία μεν υπάρχεις oct δε σε γενέσθαι άγιωτέραν. · Lors­ qu'un menuisier prend un morceau dc bols ou lors­ qu'un forgeron prend du fer, il le travaille ct le purifie encore, pour le rendre plus apte au but artistique qu'il se propose; de même toi, tu es vierge, sans doute; mais il faut que tu deviennes plus sainte pour conce­ voir le Saint. » Ibid., col. 1781. Comme Basile dc Séleuclc, Antipater met aussi en relief la coopération de Marie ft l'œuvre du salut. Elle répare la faute d’Ève, παρθένος παρθένου ανακαλούμενη τό σφάλμα, col. 781. Dans son homélie sur saint Jean-Baptiste, il ré­ pète la même idée, ft plusieurs reprises. Marie est bénie, parce qu'elle apporte la délivrance dc la malé­ diction, ευλογημένη ή τής κατάρας την λύσιν βαστάζουσα* Ibid., col. 1776. Mais elle est bénie aussi, parce que son sein a été un temple saint, ης ιερόν όσιον ύπήρξεν ή γαστήρ. Ibid. Elle a trouvé la grâce que perdit la première femme, χάριν εύρες, ήν άπώλεσεν ή πρωτό­ πλαστος, eel. 1773. Contre l’immaculée conception on pourrait objecter les deux passages suivants : » Qui dira que la condam­ née est venue, portant le juge dans son sein? Τις λεςει δτιπερ ή κατάκοιτος έλήλυΟεν Ινδόν ϊχουσα τόν κριτήν. Ibid., col. 1765. Salut, ô toi qui as été la pre­ miere et la seule à engendrer un enfant exempt dc la malédiction, χαίρε, ή πρώτη και μόνη τίκτουσα βρέφος κατάρας έλίύΟερον, col. 1772. Mais il ressort, d'après le contexte, que la condamnée, ή κατάχριτος, dont II s'agit dans la première affirmation, est la femme en général ou, si l’on veut, la fille d’Ève la condamnée. Quant à la seconde proposition, elle n'exclut pas, par elle-même, le privilège de Marie; elle vise avant tout le fait dc la conception virginale, qui ferme radi­ calement la vole nu péché originel. Marie, elle, par le fait dc sa naissance, reste toujours soumise au debitum remotum. Du reste, les propositions générales ne prou­ vent rien contre l'exception dont la mère de Dieu n été l'objet. On les trouve sous la plume d’écrivains qui ont explicitement enseigné le privilège marial. Somme toute, si Basile de Séleuclc et Antipater dc Bostra ne parlent pas plus clairement dc la sainteté 913 IMMACULÉE CONCEPTIO N originelle de la mère de Dieu, cc n'est point parce qu’ils étalent opposés ù celte doctrine; cc n'est point parce qu’ils ignoraient l'existence du péché originel, dont ils font si souvent mention; c'est parce que, pour eux, l’absolue sainteté dc Marie allait dc soi; qu'elle s’imposait à leur esprit Λ l'égal d’un axiome. Il aurait fallu une controverse pour les amener à énoncer plus explicitement cc qu'ils supposaient comme une vérité incontestable. Ils ne sont pas les seuls à donner ccttc Impression; c'est celle qui se dégage dc toute la litté­ rature mariologiquc des byzantins. 2® Pères des VI· et Vil· siècles. — Le célèbre mélode saint Romanos, qui vivait sous le régne de Justinien, a laissé sur la naissance dc Jésus-Christ un beau can­ tique, dans lequel nous relevons l’expression suivante; « Le Christ a levé la malédiction par l’intermédiaire dc la Vierge ct n rétabli Adam dans son premier état, τον Άδάρ. άνακαλέσας, ήρν àpiv δα παρθένου. Ρ1tra, Analecta sacra, Paris, 1876, t. i, p. 226. Dans un autre cantique sur la naissance dc Marie, que conserve encore la liturgie grecque, la Vierge est dé­ clarée un temple saint dès sa naissance, υπασ·/:·;, τΐ’/Οίΐσα, ναός άγιος. · Ibid., ρ. 199. Les tribus d'Israël apprennent qu’Anne a enfanté l’immaculée, ότι îtczcv ’ Αννα την άχραντσν. Ibid. · Dans ta sainte naissance, ô immaculée, Joachim ct Anne ont été délivrés dc l'opprobre dc la stérilité, ct Adam ct Êvc dc la corruption de la mort, x&t ’ \ciu xat Ela ix τή; φθοράς του θανάτου ήλ<υθ(ρώθησαν, άχραντι, έν τή αγία γέννησα σου. a Ibid., ρ. 198. Pour saisir toute la portée dc ccs dernières paroles, il faut se rappeler qu’à l'époque dc Romanos, on ne distinguait pas encore entre la fête dc la Conception ct la fête dc la Nativité proprement dite. Celle-ci célébrait la venue au monde dc la Vierge, aussi bien sa conception d’une mère stérile que son enfantement et le terme de γεννησις désigne ccs deux moments. La venue nu monde dc la Vierge est sainte. Elle ne fait pas seulement cesser l’opprobre dc Joachim ct d’Anne; elle délivre encore Adam ct Êvc, c'est-à-dire la nature humaine, de la corruption dc la mort, c'està-dire de la tare originelle. Le premier sujet dc cette délivrance n'est-il pas Marie elle-même nu jour dc sa sainte naissance (= conception ct enfantement)? Saint Anastase Ier, patriarche d’Antioche (f 599), dans son troisième discours dogmatique, écrit ccttc phrase : · Le Verbe, voulant sc faire homme, parce que l’homme ne pouvait être sauvé autrement, descendit dans un sein virginal et exempt de toute corruption; car Marie était une vierge chaste dc corps ct d’esprit. » Oral., m, de incarnatione.G, P. G.t t. lxxxix,coI. 1338. On remarquera qu’Anastase ne parle pas seulement de la virginité corporelle, mais aussi de la virginité spirituelle, dc la sainteté. L’exemption dc toute cor­ ruption s'applique donc ct au corps ct à l’âme, ct c’est ccttc pureté totale qui n valu à Marie d’êtrccholslc par le Verbe. Dans la première homélie sur l’Annon­ ciation qui est attribuée nu même auteur, nous Usons le passage suivant : · Salut, pleine dc grâce; le Sei­ gneur est avec toi, parce que tu es devenue pour nous la vole du salut, qui conduit nu ciel... C’est pourquoi a\cc toutes les générations nous te proclamons blcnhenreuso seule panni toutes les femmes, toi en qui le soleil n'a point allumé la flamme dc la volupté ct à qui la lune n'a point fait sentir, pendant la nuit, son influence déprimante. Car tu n’as point laissé chan­ celer le pied dc ton âme (Ps. exx, 3), mais tu l’as posé sur lo rocher, ct tu es demeurée inébranlable. Et le Seigneur t’a gardée, ήν ουχ έξϊκαυσιν ήλιος, ηδονής φλόγα έπάγων ουδέ νυκτύς, σελήνη όοώδης ϊβλαψκ δύναμης · Serm., π, in Annunt. De iparte, Ρ. G., ibid., col. 1377. Dans un second discours pour la même fête, Anastase salue en Marie la < seule parmi les vier­ 91'i ges qui ait été remplie de grâce, » et l’appelle « la belle, l'immaculée, la sainte·, τήν υόνην έν παρθένας χs qui atteint tout homme venant en ce monde? Dans son homélie sur la fête dc la Dormition, Je patriarche dc Jérusalem, saint Modeste (? 634), pro­ clame la Théotocos toute sainte, παναγ î, plus sainte ct plus glorieuse que les chérubins ct les séraphins, P. G., t. Lxxx\ib, col. 3280, ct lui donne le second rang après Dieu. Ibid., col. 3231. · Le Christ la choisit entre toutes les créatures raisonnables ct spirituelles pour en faire sa m*‘rc toute sainte, et il la remplit dc grâce au suprême degré, » έκλεςά’Αοον γανίσθαι παναγίαν ρητίρα αυτου καί ύπερτίσαν του παντός /αριτώσαντα αυτήν, col. 3284. Il la sanctifia pour qu'elle devint son séjour, άγιάσας αυτήν clvoi θιοδόχον IIbid.; ci. col. 3280, 0<όθ . L it·. _.r. Quand s'est produite ccttc sanctification, ccttc χαρίτιυσχς? Modeste ne le dit pas expressément, mais il l’in­ sinue suffisamment quand il dit que la Vierge est un propitiatoire construit par Dieu lui-même, ίλαστήριον θεοίδρυτον, col. 3305, ct qu’elle est la porte orientale dans laquelle le mensonge n’a jamais eu accès, έν ή τό ύεΰδος ου προστπόαστν, col. 3301. Quant à la préservation du corps de Marie de la cor­ ruption du tombeau, le patriarche hièrosolymltaln l’attribue directement à la toute-puissance du Sau­ veur, col. 3293. Ajoutons enfin que Modeste n’oublie pas de signaler le rôle de Marie dans la rédemption dc l'humanité : · Ballottée sur l'océan de cc monde, l’humanité a été sauvée en toi, ct par toi a recouvré les dons et les biens éternels, » ή άνθρωποτης σίσωσται έν σοι και δια σου άνίχτήσατο χαρίσαατα καί α ωνια αγαθά, col. 3305. Le successeur immédiat de saint Modeste sur le siège dc Jérusalem, saint Sophrone (t 638), célèbre en termes magnifiques la sainteté de la mère dc Dieu tant dans sa Lettre synodique à Sergius que dans ses homélies, spécialement dans la longue homélie sur l'Annonciation· Notons tout d’abord que Sophrone affirme très souvent ct d’une manière très explicite l’existence dc la faute originelle ct dc scs suites pour tous les descendants d’Adam. Il parle dc notre chute en Adam, dc la condamnation dc notre nature à cause de notre désobéissance en Adam. Encomium tn S. Joannem Baptistam, P. G., t. lxxxviî, col. 3328. En faisant tomber Adam, le diable a rendu tous les hommes transgresseurs du divin commandement. Orat., n, in Annuntiationem, ibid., col. 3244. « Nous tenons d’Adam un corps mortel parce que nous contractons la souillure du même Adam, notre premier père. » Orat, ni, de Hypapante, ibid., col. 3298-3299. Sur les suites du péché originel, voir l’homélie sur l’Annon­ ciation, col. 3229-3232. Voir aussi col. 3202-3203. ’36, 31 GO. La lettre dogmatique envoyée par saint Sophrone à Sergius dc Constantinople ct aussi aux autres pa­ triarches, après le synode dc Jérusalem de 634, est un document théologique de grande valeur tant parce qu'elle est rédigée sous la forme d'une profession dc foi que parce qu’elle reçut l’approbation des Pères du VI· concile œcuménique, à la XI· session. Mansl, Concil., t. xi. col. 461-508. La doctrine do la perpétuelle sain­ teté dc la mère dc Dieu y est clairement Insinuée dans le passage suivant : « Au sujet dc l’incarnation, le crois que Dieu le Verbe, le Fils unique du Père..., pris 915 IΜΜ A Cl LÉ E CO NC E PT IO N 916 de pitié pour notre naturcdéchuc, τού ανθρωπίνου ημών ! ό δεύτερος ’Aoiu την παοΟίνον γην προσλα,ίόμ^ος, ολισθήματος, de son libre mouvement, par la volonté αναμορςώσας εαυτόν ανΟρωπίνφ τώ σχηματ:, οχυτε'ραν de Dieu qui Γη engendré ct avec le divin agrément dc αρχήν τη ίνΟρωπότητι τίθεται. Ibid., col. 3285. Le rE$priL..;cst descendu vers notre bassesse... ct que, premier Adam a été formé de la terre vierge, encore pénétrant dans le sein tout éclatant dc virginale immaculée, encore non maudite. Le second Adam, pureté dc Marie, la sainte, la radieuse Vierge, pleine qui établit pour l’humanité un.nouveau commence­ d'une divine sagesse ct exempte dc toute souillure du ment, est aussi formé do la terre vierge, την παρφίνον corps, do l’âme ct dc l'esprit, καί παντός έλευΟίρας I γήν, c’cst-à-dirc dc la Vierge immaculée, restée étran­ gère à la vétusté dc la première humanité. Tout doit μολύσματος τού τι κατά σώμα καί ψυχήν καί διάνοιαν, il s'est Incarné, lui l'incorporel... Il a voulu de­ être nouveau pour le nouveau commencement qu'inauvenir homme pour purifier le semblable par le sem­ • gurc le nouvel Adam Inutile, après cela, dc relever dans l’homélie de blable, le frère par le frère... Voilà pourquoi, δια notre orateur les nombreux passages où il exalte la τούτο, une Vierge sainte est choisie; elle est sancti liée pureté ct la sainteté dc Marie au-dessus de la pureté dans son âme ct dans son corps, καί σώμα καί ψυχήν ά ιάζιται; et parce qu’elle est pure, chaste ct Imma­ de toute créature, ceux aussi où il montre son rôle dc corédcmptrlco, déclarant que « par elle les hommes culée, elle devient la coopératrice dc l'incarnation du créateur, καί ούτως υπουργεί τη σαρκώσει του κτίσαντος ont été délivrés dc l'antique malédiction. > Cf. col. 3237, ώς καθαρά καί άγνη καί άμολυντος. » Epist. njno­ 3211. L'idée transcendante qu'il sc fait dc la sainteté dc diea ad Sergium, P. G., t. dL, coi. 3160-3161. Dans ce passage, saint Sophronc, qui, nous le savons, la mère de Dieu se manifeste encore par l'interpréta­ considérait te péché originel comme une souillure, ne tion qu'il donne de la prophétie du vieillard Siméon : sc contente pas d'affirmer que Marie a été exempte Et tuam ipsius animam perlransibit gladius. Il l’en­ do toute souillure du corps, dc l’âme ct dc l'esprit, ni tend d’une angoisse ct d'une stupeur passagères qui dc parler dc l’action dc Dieu, qui l’a sanctifiée dans envahirent l’âme dc la Vierge au pied dc la croix, son âme ct dans son corps; Il Indique aussi la raison mais qui n'arrivèrent pas à lui faire douter de la divi­ profonde dc celte pureté immaculée : Parce que le nité dc Jésus ni à lui faire oublier les merveilles de sa Verbe voulait purifier la nature humaine par cette maternité divine : Non persistet, neque omnino in le nature même, il fallait dc toute nécessité que l'instru­ permanebit gladius ille pcrtranslcns; nunquam enim, ment ct l'auxiliaire de la purification fût lui-même o Dei mater, in divini ex te conceptus miræque ex le indemne de toute tache. Voilà pourquoi une Vierge progenerationis oblivionem adducta /utris. De Hijpaimmaculée est choisie; voilà pourquoi elle est sancti­ pante, ibid., col. 3298. A la même époque, Léonce de fiée. Ce que Sophronc ne dit pas explicitement, c'est Neapolis expliquait les paroles dc Siméon à peu près le moment dc cette sanctification. L'homélie sur dc la même manière : · A mon avis, dit-il, le glaive fait l'Annonciation va nous donner dc nouvelles précisions. allusion à l'épreuve passagère qui survint à la sainte Dans ce morceau aux belles envolées oratoires, Vierge au pied de la croix par la tristesse qu’elle res­ Marie est d'abord déclarée sainte ct immaculée avant sentit, · την έπί τού σταυρού γενομίνην τη άγια παρ­ la descente de l'Esprit-Salnt, qui l’a rendue féconde : θένοι διά της λύπης δοκιμασίαν. Sermo in Syineo• L'Esprit-Salnt va descendre sur toi, l’immaculée, lui nem, P. G., t. xciir, coi. 1580. C'était déjà l’exé­ dit l’ange, pour te rendre plus pure ct te donner la gèse d'Abraham d'Éphèse, au milieu du vi· siècle. vertu fécondante ΓΙνευμα άγιον επί σί, την αμόλυντον, M. Juglc, Abraham d'Éphise ct ses écrits, Sermon sur κάτιισι, καΟαρωτίραν σε ποιησομενον. * Loc. cil., rilijpapanle, dans la Eyzantinische Zeitschrift, t. xxn, col. 3273. En expliquant la parole dc l'ange : · Tu,1 p. 58. Cf. aussi le pseudo-Clirysostome, P. G., t. t, as trouvé grâce devant Dieu, » l’orateur fait allusion col. 810-811. Timothée, prêtre dc Jérusalem, voit dans à une purification préalable, unique en son genre, dont le glaive qui transperça l’âme de Marie la douleur la Vierge a été l'objet, purification qui n'est pas l'aug­ qu'elle éprouva de la perte dc Jésus arrivé à l'âge de mentation de sainteté reçue au jour de l’annoncia- douze ans. In Hypapanlen, P. G.,t. lxxxvî, col. 245. tion : · Tu as trouvé auprès de Dieu une grâce immor­ A l'époque où nous sommes arrivés, l'exégèse origételle; tu as trouvé auprès de Dieu une grâce d'un nistc prêtant à Marie des doutes positifs sur la divinité éclat souverain; tu as trouvé auprès dc Dieu une dc Jésus est décidément écartée. grâce immuable, une grâce éternelle. Beaucoup dc 3° Pères des VU·, VIII9 et IX· siècles. — A partir du saints ont paru avant toi, mais aucun n'a été rempli vn· siècle, les panégyristes de l'immaculée deviennent dc grâce comme toi, ούδείς κατά σΐ κεχαρίτωτα·. ; plus nombreux ct plus explicites. Le premier que nous aucun n'a été béatifié comme toi; aucun n'a été pleine- I rencontrons est saint André dc Crète (f 740). Les ou­ ment sanctifié comme toi, ούδείς κατά σε καΟηγίασται; vrages qui nous restent dc lui consistent presque uni­ aucun n'a été exalté comme toi. Comme toi aucun | quement en sermons ct en poésies liturgiques. C'est n'a été purifié à l'avance, ιώδεις κατά σε προκεκάΟαρται... dans ses huit homélies mariales (quatre sur la Nativité, Aucun n'a été aussi enrichi que toi des dons divins; une sur l’Annonciation, Irois sur la Dormition) et aucun n'a reçu la grâce dans la même mesure que toi... dans scs deux canons pour la fête dc la Conception Les dons que Dieu a répartis à tous les hommes sont d'Anne et pour la fête dc la Nativité de Marie, que inférieurs à ce que tu as reçu. » Ibid., col. 3246-3247. nous trouvons les multiples expressions dc sa croyance Nous ne croyons pas fausser la penséedesaint Sophrone à la perpétuelle sainteté delà mère de Dieu. Sa doctrine en voyant dans la purification préalable, unique en son peut se résumer dans les propositions suivantes : genre, qu’il attribue à Marie, l'équivalent exact dc 1. La conception et la naissance de Marie ont été la préservation de la tache originelle dont parle la saintes; 2. elle est fille de Dieu, Οεόπαις, à un titre définition de Pic IX. Cette purification préalable spécial, et Dieu est intervenu d'une manière particu­ elle-même a pour synonyme la pleine sanctification, lière au moment de sa conception; 3. elle est les pré­ καφηγίασταχ, également unique, dont la Vierge a été mices dc l'humanité restaurée et reflète en sa personne l'objet. Sur la fin dc son homélie, l’orateur, du reste, la beauté primitive; 4. sa mort a eu une autre cause nous livre sa pensée d'une manière encore plus claire : que celle des autres hommes. « Le second Adam ayant pris la terre vierge ct s'étant Saint André est le premier témoin irrécusable de donné à lui-même une forme nouvelle à la ressem­ l’existence dc la fête dc la Conception d’Anne dans blance humaine, établit pour 1 humainté un second l’Église d'Orient. Dans le canon qu'il a composé pour commencement, renouvelant la vétusté du premier, » cette solennité, il parle tour à tour de la conception 917 I Μ Μ Λ CLL É Ε CONCEPTION d’Anne cl de la conception de Marie. Dans son esprit comme dans la réalité, ces deux termes sont corrélatifs ct il s’arrête tantôt à l’un, tantôt â l’autre. C’est ainsi qu’il dit à un endroit : < Dieu exauce la prière de Joa­ chim ct d'Anne ct leur accorde celle qui est véritable­ ment la porto de la vie. Honorons sa sainte concep­ tion,^; τήν αγίαν τιμήσωμεν συλληψ:ν, P. G., L xevii, col. 1309. La même expression revient un peu plus loin, col. 1313. Si la conception de Marie est sainte, sa naissance doit l'être aussi. André le déclare positive­ ment dans le canon pour la Nativité: < Votre naissance est immaculée, ô Vierge immaculée, » σου ή γέννησες, πχρΟένε -αχρχντε, col. 1316, 1321. Les expressions : < conception sainte ·, < naissance immaculée >, si elles étaient isolées, ne suffiraient pas à écarter tout doute sur la véritable pensée de notre auteur. La liturgie grecque appelle sainte, aussi, la conception dc saint Jean-Baptiste. Mais sous la plume dc saint André, les mots : conception sainte, ont bien toute leur valeur théologique. C'est ce qui ressort, tout d'abord, dc l'appellation dc < fille dc Dieu », Οεόπχες, qu’il donne si souvent ù Marie ct que les prédicateurs byzantins vont répéter après lui à satiété. Marie est fille de Dieu, non seulement parce qu’elle est fille dc la promesse, que sa naissance d'une mère stérile, an­ noncée à l’avance par un ange, est duc à un miracle du Tout-Puissant, mais encore parce qu’elle est · une argile divinement façonnée par l'artiste divin, la matière parfaitement assor lie dc la divine incarnation,· ή παν αρμόνιο; τής θεϊκής σωμχτώσεως ύλη,ά Οεοτελής του παντούργου και αριστοτέχνου πηλός, Homil., i, in Dor­ mitionem, ibid., col. 1ÔGS; c le levain saint pétri par Dieu, grâce auquel toute la masse du genre hu­ main est entrée en fermentation, · ζύμη άγ'α Οεοτελής. Homil. in Annunt., col. 896. La conception d'Anne s'est produite par une intervention spéciale dc Dieu, έκ θεού, ou, suivant une variante, en Dieu, έν Θεώ. Canon in B. Annæ conceptionem, col. 1312. Dans une autre série dc textes, André nous présente la mère de Dieu comme les prémices de l’humanité renouvelée ct l’image parfaitement ressemblante de la beauté primitive. Voici cc que nous lisons dans la première homélie sur la Nativité dc la Vierge : · Au­ jourd’hui Adam oiTre Marie â Dieu en notre nom comme les prémices dc notre nature... Aujourd’hui, l’huma­ nité, dans tout l’éclat dc sa noblesse immaculée, reçoit le don dc sa première formation par les mains divines ct retrouve son ancienne beauté, σήμερον ή καθαρά των ανθρώπων ευγένεια τής πρώτης Οεοπλαστίχς απολαμβάνει τό χάρισμα xxl προς έχυτήν άντεπάνιεσε. Les hontes du péché avaient obscurci la splendeur ct les char­ mes dc la nature humaine; mais lorsque naît la mère du Beau par excellence, celte nature recouvre en elle scs anciens privilèges ct est façonnée suivant un modèle parfait ct vraiment digne de Dieu. Et cette formation est une parfaite restauration,ct cette restau­ ration une divinisation; ct celle-ci une assimilation Λ l’état primitif, xal ήν άπημαύρωσε του κάλλους ευπρέπειαν ή τής χαχίας δυσγένεια, ταύτην ή φύσις τεχΟιίση τή Μητρι του ωραίου ποοσέχουσχ, πλάσιν αρίστων τ< και Οεοπρεπεστάτην είσδ χιται, Καί γίνεται κυρίως πλάσε; ανάχλησες, καί ή άνάζλησις Οέωσες, ή ο! προς το άρχαίον Ιςομοίωσις... Et pour tout direen un mot, aujourd'hui la réformation dc notre nature commence, ct le monde vieilli, soumis ù une transformation toute divine, reçoit les prémices de la seconde création, σήμερον ή τής φύσεως ημών άναμόρφωσις αρχετχ·., xxl ό γηοάσας κόσμος Οεοειδεστάτην λαμβάνων στοιχείωσεν, δευτ/ρχς Οεοπλαστίας προοίμια δέχεται. · In Nativit. B. Marias, î, col. 812. Même doctrine dans la première homélie sur la Dormition: « Le corps dc la Vierge est une terre que Dieu a travaillée, les prémices de la masse adamique qui n été divinisée dans le Christ, l’image tout â fait res­ 918 semblante dc la beauté primitive..., l'argile pétrie par les mains dc l’artiste divin, »ή Οεογεώργητοςγή,η απαρχή το5 i? Χσεστώ Οεω$έντος άδα χια ου συσάυατος, τό ποτόμοεον τής ap/εχής ωραιότητος ίνδαλμα. Homil., i, in Dor­ mitionem B. Marias, col. 1068. Et pourquoi ces attentions délicates de Dieu à l'égard dc la Vierge ? < Pourquoi ccs privilèges royaux, qui la rendent toute belle? » Homil.,iv, (n Natio., col. 8Gt. C’est parce qu’il fallait qu’un palais fût préparé au roi avant sa venue. 11 fallait que les langes royaux fussent tissés à l’avance pour recevoir l’enfant royal à sa naissance. Il fallait enfin que l’argile reçût une prépa­ ration préalable avant l’arrivée du potier, τέλος iov. τον πηλόν, καί τότε παρεΐναι τον χζραμεα. Homil., ni, in Natio. B. Marite, col. 860. Le ré­ dempteur du genre humain, voulant introduire une nouvelle naissance ct réformait * 1 à la place de la première, choisit dans toute la nature celte Vierge pure ct toute immaculée pour opérer sa propre incar­ nation, de même qu’il avait autrefois pris de l’argile , d’une terre vierge et Intacte pour former le premier Adam. Marie est, en effet, la terre vraiment dési­ rable. la terre vierge, ή παρθένος γη. d'où le potier a pris i’argile dc notre terre pour remettre a neuf le vase brisé par le péché. Homil., î, in Natioit., col. 813-814; Homil.,iv, in Natio., co\. 866-867 ; Homil., i, in Dormit., I coL 1069. Un lien étroit unities deux mystèresdc l’immaculée conception ct dc l’assomption. D’après le plan divin, si Adam était resté fidèle à Dieu, ni lui ni sa postérité n’auraient connu les affres de l’agonie ct la corruption du tombeau. La mort, la dissolution du corps est, après la privation dc la grâce déifiante, le grand châti­ ment du péché d’origine. Si Marie a été préservée de ce péché, il semble qu’elle aurait dû l'être aussi dc la mort Mais on conçoit d’autres pensées, quand, avant de considérer la mère, on jette les yeux sur le fils expirant sur la croix. Saint André dc Crète a com­ pris la nécessité dc suivre cette méthode. Aussi avant de parler dc la dormition dc Marie, éprouve-t-il le besoin d’examiner les raisons pour lesquelles le Fils de Dieu est mort.Ces raisons sont au nombre dc trois: 1. Jésus a voulu payer à notre place la rançon du péché; 2. il a voulu se rendre semblable à nous en tout, honnis le péché ct établir la réalité de sa nature humaine; 3. il fallait aussi que les arrêts de l’antique malédic­ tion ne fussent pas complètement suspendus. « Car c’était la sentence dc Dieu que ceux qui seraient tirés une fols dc la terre devraient y retourner. · Homil., i, inDormit.,co\. 1048. Après ccs explications sur la mort du Fils, André sc trouve à l'aise pour parler de la mort de la mère. D’après lui, Marie n’est pas morte, comme nous, ù cause dc l’antique sentence prononcée contre l’homme coupable. Elle a Ignoré la corruption du tombeau. Sa courte dormition a eu pour cause des motifs analogues à ceux qui expliquent la mort dc Jésus. Elle est morte pour ressembler à son divin Fils, pour sc soumettre comme lui aux décrets dc la Provi­ dence, pour confirmer la fol en l’incarnation, pour montrer en sa personne comment l’on passe dc la cor­ ruption à l'incorruptibilité. « Si, d’après l’Écriture, aucun homme ne doit échapper à la mort ct si celle que nous célébrons était véritablement homme ct audessus des hommes, il est clair qu'elle aussi a dû passer par la môme loi que nous, bien que, sans doute, non do la même manière que nous, mais d’une manière plus excellente, ct pour un motif supérieur, bien diffé­ rent de celui qui nous conduit â cc terme fatal, · t( και μή χαΟ ημάς ίσως χλλ’ υπέρ ήμας xx' την αιτίαν, υπέρ η; τούτο πάντως πχΟειν ινχγόμεΟχ. Ibid., col. 1053. Quelcstccmotif supérieur? André répond: « L’amère sentence dc mort est abrogée et n’a plus d’effet. La puissance dc la malédiction est détruite. Mais on ne 919 IMMACULEE CONCEPTION saurait outrepasser les règles établies autrefois par Dieu. Celui qui est Dieu par nature, qui change et modifie tout au gré de sa volonté miséricordieuse, s'y est soumis lui-même.. 11 convient donc qu'il règle le sort dc sa mère sur le sien propre. Il montrera ainsi non seulement que sa mère appartient véritablement ù la nature humaine, mais encore il confirmera la réalité du mystère qui s'est accompli en elle, · πρίπιι δ’αν άραρότως αυτω και τα νυν έπΐ μητρί καινουργησαι. Homil., π, in Dormit., col. 1081. Après toutes ccs expressions dc la fol d'André dc Crèteà la perpétuellesaintetéde Marie, on comprendra toute la portée qu'ont sur scs lèvres des phrases comme celles-ci : « Marie est la seule sainte, la plus sainte de tous Es saints. Elle est apparue toute pure à celui qui tout entier, corps ct âme, a habité en elle. ■ Homil., n, in Naliv., col. 832. « Tu es toute belle, ô mon amie, tu es toute belle, ct il n'y a rien à reprendre en toi, » καί μώμος ούχ Ιστιν h σοι. Homil., iv, in Natio., col. 872. < Tu es véritablement celle qui est vérita­ blement belle... Après Dieu, tu tiens le premier rang, » συ γαρ cl αληθώς ή δντως καλή, ή χωρίς Θώυ μονού, πάντων ανωτ/ρα ύπάο/ουσα. Homil., m, in Dormit., col. 1097, 1100. La doctrine mariale dc saint Germain, patriarche dc Constantinople dc 715 â 729, ressemble à celle du mé­ tropolite dc Crète, son contemporain. On a parfois contesté l'authenticité dc scs homélies sur les fîtes dc la sainte Vierge : deux homélies pour la fête dc la Présentation au temple, une sur l'Annonciation, trois sur la Dormition, une sur la ceinture dc la Vierge ct les langes dc l’enfant Jésus. Cette authenticité est maintenant suffisamment établie. Cf. Ballcrinl, Sy'doge monumentorum ad mysterium conceptionis immaculate Virginis Deiparœ illustrandum, Rome, 1855, 1.1, p. 219-258; 1857, t. n, p. 285-295; M. Jugie, Les homélies dc saint Germain de Constantinople sur la dormition de la sainte Vierge, dans les Échos d’Orient, t. xvî, p. 219-221. Ilcst clair, tout d'abord, que,d'après saint Germain, la sainteté dc Marie est antérieure au jour de l’annonciation, car l'ange la trouve, à ce moment, « toutcntlèrcctcn tout purcct irréprochable. > δλη δ/ ολου καθαρά κα! άμιμπτος τυγ/άνουσα. Homil. in Annuntiationem Dciparie, P. G., t. xcvni, coi. 328. Ccttc sainteté existe au moment où la Vierge, âgée de trois ans, est conduite au temple par scs parents, car Anne l’oiTrc au Seigneur < comme un don sanctifié ct éclatant d'une beauté divine, > δώρου Οιοκαλλώπιστον ήγιασμίνον. Homil., I, in Prasent. Deiparœ, ibid., col. 297. Cc n'est pas le temple qui la sanctifie; «c'est plutôt elle qui sanctifie le Saint des saints, a Ibid., col. 301. Elle est la colombe au plumage d'un jaune d'or, « brillant sous les reflets de l'Esprit-Saint, qui l'illumine. ■ Ibid., col. 308. Cette sainteté existe dès le premier moment dc l'existence dc Marie, car celle-ci est une créature nouvelle, réformée, ανάπλασή γαρ d, Homil. in Dormit., n, col. 357, ct le ferment de la ré­ formation d'Adam, ct la délivrance des opprobres d’Êve, tj cl της άναπλάσχως του Άδαμ ή ζύμη, συ c! τών δυιιδισμώυ τζς Ευας ή έλ<υθ<ρία. I bid. ,co\. 319. Dieu est intervenu d’une manière spéciale au moment dc sa conception ; car elle est la fille dc Dieu par excellence, η Οώπαις, In Prasent.,i, col. 300, un dépôt divin reçu dans le sein d'Anne, την έχ Θίοδ παρακαταθήκην '^ποδιίαμίνη^/η Présent., n, col. 313. Joachim ct Anne disent au Seigneur : < Prends celle que tu nous n donnée... Reçois celle que tu as choisie, prédestinée et sanctifiée, celle que tu as triée comme un lis parmi les épines dc notre Indignité, »ήνήρ<τίσω,καΙ προωρίσας, κα: ήγιάσας.., ήυ ώς κρίνον έξ ακανθών τής ήματίρας χυα; οτητος Ιξιλίξω. In Præsent., ι, col. 300. Comme saint André dc Crète, saint Germain attri­ bue la mort de la Vierge non au péché originel, cause 920 dc lu dissolution du cadavre, mais à des raisons d’ordre supérieur : · Comment la mort aurait-elle pu te réduire en cendres ct en poussière, toi qui, par l’incarnation de ton Fils, as délivré l’homme dc h corruption dc la mort? Tu as donc quitté la terre, afin dc confirmer la mystérieuse réalité de la redoutable Incarnation. En te voyant émigrer de cc séjour dc passage ct soumise aux lois fixées par Dieu ct la nature, on a été amené à croire que le Dieu que tu as enfanté est sorti de toi homme parfait, Fils véritable d’une mère véritable, possédant un corps comme le nôtre, et pour cela, n'échappant pas au sort commun. Ton Fils, lui aussi, a, dc la même manière, goûté une mort semblable pour le salut du genre humain. Mais il a entouré de la même gloire ct son sépulcre vivifiant, ct le toni beau, réceptacle dc vie, de ta dormition. Vos deux corps ont été ensevelis, mais n'ont pas connu la corruption. » In Dormitionem, i, col. 345. « Loin dc toi la dissolution, ô Théotocos; car tu es une créature nouvelle ct la reine de ceux qui, tirés d'un limon fangeux, sont soumis à la corruption, ■ ιρρΐτω yci; έπι σοι, άνάπλασις γάρ χΐ,δτι τοις έν ίλύϊ πηλού ôtaçOapifa χςχρημάτικας δέσποινα. In Dormit., n, col. 357. Comme saint André dc Crète ct saint Germain, Jean dc Damas a vécu dans la première moitié du vm· siècle. Sc fondant sur deux passages dc scs œuvres, plusieurs théologiens grecs dissidents des temps modernes ont prétendu qu’il avait nié l'im­ maculée conception. I.c premier dc ccs passages est tiré du III· livre dc l'Exposition de la foi orthodoxe: • Après le consentement dc la sainte Vierge, suivant la parole du Seigneur dite par l’ange, le Saint-Esprit descendit sur elle pour la purifier, la rendre capable dc recevoir la divinité du Verbe et lui donner la fécon­ dité, » καΟαΐρον αυτήν. De fide orthodoxa, 1. Ill, c. π, P. G., t. χαν, col. 985. Le second se trouve dans la ire homélie sur la Dormition ct exprime les mêmes idées : « La puissance sanctificatrice dc l’Esprit,sur­ venant en elle, la purifia, la sanctifia ct la rendit féconde », έκαΟήρ: τ$ xal ήγίασε, Homil., î, in Dor­ mit., P. G., t. xevi, col. 704. Les grecs entendent la purification dont parle ici le Damascène dc l'cllacement dc la faute originelle, qui serait restée en Marie jusqu'au jour de l'annoncintlon. Que cc ne soit pas là la véritable pensée du saint docteur, c'est cc qui res­ sort tout d'abord des autres données mariologlqucs, que renferme V Exposition de la foi orthodoxe. On y lit, en effet, que la sainte Vierge, à l'époque, où elle vivait dans le temple, était déjà toute sainte : « Plantée dans la maison dc Dieu ct engraissée par l’Esprit comme un olivier fertile, elle devint le séjour dc toutes les vertus. Tenant son esprit éloigné de tout désir séculier ct charnel, elle conserva la virginité dc l’âme avec celle du corps, comme il convenait à celle qui devait recevoir Dieu en son sein. En poursuivant la sainteté, elle devint un temple saint, admirable ct digne du Dieu Très-1 Inut. » De (Ide orthodoxa, 1. IV P. G,, t. χαν, col. 11C0. La purification du jour de l’annonciation ne peut donc s'interpréter,d’après les principes mêmes du Damascène, que d'une pureté plus parfaite, d’une sainteté plus grande, idée que nous avons déjà rencontrée chez plusieurs docteurs· La fausseté dc l'exégèse schismatique éclate encore avec plus d'évidence à la lumière d'autres textes tirés des autres écrits authentiques du docteur dc Damas, notamment dc scs trois homélies sur la Dormition ct dc la If· homélie sur la Nativité de la Vierge éditée dans scs œuvres, la π· homélie sur le même sujet appartenant à saint Théodore Studitc. Dans l'homé­ lie sur la Nativité, nous lisons le passage suivant : « O Joachim ct Anne, couple bienheureux 1 Toute la création vous est redevable; car par vous elle a offert 921 I MM AC I I ÉE CONCEPTION nu créateur le plus excellent de tous les dons, une mère vénérable, seule digne dc celui qui l'a créée. O heureux lombes dc Joachim, qui avez émis un germe tout immaculél O admirable sein d’Anne, où sc développa petit à petit ct sc forma une enfant toute sainte, ω οσφύς τού Ίωαχίίμ παμμακάριστη έξ ής χατίδλήθη σπίρμχ πανάμωμον· ώ οήτζα της *Αννης àotëtui, έν τ( ταΐς κατά μιχρόν ί; αυτής προσφήχαις ηίξήνη χαΐ ’ διαμορφωθώ έτέ/θη β^φος πανάγιον·.· Aujourd'hui le dis du charpentier, le Verbe, artiste de l’univers, s'est préparé une échelle vivante dont la base s'appuie sur la terre, mais dont le sommet atteint le ciel. » Homil. in Natio. Deiparœ, P. G., t. xevi, col. 672. Comment ne pas voir dans cc passage l’idée dc la sainteté initiale dc Marie? D’autres ex­ pressions de la même homélie confirment ccttc vue : «Joachim ct Anne implorèrent le Seigneur, ct il leur naquit une progéniture dc sainteté, » γέννημα διχχιοσλης. Ibid., col. 673. « Marie est toute belle, toute proche dc Dieu. Elle est un lis qui a poussé au milieu des épines. Les traits enflammés dc l’ennemi n’ont pu l’atteindre. Elle a vécu dans la chambre nuptiale dc l’Esprit et a été gardée immaculée pour être à la fols épouse ct mère dc Dieu, s Ibid., col. 669, 672. Elle a ignoré les révoltes dc la concupiscence : < Image vivante dc la divinité, en laquelle le créateur sc com­ plaît, elle a l’esprit uniquement appliqué à Dieu ct docile à sa direction. Tous scs désirs sont tendus vers l’unique désirable... Son cœur pur ct immaculé n’a dc regards ct dc soupirs que pour le Dieu immaculé. » Ibid., col. 676. « Elle a toujours été vierge d’esprit, d’ûinc ct dc corps, » νψ καί ύυ/ή χα· ^ώμχτι xctπχρθινώουσαν, col. 66S. Parlant dc la dormition dc Marie, notre orateur s’étonne d'abord que Marie soit morte : « Comment, ô Immaculée, s'écric-t-il, pourras-tu mourir?» χαί πώς θανάτου γιΰση, ή ά/ραντος. Homil., n, in Dormitio nem, col. 733. La solution dc l’énigme est facile à trou ver. « Elle sc soumet à la loi posée par son Fils, ct comme fille du vieil Adam, elle accepte de payer la dette paternelle, parce que son Fils, qui est la Vie même, ne s’y est pas soustrait non plus, » bul xx: 6 ταύτης υ·’ος ή άυτοζωή, ταύτας ούχ χπηνχτο. Ibid., col. 725. Cf. Homil., i, in Dormit., col. 713. Mais comme son Fils aussi, elle ignorera la corruption du tombeau. Son corps virginal ct tout Immaculé n’a pas été abandonné dans la terre. Homil., i, in Dormit., col. 720. « La mort des pécheurs est détestable. Mais pour celle en qui l’aiguillon dc la mort, le péché, était mort, iv ξ οι τδ χέντρον τού θανάτου νινίχρωτο, que dirons-nous, sinon que la mort a été le principe d'une vie meilleure ct éternelle ?» Homil., n, in Dormit., col.728. Loin do mettre la mort dc Marie en relation avec le péché originel, qui, d'après lui, nous rend sujets à la mort. In Epist. ad Horn., P. G., t. xcv, col. 477, 481, saint Jean Damascène affirme expressément que l’aiguillon dc la mort était mort en elle, ct que c’est la raison pour laquelle son corps n’a pas connu la corruption. 11 reste donc établi que le docteur dc Damas professe une doctrine identique à celle dc saint André ct dc sab't Germain. Dans son homélie pour la fête dc la Conception dc la mère dc Dieu, Jean, évêque d'Eubée(f vers 750), parle en termes sufllsammcnt clairs dc la sainteté originelle dc Marie. La Trinité sainte est intervenue d’une manière spéciale pour préparer au Verbe incarné un temple digno dc lui. Elle a fait dc la Vierge une créature nouvelle :« Nous devons, dit l’auteur, célé­ brer ccttc fêle dc la conception,dans laquelle le temple dc Dieu a été bâti, mais non de main d'homme. C’est le jour où la sainte mère Théotocos a étéconçuedanslc sein d’Anne. Avec le bon plalsirdu Pèrcct lacoopératlon du Saint-Esprit vivifiant, le Christ, Fils dc Dieu, la 922 pierre angulaire, s’est bâti lui-même cc temple, ct lui-même y a établi sa demeure... Le créateur luimême a fait avec la terre vieillie un ciel nouveau et un trône inaccessible aux flammes. Il a transformé le vieil homme pour préparer au Verbe un séjour tout céleste, αυτός ό δημιουργός ίχτήςπα’/ α·*·»ύΐ:στ,ς γής ϊτ.ο’τ,ζι » fjjZTfO/ καινόν χχι θρόνον αζχτάφλιζτον, χ.χί τον παλαιωΟίντα χοιζό/ <·’ς γ.ζζζϊ',ι. μιτι':αλιν. Chan­ tez au Seigneur un cantique nouveau... Car voici que le diable, tyran dc notre nature, a été vaincu. Voici qu'un trône plus merveilleux que le trône chérubiquc est préparé sur la terre... Voici que le palais du roi céleste est bâti sans le secours des hommes..., palais plus élevé que les deux, plus vaste que toute la créa­ tion. » Homil. in Concept. Deiparœ, P. G., t. xevi, col. 1500, 1485, 1488. « Heureux ct trois fois heureux êtes-vous, Joachim ct Anne, maiscenl fois plusheurcusc, la descendante dc David, votre fille. Car vous autres, vous êtes terre, mais elle est un ciel, υμχίς γχρ γη έστι, αυτή δ. ουρανός. Vous êtes terrestres, tandis que c'est par elle que les fils dc la terre deviennent habitants du ciel. » Ibid., col. 1177. Marie a sans doute été tirée de la terre vieillie, du vieux limon; mais Dieu est inter venu pour en faire une créature nouvelle, un ciel non veau; c'est-à-dire qu’il l’a créée dans l'état dc justice originelle. Saint Taraisc, patriarche de Constantinople ( t806), a laissé une homélie sur la Présentation de la Vierge au temple, dans laquelle nous relevons le passage suivant : · Prédestinée dès la création du monde, choisie parmi toutes les générations pour être le séjour immaculé du Verbe, ct olfcrtc au Tout-Puissant dans le tcmplesaint, la Vierge n'cst-ellc pas digned’honneur, pure et immaculée? N'cst-ellc pas l’offrande immaculée de la nature humaine, ούχΐ προσφορά £μα»μος της ανθρώ­ πινης φύσίως? » P. G., t. xcvni, col. 1497. Cette pureté immaculée exclut bien, dans la pensée dc l'ora­ teur, la tache originelle, comme il ressort d’autres expressions de la même homélie où Marie est déclarée la « fille dc Dieu par excellence », ή Οιόπαις, col. 1481, 1485, 1488, Γ· immaculée par excellence », ή ΐμωμος, col. 1185, « qui a délivré Adam dc la malédiction ct payé la dette d'Èvc, · τού ’ Αδαμ. της κατάρας ή ·λύσ ;, τής ES ας τού οφλήματος ή πλήρωσις, col. 1489. C’est à saint Théodore Sludite (t 826) qu’il faut sûrement attribuer une homélie sur la Nativité dc la Vierge que Le Quicn a éditée sous le nom de saint Jean Damascène, P. G., t. xevi, col. 679-G98. La doctrine dc la conception immaculée s'y trouve expri­ mée de diverses manières. D’après Théodore, Marie est le inonde nouveau que Dieu a préparé pour rece­ voir le nouvel Adam. Avant dc former le premier homme. Dieu lui avait élevé le magnifique palais de la création. Placé dans le paradis, l’homme s'en fit chas­ ser par sa désobéissance, ct il devint avec tous scs descendants la proie dc la corruption. Mais celui qui est riche en miséricorde a eu pitié de l’œuvre dc scs mains, ct il a décidé de créer un nouveau ciel, une nouvelle terre, une nouvelle mer pour servir dc séjour à l’incompréhensible, désireux de reformer le genre humain, δι’ ανάπλασιν τού γένους. Quel est cc monde nouveau, cette création nouvelle, ή νιοφανης χτίσις ? » C’est la bienheureuse Vierge digne dc toute louange. « Elle est lecicl qui montre le Soleil de justice, la terre qui produit l’épi dc vie, la mer qui apporte la perle spirituelle... Que cc monde est magnifique! Que ccttc création est admirable, avec sa belle végétation do vertus, avec les fleurs odorantes dc la virginité!..· Quoi de plus pur, quoi de plus irrépréhensible que la Vierge? Dieu, lumière souveraine ct tout immaculée, a trouvé en elle tant dc charmes qu’il s’est uni ù elle substantiellement, par la descente du Saint-Esprit... Marie est une terre sur laquelle l’épine du péché n'a 923 IMMACILÉE CONCEPTION point poussé. Tout nu contraire clic a produit le reje­ ton par lequel le péché a été arraché jusqu'à la racine. C’est une terre qui n’a point été maudite comme la première, féconde en épines et en chardons, mais sur laquelle est descendue la bénédiction du Seigneur; et son fruit est béni, comme dit l’oracle divin, > γη έστιν, iç’ ήν τής άμαρτίας αχανΟα ούκ άνϊτειλε. Τουναντίον δε μάλλον διά του ταύτης Ιρνους Γ.ρόρρ·ζο; Ιχτέτιλται. Γή έστιν, ού/ ώς ή πρότερον ζατηραμε'νη... άλλ* έφ ήν ευλογία Κυρίου. P. G., t. cil., col. 68-1-685. C'est bien de l’exemption du péché originel qu’il s’agit dans ces deux dernières phrases. Plus loin. Théodore compare Marie au buisson ardentabsolument inaccessiblcau péché, ή κατά στέρησιν άβατος τή αμαρτία, col. 689, au bois incorruptible que le ver de la corruption peccamineuse n'a pas entamé, ξύλον ασηπτον, ή φθορά; άμαρτικής μή προσηκαμένη σχώληκα, col. 693. Marie est encore un paradis qui l’emporte sur l’an­ tique Éden. « Elle est la nouvelle pâte de la divine réformai ion, les prémices toutes saintes du genre humain, la racine de la tige dont parle le prophète, » τό νεόν φύραμα τής θείας αναπλάσεω; ή παναγία απαρχή του γένους, η ρίζα του Οεοφράστου κλάδου, col. 685. Toutes ces métaphores excluent le péché originel et supposent la sainteté initiale. Nous les avons déjà 1 rencontrées chez d’autres docteurs, et il est inutile de faire ressortir à nouveau le sens profond qu’elles recouvrent. Épiphanc, moine et prêtre du couvent de Kallislratos, à Constantinople, vivait à la fin du vin· siècle et au commencement du ix·. 11 a écrit une Vie de la sainte Vierge qui résume assez bien les données histo­ riques et légendaires familières aux byzantins. Il affirme très clairement non seulement que Marie était « vraiment sainte » à l’époque où elle séjournait dans le temple, De vita B, Virginis, 6, P. G., t. exx, col. 193, mais encore qu’elle était par nature, donc, dès sa conception et sa naissance, exempte de la con­ cupiscence : · Sa virginité et sa chasteté, dit-il, étaient à l’abri des tentations et des luttes qu’éprouvent les femmes les plus vertueuses. Elle tenait ces vertus de la nature, par un privilège qui l'élève au-dessus de toutes les femmes et de la nature humaine elle-même, >άλλ’ έκ φύσεως, δπιρ Ιστίν έξαίρετον πασών των γυναικών, καί ξένον τής ανθρώπινης φύσεως. Ibid., col. 197. Si Marie n’a pas été soumise à la concupiscence, à celte loi des n7rm&r«,quiestunedcssuiteslcsplus humiliantes du péché d’origine et que certains Pères semblent presque confondre avec le péché originel lui-même, si celte immunité glorieuse découlait comme spontané­ ment de sa nature, n’cst-cc pas l’indice sùr que Dieu lui départit, dès sa conception, le don de la justice ori ginellc? I Des innombrables tropaircs en l’honneur de la mère de Dieu ou lheotokia composés par saint Joseph l’H\mnographe(t 883) et actuellement encore dispersés dans les divers livres liturgiques des grecs, nous ex­ trayons quelques passages, qui montrent bien que leur auteur se faisait de la sainteté de la Vierge la même Idée que scs contemporains. L’ange dit à Anne : Tu concevras et tu enfanteras une fille sainte, tÇitç έν γαστρί καί τίςειτ κόρην αγίαν. Pitra, Analecta sacra Paris, 1876, 1.1, p. 398. Le canon pour la vigile de la Nativité de la Vierge renferme les passages sui­ vants : « De la stérile naît celle qui frappe le péché de stérilité, Notre-Dame toutc-sainte et tout-immaculée, > ex στείρας προσέρχεται τής άμαρτία; ή στείρωσις, ήπάναγ νος δέσποινα καί πανάμωμο;. P. G., t. cv, col. 984. « Une fille qui est plus élevée que les anges est enfantée sur la terre, dans une sainteté et une pureté incompa­ rables, » ιπί γης κόρη τίκτετχ·., έν άγιωσύνη ούσα καί καΟάισει ασύγκριτος. Ibid., col. 985. · Ο nature 924 humaine, privée des grâces précieuses du divin Esprit, réjouis-toi, stérile, en voyant naître la fille de Dieu, τήν Οεόπαιδα... Aujourd'hui la terre exulte : elle a \u paraître le nouveau ciel de Dieu tout agréable, ι τόν νεον ουρανόν Θεού τον τερπνότατου. Ibid., col. 989. Notre hymnographe a encore d’autres manières d’ex­ primer sa foi à la sainteté originelle de Marie. Tantôt il déclare que la Vierge est toute sainte, toute pure, tantôt qu’elle est seule immaculée, seule belle panni toutes les générations : « L’époux spirituel t’ayant découverte seule comme un iis très pur au milieu des épines, a fait en loi sa demeure, » σΐ μόνην τών άχανόων cv μίσο> εύραμενός σε τήν άμώμητον. Ibid., col. 1080. Parlant de la dormi lion de Marie, il écrit : < Les dis­ ciples du Verbe furent dans l’étonnement et la stu­ peur en te voyant dans le silence de la mort, ô Imma­ culée... Toi qui, au jour de ton enfantement, avals ignoré les lois de la nature, tu meurs maintenant en vertu d’une loi qui n’est pas faite pour toi, ô la seule pure, > νόμους φύσεως λαΟούσα τή κυήσει σου, τώ άνομίμω νόμω θνήσκεις, μόνη άγνή. Canon, ΠΙ, in pervi­ gilio Dormitionis, ibid., col. 1000, 1001. Qu’on remar­ que l’énergie de l’expression grecque : τω ανομιμω νόμο» θνήσκεις. La loi de la mort est illégale pour la Vierge, parce qu’elle est exempte de tout péché, parce qu'elle est la seule pure, μόνη αγνή. On possède de Photius trois homélies mariales, l’une pour la fête de la Nativité de la sainte Vierge, deux sur l’Annonciation. D’un long passage de la n® homé­ lie sur l’Annonciation il ressort clairement que le père du schisme grec a enseigné que Marie avait été exempte de la faute originelle : < L’archange va vers Marie, la fleur odorante et immarcescible de la tribu de David, le grand et très beau chef-d’œuvre de la nature hu­ maine, taillé par Dieu lui-même, τής ανθρώπινης φύσεως τό περικαλλές καί μέγα καί Οεολάξευτον άγαλμα. Cette Vierge cultive les vertus pour ainsi dire dès le berceau; elles croissent avec elle; sa vie sur la terre est digne des esprits immatériels... Aucun mouvement désordonné vers le plaisir, même par la seule pen­ sée, dans ccttc bienheureuse Vierge. Elle était tout entière possédée du divin amour, ήν όλη τω Οείω κάτοχος ιρωτι. Par cela et par tout le reste, elle annonçait et manifestait qu'elle avait élé véritablement choisie pour épouse au créateur de toutes choses même avant sa naissance, εις νύμφην ειη άφωρισμένη καί προγεννήσεως. La colère, cc monstre redoutable, elle l’enchaînait par les liens indissolubles du calme intérieur, et faisait de toute son âme le sanctuaire de la douceur. On ne la vit jamais relâcher les ressorts de sa mâle vertu et de son courage. Même durant la passion du Sauveur, dont elle fut témoin, elle ne laissa échapper aucune parole de malédiction et d’irritation, contrairement ά cc que font les mères quand eljcs assistent au supplice de leurs enfants... C’est ainsi que la Vierge mena une vie surhumaine, montrant qu’elle était digne des noces de l’Époux céleste, et donnant l’éclat de sa propre beauté à notre nature informe, qu'avait souillée la tache ori­ ginelle, καί τήν ήμετεραν άμορφον (δίαν, ήν 6 τών προγόνων ζατεχηλίδωσε ρύπος τω οικείο» έναγλ αιθούσης. C’est â elle que Gabriel, ministre du mystère de l’avènement du Roi, tient cc noble langage : · Salut, pleine de grâce; le Seigneur est avec toi, qui, par ton intermédiaire, va délivrer tout le genre humain de l’an­ tique tristesse et malédiction, > παν τό γένος δια αοΰ τής παλαιάς άπαλλάσσων λύπης καί άράς. Homil., n, in Annant. Deipara·, dans S. Aristarchis, Φωτίου λόγοι καί όμιλίαι, Constantinople, 1901, t. π, p. 372-374. Marie, ajoute l’orateur un peu plus loin, est la Vierge sans tache et toujours vierge, la fille immaculée de notre race, ή τού ήμε τίρου γένους αμωμος Ουγατήρ, qui a été choisie pour épouse au Roi et Seigneur de l'univers parmi toutes les habitantes de la terre. Ibid., p. 376. 925 IMMACULÉE CONCEPTION 926 Dans cc passage, on le voit, Phot lus a condensé toute ευαγγελίων άπαλιίφεται. Homil., π, (η Annunt.,ρ 379 la doctrine de l'immaculée conception. Marie a été Notons enfin que, dans une homélie sur l'IIypal'objet d’une prédestination spéciale. Elle a été choisie pante, Photius rejette expressément l'exégèse d’Oriavant sa naissance, parmi toutes les générations hu­ gène et de ceux qui l'ont suivi, sur le glaive qui trans­ maines, pour être l’épouse du créateur, la mère du perça l'Ame de Marie au pied de la croix : ο μϊντοε Verbe. Loin d’avoir été souillée par la tache originelle, λόγος ό λίγων όομοαίαν αυτής την ύζ/ήν έξ αμφιοβλίας elle embellit de sa propre beauté la nature humaine, guaOiîv, ώς μηποτ οΰκ εΐη θεός 0 σταυρονμανος, il privée de sa forme divine et maculée par le péché de τισεν Ιρρήθη, αλλ’ ουχ αν έμοί ρηΑείη. Aristarchis, nos premiers parents. Elle est la hile immaculée de op. cil., t. i, p. 185. Pour lui, il trouve également notre race, le chef-d'œuvre que Dieu a taillé de scs recevables et l’opinion de ceux qui entendent le propres mains. Elle a ignoré les mouvements désor­ glaive, de la douleur que ressentit Marie de la mort de donnés de la concupiscence, qui sont une suitedu péché son Fils, et celle de ceux qui y voient une allusion aux originel. Tout entière possédée du divin amour, son angoisses causées par la perte de Jésus enfant. âme avait sur elle-même et sur le corps ccttc maîtrise Georges, métropolite de Nlcomédie, ami intime de parfaite qui était un des privilèges de l'état d'inno­ Photius et chaud partisan de son schisme, fut un pré­ cence. Aussi n'a-t-elle jamais commis de péché actuel, dicateur particulièrement fécond. On possède de lui et sa sainteté acquise est allée de progrès en progrès. 170 homélies, dont une dizaine seulement ont été pu­ Les mêmes idées se retrouvent en maints autres bliées. Ces dernières, A l'exception d'une seule, célè­ endroits de ccttc n· homélie sur l’Annonciation, de la brent toutes la Vierge Marie. Les trois homélies sur i" sur le même sujet, et de l'homélie sur la Nativité. la Présentation au temple sont particulièrement im­ Détachons de ccttc dernière pièce le passage suivant, portantes pour le sujet qui nous occupe. L'orateur qui souligne la raison profonde du privilège de la mère enseigne que non seulement Marie était pleine de de Dieu : « L'incarnation était, en effet, le seul moyen grûcc antérieurement à sa présentation au temple, pour le Fils de Dieu de devenir fils de l’homme. Mais Homil., m, in Pre&cntationcm, P. G., t. c, col. 1453, l'incarnation suppose la naissance; la naissance est le mais encore que cette sainteté fut aussi ancienne terme de la conception et de la gestation. L'une et qu'elle-même : · Marie est, en effet, les prémices ma­ l’autre exigent une mère. C'est pourquoi il fallait que gnifiques que la nature humaine a offertes au créateur, sur terre une mère fût préparée au créateur pour re­ prémices vraiment dignes de Dieu, plus saintes et façonner cc qui avait été brisé; et ccttc mère devait plus pures que cc qu’il y a en nous de plus pur. Notre être vierge, afin que, comme le premier homme avait sainteté ne peut,en aucune manière, être comparée à été formé d’une terre vierge, de même un sein vierge sa sainteté ineffable et immaculée. > Ibid., col. 1444. fût l'instrument de la déformation, et que fût écartée La Vierge est la reine qui sc tient à la droite du roi. de l'enfantement du créateur toute idée de plaisir, Elle est belle par nature; point de tache en elle, ή même de celui qui est légitime... Mais quelle femme ωραία τή φύσει, καί μώμου ανεπίδεκτος. Elle est la véritable était digne de devenir la mère de Dieu et de prêter fontaine scellée, dont les eaux très pures arrosent la une chair ù celui qui enrichit l’univers? Pas une autre terre. On n'a pu surprendre dans sa limpidité le que celle qui naît aujourd’hui miraculeusement de moindre vestige du limon bourbeux. Elle donne nais­ sance au fleuve des grâces qui fait le tour de la terre, Joachim et d’Anne. » Ibid,, p. 348. Expliquant les paroles de l’ange ή Marie : < Tu as Iv η τής έζιίολουσης ίλύος ουχ έφωράΟη λε(|ανον· In trouvé grûcc devant Dieu, » Photius écrit : « La Présent., n, col. 1425. Elle a été inaccessible à la Vierge a trouvé grûcc auprès de Dieu, parce qu'elle concupiscence sous toutes scs formes; elle n été abso­ s’est rendue digne du créateur, parce qu’en ornant lument impeccable. L'aliment céleste qu’elle rece­ son Ame de la beauté de la chasteté, elle a préparé au vait dans le temple n'opérait pas pour elle la purifi­ Verbe un séjour tout désirable. Elle a trouvé grûcc cation des péchés, car elle n'avait point de péchés; elle auprès de Dieu, non seulement parce qu'elle a con­ était pure et indemne de toute souillure, καθαρά servé une virginité immaculée, mais aussi parce τε ουσα καί ρύσεως Απάσης ανενδέης. In Present., in, qu’elle a, en même temps, conservé sans tache sa col. 1448, 1449. Cette absolue pureté de l'Ame rejail volonté; parce que, dès sa formation dans le sein ma­ lissait sur le corps lui-même. Marie a ignoré certaines ternel, elle fui pleinement sanctifiée pour être le tem­ misères physiologiques qui font rougir les filles d’Èvc ple vivant de Dieu, temple tout d'une pièce, construit pécheresse, lorsqu’elles arrivent à l ûgc adulte. Aussi pour le roi de gloire, > fc’xi ou μόνον την παρθενίαν les Juifs auraient-ils pu la laisser dans le temple, même αχραντον οιετήρησεν, αλλά γε χαΙ την προαίρεσιν αμόλυντον après qu’elle eut atteint l’ûgc de puberté, et faire en ουνετήρησεν δτ: Ικ βοέτους χαΟηγιάσΟη θ<ω ναός Ιμψυχος sa faveur une exception à la loi. Ibid., col. 1452. C’est και άλαξευτός, τω βασιλει τής δόξης οίκοδομούμενος. par elle, l'immaculée, que l’image de Dieu, qui avait Homil., i, in Annunt., ibid., p. 236. On remar­ été défigurée par le péché, a recouvré son ancienne quera la gradation établie par Photius; de la virgi­ beauté. Elle est la médiatrice de notre régénération et nité du corps il passe à la virginité volontaire de la cause de notre réformation. In Procsent.,i, col. 1416. Toutes ces expressions suffisent à montrer que Georges l’Ame, Λ la sainteté acquise; de celle-ci 11 remonte Λ la sainteté passive, à la sanctification reçue par Marie de Nlcomédie partageait la doctrine de son ami b βρέφους, c'est-à-dire dès sa formation dans le sein Photius sur la perpétuelle et parfaite sainteté de la maternel, dès sa conception. On sait, en effet, que le mère de Dieu. Parmi les personnages qui jouèrent un rôle Impor­ mot βρέφος, dans son sens premier, désigne l’enfant tant dans l’affaire de Photius, sc trouve le moine dans le sein maternel. Ln coopération de Marie à l’œuvre de la rédemption byzantin Théognostc, ami fidèle du patriarche Ignace est exprimée en termes particulièrement énergiques et défenseur dévoué de sa cause. Les écrits qui nous dans les homélies photiennes. Marie a frappé le péché restent de lui se réduisent â fort peu de chose. Parmi de stérilité, τή; άμαμτίας ή στείρωσες. In Nativi!., ceux-ci sc trouve une homélie pour la fête de la Dor­ ibid., p. 334. Elle n réparé la défaite originelle, της mition renfermée dans le cod. 763 du fonds grccdc la γυναικείας παραπτώσεω; άνεχσλέσω τό ξττηυα. Homil.,1, j Bibliothèque nationale de Paris, du x· siècle, fol. 8-11. in Annunt., p. 244. Par elle le diable a été vaincu et Cette pièce débute par un magnifique passage sur la foulé aux pieds, l’amère sentence portée contre le perpétuelle sainteté de la mère de Dieu, demeuré genre humain a été levée : χαιρε, χεχαριτωμένη, δι’ ης ή jusqu'ici inaperçu. Après une phrase banale, disant xtx&à χατχ του γένους άπόφασις τω γλυχασμω τών αών ‘ que les discours les plus agréables à entendre sont 927 IΜM ACL LEE CONCEPTIΟN 928 ceux qui traitent de choses où le surnaturel ct le divin l’insinuer. Marie y est appelée la toutc-saintc ct tout sc mêlent à l’humain, l’orateur poursuit en ces tenues : immaculée fillcdc David, ή παναγία καί πανάμωμος tatr. « Il convenait, oui, en vérité, il convenait que celle διχή νίάνις. P. G., t. cit., col. 1 188, C'est de son sang qui, dès le commencement, grâce à une prière sainte, immaculé que le Fils de Dieu s'est formé un corps pur avait été conçue saintement (ou plus exactement : par ct exempt dc toute souillure du péché, έαυτώ h une action sanctificatrice) dans lo sein d'une mère των άχράντων αιμάτων της παναγίας παρθένου Μαρία; sainte, ct qui, sainte qu’elle était, avait, après sa διιπλάσατο καθαρόν χαί παντός μύσους αμαρτία; έίκνnaissance, été nourrie dans le Saint des saints, qui, Οερόν. Ibid., col. 1520. La mort de Marie n’a pas par le message d’un ange, avait reçu le privilège d’une été une vraie mort; elle s’est endormie d'un sommeil conception sainte, ct avait eu pareillement un enfan­ extatique comme Adam pendant la création d'Ève, ώ; έν υπνω παρίΟιτο, tement saint, il convenait, dis-je, que celle-là obtint τήν ψυχήν την παναγίαν τώ une domiition sainte. Car celle dont lo commencement col. 1593. L*Abou-Qourra grec parait donc marcher est saint, de celle-là aussi le milieu (c’est-à-dire la dans la vole dc la véritable tradition byzantine ct suite dc la vie) est saint, sainte la fin, ct sainte toute parler en fidèle disciple du docteur dc Damas. 11 n’en l’existence, » Ιπρίπιν γάρ, Ιπρεπιν όντως την Ις αργής va pas dc même de l'Abou-Qourra arabe, tel, du moins, ω’ il·/ής άγιας ί?ς μήτραν μήτρο; άγια; άγιαστιχών qu’il sc présente à nous dans l'édition dc scs œuvres, έμβρυωθ;?σαν, χαί |ΐετα τόκον cf; άγιων άγια άγίαν faite par Constantin Dacha, Œuvres arabes de Théo* έντραψιιβαν, οι’ αγγέλου άγίαν συλληψιν λαβοΰσαν, χαί την dore Aboucara, évêque de Haran, in-8°, Beyrouth, 200 χύησιν άγίαν έσ/ηχυΐαν, Ομοίως χαί την χοίμησιν άγία; pages. Dans lo VI· traité ou mimar, qui parle de ζομίσασθαι. ΤΙΙ; γάρ ή άρ/ή άγια, ταύτη; χαί τα μέσα l'incarnation et de la rédemption, on lit : « Le corps du Verbe incarné ne fut pas prisde la Vierge Marie avant άγια, χαί το τέλος άγιον, χαί πάσα η ίντιυξις άγια. Cod. 7G3 du fonds grec de la Bibl. nal. dc Paris, fol. 8 v°. De que le Saint-Esprit n’eût purifié ccllc-ci de toute tache tous les témoignages que nous avons apportés jus­ du péché. Et le Fils éternel dc Dieu a pris en clic ce corps dc son sang pur, sans tache, immaculé ct appro­ qu’ici dc la foi des Byzantins à la sainteté originelle prié par la descente de la divinité. > Georg Graf, DU do Marie, celui-ci est certainement le plus satisfaisant arablschen Schri/ten des Theodor Abïï-Qurra, Bischo/i ct le plus précis. On remarquera surtout l’expression von Harran, Paderborn, 1910, p. 182. Cf. C. Bacha, du texte original, à peu près intraduisible en notre Un traité des oeuvres arabes de Théodore Abou-Qurra, langue : την ε; αργής άγιαστικώ; έμόρυωΟε’σαν. Im­ possible de mieux rendre l’idée dc la sanctification évêque de Haran, Tripoli dc Syrie, p. 10. Cc pas in primo instanti. L’adverbe άγιαστικώς indique une sage, où est niée si catégoriquement l'absolue sain­ action sanctificatrice do la part dc Dieu. Théognoste teté dc la mère dc Dieu, est-il vraiment authenti­ ajoute : Ét* cl·/ή; άγιας, « par l’intervention d’une que? Je me permets d'en douter. On nous affirme sans prière sainte >. Celte prière des parents de Marie a été doute que l’Abou-Qourra qui a écrit en arabe est bien comme la cause Instrumentale morale par laquelle le même que celui qui a écrit en grec. Mais je remarque Dieu a communiqué à sa future mère les dons de la que C. Bacha a tiré son texte arabe d’un manuscrit grâce, dès le premier instant de son existence. L’in­ copié en 1735. G. Bacha, Un traité des œuvres arabes,clc.t tervention dc Dieu dans la naissance dc la Vierge n’a p. 8. C'est une date bien tardive. A cette époque, l’opi­ pas seulement consisté, en cfiet, à faire cesser la sté­ nion d'après laquelle la sainte Vierge aurait été purifiée rilité d’Anne. Il y a eu une action sanctificatrice di­ du péché originel, au jour dc l'annoncintlon, était recte, qui a fait que Marie a été vraiment Fille de Dieu, courante chez les dissidents orientaux dc ritc byzan­ θιόπαις, au point dc vue surnaturel. Remarquons aussi tin. L’affirmation du copiste, déclarant qu’il trans­ que Théognoste suppose admis le privilège de la con­ crit un manuscrit plus ancien, ne suffit pas à faire ception immaculée, ct s’en sert comme d’une majeure disparaître tout soupçon légitime. Il y aurait lieu, à pour conclure au privilège do l’assomption glorieuse. notre avis, d’examiner la question dc plus près, avant Il fait valoir, comme le fera plus tard Scot, la raison dc porter un jugement définitif. dc convenance, επρεπεν. Mais l’objet, comme le point 4° Écrivains du Xe siècle et de la première moitié du XP. do départ do la démonstration, n’est pas le mémo. — Au seuil du x® siècle, nous rencontrons, parmi les Pour le théologien byzantin, la conception immaculée panégyristes dc l’immaculée, Nicétas David, dit le va dc soi et n’a pas besoin d’être prouvée. Paphlagonlcn, parce qu’il fut évêque dc Dabybra, Plus pâles sont les expressions dc la sainteté origi­ en Paphlagonie, Parmi les discours édités sous son nelle de Marie que nous rencontrons dans le panégy­ nom sc trouve une homélie sur la Nativité dc la sainte rique dc Joachim ct d’Anne, composé par Cosmas Ves­ Vierge, qui est curieuse à plus d’un titre. Nicétas unit, titor, qu’on suppose avoir été un dignitaire dc la cour en cfiet, dans son discours, le souvenir dc la naissance de Léon le Sage. Dans cc morceau, Marie est appelée terrestre dc Mario à sa naissance glorieuse, au ciel, le jour de son assumption. Certains théologiens n’y ont un paradis vivant, παράδεισο; Ιμψυ/ο;, un rameau pas prêté attention, ct ont invoqué en faveur dc la sans défaut de la souche humaine, κλάδος ανέγκλητος, une perle immaculée, une colombe sans tache, la fille conception immaculée le passage suivant : « 1 ïonorons en cc jour la naissance dc la Théotocos, non pas seule­ sanctifiée de Joachim et d’Anne» ήγιασμένην θυγατέρα. ment sa descendance charnelle d’une mère stérile, Anne a conçu pure celle qui a été la mère virginale du mais beaucoup plus encore sa naissance spirituelle dc Verbe, την άσπόρως οίςαμένην τον ά/ώρητον Λόγον la grâce d’en haut, πολλώ δε μάλλον την έκ τής άνωθεν αγνήν έν μήτρα συνέλαβες. Sermo in SS. Joachim ct γίριζος κατά πνίνμα γεννησιν αυτής. > In diem nata* Annam, P. t. evr, col. 1009. Cf. Canon in Concept. tern S. Mariæ, P. G., t. cv, col. 28. Or, cette naissance Deiparæ, Ibid., col. 1016. Avant dc clore cc paragraphe sur les docteurs des selon l'esprit produite par la grâce d’en haut est celle vn-ix· siècles, dont nous venons dc constater l’en­ par laquelle « la Toute Sainte, affranchie complète­ tente parfaite sur la perpétuelle sainteté dc la mère ment dc la vie terrestre, est allée trouver le céleste Époux. > Ibid., col. 28. dc Dieu, nous devons signaler une voix discordante, L'orateur soutient une autre théorie non moins celle du théologien arabe Abou-Qourra, évêque dc Haran, mort après 813. 11 fut disciple dc saint Jean surprenante pour nous : conformément à la doctrine dc certains Pères grecs, entre autres dc saint Cyrille Damascènc, et écrivit à la fois en grec ct en arabe. Scs opuscules grecs publiés dans la P. G. dc Mignc, d’Alexandrie, il enseigne que Marie, tout comme les L xcvn, col. 1461-1602, loin dc contenir quoi que cc apôtres, n’a reçu la donation personnelle dc l’Espritsoit dc contraire au privilège marial, paraissent plutôt I Saint que lo Jour de la Pentecôte. Avant ccttc date, 929 IMMACULÉE CONCEPTION 930 elle n'avait que la sainteté imparfaite des justes dc tionern, P. G., t. cvn, coi. 12. Ce passage peut sc l'ancienne loi, sainteté qui excluait, du reste, la passer dc commcntairc.il dit clairement que Marie persistance du péché originel. Que, des sa conception, n’est point tombée sous la malédiction primitive, la future mère deDieu ait été exempte Γνα μη τό πάντα χαενοτομείν την φύστε τής conçue dans un sein stérile plus par la force de la pro­ συγγένειας χωρίζηται. In B. Mariæ Assumptionem, messe dc Dieu que par l’action de la nature, τω col. 160. Saint Euthyme, patriarche dc Constantinople ( 1917), ρήματι τής έπαγγιλίας του Οίού μάλλον ή τ<δ λόγω τής ςύσίως έν τή στ<ιρωτιχή συλληφϋιίσαχαί χυοφορηΟίϊσαγαστρί. est l’auteur de deux homélies mariales, dont la ir· fut Ibid., col. 24. Elle est un don parfait et tout aimable, composée pour la fête de la Conception d’Anne ct sc qui vient du Père des lumières ct qui manifeste déjà trouve dans le Cod. laudianus 69 de la Bodléfenne, quelque chose dc sa gloire future, col. 25. Sa concep­ fol. 122-126, qui est du xi· siècle, ct la u* est consacrée à la fête de la ceinture de la Vierge ct des langes du tion revêt, dès le début, un caractère extraordinaire ct son entrée dans la vie est nouvelle, ή σύλληψις ευθύς Seigneur. Dc cette dernière Lipomanus fit paraître une ξένη καί ή πρός τον βίον αυτής είσοδος καινοπρεπής, traduction latine dans le L vî de son De vitis sanctorum, col. 17. Elle est l’enfant toute belle, la beauté p. 217-219, reproduite dans P. G., t. cxxxî, col. 12431250, en la mettant sous le nom d'Eu thyme Zigadc Jacob que Dieu a chérie, le trésor très saint du Saint-Esprit, le remède qui a chassé la tristesse ori­ bène. Nous en avons trouvé le texte original dans le ginelle. La malédiction dc nos premiers parents, sous cod. Vatic, grxcus 1671, qui est du x· siècle, contempo­ laquelle tombait tout le genre humain, c’est elle qui rain, par conséquent, de l’auteur de l'homélie. A l’a fait disparaître, τό τής άρχεγ&ου λύπης αναιρετικόν l’exemple dc Jean d’Eubéc, Euthyme parle d'une in­ tervention spéciale des trois personnes divines pour φάρμαχον έόλάστησεν αρτ:· δτι τής προγονικής αρας, η παν τό βρότιιον ύποπκπτώχει γένος ή άφίνισις πάρε στη préparer au Fils de Dieu une mère digne dc lui. Au col. 17. Comment, dès lors, admettre que cette jour delà conception d’Anne, le Père, par le concours malédiction l’ait atteinte elle-même? Si Nicétas n’ap­ dc Joachim ct d’Anne, façonne pour son Fils unique paraissait pas au milieu dc contemporains qui ont une mère sur la terre. Le Verbe sc prépare une de­ parlé plus clairement que lui, sa véritable pensée meure, un trône, un lit dc repos, une chair pure ct pourrait rester douteuse pour nous; mais comme il immaculée, καί σάρκα χαΟαραν χαί άμόλυντον. Au même jour, le Saint-Esprit fuit briller sa lumière aux est entouré dc toute part dc partisans avérés du privilège de Marie, il nous est permis dc donner à i yeux dc l’humanité, à laquelle il redonne la vie, qu’il ses expressions un peu vagues une signification en délivre dc la grande infection (du péché, évidemment), harmonie avec le contexte du milieu historique où e> qu’il remplit d’une joie immense ct du parfum dc la grâce, καί μεγίστης δυσωδίας έλτυΟερώσαν· L’orateur il vivait. Parmi les contemporains dc Nicétas sc trouve l’em­ parle ensuite dc la chute de nos premiers parents, pereur Léon le Sage (t 911), dont nous possédons qui a entraîne celle dc leur descendance. 11 nous fait quatre homélies mariales pour les fêtes delà Nativité, assister nu conseil divin qui décrète l’incarnation dc la Présentation, dc l’Annonciation ct de la Dormi­ du Verbe; mais avant dc réaliser cc dessein, avant dc tion. Dans l’homélie sur la Présentation nous lisons descendre sur la terre pour relever sa créature déchue, le passage suivant : « Quelle est celle, s’écrie l’impérial le Fils de Dieu commence par sc préparer une demeure orateur, qui s'élève comme un lis au milieu des épines toute brillante, un palais magnifique, un tabernacle dc l’humaine malice? Quelles sont ces prémices inso­ très pur ct très saint d’un sang pur, immaculé ct lites, ces prémices do toutes les plus précieuses? Voici illustre : · Cc tabernacle c’est aujourd’hui, ô mystère I qu’il le construit, le façonne, le sanctifie pleinement ct que notre terre, qui ne produisait que des épines à cause dc la malédiction, devient maintenant fruc­ le confie à la race élue entre toutes les générations, tifère. A celui qui la rend fertile elle présente avec aux descendants de David ct dc Jessé, ù Joachim et actions de grâces, comme prémices d’un grand prix, Anne, couple illustre ct rempli dc piété,» χαί τούτο • un fruit qui n'a point l'amertume coutumière, mais les σήαερον, βαδαΙ του μυστηρίου, πλαστουργεί χαί διαπλάττει saveurs dc la bénédiction. Cc fruit, c'est Marie; c’est χαί καθαγιάζει χαί παρέχει τή έχλίλιγμίνη έχ πασών γενεών elle qui a été choisie pour l’épouse magnifique du φυλή. Nous avons bien là l’affirmation dc la pleine Monogène, » τίς αΰτη ή άνατέλλουσα ώς κρίνον έν μ/σω sanctification dc Marie in primo instanti conceptionis, ζκ ανθών τής ΐΛρωπίνης έν χακί? συγχύσεως... "Αρτι La même doctrine sc retrouve, mais avec moins γχο ή διά χατάραν άχανΟο^όρος, πρός τό εύφορον μεταβαλουσα dc relief, dans l’homélie sur la ceinture de la Vierge. καί καρπόν ένεγκουσα ου κατά την συνήθη πικρίαν, άλΛα La sainte Théotocos est é’^' éc au-dessus de toute γλυκασμόν ευλογίας έαφαίνοντα, ώς ίντιαον απαρχήν ευχα­ créature visible et invisible; elle est la pure, l’immacu­ ριστούσα τω χαρποΜτη φέρει. In B. Mariæ Présenta- lée, l’innocente, la to»’tc ,rrcprochable ct toute bello DICT. DE THÉOL. CATIIOU VIL —30 931 1ΜΜ A C ULEE CON C E PT IO N Épouse du Père incompréhensible. Elle est glorieuse et glori liée en tout, au-dessus , φθορά, car l’orateur a dit, quelques lignes plus haut, que le genre humain avait été condamné, à cause du péché, à la mort et A la corruption, o:z την αμαρτίαν Οανάτω χατακριΟ/ντες καί τή φθορά· I bid,, col. 1360. L’Idée dc la conception immaculée est encore insinuée par l’appellation dc < fleur du genre humain » donnée à Marie, τό του γένους άνθος, col. 1361, et surtout par le passage suivant : « Réjouissons-nous tous en voyant commencer A être planté dans le sein d’Anne le rejeton dc la noblesse originelle dc notre nature, » δρώντες την της ήμετίρας ευγένειαν φύσεως αρχομένην έν τή γαστρί τής ’Άννης φυτεύεσΟαι. Ibid., col. 1353. Saint André dc Crète avait salué la Vierge comme l’image tout à fait ressemblante dc la beauté primitive. C’est une pensée Identique qu’exprime ici Pierre d’Argos, mais en la mettant expressément en relation avec le début de l’existence de Marie dans le sein dc sa mère. La vie dc Jean le Géomètre est encore une énigme pour l’histoire. On le fait vivre habituellement dans la seconde moitié du x· siècle, mais c’est plutôt une conjecture qu’une certitude. Son discours sur l’An­ nonciation et cinq hymnes en l'honneur de la Vierge permettent de le ranger parmi les docteurs du privi­ lège marial. Jean établit d’abord le parallèle clas­ sique entre Marie et Eve : < Dc même que la malédic­ tion et la tristesse ont été transmises au genre hu­ main par un seul homme et une seule femme, c’est dc même par un seul homme et une seule femme que nous arrivent la bénédiction et la joie. » /n Deiparæ Annuntiationem, P. G., t. evr, col. 820. La bénédic­ tion, la joie sont pour notre orateur synonymes dc grâce sanctifiante, de vie divine, et s’opposent à la malédiction et à la tristesse, tenues qui désignent le péché origine). Or, voici qu’il affirme expressément que Marie a été conçue dans la joie : « Salut, ô toi, qui as été conçue dans la joie, qui as été portée in utero dans la joie, qui es née dans la joie, -/αιρε χαρά μεν συλληφθεΐσα, χαρά οι κνηθίισα, χαρά δε τεχθε'σα, et qui, 932 à ton tour, as conçu dans la joie, ns porté et enfanté dans la Joie qui dépasse toute parole et tout senti­ ment. Tu es la commune joie du ciel et de la terre, l’orgueil de notre race, l'embellissement des deux, l’ornement des deux mondes.» Ibid., col. 845. Aussi, lorsque l ange vient saluer la Vierge et lui faire les propositions du divin Epoux, elle a sa dot toute prête. Cette dot, c’est la plénitude de la grâce, qu’elle a reçue dc l’Esprit-Saint et qui l a rendue digne dc ccs noces célestes. Ibid., col. 817; ci. col. 820. Sans doute, le Saint-Esprit va descendre de nouveau en elle pour préparer la voie au Fils cl rendre la chambre nup­ tiale brillante de pureté, προχαθαιρον τον θάλαμο#. Mais cette purification ne saurait être considérée que comme un décor dc luxe qui vient s’ajouter à un embellissement déjà ancien, μάλλον δε προσκαλλωπίζον; car bien avant le salut de l’ange, dès sa concep­ tion, Marie a été purifiée et embellie, d και προχεχάΟαρται καί προκεχαλλώπισται. Ibid., col. 825. Dans scs hymnes mariales, Jean le Géomètre ex­ prime sa foi A la conception immaculée dc deux autres manières. Il parle d’abord d’une intervention spéciale de Dieu, qui a eu pour résultat d'écarter d’elle toute atteinte du péché : « Salut, ô corps virgi­ nal formé par les mains divines. Salut, ô Vierge, en qui rien n’a passé du péché des mortels. Salut, ô corps tout immaculé, qui réunis en toi la beauté céleste et la beauté terrestre, »χαΓρε, δέμας παγεν UôΟεν αίγληίντος Όλυμπου, ήμιρίης ζ.αζίης ούδεν άφελκομενη· Hymnus, ni, ibid., col. 861. Il déclare ensuite que la Vierge est venue au monde dans l’état dc justice originelle. Parmi les épithètes qu’il lui donne dans la cinquième hymne, se trouvent celles de νεώοσμος et dc νεόπλαστης, « monde nouveau », < créature nouvelle ». La deuxième hymne renferme le salut suivant : « Salut, rejeton de la vieillesse, planté dès le début dans le jardin verdoyant et délicieux du paradis. » Ibid., col. 857. El dans la troisième, Marie est saluée comme l’orgueil de notre nature, le chef-d'œuvre dc l'artiste divin, qui a mis tout son art à la façonner, la beauté idéale personnifiée, ornée, dés sa naissance sainte, des quatre vertus cardinales, χαΐρε, κόρη, φυσεως αυχημα, άγαλμα πλαστόν, δεςάμενον τ:χνην πάσαν αριστοτέχνου* χαίρε, καί έκ πισυρων παγίν έκ γενετής άγνοφυτου, άρχεγόνων αρετών εμπνοον αυτάκαλον. Ibid., col. 861. Notre poète met le comble à ccs magnifiques éloges en appelant Marie la seconde après Dieu, la seconde après la Trinité, δευτϊρα τής Τριάδας. Hymnus, r, col. 857. 5° Témoignages d'auteurs inconnus ou anonymes.— Nous n’avons cité jusqu’ici que des textes empruntés à des écrivains sur lesquels l’histoire fournit des don­ nées plus ou moins détaillées. En dehors de ccttc lit­ térature authentique et suffisamment située dans le temps, il y a la littérature apocryphe mise sous le nom dc quelque écrivain illustre, et la littérature attri­ buée à des auteurs dont le nom seul est connu, sans qu’il soit possible dc dire à quelle époque Ils ont vécu. Les écrits dc l'une et l’autre espèce sont assez nom­ breux. Essayons d’y glaner quelques témoignages plus ou moins explicites de la croyance des byzantins à la perpétuelle sainteté dc la mère dc Dieu. Interrogeons d’abord la littérature apocryphe ou anonyme. Il existe trois homélies sur l’Annonciation faussement attribuées A saint Grégoire le Thaumaturge. P. G., t. nr, col. 11 15-1178. Elles paraissent avoir le même auteur, et sont sans doute postérieures au concile de Chnlcédolnc. Cf. O. Bardenhewer, Ceschiclde der allkirchtichen Literatur, Frlbourg-cn-Brisgau, 1903, t. r, p. 288. On y trouve des passages dignes d'attention : « (’.’est à bon droit, lisons-nous dans la ir·, que Marie, la première entre toutes les femmes, a reçu cc salut dc l’ange : Ave gratia plena. Car tout le 933 IMMACULÉE CONCEPTION trésor dc la grâce était en elle. Seule parmi toutes les générations, elle a été vierge de corps et d’esprit, » i h πασών γαργηίών, αύτη μόνη παρθένος άγίασώυατι καί πνιύματι γέγονίν. P. G., /. ci/., col. It 19. < Avec la Belle est le plus beau des enfants des hommes; avec l’Innnaculéc celui qui sanctifie tout, > μχτα τής ώρα·'ας ' 6 ώραίος κάλλη r.sys τονςυΐοός τών ανθρώπων, α:τά τής ! άτ.άνταυ ό άνίάζων τα συμπαντα. Ibid., col. 1152. Marie est encore appelée la seule sainte, μόνην τήν ίγ'α/. col. 1152, la seule en qui la chute d’Eve a été réparée, h μόνη τή άγια παρθένω το έκιίνης πταίσμα άνχσίσωσται, col. 11 18. La ιι· homélie exalte la sainteté acquise de la Vierge. Elle a mené dnns une chair mortelle une xie digne d’un être Incorruptible· Elle a été engendrée plus sainte et plus pure que toute autre créature humaine, possédant une Ame plus blanche que la neige et un corps plus épuré que l’or le plus net, col. 1157. C’est le paradis toujours verdoyant dc l’incorruptibilité . dans lequel l’arbre de vie a été planté pour offrir â tous le fruit de l’immortalité· Grâce à elle, les héritiers d'Ève ne craignent plus l’antique malédiction, et elle a été pour les filles d’Ève le principe dc la réformation, συ αυταίς άρ/η τής αναπλάσίως γέγονας... οΰκίτι οί κληρονόμοι τής Ε7ας φοβούνται την άρχαϊαν χατάραν, col. 1157,1160,1165. Dans la ιιι· homélie, le passage suivant est surtout remarquable : « Gabriel fut envoyé pour préparer à l’Époux sans tache sa chambre nuptiale. Un servi­ teur Incorporel fut envoyé vers une vierge Immaculée. Celui qui était exempt de péché fut envoyé vers celle qui est à l’abri dc la corruption, > άπιστάλη ό αμαρτίας έλώθιρος προς την φθοράς άνεπίδίκτον, col. 1172. L’usage des Pères grecs comme aussi le contexte indiquent assez que le mot φθορά désigne la tare ori­ ginelle. Marie ressemble à l’ange par sa pureté et son impeccabili té. L’ange est incorporel; c'est pourquoi il est exempt dc péché. Bien que revêtue d'une chair, la Vierge n’a contracté aucune souillure. La lettre des prêtres et des diacres d'Achatc sur le martyre de saint André n’est pas antérieure au v· siècle. Écrite probablement en latin, elle fut dc bonne heure traduite en grec et mérite, à cc titre, que nous nous en occupions. Cf. Bardenhcxver, op. cit., t.i, p. 135, et Bonnet, La passion deiapôtre André. En quelle tangue a-t-elle été écrite? dans la IJyzantinischc Zeitschrift, t. m, p. 458-169. On cite habituel­ lement comme exprimant la doctrine dc l'immaculée conception le passage suivant : < Puisque le premier homme, qui a introduit la mort dans Je monde par la transgression du bols,avait été formé d’une terre sans tache, il était nécessaire que le Fils dc Dieu naquit homme parfait d’une vierge immaculée pour renouve­ ler la vie étemelle aux hommes qui l’avaient perdue par la faute d'Adam, » έπιιθη έκ τής άμωμητου γης έγςγόνίΐ δ πρώτος άνθρωπος, δ δια τήςτουξύλουπαραβάσίως , τον θάνατον ι·*ς τον κοσμον ί’σαγαγών, αναγκαίον όπήρ’/cv ίνα έκ τής άμωμήτου παρθένου ό του Θίου Υίος τίλιιος άνθρωπος γιννήθη, και ζωήν αιώνιον, ήνπιρ άπολωλ/κιισαν, διά του * \οαμ αότός άνακαινουργηση. P. G., t. n, col. 1225. Ce texte est certainement très suggestif. Si | Marie avait contracté la souillure originelle, elle n’aurait pu fournir au Verbe une chair immaculée destinée à purifier et Λ racheter la chair pécheresse; le nouvel Adpm n'auralt pas été absolument sem­ blable à l’ancien, formé d’un limon Immaculé. La Vierge aurait pu, sans doute, être purifiée avant l’incarnation, mais cette purification, supposant une souillure antécédente, l’aurait mise en état d’in­ fériorité vis-à-vis de la matière toute neuve et tout immaculée dont Dieu avait pétri le corps du premier homme, et celte Infériorité aurait passé au nouvel Adam en regard de l’ancien. Une chair puri­ 934 fiée n’est pas une chair immaculée. C’est pourquoi « il était nécessaire que le Fils dc Dieu naquit d'une vierge immaculée. » Parmi les homélies faussement mises sous le nom de saint Athanas*, celle qui est intitulée : In occursum Domini, dit dc Marie qu'elle est un paradis planté par Dieu, παράδιισος θιοφύτ<υτος. P. G., t. xxvm, col. 993. Cette expression mérite d'être notée. De l'homélie De laudibus sanctae Marne Deiparsr, attribuée à saint Éplphane, signalons les expressions suivantes : Anne enfanta la sainte fille Marie, ciel et temple du Verbe, épouse de la Trinité, plus belle que les chérubins et les séraphins, brebis sans tache, Iis immaculé, tenant le second rang après Dieu. Sa grâce n'a point dc bornes, χάρις ή απέραντος τής άγ ας παρθένου. C'est elle qui à relevé Ève de sa chute et ouvert à Adam le paradis fermé. P. G., t. xun, col. 488, 489, 492, 493, 496, 501. Nous n’avons trouvé aucun texte intéressant dans les autres homélies apo­ cryphes attribuées aux Pères des quatre premiers siècles. La Chronique d’HIppolyte dc Thèbes, qui a dû être écrite entre 650 et 750, est mélangée de beaucoup d’interpolations. Le texte xix dans l’édition dc F. Dickamp, liippolytosoon Theben, Munster, 1898, p. 51, est ainsi conçu : « Après sa conception en vertu dc la promesse et sa naissance d’un sein stérile, obtenue par la fol, la prière et la demande de scs parents, ceux-ci amènent au temple de Dieu, pour l’offrir comme un don au Dieu dc toutes choses, la Vierge qui leur avait été donnée par faveur dc la part du Dieu Très-Haut comme un don dc sainteté, » ώς δώρον αυτοίς άγ: άσματος προς θιο·υ του θψίστου δοθιισαν έν yiztzi. L’expres­ sion δώρον άγ: άσματος semble bien faire allusion à la sanctification initiale dont Marie a été l'objet dès sa conception. Dans un sermon d’un anonyme du χ·-χι· siècle sur l'image miraculeuse dc la Vierge dite Ilomaia, Ρωμα a, Texte und Unlersuchungen, 3· série, t. ni, p. 258-259··, sc trouve un long passage, qui développe l’idée sim­ plement indiquée dans la lettre des clercs d’Achaîe sur le martyre dc saint André, et d’où ressort, par voie dc conclusion directe, que Marie a été exempte du péché originel : « Grande, dit l’orateur, est la gloire de la Théotocos, et non seulement les hommes, mais les anges eux-mêmes doivent la magnifier. Les hommes le doivent, parce que,si cc sanctuaire pur et tout imma­ culé dc la divinité du Verbe ne se fût rencontré, au­ cune chair n’eût été sauvée. Tous les autres hommes, en effet, étaient doublement pécheurs, et par leur vo­ lonté, et par le péché d’origine. Ayant glissé dans la corruption, le chef du genre humain, ό γοάρ/ης, devint lui-même pécheur, misérable et mortel, et le genre humain lui aussi tout entier, en tant qu’il est conçu, porté dans le sein et enfanté du même père pécheur, mortel et corruptible, devint aussitôt pé­ cheur, mortel et corruptible, έγένιτο μχν αυτός αμαρ­ τωλός χαι ταλαίπωρος καί θνητός, Ιγένιτο οέ τό γ<νθς τών ανθρώπων δ/.ον, ώς έκ τοΰ αυτού αμαρτωλού και χυΐσκόμτνον χα! γ<ννώμ<νον, αμαρτωλόν αυτικα καί θνητόν καί φθαρτόν. Et comme cc premier père avait paru À l’existence sine semine, ανιυ σποράς, Dieu le façonna, en effet, d’une poussière prise d’une terre encore toute pure et sans souillure, από χαθαρωτάτης (τι γής καί αμιάντου, voilà pourquoi pour la reformation,προς ανάπασιν, du chef et dc toute sa race, la Vierge pure cl sans tache engendra virginalcment, aveu σποράς. Dieu, qui pénétra dans son sein tout immaculé, fut conçu, porté et enfanté homme parfait et Dieu par­ fait. Dès lors quelles dignes actions dc grâces pourra rendre à la mère de Dieu la nature humaine, qui a été sauvée dc ccttc manière. Mais quelle ne fut pas la pureté, quelle ne fut pas la beauté et l’éclat dc l’âme 935 IMMACU LÉE CONCEPTION au-dessus dc toute pureté dc celle qui a contenu en elle 1’Infini ct l’incompréhensible 1 > Λ lire attenti­ vement cc passage, on voit clairement que l’orateur suppose que Marie a été exempte non seulement de toute faute personnelle, mais aussi de la faute origi­ nelle, dont il parle d’une manière si expresse. La Vierge est séparée de la masse des descendants pécheurs d'Adam pécheur. Si ce sanctuaire pur ct immaculé dc la divinité du Verbe ne sc fût rencontré, nulle chair n'eût été sauvée. Et puis, il fallait que Mario jouât pour le second Adam le rôle dc la terre toute pure ct sans tache d’où le premier Adam avait été tiré. Panni les écrivains dont l’histoire nc connaît que le nom, signalons d'abord ce mélodc Georges dont le cardinal Pitra transcrit une poésie liturgique dans scs Analecta sacra, 1.i, p. 276. D’après ccttc pièce, Marie est seule immaculée, ή αχραντος μόνη, et l’emporte en pureté sur toute créature. Elle est le temple sanc­ tifié de Dieu, une terre sainte, la toison qui n'a point été Imbibée par la corruption, πόκον ανι/.μον φθοράς. On sait que le terme de φθορά est un dc ceux qu'em­ ploient couramment les byzantins pour désigner le péché originel. Pitra donne également, ibid., p. 528, un poème d’unautrcmélodcdu nom deCosmas,différent,semblet-il, du célèbre Cosmas dc Majuma. Dans la 7· strophe il est dit que Marie nc doit pas subir la corruption ! ignominieuse dc la tombe, parce que Dieu, en vertu d'une predilection, a fait d’elle une créature nouvelle â l’avai.vc, c’est-à-dire avant le moment fixé ordinai­ rement pour recevoir la grâce de la régénération, ό θεός προαν/πλασι κατ’ εκλογήν. Cette άνάπλασις préalable ct privilégiée, qui soustrait la Vierge à la corruption, paraît bien s'identifier avec cc que nous appelons la conception immaculée. A. Ballcrini a publié sous le nom dc Théodore l'er­ mite, Sylloge monumentorum, t. n, p. 210-240, une homélie sur l’annonciation, dans laquelle Marie est appelée l’arche vivante cl toute sainte dc Dieu, qui n’a pas connu le déluge, le prix dc rachat dc nos fautes, αντίλυτρον τών πταισμάτων, la Beauté dc notre nature, celle par laquelle nous avons obtenu dc parti­ ciper A la nature divine, nous que la désobéissance originelle avait rendus difformes, την ωραιότητα ήμών τής φίσεως, δι* ης οί κακόμορφοι τή παρακοή, Οίίας αξιώθηκαν γινίσύαι φύσιως. · Célébrons, dit l’orateur, nous, les terrestres, en notre titre dc frères, celle qui est notre grand sujet dc gloire auprès dc Dieu, celle qui est l'ornement tout aimable dc toute la création et qui s’est élevée dc notre nature pécheresse, τό έχ τής αμαρτωλού ημών άναολαστησαν πάσης τής κτίσεως πολυποΟητον σίβασμα. Ne sais-tu pas, disent les hommes à l’ange Gabriel, que notre race possède en elle le seul contrepoids à sa chute? ότι μόνην I αυτήν τό γίνος αντιστήριγμα τής ζαταπτώσεως χζτησατο. Ensevelis dans les ténèbres dc nos péchés, nous n’avons pas d’autre œil lucide qu’elle seule pour contempler la Lumière sans déclin. > Il est clair que Théodore l’ermite sépare Marie dc tout le reste du genre humain ct suppose qu’elle a été exempte dc la tare originelle. 6° Conclusion sur cette première période. — De la longue série des textes que nous avons mis sous les yeux du lecteur il ressort, si nous nc nous abusons, que les byzantins, à partir du concile d’Éphèse, n'ont pas seulement formulé d’une manière implicite le dogme catholique dc l’immaculée conception, mais qu’ils l’ont cru d’une foi explicite, ct nous ont laissé dc ccttc fol explicite des expressions suffisamment claires. Sans doute, très souvent, ils ont donné de cette vérité une formule positive. Au lieu dc dire : t Marie a été préservée de la souillure originelle, > ils ont dit . · Marie a été pleine de grâce, pleinement 936 sanctifiée dès son apparition dans le sein maternel. Elle est une créature nouvelle, créée A la ressemblance d'Adam innocent, sur le modèle primitif. > Mais très souvent aussi, nous l'avons vu, ils ont employé l’ex­ pression négative. Le tout est de remarquer ccllc-cl, en sc souvenant, d’une part, que le dogme dc la chute originelle est constamment rappelé dans les écrits mariologiques des théologiens byzantins,ct en faisant attention, d’autre part, ù la terminologie particulière dont ccs théologiens font usage pour désigner cc que nous appelons le péché originel. Quant aux objections qu’on a fait valoir commu­ nément jusqu'ici pour faire disparaître ou du moins affaiblir la force probante des témoignages byzantins en faveur du dogme défini par Pie IX, elles ne tiennent pas debout, à la lumière des textes que nous avons produits. L’objection fondamentale, celle qui a trait à la prétendue ignorance du dogme dc la chute origi­ nelle dans l’Église grecque, est une erreur historique de premier ordre, dont la persistance étonne. La puri­ fient ion dont Marie fut l'objet, d’après certains anciens Pères, le jour dc l’annonciation, nous a été expliquée communément par les docteurs dc l’époque que nous venons d’étudier, non dc l’effacement d'une souillure quelconque, mais d'une augmentation dc sainteté. C'est à peine si deux ou trois textes, celui dc Théodotc d’Ancyre, celui dc Chrysippe dc Jérusalem ct celui de Théodore Aboucara présentent quelque difficulté; ct encore avons-nous vu que, pour les deux premiers, on trouvait le pour ct le contre. Il n’y a dc vraiment hostile A la parfaite sainteté dc la mère dc Dieu que le texte arabe dc Théodore Aboucara. C'est le cas dc dire qu’une hirondelle nc fait pas le printemps. Quant au glaive de la prophétie du vieillard Siméon, nous avons constaté également que l'exégèse origéniste, prêtant A Marie au pied dc la croix un doute positif sur la divinité de Jésus, était définitivement écartée. Si quelques auteurs s’en inspirent encore, c'est pour transformer le doute positif en une sorte dc ten­ tation fugitive, qui n’a pas laissé d’impression dans l’âme de la Toute-Saintc. L’interprétation qui a cours maintenant est celle qui voit dans le glaive la douleur dc 1a mère assistant ct compatissant aux douleurs ct à la mort dc son Fils. Il ne reste plus que les affirmations générales sur l'universalité du péché originel, ou les propositions qui disent que Dieu seul est saint ct pur. Que ccs sortes d’affirmations ne puissent être invoquées contre le privilège dc la sainteté initiale de Marie, tant que ceux qui les profèrent n'en font point l’application expresse A celle-ci, c’est, je crois, cc qui n’a pas besoin d’être démontré autrement que par l'usage courant dc l’Écriture, des Pères ct des théologiens tant modernes qu’an­ ciens : dc formuler souvent la loi générale sans tou- ♦ jours signaler l’exception unique; d’autant plus que Marie n’a pas été précisément placée en dehors dc la loi, mais soustraite ù l’application dc la loi. Une fois que son attention a été attirée d'une ma­ nière spéciale sur la personne auguste dc la Théotocos, la pensée grecque s'est élevée très vite à la contem­ plation dc la pureté immaculée dc la Toute-Saintc, saluée par l'ange pleine dc grâce ct bénie entre toutes les femmes. Si parfois ccttc pensée nous paraît si peu explicite, si elle s’exprime souvent par simples allu­ sions, cela vient non dc son imprécision foncière, mais dc la possession pacifique où elle est d'uitc vérité qui pour elle vadcsoi,ct que personne ncsongo à contester. Il est presque à regretter qu'une petite controverse nc soit survenue pour obliger ccs byzantins A nous parler plus clairement ct A contenter ceux qui veulent toujours dc l'explicite verbal ct les termes mêmes dc la définition ex cathedra. III. Doctrine des byzantins, du xi· au xv· 937 I Μ M A CILÉE CO N C E PT 10 N 938 La consommation du schisme entre l’Église accorder la Jouissance dc la vision béatifique anté­ romaine ct l’Église grecque sous Michel Cérulalro rieurement à la conception de Jésus, Οπερ τα Σ<ραn’exerça aucune influence immédiate sur le dévelop­ φίμ, και zplv ή σύλλαβε tv» όρωσα Ηεό·/. pement de la théologie mariale chez les byzantins. Jean Mauropus, métropolite d’Euchaïte, qui parait Cette théologie continua sa marche pacifique jusqu'à avoir vécu/Ians la seconde moitié du xr siècle, a laissé la chute dc Constantinople. C’est A peine si, A partir un long discours sur l’Assomption, publié par A. Bal­ du xtv· siècle, le contact de la théologie occidentale lcrini, op. cit., t. n, p. 549-602. Plusieurs passages dc l’oblige à préciser ses termes, ct si l’on devine comme cet écrit montrent que son auteur se faisait de la une influence do l’école dominicaine sur la pensée dc sainteté de Marie la même idée que les théologiens deux ou trois auteurs. Autant que nous pouvons en antérieurs ct contemporains. Il dit, d’une part, que, juger, les byzantins restèrent à peu prés étrangers A grâce à Marie, « nous nc sommes plus soumis aux châ­ la célèbre controverse qui mit aux prises, en Occident, timents originels, que nous nc sommes plus les esclaves les fils dc saint François ct ceux dc saint Dominique, dc la malédiction ct dc la corruption ct que la mort n’a plus d’empire sur nous, » Ballcrini, op. cit., p. 600, à propos du privilège marial. 1° Théologiens dcsxi9,xile cl xm· siècles.— Le pre­ et dc l’autre» il appelle Marie l’immortelle, ή αθάνατος» mier panégyriste dc l'immaculée que nous rencon­ les prémices dc la vie» ή απαρχή τής ζωής, la no­ trons autour dc Michel Cérulairc est son ami inter­ blesse originelle, le type idéal de la nature humaine, mittent, le célèbre polygraphe Michel Pscllos(t 119?), ή του γένους ευγένεια» le produit excellent de la qui fut théologien à ses heures. Il nous reste dc lui un création ct le fruit magnifique du monde, ή ευφορία τής discours encore Inédit sur l’annonciation, qui se κτίσεως, τό μέγα το5 κόσμου γεώργιον» la beauté incom­ trouve dans le cod. 1630 du fonds grec, à la Biblio­ parable dc l’univers, τών έν κόσμω τό καλλιστον. Parlant de sa mort, il s’écrie : < Non, la terre ne thèque nationale de Paris, xiv· siècle, fol. 240-211. Commentant la salutation angélique ct développant saurait retenir cc qui est céleste, ni la corruption le parallèle classique entre Ève ct Marie, Pscllos écrit : entamer ce qui est immaculé. Aussi le corps tout < L’ange ajoute : Tu es bénie entre les femmes. L’ex­ incorruptible dc la Vierge sc réunit sans retard à pression fait pendant A la malédiction, puisque la son Ame tout immaculée, > ού γάρ ήνιγκιν ή γή τό Vierge est introduite à la place d’Ève, comme Dieu A ουράνιον σύδ' ή φθορά τό άχήρατον. ”EvW τοι ψυχήν la place d’Adam. De même qu’au paradis,la transgres­ ολως άμωμον δλως άφΑαρτον σώμα μιταοιώχχι. Ibid., sion fut suivie dc la malédiction, dc meme ici, la béné­ ρ. 577. Qu’on remarque que, dans cc dernier pas­ diction s’attache à l’obéissance. Et jusqu’à la Vierge, sage, l’exemption de la corruption du tombeau, dc ce notre race a hérité sans interruption dc la malédiction fruit du péché originel, est mise en relation avec le dc la première mère. Puis la digue contre le torrent a pureté Immaculée dc l’Amc et du corps dc la Vierge, été construite, ct c’est la Vierge qui est devenue le Comme tant d’autres théologiens. Jean Mauropus rempart qui a arrête le déluge des maux. Bénie es-tu ] admet en Marie une augmentation dc sainteté, au parmi les femmes, toi qui n’as ni goûté dc l’arbre dc moment dc l’incarnation du Verbe: «Par la voix dc la science ni transgressé le commandement, ma’s qui l’ange. Dieu la proclame bénie ct pleine dc grâce. as été déifiée, ct qui as déifié notre race, · καιμεμένηχε Bénie, pleine de grâce, elle l’était déjà; elle va l’être μέχρι *ή? παρθένου τούτο δη τό γένος κληρονομούν τήναοάν davantage sur l’heure, > εύλογημένην τ< προσώπων καί τής προμητορος. ΕΙτα ώκοδομήΟη τό Ερυμα τής έπιροοής χεχαριτωμένην καλίσας την καί προϋπάρχονταν ταύτα xal γέγονεν Ιπιτείγισμα ή παρθένος τής των χαχών καί παραχρήμχ πλέον ΰπάρξσυσαν. Ibid., ρ. 562. C’est vraisemblablement aussi vers la fin du ni· siè­ έπ·.λυ?εως. Ευλογημένη συ £ν γυναιξίν ώς μήτε του ξύλου γευσαμένη τής γνώσεως, μήτε παραβάσα την εντολήν, ή cle qu’a vécu ce Jacques le Moine dont A. Ballcrini a publié cinq homélies mariales, en plus dc celle αυτή τ< ΟεωΟεϊσα και τό γένος Οιώσασα. Loc. cit., fol. qu’avait déjà éditée Combe iis, P. G., t. cxxvn, 242-213. C’est bien dc l’exemption dc la faute originelle que col. 543-700. C’est un écrix ain diffus et sans originalité, parle ici Pscllos. Notons aussi cet autre passage sur qui s’est beaucoup inspiré dc scs devanciers, parti­ l’absolue pureté ct sainteté dc la Vierge : « Min dc culièrement dc Georges dc Nicoinédic. On trouve contracter quelque impureté dc son union axée la chez lui à peu près tous les lieux communs dc la rhé­ matière, l’Amc de Marie communiquait à son corps torique mariale. Signalons les expressions qui insi­ une beauté toute spirituelle. Seule entre toutes les nuent ou supposent la sainteté originelle dc Marie. Aines humaines, ccttc Ame brillait dans son corps Celle-ci est appelée ή απεφόκαχος, ή άπιίρατος κακίας, immaculé comme une splendeur céleste. Elle le conte­ celle qui a Ignoré le mal ct le péché. In Deiparae Visit., loc. cit., col. 665; In Annunt., col. 649. Dieu a nait plutôt qu’elle n’étalt contenue par lui, et lui communiquait son propre éclat, plongée qu’elle était conservé sa servante à l’abri dc tout reproche ct de tout entière en Dieu. On aurait dit un dieu avec un toute condamnation, άχατάγνίοστον τήν οΰιετιν σου corps, μόνη γάρ αύτης ή Οεοιιδεστάτη ψυχή, ωσπ»ρ τις διετήρησας. In Visit., col. 665. Elle embellit la laideur ουρανία αίγλη, τώ ακηράτω έχείνω Ιπέλαμπε σώματι, dc là nature, ct fait disparaître par sa maternité fol. 211. Ce corps immaculé de la Vierge fut, du reste, l'ignominie que cette nature lient de la transgression formé dc la plus pure substance des éléments et originelle, αΰτη τό αχαλλίς Ιγκαλλωπίζει τής φύσεως, καί uréparé pour être le sanctuaire do l’Amc» » τό τήν Ιχ πχραβασίως προσγίνομένην άδοξίαν τώ οίκιίω έχιίνης σώμα έκ κρείττονος τής τών στο·χε:ων ουσίας δοξάζει τόκω. Ibid., col. 68t. Elle est les prémices, les συμπέπηχται, xal ώσπερ ιερόν άδυτον τή χατε- seules prémices du genre humain, les prémices dc la στευασται. Ibid. Comme les autres théologiens dc bénédiction, ή τής ευλογίας απαρχή, In Visit., col. 681 ; Byzance, notre orateur n’ignore pas que Marie a été cf. col. 564; le rejeton verdoyant ct non dégénéré l’objet, nu moment dc l'incarnation du Verbe, d’une dc notre race, le seul rejeton qui ait été l’objet d’un certaine purification; mais.comme eux, il l’entend amoursouvcraln, ή ιύόαλήςπαοαφυάς, ή εύγινής παφαφυάς d’un surcroît dc grâce cl dc lustre surnaturel donné A τού γένους τόμονον τής φ>σεως ύπιρηγαπημςνο/ βλάστημα, In Nativit., col. 589; In Present., col. 628, 629; la son Ame par le·· Irradiations dc l’Esprit-Saint, άράζον την φύσιν αυτής, Γνα μάλλον άστράύη καί πρός taooovrv source non bourbeuse, ή αΟό/ωτος -ηγή. In Visit., col. 677. Sa beauté n’a pas été altérée, τήν άνοΟευτον τού Λόγου τηλαυγ;στ<ρχ φανή. 11 affirme positivement que, bien avant le salut do l’ange, la Vierge était πεοιχημένη (ομαι’οτητα. In Natio., col. 589. La concu­ remplie dc la grâce dc Dieu, κεχαρίτωτο γάρ πάλαι, piscence n’a eu aucune prise sur elle, et l’amour όλη προσαναχκμένπ theâ. 11 va même Jusqu'à lui | divin a progressé en elle parallèlement à la croissance siècle. — 939 IMMACULEE CONCEPTION du corps. Jn Annunt., col. 637,649; Jn Visit., col. 676. Nous trouvons une doctrine plus explicite chez Théophylactc, archevêque dc Bulgarie (f fin du xi· siè­ cle). Dans son homélie sur la Présentation dc la Merge au temple, il allirm positivement que Mariv firt jus­ tifiée dés le sein maternel : · Il fallait dit-il, que celle qui, par sa pureté ct sa sainteté, l'emportait sur toute la nature, ct qui avait été justifiée dés le sein maternel, échappât à la sévérité d'une loi qui n’était pas faite pour le juste, mais pour les seuls pécheurs » (il s’agit de la loi qui interdisait l’entrcc du saint des saints), την ur.t? πάσαν την φύτ.ν άγιασΟέΐσαν τή χαΟαρότητι χαι διχα ωΰιισχν έχ μήτρας. In Prasent. Ji. Maria:, J\ G., L cxxvi, col. 137. L’expression ix μήτρα;, ab utero, est vague par elle-même, ct peut s’entendre dc tout le temps dc la gestation. M justification ix μήτρας peut tout aussi bien signifier la justification in primo instanti conceptionis que la sanctification in utero matris, sed post conceptionem. Les Pères disent que l’union du Verbe avec la nature humaine a eu lieu ix μήτρας, c’csl-à-dirc dès le premier instant de la conception. Cf. S. Cyrille d'Alexandrie, Commonito­ rium ad Ciclestinum papam, P. G., t. lxxv, col. 85, 87; pscudo-Athanasc, Contra Apollinarium, 1. I, c. L, P. G., t. xxvi, col. 1097. Par contre, la liturgie grecque emploie la même expression en parlant delà sanctification postérieure Λ la conception, de la sanc­ tification in utero dc saint Jean-Baptiste ct dc plu­ sieurs autres personnages comme Samuel, Jérémie, Euthyme le Grand. Cf. les Mênies au 20 janvier, au l*r mai, etc. Quel sens Théophy lacte donne-t-il, dans Je cas présent, aux mots : διχαιωΟησαν lx μήτρας ? Nul doute, d’après nous, qu’il ne veuille dire cc que nous a déjà dit le moine Théognostc, à savoir que Marie a reçu la grâce dc la justification dès le premier instant immaculée, il fallait qu'elle fût elle-même exempte b ή ουδίν όπωστιούν δυπαρίας ή αμαρτίας ίχνος υπο- dc toute souillure; il fallait qu’elle fût les prémices dc νοήσαι ή φαντασβήναι δλως ένδίχεται. Ιίωςάν ΐφλίξε τό l’humanité restaurée. C’est pourquoi Dieu est inter­ άσπιλον χαΐ παναρ^υπαρδν χαι άγιον τής αειπάρθενου σώμα. venu directement pour former sa future mère, que Η. Μ. Stevenson, Theodori Prodromi commentarii in notre moine appelle un levain pétri dc ses mains carmina sacra melodorum Cosmic Hierosolymitani et divines, θεόπλαστος ζύμη. Germain II, patriarche dc Constantinople (1222Joannis Damasceni, Home, 1888, p. 52. Quand Théodore affirme qu’il est absolument impossible dc supposer 1240), a composé, entre autres discours, une longue ou d’imaginer en Marie la moindre trace dc souillure homélie sur l’Annonciation, qu’a publiée A.Ballcrini, ou de péché, il n’a pas seulement en vue les péchés per­ Sylloge, t. n, p. 283-382. Deux passages de celte pièce sonnels, mais aussi la souillure originelle. Cc théolo­ méritent d’être cités ici. Expliquant les paroles dc gien d’aventure, en effet, parle plus dc vingt fois dc la Vierge à l’ange : < Comment cela sc fera-t-il, puis­ que je ne connais point d’homme? >l’orateur s’écrie: cette souillure dans le commentaire liturgique d’où « Que tu ne connaisses point d’homme, cc n’est pas lù nous avons tiré le passage qu’on vient dc lire. Il l’appelle « le péché qui sc glisse furtivement en nous pour toi chose bien considérable. La merveille, c'est pour notre malheur, · ή παρειφΟαρεϊσα χαχώς ήμ’ν que ton esprit est d’une pureté souveraine ct reste αμαρτία, ibid., ρ. 35; la mort, la corruption, la souil­ inaccessible au moindre mouvement déréglé ct incon­ lure que lave le baptême, la souillure pcccamlncusc venant. Tu es un paradis planté par Dieu, ct dès que dc la nature humaine, βάπτισμα χάΟαρσις υπάρχει τής tu as été engendrée d’après les lois particulières qui αμαρτίας των Ιχ γής πλασΟίντων, — ό άμαρτητιχος τής t’ont donné ta nature, Dieu a chargé les chérubins d'agiter en cercle autour dc toi leur épée flamboyante ανθρώπινης φύσε ως ρύπος, ρ. 76, 79. L’historien et théologien Michel Glykas, qui mourut pour te conserver dc toute part inaccessible aux em­ dans les premières années du xn· siècle, a manifesté bûches du serpent perfide, » παράδεισος cl Οεοφύτευτο sa croyance à la conception immaculée dc Marie en χαι iÇ δτου τοίς σοις πεφυτουργήσαε φυτοσπόροις φύσεως parlant deson Assomption glorieuse. A deux reprises, νόμοι;, τα Χερουβίμ ϊτχξ«ν ο 0εός χαι την φλογινήν ρομφαίαν τήν στρεφομίνην χυχλόβεν σου στρίφεσθαι, χαι dans scs Annales, P. G., t. clxvhi. col. 410, ct dans sa JTX/Z· lettre théologique, S. Eustratradès, Μιχαήλ παντόβενανεπιβούλευτονσυντηρείν έχ τοϋ δολ’.ο'φρονος οφεως. τού Γλυχα είς τας απορίας τής θείας γραφής χεφαΑοια, Op. cit., ρ. 370-371. L’idée de la sainteté originelle dc Athènes, 1906, t. i, ρ. 262, il a transcrit le pas­ Marie ct dc sa préservation dc la tache originelle nous sage dc l'homélie dc Jean Phournès sur la Dormi­ parait sc dégager clairement dc cc passage. Germain tion que nous avons cité plus haut, où il est question marque bien que l’intervention spéciale dc Dieu dans des deux corps dc Jésus ct dc Mario, prémices dc l’in- la formation dc sa future mère a eu lieu dès le corruntibilité, par opposition aux deux corps d’Adam premier instant dc sa conception, Ιξ δτου πεφυτουρct d’Eve soumis aux ravages dc la corruption à cause γήσαι τοίς σο’ς φυτοσπόροις φύσεως νόμοις. Du reste, la même doctrine est exprimée dans cet autre pas­ dc la transgression. Nous trouvons aussi un témoin du privilège marial sage : < Èvc a été maudite; Marie a été remplie dc en Néophyte le Reclus (t vers 1220), qui a laissé un la grûcc. La racine est amère; le fruit est plus doux volumineux scrmonnalrc encore inédit. Le cod. 11S9 que le miel. La racine a été ensevelie dans la terre du fonds grec de la Bibliothèque nationale dc Paris pour y être la proie dc la corruption; le fruit plane renferme deux dc scs homélies mariales pour les fêtes nu-θίν ανθρώπινης «ύγινιίας άψΐυδής άγαλμα. Sophoclis, ρ. G. · Voulant créer une image do la beauté absolue ct manifester claire­ ment aux anges ct aux hommes la puissance de son art, Dieu a véritablement fait Marie toute belle. Il a réuni cn ellctoulcslcs beautés partielles, quril a distri­ buées aux autres créatures,ctl'aconstituéclc commun ornement de tous les êtres visibles ct invisibles; ou plutôt il a fait d'elle comme un mélange de toutes les perfections divines, angéliques ct humaines, une beauté sublime embellissant les deux mondes, s’élevant de terre jusqu'au ciel ct dépassant même cc dernier... Elle est aux frontières du créé et de l’incréé, αύτη μονή μίθόριόν έστι χτίστης χαι άχτιστου φύσιως. 1η Dormit. Deipara, Ρ. G., t. eu, col. 468, 472. Seule parmi tous les hommes, Marie est apparue parfaite cn tout, ne manquant d’aucune perfection ù n'im­ porte quel point de vue, μόνην των ανθρώπων ές αιώνας μηδινός έλλιπή κατά μηδέν φανιίσαν. In Proesent., π, Sophoclis, ρ. 142-1 3. Sc faisant delà sainteté de Marie une idée si sublime. Palamas ne pouvait évidemment entendre que d'une augmentation de sainteté cette purification du jour de l’annonciation dont parlent certains anciens textes : « Tu es déjà sainte ct pleine de grâce, ô Vierge, dit l’ange à Marie; mais le Saint-Esprit viendra de nou­ veau sur toi, t'apportant une augmentation de sainteté comme préparation au mystère divin qui va s'accom­ plir cn toi, » Ot’ αγιασμού προσθήκης ύψηλοτέρας έτοιμαζον χαί προκαταρτίζον την έν σοι Οιουργίαν. In Annunt., Ρ. G., ibid., col. 176. Les louanges que Nicolas Cabasllas (f 1363) donne à la Toutc-Sainte ne sont pas inférieures à celles que nous venons d’entendre sur les lèvres de Grégoire Palamas. Dans trois homélies mariales encore inédites ct conservées dans le cod. 1213 du fonds grec de la Bibliothèque nationale de Paris, cc théologien déve­ loppe surtout cet le pensée que « Marie est le type idéal de l'humanité, qu'elle seule a pleinement réalisé l'idée divine de l’homme ; qu’elle est l'homme par excellence.» 11 parle d’abord d’une intervention toute spéciale de Dieu pour former le corps ct l'âme de sa future mère. Sans doute plusieurs autres saints personnages ont partagé avec Marie le privilège de naître par miracle de parents stériles, à la suite de prières adressées au Seigneur. Mais entre la naissance de la Vierge cl la leur, il y a toute la différence qui existe entre la cause ct scs cilcts, entre la réalité cl la figure : « Marie seule a été véritablement le fruit d’une prière sainte, parce qu’en elle il n’y avait rien qui pût inspirer l'aversion ou la haine. Seule, elle a été un don de Dieu, digne à la fois d’être donné à ceux qui le demandaient, et d’être reçu par eux; rien, en effet, dans cc présent, qui fût indigne do la main du donateur et de celle du destinataire. C’est pourquoi il était naturel que la nature ne pût contribuer cn rien ù la génération de ΓImmaculée, ct que Dieu fit tout cn cette œuvre, écartant la nature pour former lui-même immédiate­ ment, pour ainsi dire, la Bienheureuse, comme il créa le premier homme. Et la Vierge, cn ctlct, n’est-elle pas, à proprement parler, le premier homme, la première ct la seule qui ail montré cn elle la nature humaine? » έπιί rat μάλιστα και χυριώτατα πρώτος άνθρωπος ή παρθένος ή πρώτη καί μόνη την φύσιν Γδι-ςιν. Homil. in Nativ. Ii. AI a ria, cod. cit., fol. 3r°.Cctledcrnièrcpensée,Cabasilas ne cesse de la répéter : « Seule parmi les hommes qui ont vécu ou vivront au cours des siècles, la Vierge a tenu ferme contre l’iniquité, depuis le commencement de son existence jusqu’à la fin; seule, 946 elle a remis à Dieu dans son intégrité la beauté qu’il nous donna, καί τώ Θιώ τό παο* αυτού δοθέν / ακήρατον απίδωκι κάλλος; seule de tous les hommes qui ont vécu dans le passé ou qui vivront dans l’ave­ nir, la bienheureuse Vierge a gardéla forme humaine dans toute sa splendeur, pure de toute forme étrangère. Aucun des autres, dit le prophète, n’est exempt de souillure, την άνθρωπίίαν (δία» σώσχσα λαμπρως ςίδούς ιίλ κρ'. νή παντός άλλοτρίου μόνη των Ώ/νων καί τών Γπίιτ* Ισομένων ανθρώπων ή μακαρια νος. Ibid., fol. 4 v®. La pureté absolve de Marie et son exemption de la faute originelle sont proclamées cn plusieurs autres endroits des mêmes homélies : < Le mur de séparation, la barrière de l'inimitié n'existaient pas pour elle, ct tout ccqui tenait le genre humain éloigné de Dieu était enlevé de son côté. Avant la réconciliation commune, elle seule fit sa paix; ou plutôt elle n'eut jamais, cn aucune manière, besoin de réconciliation, ayant, dès l’origine, tenu la première place dans le chœur des amis. Mais c’cst pour les autres hommes qu’elle fut médiatrice de paix, μάλλον ocσπονδών έκείνη μίν ούδααώς ουδιπώποτι έδιηθη, κορυφαίος έξ αρχής έν τω τών φί/.ων ισταμχνη γόρω. » In Annuntiationem, fol. 17 v®. Le rôle de la Vierge a été tout pareil à celui de l'arche, qui, lors du naufrage universel de la terre, sauva l’homme ct sa postérité, ct échappa elle-même à la catastrophe commune. Ibid. Marie, dit encore Cabnsilas, est la terre nouvelle et le nouveau ciel : elle est terre, parce qu’elle tire son origine d'ici-bas; mais c’cst une terre nouvelle, parce que par aucun endroit elle ne tient de scs ancêtres,ct qu’elle n’a pas hérité de l’antique levain. Elle est, selon l'expression de saint Paul, une pâte nouvelle, et commence une race nou­ velle, γη μ<ν ότι, έχηθεν* καινή δέ, ότι τοίς προγόνοις ούδαμοΟίν προσήχί», ουδέ τής παλαιας έχληρανόμησι ζύμης, άλλ* αυτή, χατχ τόν του Παύλου λόγον, φύραμα νέον κατέστη, και νέου τίνος ήρςατο γένους. In Dormitionem, fol. 37 v®. La Vierge est l’épouse toute belle des Cantiques, cn qui il n’y a aucune tache : « Le ciel lui-même, dit l'Écriturc, n’est pas pur devant toi, Seigneur (Job, xv, 15). > Mais l’amie de Dieu, la Vierge, n’est pas seulement pure de tout mal; elle est belle; ct pas simplement belle, mais toute belle : Tu es toute belle, est-il écrit (Cant., iv, 7). De même que la lumière que nous voyons, tout cn embellissant les choses visibles, ne sc trouve pas cn elles toutes, mais seulement dans le disque du soleil; de même la beauté de l’humanité, ct toute la noblesse el la grâce qui or­ naient notre nature avant qu'elle perdit Dieu, et tout l’éclat qu’elle aurait eu, si elle avait observé la loi, la sainteté qu’elle avait, ct celle qu’elle n’a pas eue ct qu’elle aurait dû avoir sc sont concentrées dans la bienheureuse Vierge seule. Ibid., fol. 38 v®. Personne n’a été saint avant la bienheureuse Vierge; elle a été la première ct la seule à être absolument exempte de péché. Elle s’est montrée sainte, ct sainte entre les saints cl plus encore, οΰδίίςγάρ άγιος πριν clvat την μαχαρίαν, άλλα πρώτη καί μόνη τής άμαρτας καΟάπας απηλλαγμινη,έαυτην τ< άγ'αν ïoctÇt, χαί άγ·.αν άγ ων καί cï τι μιΐζον. Ibid., fol. 40. Si quelques saints docteurs ont dit qu’elle avait été préalablement purifiée par le Saint-Esprit avant de devenir la mère du Sauveur, il faut croire qu’ils ont entendu celle purification dans le sens d’une augmentation de grâces. Les docteurs parlent, en effet, des anges de la même manière, ct disent qu’ils sont purifiés. Lien qu’il n'y ail cn eux rien de mauvais, την κάθαρσιν προσθήκην χχρίτων χύτοίς βούλίσΟαι γρή νομίζιιν, οι καί τους αγγιλους τόν τρόπον τούτον φασί ί χαθαιρςσθαι παρ’ οίς ούδίν πονηρόν. In Nativit. Deipara, i fol. 7 v®. Nicolas Cabasilns ne sc contente pas d’affirmer la parfaite pureté cl sainteté de Marie. 11 donne les rai- 947 IMMACULÉE CONCEPTION sons de cc privilège. La première de ces raisons est ainsi formulée : < I! n’est pas vraisemblable que Dieu n’ait pas orné sa mère de tous les biens, qu'il ne l’ait pas faite aussi bonne, aussi belle, aussi parfaite que possible, ούτε τόν θεόν tfxb; την μητέρx την έχυτού μη πασι χοσμζσαι τοίς αγαθοί; κχ! προ; τόν πάντων αρ·.στον χαί χάλλ:στον χαίτελεωτατον πλάσαι τρόπον. > In Annunt., fol. 20 ν°. Dieu ne pouvait s’incarner que dans une créature tout Λ fait innocente. Si la Vierge avait eu la moindre accointance avec le péché, il ne serait pas descendu. Jn Nativ., fol. 6 v°. I-a seconde raison qui postulait pour Marie l’exemp­ tion de tout péché ct do toute souillure est l’honneur même du créateur considéré comme tel. Dieu portait dans son intelligence l’idée de l’homme parfait, de l'homme pleinement conforme ά scs desseins. En créant Adam, il avait voulu réaliser cct idéal, mais le péché avait contrecarré son plan. Pour la gloire de l’artiste divin, pour l’honneur du législateur suprême, il fallait qu'une créature humaine, au moins une, produisît au dehors dans toute sa splendeur le concept divin; il fallait un homme pleinement homme montrant par l’exemple de sa parfaite obéissance que lo législateur n'avait pas manqué de sagesse ct n'avait pas imposé une loi impossible à observer. Le second Adam ne pouvait être cct homme pour deux raisons : tout d'abord, étant Dieu par nature, il ne pouvait montrer en sa personne notre nature dans sa simplicité. Par ailleurs, étant absolument impeccable, il ne se trou­ vait pas dans la condition de l'homme Ici-bas, il ne pouvait choisir entre Je bien ct le mal. Cct homme Idéal, c’est la Vierge qui l'a été, en vertu des décrets divins. Ibid., fol. 8-9. La troisième raison est aussi fort ingénieuse. Il fallait, dit notre théologien, qu’avant de s’unir dans la personne du Verbe, les deux natures, la divine ct l’humaine, fussent manifestées séparément dans leur Intégrité respective, έ/ρην φανηναι πρότερον έχάτερον «ρα . Ibid., fol. 9 V°. Enfin, pour réaliser son grand dessein de réformer notre nature ct de la couronner par la merveille de l’union hypostatique. Dieu attendait un aide digne de lui être associé. Cct aide, il l’a trouvé en Marie : < L’Immaculée n’a pas créé l’homme, mais elle l’a trouvé dans la perdition. Elle nenous a pas donné la nature, mais elle l’a conservée. Elle a prêté son concours â l’artiste pour réaliser son chef-d'œuvre. A cc chefd’œuvre clic a rendu cc qu’il était auparavant; l’ar­ tiste, lui, lui a ajouté cc qu’il n’était pas; mais il n’au­ rait pas fourni co second élément, s'il n’avait trouvé le premier. » Ibid., fol. 10 r°. Mathieu Cantaeuzène, empereur de Constantinople (1351-1356), a laissé un commentaire du Cantique des cantiques, dans lequel on trouve plusieurs affirma­ tions indirectes de l’absolue sainteté de Marie. Non seulement la Vierge est l’épouse toute belle en laquelle il n'y a point de tache. P. G., t. cui, col. 1037, mais encore elle a été la première à érhapperaux liens des démons, πρωτην την παρθένον τού; εκείνων διαφυγοίσαν δεσμού;, ibid., col. 1010; elle seule est venue nu monde comme étant du principe de la foi, συ μόνη, ώ; απ’ αργή; τής πίστεως ούσα, έλευση πρός τόν βίον. Ibid. Après la malédiction, la terre produisit des épines, source d'amertume pour les hommes. 1 .a cause de cette malédiction a été supprimée, quand a paru le doux fruit de vie; mais avant lui, devait s'épanouir la fleur, parmi les femmes qui ont eu la tristesse en partage. Ibid., col. 1016. Nous retrouvons la doctrine de Nicolas Cabasilas dans les homélies mariales de l’un de ses successeurs sur le siège de Th essai on i que, Isidore Glabas (f 1397). Comme Cabasilas, Isidore volt en Marie le type ideal de l’humanité. C’est à cause d’elle que Dieu a dit, en 94S formant l’homme : c Faisons l'homme ά notre image ct à notre ressemblance, » car ni Adam ni aucun autre n'a réalisé pleinement l’idée divine de l’homme, oûtl γαρ Άδαμ, ούχ άλλο; τις τών έ; έχείνο; τό του ανθρωπείου μίτρον πεπλήρωχεν έ/τελώς υύου;. Ilomilia in Annual,, Ballerlni, Syllogc, t. n, p. 426-427. Elle est l'homme tout à fait nouveau, ό καινότατος, créé à la ressem­ blance divine pour coopérer avec Dieu au salut des hommes. Ibid., p. 428-429. « Du haut du ciel Dieu regardait, cherchant s'il trouverait sur terre quelqu’un qui fût selon son cœur ct qui parût capable de délivrer les hommes. Et il n’en découvrait pas un seul: tous n’étaient bons ù rien; tous étaient infectés du venin du serpent. Mais voici qu’après de nom­ breuses générations apparaît la Tou le-Immaculée, ce chef-d’œuvre sublime dont la vertu, pour employer l’expression du prophète, u couvert les deux, ct dont l'éclat a rayonné sur toute Ja terre, nu point d’éclipser l’astre qui nous éclaire. Dieu alors opère par la Vierge de grandes merveilles. Il délivre les captifs des mains du tyran ct rend maîtres ceux qui étaient esclaves. Ibid., p. 39G-397. Isidore parle ά maintes reprises de l’intervention spéciale de Dieu dans la formation de sa future mère, intervention qui a eu pour effet d’écarter d’elle la souillure originelle : · Joachim ct Anne sont magnifi­ quement exaucés dans leur demande, ct ils engendrent ce fruit merveilleux qui est apparu comme la beauté ct l’ornement de toute la terre... Il convenait, en effet, que des personnages ά l’ûmc si élevée, qui étaient parvenus au sommet de la perfection, qui préféraient Dieu à toute chose terrestre, dont l’esprit brillait d'une lumière divine, ne devinssent pas les parents d’une autre que de cette bienheureuse Vierge, ct il convenait aussi que celle-ci, dont la grandeur est ineffable, ne fût pas la fille d'autres que de ceux-là. Il fallait de plus que la cause première ct déterminante de l'union dans laquelle la Vierge devait être conçue ne fut pas autre chose qu’un entretien avec Dieu, afin que, de la manière que cela était possible, la TouteImmaculée seule pût échapper ù la loi dont parle le prophète ct affirmer d’cllc-mêmc : « Je n’ai pas été « conçue dans l’iniquité; » je suis la seule dont Ipmèrc n’a pas conçu dans le péché; ct cela même est compté nu nombre des merveilles que le Tout-Puissant a opé­ rées en moi, fv’ ώς οϊόν τε ην, ή πάναγνος ϊ/οι μόνη χαϊτό προφητικόν έκε?νοδιαφυγεΐν·και ούχ έν ανομίαις συνελήφθην, ουχ έν άμαρτιαις εκισσησέ με μόνην ή μήτηρ μου, περί έαυτής φασζειν, έκεινω χαί τούτου συαπεριιιλημμένου τω χαταλόγω, ών μοι μεγαλείων έ ποίησε ν ο δυνατό;. » In Pnrscntationem Dei pane, Ballerlni, op. ei/.,p. 443-445. De cc passage II convient de rapprocher cet autre, tiré de l’homélie sur la Nativité : « Comme les Justes (Joachim ct Anne) persévéraient danslcurprière, voici que l’ange apparut ά l’un ct à l’autre : « Votre prière « a été exaucée, dit-il; il vous naîtra une enfant dont • la gloire se répandra par toute la terre. » L’effet suivit la parole de l’ange, ct la fille de Dieu, la nouvelle créature, τό καινόν πλάσμα, fut engendrée... Elle était véritablement un rejeton de la prière ct de la crainte du Seigneur, cette enfant de salut, que Dieu de sa propre main embellit de grâces inénar­ rables. b Op. cil., (. t. p. 233-231. L'Intervention sanctificatrice de Dieu en faveur de Marie est encore marquée dans les homélies de notre orateur par les expressions suivantes : la Vierge est un rejeton sacré que Dieu n formé, Οεουργιχώτατον γέννημα, ibid.,y. 217; un vase façonné par scs mains, τό Οεσποίητον 4γγος. In PrtMcni., t. n, p. 451. Dieu a toujours été avec elle, avant de s’incarner en elle. In Natio., t. i, p. 217. Elle est une créature céleste; elle vient du ciel comme Jésus. lbid.,p, 222-224. Elle n’a participé à rien de · qui, chez les hommes, n’est 949 I \! M A C L L É E CONCEPTION pai digne de louange. Seule plus sainte que les anges, elle devait seule n’avoir aucune part à l'infortune commune, xal μόνην ί/ρήν ph άλλοις τής κοινής χοινωνιίν δυαχληρίας. //>/ C’est avec cc seul péché qu’elle vint à la vie et apparut au genre humain. De tout autre fardeau, c’est-à-dire de toute autre souillure, elle resta absolument indemne. Et non seulement cela, mais elle sc hâta de rejeter loin d’elle cct héritage funeste du premier père, » ή πα^θ/νος προήλθι jxiv της ίδιας μητ^ος, ώσπιρ άνθρωπος· και δια τούτο, το αργαίον πάχος, λέγω δι την προγονικήν αμαρτίαν, μιΟ’ ης έγιννήΟη, ήν τι ακουσίως ςίληφι, διαρυγιίν τ< τρόπος ην ουδιίς, ουοί θπιρβήναι. In Dormitionem, op. cit», t. π, ρ. 668. Ces paroles, on le voit, forment l’antithèse parfaite du passage que nous avons cité plus haut de l’homélie sur la Présentation. Comment expliquer cette contra­ diction? Le seul manuscrit, à notre connaissance, qui contienne les homélies mariales d’Isidore est le Vati­ canus gnveus 65 J. Il est du xv· siècle ct ne présente aucune trace d’interpolation nu passage qui nie l'immaculée conception. L’homélie sur la Dormition y est mise sous le nom d’Isidore comme les trois autres. Bien plus, dans son homélie sur la Nativité, l’orateur renvoie à son discours sur la Dormition. Op» cil., t.l, p. 212. Celui-ci parait donc, de cc chef, tout à fait authentique. Mais l'examen interne laisse une impression de douto, surtout pour les derniers paragraphes, où l’on remarque un décousu complet. En particulier, le § 33 de l’édition de Ballerlni, qui renferme la négation de l’immaculée conception, est un développement parasite de fort mauvais goût, qu’on peut supprimer en entier, sans que la suite du discours en souffre. Que conclure de là? Prise dans son ensemble, l’homélie nous paraît bien être l’œuvre d’Isidore; mais elle a dû subir des remaniements et des Interpolations de la part de quelque copiste. Avec Hippolyte Marrncci, Mariale Isidori, p. 145; Ballerlni, op. cit. t. ïî, p. 603-606, ct Mignc, Γ. G», t. cxxxix, col. 117, nous sommes porté à considérer comme une de ces interpolations tout le § 33. Si par hasard la critique interne nous égarait ici, il faudrait dire que Glabas a changé d'opinion sur la sainteté originelle de la mère de Dieu, ct qu’après avoir débuté par la négation, il n terminé par l'affirmation la plus caté­ gorique· Celte seconde hypothèse n’est pas complètement Invraisemblable. Déjà, avant Isidore, Nicéphore Cal­ listo Xanlhopoulos avait osé aller contre la croyance générale de scs contemporains, en insinuant que jus­ qu’au jour de l'annonclation, Marie avait pu être soumise au péché originel. Celte opinion sc trouve formulée dans le commentaire que cct auteur a com­ posé du tropairo marial commençant par les mois : Την τ«μ·ωτ ραν. Ce commentaire a élé édité pour la premi rc fois à Jérusalem, en 1862, par Cyrille Anastasl.v’cs dans l’ouvrage intitulé : 'Γρμήνιΐέ cç τού i>5<) a τή; ’Οκτωήχου. Mais cette édition ne concorde pas de tout point avec le texte de deux ma­ nuscrits contemporains de Nicéphore, c'est-à-dire de la première moitié du xiv· siècle, le cod. Miscellaneus 379 ct le eod. Roe de la Bodléicnne d'Oxford. Nous avons pu consulter ce» deux manuscrits; ct dans les deux on Ht le passage suivant : « La sainte ct bien­ heureuse Vierge n’engendra pas de la corruption, έχ δ-άφθορος, mais par la parole de l’archange Gabriel, après que le Saint-Esprit fut survenu en elle, ct qu’il l’eut purifiée de la souillure originelle, si par hasard cette souillure sc trouvait en elle jusqu’à cc moment, αλλά τού παναγίου ΙΙνίύματος έπιλθόντος αύτή, καί τού προγονικού ρύπου, <: τ·.ς τίως, αποχαΟάραντος, τό» ρήματι του αρχαγγέλου Γα€ρ’.ήλ· Cod. Mise. 79, fol. 192; cod. » Roe, fol. 147 v·. Cc qui est curieux, c'est qu’à la fin de son commentaire, cod. Roc, fol. 199 r°, Nicéphore Callistc fait amende honorable à l'immaculée, ct déclare qu’il a bien pu dévier du droit chemin, en prenant le parti de parler de la souillure au sujet de la Toute-Immaculée, καν τι του δέοντος παρια^άλην, ό ρύπος πιρί της όλης ασπίλου λίγιιν ίλομινος. Cet aveu est bon à retenir. Nicéphore Callistc a conscience d’innover ct de prendre une position peu sûre, en osant parler de la souillure originelle à propos de la Merge immaculée. De fait, à parcourir scs autres écrits ct spécialement son Histoire ecclesiastique, il paraît bien qu’il n’a pas toujours admis l’opinion qu’il formule ici, ct qu’il n professé la doctrine unanimement reçue à Byzance : « La bienheureuse Vierge Marie, ditil, fut t rouv éedigne d’être la demeure de Dieu le Verbe. Elle avait été consacrée à Dieu, même avant sa nais­ sance, ct était venue à l’existence comme un fruit doyné par Dieu, née d’un sein vieilli ct ne connaissant plus la passion, xx* προ γινίτιως μιν άνατιθιιμίνη θιώ, 1χ μχλών οι γηραλέων χαί πόρρω των της φύτιως κραμά­ των, ο’ά τις καρπός Οιααοοτος προηγμένη. > Η. Ε., 1. 1, c. vu, Ρ. G», ϊ. exLV, col. 651. La manière dont il parle de Marie, lorsqu’elle fut présentée nu temple, suppose qu elle était déjà sainte à cc moment. Do même, la raison qu’il donne de sa mort ne diffère pas de celle que l’on rencontre communément dans la théologie byzantine : Marie devait mourir pour être conforme à Jésus, έπιΐ την παναγίαν του θ<ού Λόγου μητέρα θανάτου μχτασχιΐν cote (ότι γι χαί ό τχύτης Υιός, κυρών τό άνθρωπος ιίναι ώς αληθώς) Op. cil», 1. 11, C. XXI, col. 809. Dans des tropaircs inédits en l’honneur de la Vierge, qui sc trouvent dans le même cod. Mlscell. 79 de la Bodléicnne, fol. 201, Nicéphore dit de Marie qu’elle est · sans aucune souillure », οου, της ρύπου δίνα παντός, et fol. 206 r° : « Le Dieu très pur ct le seul beau, t’ayant trouvée, toi, la seule pure, est descendu dans ton sein pour sauver le monde, » μόνην καθαρόν ci Ιωραχώς μόνος ωραίος καθαρώτατός *τι Ηιός μήτρα τή σή ίου, θέλων σώοαι τον χύαμον. On volt la portée des négations que nous venons de rencontrer sous la plume de Nicéphore Callistc et d'Isi­ dore Glabas. Elles constituent un phénomène isolé dans la chaîne de la tradition grecque. Si Isidore a nié l’immaculée conception — cc qui est loin d’être sûr — il a renoncé ensuite à cette doctrine, pour professer en termes exprès et directs le privilège marial. Si Nicéphore n osé découvrir une tache dans laToutcImmaculéc, il s’en est comme excusé, cl a déclaré qu’il pouvait bien sc tromper. Peut-être même s’est-Γ explicitement rétracté. En tout cas, on peut affirmer qu’il n’a pas fait école, comme nous allons le constater en interrogeant les autres théologiens de la fin du xiv· siècle ct ceux de la première moitié du xv°. Voici d'abord l’illustre Demétrius Cydonès. une des gloires catholiques do la Byzance schismatique, converti au catholicisme par la lecture des Pères ct des écrits de s..lut Thomas d'Aquin, dont il traduisit 951 IΜ M A C U L É E C 0 N C E P TI O N en grec tes deux Sommes. Cc fervent disciple de l’angle de l'école, qui était bien nu courant de la théologie latine, ne suit pas son maître préféré sur la question de l’immaculée conception Dans son long discours sur l'Annonciation,encore Inédit, il résume la doctrine thomiste sur l’incarnation telle qu'elle est exprimée dans la III· partie de la Somme tMologigue. Mais lorsqu'il cn vient à parler de la mère du Sauveur, loin dédire,comme snintTliomas, I II*, q. xxvn,a. 2,ad 2,,m, que Marie a contracté Je péché originel, i I écrit : < Quand vint la plénitude des temps dont parte Paul, le Verbe de Dieu trouva cn Mai le le digne séjour de sa divinité. Dès l’origine, il avait mis dans la création plusieurs emblèmes, il avait caché dans te culte mosaïque plu­ sieurs symboles ct représentations de cette Vierge, qu’il fit aussi annoncer à plusieurs reprises par la bouche des prophètes, ct dont il lit proclamer la gloire et tes louanges dans l’univers entier. A cette Vierge, sans retard ct avant sa naissance, il communiqua te Saint-Esprit; il l'embellit du don de la sainteté, sc préparant ainsi à l'avance un palais digne de sa royauté, > ταότη ευθύς μ:ν καί r.zô τής γεννήσεις, ΙΙνεΰ[χατος αγίου μετεδωκε, καί τή τής άγιωσυνης έλάμπσυνι οοφεα, πόρρωΟεν τής εαυτού βασιλείας ίξ'.ον τό βασιλειον Ιτοιμάζων. Cod. 1213 du fonds grec de la Biblio­ thèque nationale de Paris, fol. 310 V. Car s'il choisit Jérémie avant sa formation dans te sein maternel, ct s’il le sanctifia avant qu’il cn sortit; s'il remplit Jean du Saint-Esprit, alors qu’il reposait encore dan ; tes entrailles maternelles — ct pourtant il ne devait ha­ biter cn ces personnages que par sa grâce, sans rien leur emprunter pour lui-même de leur substance — combien plus éclatant, combien plus saint devait-il rendre son propre temple, je veux dire cette Vierge, cn laquelle il devait habiter corporellement, de la substance de laquelle il voulait sc former un corps à 1 abri de tout péché, τ.οζοι λαμπρότερόν τε άμα καί άγίωτερον τόν εαυτόν ναόν άποφαίνειν έχρήν. Ibid. Et après qu'elle fut venue au monde, il ne laissa pas la nature agir seule en elle, cette nature qui incline plus ou moins violemment les hommes au péché, ct dont la faiblesse est pour tous une source de fautes; mais il sc fit lui-même le gardien vigilant de la pureté de son âme, empêchant qu'aucune laideur partant du corps n'en vint ternir l'éclat, au demeurant, la laissant pour tout 1c reste soumise aux lois communes. Ainsi, dans te corps de cette Vierge, la loi du péché était enchaînée ct no pouvait faire la moindre incursion déshonorante dans le sanctuaire de Dieu, ώστε iv τώ σώματι ταύτης ό τής αμαρτίας νόμος έοέδετο, ν'ς τό τού θ:οΰ τίμνος ύβρίται τι μηδαμώς συγχωρούμνος. S’il est vrai que la vertu des parents est glorieuse pour les enfants, il est Incontestable aussi que leurs tares portent atteinte à l’honneur de leurs descendants. Comment, dès lors, s’arrêter ù l’idée que la mère ait pu, par te péché, souiller la pureté et la gloire du Fils? Et si, d'après Salomon, la sagesse ne peut résider dans un corps soumis au péché, comment supposer que la Sagesse de Dieu ait consenti à faire son séjour dans un corps esclave du péché, plus que cela : à tirer de cc corps te sien propre? Mais il est clair que Dieu conserva de toute façon la Vierge d ns une pureté immaculée, comme cela convenait à celle qui devait contracter avec Dieu l'union la plus étroite ct devenir le siège des mystères surnatu­ rels, άλλα δήλον ώς πανταγ.όΟεν ό Θεός άχ^αντον την παρΟ έτήρησεν, οιαν είκος είναι την είς αχρον Θε<7> κοινωνησαυσαν ζα· τώ/ ύπίρ πάσαν τύσιν Ισου^νην Ζογιϊον. Ibid. Telles furent les prérogatives de la Vierge avant son enfantement : une virginité véritable, dont il est impossible de trouver le prototype, ct qui a brillé cn elle pour la première fois, et cn elle seule; une pureté surpassant celle même des anges. 952 El l’on pense bien que te chœur entier des autres vertus ne lui faisait pas défaut. Bref, tout était digne de Dieu ct de sa mère, πάντα Zï Θεού καί τής αύτου μητσός i; i I bid., Μ. 3 \\. En écrivant ces lignes, Démétrius Cydonès avait sous les yeux tes questions xxvu et xxvm de la IIP partie de la Somme thfologique. Il cn reproduit fidèle­ ment la doctrine, comme on peut te constater parla comparaison des deux textes. Mais il y n divergence sur un point. Tandis quo saint Thomas nlUrine que Marie contracta, pendant quelques Instants nu moins, la tache originelle, Démétrius déclare qu’cite reçut la communication du Saint-Esprit ct la grâce do la sain­ teté tout de suite ct avant sa naissance, ευθύς καί γεννήσεως. Tout, dans 1e contexte, suggère qui cet ευθύ; désigne le premier Instant de la création de l'âme do la Vierge. Sans doute, notre auteur n’ex­ plique pns comment Dieu s’y est pris pour préserver sa future mère de la tache, qu'elle devait régulièrement contracter par te fait de sa conception, mais 11 laisse suffisamment entendre, par tout cc qu’il dit, qu'au moins, l’âme de Marie a toujours été à l’abri de la souillure : de toute façon, de tous côtés, πανταχόίεη Dieu a conservé Imm iculéc la Vierge Marie. Tout cn elle, avant son enfantement, a été digne de Dieu ct a échappé aux lois communes, αυτή τα r.fi τού τόκου τούς κοινούς νόμους έςίφυγεν. Du reste, la pensée de Démétrius sc fait encore jour dans le passage suivant : « Par ta joie, dit l’ange à Marie, tu dissiperas toute tristesse nu ciel ct sur la terre, ct l'on verra tes hommes sc relever de leur chute et àcs anges sc réjouir de leur retour â Dieu. Aussi, comment ne serais-tu pas bénie au-dessus de toutes les femmes? Car celles-ci ont tiréd'Èvcla malédiction ct la douleur, comme étant devenues pécheresses à cause d’elle, ώς iv παραβάσει δι’ εκείνην γενόμναΐ; mais toi, tu as communiqué ù toutes la cnn fiance. Ta grace, cn cfïct, non seulement a plaidé leur cause au tribunal de la justice divine, mais encore leur a valu Une gloire ineffable. 11 n'y a pas de proportion entre ta grâce ct leur faute; pécher est Je fait de l’humaine faiblesse; mais ta grâce vient de la puissance divine, à laquelle rien n’est comparable, > ου γαρ ώσπερ τό σόν γάοισμα, ούτω και το εκείνων παράπτωαα. 1 bid., fol. 3-13-6-14. L’emperour Manuel II Paléologue (1391-1125), un élevé de Démétrius Gydonès, enseigne la même doctrine qu · lui sur la sainteté originelle de Marie, dans un discours sur la Dormition, dont Jean Mathieu Caryophvllc a publié une traduction latine, reproduite dans la P. G. do Mignc, t. clvi. col. 91-108. Le texte original sc trouve dans plusieurs manuscrits, notamment dans te Vatic, grœcus 1619, du xiv· siècle, qui nous a été accessible. Voici le passage principal, où la doctrine catholique est clairement exprimée : « Marie supporta pendant quelque temps, non snns douleur, d’êuo séparée corporellement de son Fils bten-aimé. Elle sc réjouissait cependant de le voir retourner nu ciel, ct lui restait très unie par la pensée ct le cœur, comm* lui continuait invisiblement do vivre avec elle. D’ail­ leurs, dès que la bienheureuse Vierge fut née, je dirai memo dès qu'elle fut conçue, celui qui l’avait choisie pour sa future mère la remplit de sa grâce ; oui, avant de naître d’elle, 11 était avec elle... Aussitôt qu’elle commença d'exister dans le sein stérile d’Anne, il n'y eut aucun moment où Jésus no fût uni ù elle, > eu μην άλλα καί άμα τφ γ:γεννήσθαε την μακαρίαν εΤποιμι,ο* £νχαΙ τώ ουν:·λήτθα·. ό ταύτη·/ π^αοοίσας αυτου μητεοα τής βίας /α^τος ιπ/ α, jx άλλον ό· ζαΐ π co του τόκου, συνήν ίκΐινος αυτή ουκ ην δΐ ότε ουκ ην αυτή συνημμ/νος είδυς λα€ούσητάς <Γς τό r-,αι π;αό-ας iv/ας έν τή γχστρί τής . JT - . , . Cod. Vat. grorcus Ι6ΐη^ fol. 0 ν°. La précision avec laquelle l'impérial théologien parle 953 I MM ACl LÉE CONCEPTION de la sanctification de Marie in primo instanti ferait croire qu’il eut connaissance de la controverse agitée a son époque dans les universités de l'Occidcnl. L’hypothèse n’a rien quo de très vraisemblable. On sait, cn effet, que Manuel fit, de 1399 à 1102, un long voyage vn Halle, cn France et cn Angleterre. Il passa à Paris près de deux ans, ct les historiens nous ap­ prennent (pi’ll aimait à s’entretenir avec les membres du clergé français, notamment avec les moines de Saint-Denis, il réfuta longuement un écrit sur la procession du Saint-Esprit que lui présenta un mem­ bre de la Sorbonne. Le débat sur l’immaculée con­ ception qui mettait alors aux prises franciscains ct dominicains dut, sans doute, lui être signalé. Et cc ne fut pas dans l’école thomiste, mais chez les disciples de Scot qu’il retrouva la doctiine de son Église. Comme eux, il affirma que la Vierge Marie avait été pleine de grâce des le premier instant de son existence. C'est la pure tradition byzantine à l'exclusion de toute Influence étrangère, que nous entendons dans les homédeü mariales de Joseph Brycnnios ( t v ers 1435) dont les œuvres publiées par Eugène Bulgurls, nu χνιιι· siècle, voir Bbyenmos (Joseph), t. ii,col. 115G1161, sont restées inaperçues cn Occident. Bryennios exprime de mille manières la sainteté originelle de la mère de Dieu et fuit de nombreux emprunts aux théologiens qui l’ont précédé. Deux textes suffiront pour montrer qu'il a bien enseigné le privilège marial. Voici d’abord un passage tiré de la troisième homélie sur l'Annonciation : « En plusieurs endroits de l'Évangile, Jésus-Christ s’appelle le Fils de l’homme avec l'article, c’est-à-dire de cet homme sans péché, de cet homme vierge, de cet homme tel qu'il était avant la transgression d'Adam. C'est pour garantir cette vérité qu'il a pris une chair toujours-vierge vierge d'une femme toujours-vierge vierge, > πολλα/ου τού ίυαγγιλίου (αυτόν υΙόν τού ανθρώπου, μχτα τής του άρθρου προσθήκης ονομάζα- τουτέστι, του αναμαρτήτου ανθρώπου (κείνου, του παρθένου, του προ τής παρατά σ( ως Άδάμ · καίγε <(ς πίστο>σιν ταυτησι τής έννοιας, έξ αππαρθένου παρθένου παρθένον αειπάρθενου σάρκα έαυτφ συνιστήσατο Jiomil., in, in Annunt., E. Bulgaris, Ίωση? μοναχού του Βρυεννίου τα (ύρηθέντα, Leipzig, 1768, t. ιι, ρ. 211. Être vierge, c'est être dans l'état d’Adam avant le péché, être impeccable comme lui. Marie a tou­ jours possédé cette virginité parfaite. Elle est la vierge toujours-vierge qui a donné à Jésus une chair vierge toujours-vierge. A deux reprises, dans la première de ses homélies sur la Nativité ct dans Jascconde sur l'Annonciation, notre théologien sc demande pourquoi Marie a été choi­ sie entre toutes les femmes pour devenir la mère du Fils de Dieu, ct quelle qualité supérieure elle possé­ dait pour être préférée aux autres. Voici sa réponse : < Une autre ne lui a pas été préférée parce que Dieu, les connaissant toutes à l’avance, a sanctifié dès le sein maternel celle qui devait être plus digne et plus pure que les autres. Il a rejeté, cela va de soi, celles qui étaient indignes d'un si grand honneur. Quant au . mérite souverain qu’elle possédait, c’était d’avoir été purifiée par anticipation parle Saint-Esprit, et d’avoir été préparée pour devenir le digne séjour de la divi­ nité, > ou / η μ(ν ταύτης ου προτιτίμηται, βτι πάσας ό Θεός προγινώσχων, ττ,ν τών λοιπών Ισομίνην άξιωτέραν έχ μήτρας ήγίασι.., αριτών οΐ πασών Ιπιρτίραν ΐκέκτητο το προκαρθαρθήναι τφ Πνιύματι, καί δοχςίον έτοιμασθήναι βίχτιχύν τής απροσίτου Οίότητος. Op. cit., t. Π, ρ. 152; t. in, ρ. 11. Le sens précis de l’expression ix μήτρας ήγίασε ne peut, ici, faire de doute. Il s’agit bien de la sanctification in utero a primo instanti. De même, l’expression τό προζαθαρΟήναι τφ Πνιύματι déx signe non l’augmentation de sainteté apportée à la 954 Vierge par la descente du Saint-Esprit, au moment de l'incarnation du Verbe, mais bien une purification anticipée, c'est-à-dire la préservation de la souillure originelle. Brycnnios parle, cn eflet, d'une qualité possédée par Marie antérieurement au salut de l’ange, qualité unique qui l'emporte sur tous les autres mérites et qui a déterminé le choix divin. Le successeur d’Isidore Glabas sur le siège de Tbessalonique, Gabriel, est l’auteur d’un recueil d'homélies cncorcinédit.contcnudanslecod.ôSdelà bibliothèque de l'Écolc théologique de Halki. Dans une homélie pour la fête de la Dormition, qui est la χχχντπ· de la Série, sc lit le passage suivant : < C'est une embarras­ sante question que celle-ci : Comment la mort a-t-cllc triomphé même de cette nature Immaculée (la Vierge Marie), de celle qui fut la demeure de Dieu aussitôt qu’elle fut formée dans le sein maternel ct dès le ber­ ceau? Comment la mort a-t-dle fait cn elle sonouvrage, comme elle le fait sur Γhomme transgresseur ;ct com­ ment cette mort, fille du péché, a-t-elle pu trouver place en elle, cn elle, inaccessible à toute volupté, supérieure à toute passion? > πώς και τούτης τής άμωμήτου ςύσιως καί τού ex βρέφους ευθύς, και έχ σπαργανών αυτών οίκητήριον ούσης θιού, πχρκγένετο ο θάνατος καί b/rr.CG ι~·. τφ παραράντι άνθρωπο», ουτω καί έπΐ τούτη τά ouuîoc ίνήργησι ; et l’orateur répond en empruntant les paroles du mélodc Cosmos : Marie est morte pour imiter son Fils. Le célèbre Siméon, archevêque de Thessalonlque (t 1429), n’a pas laissé d’homélie mariale. Mais la manière dont il parle, cn passant, de la \ ierge Marie, prouve qu’il admettait la doctrine reçue touchant la perpétuelle sainteté de la Toutc-Sainte. Marie est pour lui la seule Tou te-Immaculée, ή Ιξαφέτως καί μόνη πανάμωμος, la seule Toute-Sainte, ή μόνη παναγία, la seule Toujours-Vierge, ή μονή αχ .παρθένος. Ρ. G., t. CLv, col. 569 668, 801. Dieu α toujours été avec elle par scs dons et ses illuminations, avant d’èlrc avec elle par l'incarnation* προτιρον μιν γεγονός ένυποστατως έν σοί, πάντοτ< οέ ταΐς δωρ«αις καί έλλάμ^ίσιν. Passage tiré d’une prière à la Vierge, publiée par E. von Dobschûtz, dans son élude intitulée Ctiristusbil· der, Untcrsuchungcn zur ctiristlichen Legende, Leipzig, 1899, p. 118-149, t. xu de la nouvelle série des Texte und Untersuchungen. Le dernier ct le plus grand théologien de Byzance schismatique, Georges Scholarios, qui survécut à la prise de Constantinople par les Turcs, ct occupa pen­ dant deux années (1454-1456) le siège patriarcal sous le nom de Gcnnadc.clôt dignement laséricdcs panégy­ ristes de l'immaculée que nous avons entendus jusqu’ici. Son témoignage est particulièrement rcmanjuablc et ne laisse rien à désirer pour la précision théologique. Nous l’avons trouve dans une homélie inédite sur la Dormition, qui est contenue dans deux manuscrits autographes de Scholarios, les cod. 1289 ct 1294 du fonds grec de la Bibliothèque nationale de Paris. Le cod. 1294 fut transcrit cn 1468, dans un monastère près de Serrés, cn Macédoine, où l’ex-patriarchc passa ses dernières années. Au fol. 139 Vede ce manuscrit nn lit : < Tout comme Jésus, la Vierge n’eut pas ù progresser péniblement dans la vertu. Cène fut point par des pu­ rifications successives qu’elle atteignit au degré de pureté qu’on lui connaît, ct cc no fut point par scs seuls ciTorts qu’elle parvint à mener dans la chair une vie tout angélique, même avant de devenir la demeure du Seigneur des anges.Sans retard,ct avant qu’arrivât le temps où devait s’accomplir le mystère, Dieu la prépara à être le digne instrument d'un si haut des­ sein, qui réclamait non seulement la purctêde l’ânio ct du corps, mais aussi un certain développement du corps. Aussi celui qui devait recourir à son ministère prit-il soin tout d’abord de la préparer, attendu qu'au- 955 IMMACULÉE CONCEPTION cunc Aine ne pouvait, par scs seules forces, sc disposer convenablement A remplir cet office, encore moins aucun corps. C’est pourquoi Dieu ne se contenta pas, comme 1) le fait pour les autres saints, de coopérer ct de tendre la main A sa bonne volonté; il lui accorda bien plutôt d’agir d’une manière appropriée à la pré­ paration infuse qu'elle avait reçue; de sorte que son action sc produisait sans doute en harmonie parfaite avec sa volonté, en vertu de l’habitude cl de la puis­ sance donnée d’en haut; mais ccttc habitude ellemême ne venait pas d'une longue répétition d’actes sagement ordonnés par une volonté éprise dc perfec­ tion. C’était Dieu qui l’avait jetée dans la nature pour qu’en ccttc Vierge on ne découvrit pas le moindre vestige des déficits de notre nature. Et cc que la conception virginale opéra en celui qui est né d’elle, cela même, la grâce divine l’opéra en celle qui naquit dc la conception chamelle, afin qu’une pureté su­ blime resplendit dans les deux, pureté plus glorieuse, dans le Fils, parce que découlant dc la nature soustraite à toute occasion de souillure; pureté seu­ lement de grâce dans la mère, qui devait être toute pure dès le premier Instant dc son existence, parce qu’elle devait enfanter le Très-Pur, mais qui avait, unie ù sa nature, une occasion dc contracter la souil­ lure (-= qui était exposée, par sa naissance, A contracter la souillure), συνήργιι μόνον καί χήρα τζαριν/ι τή καλή προαι^έσιι, καΟάπίρ b τοίς αλλοις σπουδαίοι;, αλλ’ έδίδου μάλλον άξίως τϊξς έγκτίσΟιίσης αύτή παρασχίυης ΙνιργίΓν... ως αν ουτω μηδ’ίχνος τι τών τηςφύσ;ως υστερημά­ των ταύτη συνί}. Καί όπιρ η σ-ίρμχτο; ίνιυ σύλληύις Ιν τ<ρ zip' χύτης γυ/νηΟίντι, τουτ* αυτή, χαί δ:ά σπέρματος γεννηίίση, η Οι(α χάρις ένήργπ, ώς άνη χαί Ιναμχοινή χαΟαρόττ,ς ξινιζουσα, τω μίν ίς αύτής γκννωμ.'νω χαί δ:α φύσιν ένδοζότερος, ούδιαίαζ ρύπου πρόφασιν ίχουσα· τή δε τούτον γεννώτη χι:ϊ ·/<:/ “ροσή μ4νον· xalg καδαρωτάτη γ<ννηΟείσα εύΟυς,ως οή μέλλουσατον καΰιρώτατον τίχτειν,καίτοι τού ρύπου πρόφχσιν ίχουσα τή φύσει συνούσαν. Schoiarios, on le voit, marque fort exactement la différence qui existe entre la conception immaculée dc Jésus ct la conception immaculée de Marie. La première découle de la nature même; la seconde est un privilège gratuit ct revêt le caractère d’une préser­ vation. Lo théologien byzantin exprime dans son langage A lui cc que nos théologiens entendent par le debitum auquel la Vierge était soumise comme fille d’Adam. Il importe dc noter qu'avant dc formuler d’une manière si explicite le privilège de Marie, Scho­ iarios avait posé un principe qui paraissait l’exclure absôlumont : · SI, affirmait-il, le Christ avait eu un père selon la chair, il n'aurait pu éviter la souillure qui, par la génération, atteint tous les hommes, · ix σπέρματος δ’ αν γενομένω ουχ αν oîov τ’ ην μή χαί τον L.r'Otv ρύπον συνείναι, τον έχείΟεν πασιν ανΟροίποις τή τοισύτη διαδοχή κατιόντα. Ibid.t fol. 138 v®. Grégoire Pa­ lamas, Démélrius Cydonès, Gabriel de Thcssaloniquc avaient énoncé, avant lui, le même axiome théolo­ gique. Et cependant, comme lui, nous l’avons constaté, ccs mêmes théologiens ont soustrait la mère de Dieu A la souillure originelle. D’où il suit qu’on n’est pas sérieusement fondé A considérer un auteur comme adversaire dc l’immaculée concep­ tion par cela seul qu’il affirme que le péché originel accompagne nécessairement la génération charnelle. Le témoignage dc Schoiarios revêt une importance capitale, A un autre point de vue. On y trouve la men­ tion explicite des dons infus dont Dieu orna gratuite­ ment l’ûmc dc sa future mère, dès le premier instant de son existence. Plusieurs théologiens byzantins lais­ sent dans l'ombre le rôle dc la grâce dans la prépara­ tion dc Marie A la maternité divine, ct Insistent sur­ tout sur lo mérite personnel ct la sainteté acquise dc la Vierge. Schoiarios, qui connaissait la théologie Inline 956 cl avait lu saint Thomas et Scot, complète la doctrine dc scs devanciers ct montre bien la part qui revient a la grâce Infuse dans la sainteté exceptionnelle île la mère de Dieu. 3® Conclusion sur ccttc seconde période. — Les quelques témoignages que nous venons do citer &ur la croyance des byzantins A la sainteté originelle de Marie ne sont certes pas les seuls qui nous soient par­ venus. Beaucoup sc cachent cncoie dans les manuscrits des bibliothèques, et attendent qu’on les produise A la lumière. Ceux que nous avons mis sous les yeux du lecteur suffisent cependant, ù noire avis, A établir que, contrairement A cc qui s’est passé en Occident, la doc­ trine de la conception immaculée, transmise par l’an­ cienne tradition, s’est conservée pacifiquement dans l’Égllse grecque jusque vers la fin du xv· siècle, ct a même acquis des précisions nouvelles, A partir du xi· siècle. Get te doctrine, personne ne l’a sérieusement contestée. La négation timide ct A moitié rétractée dc Nicéphore Callisto est restée inaperçue, ct n’a exercé aucune influence sur les théologiens venus après lui. Cet enseignement explicite de l’Église byzantine n’a été connu jusqu’ici que très imparfaitement des théo­ logiens occidentaux. Quant aux grecs modernes, pourtant les héritiers naturels dc celte tradition, ils l’ont presque complètement perdue dc vue, A partir du xvi· siècle, pour des motifs divers, dont nous dirons un mot tout A l’heure. IV La fête de la Conception. Les textes litur­ giques. — Après 1rs témoignages que nous avons apportés dc la croyance des byzantins à la sainteté originelle de la mère de Dieu, il est facile de déter­ miner la véritable valeur dc l'argument liturgique emprunté au fait de la célébration «l’une fêle dc la Conception en Orient, ainsi qu'aux textes dc la liturgie grecque relatifs A la sainteté de la mère dc Dieu. Si l’on a tant insiste jusqu'ici sur cet argument, si l’on en a souvent exagéré la portée, cela vient sans doute dc la pauvreté des preuves qu’on puisait A d’autres sources. Or, il faut savoir le reconnaître, l’argument liturgique pris en lui-même ct isolé des autres témoi­ gnages serait bien faillie pour nous convaincre que les grecs ont cru d’une foi explicite A la doctrine de l’immaculée conception. Loin dc tenir la première place,il ne vient qu'en seconde ligne. Toute sa force et sa clarté lui viennent des écrits des théologiens ct des prédicateurs. 1° La tête. — Parlons d'abord dc la fête de la Concep­ tion. Sut son origine, on est A peu près fixé dc nos jours. Cette fête était subordonnée A celle de la Nati­ vité de la Vierge, et n’a pu venir qu'après elle. Or, il est établi que la fêle de la Nativité existait A l’époque du mélodc saint Romanos,dont possède un cantique sur cette solennité, c’est-à-dlro vers lo milieu du vi· siècle. En fait, c'est un bon siècle plus lard, vers la fin du vn· siècle, ou au début du vm·, que nous trou­ vons le premier témoignage authentique dc l’exis­ tence d’une fête delà Conception d’Anne. Cc témoi­ gnage est lo canon de saint André de Crète (660?710). In Conceptionem sandre ac Dei aida Annie, P. G., t. xcvîi, col. 1305-1310, qui commence par ccs mots : • Nous célébrons aujourd’hui, εορτάζομεν, ta concep­ tion, ô pieuse Anne, parce que, délivrée des liens dc la stérilité, tu as conçu celle qui a contenu celui qui n'est contenu nulle part. » La première homélie que nous possédions sur la fêle est A peu près contempo­ raine : c’est celle dc Jean, évêque d'Eubéc, qui vivait du temps dc saint Jean Damascene (t 719), P. G., t. xcvi, col. 1 159-1500. Jean d'Eu bée nomme la fête dc la Conception d’Anne la première dc toutes les fêtes dans l'ordre chronologique, mais il reconnaît que, dc son temps, elle n'était pas encore universelle, d καί μή -ici το·’; -/(lln’y a p is implement: χάσιν,ηίαΐΐ: 957 IMMACULÉE CONCEPTION το·.; πϊσιν) γνωρίζχταχ, Ibid., col. 1477. Quelque temps plus tard, ù l’époque de Photlus, la fête parait avoir conquis droit dc cité dans tout l'empire byzantin, ct clic est peut-être déjà une fête chômée; car c’est fort gratuitement que certains liturglstcs ne lui font accorder cc titre que par la constitution de l’empereur Manuel Comnène, datée de 1166. P, G., t. cxxxm, col. 750. Cette constitution contient une énumération des fêtes chômées, mais il ne s’ensuit pas que toutes les fêtes énumérées reçoivent alors pour la première fols ccttc dignité. Cc qui nous fait dire qu’à l’époque de Phot lus la fête était déjà univer­ selle dans l’Église grecque, c’est d’abord le nombre des discours sur cc sujet qui nous sont parvenus : quatre homélies de Georges dc Nlcomédic, une ho­ mélie dc saint Euthyme. patriarche de Constanti­ nople (f 917), une homélie de Pierre d’Argos, sans parler du canon dc Cosmos Vestitor. Dans sa if· ho­ mélie, Georges dc Nlcomédic dit positivement que la fêle dc la Conception est au nombre des grandes fêtes; bien plus, qu’elle vient en tête des autres non seule­ ment par l’ordre chronologique, mais aussi par son objet, ct qu’il faut la célébrer à cc titre, sans faire at­ tention à son introduction tardive dans Je cycle li­ turgique, την σήμχρον άγομϊνην ζανηγυρίζοντις έορτήν, ούχώς ΰστίρον προσχυρηοάνην, μάλλον δί, ώςτή τάςχι, οΰτω χαί τοίς πράγματι προτιΟψένην. Ρ. G.,t. c, col. 1353. Cf. //οππ/.,π, in Concept., col. 355. Par ailleurs, on sait, par le calendrier napolitain du ιχ· siècle, que la fête était célébrée, à celte époque, dans l’Italie byzantine. Dans le Ménologc exécuté par ordre dc l’empereur Basile II, en 984, la fêle dc la Conception est signalée à sa place, au 9 décembre. P. G., t. cxvn, col. 196. Certains la découvrent dans le Nomocanon de Photlus, P. G., t. αν, col. 1070, sans faire attention que le ichollon où elle est indiquée, dû ù la plume dc Balsamon, renvoie Λ la constitution de Manuel Comnène. C’est fort gratuitement que d’autres veulent la faire remonter au νι· siècle, ou même antérieurement aux schismes nés to rien cl monophysite, sous prétexte qu’elle est signalée dans le Typicon, dit dcsalnt Sabbas, cl que lesnestoriens et les monophyslles, qui célèbrent la fête du 9 décembre, n’ont pu l’emprunter ù l’Église byzantine orthodoxe, après leur séparation. Le Typicon ne prouvera rien, tant qu’on n’aura pas trouvé l’édition contemporaine de saint Sabbas, car il est sûr que dans l’état où il nous est parvenu. Il a subi dc fortes re­ touches. Quant aux emprunts faits par les sectes dissi­ dentes à l’Église Impériale sur des jnatlères étrangères aux points controversés, ils paraissent incontestables, spécialement dans le domaine du culte marial. L’in­ verse, du reste, n'est pas impossible. Les théologiens ct les prédicateurs monophyslles ont rivalisé dc zèle avec les orthodoxes pour célébrer les gloires de la Toutc-Salnlc. Mais quel est l’objet dc la fête grecque du 9 dé­ cembre? On a beaucoup discuté là-dessus,et lesdlscusslons n’ont pas peu contribué ù embrouiller la question, au Heu dc l’éclaircir. Les deux opinions extrêmes, celle qui limite l’objet* dc la fêle à la conception active d’Anne, ct celle qui le fixe à la conception passive, au point do faire d’emblée delà fêle grecque une fête dc I immaculée conception de tout point identique à la fêle catholique après la définition de 1851, sont égale­ ment fausses. La vérité est plus complexe, comme II ressort des dénominations que reçoit la fête dans les livres liturgiques ct les sermonnalrcs, ainsi que du contenu même des textes liturgiques ct oratoires. Examinons tout d’abord les titres. Le premier et le plus ancien paraît être celui-ci : Efç τον χρηματιστών (ou ςιίαγγίλισμόν) τής συλλ/ύχη»; τής αγίας Οιοτοχου, que porte la ir· homélie dc Georges dc Nlcomédic; ou bleu cet autre, qui lui est équivalent : Efç τον (ύαγ- 958 γιλιτμόν τών αγίων δααίων ΊωαχίΙμ χαί ''Arrrj, qui sc trouve en télé de l’homélie dc Jean d’Eubec. Cc dernier orateur détermine ainsi l’objet direct dc la fêle : < La première do toutes les grandes fêtes est celle en laquelle Joachim ct Anne reçurent l’annonce dc la naissance delà Tout-Immaculée Marie, mère dc Dieu, » πρώτη πατώ/ τών Εσήμ/υν έορτών, lv η Ιδ.ςτ/το τα χύαγγχΑ'.α Ίωαχζίμ χαί *Αννα τής γτννψΗως τΓς παναχράντου χαί (Κάτοχου Μαρίας. Ρ. G., L xevi, ce’,. 1473. Plusieurs ménologc* ct synaxajrcs mette) t aussi en première ligne annonciation dt la concep­ tion et de la naissance dc Marie do scs parent stériles. Cf. le synaxairc inséré au milieu du canon de saint André de Crète, P. G., /. dt., col. 1313 : ταύτην την ήμέρχν πανηγυρίζομε ώς ανάμνηστν ϊ/ο^τα/ τών ύπ’ trpa/uj ζοΟίντων την αγίαν ούλληψιν <ύαγγ<λισαμ<νου τής άγνζς Οιομήτορος. La même phrase est répétée dans Icménologc contenu dans le cod. )!(· dico-Luurenltanus 787, écrit en 1050. H. Dclehaye, Synaxarium Ecelés iœ Condanttnop., p.290, en note. Le ménologc dc l’empereur Basile II débute par cette phrase : « Notre Dieu ct Seigneur, voulant sc préparer un temple vivant et une maison sainte pour en faire son séjour, envoya son ange aux justes Joachim ct Anne, qu’il choisit pour les parents de sa mère selon | la chair. > P. G., t. cxvn, coi. 195, et Delchayc, op. dt., p. 290. Ainsi la fête grecque est appelée, à l’origine· non la fête de la conception active d'Anne, ni la fête dc la conception passive de Marie, mais l’annonce de la conception dc la mère do Dieu faite par un ange, dc la part de Dieu, à Joachim ct à Anne. C’est ccttc annonciation miraculeuse, calquée sur Γ annonciation ‘ dc la conception de saint Jean-Baptiste racontée dans 1 Évangile de saint Luc, annonciation dont le récit sc trouve dans le Protévangile dc Jacques, Amann, Le Prolêoangile dc Jacques et ses remaniements latins, Paris, 1910, p. 99-100, qui paraît avoir déterminé primitivement l’introduction dc la fête du 9 décembre, comme le récit dc saint Luc détermina la création de la fête dc la conception de saint Jean-Baptiste, Je 23 septembre. M cnotoge dc Basile, P· partie, P. G., t. cxvn, col. 68. Entre ces deux fêtes la similitude est complète dans la liturgie grecque, pour cc qui regarde l’objet premier ct direct, ct cet objet est suffisant pour légi­ timer un culte spécial. 11 explique suillsammcnt pour­ quoi la conception de Jean-Baptiste, dans la même liturgie, est qualifiée dc sainte, αγία, dc divine, (ici a, dc glorieuse, ένδοξος, toutes épithètes qui sont également données à la conception dc Marie ct qui par elles-mêmes, on le voit, seraient insuffisantes à prouver que les by zantins admet talent laconccption immaculée. Saint Jean-Baptiste est appelé une lampe préparée par Dieu, ό θιοτχίύαττος λύχνος, tout comme Marie est nommée un paradis planté par Dieu, παράδιιαος Οςοςύτχυτος, ou un rejeton divin, Οχόβλαατος, Mais ce serait une erreur de croire que l’objet total de la fête a été limité à Vannonce dc la conception. Il a embrassé aussitôt ct en même temps deux autres points dc vue : le fait dc la conception active dans un sein stérile ct le terme dc cette conception active, c’est-ù-dire la conception passive ou Marie conçue. C’est cc qui nous explique pourquoi les en-têtes des homélies comme les titres des synaxalrcs sont indiffé­ remment : Pour la conception d'Anne, fête de ta concep­ tion d’Anne (n· homélie de Georges dc Nicomédle, homélie d’Eulhymc, titre du Ménologc dcBasile),ou I bien : Pour la conception de la mère de Dieu, fête de la conception de la mère dc Dieu (homélie dc Pierre d’Argos dans un manuscrit dc la bibliothèque Barberin, m· homélie de Georges de Nicomédle, titre de la fêti dans le Nomocanon ct dans la constitution de Manuel Comnène). Il est donc faux dc dire, comme on le répète communément, que le litre dc la fête soit exclu- 959 IΜ M A C U LÉE C0 N CE I ’ TIO N sivemcnt celui-ci : « Fête de la conception d’Anne. » Si ce titre a prévalu, en fait, dans les éditions mo­ dernes des livres liturgiques, l’autre litre: « Fête de la conception dc la mère dc Dieu > était fréquent pendant tout le moyen Age non seulement en pays grec, mais aussi en pays slave. Et cela n’a rien d’étonnant, puisque, sides titres des pièces nous passons à leur contenu, nous consta­ tons cc fait indéniable qu’aussi bien dans les textes liturgiques que dans les documents oratoires, la conception passive, c’est-à-dire Marie conçue, Marie venant à l’existence tient beaucoup plus de place que l’annonce miraculeuse de la conception, ou le miracle dc la conception active réalisé dans un sein stérile. Et cela était inévitable. Du moment qu’il s'agissait dc la venue à l'existence de la mère de Dieu, c’est principalement sur sa personne que devait sc porter la pensée des poètes sacrés comme celle des orateurs. Le reste n’est qu’accessoire, comme il est facile de s’en convaincre en parcourant les textes. La liturgie parle continuellement de la conception dc la mère de Dieu, dc la conception de la Vierge tout-immaculée, ή σύλλη^ις τής 6πipααώαου παρθένου, dc la sainte conception dc la Théotocos, dc la vénérable concep­ tion dc la seule pure, ή σ<πτη συλληψίς της ρονης άγνήί» ct clic célèbre en termes magni tiques celle qui est conçue. Les orateurs font de même, ct non pas seulement les plus récents, mais les tout pre­ miers. Voir le texte dc Jean d’Eu bée cité plus haut, col. 921, ct celui d'Euthymc, col. 930. Dans l’homélie dc cc dernier, le miracle qui a fait cesser la stérilité d’Anne n'est même pas signalé. La pensée de l’orateur ne s’arrête que sur Marie. La fête du 9 décembre est pour lui la première dc toutes, celle où l’humanité a reçu la substance ct le principe des bienfaits divins : ταύτην ouv την ήα»’ραν ούχ ώς πρώτην απάντων έο&τών ιίσΒ/βωμχΟα; ου*/ ώς το χιφάλαιον ήμιν τών αγαθών προξινίσουσαν ΙναγχαλισώραΟα; et si Georges dc Nico· médle appelle la même fête non seulement la pre­ mière dc toutes, mais la base ct le fondement des autres, otov βάσίς τις χαΙ χρηπίς αύταΐς ΟποτιΟκμάνη, Homil., ii, in Conceptionem, P. G., t. c, col. 355, c’est certainement A cause dc la conception passive, à cause dc la venue A l’existence dc la mère dc Dieu. Que conclure dc là? Ceci que l'objet dc la fête grec­ que est complexe et qu'on peut y distinguertrois points de vue : 1° l’annonce do la conception par un ange; 2° le miracle dc la conception active dans un sein stérile; 3° la conception passive, la venue à l'exis­ tence dc la future mère de Dieu. Le premier élément a sans doute déterminé l’introduction dc lu solennité dans le cycle liturgique; car cc n'est point pour un motif d’ordre dogmatique; cc n’est point expressé­ ment pour célébrer l'exemption dc Marie dc la faute originelle que la fête a été établie; c'est simplement pour compléter le cycle des fêtes mariales. Le Protévangilc do Jacques fournissait le thème premier aux allures historiques : l’annonce par un ange de la con­ ception miraculeuse. Mais les deux autres éléments sc sont unis spontanément ct naturellement ù cc noyau primitif, et c'est le troisième qui, en fait, a toujours occupé la place principale dans la pensée des poètes ct des orateurs. Prêtant peu d'attention aux données plus ou moins légendaires qui ont accompagné le fait de la conception, ils ont célébré surtout la venue à l'existence dc la future mère dc Dieu, cl, dans la mère, ont aperçu déjà le Fils ct son œuvre rédemptrice. Ils ont parlé d'une intervention toute spéciale dc la Trinité sainte pour préparer le palais du Verbe fait chair. La fête leur a fourni l'occasion de manifester leur croyance à la sainteté perpétuelle de la TouteSaintc. C’cst bien, en fait, la Vierge Immaculée, exempte dc toute souillure dès le premier Instant dc ÎX.O I son existence, façonnée par Dieu avec des attentions spéciales dans un sein stérile, qu’ils ont chantée cl louée. Tel a été le rôle dogmatique dc la fête dc lu I Conception en Orient. Elle n'est pas née, clic ne s'est 1 pas développée sous l’in fluence de préoccupations théologiques, nu milieu de luttes et dc controverses, comme cela s’est produit en Occident. C'est un phé­ nomène dc la piété mariale éclos en son temps, ctqul a tout naturellement donné occasion A des manifes­ tations d’ordre dogmatique, notamment à des déd · rations expresses sur la sainteté initiale dc la mère de Dieu, doctrine admise bien avant la fête. Et comme la doctrine, la fête n’a jamais été l’objet d'aucune controverse, du moins pendant toute la période by­ zantine. Du point de vue liturgique et quant à leur origine, la fête de la conception d’Anne ct la fête de la conception de saint Jean-Baptiste sc ressemblent; mais du point de vue théologique et quant à leur terme ct quant à leur objet principal ct quant aux manifestations doctrinales auxquelles clics ont donné lieu, elles diffèrent autant que Marie diffère de Jean, que la mère dc l'Époux dc l’ami dc l'Époux. 2° Les textes liturgiques. — On trouve dans les divers livres liturgiques dc l’Église grecque bien des passages exprimant d’une manière plus ou moins claire la per­ pétuelle ct absolue sainteté de la mère dc Dieu. Dc ces passages nous avons déjà produit quelques-uns, en parlant de Romanos le Mélode, d'André dc Crète et dc Joseph 1’1 lymnographe. Nous n’avons que peu dc chose à ajouter sur cc sujet. C'est un fait digne dc remarque que les textes liturgiques, tout en don­ nant à la Toutc-Salntc les éloges les plus magni­ fiques, fournissent rarement une formule sat.sfaisanté dc la doctrine de la conception immaeuke. Ils restent presque toujours dans le vague ct Finuê ter­ miné. Les témoignages implicites y abondent, mais les c ^plicites y sont très rares. Cela ne signifie point que ceux qui les ont écrits ne croyaient point d’une foi explicite à la sainteté oiginellc de Marie, puisque la majeure partie d'entre eux sont dus à la plume dc mélodcs ayant vécu entre le vu·et le x· siècle, ct que, parmi ccs inélodes, saint Jean Damascène, saint Théodore Studite ct son frère Joseph dc Thessalo· nique occupent une place d'honneur. Mais cela vient dc cc que l'absolue ct perpétuelle sainteté dc la mère de Dieu ne faisait dc doute pour personne, que c’était un axiome pour la pensée byzantine, ct que, dès lors, on no songeait point à la formuler en termes techniques. Appeler Mario la Toutc-Salntc, ί, παναγία, la ToutImmaculée leur suffisait. A nous ccs épithètes ne suf­ fisent que dans la mesure où nous avons par ailleurs des témoignages plus précis dc la croyance de ceux qui les ont employées. En d'autres termes, lu plupart des textes empruntés aux livres liturgiques considérés en eux-mêmes ne nous livrent quo des formules impli­ cites dc la doctrine. Pour recevoir une valeur ct une clarté plus grandes, ils ont besoin d'être Insérés dans la chaîne de la tradition exprimée dans d’autres do­ cuments. A propos des épithètes mariologfques, un choix sé­ vère s'impose au théologien. Plusieurs visent directe­ ment la virginité corporelle de Marie ct n'ont rien à voir avec la doctrine dc la conception immaculée. On ne peut accorder une grande videur théologique aux épithètes simplement affirmatives ou négatives disant dc Marie qu'elle est toute sainte ct toute pure, vu que la liturgie grecque prodigue ccs épithètes à d'autres qu’à la mère de Dieu. Qu'on en juge par un exemple. Dans l'office du 21 novembre en l’honneur de sainte Cécile, cellc-ci est appelée < le sanctuaire tout saint du Christ », Χριστού πανάγιον τiαίνος» < le temple très pur du Christ >, Χριστού val χαΟαρώτατι, • un jardin fermé ct une fontaine scellée », χήπος xx- I Μ M A C L L É E C 0 N C E P 'I ION 9G1 χλησμίνος, πηγη Ισφραγισμένη,< le paradis divin ct tout fleuri du Roi des Vertus >, ίύανΟής τι xat 6<ίος παρά» δ<ισο; του £ασιλέ<ος τών (υ/άμιων. Elle porte une âme immaculée ct un corps tris chaste, ψυ/Jp αμόλυντον φέρουσα xal σώμα καθαρό*/ καί άγ/ότατον. Les épithètes affirmatives ou négatives employées par antonomase, avec l’article, comme : la Toutc-Salntc, η παναγία, la Tout-Immaculée ή πανάχραντος, ont plus dc poids, mais pourraient, à la rigueur, s’entendre de l’absence dc faute personnelle. Certaines épithètes restrictives n’échappent pas à cct inconvénient, bien qu'elles insinuent davantage l’exemption dc la souil­ lure originelle : telles celles-ci : la seule Toutc-Salntc, ή μόνη παναγία, la seule Tout-Immaculée, η μόνη παν­ άχραντο;, ή μόνη πανάμωμο;, la seule bonne, ή μόνη αγαθι{. Les épithètes qui, selon nous, voisinent le plus l’expression explicite dc la conception imma­ culée sont les suivantes: la Bénie, ή εύλογτμένη, la seule Bénie, ή μόνη ιύλογημίνη, la Toujours-Bénic, ή ici ευλογημένη. La bénédiction, en cfTet, s’oppose à la malédiction, c'est-à-dire au péché originel, suivant la terminologie des théologiens grecs, qui est aussi la terminologie dc la liturgie grecque. Dire dc Marie qu’elle est la Bénie par excellence, la seule Bénie, la Toujours-Bénic, équivaut à dire qu'elle n'est jamais tombée sous la malédiction, άρά, χατα'ρα, qui frappe tous les descendants d’Adam. La mention du péché originel par les termes de άρά, χατάρα, est très fréquente dans les livres liturgiques comme dans les écrits des Pères. En dehors des épithètes proprement dites, on trouve dans les livres liturgiques d’autres expressions qui suggèrent fortement l’idée dogmatique dc la sainteté Initiale ct de l’exemption de la faute origi­ nelle. La liturgie grecque attribue avec une particu­ lière insistance à la médiation dc Marie les divers ciTets dc la rédemption opérée par Jésus, ct en par­ ticulier la délivrance dc la faute originelle ct de la malédiction primitive. Voici quelques textes : < Vierge toute sainte, c’cst toi qui ns délivré le genre humain dc la condamnation originelle, · παναγία παρΟένι, ή το γένος των ανθρώπων ρυσαμένη προγονικής άποσάσιως. Office du 15 août, à l’orthros, stichèrc 1. « Vierge Immaculée, Théotocos tout-irrépréhensible, tu ns lavé la souillure de notre nature en enfantant le Christ, le seul Immaculé,· £ύπον τον της φύσιως ημών, Χρίστον χυήσασα τόν μόνον άγραν τον, σοεώς απέπλυνα;, αχραντι Οίοτόχε παναμώμητε. Ménées, 15 septembre, ode vn. « Tu ns renouvelé notre nature corrompue par la transgression, ô la bénie entre les femmes, toute pleine do grâce, en enfantant celui qui renouvelle toutes choses, » φΟαριισαν τήν ήμών έχ παραβάσιως ουσίαν άνεχαίνισας, τον χαινίζοντα τα πάντα χυήσασα, έν γυναιξιν ευλογημένη Οεοχαριτώτατε· Ménées, 18 février, odo vi. « Le pommier odorant a fleuri, la rose divine s'est épanouie (il s'agit dc Marie) et la puanteur do notre péché a disparu. > *11νθησ< το μηλον το ιύώοε;, τύ θειον π ?ανίρωται το fo'oov, xal τύ δυσώδες Γπαυσι της άμαστία; ημών. Office de la vigile dc la Nativité delà Vierge, 7 septembre, ode vm. < Salut, délivrance dc la malédiction, » yaipc, λύσις της ipâ;, expression très fréquente. D’autres passages font allusion à la sanctification de Mario dans le sein maternel et à l'intervention spéciale do Dieu en sa faveur, mais ne précisent pas suffisamment le moment de cette sanctification. Nous savons par ailleurs que cc moment est le premier dc l’existence dc .Marie. Dans l'office du 9 décembre, la Vierge est saluée comme le tabernacle sanctifié du Très-Haut, comme la maison que la Sagesse se bâtit elle-même, comme le temple saint qu’Anne reçoit dans son sein, τόν ναόν τον άγιον έν τή χοιλία σσυ είσδεχομένη. Ailleurs, elle est déclarée une fille sainte donnée à DICT. DE TIIÉOL. CAT1I0L. 962 Anne en vertu de la promesse, le trésor sanctifié du Seigneur, le fruit glorieux d'une semence sainte, την δοόβίσαν αΰτζ ές Ιπαγγελίας αγίαν θυγατέρα, ηγ-.ασμϊυον κειμήλιου Κυρίου, σπέρματος αγίου καρπός ευκλεή;. Office de la Présentation dc la Vierge au temple, le 21 novem­ bre. Si elle est morte, c'est pour être conforme à Jésus, sc soumettre comme lui à la loi dc la nature mortelle, ct confirmer la vérité de l'incarnation : καί σε,Οεομητορ, νόυ/μ ç✓*£*.»; ôavi’v εύόόχησεν, Γνα μη τοίς άπιστο ; φαντασία νομισθζ η οικονομία» Offices du 15 ct du 17 août, à l’orthros. Au demeurant, son corps fut Inaccessible à la corruption, σώμά σου τζ φθορά απρόσιτον δπηρςε, Office du 17 août, à vêpres, et sa Dormition est qualifiée d’immortelle, η χο'.μησ·; σου αθάνατος. Office du 15 août, à l’orthros. Voilà ce que nous avons trouvé dc plus clair en faveur de la doctrine de l’immaculée conception dans les livrai liturgiques de l’Église grecque. Ces témoi­ gnages, comme nous l'avons déjà dit, sont loin d’avoir la même netteté que ceux des théologiens et des orateurs. Ils constituent une preuve subsidiaire, qu’il ne faut point séparer de la preuve principale tirée des autres documents. V. La croyance a l'ixjmacvlée conception dans I.’ÉGUSE GRÉCO-RUSSE A PARTIR DU XVI· SIÈCLE. — Après avoir entendu les derniers théologiens de By­ zance enseigner si clairement la sainteté initiale de la mère dc Dieu, on est porté tout naturellement à croire que celle doctrine avait définitivement acquis droit dc cité duns l’Église grecque, et l’on s'attend à la re­ trouver chez les théologiens postérieurs. Or voici le phénomène étrange que l'on constate. Un grand nom­ bre de théologiens modernes nient cc qu'avaient affirmé les anciens, et se déclarent les adversaires de la doctrine catholique de 1 immaculée conception. Dès le xvx· siècle, commence à prendre consistance dans les milieux orientaux l’opinion timidement émise nu xxv· siècle pur Nicéphore Callistc : « La TouteSainto n été conçue dans le péché originel tout comme les autres hommes. Elle n'a été purifiée dc cette souil­ lure qu'au moment dc devenir la mère du Sauveur, lorsque le Saint-l^prit descendit en elle, selon la parole de lange : « Le Saint-Esprit x tendra sur vous et vous • couvrira dc son ombre. » Luc., i, 35. Vers la fin du xvn· siècle, la doctrine dc l’immaculée conception est déjà rangée par quelques polémistes antilatins au nombre des inn ovations occidentales qu’il faut rejeter, et quand, en 1854, le pape Pie IX exprime dans une définition solennelle la fol de VÉglise catholique, ce sont, en Orient ct en Russie, des protestations ct des attaques passionnées contre < le dogme nouveau In­ venté par l’Église papique sous l’inllucnce des jé­ suites. » 11 faut cependant attendre l’année 1895 pour trouver dans 1 Eglise grecque proprement dite un document officiel qui catalogue l’immaculée conception parmi les divergences qui font obstacle à l’union des Églises. Cc documen test la lettre synodale du patriarche œcuménique Anthlme VII. écrite en réponse à l'en­ cyclique Praxlara gratulationis du pape Léon XIII aux Orientaux. Quelques années auparavant, en 1884, le saint-synode russe avait également fait figurer ΓIm­ maculée conception parmi les divergences entre les Églises dans un programme officiel dc théologie polé­ mique pour les séminaires et les académies ecclésias­ tiques. Comment expliquer cette rupture avec l’an­ tique tradition dans une Église qui est si Aère de son passé? Cc revirement ne s'explique point aisément ct tient à des causes multiples. Mais, tout d'abord, il faut sc garder d'en exagérer l’étendue ct la portée. A côté du courant doctrinal fort puissant, il est vrai, hostile ou pri-?lègo de Marie. Il y a toujours eu dans l’Église gréco-russe, au moins I jusqu'à la définition de 1854, un courant nettement VH. —31 9C3 I MM VCII.ÉE concept ion 964 favorable à cc privilège, comme nous le montrerons I et de Georges Schohirios, prirent au pied de la lettre le terme de purification, et adoptèrent l’opinion tout à l'heure. Par ailleurs, il ne faut pasat tribuor trop d'importance d'après laquelle Marie a contracté la souillure origi­ A ce que disent les théologiens de l'Église gréco-russe, nelle et qu'elle n’en a élé purifiée qu’au jour de l'anvoire même à cc que peut écrire un patriarche de noncialion. Cette thèse leur permettait de faire bande Constantinople dans une encyclique ; car ni celui-ci à part et de sc ditlérencicr à la fois des partisans de ni ceux-là ne sont considérés comme Infaillibles. Pour l’immaculée conception et de ceux qui admettent l’Église gréco-russe, l’unique sujet de l'infaillibilité une sancti llcatlon do la Vierge dans le sein maternel. On peut aussi assigner une cause d’ordre psycholo­ ' est le concile œcuménique. Tant qu’une assemblée de ce genre n’aura pas dirimé la question de l’immaculée gique aux négations de certains polémistes antica· conception, celle-ci restera A l’état de question libre­ thollques d’Orient et de Russie. Tant que la doctrine ment débattue, et les partisans du privilège marial de l'immaculée conception eut des adversaires panni auront autant de droit à faire entendre leur voix au les théologiens catholiques, ils n’élevèrent pas la voix pour crier a l'innovation. Mais à mesure que le saintsein de « l’orthodoxie » que ceux qui le rejettent. L’opposlllon à la doctrine de la conception Immacu­ siège patronna davantage cette doctrine et multiplia lée dans l’Église gréco-russe ne s’explique pas unique­ les défenses de l’ai laquer, ces polémistes, obéissant ment, conune on le dit communément.par l’influence plus ou moins inconsciemment ù l'esprit de contra­ de la théologie protestante. Sans aucun doute, ccttc diction qui caractérisa toujours les sectes séparées Influence a été considérable. Elle fut prépondérante I de la véritable Église, commencèrent à mener cam­ en Russie, au xvm· siècle. Mais elle est loin de rendre pagne contre elle. On la repoussa moins parce qu’on la trouvait fausse cl contraire à la tradition, que parce raison do tous les cas particuiicis, et, par exemple, du cas de Cyrille Lucar, qui fut, comme on sait, qu'elle avait les faveurs du pape. Si la définition de tout dévoué aux doctrines de la Réforme et qui ensei­ 1854 a été si vivement critiquée, c'est parce qu'elle gna, cependant, très clairement l’immaculée concep­ a donné occasion au successeur do Pierre d’exercer tion, en sc référant à Bcllarmin. D’autres causes sc avec éclat son infaillibilité doctrinale; car c’est avant sont combinées avec ccttc influence pour détourner tout le pape que visent les attaques du schisme. les grecs modernes de la vole tracée par leurs ancêtres. Ajoutons quo l’hostilité de quelques théologiens Mettons en première ligne l’ignorance de la tradition orientaux à l’égard du dogme catholique a été motivée byzantine, que l’on remarque chez ceux-là mêmes qui soit par une conception inexacte du péché originel devaient en être les dépositaires et les défenseurs. On soit par uno fausse notion de l'enseignement catho­ remarquera que la plupart des témoignages expri­ lique. Certains de cos théologiens sc sont fait du péché mant la perpétuelle sainteté de Marie que nous avons originel uno Idée analogue à celle de Pierre Lombard, rapportés pour la période postérieure au schisme et ont établi une connexion comme physique et ma­ sont tirés de pièces inédites ou publiées seulement au térielle entre la conception sc produisant suivant la xix· siècle. Ces témoignages, les théologiens grecs vole ordinaire et la souillure du péché. La nature de modernes ne les ont pas connus. A partir du xvi· siècle cotte souillure n'est pas précisée, mais fl semble que, ils allèrent puiser leur instruction théologique dans pour les théologiens auxquels nous faisons allusion, les universités d’Allemagne, d’Angleterre et d’Italie. ce soit une sorte de qualité pcccamineuso d’ordre En Italie, Ils prirent contact avec la scolastique latine. physique transmise par la génération charnelle En Allemagncetcn Angleterre,lisse familiarisèrcntavec et affectant directement lo corps. C’est ainsi qu'on les doctrines de la Réforme. Si les leçons des professeur* rencontre des auteurs qui, d'un côté, affirment que protestants n’augmentèrent pas leur dévotion pour Mario a contracté la souillure originelle, dont elle n'a la « Panaghia », il faut reconnaître que la controverse été délivrée qu'au jour do l'annonciatlon, et qui, d'un qui divisait les théologiens catholiques nu sujet de autro côté, enseignent que la Vierge fut, dès sa plus i’Immaculéc conception pouvait avoir un résultat tout tendre enfance, et même dès lo sein maternel, remplie autre que celui de leur inculquer cette doctrine. N’ou­ du Saint-Esprit et de ses dons. D'après ces auteurs, la blions pas qu'au xvi· siècle, époque où beaucoup de sainteté personnelle la plus éminente peut coexister grecs étudient à Venise et à Padouc, l’école domini­ dans lo même individu avec le péché originel. Il va caine nie encore ouvertement le privilège de Marie. sans dire que l'opposition do celte étrange théologie SI un décret de saint Pie V, en 1570, Interdit aux pré­ avec le dogme catholique de l'immaculée conception dicateurs, sous peine de suspense, d’attaquer la pieuse est plus verbale que réelle. D’autres défigurent cc croyance que tous les fidèles admettent, les théolo­ dogme par ignorance — nous n’osons dire par mau­ giens gardent la liberté do la discuter dans les acadé­ vaise fol— bien qu'il y ait parfois Hondo douter do mies, jusqu'au début du xvn· siècle. Parmi les jeunes l'existence de la bonne. H n'est pas rare de rencontrer, grecs qui sont mis au courant de ces discussions, les de nos jours encore, des Grecs et des Russes, je ne uns sc prononcent pour le privilège de la Toutc-Sainte ; dis pas parmi les simples lldèlcs, mais parmi les théolo­ les autres se laissent impressionner parles objections, giens de profession et jusque dans le rang des évêques, et le rejettent. des gens qui disent et qui écrivent que conception Au nombre des objections que les adversaires do immaculée est synonyme do conception virginale, l’immaculée conception ont, de tout temps, rnis en que, d'après la croyance des catholiques, la mère do avant, figurent les passages bien connus de saint Dieu n'est pas née de l’homme et de la femme, mais Grégoire do Nnzianze et de saint Jean Damascène, par l'opération miraculeuse du Saint-Esprit, comme où ces Pères parlent d’une purification préalable de la Jesus lui-même. Ceux-là se battent contre un fantôme Vierge par le Saint-Esprit avant l’accomplissement qu'ils sc sont eux-mêmes forgé. C’est ainsi que l'évêque du mystère do l’incarnation. Plus quo toutes les russe Augustin, dans sa Théologie fondamentale^· autres considérations d'ordre théologique, ces textes Moscou, 1898, p. 257, traduit « conception Immaculée » do deux de leurs Pères les plus vénérés portèrent les par «conception sine semine », et que tout récemment grecs à nier le privilège marial. Les théologiens byzan­ Mgr Antoine, archevêque do Volhynie, reprochait tins avalent cent fois expliqué que cette purification aux Starovières ou vieux-croyants de Russie, d'avoir devait s'-ntendre d'une augmentation de sainteté pulsé en Autriche « l'hérésie Impie de la conception et non de l'effacement d’une souillure quelconque. Les virginale (bezcicmennom ™ sine semine) immaculée étudiants grecs d'Occidcnt, qui n’avalent pas lu les de la Très-Sainte mère de Dieu par Joachim et Anne. » homélies de Gregoire Palamas, de Nicolas Cabasilas Lettre de l'éminentissime Antoine archevêque de Volhij- 9G5 nie, â tous les Starovlères séparés de Γ Église orthodoxe, publiée dans l'organe du saint-synode, les Nouvelles ecclésiastiques, n° du 10 mars 1912, p. 399. Un théolo­ gien sturovlèrc, A. L Morosov, répondit à l'aichcvêquc do Volhynie qu'il sc méprenait sur la doctrine des latins, et que ceux-ci n'enseignaient pas la conception virginale de la mère de Dieu. Dans sa réplique, parue dans les Nouvelles ecclésiastiques du 14 juillet 1912, p. 1143-1150, Mgr Antoine, assez embarrassé pour sc Justifier, écrivait avec désinvolture : < H est vrai que les catholiques n’enseignent pas la conception vir­ ginale de Marie, mais votre missionnaire a affirmé cela dans une conversation avec le P. Xénophon.» Ces remarques suffisent pour faire apprécier à sa Juste valeur l'opposition qu'a rencontrée la doctrine de l’immaculée conception dans l'Église gréco-russe dissidente, à partir du x νι· siècle. Il n'entre pas dans le cadre de cc dictionnaire de faire l'histoire détaillée de cette opposition, qui n'a é*.é vraiment sérieuse qu'après la dé fin It Ion de Pic IX, en 1854. Nous croyons cependant utile de donner un bref aperçu de l'atti­ tude observée par les théologiens dissidents à l’égard de la doctrine catholique pendant la période moderne. Nous parlerons séparément des théologiens grecs et des théologiens russes. Cette division s’impose par le fait que l’évolution doctrinale sur ccttc question, comme sur bien d’autres, n'a pas suivi une marche parallèle dans ΓÉglise grecque et dans l’Église russe. 1° Théologiens grecs. — Peu florissante chez les byzantins, la théologie dogmatique n'existe pour ainsi «lire pas chez les grecs modernes· Des caté­ chismes, des sennonnaires, quelques maigres résumés de scolastique occidentale, des traités de polémique contre les catholiques et les protestants, voilà, à peu près, à quoi se léduiscnt scs productions. Comme nous l’avons dit plus haut, relativement à l’immaculée conception, les théologiens grecs sc divisent en deux groupes : le groupe des adversaires et le groupe des partisans de la doctrine catholique. Parions d’abord des adversaires. Le premier que nous rencontrons, nu xvi· siècle, est Damascène le Sludllc (t 1577), auteur d'un recueil de sermons qui a cours encore de nos jours dans les pays grecs et qui porte le titre de Trésor, θησαυρός. Voir Damascène le Studite, t. iv, col. 27-28. Dans un sermon sur l’Annonciation, Damascène déclare que Marie n'a pas élé exempte du péché d’Adam, et que, seul, JésusChrist a été engendré sans péché. C'est au jour do l'annonclatlon que la Vierge fut délivrée du péché originel. L’orateur ne donne pas d’autre explication et sc contente d'invoquer l’autorité do saint Jean Damascène. Θησαυρός Δαμασκηνού, édit. d’Athènes, 1893, p. 5-6. Au demeurant, il ne paraît pas avoir une notion bien nette du péché originel, puisqu’il le fait coexister dans l’àme de Mario avec la grâce du SaintEsprit. Dans uno homélie sur la Présentation, ibid., p. 159, Il dit positivement qu’au moment où la Vierge fut présentée au temple, ù l’Agc de trois ans, elle était le tabernacle de ΓEsprit-Saint, οοχιίον του αγίου Hv résout les objections que l'on tire des textes de saint όλη ηγιασμένη iv αυτή τή συλλήύει, όταν τό σώμα έμορ- Grégoire le Théologien ct dc saint Jean Dama­ φούτο, όταν ή ύυ/ή τω σώματι συνήσχετο. Cod. 263 du scène, ct déclare que la doctrine delà conception Imma­ Métochiondu Saint-Sépulcre à Constantlnoolc, fol. 612- culée, sans être un dogme proprement dit, doit cepen­ 613, un autographe de Lucar. Un peu plus loin, fol. dant être acceptée, ct que la rejeter serait sc rendre coupable dc témérité. 614 v°, Il dit que Marie n'était pas soumise à la mort, Au xvm· siècle, les tenants du dogme catholique parce que la mort est apparue à cause du péché, ct qu'en la Toutc-Saintc rien d'impur n'est jamais entré. sont encore nombreux. Au premier rang vient le Dans l’homélie sur la Nativité, il déclare que le Fils célèbre prédicateur Elias Miniatis (f 1714), auteur de Dieu a accordé par grâce à sa mère les biens et les d'un traité sur les origines du schisme ct les divergences privilèges qu'il possède lui-même par nature : < Le entre les deux Églises, intitulé : La pierre de scandale, Christ est lumière, parce qu'i.Tépréhcnsiblc ct imma­ Πέτρα σκανδάλου. Cc n'était rien moins qu’un latini­ sant, ct cependant dans le recueil dc ses discours ou culé dans sa chair, parce qu’il n'a point commis dc péché. Quant à la Panaghia, qui ne sait qu'elle est Διδα/αί, Venise, 1720, souvent réimprimé depuis, il pure ct immaculée, qu’elle fut un instrument sans enseigne clairement la sainteté originelle dc la mère tache, sanctifiée dans sa conception ct sa naissance de Dieu : < Marie est appelée cyprès, lisons-nous dans comme devant contenir celui que rien ne peut conte­ le second discours sur la Nativité dc la Vierge, parce nir? C'est pourquoi, elle aussi, elle est lumière, » xal que le parfum inné en elle l’a mise à l'abri dc toute corruption. Elle est appelée lis, parce qu'elle n'a jamais σκεύος ήν άχηλίοω ήγιασμένον έν τή συλλήψει xal τή perdu sa blancheur immaculée, bien qu'elle ait poussé γεννήσει. Cod. 39 du Métochion du Saint-Sépulcre à au milieu des épines de l'infortune commune... Elle Constantinople, fol. 93, encore un autographe de est appelée jardin fermé, parce que le serpent Infer­ Lucar. Deux autres patriarches d'Alexandrie du xvn· siè­ nal n'a jamais versé sur elle son venin mortifère. Elle est appelée montagne sublime delà sainteté, parce que cle ont également enseigné l'immaculée conception : le déluge du péché ne l'a jamais recouverte. Elle naît Gérasime 1« (1621-1636) ct Gérasime II (1689-1710). Pour le premier, nous avons le témoignage du grec aujourd'hui dc l'Orlcnt mystique, du sein sanctifié d'Anne, la reine des étoiles, la Vierge toute chaste, por­ Hypsilantis, qui écrit dans sa Chronique : Τα μετά tant sur son front les roses d’une beauté céleste ct την αλωσιν, Constantinople, 1870, p. 131 : « Gérasime sans tache, sur sa poitrine les lis d'une innocence le Crélois, successeur dc Cyrille Lucar sur le siège d'Alexandrie, composa do nombreux discours conser­ éternelle ct immaculée, » λέγεται όρος δψηλδν τής αγιό­ τητας, όπου ποτέ δεν τό έσκέπασεν ό κατακλυσμός τής vés jusqu'ici dans la bibliothèque patriarcale du Caire. Mc trouvant dans cette ville, je lus son dis­ αμαρτίας. Διδα/αί, Venise, 1819, ρ. 266. Lc passage cours sur la Dormition dc la mère dc Dieu, dans lequel suivant est répété Jusqu'à trois fois dans trois discours différents : « Salut, rejeton royal dc la tige il dit que la Théotocos n'était pas soumise au péché originel, > οτι ου/ ύπε'/.ειτο ή Θεοτόκος τώ προπατορικά de Jessé, toi qui, sortie d'un sein stérile, vis la άμαπτήματι. Ci. l’édition de Papadopoulos-Kérameus lumière de la béatitude avant celle du jour; qui fus dans lo t. xin dc la collection Ilurmuzaki, p. 161, où il citoyenne du ciel par ton finie avant dc l’étrc de la terre par ton corps; qui fus la fille du Père y a ccttc variante : λίγη μή συλλησΟηναι την Θεοτόκον éternel avant d’être celle dc Joachim ct d'Anne, ct υπό τω προπατορικφ άμαρτήματι. Quant à Gérasime II, qui, avant de foulcr la terre, avais foulé aux plcdsla Il laisse suffisamment entendre que Marie fut préservée tète du dragon venimeux, » πρώτα είδες τό φώς τής dc la souillure originelle, lorsqu'il dit, dans un discours sur la Nativité de la Vierge, < que Dieu, avant d'infliger μαχαριότητος παρά έκείνο τού ήλιου πρώτα Ισταθης le châtiment dc la transgression commune, annonça πολίτισσα τού ουρανού με την ψυ/ήν παρά τής γής μι τό σώμα· πρώτα θυγατέρα τού προαιώνιου IΙατρός παρα à nos premiers parents qu'une fille tout-immaculée devait naître, dont la force invincible écraserait le τού ’ Ιωακείμ καί τής Λννης. Ibid., ρ. 249, 257, 271. Après Elias Miniatis, nous devons nommer Macaire serpent, auteur du mal, qui a rendu mortelle la nature de Patmos, un prédicateur, lui aussi (t 1737), qui a humaine, ct que la sainteté sublime ct la beauté dc cette Vierge attireraient à elle tout l'amour de Dieu, » laissé un recueil dc sermons publié après sa mort sous οτι έγενηΟή ήθελε μιαν ύπ ίο αγνός κόρη, τής οποίας ή αήτ­ le titre pompeux de Trompette évangélique, Εύαγγελχή τητος δύναμις ήθελε συντρ’/η τόν αρ/Ικακον οφιν, δπου σάλπιγξ, Leipzig, 1758. Dans une homélie sur la ίΟανάτωσ: την άνΟρωπίνην φύσιν. Cod. /33 du Méto- | Présentation dc la Vierge au temple nous lisons le pas­ chlon du Saint-Sépulcre, à Constantinople, fol. 238 r*. sage suivant : < Voici que paraît la nuée très pure qui C'est aussi un partisan de l’immaculée conception doit éteindre la flamme du péché que la transgression epic nous trouvons en la personne de Nicolas Coursou- d’Adam a introduit... Saint Jérôme l'appelle la nuée las (fl652), un des rares grecs qui, dans les temps du jour, parce que jamais cette nuée n’a été dans les modernes, nit écrit un manuel de théologie dogmatique. ténèbres du péché, mais n toujours paru dans la lu­ mière dc la vertu,» ούδιποτ: ή νεφέλη αύτη έστάθη ε;ς Son ouvrage, intitulé : Σύνοψις τής ίερας θεολογίας n'a été publié qu'en 1862, à Zante, en deux vo­ το σκότος τής άμαρτίας. Op. cit., ρ. 280-281. Et dans lumes. Aux pages 336-312 du Ier volume, lu question une homélie sur l'Annonciation : < La sainte Vierge do l'immaculée conception est assez longuement naquit d'une mère stérile pour montrer comment sa traitée. L'auteur est au courant des discussions et naissance eut Dieu pour principe. O quelle joie doit distinctions scolastiques. Il admet que Marie était faire tressaillir toute notre race, puisque dc ccttc racc soumise, comme fille d’Adam née suivant les lois infecte et pécheresse Dieu a choisi une Vierge si pure, ordinaires, à la dette du péché, mais il affirme très rose très sainte cueillie sur de dures épines, rose dont clairement que le péché ne l’a pas atteinte ct que Dieu la beauté est devenue notre ornement, » ίπειδή καί από τούτο τό γένος τό βρωμερόν και αμαρτωλόν, ωσάν αχό l'a préservée dc la tache originelle : L'fimc de la 969 IMMACULEE CONCEPTION σχλτ,οιις ixavOatç άγιώτχτον fo&OV, μί TO OZOÎO7 ίίμΟΟcov αμα éipoucôOqpcv· ibid.t p· 555. Un outre prédicateur, Macaire Score)ilès, enseigne aussi la sainteté originelle do Marie dans scs homélies publiées à Venise, en 1787, BtOaovzcpu’/ov Ààjco; Ιγχτομιαστιχούς xal πανηγυρ^ζούς ίίς έζισι^μους οιοζοτιχα; (ορτχς xal αγίων, ρ· 16, 136, 14G, 151. Un poète, Constantin Dapontès, dans un recueil dc poésies mariales intitulé: Amulette raisonnable, Εγκόλπιο*/ λογιχόν, Venise, 1770, célèbre en termes enthousiastes la pureté Immaculée dc la Théotocos : · Je te glorifie, ô Marie, toi en qui Ton ne peut trouver aucun sujet dc blâme. Tu es incorruptible en ton Ame.cn ton corps, en ton esprit, ô Marie. Ta chasteté, ton incorruptibilité sont Ineffables. Tu es l'homme sans péché, ô Marie la toute pure. En toi l’immunité complète du péché... Avant de te former dans le sein dc ta mère. Dieu te connaissait, ct il te sanctifia avant ta naissance dès le sein maternel. Tu es parmi les hommes ct parmi les femmes la seule bénie. » Op. cil., p. 69, 30, 39. Au XIXe siècle, les voix sc taisent A peu près com­ plètement en pays grec pour célébrer l’immaculée. La théologie y est, du reste, en décadence complète. On cite commo favorable nu privilège marial le professeur athénien Christophe Damalas, qui, en 1855, ht la déclaration suivante: Cité par Frédéric Georges Lee, dans son ouvrage : The sinless conception of the mother of God, Londres, 1891, p.58.Cf. X.-M. Lc Bachelet, L’immacu­ lée conception. Courte histoire d'un dogme, F· partie. L’Orient, Paris, 1903, p. 62. Inutile dc faire remarquer cc que ccttc déclaration contient dc vrai ct cc qu’elle contient dc faux. Au demeurant, il circule toujours en pays grec bon nombre d'ouvrages anciens dans lesquels l’lnimacu)ée conception est enseignée, en mémo temps que circulent, avec la même tolérance, d’autres ouvrages qui rejettent expressément ccttc doctrine. 2° Théologiens russes.— Fille spirituelle de l’Églisc byzantine, l’Églisc russe reçut d’elle, avec l’ensemble des autres vérités révélées, la croyance à la sainteté originelle dc la mère dc Dieu, tant par l’intermédiaire des livres liturgiques que par des traductions des homélies mariales des prédicateurs grecs. Au xvî· siècle, le métropolite Macaire(1542-1561) réunit ccs hnductlons dans sa vaste compilation des Tcheti Minia, sorte dc ménologc renfermant · tous les livres saints ctles écrits édifiants qui sc trouvaient alors en Russie,» distribués suivant l’ordre des fêtes du calendrier. Parmi les pièces qui s'y rencontrent, signalons : la Vie de la sainte Vierge, du moine Épiphane, la /r· ho­ mélie sur la Nativité dc la Vierge, dc saint André dc Crète, l’Homélie sur la Nativité de la Vierge, de saint Jean Damascène, le Discours sur la conception dc la mère de Dieu, dc Jean d’Eubéc, tous documents qui nous ont fourni des textes exprimant la doctrine de la conception Immaculée. Les premiers prédicateurs russes s’inspirèrent de celte liltêialiirc ct ne tardèrent pas A donner, eux aussi, les plus magnifiques éloges à Marie immaculée. Les monuments dc la prédication russe sont rares aux xv· cl xvî· siècles, mais nu xvn· Ils abondent. C'est un fait parfaitement établi qu'A ccttc époque, dans toutes les parties delà Russie, aussi bien en Moscovie qu'en Ruthénic et en Russie Blanche, la croyance explicite A l’immaculée conception était générale. Celle croyance était regardée non comme | 970 une pieuse opinion, mais comme un véritable dogme dc l'Églisc orientale. La fête du 9 décembre prend souvent, dans les scrmonnalres, le titre de < fêle de l'immaculée conccpllon dc la mère de Dieu. » Les théologiens Hisses dissidents dc nos jours ont essayé d'expliquer l’existence dc cette croyance générale par des influences latines. Cette explication est mani­ festement Insuffisante ct Inadéquate, surtout quand on songe A l'hostilité très grande qui régnait entre catholiques et Russes dissidents dans la seconde moitié du xvî· siècle ct pendant tout le xvn·. Dans la réalité, les Russes restèrent plus fidèles que les grecs A l'ancienne tradition byzantine sur cc point comme sur bien d'autres, parce que, jusqu'au xvm· siècle, Ils restèrent plus fermés A toute influence étrangère. Si l'influence latine sc fit sentir, cc fut sur certaines modalités du culte marial, et si elle fut acceptée, c’est parce qu'elle cadrait parfaitement avec la croyance traditionnelle. Il serait trop long de rapporter Ici tous les témoi­ gnages qui établissent qu'au xvn· siècle, l’Église mssc acceptait la doctrine dc l'immaculée conception comme un véritable dogme, dépassant même, sur ce point» la théologie catholique. Nous devons nous borner A quelques brèves indications. Sur la doctrine des théologiens de Kiev, le P. Gagarin publia en 1858 une brochure réunissant un certain nombre dc textes explicites, Lc Mans, 1858, en russe. Une traduction dc cette brochure parut, à Paris, en 1876, sous le titre : L’Église russe et T immaculée conception. La litté­ rature russe contemporaine a fourni d'autres rensei­ gnements non seulement pour le xvn· siècle, mais aussi pour la première moitié du xvni·, époque où, déjà battue en brèche par l'influence combinée dc certains grecs ct du théologien dc Pierre le Grand, Théophanc Prokopovitch, tout dévoué au luthéra­ nisme, la doctrine de l'immaculée conception réussit A sc maintenir péniblement dans l’académie dc Kiev. Voir Vichnevsky, L’académie de Kiev dans la première moitié du IF//· siècle, Kiev, 1903, p. 20 sq.; A. Palmieri, Theologia dngmatica orthodoxa, t. ï, p. 153-156; M. Jugie, L’immaculée conception chez les Russes au XVit· siècle, dans les Échos d'Orient, t. xn, p. 66-73. Parmi les théologiens de Kiev qui ont enseigné le privilège dc Marie dans les termes mêmes do la théologie catholique. Il faut nommer : Pierre Moghila, Joseph Kononovitch, Lazare Baranovitch, Joannice Galiatowskl, Antoine Rndlvllowski, Innocent Ghlscl, Varlaam laslnski, Dimitri Touplalo, évêque de Rostov, que les Russes ont canonisé, Étienne Javorskl, Innocent Popovskl, Chrislophore Tchlamoutski.Hilârion Levitski. En Russie Blanche, Marie Immaculée avait aussi ses dévots ct ses panégyristes. Au début du xvn· siècle, l’archimandrit Karpovitch (t 1620), qui fut plus tard évêque de Vladimir, célébrait en termes magni­ fiques les privilèges dc la mère de Dieu dans un sermon sur la Dormition : < Marie est l’arche spiri­ tuelle dans laquelle la nature humaine n été délivrée de l’étemel déluge de feu, ct dans laquelle la chair ne fit Jamais la guerre A l’esprit, parce que Dieu lui infusa des inclinations saintes avec les dons dc la grâce spirituelle. Elle est la Femme qui a brisé la tête maudite du serpent Infernal. La toison de Gédéon symbolisait ccttc Toison spirituelle sur laquelle tomba sans bruit ct Invisiblement la rosée du ciel, alors que toute la terre était sèche, stérile ct sous le coup dc l’étemelle malédiction. » Lectures de la Société impériale de rhistoire et des antiquités russes établie d l’université dc Moscou, 1878, 1.1, p. 70-71,74, 79-80. Un peu plus tard, en 1651, une confrérie de l'immaculée conception s’établissait A Polotsk, et les membres de cette confrérie prononçaient une formule de consé- 971 IMMACl LÉE CONCEPTION dation à Marie Immaculée, dans laquelle sc trouvait cc passage : < Je promets d’honorcr tous les jours de ma vio votre immaculée et très pure conception, comme aussi dc rester Adèle aux dogmes de la foi catholique orthodoxe. » C. Goloubicv, Paragraphes explicatifs sur Γ histoire de l'Église russe-méridionale, dans les Troudij dc l’académie de Kiev, novembre 1904, p. 464-467; cf. Échos d'Orient, art. cité, p. 73-75. La foi des Moscovites n'était pas différente dc celle dc leurs frères du sud et dc l'ouest. Eux aussi restaient fidèles à l’ancienne tradition byzantine touchant la sainteté originelle dc la mère de Dieu. Au concile de Moscou dc 1666, les évêques russes, après un examen attentif, donnèrent une solennelle approbation à l'ouvrage de Siméon Polostski intitulé : Gezl pravlenita (Virga directionis), dans lequel il est dit explici­ tement que < Marie fut exempte du péché originel dès sa conception. » Gezl pravleniia, P· partie, réplique 10«. Cf. Macairc Bulgakov, Histoire de l'Église russe, 1890, t. xn, p. 681. Le même ouvrage fut approuvé, l'année suivante, par les Pères du grand concile de Moscou, auquel assistèrent deux patriar­ ches grecs, Païsc d’Alexandrie et Macairc d'Antioche. Mais déjà certains grecs commençaient à faire péné­ trer en Moscovie leur doctrine dc la puriAcation de Mario, nu jour de l’annonciation. Quand le patriarche Nicon voulut corriger les livres liturgiques des Russes, ii demanda des éclaircissements aux patriarches orientaux, qui lui firent parvenir plusieurs documents, entre autres ccttc Explication de la liturgie du grec Jean Nathanaël, dont nous avons parlé plus haut, col. 965. La négation de l’immaculée conception qui y est contenue passa d'abord inaperçue; mais lorsque le livre dc Jean Nathanaël, traduit en sla von sous le litre dc Skrigeal, eut reçu l’approbation du concile dc Moscou de 1667, les russes qui ne voulurent pas accepter les décisions dc cc concile relativement aux réformes liturgiques, et, sous le nom dc starovières restèrent Adèlcs aux anciens rites et sc séparèrent de l'Église officielle, ne manquèrent pas dc relever le passage du Skrigeal, où il est dit que la mère do Dieu fut purifiée du péché originel nu jour dc l'annonclnUon. Ils en firent un grief contre l’Église niconlcnnc, et l'accusèrent d'avoir dévié dc l’antique tradition. Eux,les starovières, retiennent jusqu'à cc jour comme un dogme dc foi la doctrine dc l’immaculée conception: < Relativement à la très sainte mère dc Dieu et toujours vierge Marie, disent-ils dans une profession dc foi rédigée en 1841, nous confessons qu’en vérité elle est plus sainte que les chérubins et les séraphins, plus élevée que les deux et au-dessus de toute créature... que seule, non seulement elle n’a participé en rien à la tache originelle, mais qu'elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. > N. Soubbotine, Histoire de la hiérarchie dc Biélocrinitza, Moscou, 1871, t. i, p. xui de la préface. Leurs polémistes continuent à attaquer l’Église officielle sur ce point : « Sur notre sainte Dame, la mère de Dieu, ils n’ont une doctrine orthodoxe qu’à partir de l’incarnai ion du Fils dc Dieu, lis confessent que, jusqu'à la concep­ tion du Christ, Marie fut une simple jeune fille, ayant en elle, tout comme les autres femmes, lo péché originel, dont clic n’aurait été purifiée qu'au moment où l’archange la salua. C'est ce qui est imprimé dans leur livre appelé Skrigeal. Or, en cela iis portent atteinte à l'honneur dc la mère dc Dieu et lui font contracter la Lâche du péché, comme si Dieu n'avait pas été assez puissant pour se créer sur la terre un ciel animé, pur de toute souillure. » Paul, starovière, Courte comparaison entre les diverses confessions hérétiques dont le baptême et l'ordre sont valides, cité par N. Soubbotine, op. cit., p. 457; Gagarin, op. cit., p. 81-85. 972 Introduite furtivement en Moscovie par le livre dc Jean Nathanaël, l’opinion novatrice des grecs modernes y rencontra une vigoureuse résistance non seulement de la part des vieux-croyants, mais aussi dc la plupart des théologiens russes dc la seconde moitié du xvn· siècle. Sur la An de cc siècle, les deux frères Likhoudès, deux grecs envoyés à Moscou par le patriarche de Jérusalem, Dosithéc, attaquèrent ouvertement la doctrine dc l'immaculée conception et réussirent à gagner à leur cause le patriarche russe Joachim (1674-1690). Celui-ci mit tout en œuvre pour combattre une doctrine, que les grecs lui représen­ taient comme une innovation latine. Scs efforts restèrent à peu près stériles, et nous avons dit plus haut comment le privilège marial continua à être enseigné à l'académie de Kiev jusque vers 1750. A partir do cette date, l’influence de la Théologie protestantisantc dc Théophane Prokopovilch devint prépondérante dans toute la Russie. Prokopovitch avait nié ouvertement l’immaculée conception dam scs leçons dc théologie dogmatique données à Kiev, dès 1711. Vivement combattues pendant sa vio, ses opinions luthériennes finirent par prévaloir après sa mort dans les académies et les séminaires. La plupart des manuels dc théologie parus en Russie dans la seconde moitié du xvni· siècle no sont que des résumés de la Theologia Christiana orthodoxa de Théophane. Au κιχ· siècle, les théologiens russes restèrent sous l'influence protestante du siècle précédent jusque vers 1840. A cette date, il y eut un revirement vers des opinions plus modérées et plus voisines de « l’orthodoxie » du xvn· siècle. En 1848, l'archimandrite Antoine Amphithéatrov publia à Kiev sa Théologie dogmatique de ΓÉglise orthodoxe catholique orientale, qui fut approuvée par le saint-synode comme manuel pour les séminaires russes, et que Théodore Vallianos traduisit en grec, en 1858. Chose curieuse, nous retrou­ vons dans cet ouvrage un écho dc la doctrine do Grégoire Palamas sui la purification progressive des ancêtres dc la Vierge, afin que celle-ci fût un rejeton immaculé. Après avoir dit que Jésus-Christ seul a été sans péché, parce qu’l lommc-Dicu né sans le concours dc l'homme « do la Vierge toute bénie et to ut-lin ma­ culée, que la grâce divine avait purifiée auparavant dc toute souillure du péché, afin que le Fils dc Dieu prit d'elle une nature humaine sans tache, » Antoine explique'comment s'cstfaiteccttc purification préalable de la mère dc Dieu : « Déjà dès l’époque d’Abraham, dit-il. Dieu choisit dans le genre humain l’unique génération des ancêtres de Mario, la Vierge toulesainlc, et il les purifiait d’une manière spéciale et progressivement. Aussi, lorsque l’archange Gabriel annonça à Marie la conception virginale de JésusChrist, il l'appela pleine de grâce. Les saints Pères dc l'Église, à leur tour, lui appliquent ccs paroles du Cantique des cantiques ; Tu es toute belle, et il n’y a point dc tache en loi. Et saint Jean Damascène la nomme le rejeton tout-immaculé dc Joachim, l’enfant toute-sainle d’Anne. Et notre sainte Église lui donne les épithètes dc très pure, de seule pure, et rappelle palais Immaculé et sans tache, demeure toutc-immaculéc. » Antoine, op. cil., trad, grecque, p. 191-192. Quelle que soit sa valeur intrinsèque, la théorie dc la purification progressive des ancêtres dc Marie sauve­ garde suffisamment l'idée dogmatique dc la conception immaculée, et on est heureux de la trouver dans un manuel dc théologie russe en plein xix· siècle, devenu également un manuel grec non encore complètement délaissé. Cela n'empêcha pas plusieurs théologiens russes d’attaquer la définition de 1854 ; mais il est remarqua blc que les grands théologiens du xix· siècle, Phllarètc de .Moscou, Macairc Bulgakov, Phllarètc Goumilevski, gardent un silence complot sur cette question do 973 IMMACULÉE CONCEPI ION l'Immnculée conception. Il faut attendre l’année 1881 pour voir apparaître dnns la littérature ecclésiastique russe une longue monographie contre le dogme catholique dé Uni par Pic IX. Alexandre Lebedev (t 1898), l’auteur dc ccttc monographie, a pulsé largement aux sources protes­ tantes, et a tracé de la mère dc Dieu un portrait qui est aux antipodes dc la tradition byzantine, il présente comme doctrine dc 1 Église orthodoxe d’Orient une théorie toute nouvelle, que les grecs modernes eux-mêmes n'ont jamais admise. D'après lui, Marie fut conçue et naquit dans le péché originel. Elle porta comme le reste des hommes · tout le poids du jugement dc Dieu », fut soumise aux luttes dc la concupiscence, et bien que sanctifiée au moment dc la conception du Fils de Dieu, ne fut complètement purifiée du péché originel que près delà croix du Christ Notre théologien laisse en suspens la question dc savoir si la Vierge sc rendît réellement coupable dc péchés actuels après la conception de Jésus. Avec cela, il admet que Marie fut sanctifiée dans le sein maternel, mais il a une manière à lui d’expliquer ccttc sanctification, qui fut accordée à Marie « en considération dc la foi dc ses parents » et consista en une sorte dc bienveillance extrinsèque dc Dieu, ne posant dans l'âme ni grâce habituelle ni grâce actuelle et laissant subsister l’état pcccamincux. C'est ccttc théologie qui valut à son auteur le grade dc maître en théologie dc l’académie ecclésiastique de Moscou. L’ouvrage d’A. Lebedev exerça une réelle inllucnccsur les milieux intellectuels do Russie. En 1881, le saintsynode, comme nous l’avons dit plus haut, inscrivait la question dc l’immaculée conception au programme dc théologie polémique. A partir dc cc moment, les manuels dc théologie polémique et ceux dc théologie dogmatique attaquent tous le dogme catho­ lique. Cette unanimité do la théologie officielle est du reste troublée dc temps en temps par la voix dc théologiens indépendants. C'est ainsi que récemment l’archiprêtrc P. Svietlov, un partisan dc l’union des Églises chrétiennes sur la base des articles fondamen­ taux, déclarait que la croyance dc l’Église occidentale sur la conception dc Niarlc « est née d’une bonne source, d’un sentiment do profonde vénération pour la mère dc Dieu. » Il trouve sans doute qu'on a dépassé la mesure, mais il fait remarquer aux « orthodoxes > que le culte marial en Orient n’est pas toujours resté dans les bornes d’une sévère théologie, témoin l’invo­ cation suivante : < Sainte mère dc Dieu, sauvez-nous. » D’ailleurs, conclut-il, Es catholiques peuvent toujours demander quel est le concile œcuménique qui a con­ damné leur doctrine comme une hérésie. P. Svietlov, La doctrine chrétienne au point dc vue apologétique, 2· é /< te» des maints dans leur évolution historique, Paris, 1909. p. 319-327. où il y a pas mal d’inexac tltudes, que beaucoup dc gens ré|>ètciit. Sur lu croyance des grecs et des russes moderne·* et leurs nt toques contre le dogme catholique : J. Gagarin, Qualricme lettre d une dame russe sur le dogme de l'immaculée conception Paris, 1875; Id., L'Eglise russe ft l'immaculée conception, Paris, 1876; A. Spaldak, Die Stcllung der griechisch-russischcn Kirche zur Lehre der Unbcflecktcn Empfüngnls, dnns Zcitxchrl/I fur kathoRsche Theologtr, 1901. t. xxvm, p. 707; Id., Les objections des théologiens russes contre l'immaculée conception.diins la revue tchèque Casopis katolickeho duchoiiensta, Prague. 1906. p. 50, 100; S. Pctridè», L'immaculée 975 IMMACULÉE CONCEPTION conception ri les 0rrc.< modernes, dans les ÉcAo.f d9Orient, t. vnr, p. 257; M. Jugie, L9 immaculée conception chez les Russes au .TF!P siècle, dans les Échos d’Orlent,t. xn.p. 60, 321; Id.. Le dogme dc l9 immaculée conception d*après un théologien russe (analyse do l'ouvrage d'Alexandre Lebedev, dont il est parlé dans l'article, col. 973). dans les Échos d9 Orient, 1920, t. xx, p. 22; Λ. Palmieri, Dc Academia! ecclcslasllcæ kloviensls doctrina beatam Mariam Virginem prirmunttam fuisse a peccato originali, dans les Acta 11 conventus VelchradensL, Prague, 1910, p. 39. M. Jugie. III. IMMACULÉE CONCEPTION DANS LES ÉGLISES NESTORIENNES ET MONOPHYSITES. — La littérature théologique des nestorienset des mono­ physites est encore trop peu connue pour qu'on puisse donner un aperçu satisfaisant dc leur doctrine mariologiquc. Le peu qu’il est possible d'en recueillir dans les documents édités jusqu'à ce jour permet d'affirmer que les adversaires du concile d’Éphèse, comme ceux du concile dc Chaicédoinc, n'ont jamais différé des byzantins orthodoxes sur la question dc l'absolue sainteté ct pureté dc la mère du Sauveur. Pas plus que les byzantins, du reste, ces dissidents ne pa­ raissent avoir agité ex professo la question dc savoir si Mario avait été préservée dc la tache originelle dès lo premier Instant dc sa conception. S'ils ont affirmé cctto vérité, ils l'ont fait en passant, sans y donner une attention particulière, comme une chose qui va do soi. Par ailleurs, les nestoriens, comme les monophysites, ont toujours professé une grande vénération pour saint Éphrern, le grand docteur dc l'absolue sainteté dc Marie, au iv° siècle. Il n'est pas étonnant qu’ils soient restés fidèles à la doctrine dc ce Père. Nestorius, nous l'avons vu, col. 905, bien qu'il refuse à Marie le tilic de Théo tocos, n'est pas loin d'affirmer explicitement son exemption dc la faute originelle. Ceux qui dans la suite des siècles sc sont réclamés dc lui, tout en restant plus ou moins fidèles à son système christologiquc, nous ont parfois livré des expressions de tout point satisfaisantes dc la doctrine dc la conception Immaculée; tel cc Georges Warda, d'Arbèlcs, qui vivait dans la première moitié du xm· siècle ct dont les hymnes religieuses ont été Insérées dans les offices dc l’Églisc ncstoricnnc. Dans une do ses hymnes sur la conception dc la Vierge, il salue en Marie «cellequi seule a échappé au déluge uni­ versel du péché ct qui est restée intacte, comme jadis la toison de Gédéon. » Dans une autre, il écrit : « Qui pourrait dignement parler dc cette Vierge Intègre ct immaculée, sainte ct sanctifiée dans sa conception même, destinée qu'elle était, dès le sein dc sa mère, à devenir l’arche, l’autel, le temple, le palais, le trône du Dieu vivant des siècles? Le vautour ne Γη pas aperçue; Il ne l'a pas étreinte dans ses serres; l'esprit rôdeur ne l'a pas rencontrée. > Pareri deli episcopal·) cattolico sulla definirionc dommaltca dell’ immacolato co neepimento della B. Vergine Maria, Home, 1851-1851, t. tv, p. 179. Le patriarche catholique dc Babylone, qui rapportait, en 1850, cc témoignage do Georges Wurda, exprimait en ces termes la croyance do la nation chaldécnnc : « Nous déclarons que notre croyance ct celle dc nos frères métropolitains, des religieux, des prêtres ct dc tous les fidèles dc la nation chaldécnnc au sujet dc l'immaculée conception dc la sainte Vierge dans le sein de sa mère, ne diffère en rien dc la croyance des catholiques d’Europe... Nous sommes fortement attachés à celte doctrine. > Plus nombreux ct non moins explicites sont les témoignages que nous rencontrons chez les Syriens jncobites. Le grand théologien monophysite Sévère d’Antioche, dont les oeuvres sont encore très impar­ faitement connues, enseigne clairement que Marie fut exempte de toute souillure dans une Homélie sur 976 la sainte Vierge, publiée par le cardinal Mai, Spici­ legium romanum, Borne, 1844, t. x a, p. 212-216. Au moment dc commencer l’éloge dc la Vierge, l’orateur croit avoir entendu la voix qui parlait autrefois ά Moïse : « N'approcho pas d’ici, ôte tes chaussures dc tes pieds, car lo lieu sur lequel tu te tiens est une terro sainte (Exode, m, 5). > Qu’y a-t-il, en effet, de plus nugusto ct dc plus élevé que la mère de Dieu? Vraiment, celui qui va vers elle s’approche d’une terre sainte, qui touche au ciel. Cor bien que Marie vienne do la terre ct possède une nature humaine consubstantielle a la nôtre, clic est toutefois sans tache ct exempte dc toute souillure. Que dis-je? Dc son sein, comme d’un ciel, est sorti l’Homme-Dieu qu'elle a divinement conçu ct enfanté, quamquam enim Maria dc terra est, ct humanam naturam nobisqut consubstantialem sortita, attamen intemerata est omnique macula carens. Mai, op. cit., p. 212. L’opposition qui est établie ici entre la naissance terrestre dc Marie ct sa pureté immaculée ne peut que signifier chez clic l'absence de la souillure originelle, dont Sévère parle avec une précision toute scolastique dans son traité contre Julien d'IIalicarnassc. D'après lui.cn effet, la grâce que possédait Adam avant sa chute était une participation à la nature divine; clic était la condition de l’immortalité corporelle. Le morte moriemini dc la Genèse ne doit pas seulement s'entendre dc la mort corporelle, mais aussi de la séparation dc Dieu, qui est la vie ct l'immortalité par essence. Le péché originel ne nous a, d'ailleurs, dépouillés que des dons gratuits, ct ne nous a rien fait perdre dc ce qui appartient à la nature proprement dite, non natura sed gratia spoliavit se homo o b suam declinationem. C'est co qui explique pourquoi Jésus-Christ, tout à fait étranger au péché, a cependant pris une nature mor­ telle ct passible. La douleur ct la mort sont naturelles ά l’homme ct n'ont rien en soi dc répréhensible ct dc déshonorant. C'est seulement si elles avaient atteint l’IIommc-Dicu à cause du péché d'Adam qu'il aurait contracté, qu'elles auraient été pour lui une honte ct une iléliissure. Contra Julianum Halicar­ nassensem, Mal, op. cit., p. 181. Sévère indique bien la raison dc l’absolue sainteté do la Vierge. C’est parce qu'elle devait fournir au Fils do Dieu une chair immaculée : « La mère dc Dieu, dit-il, est lo ferment dc notre nature, la racine dc cetto véritable vigne dont nous sommes les brandies, à laquelle nous devenons semblables par la greffe du baptême, tenue dc la réconciliation dc Dieu avec les hommes. C'est pourquoi les anges chantaient : Gloire à Dieu nu plus haut des deux ct paix sur la teno, sourire d’en haut aux hommes (Luc., n, 14). Le souvenir dc la Vierge doit donc être cher à nos cœurs, quand nous songeons à la haine Implacable dont nous étions l’objet ct à la magnifique réconci­ liation que nous devons Λ sa médiation. · Ipsa cnim fermentum est formæ nostrae, radix ejus verm vilis, cujus nos exstitimus palmites, parcs facti in baptismatis germine, quod est reconciliationis Dei cum hominibus complementum. Homil. in B. Virginem, op. cit., p. 219. Un contemporain dc Sévère, Jacques dc Saroug (t 521), enseigne une doctrine identique : « Si une seule tache, si un défaut quelconque avait jamais terni l'âme de la Vierge, sans nul doute lo Fils dc Dieu sc fût choisi une autre mère, exemple de toute souillure. » Abbeloos, Dc vita ct scriptis S. Jacobi, Batnarum Sarugi in Mesopotamia episcopi, Louvain, 1867, p. 223. G'cst à cc même Jacques dc Saroug qu'est attribuée cette acclamation à Made Insérée dans l'office syrien : « Salut, ô sainteté restée toujours intacte, justitia nunquam iiesa ; salut, ô nouvelle Èvc qui avez enfanté l'Emmanuel. > Ojflcium ferlait fuxla ritum Ecctesiæ Syrorum, Rome, 1853, p. 292. 977 IΜ Μ A C L LÉ E CONGE PT IO N Jncqucs n, il estvml.un passage obscur sur In puri­ fication de la Vierge, nu jour S. Léon, Scrm., xxv,’ in Nativ. Domini, v,5, P. L., t. i.iv, col. 211 ; , P. L., t. cxvm, col. 765. ct comme « un rejeton qui, d’une racine viciée, sort A l'époque où nous sommes parvenus, quatre fêles indemne de tout vice. · Scrm., n, de Assumptione; de Notre-Dame sont cékbrécs cn Occident : la Puri­ xnt de sancta Maria, P. L., t. xc.vi, col. 252, 279. Le fication, l'Annonciation, la Nativité ct l'Assomption. pseudo-Jérôme la compare ù une nuée, « qui ne fut Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, p. 272. jamais dans les ténèbres, mais toujours dans la lu­ La troisième de ces solennités est particulièrement mière. > Breviarium in Psalmos, Ps. Lxxvn, 4, P. L., intéressante dans la question présente, car elle pré­ L xxvi, col. 10-19. Ambroise Autpert, abbé de Saint- para ct achemina les esprits à la fête de la Conception. Vincent deBénévent (f 778), l'auteur présumé d'un Les orateurs qui célèbrent Ja naissance de Marie ne sermon sur l'Assomption, jadis faussement attribué présentent pas cet événement comme une simple à saint Jérôme, Epist., ix, ad Paulam cl Eustochium, annonce du Sauveur ou du jour de notre délivrance; de Assumptione B. M. Virginis, P. L., t. xxx, col. 122. Marie est pour eux une aurore étincelante ct à ce proclame Marie «sans tache, parce qu'elle n’a été su­ titre elle participe déjà elle-même, par une sorte jette cn rien à la corruption, et ideo immaculata, quia d’anticipation, à la lumière que le soleil de justice in nullo corrupta...; vrai Jardin de délices, où sc ren­ versera bientôt sur la terre : Sicut aurora raide ruti­ contrent toute sorte de fleurs cl les parfums des vertus; lans /n mundum progressa es, o Maria, quando v ri jardin si bien fermé, que ni les attaques insidieuses ni solis splendorem, tantæ sanctitatis jubar prœcucurris'.l. les pièges de l'ennemi n'ont jamais pu le violer ni le Et recte quidem auroræ implesti officium. Ipse enim corrompre, » n. 9, col. 132; passage inséré dans le sol justitiic de te processurus, ortum suum quadam bréviaire romain, 8 décembre, leçons du second noc­ matutina irradiatione prœvcnicns, in te lucis suie ra­ turne. Ces affirmations s'appliquent principalement dios copiose transfudit. Ainsi parle l’auteur de l’ho­ à l’intégrité virginale ct A l’absence de fautes person­ mélie lu, in Nativitate B. M. Virginis, contenue dans nelles ou actuelles, mais il serait arbitraire d’en res­ un recueil du ix· siècle. F.Wiegand, Das Homiliarium treindre la portée ù ccs deux objets, car Marie tom­ Karls des Grossen, Leipzig, 1897, p. 1517. berait alors, dans son âme, sous celte loi de cormption SI Marie naît au monde extérieur pure déjà ct ra­ qui semble écartée de toute sa personne. dieuse, quand donc les rayons du soleil de justice Sur la fin du même siècle, Paul Wamefridc, diacre avaient-ils pénétré pour la première fois dans son d'Aquilée, reconnaît dans la mère de Dieu le rameau Ame? Il était désormais impossible que la question qui, d'après Isaïe, devait sortir du tronc de Jessé, ne sc posAt pas; posée, elle soulevait nécessairement rameau · entièrement indemne de tout nœud mau­ le problème de la sanctification de la Vierge ct de sa vais, vitiositatis nodis /undilus carens. » Homil. in conception, considérées dans leur rapport mutuel. Assumptione, P. L., t. xcv, col. 1567. Ailleurs, vou­ On ne saurait doncs'étonncr que, parlant de celle «dont lant expliquer pourquoi Marie n'apparaît pas auprès la glorieuse naissance est proclamée heureuse et de son Fils au cours de son ministère public, il re­ bénie dans l’Églisc de Dieu, · saint Paschasc Radbert. marque que Jésus s'est dit « envoyé aux brebis per­ abbé de Saint-Pierre de Corbie au diocèse d'Amiens dues de la maison d'Israël, > Matth., xv, 24, qu’il (f vers 860), ait pu écrire, cn remontant de l'effet à la • est venu appeler, non les justes, mais les pécheurs, cause : « Puis donc qu'on célèbre sa naissance d'une chercher et sauver cc qui était perdu. » Luc., v, 32; manière si solennelle, l'autorité de l’Églisc montre xix, 10. Dès lors, « pourquoi cette mère très sainte, clairement que Marie naissant a été exempte de toute cette vierge douée d'une splendeur de sainteté inesti faute ct que, sanctifiée dans le sein de sa mère, elle niable, aurait-elle dû sc mêler aux pharisiens ct aux n’a pas contracté le péché originel. · De partu Vir­ pécheurs pour suivre son Fils corporellement, elle ginis, 1. I, P. L., t. exx, col. 1371 ; écrit attribué par­ qui, sûrement, ne fut Jamais spirituellement séparée fois ù saint Ildeionse, P. L., t. xcvi, col. 211 sq. Prises de lui en cette vie, a quo procul dubio spiritualitcr in ù la lettre, ccs paroles n’énoncent pas une sanctifi­ (empore nunquam creditur defuisse. · Homil., n, in cation postérieure à la conception, bien qu'antérieure Evangel.: Intravit Jesus, n. 5, coi. 1573. Aussi la salu­ à la naissance; elles écartent simplement de Marie tation angélique suggère-t-elle ù cet orateur des le péché originel : neque contraxit, in utero sanctiflcala, ciluslons semblables ù celles des Orientaux sur Marie, originale peccatum. De la sainteté que possède l’en­ temple vivant de la Sagesse divine que celle-ci s'est fant qui naît, Paschasc remonte ù la sainteté ini­ construite elle meme, voulant l'habiter un jour : « Elle tiale de l’enfant conçu, la seconde chose lui np a été saluée par l’ange cn des termes absolument paraissant sans doute comme l’explication de L inusités jusqu’alors : Je vous salue, pleine de grâce; le première. Seigneur est avec vous. Dites-mol, que pouvait-il Mais ce passage appartient-il au texte primitif, ou manquer cn fait de justice ct de sainteté ù la Vierge ne serait-il pas plutôt une Interpolation postérieure? qui, par une miséricorde si efficace, a reçu la plénitude Cette seconde hypothèse a été soutenue, après dom de la grâce? Comment le moindre vice aurait-il pu Martène, par des critiques récents; en revanche, le trouver accès dans son Ame ct dans son corps, puisque, protestant Zockler s'est servi de cc passage pour semblable au ciel qui contient tout, elle est devenue affirmer l’existence de la fêle de la Nativité de Marie le temple du Seigneur? C'est vraiment la demeure en France dans la seconde moitié du ix· siècle. dont Salomon a dit (sans préjudice d’un autre sens i Bealcncyklopüdie lür protcstantischc Théologie und 985 IMMACULÉE CONCEPTION Kirche, nrt. Maria, 3· édit., t. >n, p. 320. La difflculte, spécieuse ù prcmièio vue, vient d'une contra­ diction qu'on dit exister entre cc passage ct la doc­ trine professée, quelques lignes auparavant, sur la purification de la Vierge. La thèse de Badbert est que la mère de Dieu n’a pas enfanté son fils comme les autres femmes, mais que, l’ayant conçu vlrginaleinent, clic l’a ensuite enfanté en dehors des lois communes. Vient alors cette objection : la chair de , Marie fut une chair de péché, soumise à la loi commune de la concupiscence; elle devait donc concevoir ct enfanter suivant cette même loi. Oui, répond-il cn substance, s’il n'y avait pas eu purification préalable, mais cette purification ayant eu lieu quand le SaintEsprit descendit sur la Vierge au jour do l’annonclation, il n’y avait plus cn elle, quand elle conçut son divin Fils, chair de péché ni, par conséquent, chair soumise à la loi de la concupiscence. 11 sera question plus loin, à propos de saint Anselme et des théolo­ giens du xn· siècle, de cette théorie de la purification de Marie. Contentons-nous ici de répondre qu’il y aurait contradiction réelle entre les deux passages et, par suite, indice d’interpolation, si, dans la pensée de l'écrivain, la purification opérée au jour do l’annonciation portait sur le péché originel proprement dit ou le supposait nécessairement; mais ceci n'est pas démontré. D’après une manière de voir que beau­ coup partagèrent alors ct plus tard, Paschasc a pu regarder la sanctification première de la mère de Dieu comme s'étendant à ΓΛιηο seule ct laissant la chair soumise, cn principe ou môme cn fait, à certaines suites de la faute originelle, notamment à la concupis­ cence, dite loi du péché, et c'est cn cela qu’il y eut purification : totam dcfœcavil a sordibus virginem et decoxit, ut esset sanctior quam astra cirli, coi. 1372. Quand le saint abbé dit : « D’ailleurs comment n aurait-cllc pas été libre du péché originel, après qu’elle eut été remplie du Saint-Esprit, celle dont la glorieuse naissance est proclamée heureuse ct bénie dans l’Églisc du Christ? > il fait un raisonnement a fortiori dont voici le sens complet ; si dès avant sa naissance Marie fut exempte du péché originel (proprement dit), comment la purification opérée cn elle par le SaintEsprit, au jour de l’annonciatlon, ne l’aurait-cllo pas totalement délivrée, cn sa chair ct cn son esprit, de ce même péché considéré dans scs traces ou consé­ quences? Et cela, pour qu’elle conçût et enfantât son fruit d'une façon virginale ct cn dehors de toute action ou passion sc rattachant, de près ou de loin, à la concupiscence. La contradiction réelle disparaît, mais le dernier mot ne pourrait être donné que par une édition strictement critique de l'écrit. Un dernier témoignage couronnera dignement cette première période des docteurs latins posléphéslcns; il est de saint Fulbert, évêque de Chartres au début du xi· siècle (t 102K). Dans un premier ser­ mon, où il utilise largement l’Évangilc apocryphe de la Nativité de Marie, il nous montre la bien­ heureuse Vierge descendant d’ancêtres pécheurs, mais apparaissant elle-même · belle comme un lis au milieu des épines », puis pariant de ses perfections qui dépassent toutes nos louanges : « Cc qu'on peut d’abord affirmer, dit-il, c'est que l'âme ct la chair du Marie, choisie par la Sagesse divine pour devenir sa demeure, furent pleinement exemptes de toute malice ct impureté, ab omni malitia et immunditia purlssim r, conformément ù ccs paroles de Γ Écriture, Sap., î, 11 : Quoniam in malevolam animam non in­ troibit sapientia, nec habitabit in corpore subdito pre­ catis. La sagesse n’entrera pas dans une âme qui médite le mal, et n'habitera pas dans un corps esclave du péché. · Scrm., xv, de Nativitate B. M, V„ P. L., (. cxiJ, col. 322. Le ton s’élève dans un autre sermon 986 sur le même sujet : c O bienheureux cet enfantement ct ccttc naissance, puisqu'ils donnent à la terre la Vierge qui doit effacer l’antique offense de nos pre­ miers parents, ct redresser le monde courbé sous le joug du plus impitoyable ennemit Enfantement dont toute la raison d’être fut de préparer au Fils du TrèsHaut une demeure sainte ct pure. Car à quelle autre fin aurait-il pu être destiné?... Dans la conception nécessaire de ccttc Vierge, l'Esprit de vie ct d'amour remplit certainement ses parents d’une grâce parti­ culière, ct la garde des saints anges ne leur fit jamais défaut... Combien grande, dites-moi, dut être la sollicitude de ccs esprits célestes à l'égard de per­ sonnes aussi chères à Dieu, dès qu’ils commencèrent ii produire leur fruit, ab initio procreationis suae, ct combien grande la vigilance des mêmes esprits à l'égard d’un tel fruit! Est-il croyable que l’Esprit-Saint n'ait pas été dans cette enfant choisie, qu’il devait un jour couvrir de son ombre? » Scrm., vi, in oriu alnue Virginis, col. 326. Isolée, la dernière phrase reste vague; prise dans le contexte immédiat, elle sc rap­ porte à la bienheureuse Vierge considérée au début de son existence, · alors que ses parents commencè­ rent à produire leur fruit.» On pourrait même se de­ mander si, cn parlant de la grande sollicitude des esprits célestes à l’égard de saint Joachim ct de sainte Anne à cc moment-là, l’évêque de Chartres ne songerait pas, sous l’influence d'apocryphes orien­ taux, ù mettre la conception active de Marie cn dehors de la loi du péché ou de la concupiscence. Quoi qu’il cn soit de ce point, le pieux docteur ne se contente pas de voir dans cet événement la prépara­ tion lointaine de la future mère de Dieu; il reconnaît, cn outre, la présence du Saint-Esprit dans celte en­ fant de bénédiction, ct il unit, dans sa pensée cl dans sa vénération, la double naissance, l’extérieure ct l’intérieure. Dès lors, que fallait-il pour arriver à la fête de la Conception de Marie? Il sufUsait de dédou­ bler l’objet du culte ct d’honorcr à part chacune des deux naissances. C’cst cc qui avait eu lieu déjà comme nous allons le voir. 2· Débuts de la fête de la Conception en Occident. — Longtemps ccttc question est restée fort obscure; sans être pleinement élucidée, elle a fait, depuis un demi-siècle, de grands progrès. Mais là, comme cn beaucoup d'autres pobits, il faut opérer un triage dans les pièces versées au débat. 1. Documents apocryphes ou sans valeur probante. — On a revendiqué pour l'Espagne l’honneur des prémices cn celle matière. D'après une Vie attribuée à l’un de ses successeurs, saint Julien de Tolède, ct par suite composée une vingtaine d’années après sa mort, saint Ildefonsc (f 667) aurait · ordonné do fêler la Conception de sainte Marie, c'est-à-dire le jour où clic fut conçue, et c’cst cn vertu de celte Institution que la fête se célèbre solennellement cn Espagne. » De son côté, le roi Ervigc (f 6S7) aurait prescrit aux Juifs d’observer certaines solennités en usage parmi les chrétiens, cl tout d'abord festum sanctœ Virginis Marix, quo gloriosa conceptio ejusdem celebratur. Mablllon, Acta sanctorum ordinis bencdictini, sæc. n, p. 522; récemment, J. Mir y Noguera, La inmaculada concepciôn, Madrid, 1905, p. 27. Mais ces documents manquent de valeur probante. Le témoignage prêté ù saint Julien do Tolède est apo­ cryphe; rien de pareil dans le court éloge qu’il a fait de son glorieux prédécesseur. P. L., t. xevi, col. 43. Le décret d’Ervlge n’a pas la portée qu’on lui attri­ bue : il s’applique, non à la conception passive do Marie, mais à sa conception active, celle qui, au jour de l’annonciatlon, la rendit mèro du Verbe incarné. Ballcrini, Quastio an S. Hildcfonsus episcopus Toleta­ nus concepts Virginis festum in Hispaniis instituerit, IM MAC I LEE CONCEP TION 987 Rome. 1856; réimprimé dans Sylloge monumentorum, du même auteur, Paris, 1855, t.1, p. ix. Après l’Espagne, quatre siècles plus tard, vient l'Italie septentrionale. La pièce invoquée est le tes­ tament d’un prêtre dc Crémone, Ugo de Summo; tes­ tament qui aurait été rédigé en décembre 1047, in /esto sanete rt immaculate conceptionis beatps Vir­ ginis Marte. Ballcrlnl, Sylloge, t. î, p. 1-25. il y est question dc Marie comme de la femme, annoncée dans la Genèse, quir gratia Filii ab originali labe anticipata redemptione prœscr vela semper fuit lamanimaquamcorporc integra ct immaculata. Prescription est faite de célébrer tous les ans avec solennité la fête dc l’immaculée con­ ception, ct d’y chanter les deux strophes suivantes : Candidissima utl lllia. Salve æ terni patris filia. Salve mater redemptoris. Salve sponsa spirat oris. Sine macula concepta. Salve Triadis electa. Salve inferni victrix aspidi·, Illius expers sola cuspidis. Salve Triadis electa, Sine macula concepta. Mais il est impossible d’accorder une valeur réelle à une pièce dont l’original n’a jamais été produit ct que tout rend suspecte : recherche dans la compo­ sition, superfluité dans les détails, accumulation d'expressions techniques que seules les controverses postérieures ont pu provoquer. Malou, L'immaculée conception, Bruxelles, 1857, t. î, p. 111 ; Kellner, Ileo tologie, 3· édit., p. 192, n Serm., n ct xuv, p. 13 sq., 251. Elfric pouvait ignorer cc qui s’était pratiqué jadis. Λ tout I proclame Marie riche dc toutes les vertus, toute belle le moins, les documents eux-mêmes prouvent que ct toute brillante, temple du Saint-Esprit comme nul l'idée d’une fête ou d’une commémoralson ayant pour autre, possédant la grâce en sa perfection, nouvelle objet la conception de Marie existait dans certains mi- 1 Èvc ct notre médiatrice auprès dc son divin Fils, lieux irlandais aux ix· ct Xe siècles. En revanche, ils t. î, p. 447 sq., 455; t. n, p. 23. Il affirme qu’elle est ne nous donnent aucun renseignement précis sur la née, comme les autres humains, d’un père ct d'une manière dont on comprenait l'objet dc la fete ou dc mère, Joachim ct Anne, personnes pieuses selon la Loi, la commémoralson, à savoir dans le sens plus large mais dont il ne veut rien dire dc plus, par crainte de d’une conception simplement miraculeuse ou dans tomber dans l'erreur, L n, p. 466. Paroles où perce le sens plus strict d’une conception sainte. Mais il un sentiment dc défiance à l'égard des amplifications serait arbitraire d’exclure a priori le second sens, contenues dans les Évangiles apocryphes. En somme, quand, vers la mémo époque, on trouve dans une dans ces divers documents, nulle manifestation d'une hymne sur la bienheureuse Vierge la strophe qui suit, croyance à la sainteté originelle dc la bienheureuse où la mère dc Dieu, nouvelle Èvc, est mise à part des Vierge, nulle mention d’une fete en l’honnëur dc sa autres humains dans ses prérogatives, dans son rôle conception. Muis co n'est pas là tout l’apport de ct peut-être dans son origine. l'Èglbc anglo-saxonne, antérieurement à l'invasion normande de 10C6; il y a d’autres sources utilbées Huic matri nee Inventa ante nee post similis, surtout par Edm. Bishop ct le P. Thurston. Nee de prole fuit plane humana: originis. b. Documents positifs. — Un premier groupe nous Per mulierem cl lignum mundus periit. Per mulieris virtutem ad salutem rediit. présente la simple mention dc la fête; tels deux calen­ driers, provenant des abbayes d'Old Minster et de Cl. Blume, Analecta hymnica medii avi, t. u. Die Newminster, à Winchester, ct rédigés l'un vers 1030, Hymnen des 5-11 Jahrh. und die Irish-Keltische l’autre sous le gouvernement dc l’abbé Aclfwin Hymnodlen, p. 305. (1034-1057). La fête y figure au 8 décembre, sous c) Angleterre — Ona vu plus haut qu'au vm· siècle, cc titre : Conceptio sonde Dei genitricis Marix. R. T. la dévotion envers la mère de Dieu n'avait pas encore Hampton, Medii avi kalcndarium, Londres, 1841, pris son plein essor dans Γ Église anglo-saxonne. 1.1, p. 433, 446. Dans un martyrologe, composé vers Pourtant, c’est déjà une très haute idée dc la sainteté 1050 au monastère dc Sain t-Au gus tin de Cantorbéry, de Notre-Dame ct de son pouvoir d'universelle inter­ on lit également à la même date, VI id. dec. : item cession, que respire VOratio ad sanctam Mariam, ipso die conceptio sancte Marie virginis. Londres, contenue dans le manuscrit dit Book of Cerne, dont British Muscum, Ms. Cotton., Vitellius, c. xn; cf. Thur­ se servait, en 7G0, Ethclxvald, évêque dc Sherboume: ston, AdM Anselm of Bury and the immaculate concep­ la prière s’y ad rosse à la « sainte mère de Dieu, tou- i tion, dans The Month, juin 1904, p. 570; Eadmert jours vierge, bienheureuse, bénie, glorieuse,... Marie tractatus, p. xxxvn sq. immaculée, choisie par Dieu ct l'objet dc scs prédi­ D’autres documents, formant un second groupe, sont lections, ornée d’une sainteté unique ct digne dc | plus précis que les précédents, car ils contiennent des toute louange,... avocate du monde en péril... » formules dc bénédiction ou des oraisons pour la fête. Dans un pontifical, dressé pour l’église primitlale Sancta del genetrix semper virgo beata benedicta gloriosa ct generosa. Intacta et Intemerata de Cantorbéry après 1023, mais dans la première casta ct incontaminata Maria immaculata electa moitié du siècle, on lit, sous cc titre : Benedictio in et a deo dilecta. Singulari sanctitate praedita, atque die conceptioni^sancte Dei genetricis Marie, les prières omni laude digna. Quæ es mterpellntrix pro totius suivantes: mundi discrimina exaudi exnudi exaudi nos sancta Maria. Daigne l’auteur des dons Codes Hum carismatum Inspirator terrenaru nique célestes et le rénovateur des reparator, qui bcatanv del esprits terrestres, qui a fait genitricem angelico conci­ annoncer par un ange la piendam preconavil oraculo, conception dc la bienheu­ vos benedictionum suarum reuse mère dc Dieu, vous ubertate dignetur locuple­ enrichir de scs plus abon­ taro ct virtutum iloribus. dantes bénédictions ct des fleurs les vertu*. Ainsi Arnen. vut-b. Lui qui Γη sanctifiée par Et qui Illam prius snne·1ficavlt nominis Uaulinte l'imposition d’un nom au­ quam edita «rideretur hu­ guste avant que l’humaine mana <*■*'*<.nate. vus virtu­ fragilité ne lui donnât le tum C ,plls adiuvet pollere, jour, qu’il vous fasse possé­ ct In nominis sui veneranda der les vertus dons leur confessione infatigaoiliter plénitude ct persévérer infa­ tigablement dans h respec­ perseverare. Arnen. tueuse confession de son nom. Ainsi soit-il. Qu'elle-même vous ob­ Obtineat vobis gloriosis intercessionibus prospera tienne par sa glorieuse in­ tempora, iucunda ct paci­ tercession la prospérité, le fica, cl post presentia secula, bonheur et la paix ici-bas gaudia sine fine manentia, ct, après cette vie, les joies culus venerandae conceptio­ étemelles, celle que nous ho­ nis frequentamini magnifica norons en fêlant les glorieux sacramenta. Arnen. mystères de sa vénérable conception. Ainsi soit-il. Dom A. B. Kuypers, The prayer book of Aedeluald (he bishop, commonly called the Book of Cerne, Cam­ bridge, 1902, p. 154. Rien qui mérite dc fixer l’attention au ix· siècle; mais ù partir du x·, des documents apparaissent, d’abord négatifs, puis positifs. a. Documents négatifs. — Les recueils dc textes saxons, publiés en Angleterre, contiennent un cer­ tain nombre d'homélies des x· ct xi· siècles : The Blicking homilies of the tenth century, édit. R. Morris, Londres, 1880; Wulfstan, Sammlung dcr ihm tuge· schriebenen homilicn, P· partie, édit. A. Napier, Berlin, 1883; The homilies of (he Anglo-Saxon Church, édit. Benjamin Thorpe, Londres, 1844, 1846. L’auteur dc cc dernier recueil, Elfric, parait s’identifier avec l'archevêque du même nom (1023-1051), qui fut le successeur immédiat dc saint Wulfstan sur le siège d'York. Dans les Sticking homilies, deux sermons sc rap­ portent directement à la mère dc Dieu : l’un pour la fête dc l'Annonciation, Incomplet au début; l'autre pour la fête dc l’Assomption. La pensée dc l’orateur ne va jamais au delà dc ces trois idées : pureté perpé­ tuelle ct parfaite, rôle de médiatrice, place privilé­ giée au-dessus de toutes les autres créatures. Aucune des homélies de saint Wulfstan n'a pour objet propre Londres, British Museum, ms.Harleian. 2S92, fol. 161 ; Notre-Dame; incidemment elle est mentionnée sous | cf. Thurston. Eadmcrl tractatus, p. 85. 991 IΜ Μ A CUL É E C 0 N C E PT 10 N 932 Un autre pontifical, appartenant à l’église cathé­ I fluence elle fit son apparition. Comme tous les docudrale d’Exeter et qui parait avoir servi à l’évêque ! monts se rattachent ù un groupe de monastères dépen­ dant étroitement de l’abbaye de Nowmlnstcr, Edmond Léofric (1050-1073), renferme sous la rubrique : Benedictio in conceptione sancte Marte, une prière du Bishop conjectura d’abord quo les moines bénédic­ tins de cc monastère, disciples Immédiats ou médiats mémo genre : de saint Ethelvold (f 981), auraient établi la solen­ Que Ia bienheureuse vierge Srmpltcma(tn) n deo be­ nité de leur propre initiative. Plus tard, le P. Thurston nedictionem vobis beato Mario vous obtienne pour parla d’une Influence Irlandaise. D'autres attribuè­ Mario virginis pia deposcat toujours la bénédiction di­ rent l’introduction de la fête en Angleterre A Théodore supplicatio, quam concipien­ vine par sa pieuse interces­ de Tarse, qui vint dans ce pays comme primat de dam omnipotens, ex qua sion, elle dont lo Tout-Puis­ cius conciperetur Unigenitus sant, qui la destinait pour ; Cantorbéry (669-690), en compagnie du moine Adrien, angelico declaravit prcconlo, mère Λ son fils unique, n fait auparavant abbé d'un monastère napolitain; conjec­ quam et vobis higher suffra­ annoncer la conception par ture renforcée par la présence, en d’anciens livres gari benigno, ut est beni­ un nngcî Et qu'elle vous liturgiques, de prières ayant une saveur orientale gnissima, sentiatis auxilio. assiste sans cesse de son se­ prononcée, et même do mots grecs transcrits en carac­ cours bienveillant, celle qui Arnen. tères anglo-saxons. Voir Lesêtrc, L'immaculée concep­ est la bienveillance même! tion ct l'Église de Paris, Paris, 1901, p. 16; M. Jugie, Ainsi soit-il. Daigne celui qui l’a dési­ Origines de la fête, p. 532 ; cf. Thurston, The Quique Illam ante concep­ tum preslgnavlt nomino spi­ gnée par son nom avant English feast of our Lady's Conception, p. 165. Enfin, ritus sancti obumbratione, qu'elle no fût conçue ct qui dans la courte préface de son article réimprimé en vos divinam gratiam mento l'a couverte du Saint-Esprit, 1901, Edm. Bishop s’est rallié ù l’hypothèse d'un annuat concipere in sancto vous accorder do concevoir emprunt fait ù l'église de Naples par les moines béné­ Trinitatis confessione atque vous-mêmes en vos fîmes la dictins de Winchester. Plusieurs choses semblent, en ab omni mulo protectos dei­ grftco ct la confession de la effet, trahir une influence grecque : la célébration fica confirmet sanctifica­ sainte Trinité! Qu'il vous préserve do tout mnl ct vous tione. Arnen. de la fêle en décembre ct, dans les formules de béné­ conflrmcdansla saintetédéidiction comme dans la collecte du Missel do Léofric, les fianto! Ainsi soit-il. allusions nu récit du Protévangile de Jacques, vulga­ Et que la sainte mère de Sancta vero dei genitrix risé en Occident par ses remaniements latins : ΓÉvan­ Maria vobis a Deo pacis ct Dieu Mario vous obtienne gile de pseudo-Matthieu ct V Évangile de la Nativité gaudii optineat incremen­ oscr dans toute sa netteté; les objections péché, D*eu a-t-il pris une nature humaine exempte sérieuses sont poussées à fond. Cela fait, la vérité sc de péché ? » Telle est la question, motivée par la doc­ dégage ct le triomphe dc la pieuse croyance devient trine august Inienne sur la chair de Marie comme chair peu à peu complet ct définitif. Diverses étapes sc de péché, qu’il touche dans un écrit composé dc 1091 succèdent, dont les grandes lignes doivent être signa­ à 1098, Cur Deus homo, I. II, c. xvi, P, L , l. clviii, lées. col. 416. L’objection que le saint se fait poser par Z. SECONDE MOI TI fi DU XI· SIÈCLE: AUBE DELA son disciple Boson Indique clairement la portée du CONTROVERSE. — Période courte, mais importante problème : < Si la conception du Christ, comme homme, par l’apparition d’un homme ct par la divulgation fut pure ct exempte du péché qui s’attache à la délec­ d’un événement, vrai ou supposé, qui devaient exercer tation charnelle, la Vierge elle-même, à aquclle il doit une influence considérable sur le développement et dc son origine, fut conçue dans l’iniquité, sa mère h la fêle ct dc la croyance. conçut dans le péché, ct elle est née avec le péché 1° Zxs dodmrs; saint Anselme. — Quelques témoi­ originel, puisqu’elle a péché, elle aussi, dans Adam, gnages, datant de celte époque, ne diffèrent pas, dans en qui tous ont péché. · Anselme commence par leur ensemble, de ceux qui on précédé. Saint Pierre répondre : Puisque cet homme est Dieu ct qu’il récon­ Damien (t 1072) rappelle cc que no il avons appelé le cilie les pécheurs par sa propre vertu, on ne peut pas courant négatif, quand il afllnne que tous, en dehors douter qu’il ne soit abso ument indemne dc tout du Sauveur, doivent s’appliquer ces paroles du pro­ péché; cc qui suppose qu’il est sorti de la masse péche­ phète royal : Ecce in iniquitatibus conceptus sum, et resse sans péché. Si nous n’arrivons pas à comprendre in delictis concepit me mater mea. Serm., xlv, in Nati­ comment la sagesse divine a obtenu cc résultat, ne vitate B. V. M., P. L., t. cxi.iv, col. 711. Aussi oppose- soyons pas étonnés, mais confessons respectueuse­ t-il la chair du Christ Sauveur et celle dc Marie, comme ment notre ignorance en face du mystère. Sur les ayant été conçues, l’une sans péché ct l’autre du péché : instances dc son interlocuteur, le saint propose cepen­ Ex ipsa carne Virginis, quæ de peccato concepta est, dant une explication. Les fruits dc la rédemption caro sine peccato prodiit, quæ ultro etiam carnis peccata n'ont pas été pour ceux-là seulement qui ont vécu détruit. Liber gratissimus, c. xix, P. L., t. cxlv,co1. 129. après la passion du Sauveur; les autres aussi ont pu Ailleurs il rentre dans le courant positif en s’inspirant en bénéficier ct obtenir, par la foi au futur rédemp­ d’une idée déjà émise par Paul Warnefride : e Que teur, d’être purifiés dc leurs péchés. Grâce à un acte peut-il manquer, en fait dc sainteté, de justice, dc de fol semblable, la Vierge fut purifiée par une appli religion, dc perfection, à la Vierge unique qui reçut cation anticipée des mérites de son fils, et c’est de la dans sa plénitude le don de la grâce divine? C'est elle, Vierge purifiée que lo Christ a été conçu, in cjus ipsa en effet, qui entendit l'ange la saluer en ccs termes : munditia de illa assumptus esL Mais comme clic tenait Ave, gratia plena, Dominus tecum. Quel vice, je vous ccttc pureté de son propre fils, celui-ci, en fin dc le demande, pourrait trouver place dans l’âme ou I compte, ne doit qu’à lui-même d’être né pur, c. xvn, dans le corps dc celle qui, semblable au ciel, a mérité col. 119 sq., 423. d’être Je sanctuaire où repose la plénitude de la divi­ Anselme donne ccttc explication pour satisfaisante, nité? > Serm., xlvi, in Natiuitiate B. V. M·, P. L., t. xuv, (sta videtur mihi posse satisfacere, c. xvm, col. 425. col. 752. Plus expressif encore est le père des Char­ Elle avait pourtant un Inconvénient,dont lise rendait treux, saint Bruno (fl 101), quand il reconnaît en Marie compte, celui de subordonner en quelque sorte la «la terre pure, que Dieu a bénie ct qui, en conséquence, pureté du fils à celle dc la mère, comme si le Christ fut indemne de toute contagion du péché, ab omni n'eût pas pu naître d’une femme pécheresse. C’est propterea peccati contagione libera ». Expos t. in ps.ci, cc qu'avait pani soutenir, entre autres, saint Paschasc P. L J. glu, col. 167. Kadbcrt; parlant dc la purification dc Marc au jour Les noms dc saint Pierre Damien ct dc saint Bruno de l'annonciation, il avait écrit : Alioquin, si non disparaissent devant celui d’un docteur qui, en cc eodem Spiritu Sancto sancti ficata es* et munda a, quo­ point comme en beaucoup d’autres, devait jouer le modo caro ejus non caro peccati fuit? et st caro ejus rôle d’un précurseur ct d’un initiateur : saint Anselme, de massa primx prævaricationis venit, quomodo Chris­ archevêque de Cantorbéry (1093-1109). Les défen­ tus Verbum curo sine peccato fuit qui de carne peccati seurs du glorieux privilège dc Marie ont Invoqué son carnem assumpsit, nisi quia Verbum quod caro factum témoignage, mais en s'appuyant presque toujours est eam primum obumbravit in quam Spiritus Sanctus sur des écrits apocryphes : tels le Tractatus de con­ superventi? De partu Virginis, I. I, P. L., I. cxx, ceptione B. Mariæ Virginis, le Sermo dc conceptione coi. 1371. Anselme n’était pas du même sentiment; Martæ, le Miraculum de conceptione, dont il sera aussi se réservait-il de donner plus tard une autre question plus loin; tel encore c Mariale, édit. Ragey, explication, qui compléterait la première. Il la donna ûmdres, 1898, où l’on rencontre des formules comme peu après, en 1099 ou 1100, dans l'écrit De conceptu celles-ci : Pulchra tuta, sine nota eujusque macula: ; virginalicloriginaUpeccato, Z< Z..,t. CLvnr,col. 431.Sans alma parens, omnt carens corruplelæ macula; Iota tomber hii-mèmc sous la loi du péché, Notre-Seigncur munda d jucunda, tota es mirabilis. Ilymn., î, str. 14 ; pouvait naître d’une femme pécheresse, à la condition v, str. 3; vin, str. 16. Quelques expressions du même dc naître virginalement. Cette solution nouvelle 997 IMMACULÉE CONCEPI ION comportait un examen plus approfondi du péché originel, considéré dans sa nature ct son mode dc propagation. A l'époque de saint Anselme comme pendant tout le cours du xn· siècle, le plus grand nombre des théo­ logiens identifiaient, au moins partiellement, la faute héréditaire a\ec la concupiscence, considérée comme une corruption ou souillure physique; produite par le caractère désordonné qu'ils attribuaient ù l'acte de la génération dans l'état présent, cette souillure était censée affecter directement la chair dc l'enfant conçu, mais, par voie de contact ou d’influence, elle s’étendait ù l’âmo au moment dc son union avec le corps. 1 fugues dc Saint-Victor, De sacramentis christianæ fidei, 1. I, part. VU, c. xxvm, xxxi, P. L,, t. clxxvi, col. 299, 301 ; ci. Summa sententiarum, t. Ill, c. xi, ibid,, col. 108; Pierre Lombard, Sent., . II, dist. XXX ct XXXI Certains prétendaient même qu’en conséquence du premier péché, il était résulté dans la chair d’Adam une empreinte morbide ct vicieuse, qui suivait ά travers les âges toute par­ ticule de mat 1ère transmise, immédiatement ou médiatenunt, par le commun ancêtre à scs descendants. Dc là une autre souillure, s'ajoutant à la précédente. Bobert Pull, Sent., 1. H, c. xxvm, P. L., t clxxxvi» col. 756 sq. Dc ccs deux souidurcs, saint Anselme ignore la seconde, ct il n’admet la première qu’avec beaucoup de réserve. S’il ne refuse pas dc reconnaître qu’il y ait dans la concupiscence nhérente à l’acte générateur un principe dc corruption pour la cellule transmise par les parents, il nie expressément que, prise en elle-même, -a concupiscence soit péché pro­ prement dit, elle ne l’est qu’improprement ou méta­ phoriquement. De conceptu virgin., c. îv, col. 437; De concordia prxscientiæ et prit destinationis, c. vm, coL 530 sq. Il nie également qu'il puisse être question du péché originel proprement dit avant 1 animation ou l’union dc l’âme avec le corps; le péché propre­ ment dit ayant pour sujet l’êmc, considérée comme substance intelligente ct 1 bre, ne peut sc trouver ni dans la cellule transmise par les parents ni dans aucun des éléments qui concourent à la formation de l'embryon humain : nam etsi vitiosa concupiscentia generetur in/ans, non (amen magis est in semine cutpa, quam est in sputo vel in sanguine, st quis mala volun­ tate exspuit aut de sanguine suo aliquid emittit. De conceptu virgin., c vn» coi. 441. Comme tout péché proprement dit, le péché originel consiste dans un manque de justice, absentia debita: justitia. Tout homme naissant devrait posséder la Justice ou recti­ tude originelle, colic que Dieu avait conférée à la nature humaine en la créant et que le premier homme, en désobéissant n perdue pour lui ct pour toute sa postérité, c. î-πι, col. 433-436. C'est dans le manque dc ccttc justice ou rectitude primitive ct dans Fininiillé divine qui s'en suit, que consiste le péché ori­ ginel : Hoc peccatum, quod originale dico, aliud intelIt gere nequeo in iisdem infantibus, nisi ipsam quam supra posui, factam per inobedientiam Ador, jusliliæ debilie nuditatem, per quam omnes filii sunt irx, c xxvn, coi. 461. Est-cc Λ dire qu’il n’y a point do rapport entre la tare héréditaire cl une conception soumise Λ la loi de la concupiscence? Au contraire, le fait d’être ainsi conçu par un père ct une mère de filiation ûdamique entraîne, pour toute personne humaine qui commence d'être, ct au moment même où elle commence d’être, la nécessité dc contracter le péché originel en manquant dc la justice qu’eJc devrait posséder, c. vu, col. 441. Mais tout cela sup­ pose que ccttc personne est conçue par voie de géné­ ration naturelle ou sexuelle; ccttc condition manquant comme c'est le cas dans la conception virginale du Sauveur, la nécessité de contracter la tare héréditaire 998 disparaît, c. vm, xi, col. 442, 446. Anselme peut donc conclure que Notre-Seigneur aurait pu naître d’une femme pécheresse sans tomber lui-même sous la loi du péché; en d'autres termes» qu’il n’y a pas de lien nécessaire, absolument parlant, entre la pureté dc Marie concevant et celle de Jésus-Christ conçu. Mais c'est là une hypothèse, cc qui aurait pu être; cc n’est pas la réalité, cc qui a eu lieu en fait. Car s il n’était pas rigoureusement nécessaire que l’HommeDleu fût conçu de la plus pure des vierges, a chose était pourtant convenable : sed quia decebat ut illius hominis conceptio de matre purissima fieret. · Oui, continue le saint docteur. Il convenait qu’elle bri lât d’une pureté sans égale au-dessous de Dieu, cette Vierge à laquelle Dieu le Père devait donner son Fils unique, ce Fils né de son cœur, égal à lui-même, en sorte que le Fils dc Dieu le Père et le fils de la V erge fussent réellement un seul et même Fils », c. xvm, col. 451. Phrase magnifique, dont on a dit justement» 1.1, coL 1339, qu’elle emporte l’immaculée conception. Et il est vrai qu'elle l'emporte en soi; mais F empor­ tait-elle dans la pensée d’Anselme? Il ne semble pas, I puisqu’il ajoutait : < Quant à la manière dont cette I même Vierge a été purifiée par la foi avant qu’elle ne conçût son fils, j’en ai traité ailleurs, » c'est-à-dire dans le premier écrit. Cur Deus homo, L II, c. xvi, ct xvn, coL 419x 421. Anselme attribue donc à une purification préalable cette pureté souveraine dont Marie devait jouir au moment de devenir mère. C'est l’opinion à laquelle Eadmer fera, plus tard, allusion : Quod st aliquis ipsam Dei genitricem usque ad Christi annuntiationem originali peccato obnoxiam asserit, ac sic fide qua angelo credidit inde mundatam, juxta quod dicitur, fide mundans corda eorum, st catholicum est non nego. Thurston, Eadmerl tractatus de concep­ tione, n. 12. En quoi consista cette purification préalable du Marie? Question importante par ses conséquences. Prétendre qu'elle porta sur le péché originel propre­ ment dit, cc serait supposer que, d après le saint doc­ teur, la bienheureuse Vierge fut Infectée de la tare héréditaire jusqu'à l'époque où elle devint mère. Elle serait donc inférieure» sous ce rapport, à JeanBaptiste, sanctifié avant dc sortir du sein maternel : prius plenus Deo quam ex matre. Orat.,i.xn, P. L., t. clviii, coi 969. Elle serait inférieure aux enfants baptisés ct dès lors dé ivrés dc toute souillure spiri­ tuelle. De concept, virgin., c. xxix, coL 462 sq.; De concordia præscientta:, q. m, c. n, coL 522. Que penser dc pareilles conséquences, ou plutôt inconsé­ quences? Car, dans une prière pour le jour delà Nati­ vité, Anselme Invoque Marie comme Vierge très sainte : quando nata es Virgo sanctissima; il l’interpelle par les mérites de sa naissance également sainte : Per ! merita hiæ sacratissimo: nativitatis. Orat., ιλί, coL 962. D’ailleurs, la solution proposée dans le Cur Deus homo cl rappelée dans le De conceptu virginali, exige impé­ rieusement qu'on entende par la purification opérée en Marie au jour de l'annonciation tout autre chose qu’une simple purification ou sanctification dc l’àmc, consistant ù la délivrer du péché originel proprement dit ; car, d’après renseignement formel du saint doc­ | teur, une purification dcce genre ne fait pas disparaître I en nous la chair de pêché, elle n’entrave pas la trans­ mission dc la tache héréditaire, transmission qui tient Λ l’état dc déchéance où la nature humaine se trouve actuellement dans les descendants d’Adam ct qui, par conséquent, est indépendante dc la présence ou do l’absence dc grâce sanctifiante dans l’âme des parents : natu*a egens facta omnes personas, quas ipsa procreat, eadem egestate peccatrices ct injustas facit. De conceptu virginali, c. xxm, xxiv, coi. 457 sq. Cc qu'Ansclme avait en vue, c'était une purification 999 IMMACULEE CONCEPTION 1000 naissance extérieure, la difficulté tirée des paroles de spéciale* ct privilégiée, tendant à faire disparaître en Marie tout cc qui, dans la terminologie augusti- Boson n’en devient que plus précise ct plus pressante nicnnc, constituait la chair de péché, c'est-à-dire la cn ce qui concerne la naissance intérieure ou con­ concupiscence considérée soit comme effet ou comme ception consommée. Aussi est-ce surtout de l’inter­ moyen de transmission du péché originel, soit comine prétation do ce texte que dépend la question de savoir principe de péchés actuels (tomes peccatiJ.C'cstéga- si, finalement, Anselme doit être rangé parmi les loment de cette purification consommée que parlait adversaires de la conception immaculée. Une question Eadmer, quand il a dit delà mère de Dieu au jour de préalable sc pose : le saint docteur a-t-il fait sienne l'annonciatlon : «Nous croyons que, s'il restait encore l'assertion émise par son disciple ou bien la laisse-t-il en elle quelque chose du péché originel ou du péché seulement passer sans lui donner son approbation? La seconde alternative a eu scs défenseurs, notam­ actuel, son cœur cn fut si complètement purifié, que dès lors l’Esprit du Seigneur reposa vraiment ment Jean de Ségovie, Septem allegationes ct totidem dans sa plénitude sur l’humble Vierge qui, tremblante, avisamenta pro informatione Patrum concilii Basilecnécoutait le message divin. > De excellentia Virginis, sis, Bruxelles, 1664, p. 353, et, de nos jours, par le P. Ragcy, Eadmer, Paris, 1892, p. 303 : « Le maître c. ni, P. L., t. eux, col. 561. laisse dire (le disciple). Son silence équivaut non à Le problème de la conception de Marie d’après une concession absolue, mais simplement à une con­ Anselme n’est pas tranché par ce qui précède; on pourrait même arguer de cette purification tendant cession hypothétique, à un laisscr-passcr. 11 ne répond pas : Concato, mais transeat, ou plutôt 1 ne répond à faire disparaître dans la mère de Dieu les effets ou conséquences du péché originel, pour conclure que le rien, il laisse passer, afin de mieux montrer que, même saint docteur devait la regarder comme primitivement cn admettant que la Vierge fût née dans le péché ori­ soumise à la loi commune. Cc qui paraît confirmé par ginel, il ne s'en suivrait pas que Notre-Scigncur eût d’autres textes, notamment ceux où il réserve au été conçu lui-même dans le péché originel. La seule thèse que le saint docteur veut démontrer dans le Sauveur le privilège d’avoir été conçu ct d’être né Cur Deus homo ct dans le De conceptu virginali, c’est sans péché : Solus inter homines filins Virginis in utero matris et nascens de maire sine peccato. De conceptu que Notrc-Scigneur a été conçu sans péché, ct il tient à virgin., c. m, col. 135; in omnibus enim trahitur ini­ fairccomprendrc à scs disciples que l’immaculécconccpquitas ex Adam, et vinculum peccati, et propagatio lion du fils, si l'on peut s'exprimer ainsi, ne dépend mortis, te solo excepto, Domine Jesu Christe, qui, natura nullement de l’immaculée conception de la mère. > La dernière remarque est juste, mais l’interpré­ mirante, de Sancto Spiritu es conceptus. Meditatio in tation proposée ne saurait être tenue pour pleinement ps. Miserere, 19, P. L., t. clvih, col. 854. Mais dans suffisante. 11 y a, semble-t-il, de la part d’Anselme ccs textes, comme dans ceux de saint Augustin et plus qu’un simple laisscr-passcr, puisqu’il admet dans d'autres Pères ci-dessus allégués, il s'agit directement de la question de principe ou de droit, fondée sur le ses deux écrits une purification réelle de Marie. Aussi Jean de Ségovie a-t-il ajouté d'autres explications, mode de conception; sous cc rapport, Jésus-Christ dont une au moins mérite quelque attention. Elle seul échappait à la loi commune. Autre est la question d'application ou de fait, l’exception restant possible, consiste à déterminer ct à limiter le sens ct la portée s’il plaît à Dieu. Ainsi, dans le premier texte, la con­ de la concession faite par le saint docteur d’après l'objet de la purification qu’il admet ct cn tenant ception sans péché et la naissance sans péché sont réservées au Sauveur; malgré ceîa, cn fait ct par pri­ compte du développement intégral de sa pensée. vilège, le précurseur est né saint parce que sanctifié Boson attribuait indistinctement la raison de péché dans le sein de sa mère, suivant une affirmation déjà à la conception première ou chamelle, liée immédia­ tement à l'acte générateur, puis au tenue dernier de rapportée : prius plenus Deo quam ex matre. A l’encontre, il est vrai, quand il s'agit de Marie, se cet acte, Marie considérée comme personne humaine. présente la phrase où Boson affirme à la fols la con­ Dans le De conceptu virginali, Anselme met les choses ception dans l’iniquité, est in iniquitatibus concepta, I au point cn distinguant le péché proprement dit, et la naissance avec le péché originel, et cum originali qui convient à l’âme seule, ct le péché au sens large peccato nata est. Mais, à supposer que cette assertion ou métaphorique qui, d'une certaine façon, peut con­ eût été pleinement acceptée, il n’en résulterait pas venir au corps. Qu'il ait admis cn Marie le péché d’objection efficace contre la sanctification de Marie originel dans le second sens (cc que les théologiens dans le sein de sa mère, si l'on tient compte de la scolastiques appelleront bientôt l’élément matériel de terminologie d’Anselme. Pour lui, les paroles du cc péché), qu'il l'ait admis cn Marie non seulement psalmlstc : Ecce in iniquitatibus conceptus sum, s'appli­ avant, mais encore après sa naissance, nul doute ne quaient directement à l’acte générateur des parents semble possible, puisque, d'après lui, la purification ct au terme immédiat de cet acte, soumis l’un ct spéciale ct privilégiée de la mère de Dieu a porté là-dessus. Mais cette concession, faite implicitement l’autre à, λ loi du péché, dans le sens expliqué déjà; le mot de conception désigne a-ors la conception pre­ à Boson, n'entraîne pas, de soi, cn Marie la souillure mière, appelée conception charnelle, séminale, ou con­ de l'âme, le péché proprement dit, car les deux choses ception passive commencée, par opposition à la con­ sont séparables. L'cntra’rudt-ellc, de fait, dans la ception seconde ou conception passive consommée par pensée du saint, comme s’il eût admis un rapport l’union de l'âme ct du coqis, dans l'hypothèse for­ nécessaire de cause et d’effet entre les deux choses, l'une amenant l’autre? Rien ne le prouve d’une façon mellement soutenue par Anselme, De conceptu virgin., c. vn, col. 440, où l'embryon ne serait vivifié par une péremptoire. Après avoir exposé scs deux manières âme humaine qu'après une certaine période de for­ d'expliquer comment le Verbe a pu s’incarner sans mation. 11 résulte de là que, dans le texte allégué, contracter le péché, Il fait allusion à une autre expli­ l'expression : nata est, signifie proprement la naissance, cation, plus profonde, qu’il accepterait volontiers si elle lui était suffisamment démontrée : altiorcm autem non extérieure, mais intérieure, celle qui eut lieu quand par l’union de l'âme avec le corps suffisamment déve­ aliam rationem... esse non nego, quam, si mihi ostensa loppé, la personne humaine de Marie commença fuerit, libenter accipio, c. xxi, coi. 452. Or il sc trouve d’exister. Celte acception du mot naissance, à cette que, de son côté, Eadmer propose une explication à laquelle 11 donne aussi l’épithète de plus profonde, époque, est confirmée par Pierre Lombard, Sent., 1. II, alltor consideratio, cl qui consiste à sauvegarder la dist XXXI, f 9. pureté du fils en attribuant à la mère une pureté Si cette considération sauvegarde la sainteté de la 1001 IMMACULEE CONCEPTION originelle qui exclurait non pas seulement toute souil­ lure de l'âme ou le péché originel proprement dit, niais encore toute imperfection de la chair ou le péché originel au sens large. Thurston, Eadmert tractatus, n. 12. S le rapprochement fait ici avait quelque valeur et qu’Ansclmc eût eu réelle ment cn vue la conception d Eadmer, il faudrait dire que, sciemment ct déli­ bérément, il n'a pas osé aller aussi loin. Mais entre une conception immaculée en cc sens plénier ct une con­ ception supposant cn Marie le péché originel propre­ ment dit, il y a un moyen terme : celui d’une con­ ception avec infusion privilégiée de la grâce sancti­ fiante, mais laissant la chair de la Vierge dans la condition où elle l’avait reçue de ses parents. Ce moyen terme, Anselme l'a-t-il entresu ct, si oui, l'a-t-il admis? Sur les deux points, la réponse ne peut être que problématique ct, dans le sens de l’affinnation, dou­ teuse; toutefois, il ne sera pas hors de propos d'observer que la fête de la Conception ct la croyance au glorieux privilège trouveront bientôt d'ardents défenseurs panni les plus intimes familiers du saint archevêque. 11 reste que la doctrine ansclmicnne ouvrit la con­ troverse ct qu’en même temps elle prépara de loin la solution destinée à triompher un jour. Elle ouvrit la controverse cn posant cette question : Comment de la masse pécheresse qu'est le genre humain, JésusChrist a-t-il pu naître sans contracter le péché? car cette question devait amener les théologiens à con­ sidérer la pureté de Marie cn fonction de celle de son fils ct à sc prononcer pour ou contre la sainteté ori­ ginelle de la mère. En outre, cn attribuant la purifi­ cation privilégiée de la Vierge à une application anticipée des mérites de son fils, l’unique ct universel rédempteur, Anselme amorçait la grande objection qui devait être formulée ct qui, au siècle suivant, le sera : Comment Marie serait-elle exemple du péché originel, puisqu’elle a été rachetée? Mais celle doc­ trine d’une application anticipée des mérites du Sauveur pouvait aussi contribuer, et elle contribuera défait à rhcurcuscsolutiondelacontrovcrsc.D’autrcs points aideront au même résultat : le rejet d’une empreinte morbide qui aurait suivi à travers les âges toute chair dérivée d'Adam; l'affirmation catégorique que le péché proprement dit a pour sujet l’âme seule; la distinction entre le péché originel encouru ct la nécessité antécédente de l’encourir (le debitum peccati, comme on dira plus tard); enfin la conception du péché originel comme privation de la justice primitive. Sur ce dernier point, cependant, la doctrine restait ina­ chevée : cn conséquence de sa définition générale du péché, rectitudo voluntatis propter se servata, De conceptu virginali, c. m, col. 436, Anselme s'est trop attaché, dans son analyse de la faute originelle, à la notion de rectitude morale, sans bien relever la nature particulière de la justice primitive ct sans cn dégager net­ tement l’élément le plus foncier, la grâce sanctifiante. 2° La vision d'Helsin. - Jusqu’à ces derniers temps, beaucoup rapportaient à la seconde moitié du xu· siècle l’établissement de la fête de la Conception dans l’Europe septentrionale; ils voyaient la cause déter­ minante de cet événement dans une apparition mira­ culeuse dont Helsin. abl>é de Bamsay, aurait été favorisé vers l’an 1070. L’histoire est racontée dans deux pièces, jadis attribuées â saint Anselme : Sermo | de conceptione beatæ Marise ct Miraculum de con~ | ceptione sanetie Maria?, P. L., t. eux, col. 319, 323. Trois autres récits de la meme apparition ont été i publiés par le P. Thurston, Eadmeri tractatus de con· i ceptione sanctir Marier. Append. E, F, G, p. 88 sq. Le texte du premier coïncide, cn substance, avec celui que dom Gerberon a édité dans le Sermo de concep­ tione. Le second texte présente des points de contact notables avec celui du Miraculum, bien qu'il soit plus 1002 concis; il semble aussi pins ancien cl le P. Thurston a conjecturé qu’il pourrait venir d'Anselme le Jeune. Le troisième texte est de Guillaume de Malmesbury, mort vers 1143. Peu après, la vision d Helsin fut rimée, sous ce litre : C*est comment la conception Noslre Dame fu eslablie, par le poète anglo-normand Robert Waee. D'après les récits primitifs, Helsin avait été chargé par Guillaume le Conquérant d'une mission auprès du roi de Danemark; au retour du voyage, il fut surpris cn mer par une violente tempête. Sur le point de périr, il invoqua Notre-Dame; un messager céleste vint à son secours, mais, pour prix de sa pro­ tection, il lui fit promettre de célébrer ct de faire célébrer chaque année, le 8 décembre, b fête de 1a Conception. I ïelsin ayant demandé de quel office il fau­ drait se servir, l'envoyé divin indiqua celui de b Nativité, sauf à remplacer ce mot par celui de Con­ ception. Échappé au péril, l’abbé de Bamsay accomplit sa promesse cn ce qui concernait son monastère ct s'employa de tout son pouvoir à propager b fête. D’autres récits merveilleux s'ajoutèrent bientôt au précédent. Dans \eScrmo(pup\ut6tEpistola) de Concep­ tione, saint Anselme, qui est censé parler comme arche­ vêque, raconte,outre b vision d*Helsin, deux appari­ tions de Notre-Dame : l’une à un diacre hongrois, qui serait devenu plus tard patriarche d’Aquilée, pour le dégagerd'une union illégitime; l’autre, à un chanoine normand, pour l’arracher aux griffes du démon. Dans les deux cas, b Vierge recommande â ses protégés de fêter, le 8 décembre, sa conception. L’écrit se termine par une exhortation véhémente à vénérer, en la célé­ brant, non seulement b conception spirituelle, mais même b conception humaine de Marie : Celebremus igitur... utramgue eius conceptionem venerabilem, spiritualem videlicet et humanam. On ne pourrait donc s'étonner que, dans un concile tenu à Saint-Paul de Londres cn 1328, Simon Mépham, primat de Canlorbéry, voulant étendre à toute sa province ecclésias­ tique 1a célébration de b fête, ait parlé cn ces termes : • selon l'exemple de notre prédécesseur, le vénérable Anselme, qui a jugé bon d’ajouter aux solennités plus anciennes de b bienheureuse Vierge Marie celle de sa conception. » Mansi, t. xxv, col. 829. De son côté, b vision d’iîelsinfournit matière à développement. Leroi Guillaume, » frappé du récit que lui fit l'abbé Helsin, convoqua tous les évêques d'Angleterre et de Nor­ mandie, pour qu'ils eussent â délibérer sur celte Importante affaire. Les évêques réglèrent que la fête de la Conception serait célébrée dans tous les États anglo-normands. Telle fut la véritable origine de cette fêle cn Occident. Elle passa de Normandie en France, ct de là dans tous les autres Étals de l’Europe. Dès l’an 1072, deux ans seulement après la céleste appa­ rition, Jean de Bayeux, archevêque de Bouen, éta­ blissait dans l’église de Saint-Jean une confrérie sous le titre de l’immaculée Conception. » Abbé Adam, La /Île de l'immaculée Conception, dite « Fêle aux Nor­ mands », p. 361, 367. En face de ces assertions complexes, il faut néces­ sairement distinguer entre la vision d'Hclsin telle qu’elle apparaît dans sa forme première ct les addi­ tions ou amplifications postérieures. L’existence d’un culte de la conception en Normandie à la fin du xi· siècle n’est pas démontrée. Après avoir soumis à une juste critique les pièces alléguées, M. l’abbé Vacandard, historien rouennais, est arrivé à cette conclusion : · Aucun document du xi· siècle ne nous a offert de trace du culte de la Conception en Nor­ mandie. Seuls les manuscrits du xin* ct du xn· cn font mention. » Les origines de la fête de la Conception dans le diocèse de Rouen et en Angleterre, p. 168. Comme on le verra plus loin, l'expression de · Fêle aux Nor­ mands » n’a ni l’ancienneté, ni, au début du moins. 1003 IΜ MAC U LÉE CO NCEPT IO N le sens qu’on suppose dans les ouvrages cités. Que la fdtc dc la Conception ail été instituée sous Guillaume le Conquérant ct qu’elle l’ait été par saint Anselme, ce sont IA deux assertions inconciliables, puisque le roi normand mourut en 1087 et que l'abbé du Bec ne devint archevêque de Cantorbéry qu’en 1093. D’ailleurs, ni l’une ni l’autre de ces assertions ne présente dc sérieuses garanties. Loin d’être favorisé par l’invasion, le culte dc la Conception en fut entravé, au début, ct même compromis : il y eut réaction contre les usages du peuple vaincu, d’après Eadmer, Vita S. Ansclmi, 1. I, c. v, n. 42, J\ L., t. ci.vm, col. 74, des réformes furent faites dans le calendrier anglosaxon par Lanfranc qui occupa le siège dc Cantor­ béry de 1070 à 1089, ct la nouvelle fête dc la Vierge subit une éclipse momentanée en plusieurs endroits, notamment A Winchester ct à Cantorbéry. Sous quelle influence la restauration sc lit-elle, nous le verrons tout A l’heure, mais bien qu’elle ait suivi de près la mort dc saint Anselme, lui-même n’en fut pas l’auteur. L’obstacle ne vient pas du doute qui s’attache aux sentiments dc cc docteur sur la question de croyance, car l’admission -d’une fête dc la Concep­ tion ct la croyance à la sainteté originelle dc Marie sont deux choses qu’il faut distinguer à cette époque, comme dans les siècles suivants; tels ont accepté la fête, qui ne professaient pas la croyance. L’obstacle réel est d’ordre historique : on ne trouve rien, ni dans les œuvres authentiques d’Anselme, ni dans sa bio­ graphie composée par Eadmer, son disciple ct fami­ lier, ni dans les autres documents contemporains, qui permettent d’attribuer au saint primat l’insti­ tution d’une fête dc la Conception, soit pour l’Angle­ terre ct la Normandie, soit pour la seule Église de Cantorbéry. Tous les écrits relatifs A la croyance ou au culte de la Conception qui ont été rattachés au nom d’Anselme, le Tractatus, le Sermo, le Mira­ culum, sont apocryphes. L’aiTirmation émise par Simon Mépham deux siècles plus tard, au concile dc 1328, est vraisemblablement dépendante de ccs pièces, A moins qu’elle ne doive s’expliquer par une confusion entre Anselme l’archevêque et Ansebne le Jeune, son neveu, qui fut en réalité non l’instituteur, mais le rcstauratcurdela fête dc la Conception en Angleterre. Dégagé des excroissances ultérieures ct ramené aux données premières, que vaut le récit dc la vision d’Hclsin? Des écrivains ont cru devoir douter de l’historicité du personnage ou du moins dc sa mission en Danemark, surtout parce qu’Helsin est donné dès lors pour abbé de Ramsay, titre qu’il aurait pos­ sédé seulement en 1080, à la mort d’Aclfwin, son prédécesseur : Aidsinus abbas. Suscepit abbatiam anno MLXXX. El /uit abbas per VJ1I annos. Cartularium monasterii de Ramescia, Londres, 1886 sq., t. iv, p. 174. Doutes fragiles, car des documents Incon­ testables établissent qu’Helsin (appelé aussi Elsi, Elsinus, Alelsinus, Acthelsigc), abbé dc Saint-Augus­ tin dc Cantorbéry au temps dc Guillaume le Conqué­ rant, apparaît aussi dès cette époque, ct avant la mort d’Aclhvin, avec le litre d’abbé de Ramsay, qu’il fut envoyé en Danemark ct qu’au retour, il alla non pas A Cantorbéry, mais A Ramsay. Langebek, Scriptores rerum Danicarum medii aid, Copenhague, 1774, t. ni, p. 252; Sir I . Ellis, A general introduction to Domesday book, Londres, 1833, t. n, p. 98; Ed. Free­ man, History o/ tbe Norman conquest o/ England, 2· édit., Oxford, 1876, t. iv, p. 135 sq., 749 sq. Sans compter que, dans le cartulairc de 1’abbayc de Ram­ say, on lit ces mots A la suite de ceux qui ont été rapportés ci-dessus : El eidem revelatum /uit in mari quod /cstum Conceptionis sanctm Maria celebraretur, el per ipsum primo /uit inventum. Mais si l’on ne peut pas douter de l’historicité du 1004 personnage, n’en va-t-il pas autrement dc la réalité dc la vision qui lui est Attribuée? A prendre cette dernière en elle-même et dans son objet, rien n’auto­ rise A la rejeter d’emblée, comme impossible ou même Invraisemblable, ni à la mettre sur le même rang que les légendes du clerc hongrois et du chanoine nor­ mand, car elle sc présente dans des conditions très différentes. 11 est vrai que la fêle dc la Conception existait déjà en Angleterre ct que, notamment, elle avait existé A Saint-Augustin dc Cantorbéry, monas­ tère longtemps habite par I .clsin, d’abord simple religieux, puis prieur et abbé; cette circonstance prouverait contre la véracité dc la vision, si l’on pré­ tendait y rattacher la première apparition de la fête en Angleterre. Mais rien dc pareil ne se trouve dans les récits les plus anciens; il y est seulement question du monastère de Ramsay : Statimque in Ramesiensl canobio idem festum solempnitcr celebrari constituit, ct ipse quoad vixit devotis obsequiis illud celebravit... Statuitque in Rames iens i ecclesia cui ipse precrat ut hoc festum omni anno solempnitcr F/ idus decembris cclcbrarltur. Thurston, Eadmeri tractatus, p. 91, 95. D’autres doutes, plus sérieux, ont été émis; ils tiennent soit au caractère imaginatif dc l’abbé Ifclsln, tel que d’autres actes de sa vie le font soupçonner, soit au silence des premiers défenseurs delà fête au xn» siècle, soit à un certain ton tendancieux qui semble régner dans le récit du Miraculum ct qui peut le faire con­ sidérer comme rédigé ou arrangé en vue de légitimer la fête contestée ct d’en favoriser le triomphe. Thurs­ ton, The English /cast o/ our Ladys* conception, p. 461 ; E. Bishop, On the origins, 1904, p. 8 sq., 37 sq. Une chose, en tout cas, est incontestable; c’cst la grande influence que la publication du Miraculum de conceptione exerça sur le développement, non pas tant dc la croyance au glorieux privilège, que de la fête de la Conception. La preuve en est dans le grand nombre dc bréviaires, martyrologes ct autres docu­ ments liturgiques où, A partir du xxn· siècle, la légende d’Hclsin est utilisée, en Angleterre, en Normandie, en Danemark, Langebek, op. cit., t. ni, p. 253, ct sur tout le continent, l’Italie comprise, comme on en peut juger par des bréviaires conservés A la bibliothèque du Vatican, par exemple, Val. lat., 47δ2, fratrum minorum secundum consuetudinem romane ecclesie, fol. 526, ct 4761, secundum consuetudinem romane curie, fol. 362 v·, l’un ct l’autre cotés xxv· siècle. Fait qui ne peut créer aucune difficulté dogmatique, si l’on a soin dc distinguer ici comme dans d’autres cas, en particulier celui dc la dévotion au Sacré-Cœur, entre l’occasion ou la cause déterminante d’un mou­ vement cultuel ct l’objet ou le motif propre du culte; objet ct motif dont la vérité est, en soi, distincte ct indépendante dc l’occasion ou cause déterminante du mouvement cultuel. Robert Wdcc, L'établissement de la /He de la Conception Notre-Dame dite la Lite aux Normands, édit. G. Mancel ct G. S. Trébulh n, Caen, 1812; Rngey, Eadmer, Paris, 1892, c. xxxvn-xu ; II. Thurston, The English /casto/ our Lady's Conception; The legend of abbot Eh/, dans The Month,IMl, 1904, t. i.xxiu, p. 548 sq.; t. civ, p. 1 ; l'abbé Adam, Im /He dc Γ Immaculée Conception, dite « Fête aux Normands ·, d’après les quatre bréviaires manuscrits deC.outiinccs, conser­ vés d la bibliothèque de Valngncs, dans In Revue ealhoaque de Normandie, 5· année. 1895-1896. p. 115, 357; E. Varna dard. Les origines dc la fêle dt la Conception dans le diocèse de Rouen ct en Angleterre, dans In Revue des questions histo­ riques, Paris, 1897, t. i.xi, p. 166; plus tard. Les origines de la fête el du dogme de l’immacutêe conception, I, dans la Revue du clergé français, 1910, t. Lxn.p. 18-20; P. Salavllle, Les premières origines dc la/fle de la Conception en Normandie, dans Notre-Dame, 3· année, Paris, 1913, p. 357-36-1. π. xir siLcle : commencement de la granpb CONTROVERSE. — La crise inévitable se produisit 1 IMMACULÉE CONCEPTION 1005 bientôt, cc fut â l’occasion de la fêle dc la Conception, d'abord en Angleterre, puis sur le continent 1° La controverse en Angleterre, — 1. Restauration de la /Re : Anselme le Jeune, — Implantée en divers endroits avant la conquête normande, La fêle dc la Conception avait ensuite, on l’a vu, subi une éclipse; fait qu'Eadmer déplorait en ces termes : «Autrefois elle était célébrée par un plus grand nombre, par ceuxlà surtout en qui s’alliaient une franche simplicité ct une plus humble dévotion. Mais depuis que les esprits se sont laissés dominer par l’amour de la science ct la manie de tout examiner, on a retranché cette solennité, au mépris de la simplicité des pauvres, et, sous prétexte qu’elle manquait dc fondement solide, on l’a réduite ù rien. » Thurston, Eadmeri tractatus,nA. Lignes écrites dans les vingt premières années du xu· siècle, alors que l’œuvre dc la restauration n’était pas encore développée. De cette époque date un pré­ cieux document, le Missale ad usum insignis ecclesie Eboracensis. The York Missal, édit. Henderson, Durham, 1877. Le missel d’York ne contient pas la fête dc la Conception, au moins dans sa partie pri­ mitive, mais quelle magnifique idée il nous donne dc la mère de Dicul Velu trosa decorans spineta .sic quod lædat nil habet Maria Virgo : Eva quod contulit prima, Christi sponsa effugat [Maria. Prose in die Nativitatis, t. n, p. 281. A ren virga primæ matris Evw florens rosa processit Maria. Oritur ut lucifer Inter astra etherca perpulchra ut luna. Prose in dic Assumptionis, t. n, p. 82. Mulierum pia agmina intra semper benedicta... Ex quo atque nuta sum incorrupta. Tertia dic Infra Octavam (Assumptionis), t. n, p. 86. Te Deus Pater, VI Dei Mater Fleres, et ipse frater Cuius eras filia, Sanctiflcavit, Sanctam servavit. Et mittens sic salutavit. Ave plena gratia. Quarto die tn/ra octavam, t. n, p. 87; cf. Dreves, Ana. Iceta hymnica, t. uv, p. 396, pour divers missels ou bréviaires normands du xin· ct xiv· siècles, où l’on retrouve cette strophe. Si le missel d’York n’a pas la fête dc la Conception, en revanche elle sc trouve dans un autre, écrit vers 1220 ù Winchester ou dans les environs (Biblioth. du Havre, n. 330. A. 32) : messe propre, la même que contenait déjà, un siècle plus tôt, le missel dc Léofric, voir ci-dessus col. 991 ; en outre, une préface où .Marie est louée d’avoir été prévenue dc Dieu, comme des­ tinée à devenir le temple du Seigneur. Ce missel de Winchester forme comme un trait d’union entre les deux périodes séparées par les premiers temps dc la conquête; il inaugure en quelque sorte l’œuvre dc la restauration, cardans l’espace d’une dizaine d’années, la fête est introduite ou réapparaît en maint endroit : à Westminster ct à Beading avant 1128, à Worcester en 1125, à Winchcombe en 1126, à Suint-Alban vers la même époque ct, probablement, à Gloucester. Bishop, O/i the origin of the /east, p. 32 sq.; Noyon, Les origines de la /Re, p. 16. Ce mouvement de réaction se fit ct se développa sous l’impulsion d’un homme en qui le P. Victor dc Buck ct d’autres à sa suite crurent devoir saluer l’ins­ tituteur de la fête dc la Conception en Angleterre, mais qui, en réalité, n’en fut que le restaurateur ct le promoteur : Anselme le Jeune, neveu dc saint Anselme. D’aliord abbé dc Cluses en Savoie, il avait été appelé par son oncle à Cantorbéry. Après la mort du primat, il rentra dans son abbaye, puis, mandé à Home par 1006 le pape Pascal III, il y fut créé abbé de Saint-Sabas, monastère jadis habité par des moines grecs. Envoyé quelques années plus tard, comme légat pontifical, auprès du roi Henri pf ct du nouvel archevêque de Cantorbéry, il devint, en 1120, abbé du célèbre monas­ tère de Saint-Edmond, Edmundsbury, dans le comté de Suffolk et y resta jusqu'à sa mort (1148). Or voici cc qu'on lit dans le cartulalre manuscrit de cette abbaye : « Ce fut cct Anselme qui établit chez nous deux solennités : la Conception dc sainte Marie qui, grâce à lui, se célèbre maintenant dans beaucoup d'églises, ct la commémoration de sainte Marie pen­ dant l’AvcnL * Thurston, Eadmerl tractatus. Append. I, p. 102. Assertion confirmée, en cc qui concerne la propagation dc la fête de la Conception, par Osbert de Clare, alors prieur de Westminster, quand il écrit, vers 1128, au même /\nselme : etiam in multis locis celebratur ejus vestra sedulitate /esta conceptio. Jbid., Append. A, p. 54. 2. Le mouvement d'opposition. — L’œuvre de res­ tauration entreprise par l’abbé de Saint-Edmond n’allait pas sans difficultés. Osbert de Clare lui disait que la célébration dc la fête à Westminster avait provoqué de vives récriminations; on avait protesté auprès de deux évêques, puissants par leur Influence, qui s’étaient trouvés par hasard dans le voisinage, Boger de Salisbury ct Bernard de Menevia (SaintDavid), jadis chapelain de la reine Mathilde. Les mécontents criaient à la nouveauté, ils objectaient que l’Église romaine n’avait pas approuvé ce culte; ils disaient même « que la fête avait été prohibée dans un concile », assertion vague, mais qui ne semble pas dénuée dc fondement. Thurston, art. Abbot Anselm o/ Bury, p. 560. Difficultés d’ordre juridique ou litur­ gique; mais nous voyons, par le traité d’Eadmer, qu’en réalité les opposants allaient plus loin; ils déclaraient que la fête n’avait pas de raison d’être, quasi ratione vacantem. Cette objection peut se comprendre ct s’éclaircir par une allusion aux deux conceptions qu’on distinguait alors : la conception commencée ou char­ nelle, ct La conception consommée ou proprement humaine. S’il s’agit dc cette dernière, celle où l’indi­ vidu humain apparaît constitué dans son espèce propre ct sa personnalité, on l’honore suffisamment par la fête dc la Nativité, puisque les deux naissances, l’intérieure ct l’extérieure, portent sur le même sujet ct que la seconde est dépendante de la première : nec enim, aiunt, nata esset, si concepta non fuisset. S’il s’agit dc la conception seulement commencée, « cc serait chose vainc que de vénérer une matière encore informe qui souvent, chez un certain nombre, s’atrophie et s’anéantit avant d’arriver pleinement à la forme humaine, supervacanee illa adhuc informis materia coleretur, quæ in nonnullis sæpe, priusquam plene in humanam effigiem transeat, deperit ct annichilalur, n. 3. En outre, d’après d’autres passages, η. 9 ct 12, appel était fait aux textes dc la sainte Écriture qui présentent toute génération sexuelle comme soumise à la loi du péché ou proclament tous les hommes pécheurs en Adam, Ps. L, 7: Horn., v, 12. En présence de celle opposition, Osbert de Claro implorait l’appui dc celui qui avait été Jadis abbé de Saint-Sabas et que Pascal III avait envoyé comme légat en Angleterre. Ne pourrait-il pas, dans sa con­ naissance des traditions ou coutumes romaines, trou­ ver quelque chose à dire en faveur dc la chère dévo­ tion? Qu’il entre en rapports avec des personnes instruites, versées dans les saintes Lettres ct prêtes à défendre, en paroles ct par écrit, la cause dc la Vierge. Qu’il en confère avec le nouvel évêque de Londres (Gilbert Folio t, consacre en janvier 1128) et l’abbé de Heading, Hugues d’Amiens (élu archevêque dc Rouen en 1125) qui, sur la demande du rui Henri. 1007 IMMACULÉE CONCEPTION soJennlsc déjà la fête dans son monastère. Osbert fait enfin un suprême appel au zèle d’Anselme et l’exhorte à ne pas laisser inachevée l’entreprise dont il a été l'âme : Que vos ennemis ne puissent pas dire de vous sur un ton d'ironie, quia hic homo capit edi· ficare, cl non potuit consummare. L'appel fut entendu, et l'appui efficace, car il est indubitable qu'à partir de cette époque, la fête rie la Conception gagna rapi­ dement du terrain en Angleterre. Peut-être même serait-ce d’une intervention personnelle de l’abbé Anselme qu’il faudrait entendre l’assertion consignée dans un exemplaire manuscrit des Annales de Tew­ kesbury, datant du xin· siècle, suivant laquelle la fête de la Conception de sainte Marie aurait été approuvée dans un concile de Londres (1129) par l'autorité d’un légat pontifical. Bishop, art. cité, p. 29 sq. 3. Profession explicite de l'immaculée conception : Eadmer, Osbert de Clare. — Si le résultat de la con­ troverse précédente fut important pour la nouvelle fêle, il ne le fut pas moins pour la croyance au glorieux privilège de Marie. Afin de répondre aux objections émises contre la légitimité du culte qu'ils s'efforçaient de promouvoir, scs partisans durent expliquer pour­ quoi et sous quel rapport la conception de la mère de Dieu leur semblait digne de vénération. C'est en le faisant qu’ils affirmèrent la pureté et la sainteté originelle de La bienheureuse Vierge. Tels furent les deux principaux alliés de l'abbé Anselme : Eadmer (f 1124?) et Osbert de Clare (f vers 1160). I La perle des écrits composés alors est incontesta­ blement le Tractatus de conceptione sanctæ Mariæ, P. L., t. eux, col. 301-308. Mis pendant longtemps sous le nom de saint Anselme, il fut attribué plus tard par quelques-uns au vén. Mené, moine du BourgDieu (f 1150); voir A. Charma, Notice biographique, littéraire et philosophique sur saint Anselme, note 57, p. 112, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, Caen, 1853, t. xx; d'autres en firent l'honneur à l’abbé Anselme. Enfin il a élé revendiqué par le P. Ragey pour le pieux et docte Eadmer, ce moine bénédictin de Saint-Augustin de Cantorbéry qui fut le compagnon, l'intime ami et le biographe de saint Anselme; attribution confirmée depuis par la découverte, duc au P. Thurston, d'un manuscrit original de Corpus Christi College, Cambridge, por­ tant au début ccttc inscription : De conceptione sanctæ Mariæ editum ab Eadmero monacho magno peccatore. C'est d'après cc texte que les Pères Thurston et Slater ont réédité l'opuscule en l'accompagnant de préfaces Instructives et d'appendices précieux. Ixi seconde partie du traité, n. 16-11, n'a qu'un rapport général cl indirect avec le glorieux privilège, car elle porte sur les Immenses bienfaits dont nous sommes rede­ vables à La Vierge et de sa merveilleuse puissance d'intercession au cieL Autre est la première partie. Laissant de côté l’annonce prophétique et autres détails qu’il sait empruntés aux sources apocry phes, n. 3; cf. De excellentia Virginis, c. n, P. L., t. eux, coL 560, Eadmer considère surtout la conception de Notre-Dame comme le début, l’origine première de la future mère de Dieu, et il s'attache à montrer que la sainteté dut être à la base de l’édifice qui s’inauffurait alors. On ne saurait, quand on songe à la dignité et à la grandeur où devait parvenir celte femme bénie, la supposer d'abord infectée de la tache héréditaire : Si peccati alicujus ex primæ præparicationis origine maculam traxit, quid dicemus? Jérémie, destiné par Dieu à l'apostolat, fut sanctifié avant sa naissance; Jean, le précurseur, fut rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère : comment celle qui devait être l'unique propiliatricc du genre humain et l’unique demeure du Fils de Dieu, aurait-elle élé privée, au 1008 début de son existence, de la grâce du Saint-Esprit? N. 9. II est vrai que, suivant la parole de l’apôtre, tous ont péché en Adam; mais la place suréminente que Marie occupe Λ côté de son fils ne permet pas de l’astreindre à la loi commune en sa conception : ita te non lege nature aliorum in tua conceptione devinctam fuisse opinor, η. 12. Nulle tache de péché n'a dû souiller cette conception; autrement, entre le fondement de l'édifice que la sagesse divine se proposait de cons­ truire et l’édifice lui-même, il y aurait eu dissonance, disproportion : Si igilur aliqua alicujus peccati macula conceptio ipsa corrupta fuit, fundamentum habitaculi sapientiæ Dei ipsi structura: non congruebat, non cohe­ re bat, η. 13. Que signifie, pour Eadmer, le terme de conception? Les adversaires de la fêle avaient, dans l’une de leurs objections, distingué Implicitement entre la concep­ tion consommée et la conception commencée, entre la personne de Marie déjà constituée, après l’union de l’âme et du corps, et l'état antérieur où ils ne vou­ laient voir qu'une matière informe et impure. Eadmer sépare et oppose, sous le rapport des idées et des pro­ priétés, la conception active et la conception passive, c'est-à-dire l'acte générateur des parents et son terme; à la difficulté tirée de ce que tout fils d'Adam est conçu dans l’iniquité, il répond : Si, par suite de l’union sexuelle qui est intervenue dans la génération de Marie, l'influence du péché originel s'est fait sentir, les parents seuls furent en cause, et non leur fruit : propagantium et non propagatæ prolis fuit, n. 9. Mais quand il s'agit de Marie elle-même, considérée comme objet de vénération, jamais Eadmer ne dis­ tingue entre la conception commencée et la concep­ tion consommée, soit qu'il ait délibérément négligé ou même qu’il n’ait pas admis celle distinction d’ordre purement philosophique, soit que l’admettant en principe, liait fait en faveur de Marie une exception à La loi du développement progressif de l’embryon humain, comme d’autres plus lard. Voir Trombelli, Mariæ sanctissinur vita, Bologne, 1761, t. i, c. iv. En tout cas, les tonnes dont il se sert reportent l’esprit soit à la conception, soit à la création, considérées comme le début même ou le commencement de Marie: conceptionis ejus exordium, primordia conceptionis ejus, n. 3, 5, 7, 11, 13; primordia creationis illius, n. 12, 19. En outre, la pureté et la sainteté attribuées à la mère de Dieu ne concernent pas moins le corps et l’àme; elles excluent le péché originel pro­ prement dit et tout cc qui pourrait s'y rattacher sous forme de tache ou d'impureté : remota omni labe con­ ditionis humante, n. 13; munda præ omnibus esse debueras, n. 19; omni quod te aliquatenus decoloraret peccati vulnere aliena prodisti, n. 20. Qu’il y ait là un mystère, qu’une telle sanctification suppose une intervention tout à fait extraordinaire de la part de Dieu, Eadmer en convient pleinement; aussi sc contcnte-t-il de faire appel à la toute-puis­ sance, mise au service de l’amour. Dieu donne bien à la châtaigne d’être conçue, nourrie et formée au milieu des épines sans qu'elles lui portent atteinte; pourquoi n'aurait-il pas pu protéger le corps qui devait être son temple et lui fournir sa chair humaine, en faisant que, conçu parmi les épines du péché, 11 échappât totalement à leurs pointes? Quand les mauvais anges tombèrent, Dieu préserva les bons d’une chute per­ sonnelle; et il n'aurait pas pu préserver du péché d'autrui la femme destinée à devenir sa mère? c I) l’a pu; si donc il l'a voulu, il l'a fait », n. 10,11,13. Qu’il l’eût voulu, tout cc qui avait été dit auparavant ten­ dait à 1'élablir par raison de convenance. Eadmer posait ainsi les bases de l’argument qui, complété et développé, sc résume en ces trois mots : Potuit, decuit, fecit. Le decuit, pièce fondamentale, lui avait été fourni lOÜ’J 1MMACILÉE CONCEPTION 1010 même, sa vénération va directement à la Vierge, con­ par le principe que saint Anselme, son maître vénéré» avait formulé : Decens eral, ut ea puritate, qua major sidérée dans le premier instant de son existence, sans distinction entre la conception commencée et la con­ sub Deo nequit tntclligt, Virgo illa niteret; seulement, ception consommée. Est-ce à dire que cette manière au Heu d'en restreindre l’application & 1 époque où Marie deviendrait effectivement mère du Verbe de voir était celle de tous ceux qui, à la même époque, admettaient la fête? L'affirmation serait arbitraire. incarné, le disciple l’avait étendu à toute sa vie, y compris le premier instant. Cc n’était pas fausser le D’autres pouvaient trouver des motifs suffisants de vénération, soit dans le caractère miraculeux que principe, mais en tirer les justes conséquences. la légende attribuait à la conception de Marie comme L'affirmation du glorieux privilège de Marie n’est pas moins formelle dans les trois pièces, ducs à Osbert à celle de saint Jean-Baptiste, soit dans les titres qui de Clare, que les Pères Thurston et Slater ont ajoutées, convenaient dès lors à la bienheureuse Vierge, comme future mère de Dieu, gage de la rédemption prochaine» sous forme d'appendices, au traité d'Eadmer, à savoir : la lettre à l'abbé Anselme, déjà signalée; une source de joie spirituelle, etc. Il n’en reste pas moins autre lettre, adressée vers 1125 à Warin, doyen de que le résultat de h controverse en Angleterre avait Worcester, et lut annonçant l’envol d'un sermon com­ été de provoquer, de la part d'un certain nombre, posé pour la fête de la Conception; enfin cc sermon l'affirmation explicite et publique de l’immaculée lui-même, Sermo de conceptione sancte Marie· Osbert conception. Sous ce rapport, les écrits publiés à cette Insiste sur la maternité divine, principe et mesure occasion ont une réelle importance dans l'histoire des grandeurs de Marie; il salue en elle la nouvelle du dogme; le Tractatus de conceptione d'Eadmer, en Ève qui devait écraser la tête du serpent; il considère particulier, fait époque, non seulement à cause de la doctrine qu’il contient, mais encore à cause de sa conception comme vénérable pour les circonstances miraculeuses qui l’accompagnèrent, en particulier le l'influence qu’il devait exercer ensuite, comme le message angélique, in qua (dic) angelo nuntiante P. Slater l’indique dans sa préface, p. x-xvx L’avenir matrem Domini Mariam genitrix Anna concepit, mais montrerait si l’affirmation du glorieux privilège s'était ce qu’il prétend surtout célébrer, à la suite d'Eadmer, produite dès lors sous une forme capable de résoudre ce sont les prémices de notre rédemption, l’instant toutes les objections et de rallier tous les suflrages. où la sagesse de Dieu commence à sc construire une K. Amtruther, Epistolae Herberts de Losinga, primi epi­ demeure temporelle. Append. C, p. 66, 74, 79 sq. C'est scopi Norwicensis, Osberti de Clara el Elmeri prioris Candans le même sens qu'écrivant à Warin, il dit en tvarierais, Bruxelles, Londres, 1846; V. de Buck, Osbert réponse à l’objection tirée de la loi du péché qui de Clore et l'abbé Anselme instituteurs de la fête de Γimma­ s’attache à toute génération sexuelle : « La fête que culée conception de la sainte Merge dans l'Eglise latine, dans les fils de la mère de grâce entendent célébrer, n’a pas Etudes de théologie, nouv. série, Paris, 1860, t. n ; E. Bishop, pour objet l’acte du péché, mais les prémices de notre art. cité; B. WolfT, Abt Anselm und das Fest des S December: einmal dos Fest des S December, dans Studien und rédemption, source de saintes joies : non de actu pec­ Lloch Mitheilungen aus dem IJenedicliner-und dem Cisterciensercati celebritatem faciunt, sed de primitiis redemptionis Orden, Brunn, 1835, 1836; Kagcy, Eadmer, Paris. 1892, nostræ multiplicia sanctæ novitatis gaudia solenniter c. XXXIV sq.; E. Vacandard, Les origines de la fêle de la ostendunt. 11 avertit, du reste, son correspondant que, Conception dans le diocèse de Rouen et en Angleterre, dans sur cc point, il s’est tenu et sc tient dans une prudente la Revue des questions historiques, Paris, 1897 ; 1L Thurston, Abbot Anselm of Burg and the Immaculate Conception; The réserve : « Je n'ose pourtant pas dire ce qu'à part moi legend of abbot Elsi; England and the Immaculate Concep­ je pense de cette sainte génération. » Append. B, dans The Month, 1904, juin, juillet et décembre; p. 61, 63. Plus libre dans la lettre à l'abbé Anselme» tion. Λ. Noyon, Les origines de hi fêle, etc., loc. cit. ; H. Thurston Osbert y affirme nettement, à plusieurs reprises, la et Th. Slater, Eadmeri monachi Cantuariensis tractatus de sanctification de Marie in ipsa creatione, ipso crea­ conceptione sanctæ Marin?, ollm sancto Anselmo attributus* tionis et conceptionis exordio. La sanctification du nunc primum integer ad codicum fidem editus, ad icetis qui­ busdam documentis coalancts, Fribourg-cn-Brisgau, 1904; précurseur dans le sein de sa mère et l’usage existant alors en beaucoup d’endroits de célébrer sa concep­ E. Vacandard, Les origines de la fête et du dogme de l'im­ tion, sont le point de départ d’un argument a fortiori maculée conception, loc. cit.; Kellner, Hcortologie, 3· édit., p. 187 sq.; A. Noyon. Notes bibliographiques sur l'histoire en faveur de la pieuse croyance et de la fête qui s’y de la théologie de Γimmaculée conception. VL [lai doctrine rattache: Si enim beatus Johannes, quem Deus Dater nu xn· siècle), dans lo Bulletin de littérature ecclesiastique, præcursorem misit Filio suo, angelo annunciante con­ Toulouse, juillet-août 1920, p. 296 sq. ceptus est, et in utero matris suit sanctificatus, multo 2° La controverse sur le continent : saint Bernard et magis credendum est in ipsa conceptione eandem sanc­ ti ficatam fuisse, de cujus came sanctus sanctorum pro­ la fête de la Conception. — Ce débat fut comme un cessit... Quod si conceptio celebratur servi, quid debet prolongement du précédent; provoqué par la même fleri de conceptione matris Domini? Enfin Osbert, cause, il eut un retentissement plus grand à cause de la qualité et du nombre des personnages qui entrèrent suivant là encore Eadmer, étend ccttc sanctification en scène. originelle à toute la personne de la bienheureuse 1. L'opposition de saint Bernard. — Dans sa lettre Vierge, dès lors « toute pleine de la grâce du SaintEsprit » et « purifiée même corporellement de toute à l’abbé Anselme, Osbert de Clare avait affirmé, sur la foi de nombreux témoins, que sur le continent tache, et ab omni macula corporaliter etiam purificata ». Assertion répétée, quelques lignes plus loin, en tenues comme en Angleterre, des évêques et des abbés fai­ vigoureux : ab omni colluvione emundavit, de/ircavit, saient solennellement mémoire dans leurs églises du illuminavit, neque aliquid impuritatis in carne illa de jour où la mère de Dieu fut conçue : multi testimonium qua redemptionis nostræ caro assumenda erat reliquit. perhibuerunt quoniam et in hoc regno el (n transmarinis Dans velle sanctification originelle de la Vierge Marie, partibus a nonnullis episcopis et abbatibus in ecclesiis quoique fille d'Adam et Issue comme telle de la masse Dei celebris instituta est illius diei recordatio. Affir­ mation valable au moins pour la Normandie et des pérherese, qu'y aurait-il d’impossible pour celui qui, voulant donner une aide au premier homme, forma régions voisines, puisque de là proviennent la plupart jadis d’une côte d'Adam notre première mère pure des monuments liturgiques du xn· siècle où la fêle est mentionnée. Voir ci-dessous, col. 1033. Mais le cl sainte? Append. A, p. 56 sq. Osbert de Clare, comme Eadmer, attribue donc à la mouvement d’expansion ne s’était pas contenu dans mère de Dieu une conception sainte avec exclusion ces étroites limites; cc qui advint à Lyon en est une de toute souillure, soit de l’âme, soit du corps. De preuve. Laissons de côté les assertions inexactes ou 1011 IMMACULÉE CONCEPTION insuffisamment établies, par exemple, que le pape Pascal II, consacrant en 1106 la nouvelle basilique de l’abbaye d'Ainay, y aurait béni un autel sous le vocable dc la Conception immaculée de Marie, comme 11 est rapporté dans la Chronique de. la très ancienne abbaye royale d'Ainay, par le chanoine J.-B. Lamurc; ou que Gaucérand, d'abord abbé dc ce monastère, puis primai des Gaules (1107-1118), aurait été le véritable promoteur du culte dc la Conception, comme on le lit dans Lyon ct Marie du chanoine J.-B. Vancl. Lc fait historique, c'est l'existence dc la fête à la primatiale dc Saint-Jean dans le second quart du xn* siècle, ou, d’une façon plus précise, l'an 1136, s'il faut en croire Pierre de Alva, Funiculi nodi indissolubilis, Bruxelles, 1663, p. 229 : 1136. In sancta Ecclesia Lugdunensi solemniter celebrabatur Conceptionis festum, ut constat ex quodam instrumento authentico a nobis viso et lecto apud D.D Andrram Sausay, cum sigillo Capituli Lugdunensis. D’après le contexte, c’est d'André du Saussay, évêque dc Toul au xvn· siècle, qu’il s’agit Sous quelle influence l’événement s’était-il produit? Songer â saint Anselme, comme l’a fait M. Bernard, L'Église de Lyon et Γ immaculée conception, p. 18 sq., parait chose bien difficile après cc qui a été dit précé­ demment dc cc docteur; mais il n’est pas hors de propos dc rappeler que son alter ego, Anselme le Jeune, avait passé par Lyon, comme par Rouen, quand il rentra dans son monastère dc Cluses après la mort dc son oncle et, plus tard, quand il revint de Rome en Angleterre avec le titre dc légat apostolique. L'allusion que, dans sa lettre, saint Bernard fait au récit d’une révélation céleste qu'on mettait en avant, pro/ertur scriptum supernæ, ut aiunt, revelationis, reporte naturellement l’esprit ù la vision d'Mclsin 1 et suggère la probabilité d’une dépendance entre Lyon ct l'Angleterre, en cc qui concerne le culte dc la Con­ ception. Conjecture dont la valeur croîtrait beaucoup, s’il était pennis d'interpréter l’objet dc la fête lyon­ naise au xn· siècle d’après le missel Imprimé dc l’abbaye d’Ainay; car si cc livre ne date que du xn· siècle, il reproduit manifestement un texte ancien. Lc culte s’y adresse à la mère dc Dieu, considérée dans sa pureté ct son innocence ineffables : ut qui ineffabilis ejus innocentiæ puritatem sincera devotione confitemur (Postcommunion). 11 s’adresse aussi à sa conception proclamée sainte : ut qui sanctissimum ejus conceptum per hcc sacra mysteria jubilando vene­ ramur (Secrète). Il s'étend même au corps dc la bien­ heureuse Vierge, lui aussi déclaré saint ct préservé dc toute souillure du péché : Omnipotens et misericors Deus, qui corpus beatissime Virginis Marie sanctum esse preordinasli, et a b omni peccati immundicia preservasti, ut Verbum tuum ex eo carnem assumeret (Pre­ mière oraison). Incliti ccnobii athanatensis in dioecesi Lugd. ordinis divi Benedicti missa te nunquam antea impressum, avec cette indication à la fin du volume : Impressum in dicto monasterio athanatensi anno domini 1331. Cette manière d’envisager la fête dc la Concep­ tion n’est-cllc pas cclle-lA même que nous avons ren­ contrée dans les écrits d’Eadîner cl d’Osbert de Clare? Quoiqu’il en soit de l’influence subie ct du motif déterminant, les chanoines dc la primatiale avaient adopté la fête, ct c'est là cc qui détermina l'interven­ tion dc saint Bernard. Depuis quelque temps, il sui­ vait le mouv ement d’un œil inquiet, gardant le silence avec une certaine impatience, « par égard pour la piété dc ceux qui agissaient dc la sorte dans la simplicité dc leur cœur ct par amour dc la Vierge. > Jugeant que le temps de réagir était venu, il écrivit vers 1138 (date donnée par Pierre dc Alva ct préférable à celle de 1128-1130, proposée par M. l'abbé Vacandard) sa fameuse lettre ad canonicos Lugdunenses Epist., 1012 P. L., t. CLXXXH, col. 332. Elle débute par un splendide éloge dc l’Églisc-mérc, recomman­ dable par la dignité de son siège, l'éminence dc la doctrine cl la fécondité des saintes institutions, h vigueur dc la discipline ct la gravité des mœurs, h maturité dans les conseils ct le poids dc l’autorité, le respect du passé, surtout en matière liturgique; mais cc bel exorde n’en prépare que mieux l'attaque, la protestation du grand abbé contre cc qu'il considère comme une innovation malheureuse cL répréhensible, ccttc acceptation d’une solennité < étrangère au rite » dc l’Églisc, dénuée dc fondement rationnel ct d’appui dans l’ancienne tradition : quam ritus Ecclesiæ nescit, non probat ratio, non commendat antiqua traditio.^ Qu’il faille honorer la mère de Dieu, ct l’honorcr beaucoup, rien de plus vrai; niais il faut y mettre de la discrétion. L’Église fête son assomption; elle fête sa nativité, ct du culte rendu à sa naissance il faut conclure que Marie fut sanctifiée dès le sein dc sa mère, ante sancta quam nata; privilège Insigne, dont la mère de Dieu a dû être honorée ù plus juste titre encore que Jérémie ct Jean-Baptiste. Maintenant on prétend vénérer la conception de la Vierge, comme la naissance, pnr ce motif que l’une suppose l’autre (ci. pseudo-Ansehne, Sermo de conceptione, P. L., t. eux, col. 321 : ita debet ejus extolli conceptio; nisi enim con­ ciperetur, nunquam nasceretur). Argument sans portée; dc cc que la conception précède ia naissance, com­ ment suit-il que celle-ci doive ù celle-là son caractère de sainteté : Numquid quoniam pnccessit (natalem), fecit ct sanctum? Vainement prétend-on s’autoriser d’une révélation d’en haut : · comme si le premier venu ne pouvait pas également produire un écrit où la Vierge serait censée demander le même hom­ mage pour scs propres parents I · Les récits de cc genre ne sont recevables que s’ils ont l'appui dc la saine raison ct d'une autorité Indiscutable. Quittant alors le point dc vue Juridico-liturgique,. l'abbé dc Clairvaux aborde la question dc fond. « D'où viendrait donc la sainteté de ccttc conception? Veuton dire que Marie, préalablement sanctifiée, aurait été déjà sainte, quand elle fut conçue ct qu'en conséquence sa conception elle-même aurait été sainte, quatenus jam sancta conciperetur ac per hoc sanctus fuerit ct conceptus? Ainsi la dit-on sanctifiée dans le sein de sa mère, pour que sa naissance, elle aussi, fût sainte. Mais Marie n'a pas pu être sainte avant d'exister, ct elle n'existait pas avant d'avoir été conçue. Dlra-lon que pendant l'acte générateur la sainteté sc serait mêlée à la conception, et que dc la sorte il y aurait eu en même temps conception ct sanctification? Mais la raison s'oppose encore à celte hypothèse. Comment y aurait-il eu sainteté sans l'Esprlt de sanctification? ou comment l'Espril-Saint aurait-il pu s’associer au péché? ou comment n’y aurait-il pas péché quand il y a volupté chamelle? Nulle issue, ù moins qu’on n’en vienne à dire, ce qui serait chose inouïe, que Marie fut conçue du Saint-Esprit, ct non pas dc l’homme? · Après avoir rappelé qu’une telle conception est le privilège exclusif du Verbe incarné, Bernard conclut : « Si donc la Vierge n’a pas pu être sanctifiée avant sa conception, puisqu'elle n’existait pas alors, ni au moment même de sa conception, puisque le péché s’y rencontrait, que reste-t-il si ce n'est dc croire qu’elle a reçu le don dc la sainteté après sa conception, alors que déjà elle existait dans le sein dc sa mère; don qui, faisant disparaître en elle le péché, a rendu sainte sa nah tance, mais non pas sa conception? · Conséquence : la sainteté manquant, comment la conception dc Marie pourrait-elle être un objet légi­ time de culte? quomodo... festus habebitur (conceptus), qui minime semetus est? En tout cas, on n’aurait pas d I it de précipitation ct de légèreté; il ci.xxiv, 1013 IMMACULÉE CONCEPT ION ini 4 aurait fallu d’abord consulter le bL gc apostolique* Et ception soumise à la loi de la concupiscence L'hypo­ le saint termine en s’en remettant lui-même à ccttc thèse qu’il rejette parait être celle d’une sanctification suprême autorité, dont il accepte, par avance, le ou purification préventive, dc quelque façon qu’on la conçoive, qui précéderait l’existence dc la personne jugement· Beux questions sc posent en face dc ccttc lettre : même dc Marie. Mais prise dans ses conséquences, l’une d'authenticité, l’autre d’interprétation. Les cri­ son argumentation \a plus loin : elle tend à prouver tiques ont tenu communément l’illustre abbé de que la où la conception arti\c est soumise à la loi Clairvaux pour son auteur. Voir Mgr Malou, op. cil., de la concupiscence, la sainteté ne peut pas se trouver t. n, p· 429 sq. Il y a eu néanmoins des dénégations dans la conception passive même consommée, parce que le péché s’y rencontre tsrd nec in ipso conceptu, ou des doutes; le P. Antoine Bnllcrlni, en particulier, a soutenu dans une étude spéciale que la lettre aux propter peccatum quod, inerat. En sorte que la pensée chanoines de Lyon est l’œuvre d’un faussaire, Nicolas du saint peut se résumer en ce dilemme ; Ou sainte dc Clairvaux, secrétaire de saint Bernard ct chassé Anne a conçu du Saint-Esprit, ou Marie conçue par plus tard du monastère pour abus dc confiance. Efforts clic a contracté la tare héréditaire. Celte argumentation trahit manifestement l’in infructueux, malgré des conjectures ingénieuses qui attestent la grande érudition de l’écrivain, mais qui fluence dc la théorie courante à cette époque, la ne tiennent pas devant les documents positifs. La théorie dc ceux qui considéraient toute génération lettre est réellement authentique, y compris la phrase sexuelle comme souillée, dans l’ordre actuel, par la finale d’adhésion anticipée aa futur jugement de concupiscence ct qui rattachaient à cette circonstance Rome. Elle est authentique, comme le second sermon la transmission du péché originel. Marie a subi la loi sur l’Assomption, où la meme doctrine so retrouve, commune : pour elle comme pour les outres descen­ n. 8, P. L., t. CLXxxin, col. 420. Vacandard, Les ori­ dants d’Adam déchu, il y eut connexion entre la con­ gines de la fêle, dans la Revue du clergé français, ception active soumise à la loi du péché et la concep­ tion passive dans le péché. Pour qu’on fût en droit t. xi.iî, p. 29, note 2, ct p. 40, note 3. d’opposer ou dc disjolnure, sous ce rapport, cc que Plus complexe est la question d’interprétation. Quelques-uns n’ont voulu voir dans l'admonestation Bernard appelle la conceptio ct le conceptus, un fon­ adressée aux chanoines de Lyon qu’une protestation dement ou indice positif dc sa part serait nécessaire; juridico-liturgique contre la célébration, inopportune loin dc là, il attribue à la mère dc Dieu une sancti­ fication qui assura la sainteté dc sa naissance, non ou irrégulière, d’une fête non approuvée; opinion dont l’analyse donnée ci-dessus démontre l’insuffi- pas en vertu d’une conception sainte qui aurait pré sancc absolue. D’autres, au nombre desquels sc cédé, mais seulement parce qu’une sanctification trouvent Cajétan, Bcllarmin ct, plus près de nous, postérieure fit disparaître le péché :quæ excluso peccato Perrone ct Passaglia, ont estimé que Bernard avait sanctam fecerit nativitatem, non tamen et conceptionem. en vue, par opposition aux partisans dc la fête à ccttc L’abbé dc Clairvaux s’en tient d’ailleurs à la raison époque, la conception active ou séminale, prise soit tirée des rapports qu’il suppose exister entre la con­ en elle-même, soit dans son terme immédiat, qui est cupiscence dans l’acte générateur ct la transmission la chair encore inanimée ct Informe; en cc sens seu­ dc la tache héréditaire ; nulle trace, chez lui, de l’objec tlon qui deviendra prépondérante aux siècles suivants, lement il aurait nié que la conception* dc Marie pût être considérée comme sainte. Plus sérieuse que la celle qui s’appuie sur la loi dc l’universelle rédemp­ précédente, ccttc interprétation reste pourtant, elle tion, censée incompatible avec l’exemption du péché aussi, insuffisante; c’est ce qu’ont montré, chacun originel. Cette objection aurait-elle pu lui venir à â sa manière, les deux principaux éditeurs des œuvres l’esprit, alors qu'il concevait la rédemption d’une dc saint Bernard, Horstius ct Mabillon, malgré les I façon si large que, pour lui, 1« anges préservés dc la difficultés cl les obscurités réelles qui s’attachent à un chute par une grâce efficace, duc aux mérites futurs raisonnement complexe où nulle distinction n’est I de Jésus-Christ, étaient des rachetés? Serm., xxn, in Cantica, n. G, P. L., t. clxxxui,coL 880: qui creavit faite, formellement du moins, soit entre la conception active ct la conception passive, soit entre la conception hominem lapsum, dedit stanti angelo ne taberetur, commencée ou charnelle ct la conception consommée sic illum dc captivitate eruens, sicut hunc a captivitate ou proprement humaine. Bernard sc sert dc deux defendens. Et hac ratione fuit aque utrique redemptio, termes : conceptio, dont le sens peut être actif ou passif, solvens illum ct servans istum. Remarquons enfin que, d’après le docteur cister­ ct conceptus, dont le sens est, dc soi, passif. 11 applique le second tenue à la Vierge, quand 11 la considère cien, la sanctification première dc la bienheureuse Vierge, celle qu’il lui attribue dès le sein dc sa mère, comme personne humaine qui commence à exister; ainsi dit-il qu’elle n’a pas pu être sanctifiée avant sa est une sanctification exceptionnelle ct transcendante, entraînant pour la vie entière l’exemption dc tout conception, ante conceptum sui, puisqu’elle n’existait pas alors, ni au moment même de sa conception, s Et Cantor d’ajouter que la conception (passive et consommée) étant l’œuvre dc Dieu, elle ne saurait être souillée par ce qu'il peut y avoir dc déréglé dans l’acte générateur préalable: nec peccato delectationis conceptionem peace dentis, conceptionis puritas inficitur, nec concipientis delicto conceptio aliquatenus commaculatur, p. 112. Pas­ sage Inexplicable pour qui ne tient pas compte de la terminologie particulière de l'auteur; distinguant les deux termes de génération ct dc conception, il réserve le premier à l’acte générateur des parents, c’est-à-dire à cc qu’on appelle communément la conception char­ nelle prise au sens actif; vient ensuite La conception, entendue passivement dc l’embryon considéré dans son développement progressif ct surtout dans l’arrivée au terme, quand par l’animation ou infusion de l’àme il devient personne humaine. C’est de la conception prise ainsi, dc la conception passive consommée, que Cantor parle, quand il dit qu’étant l’œuvre de Dieu, elle ne saurait être souillée par cc qu’il pourrait y avoir de déréglé dans l’acte générateur préalable ou dans le péché dc celui qui, au sens actif, conçoit, c’est-à-dire le père ou la mère. La première réponse des défenseurs dc la fête reve­ nait donc à ceci : SI l’acte générateur de saint Joachim ct dc sainte Anne ne s’est pas-accompli sans péché dc leur part, s’il a été souillé par la concupiscence ou volupté chamelle, il ne s’ensuit pas que le terme de cet acte ait été souillé lui-même, que Marie ait été (passivement) conçue dans le péché. A quoi les autres de riposter : Si le principe dc l’acte a été souillé ct soumis à la loi du péché, comment le terme ne l'auraitil pas été aussi, d’abord le tenue immédiat, la chair dc Marie, puis, par vole dc conséquences, le terme médiat, l’àmc ct toute la personne de Marie? Il fallait une nouvelle réponse, ct cette réponse n'est plus la même chez nos trois apologistes. Abélard conteste que, même dans l’ordre actuel, l’acte générateur soit nécessairement péché; à saint Bernard ct à tous ceux qui supposaient le contraire, il reproche dc rabaisser outre mesure l’acte auquel le genre humain doit sa conservation cl son développement· Noyon, Notes, juin 1911, p. 291» A plus forte raison n’a-t-on pas le droit dc considérer comme entaché de péché l’acte générateur dont H est question, acte accompli par deux saints en vue dc mettre au monde celle qui devait nous donner le Sauveur. Est-il même certain que dans cet acte, il y ait eu intervention de la volupté char­ nelle? Pourquoi ne pourrait-on pas croire à un privi­ lège spécial, accordé par Notre-Scigneur aux parents dc sa propre mère? Quid enim nos impedit credere hanc gratiam Dominum parentibus suæ genitricis posse et velle conferre, ut absque omni carnalis concupiscentia: labe sanctissimum illud corpusculum generarent? P. 129. Cantor répond comme Abélard, mais avec plus de décision; il n’hésite pas à soustraire à la loi commune ' dc la volupté chamelle l’acte générateur accompli par des saints, dans un but saint ct pour obéir à une injonction céleste : sancte generatam, sanctius con­ ceptam, quam constat sanctissime natam. Sanctam quippe genitam non immerito dixerim, cujus genera­ tores in ejus generatione non contraxit stimulantis lascivia libidinis, sed præoptatæ spes so bolis, sed obe- 1019 IΜ M A C U L É E C O N C El'T 10 N dientia angelicæ admonitionis, p. ItO. Allusion à ΓEvangile apocryphe dc la Nativité de Marie, et en même temps réminiscence d’un texte où saint Bèdc ne parle pas autrement dc Jean-Baptiste, conçu mira­ culeusement d’une mère stérile et d’un père avancé en Age, sans immixtion dc la concupiscence charnelle : ubi desinente omni lascivia concupiscentia: carnalis constaret quia nulla in conceptione causa voluptatis, sal sola cogitata sit spiritualis gratia probis. J/omiliic genuinrr, L II, horn. xm, in vigilia S. Joannis Bap­ tist*, P. L., t. xav, coi. 205. Ainsi, conception active sans concupiscence; comme résultat, préservation pré­ ventive immédiate pour l’ûme: la cause,c’est-à-dire la concupiscence, disparaissant J’cfTet,c’est-à-dire la souil­ lure dc l’ûme, par vole de conséquence était empêché. L'explication qui précède valait contre ceux qui attribuaient à la chair, considérée comme terme immé­ diat dc l’acte générateur, une simple souillure, pro­ venant dc la concupiscence inhérente à cet acte; elle était Inefficace contre ceux qui à ccttc souillure en ajoutaient une autre, beaucoup plus foncière. D’après un certain nombre dc scolastiques contemporains, notamment Pierre Lombard» Sen/., 1. Il, dist. XXX, § Quibus responderi potest, et Bob. Pullus, Sent., 1. 11, c. xxvm, P. L., t. clxxxvî, col. 755 sq.; cf. note de D. Mathoud, col. 1051 sq., les corps de tous les descen­ dants d’Adam auraient été contenus dans celui du premier père Λ l’état dc germes distincts, quoique non développés, per seminalem rationem : théorie dite de l'emboîtement des germes. Quand Adam prévariqua, il sc produisit dans tout son être, et par suite dans tout cc qu’il contenait, une corruption physique ou empreinte morbide, qui devait ensuite s'attacher à toute chair humaine, au cours des générations. Cependant le Saint-Esprit pouvait, par une action spéciale et extraordinaire, faire disparaître cette empreinte morbide en purifiant radicalement une nature. C’est précisément pour mettre la chair du Sauveur Λ l’abri dc cette souillure, que beaucoup attribuaient à la Vierge Marie, au jour dc l’annonciation, la purification spéciale dont il sera question plus loin. D’autres jugèrent qu’il n’était pas digne du Verbe divin de s’unir à une chair qui aurait été préalablement soumise à la loi du péché; ils curent recours à la singulière explication qu'expose briè­ vement Hugues dc Saint-Victor, De sacramentis, l.H, part. I, c. v, P. L., t. clxxvi, col. 386 : · Certains prétendent que la chair à laquelle le Verbe s’est uni, ne fut pas comprise dans la corruption que le péché primitif entraîna pour toute la masse de la nature humaine contenue en Adam ; ccttc chair fut préservée dc La contagion et dc la corruption du péché, et depuis k premier père jusqu’au moment où le Verbe la prit, elle resta indemne dc tout péché et sc transmit purc; ainsi, n’ayant jamais été soumise au péché, elle en fut, non pas délivrée, mais libre, et ideo a peccato non liberata, srd libéra. > Hugues indique ensuite comme principal fondement dc ces théologiens, le texte où saint Paul dit que, dans la personne d* Abraham, Lévi paya la dime à Melchlsédcch. Heb , vi, 9. Lévi, remarquent-ils, mais non le Christ, parce que seule la chair dc Lévi était contenue dans celle de son ancêtre comme chair soumise au péché· Voir , encore Summa sententiarum, attribuée par beaucoup | nu même Hugues, tr. I, c.iv, P. L., t. clxxvi,col.73; Robert dc Melun, Tract, de Verbo incarnato, d'après les extraits publiés par du Boulay, Historia universitatis Purisiensis, t. n, p. 603; Roland Bandlnclli, Die Senlenztn Rolands, édit. Glctl, Fribourg-cnBrisgau, 1891, p. 163 sq. Ccttc théorie bizarre sc mttacherult à une tradition d'après un franciscain converti du judaïsme, Pierre Galatin, De arcanis eatho- | lie* veritatis, L VII, c. ni sq., Orthonæ-Maris, 1518. 1020 Comestor recourut ù ccttc théorie pour sauve­ garder l'absolue pureté du corps dc Marie en sa con­ ception. Il regarde, il est vrai, comme possible qu'il n'y ait pas eu péché dans l'acte conjugal des parents de la Vierge : cu/iis /orsitan neuter parens concumbendo deliquit, p. 9. Mais cc n’est pas là sa réponse princi­ pale; celle-là n’est autre qu’une application faite à Notre-Dame de la susdite théorie : Jn massa naluræ nostræcorruptæ in Adam, dtvma gratia venam quamdam reservavit, velut quoddam (ut ita dicam) arminium: illam videlicet patriarcharum ct prophetarum progeniem, cx qua Dominus noster humanam dignatus est sine peccati corruptione naturam assumere, p. 3. Unde credi potest carnem illam quæ assumpta est a Verbo post corruptionem totius humana: natum in primo parente, ita tamen iliosam ct ab omni contagione peccati immanem custoditam, ut usque ad susceptionem sut a Dei Filio semper libera manserit, ct nulli unquam peccato vel modicum pensum reddiderit, p. 4. Vient ensuite la preuve tirée dc saint Paul, Heb., vi, 9, avec cette conclusion : Si donc le Christ n’a reçu d'Adam que la nature, sans péché d’aucune sorte, il est à croire que la mère du Christ n'a pareillement reçu dc scs parents que la chair, sans tache d’aucune sorte; étant donné surtout que la chair de l’une soit la chair dc l'autre : veris imite est, ut et mater Christi solam carnem, et nullam penitus maculam a parentibus contraxerit, pnrsertim cum una cl eadem caro sil matris ct /ilii, et qualis agnus, (alis est mater agni. Parcelle explication Comestor arrivait, comme Abélard ct Canior, à un système dc préservation préventive, avec cette dlfiércncc que la préservation n’était plus immédiate ct prochaine, mais médiate et remontant jusqu’aux origines de la nature humaine. De tout cc qui précède il est facile de comprendre en quel sens les trois apologistes soutenaient la fêle de la Conception. Que leur culte allât à la Vierge, considérée comme personne humaine ct n’existant comme telle qu'en vertu de la conception consommée par l’union du corps ct de l'âme, c’est là chose incon­ testable; mais ils allaient plus loin ct prétendaient aussi vénérer Marie au début même de la conception, en considérant son corps comme saint dès cc momentlà. Ccttc sainteté n’était évidemment pas la sainteté intérieure ct surnaturelle, celle que donne à l’âme l'infusion dc la grâce sanctifiante; c'était la sainteté entendue dans un sens plus large ct relatif- disant deux choses : sous l'aspect positif, union morale d’ordre transcendant avec la divini lé, union fondée sur la prédestination de Marie ct sa destinée future; sous l'aspect négatif, exclusion dc toute souillure entraînant plus ou moins l’idée de péché. Mais, en écartant soit l'empreinte morbide inhérente, d’après certains, à toute chair issue d'Adam, soit la concu­ piscence actuelle dans l’acte générateur ct son terme immédiat, la chair dc Marie, ccs théologiens préten­ daient écarter du mémo coup cc qui, d'après leurs adversaires, avait pour tenue corrélatif l’existence du péché originel dans l’âme ct la personne dc la Vierge. Aux écrits précédents s’ajoutent trois autres pièces dc la même époque qui ont été conservées dans deux abbayes cisterciennes d’Autriche, liclllgcnkrcuz, près Badcn, ct ZwctlL Elles ont été décrites ct analysées par le P. Noyon, Notes bibliographiques, avril 1911, p. 177, 182, d’après une copie qui lui avait été com­ muniquée ct que j'utilise moi-même. Elles ont pour titre dans le manuscrit, la première : Sermo de con­ ceptione det genitricis el semper virginis Marie; les deux autres : Sermo unde supra, ct : Item unde supra. Mais la troisième seule semble être, en réalité, un sermon; la première ct la seconde ont la forme de dissertations ou réponses adressées à un moine qui fait partie d'un ordre où la fêle dc la Conception se 1021 IMMACULÉE CONCEPTION 1022 célèbre, mais qui, personnellement, ne croit pas à la contradicteur était allé jusqu’à laisser entendre que sainteté dc la conception. Nul renseignement sur le Dieu n’aurait pas pu préserver Marie du péché on nom de l’auteur, ni sur la provenance des écrits, ni sur glncl ct qu’en tout cas, il ne l’aurait pas voulu, notre l’époque précise où ils furent composés. Deux noms anonyme ne se contente pas de répliquer : Et d’on apparaissent dans la première pièce : Magisttr Hugo savez-vous cela? il fait encore justement sentir à parIliensis, qui a iota ecclesia pro auctoritate suscipitur, l audacieux adversaire, dans le second écrit, combien puis, Abbas clarcvallcnsis Bernhardus, qui ab omni il serait difficile de sauvegarder alors soit l’amour filial du Sauveur, soit h toute-puissance divine : Ergo recipitur ecclesia. L’absence, dans ce dernier eas, dc l’épithète beatus ou sanctus semble indiquer que l’écrit aut invidit malri, aut quod voluit non patuit, et sic, fut composé avant ia canonisation dc l'abbé dc Clair- quod absit, omnipotens non fuit. Mais il in*iste surtout vaux (1171), et même, comme l’auteur cite un passage sur cc nu’il appelle « les irréfragable» oracles dc la du second sermon sur l'Assomption : Qui vacuam sainte Ecriture. » Il apporte, en effet, beaucoup dc dixerit Mariani, etc., /< L., t (Lxxxni, col. 420, sans textes, niais en s’abandonnant souvent aux caprices faire jamais la moindre allusion a la lettre aux cha­ dc l’interprétation accommodatIce ou purement sub­ noines de Lyon, on peut douter que l’écrit ait été jective, par exemple, en appliquant a Marie ces composé après la lettre ou du moins que l’auteur en paroles du patriarche à son fils Joseph, Gcn., xlvut, ait eu connaissance. Il en va tout autrement do 22 : Do tibi partem unam extra fratres tues. La plupart quelques notes qu’on Ht au bas des pages; elles du temps il sc rencontre avec le prétendu Comestor : viennent d’un moine cistercien, écrivant après la protévangile et salutation angélique, versets dav! canonisation de son fondateur, comme l'attestent dlques ou sapientiaux : Ps. xvm, 6, In sole posuit ces remarques : Beatus Bernhardus pater noster fecit tabernaculum suum; xlv, 5, Deus in medio ejus non libellum veltractalumadcanonicos Lugdunenses,scribens commovebitur; lxxxvî, 5, Ipse fundavit eam Altissimus; Prov., ix, 1, Sapientia adificavd sibi domum; Eccli., eis et probans conceptionem Beate Marie sanctam non esse, évidente auctoritate divine scripture ostendens. xxiv, 25, Ab initio et ante sarcula creata sum. In me est gratia omnis vié dc 1205 a 1214. I. A. Irico, Perum entre le Tractatus dc conceptione ct la lettre du moine i palriæ l. J J J. Accedit ejusdem auctoris Dissertatio de S. Oglerio, Milan, 1745; Bavioki, Vita del li. Oglerio, de Saint-Alban. Trino, 1868. Egbert, abbé du monastère bénédictin Petruido Alvn y Astorga. Monumenta antiqua Immacu­ dc Schocnau, au diocèse dc Trêves (f 1184), semble late conceptionis cx variis anilioribus antiquis tam manu· scriptis, quam olim impressis, sed qui vix modo repectuntur, bien supposer le même privilège. H compare Marie à Louvain, 1661, 1.1, traité de Comestor, p. 2-12; dc Canior, l’arche dc Noé cl à l’arche d’alliance, et lui attribue, p. 107-117; d’Abé'nrd. p. 118-138. malgré sa descendance d’une race déchue, une pré­ A. Noyon, Notes bibliographiques sur l'hlstotre de la servation totale, fondée sur son élection et sa pré­ (Idologle dc t*immaculée conception, strie d'articles, dans paration à la maternité divine: condita, pnrdecta, le Jullr((n de littérature ecclés(astique, Toulouse, dc 1911 à prtrservata, praeparata, et ornata per Spiritum Sanctum 1020; avril 1011. p. 177-183: L I^*s pièce· d’une contro­ cl ejus omnipotentem Filium fuit... quia, licet Maria de verse u xn· siècle. II. Un sennon anonyme sur la con­ ception , min 1911. p. 286-293 : III. Un traité sur la concep­ patrum natura per peccatum vitiata duceret originem, tion attribué A Abélard; mai 1916, p. 220-223: V. Vn sermon præelecta tamen per Spiritum Sanctum et prseservala attribué A Pierre Cantor; juillet-octobre 1920, p. 293-308: ad purum, Deum nobis obtulit et hominem. Ad beatam VI. (La doctrine dc i'hnnmculêe conception nu xu· siècle). Virginem sermo panegyricus, n. 9,11, P. L., t. clxxxiv, 3° ncsultat dc la controverse au xn· siècle : double coL 1019,1020. progrès, de la croyance ct de la /été. — De ce qui précède Une affirmation du bienheureux Elrod, abbé de il résulte que la controverse suscitée par la lettre dc Rieval en Angleterre ( f 1166), semblerait, à première saint Bernard aux chanoines dc Lyon se poursuivit j vue, rentrer dans le même groupe de témoignages pendant la seconde moitié du siècle; l’autorité du Après avoir dit que Marie surpassa tous les autres grand abbé dc Clairvaux était trop considérable et le en dignité, en sainteté, en pureté, en esprit de morti­ fication, il ajoute qu’elle échappa, la première, a la problème trop complexe en lui-même, pour qu’il en pût être autrement. 11 n’y en eut pas moins, pour la malédiction portée contre Adam ct Ève: Ilia entm fêle ct pour la croyance, un progrès notable, bien prima fuit de omni humano genere, quæ maledictionem primorum parentum evasit, et que, pour ce motif, qu’incomplet ct imparfait. L Progrès de la croyance. — L'affirmation du glo­ elle mérita d’entendre l'ange lui adresser ccs paroles : rieux privilège gagne en netteté, et le nombre de scs Benedicta tu in mulieribus. Serm., xix, tn Nativitate partisans augmente. Ceux qui, après l’intervention B. Mariæ, P, L.; t. cxcv,coL 319. Mais il sc peut, étant du saint abbé dc Clairvaux, ont soutenu la fête dc la donné le contexte, que par ccttc malédiction le pieux Conception dans un sens immaculistc, Abélard, les abbé ait moins en vue le péché originel proprement auteurs des sermons attribués A Comestor ct à Cantor, dit que scs conséquences, énoncées dans la Genèse, l’anonyme d’IIclligcnkrcuz, Nicolas dc Saint-Alban, m, 6; manière de voir qui se retrouve chez plusieurs sont manifestement des représentants de la croyance de ses compatriotes, entre autres Baudouin, arche­ devenue explicite. D’autres peuvent s’ajouter qui, vêque de Cantorbéry (f 1191), Tract. Vil, De salu­ dans leurs écrits, affirment ou supposent le privilège. tatione angelica, P, L., t. cov, col. 476. La réserve Le fondateur des prémontrés, saint Norbert (f 1134), s’impose également au sujet d’une phrase émise par serait dc ceux-là, s’il était vrai qu’il choisit pour les Pierre dc Blois, archidiacre de Bath (f 1200), dans religieux dc son ordre l’habit blanc en l’honneur de un sennon sur la nativité dc Marie : c Comme II fallait la « très pure conception dc Marie c ct qu’il fut l’auteur remédier au mal originel par le bien originel, la chair dc cette prière : « Je vous salue, ô Vierge, qui par une dc la Vierge fut soustraite à l'influence pernicieuse grâce spéciale dc l’Esprit-Saint avez triomphé du de l’arbre fatal ct sanctifié, de mala illa arbore dam· péché du premier père sans en être atteinte, e Auto­ natæ perditionis exempta et sanctificata est caro Maria mations émises récemment encore par l’un des bio­ virginis, s L’orateur ne parle pas ici dc la con­ graphes du saint, Rev. Martin Gaudens, The li/e ception; U parle dc la purification privilégiée dont cf St, Norbert, Londres, 1886, Introd., p. xui. Mais bénéficia Notre-Dame au jour de l’annonciation, ni l’une ni l’autre n’est solidement établie. L. C. Hugo, purification qui éteignit en elle le foyer meme dc la λα vie de saint Norbert, Luxembourg, 1704, préf. et concupiscence cl la rétablit dans l'intégrité primi­ p. 73; T. Speelman, Belgium Marianum, Tournai, tive : · car, ajoute-t-il, bien qu’elle eût reçu dès le sein dc sa mère la plénitude dc la grâce ct de la sain­ 1859, p. 118 sq. Le vénérable Hervé du Mans, moine bénédictin teté, l’Esprit-Saint venant sur elle, lors dc la con­ dc Déols ou Bourg-Dieu (f 1150), exempte Marie dc ception du Verbe, lui communiqua une plénitude plus la loi commune : Maria cx Adam mortua propter pec­ grande encore ct comme une surabondance dc grâce catum, nisi divinitus exempta fuisset. In Epist. ad céleste. » Scrm., xxxvm, P. L., t. ccvn, col. 675. 11 Horn., c. vm. Ailleurs : Omnes itaque mortui sunt in reste, que Pierre dc Blois proclame Marie pleine dc peccatis, nemine prorsus excepto, dempta matre Dei, grâce et de sainteté dès le sein de sa mère, sans sive originalibus, sive diam voluntate additis. In opposer la sanctification à la conception. D’autres proclament l’absolue sainteté de la mère Epist, 11 ad Cor., c. v, P. L., t. Dei Genitricis Mariœ, ab ipsius, Festi institutione ad hoc usque tempora. L’assertion aurait besoin d’être office dc la Conception apparaît dans deux manuconfirmée. En 1154, Atton, prieur du monastère béné­ scrits^onnés par G. Droves comme étant du xn· siècle: dictin dcSaint-Picrrc-dc-la-Réolc, au diocèse de Bazas, un Codex lai. monacens., provenant dc Schàftlarn, institue la fête en présence ct par l’autorité de l’évêque, en Haute-Bavière; un Codex Virunen.(ï Fricsach, en Guillaume de Tantalon (qui l’aurait aussi prescrite Cadnthle). Analecta hymnicu, t. v, n. 12; voir aussi dans son diocèse); Atton justifie l’introduction dc la t. iv, n. 65. Dc même une hymne ou cantique, dans nouvelle solennité par cc considérant, · que le peuple un Codex wirceburgens. (Wurzbourg), Ibid., t. xx, chrétien la célèbre maintenant en France presque n. 297. A Augsbourg, la fête fut Instituée au monastère universellement ct avec la plus grande dévotion. · dc Saint-Ulrich sous l’abbé Henri (1183-1188), à la Martène, Dc antiquis monachorum rilibus, Lyon, 1690, demande de l’archevêque dc Mayence, Conrad von L IV, c. n, n. 16; A. Degert, Le culte dc l’immaculée Schleyem, et du consentement de l’évêque d'Augsconception en Gascogne, Aucb, 1904, p. 533, 544. bourg, Udelscalk von Eschenlohe. F. G. Hôynk, GesAffirmation emphatique dans les termes, mais con­ chichlc der kirchlichen Liturgie des Bistums Augsburg, firmée pour diverses régions par des témoignages Augsbourg, 1889, p. 282. On la célébrait, à la fin du moins généraux, notamment par des missels ct autres siècle, à l'abbaye bénédictine dc Wessobrun, en Hautedocuments liturgiques conservés dans des biblio­ Bavière. Cclest. Lcutner, Historia monasterii Wessothèques publiques : ù Paris, bibliothèque Mazarine, fontani, Augsbourg, 1753, p. 205,235 sq. Vers l’an 1200, un missel parisien; à Nantes, collection Dclbrcl, un elle est indiquée dans un martyrologe de Seligenstadt. missel angevin; ù Rouen, divers missels provenant F. Faite, Marianum Moguntinum, Mayence, 1906, des abbayes dc Jumièges ct dc Fécamp ou dc Rouen p. 65. même, abbaye dc Saint-Ouen ct cathédrale, outre un · Moins nombreux sont les renseignements relatifs sacrament aire d’Avranchcs, coté x® siècle, mais avec aux autres pays. Pour la Belgique, mention est faite insertion au xn· d'une messe dc la Conception, iden­ dans la Chronique dc Gilles d’Onal, à l’année 1142, tique à celle du missel dc Winchester mentionné ci- d'une révélation privée tendant à porter l’évêque dessus, col. 1005. A. Noyon, Notes bibliographiques, de Liège, Alberon II, à faire célébrer la fête dans son juillet-octobre 1920, p. 307; E. Vacandard, Les ori­ diocèse. En 1195, deux diplômes sont octroyés par 1035 IMMACULÉE CONCEPTION 1036 Baudoin VIII, comte de Hainaut ct de Flandres, tcrbach, abbaye située dans le territoire des Sept· in Conceptione gloriosæ Virginis ou in solcmnitate Con­ Montagnes, Siebengebirge, au diocèse de Cologne. ceptionis gloriosa: Virginis Marite. E. Spellman, Bel­ Pierre de Alva nous a conservé, Radii solis, ρ. 2218 sq., gium Marianum, Tournai, 1859, p. 261. En Es­ quelques fragments de sermons Inédits que cc moine pagne, au monastère d’Hirachc ct dans tout le prêcha ou composa, probablement au début du royaume de Navarre, la conception de Notre-Dame xm· siècle. Dans un premier discours 11 parle des était solcnniséc assez peu de temps après la mort du fêles de la Vierge célébrées actuellement, puis il saint abbé Vérémond, non ita mullo post ejus obitum; ajoute qu'auparavant le jour de la Conception mort arrivée vers 1092. Acta sanctorum, mali t. i, était aussi fêté, et fêté avec beaucoup de solennité, Anvers, 1668, p. 796. Enfin une hymne In concep­ niais que, l'Église l’ayant ainsi réglé, cette dernière tione beatæ Maria Virginis sc trouve dans un psautier fêle est maintenant abolie : B. Virginis solennitas monastique du xn· siècle, conservé aux archives de dies Conceptionis ejus fuit, qui valde celebris fuit usque Saint-Pierre du Vatican. G. Drêves, Analecta hym- ad tempora nostra, sed nunc judicio Ecclesiie abolita. nica, t. xxm, n. 85. I Dans un second discours, l'orateur expose Ja con­ Ces documents ne constituent pas autant de troverse relative à cette solennité. Les uns,· tout en preuves en faveur de la croyance à l'immaculée admettant que la concupiscence Inhérente à l’acte conception; car, s’ils attestent l’existence d’un conjugal est mauvaise, comme chose honteuse ct culte, ils n’en déterminent pas l’objet d’une façon peine du péché, ne veulent cependant ni lui donner précise. Dans la plupart des cas, tout se borne à une le nom ni lui reconnaître le caractère de péché, quand simple mention de la fête nu calendrier ou autrement; l’acte est accompli comme il convient, en vue de par exception, quelque détail intéressant s'ajoute; propager la race humaine, car les trois biens du ainsi, dans un missel fécampois, une préface propre où mariage, fides, proles ct sacramentum, excusent de la nouvelle Ève est opposée ù l’ancienne, comme la toute faute la délectation sensuelle qui sc mile à la femme qui devait broyer la tête du serpent ct comme génération. Appuyés sur celte considération ct com­ la plus élevée des créatures, non moins par les pri­ prenant qu'il ne peut y avoir de péché dans une chose vilèges reçus que par l'excellence des mérites : liane Inanimée, tel qu'est le germe conçu, ceux qui nous enim sicut omnium dignitate prœcellit fastigia meri­ ont précédés, désirant honorer Je Sauveur que la torum, ita prœ omnibus privilegiorum honore subli­ Vierge a conçu du Saint-Esprit, jugeaient sainte cl masti. E. Vacandard, Les origines de la ffte de la Con­ vénérable la conception charnelle de la Vierge elleception dans le diocèse de Rouen, p. 169. Les pièces même ». A quoi les autres répondaient que, « dans la des Analecta hymnica ne contiennent que des géné­ matière conçue, chose inanimée, il ne peut y avoir ralités; rien de plus précis que la strophe suivante, ni sainteté, ni vertu, ni grâce, ct c’est pour cela que, formant la première antienne des premières Vêpres dans sur l'avis d’hommes prudents, la fêle de la Conception l'office rythmé des manuscrits de Vienne et de Friesach : de la bienheureuse Vierge Marie a été, suivant qu’il Gaude, mater ccclcsln, a été dit, abolie de nos jours. » Que faut-il entendre Nova frequentans gaudia. par cc jugement de ΓÉglise en vertu duquel la fête de Lux mlcat de caligine, la Conception avait été abolie dans le milieu où vivait Rosa de spina germine. Césaire? Sous quelle forme la prohibition s’étalt-elle produite ct quelle en avait été la portée? Autant de L’influence de la légende d’Ilclsin sc trahit souvent par un renvoi à l'office de la Nativité, avec change­ points sur lesquels le moine d'I Icisterbach ne nous ment de ce nom en celui de Conception; parfois même renseigne pas; son témoignage n’en est pas moins l’histoire est rappelée, comme dans le Codex Wirce- précieux, ct parce qu’il affirme un fait arrivé de son temps, et parce qu’il montre expressément qu'à cette burgen. : époque-là tous, défenseurs ct adversaires de la fête, Concipitur hodie avaient directement en vue la conception première Nova mater gratin Quæ mandavit ou charnelle de Marie. aiens Elsino En France, le mouvement d'opposition avait amené Desperanti un résultat semblable. Jean Bolet h, docteur parisien, in motu marino reconnaissait en 11G0 cinq fêles de la Vierge comme Ut coleret ereptus authentiques ct approuvées, puis ajoutait : « Certains diem istum omnino. ont parfois célébré,et peut-être célèbre-t-on encore Le jour Indiqué dans la vision d’Ilclsin, le la fête de sa Conception, mais celle-là n’est ni authen­ huit décembre, ct l’interprétation supposée couram­ tique ni approuvée; il semble même qu’elle serait ment par les partisans de In fête, reportaient naturelle­ plutôt à prohiber, car Marie fut conçue dans le péché, ment l’esprit vers la conception première ou charnelle immo enimvero prohibendum potins esse videtur, in de Marie. Cette circonstance ne fut pas Indifférente peccato namque concepta fuit. · Rationale divinorum nu mouvement d’opposition que nous avons ren­ officiorum, c. cxlvi, P. L., t. cai, col. 119. De fait, contré dans la première moitié du xn· siècle ct qui sc Maurice de Sully, successeur de Pierre Lombard sur poursuivit dans la seconde. En Allemagne, vers 1152, le siège épiscopal de Paris (1160-1196), Interdit la fêle nous trouvons comme principal adversaire connu le de la Conception dan· son diocèse, ou du moins dans bénédictin Pothon ou Boto, non pas de Prüm, suivant sa cathédrale, « en se basant sans doute sur l’opinion h version courante, mais de Prüfening, près Batis­ doctrinale qui régnait parmi les théologiens de Paris. > bonne. Reprochant amèrement aux moines de son IL Lesètre, L'immaculée conception cl ΓÉglise de Paris, temps l'introduction de fêles nouvelles, comme celles p. 32. Conjecture favorisée par un passage où Guil­ de la Trinité ct de la Transfiguration, 11 continue : laume d'Auxerre (f 1231 ou 1232) met une connexion « Certains ajoutent même, ce qui semble plus absurde, entre l acté prohibitif de Maurice de Sully ct la con­ la fête de la Conception do sainte Marie : additur his ception de Marie comme faite dans le péché : Per a quibusdam, quod magis absurdum videtur, festum actum enim concupiscentiae, non de Spiritu Sancto quoque conceptionis sandæ Marise. » De statu domus concepta fuit, ct ideo contraxit peccatum originale, et Dei, L III, in fine; voir Magna bibliotheca veterum ideo Mauritius episcopus Partsiensis prohibuit ne Patrum, Paris, 1644, t. ix, coL 588. Que l'opposition l festum Conceptionis ejus celebraretur in ccclrsia Pari­ ne soit pas restée sans résultat, nous l'apprenons siens!. Summa de officiis ecclesiasticis. 1. III» c. m, de Césaire (fvers 1240), religieux cistercien d'Heis- d’après Pierre de Alva, Radii soils, p. 738» 1037 IMMACULÉE CONCEPTION Même attitude, en Italie,de la part des canonistes. Commentant le Décret de Gratien, De consecratione, dlsL III, c, it Pronuntiandum, Huguccio de Pise remarque, ù propos du mot Nativitas, qu’il n’est pas fait mention de la conception, cl qu'il ne faut pas la fêter; la raison en est, que Marie fut conçue dans le péché, comme les autres saints, sauf Jésus-Christ seul : ct turc est ratio, quia in peccatis concepta fuit, sicut ct ceteri sancti, excepta unica persona Christi. Sicnrd (f 1215), évêque de Crémone en 1185, fait la même remarque que Jean Bclcth sur la célébration do la fête par un certain nombre dans le passé, ct peut-être encore dans le présent, ob revelationem cuidam abbati in naufragio /actam; il déclare égale­ ment que la fête manque d'autorité, non est authen­ tica, puis, faisant plutôt l’oiflcc de rapporteur que celui de juge, il ajoute : « Bien plus, certains estiment qu’il faudrait la prohiber, Marie ayant été, disent-ils, conçue dans le péché : imo videtur aliquibus prohi­ benda, dicentibus quod /ueril in peccato concepta. ■ Mitrale, 1. IX, c. xun, P. L., t. eexin, coi. 421. Celte opposition, motivée uniquement sur cc que Marie fut conçue dans le péché, amena sans doute le changement de position qu'on peut remarquer dès lors chez les défenseurs de la fête. Deux méritent d’être indiqués. L’un est l'auteur pscudo-ansclmien du Sermo ou Epistola de conceptione beatæ Mariæ, pièce signalée col. 1002. Une distinction notable apparaît dans la partie apologétique qui suit le récit des miracles : autre est la conception humaine, autre la conception spirituelle. L’une répond immédiate­ ment ù l’acte générateur, una qua carnalis copula viri ct mulieris agitur; l’autre se rapporte à l’âme créée pure ct unie au corps par Dieu, alia qua spiritualis anima nova et pura Deo operante corpori divinitus adjungitur. Si l’on sc refuse â célébrer la première conception, comme ayant été charnelle, idcirco quod carnalis exstitit, qu’on consente du moins (surtout dans l’ignorance où beaucoup sont du moment précis où elle s'est faite) ù célébrer en ce jour la seconde, saltem placeat celebrare c/us animæ spiritualem crea­ tionem corporisque cum anima copulationem, P. L., t. eux, col. 322. La distinction était sérieuse ct d’une réelle importance; elle pouvait faire tomber certaines objections, tout en maintenant le sens immneuliste de la fête, puisque la vénération s’adressait à Marie déclarée sainte au premier instant de son existence, comme personne humaine. Mais, dans In pensée de l’auteur, cc n’était là qu’un moyen terme, énoncé par esprit de conciliation; car lui-même, dans sa con­ clusion finale, proposait l’une ct l’autre conception Λ la vénération des fidèles en la solennité du 8 décembre : Celebremus igitur (dilectissimi) hodie dignis o/Jietis utramque ejus conceptionem venerabilem, spiritualem videlicet et humanam. La distinction Intro­ duite n’empêchait donc pas l’auteur anonyme de maintenir, en substance, la position d’Eadmer et d'Osbert. On pouvait aller plu· loin, en appliquant le tenue de conception spirituelle ù une sanctification de Marie dès le sein de sa mère, mais postérieure à la conception même humaine ou conception consommée, ct fêlée cependant le huit décembre par anticipation, Ainsi comprise, la solennité sc distinguerait encore de celle de la nativité, puisqu’elle aurait un objet différent, mais cc ne serait plus, â proprement parler, une fête de la Conception; cc serait une fête de la Sanc­ tification de Marie* Cette manière de voir appamlt, sur la fin du xn* siècle ou au début du xnv,dans unouvrage inédit d’Alexandre Ncckam(parfols Nequam). Né au territoire deSalnl-Albanen 1157, cc personnage vint Λ Paris pour scs éludes; passé maître, il y débuta dans l'enseigne­ ment vers 1180. Rentré dans sa patrie, il fut successl- 1038 vement professeur à Dunstable, à Salnt-Alban ct à Oxford. Il se fit, ou ne précise pas à quelle époque, chanoine régulier de Saint-Augustin, devint en 1215 abbé de Cirencester et mourut en 1217. Il est l'auteur de douze hymne· De beata Maria Virgine, dont la seconde contient cette strophe singulièrement expres­ sive : Salve gemma virginum. Vera salus hominum. Semper vernans rma. inter spinas Ullum, Supernorum civium I-aus, lux gratiosa. G. Dreves, Analecta hymnica, t. χιλίπ, n. 276. Cependant, c'est ailleurs qu’il faut chercner la pensée expresse de Neckam. Après avoir cessé d’ensei­ gner, il composa un commentaire sur le Cantique des cantiques, conservé manuscrit à Oxford, Bodleian et Balliol College, ct à Londres, biblioth. de Lambeth : Alexandri Neckam expositio super Cantica canticorum in laudem gloriose et perpetue virginis et matris et de mysterio incarnationis Domini. Voir A. Noyon, Notes bibliograph., mai 1914, p. 213. Guillaume de Ware paraît sc référer à cct écrit, lorsque, dans sa Quæstio sur la Conception de Marie, 11 dit de Neckam : < Sur Ja fin de sa vie, il expliqua de la bienheureuse Vierge ces paroles du Cantique : Tota pulchra es, arnica mea, et macula non est in (e, neque actualis neque originalis. ■ Les mots in ultimo vitx sux contiennent une allusion â un changement d’opinion de la part du docteur anglais; changement qu'on attribua plus tard à une intervention directe de Notre-Dame, comme on peut le voir dans un récit publié par le P. Thurston, Eadmeri tractatus. Append. Π, ρ. 99. La chose fut beau­ coup plus simple, d'après Neckam lui-même. Il nous apprend dans le iv· chapitre de son commentaire, qu'étant maître à Oxford, il posait en adversaire de la fête de la Conception, en particulier il prétendait faire son cours le huit décembre comme tout autre jour; mais 11 advint que, chaque année, il fut pris d’un malaise subit et dut renoncer à sa classe. Cette coïn­ cidence, jointe aux remontrances de sages amis, le fit réfléchir ct il changea complètement d’attitude. Il semble même que le souci de justifier ce revirement ne soit pas absent des trois chapitres où il traite la question : ΧΠ. Quod beate Virgo sanctiflcata /ueril in utero matris; iv. De conceptione beata Virginis et eius­ dem nativitate; v. Item de conceptione beate virginis. Neckam afllnne d’abord, comme le titre du i« cha­ pitre l’indique, « que la bienheureuse Vierge fut sanc­ tifiée dans le sein de sa mère. · Λ l'objection tirée de VEcce in iniquitatibus conceptus sum, etc., il répond, un peu plus loin, que cc texte ct d’autres semblables énoncent une loi générale, mais sans préjudice des cas spéciaux où l’exception peut sc produire : nullum generant praejudicium specialibus casibus, maxime cum stepissime. ei quod generaliter proponitur per speciem derogetur. Sans compter, ajoute-t-il, l’appui que fournit l’alllnnatlon de saint Augustin : Volo, ut quociens de peccatis agitur, nulla de beata Virgine mentio flat. Réponse qui, prise en sol, ne vaut pas moins pour une conception sajntc que pour une nais­ sance sainte. En fait cependant, le commentateur n’aiUrmc, nu chapitre ni·, qu’une sanctification de Marie dans le sein de sa mère après in/usion de Vôme, post anime in/usionem. Quelle peut être la portée exacte de ces derniers mots, nous le chercherons plus loin; mais une objection en sortait naturellement contre la fêle : Si Marie ne fut sanctifiée qu’après Infusion de l'âme, comment peut-on solennlser sa conception? Unde qucrcle quorundam admirantium qua fronte instauretur sollemniter a nonnullis festum de conceptione Virginis. 11 faut, répond-il, distinguer 1039 IΜ Μ Λ C l L É ECO N C E P TI O N trois acceptions du mot : Est conceptio seminum, est conceptio naturarum, est conceptio spiritualis. Inutile de définir la première, assez connue des tils d’Adam. Il y a conception des natures, quand l’âme est unie au corps ct que ces éléments, si hétérogènes d'ailleurs, concourent a tonner une seule personne. (Notons en passant, que Césaire d’Heistcrbach emploie aussi Expression dans son sermon n· et qu’il l’explique de la même façon, mais cn déterminant l’époque où, suivant les idées du temps, l’union de l’âme ct du corps s’opère pour les femmes : Secunda conceptio est naturarum, quando sexagesima die anima infun­ ditur carni). Enfin il y a conception spirituelle, quand une personne sanctifiée reçoit, par faveur spéciale, le don de la sanctification dans le sein de sa mère char­ nelle, ou que, renaissant dans les ondes salutaires du baptême, clic est conçue dans le sein de notre sainte mère l'Église· Ces notions établies, Neckam répond aux adver­ saires de la nouvelle fête : Pourquoi ne pourrait-çn pas légitimement vénérer Marie cn raison de sa con­ ception spirituelle, c'est-à-dire de sa sanctification dans le sein de sa mère? Quis enim inficiarl poterit de iure sollempnltalcm instaurandam esse rationc sanc­ tificationis qua beata Virgo sanctificata est in utero? La fêle, il est vrai, sc célèbre le huit décembre, mais, par une interprétation juridique fondée sur certaines analogies, ne peut-on pas reporter l’instant de la con­ ception chamelle ct celui de la conception des natures A l’instant de la conception spirituelle? Interpréta­ tion bonne ad hominem, mais qui ne maintenait pas la fête de la Conception telle qu’elle était comprise par ceux qui s'appuyaient sur la révélation faite ù l’abbé Helsin, révélation que Neckam prétendait respecter : Absit etiam ut fabulosam esse pronuntiemus aut sentiamus illam revelationem que abbati eis ino facta esse perhibetur. Il ajoute donc qu’on peut aussi vénérer la conception de Marie prout ipsi intelligunt, en rapportant la solennité au jour même où la Vierge commença d’être conçue. Là il se retrouve, sur beau­ coup de points, cn communauté d’idées et d'argu­ ments avec Eadmer, Abélard ct les autres. Au moment où la parcelle de chair qui formera le corps de la mère de Dieu commence à Jouir d'une existence propre, n’y a-t-il pas lieu de se réjouir ct de rendre grâces ù Dieu, surtout si l'on a égard aux circonstances mer­ veilleuses qui ont précédé ou accompagné celte con­ ception première? SI l'on vénère à bon droit les osse­ ments des saints, ne peut-on pas vénérer aussi ce germe précieux? L’objection déjà Indiquée : Ecce in Iniquitatibus conceptus sum, et in peccatis concepit me mater mea, revenait naturellement ici, ct plus forte. L'abbé de Cirencester rappelle la doctrine que, dans son ensei­ gnement public, il a professé sur l’acte conjugal : fait par un motif louable, cet acte peut être méritoire de la vie éternelle; que dire donc, quand il est accompli par un couple tel que saint Joachim ct sainte Anne? Peut-être dira-t-on que même dans ce cas, i’actc ne peut avoir lieu sans qu’il s’y mêle au moins quelque faute vénielle; mais pourquoi? quelle Impossibilité y a-t-il à cc que, accompli sous l'impulsion du SaintEsprit et cn esprit d'obéissance, l’acte soit exempt de tout péché? A supposer même que la paille du péché véniel cn fût Inséparable, suivrait-il de là qu’il ne pourrait y avoir dans le fruit ni valeur ni vertu? Et l’apologiste de conclure : Ils n'agissent donc pas d'une façon Indiscrète, mais louable, ceux qui célèbrent avec piété et dévotion la conception de la mère de Dieu. Neckam fait des réserves; Il refuse de suivre certains partisans de la fêle, ceux qui. pour expli­ quer comment la chair de Marie fut pure dès le début.recouraient à la théorie, exposée coL 1019, d’une 1040 préservation médiate cn Adam : astruendo non totam carnem prothoplasli esse corruptam, sed quamdam par­ ticulam in pristina munditia perstitisse restroatam, ut ei anima beate Virginis tempore preordtnato infun­ deretur. Et comme *c germe réservé à Marie avait dû rester pur au cours des siècles, il avait fallu que dans aucun de scs ancêtres, Il n'y eût eu une chair entiè­ rement corrompue : nullius igitur patrum tota corrupta est, ut aiunt, ex quibus per carnalem propaga­ tionem beata Virgo descensura, sed in quolibet illorum reservabatur prcdicta particula, non solum munda, sed mundissima. L'abbé de Cirencester rejette celte expli­ cation pour des raisons théologiques d'inégale valeur; la plus notable est que, dans cette hypothèse, h bienheureuse Vierge aurait été, dès le premier Instant de son existence, exempte de toute tache du pêché, soit originel soit actuel, ct c'est là un privilège exclusif du Christ : Secundum ct hanc traditionem immunis fuit beata Virgo, semper ex quo fuit, ab omni lobe peccati ct originali et actuali. Sed hoc soli Christo con­ venire asseveramus. Ce n'est pas que l’exemption parfaite de toute tache du péché ait manqué à Marie, mais elle n’a joui de cc privilège insigne qu’après l'incarnation du Verbe : Revera ex quo Verbum in ipse conceptum est, plenissime ab omni labe peccati mundata est, quia ipsa mundicia, qui est filius Dei, Ipsam replevit, ipsam mundavit. Est-ccàdirc qucjusqu'ùccmomcnt-lâ, l’âme deMnric aurait été souillée du péché originel? Cc n’est évidem­ ment pas la pensée d’un théologien qui soutient ex professo la sanctification de In Vierge dans le sein de sa mère. Cc qu’il nie directement, c'est l’absence de toute tache dès le début, sans doute parce qu'il considère la concupiscence comme Inhérente Λ toute chair humaine, celle du Sauveur exceptée. S'ensui­ vait-Il pour Neckam, indirectement ct par vole de conséquence, que l’âme de Marie contracta elle-même la tache héréditaire au moment où elle fut unie â cette chair soumise à la loi du péché? Tout dépend du sens qu’il donnait à l'afllrmation émise auparavant : Sanc­ tificato est igitur beata Virgo in utero materno post anime infusionem. Entcndall-11 une postériorité dans le temps ou une simple postériorité de nature. Dans le second cas, il n'aurait pas nié le privilège tel qu’il a été défini; dans l'autre, il l'aurait nié, ct c’est là ce que semblent supposer les expressions dont il sc sert. Il est vrai qu’au 1. IV, c. xvi. il applique à NotreDame cc verset du Cantique : Tota pulchra es, arnica mea, et macula non est in te. Mais il parle alors de son assomption, ct 11 n'emploie pas les mots que Guil­ laume de Ware lui attribue : neque actualis neque originalis. Il ne parle que du péché véniel, ct pour le temps qui suivit 1’incarnntion du Verbe : Attendens filius desiderium matris, eam ad se vocat; prius tamen ostendit in ipsa nullam esse maculam, ut evidens sil eam dignam esse preesentia regis omnium. Anima enim que cum macula venialis culpe recedit ab ergastulo corporis, transibit per ignem purgatorii, ibi purganda antequam conspectui regis presentetur, licet virtutum , claritate multa refulgeat. Ex quo beata Virgo tota in corpore et in anima mundata concepit ipsam munditiam, nulla fuit in ea macula etiam venialis culpe. Tota pul­ chra fuit ex quo effecta est mater pulchritudinis. Plus claire encore est la conclusion, quand on rapproche des passages précédents une glose sur le psaume iv, citée par le P. Noyon, p. 221 : Anima ergo cius statim ex quo infusa est corpori originale habuit peccatum, ex quo mundata est in utero. Dès lors la conception spirituelle s'oppose, non seulement ù la conception charnelle, mais encore à cc que Neckam appelait la conception des natures (conception consommée), ct la fête, envisagée de ce point de vue, n’est plus, ù proprement parler, qu’une fête de la sanctification 1041 IMMACULEE CONCEPTION 1042 l’insistance avec laquelle leurs adversaires répétaient de Marie. Manière de voir dont il faudra désormais tenir compte, car clic se rencontrera panni les théo­ i cette objection : œuvre de parents soumis à la loi logiens qui regarderont la Vierge comme sanctifiée de la concupiscence, la conception de Marie ne saurait être sainte, les défenseurs de la fête et de la croyance avant sa naissance sans admettre qu'elle fut sainte sc préoccupèrent surtout de soustraire la chair de cn sa conception. 4e Élut du problème ά la fin du Xlf siècle.— Eadmer I Notre-Dame, soit ù une souillure provenant de la con­ et les autres champions de la Vierge Immaculée cupiscence actuelle des parents, soit à une empreinte n’avaient pas seulement affirmé la pieuse croyance; morbide contractée dans Adam. De U vinrent les hypotheses que nous avons rencontrées : celle d'une ils l’avalent présentée sous une forme propre à lui concilier beaucoup de sympathies, surtout parmi ceux conception active sans délectation sensuelle de la part qui aimaient à envisager la question sous un aspect de saint Joachim cl de sainte Anne, et celle d'une moins spéculatif que pratique, cn faisant large part préservation initiale de la parcelle de chair qui devait aux intuitions de la piété, Ils avaient ébauché des former le corps de la bienheureuse Vierge et celui de preuves dont quelques-unes devaient rester, particuliè­ son divin fils. Arbitraires ou bizarres, ces hypothèses rement la preux c de convenance, fondée sur les intimes étaient, en outre, absolument Insuffisantes pour expli­ relations quiont existé, ct telles qu’elles ont existé dans quer une conception sainte, dans le sens théologique l’ordre actuel, entre le Sauveur ct sa mère, entre le du mot, ct positivement opposée au péché originel nouvel Adam ct la nouvelle Ève. Mais tout, chez eux, proprement dit; car cette sainteté-là ne va pas, dans i'ordre actuel, sans la grâce sanctifiante, et celle-ci ne fut pas d’égale valeur. Dans cc premier stade de la grande controverse, il était arrivé cc qui arrive presque ne peut être que dans l'âme. Ces singularités ne sc rencontrent pas chez tous; toujours quand un problème complexe, resté long­ temps dans l'ombre, devient l’objet d’une discussion Eadmer, cn particulier, s’était abstenu de toute publique : la lutte s'engage sur un terrain plus ou explication positive ct s'en était remis simple­ moins vague, ct les obstacles surgissent. Dans le cas ment à la sagesse ct â la puissance divines. Mais présent, la dlillcullé venait du problème pris en lui- sa doctrine n’échappait pas à un autre Inconvénient, même, problème insuffisamment étudié jusqu'alors; celui de laisser dans l’ombre un aspect important elle vint aussi, accidentellement, de la façon dont le du problème. En affirmant que la mère de Dieu avait problème fut posé ct résolu par les premiers apôtres été purifiée par une application anticipée des mérites de son fils, l’unique rédempteur, saint Anselme du privilège marial. l’avait Implicitement comprise parmi les rachetés. Un théologien contemporain a dit, en parlant de 11 fallait tenir compte de cette donnée ct montrer l’immaculée conception, qu’au début de la théologie scolastique, l’état de la question ne fut pas clairement qu'elle était conciliable avec l’exemption du péché établi, non fuit clare determinatus. Christ. Pesch. Pnr- originel, si Ton voulait rendre le privilège de l’imma­ lectiones dogmaticæ, t. m, De Deo creante et elevante, culée conception théologiquement acceptable. En n. 323,2*édil.,Fribourg-cn-Brifigau, 1899. La remarque d’autres termes, deux vérités devaient s'harmoniser : est d’une incontestable justesse. Ces formules : Marie d’un côté, Marie sainte ou exempte du péché dans sa conçue sans péché, Marie exempte du péché originel, conception; de l'autre, Marie rachetée par Jésusont pour nous un sens simple et précis, maintenant Christ. Si les docteurs Immaculistes du xu· siècle sc que la valeur des termes a été fixée par l'usage com­ préoccupèrent de sauvegarder la première de ces mun ou par les déterminations du magistère ecclé­ vérités, ils négligèrent l’autre à tel point qu’ils semblent siastique. Qu’il en affût autrement au xn· slèch', cc n'y avoir pas songé; cc qui. au siècle suivant, donne» qui précède l'a montré surabondamment. Des obscu­ prise à la critique des grands maîtres. Une nouvelle période de discussion était donc nécessaire, pour que rités résultaient alors, ct résultent encore maintenant le sens exact du privilège fût fixé ct que, dégagée des pour nous, des acceptions multiples où l'on prenait idées fausses ou accessoires et cn même temps com­ les termes de conception ct de péché; acceptions souvent dépendantes, soit de fausses idées sur la plétée, la vraie doctrine pût être établie ct justifiée. nature de la concupiscence ct du péché originel, Mgr Matou, op. cit., t. î, c. rv, n. 3; Kellner, Ileortologie, soit ue théories purement philosophiques sur la géné­ p. 190 sq.; E. Vncandard. Les origines de la fête de la Con­ ration. cn particulier sur le développement progressif ception dans le diocèse de Rouen cl en Angleterre, dans la de l'embryon humain ct sur l’époque où se réalise Revue desquestions historiques, 1897, t. txi, p. 170 sq.;Le$ ori­ gines de la fête et du dogme de Γ immaculée conception. II. l’union de l'ûmo ct du corps. Les défenseurs de la fête dans la Reine du clergé français, 1910, t. lxii. p. 257 sq.; prétendaient la justifier cn soutenant que la concep­ A. Noyon. Z.rs origines de la fêle de Vimmaculée conception tion de la bienheureuse Vierge fut sainte, mais de quelle en Occident, extrait des Etudes du 20 septembre 1901; conception parlaient-ils, ct de quelle sainteté? Car lu Notes bibliographiques sur Phistoire de la théologie de Pimmaculée conception, dans le Bulletin de littérature ecclésias­ sainteté qui convient à la chair, tenue Immédiat tique, Toulouse* mal 1914. p. 213-221 : IV. Les commen­ de la conception initiale, n’est pas la sainteté qui peut convenir ù l’ûmc, unie au coq>s nu mo­ taires d'Alexandre Neckam; juillet-octobre 1920, p. 293308.VI.(l4idoctrinederimmacUlècconccptionuuxn*5lèclc); ment de la conception consommée. C'est seulement du même, dossier ms. comprenant des extraits d'auteurs Λ la fin du siècle, dans VEpistola du pseudo-Anschne ct les résultats d’une enquête sur la fête de la Conception ct dans le commentaire d’Alexandre Neckam, que cn France, cf. Bulletin, juillet-octobre 1920, p. 30G; nous avons rencontré une distinction entre la con­ IL Lesitrc. L*immaculée conception el VÉglise de Parts, Paris. 1901; Edm. Spoelman. Belgium Marianum. His­ ception charnelle et la conception spirituelle, avec cette particularité que le second semble ramener la toire du culte de Marie en Belgique, Tournai, 1S59; A. Deconception spirituelle à une simple sanctification de gert, Le culte de Vimmaculée conception cn Gascogne, dans la Revue de Gascogne, nouv. série, Audi, 1904, t. IV, Marie dans le sein de sa mère, etque le premier retombe p. 529-502. dans les mêmes équivoques que ses devanciers cn appelant saintes deux conceptions diverses, dont l’une zzz. jr/zz* szZ'CZ/r : Popposition des grands scolas­ concerne la seule chair, tandis que l'autre suppose tiques. — Nous arrivons nu point critique dans le l'âme créée par Dieu, ornée de la grâce sanctifiante développement de la controverse, ù l'époque visée par le patriarche Anthlme de Constantinople, dans la et unie au corps. Posée sans précision suffisante, la question ne pou­ Lettre encyclique patriarcale ct synodale du très sainlvait être parfaitement résolue. Influencés à la fols slègc apostolique ct patriarcal, Constantinople, 1895 : par les idées qui prévalaient de leur temps ct par • L’Église papale a encore innové, il y a quarante ans 1043 IMMACULÉE CONCEPTION Λ peine, en établissant, nu sujet de l'immaculée con­ ception de la Vierge Marie, mère de Dieu, un dogme nouveau, qui était inconnu dans l’ancienne Église ct qui avait été jadis violemment combattu même par les plus distingués théologiens dc la papauté. » Allu­ sion manifeste aux grand” scolastiques du xm· siècle. La difficulté qu’ils soulèvent sc rapporte principa­ lement à la doctrine dc l’immaculée conception, mais elle s'étend aussi ù la fête, considérée soit en général dans sa légitimité, soit plus particulièrement dans son objet. Ie Im controverse doctrinale au XIII* siècle.—Λ part le texte du bienheureux Oglcrio rapporté coL 1026, texte qui peut dater des années où il fut abbé dc Luccdio (1205-1211), on ne trouve à ccttc époque rien dc précis en faveur dc la pieuse croyance. Guil­ laume dc Ware nomme Robert Grossctête, évêque dc Lincoln dc 1235 à 1253; personnage important dont le témoignage aurait d'autant plus d’intérêt, qu’il sc montra le protecteur des premiers franciscains venus à Oxford.cn 1224, cl qu’il fut même leur pro­ fesseur de théologie pendant quatre ou cinq années. Malheureusement Ware ne parle que par ouï-dire : Lincolniensis, ut dicitur, hoc posuit, ct sans fournir aucune Indication qui permette de contrôler l’asser­ tion. D’autres font dc saint Antoine dc Padouc (t 1231) 'un partisan du glorieux privilège, mais en s’appuyant sur des textes qui n’ont rien dc décisif. Dans un sermon sur la nativité dc Marie, le grand thaumaturge lui applique cc verset : El quasi luna plena in diebus suis lucet, Eccll, L, G, en ajoutant ccttc glose : Bcata Maria dicitur luna plena, quia ex omni parle perfecta. Luna ideo imperfecta ct semiplena, quia ha bel maculam ct cornua. Sed gloriosa Virgo nec in sua nativitate habuit maculam, quia (n utero matris fuit sanctificata, ab anqelis custodita, nec in diebus suis cornua superbia, ct ideo plena et perfecta lucet. S.An­ tonii Pat. Thaumaturgl sermones dominicales et in solemnitatibus, Padouc, 1895 sq., t. ni, Sermones in laudes beatissimæ Mariæ virginis, p. 696. D’après ce texte, la bienheureuse Vierge fut sanctifiée dans le sein dc sa mère, mais rien n’indique que ia sancti­ fication ait eu lieu ciunême tempe que la conception. Pour trancher l’équivoque, l’éditeur recourt ù un autre sermon où, après avoir rapporté la célèbre phrase dc saint Augustin : Excepta itaque, etc., l’ora­ teur ajoute : illa autem gloriosa Virgo singulari gratia praventa est atque repleta, ut ipsum haberet ventris sui fructum, quem er initio habuit universitatis Dominum. Beatus ergo venter, de quo in sute matris laudem Filius dicit in Canticis. : Venter (uus sicut acervus tritici, vallatus liliis. Ibid., t. i, Dornin. Ill in Quadrag., p. 89. Il suit de là que, d’après saint Antoine, Marie fut prévenue ct remplie d’une grâce singulière en vue de sa maternité future, mais il n’est pas dit que cc fut dès le premier instant dc son existence, ct la seule expression dc grâce singulière ne suffit pas, pour per­ mettre dc conclure sûrement dans un sens immaculislc. Du reste, c’est là un détail secondaire en face du problème général que soulève la doctrine des grands scolastiques. Comme 11 y a divergence d’avis, il importe dc séparer les questions : celle dc l’enseigne­ ment pris en lui-même ct celle dc l’interprétation qu’il en faut donner. 1. L'enseignement des grands scolastiques. — Les théologiens du xni· siècle traitent ordinairement le problème à propos dc la sanctification dc Marie, soit dans leurs commentaires sur le III· livre des Sen­ tences, dist. III, soit dans la III· partie de leurs Sommes théologiques; parfois encore dans des Quodlibeta, à propos dc la fête de la Conception. Quand eut lieu U première sanctification de la mère dc Dieu, avant ou après l’animation, qui sc fait par l'infusion 1U44 dc l’ûmc dans le corps suffisamment développé? Telle est la tonne générale sous laquelle la question est posée. Mais ccs deux moments principaux : ante ani­ mationem et post animationem, sont souvent décom­ posés en plusieurs a ulrcs.Ai nsi, à supposât que la sancti­ fication n’ait eu lieu qu'nprès l'animation, il reste à déterminer si elle n précédé la naissance extérieure, ante nativitatem, si clic s’est faite dans le sein maternel, in utero. Disons immédiatement que nulle divergence n’cxistc sur cc dernier point; les princes dc l’Ecole ct leurs disciples affirment que la bienheureuse Vierge fut sanctifiée dans le sein do sa mère ; tous disent qu’on ne pourrait raisonnablement refuser à la mère de Dieu un privilège accordé à Jérémie ct à Jean-Bap­ tiste. Dc nouvelles hypo thèses sc présentent dans le cas où la sanctification aurait eu lieu avant l’ani­ mation : ante conceptionem (ou ante uterum), in con­ ceptione, post conceptionem ante animæ infusionem. Dans ccttc terminologie, le mot de conception sc rap­ porte nécessairement ù la conception première ou chamelle, considérée en elle-même ou dans son terme propre, puisque la conception consommée est logi­ quement postérieure ù l'animation. La chose est d’ailleurs expressément affirmée par Alexandre dc Halés, Summa, III·, q. ix, m. n, a. 2 : Conceptio dicit com­ mixtionem, quæ est in principiis seminalibus virl et mulieris. Cela étant, que peut signifier cette question, posée par le même théologien, η. 1 : Utrum B. Virgo ante suam conceptionem sanctificata fuerit? « Elle n’a pas pu être sainte avant d’exister, et elle n'existait pas avant d'avoir été conçue, > avait objecté Bernard, col. 1012. Objection d’autant plus sérieuse, que 1« théologiens du xm® siècle entendaient parler d'une sanctification proprement dite, ayant l’âme pour sujet. L'explication dc celte nnlilogie apparente aura l’avantage dc nous faire voir nettement l’étroite connexion qui existe entre la position prise par les grands scolastiques à l’égard dc la conception dc Marie ct la façon dont les défenseurs dc la pieuse croyance l'avalent auparavant comprise ct proposée. • Le péché n'est pas formellement dans la chair, remarque Alexandre dc Halés, Summa, 1B, q. xi, m. m, mais on peut dire qu'il y est virtuellement, causaliter, en cc sens que la chair contient ce qui, plus tard, amènera le péché dans l’âme, quia in carne est unde postea contrahit anima peccatum. · La sainteté peut sc trouver dans la chair dc la même façon, comme l'expose très clairement Richard do Middle­ town, In. IV Sent., 1. 111, dist. 111, q. î, § Respondeo : Stall peccatum potest dici esse in aliquo, sicut in sub­ jecto, secundum quem modum est in sola rationali rd intellectuali natura, ct sicut in causa, secundum quem modum dicitur esse in carne infecta, sic carnem Virginis ante animationem fuisse sanctificatam dupliciter potest intelllgl : uno modo ita quod ante animationem facta fuerit subjectum sanctitatis... Alio modo ita quod illi carni fuerit data aliqua dispositio per quam esset in anima sibi unienda sanctitatis causativa. Ainsi pcul-on dire d'une chose qu’elle est sanctifiée, en deux sens très différents : d'abord, en elle-même, comme propre sujet dc sainteté; puis médialemcnt ct virtuellement, in causa, en cc sens qu’un principe dc sainteté exis­ tant pourra entraîner la sainteté dans l’cfïct qu'il produira. C’est précisément dans cc second sens que les apologistes du xn® siMe avaient parlé d’une sanc­ tification préventive de la mère de Dieu, soit dans Adam, par la préservation d’une parcelle de chair, soit dans scs propres parents, par la supposition d'un acte générateur saint ou par l’exclusion, dans cct acte, dc tout élément qui pût souiller la chair, terme immédiat. Au même ordre de sanctification préventive se rattache la théorie signalée par Albert 1045 IMMACULEE CONCEPTION 10*6 le Grand, In. IV Sent., I. HI, dist. Ill, η. 1 : An caro Sa doctrine se résume en quatre conclusions, corres­ li. Virginis fuit sanctificata ante animationem, vel pondant ù un nombre égal de questions. — a. 1λ post? Conçue commo les autres, Marie aurait contracté bienheureuse Vierge n’a pas été sanctifiée avant sa le péché originel virtuellement dans ta chair, tn causa conception, ou, suivant une autre expression, dans el materia corporis; mais nu moment do l’animation, scs parents. La génération a pour principe non la le Saint-Esprit plus agile que tout mouvement, omni­ sainteté personnelle dc ceux qui engendrent, mais bus mobilibus mobilior, Sap., mi, 21, aurait préala­ la nature, ct celle-ci, depuis la chute originelle, blement puriΠά la chair, pour qu’elle ne pût Infecter est soumise â la loi du péché ou de la concupiscence; l’âme dc la tache originelle, ut animam reatu originali Marie, engendrée dans les mêmes conditions que les inficere non posset. autres, n’a donc pu être sanctifiée dans scs parents; Cc sont ccs théories qui expliquent pourquoi nu contraire, il était nécessaire que, de ce chef, elle et dans quel sens les théologiens du xm· siècle se sont contractât le péché dans son origine, imo necesse fuit demandé, si la bienheureuse Vierge avait été sanctifiée ouod in generatione sua contraheret peccatum a paren­ avant sa conception (première), ou dans sa concep­ tibus. L’argument suppose une distinction fondamen­ tion, ou avant l’animation. Bien dc plus évident, si tale, énoncée au début de l’article, entre deux sortes l’on prend leurs conclusions avec les objections qui dc sanctification : sanctificatio naturæ et sanctificatio les précèdent ct qui rappellent les arguments des personne, l’une étant comme l’apanage de la nature adversaires réfutés; car la plupart de ccs arguments, elle-même, l’autre ne convenant qu aux Individus et les plus caractéristiques, viennent des apologistes en raison do la grâce sanctifiante reçue ct possédée du xn· siècle. Prenons, par exemple, ceux que saint Tho­ à titre purement personnel. Dans ce dernier cas, mas s'objcctcdans Ut Somme, II I*,q.xxvn,a.2 : Utrum l’argument tiré du texte : St radix sancta, el rami, est B.-Virgof ucr it sancti ficata ante animationem, l.cprcmïcr sans valeur.— b. I^i bienheureuse Vierge n’a pas été est tiré surtout dc Jérémie,!, 5: Priusquam te formarem sanctifiée dans l’acte même de la conception, tn ipsa in utero, novi te; il apparaît dans le sermon attribué conceptione. L’acte générateur s’accomplit, il est vrai, à Pierre Comestor zJeremias igitur ante formamhominis par la volonté des parents, volonté qui peut être formam suscepit divinæ notionis... Benignus Dominus bonne et, sous ce rapport, l’acte lui-même peut être qui vocat ea quic non sunt, tanquam ea quic sunt; ante méritoire; mais, considéré physiquement ct dans sa proveniens gratia, quam donans vitam. Le second vertu propre, l’acte est de la nature corrompue ct argument consiste dans l’assertion de saint Anselme soumise à la loi dc la concupiscence; la sainteté ne relative à la souveraine pureté dont il convenait que peut donc s’y trouver, suivant la doctrine de saint la mère de Dieu fût ornée, De conceptu virginali, Bernard : Quomodo peccatum non fuit, ubi libido non c. xvm; le texte avait été utilisé par les défenseurs du defuit? Parmi d’autres arguments énumérés aupa­ privilège, notamment par Gauthier dc Saint-Victor, ravant, il en est un d’une importance spéciale et que cot 1028. L’existence de la fclcdc la Conception fournit nous rencontrons pour la première fois, celui qui fait le troisième argument; tous nos apologistes s’en appel au dogme de l’universelle rédemption en Jésusétaient servis. Le quatrième ct dernier est le plus Christ, incompatible avec une conception sans péché, caractéristique: Si radix sancta, et rami, Rom., xî.IC; parce qu’alors il n’y aurait pas besoin de rédemption : Item, si B. Virgo non fuisset concepta in peccato, ergo nous l’avons rencontré dans le premier des traités non fuisset obligata peccato, nec habuisset reatum pec­ conservés ù Ileiligcnkrcuz, col. 1022. Une dernière manière dc voir est signalée par saint cati. SI ergo quod non habet reatum peccati, non indiget Bonaventure, In IV Sent., J. Ill, dist. III, p.j,a. l,q.ii: redemptione, quia redemptio est propter obligationem sanctification directe dc l'âme qui, dans un môme ad peccatum et ad reatum peccati, ergo non indigeret instant aurait été créée ct ornée dc la grâce sancti­ redemptione per Chrislun, quod secundum fidem catho­ fiante, puis unie au corps, in instanti suie creationis licam non est ponendum. Comme il s’agit, dans cet fuit sibi gratia infusa, et in eodem instanti anima infusa article, dc la conception première ou chamelle, Vobliest carni; dc la sorte, la grâce dc la sanctification gatio ad peccatum ne peut s’entendre que de ce que les précédant logiquement l’union, aurait prévenu dans | théologiens appelleront le debitum peccati, c’est-â-dire la nécessité dc contracter Je péché originel; nécessité l’ûmc de la glorieuse Vierge la tache du péché originel. La théorie visée ici semble être ccllcdu pscudo-Ansclmc, que Marie devait encourir en vertu de sa conception, Sermo de Conceptione bcativ Maria; il n’explique pas pour qu’elle eût vraiment besoin d'être rachetée. — autrement cc qu’il appelle la conception spirituelle : c. La bienheureuse Vierge n’a pas pu être sanctifiée Ipse animarum creator animam suie matris dignum après la conception, avant Γinfusion de l'dme. Sanc­ ct sanctissimam corpori virginali, ejus ministrantibus tification qui, par hypothèse, tomberait encore direc­ angelis, copulavit. O quanta est dies illa, qua nostrie tement sur la chair, ita quod caro ejus esset sanctificata, reparationis anima digna creatur ct sanctificatur, et antequam infunderetur anima in ea. C’est seulement sanctissimo corpori unitur. P. L., t. eux, coL 322. en vertu dc son union avec l’âme que la chair peut être Notablement différente des précédentes, celte théorie ordonnée â la gloire; d’un autre côté, c’est la grâce garde cependant avec elles cc trait commun, que Inhérente â l’âme qui dispose â la gloire; il est donc In sanctification dc Marie y est considérée comme impossible que la chair soit sanctifiée avant l’infu­ antérieure, nu moins logiquement, â l’animation qui sion dc l’âme.— d. Reste que la bienheureuse Vierge sc fait par l’union de l’âme avec le corps. C’est là une ait été sanctifiée après l’union du corps ct dc l’âme, circonstance dont 11 faut tenir compte, si l’on veut mais avant sa naissance, ante suam nativitatem post Interpréter exactement la doctrine des grands sco­ infusionem anim.r in suo corporc. Le « docteur Irré­ lastiques; car tous s’accordent à n’admettre dc sanc­ fragable » ne précise pas davantage. L'hypothèse d’une tification qu’nprès l’animation, après l’union des sanctification opérée avant que le péché originel eût deux éléments qui concouren* à former la personne été réellement ct formellement contracté, serait-elle humaine. Cc qui n'empêche pas une certaine diver­ recevable? Non, â en juger par tout l’ensemble dc la sité dans la manière dc traiter la question ct dans doctrine. D’ailleurs, énonçant, a. 4, une preuve en faveur d’une sanctification antérieure â la naissance, les arguments employés a) Théologiens franciscains. — En tête dc ligne Alexandre fait intervenir l’idée de purification : Si apparaît Alexandre dc Hnlès, anglais, originaire du non esset purificata et sanctificata in utero, inielligeretur comté de Gloucester (f 1215), Summa theologite, major puritas in Joanne et Ilieremia. Quoi d’étonnant? III·, q. ix, m. n, De sanctificatione beatx Virginis. Avec Pierre Lombard ct tant d’autres, cc théologien 1047 IMMACULÉE CONCEPTION regardait la chair comme physiquement souillée par La concupiscence et tenait que du fait même dc son union avec la chair, dans l’état de nature déchue, l’Ame contractait une souillure correspondante: quam cito enim anima infunditur cami foedir, tam cito foe­ datur; sicut a vitio vasis vinum corrumpitur. Summa, 11% q. cv, m. iv. Saint Bonaventure (f 1274), professeur â Paris de 1248 à 1255, enseigne en substance la même doctrine que son maître; mais il serre dc plus près le problème en traitant séparément dc la chair ct dc l’âme, il le simplifie aussi en réduisant le nombre des questions. In IV Sent., 1. Ill, dist. III, part. I, a. 1, q. n. La chair de la Vierge a-t-elle été sanctifiée avant ranimation? Telle est la pre­ mière question, qui comprend implicitement les trois moments distingués par Alexandre dc Halés : ante conceptionem, in ipsa conceptione, post conceptionem ante animationem. Le docteur séraphique ne nie pas la possibilité d’une purification préalable dc la chair, mais il objecte qu’une purification dc cc genre ne serait pas une sanctification proprement dite; celle-ci convient à l’âme seule. En outre, la conception pre­ mière de la Vierge s’est faite dans les conditions com­ munes d'une génération soumise â l’empire dc la concupiscence; elle a donc eu naturellement pour tenue une chair dc péché. Un peu plus loin, part. II, a. 2, q. î, il réfute la théorie dc la parcelle dc chair restée pure dans Adam ct dans tous ses descendants. Beaucoup plus importante est la seconde question : l'âme de la bienheureuse Vierge a-t-elle été sanctifiée avant d'avoir contracté le péché originel? L’opinion affirmative est d'abord exposée, celle que nous con­ naissons déjà,col. 1015, et suivant laquelle l’ùmc dc Marie aurait été sanctifiée dans l’instant même de sa création, ct par conséquent n’aurait pas réellement contracté la faute héréditaire. Les raisons invoquées par les tenants dc cctlc opinion sont rapportées, ct aussi la manière dont ils prétendent satisfaire aux données de la foi en cc qui concerne l’universalité dc la rédemption : Marie doit son exemption du péché originel à la grâce, qui dépend ct vient du Sauveur; elle a été délivrée par Jésus-Christ, mais non pas comme les autres, car tandis qu’en dehors d'elle tous ont été retirés du précipice où ils étaient tombés, la mère dc Dieu a été soutenue au bord même du pré­ cipice pour qu'elle n'y tombât pas, quasi in ipso casa sustentata est ne rueret. Malgré l'apparente sympathie avec laquelle il expose ccs raisons, le docteur séra­ phique se rallie au sentiment opposé : la Vierge n’a été sanctifiée qu9après avoir contracté le péché originel, santificatio Virginis subsecuta est originalis peccati contractionem. Il sc rallie â ce sentiment comme plus commun, plus raisonnable, plus sûr, plus conforme à la doctrine des Pères et à la piété réglée par la foi. Quatre preuves sont apportées : l'universalité du péché, affirmée dans la sainte Écriture ct dans la tradition; l'existence en Marie des peines attachées â la faute originelle; la connexion qui existe entre la souillure de la chair ct celle dc l’âme quand l’union des deux s’accomplit; la qualité dc rédempteur qui convient à Jésus-Christ par rapport à sa mère. Dans le développement dc ccs preuves ct les réponses aux objections, l’élève d’Alexandre dc Halés suppose sou­ vent, comme son maître, la théorie dc Pierre Lombard sur la nature de la concupiscence et du péché originel; théorie que, délibérément, il préférait à celle de saint Anselme. In IV Sent., 1. Il, dist. XXXI, a. 2, q. î. Cc n'est pas qu'il nie la possibilité d’une infusion de la gr ice au premier instant et, par suite, d’une réelle préservation; mais il ne lui semble pas convenir qu’en dehors du Sauveur, un seul des enfants d'Adam ait été absolument sans péché, ad Gum, La bienheureuse 1048 Vierge n’en a pas moins son privilège propre, celui d'avoir été sanctifiée plus parfaitement ct plus rapidement que les autres. En quel jour, à quelle heure la chose se fit-elle, nous l’ignorons; mais il est raisonnable de croire que l’infusion dc la grâce dans l’âme dc la mère dc Dieu suivit de près l’infusion de l'âme dans le corps, cito post infusionem anima, q. ni. Les deux docteurs franciscains sc sont-ils rétractés? On l’a prétendu : Alexandre dc Halés aurait, sur la fin de sa vie, admis le glorieux privilège et composé un écrit en sa faveur; dc son côté, saint Bonaventure, devenu ministre général des frères mineurs, aurait fait équivalcmmcnt la même chose en instituant pour son ordre la fête de la Conception au chapitredePise, en 1263, sans compter divers passages du docteur séraphique où le pieuse croyance apparaît, notamment un sermon sur la bienheureuse Vierge Marie où les mots gratia plena sont ainsi glosés : Domina nostra fuit plena gratia prœveniente in sua sanctificatione, gratia scilicet præservativa contra fœditatem originalis culpæ, quam contraxisset ex corruptione naturæ, nul speciali gratia prœvenla presserva la que fuisset. Optra, Home, 1596, t. ni, p. 389. Mais toutes ccs assertions manquent de réelle valeur. En cc qui concerne Alexandre dc Halés, il y a pure confusion entre cc théologien ct son homonyme, Alexandre Neckam, dont il a été parlé ci-dcssus, col. 1037sq. ; d’ailleurs,sire dernier a fini par admettre une fête dc la Conception, il n’a pas admis la croyance à l'immaculée conception. Il en est dc même, on le verra plus loin, du docteur séraphique, à supposer qu’il ait réellement institué la fête dc la Conception au chapitre général de Fisc. Le sermon allégué est apocryphe. S. Bonaventuræ Opera omnia, Quaracchi, 1882 sq., t. m, p. 69, Scholion; Prosper dc Marligné, La scolastique cl les traditions franciscaines, p. 370,372. Alexandre dc Halés ct saint Bonaventure furent les maîtres des théologiens franciscains qui ensei­ gnèrent à Paris au xm· siècle; leurs disciples Immé­ diats ont marché sur leurs traces. Le fait est confirmé par les écrits, publiés ou inédits, des principaux. Tel, Jean dc la Rochelle (f 1245), le premier frère mineur qui ait reçu la licence à Paris ct le propre successeur d'Alexandre dc I Talés, comme professeur dc théo­ logie chez les franciscains. Dans une question corres­ pondant à Sent., 1.111, dist. 111,11 discute, comme son maître, si la Vierge a été sanctifiée ante conceptionem, in conceptione, post conceptionem ct ante infusionem animic; même solution. F. Cavallcra, art. L'immaculée conception, p. 102. Un sermon inédit sur la nativité contient aussi cette phrase : Sic Maria in origine conceptionis habet amaritudinem conceptionis, sed in utero matris dulcorata est per gratiam sanctificationis, ut nasceretur in dulcedine plenitudinis sanctitatis. Paris, Biblioth. nation., ms. lat. J5940, fol. 167v. Un autre disciple d'Alexandre, celui â qui fut confié par Alexandre IV, en 1256, le soin dc compléter et d’éditer la Somme du maître, Guillaume dc Méliton (t 1260), reprend son enseignement, avec cette par­ ticularité Intéressante qu’il ajoute cette question : la bienheureuse Vierge a-t-elle été sanctifiée au moment même de l’animation, in infusione animx? Non, répond-il. Autrement, Marie serait à la fols sanctifiée ct non sanctifiée, cc qui est contradictoire; en outre, n’ayant jamais eu de péché, clic n’auralt pas eu besoin dc rédemption, puisque la rédemption suppose la rémission du péché, redemptio enim absolvit a reatu culpir. Doctrine confirmée par des témoignages empruntés à saint Irénée ct à saint Bernard. Il ne suit pas dc là que la mère dc Dieu soit assimilée aux autres créatures humaines; sa sanctification jouit d’un caractère privilégié, qui consiste dans l'excellence de la grâce reçue. F Cavallcra, ibid., p. 102. Un autre 1049 IM MA C VL É E CONCEPTIO N 1050 Anglais, Richard de Middletown, Ricardus a Media | virgo Maria. Mariale sive qusrstiones super evanVilla (| vers 1308), réduit le problème à une seule getium Missus est, q. xxxi, B. Alberti Magni opera question : la chair de Marie a-t-elle été sanctifiée omnia, Paris, 1890 sq., t. xxxvn, p. 67; cf. Biblia avant ranimation, antequam animata? Comme ses Mariana, n. 12, ibid., p. 430: De laudibus B. M. Virmaîtres, il conclut négativement, en ce double sens | ginis, 1. I, c. i, t. χχχντ, p. 9-10. 11 s’agit, scmblc-l-il, qu’avant l’animation la chair ne peut être le sujc». du péché originel considéré dans son élément matériel, d'une sanctification proprement dite, ct qu’on ne le /ornes peccati, dont Marie fut délivrée partiellement peut supposer en elle aucune disposition appelant la en sa première sanctification in utero, et totalement grâce dans l’âme destinée à lui être unie : anima cnim dans sa seconde sanctification au jour dc l’annonVirginis ci sut unione ad illam carnem peccatum ori­ clation. D’ailleurs, la conception dans le péché cr* ginale contraxit. J n J V Sent., 1. Ill, dist. Ill, q. J. Ce expressément affirmée plus loin, q. cLxni, § 3, p. 239 : qu'il répète, et pour la même raison, dans la réponse Scd quærilur illud, quare et unde fuerit, quod non fuit ad2un»: descendit cnim caro ejus a primis parentibus sine originali labe concepta? Dicimus quod fuit impas­ secundum naturalis propaginis legem. Quand la Vierge sibile, nisi conciperetur de virgine, et sic mater sua fut-elle sanctifiée? Eodem dic, cito post constitutionem fieret virgo mater, et non esset suum privilegium, scilicet quoa esset mater virgo. Ce qui confirme l’étroite dépen­ naturæ, ad 3am. On ne s’étonnera donc pas que les derniers éditeurs dance qui existe entre la doctrine d’Albert le Grand des œuvres de saint Bonaventure aient reconnu, loc. ' et celle dc saint Bernard. Vers la même époque, un autre dominicain, Pierre cil., son opposition à la pieuse croyance, ct que, dans la préface des Quæstiones disputais de immaculata dc Tarcnlaisc (1225-1276), plus tard Innocent V, conceptione bealæ Mariæ Virginis, imprimées aussi à résout le problème d’une façon à h fois plus com­ Quaracchi, on lise cct aveu, p. xi : · Les disciples de pliquée et plus précise. In IV Sent., 1. III, dist. Ill, saint Bonaventure ont répété sa doctrine, ct jusqu’ici q. î, a. 1. Quæritur an sanctificata fuerit caro eius ante nous n’avons pas rencontré un seul dc nos théologiens uninuc infusionem. 11 distingue quatre manières dont dc Paris au xm· siècle, qui ait accepté ou défendu la on peut être sanctifié, sous le rapport du temps : a. ante conceptum et ortum, non seulement avant la doctrine de l’immaculée conception. » b. Théologiens dominicains. — Albert le Grand naissance, mais même avant la conception, manière (t 1280), professeur à Paris dc 1245 à 1248, traite la qu’il déclare impossible; b. post conceptum et ortum, question en deux articles. La bienheureuse Vierge non seulement après la conception, mais encore après fut-elle sanctifiée étant déjà dans le sein de sa mère la naissance, manière habituelle, mais insuffisante ou avant d’y être, in utero vel ante uterum, (en d’autres quand il s’agit de la mère dc Dieu; c. m ipso conceptu termes, ante conceptionem vel post conceptionem semi­ ct ortu, non seulement dans la naissance, mais dans la nalem )*î La réponse ne pouvait pas être douteuse : conception elle-même, manière réservée au Sauveur; Marie n’a pas pu être sanctifiée in parentibus ou avant d. in ortu, non in conceptu, dans la naissance ct non sa conception. La grâce de la sanctification ne vient pas dans la conception, manière propre à la bienheu­ pas des parents; clic ne ncut donc pas être commu­ reuse Vierge, qui fut sanctifiée dans le sein dc sa mère. niquée par eux. La Vierge fut conçue, comme les Mais celte sanctification antérieure à la naissance autres, par voie de génération sexuelle; l’acte géné­ peut être rapportée à quatre moments distincts : rateur étant, dans l'ordre actuel, indissolublement lié ante animationem, in ipsa animatione, cito post anima­ à la concupiscence actuelle, ne pouvait manquer dc tionem, diu post animationem. Pierre dc Tarcnlaisc lui transmettre le péché. La chair ne participe à la rejette une sanctification qui serait faite avant l’ani­ sancti fiat ion que par l’âme distincte dc la chair cl mation, puisqu’nlors il n’y a pas de sujet capable dc n’étant pas, comme elle, contenue dans les ancêtres; recevoir la grâce sanctifiante qui, seule, fait dispa­ personne ne peut donc recevoir dans les ancêtres la raître la souillure du péché. Il rejette aussi, comme grâce dc la sanctification. Vient ensuite la seconde ne convenant pas, une sanctification qui sc produirait question : la chair dc la bienheureuse Vierge a-t-elle au moment même dc l’animation; car dc deux choses été sanctifiée avant ou après l’infusion de l'âme, l’une : ou la bienheureuse Vierge n’aurait pas con­ ante vel post animationem? Nous avons vu, col. 101G, tracté la faute originelle, ct alors elle n’aurait pas eu comment certains supposaient une sanctification de besoin d’être sanctifiée et rachetée par Jésus-Christ, la chair antérieure à l’animation. Albert rejette cette cc qui est contre la loi universelle; ou bien elle l'aurait hypothèse comme une hérésie condamnée par saint contractée, cl alors le péché ct la grâce auraient Bernard dans sa lettre aux chanoines dc Lyon cl par coexisté en elle, ce qui est contradictoire. Marie a tous les maîtres en théologie de Paris. La chair prise donc été sanctifiée après l’animation; mais l’excel­ en elle-même n’est pas susceptible dc recevoir la lence de sa sainteté ne permet pas de supposer qu’elle r.râcc sanctifiante; il ne peut donc y avoir sanctifi­ soit restée longtemps dans le péché, non convenit cation avant l’animation. En outre, dans l’hypothèse (antæ sanctitati, ut diu morata fuerit in peccato; il est d’une purification préalable dc la chair, la Vierge convenable et pieux de croire, malgré le silence n’aurait pas eu besoin de rédemption dans son Ame, dc l’Écriture, que la sanctification suivît de près cl ainsi elle échapperait à l’universcllo sentence: Morte l'infusion de l’âme ct qu’elle se fit le jour même ou à l’heure même, non pas toutefois au moment même dc morieris, qui vaut de la double mort, celle du corps l’animation, videtur conveniens et pie credibilis (licet cl celle dc l’âme. Reste que la mère de Dieu ail été sanctifiée dans le sein maternel; en quel jour ou à de Scriptura non habeatur), ut cito post animationem, vel ipsa die vel hora (quamvis non ipso momento) fuerit quelle heure, personne ne peut le savoir en dehors d'une révélation; il est seulement plus probable que sanctificato. l'attente ne fut pas dc longue durée, mais que la sanc­ Nous retrouvons la même doctrine, avec des nuances tification suivit dc près l’animation : probabilius est, notables, dans saint Thomas d'Aquin (f 1274). In quad cito post animationem conferatur, quam longe IV Sent.,\.l\\, dist. III, q. t, a. 1; Sum. thcol., Ill·, exspectetur, a. 5. Ccs affirmations sont trop nettes q. xxvn, a. 2. Passages les plus Importants, non seu­ pour qu’on puisse légitimement interpréter dans le lement parce que le problème dc la sanctification sens du glorieux privilège un passage où le même doc­ dc Marie y est traité ex professo, mais encore parce teur déclare Notre-Dame indemne dc la malédiction qu’ils se rapportent aux deux termes dc la carrière du péché originel : Triplex væ culpæ, originalis, mor­ professorale du docteur angélique, le premier au début talis ac venialis... Sive omni triplici va fuit beatissima (Paris, 1252-1260), le second à la fin (Naples, 1272). 1051 I Μ Μ Λ C I L E E CO N C E P TI O N 1032 ginelle : hoc nutem e«r non posset, si alia anima inveni­ Dans le commentaire sur les Sentences, la question est ainsi posée : la bienheureuse Vierge a-t-elle été retur quæ nunquam originali macula fuisset infecta. Une dérogation Λ la I<»I commune n’était pas Impos· sanctifiée axant que sa conception ne fût consommée, ante sanctificato quam conceptus ejus finiretur? c'est- siblc, absolument parlant, mais il ne convenait pas Λ la dignité du rédempteur qu'elle sc fit; aussi le pri­ à-dire, en expliquant cc titre par d'autres tonnes employés dans la suite dc l'article, avant l'animation vilège d'avoir été sans la tache héréditaire n'a-t-il élé ou l'infusion de l'âme dans le corps. Réponse néga­ accordé ni à la bienheureuse Vierge ni â personne en tive : la sanctification dont il s'agit dit purification dehors de Jésus-Christ : et idco ru e bcatæ Virgini nec du péché, souillure spirituelle que la grâce seule fait alicui præter Christum hoc concessum est, sol. 2·. L'ûine disparaître; comme le propre sujet dc la grâce est la dc Marie n'a donc été sanctifiée qu'après s'être unie nature raisonnable, la bienheureuse Vierge n'a pas pu au corps ct avoir, ù ce moment même, contracté le tire sanctifiée avant que sa conception ne fût con­ péché originel. Dc nouveau l'assertion revient, n. 2, sommée par l'infusion dc l’âme raisonnable. soi. 2*, ad 3> même de rédemption; or cc privilège ne serait pas Par là s’explique que, dans le présent article dc In sauvegardé s'il se trouvait une âme, en dehors dc la I Somme, saint Thomas rejette en bloc, comme incom­ sienne, qui n’eût jamais été infectée dc la tache ori­ patible avec la loi de l'universelle rédemption par 1053 IMMACULÉE CONCEPTION 105'· Jésus-Christ, toute sanctification qu’on supposerait car on y lit de Marie: Qae a peccato originali et actuali faite avant la constitution dc ia personne, ù quelque immunis fuit In IV Sent., 1. I, dist. XL1V, q. t, a. 3, moment qu’on la place ct quelqu'en soit le sujet, lachair ad 3®n. En réalité, ces paroles ne sont pas plus déci­ ou l'Amc. Par la s’explique qu’à l'idée dc sanctifi- j sives que des paroles analogues, rencontrées chez Al­ cation première il associe celle dc purification faisant bert le Grand, coL 1049 : il faudrait prouver que le disparaître le péché originel : Sanctificatio de qua docteur angélique avait alors en vue l'instant mime • loquimur, non est nisi emundatio a peccato originali. dc La conception, ct non pas un autre moment, celui Par là s’explique qu’à la 2· objection Inspirée par le dc la sanctification première in utero ou, plus vraltexte ansehnivn ct formulée ainsi : Major puritas scmblablcmcnt, celui de la sanctification seconde luisset beutæ Virginis, si nunquam anima ejus fuisset ct parfaite au jour de l’annonciation. Sur cc texte injecta contagio originalis peccati, il réponde» comme et les autres, volrChr. Pesch»DeDeo creante,n. 328-330, dans le commentaire sur les Sentences, que la pureté ct X. Le Bachelet, dans les Rechercha de science reli­ entendue de la sorte est le privilège exclusif du Sau­ gieuse, Paris, 1910, L î, p. 604. C’est à tort qu'à propos veur des hommes : Si nunquam anima Virginis Juisset dc ces passages comparés aux autres, on a parlé soit contagio originalis peccutt inquinata, hoc derogaret dc rétractation implicite (Jean deSégovie)ou d’incon­ dignitati Christi,secundum quam est universalis omnium sistance dans la doctrine (Mgr Malou, t. n, p. 471), Salvator. Par là, en tin, s’explique que Ba conclusion soit dc falsifications textuelles s’étendant jusqu'à la soit, au tenue comme au début dc sa carrière litté­ question xxvn de la IIP partie de la Somme théolo­ raire : Beata Virgo contraxit quidem originale peccatum, gique (Pierre d'Alva, card. Sfondrate, card. Lamsed ab eo fuit mundata, antequam ex utero nasceretur, bruschini ct autres cités par F. Morgott, La doctrine λ quelle époque précise sc fit cette purification? Nous sur la Vierge Marie ou Mariologte de saint Thomas ne le savons pas : quo (empore sanctificata fuerit, igno­ d'Aquin, trad. Bourquard, Paris, 1881, p. 1601 sq.). c. Autres théologiens. — Signalons-en deux dont ratur, ad 3lim. Ailleurs, traitant de la fête de la Concep­ renseignement sc rapporte aux vingt-cinq dernières tion, le saint docteur ajoute que la sanctification dut suivre de près l’infusion dc l’âme : Creditur enim années du xm· siècle. 1-curs témoignages confirmeront quod cito post conceptionem ct anima: infusionem fuerit la communauté de vues qui régnait alors parmi les docteurs de Paris sur le fond dc la question ; en même sanctificata. Quodl., VI, a. 7. Tel est, dans son ensemble, l’enseignement dc temps nous y trouverons accentuée la tendance à l'ange dc l’École sur la sanctification première dc la considérer la sanctification de la mère dc Dieu comme mère de Dieu. Il est pleinement conforme aux textes s'étant opérée le plus tôt possible après la constitution généraux, qu'on trouve épars dans ses écrits, sur dc sa personne. Henri de Gand, le · docteur solennel > (f 1293), l'extension du péché originel à tous les decendants d'Adam, le Sauveur excepté, parce que, seul, il n’a prononça dc 1276 à 1292 quinze disputes sur nombre pas été conçu par voie de génération sexuelle ct sou­ de sujets divers, Quodlibeia XV, Venise, 1613 Dans mise à la loi du péché : Sum. theol., I· II®, q. lxxxi, la XIII·, Il traita dc la fête delà Conception, ou plutôt a 3; cf. IIP» q. xxxi, a. 1» ad 3um; Jn 1 V Sent., 1. II, dc son objet précis. Ceci l'amena tout d'abord à dis­ tinguer entre la conception humaine ou naturelle (list. XXXI, q. i, a. 2; 1. III, dlst. III, q.i, a. 2, sol. 1B; qua Virgo est concepta mundo, ct la conception spiri­ 1. IV, dist. IV, q. i, a. -i ; Contra gentes, 1. IV, c. iv, tuelle ou surnaturelle, qua Virgo concepta est Deo. cf. c. ui, ad malo, q. iv, a. 6. Enseignement conforme aussi à la manière dont le saint docteur Dans la première» Marie ne fut ni sainte ni sanctifiée; explique la transmission du péché originel par Adam, elle ne le fut pas au début, quand sc fit la conception comparé à un premier moteur dans l'ordre de la géné­ séminale, car à cc moment-là rien n'existait dc la Vierge, si ce n’est une pure matière incapable dc grâce ration, de telle sorte que son influence délétère s'exerce nécessairement sur tous ceux qui descendent I et dc sanctification; elle ne le fut pas non plus au de lui par voie séminale : Sic ergo hujusmodi motio terme» quand la conception sc consomma, car alors qiue est per originem a primo parente derivatur in même elle contracta le péché originel ct devint ainsi omnes qui seminalKer ab eo procedunt; unde omnes fille dc colère: per peccatum originale, quod contraxit, qui seminal(1er ab eo procedunt, contrahunt ab eo ori­ facta est fi lia ira:. Nulle autre raison n’est apportée ginale peccatum. De malo, q. iv, a. G, in corp. Voir que celle dont saint Bernard s'était servi : la con­ nexion qui existe, dans l'ordre actuel, entre la géné­ aussi la réponse ad 15uîn. Que penser alors des passages souvent invoqués ration humaine, ex semine immundo, ct la tache héré­ en faveur dc la pieuse croyance? Il en est qui ditaire. La Vierge ne fut donc sanctifiée qu’après avoir la contiennent réellement, ceux où la Vierge est contracté le péché commun; mais quand eut lieu formellement déclarée Indemne du péché originel; celte sanctification? Henri de Gand n’admet pas, par exemple, Jn Epist. ad Gai.,ni, 16, lect. vr : Ex­ voyant en cela une contradiction, que Marie ait pu cipitur purissima et omni laude dignissima Virgo contracter le péché originel ct en être délivrée par Maria; cf. In Epist. ad Rom., v, 3; de même, Ex­ l’infusion de là grâce dans un seul et même instant réel. Hypothèse faite alors, semble-t-il, puisqu’un positio de Ave Maria (Opusc., VI, al. VII1), c. i, où Marie est dite toute pure, quia nec originale nec autre maître dc l'université do Paris, compatriote et contemporain du docteur solennel, Godefroy dc mortale nee veniale peccatum (ncurril. Mais cc sont là des interpolations qui ne figurent pas dans les édi­ Fontaines (f vers 1306), la réfute également, Qucdl., VIII, q. iv, d’apres un extrait publié par Pierre de tions critiques; et même VOpuseuhim, \ I (aL VIII) tout entier serait apocryphe, Λ en croire le P. Man- Alva, Radii solis, coL 1050. Mais si là conception donnet, Des écrits authentiques de saint Thomas,2· édit., dans Je péché précéda réellement la sanctificatk n, Fribourg (Suisse), 1910, p. 110. D'autres textes rien n'empêche que celle-ci ait pu sc faire aussitôt excluent dc la mère de Dieu tout péché, toute tache : après, mox et subito, en sorte que l'âme dc la Expositio inorat.domin. (Opusc., V, al. Vil), petitio 5*, bienheureuse Vierge n'ait été infelice du péché ori­ Plena gratia, in qua nullum peccatum fuit; Jn ps. JT/F, ginel qu’un seul instant cl d’une façon transitoire, 2 : Jn Christo et B. Virgine Maria nulla omnino macula nonnisi in instanti el in transitu. En a-t-il été de la Jail; Jn ps. xvm, 6 : Quic nullam habuit obscuritatem sorte, Dieu seul le sait, ajoute Henri de Gand sans peccati. Mais res affirmations, prises dans le contexte, vouloir rien affirmer, si ce n’est que la chose lui semble ne s'appliquent qu’aux péchés actuels. Un seul témoi­ possible ct raisonnable : quod nec scio nec assero, sed gnage, bien authentique, semblerait dire davantage, rationabile mihi videtur ct possibile. 1055 IMMACULEE CONCEPTION 1U56 Gilles de Rome, JEgidius Columna (f 1316), reli­ charnelle active, prise seule ou avec son tenue gieux august in, chef d'une école qui lui doit son nom, Immédiat, que les théologiens du xm· siècle auraient schola œgidiana, passe pour avoir été Λ Paris élève considérée comme entachée du péché. Il n'y a pas du docteur angélique; il y enseigna lui-même vers lieu de s'arrêter à celle explication, manifestement 1276-1291, avant de devenir général de son ordre Insuffisante. Quand saint Tnomas d'Aquin, saint en 1291, puis archevêque de Bourges en 1296. Dans Bonaventure et les nul res exigent une sanctification son commentaire sur les Sentences, il pose la question postérieure ά l'animation et qu'en conséquence, Ils nient que l’âme de Marie ail pu être ornée de la grâce à peu près comme saint Thomas dans la Somme: Utrum caro Virginis furni sanctificato antequam sanctifiante Λ l’instant même de son union au corps il ne s'agit évidemment pas de la conception charnelle animata? Après avoir considéré la Vierge par rapport au premier homme, à scs parents propres et au Christ, active ni de son terme immédiat. Beaucoup plus sérieuse est une autre interprétation, médiateur, il conclut «qu’elle a été conçue en fille soigneusement étudiée et habilement exposée de noi de colère, qu’elle est née (au sein de sa mère) dans le péché originel, in ira concepta, in peccato originali jours. Les grands scolastiques n’auraient pas nié nata9 et qu'elle a été purifiée de ce péché et réconciliée l'immaculée conception telle qu'elle a élé définie par Pic IX, mais telle qu'elle était proposée de leur avec Dieu par le médiateur des hommes, Jésus-Christ. In IV Sent.,}. Ill, dist. 1, III, q. x, a. 1 ; assertion qu’il temps, d'une manière défectueuse et theoioglqucment répète Incidemment, en insistant sur cette considé­ Inadmissible. « Comme plusieurs de ceux qui la sou­ ration : «Autrement Marie n'aurait pas été membre tenaient auparavant n’étaient pas fort savants, Ils y du Christ, car notre Incorporation au Christ sc fait mêlaient plusieurs choses qui ôtaient à Notrc-Selçncur la qualité de rédempteur de sa mère, » remarquait par sa grâce nous délivrant du péché originel ou actuel : nam in tantum fimus membra Christi, in déjà, sur la fin du xvi· siècle, le dominicain Vincent quantum per suam gratiam liberat nos a peccato ori­ Justinien Antist, Traité de /*immaculée conception ginali vel actuali. Ibid., 1. II, dist. XXIX, q. it, de la très sainte vierge Marie mère de Dieu, § 11, trad, a. 2, dub. vi;cf. dist. XXXI, q. x, a. 2. Soutenir le de l'espagnol, Paris, 1706, p. 27 sq. Ils prétendaient contraire, ce serait attribuer à Notre-Dame une con­ expliquer le privilège par une sanctification soit de ception indépendante de la volupté charnelle ou de la chair, soit de l'âme, antérieure à l'union de ces l’union sexuelle. Il faut donc admettre que, conçue deux éléments essentiels du composé humain et, par dans le péché originel, elle resta quelque temps, per suite, antérieure à la constitution de la personne aliquod tempus, sous son empire. Quodlibela sex, Lou­ même de Notre-Dame. Les grands scolastiques ont vain, 1616, q. xx. Quand fut-elle sanctifiée? Comme considéré toute sanctification de cc genre comme Henri de Gand et Godefroy de Fontaines, le doctor incompatible avec la rédemption, telle qu’elle s’ap­ fundatissimus n'admet pas qu’elle ait pu se trouver plique aux individus dans l'ordre actuel; strictement simultanément sub culpa et sub gratia et que, par personnelle, la rédemption suppose dans la personne conséquent, la conception dans le péché et la sanc­ elle-même un besoin immédiat de rachat, un debitum tification nient pu sc faire dans un seul et meme proximum aussi rigoureux que possible. En cc sens-là, Instant, in eodem instanti. Mais il est tout à fait croya­ ces théologiens ont dit qu'au moment mime où elle ble, valde credibile, que le laps de temps qui s'écoula commença d'être personne humaine, Mario contracta entre les deux choses fut très court et pour ainsi dire le péché originel en droit,mais formellement, et qu'elle Imperceptible, valde breve et quasi imperceptibilc. ne put être sanctifiée qu’après l'avoir contracté de la sorte. Cc rapport de postériorité qu’ils attribuent Même assertion dans le commentaire sur le livre des Sentences, loc. cit. : « C'est une pieuse croyance que à la sanctification comparée à la constitution de la personne, doit-il, quand il s'agit de la mère de Dieu, le délai fut très court, si court qu'il est pennis de dire que Marie fut toujours sainte : pie creditur quod valde s'entendre strictement, d'une postériorité chrono­ modica fuerit mqrula, idcirco dici potest quod semper logique, posterius tempore, ou largement, d'une posté­ riorité logique, d'ordre et de dépendance, posterius fuerit sancta D’autres allaient plus loin encore, à en juger par ordine et natura? Et, par conséquent, la bienheureuse cc texte que Pierre de Alva, Radit solis, col. 1258, Vierge a-t-elle encouru réellement le péché originel, donne comme extrait d’un Sermo XV, d'Odon de ou ne l’a-t-clle encouru que formellement, debito Châteauroux, d’abord chancelier de Paris, puis cis­ proximo, d'après un fondement Inhérent ù sa propre tercien et cardinal (f 1273) : Tunc ad/uvit eam dilu­ personne ? C’est là une autre question, que ces théo­ culo, sed postmodum, non fortasse ordine temporis, logiens n'ont ni tranchée ni même traitée, à propre­ sed ordine nalurx, quo primarius sequitur unitatem ment parler, au moins dans les passages où ils parlent ex professo de la sanctification de la mère de Dieu. d plura sequuntur numerum. On a cependant le droit de conclure qu’ils tenaient 11 y avait donc progrès, et progrès dû à l’influence exercée sur les esprits par le principe de la perpétuelle pour suffisante l’hypothèse moins rigoureuse, puis­ sainteté, considérée comme apanage de la mère de qu'on trouve dam leurs écrits la double distinction Dieu. Déjà même des considérations apparaissaient Invoquée : postériorité chronologique ou logique; Incidemment, surtout chez Henri de Gand, dont dette ou paiement de la dette; ainsi, saint Thomas Scot allait bientôt tirer parti pour faire un pas de plus, fait-il usage de la première, à propos de la sanctifi­ le pas décisif, en substituant à l’idée d'une sancti­ cation des anges au moment de leur création, ou des fication purificatrice, aussi accélérée que possible, divers actes qui concourent à la Justification de celle d’une sanctification préservatrice. l'adulte, Sum. theol., D, q. lxii, n. 3, ad lnn>; 1· II®, 2. Y a-t-il opposition entre renseignement des grands q. cxm, a. 8, et de la seconde, à propos de la mort, docteurs scolastiques eli immaculée conception?—C'est encourue en fait ou seulement en droit, In IV Sent., la question d’interprétation, succédant au simple 1. IV, dist. XI.III, q. a. t, sol. 1·, ad 3^. Comprise exposé des textes et des conclusions explicites. Elle ainsi, la doctrine des grands scolastiques n'est pas '’impose; car, avant comme après la définition du réellement opposée au dogme de l’immaculée concep­ dogme, de bons esprits ont jugé l'opposition plus tion, tel qu’il a élé défini; bien plus, elle a préparé apparente que réelle. Quelques-uns ont cru pouvoir les voies à la définition en maintenant au glorieux tout expliquer par une distinction entre la concep­ privilège le sens qu'il doit avoir, celui d'une préser­ tion chamelle, active ou passive, et la conception vation qui soit vraiment rédemptrice et qui, pour comommée; ce serait uniquement la conception cela, s'appuie sur les mérites acquis par Jésus-Christ 1057 1 Μ Μ ACU L ÉE CO N C E P TIO N au Calvaire et appliqués par privilège Λ sa mère au premier instant de son existence. Telle est l’interprétation qu'on trouvera esquissée fri meme, t. vj, col. 899, en cc qui concerne le docteur angélique. Elle a été magistralement développée par le P. Norbert del Prado, O. P, d’alx>rd dans une série de lettres adressées à un jeune théologien, Santo Tomâs y la Jnmaatlada, Vergara, 1909, puis d’une façon à la fois plus ample et plus didactique dans un ouvrage posthume, Divus Thomas et bulla dogmatica • Incilabitis Deus, » Fribourg (Suisse), 1919. Ccttc explication avait été déjà proposée, en substance, par d’illustres dominicains, entre autres, Capponi de Porrecta, Summa theol., Ill*,q. xxvn, a. 2; Jean de Saint-Thomas, Cursus theol., t. i, dissert, præliin., dlip. Il, a. 2; M. Spada, dans plusieurs écrits avant cl après la définition, en particulier Saint Thomas et l'immaculée conception, trad, du latin par le R. P. Fr. J. D. Sicard, Paris, 1863. D’autres théologiens, d’écoles diverses, ont partagé le même sentiment, soutenu aussi de nos jours, soit dans des cours ou traités généraux, soit dans des études spéciales qui seront signalées plus loin. Cette interprétation bénigne n’a jamais été celle du plus grand nombre. On ne peut contester que, dans leur ensemble, les théologiens dominicains ne sc soient opposés longtemps à la croyance immaculiste, et que leur opposition n’ait élé jointe à la con­ viction que le docteur angélique n'avait pas admis ccttc croyance. De leur côté, les théologiens francis­ cains qui défendirent si vivement le privilège, sc sont, en règle générale, réclamés de Duns Scot; nous avons vu, col. 1048, les aveux faits de nos jours par le P. Pros­ per de Mari igné, La scolastique cl les traditions fran­ ciscaines, c. v, et non moins explicitement par les éditeurs des Œuvres de suint Bonaventure et des Quæstioncs disputatae de immaculata conceptione beatæ .Mariæ Virginis. Là semble bien être la vérité. Les efforts tentés par les autres n’ont pas fait disparaître la difficulté qui s’attache à l’enseignement des grands scolastiques pris d’une façon objective et intégrale. 11 est vrai qu’ils attaquèrent l’immaculée conception telle qu'elle avait été comprise et proposée par les apologistes du xn· siècle; contre eux ils affirmèrent que la sanctification de la bienheureuse Vierge n’a pas pu sc faire avant l’animation; cc qui est exact tant qu’il s’agit d’une sanctification proprement dite. Mais ils ne sc maintinrent pas sur cc terrain purement négatif; ils émirent ccttc contre-proposition : clic a élé sanctifiée après l’animation, en comprenant sous le terme de sanctification, non pas une préser­ vation, mais une purification. Aussi l'affirmation : contraxit peccatum, dite non pas de la chair de Marie, mais de son âme ou de sa personne constituée, a pour équivalents, soit dans le contexte, soit dans des pas­ sages correspondants, ces autres expressions : originali macula infecta, peccato originali injecta, contagio origi­ nalis peccati infecta ou inquinata, col. 1047. Et cela, parce que ces théologiens appliquèrent à la bienheu­ reuse Vierge la notion commune de rédemption, celle que saint Thomas énonce au début de scs conclusions, dans le commentaire sur les Sentences, sol. 1 · : Opor­ tet quod sanctificatio emundationem ab immunditia spirituali ponat, prout nunc de sanctificatione loquimur, et dans la Somme, a. 2: Sanctificatio de qua loquimur, non est nist emundatio a peccato originali. Sous le rap­ port de la rédemption, jamais ils ne mettent de dif­ férence entre la mère de Dieu et les autres; la diffé­ rence n’intervient qu’à propos de la sanctification considérée dans sa perfection ou ses qualités: excel­ lence de la grâce reçue, amortissement ou répression des mouvements de la concupiscence, immunité par rapport au péché véniel; rien de plus. PICT. PE THÉOL. CATHOL. | , i | 1053 Les distinctions qu’on introduit, entre le droit et le fait, entre la dette du péché originel et le péché lui-même, entre la postériorité chronologique et la postériorité logique ou d'ordre et de nature, «ont excellentes, objectivement parlant, et elles ont l'avan­ tage de montrer que, dégagés de vues accessoires · et réduits à leur juste valeur, les principes posés par les grands théologiens du xni· siècle ne mènent pas à la négation du glorieux privilège, tel qu’il a été défini; réserve faite cependant d’une question qui viendra en son temps, la question relative à h nature du debitum peccati exigé par le dogme. Mais autre chose est que ces distinctions soient Valables, autre chose est qu'elles aient été faites, et surtout qu’elles aient été appliquées au problème de la sanctification de Marie par les docteurs dont il s’agit. Par exemple, saint Thomas distingue entre la dette de la mort, qui convient à tous les descendants d'Adam, et la mort elle-même, qui peut-être ne 1rs atteindra pas tous; mnls il n’admet pas qu'il y ait en cela parité entre la mort et le péché originel : A’ec etiam sequitur, si potest st ne errore poni quod aliqui non manantur, quod possit sine errore poni quod aliqui sine originali peccato nascantur. In IV Sent., 1. IV, dist. XLIII, q. i, a. 4, sol. Is, ad 3’jrn. Traitant dans la Summa, I·, q. lxu, a. 3, de la création des anges cl de leur sanctification comme simultanées, creati in gratia. Il attribue à l'acte créateur une priorité logique, et non pas chronologique : non præcessit ordine temporis, s/d ordine naturæ, ad mais quelle diffé­ rence il y n entre les expressions dont il sc sert alors et celles dont il fait usage en parlant de la sancti flcat ion de Marie! Dans le premier cas,on Ht statim a principio sunt angeli creati in l’Ange dc l’Ècolc dit : < 11 est raison­ nable dc croire qu’en cc qui concerne les dons dc la grâce, clic l’a emporté sur tous les autres. » Sum. thcol, 111%q. xxvn, a. 1. A ccltc affirmation, mise en avant par les défenseurs dc la pieuse croyance : « Tout cc que Marie a pu recevoir de perfection, elle l’a reçu, > Alexandre dc Halés ct les autres acquiescent, sous la seule réserve qu’il s’agisse d’une perfection cou venablc à la bienheureuse Vierge dans l’ordre actuel. Dc ces principes ils concluent à sa sanctification dans le sein dc sa mère; sanctification non pas quel­ conque, mais privilégiée, supérieure à celle des autres ct par la perfection dc la grâce reçue, ct par cette circonstance que le /ornes peccati ou le principe de la concupiscence, sans être encore éteint en Marie, avait pourtant été assoupi ou lié dans son exercice, d’où l’absence dc toute faute actuelle ct meme de tout mouvement déréglé. C’était un progrès sur la doctrine marialogique de Pierre Lombard, ct ce progrès pré­ parait à sa manière le triomphe futur dc la pieuse croyance. Les grands théologiens du xm· siècle firent davan­ tage; ils déblayèrent le terrain, d’abord en laissant délibérément de côté des éléments parasites, comme les légendes orientales sur la conception ct la naissance dc Marie, puis ct surtout en renversant ces théories caduques que les premiers défenseurs du privilège rencontraient constamment sur leur route ct dont ils n’avaient pas réussi à sc dégager : empreinte morbide, rattachée à une prétendue corruption de tous les germes physiquement contenus en Adam; souillure physique, s’ajoutant à celte empreinte mor­ bide en vertu de la concupiscence désordonnée, insé­ parable dc l’actc conjugal dans l’ordre actuel; carac­ tère vicieux, à tout le moins matériellement, dc la concupiscence ct par suite dc l’acte conjugal; conta­ mination dc l’Axne au moment dc son union avec la chair corrompue. La réaction sc fil, non pas brus­ quement, mais lentement ct progressivement. Elle fut incomplète chez ceux qui restèrent inféodés à la théorie,dite augustlnlennc, de la transmission physique du péché héréditaire par la concupiscence actuelle; mais le docteur angélique donna un fort coup de barre dans la bonne direction, en adoptant résolument ct en perfectionnant même les vues de saint Anselme, col. 1052. Lc péché originel proprement dit ne con­ siste pas dans la concupiscence, mais dans la privation dc h justice originelle, considérée dans l’élément qui donnait à notre volonté d’être soumise à Dieu d’une façon permanente, c’est-à-dire la grâce habituelle lObO ou sanctifiante. Sum. thcol,, I> Ifr, q. lxxxu, a. 3' Dc malo, q. iv, a. 2, ad lu®. La concupiscence n’est, en son principe, ni une empreinte ni une qualité mor­ bide; c’cst une propension ou aptitude aux appétits déréglés, venant d’un défaut d’équilibre entre la facultés supérieures ct les inférieures. De malo, q. iv, a. 2, ad 4«®. Le saint docteur alla même jusqu’à con­ sidérer la transmission dc la faute héréditaire comme n’étant pas nécessairement liée à la concupiscence actuelle, libido actualis, ibid., a. 5, ad 16®»· C’était porter le coup de grâce à la théorie de la transmission dû péché originel par la concupiscence actuelle ou libido parentum, déclarée cause positive ct physique dc souillure, directement dans la chair ct indirec­ tement dans l’âme de l’enfant conçu. Une seule objec­ tion restait debout, celle que suscitait la rédemption de la Vierge par son fils; cc fut la pierre d’achoppement. Mais d’avoir formulé l’objection capitale dans toute sa force ct d’avoir obligé les autres à envi­ sager ct à discuter le problème en son point vital, ne fut-ce pas encore contribuer, bien que d’une ma­ nière indirecte, à la solution définitive ? 3. Préludes de la réaction : les précurseurs de Duns Scot. — Malgré l’opposition, la pieuse croyance ne manqua pas de partisans dans la seconde moitié du xm· siècle. Elle en eut, évidemment, parmi ceux qui célébraient alors la fête de la Conception dc Marie dans le sens immaculiste. Elle en eut dans les monas­ tères; en Autriche ct en Allemagne, Engelbert, abbé bénédictin d’Admonl (1270), ct Conrad dc Brundelsheim, abbé cistercien d’Heilsbronn (1299), sont cités en faveur du privilège par Augustin dc Roskovâny, Beata Virgo Maria in suo conceptu immaculata, t. xm, p. 2, d’après Pastoralblatt des B isthums Eichstûtls, 1855, p. 36. En Espagne, saint Pierre Pascha isc (f 1300) parle 1res nettement dans un passage cité par Mgr Malou, t. n, p. 136 : /uit per Deum ab omni macula tam originali quam mortali ct veniali præstrvata; mais l’authenticité dc l’écrit a été contestée. Elle en cul même parmi ceux qui, sur la fin du siècle, enseignèrent ù Paris; tels, notamment, Guillaume dc Ware, en Angleterre, et Raymond Lull, en Es­ pagne. Guillaume dc Ware, en latin Guarra, mort dans les premières années du xiv· siècle, naquit probablement à Ware, dans le comté dc Hertford. Son nom sc pre sente chez les auteurs avec beaucoup dc variantes ou même dc déformations : Varro, dc Vnrra, dc Waria, Vcrus, dc Osna, etc. Franciscain d’Oxford, il conquit ses grades académiques ù l’université de Paris. Hurler, Nomenclator, Inspruck, 1903 sq., t. n, col. 330, dit qu’il brilla vers 1267; cc qui est certain, c’cst que la carrière professorale de Guillaume de Ware, à Oxford ct à Paris, appartient surtout au dernier quart du xm· siècle. Soncommcnlairc sur les Sentences, resté manu­ scrit, sc trouve en divers endroits, en particulier à Oxford, Merlon College. Il y traite directement du privilège marial, I. Ill, dist. Ill: Qmrritur, utrum beata Virgo concepta /ucril in originali peccato. Celle question, jointe à celles de Duns Scot ct de Pierre Auriol sur le même sujet, a été publiée en 1004 par les Pères franciscains de Quaracchl. Elle emprunte un Intérêt spécial à celle circonstance, que, suivant la tradition de son ordre, Guillaume de Ware fut le maître du docteur subtil. Après avoir rapporté quelques arguments courants pour ct contre, le pro­ fesseur d’Oxford distingue (rois manières dc voir parmi les théologiens de son temps : les uns disent que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché, mais qu’clb eu a été purifiée immédiatement dans un seul et même instant réel, in alio (amen et alio signo ejusdem instantis; d’autres affirment également que la Merge fut conçue dans le péché, mais n’admettent 1061 IMMACULÉE CONCEPTION 1062 Muri» Virginis, attribué faussement Λ ce saint pas qu’elle en ail été purifiée immédiatement ; d'autres enfin nient qu'elle ait contracté le péché ori- docteur, voir col. 1002; la citation faite ici glncL Ware s’attache résolument Λ cette troisième montre que cette attribution est antérieure à la fin opinion, quam volo tenere; car, < étant donné que du xm· siècle. Mais si la bienheureuse Vierge n'a pas je ne suis pas certain du contraire, si je dois me . contracté le péché originel, comment a-t-elle eu besoin tromper, je préfère me tromper par excès, en attri- ' dc la mort dc Jésus-Christ, comment a-t-elle été huant celte prérogative ù Marie, que de me tromper rachetée par son fils? Pour répondre à celte objection par défaut, en diminuant ou en rejetant une préro­ capitale, le théologien anglais fait appel a la doctrine gative qu'elle aurait possédée. » dc saint Anselme, Cur Deus homo, L II, c. xvi, P. L·, Les efforts du théologien franciscain tendent sur­ t. cLvin, col. 419 : Quoniam mains munditia, per tout à prouver la possibilité, la convenance ct la quam mundus est, non fuit nisi ab illo. La Vierge a réalité du privilège, pour en conclure qu'il faut célé­ eu besoin dc la passion et dc la mort dc Jésusbrer la fête dc la Conception. Pour établir la possi­ Christ pour obtenir la pureté qui lui fut propre. Cette bilité, il recourt à la théorie de la purification pré­ pureté l’ayant préservée de toute tache, elle a dû ventive; conçue par saint Joachim ct sainte Anne à son divin fils de ne pas encourir le péché qu'elle comme les autres, la chair dc la bienheureuse Vierge aurait encouru de fait, s’il n'était pas Intervenu d’une fut, dc cc chef, infectée de la qualité morbide d’où façon spéciale en sa faveur: unde indiguit passione vient en nous, au moment dc l'union dc l’âme ct du Christi, non propter peccatum quod infuit, sed quod corps, le péché originel, mais la purification sc fit infuisset, nisi tpsemet filius eam per fidem pmtr· vasset. Saint Augustin ne dit-il pas, dans un sermon au même instant que la conception séminale : ilia massa carnis, ex qua corpus Virginis fuit for­ sur Madeleine (Ser/n. xax, c. vi. P L. t. xxxvin, matum, simul fuit seminata et mundata. La chair col. 598] que Dieu nous remet par sa grâce deux fut purifiée, non pas sanctifiée : mandata, non dico sortes dc dettes : celle qui est contractée déjà cl celle qui le serait, s’il ne venait pas à notre aide? sancti ficata; la sanctification proprement dite ne Par celle réponse, comme par la distinction entre convient qu'à l’àmc, seule sujet immédiat dc la la sanctification et la purification, la doctrine de grâce ct du péché. L’hypothèse n’enlève pas au Sauveur son privilège personnel, dc sortir pur d une Guillaume de Ware est en progrès sensible sur celle source pure, mundus de munda; celui dc Marie fut dc d'Eadincr, malgré les points d’attache manifestes qui existent entre les deux, particulièrement en cc sortir pure d’une source impure, manda de immundis, tandis que les autres sortent impurs d’une source qui concerne l’objet dc la fête et la pureté de la conception, considérée dés son début. Impure, immundi de immundis. L'Espagne nous fournit, vers la même époque, un Possible, une conception pure fut également con­ venable : Jésus-Christ, la pureté même, a dù vouloir autre champion dc Marie immaculée. Il se rattache sa mère aussi pure que possible, ita mundam sicut aux franciscains comme membre du tiers-ordre; c’est potuit; par conséquent, il a dû vouloir, non pas seu­ le B. Raymond Lull, né dans Tile dc Majorque (f 1315). Il séjourna plusieurs fois ct donna des leçons en lement la purifier, mais bien plutôt la préserver dc toute souillure. Possibilité ct convenance reconnues France, à Paris vers 1287-1289, à Montpellier vers par saint Anselme, De conceptu virginali, c. xiii, xv, 1289-1291, dc nouveau à Paris vers 1298-1299 ct xvm, P. L., t. CX.VHI, col. 4 17 sq., 451. Ces deux pre­ 1309-1311. Sa croyance sc révèle dans plusieurs de miers points acquis, le troisième va dc sol : cc que le scs nombreux écrits. Composé en 1272, le Liber fils de Marie pouvait faire, cc qu’il était convenable principiorum theologice, sc termine ainsi : Complétas dc faire, il l’a fait par piété filiale : Et quod potuit, sunt regula principiorum theologia patrocinio beata Virginis Marite sine labe concept» et gratia sut congruum fuit quod fecerit; et ex hoc sequitur quod ita fecerit, cum filius debeat matrem honorare. Quelques gloriosissimi filii, in quo natura divina et humana autorités sont invoquées à titre confirmatif : Robert mirifice sunt unittr. Beati Raymundi Lulli doctoris illuminati et martyris opera, Mayence, 1721-1742, t. r; Grossetèle, cité dc confiance, Lincolnicnsis, ut dicitur; Alexandre Ncckarn; saint Anselme, in quodam libello p. 60. Parlant, en 1283, de celui qui supposerait une quem condidit de ista materia, c’est-à-dire le Tractatus tache dans la mère dc Dieu. Lull le compare à un insensé de conceptione, qui, par conséquent, lui était attribué qui rêverait d’un soleil ténébreux en lui-même: In qua dès cette époque, ct non pas le De conceptu virginali, qui cogitat maculam, in sole cogitat tenebrarru Blaquemæ comme disent les éditeurs dc Quaracchi, car les deux anachoreta interrogationes ct responsiones CCCLXV, de écrits sont distingués dans la réponse ad 2^ et 3ωι; amico et amato, n. 276, Paris, 1632, p. 159 sq. (Celte Richard de Saint-Victor, in sermone : De conceptione rê|»onsc ne sc lit pas dans la traduction française, beat» Virginis, celui qu’on lui attribue en effet, voir faite sur le texte catalan, par Marius André : L'Ami col. 1028, ct non pas ΓExplicatio in Cant. canl.,c. xxvj, et l'Aimé, Paris, 1921). Sept ans plus tard, traitant suivant la fausse supposition des mêmes éditeurs, dc la bonté ou perfection dc la bienheureuse Vierge, justement relevée par le P. Cavallera, art. Guillaume il écarte d’elle tout mal ct la proclame toute bonne : Nunquam incarnatum aliquod extHit, neque ex ea malum Ware et l'immaculée conception, p. 151; enfin saint Augustin, De natura et gratta, c. xxxvi, n. 42. Après aliquod secutum est, neque potest stqut, adeo bona est quelques considi rations sur nos diverses capacités , et omni bono plena..., quia tota existit bona. Liber de surnaturelles par rapport à la grâce, Guillaume laudibus beatissime virginis Marie : qui ct ars inten­ affirme que, dans sa première sanctification, la tionum appellari potest, c. n, Paris, 1 199, fol. 5 sq. Plus directe et formelle est l’affirmation, formulée mère de Dieu reçut autant dc grâces qu’en peut recevoir une pure créature, stans in proprio subjecto en 1295, en réponse à cette question: Quand NotreDame fut conçue, fut-elle conçue dans le pêché originel? absolute, c’est-à-dire non unie hyposlatlqucmcnt à H divinité. Lc péché ct la vertu s’op]K)scnt, et parce qu'au mo­ Conclusion finale : puisque tout est pur, du côté ment où Notre-Dame fut conçue, la vertu commença de la Vierge, dans son origine, il faut célébrer la fête à s’opposer au péché avec plus dc force qu’auparade la Conception; aussi Anselme dit-il, dans sa lettre vant, Notre-Dame a dù être conçue sans péché, oportet aux évêques d'Angleterre : Non credo esse verum quod Domina nostra concrpta fuerit absque peccato. amatorem beat» Virginis, qui respuit celebrare festum Arbor scienti», I.yon, 1G35, p. 587. Conceptionis. L’Epistola ad episcopos Angliir n’est Le docteur · illuminé » développe sa pensée dans rien nuire chose, que le Sermo ac conceptione bcatir un écrit composé à Paris en 1298 : Disputatio Eremtl» 1063 IΜ M AC U L É E C O N C E1» TI O N 1064 et Raymundt super aliquibus dubiis quaslionibus lullistc y défend de son mieux l’authenticité dc l’écrit, mais les arguments qu'il apporte n’ont rien dc décisif Sententiarum Magistri Petri Lombardi, q. xcvr : ct ne résolvent pas suffisamment toutes les difficultés; Utrum beata Virgo contraxerit peccatum originale. Opera, t. iv, p. 83. Pour que le Fils de Dieu pût rece­ aussi le récent éditeur de la version catalane déclarevoir de Marie sa chair humaine, il fallait que la bien­ t-il l'authenticité Improbable dans VAdvertenda ou heureuse Vierge fût convenablement préparée, c’est- remarque préliminaire ct dans ses notes courantes, â-dire exempte de toute corruption ct dc tout péché, p. 35, 59, etc.. Jugement qui sera confirme par ce soit actuel, soit originel, scilicet quod non esset cor­ que nous dirons plus tard dc cet écrit rupta. nec in aliquo peccato sive actuali sive originali, Guillaume de Ware ct Raymond Lull furent des car Dieu et le péché ne peuvent sc rencontrer dans précurseurs de Duns Scot, en ce sens large qu’ils le même sujet. Il fallait aussi que, dans ccttc œuvre enseignèrent ct écrivirent avant lui. Furent-ils de l’incarnation du Verbe, tout fût en harmonie, aussi scs précurseurs dans un sens strict, en vertu le principe, le milieu et la fin. 11 fallait qu’entre la d’une influence exercée sur le docteur subtil conception dc la mere ct celle du fils il y eût corres­ dans la doctrine dc l’immaculée conception? l.a pondance : ut sua conceptio ct conceptio sui filii invicem chose ne parait pas douteuse en ce qui concerne relative sibi correspondercnt. Il fallait que Marie, pré­ Guillaume dc Ware, puisque, suivant la tradition mices dc la nouvelle création, ne fût pas inférieure franciscaine, il fut le matt re de Scot. En va-t-il de au premier homme ct ά la première femme créés même pour Lull? Dom Salvador Bové l’affirme dans dans l’état d’innocence. Quelle conclusion Raymond la préface citée cl, parlant d’une façon plus générale, Lull prétendait-il établir ainsi? Que la bienheureuse il y décerne au « docteur archangélique > le titre non Vierge n’a pas contracté le péché originel, ct même moins glorieux dc < docteur de l’immaculée concep­ qu’elle fut sanctifiée en sa conception première ou tion, > en l'appuyant sur ccs diverses raisons : le chamelle : ergo concluditur, quod beata Virgo non B. Raymond Lull est le premier docteur scolas­ contraxerit originale peccatum, imo fuerit sanctificata tique, le premier commentateur des Sentences, qui scisso semine, de quo fuit, a suis parentibus. La chair ait enseigné l’immaculée conception dc Marie au qu'elle reçut dc scs parents ne fut pas une chair dc premier instant dc son existence; il a défendu ce péché : Semen, de quo fuit beata Virgo, non assumpsit privilège dans un sens moins restreint que Duns Scot; peccatum a suis parentibus. il l’a enseigné publiquement à l'université dc Paris Mais le genre humain tout entier n’a-t-il pas été avant le docteur subtil; les arguments apportés corrompu par le péché originel, ct, par conséquent, depuis lors en faveur du glorieux privilège semblent la bienheureuse Vierge issue dc celle masse corrom­ tous, à commencer par ceux de Scot, tirés des œuvres pue et non renouvelée encore n'a-t-cllc pas dû con­ du docteur archangélique. Lc jugement ù porter sur tracter elle-même le péché originel? Réponse : le Fils ccs assertions peu communes est en grande partie dc Dieu, ayant en vue la nouvelle création avant dépendant dc l’exposé qui sera fait plus loin dc la qu’elle ne fût réalisée, a pu en préparer la matière doctrine de Scot sur la conception dc la mère dc Dieu. dés le moment où Marie fut conçue par ses parents : Contentons-nous ici dc ccttc remarque : comme docteur concluditur quod Filius J)ei potuerit prieparure materiam scolastique enseignant formellement le privilège recreationis in principio conceptionis, quod beata Virgo marial ct l'affirmant dans un commentaire sur les habuit a suis parentibus. Mais comment resterait-11 Sentences, Guillaume de Ware a incontestablement vrai que le genre humain tout entier ait absolument la priorité sur Raymond Lull, ct, dans la mesure besoin d’etre renouvelé, puisque, dans l'hypothèse, où le docteur subtil a subi l’influence du milieu ct Notre-Dame échapperait à cc besoin? Réponse : dc scs devanciers, c'cst d’abord du côté d’Oxford < D’après certains le Saint-Esprit sanctifia Marie ct dc scs propres maîtres qu’il faut chercher. ct la purifia du péché originel dans le sein dc sa mère; 1° La fêle de la Conception au XIII* siècle. Pendant de même, il a pu sanctifier ct purifier du péché originel les vives discussions que la pieuse croyance provo­ la matière dont 1h bienheureuse Vierge fut conçue, quait, que devenait la fête ? Elle continuait ù gagner car sa puissance n’était pas moindre alors. » Ainsi du terrain; elle finit même par apparaître ou réappa­ ni le besoin ni le fait d’une action réparatrice ne raître dans des endroits où la croyance restait discutée. sont niés, mais Lull anticipe pour la mère de Dieu D’où la nécessité de distinguer, maintenant comme l’action réparatrice, en la faisant porter sur la parcelle auparavant, entre le culte ou la dévotion ct son objet. de chair communiquée par les parente dans l'acte 1. Diffusion de la fêle. — A en croire les adversaires, générateur. Par là, son explication rentre dans l’un fort peu nombreux auraient été ceux qui, dans la ou l’autre des systèmes dc purification ou dc préser­ seconde moitié du xm· siècle, célébraient la conception vation préventive que nous avons rencontrés dans dc la mère dc Dieu. Dans un ouvrage*qu’il composa les apologistes du xn· siècle. en Italie, avant son élévation au siège épiscopal de A ces écrits dc Raymond Lull beaucoup ajoutent Mende (1286), Guillaume Durand emploie le terme un traité spécialement consacré à la défense du glorieux modeste dc quelques-uns : Quidam etiam faciunt quin­ privilège, sous tonne dc dialogue entre trois inter­ tum festum, scilicet de Conceptione bcatie Marine. Ratio­ locuteurs, un jacobin, un canoniste et un séculier : nale divinorum officiorum, I. VII, c. vn. Saint Bona­ De conceptu intemerata: Virginis Maria ab omni labe venture use du même langage : sunt tamen aliqui originali immuni, Sé\ille, 1491; Valence, 1518, etc.; qui ex speciali devotione celebrant conceptionem beat/e trad, en catalan par Alonso dc Cepeda,Bruxelles, 1664. Virginis. In IV Sent., L III, dist. Ill, part. I, a. 1, Pierre dc Alva l’a Inséré dans ses Monumenta antiqua q. i, ad i.c docteur angélique parle aussi dc la seraphtea pro immaculata conceptione 1 irginis Maria·, tolérance dc l’Égllsc romaine ù l’égard des quelques Louvain, 1665, sous ce titre : Raymundt Cintillis, Églises où la coutume existe dc célébrer ccttc fête: alias Lullii, Liber de conceptu virginali, in quo ipsam Tolerat consuetudinem aliquarum ecclesiarum illud Dei matrem purissiman sine aliqua originalis peccati festum celebrantium. Sum. theol., 111% q. xxvn, a. 2, labe esse conceptam rationibus necessariis patet. Le ad 3um; Cf. In IV Sent.,}. Ill, dist. Ill, q. i, sol. 1\ texte latin et la version catalane ont été réédités Ailleurs, il met d’un côté la plupart des Eglises avec A Barcelone, le premier en 1901, par J. Avinyô, l’autre celle dc Rome, ecclesia romana et plurimæ alite, de en 1906, par le P. Rupert Maria de Manresa, capucin. l’autre quelques-unes seulement, aliqutc. Quodl., La réédition du texte latin est enrichie d'une longue VI, n. 7. Ccttc statistique n'a dc valeur que dans un préface par le chanoine Salvador Bové. Cet éminent sens relatif : au moment où Guillaume Durand, 1065 IMMACULÉE CONCEPTION saint Bonaventure ct saint Thomas écrivirent, plus nombreuses étaient les Eglises où la fête dc la Con­ ception n'existait pas encore; mais les autres étaient déjà nombreuses, absolument parlant, ct le nombre s'accrut notablement pendant le laps dc temps qui s'écoula depuis la mort de ces docteurs jusqu'à la fin du siècle. En Angleterre, le culte s'était maintenu dans les mo­ nastères où il s'élall implanté. L’Intérêt qu'on portait à la fête est révélé par cc que raconte Mathieu Paris, Historia major, Londres, 1610, p. 351 sq., dc l’empressement avec lequel les moines dc SaintAlban profitèrent d'une visite qui leur fut faite, en 1228, par un archevêque dc la Grande-Arménie, pour savoir si, dans ce pays, on célébrait la conception dc la bienheureuse Vierge Marie. Détail plus Impor­ tant, l’introduction officielle dc la fête dans les dio­ cèses d'Angleterre commence ù ccttc époque, dans la seconde moitié du xm· siècle. Elle est déjà mention­ née dans le concile d'Oxford dc 1222, can. 8, mais seulement comme fête dc dévotion : prater festum Conceptionis, cujus celebrationi non imponitur neces­ sitas. Mansi, Concil., t. xxn, col. 1153; F. E. Warren, Manuscript Irish Missal Corpus Christi College Oxford, Londres, 1897, Introd., p. 47. En revanche, le concile d'Exeter dc 1287 range la · Conception de la bien­ heureuse Marie > parmi les fêtes à observer, can. 23. Mansi, t. xxiv, cot En France, le progrès est attesté d'abord par les monuments liturgiques, imprimés· ou Inédits. Des hymnes sur la conception dc la bienheureuse Vierge Marie, datant dc ccttc époque, apparaissent dans les Analecta hymnica dc G. Breves : t. xi, p. 33, brév. dc Saint-Pierre de la Couture, au Mans; t. b, p. 519 sq., trois hymnes par Jean dc Garlande; docteur dc Paris (f après 1252); t. uv, p. 278, tropairc parisien ou rémois. D’une plus grande portée, par leur nature même, sont deux documents publiés par le chanoine U. Chevalier : Ordinaire ct Coutumier de Γ Église cathédrale dc Bayeux (xm· siècle, Paris, 1902, p. 191, 295, 391, 407; Sacramenta ire cl mar­ tyrologe de Γabbaye dc Saint-Remy. Martyrologe, calendrier, ordinaire ct prosaires de la métropole de Heims, (vm*-xm· siècles), Paris, 1900, p. xxi, 90, 162,227,250,253, 391. Beaucoup plus riche est l’apport fourni par les Inédits : calendriers liturgiques, missels, bréviaires, psautiers, antlphonalrcs, lectlonnaircs, etc. En gé­ néral. Ils sc présentent dans les mêmes condi­ tions que ceux du siècle précédent, coL 1033, mais avec celle différence notable que les manuscrits du xm· contenant la fête dc la Conception sont sen­ siblement plus nombreux que les autres, environ 25 contre 8 d’après l’enquête faite par le P. Noyon, col. 1033. La plupart viennent dc diocèses normands; tels, une douzaine conservés à la bibliothèque de Rouen. H. Omont, Catalogue général des mss. des bibliothèques publiques de France. Départements, t. î, Rouen, n. 192, 205, 207, 245, 276, 277, 291, 299, 305, 391 ; cf. Vacandard. Les origines de la fête de ta Con­ ception dans le diocèse dr Rouen, p. 168 sq. ; Les origines de la fêle et du dogme de Γ immaculée conception, p. 28. Quelques unités s’ajoutent, appartenant à d'autres villes: Bayeux, brév.; Évreux, psautier; Conches, deux bréviaires; Alençon, office célébré à l’abbaye de la Trappe, sans compter d'autres pièces où des Indices du culte apparaissent, par exemple, dans le cartulalre ms. de l'abbaye de Longues, au diocèse de Bayeux. un legs fait en 1208, hoc in dic Conceptionis beate Marie. Les diverses bibliothèques dc Paris possèdent une dizaine dc manuscrits, quelques-uns dc provenance déterminée· Bibliothèque nationale: ms. lot. 776, lec­ tion. de Saint-Victor; SH, missel parisien, P///; missel 1066 parisien; JMJ et 15C63, bréviaires parisiens. Biblk thèque de ΓArsenal : ms. lat. 275, brév. delà collégiale du Saint-Sépulcre de Caen; 282t psautier lyonnais. Clermont-Ferrand conserve un bréviaire de la fin du xm*. Un autre est signalé, au diocèse dc Dax, comme provenant du prieuré dc Salnt-Caprals de Pontoux, qui appartenait à l'abbaye bénédictine dc Saint-Pierre dc la Réole. A. Degert, art. cité, p. 536. Voir encore, pour les diocèses de Vienne et de Grenoble, la revue Notre-Dame, V· année, Paris, 1911, p. 80-82. Aux documents liturgiques d’autres s'ajoutent : statuts d’un synode dc Coutances, tenu vers 1215, où la fête de la Concqilion est prescrite, can. 58, Marténe, Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. iv, col. 820; faits dc diverses sortes, rappelés par Mgr Malou, op. cit., t. i, p. 120 sq., qui prouvent l’institution dc la fête ou son existence dans les en­ droits suivants : Lc Mans, 1247; Évreux, 1264; Blois, 1272; Saintes, 1287; Rodez, 1289. A la même époque, elle était établie ou réintroduite à Notre-Dame de Paris en conséquence d’un legs fait à ccttc Intention par l'évêque Renaud d’Homblonière (f nov. 1288). Lesètre, op. cil., p. 38. Cc prélat était originaire dc Normandie; son geste testamentaire montre qu'il partageait le sentiment dc spéciale dévotion dont scs compatriotes étalent animés envers b conception dc la mère dc Dieu, tout particulièrement à l’époque où 11 vivait, comme on le voit par le Registre des visites pastorales d'Eudes Rigaud, archevêque dc Rouen dc 1248 à 1275; la fête y est mentionnée à six reprises différentes, notamment en 1266, où l’archevêque dit avoir célébré la messe dans l'église Saint-Sé vérin dc Paris in conceptione beatæ Marite... in festo nationis normanniar. Regestrum visitationum archiepiscopl Rothomagensis, édit. Bonnin, Rouen. 1852, p. 562; cf. 380, 449, 503, 591, 615. Si l’appellation de nation normande ne désigne ici directement qu’un groupe des étudiants dc l’université, la dévotion spéciale des membres dc cc groupe n’en atteste pas moins indi­ rectement celle dc leur pays d'origine. Aussi, vers la même époque, Henri de Gand remarquait-il qu’entre les autres peuples, les Normands sc distinguaient par leur zèle à fêter la conception de la mère de Dieu: zèle qu’il explique par cette circonstance que la révélation relative à b fêle aurait eu lieu dans leur territoire : quod propterca normanni, in quorum territorio dicitur huius modi revelationem fac­ tam fuisse, prx celeris populis illam conceptionem pracipuc celebrant. Quodl., XV, q. xm, § Quxsho ista. Les renseignements sont beaucoup moins riches pour les autres régions dc l’Europe que pour l’Angle­ terre et b France. La fête apparaît en Hollande, peu après l’année 1280, au doyenné de Fanisum, province dc Groningue. Van Noorl. Tractatus de Dco redemptore, 2· édit., Amsterdam, 1910, p. 179. En Alle­ magne, un legs ad festum Conceptionis beate Virginis peragendum est reçu, en 1285, par Icchapllrc dc Mindem Der Katholik, Mayence, 1905, 1.1, p. 399. Deux autres documents, datant dc 1289 et dc 1291, attestent l'existence dc la fête à Halberstadt, en Saxe. Lc premier est particulièrement Intéressant· car il con­ tient une concession d'indulgences pour le jour de la conception, obtenue en faveur du couvent des domi­ nicains dc celte ville par trois archevêques ct neuf évêques sc trouvant à Rome. G. Schmidt, Crkundenbuch der Stadt Halberstadt, part. I. p. 174, 198, dans Geschichtquclten der Prooinz Sachsen, I falle, 1878,t. vu, La fête est encore signalée, en 1297, dans un monas­ tère de Paderborn, en West phalle. West/aliches Urkundenbuch, t. iv, p. 1108. En Sulslc, un ma­ nuscrit d’Engelbcrt, au canton d’Unlcrwalden, 10G7 IMMACULÉE CONCEPTION attribué au xm* siècle par J. Morel, contient une hymne sur la conception. G. Drêves, Analecta hymn ica, : ir, p. 2osaicnt dc sauve­ garder l’ûmc dc Marie contre toute souillure au mo­ ment dc son union avec le corps. Tel, en particulier, Guillaume de Ware concluant qu’il faut célébrer la conception, parce que tout y est pur du côté dc Marie. Ceux-lÀ marchaient dans la voie tracée par Eadmer, le pseudo-Anselmc ct les apologistes du même temps. Dans les livres liturgiques du xm· siècle, comme dans ceux du xn·, renvoi est fait souvent, pour l’office de la Conception, à celui de la Nativité; si donc,dans ces endroits-là, on vénérait la bienheureuse Vierge comme sainte dans sa naissance, il semble qu’on la véné­ rait aussi comme sainte dans sa conception. Plusieurs des bréviaires, par exemple, Rouen, n. 192, ct Paris, Biblloth. nat., n. 15181,contiennent cet invitatoircqui suggère la même conclusion : Venerantes sacram beate Marie virginis conceptionem alernuni adoremus Domi­ num. Des expressions caractéristiques s’ajoutent parfois, comme celles-ci, dans les leçons m ct vn du même bréviaire dc Rouen : liée est lux primo tem­ pore quidem orta, srd occasus nescia... Hee sola ima­ ginem celestis artificis illasam custodiens; ou, dans un bréviaire bayeusain, l’antienne Tota pulchra es, arnica mea, etc. Si le manuscrit d’Engelbert, cité col. 1066. a été bien daté par Morel, il fournit un témoignage 1068 d'une netteté parfaite dans les 3*, 4· ct 5· strophes: Sicut ortum ordinavit, Sic conceptum pnepurnvlt. Creans Dei potentia Mariam plenam gratia Si fuerunt genitores In conceptu peccatores, Qui fœtantur patre primo Dc corruptionis limo, Ideo Dei gratia Non gravatur, nec Maria Nam ubi Dei gratia, Non est culpie miseria. G. Morel, Laleinische Hymnen des Mittelaltcrs, Ein‘ K-dcln, 1868, p. 76· Les monuments liturgiques du xm· siècle sont loin d'avoir tous cette précision ; beaucoup sc pré­ sentent dans les mêmes conditions que ceux du xn·; ils peuvent s'appliquer â une fête comprise d’une façon plus large, que d’aulres documents nous font con­ naître. Dans le passage cité,col. 10G4.de son Rationale divinorum officiorum, Guillaume Durand, fermement attaché à la position radicale de Jean Bclcth ct autres liturglstes ou canonistes du siècle précédent, désap­ prouve ceux qui, dc son temps, considéraient Marie comme conçue dans le péché ct qui, néanmoins, fê­ taient sa conception, en l'envisageant comme con­ ception de la mère de Dieu ; ainsi, disaient-ils, fèle-t-on la mort des saints, non pour elle-même, mais parce qu’alors les saints sont admis aux noces éternelles. Cette interprétation avait été proposée en termes formels par Guillaume d'Auxerre (f 1230), Summa de officiis ecclesiasticis, c. de Navitate Virginis; après avoir remarqué que beaucoup d’églises nc célébraient pas la conception dc li bienheureuse Vierge, parce qu'on la supposait jointe au péché, il avait ajouté : Sed nobis videtur quod, sicut celebratur de morte sane lorum, non propter mortem, sed quia recepti sunt in nuptiis alernis, similiter potest celebrari festum de Con­ ceptione, non quia sit conceptif. in peccato, sed quia concepta est mater Domini. Texte d'après Pierre de Alva, Sol veritatis, col. 736. Telle est aussi l’explication donnée, à titre subsidiaire, par Guillaume de Ware, Quastio, n. 6 : < Supposé que la Vierge eût contracté le péché originel, on pourrait encore célébrer sa con­ ception, en considérant cette parcelle dc chair, non comme matière viciée, mais comme point de départ du futur corps dc Jésus-Christ. Ainsi fête-t-on la naissance des princes; ainsi fête-t-on la chaire de saint Pierre, en y voyant dans son germe la future dignité de l’Église. 11 n'est pas absolument nécessaire que la sainteté convienne formellement à l’objet vénéré, comme le prouvent la fête de la dédicace des églises ou celle de la sainte croix; il suffit que l’objet jouisse d'une sainteté relative, in relatione ad aliud, · Ainsi comprise, la fêle de la Conception n'enlrainait pas la croyance ù l’exemption du péché originel. Les deux Interprétations précédentes avaient un point commun : elles affirmaient ct maintenaient une fête de la Conception proprement dite. Dnns la seconde moitié du xm· siècle, une troisième Interpré­ tation, celle qu'AIcxnndre Ncckam avait mise en avant, col. 1039,commone à faire des progrès notables: l'idée de conception spirituelle, ct par conséquent métaphorique, est substituée à celle dc conception proprement dite; cc qui mène à une fêle dc la sancti­ fication de Marie dans le sein dc sa mère. Cette Inter­ prétation apparaît d'abord, moins sous forme d’affir­ mation que sous forme dc défense ou d'objection; Λ l’argument que les défenseurs du privilège marial prétendaient t irer dc l’existence dc la fêle, les adver­ saires répondaient que, pour être tolérable, le culte devait aller non à la conception, mais à ia sancti- 1069 IMMACULÉE CONCEPT ION 1070 la grâce sanctifiante, ct nc précise rien de l'époque oû flcation· Ainsi procède Hugues dc Saint-Cher, créé cardinal en 1211; après avoir dit que la bienheureuse l'union se produit. Aussi n'y a-t-il pas d’opposition Vierge contracta le péché originel et que, par consé­ entre les termes dc conception et dc sanctification, quent, on ne doit pas fêter sa conception; «Ceux pris absolument; l'opposition intervient quand on qui la célèbrent, conclut-il, doivent avoir en vue la suppose entre les deux un rapport d’antériorité ct dc sanctification dont elle fut gratifiée dnns le sein dc sa |X)Stériorité stricte, clironologlquc, ou quand on mère : qui cctrbrant, drbent habere respectum ad sancti· transforme l'idée dc simple sanctification en celle dc fleationem cius, qua sancti ficata est in utero matris sua. » sanctification purificatrice, sous-entendant par le fait Postilla super Eccl., F//, d’après Pierre dc Alva, Padit même un sujet déjà existant qui, n'étant pas pur ct saint, a besoin dc le devenir. Des lors, il pourra sc solis, col. 1126. Un autre dominicain, Étienne dc Jkmrbon, voir col. 1031, développe cette idée. z\ faire qu’il y ait fête dc la sanctification de la mère dc la conception charnelle do la Vierge, qui s’est faite Dieu dans des sens divers : dans le sens immaculistc, dans le péché, il oppose « sa conception spirituelle, pour ceux qui considéreraient la conception ct la celle qui eut Heu au sein maternel quand, quarante sanctification comme simultanées; dans un sens jours environ après la première, son âme préalable­ opposé, pour ceux qui considéreraient la conception ment unie au corps organisé fut sanctifiée. » Puis, comme soumise à la loi du péché originel ct la sancti­ fication comme purifiant du même péché; dans un à l’adresse dc ceux qui célébraient la conception : • C’est, ajoute-t-il, & celte conception secrète qu'ils I sens moyen, abstraction faite du moment précis oû doivent ramener leur fêle, ad illum secretam concep­ la sanctification eut lieu, pour ceux qui trouveraient un motif suffisant dc culte spécial dans la sanctifica­ tionem debent festum suum retorquere, c'est-à-dire au moment où, par l’infusion dc la grâce dans l’âme dc tion considérée comme antérieure À la naissance, Marie vivant au sein dc sa mère, le Très-Haut sanc­ mais sans se prononcer absolument ni pour ni contre tifia sa demeure, la consacra comme temple du Saint- l’immaculée conception. Pour ceux qui tiendront Esprit ct la purifia du péché originel. > Le docteur résolument le second sens, comme la plupart des angélique n'interprète pas autrement la fête célébrée théologiens dominicains aux siècles suivants, l'adop­ de son temps. Quodl., VI, a. 7. Quand il déclare ailleurs tion d’une fête dc la sanctification de Marie sera qu’il n’y a pas lieu dc réprouver totalement cette plutôt un obstacle à la reconnaissance du privilège, coutume, il revient à la même déclaration : il faut parce qu'elle en contiendra implicitement la négaqu'en célébrant la fête, on ait en vue, non pas la con­ I tion. Pour d’autres, au contraire, l’acceptation de ception elle-même, mais la sanctification dc la Vierge, cette fête nc sera qu’un acheminement prochain vers vénérée au jour de sa conception dans l’ignorance le terme. Cc dernier cas a eu son application dans l’ordre des où nous sommes du moment précis où la sanctification s’est opérée : non (amen per hoc quod festum concep­ frères mineurs. Dc cc point de vue, l’attitude de saint tionis celebratur, datur intelligi quod in sua conceptione Bonaventure à l’égard dc la fête dc la Conception, In. IV Seni.,\. Ill, dist. 1 II, part. I, n. 1, q. i, ad4«®, fuerit sancta; sed quia quo tempore sancti ficata fuerit ignoratur, celebratur festum sanctificationis ejus potius mérite d’être remarquée; c’est celle d’un homme qui hésite entre deux partis. 11 n’ose pas approuver quam conceptionis, in die conceptionis ipsius. Sum. complètement : la fête n'a pas l’appui des Pères, theol., IIP, q. xxvn, a. 2, ad Si les trois théologiens dominicains s’accordaient saint Bernard l’a même désapprouvée; elle n’cst pas à considérer comme tolérable une fête dc la sanctifi­ pleinement conforme aux principes qui régissent cation de Marie, ils n’allaient pas jusqu'à l’admettre l’Église universelle dans le culte rendu aux saints, car toutes les fêtes qui les concernent supposent la eux-mêmes. D’autres trouvèrent qu’il y avait là un motif suffisant pour établir une solennité distincte sainteté en celui qu’on vénère, sainteté qui ne peut se trouver dans la Vierge avant l’infusion de l’âme. dc celle de la Nativité ct ils l’admirent. Dans plusieurs documents liturgiques dc l’époque on rencontre D’un autre côté, le saint docteur n’ose pas désap­ des expressions qui ont ccttc signification cl qui nc prouver purement ct simplement. La révélation la dépassent pas. Exemple, dans une hymne panor- céleste dont les partisans de la fête sc réclament, nc fait pas loi, il est vrai; mais comme elle n’énonce rien mllainc sur la bienheureuse Vierge, cette 5* strophe : de contraire à l'orthodoxie, on n’cst pas forcé dc la Qu» est Ishi In obscuris noctis nier. 11 peut sc faire aussi que la solennité se rap­ Quæ sic progreditur? concipitur; porte moins au jour dc la conception qu’à celui de la Mira surgit. Sanctitati» sanctification, ct comme cc dernier est incertain, Mire conficitur, »«1 die tergi tur Ut aurora? sine mora? il n'est pas déraisonnable de fêter la sanctification nu jour dc la conception. « Quoi qu'il en soit, les F. Dreves, Analecta hymnica, t. L, p. 117. Prosa­ âmes pieuses peuvent sc réjouir de cc qui a été com­ rium ms. Panormitanum sire. JT///.·. Sequentia de alors. Qui pourrait apprendre que celle dont li.V.Ai. quad (?) fecit fr. Eon. Johannes de MUsina mencé le salut du monde est sorti, la bienheureuse Vierge, ordinis prædicatorum. a été conçue, sans en rendre à Dieu de solennelles De même, dans une poésie De deliciis Virginis actions de grâces ct sans se réjouir dans le Sauveur? » gloriosiv, par Jean Peck am, primat dc Cantorbéry Si un fils de roi naissait avec une infirmité dont il (f 1292), cette 2e strophe : devrait être délivré plus tard, si, par exemple, il Salve Doo consccratn. naissait boiteux, nc faudrait-il pas plutôt se réjouir Priusquam huic mundo nata, dc sa naissance que de gémir sur son mal? · Dc meme, Intra matri» uterum··· si quelqu'un fête Marie au jour de sa conception, ayant plutôt en \uc sa future sanctification que sa Ibid., t. t, p. 598. L'introduction d’une fête dc la sanctification dc conception présente, il nc semble pas répréhensible. > Marie, par opposition à la fête dc In conception pro­ Et le docteur séraphique s’en tient là, sans vouloir prement dite, aura pour conséquence d'introduire I ni approuver ni désapprouver positivement; il ajoute dans la terminologie une nouvelle équivoque. En pourtant : · Si quelqu’un célèbre cette solennité, non style théologique, le mot de sanctification s'applique par amour de la nouveauté, mais par un réel senti­ proprement à l’âme, bien qu’il puisse aussi convenir ment de dévotion envers la Vierge, persuadé qu'il nc au corps par extension ct nnnlogic. Appliqué à l’ûmc, fait rien de contraire â ce qui peut sc tirer dc la il exprime, dc sol, un simple fait : l'union à Dieu par i sainte Ecriture par voie de conséquence, j'estime ct 1071 IMMACl LEE CONCEPTION j*al confiance que la bienheureuse Vierge acceptera son hommage cl» â supposer qu’il s’y trouvât quelque chose de répréhensible, j’espère qu’elle daignera l’ex­ cuser auprès du juste juge. » Après cela, quelle diffi­ culté pourrait-il y avoir â cc que, devenu général de son ordre cl voyant un puissant mouvement de dévo­ tion se manifester au chapitre de Pisc en faveur de la fête, le saint l’ait accueilli volontiers ct favorisé? Mais il ne semble pas qu'il faille donner à cet acte un autre sens que celui dont Bichnrd de Middletown sc fait l'interprète. « La fête, dit-il, sc rapporte non à la seule conception chamelle, mais ù la conception con­ sommée, ct cc qu’on a en vue, ce n'est pas l’instant où l’âme de la bienheureuse Vierge fut soumise au péché originel, c’est la sanctification qui l’en purifia ct qui, suivant une pieuse croyance, eut lieu le même jour, aussitôt après la constitution de son être*. InJV Sent., 1. Ill, dist. III, q. i, ad 3^d. D'autres francis­ cains, ceux qui adhéraient positivement au glorieux privilège, allaient naturellement plus loin. Voir E. Doncoeur, art. cité, p. 278 sq. La distinction courante entre la conception ct la sanctification devait amener une autre question, posée en propres tenues par Henri de Gnnd dans la dispute citée, col. 1054: Utrum conceptio gloriosæ vir­ ginis Mariæ sit celebranda ratione conceptionis? L’énoncé complet serait : faut-il célébrer la concep­ tion de Marie en raison de ta conception elle-même ou à quelque autre titre, ratione alienjus alterius? Cct autre litre ne pourrait être, évidemment, que la sanctification, suppposéc chronologiquement dis­ tincte de la conception. Arrêtons-nous aux grandes lignes d’un développement où les hypo thèses, les distinctions ct les subtilités sc multiplient ά plaisir. Célébrer la fête en raison de la conception peut s’en­ tendre en deux sens fort différents. D’abord, en raison de l'acte même de Ja conception ; ce qui revient à deman­ der si l’on peut trouver dans cct -acte le fondement ou le titre du culte rendu à la bienheureuse Vierge. Non, répond le docteur solennel, tant qu’il s'agit de l’acte de la conception humaine ou naturelle, même con­ sommée, car cct acte ne fut pas saint, quia actus ille conceptionis sanctus non fuit; le titre du culte ne peut être que la sanctification ou conception spirituelle de Marie, qua nata est Deo. Mais l'expression : célébrer la fête en raison de la conception, peut s'entendre aussi d'une façon plus large, du temps où le fondement du culte commence à exister, en d’autres tenues, du temps où se fait la conception, considérée passive­ ment ct telle qu'elle est en réalité, d’où que vienne le fondement ou titre du culte. De là cette seconde question : < la fête de la Conception, que les Normands célèbrent le 8 décembre, doit-elle se célébrer pour le temps, l'heure, l’instant où la conception s'est faite, ou bien pour un autre temps, une autre heure, un autre instant? » Dans l'hypothèse, soutenue par Henri de Gand, que le titre du culte est la sanctification proprement dite de la mère de Dieu, la question revient finalement à cette autre: la conception ct la sanctification se firent-elles dans un seul et même Instant réel? Admettant le contraire, cc théologien devait répondre : La fête de la Conception ne peut se célébrer, ni pour le 8 décembre, puisque cc jour fut celui de la conception charnelle où le sujet propre de b sanctification n'existait pas encore, ni pour l’ins­ tant même où b conception se consomma, puisqu'en cet instant-lâ Marie ne fut ni sainte ni sanctifiée. Bestc qu'au 8 décembre la fête sc célèbre, par anticipation, pour l’instant où l'âme de la bienheureuse Vierge fut purifiée.et sanctifiée, instant postérieur à celui de b conception consommée, quel que soit d'ailleurs l'intervalle qu'on mettra entre les deux choses. 1072 Cc sont là des conclusions systématiques; elles ne valent pas dans les hypothèses contraires, d’une conception passive et d'une sanctification faites dans un seul cl meme instant, ou d'un culte fondé sur une sainteté, non absolue, mais relative. Un théologien du xm· siècle, partisan du glorieux privilège, mois admettant la théorie, alors commune, d'une concep­ tion charnelle sans infusion simultanée de l’âme, se trouvait en face d’une double alternative. Il pouvait, comme Guillaume de Ware, nier que l’unique fonde­ ment du culte fût la sainteté intérieure ct parfaite; dans ce cas-là, rien ne l'empêchait de rapporter la fête au 8 décembre. Mais s’il admettait, avec saint Bernard ct le grand nombre des théologiens d'alors,la nécessité d’une sainteté intérieure et parfaite, il devait dire, avec Henri de Gand, que le 8 décembre, on fêlait par anticipation la conception spirituelle ou sancti­ fication de la mère de Dieu. Dans cette hypothèse, la question de l’immaculée conception ne sc posait qu’à l'instant même de la conception consommée, alors que l’âme de Marie était unie au coq>s suffisamment développé. Une autre hypothèse était possible : celle d'une création ct d’une infusion de l’âme dès le début de la conception. Henri de Gand b connais­ sait, ct il l’admettait pour Noire-Seigneur, mais pour lui seulement, comme les théologiens de son temps, entre autres saint Thomas,Sum. theol., 1 IB, q. xxxm» a. 2. Plus tard, quelques-uns étendront le privilège à Notre-Dame, comme il a été dit; mais des siècles sc passeront avant qu'on songe à dire la même chose de tout embryon humain. 11 faudra plus de temps encore pour que, dans celle question de l'objet du culte, l’Église dégage enfin un sens dogmatique, en dehors de ces théories physiologico-philosophiques qui ont non seulement compliqué, mais embrouillé le pro­ blème de l’immaculée conception. Sur les docteurs franciscains du xm· siècle : S. Bonaventunr Opera omnia, Quaracchi, 1882 sq., t. m, p. 69» Scholion; Fr. Guliclmi Guarrœ... Qmestiones disputai* de immaculata conceptione beatas Marias Virginis, Quaracchi, 1901, pr.i f.,c. i; Prosper de Martlgné, La scolastique cl 1rs traditions franciscaines, Paris, 1888, c. v, p. 362-387; P. Pauwells, O. F. M., Les franciscains et Γ immaculée conception. Malines, 1901, c. n; F. Cavallern, L* immaculée conception (Positions franciscaines ct dominicaines avant Duns Scot), dans hi hevue Duns Scot, Paris, Le Havre, 19Π, p. 101; Guillaume Ware ct Γ immaculée conception, Ibid., p. 133, 151 ; Marius André, Le bienheureux Paymond Lutte, 3· édit., Paris, 1900, c. xm ; S. Bové, préface du Liber de immaculata beatissimas Virginis conceptione, attri­ bué à Haymond Lull ct réimprimé dans Dibliotcca de la Pcvlsta Lulliana, Barcelone, 1901 sq.; Buperto M. do Manrcsa, capucin. Libro dr la Concrpciôn virginal atributdo ni Dcato Paimundo Lull, versién castellana, Barcelone, 1006; .L Horrâs, Marla S. u rl P. Pontifice en las Obras del Blo Pamôn Lull, Séilvr, 1908; A. B. Pasqual, V indicito Luiliantv, Avignon. 177S, t. î, p, -133. Sur la doctrine de saint Thomas d’Aquin relativement à la sanctification de Marie : Aug. do Boskovâny, Beata Virgo Maria in suo conceptu immaculata, t. îx, p. 713 ; Litteratura celebrior (jusqu’en 1880); F. Morgolt, Die Mariologic des hl. Thomas von Aquin, Fribourg-en-Brisgau, 1878, c. iv; trad, frnnç. par Mgr Bourqunrd, La doctrine sur la Vierge Marie ou Marialogir de taint Thomas d9Aquin, Paris, 1881, p. 125 sq. — Études postérieures : W. Tôbbc, Die Slcllung des hl. Thomas von Aquin zu der unbcfleckten Empfangnis der Gottesmutter, Munster, 1892; Ch. Pose h, De Deo creante et elevante, n 323-315; dom Laurent Janssens, Tractatus de Dro homine, part TI, p. 130-151; M. Alujns Bros, Santo Tomà de Aqulno g la Inmacnlada Concrpciôn de la Virgen Marta Mur cctonr, 1900; Le Hachclct, Saint Thomas d'Aquin, Duns Scot cf i'iminatuh'e conception, dans les Pecherches de science religieuse. Piu 1910, p. 592-009. — Dans un sens npolo/· tique T Curchi, De rnmtc S. Thomos circa immaculalam con. tdioncm dissertatio, dans Divus Thomas, Pi «-nz... 18S2, t hî, p. 500. 587, G1 t; Fr. Tomàs Hodriguvi, Sanio 'J or i de Aqulno g la mmaculada concrpciôn^ 1073 IMMACULÉE dans Kcuhta aguitinlana, Valladolid, 1885, t. IX, p. 221. 313, 521; C. M. Schneider, Die. unbtfledde Emp/angnlss und die Erbmnde, |lnllsbonn<·. 1892; S. Brlccho, Im doc­ trina drl angelico doctor sobre la Inmaculada concept· I6n de la madré de Dios, Léon, 1901; Joseph n Lconbsn,capucin, Dognut immaculata: conceptionis et doctorum angelici cl seraphic! doctrina; medii itui dodores de immaculata con­ ceptione /h V. Maria , dans Divus Thomas, Koine. 1904, 1905, 2· série, t. v, p. 032; l. vi, p. 630; Λ. Scnso l^azaro, De Immaculata conceptione Maria· virginis secundum S. Tho­ rnam in Summa theologica, Madrid, 1903; N. del Prado, Santo Tomâs g la inmaculada, Vergara, 1909; Divus Thomas et bulla · Ineffabilis Drus », Fribourg (Suisse), 1919. ΖΓ. XtV SIÈCLE ET XV JUSQU Λ U CONCI LE DE HALE (1430) : LA RÉACTION SCOTlSTE.-- Cette étape n'est qu’une continuation de la précédente, mais clic pré­ sente un caractère distinctif : Jn lutte, contenue ct restreinte au xm· siècle, éclata ct sc développa quand Duns Scot eut donné le signal de la réaction en défen dant publiquement à Paris le glorieux privilège. Une véritable mêlée théologique s’en suivit; mêlée où les camps sc tranchèrent bientôt, ayant à leur tête, d’un côté, les frères mineurs, ct de l’autre, les frères prê­ cheurs. Quelques faits plus notables émergent : démêlés tics adversaires du privilège avec l’univer­ sité de Paris ct les autorités publiques en Aragon; diffusion croissante de la fête de la Conception; au terme de l’étape, décret du concile de Bâle sur la croyance et sur la fête. I9 Duns Scot (VIGGI— S novembre 130S). — Le pre­ mier enseignement du docteur subtil date d'Oxford, où il avait fait ses études. Voir t. iv, col. 1865. Devenu professeur vers l’an 1300, il commença son grand com­ mentaire sur le livre des Sentences, Scriptum oxoniensc. C’est là qu’il faut d’abord chercher sa doctrine sur la conception de la bienheureuse Vierge. In IV Sent., 1. Ill, dist. II I,q. i : Utrum beata Virgo luerit concepta in originali peccato, édit. Vivès, t. χιν, p. 159; ques­ tion réimprimée par les franciscains de Quaracchi dans les Quicslioncs disputais de immaculata con­ ceptione, p. 12-22. Scot a directement en vue la conception consommée. Suivant l’usage de son temps, il énonce brièvement les autorités invoquées des deux côtés : pour la concep­ tion dans le péché, le entiment commun des docteurs, dicitur communiter quod sic, d'après Bom., v, 12, ct divers témoignages de Pères relatifs à la purification de la Vierge et à l’universalité de la tare héréditaire; à l’opposé, les textes classiques de saint Augustin, De natura ct gratia, c. xxxvi, ct de saint Anselme, Dr conceptu virginali, c. xvm. Cela fait, Scot énonce les deux arguments fondamentaux dont les adver­ saires du privilège s’étalent servis. Lo premier était tiré de l’excellence du fils, considéré comme rédemp­ teur universel; cette excellence serait compromise si l'on soustrayait la mère à son influence rédemptrice. Le docteur subtil rétorque l’argument. Le Christ étant un médiateur parfait, il convenait qu'il exerçât un acte de médiation parfait à l’égard de quelque créature, et par conséquent de sa mère; cct acte ne sc réalise que s’il la préserve du péché originel, n. 4-7. Loin de soustraire Marie à l’influence rédemptrice, un tel acte suppose une application plus noble en soi ct plus efficace des mérites du Sauveur. A l’objection faite que, dans celte hypothèse, la Vierge n’aurait pas eu besoin de rédemption, Scot répond qu’il en va tout autrement; soumise dans sa conception char­ nelle à la loi commune, la Vierge aurait contracté la lare héréditaire nu moment de l’union de l’âme ct du corps, si la grâce du médiateur n'avait pas prévenu cet effet : ipsa enim contraxisset originale peccatum ( ex ratione propagationis communis, nisi fuisse! præventa prr gratiam mediatoris. Entre clic ct les autres 1074 Indifférence est que la grâce Intervient,chez h . autres, pour délivrer du péché contracté, ct chez elle, pour empêcher qu’il ne soit contracté, ne ipsa contrahe­ re! tn. Il Le docteur subtil aborde ensuite le second argu ment des adversaires, tiré des conditions auxquelles Marie nous apparaît soumise, ex his quai apparent in beata Virgine : elle a été conçue de la même manière que les autres,en vertu d’une generation soumise à la loi delà concupiscence; sa chair a donc été infectée, ct l’âme s’unissant à cette chair a contracté la souillure originelle. Conclusion confirmée par ce fait, que la Vierge n’a pas été exemptée des peines communes à notre nature, comme la faim, la fatigue, la souffrance, la mort; peines qui nous sont infligées à cause du péché originel. La réponse à cette dernière raison était facile : ces maux physiques n’ont pas, de leur nature, un rapport nécessaire avec le péché originel contracté de /ait; Jésus-Christ pouvait donc exercer son in­ fluence médiatrice ct rédemptrice â l’égard de sa mère en la délivrant des peines qui lui auraient été nui­ sibles, comme le péché originel et la concupiscence, ct en lui laissant celles qui pouvaient lui être utiles, celles qu’il a lui-même acceptées, n. 8. Beaucoup plus importante est la refutation de l’argument physiologico-philosophiquc. A l’hypo­ thèse d’une infection de la chair par la concupiscence ct de l’âme par la chair, Scot oppose d’abord la doc­ trine de saint Anselme: non arguit secundum viam Anselm! de peccato originali. D’après cette doctrine qu’il avait précédemment adoptée. In IV Sent., 1. II, disk XXXII, q. i, n. 42, édit. Vivés, t. xm, p. 316, la concupiscence n’est ni une empreinte morbide ni un vice positif; la chair n’agit pas comme cause physique dans la transmission du péché originel, mais seulement comme cause morale, en ce sens qu’elle contient la raison ou la condition pour laquelle Dieu ne confère pas la grâce sanctifiante à ceux qui naissent prives de l’intégrité primitive. Celte doctrine admise, la difficulté disparaît. Dieu restant libre de faire une exception, s’il la juge convenable. Même dans l’autre hypothèse, celle d’une chair infectée par l’acte géné­ rateur, pourquoi l’âme de Marie n’auralt-elle pas pu être sainte au premier instant de son existence? L’infection de la chair qu’on suppose, reste dans l’enfant sanctifié par le baptême;elle n’est donc, par rapport au péché originel, ni cause suffisante, ni cause nécessaire. Dès lors, pourquoi Dieu n*aurait-il pas pu infuser la grâce dans l’âme de Marie au moment même où il la créa et empêcher de la sorte que Ja souillure de la chair n’entraînât avec soi la tache du péché proprement dit? Raison qui garde sa valeur dans le cas où, par hypothèse, l’âme serait créée ct unie à la chair in conceptione seminum, nu début de la géné­ ration : Sicut enim post primum instans baptismi potuit manere infectio corporis contracta per propaga (tonem cum gratia in anima mundata, ita potest esse in primo instant i, si Deus tunc creavit gratiam in anima Mariæ, n. 20. Mais ne faut-il pas, comme le dit entre autres saint Bonaventure, que la bienheureuse Vierge soit fille d'Adam selon la chair avant d’être fille de Dieu selon la grâce? Oui, si l’on entend parler d’une priorité, non de temps, mais d’ordre ou de nature. Si l’acte générateur suppose logiquement le terme engendré et si. dans cet ordre d’idées, notre pensée tombe d'abord sur Marie fille d’Adam avant de la concevoir sanctifiée ct fille de Dieu, il n’y a pas là une priorité qui exige dans son âme deux étals successifs, l’un de péché et l’autre de sainteté; il y a eu seulement en elle, au premier instant de son existence, un double rapport : d’un côté, le rapport de fille d’Ad un. qui venait de sa conception humaine ct qui fondait, en 1075 IMMACl LEE CONCEPTION droit, l'obligation de contracter le péché originel ; de l’autre, le rapport de fille de Dieu, qui s’attachait à son titre de future mère du Verbe ct qui, entraînant une sanctification privilégiée, empêcha que l’obligation ne sortit son cllct. Ces memes principes fournissaient à Scot une réponse générale aux textes pntristiques objectés. Autre chose est l’immunité qui convient au fils, autre chose l’immunité qui convient ù la mère. Celle-ci est exempte de la tache héréditaire cn fait seulement ct par grâce, cn vertu d’une application spéciale des mérites de l’unique rédempteur. JésusChrist, lui, est exempt de toute tache cn droit ct de par sa conception virginale, cn sorte qu’il ne peut être ici question ni de rachat, ni de préservation, ni de purification quelconque. Là est le «privilège per­ sonnel, exclusivement personnel du fils. Dans tout cc qui précède le docteur subtil sou­ tient plutôt la possibilité du glorieux privilège qu’il n’en établit la réalité; tout au plus telle ou telle raison qu’il énonce, en particulier l’argument du parfait médiateur, contient-elle un titre de convenance en faveur de l’immaculée conception. 11 va plus loin quand il répond à la question posée au début, Ad quxstioncm dico, n. 9-10: < Dieu a pu faire que Marie ne fût Jamais soumise au péché originel; il a pu faire qu’elle y fût soumise pendant un seul instant; il a pu faire aussi qu’elle y fût soumise pendant un certain temps et purifiée ensuite.... Laquelle de ces trois hypo­ thèses s’est réalisée, Dieu le sait; mais si l’autorité de la sainte Écriture ct celle de l’Églisc ne font pas obstacle, il semble raisonnable d’attribuer à Marie cc qu’il y a de plus excellent, videtur probabile quod excellentius est attribuere Maria?. » L’adhésion à la pieuse croyance est manifeste, bien que formulée en termes modestes. Elle réapparaît d’ailleurs, d’une façon plus positive ct plus ferme, dans le même livre, dist. XVIII, q. î, n. 3, t. xiv, p. 681; il y parle de la bienheureuse Vierge · comme n’ayant jamais encouru de /ait l’inimitié divine par le péché soit actuel, soit originel : quœ nunquam fuit inimica actuaUler ratione peccati actualis, nec ratione originalis; fuisset tamen, nisi fuisset præservata. Tel fut l’enseignement de Duns Scot à Oxford, alors qu’il n’était pas encore sorti d’Angleterre et n’avait pas pu rencontrer Haymond Lull ni, semble-t-il, prendre connaissance du Disputatio Ercmit/e el Raymundi, composé à Paris cn 1298. Voir col. 1062. L’ensei­ gnement du docteur subtil est, pour le fond, cn rapport de dépendance étroite avec celui de son maître, Guil laume de Ware. La chose est manifeste cn cc qui concerne la solution de la difficulté tirée de l’univer­ salité de la rédemption opérée par Jésus-Christ; le maître avait posé, au sujet du péché originel, la dis- . tinclion fondamentale : contractum ct contrahendum, col. 1062. Sans sc servir des termes eux-mêmes, le maître ct le disciple avaient énoncé les deux modes de rachat qu’on appellera plus tard rédemption libéra­ trice et rédemption préservatrice, consistant l’une à payer la rançon de quelqu’un quand il est déjà dans les fers, et l’autre à la payer avant que le droit de ser­ vitude ne s’exerce, bien qu’il soit acquis. Mais sur d’autres points, le disciple dépasse et surpasse le maître. Guillaume de War© était resté attaché à l’ancienne théorie physique de la concupiscence infec­ tant la chair ct transmettant le péché originel par son entremise ;cn conséquence, pour expliquer la pos­ sibilité d’une conception immaculée, il avait eu recours a l’hypothèse d’une purification préalable de la chair ou du corps de la bienheureuse Vierge. Abandonnant sur cc point l’ancienne école franciscaine, ct sc ral­ liant avec saint Thomas à la doctrine d’Anselme, Scot pouvait donner une réponse moins systématique ct plus large, tout cn maintenant la possibilité du glo­ 1076 rieux privilège même dans l’hypolhèse d’une chair infectée par la concupiscence ou d’une autre façon. Le docteur subtil fut amené à traiter le sujet une seconde fois. En 1304, le général des frères mineurs sollicita ct obtint pour lui la licence d’enseigner à l’université de Paris. Son cours dura quatre ans; c’cst le Scriptum parislense ou Reportata parisUnsia, reprise et parfois retouche du commentaire d’Oxfonl. La question de la conception revint à la fin de 1307 ou au début de 1308, quand il expliqua le III· livre des Sentences. Reportata, 1. HI. dist. Ill, q. î, édit, Vlvès, t. ΧΧΙΠ, p. 261. La doctrine est Ja même qu’au para vaut, mais deux particularités sont à noter. Scot commence par signaler et réfuter une singulière opi­ nion, ù savoir que le péché ct la grâce se seraient trouvés cn Marie dans un seul ct même instant réel ; dicit unus doctor quad in eodern instanti fuit in pec­ cato ct in ghitia, n. 2-3. Detail plus Important, sa conclusion personnelle est formulée d’une façon moins expresse que dans le commentaire d’Oxford; il sc contente d’affirmer, sans rien de plus, la possibilité du privilège : potuit esse quod nunquam fuit in pec­ cato originali. En outre, dist. XV111, q. î, ibid., p. 386, après avoir dit de la Vierge, comme jadis, qu’elle n’encourut jamais de fait l’inimitié divine par le péché actuel, quæ nunquam fuit inimica adualitcr ratione peccati actualis, il continue cn atténuant sen­ siblement l’ancien texte par une particule dubitative: et forte nec pro peccato originali, quia fuit præservata, ut supra dictum est. Une fois pourtant, au 1. IV (ensei­ gné avant le IIP, cn 1306), dist. XVI, q. n, n. 26, on rencontre, incidemment énoncée, l’affirmation absolue d’une sanctification indépendante de toute idée de purification : absolute potest esse infusio gra­ tin' sine expulsione alicujus culpa.· præccdentis, sicut fuit in beata Virgine. La difference de mode ct de ton dans l’affirmation accuserait-elle un fléchissement dans la croyance au privilège? Bien ne le prouve; tout s’explique suffi­ samment par la réserve prudente qui s’imposait au jeune professeur dans cc milieu parisien où les grands maîtres venaient de soutenir l’opinion contraire ct où celle-ci comptait encore, parmi leurs disciples immédiats, de si chauds partisans. Les historiens des frères mineurs,cn particulier Wadding, Annales mino­ rum, an. 1301, n. 31, ont parlé d’une grande joute théologique au cours de laquelle, mis cn face de deux cents arguments contre la pieuse croyance, Scot les aurait réfutés d’une façon si péremptoire que la plu­ part des docteurs de Paris sc seraient ralliés à sa thèse, et que l’université aurait dès lors Imposé ù scs membres le serment de défendre la pieuse croyance. Pris tel quel, le récit est inadmissible. Voir Déni fie, Char­ tularium, t. n, part. I, p. 118; franciscains de Quaracchi, Quaestiones disputata, p. xvi. Sous les enjolivures il faut pourtant reconnaître un fond de vérité. Voir t. iv, col. 186G ct le P. Déodat-Maric, Un tournoi théo­ logique, série d'articles dans La bonne parole, ct tiré à part, Le Havre, 1907. Notable est le témoignage d’un frère mineur contemporain, Ludolphc Caracciolo, qui fut, dit-on, élève de Scot, ct devint évêque de Stable cn 1326, puis archevêque d’Amalfi de 1331 à 1351. Dans un passage utilisé par Antoine Cucaro, Elucidarius Virginis, Naples, 1507, (Pierre de Alva, Monumenta antiqua seraphica, p. 831), Lu­ dolphc parle d’une dispute publique qui eut lieu à Paris, par ordre apostolique, ct d’où Scot sortit vain­ queur, a> i.»i fait approuver son opinion : Qui quidem Scolus confutatis rationibus ct argumentis adversa­ riorum, da conceptionis Virginis innocentiam defensavit, quod adversarii omnes defecere in disputando. Quapropter opinio minorum a Parisiens! studio illico approbatur. Scolus vero, doctor subtilis propter hoc 107/ IMMACULÉE CONCEPTION appd/afus, Mus ad propria sc recepit. Mais si le fait paraît indéniable, les circonstances qui le provo­ quèrent ct l'accompagnèrent restent obscures. D'après le P. Prosper de Martigné, op, cit., p. 292, 387 sq., l’incident aurait eu lieu cn 1308, quand Scot eut cxpll què la question de la conception, ct Tafialrc sc serait réduite à une invitation adressée au jeune professeur d’avoir à comparaître devant les maîtres de l’univcrsite pour y justifier son opinion nouvelle ct, cn appa­ rence, formellement opposée au texte des Sentences. D’autres placent la discussion à l'arrivée de Scot à Paris ct avant qu’il ne montât en chaire; la façon dont il appuya son enseignement d’Oxford sur la con­ ception de la bienheureuse Vierge, lui valut le droit d’entrée dans l’université gauloise. Lettre du R. P. Michel-Ange Sarrautc, publiée par le P. Déodat Marie, Duns Scot ct le statut catholique de la pensée à l'université de Paris, Le Havre, 1909, p. 135 sq. Quoiqu’il cn soit de ces deux interprétations, la situa­ tion de Duns Scot, comme professeur, rend pleinement compte de la réserve qu’il observa dans la manière de traiter à Paris le problème délicat. Malgré celte réserve, l’influence de Duns Scot fut puissante ct efficace. Il déblaya le terrain ct simplifia la question, cn distinguant ct cn séparant nettement des notions que les anciens défenseurs du privilège avaient souvent confondues ou du moins mêlées : conception commencée et conception consommée; conception active et conception passive; sanctifica­ tion, ou plutôt purification de la chair ou du corps et sanctification de l’âme; tache originelle contractée ct nécessité préalable de contracter cette tache; priorité logique ct priorité chronologique. Du même coup, le docteur subtil rejetait à l’arrière-plan les questions secondaires ou d'ordre purement philoso­ phique, ct il fixait la véritable signification du privi­ lège cn rattachant la sainteté de la bienheureuse Vierge à la conception passive parfaite ou consommée. Pour lui, dire que Marie fut exempte du péché originel ou conçue sans péché, c’était affirmer que son âme, créée par Dieu ct unie au corps pour l’animer, fut au même instant ornée de la grâce sanctifiante; cn d’autres tenues, c’était affirmer que la mère du Verbe incarné, considérée comme personne humaine, ne fut jamais, pas même un instant, atteinte de la souillure du pêché. Un autre mérite fut d’ébranler l’obstacle qui avait arrêté les grands scolastiques au xm* siècle. Ils étaient arrivés ù proclamer la toute sainteté de la Vierge, sauf au premier instant de son existence. Pourquoi cette restriction, cette exception unique? Avant tout, parce qu’ils jugeaient la chose impossible, non pas d’une façon absolue, mais relativement parlant, dans Tordre actuel où tout rejeton d’Adam est un racheté du Christ. Or voilà que, dans l'argumentation du docteur subtil, le privilège sc présentait comme pos­ sible, possible dans l’ordre actuel, grâce ù une notion du rachat plus glorieuse pour le Christ rédempteur ct plus honorable pour sa mère bénie. L’obstacle ébranlé, la logique des principes devait porter à ne voir dans l’immaculée conception qu'un cas particu­ lier, rentrant dnnS la croyance générale de l'Églisc cn la pureté parfaite et la sainteté suréminente de la mère de Dieu. Le travail des siècles suivants con­ sistera principalement Λ mettre en relief la convenance du privilège ct Λ en confirmer l’existence par l’étude cl l’exploitation des cléments positifs du dogme, enve­ loppés dans les saintes Lettres ct l’ancienne tra­ dition. Mais la doctrine de Scot sur la conception de Marie ne serait-elle pas, sous un autre rapport, défectueuse? Il considérait l’incarnation du Verbe et, par consé­ quent. l'existence de sa mère comme décrétées indé­ pendamment du péché d’Adam ct de la rédemption; 1078 l’immaculée conception qu’il admet ne passe donc pas par le Calvaire, elle est incompatible avec une rédemption vraie, une rédemption qui suppose l'appli­ cation des mérites acquis par Jésus-Christ sur la croix. Cette attaque quitte le terrain du dogme; elle s'inspire d’une théorie spéciale sur le debitum peceati cn Marie, théorie qui sera discutée à sa place, quand tous les éléments du problème auront été acquis. Contentonsnous maintenant de quelques remarques, cn ce qui concerne personnellement le docteur subtil. S’il a soutenu ces deux assertions : l’incarnation du Verbe aurait eu lieu indépendamment du péché d'Adam; la bienheureuse Vierge a été rachetée par son fils, c’est donc qu’il ne voyait entre les deux choses aucune incompatibilité. Mais nulle part il n’a présenté sa thèse sur l’immaculée conception en dépendance de sa théorie sur l'incarnation du Verbe en toute hypo­ thèse. Si, dans le passage du Scriptum oxonlense où il traite de la conception de Marie, il parle incidemment du motif de l'incarnation, c’cst cn énonçant simple­ ment l’opinion commune, n. 6 : Necessitas incarna Hums, passionis, etc., assignatur communiter ex peccato originali. Il affirme la nécessité d'une préservation actuelle pour qu’au moment de sa création et de son union avec le corps l'âme de Marie ne contractât pas la tache originelle, ct il affirme cette nécessité si nettement que beaucoup l’ont regardé ou le regar­ dent encore comme un partisan du debitum proximum. En réalité, il n’a pas traité ce point ex professo, ct par là s’explique qu’il y ait eu ct qu’il y ait encore diverses interprétations de sa pensée. Fr. Gulielml Guarr.r, tr. Joannis Duns Scoti, ... Ques­ tiones disputator de immaculata conceptione beatae Mariae Virginis. Qunracchi. 1904; Prosper de Mnrtigné, La scolastique et les traditions franciscaines, c. v; P. Pauvrets, O. F. M., Les franciscains et Γimmaculée conception, c. m, iv. Malines, 1904; Cand. Mariotti, O. F. M., L*Immaculata conceziane dl Maria ed t Franciscanl, c. IV, Quarncchi, 1904; P. Adjutus. O. F. M.. L'immaculée conception et les traditions franciscaines. Rapport présenté au Congrès marial de Namur, le 13 juillet 1904, suivi d’une étude sur La doctrine de Duns Scot au sujet de l'immaculée con­ ception, ct d'une discussion historique sur Le débat publie du même auteur d la Sorbonne, Malines, 1905; L. Baldwin, John Duns Scot and the immaculate conception, Rome, 1905; F. Dent, Blessed John Duns Scot and Mary Immaculate, Rome. 1905; P. Raymond, art. Duns Scot. t. IV, col. 1896-1898; X. Lc Bachelet. Saint Thomas, Duns Scot el l'immaculée conception, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1910, t. I, p. 601-616. 2· Développement de la réaction. — L’impulsion donnée par Duns Scot devait produire ses fruits, mais avec le temps; l'adhésion des théologiens à la croyance dont il s'était fait le champion, ne fut ni soudaine, ni surtout générale au debut; au contraire, il y eut d'abord une véritable mêlée, dont le premier résultat fut de trancher les camps. 1. L'opposition. — Pris dans l'ensemble, les frères prêcheurs restèrent fidèles A renseignement de leurs illustres docteurs : « Lc fait est que les maîtres de l'ordre au xiv· siècle, pour le plus grand nombre, et quelques-uns après, ont déclaré suivre la doctrine de saint Thomas en refusant à la sainte Vierge le pri­ vilège de l'immaculée conception. > R. P. Mortier, Histoire des maîtres généraux de Tordre des frères prêcheurs, Paris, t. in, p. G17, note 2. Tels, pour ne citer que des autorités incontestables, Hervé de Nédélcc, Durand de Saint-Pourçain, Pierre de la Pahi, dans leurs commentaires sur les Sentences, I. Ill, dist. Ill, ct Jean de Naples, Quodl., VI, q. xm, dans Pierre de Alva. Radii solis, coi. 1898. Hervé nie qu’on puisse considérer la Vierge comme vraiment rachetée par son fils, dans l’hypothèse où elle aurait été préservée de la faute qu'elle aurait dû encourir. 1079 IMMACULÉE CONCEPTION Durand est plus large : Puto (amen quod si beata Virgo peccatum originale non contraxisset, potuisset tamen ocre dici redempta a Deo pro eo quod in radice sua ex natura sute conceptionis obligata erat ad incurrendum peccatum, nisi fuisset a Deo prœservata, n. 14. Mais, avec Jean dc Naples et Pierre de la Palu, il rejette la convenance d’une telle préservation : être conçu sans péché reste le privilège exclusif de celui qui fut conçu virglnalemcnt. Modérée chez ces théologiens, l’opposition devint, chez beaucoup de leurs confrères dans la seconde moitié du siècle, intransigeante ct agressive, comme on le verra bientôt. En tout cas, sous une forme ou sous une autre, elle sc maintint. C’est bien l’opinion commune dc son ordre que Caprèolus (f 1432) énonce, à la veille du concile de Bâle, dans sa troi­ sième conclusion : Beata Virgo fuit concepta in peccato originali. Defensionum theologiæ D. Thonue Aq., 1. Ill, q. in, a. 1, Tours, 1900, t. v, p. 2G. Quelques exceptions apparaissent; par exemple, à Strasbourg, Jean Tauïer (t 1361) : Ab omni peccato ct macula tam originali quam actuali prœscrvata, uti hoc decebat esse quæ mater esset unigeniti Dei. Tractatus de decem caecitatibus, cæc. iv, c. xi, dans D. Joannis Thauleri Opera omnia, Cologne, 1613, p. 873. Vers 1380, Jean Bromiard, dominicain anglais, interprète l’enseigne­ ment de saint Thomas dans la Somme thêologique, I IIIs, q. xxvn, a. 2, en cc sens que Marie aurait été sanctifiée non pas avant l’union dc l’âme ct du corps, mais au moment même dc cette union : in sua ani­ matione, i. c. in coniunctione animae cum corpore matris, el non ante, quia sanctificatio ct mundatio fit per gra­ tiam, cuius sublectum est anima. Summa prœdicationis, au mot Maria, n. 107. Cf. Pcsch, De Deo creante, » n. 333. Saint Vincent Ferrier peut-il être compté parmi les champions dc Marie immaculée? Oui, répond le P. II. Fages, O. P., Histoire de saint Vincent Ferrier, Paris, 1893, t. n, Append. E. L’affirmation est appuyée sur plusieurs passages d’un sermon Dc conceptione Virginis Marie, en particulier celui où le grand ora­ teur énumère divers degrés dc sanctification : « Le sixième qui dépasse tous les autres est celui dc la bienheureuse Vierge Marie, parce qu’au jour ct d Γ instant même où son corps ayant été formé ct son Ame créée, Marie fut une créature raisonnable, capable de sanctification, elle fut sanctifiée. > Malheureusoment, le texte latin est moins explicite; il n’y est pas question de Γinstant même, mais seulement du jour ct de Γheure : Sextus gradus est super omnes alios sane- | tificatio Virginis Marie, quia non quando debuit nasci nec in ultimo die nec hebdomada nec mense, sed in eodem die et hora formato corpore ct anima creata, quia tunc fuit rationalis ct capax sanctificationis, fuit sanctificato. Sermones sancti Vincent ii... de sanctis per lotum annum, Cologne, 1487, fol. A*. Les mêmes expressions sc retrouvent dans le premier sermon pour la fête dc la Nativité ct ailleurs, mais l’indéter­ mination qui s’attache aux termes : in eodem die et hora, ne disparaît point. Saint Vincent reste, au regard dc la pieuse croyance, un < défenseur douteux. » A. Pérez, La conceptiôn inmaculada dc la Virgen, y la Uniotrsidad de Salamanca en cl siglo XV, dans la revue espagnole Razôn y fe, Madrid, 1904, numero extraordinario, p. 81-86. L’opposition comptait d’autres représentants que les dominicains. Jean dc Pouilly, de Polliaco, doc­ teur dc l’université de Paris (f après 1321), déclarait qu’il ne suffisait pas d’affirmer le privilège, mais qu’il fallait le prouver; il récusait, comme dénués d’efllcacité, les arguments de Scot ct soutenait que la bien­ heureuse Vierge n’avait pu être vraiment rachetée qu’à la condition d’être soumise temporairement au 1080 péché originel : B. Virgo fuit sub originali (n tempore seu per tempus. Quodl., IV, q. xiv, Paris, Bibi, nat., ms. lut. 14566, fol. 148; Pierre de Alva, Radii solis, col. 1103. A cet exemple ajoutons-cn d’autres, plus importants : les trois personnages qui, de 1334 Λ 1352, occupèrent la chaire dc saint Pierre comme papes d’Avignon, sous les noms de Jean XXII, Benoit XII ct Clément V1, ou n’ont pas admis la pieuse croyance, ou ne l’ont pas admise franchement, à en juger par les sermons qui leur sont attribués. Nul doute n’est possible pour le premier, s’il est vraiment l’auteur des discours contenus dans le recueil intitulé : Sermones Joannis papæ XXII, ut creditur, habiti in festis B. Maria, et per fratrem Raijmundum, procuratorem ordinis minorum, sute Sanc­ titatis servum, reportati, Paris,Bibi, nat., ms.lal. 3290; Pierre de Alva, Radii solis, col. 2122; P. Doncœur, art. cité, p. 33 (707). Dans le premier sermon sur la Nativité, Sicut lilium inter spinas, il est dit que l’âme dc la Vierge fut créée ct unie au corps sans posséder la grâce sanctifiante, ct qu’ainsi elle contracta le péché originel, mais qu’elle en fut purifiée aussitôt après : El sic originale eam dicimus contraxisse, sed statim post anima infusionem gratia superveniens eam sancti ficavit et ab originali purgavit. Dans plusieurs autres sermons pour la même fête ou pour l’Annon­ ciation, la Purification ct l’Assomption, l’assertion revient, plus accentuée encore, en sorte que Pierre de Alva, si enclin pourtant ù interpréter les textes à sa guise, en est réduit à conclure, col. 2124 : Constat igitur ex supra relatis Joannem XXII, in minoribus constitutum, id est cum esset Jacobus Mussa vel de Ossa vel Ossa, etc., expresse, clare ac distincte sustinuisse opinionem contrariam, si sermones prtchabill sint ipsius. Reste à contester l’authenticité, comme le fait Alva en invoquant des raisons peu critiques. Benoît ΧΠ, n’étant encore, semble-t-il, qu’êvêque ou cardinal, prêcha un sermon De conceptione beate Marie, conservé avec d’autres à la bibliothèque du Vatican, ms. lut. 4006, fol. 420. Cf. Doncœur, p. 34 (708). 11 applique ù la Vierge cc texte d’Ézéchlel, xvi, 9 : Emundavi sanguinem tuum ex te, cl unxi (e oleo, ct vestivi te discoloribus. Il entend par le sang le péché originel ct la concupiscence qui s’y rattache; par V huile ct les vêtements dc couleur variée, les dons de la grâce dont la mère dc Dieu fut comblée; mais lly eut tout d’abord purificationdc la tache originelle: Domino operante in ipsa plenitudinem effectuum gratia per quam mundata fuit a peccato originali ct praservala a peccato actuali. L’opposition mise ici entre le péché originel don t Marie fut puri fiée ct le péché actuel dont elle fut préservée, manifeste clairement la vraie pensée dc l’orateur. Aussi revendique-t-il, un peu plus loin, l’exemption dc la souillure héréditaire comme un privilège exclusif que Jésus-Christ dut à sa conception surnaturelle: Ideocumsolus Christus inter homines fuerit mundus ab originali peccato, quia non fuit conceptus dc immundo semine sicut omnes alii nati ex viro ct muliere.... Dans un sermon pour le second dimanche dc 1*Avent, où il traite dc la fête dc la Conception, Clément VI (ou celui qui porta cc titre plus lard) parle incidem­ ment dc la controverse. Il pose d’abord comme chose claire, que la bienheureuse Vierge a contracté le péché originel en sa cause, ayant été conçue comme les autres descendants d'Adam : contraxit peccatum ori ginale in causa; ct ratio est, quia fuit ex concubitu viri ct mulieris concepta. Mais qu’elle l’ait contracté réel lemcnt, in forma, ou qu’elle en ait été préservée par la puissance divine, c’cst un point où les docteurs diffèrent de sentiment. L’orateur ne veut pas s’enga­ ger dans celle dispute; il le veut d’autant moins que, dan la circonslnnc ,11 sc propose uniquement d’éta- 1081 IMMACULEE CONCEPI ION 1082 blirquc, même dans le cas ou la mère de Dieu aurait l'influence de ces maîtres, la pieuse croyance s’im­ été conçue dans le péché, on pourrait encore raison­ planta toujours de plus en plus chez les franciscains; nablement célébrer sa conception. Certaines expres­ à la fin du xrv· siècle, elle était devenue commune. sions sembleraient bien supposer une adhésion posi­ Les autres ordres religieux ne demeurèrent pas tive à l’opinion défavorable au privilège, mais la indifférents dans le conflit suscité par la reaction valeur d’opposition réelle qu’elles pourraient avoir scotlste, ceux surtout dont les théologiens étaient plus devient hypothétique en face de correctifs tels que intimement mêlés, comme professeurs, à la vie litté­ celui-ci, § Ad aliud dicendum : Ex unione animæ cum raire d’alors : carmes ct augustins. Il fallut quelque carne contrahitur peccatum originale, a quo beata Virgo, temps pour que le mouvement sc déclarât en faveur si contraxit, fuit statim sancti ficata. Texte intégral du dc la pieuse croyance. Gérard de Bologne, général des fragment dans Pierre de Alva, Radii solis, col. 689- carmes de 1296 à 1318, Guy de Perpignan qui lui 692; cf. Doncœur, p. 40 sq. A tout le moins, ce témoi­ succéda de 1318 Λ 1320 ct, plus tard, devint évêque de gnage pris dans son ensemble, et plus nettement encore Majorque, puis d'Elne, en Roussillon (1332-1342), ceux de Benuit Nil, dc Jean XXII ct dc Jean dc Paul dc Pérouse, son contemporain, sont opposés à la Pouilly, marquent-ils l'opposition que, pendant la conception sans tache, mais d'une façon très modérée. première moitié du xrv· siècle, la pieuse croyance Guy ne se défend même pas d'un mouvement dc rencontrait chez des docteurs dc Paris dont la forma­ sympathie pour l’opinion qu’il n’ose pas adopter : tion théologique sc rattachait à l’enseignement des Jsla opinio, propter reverentiam beatæ Virginis, mul­ grands maîtres du siècle précédent. lum mihi placeret, nisi auctoritatibus canonis et sanc­ 2. La défense du privilège. - - Au premier rang appa­ torum obaiaret. Quodl., I. III, q. xrv,d’après Pierre dc raissent les frères mineurs. L’unité n’exista pas dès Alva, Badii solis, coi. 1026. Mais un revirement se le début. Bertrand dc la Tour, prédicateur renommé, produisit bientôt, en grande partie sous l’influence archevêque dc Salcmc, en 1319, puis cardinal- de Jean Bacon (t 1346), le premier docteur dc l'ordre évêque de Frascati (f 1334), reste fidèle ά l’opinion, à cette époque. Il avait rejeté l’opinion dc Scot et dc commune encore, d’Alexandre dc Halés ct dc saint Pierre Auriol dans scs Quodlibcta, 1. Ill, Quodl., XIII Bonaventure, sicut tend scola communis. Serm., i, ct XIV, ct dans les trois premiers livres de son corn de Nativitate ct de Conceptione, cité par Pierre de Alva, mentaire sur les Sentences; il pensait que ces théo­ Jladii sohs, col. 1111. Alvaro Pélagc, pénitencier apos­ logiens sortaient des bornes d’une juste dévotion tolique sous Jean XXII, puis évêque de Silves en envers la mère dc Dieu : Jsta opinio nimis est adula­ Portugal, écrivant ù la cour d’Avignon dc 1330 à toria, ct surtout que dans l'hypothèse d’une préser­ 1332, suit également les anciens théologiens, avec vation, Marie n’aurait pas été réellement rachetée une pointe ù l’adresse de certains jeunes qui s’écartent j par son ills. Jn JV Sent., 1. Ill, dist. XXX, n. 2. Il du sentiment commun : licet quidam novi theologi a comprit, plus tard, que la preservation attribuée à la sensu Ecclesiæ recedentes communi... De planctu Eccle­ mère de Dieu par les apôtres dc la pieuse croyance sia, 1. Il, a. 52, Venise, 1560, ρ. 110. Mais ces quidam n’excluait pas, en principe, la nécessité dc contracter le pêché originel, et que, si celte nécessité ne sertissait novi sont déjà nombreux, comme on le voit par la pas réellement son effet, cc n’était qu'en vertu d’un Bibliotheca franciscana de Holzapfel, ct parmi eux sc trouvent des gens qui comptent, comme Pierre privilège extraordinaire ct d’une application spéciale Auriol, Jean dc Bassolis, Pierre Thomas, François dc des mérites du Sauveur; il changea d’opinion ct en Mcyronnes, Pierre d*Aquila, François d’Ascoh ou de fit l’aveu, Jn JV Sent., 1. IV, dist. Ill, q. in, a. 3 : la Marche, etc. Ubi dico quod mox per privilegium speciale, in hora conceptionis fuit causa et necessitas contrahendi in Quelques-uns de leurs écrits méritent d’être signalés. matre Dei exstincta, ut de iure privato illa in animatione Pierre Auriol, Aureolus, compose à Toulouse, en 1314, non contraheret originale, quo notatur culpa et macula un traité De conceptione immaculatæ Virginis, en in anima, licet alibi attendens ad ius commune aliter six chapitres; il ne sc contente pas d’y soutenir la possibilité ct la convenance du privilège, il montre que, dixerim. Voir Doncœur, art. cité, p. 48-52 (284-288). sous réserve d’une détermination contraire dc la Après Bacon, la pieuse croyance triomphe chez les part dc I’Église, on peut en affirmer l’existence sans cormes; pendant la seconde moitié du siècle, ils four­ péril d’hérésie ou d’erreur, c. v. Ostenditur, quod absque nissent À la cause dc la Vierge des défenseurs insignes, periculo fidei ct erroris teneri potest, quod Deus eam comme le bienheureux Pierre Thomas (f 1366), Tractatus de Mariæ conceptione eiusque excellentia, ct præscrvavit de facto; nec una pars nec alia est de neces François Martin, Compendium veritatis immaculate sitate fidei, donec per Ecclesiam determinatum fuerit. K la suite d’une attaque, Auriol rédige un Jlcper­ conceptionis, dont il sera parlé davantage. Il en fut des august ins comme des carmes. Dans la cussor nun contenant huit conclusions, relatives sur­ tout Λ la nature du péché originel ct dc la concupis­ première moitié du siècle. Augustin d'Ancône, Henri cence. Ces deux écrits se trouvent dans les Quæstiones dc Vrlincria, Gérard de Sienne, Grégoire dc Rimini disputatæ, dc Quarncchl. Pierre dc Alva les a insé­ s’en tinrent à ladoctrincdc Gilles dc Borne et n’admi­ rés dans scs Monumenta antiqua scraphica, p. 15 sq., rent pas le privilège. Mais, dès 1340, Hermann dc en y joignant un extrait des commentaires d’Auriol Schildls le défendit dans un traité: De conceptione sur les Sentences, 1. III, dist. ΠI, q. i, De sancti ficatione gloriosæ Virginis Mariæ; panni les multiples bénédic­ Virginis. Entre 1316 ct 1320, Pierre Thomas, catalan tions dont la Vierge fut comblée en sa conception, il et docteur dc Paris, soutint la même cause dans un indique celle-ci, part. J I.c.ïv : Quomodo...Deus benedixit Liber de innocentia V. Maria, qu’il fit présenter à conceptæ Virgini, creando animam illam sanctissimam, Jean NX H. Pierre de Alva, ibid., p. 212. François quæ post Caput nostrum immediate ab ipso Capite esset dc Mcyronnes (t 1327) seconde les précédents; outre omnis gratiæ receptiva. Pierre dc Alva, Monumenta la question qu’il consacre à la sanctification dc la antiqua... ex variis authoribus, t. j, p. 139. A la même bienheureuse Vierge dans son commentaire sur le époque, un théologien dc marque, Thomas de Stras­ IIP livre des Sentences, il compose un Tractatus de bourg (ab Argentina), enseignait à Paris la pieuse conceptione beatæ Marite Virginis ct prêche le pri­ croyance. Jn J V Sent., ]. I II, q. î, a. 1. Comme il devint vilège dans plusieurs sermons pour le jour dc la fête. • quelques années plus tard prieur général dc son ordre, Pierre dc Alva, ibid., p. 275 sq. Parmi les traités qui son influence fut décisive. Sur la fin du siècle, Hay­ n’ont pas été conservés, rappelons celui de Ludolphc mond Jordan salue ainsi Notre-Dame, Contempla Caracclolo, dont il a été fait mention, col. 1076. Sous tioncs Idiotie de V. Maria, c. n, n. 4 : Tota pulchra es, 1083 IMMACULÉE CONCEPTION Virgo gmriosissima, non in parte, sed in toto; et macula peccati lire mortalis sive venialis sive originalis non est in te, nec unquam fuit, nec erit. Théophile Raynaud, Idiota sapiens, Lyon, 1632, p. 538. Deux autres reli­ gieux continuent la tradition au siècle suivant, avant le concile de Bâle : Théodore λ ne, saxon; compose un double traité, De immaculata conceptione. De multiplici conceptione, et Pierre de Venise, un Trac­ tatus seu quæstio de conceptione beatissimae V. Marier. Pierre de Alva, Monumenta antiqua... ex variis authoribas, t. i, p. 185, 197,258 Ces témoignages suffisent, abstraction faite de beau­ coup d’autres, pour montrer jusqu’à quel point la pieuse croyance avait gagné du terrain au cours du xiv« siècle. Des circonstances extérieures n’avalent pas peu contribué, on va le voir, à favoriser cc résultat. Pierre de Alvn fournit de très riches matériaux pour cette époque comme pour la précédente dans presque tous ses ouvrage·, si nombreux, voir 1.i, col. 925, particu­ lièrement dans les suivants, auxquels des références ont été faites : Sol veritatis cum ventilabro scraphieo. pro candida aurora Maria insuo conccptionisorlu sancta,pura,immaculata et a peccato originali prarservata. Madrid, 1660; Funiculi nodi indissolubilis de conceptu mentis et conceptu ventris, Bruxelles, 1661 ; Monumenta antiqua immaculata! con­ ceptionis sanclisximce Virginis Mariae, ex variis authoribus antiquis tam manuscript!* quam otim impressis, sed qui vix modo reperiuntur, Louvain, 1661; Monumenta antiqua immaculato! conceptionis sanctissimo! Virginis Mariae, ex novem authoribus antiquis, Louvain, 166*1; Monumenta antiqua scraphlca pro immaculata conceptione Virginis Marier, cx variis authoribus religionis scraphicm tn unum comportata et collecta, Louvain, 1665; Jladii solis zeli scraphlci call veritatis pro immaculata conceptionis mysterio, Louvain, 1G66. P. Doncœur, Les premières Interventions du saint-siège relatives ά Γimmaculée conception (X/F-XfV· siécte), Lou­ vain, 1908. Extrait de In Revue d’histoire ecclésiastique, t. vm, n. 2,4; t. ix, n. 2 . Vu. de Ro*.k<>v..ny, limita Virgo in suo conceptu immaculata ex monumentis omnium secu­ larum demonstrata, Budapest, 1873, t. I, p. 215-236 : Specialis litteratura... e stre. X/V; IL Holzapfel, Ribliotheca franciscana de immaculata conceptione, Quaracchi. 1904; Cand. Murluttl, 1/immaculata concezione dl Maria ed I Jranclscanl, c. v, Quaracchi. 190-1. 1084 breviter quod mihi videtur rationabiliter eligendum. Bruxelles, Bibi, roy., ms. 36fj9-37oo, fol. 158; leçon reproduite, sous le titre de Qiucstio de conceptione V. Marim, par Pierre de Alva, Monumenta antiqua scraphlca, p. 191. Quand des écarts notables sc pro­ duisaient, ils ne restaient pas impunis. En 1362, deux frères prêcheurs, Jean l’Eschacicr ct Jacques de Bosco, dirent en chaire à Châlons-sur-Marne, que l’opinion soutenant le privilège était fausse, hérétique ct, de ce chef, condamnable; l’autorité ecclésiastique procéda contre eux ct exigea une rétractation. Denille, Chartularium, t. in. n. 1272, p. 99. Un cas beaucoup plus grave survint en juin 1387. Jean de Monzon, dominicain originaire du diocèse de Valence, cn Aragon, avança dans scs Vcspérics ct dans sa Resumpta, c’est-à-dire dans la thèse qu’il soutint le soir de sa promotion à la maîtrise ct dans la pre­ mière leçon qu’il donna comme maître, diverses con­ clusions qui choquèrent et provoquèrent des récri­ minations. Quatorze propositions furent relevées, dont quatre se rapportaient, formellement ou impli­ citement, à la conception de la bienheureuse Vierge. 10. Non omnem homi­ nem pni’tcr Christum con­ trahere ah Adam peccatum originale est expresse contra fldem. 11. Beatam Mariam Vir­ ginem ct Dei genitricem non contraxisse peccatum originale, est expresse con­ tra fldem. 12. Tantum est contra sacram Scripturam, unum hominem esso exemptum a peccato originali, pneter Christum, sicut si decem homines de facto poneren­ tur exempti. 13. Magis est expresse contra sacram Scripturam, beatam Virginem non esse conceptam in peccato ori­ ginali, quam asserere Ipsam fuisse simul beatam ct viatriccm ab Instanti iuœ con­ ceptionis vel sanctificatio­ nis. il est expressément contre la fol, de nier que tout hom­ me, cn dehors du Christ, ait contracté d’Adam le pé­ ché originel. Il est expressément contre la foi. de nier que la bien­ heureuse Vierge Marie, mère de Dieu, ait contracté le pé­ ché originel. Il n’est pas moins contre la sainte lîcri turc de dire qu’un seul homme, cn dehors du Christ, a été réellement exempt du péché originel, que d’étendre l’exemption à dix hommes. Il est plus expressément contre la sainte Écriture, d’affirmer que la bienheu­ reuse Viergen’n pas été con­ çue dans le péché originel, que d’affirmer qu’elle a été simultanément dons l’étnt de bienheureux ct celui de voyageur, dés le moment de sa conception ou de sa sanctification. 3° Lutte ouverte en France ct cn Aragon. — La modé­ ration relative dont les adversaires de la pieuse croyance avaient d’abord fait preuve, ne se maintint pas pendant la seconde moitié du xrv· siècle; un cer­ tain nombre donnèrent à leur opposition un caractère absolu ct agressif. Cc fut l’occasion de conflits reten­ Jean de Monzon ne se contentait pas de soutenir tissants, ccs propositions pour son propre compte ; il prétendait 1. Lutte en France : Jean de Monzon et runivenité les couvrir de l’autorité de saint Thomas, dont la de Paris, J3S7-1389. — Si l’on cn croyait Bernardin doctrine, déclarée véridique ct catholique par de Bustis, l’université de Paris sc serait, dès l’année Urbain VIH, avait été spécialement recommandée 1333, formellement prononcée cn faveur de l’immacu I cn 132G par l’évêque de Paris. D’où cette remarque lée conception : Determinavit quoque Universitas Paridu R. P. Mortier, op. cit., p. 622 : « L’imprudence de Jean de Monzon consistait donc principalement en siensis anno Domini 1333, Mariam matrem Dei per nullum instans uel momentum originali culpæ sub ccs deux points : déclarer hérétique l’opinion qui soutenait le privilège de l’immaculée conception ct jcctam, sed speciali privilegio ab omni macula immunem luisse præservatam. Mariale, Lyon, 1502, part. I, p. 32 : baser celte déclaration sur la doctrine de saint Tho­ Scrm., vin, de Cunccptiune Marin·. Nulle trace d’un mas. > La faculté de théologie fit examiner les quatorze pareil decret dans les registres de l’imlvcrsité, rcmar propositions, notamment celles qui concernaient la que Duplessis d’Argcntré, Collectio judiciorum, t. i a, bienheureuse Vierge. Sur son ordre, un de scs doc­ p. 335. L’n tel acte parait d’ailleurs inconciliable teurs, Jean Vital, franciscain espagnol, composa un avec l’attitude qu’elle tenait à cette époque. L'Alma mater laissait aux deux partis la liberté de leur ouvrage apologétique : De/ensorium B. Virginis Mariie, publié par Pierre de Alva, Monumenta antiqua opinion, exigeant seulement qu’on respectât la pieuse seraphim, p. 89 nulecla franciscana, t. n, (Qua­ croyance, adoptée par un grand nombre des maîtres. racchi, 1887), p. 217 sq H y traite, cn cinq livres, de Les théologiens franciscains qui enseignaient à la Justice originelle, du péché originel, de la pureté Paris sc tenaient dans la réserve voulue; ainsi originelle de la mère de Dieu des preuves de cette Pierre Phllargos ou de Gandic, le futur Alexandre V, pureté c» de b controverse actuelle, considérée du sc contentait, dans son commentaire sur le III· livre des Sentences, cn 1380, de présenter comme ^raisonnable point d· vue juridique. Deux sortes de questions sont parHrunér nv nt caractéristiques : d’abord, celles où la préférence donnée à la thèse immacullste : Dicam 10S5 IMMACULÉE CONCEPTION h- propositions do Jcnn de Monzon contre l'immaculée conception sont reprises, sous forme de problèmes, 1. IILq. x Utrum puritatem virginis Marlæ dicere non plisse originali obnoxiam, sit expresse contra /Idem ? et ainsi des autres, q. xn, xm, xiv ; puis, celles qui ont trail à l’autorité doctrinale de la faculté théologique cl de saint Thomas, 1. V, q. i : Utrum ad facultatem thcologiie pertinet doctrina Uter inquirere... ; q.v: Utrum doctrina sancti Tho mie de Aquino sit censenda sic veridica ct approbata, ut non ci liceat contraire? La sentence fut rendue le G juillet; d’un avis una nlme, plus de trente théologiens Jugèrent, cn cc qui concernait les quatre propositions relatives ù NotreDame, Cette doctrine est susceptible de deux interpréta­ tions très différentes. On peut entendre ce que dit Gerson, d’une révélation objective simplement nou­ velle, en sorte que les vérités ainsi manifestées ne seraient pas comprises, même implicitement, dans le dépôt antérieur de la révélation, dépôt qui, par le fait même, s’accroîtrait proprement au cours des siècles chrétiens. Alors il serait vrai dc dire que le célèbre chancelier aurait eu sur le développement du dogme des idées trop larges et maintenant inadmissibles. Concile du Vatican, const. De fide, c. iv ; Pic X, décret Lamentabili, prop. 21, Denzinger-Bannwart, Enchiri­ dion,η. 1800,2021. Maison peut entendre aussi cc que ditGcrson, d’une révélation plutôt subjective qu’objec­ tive, ou d’une révélation objective dans un sens relatif, c’est-à-dirc d’une manifestation dc vérités qui étaient dans la sainte Écriture, mais à l’état latent ou virtuel; alors il s’agirait moins dc la vérité prise en elle-même que dc la connaissance dc la vérité, ct la contenance implicite dc la vérité dans les sources dc la révélation ne serait pas exclue. Quoique la discussion soit possible à cause dc la comparaison établie entre Abraham, Moïse, les prophètes ct les apôtres, il semble pourtant que le second'sens soit le vrai, car Gcrson parle expressément d’interprétations ou dc sens de la sainte Écriture révélés, c’est-à-dire manifestés aux docteurs subséquents, ct la comparaison susdite ne porte expressément que sur la connaissance, plus grande dans ceux qui viennent après que dans leurs devanciers. Souvent, à ccttc époque-là, on rencontre cette idée dc révélation nouvelle, mais appliquée au jour même, ct non pas au caractère immaculé dc la con­ ception. Soit un exemple très frappant, d’après un office dc la Conception conservé à Rome, bibliothèque Vittorio Emmanuclc, ms. Sessor. 137-138 (11881189); bréviaire coté xiv· siècle ct dit dc Nîmes, exem­ plar unico. On y lit cc qui suit, aux leçons du pre­ mier nocturne, très courtes comme tant d’autres à la même époque : Crescente religione crisi iana Dei filius, via, veritas et vita, qui revelat secreta ct producit in lucem abscondita secretorum, ad edificationem ecclesie multa revelavit congruis temporibus sanctis viris, que in primitiva ecclesia erant occultata ct incognita fidelibus Christianis, | Qtiocircaquiadiesconcepcionis beate mane virginis ex secreto divini consilii per multa temporum curricula fuerat ortodoxis cristianis occultatus, voluil eum spiritus sanctus speciali privilegio honorare et congruis temporibus revelare, ut verbi prophetici veritas impleretur quo dicitur | Dominus revelabit condensaet in templo eius, id est in beata virgine, omnes dicent gloriam, 1093 IMMACULÉE CONCEPTION eius complete solennia celebrantes. Et vere diem con­ ceptionis huius templi sacratissimi, scilicet beate vir­ ginis, que est templum domini, sacrarium spiritus sancti, debuit dei /Ilius merito revelare. Il est bien clair que la révélation dont il s’agit ici, porte sur le jour infime dc la conception. C’est dans le même sens que Gerson dit, à la fin dc sa première considération : Post insti­ tutionem festi nativitatis sancti Joannis, nativitas Domina: nostne ordinata fuit per revelationem unius solius femina·, ct multa similia. Ce qui veut dire que l'institution de la fete de la Nativité dc Notre-Dame cut pour principe, il le suppose du moins, une révéla­ tion dont une femme aurait été grati liée. Mais autre chose est le jour où Marie fut conçue, autre chose est l'objet dc notre culte dans la fête de sa conception; par rapport à cet objet il y eut, d’après Gcrson, révé­ lation dans un autre sens, c’est-à-dire manifestation dc cct objet comme contenu virtuellement dans cer­ tains textes dc la sainte Écriture. Cette explication n’est ni nécessaire ni certaine, mais elle est soutenable, si on l'entend comme il a été dit ci-dessus ; car elle peut simplement signifier que, sous une illumination spé­ ciale, le sens d’un texte sacré peut, d’implicite ou dc virtuel qu’il était, devenir explicite. 2. Le mode de préservation. — Les défenseurs du glorieux privilège s’accordent tous à'écarter dc la bienheureuse Vierge non seulement le péché originel, mais encore le /ornes pcccali, la concupiscence con­ sidérée dans son principe : Nee originalem fomitem habuit serpentem, dit Pierre Thomas, Liber de innocentia V. M., 1. II, part. VI, c vin. Et Jean Vital, Dcfensorium, 1. Ill, q. v : A fomite penitus pricservata. Il devait en être ainsi, puisque celle bienheureuse Vierge ne fut pas inférieure en dignité à nos premiers parents constitués dans l’état d’innocence, quia jam non minoris dignitatis fuit beata Virgo quam primi parentes in statu innocentiiv, ajoute Paul de Venise, Quaestio de conceptione, § Item ex eodem sequitur. Gerson observe cependant, que si le foyer du péché n’exista jamais en Marie, il ne s’ensuit pas qu’elle jouit sim­ plement dc la justice originelle. Serm. de Conceptione, part. III, 5· consideratio. Chose évidente, si l’on prend la justice originelle dans toute son extension, puis­ qu’elle comprenait, outre la grâce sanctifiante ct l’immunité par rapport à la concupiscence, d’autres dons, tels que l'impassibilité ct l’immortalité. 11 n’y a pas la même unanimité quand il s’agit d'expliquer comment la mère dc Dieu fut préservée du péché originel. La doctrine de saint Anselme sur la nature ct les rapports mutuels du péché originel ct dc la concupiscence, doctrine acceptée par saint Thomas ct Duns Scot, était devenue celle du plus grand nombre, celle d’Auriol, dc Pierre Thomas, dc François dc Mayronnes, dc Pierre dc Gandlc, etc. Quelques-uns, cependant, maintenaient la théorie dc la chair infectée par une empreinte morbide ou par une qualité positivement vicieuse, provenant dc la concupiscence des parents. Dc là naissaient des diver­ gences sur la manière dont s’opéra la préservation dc la Vierge. La bizarre théorie dc la particula sana se retrouve dans le sermon dc Jean de Mandeville; il compare cc germe sacré à une perle précieuse ct incor­ ruptible, illam pretiosam margaritam incorruptibilem, déposée dans la chair du premier homme ct destinée à sc transmettre intacte dc génération en génération jusqu’à Marie. Les explications courantes sont ramenées au nombre dc quatre par Pierre de Gandic. Quelques-uns affirment une purification du germe infecté, per infec­ tionis purgationem ; purification faite soit au moment de la première conception, soit plus tard, avant l’union dc la matière ct dc l’âme raisonnable. D’autres sup­ posent le retranchement ou la suspension, dans Je 1094 germe transmis, dc toute vertu ou influence corrup­ trice, per causalilatis ablationem sive suspensionem. D’autres ont recours à un privilège spécialement accordé à saint Joachim ct à sainte Anne, per spe­ cialem privilegii concessionem ; cc qui peut s’entendre dans cc sens général, que Dieu leur aurait accordé un fruit immaculé, comme récompense d’un acte accompli purement en esprit dc foi ct d’obéissance, ou dans cc sens spécial, que l’acte même dc la géné­ ration aurait été soustrait à la loi commune de la concupiscence. Ces trois explications étaient manifes­ tement dépendantes, dans l’esprit dc leurs partisans, dc l’ancienne théorie sur la nature dc la concupiscence ct son influence positive ct physique dans la trans­ mission du péché originel. Il en est autrement dans la ■ quatrième admise par Aurlol, François dc Mcyronnes, Pierre de Gandic ct le plus grand nombre; il suffit d’affirmer une dispense dc la loi commune accordée non aux parents, mais à la Vierge elle-même au pre­ mier instant dc sa conception, per simplicem dispen­ saiionem in primo instanti suæ conceptionis; en vertu dc ccttc dispense, Marie est préservée du péché ori­ ginel par le fait même qu’à cc moment-là son âme est ornée de la grâce sanctifiante. Ceux qui soumettent la conception première de la Vierge aux conditions ordinaires de la generation humaine dans l’ordre actuel, insistent souvent sur la nécessité de cc fait pour qu’il y ait, de la part dc Marie, un besoin réel dc préservation ct dc rédemption : Si non fuisset concepta ex semine et in libidine concupis­ centia:, fuisset immunis ab ira, de ture, et sic non indi­ guisset reconciliatione. Aurlol, Tractatus, c. vî, ad 7UXU, édit. Quaracchi, p. 90. C’est dans le même ordre d’idées que sc placent Paul dc Venise, quand il dit : • Selon la chair Marie a été conçue dans le péché ori­ ginel, > § Dicendum est ergo; ct François dc Mcy­ ronnes quand il concède que dc Marie réellement préservée du péché originel, on peut dire avec les saints docteurs qu’elle l’a contracté d’une certaine façon, q. n, a. 4 : Quod hoc non obstante potest dici quod beata Virgo, propter dictum sanctorum, peccatum ori­ ginale contraxit aliquo modo. Il veut dire qu'elle l*a contracté en droit ou à considérer la façon dont elle a été conçue : quia, quantum fuit de sc, precatum ori­ ginale habuit. Considérations dont le plein dévelop­ pement rentre dans la question du debitum peccati en Marie; question qui n’était pas encore traitée ex professo au xrv· siècle, mais qui le sera plus tard. Pour les sources principales dc celle synthèse htstorico-théologique. qui est dc facture personnelle, voir 1rs ouvrages de Pierre dc Alva ct autres cités ci-dessus, col. 1083. 5° La fête de la Conception au x/r9 siècle. — La réaction scotistc ne pouvait que favoriser le progrès du culte. Cc progrès fut tel qu’à la veille du concile de Bâle, la fête était célébrée pour ainsi dire univer­ sellement, célébrée même par ceux qui rejetaient l’immaculée conception; circonstance qui nous aver­ tit dc ne pas oublier la distinction déjà signalée entre l’existence de la fête ct son objet. 1. Diffusion du aille. — Celte question est secon­ daire, maintenant que les témoignages abondent : témoignages généraux ou témoignages particuliers, qu’il suffira d’indiquer brièvement, hors les cas d’inté­ rêt spécial. a) Témoignages généraux. — Nous trouvons un indice manifeste du développement cultuel dans les sermons sur la Conception, de plus en plus fréquents, ct dans les nombreux traités sur le même sujet, car beaucoup furent écrits pour défendre la fête ou légitimer son objet, cl dans les autres la question vient presque toujours, incidemment. Notable est l’apport fourni par les ordres religieux dc caractère internatio- 1095 IMMACULÉE CONCEPTION nal ct regis en même temps par des chapitres géné­ raux ayant pouvoir de formuler des ordonnances communes; tous ccs ordres suivent peu à peu l’exemple donné, aux siècles précédents, par tant de monas­ tères bénédictins, ct, plus récemment, par l’ordre fran­ ciscain. Les cannes adoptent la fête dès le commen­ cement du xn · siècle, peut-être en 1306,au chapitre de ToulouseA oirt.in.col. 1788; B. Zimmerman, Ordinaire de ΓOrdre de Notre-Dame du Mont-Carmel par Sibert de Beka (vers 1312). Paris, 1910, p. 2G7, sq.; P. Doncœur, toc. cit., p. 45 (281). Les prémontrés suivirent dc près les cannes, s’ils ne les précédèrent pas, comparer Mabillon, Sancti Bernardi opera, Paris, 1690, t. î, col. lxi, n. 140, ct S. Bcissel, Geschichte der Verehrung Mariens in Deutschland ivahrend des Mittelalters, p. 211; Geschichte der Verehrung Mariens im 16. und 17. Jahrhunderlen,p. 22G. Une ordonnance du chapitre général des chartreux, en 1333, établit la fête. Voir t. n, col. 2303. Elle existait certainement chez les trinitaircs, les servîtes ct autres ordres. Les domini­ cains eux-mêmes l’instituèrent, quoi qu’il en soit du sens donné : en 1388, pour l’obédience d’Avignon, au chapitre de Rodez; en 1391, 1391 ct 1397, pour l’obédience dc Rome, aux chapitres de Perrare, Rimi­ ni ct Francfort. R. P. Mortier, op. cit., t. ni, p. 631 sq., 615. En somme, sur la fin du siècle, les ordres reli­ gieux s’étalent ralliés nu culte de la Conception. b) Témoignages particuliers. — a. Angleterre. — En 1328, dans le concile tenu à Londres sous l’arche­ vêque Mcpham, la fête fut déclarée obligatoire pour la province ecclésiastique dc Cantorbéry, et par consé­ quent pour la plupart des diocèses anglais : festive et solemniter de cœtero celebretur. Wilkins, Concilia magnm Britanniie et llibernüe, Londres, 1737, t. n, p. 552. Aussi figurc-t-ellc sur le catalogue des fêtes chômées dressé vers l’an 1400, par l’archevêque Richard Arundel. I L Spelman, Concilia, decreta, leges, constitutiones orbis britannici in rc ecclesiastica, Londres, 1644, t. n, p. 659. York ne resta pas en arrière, puisque la messe de la Conception figure au célèbre missel dc ccttc Église, dans la partie qui date au moins du xiv· siècle : The York Missal, édit. Henderson, Durham, 1872, t. n, p. G. En Irlande, la fête fut établie pour toute la province ecclésias­ tique dc Dublin par l’archevêque Jean dc Saint-Paul, dans un concile provincial tenu l’an 1351. b. France. — On n’y rencontre pas encore d’or­ donnances prescrivant la célébration dc la fête d’une façon générale, mais le progrès suit une marche constante, comme on peut en juger par la simple énumération d’endroits indiqués par Mgr Malou, 1.î, p. 122 sq., où il s’agit d’institution ou dc confir­ mation ou dc simple mention dc la fête; Châlonssur-Marne, 1306; Cambrai avec ses suffragante, 1310; Orléans, 1317; Soissons, 1334; Langrcs et Albi,1337; Meaux, 1356; Strasbourg, 1364 ; Lavaur, 1368; Annecy 1370. Énumération très incomplète ct, par là même, impropre à donner une Idée suffisante du progrès accompli. Pour s’en convaincre, Il suffit de recourir aux documents liturgiques étudies par le P Noyon, voir col. 1012; de son enquête, inachevée pourtant, il résulte que sur environ G l manuscrits consultés ou signalés, 56 ont la fête, soit mentionnée au calendrier, soit mise à son rang, avec simple renvoi à la Nativité ou avec office propre, en tout ou en partie. Beaucoup de ces pièces ne font que confirmer des données ac­ quises déjà; tel est le cas, en général, pour celles qui se rencontrent dans les bibliothèques de Paris ou de Normandie ct qui concernent des églises dc cette ville ou de celte province. A Γoccasion, tel document a sa valeur particulière. Ainsi, nous apprenons qu’en 1327, Hugues Micheli dc Besançon, évêque de Paris, sc rendit au chapitre de sa cathédrale ct manifesta Γin­ 1096 tention dc faire dc la Conception une fête annuelle ct pontificale, ct les chanoines d’accepter avec d’au­ tant plus d’empressement que, suivant leur remarque, le prélat aurait plus à mettre du sien qu’eux-mêmes en ccttc afïairc : 1327. Bev. I). D. Hugo par ep. venit ad capitulum parisiense, ct dixit quod ipse volebat quod festum conceptionis esset annuale et dies episcopalis, et cantori us et capitulum respondit quod ipse hoc volebat quia plus dc suo in hoc opere debebat ponere quam ipsi. Archives nationales, LL, 283, p. 17. Par là s’expli­ quent les formules de bénédiction épiscopale pour la fête dc la Conception, qui apparaissent dans les pontificaux parisiens de date postérieure, par exemple ms. lat. 962 ct 961 dc la Bibliothèque natio­ nale. Des bréviaires conservés dans les divers fonds de la capitale rendent témoignage à d’autres régions : Châlons-sur-Marne, Chartres, Limoges, Meaux, Metz, Noyon, Orléans. Aux archives du chapitre dc Baycux, un missel ct pontifical d’Etienne Loypeau, qui monta sur le siège de Luçon en 1388, contient, pour le jour dc la Conception, une bénédiction dont l’air de parenté avec celles que nous avons rencontrées aux siècles précédents est frappant : Omnipotens Deus sua vos di­ gnetur protectione benedicere, qui hunc diem per concep­ tionem beate Marie fecit clarescere. Amen. Et qui per eam filium suum voluit nasci, eius intercessione ab omni vos faciat adversitate deffendi. Amen. Quo in present i eius meri lis ct precibus ad i uli sempiterna valeatis gratanter felicitate per/rui. Amen. D’autres diocèses, comme Nantes, Tours, ct, dans le midi, Avignon, Auch, Causerons, Tarbes, trouvent dans leurs propres archives des preuves dc leur ancien culte envers la conception dc Marie. Nîmes semble dc voir être ajouté, d’après le manuscrit signalé col. 1092. Sans compter les ordres religieux, dont la part est riche : bénédictins, de Cluny ou dc Saint-Maur, célcstlns, dominicains, guillclmitcs, mathurins ou trinitaircs, représentés par des bréviaires ou des missels dans les diverses bibliothèques dc Paris; cisterciens, par un missel dc Morlmond, à la bibliothèque dc Chaumont; prémontrés, par un martyrologe dc Mondaye, au chapitre dc Baycux; en outre, d’après les Analecta hymnica, t. i.iv, p. 278, le Mont Saint-Michel et Fontcvraull, l’un par un missel et l’autre par un graduel, biblioth. d’Avranches et dc Limoges. Avec le culte sc développe la dévotion des fidèles envers la conception dc Marie; à preuve, l’établisse­ ment à Paris, d’une confrérie sous cc vocable dans l’église dc Saint-Séverin, dès 1311 ou du moins avant 13G1. Lcsètre, op. cil., p. 38. Panni les étu­ diants de l’université, l’exemple donné nu siècle précédent par la nation normande est imité : la fête dc la Conception est adoptée par la nation an­ glaise, en 1376, Auctarium Chartularii, t. I, p. 481, cl par la nation française, en 1380. Chartularium, t. n, p. 297. L’université elle-même célébrait la fête, comme on le voit par un calendrier en usage au Xlv· siècle : Deccmb. 8. Conceptio sancte Mane vir­ ginis. Non legitur in aliqua facultate. Chartularium, L n, p. 715. L’usage était certainement antérieur à n fin du siècle; dans les conclusions de son Com­ pendium veritatis immaculatic conceptionis, composé vers 1390, François Martin reproche aux anciens étudiants de Puni vers! té qui ont juré d’en garder les statuts, dc manquer à leur serment, s’ils ne font pas la fête de la Conception, vu que c’cst là un point des statuts : patet, quia de hoc est statutum in studio Parisiensi. Mais de quelle époque datait l’usage? Dès le milieu du siècle, Ludolphc Caracciolo fait allusion, loc. cil., à des statuts relatifs à la fêle, qu’il veut observer : et quta juratus Universitati Part· slcnsl, ipsius statuta servare cupiens, huius saerx 1097 IMMACULÉE CONCEPTION conceptionis festum denote festinare cupio. Dix ans plus tôt, Jean Bacon affirme que la fêle sc célèbre en vertu d’un statut et que des discussions sur ce sujet avaient précédé, il n’y avait pas beaucoup d’années, dans les universités de Paris, d'Oxford ct dc Cambridge : Non u multis annis disputatum est inter theologos in universitatibus Paris iens i, Oioniensi et Cantabri· glensi,el ubique determinatur quod sanctum est concep­ tionem beatie Virginis celebrare habito respectu ad cius sanctificationem, et in didis Universitatibus celebra­ tur per statutum, /n 1 V Sent., L IV, dist. 11, q. iv, a. 3. Enfin, en 1314, Pierre Auriol affirme la célébration de la fêle par l’université de Paris, comme un fait notoire, bien connu du pape ct de toute sa cour : Sed clarum est quod dominus papa ct cardinales et romana ecclesia sciverunt diu et notor te cognoverunt, quod ecclesia anylicuna et Normanniæ et universitas studii Par is iens is ac multor ecclesia, quæ subsunt do­ mino papæ, cete brant festum conceptionis. Tractatus de Conceptione, c. v, Quaracchi, p. 72. Nous remon­ tons ainsi Jusqu'aux débuts du siècle. L’adoption de la fete par l’université sc rattacherait-elle, comme cer­ tains le prétendent, au triomphe dc Duns Scot à Paris? Simple conjecture. c. Belgique ct Hollande. — Dc nouveaux noms s’ajoutent, pour le second de ccs pays : Utrecht, 1327 ; Deventer, 1337; Gueldre, 13GG; Hollande (comté), 1351. Van Noorl, Tract, de Deo redemptore, Amster­ dam, 1910, p. 179, note 3. En outre, un missel prove­ nant dc Maastricht et conservé A la bibliothèque des bollandistes, contient une messe propre dc la Con­ ception, d’après Spevhnan qui cite, pour la Belgique, Tongrcs, 1383, ct l’ancienne abbaye bénédictine dc Saint-Gérard, près do Namur, riche d’un bréviaire avec office propre dc la fêle. Belgium Marianum, p. 2G3, 288. d. Allemagne et Autriche. — Kellner, op. cit., p. 195, signale l’introduction officielle dc la solennité dans plusieurs diocèses importants, aux dates sui­ vantes : Mayence, 1318; Trêves, entre 1318 ct 1343; Paderborn, 1343; Munster, 1350; Brixen, 1399. S’il n’en est pas encore dc même pour Cologne, on trouve pourtant la fête mentionnée dans un calendrier. Beaucoup plus nombreux les noms dc villes ct d’an­ ciens monastères qui ont fourni des hymnes sur la Conception aux Analecta de G. Drcves : Vienne, t. iv, p. 42; t. v, p. 53; Salzburg, t. xv, p. 44; t. ui, p. 39; Lambach (bénéd.), 1 lohcnfurt (cisicrv.), t. iv, p. 42, 4G; I Tague, Gracovic, Tcpl en Bohême (pré­ mont.), Lilicn field (clstcrc.), Vorau en Styric (august.), Furstenzell en Basse-Bavière (clstcrc.), Raigcrn en Moravie (bénéd.), t. v, p. 47, 51, 53, 57; Brixen, brév. dc 1372, l. ix, p. 45; Reichenau (bénéd.), t. xxxii, p. 87, 177; Bamberg (domin.), S. Vincent dc Breslau (prémont.), brév. dc 1315 ct missel de 1407, t. xxxiv, p. 61; S. Biaise (bénéd.), Constance, Franc­ fort, t. lu, p. 40, 41, 42; Crancnbcrg, en Prusse, t. uv, p. 281. Dc telles épaves ne supposent-elles pas, manifestement, un culte fort répandu? c. Espagne et Portugal. — D’après un témoignage rendu en 1849 par Mgr Antoine da Fonseca Moniz, évêque de Faro, la reine Elisabeth dc Portugal aurait fait bâtir A scs frais, vers 1320, une chapelle dc la Conception dans le couvent des trinitaircs à Lisbonne ct sc serait employée avec une pieuse ardeur à promouvoir la fêle. Parer! de* Vescuid, Rome, 1851, t.i, p. 509. L’Espagne nous fournit des renseignements plus nombreux ct plus précis, surtout pour le royaume d’Aragon. A (drone, en Catalogne, la fêle fut intro­ duite A la cathédrale par délibération capitulaire, le 17 avril 1330. Droves, Analecta, t. xvn, p. 25. En Roussillon, alors rattaché h l’Espagne, Guy dc Perpi­ gnan, devenu évêque d’Elnc, l’établit dans son dio­ 1098 cèse, vers 1337. Don cœur, loc. cit., p. 38. Dans un synode tenu en 1378, Lopez Fernandez dc Luna, archevêque dc Saragossc, en fait une fêle d'obligation. J. Mir, Di inmaculada conccpeiôn, p. 112. La munici­ palité dc Barcelone prend, dc sa propre initiative, la même mesure en 1390. Dc son côté, le roi Jcanl* règle que la solennité sc célébrera désormais chaque année â sa cour, centre delà confrérie royale dc < Notre Dainc sainte Marie, » fondée dès 1333 ct placée en­ suite sous les auspices dc l’immaculée. L’œuvre est complétée, dans la pragmatique déjà citée du 14 mars 1394, par l’extension dc la fête au royaume d’Ara­ gon ct, d’une façon spéciale, à la principauté dc Girone, Je 5 décembre de l’année suivante. F. Fila, Tres discursos, p. 43, 48, 59, 63, GG. En dehors du royaume d’Aragon, un bréviaire contenant un office propre de la Conception apparaît aux archives capi­ tulaires dc Lu go, en Galice. Drcves, Analecta, t. xxiv, p. 64. En Castille, Jean Alphonse de Valladolid, d’abord abbé de Salis, au diocèse de Burgos, puis évêque dc Siguenza (sans doute, Jean dc Sorronto, 1390-1402), célètrc la fête avec grande solennité, d’après un document contemporain. C. M. Abad, Ei culto de la immaculada concepciôn en la ciudad de Burgos, Madrid, 1905, p. 21, 163. Ainsi, le culte de Γ Immaculée commence-t-il à prendre son essor dans un pays où il aura bientôt tant d’éclat. f. Italie. — En Sicile, Jean des Ur&ins, archevêque de Païenne, de concert avec deux autres métropolitains et neuf évêques, accorde le 13 août 1323, une indul­ gence aux fidèles qui visiteraient l'autel de sainte Catherine de Palermo aux fêtes dc l’Assomption, dc l’Annonciation, de la Nativité, dc la Conception, et dc la Purification de la Vierge. Piazza, op. cit., AcL m, n, 107, p. 151. Pour l’Italie continen­ tale, d’autres témoignages sc présentent. Alvare Pelage, écrivant vers 1330, nous apprend qu’il a prêché à Rome, dans l’église dc Sainte-Marie Majeure le 8 décembre, en la fête qu’il dénomme (nous verrons bientôt pourquoi) dc la sanctification dc Marie : cam ibi praedicarem in ipso festo sancti­ ficationis, quod fit in decembrt ante festum natalis per XV dies. De planctu Ecclcsite, 1. II, a. 52. Voir col. 1099. Boncore di Santa Vittoria (1340) confirme l’existence du culte par les hymnes de Conceptione B. Μ. V. contenues dans son Novus liber hymnorum ac orationum, ms., conservé aux archives du chapitre dc Saint-Pierre dc Rome. Drcves, Analecta, t. xu, p. 211 sq. Les ordres monastiques ajoutent leur apport. A 1*Ambrosiana dc Milan, missel dc carmes, signalé par Mgr Battandier dans la revue NotreDame, P· année, Paris, 1911, p. 43. A Padoue, bré­ viaire romano-franciscain, Analecta hymnica. t. xxm, p. 58. A Rome, bréviaire franciscain, Valliccllanat ms. 1157 (coté xu· siècle, mais certainement posté­ rieur); pontifical ct missel du même ordre, avec for­ mule de bénédiction épiscopale in festo conceptionis beate Marie, Vat. lat. 4743, fol. 395; bréviaire secun­ dum rubricam novam ordinis monachorum, proba­ blement cistercien, A la bibliothèque Vittorio Emmanuclc. Ms. Sessor., 146 (1411); missel, secundum usum Romane curie, A l’usage de l'abbaye bénédictine dc Farfa, écrit entre 1352 cl 1370, A la même biblio­ thèque, Ms. Farfensi 12 (132). Deux autres bréviaires bénédictins se rattachent, l’un A Saint-Pierre dc Pé­ rouse ct l’autre, dc 1326, A Pise. Analecta hymnice, t. xxm, p. 59, 60. En fin .a Bibliotheca Casinensis, t. iv, Mont-Cassin, 1880, nous révèle deux ou trois autres documents : dans le codex CXClll, p. 100, deux calendriers, dont l’un A l’usage des frères mineurs de la province de Naples, mentionnant la fête dc la Conception, cf. Florlgerium, t. iv, p. 231 246; dans le codex CXCV11I, p. 118, un Breviarium 1099 IMMACULÉE CONCEPTION seu ordo recitandi officium, provenant du monastère dc Sainte-Marie dc Albancta* près du Mont-Cassln ; ce bréviaire, coté xn· siècle, n’a pas la fête, mais au début on a cousu au xiv· siècle, sinon au xm*,dcux feuilles qui contiennent la légende dc l’abbé Elsln distribuée en huit leçons pour usage liturgique. Voir, pour additions semblables, dom Suitbert Bitumer, Histoire du bréviaire, trad. Biron, Paris, 1905, t. n, p. 61, note 3. g. Cour pontificale. — Plusieurs des documents liturgiques qui viennent d’être cités, en particulier le Breviarium romano-tranciscanum dc Padoue ct le Missale secundum usum romane curie de Farta, contenant l’un un office ct l’autre une messe de la Conception, semblent prouver indirectement l’exis­ tence de la fête à la cour romaine dans la seconde moitié du xiv· siècle. Mais, à supposer qu’elle soit légitime, cette conséquence ne suffit pas pour nous apprendre à quelle époque précise ni dans quelles conditions la solennité s’y était introduite. Les re­ cherches du P. Doncœur, art. cit., ont jeté beaucoup de lumière sur ce point, mais il reste encore des ombres. H ne semble pas qu’on puisse attribuer au pape Jean XX 1(1276) l’insertion dc la fête au calen­ drier, ni à son successeur Nicolas III (1277-1280) une acceptation implicite par adoption du bréviaire franciscain qui, dès lors, aurait contenu cette solen­ nité. L’hypothèse n’est pas conciliable avec l’atti­ tude des adversaires ni avec celle des défenseurs. Vers 1320, Jean de Naples affirme aussi nettement que saint Thomas, un demi-siècle plus tôt : « L’Église romaine ne célèbre pas la fête de la Conception. > Quodl., VI, q. xm. De même, une dizaine d’années plus tard, Alvare Pélage : < L’Église romaine ne célèbre pas la fête dc la Conception, bien qu’elle permette de la célébrer ailleurs; elle ne l’approuve pas, parce que l’idée de permission exclut celle d’approbation. ■ Dc planctu Eclcsiœ, loc. cil., col. 1098. En face dc dénégations si expresses. que font les partisans de la fêle ? Ils ne s’inscrivent pas en faux contre l’assertion : ou ils ne la relèvent pas, comme Auriol dans son Tractatus, ou ils sc contentent dc ramener le fait à scs justes proportions, comme le même auteur dans son Renereussorium, concl. vin, Quaracchi, p. 150 : « Si l’Eglisc romaine ne célèbre pas la fête de la Conception, elle ne l’a pourtant pas en abomination ct elle ne la méprise pas, non tamen abominatur vel contemnit. > Elle fait même davantage; elle la permet, comme on le voit, en beaucoup d’en­ droits : Licet non faciat Ecclesia romana, tamen per­ mittit, ut apparet in ecclesiis solemnibus et cathedralibus, ut Lugduni, el in Anglia, cl in multis aliis locis. In IV Sent., 1. IV, dist. Ill, q. i, a. 5. L’au­ teur anonyme du sermon Audite somnium meum, écrit vers 1330 ou peu après, sc contentait .également dc faire appel à la tolérance dc T Église romaine : Ipsa sustinet celebrari festum Conceptionis. Pierre de Alva, loc. cit., p. 213. Bientôt le ton change. Thomas dc Strasbourg rencontrant sur son passage l’objection tirée de la glose Pronuntiandum, voir col. 1307, répond : < A sup­ poser que ces paroles sc trouvent réellement dans cette glose, en fait elles sont maintenant abrogées, puisque la sainte Église romaine a coutume dc célébrer solennel­ lement la fête de la glorieuse Vierge. In IV Sent., 1. Ill, dist. III, q. i, a. 1. A la même époque, entre 1340 ct 1345, Jean Bacon est encore plus explicite : il invoque, en faveur du culte attaqué, un usage dc la cour romaine public ct de longue durée, publica et diuturna consuetudine celebratum est hoc festum in cuna romana. Chaque année la fete sc célèbre dans le couvent des cannes; il y a messe solennelle ct sermon, auxquels assiste la cour romaine, y compris 1100 la vénérable congrégation des seigneurs cardinaux; ct cet état dc choses a existé sous plusieurs pontlIlcats, ct hæc duraverunt (empore multorum romanorum pontificum, au vu cl au su des papes ct du siège apostolique, d’où l’on peut conclure que c’est là une dévotion sainte ct catholique. In IV Sent., 1. IV, dlst. ι L q. IV, .! 3 Quelque événement notable était-il survenu? Beau­ coup d’auteurs racontent qu’à la suite d’une discus­ sion entre les frères prêcheurs et les frères mineurs Jean XXII sc serait, en 1325, prononcé en faveur det derniers et qu’il aurait scellé son approbation par un reserit enjoignant dc célébrer la fête avec plus dc solennité dans sa chapelle ct dans la ville d’Avignon. Mgr Malou, t. i, p. 55, d’après T. Strozzi, Controv. della concezione, 1. V, c. ni, Païenne, 1703. D’autres prétendent qu’il aurait même approuvé la pieuse croyance en ccs termes : Omnes /alemur cum Gabriele Mariam plenam gratia; cum ergo gratiæ sinl ampliandæ secundum leges et canones, Mariam sine originali peccato assero conceptam, et eius festum conceptionis iudico esse celebrandum. Ainsi lisons-nous dans le Cronodromus, petit traité en faveur dc l’immaculée conception composé par un bénédictin anonyme, à une époque incertaine, mais probablement antérieure au concile dc Bâle. « En conséquence, continue cet auteur, à partir dc cc temps-là, comme le rapportent nos ancêtres, ut a maioribus traditur, la cour pontificale ct, par suite, l’Églisc universelle célèbre pieusement la conception dc la glorieuse Vierge. » Pierre dc Alva, Monumenta antiqua ex variis anilioribus, 1.1, p.555 sq. Malheureusement, tout ce récit sc présente sans garanties suffisantes dc véracité. Une affirmation doctrinale dc l’immaculée conception par Jean XXII paraît d’ailleurs peu vraisemblable quand on songe à scs sentiments personnels sur la question. Voir col. 1080. En cc qui concerne la fête, si un acte aussi formel avait eu Heu, comment comprendre le silence de scs défenseurs, sous les pontificats dc Benoît XII ct dc Clément VI, sur un point dc telle importance? Et comment comprendre, en particulier, que dans le sermon qu’il prêcha le 8 décembre 1342 dans l’église des cannes, Richard Fitzralph sc soit cru obligé à tant dc réserve ct tant dc ménagements? Ni Thomas de Strasbourg, ni Jean Bacon, ni aucun autre contem­ porain ne parlent d’une fête dc la Conception qui aurait été célébrée alors dans le palais pontifical; ils parient seulement dc l’assistance aux cérémonies dans l’église des carmes : A multis temporibus consue­ verunt in romana curia visitarc conventum nostrum in festo Conceptionis gloriosæ Virginis, dit encore vers le milieu du siècle Jean de Hildesheim, De prin­ cipiis ordinis carmelitarum, c. xiv. Beste donc que, s’il y a eu quelque intervention dc la part dc Jean XXII, elle n’a pas dû aller au delà d’une simple permission ou, tout au plus, d’une approbation d’ordre pratique, d’où serait résulté un essor plus grand du culte. On est ainsi amené à distinguer deux phases dans l’attitude des souverains pontifes. D’abord il y eut tolérance; tolérance non pas purement négative, comme celle dont les papes firent preuve en ne pros­ crivant pas le culte, mais tolérance déjà positive, parce que jointe à des actes. Cette phase avait réelle­ ment commencé quand la cour pontificale, sc trou­ vant temporairement à Anagnl, assistait à la fête du huit décembre dans la cathédrale. Boniface VIII (1291-1303) accentua encore ccttc attitude bien­ veillante en accordant à scs compatriotes des indul­ gences pour ccttc solennité : Eodem die Bonifacius P. P. octavus fecit remissionem perpetuam 8 annorum et 40 dierum. P. Doncœur, loc. cit., p. 25 (699), d’après un recueil ms. de la bibliothèque d’Anagnl. Quand 1101 1Μ Μ A C U L i; E CONCEPTI O N 1102 Clément V cul quitté Rome pour Avignon, h cour ■ 2. Objet de la fête au XfT· siècle. — La controverse pontificale sc mit à fréquenter l’église des cannes le relative au glorieux privilège a nécessairement Ici huit décembre, mais d’une façon habituelle, puis­ son contre-coup. Ceux qui rejetaient le privilège qu’elle était provisoirement fixée sur les bords du ou qui en doutaient et ceux qui l’admettaient ne Rhône; ct peut-être ccttc seule considération suffi­ 'pouvaient pas entendre la fête de la même manière. rait-elle pour expliquer les témoignages les plus an­ Divers groupes sont à distinguer. Iuï premier com­ ciens, ceux qui datent des ponti deals dc Jean XXII, j prend ceux qui rapportaient la fête non ù la concep­ de Benoit XII ct de Clément VI, car dc quelqu’un tion, mais â la sanctification dc Marie. Tels les frères qui assiste publiquement à une solennité, on peut prêcheurs, dont Durand était le porte-voix, quand dire en un vrai sens qu’il la célèbre. | ! il disait, /n IV Sent., 1. Ill, dist III, q. i, n. 14 : Vint un moment où la fete s'introduisit dans la < Ou c’est à tort qu’on célèbre cette fête, ou c’est cour ponti ileale elle-même. Cette seconde phase com­ à tort qu’on l'appelle fête de la conception... Il mença certainement pendant le séjour d’Avignon, faudrait dire fête de la sanctification. > La solennité mais à une époque qui n’a pas encore été nettement instituée en 1388 au chapitre général de Rodez déterminée. On peut citer quelques livres liturgiques I n’eut pas d’autre signification; les capitulaires décla­ qui ne sont pas sans relation avec la cour romaine : rent que, certains s'efforçant d'honorer la bienheu­ par exemple, trois ou quatre à la bibliothèque d’Avi­ reuse Vierge sous le vocable dc la conception, eux gnon, voir Doncœur, loc. cit., p. 27(701), le Breviarium l’honoreront aussi, mais sous le vocable de sa véri­ romano-franciscanum de Padoue ct le Missale secun­ table innocence ct dc sa sanctification: quam nonnulli dum consuetudinem romane curie dc Paria, indiqués sub CONCEPTIOSIS nomine honorare conantur, nos sub col. 1099; mais, ouilssontdcla fin du siècle, ou ils n’ont nomine vere innocent ie cl SAfCT/riCAT/osis ipsam pas dc date précise. En tout cas, rentrée à Rome, la potius honoremus. Deni fle, Chartularium, t. m, η. 1562, cour pontificale garda l’usage qu’elle avait adopté. ρ. 500; R. F. Mortier, op. cit., t. in, p. 632. Les théoGilles de Bellemcr écrit, en 1385, qu’il y a vu la fête I logions franciscains qui, dans la première moitié dc la Conception célébrée, Λ la connaissance ct du du xiv· siècle, n’admettaient pas la pieuse croyance, consentement du pape, sciente et permittente romano acceptèrent le même interpretation; Alvare Pélage pontifice, par les cardinaux, les prélats et autres per­ prétendait la confirmer par une oraison qu’il avait sonnages, en même temps que par tous les ordres entendu chanter à Rome, le 8 decembre, dans l’église religieux, à l’exception des dominicains. In cap. de Sainte-Marie Majeure ct dont il cite le début : Conquest, dc feriis, nnn. 1385. Quelques années plus Deus qui sanctificationem Virginis, etc. De planctu tard, François Martin donne des détails plus précis Ecclesiae, loc. cit. Jean dc Torquemada, Tractatus encore dans son Compendium veritatis immaculatae de veniale conceptionis, part VI, c. xiv, allègue à conceptionis. Il nous dit que la fête de la Conception son tour quelques passages tirés d’un office dc l’église de la bienheureuse vierge Marie sc célèbre à la cour dc Gironc, en particulier ccttc oraison : Concede nos, romaine, fil in curia romana; il y a sermon auquel quzesumus, omnipotens Deus, ut qui sanctificationem les seigneurs cardinaux assistent chaque année. conceptionis beatar Mariæ semper virginis in alvo Ailleurs : < Celte fête est célébrée avec solennité sux matris a te faciam commemoramus in terris... par le souverain pontife ct par les seigneurs cardi­ Autorité à laquelle il joint, part. IX, c. x, celle des naux; dans leurs chapelles on fait l’ofilcc de la fête dc chartreux : Hic autem modus celebrandi festum sub la Conception, ct in eorum cappclKs fit officium de festo nomine sanctificationis huiusque observatus manet conceptionis. » Et encore : « Il est d’usage dc célébrer 1 apud integerrimum et sacerrimum Cartusiensem orcette fête, partout où le pape sc trouve, ct alors I dinem. c’est jour férié, bien que celte Jâ(e ne soit pas inscrite au Ces divers témoignages sont d’inégale portée ou canon, quampiam hoc festum non ponatur in canone* > d’inégale valeur. Nul doute sur le sens que les frères Pierre de Alva, loc. cit., p. 55, 93, 138. Cette dernière prêcheurs attribuent à leur fête de la santification, assertion est confirmée par un fait. Quand les papes puisqu’ils opposent la sanctification de Marie à sa dc celle époque, par exemple, Clément VI en 1348, conception souillée par la faute originelle. Il sc peut Benoit XIII en 1103 et même Eugène IV en 1133, que l’oraison dc Sainte-Marie Majeure suppose la ont l’occasion de parler des fêtes principales dc même Interprétation, mais il ne suffit pas d’un simple Notre-Dame, ils n’en énumèrent que quatre, cl mot, capable de plusieurs acceptions, pour permettre la Conception n’est pas du nombre. Doncœur, lue. de porter un jugement sérieux. Autre est le cas dc cit., p. 27 (701), note 2. Gironc; aux citations faites par Jean de Torquémada Nous verrons plus tard quel parti Jean dc Torqué- s’ajoutent les fragments publiés par G. Dreves, madn essaiera dc tirer de celte circonstance. Disons d’après deux bréviaires dont l’un est daté dc 1339, seulement Ici qu’à défaut d’une insertion officielle Analecta hymnica, t. xxxiv, p. 65, ct l’autre coté au canon, il y avait, Λ la fin du χιν· siècle, quelque vaguement xiv-xv· siècle, t. xvî, p. 46 sq. Dans le chose d’approchant ou de moralement équivalent premier, une hymne sur la Conception contient ccttc dans la diffusion Λ peu près universelle du culte. strophe, qui ne semble pas cadrer avec l’interprctaGerson sc sert dc celle considération dans la réponse tion immacullsle ; à la difficulté tirée de l’opposition dc saint Bernard. H λ-c fuit Mine tl tien (a Il essaie d’abord d’une explication : l’illustre abbé Ex virtute nupera. voulait surtout reprocher aux chanoines lyonnais leur Mox cum fuit obligata précipitation ù célébrer une fête qui n’avait pas pour Intra matris viscera elle l’approbation dc Rome; puis il ajoute ces paroles Culpæ camis labilis. qui peuvent tenir lieu d’épilogue ù cc chapitre : < Les La difficulté n’est pas moins grande dans l’autre choses n’en sont plus, aujourd'hui, au même point qu’au temps dc saint Bernard, car la vérité est beau­ office: In sanctificatione Conceptionis B. Μ. V., coup mieux élucidée ct cette solennité sc célèbre I quand on considère l’invitatoire : pour ainsi dire dans toute l’Églisc romaine ct ail­ Adoremus cum boa th Deum, qui cuncta creavit. leurs. Aussi n’y a-t-il aucun danger dc conscience, ni Et in alvo su» matris péril d’erreur coupable ou dc présomption Λ la fêter ; il y Marium sanctifica vit. en aurait beaucoup plus ù ne pas le faire. » Opera, t. in, p. 1331. Sermo de Conceptione, part. III, 1· Consideratio. | Mais l’opposition devient évidente dans les an IΜ Μ A CIL É E CO N C E P TIO N 1103 tiennes qui suivent; celle-ci, par exemple, au troiilunc nocturne : Fusca lit conceptione Maria, sed cl tins Ex divinn sanctione Formosa fit plenius. Et pourtant, dans un troisième office : In Concep­ tione ILM, V., publié dans le même recueil, t. xxxiv, p. 65, ct coté aussi χιν·-χν· siècle, une note très différente se fait entendre : Tota pulchra es, Virgo sac ni hi. Nunquam labe aliqua es maculatu. Plena gratia fuit concepta, A patro mundissima est generatu. Que dire, si cc n'est que, sur ce point, il y a eu dans la liturgie gironaise des variations, subordonnées sans doute aux phases successives dc la croyance ct peut-être aussi aux influences qui s’exerçaient. Lc second office, spécialement favorable Λ la fête dc la sanctification, semble bien remonter à l'époque où Nicolas Eymeric, natif de Gironc, avait aussi cette ville pour résidence habituelle. D’ailleurs, cc serait sc tromper que dc voir dans le cas précédent un cas unique, même dans le royaume d’Aragon; il y en eut d’autres, ne serait-ce que celui d'Elne, où la fête ins­ tituée par Gui dc Perpignan est désignée delà même façon : de sanctificatione conceptionis Virginis gloriosæ. Voir Doncœur, loc. cil., p. 38 (712). Dans l’article Ciuktiu.ux, t. n, col. 2303, le P. Antore affirme que la solennité dont la célébration fut ordonnée au chapitre général dc 1333, était celle Les citations sont exactes; les textes se retrouvent en partie dans les Analecta hymnica, t. v, p. 47; t. uv, p. 278, en partie dans des bréviaires ou missels français, dc Bayeux, Limoges, Meaux, Nantes, Paris, Poitiers, Tours ; complètement, dans un bréviaire ct un missel fécampois, biblioth. de Rouen, ms. 20δ ct 291. Voir aussi, pour l’Allemagne, F. J. Moue, Late in ische Hymncn des Mittelalters, Fribourg-cn-Brisgau, 1853, t. n, p. 10 sq. Sans être décisive, l’argumentation d’Auriol ne manque pas de valeur, à la condition de prendre les textes collectivement ct d’insister surtout sur les deux derniers, comme le fait cc théologien : < Si la Vierge avait été conçue dans le péché, comment serait-il vrai que sa conception ferait disparaître le venin dc l’antique origine, ou qu'cllc-mêine sc lèverait comme une aurore? Quomodo enim verum esset, quod cius conceptus abstergeret venenum originis vetustas, aut consurgeret ut aurora? > A tout le moins, cette argumentation montre qu’en matière litur­ gique, comme en beaucoup d’autres, il faut savoir distinguer entre la simple lettre et son interprétation La lettre reste toujours la même, mais l’interpréta­ tion tend à sc perfectionner. Ceux qui, à la lin du xiv· siècle, admettaient la pieuse croyance, ct ils étaient la masse, célébraient la fête dc l’immaculée conception; les anciennes formules prenaient pour eux un sens plus précis, dès lors que leur culte allait à la bienheureuse Vierge tenue pour sainte, d’une sainteté proprement dite, au premier instant de sa conception comme à celui dc sa naissance. Reste à déterminer cc que les partisans dc la fêle ainsi comprise entendaient par le terme de con­ ception ; car ils distinguaient, comme leurs devanciers, entre la conception commencée ou charnelle et la conception consommée ou proprement humaine, conceptio secundum carnem ct secundum animam, comme dit Paul de Venise; en outre, ils dédoublaient souvent la première en conception séminale ct corpo­ relle, d’après les deux moments principaux qu’on y peut distinguer, seminis susceptio ct corporis formatio. Mais celte subdivision est sans importance dans la question présente, qui revient â ceci : Quel est exac­ tement l’objet du culte : la conception commencée ou la conception consommée? Nul n’exclut cette der­ nière, car là seulement il peut s’agir dc sainteté proprement dite, au sens théologique de l’expression, /est-à-dlrc par infusion dc la grâce sanctifiante dans l’ûme dc Marie. Mais beaucoup étendent aussi le culte à la conception première ou chamelle; culte dont l’objet est par le fait même complexe, puisque le genre de sainteté oude pureté qui convient à la chair ou au corps est différent de celui qui convient à 1108 l’âme. En cc sens, Auriol conclut que, dans la célé­ bration de la fête du 8 décembre, on a en vue toute sainteté ct toute excellence de la mère dc Dieu qui donne lieu à l’Égllsc de sc réjouir, par un motif d’espérance, quand clic la vénère au début dc sa conception : respectum habendo ad omnem sancti­ tatem cl excellentiam matris Dei, dc qua gaudet Ecclesia, dum cam reculti quasi in spe in die conceptionis semi­ nalis sibi dari. Tractatus dc conceptione, c. vi, Qua­ racchi, p. 94. De même, entre beaucoup d’autres, Pierre Thomas, Liber de innocentia V. M., part. VI, c. xiv, et François Martin, Compendium veritatis de immaculata conceptione, tr. V; Jean Vital, considérant la Vierge aux trois moments indiqués ci-dessus : ut in suo originali principio, in carne mundissima, in creatione et infusione aninuc, conclut qu’en chheun d’eux elle est l’objet du culte : El de istis hodie cele­ bratur festum. Sermo de Conceptione, 11I* parile, dans Opera de Gerson, t. iu, p. 1345. Dans la bénédiction épiscopale in festo conceptionis beate Marie, que contient le Pontificale ct missalc romanum fratrum minorum, χιν·-χν· siècle, conservé à la bibliothèque Vaticane, ms. lat. 4743, fol. 395, les deux idées de sanctification ct dc culte sont associées et en même temps rattachées, comme chez Eadmcr, Λ l’origine première dc la mère de Dieu : Christus dei filius, qui sue matris hodie sanctifica vit ISICIA, errorum vestro­ rum expurgare dignetur vicia. Amen. Et qui sancte sue genetricisvos facit gaudere sollcmniis, ipsius vos defensa­ ri annuat patrocinio. Ut qui virginalistempli PRIMORDIA colitis, trabea carnis deposita, superne Jerusalem habi­ tacula ascendatis. Arnen. Quod ipse prestarc dignetur... Rien en tout cela (fui soit en désaccord avec la doc­ trine de l’immaculée conception; le désaccord n’exis­ terait que dans le cas où l’on prétendrait restreindre le culte à la seule conception charnelle : alors, en cfTcl, on ne vénérerait plus Marie comme sainte d’une sain­ teté intérieure et proprement dite, avec exclusion du péché originel sainement compris. G. Drove·, Analecta hymnica médit œvi, passim, tins endroits indiqués; A. Noyon, noies manuscrites, voir col. 1042; Mgr Malou, op. cit., t. 1, p. 122 sq.; Pauaglla, Dc immaculato Deipara? semper Virginis conceptu, sect, vu, c. π, η. 2, η. 1G87 ; P. Doncœur, Les premières interventions du saint-siège relatives à l'immaculée conception, lac. cil.; Π. Kellner, Heortologic,3· édit.,Fribourg-cn-Brisgau, 1911, р. 195 eq.; S. Bclsscl, Geschlchtcder Vcrchrung Martens in Deutschland wUhrcnd des Mittelalters, Fribourg-cn-Brisgau, 1909, p. 211 sq.» ouvrage complété par le suivnnt : Gtschichle der Vcrchrung Martens lin 16 und 17 Jahrhnndcri, с. x, p. 223 sq., Fribourg-cn-Brisgau» 1910; F. Fila y Colo­ mer, S. J., 7 res discursos historicos. Panegirico dc la ininaculada Concepcion, 2· édit. Madrid,1909, p.49 sq. Colecciôn diplomhtica; 11. Ehronsbergcr, Librl liturgicl bibliotheca apostat lar Vaticaniv manuscripti, Fribourg-cn-Brisgau, 1897, p. 210, 271,458. | | , | j 6° Le concile de Bâle ( 1439) : décret sur la croyance et sur la fêle. — Lc procès intenté à la cour d’Avignon contre Jean de Monzon n’avait pas amené de décision positive sur le fond dc la controverse, mais le désir dc la faire trancher par l’autorité ecclésiastique n’avait pas été abandonné. Dès l’an 1395, l’auditeur des causes apostoliques proposait à Benoit XIII (Pierre de Lune) d’intéresser la mère de Dieu à la paix dc l’Église en faisant le vœu d’instituer et de rendre obligatoire pour tous la fêle dc la Conception avec octave : Idcirco Dominus Noster una cum suo sacro Collegio, ut nostri erga Filium suum gloriosum benignius misereatur, vovere dignetur pro pace habenda, quod Ecclesia universaliter deinceps suie sanctissimx celebrabit Conrcptionis festum una cum octavis. Mar­ lène, Veteran 1 monumentorum... col­ lectio, Rouen. 1700, t. vn, p. 580. Quand le concile dc Constance se fut réuni. Alphonse V, roi d’Aragon, 1109 IMMACULÉE CONCEPTION écrivit plusieurs fols à l’empereur Sigismond pour le supplier dc promouvoir la double cause, dc la croyance ctdc la fêle; en particulier, dans une lettre du 18 mars 1117, il parle de deux petits traités trans­ mis auparavant : l’un, De sacratissima conceptione Virginis Matris Dei; l’autre, De concordia opinatre contradictionis in dictis beati Thomæ super materia supradicta. Fita, op. cil., p. 82. L’affaire n’ayant pas abouti à Constance, le roi d’Aragon renouvela scs instances auprès dc l’empereur, aussitôt qu’il fut question d’une autre assemblée. Nous le voyons par une lettre du IG mal 1125, où le désir est particu­ lièrement souligné en cc qui concerne la fête : Ut in dicto generali concilio dictic purissimie conceptionis universalis ct perpetua celebratio ad effectum perveniat totiens supplicatum. La lettre était accompagnée d’un écrit peu étendu : De possibilitate ac congrua neces­ sitate purissimæ conceptionis Virginis Matris Det. Ibid., p. 83, 85; Roskovâny, op. cil., 1.1, p. 111. Cette pièce, dc saveur lulllstc très prononcée, avait pour auteur Jean dc Palomar, archidiacre dc Barcelone, qui devait assister au concile de Bâle, comme délégué pontifical. Après la réunion de ccttc nouvelle assem­ blée d’autres lettres suivirent, adressées les unes à l’empereur, juillet 1431 ct janvier 1132, les autres au cardinal Julien Césarini, président, ct aux Pères, 17 décembre 1431 et 9 janvier 1432. Fita, p. 88, 92, 94, 9G. 1. La discussion au concile. — Rien n’indique que, pendant les trois premières années, les Pères de Bâle sc soient occupés activement de la question. Ils n’oubliaient pourtant pas la Vierge immaculée; le 8 décembre, ils lui rendaient leurs hommages. En 1432, il y eut, par respect pour la solennité, ob reverentiam solemn itatis Conceptionis beate Marie Virginis, messe solennelle ct sermon d’apparat par l’évêque dc Cavaillon (Cavallicensem) En 1431, il y a vacance, pour le même motif : non fuitdeputacio. Dc nouveau, en 1435, il veut, par respect pour la Conception, messe solennelle et sermon par un doc­ teur, Jean de Romiroy. J. Haller, Concilium Baslliense, t. π, p. 287; t. m, p. 2G6, 587. On cite encore Jean Eymeric, Sermo pro immaculata conceptione beatœ Virginis, vers 1436. Roskovâny, op cit., 1.1, p. 261; Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis auctoribus, 1.1, p. 335. Plus importante est la pièce qui nous a été conservée dans cc même recueil, p. 356, sous cc titre : Tractatus auctoris ano n ymi de conceptione immaculata beate virginis Dei genitricis Maria*. C’est la pièce ind quée par Aug. dc Roskovâny, op. cit., 1.1, p. 269, n. 1708 : Joannes dc Roreli, can. Aniciensis, sermo de immacu­ lata conceptione bcatic Virginis, 1435. In concilio Baslleensi propositus, et Lovanit 1485, impressus. Le nom du personnage est peut-être un peu déformé; cc serait, d’après Jean dc Ségovic, Historia gesto­ rum generalis synodi Basiliensis, t. II, p. 379, Magister Johannes Roceti (ou, comme dit Piazza, op. cit., p. 213 : Rocheli). Dans ce discours, relié au texte : Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in le, le chanoine du Puy énonce aussi exactement que nettement la thèse immaculislc : La mère dc Dieu a été préservée de la tache originelle dans sa conception vénérable, au moins dès l’instant où l’âme fut unie au corps : ab exordio satiem in/usionis animæ in corpore, ab originali macula pr.rservatam. Quatre chefs dc preuves sont apportés : figures dc l’Ancien Testament, autorités patristiques, raisons proposées par les docteurs pour établir cette doctrine, miracles qui l’ont confirmée. Mais le véritable intérêt dc cc discours n’est pas dans ccs généralités; il vient du but que l’orateur avait en vue ct qu’il dit tout haut: exciter les Pères du concile Λ s’occuper enfin dc 1110 l'exaltation de la Vierge immaculée et à formuler des conclusions qui pourraient être discutées dans la sainte assemblée, atgue ad exaltationem conceptionis immaculate Virginis conclusiones aliquas eliciendi, proponendas in sacris disputationibus. Il propose luimême à ses auditeurs d’offrir à la bienheureuse Vierge, pour sc concilier sa faveur, un double hommage, en canonisant sa conception ct en déclarant qu’elle fut préservée du péché originel : si munus ei obtuleris suæ conceptionis canonizanda: simul cl dectarandæ immu­ nitatis eius ab originali. L’appel fut entendu. Avant la fin de l’année, le cardinal Louis d’Alcman, cardinal-archevêque d’Arles, fut chargé « dc faire rechercher avec soin dans les bibliothèques ct les archives des universités, des églises, des monastères, des rois et des princes, tout cc qui pourrait avoir quelque rapport avec la ques­ tion, comme livres, écrits, actes, délibérations, déci­ sions, conclusions, publiques ou particulières, soute­ nues dans des universités ct ailleurs, puis de déférer le tout au concile, afin qu’à l’aide de ccs documents les Pères pussent résoudre et définir la question. » Henri dc Sponde, Continuat. Annal, ecclesias!., ad ann. 1435, n. 12, L i, p. 835. L’enquête eut heu, mais les résultats manquent, à peine quelques débris sont-ils connus, comme ce que le P. Doncœur a signalé, La condamnation de Jean de Monzon par Pierre d*Orgemont, p. 2 (177), dans la bibliothèque de Troyes, ms. 981: Instrumenta varia revocationum /actarum a quibusdam fratribus ord. priedicatorum, alitsque, cer­ tarum erronearum propositionum super Conceptione beatissimæ virginis Marior, cum aliis quibusdam scriptis ad eamdem Conceptionem pertinentibus, ab universitate Parislensi missa ad concilium Basiliense, anno 1436. En même temps, des discussions nombreuses ct très vives sc poursuivirent à Bâle pendant les mois d’avril, mai, juin ct juillet dc l’année 1436, comme le raconte Jean dc Ségovic, Historia, 1. XV, c. xxiv, t. n, p. 362. Lc principal représentant de l’oppo­ sition au privilège fut Jean de Monténégro, géné­ ral des frères prêcheurs : Relatio sive allegationes de conceptione beatx virginis pro sua opinione de sancti­ ficatione virginis Marior post contractionem originalis maeuhr. Roskovâny, op. cit., t. i, p. 285, n. 2066. Cet écrit n’a pas été conservé, mais il est probable que la substance s’en retrouve dans l'ouvrage de Jean dc Torquemada, dont il sera question dans un instant. En outre, nous en connaissons le plan général par la réponse du champion du privilège, celui-ci nous disant qu’il a suivi le même ordre. Ce champion fut Jean de Contreras ou dc Ségovic, chanoine de Tolède ct envoyé au concile par le roi de Castille, comme son agent, tout exprès pour promouvoir la cause dc l’immaculée conception. Son ouvrage, tel qu’il a été publié à Bruxelles en 1664 par Pierre dc Alva, sc présente sous ce titre : Septem allegationes el totidem avisamenta, pro informatione Patrum concilii Basiliensis, présidente tunc judice fidei D.D. cardinati Arclatcnsi, anno Domini 1436, circa sacratissima: virginis Marte Immaculatam conceptionem ejusque præservationem a peccato originali in primo suæ animationis instanti. Mais ce volume comprend trois parties non seulement distinctes, mais composées séparément et successivement. Jean de Ségovic rédigea d’abord les Septem alle­ gationes. Après quelques notions générales sur l’état dc la question, en particulier sur la nature du péché originel, Alley, i, il établit que la mère dc Dieu a pu être préservée, qu’il convenait qu’elle le fût ct que, par conséquent, elle a dû l’être ct l’a été. Alley, u et m. 11 expose ensuite d’une façon plus précise les diverses manières dont la préservation a pu sc faire 1111 IMMACULÉE CONCEPTION ct présente comme plus raisonnable celle qui s’en tient à la sanctification de Marie au premier instant dc son existence, en vertu d’une grâce prévenante. Alley. iv, p. m : Praedictus modus ponendi sanet ifi rationem beatissima* Virginis per gratiam provenien­ tem, est multo rationabilior. Tout le reste du traité n’cst qu’une réponse aux objections théologiques, patristiqueset scripturaires. Deux ans plus tard, il composa les Septan avisamenta, reprise du travail précédent, mais d’une façon sommaire, cl, souvent, plus pratique ct plus intéressante. Les deux derniers avis sont d’une particulière importance, commo touchant de plus prés, sous son double aspect, le problème agité. Le sixième concerne la croyance : vi. In quo summario declaratur, quomodo doctrina de sancta conceptione sit multum con/ormis rationi, sacræ Scriptura:, pietati fidet et sanctorum doctrina:. I.e septième se rapporte surtout à la fête : vn. De innovanda jestivitate et veri­ tate diffinienda; quodque celebritas hive jam fuerit in Ecclesia a trecentis annis, in majorem devotionem semper excrescent Enfin, Jean de Ségovle fit un recueil dc quatorze miracles : Pulcherrima miracula ab eodem auctore studiosius collecta, pro immaculata virginis Atariæ conceptione. En tète figure la vision d’I lelsin ; entre le onzième ct le douzième» on rencontre une double digression, sur la confrérie aragonaisc dc Notre-Dame, ct sur une dispute publique qui avait eu lieu Λ Gironc en 1390 et où lo champion du privi­ lège, Jean dc Rota, sorti vainqueur, avait été cou­ ronné par le roi d’Aragon. CL Roskovâny, op. cil., 1.1, p. 227, n. 1252. Cette troisième pièce, de l’aveu même dc l’auteur, resta privée et ne parut pas aux débats publics. L’ouvrage dc Jean de Ségovle est incontestable­ ment remarquable, malgré des déficits : les preuves, trop multipliées, sont dc valeur inégale, l’érudition historique est souvent en défaut, ct l’arbitraire a sa place dans l’interprétation des témoignages, allé­ gués ou réfutés; on peut aussi regretter l’immixtion de questions secondaires ct systématiques, par exem­ ple, quand l’auteur fait intervenir la théorie de l’in­ carnation indépendante du péché d’Adam, Alley., n, docum. m, p. 63; ce qui, rapproché de cette autre affirmation, en sol excellente : Esse matrem Dei, est privilegium Virginis ipsam eximens a peccato originali, Alley., in, p. 81, pourrait facilement donner l’idée d’une préservation simple, sans besoin réel de rédemption. En revanche, beaucoup dc preuves sont bien présentées, ct la valeur dc certains faits pra­ tiques est mise en relief; parlant de la fête, Jean de Ségovle avait raison dc rappeler ce qui sc passait depuis longtemps à la cour pontificale; parlant dc la pieuse croyance, il avait le droit d’invoquer en sa faveur le témoignage dc presque tout l’univers, fere lotius orbis, ct de faire remarquer que l’assertion contraire était devenue, sinon dès le commencement, du moins depuis longtemps ct surtout à l’époque du concile, si désagréable au peuple chrétien qu’il nc supportait plus dc l’entendre. Alley, i, docum. rv, p. 21 sq. En face du traité que nous venons d’analyser, s’en dresse un autre, d’allures très diflérentes, mais dont l’importance n’cst pas moindre en son genre. Il fut composé sur la demande des légats par le célèbre dominicain Jean dc Torqurmada, maître du SacréPalais, ensuite cardinal : Tractatus de veritate con­ ceptionis beatissima: Virginis, pro jacienda relatione coram patribus concilii Basiliensis, anno Domini M. CCCC. A'A'A”. VII, mense julio, de mandato sedis apostolica: legatorum, eidem sacro concilio prociden­ tium, compilatus. Il ne fut imprimé qu’en 1517, à Rome, par les soins d’Albert Dulmius de Catharo; Puscy l’a fait réimprimer à Oxford ct Londres, en 1112 1869. Sous la forme où il nous est parvenu, ce traité comprend treize parties ou sections, subdivisées en chapitres qui, additionnés, montent au chiffre de 351. Véritable somme de l’opposition, où sc trouve réuni tout cc qu’on pouvait alléguer contre la croyance ct contre la fête. Dans la V Ie partie, c. xxv-xxxvi, il énumère une certaine quantité d’auteurs dc toute provenance, comme opposés ù l’exemption dc Marie. La position générale est celle de saint Thomas ct des scolastiques de la même époque. Dans une Disputatio generalis, elle est résumée en ccs deux propositions : Omnes hommes prœter Christum contraxerunt pecca­ tum originale, ct : Soins Christus fuit immunis ab omni prorsus peccato. D’où comme corollarium gene­ rale totius opens, cette affirmation finale, que la vraie pieté n’est pas dans le sens du privilège, mais à l’opposé : Magis pium est credere beatam Virginem conceptam esse in originali peccato, quam oppositum. Affirmation modérée dans les termes, et même plus large que les prémisses; car si celles-ci avaient été vraies, dans le sens dc fauteur, il aurait fallu con-, dure à un rejet pur et simple de l’opinion favorable à l'exemption. En cc qui concernait la fête, Torquémada concluait : « Si l’on tient à l’instituer en ordonnant qu’elle soit célébrée dans l’Église, il faut plutôt lui donner le nom dc sanctificatùm que celui de conception : convenien­ tius nominandum venit festum sanctificationis, quam conceptionis. » Part. 111, c. ix : Tertia conclusio. En réalité, il n’était pas favorable à cette institution. Jean dc Ségovle avait dit, Alley, i, docum. iv, p. 21 : • C’est un fait notoire que la cour romaine, près le siège apostolique, célèbre chaque année, le huit décembre, celle fête de la Conception, et que les car­ dinaux, les prélats ct les membres les plus éminents dc cette cour y prennent part d’un commun accord. » Torquémada répond « en niant que l’Église romaine ou le siège apostolique ait institué ou canonisé ou proclamé ou célébré la fêle ou qu’elle l’ait fait ins­ crire au calendrier. On n’a pas le droit de donner comme fait ou ordonné ou institué par l’Église romaine ou le siège apostolique, tout ce qui sc fait à la cour romaine soit par nos seigneurs les cardinaux, soit par les évêques, soit par le peuple, soit par les rédacteurs des bréviaires et des missels. Car on nc peut pas dire dc l’Église romaine (en entendant par là, comme d’ordinaire, le siège apostolique qui tient dc Notrc-Seigneur la plénitude dc l’autorité), qu’elle célèbre une fête quand nos seigneurs les cardinaux ou les prélats ou le peuple romain ou les officiers dc la chancellerie sc réunissent, par motif dc dévotion, dans une église pour y assister à la célébration d’une messe solennelle, mais seulement quand le souverain pontife, entouré du collège dc nos seigneurs les cardi­ naux de Rome, célèbre ccttc fête solennellement dans un lieu public. > Part. IX, c. xvi, Mais n’élall-cc pas jouer d’équivoque que dc répondre ainsi? Que l’Église romaine, considérée comme dépositaire du magis­ tère universel ct suprême, ne se fût pas encore pronon­ cée en faveur dc la fêle, qu’elle nc l’eût pas inscrite au canon, Jean dc Ségovle et ses amis le savaient bien, puisqu’ils demandaient précisément qu’on en vint là. Mais il y avait, en outre, l’Église romaine, ou du moins la cour pontificale, considérée comme corps particulier ayant scs traditions, scs cérémonies, scs fêtes pratiquées au vu ct su des papes qui, souvent, y participaient eux-mêmes. Cc fait, car c’était un fait, et vraiment notoire, nc pouvait-il pas être invoqué comme beaucoup d’autres, en faveur dc la fête? Le traité de Torquémada nc fut pas examiné par les Pères de Bâle. L’auteur raconte, à la fin de l’ou­ vrage, qu’apr» l’avt ir composé, il s’était présenté au concile, ad faciendam retat iorum mihi Injunctam. I.e 1113 IMMACULÉE CONCEPTION cardinal président lui répondit que les questions suscitées par l’arrivée des grecs absorbaient l’at­ tention des Pères ct qu’on no pouvait l’entendre maintenant. Le délai dura plusieurs mois; quand le dissentiment entre les légats du pape Eugène 1V ct les membres du concile en eut amené la dissolution au mois dc septembre 1137, le maître du Sucré-Palais retourna en Italie avec son manuscrit. Mais Jean dc Monténégro ct d’autres avaient abondamment parlé auparavant. 2. Le décret. —· Ceux qui restèrent à Baie avec le seul cardinal d'Arles, c’est-à-dire sept évêques, une douzaine de prélats ct environ trois cents prêtres ct docteurs, continuèrent leurs travaux. L’affaire dc fa Conception fut reprise à 1a fin dc mal 1138. On nomma pour examiner les pièces du procès une com­ mission composée dc dix-sept membres : les arche­ vêques de Lyon, Milan ct Païenne, les évêques dc Burgos, Catane, ΛΙχ, Évreux et Barcelone, le proto­ notaire Louis dc Borne, l'évêque élu de Besançon, l’abbé d’Ecosse, l’aumônier du roi d’Aragon, Jean de Ségovio, le provincial des carmes, le vicaire dc Cluny, le trinitaire Alphonse dc Sainte-Marie de 1a Merci et un autre docteur aragonais. Trois jours plus tard, quatre d’entre eux, l’évêque de Burgos, l’abbé d’Écosse, l’aumônier du roi d’Aragon ct le vi­ caire de Cluny, furent chargés dc faire un rapport sommaire sur tout cc qui avait été dit ct écrit. Sur leurs instances, Jean dc Ségovio rédigea ses Avisamenta. En septembre, il y eut délibération des mem­ bres dc la commission, ct tout fut conclu en congréga­ tion conciliaire le 15 septembre. Deux jours plus tard, le décret fut publié dans la XXXVI· session. Mansi, Concit., t. xxix, col. 182 sq : Nos vero diligenter inspec­ tis auctoritatibus et rationibus quit jam a pluribus annis in publicis relationibus cx parte utriusque doctrina: coram hac sancta synodo allcgatm sunt, aliisque etiam plurimis super hac re visis, et matura consi­ deratione pensatis, doctrinam illam disserentem gloriosam virginem Del genitricem Ma­ riam, prœventcnte et ope­ rante divini numinis gratia singulari, nunquam actualiter subjacuisse originali pec­ cato, sed immunem semper fuisse ab omni originali rt actuali culpa, sanctamque et immaculatam, tanquam piam ct consonam cultui ecclesias­ tico, fidet calholiae, recto rationi et sacnr Scriptura·, ab omnibus catholicis appro­ bandam fore, tenendam rt amplectendam, diffininuis ct declaramus.nulliqnc dc cetero licitum r<*r in contrarium prirdicare seu docere. lit novantes pradcrca insti­ tutionem de celebranda sancta ejus Conceptione, qmt tam per Homanam,quam per alias Ecclesias sexta Idus decembris antiqua et laudabili consue­ tudine. celebratur : statuimus ct ordinamus eandem celebri­ tatem p nefata die in omnibus ecclesiis, monasteriis et con­ ventibus Christiana? religionis sub nomine Conceptionis, fe divis laudibus colendam esse. Après avoir pesé avec soln les autorités et les misons que les défenseurs des deux opinions contraires ont pro­ duites depuis plusieurs an­ nées, dnns des discussions publiques, devant ce saint concile; ct après avoir consi­ déré ct approfondi avec grande maturité beaucoup d'aut rcs motifs,nous définis­ sons ct nous déclarons que la doctrine d’après laquelle la glorieuse vierge Marie, mère dc Dieu, par un effet spécial delà grâce divine prévenante ct opérante, n’a jamais été réellement souillée du péché originel, mais n toujours été sainte ct immaculée, est une doctrine pieuse, conforme au culte de Γ Église, d la fol ca­ tholique,à la droite raison etd Γ Écriture sainte; qu’elle doit t ire approuvée, conservée ct professée par tous les catho­ liques, rt qu’il n’cst plus per­ mis désormais de rien prê­ cher ou enseigner qui lui soit contraire. En outre, renouvelant l’ordoimnnrc dc fêter la sainte Conception delà Vierge qui, par une ancienne ct louable coutume, sc célèbre tant dnns l’Église romaine que dans d’autres églises, nu six des ides de décembre, nous statuons et ordonnons que la fêle sc célèbre d’une façon solennelle, sous Je nom de Conception, dnns toutes les églises et tous les monastères ct couvents du monde chré­ tien. 1114 Ce décret nc présente aucune difficulté dans sa partie pratique ou disciplinaire; le concile érige 1a fête dc la Conception dc Marie en fête d'obligation pour toute l’Église ct souligne cc titre dc Conception; c’était rejeter implicitement 1a fête de fa sancti­ fication, telle que les adversaires du privilège l’en­ tendaient. Un office fut composé dont Jean dc Ségovle nous donne les détails, op. cil., c. xxvi : Dc mullipharia publicatione dicte se nierdte auctorilateque concilii offi­ cio composito, ut dicatur m festo conceptionis beatissi­ me virginis. Pour les premières vêpres, In vigilia concepcionis beate Virginis, presque tout est emprunté à l’office dc fa Nativité : ant. Concepsio gloriose; capitule, Dominus possedit me; hymne. Ane maris stella; verset, Conceptio est; mais à Magnificat, an­ tienne propre : Tota pulchra es, etc., suivie dc ccttc oraison: Omni potenssempiterneDeus,qui COSCEPTIOEIB diem genitricis filii tui semperque virginis Marie vo­ luisti solemnitate annua venerari, tribue, quesumus, ut omnes qui eius implorant auxilium, petitionis sue salutarem consequantur effectum. L’office de matines est beaucoup plus caractéris­ tique. Invitatoire: Verbum Patris, MATREM PRESER­ VAIS A LABE PECCATI, venite adoremus. Les leçons se composent, au premier nocturne, du décret du concile, divisé en trois fragments; au second et au troisième nocturnes, du Sermo Anselm l (Eadmen) de concep­ tione beate Virginis. Le répons dc 1a seconde leçon est on nc peut plus significatif : Filius Dei Patris, fundans eam in sua conceptione gratiam Virgini contulit singularem, ct ipsam ab ORIOIEALI MACULA PRESERVAT! T. Moriam suam genitricem sublimiori sanctificationis genere redemit. De même, le répons dc la troisième leçon est à remarquer : Immunem semper fuisse Mariam ab omni Vriginali et actuali culpa, sanctamqueet immaculatam, DIFFIEITIT catho­ lica ecclesia, in sancta Basiliensl synodo legitime congregata. Et dans le verset : Nunquam Virgtnemsubiacuisse peccato esse consonum fidei, sacre scripture et rationi DIFFISI vit. Des antiennes, des leçons et des répons additionnels sont indiques pour ceux qui réci­ teraient douze leçons à matines ou qui feraient l’office pendant l’octave. Vient ensuite la messe, In conceptione beate Marie virginis. Sauf l’oraison. Omnipotens sempiterne Deus, elle nc présente rien dc spécial. Introit, Gaudeamus (comme à 1’Assomption) ;épttre, Dominus possedit me; graduel, Diffusa est; évangile, Liber generationis, etc. En somme, soit dans les leçons soit dans les autres parties, l’office composé à Bâle n’accuse aucune dépendance directe par rapport à la vision d’Helsin. La parlie doctrinale du décret soulève une question moins claire : les Pères du concile prétendaient-ils définir l’immaculée conception comme dogme de foi? Beaucoup l’ont nié : définir une doctrine comme « pieuse, conforme au culte de l’Église, à la foi catho­ lique, à la droite raison ct à l’Écriturc sainte, » cc n’cst pus fa définir, par le fait même, comme dogme de foi. D’ou cette remarque d’Ysambert, In III·* part. Summit·, 1.1, p. 589, n. 4 : 57 verba ejus sumantur in rigore, non videtur (concilium) absolute et simpliciter de finire,sed idem tantum circa illa statuere,quodduo nunc relati summi pontifices (Paulus V et Gregorius XV), ut potest facile intclUgl sl singula ejus verba expendan­ tur et inter se conferantur; ct. Vasquez, In IIP* partem, t. n, disp. CXV1I, c. xiv, n. 144. Il est douteux que ccttc interprétation réponde pleinement à la pensée des Pères dc Bâle. Qu’ils aient voulu émettre une définition proprement dite ct dans toute la force du mot, nul doute n’est possible là-dessus quand on suit toute l’affaire dnns le récit de Jean de Ségovle, c. xxv : De difflnitiva sententia pro beatissima virgine, etc. Aussi, après le IMMACULÉE CONCEPTION 1115 décret porté, parle-t-il du point défini comme d’une vérité de foi catholique, hanc veritatem catholica· fidei, c. xxvi, p. 374. Si les auteurs du décret avaient entendu l’expression : conforme ά la foi ct ά Γ Écriture sainte, dans un sens purement négatif, on compren­ drait que leur définition ne dût pas être prise rigou­ reusement; mais il est évident qu’ils entendaient parler d’une conformité positive. Dés lors, pouvaientils l’envisager autrement que comme vérité de foi? C’cst dans cc sens que l’université de Paris a compris Je décret de Bâle. Ccttc question est, d’ailleurs, théorique. A ccttc époquc-lA, l’assemblée n’était plus qu’un concilia­ bule schismatique; l’acte manqua de valeur juridique, vice originel dont il n’a jamais été guéri. 11 n’en pos­ sède pas moins, d’un autre point de vue, une grande valeur. Considéré comme la conclusion de la longue enquête que le cardinal d’Arles avait menée ct des nombreuses discussions qui avaient eu lieu, il atteste une croyance au glorieux privilège incontestablement prépondérante, ct de beaucoup, cn Occident, no­ tamment dans les églises et les universités représen­ tées à Bâle. En outre, l’avenir devait lui donner, indi­ rectement, une sorte de confirmation : tous les points qu’il contenait seront peu à peu repris ct sanctionnés par l’autorité légitime. z\ussl ce décret peut-il être considéré comme fermant la période de pure contro­ verse, celle où la lutte existait sans que la victoire sc dessinât encore nettement d’un côté plutôt que de l’autre. J«m de Ségovie, Historia gestorum generalis synodi Basilirnsts, édit. E. Birk, Vienne, 1886, dans Monumenta conciliorum generalium secuit decimi quinti. Concilium Bastliensc. Scriptorum t. m; J. Haller, Concilium Basiliense. Studien und Quellen, Bâle, 1896 sq.; A. de Hoskovimy, op. cit., 1.i, p. xlix-li, 109-114,260 sq.; Mgr Mnlou,* op. cit., t.î.p. 58-60; Piazza, op. cit.. Act. iv, a. 2,tcstimon. Χΐΐ,η. 35-61 ; J. Mir y Nogucra, op. cit.,c. vi. III. Depuis le concile de Bale (1439) jusqu’à LA FIN DU XVIII· SIÈCLE .’ PÉRIODE DU TRIOMPHE .— Pendant les trois siècles ct demi que comprend cette étape, l’affirmation théologique du glorieux privilège s’accentue vivement, la dévotion du peuple chrétien envers la Vierge immaculée se manifeste d’une façon extraordinaire ct le magistère ecclésiastique inter­ vient par des actes répétés pour sanctionner et, cn même temps, modérer le mouvement. Trois de ces actes forment comme autant de triomphes partiels du culte ct de la croyance : Sixte IV approuve officielle­ ment la fête de la Conception; Alexandre VII cn détermine l’objet; Clément XI l’étend à l’Églisc uni­ verselle. De là trois étapes particulières. l.BU CONCILE DE BALE A SIXTE IV ( 1439-1484) ; vers LE PREMIER TRIOMDénué de valeur juri­ dique, le décret des Pères de Bâle eut néanmoins une valeur de fait pour les pays qui cn admettaient la légitimité, comme la France ct 1*Aragon; ailleurs même, il exerça une grande Influence ct contribua pour beaucoup à développer cn faveur du glorieux privilège un fort courant qui fut comme la préparation prochaine du premier triomphe officiel. 1· Développement doctrinal : fermeté croissante dans Γ affirmation du privilège. — Le fait est manifeste cn cc qui concerne la France. En septembre 1457, un concile provincial d’Avignon ordonne d’observer Inviolablement le décret de Bâle sur la conception de la bienheu­ reuse vierge Marie ct défend, sous peine d’excommu­ nication, de rien avancer de contraire, soit dans la pré­ dication, soit dans les disputes publiques. Mansi, Concit., t. xxxu, col. 183. Trois mois plus tard, la Sorbonne eut l’occasion d’ajouter son mot. Avertie qu’en Bretagne un dominicain « avait affirmé, publi­ quement que Marie avait été conçue dans le péché Il IG originel, » clic ordonna de prendre des Informations et, si le délit était réel, de punir l’inculpé comme héré­ tique, et si ita compereretur, quod puniretur tanguant hurcticus. D’Argent ré, op. cit., 1.î, p. 252. Le décret de Bâle fut reçu cn Espagne avec d’au­ tant plus d’enthousiasme que celle nation avait mis plus de zèle ù le provoquer. Trois mois seulement après qu’il eut été porté, la reine Marie,exerçant les fonctions de régente, le fit publier pour les États d’Aragon, 1er décembre 1 139. J. Mir, op. cil., p. 129sq.; F. Fila, op. cit., p. 46, 107, 113, 117. Peu auparavant, elle avait réprimé les audaces de langage d’un reli­ gieux dominicain, André Étienne, cn renouvelant, janvier 1437 ct décembre 1438, les édits de Jean !,r ct de Martin Ier. Fita, op. cit., p. 102-105; Roskovâny, op. cit., 1.î, p. 110. Quelques écrits de l’époque, nous montrent la pieuse croyance franchement défendue et prèchéc cn Alle­ magne; tels, un sermon de Nicolas de Blonius, Stras­ bourg, 1438, ct un traité du bénédictin Michel de Butzcnbach (f 1466), publiés par Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis auctoribus, t. n, p. 431, 472. Un auteur plus célèbre, Gabriel B ici, professeur à Tubingue (f 1495), soutient aussi le glorieux privi­ lège dans quatre sermons pour Ja fête de la Concep­ tion, ct d’autres encore. Roskovâny, 1.1, p. 273. Mais beaucoup plus important est renseignement de cc théo­ logien dans son commentaire sur le 11 Ie livre des Sen­ tences, dist. III, q. î : apres avoir exposé et défendu la conception sans tache d’après les principes de Scot, il fait intervenir l’autorité du concile de Bâle : Praterea determinatum est in concilio Basiliensi. Il ne s’ensuit pas, ajoutc-t-il sagement, qu’on doive blâmer saint Thomas ct les autres adversaires; de leur temps, il était loisible de penser comme ils l’ont fait, puisqu’il n’y avait pas encore eu de décision ni de Ja part d’un concile ni de la part du siège apostolique. Ce que Bicl disait cn Allemagne, un autre auteur célèbre, Dcnys le Chartreux (f 1471), le disait cn Belgique vers la même époque ct dans son commen­ taire sur le même livre des Sentences. Il y rapporte longuement les diverses opinions des grands docteurs avec leurs fondements, puis conclut : · Néanmoins, cc qu’on doit penser sur cc point, cc n’est pas dans les disputes d’école qu’il faut le chercher, mais dans les décisions de l’Églisc catholique à laquelle nous sommes tenus d’obéir; or, dans le dernier concile général, clic a mis fin à ccs discussions, quæ in novissimo con­ cilio universali finem (ut dixi) his dissensionibus imposuit. Doctoris exstatict D. Dionysii Cartusiant opera omnia, Tournai, 1904, t. xxm, p. 98. Voir aussi l’écrit De prieconio et dignitate Mariœ, 1. I, n. 13, Tournai, 1908, t. xxxv, p. 486. L’ordre dont Dcnys était membre, subit lui-même l’influence du décret de Bâle; dans le chapitre général de 1470, les char­ treux abandonnèrent l’espèce de compromis où ils s’étaient engagés par la substitution du terme de sanctification ù celui de conception. La formule primi­ tive fut rétablie ct passa dans la nouvelle rédaction des statuts : Festum gloriose virginis Marie, quod solcmniter celebratur sexto idus decembris, amodo per lotum ordinem celebretur sub nomine conceptionis, iuxta determinationem ecclesie, statuto non obstante de sanctificatione mentionem faciente. Mgr Malon, op. cit., 1.1, p. 138, d’après le martyrologe d’Usuard; cf. Sta­ tuta ordinis cartusienMs a domino Guigone priore cartusle edita, Bâle, 1510. Tertia compilatio statutorum, c. i, § 46. Les nombreux bréviaires ct missels que cite Pierre de Alva, Sol veritatis, p. 647 sq., témoignent aussi du changement. En Italie, Ja pieuse croyance eut des saints pour apôtres. Si, traitant le problème en théologien, saint Antonin de Florence (t 1459) reste fidèle à la doctrine IMMACULÉE CONCEPTION 1117 1118 des anciens maîtres dominicains, cn revanche saint Laurent Justinien, premier de patriarche de Venise I (t 1465), proclame l’innocence originelle de la bienheu­ reuse Vierge dans plusieurs de ses écrits ascétiques ct 1 dans un sermon sur l’Annonciation : Ab ipso sut conceptione m benedictionibus est prœventa dulcedinis, atque a damnationis al if na chirographo, ab omni pec­ cati labe extranea. Roskovâny, op. cit., t. i, p. 116; Mgr Malou, op. cit., t. n, p. 148. Môme note, plus ac­ centuée encore, chez saint Bernardin de Sienne (t 1464). Partant dccc texte des Proverbes, vm, 24 : Nondum erunt abyssi, ct ego jam concepta eram. Il rat­ tache à l’étcmcllc prédestination de Marie comme future mère du Verbe incarne le glorieux privilège de son immaculée conception. Suivant la méthode habituelle aux théologiens franciscains, 11 montre d’abord la possibilité ct la convenance de Γexemption puis il cn établit la réalité par sept preuves composées chacune de sept unités, preuves qu'il compare aux septem signacula de l’Apocalypse, v, 5 : sept saints canonisés (y compris saint Bernard, saint Dominique ct saint Thomas d’Aquin); sept c docteurs fameux > de l’ordre séraphique; sept autorités scripturaires, sept réponses à un nombre égal d’arguments; sept figures de ΓAncien Testament; sept exemples tirés de l’ordre naturel; sept miracles. Synthèse artificielle, mais destinée sans doute à piquer ct à soutenir l’atten­ tion des auditeurs. Sermo seu tractatus de conceptione beata: Maria* virginis, dans Pierre de Alva, JWonumenta antigua seraphica, p. 1. Mais à des affirmations si fermes s’opposèrent bientôt des dénégations vio­ lentes qui provoquèrent, comme on le verra plus loin, rintervcntion du saint 2° Développement cultuel : expression de plus en plus nette et fréquente du sens immaculiste. — Qu’après le concile de Bâle, la fête de la Conception ait continué à gagner du terrain, c’est là un fait qu’il serait aussi facile qu’inutile d’établir; ainsi Mgr X. Barbier de Montault a publié L* office de la Conception, à Lnçon, au XV· siècle, Vannes, 1885, (extrait de la Revue du Bas Poitou); il importe davantage de montrer par quelques exemples comment le sens immaculiste va toujours cn s’accentuant ct cn sc précisant. La France nous fournit des témoignages d’une net­ teté parfaite. Une formule de bénédiction pour le jour de la fêle, contenue dans un pontifical de Sens ct de Paris, énonce en termes exprès la préservation du péché originel : Omnipotens Dei filins qui beatissimam sempergue virginem Mariam ab originali peccato in sua conceptione prcscrvavit, vos ab eodem per sacri baptis­ matis lavacrum purgatos ab omni peccato preservare dignetur. Bibliothèque nationale de Paris, ms. lat. 962; de même, ms. 964, fol. xui v. L’affirmation du privilège sc retrouve dans les hymnes sur la Conception fréquemment ct sous des formes multiples. D’abord, exclusion du péché ori­ ginel, considéré comme tel ou comme obstacle ù la grâce sanctifiante. Singulièrement expressives sont des strophes, où l’idée de préservation est, soit opposée à celle de puri­ fication, soit associée â celle d’immunité totale par rapport au péché : Canit virgo : necdum crat Culpæ malum, Fui concepta. Novum templum ædifleat Sibi nunc unigenitus Summi patris, quod dedicat Gratia sancti spiritus. G. Drcvcs, Analecta hymnica, t. xxxix, p. 39. Tou­ louse, missel de 1490. Gaude, virgo slngulnris, Tu quæ sola generaris Omni carent vitio. Ibid., t. xui, p. 53, Bourges, missel de 1493. Virga summi pont i Ocii Mini virtuto floruit. Muria vero obicis Grntiæ semper cnrult. Ibid., t. xn, p. 50. Marseille, bréviaire des Frères de Saint-Jean; Bibliothèque nationale de Paris, ms. lat. 1275, bréviaire parisien. Quam non mundavit Drus, Scd præiervavit allinimus. J bid., t. xxxix, p. 40. Neven, bréviaire imprime à Paris cn 1490. In tu» matri» ulrrn Te, virgo, sanctus spiritus Sic pnrsrr\nvit, quod vero Peccatum neteis penitus. Ibid., t. xix, p. 23 Marseille, bréviaire des Frères de Saint-Jean. Appel est fait au miracle et à la puissance divine, pour justifier une telle préservation : Surgit grata, gratis data. Pneter rrrum ordinem. Caro pura de nntura, Caro surgit unica. Nubes levis carens naevis Per diem producitur. Tota candens... Ibid., t. xi, p.35. Bibliothèque nationale de Paris, ms. lat. 1032, bréviaire de Tours. Ave, in innocentia Concepta ct perservato. Nulla labe maculata. Dextræ Dei potentia. Peccati originalis Nec cuiusqunm actualis. Ibid., t. L, p. 650. Bibliothèque nationale de Paris, ms. lat. 3639 : hymne de Jean Tisserand, frère mi­ neur (f 1494). Mais le privilège de l’immaculée conception ne dit pas seulement préservation du péché, il dit aussi jus­ tice ct sainteté positive. Marie nous est présentée comme une semence bénie qui doit apporter le salut aux nations, comme un char de feu qui s’allume aux rayons de la grâce sanctifiante : Exsultet novo carmine lumdans cœtus fidelium In benedicto semine Quo datur salus gentium. Currus ignis ncccnditur Sanctificante gratia. Ibid., t. xi, p. 41. Bréviaires d’Avignon ct d’Arles. Glorieuse est ccttc conception; car, si dans l’ordre naturel elle est charnelle, dans l’ordre spirituel elle est sainte : Concepta carnali ter. Sancta spiritaliter. Cuius est conceptio Gloriosa. Ibid., t. vm, p. 45. Missel de Troyes, ù la Bibliothèque nationale de Paris, ms. lat. 865. C’est qu’en cc jour le Fils unique du souverain Père sc construit un nouveau temple, temple consacré pur la grâce du Saint-Esprit : Ibid., t. xn, p. 53. Bréviaire de Nevers. Ainsi commence-t-il par sa mère son oeuvre de réno vallon, celui qui doit tout renouveler : Nova facturas omnia Nova matris primordia Novo lustrut decorc, Ut novitatis gratia Deus hominem gloria Coronet ct honore. Ibid., t. xxiv, p. 67. Bréviaire de Tours, à la Biblio­ thèque nationale de Paris, ms. lat. 1032. IMMACULÉE CONCEPTION 1119 Sans compter les images déjà rencontrées ct qui reparaissent, du lis ou dc la rose qui surgit du milieu des épines, dc l’étoile qui sort des nuages toute bril­ lante, etc. Notable en cc genre est cette strophe d’une hymne irlandaise : Mellis stilla dc spinis exiit. Maris stella de nube prodiit tenebrosa. Sed spinosum nil stilla sapuit, Sed nubosurn nil stella» habuit radiosa. Ibid., L x, p. 65. .Missel dc Kilmorc (Kilormicense), à Dublin, Trinity College. Les Églises d’Allemagne font écho aux Églises de France. De nouveaux offices contiennent 1’invitatoire, si expressif, que nous connaissons déjà, voir col. 1105: Adoremus Dei patris natum ex pura virgine. Qui conceptum suto matris præservat n crimine. Ibid., t. v, p. 53. Prague, Olnnitz, Cracovic. Des hymnes et des prières énoncent pareillement, en termes formels, la préservation de Marie : Conceptio laudabilis ab angelo nuntiata' Mariæ tam amabilis in conceptu pnescrvnta*. ... Omni laude dignissima Quæ concepta vitiorum sine labe purissima. Ibid., t. xxx, p. 95, Vienne, Munich. Sicut tres pueros Dominus protexit ab igne. Sic prorsus matrem macula præscrvnt ab omni. Et sicut Moysi rubus ardens non fuit ustus, Sic ncc primorum vitiis cit lapsa parentum. Ibid., t. xxxi, p. 126. Cologne, cod. 20, provenant dc la Chartreuse de cette ville. Même portée dans cette salutation adressée à la mère dc Dieu : Ave, quant originalis Non fœdavlt macula. Z6/ famosissimi. C’était la lisle de Raphael de Pomassio, mais nota­ blement allongée. Quelle était exactement la portée de l'affirmation première : Impium est tenere beatam Virginem non fuisse in originali peccato conceptam? S’agissait-il seu­ lement d’une question de principe, entraînant en Marie une dette stricte du péché originel, ou aussi d’une question dc fait supposant en elle le péché réel­ lement contracté? Nul doute possible sur la pensée personnelle de Bandclli; H voulait les deux choses : Virgo Maria non solum peccavit de debito, sed etiam de facto. Telle est l’assertion qu’il énonce au début dc la IV· partie dc son livre ct qu’il répète en tenues équivalents dans les chapitres qui suivent. Cependant une réserve paraît virtuellement contenue dans la con­ clusion finale, moins rigoureuse dans les termes que la proposition avancée d’abord, car l’opinion des anciens docteurs est seulement présentée comme plus pieuse ct plus sûre: Opinio antiquorum doctorum est magis pia et securior quam opinio quorumdam modernorum. L’écrit de Vincent Bandclli ne pouvait passer ina­ perçu; il le pouvait d'autant moins que le pontife régnant, Sixte JV ou François dc la Rovère, avait été frère mineur. Sous son impulsion, il y eut Λ Rome, entre des prêtres séculiers ct des religieux, une discus­ sion publique où le principal champion du privilège fut le général des franciscains, François Insuber, de Brescia, surnommé Samson. Cette discussion aurait eu lieu des 1475, d'après Roskovôny, op. cit., t. î, p. 411, et d’après d’autres auteurs,seulement deux ans plus tard. Cc qui est incontestable, c’cst que vers l’époque où parut le Libellus rccollectorius, un frère mineur, Léonard dc Nogarolc, soumit à l’approbation dc Sixte IV un office propre dc la Conception qu’il avait composé* C’était l’office Sicut lilium, ainsi dénommé d’après les premiers mots dc la première antienne des Vêpres. Une messe, Egredimini ct videte, était adjointe. Pierre dc Alva, Armamentarium scraphiciim ct J legestum universale tuendo titulo immaculata·. conceptionis, Madrid, 1649, col. 21 î du Regestum. Il aurait été difficile de faire une profession plus explicite du glorieux privilège. Dans le verset qui suivait l’hymne dc vêpres, l’immaculée conception, l'innocence originelle dc la Vierge étaient acclamées : Immaculata conceptio est hodie sancta: Maria: vir­ ginis, cuius innocentia indita cunctas illustrat eccle­ sias. A matines, les fidèles étaient invités à célébrer Vimmacuk'e conception dc la vierge Marie ct ù adorer Notre-Scigncur Jésus-Christ qui l’avait préservée : Immaculatam conceptionem virginis Marias celebremus. Christum eius pro'servatorem adoremus Dominum, La collecte, celle de la fête actuelle, était surtout remarquable, parce qu’elle n’énonçait pas seulement le privilège, mais le reliait à sa cause méritoire, la mort rédemptrice du Sauveur, ct ù son motif, la prépara­ tion d’une demeure digne du Verbe Incarné : Deus, qui per immaculatam Virginis conceptionem dignum Filio tuo habitaculum præparastl : quaesumus, ut qui ex morte eiusdem Filii tui prrrvisa eam ab omni labe pru­ nier. DE THèOL. GAT HOU 1122 servasti, nos quoque mundos eius intercessione ad te pervenire concedas. Tel était l’office que Léonard de Nogarolc présen­ tait au pape en sollicitant des indulgences pour ceux qui le réciteraient : Hoc saltem postremo obtentum sit, Pater sancte, ut qui hoc a te emendandum, quod humi­ liter offerimus, digna devotione celebraverint concep­ tionis officium, indulgentiarum tuarum partem, quam ipse volueris, capiant. Hoskovâny, op. cit., L i, p. 122. La réponse fut la constitution Cum prxexcelsa, 29 avril 1476. Extravagantes communes, 1. Ill, tit. xn, dc reliquiis et veneratione sanctorum, c. 1. Sixte IV accordait les indulgences concédées au concile de Constance pour la fête du Saint-Sacrement, « a tous les fidèles qui, le huit décembre ct pendant l’octave, célébreraient la messe et réciteraient l’office dc la conception ou assisteraient aux heures canoniales dc cet office, suivant l’ordonnance pieuse, dévote et louable dc notre cher fils, Léonard de Nogarole, clerc dc Vérone, notre notaire, et conformément à l’institution que nous avons faite dc cette messe ct de cet office. * La constitution Cum pra-excclsa ne mit pas fin à la controverse. En 1477, Hercule d’Este, duc dc Fcrrarc, provoqua une discussion publique qui eut lieu dans cette ville. Les deux principaux champions furent, du côté des frères prêcheurs, Vincent Bandclli, ct du côté des mineurs, Bernardin dc Fcltrc, dont les arguments furent publiés en 1502; Octo rationes pro immaculata virginis Maria: conceptione. Le résultat fut nul, cha­ cun s’attribuant la victoire. Bientôt, cependant, les défenseurs du privilège obtinrent un second triomphe. Un nouvel office fut composé ct présenté à Sixte IV par Bernardin de Busti, franciscain, auteur d’un Mariale, dont la lr* partie comprend neuf sermons sur l’immaculée conception. Le privilège n’y était pas moins nettement exprimé. Dans l’antienne du Magni­ ficat, Marie chantait Magnificat anima mea Domi-z num, et exsultavit spiritus meus in Deo salutari meo, Q Ut ME PRESERVAT IT AB ORIGIS ALI PECCATO, alleluia, alleluia, alleluia. L’invita toi re était : DB IMMACULATO COSCEPTU virginis, iubilemus Deo salutari nostro; et la collecte : Deus qui immaculatam virginem Ma­ riam, ut digna filii tui mater existeret,AB OMSI Labb PECCATI IS COSCEPTIOSK SUA PILESERFASTl, tribue quaesumus, ut qui cius innocentie puritatem veracia*, credimus, ipsam pro nobis apud te semper intercedere sentiamus. Les antiennes étalent à 1’ax enant, comme celle-ci, la première des secondes Vêpres : Tota pul­ chra es, Maria, ct macula originalis non est in te. Ber­ nardin de Bustl, Mariale, Lyon, 1502, à la suite des sermons, p. xux; cf. Dreves, Analecta hymnica, t. xxm, p. 61 sq. Sixte IV approuva cet office comme il avait approuvé l’autre, quoique d’une façon moins solennelle, bref Libenter ad ea, 4 octobre 1480. C’est alors que Vincent Bandclli fit paraître, en le dédiant au duc de Ferrure, un second écrit, plus consi­ dérable que le premier: Tractatus de singulari puritate ct praerogativa Salvatoris nostri Jesu Christi ex aucto­ ritate ducentorum sexaginta doctorum clarissimorum, Bologne, 1181. Dans une lr· partie, après des notions générales sur Petat primitif t Jee péché originel, il aborde et poursuit en dix-neuf chapitres l’énuméra­ tion des témoignages < dc docteurs Illustres » qu’il prétend favorables à sa première ct principale conclu­ sion : < La bienheureuse vierge Marie a été, comme les autres hommes, conçue dans le pêché originel. » En tête. Pierre Lombard; puis, des textes de Pères, 11 dc saint Augustin, 15 de saint Ambroise, 5 de saint Jérôme» 6 dc saint Grégoire, 34 dc divers autres de­ puis saint Irénée jusqu’à saint Bernard, 11 de sou­ verains pontifes, 22 dc canonistes éminents, 47 d’an­ ciens théologiens (y compris Sedulius); puis, des textes VIL —36 1123 IMMACULÉE CONCEPTION de docteurs appartenant à des ordres religieux, 14 cis­ terciens, 72 dominicains, 32 franciscains, 16 nugustins, 2 carmes. A quoi s’ajoutent des textes scripturaires ct six raisons théologiques qui ne présentent rien de nouveau. Cela fait, Bandelli développe, c. xxxinxxxix, cette seconde conclusion : < Dire que la bien­ heureuse Vierge n’a pas été conçue dans le péché originel, c’est avancer une assertion non conforme à la dété, non est plum; > mais, au cours de la discussion, I la formule de négative devient positive : est impium. A l’opposé, une troisième conclusion, c. xl: « L’opinion suivant laquelle la bienheureuse Vierge a contracté le péché originel dans sa conception, est très conforme à la saine piété, maximæ congruit fidei pietati. » Enfin trois conséquences pratiques étaient tirées : 1· « Croire ou affirmer obstinément, pertinaciter, que la bienheu­ reuse Vierge n’a pas été conçue dans le péché originel est chose Illicite, non est licitum. > 2e « Prêcher d’une façon catégorique, assertive, que la bienheureuse Vierge a été exempte du péché originel dans sa con­ ception, est chose illicite, non est licitum. > 3· · Assister aux sermons où l’on prêche que la bienheureuse Vierge n’a pas été conçue dans le péché originel, est chose dangereuse, periculosum est. > Dans la II· partie du livre, Bandelli réfutait les arguments que les défenseurs du privilège avalent apportés ù la conférence de Ferrare. Deux de ses réponses doivent être signalées. On avait fait appel à la fête de la conception, célébrée par l’Église; Ban­ delli soutient qu’il s’agit de la conception spirituelle, de conceptione secundum, spiritum, qua fuit concepta Deo; en d’autres termes, de Ja sanctification de Marie, distincte ct séparée de la conception proprement dite par un intervalle de temps très court ct pour ainsi dire imperceptible, modica et quasi imperceptib ill morula. On avait allégué les Indulgences accordées par le pape à ceux qui réciteraient l’office composé par Léonard de Nogarolc; Bandelli fait la même réponse, en l'accompagnant de cette réflexion hardie : < Si toute­ fois le seigneur pape a vu cct office, cc que beaucoup contestent, à cause de tant de choses futiles qu’on y dit, propter multa verba nugatoria quæ in illo continentur. · Cc n’est pas le lieu de soumettre au creuset de la critique les deux cent soixante témoignages allégués dans cct ouvrage. Ils sc ramènent à deux catégories générales, suivant qu’ils sont empruntes aux Livres saints ct aux Pères, ou bien aux théologiens scolas­ tiques ù partir de saint Anselme. Beaucoup des pre­ miers sc réduisent ù des affirmations générales sur l’universalité de la rédemption· ct du péché originel ou sur la connexion entre cc dernier ct la concupis­ cence Inhérente à l’acte générateur dans l’ordre actuel. Ces affirmations prouvent bien que, d’après les Pères, Marie tombait de droit sous la loi commune, mais elles restent en dehors du point précis de la controverse : une préservation de fait, en vertu d’une dérogation spéciale ct privilégiée. Sans parler de la question d’au­ thenticité ou d’intégrité ou d’autorité réelle, qui sc pose en certains cas,les témoignages des docteurs sco­ lastiques, défavorables à la pieuse croyance, ne tran­ chaient pas par eux-mêmes le débat, puisqu’ù ces témoi­ gnages on pouvait opposer des témoignages contraires, déplus en plus nombreux, ct qu’en outre, d’autres élé­ ments de solution Intervenaient en llgnedc compte, sui­ vant l’idée contenue dans celte remarque humoristique du P. Déodat Marie : «Bandelli, en 1181, citait 260 doc­ teurs très Illustres ; les franciscains sc défendaient avec l’autorité de 360 livres liturgiques, missels, bréviaires, livres d’heures, calendriers, b Un tournoi théologique, Le Havre, 1907, p. 83. Un autre point de vue était à considérer : la façon dont l’auteur du livre avait traité la pieuse croyance ou ses défenseurs, ct l’interprétation qu’il avait donnée 1124 de la constitution Cum præexcelsa. Sixte IV ne goûta ni l’une ni l’autre; dans une seconde bulle émise en 1182, Grave nimis, il déclara fausses ct erronées, /alsus et erroneas ac a veritate alienas, les assertions de ceux qui prétendaient appliquer ù la seule conception spi­ rituelle ou sanctification de la glorieuse Vierge la fête célébrée par l’Église romaine, ou accuser d’hérésie les partisans de la pieuse croyance. Ceux qui oseraient proférer ces assertions seraient, par le fait même, excommuniés. L’année suivante, le 4 septembre, nou­ velle bulle, ou plutôt reprise de la précédente, avec cette particularité que la réprobation et les censures ecclésiastiques atteignent aussi quiconque affirmerait qu’il y a péché,soit ù célébrer l’office de laConception, soit à écouter les sermons où l’on prêche le glorieux privilège. C’est sous cette dernière forme que la consti­ tution Grave nimis a été insérée dans le Corpus juris, Extravagantes communes, loc. cit., c. 2. Cet acte clôt la première étape dans la série des actes officiels du saint-siège en faveur de la pieuse croyance. Un double résultat était acquis : maintenant, la fête de la Conception était non seulement approu­ vée, mais formellement acceptée par l’Église romaine; en outre, le saint-siège prenait la défense de la pieuse croyance, en ce sens qu’il ne permettait plus de faire intervenir, ù son sujet, les mots d’hérésie ni de péché. Un siècle ct demi plus tard, le 31 août 1617, le cardinal Bellarmin émettra dans un vote célèbre cette propo­ sition : Non potest definiri sententiam communiorem (celle qui soutient le privilège) esse hareticam; c’est à la constitution de Sixte IV qu’il se référera : Probatur, quia Ecclesia seu sedes apostolica definivit conIrarium. Sixtus enim IV in extravagant I grave stilts expresse definit eos qui dicunt hærcticum esse dicere beatam Virginem sine peccato originali esse conceptam, /akum dicere ct excommunicat illos excommunicatione reservata summo pontifici. Lc Bachelet, Ven. Servi Dei Robert! card. Bcllarminl de immaculata beatæ vir­ ginis Maria votum, Paris, 1905, p. 29. Littérature de l’époque : A. de Roskovâny, op. clt., 1.i, p. 115 sq., 262 sq., 287; Pierre do Alva, ouvrages cités; Mgr Malou, op. cit., t n, p. 1 16 sq.; II. Holzapfel, Biblio­ theca /randseana, auteurs franciscains du xv· siècle. Documents liturgiques: G. Dreves, Analecta hymnlca, passim: Λ. Noyon, dossier ms.; Passaglia, op. ctt., t. m, n. 1687 sq.;Mgr Malou,op.cit.,t.i,p. 142sq. Constitutions six tines : Roskovâny, op. ctt., 1.1, p. 122 sq.; Piazza, op. cit., p. 229 sq. II. DR 8IXTR IV A ALEXANDRE VII (1485-1667): GÉNÉRALISATION DE LA CROYANCE ET DÉTERMINA­ TION DE l'oujet DE LA Fête. — Les deux choses sont dans un rapport d’étroite dépendance, car c’est dans la mesure même où la croyance à l’immaculée concep­ tion de Marie se généralise, que Ja fête prend de plus en plus nettement un sens immaculistc; sens con­ sacré, ù la tin de cette période, par la bulle Sollici­ tudo, d’Alexandre VIL L’opposition persiste de la part d’une minorité qui va toujours en diminuant. Cette circonstance impose aux autres la nécessité de continuer l’ancienne lutte, ct même de défendre les actes pontificaux qui favorisent la pieuse croyance; parallèlement, un travail théologique se poursuit, ayant pour objet divers points relatifs à l’explication du glorieux privilège : degré de certitude qu’on peut attribuer ù la pieuse croyance, perfection ct moment précis de la sanctification première de la bienheureuse Vierge, nature de Ja dette du péché ù laquelle elle fut soumise. I 1° Après les constitutions sixtines : opposition et I défense. — L’énergique Intervention de Sixte IV contint les ardeurs de ceux qu! attaquaient Je privilège I marial, mais seulement pour quelque temps. Dès 1194, parut ù λ i nise un écrit composé par le dominicain 1125 IMMACULÉE CONCEPTION Pierre de Viccncc : Opusculum de veritate conceptionis beatissima virginis Maria, s. 1. n. d. Le genre du tra­ vail est Indiqué à Jn page H, où Je titre est répété, avec celle addition : in quo continentur dicta ducentorum sexdccim doctorum de conceptione beatæ Virginis. C'était, en somme, une reprise du traité de Bandelli, utilisé dans sa partie positive. Réimprimé à Toulouse deux siècles plus tard, cct opuscule fut condamné en 1649 par la faculté de théologie de cette ville; peu après, il fut passé au crible d’une juste critique par le jésuite Pierre Poussincs, Vincentia vicius sive conIidat io libri cui titulus est, Fratris Petri de Vincentia opusculum de veritate conceptionis beatissima virginis Maria, Montauban, 1660. VinccntBandelli, devenu général de son ordre(15011506), rentra lui-même en scène d’une autre façon, s’il est vrai, comme on l’afUnne communément, qu’il composa pour Ja fete du 8 décembre un ofllce, dont la principale originalité consiste dans le remplacement du mot de conception par celui de sanctification. Ainsi lit-on dans l'invitatoirc: sanctificationem virginis Mariæ celebremus, Christum eius Filium adoremus Dominum. De meme, dans Ja collecte où la portée de la substitution se révèle nettement : Deus, qui beatissi* mani virginem Mariam post animæ in/usionem per copiosum gratiæ munus mirabiliter ab omni peccati macula MUNDASTI ctin sanctitatis puritate postea con­ firmasti, priesta quiesumus, ut qui in honorem suæ sanctificaTI0NI3 congregamur, cius intercessionibus a te de instantibus periculis eruamur. Pierre de Alva, Degestum universale, coi. 220, d’après un bréviaire dominicain de 1527, où il est dit : tn sanctificatione beatissimie virginis Marier, fiat officium per P, Mag. Vincentium de Castronovo, totius ordinis nostri olim generalem magistrum editum. Les défenseurs du privilège ne firent pas défaut. Une vingtaine d’écrits composés à cette occasion, de I486 ù 1513, ont été reproduits par le même compi­ lateur; quelques noms méritent d’être signalés. Dans les Monumenta antiqua scraphica : p. 377, Louis della Torre, de Vérone, Tractatus de conceptione beatæ virginis Maria·, adressé «aux vrais dé vols de la Vierge et ù ceux qui sont affectionnés à sa conception toute bénie, » Brescia, I486; p. 535, Antoine Bonito de Cuccaro, évêque d’Accrno (1504-1510), Elucidarius virginis, de conceptione incontaminata: Virginis gloriosæ, dont la première partie énumère tout au long les autorités invoquées par Bandelli, ct les deux autres contiennent les preuves de Ja thèse opposée et Ja réfu­ tation des arguments adverses. Dans les Monumenta antiqua ex variis auctoribus, t. i : Dominique Bollani, Tractatus de immaculata Virginis conceptione, avant 1492; Jean de Meppis, augustin allemand, qui cite beaucoup d’écrivains de son ordre. Tractatus de imma­ culata· Virginis conceptione, 1482; nu t. n : Paul de Heredia, espagnol, converti du judaïsme,De conceptu immaculate? Deiparæ Virginis, présenté au pape Innocent VIII (1484-1492); Robert Gaguin, trinilaire ( f 1501), Tractatus de conceptione beatæ virginis Marite contra Vincentium de Castronovo*, surtout Jean Clichlouc, De puritate conceptionis beatæ Marite virginis libri duo, I ’.u is. 1513« La plupart île ers écrits font peu avancer Ja ques­ tion; les auteurs utilisent les travaux de leurs devan­ ciers ct repoussent de leur mieux les attaques portées contre la pieuse croyance; ils ont surtout l’avantage de Ja vulgariser. Ils savent reconnaître Ja liberté d’opinion laissée par le saint-siège, mais en même temps réclamer Je respect dû ù Ja pieuse croyance : Ex litterarum igitur apostolicarum tenore patet, qualiter quæ magis placet opinio teneri potest, licet non minus pateat quam grave sit de turres t impugnare (eos) qui matrem Domini de ejus perfecta innocentia laudare 1126 student. Louis della Torre, toe. cit., p. 438. Ils savent aussi tirer parti du sens que, dans la constitution Grave nimis, Sixte IV avait attribue à la célébration de la fêle : Ecclesia sacrosancta agit festum CONCEPTIONIS, et non sanctificationis. Boliandi, loc. cil.,p. 320. 2· Généralisation de ta croyance. — Simple fait, que nous constaterons en consultant plusieurs milieux, propres à témoigner du sentiment commun : les uni­ versités, les ordres religieux, les simples fidèles et les pasteurs. 1. Adhésion des universités. — Dès 1507, Antoine Benito nomme dans son Elucidarius comme acquises à Ja pieuse croyance, les universités de Paris, d’Oxford, de Cambridge, de Toulouse, de Bologne : Née non univers dates Parisiensis, Oxoniensis, Canta­ bri gens is ac Tolosana, et plures altæ idem firmiter asserentes, nobiscum, sicut Bononiensis. Loc. cil., p. 630. Celle adhésion sc confirme et sc manifeste par des actes éclatants, dont le principal est l’impo­ sition du serment dit · de l’immaculée conception. » a) La Sorbonne. — Les constitutions sixtincs étaient de nature à exciter le zèle de la grande université française dans l'affirmation ct la défense du glorieux privilège; on le vit bientôt. En 1495, un frère mineur, prêchant à Saint-Germain l’Auxerrois, le 8 décembre, eut la singulière idée d’exposer alternativement* matin et soir, les deux opinions relatives à la concep­ tion de la Vierge, et d’abord l’opinion contraire au privilège, en sc servant aussi malencontreusement que métaphoriquement de cc texte, Joa., vin, 4 : Hæc mulier modo deprehensa est in adulterio. Le scandale fut considérable, ct l’orateur dut faire, publiquement, amende honorable. D’Argentrè, Collectio, 1.1 b, p. 332· Deux ans plus tard, un dominicain, Jean Le Ver, prêchant à Dieppe, avança celte proposition : < La bienheureuse Vierge a été purifiée de la faute origi­ nelle », ct posa en même temps cette question : autre­ ment, « comment aurait-elle pu réciter l’oraison domi­ nicale, en particulier ces mots : Dimitte nobis debita nostra? » Enfin il ajouta qu’il n’y avait « ni péché grave ni hérésie à dire qu’elle a été conçue dans le péché originel. » La faculté de théologie censura ces propositions, la première comme « fausse, impie ct offensive des oreilles pieuses, tendant à écarter les fidèles de la dévotion envers l’immaculée conception de la glorieuse vierge Marie, mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ct contraire au culte ecclésiastique, à la droite raison, ù hi sainte Écriture, ct ù la foi. » En con­ séquence, Jean Le Ver dut faire, le 16 septembre 1497, rétractation ct réparation solennelle. D’Argentré, ibid., p. 336 sq. Cc fut à cette occasion que la Sorbonne prit une mesure d’une grande portée. Le 3 mars de la même année (1496 dans l’ancien style), elle décréta que, désormais, tous ceux qui voudraient obtenir les grades académiques, devraient s’engager par serment à défendre l’immaculée conception de Marie : Statuentes ut nemo deinceps sacro huic nostro collegio adseribatur, nisi se hujus rcligiosæ doctrinæ assertorem strenuumque propugnatorem semper pro viribus juturum simili juramento profiteatur. Ibid., p. 333. Le décret fut publié le 23 août ct le serment prêté le 17 septembre par 112 docteurs, 82 de rigore promoti dont les noms sont donnés par Jean Triihemius, ù la fin d’un écrit Intitulé : De purissima et immaculata conceptione vir­ ginis Marlee, et de festivitate sancte Anne matris eius, s. 1. n. d. On y remarque 47 docteurs appartenant ù des ordres religieux : 8 bénédictins, 3 cisterciens, 1 pré­ montré, 13 dominicains, 8 franciscains, 7 nugustins, 5 carmes ct 1 servile. La Sorbonne prit cet engagement au sérieux; elle le prouva en plusieurs circonstances notables, ct d’abord Λ propus des erreurs de Luther. Sur ce point 1127 IMMACULÉE CONCEPTION comme sur beaucoup d'autres, la doctrine du grand hérésiarque manque dc cohérence. Dans une homélie pour le jour de la conception de Marie, mère de Dieu, il enseigne le privilège. Il commence par expliquer cc qu'est le péché originel, la connaissance dc cc péché étant nécessaire, dit-il, pour comprendre comment Marie en fut préservée : « Dc l'avis commun des doc­ teurs, le péché originel n'est pas autre chose que la privation dc la justice originelle, conséquence ct puni­ tion du premier péché commis par Adam au paradis terrestre. · Il expose ensuite les diverses opinions; puis, après avoir établi la distinction courante entre conception active ct conception passive, il conclut : < Je ne parle pas de la première conception. Mais pour l’autre, qui consiste dans l’infusion dc l'âme, c’est une pieuse croyance, pie creditur, qu'elle s’est faite sans le péché originel, en sorte qu’au moment même dc l'union dc son âme ct dc son corps, Marie a été puri­ fiée du péché originel; elle a été rachetée par la grâce divine, mais dc telle sorte, qu’elle a reçu dc Dieu immédiatement une âme sainte. C’est là cc que signi­ fient les paroles dc l’ange Gabriel : Vous êtes bénie entre toutes les femmes. On ne pourrait pas lui dire ainsi : Vous êtes bénie, si jamais elle avait été sous le coup dc la malédiction. Du reste, n’était-il pas con­ venable ct juste que Dieu préservât du péché d’originc celle qui devait donner au Christ la chair destinée à effacer tous les péchés? > Enarrationes seu Poslillx Martini Lutheri in Lectiones quæ ex euangelicis his­ toriis, apostolorum scriptis... per universum annum... recitantur, Strasbourg, 1530, p. 360. D’autres passages, dans les œuvres dc Luther, con­ tiennent une autre doctrine. Roskovâny, op. cit., 1.1, p. 136. Cc qui attira l’attention dc la Sorbonne, cc fut cette proposition, comprise dans une série d'extraits dc divers écrits : · L’opinion contraire à celle qui affirme la conception sans tache, n’est pas réprouvée. Contradictoria hujus propositionis : Beata Virgo est concepta sine peccato originali, non est repro­ bata. » Cc n'était pas rejeter absolument la pieuse croyance, c’était seulement nier qu’elle s’imposât, et, par conséquent, ne pas tenir compte du décret dc Bâle. Le 15 avril 1521, la proposition fut déclarée • fausse ct proférée, par ignorance ct impiété, contre l'honneur dc la. Vierge immaculée : falsa, ignoranter et impie contra honorem immaculatæ Virginis asserta. D’Argcntré, 1.1 b, p. 369. Quelque chose d’approchant se retrouve dans la critique d’une assertion d’Érasme, faite en 1528 par un docteur dc la faculté dc théologie, Noël Bèdc. Ibid., t. ni b, p. 51 ; Roskovâny, op. cit., t. i, p. 383. La Sorbonne fut plus sévère encore dans deux autres circonstances. Un dominicain ayant insinué en 1543, que la vierge Marie avait eu besoin d’une rédemption libératrice, erepdoa, l’assertion fut con­ damnée comme < hérétique ct injurieuse à la très sainte vierge Marie. · D’Argcntré, t. n a, p. 138. L’autre jugement, porté en 1560, concernait la doctrine sou­ tenue dans les propositions 72 et 73 dc Baius. Dcnzinger, Enchiridion, n. 1072 sq. Doctrine énoncée comme il suit dans le texte sorbonnique : Nemo, prater Christum, est absque peccato originali; hinc beata Virgo mortua est propter peccatum ex Adarn contractum, omnetque ejus afflictiones in hac vita, sicut rl aliorum justorum, fuerunt ultiones peccati actualis vel originalis. Unde ct Job pas­ sus est, et martyres, propter peccata sua. Personne, hors le Christ, n’est exempt du péché origi­ nel ; la sainte Vierge est donc morte û cause du péché qu’elle avait contracté d’A­ dam, ct toutes 1rs afflictions qu’elle n éprouvées ici-bas, ont élé pour elle, comme pour les autres justes, des châtiments du péché actuel ou originel. Dc même. Job ct les martyrs ont souffert pour leurs péchés. 1128 Ccttc proposition fut déclarée < hérétique en toute ses parties et injurieuse envers la bienheureuse vierge Marie ct les saints. » D’Argent ré, t. n a, p. 204. Cf. Baius, t. n, col. 108-110. On voit, par ces censures, que l’université dc Paris tenait et imposait comme vérité dc foi la doctrine dcl’immaculée conception, vn s’appuyant sur le décret dc Bâle. Ccttc prétention occasionna plus tard un con­ flit entre elle et Maldonat. b) Universités allemandes. Plusieurs contravenes préludèrent à l’imposition d'un serment, comme ù Paris. La première eut lieu à Leipzig, en 1489 ct 1490, entre les dominicains, d'une part, ct dc l'autre, les franciscains soutenus par la faculté dc droit. Divers écrits furent publiés, surtout par Georges dc Frickenhauscr, principal champion des frères prêcheurs, ct par le professeur JeanBreitcnbacb, dans un sens contraire. Roskovâny ,op. cit., 1.1, p. 293. Trois pièces, Indiquées à cct endroit, ont été reproduites par Pierre dc Alva, Monumenta antiqua ex novem auctoribus : p. 439, Disputatio brevissima dc immaculato conceptu Virginis gloriosœ, Leipzig, 1489, mis sous le nom de Sébastien Brand, mais attribué à Breitcnbach par Roskovâny; p. 480, Clgpcus contra iacula adversus sacram cl imma­ culatam virginis Mariæ conceptionem volitantia, per modum trium sermonum, Leipzig, 1490; p.509, Quæslio dc immaculata conceptione cum sua determinatione : Utrum Virgo davidica in mente divina ab ivterno pneordinata, habens esse in Deo secundum rationem idealem, peccati originalis fuerit obnoxia, quando erat concepta secundum communem legem cursumque naturalem? Celte manière de poser la question indique clairement que le défenseur du privilège rattache l'exemption du péché originel en Marie à son éternelle prédestina­ tion comme mère dc Dieu. L’autre controverse eut pour point dc départ un traité du vénérable abbé dc Spanhcim, Jean Trithemius (t 1516) : Dc laudibus S. Annie matris bcatissimæ Dei genitricis ct virginis Mariæ, Leipzig, 1494. Sur la demande dc religieux carmes, il y avait Inséré un chapitre sur l’immaculée conception : Quod sancta Anna mater filiam suam benedictam Dei genitricem sine originali macula concepit, c. vu. L'argument tiré du culte était mis à profit : « Voici que l’Église vénère la conception dc la mère dc Dieu comme pure ct sans tache, voici qu'elle en célèbre pieusement la fête chaque année, ct des hommes artificieux s’efforcent, par une témérité présomptueuse, dc la souiller! » Passage cité plus complètement par Mgr Malou, op. cit., t. il, p. 150. Un dominicain dc Francfort-sur-leMcin, Wigand Wirth (t 1519), répondit en déclarant hérétique quiconque osait exempter Marie dc la tache originelle. Une discussion s’ensuivit, où l'abbé dc Spanhcim rappela son adversaire à la modération ct à une juste appréciation des choses : < Il est vrai­ ment étrange que vous prétendiez diriger l’Église dc Dieu dans la défense de la foi; au lieu dc vous réjouir dc cc que l’Église ne vous force pas à reconnaître la tache originelle vn Marie, vous prétendez découvrir en clic cette tache malgré l'Église. · Le recteur ct des maîtres dc l’université dc Cologne s’entremirent; ils obtinrent de Wigand qu’il retirât ce qu’il avait avancé et fit amende honorable à Trithemius. Roskovâny, t.i, p. 294 ; d’Argcntré, 1.1 b, p. 331. Peu nprès, le meme dominicain s’attira, par des paroles dites en chaire, de nouvelles difficultés avec divers personnages, particulièrement avec le curé dc Francfort, Conral Hensel, qui lui répliqua vertement. De pl aintes en diffamation contre cc dernier furent portée.' η Γ< v·’que dc Strasbourg pnrWirlh ct scs con­ frère ; mais Sébastien Brant prit la défense dc I lcnscl c t Jus1ifia sa conduite. Wirth n’eut pas plus dc succès i Ron c, ou II sc rendit pour soutenir sa cause ct aussi 1129 IMMACULÉE CONCEPTION pour sc soustraire aux dangers que le mécontentement des fidèles lui faisait courir à Francfort. Roskovâny, L î, p. 291; G. Stoltz, exposé dc toute 1’aflairc dans Archiv /tir Frankfurt/en Geschlchte und Kunst, 1877, L vî, p. 1-36. Ces controverses tournèrent à l’avantage dc la pieuse croyance. Les universités de Cologne ct dc Mayence suivirent, en 1199 ct en 1500, l’exemple donné par la Sorbonne : elles inscrivirent dans leurs statuts l’obli­ gation, pour tous leurs membres, de tenir la doctrine dc l’immaculée conception. Roskovâny, op. c//., L l, p. 131 sq.; Jean dc Paltz, nugustin, Tractatus pro immaculata conceptione Virginis Marlir, Leipzig, 1510, dans Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis auctoribus, t. ι, ρ. 398, 101. D’autres universités prirent ensuite la même mesure: Vienne en 1501 ct de nouveau en 1649, sur la demande dc l’empereur Ferdinand 111; Ingolstadt, 1653;Tymau, 1656; Salzbourg, 1697. En Pologne, Cracovlc établit aussi le serment. c) Universités espagnoles. — Quelques lignes d’un religieux nugustin, Jaime Perez (Jacobus de Valentia), évêque dc Christopolis (f 1490), témoignent dc la fer­ meté ct de la netteté avec lesquelles le glorieux pri­ vilège s’énonçait en Espagne à la fin du xv· siècle : Deus Alt iss imus sancti fi cavit ct ludificavit, ct flumine gratia ornavit Virginem matrem suam in primo ins­ tanti sui esse et anima: creationis ct infusionis, et per consequens illa sanctissima anima simul fuit unita et sancti ficata et in illo sanctissimo corpore infusa, ei cor­ pus sinuit cum anima sancti ficatum. Comment, ps. XLV, Lyon, 1540, fol. 147. Cependant, il n’est pas encore question alors, dans les universités du serment dc l’immaculée conception. L’initiative vint de Valence, en 1530, à la suite d’un cas semblable ù celui qui avait déterminé la Sorbonne. Barcelone et Osuna suivirent à des dates non fixées. A un moment donné, les uni­ versités rivalisent dc zèle pour établir le serment : en 1617, Grenade, Alcala, Baeza, Santiago, Tolède, Saragossc;en 1618, Salamanque; en 1619,1 luesca; d’autres ensuite. Même mesure fut prise,en Portugal, à Coïmbrc ct ù Evora; puis, en dehors de la péninsule Ibérique, dans des régions soumises à l’influence espagnole : à Naples, 1G18, ct Λ Païenne ; dans les Flandres, à Douai, 16G2. L’énumération est loin d’être complète. On a pu dire qu’au milieu du xvji· siècle, la pieuse croyance était officiellement acceptée par près dc 150 univer­ sités ou collèges, dont un tiers avait formellement admis le serment. L. Kdsters, Maria, die unbefleckt Empfangene, Ratisbonne, 1905, p. 125. Une telle adhésion des corps enseignants entraînait pour la doc­ trine de l’immaculée conception un double avantage : cette doctrine trouvait, dans les membres dc ces uni­ versités, des apôtres qui la promouvaient en l’ensei­ gnant, et les mêmes devenaient, A l’occasion, scs défenseurs, comme tant d’exemples en font fol. Aug. dr Roskovâny. op. cit.. 1.I, p. 128 »q.; t. îX, p. 720 sq.; Mgr l’échrnnrd, L'immaculée conception ct l'ancienne université de Paris, loc. cit., p. 386 sq.; IL Lesétre. L'imma­ culée conception ct l'Église dt Parte, p. 82 sq.; S. Brlsscl, Geschichte der Verchrung Marias im XVI und X VH Jahrhundert, p. 227 sq.; Immaculata und Mainzer Hochschulc, H97, 1501, dans In revue Per Katholik, Mnvcnce, 1904, p. 240; B. (Uttinnlr, Die Lehre t»on der unbc/lccktcn Empfdngnise an der Universitat Salzburg, Linz, 1896; cf. U. Ihiltus, 1^ dogme de l'immaculée conception ct l'université de Salzbourg, dans ht Kevue bénédictine, Maredsous, 1806, t. xm, p. 529; H. Perkmann, 7.ur Geschichte der Wiener Univcrsltdt, Leipzig. 1865, p. 233 sq.; J. Mtr. La inmaculada coneepciôn,c. xxm;M. HernAdex Viflncscusa, La inma­ culada coneepciôn y las Universtdades espaflolas, 2· édit., Oflntc, 1901; A. Perèz, La coneepciôn inmaculada de la Virgen y la Universldad de Salamanca en el siglo XV, dans la revue Itaxôn y fe, Madrid, 1904, n· extraordinaire, p. 69; 1130 Id., La Universldad de Salamanca g la purhlma conctpciôn, ibid., 1905, p. 133, 452. 2. Adhésion des ordres religieux. — Nul besoin de nommer ceux qui, aux siècles précédents, avaient accepté ct défendu la pieuse croyance. Leurs théolo­ giens continuent A marcher dans la même voie; ils multiplient les livres en faveur de celle cause, sou­ tenue avec non moins dc zèle par leurs saints, nom­ breux alors : chez les franciscains, Pierre d’Alcanlara (t 1562), Pascal Baylon (t 1592), Joseph de Cuportino (t 1663); chez les cannes, Jean dc la Croix (f 1591) ct Thérèse d’Avila (fl582); chez les au gus tins, Jean dc Sahagun ou de Sainl-Facond (f 1479) ct Thomas dc Villeneuve (t 1555); chez les minimes, François dc Paule, leur fondateur (t 1507). Parfois ces ordres Imitent les universités ou les villes qui sc consacrent au service dc l’immaculée. L’ordre séraphique s’en­ gage par serment, en 1621, à défendre le privilège; en 1645, il prend pour patronne la bienheureuse vierge Marie conçue sans péché. Roskovâny, op. cit., t. n, p. 356, 364. En Espagne, les ordres militaires entrent dans la même voie; le serment est adopté par les che­ valiers de Saint-Jean dc Jérusalem en 1634, par ceux dc Santiago, dc Calatrava et d’Alcantara en 1650, 1652 ct 1653. A Tolède, une noble dame portugaise, Béatrice dc Silva, inaugure la série des congrégations dc femmes spécialement consacrées à la Vierge sans tache, en fondant, des 1484, un ordre dc religieuses en l’honneur ct sous l’invocation dc l’immaculée con­ ception dc Notre-Dame. Au même diocèse, en 1639, un couvent dc sœurs dominicaines s’érige sous le titre dc l’immaculée Conception. En Italie, un ordre mili­ taire est institué, à Man loue, l’an 1623, sous le titre dc Milicia cristiana ct sous le patronage de la Con­ ception dc la Vierge immaculée. Auxancicnsreligicuxs’ajoulentjes clercs réguliers : thcatins,bamabites, somasques, jésuites, clercs régu­ liers mineurs oude la Mère deDieu ou des Écoles pies. En outre, des congrégations ecclésiastiques se forment : doctrinaires, oratoriens, pieux ouvriers, prêtres de la Mission, eudistes, sulpiciens. Tous, sans exception, adhèrent à la pieuse croyance. Parmi ces nouvelles recrues, la Compagnie dc Jésus merite une mention spéciale, pour le nombre des apôtres qu’elle a fournis à la cause dc l’immaculée conception et pour l’in­ fluence qu’uncertain nombre ont exercée dans le pro­ grès ct le triomphe définitif de cette cause. Dans les règles sur le choix des opinions, édictées en 1593 dans la V· congrégation générale, décr. xu, la pieuse croyance devint officiellement doctrine de la Compa­ gnie: De conceptione autem IL Maria... sequantur sen­ tentiam quir magis hoc tempore communis, magisque recepta apud theologos est. Trois quarts de siècle ne s’étalent pas encore écoulés depuis sa fondation, et la Compagnie avait donné â la cause des champions, tels que Lainez, Salmeron, Canisius, Tolet, Bellarmin, Grégoire de Valence, Vasquez, et Suarez. Tous ses saints s’étalent signalés par une dévotion speciale en­ vers Marie immaculée; tels, parmi les plus humbles, saint Jean Berchmans, signant de son propre sangle vœu de soutenir el de défendre toujours le glorieux privilège, et saint Alphonse Rodriguez, récitant cha­ que jour l’office dc la Conception et propageant de toutes scs forces la dévotion à la Vierge sans tache. Mgr Georges Monchamp, Suinf Jean Herchmans et Γ immaculée conception dc la vierge Marie, Liège, 1904 ; J. Mir, La inmaculada coneepciôn, c. ix, n. 12 sq. Malgré les attaques, convaincues sans doute, mais trop peu modérées d’un certain nombre de ses mem­ bres, l’ordre de Saint-Dominique ne resta pas complè­ tement en dehors du mouvement général. En Italie, Ambroise Catharin (f 1553) fut un ardent champion . de la pieuse croyance. Six de ses écrits relatifs à la 1131 IMMACULÉE CONCEPTION 1132 question ont été groupés par Pierre de Alva, Monu­ femmes inspirées. Maintenant princes ct peuples, unis menta dominicana pro immaculata conceptione, Lou­ • dans un mémo concert de louanges, acclament l'imma­ vain, 1666. Les principaux sont deux traites, dédiés culée conception do la vierge Marie : Undo fil laus l’un aux Pères du concile de Trente (il cn sera question una principum cl populorum in dogmatizatIone inte­ plus loin) ct l’autre à scs confrères, ù l’occasion de merato conceptionis virginis Mariæ. Pierre de Alva, difllcultés qui s’étaient élevées entre eux ct les Siennois Monumenta dominicana, p. 535, 510, 548. Profession au sujet de la fête de la Conception : Disputatio pro de foi qui nous dispensera de nous étonner si, dans les veritate immaculato conceptionis beato virginis Mariæ, Horæ beatæ Mariæ virginis ad usum Fratrum Prædiad Patres et Fratres ordinis Prædicalorum, Sienne, . catorum ordinis S. Dominici, imprimées à Paris cn 1532. Dans cet écrit, divisé cn trois livres, Catharin 1529, nous trouvons un office propre de la Conception, réfute les arguments ct les objections des adversaires où le privilège n’est pas moins nettement exprimé, (Bandelli, Cajétan ct autres), expose d’une façon pré­ par exemple,dans la collecte : Deus, qui pro salute cise l’opinion qu’il soutient ct l’établit par des chefs humant generis carnem gloriosæ virginis Mariæ de preuves multiples : docteurs, universités, fidèles, assumere dignatus es, cl ipsam sine macula concipien­ églises, miracles ct révélations, raisons thcologiqucs dam ante secula in matrem præclcgisli...·, ou encore de convenance, sainte Écriture. Traité remarquable, dans l’hymne de sexte : Ave Regina calorum, qiuc dans son ensemble,ctqui porte la marque d’un esprit concepta viliorum sine labe purissima. Roskovâny, vigoureux. L’auteur fait remarquer aux autres que [ op. cit., 1.1, p. 408. Mais il serait illégitimé d’attribuer l’argument d’autorité s’est retourné contre eux : Si à tous les dominicains de France, à cette époque, nunc jam auctoritate velint contendere, procul dubio l’interprétation donnée par ceux de Paris à la célé­ absorbebuntur. De même pour cc qui concerne l’Église bration de la fête; à preuve, les dénégations dont romaine, nettement favorable au privilège; cc qui Catharin s’est fait l’écho, dans son écrit: Explanatio amène cette conclusion relativement au docteur angé­ errorum in controversia super celebrationem concep­ lique : S’il vivait maintenant, il admettrait la pieuse tionis immaculato Virginis inter Fratres nostros cl croyance, puisqu’il n’a fait sienne l’opinion contraire Senenses cives oborta. Loc. cil. Les adversaires du pri­ que dans la mesure où il croyait y voir la pensée de vilège répondaient en parlant de leur ordre et cn l’Église. Concludo quod opinio Thomas contra imma­ interprétant à leur guise les sentiments de leurs frères culatam Domina conceptionem pro tanto est sua, pro de Paris: Est falsum quod in Francia celebrent sub tall quanto sustentari videbatur a sensu Ecclesiæ, quem titulo, id est conceptionis..., solummodo nec libenti animo tunc arbitrabantur. Loc. cit., p. 150, 181. in conventu Parisius. Au siècle suivant, un autre dominicain, Thomas Mais c’est surtout en Espagne que la pieuse croyance Campanella (f 1639), composa également cn faveur du compta dès lors de nombreux représentants dans Tordre privilège un écrit, publié par Pierre de Alva dans le doSaint-Dominique. Parmi une dizaine d’orateurs dismeme recueil : Tractatus de immaculata beato Virginis tingués que cite le Père Jean Mir, op. cit., c. xiv, pre­ conceptione, Naples, 1621. 11 exhorte vivement ceux nons, à titre d’exemple, saint Louis Bertrand (t 1581). de son ordre ù sc rallier tous à l’opinion commune, Dans un sermon prêché cn 1563, il rapporte le culte mais il mêle A de justes remarques des assertions éton­ à la conception même et le justifie par l’absence cn nantes. D’après lui, la pieuse croyance devrait son Marie du péché originel : Quoniam autem in hac infu­ origine aux dominicains plutôt qu’aux franciscains, sione, quando anima corporis possessionem primum c. vm : Doctrinam de conceptione beato Virginis absque adivit, nullius peccati originalis sorde fuilconspurcala.., peccato originali non ex /ranciscanis melioribus ortam ideo jure optimo dc beatissima: Virginis conceptione esse, sed a dominicanis, licet paulo ante ab episcopo festum celebramus. Ce fut là le premier des dons anglicano. Saint Thomas d’Aquin la soutient dans privilégiés que la bienheureuse Vierge reçut au début son commentaire sur le 1er livre des Sentences, ct cet de son existence : quorum primum est maximum gratiæ enseignement doit être préféré à l’enseignement con­ beneficium, qua in sua conceptione ab originali labe traire de la Somme théologique, car c’est son opinion præservata fuit, Roskovâny, t.i,p. 415. Dans un appen­ propre que le saint docteur donne dans le premier cas, dice à la Vie de saint Louis Bertrand qu’il a composée, tandis que, dans le second, il rapporte celle d’autrui, In Vitam Ludovicl Bertrand!, c. in, un religieux du c. xm : Quud D. Thomas pro conceptionis munditia même ordre, Vincent Justinien Antist (t 1599), a loquitur ex propriis, contra munditiam ex alienis. inséré dix considérations notables qui furent publiées D’autres théologiens dominicains de la même époque, à Madrid, cn 1615, sous la forme d’un petit traité : eux aussi partisans du privilège, n’admettaient pas Traiado de la inmaculada conccpciôn dc la Virgen qu’il y eût dans les écrits de saint Thomas divergence Santisima Nuesira Scnora. Reproduite, en espagnol de doctrine; pour tout concilier, ils recouraient à la ct cn latin, par Pierre de Alva, Monumenta domini­ double distinction déjà signalée : acte ct dette du péché caria, p. 493, la pièce fut traduite plus tard cn fran­ originel; priorité chronologique ct priorité de nature çais : Traité dc Γ immaculée conception de la très sainte ou de raison. Capponi de Porrecta (t 1611), Sum. vierge Marie, composé en espagnol par le R. P. Vincent theol., in 111*® part., q. xxn, a. 2 ; Jean de Saint-Thomas Justinien Antist, dc Tordre des Prcscheurs, Paris, 1706. (f 1614), Tractatus de approbatione ct auctoritate On y lit, § 1 : < Saint Louis Bertrand disait que si les doclrinæ angelicæ D. Thoma, disp. 11, a. 2, dans Cursus saints anciens vivaient maintenant, ils diraient ct theologicus de cet auteur, Paris, 1883, t. i, p. 317 sq. écriraient la même chose que nous dc la conception En France aussi, la pieuse croyance a des défen­ immaculée dc la reine du ciel, parce que les souve­ seurs parmi les dominicains. A Paris, dans les quinze rains pontifes et presque toute l’Église ont témoigné premières années du xvi· siècle, Guillaume Pépin ct témoignent encore favoriser beaucoup celle pieuse (t 1533) prêche à plusieurs reprises sur la conception ct sainte doctrine. · Et ailleurs, § 18 : < En beaucoup de Marie ct affirme expressément le privilège. L’Église de couvents de notre ordre, on fait la fête dc la Con­ romaine, dit-il au début du premier sermon, ne célèbre ception autant solennelle qu’en aucune autre église. que deux conceptions : celle de Jésus-Christ ct celle Et dans la province d’Andalousie, où il y a dc très de sa très digne mère;la raison cn est qu’eux seuls ont I savants prédicateurs, on célèbre celte fête avec des été conçus saints cl sans la tache du péché originel. octaves solennelles, nonobstant le temps dc l’Avcnt; De celle cité de Dieu qu’est Marie, des choses glo­ ct la principale cloche dc l’église dc cet le maison a pour inscription : Maria virgo ab omni peccato origirieuses ont été dites par cinq sortes de personnes : patriarches, prophètes, païens (sibylfbs), anges et ! nuli immunis fuit 1133 IMMACULÉE CONCEPTION Fait plus expressif encore, le 24 juin 1618, huit domi­ nicains de la province d’Espagne, tous constitués dans les plus hautes charges, y compris le provincial, adres­ sèrent au pape Paul V une supplique où iis lui deman­ daient < dc daigner enjoindre aux religieux dc cette province dc réciter l’office et dc célébrer la fête dc la Conception très pure dc la mère dc Dieu sous la forme où les autres enfants de l’Eglise Je récitent ct la célè­ brent; en outre, d’enjoindre aux mêmes religieux de prêcher en chaire l’opinion soutenant que la Vierge a été conçue sans le péché originel. »Roskovâny, op. cil., t. n, p. 16. Ainsi, sans cesser complètement, l’opposition à la pieuse croyance diminuait-elle for­ tement là où elle avait scs principaux champions. 113-4 messes, ct, cn 1649, dans sa Dissertation historique sur la ville de Nancy, demeurée manuscrite, Rend énu­ mérait une vingtaine dc fondations qui existaient de son temps. A luigney, la confrérie dc Noire-Dame Conception réunissant les hommes et les femmes du village, était anterieure à 1569. Cette année-là, les statuts furent rcnouvdés, ct on les observa jusqu’en 1737. L’abbé Déblaye les a publiés dans le Journal de la Société d*archéologie lorraine, novembre 1865. A Senoncourt, les statuts dc la Sainte et immaculée Conception Notre-Dame avaient aussi été renouvelés le 14 juillet 1615 ct approuvés par Mgr de Maillane, évêque dc Tout Le règlement de la confrérie dc la petite ville forte de La Mothe fut confirmé de même en 1616. Archives d’Outremicourt (Haute-Marne). Pierre de Alva, op. cit.; Aug. dc Roskovâny, op. cit., Crévic avait encore alors sa confrérie. Voir Guillaume, t. I, p. 349-Ht; t. in, p. 103 sq., 272 sq. (franciscain*), Histoire du culte de la très sainte Vierge en Lorraine, 319 sq. (dominicains), 435 sq. (Jésuites); J. Mir, La tnmaculada conccpciôn, c. χιπ-χιν (dominicains), XXV (autres Nancy, s. d. (1858), p. 77-102; E Martin, Histoire ordres); II. Holzapfel, Bibliotheca /ranciscana do imma­ des diocèses de Toul, de Nancy et de Saint-Dié, Nancy, culata conceptione beatæ Mariæ virginis, ct autres mono­ 1900, t. n, p. 177 sq. graphies citées col. 1129; P. M. Roua rd, L'ordine det Frail Un des premiers soins dc saint Pierre Fourier, Predlcalorl e Vimmaculata concrptmrnta della santlssima nommé curé dc Mattaincourt, le 28 mal 1597, fut Vcrginc,Noto, 1865; C. Sommcrvogel, Bibliotheca Mariana • dc tirer dc la poussière i la confrérie de l’immaculée de la Comp.de Jésus, c. v, Paris, 1885; J. Eu g. deUriarte, conception, qui sc mourait d’épuisement dans cette Bibliotheca de jesuitas espaholes que cscribleron sobra la tmmaculada conccpciôn de Nuestra Sehora antes de la defi­ « uctitc Genève >. Π cn rédigea le règlement, qui est nition dogmatica de esta rnlsterio, Madrid, 1904; G. Filitl, malheureusement perdu ct dont on ne connaît que H dogma della concezlone immucolata dl Maria e la Comquelques points, mentionnés dans les lettres du saint, pagnia dt Gesù in Sicilia, Palermo, 1904. Ελ 2631, Il le soumit à l’examen dc l’évêque dc Toul, 3. Adhésion des fidèles et des pas leurs.-— Simple fait qui l’approuva le 25 mars dc cette même année. Fon­ qu’il s’agit uniquement dc constater, au moins dans dateur de la congrégation enseignante des religieuses les pays restés soumis à l’Église romaine; car là où dc Notre-Dame, il lit ériger dans leurs monastères, la Reforme protestante s’implanta, le culte dc la mère pour leurs anciennes élèves, la Congrégation des filles dc Dieu, cn particulier celui de son Immaculée con­ séculières, dont il dressa les statuts. On y honorait la ception, disparut avec l’ancienne foi. Chez les catho­ Vierge Immaculée d’un culte spécial. Cette confrérie liques, au contraire, ce fut un merveilleux dévelop­ lui parut être un moyen très efficace d’entretenir la pement de la dévotion et dc la croyance; développe­ vie chrétienne parmi toutes les populations lorraines. ment qui tire principalement son importance et sa Aussi voulut-fl l'établir dans toutes les paroisses. valeur dc cc qu’il s’accomplit avec subordination des L’acte d’institution chargeait les chanoines réguliers dc fidèles aux pasteurs, dc l’Église enseignée à l’Église Noire-Sauveur, dont Fourier avait été le réformateur, dc l’organiser partout < pour les hommes ct les grands enseignante. a) Les fidèles : hommages cultuels. — La fondation garçons · ct indiquait les moyens à prendre pour réus­ dc confréries en l’honneur de la Vierge sans tache nous sir. Ainsi le culte dc l’immaculée mère de Dieu sc présente un premier genre d’hommages universelle­ répandit dc plus cn plus dans la Lorraine. P. Rogie, Vie du B. Pierre Fourier, 1.i, p. 138; t. n, p. 435 sq.; ment répandu. Nous avons déjà rencontré de ccs pieuses associations, notamment en France, à Rouen Histoire abrégée de B. Pierre Fourier, p. 94, 203, 206, ct à Paris. Aux x vi· et xvn0siècles, elk's se multiplient 211-212; E. Martin, op. ciL, t. n, p. 178 sq. Un Abrégé de tous cotes, avec cette circonstance que le vocable des règles de la con/rérie de Γ Immaculée Conception de primitif de Conception sc précise presque toujours la bienheureuse vierge Marie fut publié en 1675. Ces cn celui d* Immaculée Conception. Telle, à Paris, la confréries ont persévéré sans modification jusqu’en 1759. Mgr Drouas, évêque de Toul, modifia alors leur « Congrégation dc l’immaculée Conception dc la très sainte vierge Marie Mère de Dieu, ct de saint Louis [ règlement ct l’uniformisa. Guillaume, op. cit.; p. 57roi de France, » fondée en 1659 par Charles de Saint- 64. Aujourd'hui encore, dans presque toutes les pa­ Germain. Lesètre, op. cil., p. 104. Telles, cn Espagne, roisses, les congrégations de filles ont pour patronne dc nombreuses confréries, par exemple, à Tolède, 1522, l’immaculée Conception, dont elles célèbrent la fête à Grenade, 1662, à Saragosse, 1661, à Saint-Jacques très solennellement. La connexion entre le culte ct la croyance, que dc Compostellc, 1667. De même, en Italie : archicon· fréricct confréries del* Immaculée Conception à Rome, manifeste le vocable choisi par les fondateurs et les membres de ces associations, ressort, cn outre, des 1635, à Faenza, 1655, à Pisc, 1661, etc. A cette époque des confréries dc l’immaculée Con­ livres de prières dont on se sen ait Dans des litanies ception étaient érigées jusque dans dc petits villages insérées à la fin d’un Office de la vierge Marie, à Γusage de la Lorraine. L’une d'elles existait à Gondreville cn dc l'Église catholique, apostolique cl romaine, imprimé à Paris cn 1586, la sainte Vierge est saluée, non seu­ 1416. Philippe dc Gueldres, veuve du duc René II, se fit Clarisse au couvent dc Pont-à-Mousson, au mois de lement comme < pleine dc la grâce dc Dieu, lis entre les épines, miroir sans tache, > mais encore comme décembre 1519. Elle fonda, dans l’église du monastère, « éluede toute éternité,» Sancta Virgo ab a terno electa, une chapelle cn l'honneur dc l'immaculée conception de la vierge Marie. Son fils le cardinal Jean de Lor­ et «préservée, » Sancta virgo « præservata. « Accentuée raine. évêque de Toul, en 1535, enrichit d'indulgences isurtout est l'affirmation de la pieuse croyance dans le la chapelle fondée par sa pieuse mère; la partie dc la ]petit office de la Conception, Saline mundl domina, ville où elle sc trouvait, étant sur la rive gauche dc la Sermons de saint Vincent dc Paul, de ses coopérateurs ct successeurs immédiats pour les missions dc campagnes, publiés par l’abbé Jcanmairc, Paris, 1859. Sermon XLvm·, sur la dévotion ù la sainte Vierge, Un, p.373. Les apôtres dc Marie immaculée ne sont pas uni­ quement des simples prêtres; ce sont des évêques, ct particulièrement des évêques saints. « Il convenait que la mère de D»cu fût toute pure, sans tache, sans péché, ct que, par conséquent, clic fût toute sainte non seulement dans le sein de sa mère, mais encore toute sainte dans sa conception, ct in conceptione sanctis­ sima. Car il ne convenait pas qu’il y eût une tache quelconque dans celle qui fut le sanctuaire de Dieu, la demeure de la Sagesse, le reliquaire du Saint-Esprit, l’urne de la manne céleste. » Ainsi parle en Espagne, saint Thomas de Villeneuve, archevêque de Valence (t 1555), S’rrn?., jn. de Nativitate virginis Marûr, cité par J. Mir, op. cil., p. 478. Dc même, en Italie, saint Charles Borroméc (f 1581); prêchant dans son église métropolitaine sur la naissance de Notre-Dame, il montre, à ce propos, combien la sanctification pre­ mière dc la bienheureuse Vierge l’emporta sur celle de saint Jean-Baptiste, puisqu’elle reçut dès le début dc son existence la plénitude de la grâce: Nam Joannes quidem sexto post conceptionem mense /uit in utero sancti flcalus, litre vero ab ipso statim conceptionis exor­ dio gralite plenitudinem accepit. Plénitude dont la richesse est connue de celui-là seul, qui voulut sc pré­ parer dès lors une demeure : Solus tu, Christe, qui cam tibi domum parasti, qualiter paraveris, nosti. Homil., Lxxn, édit. J. G. Saxi!, Augsbourg, 1758, p. 611, G17. En France, c’cst plus qu’un saint évêque, c’est un saint docteur dc l’Église. Fondateur d’une confrérie de l’immaculée conception dans la ville d’Annecy, saint François dc Sales ne pouvait pas, prêchant sur cc 1138 mystère le 8 décembre 1622, tenir un autre langage : « Quant à Notre-Dame, la très sainte Vierge, elle fut conçue par vole ordinaire dc génération; mais Dieu l’ayant dc toute éternité prédestinée en son Idée pour être sa mère, la garda pure ct nette dc toute souillure, bien que dc sa nature elle pouvait pécher... Elle devait avoir cc privilège particulier, parce qu’il n’était pas raisonnable que le diable reprochât à Notre-Selgneur que celle qui l’avait porté en scs entrailles eût été ! tributaire dc lui. » Serm., lxvîi, dans Œuvres, Annecy, 1892 sq., t. x, p. 403, 404; voir aussi Serm,,xxxvn, pour la fêle de la Pri tentation, t. ix, p. 384, 385, et surtout Traité de Γamour de Dieu, L II, c. vr, L rv, p. 106. A ccs grands évêques njoutons-cn un autre qui, sans porter au front l’auréole dc la sainteté solennellement proclamée, reste l’une dis plus hautes personnifica­ tions dc l’éloquence chrétienne. Bossuet a prêché pour la fête de la Conception â cinq reprises, en 1652, 1656, 1665, 1668 ct 1660. Œuvres oratoires, édit. Lebarq, Paris, 1890 sq., 1.1, p. 228; t. n, p. 238; t. iv, p. 589; t. v, p. 385 (incomplet), 606 (dévotion à la sainte Vierge). Les deux premiers sermons contiennent toute sa doctrine. Il ne traite pas le sujet en théologien posi­ tif, soucieux d’établir une thèse par la sainte Écriture ou l’ancienne tradition; à part Augustin.il n’allègue même pas les Pères, dont il dit seulement, dans une note marginale, t. v, p. 391, qu’ils nous ont donné des c ouvertures. » Il sc sert d’un autre procédé, indiqué au début du premier sermon, 1.1, p. 229 sq. : « Il y a certaines propositions étranges ct difficiles, qui, pour être persuadées, demandent que l’on emploie tous les cflorts du raisonnement ct toutes les Inventions de la rhétorique. Au contraire il y en a d’autres qui jettent au premier aspect un certain éclat dans les ûmcs.qul fait que souvent on les aime avant même que de les connaître. De telles propositions n’ont presque pas besoin de preuves. Qu’on lève seulement les obstacles, que l’on éclaircisse les objections, l’esprit s’y portera dc soi-même, ct d’un mouvement volontaire. Je mets en ce rang celle que j’ai à établir aujourd’hui. » Bossuet s’en prend donc directement aux objec­ tions, imitant en cela Duns Scot, ct il sc trouve que, chez lui comme chez le modèle, les réponses données mettent en relief les hautes convenances du privilège. Que, d’après les saints Livres, la loi du pêché ct les malédictions divines atteignent, à scs débuts, tout rejeton d’Adam tombé, c’cst incontestable; « mais je dis que ces malédictions si universelles, que toutes ccs propositions, si generales qu’elles puissent être, n’em­ pêchent pas les réserves que peut faire le Souverain, ni les coups d’autorite absolue. Et quand est-ce, ύ grand Dieu, que vous userez plus à propos dc cette puissance qui n’a pas dc borne, ct qui est sa loi même; quand est-ce que vous en userez, sinon pour faire grâce à Marie? > t. l, p. 233. Et si l’on ajoute que « cela tire à conséquence, · d’apporter des restrictions ù de telles lois, la réponse vient, péremptoire : < Montrcz-moi une autre mère de Dieu, une autre vierge féconde..., et puis dites, si vous voulez, que l’exception que j’apporte ù une loi generale, en faveur d’une personnes! extraor­ dinaire, a des conséquences fâcheuses. Et combien y a-t-il de lois générales dont Marie a été dispensée!... Qui pourra croire qu'il n’y ait rien eu dc surnaturel dans la conception dc cette Princesse, et que cc soit Je senl endroit dc sa vie qui ne soit point marque de quelque Insigne miracle? » Mais attribuer à la mère une telle innocence, n’cst-ec pas ôter au fils sa prérogative dc Sauveur universel? Et l’orateur de répondre, en interpellant celui-ci : « A Dieu ne plaise, ô mon Maître, qu’une si téméraire pensée puisse jamais entrer clans mon ûmel Périssent tous mes rai­ sonnements, que tous mes discours soient honteuse- 1139 LVLVIACULÉE CONCEPTION ment effacés, s’ils diminuent quelque chose de votre grandeur! Vous êtes innocent par nature, Marie ne l’est que par grâce; vous l’êtes par excellence, elle ne l'est que par privilège; vous l’êtes comme rédempteur, elle l’est comme la première dc celles que votre sang a purifiées. > Puis, revenant Λ scs auditeurs : · Il est certes, tout à fait nécessaire qu'il surpasse sa sainte mère d’une distance infinie. Mais aussi ne jugez-vous pas raisonnable que sa mère ait quelque avantage par­ dessus le commun de ses serviteurs? » Même doctrine dans le second sermon, où Bossuet développe ccs trois idées : « que l'autorité souveraine l’a dispensée de la loi commune; que la Sagesse l’a séparée dc la contagion générale; ct que l'amour éter­ nel de Dieu a prévenu par miséricorde la eolère qui se serait élevée contre elle, b Les considérations mises en avant pour établir la convenance de celte dispense, de cette séparation ct de ccttc miséricordieuse préve­ nance, avaient d’autant plus dc poids aux yeux dc l’orateur que, restant attaché à l’opinion commune des anciens scolastiques, il sc faisait une idée très sombre dc la concupiscence, élément matériel ct quasi physique du péché originel, comme on Je voit par son Traité de la concupiscence, par sa Detense de la tra­ dition et des saints Pères ct par scs semions eux-mêmes. Si la concupiscence est vraiment un « venin caché, b une « vapeur maligne ct contagieuse qui a infesté le genre humain, o si notre nature est blessée ct cor­ rompue, si nous portons un sang « impur ct rempli de la conception du péché, s d’autant plus évidente ct d'autant plus urgente apparaît la nécessité d’une intervention de la toute-puissance divine, ct d’une Intervention qui sc produise non pas seulement après l’infection dc la chair, afin que, par miracle, elle ne transmette pas dc souillure à l’âme, mais encore ct surtout auparavant, afin que la chair elle-même dc la Vierge ne soit pas gangrenée. Sous cc rapport, plu­ sieurs des considérations proposées n'ont qu’une valeur relative ct hypothétique ; il faut sous-entendre : s'il est oral que la concupiscence dise corruption phy­ sique dc la nature ou gangrène de la chair. Mais il suffit que le péché originel soit une souillure dc l’âme ct que la concupiscence soit à tout le moins un désordre ct un mal moral, pour que les considéra­ tions dc Bossuet gardent leur efficacité, celle surtout qui est â la base dc toutes les autres : je veux dire la convenance tirée dc la liaison intime qui existe entre la maternité divine ct l’immaculée conception, t. n, p. 257 : « C’est assez qu’il ait résolu d’être homme, pour en prendre tous les sentiments. Et s’il prend les sentiments d’homme, peut-il oublier ceux de fils, qui sont les plus naturels ct les plus humains? 11 a donc toujours aimé Marie comme mère; il l'a considérée comme telle dès le premier moment qu’elle fut conçue. Et s’il en est ainsi, peut-il la regarder on colère? » Ainsi l’orateur fait-il comprendre que la raison der­ nière du glorieux privilège, comme dc tous les autres, c’est la maternité divine: Marie, mere dc Jésus, fut Immaculée dans sa conception, et elle devait l’être, parce que mère dc Jésus. Il juge la raison assez con­ vaincante pour ne pas craindre dc dire, 1.1, p. 211 : « En réalité cette opinion a je ne sais quelle force qui persuade les âmes pieuses. Après les articles de foi, je ne vois guère dc chose plus assurée. ■ Devenu évêque, Bossuet ne modifia en rien ses sen­ timents. Il inséra une leçon sur la fête dc la Conception dans son Catéchisme de Meaux, imprimé en 1690. Œuvres, édit. Lâchât, t. v, p. 183. On y lit, d’après renseignement commun des théologiens, < que par une grâce particulière, (Marie) a été Immaculée, c’est-àdire sans aucune tache et sans le pêché originel. » Enseignement dont la raison est « qu’ils trouvent peu convenable à la majesté dc Jésus-Christ que sa 1140 sainte mère ait pu être un seul moment sous la puis­ sance dc Satan. > Jésus-Christ ne laisse pas, pour cela, d’être son Sauveur, ■ en la préservant du mal commun du genre humain, ct en prévenant par sa grâce la contagion du péché d'Adam. b Cc n’était pas innover. Déjà Richelieu, évêque de Luçon, avait dans une leçon sur la salutation ange lique expliqué dc celte sorte les mots gratia plena: « En l’Écriture on trouve d’autres que la Vierge être dits pleins de grâce; mais ccllc-cl l’est bien autrement que tous ceux en faveur desquels les saintes Lettres sc servent dc ces termes, puisqu’elle en est remplie, non seulement pour avoir été sanctifiée au ventre de sa mère, mais pour n’avoir jamais eu aucune tache dc quelque péché que cc soit. Privilège accordé à elle seule avec grande raison, puisque seule elle est mère de notre rédempteur, qui détruit le péché, b Instruction du chrétien, Avignon, U>19, leçon xxiv. De même, dans les Instructions en /orme de catéchisme, pour toutes les /êtes cl solennités parois­ siales, formant la quatrième partie du catéchisme qu’il fit Imprimer en 1665, l’archevêque dc Paris, Hardouin dc Péréfixe, inséra un chapitre sur la fêle dc la Conception Immaculée dc Notre-Dame; Imma­ culée, était-il expliqué, «parce qu’elle seule d’entre les pures créatures a esté conccuc sans péché originel. · Assertion dont il ne sera pas inutile dc rapprocher quelques lignes du Martyrologe gallican de 1637, annonçant la fêle en ces termes : « J.a conception de la très sainte vierge Marie, qui, choisie ct prédestinée par Dieu dès l’éternité pour être la digne Mère dc son fils unique, qu’il a donné au monde pour le racheter, ornée dc dons et de privilèges innombrables, au-dessus dc toutes les créatures, dc sorte que rien ne lui man­ quât en perfection, en dignité ct en gloire, a été pré­ venue dans sa génération même par la grâce divine afin qu’aucune souillure ne l’atteignit... > Lcsêtre, op, cit.f p. 112,139 sq. En Allcmagnect en Italie, le B. Pierre Canlsius ct le vénérable Robert Bcllarmin n’avaient pas fait autre­ ment dans leurs catéchismes fameux. Le premier, expliquant la salutation angélique, proclame Marie non seulement vierge intacte avant, pendant ct après l’enfantement, mais encore exemple dc toute tache du péché, a b omni peccati labe libera ; pareille à un lis entre les épines, quæ sicut lilium est inter spinas, Summa doctrinæ christianæ, 1551, q. xvm. L’autre, expliquant la même prière, fait rentrer le privilège dans les mots gratia plena, en considérant le premier effet dc la grâce sanctifiante, qui est d’effacer le péché, souillure de l’âme : Domina nostra gratia plena est. Nam quantum ad primum effectum attinet, nullius peccati macula nec originalis aut actualis, nec mortalis aut venialis infecta fuit. Christianæ docirinæ copiosa explicatio, c. v, dans les Opera omnia, Cologne, 1617, t. vu, col. 1262. Or cc catéchisme, composé par Bel­ larm in en 1598, le pape Clément V111 l’approuva cette même année par un bref ; non seulement II l’approuva, mais il exhorta tous les évêques à le recevoir ct à l’adopter. 4. Conclusion : preuve tirée du sentiment commun, —· Dc l’ensemble des faits qui précèdent, il ressort que, sans être unanimement ad mise, lapieusccroyanccn’en était pas moins devenue, au milieu du xvn« siècle, le sentiment commun, et dans les universités, ct dans les ordres religieux, cl chez les fidèles, et chez les pas­ teurs. Les défenseurs du privilège ne manquaient pas de sc prévaloir de cette circonstance. « Depuis le temps de Scot, remarquait λ asquez, cette opinion s’est telle­ ment répandue non seulement parmi les théologiens scolastiques, mais encore parmi les chrétiens en géné­ ral, elle s’est peu à peu tellement enracinée dans les esprits, qu’on ne peut plus la faire abandonner à per[ sonne, ni l’en détourner, ita percrcbuil et cum hominum 1141 IMMACULÉE CONCEPTION 1142 sæculis irwclr ravit, ut nullus /am ab ea deduct vcl dimo­ I pour attester la popularité dont la pieuse croyance ver I possit. » tn J11*** partem Sumnur, disp. CXVII, jouissait aux xvi® et xvn· siècles : c’est la part notable c. n, Lyon, 1619, p. 20. Le dominicain Vincent Justi­ que les poètes ct les artistes font au mystère qu’elle nien Antlst faisait écho en des termes plus énergiques concerne. En même temps il y a là un réel tribut de encore, op. cit., § 1 I : · A présent dans l’Espagne, dans vénération à l’adresse dc la Vierge immaculée. les Indes, en France, ct presque par toute l’Europe, 1. Hommages de la poésie. — Les documents litur­ prêcher, écrire ou enseigner quelque chose contre ccttc giques nous ont déjà fourni un premier apport; Il dévotion, est ressembler à celui qui prétendrait monter s’agit maintenant dc témoignages indépendants, ou une meule dc moulin à force de bras au haut d’une du moins distincts des hymnes chantées ù l’église. Cer­ montagne. · Ciijétan lui-même dans son opuscule De tains pays, comme l’Allemagne ct l’Italie, pourraient conceptione beatæ Virginis, c. v, sc voyait obligé de nous en ofirir beaucoup, mais trop isolés ou trop dis­ reconnaître le fait : « Cette opinion est maintenant parates pour qu’il soit opportun ct même possible de devenue commune, en sorte que presque tous les les présenter en détail. Contentons-nous dc remarquer catholiques dc l’Église latine croient rendre hommage que dans le premier dc ccs pays, les chants en l’hon­ ù Dieu en la suivant, Ua ut omnes fere catholici latina neur dc l'immaculée conception apparaissent dès le Ecclesia: arbitrentur obsequium se prostare Deo in début dc l’imprimerie. En 1192, Jacques Wimpfeling, hujusmodi sequela opinionis. » En face des froisse­ dc Schlcstadl, consacre 2096 vers à dépeindre la triple ments, des récriminations, parfois même des tumultes beauté dc Marie, De triplici candore Marier, en parti­ culier la beauté dc son âme au premier instant de sa que provoquaient les prédicateurs opposés à la pieuse conception. La poésie en langue vulgaire n son tour, croyance, on pouvait répéter avec beaucoup plus de force cc que Jean dc Ségovic avait dit au concile dc en 1509, dans un poème dc Nicolas Manuel sur Bàlc, dc l’autre opinion : < Elle est devenue... si désa­ l’immaculée conception dc la Vierge. Autre est la condition en France: nous y trouvons gréable et si odieuse au peuple chrétien, qu’il ne sup­ porte plus de l’entendre. » Cc qui, dés le début du une institution créée tout exprès pour chanter d’une façon permanente la Vierge sans tache. Il s'agit dc la xvi® siècle, suggérait à un auteur italien, Pierre Monti, cette reflexion que, pour éviter les scandales, il fau­ célèbre confrérie roucnnaisc de la Conception Notredrait faire cesser l’opinion adverse : Quod ut scandala Dame, considérée non dans sa forme primitive de enitentur, deberet in hue materia dominicanorum jralrum simple association pieuse, mais dans son développe­ opinio cessare. De unius legis ventate ct sectarum falsi- ment ultérieur, quand elle prit aussi, en 1486, un tale, c. lxxxiv, Milan, 1509, dans Pierre dc Alva, caractère littéraire, par la fondation de Γ Académie ou Puy des Pallnods, en Instituant que chaque année des Monumenta antiqua ex variis auctoribus, t. π. prix seraient donnés à ceux qui auraient le mieux La valeur du sentiment commun en ccttc matière n’échappait pas ù dc bons esprits, que la seule consi­ chanté l’immaculée conception. Constituée définiti­ dération des autorités scripturaires ct patristiques lais­ vement en 1515 et installée au couvent des carmes de sait perplexes. Tel, entre autres, le docte et grave Pc tau: Rouen, cette confrérie fut confirmée ct enrichie « (’.e qui m’impressionne le plus ct me pousse dc ce I d’indulgences par Léon X, bulle Ineffabilia, 1321, avec côté, c’est Je sentiment commun dc tous les fidèles spéciale approbation du but principal : ut a vins qui portent fixée au fond de leurs esprits, et qui attes­ eruditis per publica edicta invitandi quovis anno com­ tent par toute sorte de manifestations ct d’hommages, ponantur poemata atque opera in laudem sanctissima: la conviction que parmi les œuvres dc Dieu rien n’est conceptionis beatæ Virginis, inviter chaque année par plus chaste, plus pur, plus innocent, plus en dehors des annonces publiques les gens érudits ù composer de toute souillure et de toute tache que la Vierge des poèmes ct d’autres écrits à la louange dc la très Marie; qu’il n’y a rien de commun entre elle et le sainte conception dc la bienheureuse Vierge. Que diable ou scs suppôts, et que par conséquent elle a été d’hommages rendus pendant les trois siècles que exemple dc toute oITensc vis-à-vis dc Dieu ct dc tout durèrent les Puys des Pallnods, celui dc Rouen et sujet dc condamnation. » Dc incarnatione Verbi, celui dc Caen ct d’autres faits ù l’instar! Et parmi les 1. XIV, c. il, n. 10, édit. Thomas, t. mi, p. 215. En réa­ lauréats ou candidats dc ccs joùtes poétiques, que dc lité, le peuple chrétien ressentait comme d’instinct, noms illustres, ceux, par exemple, des Malherbe, des en face de l’opinion défavorable à la Vierge, ce que Jean ct Clément Marot, des Fontenelle! Pierre Denis le Chartreux a parfaitement exprimé : « Nous Corneille lui-même, composa, en 1633, des stances éprouvons un sentiment d’horreur, horremus, A la pour le concours palinodique dc l’Étoilc d’argent. Sa pensée qu’à un moment de sa vie, la femme qui devait pièce, dc six strophes, roule tout entière sur l’idée dc broyer la tête du serpent, aurait été broyée par lui; Marie, nouvelle Èvc, par opposition à l’ancienne. que la mère du Seigneur aurait été la fille du diable; Homme qui que tu sols, regarde Èvc et Marie, que la souveraine des anges aurait été la servante du Et comparant tn mère à celle du Sauveur, péché; et que la fille très aimée de Dieu le Père aurait Vois laquelle des deux en est le plus chérie. Et du Père éternel gagne mieux la faveur. été un enfant de colère. > In 1 V Sent., 1. Ill, dist. Ill, q. î, Opéra, t. xxm, p 98. L’avenir devait confirmer Le poète développe l’antithèse dans les trois la justesse de cc sentiment. strophes qui suivent, puis arrive dans les deux der­ Mgr Mnlou, op. cit.. 1.1, c. v; H. Lcsêtre, op. cil., c. ni; nières à l’immaculée conception : Paul Ilebuchy, S. J., llcche relies sur le Petit Office de l'imma­ culation conception. extrait dc la revue des Précis histo­ riques, Bruxelles, 1886; cf. Les hymnes du · Petit Office dc Γ immaculée conception, » dans les Éludes, Paris, 1905. t. cm. p. 416. J. Mlr, op. cil., c. xxn, xxiv; J .-B. Ferreros, La Iyles ta catôlica adamando â Maria Inmaculada. dans Razôn y (c, Madrid, 1901, n. extraordinaire, p. 30; L. Frias, Espaha par la drflnldfin doyniatiea, ibid., p. 96; cf. Dreocfôn de las Heyes dc Espaha a la inmaculada ctmcepclôn, ibid., 1918, t. Ml, p. 113; t. Ι4Π, p. 5. 3e Les arts au serv ce de Γimmaculée conception. — Un fait s’ajoute au sentiment commun des fidèles, Cette Èvc cependant qui nous engage aux flammes. Au point qu’elle est formée est sans corruption, Et In Vierge, bénie entre toutes les femmes. Serait-elle moins pure en sa conception? Non,non!N’en croyez rien, ct tous,tant que nous iomPublions le contraire Λ toute heure, en tout lieu; (mes, Ce quo Dieu donne bien A lu mère des hommes. Ne le refusons pas ù lu mère de Dieu. Edouard Frère, Une séance des Pallnods en 16 40, Rouen, 1867, Appendice, p. 17. L’Espagne ne pouvait manquer dc chanter, elle aussi, la Vierge immaculée. En 1474, la cité dc Valence 1Γ.3 IMMACULÉE CONCEPTION eut une joûte littéraire en l’honneur de la mère de Dieu; dans les poésies composées en catalan, Trobes en lahors de la verge Maria, continuellement l’imma­ culée conception revient, comme dans ces vers dc Juan Gamiza : Deu inflnlt ans quel mon fos créât Te préserva purissima e santa· Par une heureuse coïncidence, le recueillie ces com­ positions fonne le premier livre qui ait été imprimé en Espagne. J. B. Ferreres, La Iglesia catolica ada­ mando a Maria inmaculada, loc. cil., p. 50, 51 Séville eut en 1615, le 26 avril, son tournoi poé­ tique, le premier qui ait eu lieu sur le sol ibérique dans Je but direct et précis d’honorcr le glorieux privilège : El primer certamen poético que sc celebro en Espana en honor de la Purlsima Conc.cpciôn dc Maria, Madré de Dios, patrona de Espana ct dc la infanleria espanola, publié par D. Juan Pérez de Guzmân y Gallo, Madrid, 1904. Trois ans plus tard, quand elle adopta le ser­ ment dc l’immaculée conception, l’université dc Sala­ manque invita Lope de Vega, le grand dramaturge, à rehausser par quelque composition le triomphe dc la Vierge; la réponse fut la pièce intituléezLaLimpieza no manchata, La Pureté sans tache. D’autres poèmes sortirent dc sa plume, en particulier une courte romance : A la conception de Nuestra Senora, dont le titre,à lui seul, est un hommage. Ilimas sacras, collect. Sancha, t. xm, p. 128. Lopc dc Vega fut pourtant sur­ passé, comme poète de I’lmmaculcc conception, par un autre grand dramaturge, Calderon dc la Barca (t 1655). Dans un article publié pour le cinquantième anniversaire dc la définition, on a montré à combien de reprises ct dc quelle manière il s’est Inspiré dans ses « Autos sacramentales > ou drames du saintsacrement, de sa croyance au glorieux privilège, soit expressément en traitant six fois le sujet, soit en pas­ sant par l’insertion d’un nombre considérable dc pas­ sages ou d’incises très expressives, comme celle-ci, dans la Nave del Mereader IMargarita preciosa. Mât neta, pura y sin nniclui. Autour ct à la suite dc ces deux maîtres cc fut, en Espagne, au cours du xvn· siècle, toute une efflores­ cence d’hommages poétiques en l’honneur de la « Toulc-Purc. » 2. Hommages des beaux-arts.— Il serait surprenant que l’intérêt porté par les poètes au mystère dc l’imma­ culée conception n’eût pas été partagé par les artistes contemporains. < Celte doctrine, que le synode dc Bâle encourageait dès 1439, que le pape Sixte IV approuvait en 1476, que la Sorbonne acceptait comme un dogme en 1496, ne pouvait manquer dc trouver son expression dans l’art. L’art chrétien rendait trop fidèlement alors toutes les nuances dc la pensée chré­ tienne, pour qu’il n’eût pas accueilli une idée qui pas­ sionnait tant d’âmes. » E. Mâle, L'art religieux de la fin du moyen âge en France, p.218. L’idée fut accueillie, mais il y eut, dans la realisation, des diversités notables, même des étapes dont il faut tenir compte. Je le ferai en inc servant d’une classification proposée par S. Beisscl ct ramenant à quatre groupes généraux les multiples représentations en usage aux xvî· et xvn· siècles. a) 1er groupe. — Lc mystère est représenté d’après la légende grecque du Livre de la Nativité de Marie. Voir col. 876, 993. Cette légende était très répandue à cette époque ; elle se trouvait dans un certain nombre de bréviaires, à titre dc leçons, ct dans des ouvrages composés en faveur de la pieuse croyance; elle faisait partie intégrante des Mystères vulgarisés ct repré­ sentés publiquement : Le mystère de la Conception ct 1144 Nativité de la glorieuse vierge Marie, mis en rime fran­ çaise ct par personnaiges, Paris, 1507; L. Petit de Jullcvillc, Histoire du théâtre en France. Les Mystères, Paris, 1880, t. n, p. 427 sq. L'ensemble comportait plusieurs scènes : apparition de l’ange ù saint Joachim dans la montagne, ct à sainte Anne dans son jardin; rencontre cl embrassement des deux époux â Jéru­ salem, près de la Porte dorée du temple. Les deux apparitions dc l’ange ne rappelaient, directement, que l’annonce de la conception et de la prochaine nais­ sance de Marie; l’autre scène pouvait ne signifier qu’un sentiment de joie et de congratulation de la part des deux époux se rencontrant pour la première fois depuis la révélation reçue. Ainsi trouve-t-on cette gravure dans la Marienleben de A. Durer, sans aucun rapport à l’immaculée conception, il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre dc gens attachèrent un tout autre sens à ces scènes, surtout à la troisième; celui d’une conception faite en dehors de la loi com­ mune, ct par suite immaculée : < On répétait, bien que l’erreur eût été condamnée par les docteurs, que Marie avait été conçue à ce moment du baiser d’Anne ct dc Joachim. > E. Mâle, L'art religieux du SH Ie siècle en France, p. 282. Que ccttc erreur ait existe, non seulement aux xm· et xiv· siècles, mais encore aux xv· et xvî·, des témoi­ gnages positifs ct formels l’établissent. Pierre Lefebvre prémunit scs lecteurs contre ccttc fausse Idée : < Non pas que l’on doive croire que Marie fust conccuëd’un baisicr, fait à la porte dorée, comme plusieurs simples gens le croient. » LeDéfensoirede la Conception, loc. cil., p. 88. Vers la même époque, Guillaume Pépin affirme d’abord nettement, dans son premier sermon, que Marie fut conçue dc père ct mère comme les autres hommes, puis il ajoute par manièrcdcconclusion: · Ils sc trompent donc grandement ces gens simples qui croient que la mère dc Dieu Marie fut conçue par un simple baiser dc Joachim ct d’Anne quand ils sc ren­ contrèrent auprès de la porte de Jérusalem qu’on appelait la porte dorée. ® 11 est encore plus précis dans un second sermon; car il y attribue celte erreur, qu’il dit être partagée par beaucoup dc simples, mulli simplices, ù une fausse interprétation des représen­ tations qu’ils voyaient dans les églises et les peintures, argumentum sumentes ex co quod indent in ecclesiis et picturis dictos Joachim ct Annam mutuo sc osculantes Loc. cit., p. 525, 551, Thomas Campanella nous ap­ prend même qu’il a lu semblable chose dans un scrmonnairc franciscain qu’il nomme : Alii dicunt, Annam bcatæ Virginis matrem concepisse ex osculo, non ex semine Joachimi, ut quidam Sermonarius /ranciscanus, vocatus DORMl-SECüRE; id quod Ecclesia et doctores pro fabulosa lueresi habent. Loc. cit., p. 578 sq. D’après Hoskovâny, op. cit., 1.1, p. 269, cc sermonnaire avait paru en 1190. L’erreur, réelle chez dc simples fidèles, existait-elle aussi chez les artistes? Dans une plaquette Intitulée : Approbation ct confirmation par le pape Léon X des statuts ct privilèges de la Confrérie de V Immaculée Con­ ception, la même gravure sc retrouve an début ct à la fin, avec cette inscription au-dessous : La conception nostre dame. Cc qui, ù tout le moins, ne pouvait que favoriser l’interprétation populaire. En certains cas, il y a davantage, ct le doute n’est plus possible, par exemple, dans le tableau dont parle Jean van den Meulen, d’après Je témoignage de Hubert Caracciolo, évêque d’Aquin (fl 183); car la gravure est accom­ pagnée dc ccttc inscription : < C’est ainsi que fut conçue la bienheureuse Marie. Taliter concepta est beata Maria. > Jo. Molanu^, J)c historia sacrarum ima­ ginum ct picturarum pro vero eorum usu contra abusus, I III, c. lv; Migne, Cursus theologia, t. xxvn, coi. 293. II faut donc reconnaître que des artistes ont partagé 1145 IMMACULÉE CONCEPTION l’erreur vulgaire ct prétendu représenter la concep­ tion (active) do Marie comme s’étant faite à la porte dorée. Mais il serait excessif dc généraliser en inter­ prétant dans cc sens toutes les peintures du même genre; des artistes ont pu. comme A. Dürer, sc pro­ poser simplement de reproduire un épisode dc la légende grecque. b) 2· groupe. — Il comprend les représentations symboliques, ainsi dénommées parce que le glorieux privilège y est signifie, ou du moins insinué par des objets ou des personnages symboliques qui entourent ou accompagnent Marie. Mais ccttc Idée commune laisse place ù dc grandes diversités dc détail. Dès le xv· siècle, « on rencontre, dans les manuscrits, une figure de la Vierge à mi-corps qui semble surgir du croissant dc la lune ct (pii rayonne comme le soleil. La gravure s’empara dc cc motif ct le rendit popu­ laire. On lit sous une dc ces images qu’entoure la cou­ ronne du rosaire : Concepta sine peccato, de sorte qu’on ne peut douter que la Vierge au croissant n’ait été la première représentation symbolique dc l’imma­ culée conception. » E. Mâle, op. cil., p. 220. Le fonde­ ment scripturaire est manifestement cc verset du Cantique des cantiques, vî, 9 : Quæ est ista quæ pro­ greditur quasi aurora consurgens, pulchra ut luna, electa ut sol? appliqué par l’artiste, comme par la liturgie, à la conception de Marie. Sur la fin du même siècle, en 1192, le peintre véni­ tien Carlo Grivclli nous offre une autre représentation symbolique, mais plus riche. La Vierge est debout, les mains jointes, dans une altitude extatique. Λ gauche, un pot dc fleurs : roses ct œillets; à droite, un lis dans un verre. Au sommet du tableau, le buste dc Dieu le Père tenant les mains étendues, ct, au-dessus, le Saint-Esprit sous forme dc colombe. Enfin, pour donner au dessin sa pleine signification, deux anges planant tiennent sur la tête dc Marie une couronne ct un rouleau portant ccttc inscription : Ut in mente Del a b initio concepta fui, lia ct facta sam. · Conçue dès le début dans la pensée divine, c’est d’après ccttc Idée que j’ai été faite. » Lc tableau est ù Londres, National Gallery. Voir G. M. Neil Rushfort h, Carlo Crivclll, Londres, 1900, p. 91. Au début du siècle suivant,une autre figure appa­ raît sous fonne dc gravure dans les Heures ά Γusage de Home, Imprimées à Paris en 1505 : « C’est une toute jeune fille, presque encore une enfant;scs longs che­ veux couvrent scs épaules. Elle a le geste que MichelAnge donne Λ son Èvc apparaissant â la vie : elle joint les mains pour adorer. Cette jeune vierge semble sus­ pendue entre ciel ct terre. Elle flotte comme une pensée qui n’a jamais été exprimée; car elle n’est encore qu’une idée dans l’intelligence divine. Dieu sc montre au-dessus d’elle, et il prononce, en la voyant si pure, la parole du Cantique des cantiques : Tota pul­ chra es, arnica mea, ct macula non est in te. Et pour rendre sensible ccttc beauté ct ccttc pureté dc la fiancée que Died a choisie, l’artiste a réalisé les plus suaves métaphores dc la Bible : H a disposé autour d’elle le jardin fermé, la tour de David, la fontaine, le lys des vallées, l’étoile, la rose, le miroir sans tache. » E. Mâle, ibid. Ces emblèmes sont au nombre dc quinze, représentés et soulignés, par le Texte biblique qui leur correspond. A droite dc la Vierge z electa ut sol, i pulchra ut tuna, porta corii, plantatio rosa·, exaltata cedrus, virga Jesse floruit, puteus aquarum viventium, hortus conclusus. A gauche : stella maris, lilium inter spinas, oliva speciosa, turris David, speculum sine macula, fons hortorum, civitas Del. Cette représentation symbolique fut très répandue ct populaire au xvî· siècle. Elle sc retrouve en sub­ stance dans un tableau dc Juan Macip, vulgairement appelé Juan dc Juanès (vers 1568), qui sc conserve I 1146 dans l’église des jésuites de Valence, en Espagne. Une particularité mérite d’être relevée : au-dessus de la Vierge, cc n’est pas seulement Dieu le Père qui appa­ raît, cc sont les trois personnes divines; le Père ct le Fils posent tous deux une couronne sur la tête dc la Vierge, tandis que le Saint-Esprit plane au-dessus sous forme de colombe. Dans l’intervalle une bande­ role sc déroule, portant celle Inscription : Tota pul­ chra es, arnica mea, et macula non est in (e. On voit une reprodution dc cc tableau dans Ratôn y/e, Madrid, 1901, n. extraordinaire, p. 152, art. La Purlsima de · Juan de Juanes, par J. Planrlla. Symbolique aussi est la représentation décrite en ces termes par E. Mâle, op. cit., p. 227 : < Au sommet de l’arbre dc Jessé s’épanouit un grand lis blanc d’où sort la Vierge qui sc distingue à peine de la fleur. Cc lis magnifique, c’est évidemment sa pureté merveil­ leuse. » Non moins symbolique, mais plus curieuse est une autre représentation, empruntée aux Heures de Simon Vostre à l’usage d’Angers, 1518 et 1530, décrite d’abord dans le liulletin monumental, 1857, par l’abbé Crosnicr, puis par E. Mâle, op. cit-, p. 230 : « Sainte Anne est debout ct autour d’elle sc groupent tous les emblèmes bibliques qui d’ordinaire entourent sa fille : la rose, le jardin, la fontaine, le miroir, l’étoile... Elle écarte son manteau, et on aperçoit, dans son sein ouvert ct rayonnant comme une auréole, la Vierge et son fils. Des profondeurs du ciel surgit Dieu le Père qui contemple, non pas son œuvre, mais sa pensée; car ccttc mystérieuse figure n’a pas encore reçu l’être. Une inscription grandiose, empruntée à la Bible, est écrite sous les pieds dc sainte Anne; elle s’exprime ainsi : Necdum erant abyssi ct jam concepta eram. Les abîmes n’existaient pas encore ct j’avais déjà été conçue. » Pour comprendre ccttc composition. Il faut tenir compte dc l’essor extraordinaire que le culte dc sainte Anne avait pris à celte époque dans certains pays, l’Allemagne en particulier, cl plus spécialement dc la doctrine émise par Jean Trilhemius dans son traité, déjà cité col. 1128: De laudibus sanctissimæ matris Annæ. Considérant l’épouse dc Jcachim comme mère dc Marie, qui fut mère dc Dieu, il l’enveloppe dans un même décret dc prédestination, c. v. Quod omni­ potens Deus sanctam Annam matrem suæ genitricis elegerit ante mundi constitutionem. D’après le même principe ct sous le même rapport, il lui attribue une pureté parfaite dans la conception comme dans l’enfantement dc sa fille : Concepit sine originali macula, peperit sine culpa; cc qui, dans sa pensée, exclut la concupiscence. En somme, 11 soutient la pureté dc la conception dc Marie, prise intégralement, la pureté dc la conception active aussi bien que celle dc la conception passive. En cela Trilhemius suivait une opinion que nous avons rencontrée chez un certain nombre de théologiens ct qui, à l’époque où nous sommes parvenus, avait encore scs partisans, notam­ ment dans l’école scotislico-lullislc. Exemple, Jean dc Meppis, religieux augusUn, dans le traité signalé : Maria quamvis ex Joachim et Anna fuerit genita vel nata, non tamen ex libidine, sed Spiritus Sancti opera­ tione fuit concepta. Pierre de Alva, Monumenta antiqua, t. i, p. 4L De même Dominique de Carpanl : Non per humana libidine,ma per divino denoet gratia. Serm., i, loc. cit., p. 77. De même Pierre Lefebvre, Le Defensoire de la Conception, loc. cit., p. 86sq., ct d’autres. Suppo­ sons maintenant que l’auteur delà curieuse représen­ tation se soit inspiré de cette théorie ou ait été sous l’ih fluence dc théologiens qui la soutenaient, le symbo­ lisme dc son œuvre est facile à comprendre : cc qu’il voulait rappeler ct signifier, c'était l’immaculée con­ ception telle que la comprenaient Trilhemius ct les 1147 IΜ Μ Λ C U LÊE CΟ NCEPΤΙΟ Ν autres, avec l’idée dc pureté s’étendant à la concep­ tion passive ct à la conception active, non pas seule­ ment au moment dc l’animation ou union dc l’ûme et du corps, mais dés le début de la génération. L’animal légendaire qu’on appelait la licorne, pas­ sait pour aimer extrêmement la pureté. Dés qu’il per­ cevait une jeune fille, vierge, il accourait A scs côtés. Il était, disait-on, très rare, ct on pouvait difficilement le capturer. Quand sa présence en un lieu était connue, on usait, pour s’en saisir, d’un stratagème: une Jeune vierge était placée dans les environs de sa re­ traite; des chasseurs s’embusquaient tout autour; une battue était organisée. Traquée dc toutes parts, la licorne cherchait A fuir, sans pouvoir s’échapper. Aussi, dès qu’elle apercevait la jeune fille, s’élançaltcllc auprès d’elle. Les chasseurs la tuaient alors. Lc symbolisme chrétien utilisa, dès saint Grégoire le Grand, cette légende profane pour représenter l’incar­ nation du Verbe dc Dieu dans le sein de la vierge Marie. L’iconographie la reproduisit en images au xm· siècle, comme figure dc cc mystère divin, voir L. Hoquet, A propos d'une sculpture représentant ta chasse Λ la licorne, dans le Bulletin dc la Société hlstoTique ct littéraire de Tournay, 1889. Au xv· siècle, l’image sc développa ct reproduisit une scène angé­ lique, compliquée de tout l’appareil dc la vénerie du temps. Lc chasseur fut l’ange Gabriel. Des banderoles Indiquaient que les chiens eux-mêmes figuraient les motifs qui avaient déterminé l’incarnation dans les conseils divins. Au nombre dc trois, ils représentaient Fides, Spes, Caritas, au nombre dc quatre. Fax, Veri­ tas, Misericordia, Justitia. La Vierge était assise au milieu d’une enceinte, Γ hortus conclusus du Cantique; elle était entourée des emblèmes signalés plus haut, col. 1115. Lc Père éternel prononçait la parole du même Cantique : Tota pulchra es, amica mca, et macula nonest in te. L’ange Gabriel sonnait du cor, et sa fanfare répé­ tait le début dc sa salutation à Marie : Ave, gratia plena, Dominus tecum. M. Leon Germain dc Maidy estima, le premier, que la chasse A la licorne, avec ces développements, figurait allégoriquement plus que la perpétuelle virginité dc la mère du Verbe incarné, ct exprimait sa conception immaculée. Le jardin fermé, les paroles dc Dieu le Père ct dc l’ange, les emblèmes ajoutés ne laissent aucun doute sur cette signification symbolique, ct ils expliquent la vogue que cette image eut à la fin du xv· siècle et dans la pre­ mière moitié du xvi·, époque A laquelle la croyance A cette conception sans tache était devenue si populaire. La chasse à la licorne cl l'immaculée conception (extrait dc ï Espérance), Nancy, 1897; cf. Les types symbo­ liques de Γ immaculée conception à l'époque de la Renais­ sance (extrait dc la Semaine religieuse du diocèse de Nancy et de Tout), Nancy, 1914, p. 17-20. Louis Clo­ quet adopta aussitôt cette ingénieuse Interprétation, Revue de Cart chrétien, 1897, p. 532. Léon Maxc-Werly en multiplia les exemples. L'iconographie de Cimmacu­ lée conception, Moutiers, 1903. c) J· groupe.—Cc sont les représentations « dogmatlco-historiques. · Comme dans les précédentes, la Vierge occupe la place d’honneur, élevée au-dessus de terre ou assise, les mains jointes ct, souvent les yeux levés vers le ciel. Mais les symboles ou em­ blèmes sont remplacés par dc saints personnages, qui témoignent en faveur du privilège à l’aide dc textes inscrits sur des banderoles. Ainsi, dans une peinture du χ\ί· siècle, qui sc rattache à l’école florentine des della Robbia, trois saints docteurs sont autour dc la Vierge : Augustin, Ambroise ct Anselme, chacun avec son témoignage. Dans un tableau de Signorelli, 1515, six personnages de Γ Ancien Testament interviennent: David ct Salomon, deux prophètes, Adam et Èvc, avec des textes dc la sainte Écriture : Virga Jesse flo· 114S ruit; Ecce Virgo concipiet; Orta est stella er Jacob; Sicul lilium inter spinas; A b initio ct ante siccula creata sum. Le sujet est encore plus développé dans une toile de Jacopo Chimentl da Empoli (t 1640); en outre, des anges portent une banderole avec cette inscription : Quos Evœ culpa damnavit, MarLe gratia solvit. Lc P. Bcissel range sous le même groupe diverses compo­ sitions d’artistes connus : Girolamo Marchesi da Cotignola, dc Ferraro, 1513; à la même époque, Francesco Zaganclli Cotignoln, avec l’inscription : Tota pulchra es, Maria, ct macula originalis non est in te; 1 )osso Dossi (t 1560), plaçant au-dessus de la Vierge Dieu le Père, qui étend vers elle son sceptre et cette inscription, Es th., xv, 13 : Non enim pro te, sed pro omnibus hœc lex constituta est; d’autres encore. Rapprochons dc ces tableaux le triptyque dc Jean Bcllegambc, datant dc 1521 ct conservé (incomplet) au musée d’Amiens : « Une sorte de concile œcumé­ nique, composé des plus illustres docteurs dc l’Églisc, remplit les deux ailes : c’est la théologie méditant sur la Vierge. On voit d’abord les Pères de l’Églisc, saint Augustin, saint Ambroise, saint Jérôme; chacun d’eux semble prononcer une phrase empruntée ù ses œuvres, ct chacune dc ces phrases témoigne en faveur de la croyance A l’immaculée conception. Voici, main­ tenant, la plus grave assemblée de la chrétienté, l’université dc Paris. Elle aussi parle par la bouche dc ses grands docteurs, les Pierre Lombard, les Bonaven­ ture, les Duns Scot : tous s’inclinent devant le mys­ tère d’une Vierge sans tache. Enfin voici le pape luimême; Sixte IV apparaît assis sur un trône dc marbre, et, au-dessus de sa tête, on lit cc texte emprunté à sa troisième constitution sur l’immaculée conception : Mater Dei, Virgo gloriosa, a peccato originali semper fuit pricservata. L’œuvre, on le voit, est grandement conçue; c’cst, comme la fresque dc Raphaël, une Dispute dont la Vierge serait le sujet. · E. Mâle, op. cit., p. 219. Il ne faut pas chercher la valeur dc ces représen­ tations « dogmatlco-historiqucs o dans les autorités alléguées; souvent elles manquent dc force probante, par exemple, cc texte attribué à saint Ambroise : litre est virga, in gua nec nodus originalis, nec cortex actualis unquam fuit, ou cet autre donné impertur­ bablement comme de saint Anselme : Non puto vere esse amatorem Virginis, qui respuit celebrare festum suie conceptionis. La réelle valeur de ces pièces vient dc cc qu’elles nous révèlent la croyance des artistes et, indirectement, celle des milieux où ils vivaient ou don t ils subissaient l’in fluence. On retrouve même dans les hymnes dc leur temps un procédé semblable dc recours aux Pères ct aux docteurs qu’on fait pour ainsi dire parler en faveur de l’immaculée conception. Exemple, cette seconde strophe d’une hymne pro­ venant d’un couvent franciscain : Tuum conceptum praeclarum prerservatum ct sanctum laudant ct probant Scriptura atque dicta doctorum. Suivent des noms : sacer Anselmus; devotus Bernhardus, Augustinus, avec des textes résumés ou arrangés pour le rythme. De meme, dans une hymne presque semblable qui fait suite et qui provient d’un couvent dccannes G. 1 ) roves, A nalecta hymnica, t. x, p. 66. Prague, sxcc. xv; p. 67. Miss. ms. Cremcnsc, sæc. xv. d) 4* groupe. — Nous arrivons aux représentations qui méritent plus particulièrement l’épithète dc < per­ sonnelles, b en cc sens que leurs auteurs tendent à exprimer la pureté originelle dc Marie sans l’aide dc symboles qui la suggèrent A l’esprit ni dc garants qui l’attestent. Pour cela, s’attachant non pas A 1’actc, 1109 IMMACl LÉE CONCEPTION 1150 mais au terme dc la conception consommée, la per­ I Bruxelles, 1856; Aug. Cromicr, L9Immaculée conception sonne même de Marie, ils essaient, soulevés par la de Marie proclamée par les iconographes du moyen âgr, dans vigueur de leur croyance, delà dépeindre sous des traits le Dulleiln monumental, Caen, 1857, t. xxm. p. 57-72 ; Miss qui rendent en quelque sorte sensible le glorieux privi­ A. Jameson, legends of the Madonna as represented in the fine Art*, 5* édit., Jx>ndres, 1872, p. 42 iq. ; Edm. Waterloo lège. Au point de depart, nous trouvons < la femme Pictas,Mariana britannica, Londres,!. l,part. Ill, ^2,p. 227 revêtue du soleil, avec la lune sous les pieds ct sur la sq.; Mgr X. Barbier de Montnult, Traité d'iconographie tête une couronne de douze étoiles. » Apoc., xn, 1. Tel chrétienne, Paris, 1890, t. π, p.204-206; !.. ( loquet, Eléments était, en particulier, le sceau dc la confrérie des Pali· d*iconographie chrétienne, types symboliques, Lille, 1890, p. 133-142 (qui donne,p. 1 12,une bibliographie plus ancienne); nods; mais la Vierge reposait ses pieds sur un globe en écrasant le serpent. Gcn., ni, 15. Par cc détail, le 11. Schmitz, Die Anna-Rilder in ihrer Rezichung zur unbeMariae d.«ns Der Kalholik, Mayence, Protévangile ct l’Apocalypse étaient reliés, dans l’in­ flrcklenEmpfângnis 1893,f.ï, p.l 1-37; Job. Grau*. CnncrpUo immaculata in allen tention manifeste de présenter Marie comme la femme Darstellungtn, Grat/, 1905; Maxe-Werly. I'iconographie de qui, par mission et comme par notion propre, est l'immaculéeccpticononû la fin du xvi*siècle(extmitdes Note* l’adversaire et la triomphatrice du démon, impuissant d'art et d'archéologie}, Moutiers, 1903;E Mûle, L'art reli­ gieux dc la fin du moyenûge en France, Paris, 1908, p. 213 à son égard. Avançant encore, les artistes dépeignirent la Vierge, sq.; Stcph. Beissscl, Ce^chiehle der Verehrung Marias tn élevée au-dessus du sol, les mains jointes ou tendues Deutschland in XVI-XVll Jahrhundert, c. xi, Fribourg-cn1910; L. Germain de Maidy,Ln chasse ά la licorne vers le ciel, parfois entourée et soutenue par les anges, Brisgau. cl l'immaculée conception, extrait de i*Espérance, Nancy, mais dans un tel éclat d’innocence ou dans une union 1897 ; La rencontre ά la Porte dorée, première représentation ù Dieu si étroite ct si profonde, que l’impression nous allégorique de Γimmaculée conception (5 articles, dans ΓEspé­ vient d’une innocence ct d’une union à Dieu qui ne rance, du 19 mars au 26 mal 1897); Le* types iconogra­ sont pas en Marie quelque chose d’accidentel, mais phiques de V immaculée conception a l'époque de la Renais­ qui font, pour ainsi dire, partie de son être moral, sance, extrait de la Semaine religieuse du diocèse de Nancy Toul, Nancy,1911 ; Un oilraildela collection Douglas vers qui constituent comme une propriété individuelle ct, eide 1525, symbolisant l'immaculée conception (extrait des Mé­ par conséquent, inséparable d’elle, à n’importe quel moires del' Académie de Stanislas, 1915-1916),Nancy ,1916 moment de son existence. C’est * Γ Immaculée » ou la A* L'élaboration (héo logique aux xri· et XVI!9 siè­ • Toutc-Pure ·, telle qu’elle nous a été donnée par des cles. — Les tenants dc la pieuse croyance devaient la artistes chrétiens comme, en Italie, Dominique Brudéfendre contre les ennemis du dehors, les protestants sasorci (t 1567), Louis Caracci (t 1619) et surtout en particulier. Nous avons vu qu’en plusieurs circons­ Guido Boni, dit le Guide (t 1612), en Espagne, Ribera tances notables, ils ne manquèrent pas à cc devoir. surnommé Spagnolctto (t 1556), Juan dc Roclas, D’une façon plus générale, qu’il suffise dc rappeler (t 1625), puis, pour couronner le tout, Esteban Murillo le passage des Controverses où le Vénérable cardinal (t 1685), le peintre < par excellence » de Γ Irmnaculada Bellannin, prenant la croyance ct le culte dans l’état ou dc la Purisima, dont il n’a pas fait moins dc vingtoù ils les trouvaient alors officiellement, justifie l’un cinq peintures sans sc répi ter jamais complètement. ct l’autre ct réfute les arguments des adversaires. Quel hommage à la Vierge sans tache que des toiles De amissione gratin* et statu peccati, 1. IV, c. xvcomme celles dont s’enorgueillissent, entre autres, les xvn. Mais ce ne fut pas dans celte direction que se musées du Prado, à Madrid, ct du Louvre, à Paris! A cc dernier groupe dc représentations sc rattache poursuivit le mouvement théologique propre ù celte période. La fermeté croissante dc l’affirmation doctri­ encore celle qui est signalée et louée dans l’édition nale ct les démarches faites à Rome pour obtenir citée dc V Histoire dc Jean van der Meulen, loc. cit., la définition du privilège amenèrent les théologiens col. 294 ; représentation composée par le peintre belge Antoine Coypcl, au début du xvm· siècle, et souvent à considérer des aspects nouveaux du problème général. Tout d’abord, ils durent répondre à cette question : reproduite. La Vierge foule aux pieds le serpent qui Quel degré dc certitude faut-il attribuer À la pieuse enveloppe la terre dc ses immenses replis et fait de vains efforts pour mordre celle qui lui broie la tête. croyance? Etait-elle déjà ou du moins pouvait-elle En haut, Dieu le Père, sortant d’un nuage, étend d’un devenir vérité de fol catholique? A ceux qui donnaient geste protecteur la main sur Marie qui, les mains une réponse affirmative à l’une ou à l’autre de ces jointes ct la tête modestement baissée, semble recevoir deux questions, la nécessité s’imposait de concilier l’assertion d’une préservation certaine de la bienheu­ ct goûter les divines In fluences delà grâce. C'est encore la femme du Protévangile,représentée comme rempor­ reuse Vierge avec sa rédemption par Jésus-Christ; cette conciliation ne pouvait sc faire qu’en étudiant tant une pleine victoire sur le démon, ct en même ex professo la question de la dette du péché originel en temps comme spécialement ct Indissolublement unie Λ Marie. Restaient enfin fobjet du cuite et celui dc la Dieu par un effet dc sa toute-puissance ct dc son amour. croyance qui n’étaient pas encore nettement fixés, soit Palinods, chants royaux, ballades, rondeaux ct éptgrammes en eux-mêmes soit dans leur rapport mutuel. d l'honneur de Γ Immaculée conception de la toute Mie mère 1. L'immaculée conception est-elle une vérité de foi? dc Dieu, Marte, patronne des Normands, présentés au Puy — Telle qu’elle sc posait au xvn· siècle, celte ques­ ά Rouen composés par scienti fiques personnages, etc.fHccucil tion peut être résumée dans l’affaire survenue en dc Pierre Vidoue)«Paris, vers 1525; Recueil des poésies qui ont été couronnées sur le Puy de Γ Immaculée Conceptton de la 1574-1575, entre l’Vniversitéde Paris, ct Jean MaldoVierge, tenu d Caen dans les grandes Reales de Γ Université, nnt, professeur dc théologie au collège dc Clermont, années 1666-1795, Caen, 1795; Édouard Frère, Approbation affaire inexactement rapportée par beaucoup d’au­ et confirmation par le pape IJon X des statuts et privilèges teurs, notamment Crevîer disant dc ce jésuite : < Il dc la confrérie de l'immaculée conception, dite académie des enseigna que la sainte Vierge a été conçue en péché Palinods, instituée d Rouen, rêlmpcsslon d’une ancienne originel. · Histoire dc t'université de Paris, depuis son pièce avec Notice historique ct bibliographique de Γacadémie origine jusqu'en l'année 1660, Paris, 1761, t. vî, p. 294. des Pa 11 n ods, H ou en, 186 i ; Jos. A n d ré G u I o t, I^es tro Is s tècles pidinodiques, ou histoire générale des palinods de Rouen, Tel ne fut pas renseignement dc Maldonal, comme Dieppe, etc., publiés pour la première fois par l’abbé le démontrent les pièces authentiques du procès, A. Tougard, Rouen .Paris, 1898 ; J. M. Aicardo, Insplraciôn réunies dans un dossier qui se conserve à la biblio­ conceptionista en los autos sacramcntales de Calderon, dans thèque Vaticane, ms. lat. 6433. On y trouve d’abord Razôn y fc, Madrid, 1904, n® extraordinaire, p. 113; card. le texte dicté dans son cours par le professeur : Dictata Stcrkx, Courte dissertation sur la manière dc représenter par a Maldonato fesuila, circa conceptionem immaculatam la peinture le mystère de l'immaculée conception. Mulinos, 1855; Mgr Malou, Iconographie de l'immaculée conception. virginis Marin*. Sur cette question : An re ipsa feurlt 1151 IMMACULÉE CONCEPTION 1152 concepta in peccato originali, II distingue cinq opinions adverse. L’autre pièce est un traité sur la croyance diverses. Suivant la première, la bienheureuse Vierge dc l'Univcrsité dans la question engagée : Tractatus aurait été conçue non seulement sans le péché originel, de fide sacrosanche facultatis theologiiv in universitate mais même sans l’intervention dc l’homme, par l’opé­ Parislensi circa immaculatam Virginis matris a pec­ ration du Saint-Esprit; opinion hérétique qui semble cato originali conceptionem, et contentionum circa ean­ avoir été celle des eollyridiens, d’après saint Épiphane. dem ortarum. L’immaculée conception dc Marie est Voir t. ni, col. 369-370. D’autres tiennent que la une vérité dc foi : telle est la thèse soutenue. L’Univer­ bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché origi­ sité fait appel au décret du concile dc 1 Jâle, à sa propre nel, ct que c’est là une vérité dc foi catholique, id croyance, au serment impose à ses maîtres, ct même esse habendum pro fide catholica; Maldonat estime à un passage des statuts synodaux émis en 1515 par que telle a été la pensée des anciens auteurs, Ambroise, Étienne Porcher, évêque dc Paris, passage où il était Augustin ct autres, celle aussi d’Anselme, de Bernard dit dc la bienheureuse Vierge : Approbamus etiam ct du docteur angélique, quand il dit Sum. theol., I*- absque originali peccato conceptam, ct contrarium ccmII®, q. i.xxxi, a. 3 : Secundum fidem catholicam fir­ sentes JI.eiieti COS reputamus. Pour répondre à l’objec­ miler est tenendum quod omnes homines prnder Chris­ tion tirée du fait qu’en dehors dc France, ccttc affir­ tum ex Adam derivati peccatum originate ex Adam con­ mation n’était pas communément admise, quelques trahunt. Mais, après la constituion Grave nimis de docteurs distinguaient entre les articles dc foi catho­ Sixte IV, confirmée par le concile de Trente et par lique ct de foi gallicane, Despondent quidam non esse saint Pic V, ccttc opinion n’est plus soutenable. La de fide catholica,sed de fide Gallicana,certa tamen troisième opinion est complètement opposée à la pré­ et necessaria. D’autres disaient, en variant les termes, cédente : Il est de fol catholique que la bienheureuse que l’article n’était pas de foi dans les autres pays, Vierge a été conçue sans le péché originel. LefCDvre mais qu’il l’était en France : non esse quidem de fide, d’Etaples fut dc cc sentiment, ct c’est encore, semble· in aliis provinciis, sed esse in Gallia. Et cela, parce que t-il, celui d’un certain nombre, ct nonnulli etiam ex l’Église gallicane avait reçu le bénéfice d’une révéla­ viventibus. Ils apportent, comme arguments, le décret tion qui n’avait pas encore été faite aux autres, ob du concile dc Bâle, la célébration de la fête avec l’oral- revelationem Ecclesiœ gallicanæ lactam qua: nondum son : Deus qui per immaculatam conceptionem, etc., aliis facta est. enfin les indulgences accordées à cette occasion. Mais, En sc plaçant sur cc terrain, les docteurs sorboncomme la précédente, octlc opinion n’est pas vraie, nistes facilitèrent à Maldonat sa défense en cour dc elle est plutôt téméraire : sed neque hire opinio est Home. Il pouvait invoquer les constitutions dc Sixte vera, sed potius temeraria. Lc concile dc Bâle ne fut pas IV ct leur confirmation par le concile dc Trente, non légitime, ct ni la célébration d’une fête dc la Concep­ moins que l’état actuel de la croyance dans l’Église : tion, ni les indulgences annexées n’entraînent néces­ Nam diam hodie in diversis locis ct a diversis personis sairement l'affirmation, encore moins la définition utravis pars libere defenditur salva fide Christiana et du glorieux privilège. La quatrième opinion pose, sine crimine hirrescos. On parle dc fol gallicane, c’estcomme plus probable, que la bienheureuse Vierge fut à-dire parlicularistc ou nationale; mais la vraie foi conçue dans le péché originel; scs partisans sc servent doit être catholique ct universelle : fides proprie dicta des raisons alléguées pour la seconde opinion. La non est nisi catholica cl universalis. En cc qui concer­ cinquième tient que la bienheureuse Vierge fut conçue nait le concile de Bâle, Maldonat évitait, par motif sans le péché originel, mais nie que cc soit là une vérité dc prudence, de revenir sur la question irritante dc de foi catholique. Cette dernière opinion semble un légitimité; il se bornait à nier qu’on y eût défini la peu plus probable, videtur paulo probabilior, à cause conception sans tache comme dogme defoi: nonenim des arguments invoqués pour la troisième, du grand concilium Basilccnse dixit esse doctrinam fidei, sed nombre des universités qui l’admettent, celle dc Paris esse fidki consonam, quod longe aliud est. 11 Inter­ en particulier, ct de la faveur dont elle jouit auprès prétait dans le même sens le sonnent imposé par la des catholiques. Tous les autres arguments qu’on a Faculté, en citant un passage où Jossc Clichtoue, De coutume d’alléguer n’ont à mes yeux, ajoutait Mal­ puritate Conceptionis, 1. I, c. xvn, se servait dc termes donat, que très peu dc probabilité, mihi perparum équivalents : sententiam veritati consentaneam. probabilitatis videntur habere. Ccttc argumentation était irréfutable, du point dc D’après cet exposé, la position prise par le profes­ vue juridique. Aussi le résultat fut-il, comme le dit seur du collège dc Clermont était très nette : il admet­ Crcvier, op. cit., p. 300, « que cc jésuite ne fut point tait ct enseignait la pieuse croyance, mais en refusant condamné. » Résultat négatif, mais il y en eut un d’y voir une vérité defoi ct même en ne lui attribuant, autre, positif celui-là, dc la part dc l’Unlvcrsité : elle dc jugement privé, qu’une plus grande probabilité. réforma ou modéra sa manière dc voir sur le point Cette position, prise telle qu’elle, ne pouvait que dé­ en litige. Benoit XIV cite cette phrase, extraite du plaire vivement aux membres de ΓUniversité; à plus Traité fait à cette occasion : « Lc siège dc Rome préfère forte raison, si clic leur fut d’abord rapportée d’une le sentiment des pères de Trente à celui des pères de façon inexacte, comme cc fut le cas à en juger par Bâle; la Faculté s’y conforme ct clic admet, scion le le résumé des délibérations donné par E. du Boulay, concile dc Trente, que l'affirmation dc la Conception Historia universitatis Parisiensis, t. vi, p. 742, 744 sq,, (sans tache) n’est pas un article dc foi catholique, ct Maldonat, cité, ne comparut pas devant un tribunal qu’on ne peut appeler hérétique celui qui pense autre­ dont il ne dépendait pas. I .’Ordinaire, Pierre dc Gondy, ment. · Commentarius de I). N. Jcsu Christi malrisque auquel la cause fut déférée, déclara que l’ensei­ ejus festis, part. II. n, 210, Bruxelles, 1866, t. n, gnement incriminé ne contenait rien d’hérétique ni de p. 420. Cette interprétation sera désormais celle des contraire à la doctrine catholique. plus illustres docteurs de Paris, André Duval, Lam­ L’affaire alla jusqu’à Borne. Deux pièces nous ren­ bert et autre*·. D ms une lettre écrite à l’abbé Bert in, seignent sur la position prise par Γ Université. La le 27 mai 1702, Bossuet dira en parlant dc la faculté : première est intitulée : Disputatio huius quaestionis, «Tous nos ·.'· ' conviennent qu'elle réduit l’an· an sil propositio fidei beatam Virginem esse conceptam • cicnnc définition dc Bâle aux termes du concile do sine peccato. Elle comprend les principaux argu­ Trente, livres complètes, édit. Lâchât, t. xxvn,p. 265, ments dc ceux qui sont pour l'affirmative, avec Mnldor it. Opera varia theologica, Paris, 1676, t. ni, p. 73; réplique à ces arguments, puis les misons de ceux qui J.M.I*rat,AfeWnrm(et l UnivcrslUde Paris an XVllf siècle, nient, avec réfutation des réponses faites par la partie Paris, 1856, p. 351, 37s; E. Le*, être, op. cit., p. 91 sq.; IMMACULÉE CONCEPTION 1153 E. du Boulny, Hhlorla Universitatis Parfoicnsh, Paris, i 1665 sq., t. vî, p. 739, 742 sq.; d'Argcnlrè, Collectio judirio­ rum. t. n, p. 113 sq.; IloskovAny, op. cil., t. i, p. 423 sq.; Pierre de Alva, Mtlttfa (mniariilatæ conceptioni» virginis Marier, Louvain, 16G3,au mot Joannes Matdonatus. 2. L'immaculée conception peut-elle devenir une vérité de foi ? — Cette seconde question s'imposa nécessai­ rement à l’étude des docteurs quand les princes chré­ tiens commencèrent A faire des Instances auprès du Saint-Siège en vue d'obtenir la définition du glorieux privilège. D'ailleurs, pour les théologiens, la meilleure , manière dc seconder le mouvement, c'était dc Justifier à l’avance ou de montrer comme faisable cc qu’on demandait dc faire. Mais 11 y avait deux camps. a) L'opinion négative. — Tous ceux qui niaient la réalité ou la probabilité du privilège niaient du même coup qu’il pût être question dc le proposer, A un titre quelconque, comme vérité. Ce genre d’adversaires ne nous intéresse ici que par l’objection formulée. Mel­ chior Cano l’a nettement résumée,De locis theologicis, 1. VII, c. in, -Ie conci., Bnssano, 177G, p. 159 : « Les Livres saints pris à la lettre ct dans leur vrai sens, n’affinnent nulle part que la bienheureuse Vierge ait été totalement exempte du péché originel; au con­ traire, ils énoncent en termes généraux, sans excep­ tion aucune, la loi du péché, pour tous ceux qui des­ cendent d’Adam par voie dc propagation charnelle. On ne peut pas dire que la croyance nous serait venue des apôtres par la tradition. En effet, les croyances tra­ ditionnelles n’ont pu venir des apôtres à nous que par l’intermédiaire des évêques, successeurs des apôtres; or il est manifeste que les premiers Pères n’ont pas reçu des apôtres la doctrine de l’immaculée conception; s’ils l’avaient reçue, ils l'auraient transmise à leurs successeurs. ■ A ce premier ct principal groupe d’adversaires, s'a­ joutait celui des théologiens qui admettaient dc fait le privilège, qui le Jugeaient meme définissable comme croyance pieuse ou comme conclusion théoioglquc cer­ taine, mais non pas comme vérité dc foi. Le plus Il­ lustre représentant de ccttc opinion au xvi· siècle est le cardinal Bcllarmin, dans le Votum qu’il émit, | le 31 août 1617, sur la conception dc la bienheureuse Vierge, ct qui sera cité plus loin. Il dit, dans sa qua­ trième conclusion : « On peut définir que tous les fi­ dèles doivent tenir pour pieuse ct sainte la croyance en la conception sans tache de la Vierge, en sorte que désormais 11 ne soit permis à personne d’admettre ou dc dire le contraire sans témérité, scandale ou soupçon d'hérésie. · Mais 11 avait dit auparavant, dans la se­ conde conclusion : < On ne peut pas définir que l’opi­ nion opposée soit hérétique. > 11 n’admettait donc pas qu'on pût définir la pieuse croyance comme vérité de foi, puisque c’eût été définir implicitement que la proposition opposée était hérétique. Pourquoi ccttc restriction? Evidemment parce que, au Jugement du docte cardinal, on ne trouvait, ni dans la sainte Écri­ ture, ni dans la tradition, tout ce qu'il estimait néces­ saire pour que le pieuse croyance fût une doctrine révélée.Telle était aussi,semble-t-il, la pensée dc Mal­ donat quand il objectait: «Cequi est dc foi a dû être ré­ vélé par I )ieu immédiatement ou médiatemenl, explici­ tement, c'est-à-dire en propres termes, in propria forma verborum, ou implicitement, c’est-à-dire, pour parler comme les théologiens, en vertu d’une conséquence logique ou nécessaire, in necessaria et bona conscquen lia. Or que la bienheureuse Vierge ait été conçue sans péché, c'est une assertion, qui d’aucune dc ccs quatre manières, ne nous apparaît comme révélée dc Dieu. » Bibliothèque Vaticane, ms. lat. 6433, fol. 44. b) L'opinion affirmative. — H est presque inutile dc signaler ceux qui regardaient le privilège comme strictement défini au concile de Bàlo; ceux-là pouDÎC. DJi T1IÉOI.. CATIIOL. 1154 vaient dire : A b actu ad posse valet illatio. En dehors d’eux, la grande majorité des défenseurs dc la pieuse croyance la considéraient comme sc présentant dans des conditions telles qu’elle pouvait être définie comme vérité dc foi. Id persuasum est mihi citra fidem esse veri­ tatem certissimam, et quæ, Dec vo lente, aliquando, CEHTioji erit, écrivait le cardinal Tolct, Sum. theol., III·, q. xxvn, a. 2, concl. 2. Et Suarez : Dico veritatem hanc posse definiri ab Ecclesia, quando id expedire judicaverit. In 7/Λ· pari., t. n, disp. Ill, sect, vi, n. 4. De même Vasquez, Jn IIP* part., t. n, disp. CXVII. c. xi v; chez les augusti ns, Gilles dc ia Presentation, De immaculata beatæ Virginis conceptione ab omni originali peccato immuni, Cofmbre, 1617, 1. III, c. vm ; chez les carmes, Philippe dc la Très-Saintc-Trinité, Maria sicut aurora consurgens, Lyon, 1667, disp. IV. Bientôt cc ne sont plus dc simples assertions émises en passant, mais des livres entiers dans dc grands traités, par exemple, .1. B. Poza, Elucidarium Deipa­ ne, Lyon, 1G27,1. IV, ct Jean Ant. Velasquez, Disser­ tationes de Maria immaculate concepta, Lyon, 1G53, 1. V, ou même des ouvrages spécialement consacrés à la question, comme ceux des franciscains Christophe Davenport (1-Tanciscus a S. Clara) ct Jean Merinero ct de l’oraloricn Louis Crcspi de Borgia, indiqués cidessous dans la bibliographie. Parmi les motifs que ces théologiens mettent en avant. Il en est qui ne prouvent pas, par eux-mêmes, que le privilège puisse être défini dc fol divine; tels ceux que le dcrnierautcur énumère dans la conclusion de son Propugnaculum theologicum, p. 413 : miracu­ lorum adminicula,religionum apostolica approbatio,si­ lentium parti oppositu impositum, religiosorum coe­ tuum vota, acadcmiarum celeberrimarum suffragium, maior probabilitas, ct pietas principum, instantia et populorum desideria. Ce sont là ce que le même auteur appelle, disp. Ill, des « moyens extrinsèques, externa adiumenta, > propres à mouvoir le magistère ecclé­ siastique dans le sens de la déflnition, mais sous la condition préalable de motifs ou fondements Intrin­ sèques suffisants. Ceux-là, Crcspi les énumère d'abord, disp. II, p. 413 : testimonia sacræ Scnpluræ. traditio ecclesiastica. Patrum auctoritas. Ccs fondements ne diffèrent pas de ceux que les théologiens des siècles précédents avaient assignés, cot 1090, mais il y a pro­ grès constant, non chez tous, mais chez beaucoup, dans le choix des témoignages ct dans la manière dc les présenter. Relevons quelques particularités. Ceux qui pro clament le privilège définissable de fol divine recon naissent qu'une doctrine ne peut pas devenir objet de foi sans être contenue dans la sainte Écriture ou dans la Tradition, mais ils font remarquer que l’interpré­ tation dc cc principe demande de la discrétion ct une certaine largeur de vues, car nous croyons aujour d’hul des vérités que l’Église ne croyait pas aupara­ vant d’une foi explicite, quoiqu’elles fussent renfer­ mées implicitement dans la doctrine primitive, « ct souvent l’Église, en vertu de son autorité et avec lo secours du Saint-Esprit qui l’assiste, a décidé des con­ troverses semblables, sans révélation nouvelle, comme on peut le montrer par des exemples manifestes. » Suarez, In 11 P* part., t. n, disp. Ill, sect, vî, n. 4. Dans une note manuscrite sur les conditions requises, dans l’occurence, pour une définition dogmatique, un théologien de l'époque ajoutait qu’à presser trop l’objection tirée dc ce que le privilège n’est pus clai­ rement contenu dans la sainte Ecriture ct l’antique tradition, ou qu'il n'en est pas clairement déduit, on s'exposait à de nombreuses difficultés dans la contre verse avec les protestants : Porro cavendum,ne qui ταμ moi de exigit ad definitionem, ut ex scriptura Del ex traditione res definienda colligatur, faveut hæreticis. VIL — 37 1155 IMMACULÉE CONCEPTION qui multa definita minoris momenti in se quam sit pnrscrvatio ab originali peccato, negant ct rident, quia non deducantur ex Scriptura, et de iisdem traditio incerta sit. Bruxelles, bibliothèque royale, ms. 7289, fol. 136. Un peu auparavant, le même théologien anonyme avait proposé une autre considération de valeur non moindre. Partant dc cc fait que les pères du concile dc Trente n’avaient pas voulu inclure la mère de Dieu dans les anathèmes généraux qui tom­ bent sur la conception ct la naissance de tout ills d'Adam déchu, il remarquait que, pour achever l’œuvre, il suffirait de passer de la non-conclusion à V exclusion positive; car, la grande majorité tenant pour celle-ci, l’Église pourrait manifestement user de l’autorité qu’elle possède pour trancher en cas de conflit et dé­ terminer le vrai sens dc la sainte Écriture, declarando utra pars congruat menti Spiritus Sancti. En cc qui concerne la manière dc proposer l’argu­ ment dc tradition, l’accord manque.Beaucoup dc théo­ logiens, surtout en Espagne, supposent qu’il y eut croyance formelle dès le début du christianisme; les apôtres auraient expressément enseigné le privilège ct l’institution dc la fête de l’immaculée conception remonterait jusqu’à eux. Telle est la thèse soutenue, pour donner un exemple, dans un ouvrage d’un cis­ tercien dc Madrid, François Bivar, De /esto immacula­ te conceptionis beate Virginis in Hispania celebrato a tempore apostolorum, Lyon, 1627. Mais à la base dc ccs affirmations il y avait des légendes ct des pièces apocryphes ou mal Interprétées, comme on l’a déjà vu, col. 873. Λ plus forte raison n’y a-t-il pas lieu de s’arrêter aux inscriptions si nettes, gravées sur les fa­ meux · plombs dc Grenade, · découverts en 1595 dans une grotte voisine dc cette ville, mais dénués d’auto­ rité. Roskovàny, op. cil., t. i, p. xun, t. n, p. xix; J. Mir, op. cit., c. xxi, p. 392 sq. D’autres théologiens reconnaissaient qu’on nc pou­ vait pas établir par des témoignages positifs l’exis­ tence d’une tradition orale primitive, mais ils préten­ daient conclure à son existence en s'appuyant sur la croyance constante dc l’Église; ainsi raisonnait Chris­ tophe Davenport, c. m, p. 58 : Perpetuus sensus Eccle­ siis et Conciliorum cl Patrum sanctorum cogit fideles sup­ ponere traditionem oris, ubi in scriptis non invenitur. Argument valable dans certains eas, mais inefficace dans le cas actuel, car il n’était pas certain qu’il y eût croyance constante dans l’Église, ni que le privilège eût été révélé d’une façon explicite. D’autres distinguaient entre la tradition apostolique ct ia tradition ecclésiastique; ù défaut dc la première, ils Invoquaient la seconde; tel, Crespi de Borgia, disp. H, a. 3, p. 107 : Licet non ausim dicere, dari primam tra­ ditionem respectu conceptionis immaculate, quia sic esset fam negotium de fide, in quo sensu intelligo Bernardumnegare traditionem in epist. illa ad Lugdunenses, tamen negari nequit, dari traditionem ecclesiasticam, qua: respui non debet, sed valde conducit ad definibilitalem. L’argument était bon, il était même beaucoup plus important que nc le soupçonnaient les théolo­ giens d'alors, si pauvrement renseignés sur les monu­ ments de la littérature ecclésiastique postéphésicnne, l’orientale surtout. Déjà, cependant, l’attention com­ mençait à s'éveiller dc ce côté-là. C’est vers la fin de cette période, de 1618 à 1666, que le franciscain Pierre de Alva publiait ses nombreux ouvrages, de valeur inégale, il est vrai, mais si riches en documents pré­ cieux pour l'histoire dc la croyance dans l’Église latine. D’un autre côté, en dehors des travaux entre­ pris par des grecs érudits venus en Europe, la Pietas mariana gnreorum, de Simon Wangnercck, avait pam a Munich, en 1617, ct les théologiens nc manquèrent pas d’utiliser aussitôt ce nouvel apport. Jean Antoine Velasquez parle, 1. IV, diss. V, de l’autorité que les 1156 Pères grecs confèrent à la pieuse croyance, ct i) insiste, Adnot. 1, sur ce fait, que des documents nouveaux ou du moins inconnus jusque-là rendent témoignage ù la pieuse croyance : A’owi sive hactenus non visa Gnecorum Patrum pro Marite immunitate monumenta. La bulle Ineffabilis Deus devait montrer, deux siècles plus tard, quelle était la valeur de ccttc ancienne litté­ rature, si peu explorée encore, pour établir sur des bases plus larges un argument de tradition générale qui envelopperait, comme une partie dans un tout, comme un detail dans un ensemble, le glorieux pri­ vilège dc la Mère de Dieu. Franciscus n S. Clara (Christophe Davenport», francis­ cain, Disputatio de definibilitale con leavers lœ immaculahc conceptionis Dei Genitricis, Douai, 1651; Jean Merinero, franciscain. Tractatus dc conceptione Deipara· virginis Ma­ rin-, seu de huius articuli definibilitale, Valladolid, 1652; Ludov. Crispi n Borgia, omtorien, Propugnaculum theolo­ gicum deflnibililalis proxima· senlenlte pte negantis beatissi­ mam virginem Mariam in sure conceptionis primo instanti originali labe fuisse infectam. Valence, 1653:.Iran Antoine Velasquez, S. J., Dissertationes cl adnolationes dc Maria Immaculate concepta, 1. V, Lyon, 1653; Passaglia, op. cit., t. in. n. 1855 ; J. Mir, op. cil., c. x.xvn. — Pour l’cnsemblcdcs écrits composés ou publiés par Pierre de Alva, voir plu· haut, t. i, col. 925. 3. La dette, du péché originel en Marie. — Λ supposer que la bienheureuse Vierge ait été préservée, faut-il dire que, fille d’Adam déchu, cl issue dc lui par vole dc propagation naturelle, elle devait encourir le péché originel? Telle est, en termes généraux, la question théologique du debitum peccati, par opposition à l’acte même du péché. Question abstraite et qui, dans la pratique, est encore compliquée par des divergences non seulement dc terminologie, mais dc vues sur des points connexes, comme la notion du péché originel, les conditions dc la loi de solidarité existant entre Adam ct scs descendants, la façon dont Marie fut prédestinée à la maternité divine, etc. a) Origine cl delimitation du problème. — Dans son opuscule sur la Conception de Marie, Cajétan émit la distinction entre la dette et l’acte même du péché originel; il affirma la dette comme un minimum néces­ saire pour sauvegarder le dogme dc la rédemption universelle par le Christ. Dans scs Annotationes de Conceptione, bibliothèque Vaticane, ms. lat. 6433, fol. 31, Maldonat reprit la distinction, < inconnue, dit-il, aux anciens, apud veteres inaudita, mais que tous les théologiens ont admise du jour où elle fut énoncée, parce que, la dette écartée, on nc voit pas comment on pourrait encore dire dc la bienheureuse Vierge qu’elle aurait été rachetée par Jésus-Christ. » Catharin, opposé a Cajétan sur la question du privi­ lège, s’accorde néanmoins avec lui sur cc point important : Et quod diam declarat, quod esset luvrcticum si quis diceret beatam Virginem sic fuisse imma­ nem ab hoc peccato cjusque reatibus, ut non solum non habuerit illud, sed nec habere debuerit secundum sine natune conditionem, verissimum est. Annotationes in Commentaria Cajetani, 1. IV, dans Pierre de Alva, Monumenta dominicaria, p. 335. Sous cc rapport, la position dc Catharin et dc ceux qui l’ont suivi diffère essentiellement dc celle que tient le franciscain Pierre Colonna, dit Galatln, juif converti, dans son ouvrage De arcanis catholica: veritatis, 1. VII, c. m, Ortona, 1518, à savoir la théorie, plusieurs fois signalée, dc la parcelle dc chair conservée pure dans Adam ct destinée ù former le corps du Sauveur ct de sa mère. Le fonde­ ment sur lequel repose, d’après Catharin, la dette du pèche originel en Marie : secundum naturæ stuc condi­ tionem. entendu dc la nature humaine prise non pas seulement en elle-même, mais encore dans son mode d.durci de propagation, disparaît dans la bizarre 1157 IMMACULÉE CONCEPTION théorie d’origine rabblnlquc. D’ailleurs, Catharin a formellement réprouvé ccttc théorie, comme vainc et fabuleuse, varia turc omnino ct fabulosa, dans son pre­ mier traité, Disputatio pro veritate immaculata! concep­ tionis bcatic virginis Maria-, etc., Sienne, 1532, 1. 1, lue. < // . p. 1 12. Le fondement assigné par Catharin n’cntralnait la nécessité d’une dette du péché originel que d’une façon générale ct indéterminée. On ne tarda pas à en discuter la nature ou la portée : par comparaison au péché comme terme corrélatif, fallait-il l’appeler dette prochaine ou éloignée, dette absolue ou conditionnelle? A l’époque où nous sommes, tous s’accordent à faire dépendre la réponse dc ccttc autre question, soulevée par le meme Catharin : Marie fut-elle comprise dans la loi dc solidarité qui unit Adam ct scs descendants, sous le rapport dc la communauté du péché originel et, par suite, de la conservation ou, nu moins, dc la perte dc la justice primitive, reçue par Adam à titre non purement personnel, mais comme apanage dc la nature humaine? Suivant la réponse donnée â ccttc question préalable, les théologiens sc prononcent dans un sens ou dans l’autre. b) lr* opinion : dette prochaine ou absolue. — Marie, qui devait descendre d’Adam déchu par voie dc pro­ pagation naturelle, fut comprise dans la loi générale dc solidarité; l’assertion opposée est arbitraire ct semble peu conforme aux données dc l’ancienne tra­ dition et de lasainte Ecriture,surtout ù cause dc l’an­ tithèse paulinicnnc entre l’ancien ct le nouvel Adam, considérés comme chefs dc l’humanité. Bom. v, 12-18. Dès lors, au premier instant dc son existence comme personne humaine, Marie contracta d’une façon réelle ct prochaine la dette du péché originel, mais comme au même instant sa prédestination à la maternité di­ vine constituait un titre (extrinsèque) à l’amour divin et à une application spéciale des mérites dc son Fils, elle reçut immédiatement la grâce sancti flante, ct la dette du péché originel fut, par le fait mémo, éteinte. La rédemption privilégiée dc la bienheureuse Vierge consiste donc à être délivrée, non dc la dette person­ nelle du péché, mais du péché lui-même ou dc la mort spirituelle que cette dette entraînerait, si elle n’était pas immédiatement éteinte. Cette opinion eut pour principaux représentants, à la fin du xn* siècle ct au début du xvn·, Bellarmin, Vasquez, Suarez ct Grégoire de Valence, dans la Compagnie dc Jésus; chez les augustins, Gilles dc la Présentation; plus tard, chez les carmes déchaussés, Philippe de la Très-SainteTrinité ct surtout l’auteur du traité De vitiis et pecca­ tis dans le Cursus theologicus des Salmanticenses. Ces théologiens nc manquent pas d’ajouter que, bien comprise, cette dette n’entraîne ni tache, ni déchéance, ni indignité quelconque : elle tombe sur Marie, considérée d’une façon abstraite ct Incomplète, c’est-à-dire dans ses rapports avec Adam, chef du genre humain, mais si nous considérons la Vierge d’une façon concrète ct complète, c’est-à-dire en te­ nant compte des titres qui découlent de sa destina­ tion à la maternité divine, elle nous apparaît tout aussi pure, tout aussi digne, au premier instant de son exis­ tence, que dans l’hypothèse opposée. Qu’elle ait péché . en Adam, qu’elle soit morte en Adam, comme les autres hommes compris dans la grande loi dc solida­ rité, cc sont là des conséquences qui n’atteignent direc­ tement que la nature, prise dans l’état où la chute ori­ ginelle l’a mise et qui nc supposent pas dc partici­ pation personnelle à la faute actuelle du premier an­ cêtre. Ainsi en est-il, du moins, dans l’explication du péché originel la plus commune ct la mieux fondée, celle dc saint Thomas marchant sur les traces de saint Anselme, De conceptu virginali, c. vu, P. L., I. CLvni, col. 441 : In Adamo omnes peccavimus quando ille 1 H5S peccavit, non quia tunc 'peccavimus ipsi, qui nondum erramus,sed quia de illo futuri eramus,et tunc /acta est necessitas ut,cum essemus, peccaremus. Ccqui s’entend, dans la doctrine du même saint, non pas d’un acte dc péché que nous commettrions nécessairement an premier Instant dc notre existence, mais d’un état dc péché qui consiste principalement dans la privation dc la grâce sanctifiante, principe de la justice ct dc la sainteté surnaturelle dans l’ordre présent. c) 2· opinion : dette éloignée ou conditionnelle, — Marie nc fut pas incluse dans la loi de solidarité qui faisait dépendre d’Adam le sort dc scs descendants, en cc qui concerne la transmission, ou du moins la nontransmission dc la justice originelle; ct comme l’in­ clusion dans ccttc loi constitue le fondement prochain de la dette du péché originel, considérée comme réelle ou absolue, ccttc dette ne s’attacha jamais à la per­ sonne de la bienheureuse Vierge. Cependant, il aurait été dans le cours régulier des choses que, Issue d’Adam par voie de génération naturelle, elle fût comprise comme les autres dans la loi générale; dc là naît une dette dont l’inclusion dans la loi de solidarité est l’objet direct, ct le péché lui-même, l’objet indirect, éloigné, conditionnel. La rédemption propre à la mère de Dieu, rédemption d’ordre plus relevé, a consisté précisément en cc que, par une application spéciale ct privilégiée des mérites dc son divin Fils, elle a été préservée directement de l’inclusion dans la loi de solidarité ct indirectement du pêché originel. Ambroise Catharin énonça celte théorie en plusieurs endroits dc ses écrits, notamment dans son premier traité sur la conception, 1. II, toc. cit., p. 202. Elle fut acceptée par Salmeron. Disputationum in epist. ad Homan., 1. II. disp. XLV, Cologne, 1601, t. xin, p. 14 1 : pactum ad beatam Mariam non se extendit. Sans la soutenir d’une façon expresse, le cardinal de Lugo la favorise pratiquement en montrant comment elle peut sc con­ cilier avec la doctrine de l’incarnation du Verbe con­ çue comme dépendante du péché d’Adam. De mysterio incarnationis, disp. VII, sect, m ct jv. Il la donne comme étant assez reçue de son temps, hoc tempore a pluribus recepta est. Elle eut, en effet, à partir dc 1615 ct surtout en Espagne, d’ardents champions, tels, Jacques Granado, Ferdinand de Salazar, Jean Eusèbe Nieremberg, Christophe de Vega ct, plus par­ ticulièrement, ceux qui ont composé des traités spé­ ciaux sur le sujet, comme le carme Jean-Baptiste Lezanaet les jésuites Jean Pcrlin, Ambroise dc Pefialosa ct Adam Burghaber. Ces théologiens tirent leurs principaux arguments de la prédestination de Marie à la maternité divine et dc l’excellence qui en résulte, excellence telle, que nous devons écarter de sa personne non seulement le péché proprement dit, mais tout ce qui pourrait le rappeler ou entraîner des conséquences peu dignes de la mère dc Dieu, comme d’être subordonnée au premier homme en qualité de membre, d’avoir péché en Adam, d’être morte spirituellement en lui, etc. Chez la plupart de ceux qui la tiennent au xvu· siècle, ccttc théorie suppose des opinions spéciales sur plusieurs points signalés déjà. Ils parlent d’un pacte conclu entre Dieu et le premier homme, pacte en vertu duquel la volonté d’Adam serait, dans un sens moral, juridique ou inter­ prétatif, la volonté dc tous ses descendants, ct son péché, leur propre péché : peccatum Adie quatenus moraliler censebatur peccatum ACTUALE posterorum, comme dit dc Lugo, Zoe. cit., sect, in, η. 26. En consé­ quence, ils parlent du péché originel comme si c’était un péché actuel, le péché même d’Adam moralement nôtre et nous étant, nu premier instant de notre exis­ tence, personnellement Imputé. Les expressions : avoir péché dans Adam, être mort en Adam, prennent dès lors une tout autre signification que dans la doctrine 1159 IΜ M A C L’LÉ E CO N C E PT IO N 1160 de saint Anselme ct de saint Thomas d'Aquin. En solum cum Bellarmlno existimo non esse tutum in fide..., sed addo esse errorem in fide. L’opinion nouvelle outre, beaucoup considèrent l'existence de Marie ct sa prédestination à la maternité divine comme décré­ fut dénoncée à l’inquisition de Tolède, et cc tribunal tées avec l'incarnation du Verbe dans un seul ct même inclina d’abord vers la prohibition; cependant, avant signe, logiquement antérieur à la prévision de la chute de rien conclure définitivement, il prit l’avis des plus originelle; c’cst même là qu’ils prétendent trouver le doctes professeurs d’Alcala, de Séville, de Cordoue, de premier fondement de la double exemption de la bien­ Grenade ct d'autres universités. D'après les réponses heureuse Vierge, exemption du péché originel propre­ reçues, Il déclara, le 22 janvier 1616, que l'opinion ment dit, exemption de la dette prochaine ou absolue était soutenable. Rosko\Any, op. cil., t. π, p. ix. Vers de cc même péché. le milieu du siècle, Philippe de la Très-Sainte-Trid) Débats suscités pur la théorie, de la dette éloignée ou nité, général des carmes déchaussés, écrivait, disp. conditionnelle. — Laissons de côté la question de sa­ V, dub. L, que l’opinion soutenant la dette personnelle voir si Marie a été prédestinée avec son divin Fils indé­ était plus commune, plus probable ct plus sûre, mais pendamment ou dépendamment du péché originel qu’elle n’était pas de foi et que l’opinion opposée ne prévu; question d'école, qui ne semble pas avoir de méritait pas de censure : Licet sit communius, probabi­ lius ct tutius, quod Deipara virgo Maria habuerit in rapport nécessaire avec la controverse du debitum peccati. Que la prédestination à la maternité divine, seipsa debitum peccati originalis, non tamen est de /Ide, dans quelque hypothèse qu’on la suppose faite, cons­ nec contraria opinio meretur censuram. titue au moins moralement un titre à l'immaculée Celte diversité de vues sur la façon dont la dette conception, il n’y a pas lieu de le nier; mais ccci ne du péché originel atteint la bienheureuse Vierge, en­ traîne une conséquence d'une certaine Importance préjuge point dans quelles circonstances concrètes la bienheureuse Vierge recevra l'existence ni, par consé­ pour la manière de répondre aux difficultés que les ad­ quent, quelle sorte de relations, d'obligations ou de versaires de l’immaculée conception tirent des textes dénominations elle pourra contracter cn vertu de sa scripturaires ou palristiques, relatifs à l'universalité du descendance adamique. Aussi trouve-t-on des parti- péché originel, de la mort comme châtiment du péché, tisans de Ja dette stricte parmi les théologiens qui ad­ etc. Ces lois présupposent la loi plus générale de la mettent la prédestination du Verbe et de sa mère solidarité entre Adam ct ses descendants. SI Marie est comme antérieure à la prévision du péché; récipro­ soustraite à cette loi fondamentale, elle ne tombe quement, on trouve des partisans de la dette condition­ évidemment pas sous les autres. La réponse aux ob­ nelle parmi les théologiens qui, conformément à l'o­ jections sera, que ces lois ne s’appliquent pas à la mère pinion plus commune, n'admettent la prédestination de Dieu, qu’elle bénéficie d'un régime à part. Si, au du Christ ct de sa mère qu'en fonction de Ja chute contraire, Marie est, par hypothèse, incluse dans la loi originelle. Voir Jlcchcrches de science religieuse, Paris, de solidarité, elle tombe sous les autres lois, mais seu­ ", 1.1, p. 610 sq· lement cn principe ou cn droit. La réponse aux diffi­ D'ailleurs, cc n’est pas sur cc terrain que sc posa cultés consistera dans une distinction entre la loi prise l’objection, quand la théorie de la dette non réelle, cn elle-même et l’application ou l'effet de la loi : si la mais conditionnelle, s'affirma expressément ct métho­ bienheureuse Vierge tombe sous la loi elle-même, elle diquement. L’objection devait être et fut celle-ci : échappe, par faveur spéciale, à l’application de la loi. Soustraire Marie à la loi générale de solidarité ct nier Distinction qui semble plus efficace pour résoudre qu’elle ait encouru effectivement la dette du péché certaines difficultés ct dont nous avons déjà eu l’occaoriginel, n’cst-cc pas rendre illusoire celte affirmation i sion de faire usage, col. 870 sq. dogmatique, qu’elle a été, non pas simplement pré­ Pour la dette réelle ct prochaine : 1 tclinrmln, Dr amissione servée, mais proprement rachetée par Jésus-Christ? gratta: et statu precati, \. IV, c. xvi; Vnsqucz, In Ill*m part., Les tenants de la dette strie te ne furent pas unanimes t. n, disp. CXV; Suarez, De vitiis cl peccatis, disp. IX, sect, dans leurs appréciations. Malgré son peu de sympathie xv, n. 10 sq., édit. Vlvês, t. iv, p. Cl I ; De mysteriis, disp. III, scct.n, t.xix, p.28; Gregorius do Valentia, Commentar, pour la nouvelle opinion, Suarez estima qu'il fallait distinguer cn cette matière deux sortes de propositions. theolog., Lyon, 1603, t. iv,dlsp. I î, q.î ; cf. t. n, § Tertio objlcol. 428; Ægidius de Présent nt ion c, nu«uslln,Dc D’abord, celles qui porteraient atteinte à l'universalité étant, immaculata beatae Virginis concepttone ab omni originali de la rédemption par Jésus-Christ; par exemple, si prcaln immuni, Cofmbre, 1617, 1. II; Philippo de la Trèsl'on disait : < La bienheureuse Vierge n’a pas etc pré­ Sainte-Trinité. earine, Maria sicut aurora consurgens, servée du péché originel cn prévision de la mort du Lyon, 1667, disp. V; Collegii Salmanticrnsis cursus theo­ Christ, > ou bien : < La bienheureuse Vierge n'a pas logicus, tract. ΧΙΠ, disp· XV, édit. Palmé, t. vm, p.85. Pour la dette éloignée ou conditionnelle: Jcan-Bnptlstc de été proprement rachetée par la mort du Christ, · ou encore : < La Vierge n’a pas eu besoin, pour son salut Lczaïui, carme, Liber apologcticus pro immaculata virginis Maria: conceptione, ubt non modo candssc precato originali, étemel, du sang ou de la mort du Christ, a Ces propo­ srd in Adamo peccasse, nrc debitum prorimumorigtnasitions, Suarez les déclarait erronées et condamnables, lis neque habuisse defenditur, Madrid 1616; Ferdinand Chirino comme toute autre qui aurait avec elles une connexion de Salazar, S. J., Pro immaculata Dripara: Virginis con­ nécessaire. Dans l’autre catégorie il rangeait les pro­ cepttone defensio, Alcida, 1618, c. I sq.; Jean Pcrlln, S. J., positions qui porteraient exclusivement sur le point Apologia scholastica, sive cantrooersta theologica, pro ma précis de la dette absolue du péché originel, considérée grue Matris ab originali drblto immunitate, Lyon, 1630; en elle-même ou dans son fondement; celle-ci, par Ambroise de Pefialosn, S. J., Vindicia: Deipara: Virginis de peccato originali cl debito illius contrahendi, Anvers, 1650; exemple : < La bienheureuse Vierge n’a pas péché cn Adam Burgh a bor, S. .1., Immunitas beatas virginis Marhe Adam, > ou cette autre : < Elle n’a eu ni cn elle- ab Ipso etiam originalis labis contrahenda· debito. Lucerne, même, ni dans un autre, la dette du péché. > De ces 1652;Christophe do S. .L, Theologia Mariana,Lyon propositions Suarez disait : « Je ne les estime pas di­ 1653, pnlæstra V; Jean Eusèbc Niercmbcrg, S. J. Opera gnes de censure, parce qu’on peut les défendre Indé­ parthenica, Lyon, 1639, Opuse. x ; Salvator Montnlbanu», capucin. Opus theologicum it (bus distinctum tomis, in quibus, pendamment des précédentes. * D’autres théologiens sc montrèrent plus sévères. Le efficaci ^imc ostenditur, immaculatam Det Genitricem, utpole Christi meritis preservative redemptam, fuisse prorsus cardinal Bellarmin ne croyait pas qu’on pût, sans quel­ rx tmmunrrn ab omni debito, tumcontrahendi originale peccatum, que danger, nier que la bienheureuse Vierge eût pêché tum ipsius fomitem Incurrendi, Palermo, 1723. en Adam : non admodum tula esse videtur. Gilles de la I. O/ .<·/ de la croyance cl du culte, d'après les thèoloPrésentation renchérissait encore sur cc jugement, en parlant d’erreur positive, l. Π, a. ni, a. 5 : Ego non gien. hsxvi* et xrn· siècles.— Nulle dlfflcultù «‘exit- 11G1 1Μ M A C U L É E C 0 N C E P T 10 N tait relativement à la croyance, pour ceux qui l’ad­ met talent; ils avaient directement cn vue la personne de la bienheureuse Vierge, considérée comme possé­ dant, au premier instant de son existence, une sainteté proprement dite, intérieure et parfaite. Celte sainteté excluait, de l’avis de tous, le foyer de la concupiscence, avec quelque diversité pourtant. Les uns. comme Tolel, Suarez, Gilles de la Présentation et le grand nombre parlaient du foyer comme éteint au moment où la première sanctification de Marie s’opéra. Les autres rejetaient l’expression comme impropre, parce que, disaient-ils, le foyer n’existait plus alors, ou même n’avait jamais existé : In sacrosancta virgine Maria nunquam fuisse fomitem peccati, neque potentialem neque actualem neque ligatum neque solutum. Josse Cllchtoue, De puritate conceptionis bcatie Marite vir­ ginis, Paris, 1513, L 11. c. x. De même Nicole Grenier, dans le tome second du Bouclier de la Toy, Paris, 1549, c. xxix : « Que le foment du péché ct infirmité de la chair et de concupiscence n’ont esté en la Vierge non plus qu’aux premiers parents, en l’estât d’innocence et de justice originelle. » Ccs derniers théologiens avaient coutume de consi­ dérer le foyer de la concupiscence comme s’attachant ù la chair, mais, pour cela même, ils supposaient de deux choses l’une : ou que dans la conception séminale une grâce de préservation était intervenue, c’était l’hypothèse de Clichtoue, ou que du moins avant l’ani­ mation il y avait eu purification ou sanctification relative de la chair ou du corps de la bienheureuse Vierge, suivant cette autre hypothèse, énoncée par Dominique Bollani, Tractatus de immaculata Virginis conceptione, c. χιν : Dicamus ergo quod postquam fuit formatum corpus virgineum physicum in ventre matris gloriosissima: Virginis, virtute Spiritus Sancti illud sacratissimum corpus ante infusionem anima: intellec­ tion· fuit mundatum atque purificatum, ut esset vas aptis­ simum ad recipiendam animam illam sanctissimam. Pierre de Alva, Monumenta antiqua ex variis auctori­ bus, t. i, p. 321. Ccs théologiens restaient manifeste­ ment sous l’influence de l’ancienne théorie de la con­ cupiscence, comparée à une empreinte morbide ou à un virus infectieux. Les autres ne sc faisaient pas faute de le leur dire : Sed iste modus implicat peccatum origi­ nate esse qualitatem morbidam in sensitivis viribus com­ plantatam, quod alias improbatum est, répondait déjà» sur la fin du xv· siècle, Jean de Meppls, Tractatus de immaculata Virginis conceptione, dans Pierre de Alva, toc. cit., p. 92. Ces divergences portaient sur la manière d’expli­ quer comment la préservation de Marie s’était opérée; elle n’cmpèchait pas les tenants du privilège de rappor­ ter leur commune croyance au même objet, comme il a été dit ci-dessus. La détermination de l’objet du culte se présente dans des conditions moins favorables à première vue. Les adversaires de la doctrine catho­ lique ont même essayé de sc prévaloir ici d’une ré­ ponse donnée par le cardinal Bellarmin, De cultu sanc­ torum, 1. Ill, c. xvn. Ayant cn vue les attaques des protestants, il pose ccttc objection tendant â montrer quo Ja fêle de la Conception, célébrée dans l'Églisc romaine, manque de fondement solide : « 11 n’est pas certain, même parmi nous, que Ja bienheureuse Mergo ait été conçue sans le péché originel, car l’Églisc per­ met les deux opinions; il est donc ù tout le moins dou­ teux que nous célébrions cette fête à juste titre. » Le grand controversis le répond d’abord que, de l’aveu des adversaires eux-mêmes, tels que Luthcrou Érasme, la conception sans tache est pieusement admise dans la majeure partie de l’Églisc; puis il ajoute : « Le fondement principal, pnrcipuum, de cette fête n’est pas la conception immaculée, mais simplement la con­ ception de la future mère de Dieu. Quelle qu’ait été, 1162 cn effet, celte conception, par cela seul que ce fut la conception de la mère de Dieu, son souvenir est pour le monde une source de joie singulière; car c’est alors que nous eûmes, pour la première fois, un gage cer­ tain de notre rédemption. Ajoutons cette circons­ tance, que la bienheureuse Vierge fut conçue miracu­ leusement d’une mère stérile. Aussi cette fête est célébrée même par des gens qui regardent la Vierge comme conçue dans le péché. On dira peut-être : A cc compte-là on pourrait aussi fêter la conception de saint Jean-Baptiste. A quoi je réponds : On le pour­ rait, assurément, comme les grecs le font. » Dans la Realencyklopûdte fûr protestant ische TheoI logic und Kirche, 3· édit., t. xn, p. 327, ccttc ré­ ponse est interprétée cn ccttc manière : -Bellarmin donna simplement pour l’objet de la fête, Ja con­ ception, ct non pas la conception immaculée. > C’est attribuer à l'affirmation du cardinal un sens ex­ clusif qu’elle n’a pu ; ct cela parce que, illégitimement, on ne tient pas compte de l’épithète prsecipuum, qui j détermine sous quel rapport l’auteur considère l’ob­ jet du culte, entendu juridiquement et officiellement. D’après les termes de l'objection, il devait montrer que la fête de la Conception avait un objet certain, indépendant par conséquent de Ja controverse exis­ tant encore sur la nature du privilège marial, cl, dans cc sens, principal. Le fondement qu’il assigne, chose digne de remarque, est celui-là même que les premiers apôtres de la fête de la Conception cn Occident pro­ posaient, quand ils sc trouvaient cn face d’adver­ saires qui n’admettaient pas le glorieux privilège. Voir col. 1016. Mais dccc que la concept ion immaculée n’était pas, dans ce sens, l’objet principal du culte, s’en suit-il qu’au jugement du cardinal, elle cn était purement ct simplement exclue? 11 serait d’autant plus arbitraire ct illogique de s’arrêter ù cette supposition, qu’en soi, l'idcc d’objet principal n’écarte pas, mais appelle plu­ tôt celle d’objet secondaire. Aussi, quand plus tard il traitera directement du privilège, De amissione gra­ tia: et stata peccati, 1. IV, c. xv, Bellarmin dira : Adde ultimo, quod tntus fere orbis Christianus celebrat fes­ tum diem conceptionis virginis Mariae, eamque concep­ tionem I At Sf ACU LATA St VoCOt. Si les défenseurs du privilège faisaient rentrer l’im­ maculée conception dans l’objet du culte, ce n’étalt pas toujours de la même façon. La plupart des théo­ logiens entendaient la conception qui, seule, dit sain­ teté parfaite, c’est-à-dire la conception consommée, fêlée Je huit decembre, par anticipation : Testum quod hodie facimus de conceptione bealæ Virginis, non est referendum ad diem pra sentem determinate, cum ejus­ modi embrio res esset inanimata, disait Guillaume Pe­ pin, sed referendum est.., secundum intentionem Eccle­ siae ad illum diem in quo primo caro Virginis suscepit animam rationalem, Pierre de Alva, Monumenta dominicana, p. 536. Ceux qui admettaient une sanctifi­ cation préalable de la chair tendaient, au contraire, à rapporter le culte d’une façon déterminée au huit décembre, époque de cette première sanctification. Le scotistc Jean Major(1540) exprimait nettement cette Idée quand il écrivait. In 1 V Sent., 1. Ill, dist. III, q. vu : Ratione SAXCTiFICATl CORPORIS diem conceptionis per multos annos celebramus. 11 était rare cependant, que l’affirmation fût exclusive ; ou admet­ tait plutôt que le culte port ait sur les deux conceptions. Après avoir donné « comme préférable l'opinion que la teste de la Conception s’entend do la conception séminale, * Pierre Lefèvre donne cet avertissement à son interlocuteur : < Je t’ay dit que toutes deux se testent ensemble... Et telle conception est le commen­ cement de la parfaictc Infusion de l’âme au corps. Et ainsi cette conception séminale est testée cn ayant regard à la parfaictc conception ct sanctification. · 1163 LM M A C U L É E C 0 N C E P T10 N Le Defensoire de la Conception, loc. cil., p. 215-217. Dc même Nicole Grenier, au tonie second du Bouclier de ta Foy, c. xun ct xuv, loc. cil., p. 210 sq., 226 sq : < par quoy non seulement ranimation de la Vierge, mais aussi la formation de la substance corporelle doibt justement être vénérée dc tous. > Ces divergences supposaient la théorie physiologicophilosophique d’après laquelle la conception seminale avait pour tenue immédiat une matière informe qui devait passer par des évolutions multiples jusqu’à cc que, le corps étant suffisamment organisé, l’âme pût s’unir à lui, l’animer ct constituer avec lui une per­ sonne humaine. De là venait l’écart, sous le rapport du temps où elles s’accomplissaient, entre les deux conceptions, charnelle ou séminale, consommée ou proprement humaine. Cette théorie présentait des in­ convénients quand il s’agissait de Notre-Scigncur; aussi avait-on établi en sa faveur un régime d’exceplion, en supposant qu’en vertu d’une action spéciale du Saint Esprit, la matière aurait été immédiatement organisée ct unie à l’âme. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxxm. Or Π arriva que des théologiens com­ mencèrent à dire la même chose de la bienheureuse Vierge. Quelques-uns réduisirent d’abord à une se­ maine la durée de son évolution embryonnaire, d’a­ près une « révélation l » faite à la vénérable Marie d’Agréda, Mystica Ciudad de Dios, part. I, 1. I, c. xv, n. 218 sq. D’autres allèrent plus loin et réduisirent i'intcrvalïo de temps, maintenu entre les deux concep­ tions, à un nombre d’heures plus ou moins considé­ rable, mais en sorte que tout fût accompli en une journée: Jpsa dic in qua receptum est dictum semen in utero Anna', /uil miraculose corpusculum dispositum et animatum,dit, entre autres Christophe de Vega, op. cit., palæstm VI, certamen n, n. 632. En ramenant à un seul ct même jour les deux con­ ceptions, ces théologiens avaient atteint leur but ; placer au 8-déccmbrc le fondement du culte de l’im­ maculée conception, ct non pas seulement de la con­ ception. Mais de quelle autorité pouvaient jouir des assertions pleinement arbitraires ct qui, sous la forme où clics étaient présentées, supposaient une déroga­ tion manifeste et d’ailleurs avouée aux conditions normales du développement embryonnaire? C’cst alors que fut énoncée, non par des théologiens, mais par des médecins, une doctrine qui allait changer du tout au tout l’état de la question. En 1620, Thomas Fycns (F tenus), fit paraître à Anvers un opuscule où Il soutenait que l’âme raisonnable animait le fœtus trois jours après la première conception : De vl forma­ trice foetus liber, in quo ostenditur animam rationalem infundi tertia die. Une trentaine d’années plus tard Paul Zacchias ( f 1659), médecin principal d’Inno­ cent VIII, battit encore plus complètement en brèche l’ancienne théorie dans le neuvième livre de scs Quicstlones medico-leyaies : il y prétendait que l’âme rai­ sonnable était unie par Dieu à la matière séminale dès le début dc la conception ct qu’elle-même prési­ dait à la formation ct à l’organisation du corps hu­ main, n. 129 : Concludendum igitur est quod, cum corpus ab anima formetur, el in nullo animali, et in homine quoque non possit dari aha anima quum una, ct hac tn homine sit rationalis, non possit corpus humanum ab alia anima formari et organizari quam a rationali. Zacchias tirait de là une conséquence intéressante pour le culte de l’immaculée conception, n. 135. « Comme I’Église catholique, qui ne peut errer, Bolon­ aise la fête de la Conception, on nepourrait, semble-t-il, supposer sans grossière Inconvenance qu’elle célèbre la fête d’un embryon qui ne serait pas doué d’une âme raisonnable ni même d’une âme sensitive, ct qui n’au­ rait rien d’un homme, mais qui, privé de toute attache ù l’humaniU serait semblable à l’animal le plus ab­ 1164 ject, corruptible même ct mortel, comme une brute. Ces inconvénients, nous les éviterons en disant quo la Vierge très sainte ct très pure a reçu, dès le premier instant de sa conception, une âme raisonnable. > L’au­ teur prétendait même tirer de cette considération un argument en faveur dc sa théorie, d’après cc principe que la conception dc Marie fuL naturelle, quant à la façon dont elle eut lieu, puisque, suivant l’enseigne­ ment de saint Thomas, Sum. theol.. Ill·, q. xxvn,a.2, ad ium,ellese fit suivant la loi commune dc toute géné­ ration sexuelle. Si donc il y eut, pour Marie, anima­ tion au premier instant de la conception séminale, 11 doit en être dc même pour les autres. L’argumentation dc Zacchias relativement à l’objet du culte, dans la fête de la Conception, n’était pas d’une valeur incontestable; mais la théorie elle-même était indépcndantcdccet te application, clic devait faire son chemin ct permettre aux théologiens modernes d’expliquer l’objet du culte et la célébration dc la fête au 8 décembre d’une manière beaucoup plus simple que n’avaient pu le faire leurs devanciers. Chrysoft. Troinbclll, Maria· sanctisslmtr vita ac gesta, cullusque tilt adhibitus, Bologne, 1761, t. I, dissert. II, q. iv; J. Mir, op. cit., c. xxi, n. 2-3. p. 378 sq.; Paul Zacchias, Quarstionum mcdico-lcgalium.l. IX, tit.ï, q. v, Lyon, 1720, t. n, p. 699 sq.; A. Eschbach, Disputationes physiologicotheologicce de humante generationis oeconomia, Paris, 1884, disp. 11, part. I ; Jos. Antonelli, Medicina pastoralis, 4* édit., Home, 1920,1.1, c. χιχ. — Sur le passage discuté dc Bel­ larm in : Nlvrcmbcrg, Opera parthenica, opusc. I, c. xxxi; Mgr. Malou, op. cil., t. 1, p. 202 sq. •1° Actes du magistère ecclesiastique, (ΓInnocent VIII à Alexandre Vil (1481-1667). - A part ceux qui régnèrent très peu de temps, les vingt-cinq papes qui gouvernèrent I’Eglise pendant cette période d’envi­ ron deux siècles, ont presque tous manifesté leur dévo­ tion envers la Merge immaculée par des actes en sa faveur; actes très nombreux, dont on trouve l’énumé­ ration détaillée dans une bulle, Mulierem pulchram, que Benoit XIV avait fait préparer, mais qui ne fut pas publiée. La plupart de ces actes sont d’ordre pratique. Les uns concernent directement le culte; ainsi, Léon X, Clement VII, Paul III, SixteQuint, Clément λ III, Paul λ , Urbain λ’ΙII ct Alexan­ dre VII, favorisent l’extension de la fête ou en aug­ mentent la solennité; ils approuvent des offices où le privilège est formellement honoré. Les mêmes papes et d’autres, comme Innocent V111, Jules 11, Adrien VI, saint Pic V, Grégoire XIII ct Grégoire XV, autori­ sent soit l’érection d’autels ct de chapelles, soit la fondation d’ordres religieux, dc confréries ct d’insti­ tutions pieuses en l’honneur ou sous le vocable dc l’immaculée conception. En lin, ce sont des indulgences accordées aux dévots dc la Vierge sans tache, ct parfois des faveurs extraordinaires, comme la faculté accordée par Leon X aux bénéficiers dc I’Église de Molina, en Espagne, de célébrer une messe dc minuit le 8 décembre, ou le privilège, concédé par Jules H au monastère dis religieuses de l'immaculée conception dc Tolède, ct par Leon X à toutes les églises d’Espagne, dc pouvoir, en cas d’interdit général, célébrer la messe en la fêle dc la Concept ion et pendant l’octave. Mais ces actes pontifie aux d’ordre pratique sont d’un inté­ rêt secondaire coin par < s à d’autres qui sc rapportent directement à la croy mee i l qui, pour cctlc raison, méritent d’être considérés dc plus près. 1. Léon A ( t i 13 1->2J) · profit de définition.—Les dis< i c produisirent après la mort do Sixte IV, sous Rc d<« x ucccsseuis immédiats, Innocent VIII cl Alex mdre VI, voir col. 1125, déterminèrent ce dernier pontife, à confirmer la constitution Grave ninu par la bulle lllius qui, 22 février 1502. Dix ans phi: tard, après la réunion du XVIII· concile œcu- 1165 IMMACULÉE CONCEPTION me ni que, V· dc L at ran (1512-1517), Léon X cul l’idée d’y faire discuter le problème de la Conception dc Marie. 11 chargea le cardinal Cajétan de lui exposer son avis sur le sujet;telle fut l’occasion du Tractatus de Conceptione bcatir Maria; virginis ad Leonem X, P. M. in quinque capita divisus, Home, 1515. L’illustre dominicain explique c. î, comment on peut dis­ cerner ce qui est conforme ou non conforme à la foi. 11 montre, c. n, que la doctrine de la conception ne rentre pas dans les objets qu’il faut croire dc né­ cessité. Puis il distingue, c. m, deux manières dc sou­ tenir la préservation dc la bienheureuse Vierge : en la faisant porter sur le seul péché originel, ou en l'étendant au delà, notamment à la dette du péché; il reconnaît qu’on peut admettre la première sans en­ courir le reproche d'hérésie, mais declare la seconde contraire à la foi. 11 s'efforce ensuite d’établir, c. iv, combien grande est l’autorité dont jouit la doctrine suivant laquelle la Vierge a été conçue dans Je péché, quam probabitis existât, appuyée qu’elle est, dans le passé, par des autorités si graves ct si nombreuses. Renvoyant pour plus ample information aux travaux dc scs confrères, Jean dc Torquémada ct Vincent Bandclli, Cajétan sc borne au témoignage de·quinze saints, » depuis saint Ambroise jusqu'à saint Vincent Ferrier. Enfin il apprécie, c. v, les arguments allégués par les champions du privilège; qu’ils aient pour eux le nombre, c’est un fait, s’il s’agit des docteurs récents : Doctorcs tenentes beatam Virginem esse præservatam sunt munero infiniti, si ad modernos speciemus; mais, en face des témoignages opposés des anciens ct des saints docteurs, la probabilité qui sort dc là est très faible, valde exigua est. Conclusion : au pape dc choisir entre ces deux termes : « d’une part, quinze saints et les anciens docteurs en nombre incalculable; dc l’autre, les modernes ct la masse populaire à une critique serrée» qui devait être reprise ensuite par d’autres théologiens, par exemple le cardinal BelInrmin dans son Votum du 31 août 1617, ct Hippolyte Maracci, dans des écrits spéciaux. Catharin ne se con­ tenta pas des susdites annotations;il publia en 1542, une seconde dissertation sur l’immaculée conception, Disputatio altera, qu’on peut considérer comme une réplique aux attaques dc Barthélemy Splna. Cajétan Opuscula omnia, Venise, 1594, t. iî, tractatui primus; Catharin, Annotatio doctissima dans Pierre dc Alva, Monumenta dominicana. p. 317;!d.. Disputatio altera pro immaculata Dei Genitricis conceptione, ibtd.,p. 337; 1 lippol. Maraccl. Fides Cafctana in controversia Concep­ tionis bealx virginis Mariai ad libram veritatis appensa, et nulla inventa, Lyon, 1659; Id., Vindicatio S. Catha­ rine Senensis a commentitia revelatione eidem S. Catha­ rina· Senensi adscripla contra immaculatam conceptionem beatissinuc virginis Ahiria*, Pouzzolcs, 1663. 2. La question de Γ immaculée conception au concile de Trente (1546). Quand les Pères abordèrent la doctrine du péché originel, le cardinal espagnol Pierre Pacheco, évc<|ue de Jaén, profita de l’occasion pour demander, dans la séance du 28 mal 1546, qu’< on son­ geât à cc qu’il faudrait faire relativement à la concep­ tion dc la bienheureuse Vierge; question qui s’impose maintenant que le saint Concile s’occupe du péché originel, et qui doit être tranchée. > Actorum pars altéra p. 166. Quelques Pères souscrivirent à cette motion, mais la plupart jugèrent ou que la question devait être 1167 IMMACULÉE CONCEPTION renvoyée à un autre moment, ou même qu’elle ne de­ vait être traitée en aucune façon. Les évêques domi­ nicains. en particulier, scdéclarèrent pour la négative; Pierre Bcrtano. évêque de l’ano, insista en disant que la question était difficile et qu’elle entraînerait une longue discussion, puisque de part et d’autre on pro­ duisait des raisons ct des autorités nombreuses. Dia­ riorum pars prima, p. 65. Quand le décret sur le péché originel fut soumis, le 8 juin, à l’examen des membres du concile, le cardinal Pacheco releva, dans le texte primitif du second canon, ces paroles relatives à l’universelle transmission de la faute originelle : in omne genus humanum secundum communem legem. Il désapprouvait ces paroles, par crainte qu’on ne semblât inclure dans le décret la bien­ heureuse Vierge, ne includatur beata Virgo. Aussi demandait-il qu’on ajoutât cc correctif : nisi alicui Deus ex prlui legio aliud dederit prout in beata Virgine, ou, suivant la formule proposée par l’archevêque de Torrés (Sassari) : a qua lege pie creditur beatam Vir­ ginem exemptam. < Si l’on ne veut pas définir mainte­ nant la doctrine de l’immaculée conception, qu’à tout le moins on ne la désapprouve pas, ad minus non improbetur. » Plus des deux tiers des membres de l’as­ semblée, y compris le premier président, cardinal del Monte, furent d’avis qu’il ne fallait pas comprendre la bienheureuse Vierge dans le décret, non includendam quidem in hoc decreto beatam Virginem, mais que, sur Je point de sa conception, il fallait observer et renouve­ ler la constitution de Sixte IV. Acta, p. 199,203, 208. Conformément à cc vote, une explication fut ajoutée à la suite des canons, pour déclarer qu’il n’entrait pas dans l'intention du concile de comprendre dans le décret la bienheureuse ct immaculée vierge Marie, au sujetdc laquelle on ne veut affirmer, pour le moment, ricn autre chose que cc qui a été décrété par Sixte IV d’heureuse mémoire. Diarium, p. 75, 76. Le nouveau texte fut lu et discuté le 1 I juin. Le cardinal Pacheco réclama et insista pour qu’on insérât dans le canon 2 les paroles : nisi alicui..., ou : de qua pie creditur..., alléguant que plus des deux tiers des Pères s’étaient prononces dans cc sens. Une nouvelle discussion sui­ vit, où vingt-quatre seulement soutinrent cette mo­ tion; les autres préférèrent s’en tenir, pour le fond, au texte de la déclaration, Une réserve était faite en faveur des doctes : tant que le siège apostolique n’aurait pas défini l’une des deux opinions et condamné l’autre, il leur serait permis, Uceat uiris doctis, dans les discus­ sions publiques propres aux académies et aux cha- l pitres généraux ou provinciaux, ou encore dans des réunions composées dc personnes capables dc com­ prendre les choses, tout danger dc scandale cessant, de discuter sur la matière controversée ct d’affirmer ou d’attaquer par des arguments l’une ou l’autre opi­ nion, â la condition de n’en traiter aucune d’erronée et d’observer tout cc qui avait été prescrit par le pape Sixte IV. En somme saint Pie V ne faisait que maintenir ct confirmer les ordonnances sixtincs, re­ nouvelles au concile de Trente. Les mesures d’ordre pratique qu’ù ajoutait tendaient à prévenir les scan­ 1172 dales ct à promouvoir la paix; elles valaient dans les circonstances, mais n’avaient évidemment, étant don­ née leur nature, aucun caractère d’immutabilité. Passaglla, Dr immaculato Deipara· semper Virginii con­ ceptu, t. m, n. 1623, 1691 sq.; Piazza, op. cil., Act. HI, η. 213 sq.; Act. V, η. 93 sq.; J. Mir, op. cit., c. ix ct xi; Mgr Maloti, op. cit., t. I, p. 76 sq.. 141; Pierre dc Alva, Nodus indissolubilis, Bruxelles, 1661, p. 613 sq, 4. Paul V el Grégoire Λ V ; décrets de 1017 et 1622. — L’extraordinaire mouvement dc dévotion qui sc ma­ nifesta en Espagne au début du xvn· siècle, provoqua une vive réaction de la part des adversaires. D’an­ ciennes attaques furent rééditées, ct d’autres ajoutées. Des informations envoyées à Home nous apprennent que des propos de ce genre avaient cours : « Si lo pape définissait cette opinion, elle n'en serait pas moins fausse ct mensongère. Enseigner qu’il faut croire à la conception sans tache, c’est enseigner la manière dc devenir hérétique. Affirmer que la bienheureuse Vierge a été conçue sans péché est une hérésie. Pour nous, nous voulons faire notre salut dans la foi dc l'ancienne Église. > On disait encore que les papes avaient mal agi en permettant de célébrer la fêle de la Conception ct en l’enrichissant d’indulgences, car c’était porter les fidèles à l’idolâtrie. Préoccupé par les scandales ct les troubles que dc tels propos excitaient, Philippe III résolut dc recourir au souverain pontife ct dc lui demander de couper le mal par la racine en tranchant définitivement la ques­ tion. 11 envoya donc auprès de Paul V, en 1617, le R. P. Placide dc Tosantès, jadis supérieur général des bénédictins espagnols. C’est à cette occasion qu’eut lieu au Quirinal, le 31 août de la même année, la con­ grégation solennelle du Saint-Office où le cardinal Bellarmin prononça le Votum, dont il a été déjà parlé. 11 résuma son avis dans cette proposition : < On peut définir pour tous les fidèles l’obligation de tenir pour pieuse ct sainte la croyance en la concept ion sans tache dc Marie, en sorte que désormais, il ne soit plus permis à personne d’admettre ou de dire le contraire sans té­ mérité, scandale ou soupçon d’hérésie. » Le cardinal jugeait opportun, ct meme nécessaire d’en venir là : Dico expedire definire, imo necessarium id nunc fleri. A supposer qu’on ne voulût pas maintenant dc défi­ nition formelle, il faudrait au moins prescrire à tous les ecclésiastiques, séculiers ct réguliers, de réciter l’office dc la Conception comme l'Eglise le récite; dc la sorte, en cfTct, on arriverait au but sans définition, sic enim sine definitione haberetur intentum. Paul V ne cnit pas devoir aller aussi loin. Dans la constitution Sanctissimus, publiée le 12 septembre, 11 se contenta dc prescrire à tous · de ne plus sc per­ mettre à l’avenir, dans les prédications, les leçons, les conclusions ct autres actes dc toute nature, d’affirmer publiquement, jusqu’à définition ou dérogation de la part dc Sa Sainteté ou du siège apostolique, que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché origi­ nel. »Par contre,on pouvait affirmer la pieuse croyance, mais à la condition de ne pas attaquer l'opinion adverse ni même d’en traiter. Le pape ajoutait que, par ces dispositions, il n’entendait pas réprouver l’o­ pinion opposée au privilège ni lui causer préjudice; elle restait, spéculativement ct doctrinalement,dans le même état qu*auparavant. L'acte de Paul V était donc d’ordre disciplinaire ct avait uniquement pour but la paix et la concorde. Le roi d’Espagne remercia le souverain pontife ct les cardinaux du Saint -Office, tout en insinuant un mot de regret sur le caractère de demi-mesure que présentait le décret. L'événement justifia scs craintes ct la remarque faite par le cardinal Bellarmin que sans une définition formelle ou < qui valente, toute mesure 1173 IMMACULEE CONCEPTION serait Inefficace. Les disputes continuèrent ct Phi­ lippe 111 envoya, en septembre 1618, une nouvelle ambassade, plus solennelle epic la première. L’orateur choisi fut un ancien ministre, général des franciscains, Antoine dc Trejo, évêque dc Carthagène. Parvenu à Borne sur la lin de décembre, H plaida pendant deux années, dan» une suite dc discours soignés et solides, la cause dont il était charge. Paid V étant mort le 28 janvier 1621 ct Philippe III le 3! mars suivant, le nouveau roi d’Espagne, Philippe IV, renouvela les Instances auprès du nouveau pape. Le résultat ne fut pas encore la définition souhaitée, mais Gregoire XV ajouta quelque chose aux mesures édictées par son prédécesseur. Λ la suite d’une congrégation générale du Saint-Office, il publia, le -1 juin 1G22, la cons­ titution Sanctissimus, La défense d’affirmer que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché ori­ ginel, était étendue aux sermons ct aux écrits privés} à moins de permission spéciale obtenue du Saint-Siège, on ne devrait plus du tout traiter dc cette opinion. En outre,suivant le conseil donné par Bellarmin en 1617, ordre était donné il tous les ecclésiastiques, séculiers ou réguliers, de fêter la conception dc Marie comme l’Église romaine, c’est-à-dire « dc ne pas em­ ployer d’autre tenue que celui de Conception à la messe ct dans l’office divin, public ou privé. » C’était, pour les adversaires du privilège, la mise au silence. Gré­ goire XV lit cependant une exception en faveur des dominicains; il leur permit, le 28 juillet, dc traiter de la conception de la bienheureuse vierge Marie ct dc discuter sur cc sujet dans des conférences ou entretiens privés, mais seulement entre eux, et non pas en présence ou avec d’autres, inter se duntaxut, ct non inter alios aut cum aliis. Luc Wadding, Πρισυιία sive Ugatio Phillppt JtJ ci IV ^catholicorum regum IIispaniarum,adSS.DD. NN*. Pau­ lum PI\ V et Gregarium A'V, de definienda controversia immaculata* conceptionis beater virginis Maria·, per 111. et Pen, Dom. D. Fr. Anianlum. a Trejo, tpisc. Carthag,, ex ordine Minorum, Louvnlii, 1621; Roskovâny, op.cit.,t.η. p. 17-347 (netes de hi même ninbnssade); L. Frias, Espafta par la depnlciôn dogmatica, dans Razôn y je, Madrid, 1904, num. extraord., p. 96; Id., Felipe 111 u la inmaculada coneepciôn. Instandas a la sauta Sedepor la deflniciôn ael misterio, Ibid., sept. 1901 Λ sept. 1905; Dcoociôn de las Pepes de Espahaa la inmaculada coneepciôn, J bld., sept. 1918, Janv. 1919; J. Mir. op. cit., c. xxn, p. 41()sq.; II. Mnrnccl, Polyanlhca Mariana, sect. V,c. xm, §S, Viennent ensuite les peines édictées contre ceux qui j enfreindraient ccs prescriptions, avec mise à l’index des livres « dans lesquels soit la pieuse croyance, soit la fête ou le culte susdit seraient révoqués en doute, ou dans lesquels on trouverait des écrits, des asser­ tions, des sermons, des traités, des disputes qui se­ raient contraires d’une façon quelconque à cette croyance, ccttc fête et cc culte, soit que ccs livres aient été publiés depuis le decret déjà cité de Paul V, soit qu’on les public dans la suite. > En même temps, Alexandre VII maintenait la défense, portée par Sixte IV,d'affirmer que les partisans de l’opinion con­ traire tombent dans l’hérésie ou dans un péché grave, l’Église romaine ct le siège apostolique n’ayant pas encore décidé la question, pas plus que lui-même n’en­ tend et ne veut la décider. Telle est, dans ses grande lignes, la bulle Sollicitudo, acte parfaitement authentique ct qui ne laissait nulle­ ment la question dans le même état qu'auparavant, comme le montre fort bien le P. JeanEverard Nidhard, plus tard cardinal, dans son Examen theologicum. Acte d’une grande portée, moins par les dispositions d’or­ dre disciplinaire que par la détermination précise de l’objet de la croyance ct du culte, tel qu’il était com­ pris par la masse des fidèles ct par l’Eglise romaine. Sous cc rapport, la bulle Sollicitudo marque la seconde grande étape dans l’attitude du magistère ecclésias­ tique à l’égard de l’immaculée conception de Marie. Vincent Passarl, théologien jésuite dc Païenne, écri­ vant quelques années plus tard, posait cette question Jans un appendice portant directement sur la cons­ titution d’Alexandre V11 ; Peut-on, désormais, consi­ dérer la doctrine de l’immaculée conception dc la mère dc Dieu comme vérité de foi définie? ct il ré­ pondait, à bon droit, dans un sens négatif, q. m, n. 6. Ensuite, pour déterminer quel degré dc certitude lui convenait, il prenait comme terme dc comparaison ou plutôt d'assimilation, deux autres prérogatives de la bienheureuse Vierge : son assumption et la sainteté de son âme au jour dc la Nativité, q. ix, dlco 2· ct 3·. C’était aller trop loin ct trop vite. Alcxan• dreV II avait fixé, il est vrai, l’objet du culte dc la Con­ ception, mais cette fête n’était pas encore d’obligation pour l'Église universelle, comme celles de l’Assomp­ tion ct dc la Nativité. Du jour où un autre pape pren­ drait ccttc mesure, l’assimilation vaudrait pleinement, ct la certitude dc la conception sans tache serait pra­ tiquement acquise : troisième étape, qui devrait être bientôt franchie 1176 Benoit XIV, bulle Inédite Mulierem pulchram, publiée d’abord par Ant. Bnllcrini, Sylloge monumentorum ad invi­ teriuni conceptionis immaculatas Virginis Deiparas tllti.ilrandum, Home, 1850, part. II. p. 835. puls par HoskoνΛην,ορ. cit., t. n, p. 461, cl par Mgr Sardi, La solrnne defi­ nitione dei dogma dell* immacolato Conecptpicnto, Home, 1905, t. n,p. G; Piazza,op. cit.. Act. V,n.43 sq., 170 sq.; Pa»snglia, op. cit., t.m, n. 1695 sq., 1721 ; Mgr. Mnlou, op. cit., 1.1, p. 26 sq.; t. ii, p. 313 sq.; J. Mir. op. cit.,c. xxn et xxvî ; Ant. Calderon, Pro titulo Immaculatas Conceptionis beatæ Marios virginis adversus duos anonymi libellos,Ma­ drid, 1650; Théophile Bnynnud, (sous lo pseudonyme d’Amédéc Sal y). Dissertatio de relinendo titulo Imniaculalte Conceptionis Delparte Virginis, Cologne, 1651, dans les Opera omnia, Lyon, 1665, t. vn, p. 309 ; Jean Évernrd Nl 1. L'opposition janséniste. — Il n’y a pas lieu dc s’étonner si les disciples de Jansénius (t 1638) ont été des adversaires francs ou sournois, dc l’immaculée conception; dans son Augustinus, De statu natum lapsœ, 1. I, c. ix sq., Rouen, 1643, t. n, p. 89, le maître avait exposé, sur la transmission du péché ori­ ginel par la concupiscence inhérente à toute généra­ tion naturelle, des vues qui ne lui permettaient pas d’admettre la pieuse croyance. Voir.Jansénisme. Aussi, parlant, 1. IV, c. xxvî, p. 273, de la 73e proposition de Baius, condamnée par saint Pie V, il a soin d’insinuer que l’affirmation de la conception maculée n’a pas été condamnée comme fausse, mais comme offensante; cc qui, du reste, est nettement formulé dans ΓIndex rerum, au mot Conceptio : Doctrina de conceptione maculata Maria: perturbavit Hispaniam, idcoque pros­ cripta est, non ut falsa, sed ut offensiva. L’opposition janséniste sc manifesta particulière ment en France pendant les trente dernières années du xvn· siècle. A l’instigation de Jean dc Launoy, son ami ct conseiller, un docteur Marais, chargé dc faire le discours d’usage au collège d'Harcourt, Je 8 dé ccmbre 1672, profita de la circonstance pour battre en brèche le privilège. 11 y eut scandale, ct, sur l’in­ jonction de l’Ordlnaire, l’orateur dut sc rétracter ct faire amende honorable à l’archevêché le jour dc saint Étienne, en présence des délégués dc la faculté, dc la nation dc Normandie et du chapitre dc Notre-Dame. 1177 IΜ M ACU LÉE CO NC E PTIO N 1178 Baudrand, Jai conception deNotre-Dame, ms.dc Ja bi­ définition qu’on en pourrait faire dans l’Église, il faut bliothèque du séminaire dc Saint-Sulpice, cité par Mgr peser ct sc mettre devant les yeux certaines prescrip­ Péchvnard, L9 immaculée conception et Cancienne uni· tions, pour parler aux termes de Tcrtullien, qui a donné versité de Paris, dans Ja Heuue du clergé français, Paris, ce nom ù quelqu’un de scs livres. » La diHérencc était 1005, t. xu, p. aol. que Tcrtullien prescrivait en faveur du christianisme, Bientôt ce fut une attaque moins directe, mais plus tandis que Jean de Launoy prétendait prescrire contre dangereuse. Sur la hn dc 1673 parut à Gand un petit l'immaculée conception d’après la sainte Écriture, la livre : Monita salutaria beatæ virginis Mariæ ad tradition des treize premiers siècles et celle de l’Église cultores suos indiscretos, ou, suivant le titre dc la tra­ romaine, le sentiment des théologiens et l’objet propre duction française, faite par dom Gcrberon ct publiée de la fête dc la Conception. L’argument général reve­ à Lille Vannée suivante : Avertissements salutaires de la nait à ceci : L’Église catholique a cru pendant treize bienheureuse vierge Marie à ses dévots indiscrets. L’au­ siècles que Marie a contracté le péché originel au teur des Monita était un jurisconsulte de Cologne, moment de sa conception ; c’est dans ce sens qu’elle se Adam Widcnfclt, qui avait eu des rapports avec les serait prononcée, si elle avait alors défini la question; Jansénistes des Pays-Bas. Voir Alexandiie VIII (Pro­ il est donc impossible que. maintenant, elle donne une positions condamnées par lui), 1.1, col. 760. Or, dans le autre définition. Mais le fondement de cette argumen­ Monitum xvm, la bienheureuse Vierge était censée tation était ruineux : L’ancienne Église, prise dans dire : « Non est pulchra dilectio quæ est contentiosa, son ensemble, n’a pas réellement cru que Marie ait un amour contentieux n’est pas un bon amour. Abs­ contracté le péché originel. Les textes invoqués ne tenez-vous de disputer et dc vous montre les uns les prouvent pas la thèse, même ceux qui sont authen­ autres au sujet de mes perfections ct prérogatives, car tiques ct rapportés fidèlement, ce qui n’est pas le cas il n’en résulte que ruine spirituelle pour les auditeurs. pour tous, comme l’ont montré dc nos jours Perrone, Et pourquoi prétendre décider cc qui n’a été ni révélé De immaculato B. V. Mariæ conceptu, Rome, 18-17, par Dieu ni défini par l’Église. Dispensez avec droiture part. I, Conclusio, et, du temps même de Launoy, la parole de la vérité, mais fuyez les discours profanes ct l’abbé Trevct dans une réfutation louée par Benoit XIV, vains. » L’immaculée conception n’était pas exprimée, De festis, 1. 11, c. xv, n. 12. Cc dernier auteur si­ mais personne ne sc méprit sur la réelle portée dc ccs gnale le sans-gêne avec lequel le théologien janséniste paroles, comme on le voit par les nombreuses réfuta­ traitait les documents qui l’embarrassaient; sous prétions du libelle, par exemple, celle du théologien I texte que la partie du décret du concile dc Trente sur François Louis Bona, Defensio beatæ virginis Mariæ Je péché originel, où Marie est déclarée hors de cause, ne se trouve pas dans quelques éditions du concile dc et piorum cultorum illius, c. xvm. 11 y eut une autre réponse, courte, mais particulière­ Trente, il n’a pas craint d’y voir un texte apocryphe, ajouté après coup. ment intéressante. Bourdaloue prêcha le 15 août 1674 Une nouvelle levée dc boucliers eut lieu sur la fin du son second sermon pour la fête dc l’Assomption, < sur la dévotion à la Vierge; > il y inséra cc passage signi­ siècle. Bourdaloue ayant repris, le 8 décembre 1692, ficatif : « On a traité dc zèle indiscret, celui que fait son ancien sermon sur la dévotion à la Vierge, Adrien paraître le peuple chrétien à défendre certains privi­ Baillet répliqua, l’année suivante, en publiant à Paris lèges de Marie. Privilèges de grâce dans son immaculée sous cc titre : De la dévotion à la sainte Vierge et du conception, privilèges dc gloire dans sa triomphante culte qui lui est dû, un écrit qui confirmait, en l’aggra­ assomption; bien d’autres dont je n’entreprends point vant encore, la doctrine des Monda salutaria. Des mé­ moires furent adressés à la Sorbonne; le livre fut cen­ dc faire ici le dénombrement, ct qu’on s’est aussi contenté dc nous marquer sous des tenues généraux, suré. A Rome, il fut mis à l’index, le 17 septembre 1695. De son côté,Bourdaloue eut une fois encore l’oc­ en les rejetant. Mais moi, voici encore, ct sur le môme principe, comment je raisonne : car, puisque nous re­ casion d’affirmer la pieuse croyance, dans son sermon connaissons Marie pour mère dc Dieu, dc tous les pri­ sur la conception de la Vierge, prêché devant le roi ct la cour le 9 décembre 1697. Avant de passer aux ins­ vilèges propres à rehausser l’éclat de cette maternité divine, y en a-t-il un seul que nous ne devions être dis­ tructions morales qu’il voulait tirer du mystère, il rappela le fondement dernier du privilège, la maternité posés à lui accorder, ou. pour mieux dire, y en a-t-il divine : de qua natus est Jesus; l’exception à la loi du un seul que Dieu lui-même ne lui ait pas accordé? Si péché posée, ù cc titre, en faveur de Marie par saint Dieu ne nous les a pas tous également révélés; si nous n’avons pas sur tous la même certitude, ct si tous Augustin : Excepta virgine Maria; la déclaration du concile dc Trente; puis il ajouta : ct « que nous avons bien des raisons pour croire taria J. 2. La controverse du « vœu sanguinaire. ■ — En 1714, que Dieu a fait plus dc grâces à la sainte Vierge qu’à saint Jean-Baptiste, qui fut sanctifié dans le sein de sa parut à Paris, sous le pseudonyme de Lamindus Primère. ■ I-a même doctrine sc retrouve dans d’autres tanins, un livre ayant pour titre; Dc ingeniorum pon­ livres du même genre, spécialement dans le Rituel pu­ deratione in religionis negotio. L’ouvrage avait été blié en 1786, par Mgr de Juigné; l’immaculée concep­ composé deux ans plus tôt à Modène, et l’auteur réel tion y est présentée comme une croyance ayant la était le célèbre Louis Antoine Muratori (1672-1750). faveur dc l’Églisc. Cette affirmation ct celle de l’As­ Parlant, L II, c. vî. dc superstitions qui commençaient somption corporelle de la sainte Vierge déplurent aux à s’introduire sous le voile de la pieté, il attaquait vivejansénistes; ils reprochèrent au prélat « de donner menteeux qui ne se contentaient pas dc dêfendreparla comme une espèce dc dogme de foi ccs deux opinions plume ct par le raisonnement l’immaculée conception laissées arbitraires dans l’ancien Rituel, conformément de la mère dc Dieu, chose qu’il déclarait louable, aux décisions dc plusieurs papes ct du concile de mais qui s’engageaient encore par serment ct par Trente. > Suite des Mémoires de Bachaumont, an. 1787. vœu à donner pour la même cause leur sang ct Comme si, depuis lors, il n’y avait pas eu d’autres leur vie : Novitium certe martyrum genus, quod nus­ papes ct d’autres décisions! quam maiores nostri somniarunt, nunquam posteri nos­ Un seul fait pourrait étonner, si on l’appréciait en tri, st quidpiam sapiunt, probent. Nous ne devons pas dehors des circonstances du temps ct du lieu. Par deux répandre notre sang pour nos opinions, mais pour des fois, les rois d’Espagne, Charles II en 1699 et Phi­ vérités divinement révélées et pour des lois très saintes; lippe Ven 1732, sollicitèrent vainement Louis XIV et or, quelle que soit la persuasion qu’on aitdc la concep­ Louis XV de seconder leurs démarches en cour dc tion sans tache dc la mère de Dieu, cc n’est là qu’une Rome pour obtenir la définition du glorieux privilège. opinion humaine ct sujette à l’erreur, tant qucleSaintMais il suffit de lire la réponse des rois dc France pour Siège ct l’Église n’auront pas déclaré que cette doc comprendre que leur réserve ne vint pas d’un manque trine est suffisamment fondée sur l’ancienne tradition dc sympathie ou dc zèle â l’égard de la cause de Notreet la révélation divine. Dame. < Non seulement, écrivait Louis XIV, le 5 no­ Il y eut des réfutations;en réponse, Muratori publia vembre 1699, nous reconnaissons toutes les plus en 1710, sous le nom (1748), Theologia morulis, 1. VU, n. 244, édiL où trois théologiens jésuites sc distinguèrent dans la Gaudé,Home, 1912, t. iv, p. 398; Œuvres dogmatiques, lutte : les Pères François Burgio, sous le pseudonyme trad. Dujardin ct Jacques, Tournai, 1866 sq., t. vn, de Candidus Parthenotimus, François Antoine Zaccarla p. 385; une autre dissertation sur l’immaculée con­ ct Joseph Antoine Milanese· Tous s’efforcent d’abord ception, dans la Defense des dogmes catholiques définis d'établir que, contrairement ù l’affirmation fondamen- j par le concile dc Trente, (1769), c. n, § 7, ibid., L vî, ralc de l’adversaire, la pieuse croyance ne peut plus i p. 91 ; un discours dogmatique sur le même sujet, dans être considérée maintenant comme une simple opi­ les Gloires de Marie, II· part., sect. n. nion. ils sc servent naturellement des principaux argu­ Dans cc sermon le saint docteur expose sur­ ments, scripturaires, patristiques ou dc raison théo­ tout les convenances du privilège; il développe les logique, dont s’étaient servis leurs devanciers, mais en raisons qui ont dû porter les trois personnes de la très insistant particuliérement sur la preuve tirée du con­ sainte Trinité à vouloir préserver Marie du péché orisentement commun. Ils insistent plus particulièrement I ginel. Les preuves d’autorité sont présentées dans les encore sur celle que pouvait fournir la fête dc l’imma­ i dissertations; preuves multiples, empruntées à l’Éculée concept ion ; cc qui s’explique par le genre de l’at­ criturc,aux bulles pontificales, aux conciles, aux saints taque ct par cette circonstance qu’ils écrivaient après Pères, au consentement universel des fidèles ct à la célébration de la fête dans l’Église entière. Les deux les constitutions d*Alexandre VII ct de Clément XL Muratori avait opposé au culte légitime la piété indi­ dernières preuves, indiquées aussi brièvement à la fin du discours sur l’immaculée conception, sont pour viduelle et mal réglée, principe du < vœu sanguinaire;» le P. Burgio répond Λ bon droit que le vœu dc défen­ saint Alphonse les plus efficaces : · 11 y a deux motifs dre le glorieux privilège, même au prix dc la vie. n’est ; qui nous garantissent spécialement la vérité de cette pas un acte quelconque de piété, mais un acte ren­ pieuse croyance. Lc premier est le consentement uni­ versel des fidèles sur cc point... Le second motif qui trant dans l’objet total d’un culte non seulement établit plus solidement encore que Marie a été exempte approuvé par l’Église, mais prescrit universellement dc la tache originelle, c’est la célébration de la fête et ayant par là même une garantie dc vérité, dira du­ dc Γ immaculée conception, ordonnée par l’Églisc uni­ bitationem vero. Lc P. Milanese s’appuie également sur verselle conformément ù l’esprit dc la pieuse croyance, la fête, telle qu’elle existe ù present, pour affirmer la certitude morale du privilège car le siège apostolique ! c’est-à-dire celle qui admet en faveur dc Marie la préservation de toute tache dès le premier Instant dc n’impose pas une fête à l’Églisc universelle sans en tenir l’objet pour certain, au moins moralement, c. vn. I sa conception, comme l’a déclaré Alexandre VIL a Seconde dissertation, t. vî, p. 104. Lc P. Zaccaria, prenant la distinction classique des D’où cc corollaire, énoncé dans l’autre dissertation, trois certitudes, métaphysique, physique ct morale, déclare ne pas prétendre soutenir les deux premières ! t. vn, p. 419 : < Il faut regarder comme n’étant ni probable ni suffisamment pieuse cette opinion d’un mais il reste que la fête dc la conception a réellement pour objet le privilège dont la Vierge a joui d’être pré­ auteur moderne (Muratori) : Il peut sc faire que ΓÉglise définisse un four que la conception de la Vierge n’u pas servée de tout péché et que l’extension de la fêle à élé immaculée. En cfict, comme le remarque très bien l’Église universelle équivaut à une canonisation,cononfzalio per æquipollens, qui requiert pour l’objet du culte ! Vasqucz, on ne peut nullement admettre que l’Église ΐ définisse jamais comme dogme de foi que la bienheu­ une certitude morale. , reuse Vierge a été conçue dans le péché originel, pulsA Païenne encore, le P. Benoit Piazza publia, en 1747, son grand ouvrage, souvent cité. Causa imma­ i qu’elle a prescrit clic-même, en vertu dc son autorité, culate conceptionis. Chemin faisant, il y discute la dc célébrer la fêle dc la Conception dans toute la chré­ videur probante, parfois même l’authenticité ou l’in­ tienté. » D’après ccs principes, le saint docteur contégrité des témoignages allégués par Muratori; en par­ I chiait dans l’une et l’autre dissertation, Lvi, p. 111 ticulier, Act. HI, a. 1, n. 27 sq., pour les textes patris­ et t. vu, p. 423, qu’il est permis dc faire le vœu dc tiques, ct Act. V, a. 2, n. 171, pour la bulle d’Alexandre donner sa vie pour la défense du glorieux privilège; VU, Sollicitudo, traitée dc subrcptice par Muratori ct car défendre l’immaculée conception, c’est défendre, autres adversaires. Mais la meilleure réfutation sc non pas une opinion purement humaine, mais une trouve dans l’ensemble même de l’ouvrage, dans les croyance certaine cl qui est en rapport étroit avec le culte public de l’Églisc entière. multiples arguments apportés pour prouver que la Muratori avait mêlé à la controverse principale, sur pieuse croyance jouit, dans l'ordre théologique, d’un la légitimité du « vœu sanguinaire, » deux autres points degré dc certitude suffisant pour que l’Églisc puisse la définir. Conclusio cause, Cologne, 1751, p. 357 sq. J relatifs l’un au martyre de celui qui mourrait pour La légitimité du vœu incriminé était un simple corol­ rester fidèle à son vœu, l’autre à la nature dc la dette laire : cum ex iis quæ de pire sententiæ certitudine ad­ du péché originel en Marie. Soucieux avant tout dc versus Lampridium concludemus, affirmantem istius dégager le principal dc l'accessoire, le P. Piazza s’équestionis partem facile possit quisque colligere atque tait tu complètement sur Je point du martyre, ct n’a­ defendere. Act. VII> n. 3, n. 312. I vait pas cru, malgré une certaine spnpathic qu’il Naples, comme Palermo, fournit des apologistes I éprouvait pour clic, devoir soutenir la théorie de la dette V 1I S3 IMMACULÉE CONCEPTION conditionnelle, comme étant moins certaine que le privilege lui-même ct moins avantageuse pour expli­ quer comment la bienheureuse Vierge avait été ra­ chetée par son Fils. Apparatus, a. 2., n. 157. D’autres auteurs qui sc proposaient expressément de réfuter Muratori· n’eurent pas le même scrupule; ainsi le P. Milanese défendit-il cette théorie, c. xn, De. Mariœ immunitate a debito proximo originatis cutpæ contrahendtt. Dans sa seconde dissertation, saint Alphonse dc Liguori cite avec complaisance divers théologiens favorables à cette opinion ct ajoute : < La raison qu’ils font valoir ct qui parait probable, est que Dieu ayant éminemment distingué cette noble créature du com­ mun des hommes en la favorisant dc dons particuliers dc la grâce, on peut croire pieusement qu’il n’a pas renfermé la volonté de Marie dans celle d’Adam, et qu'ainsi clic a été exempte dc contracter même la dette du péché. » Œuvres dogmatiques, t. vi,p. 99. Le saint docteur va plus loin dans son discours sur l'immaculée conccption.il ne se contente pas de déclarer l’opinion probable, il la fait sienne : · J’y adhère, comme plus glorieuse pour ma maîtresse bien-aimée. > La question dc savoir si celui qui verserait réelle­ ment son sang pour rester fidèle à son vœu, mérite­ rait le nom dc martyre, était discutable ct discutée, comme on le voit par l’exposé dc la controverse fait par Benoit XIV, De servorum Dei beatiflcattone, L III, c. xix, n. 12 sq., Opera omnia, Prato, 1810, t. in, p. 192. Des faits d’ordre positif pouvaient être invo­ qués pour la négative. En 1619, l’inquisition portu­ gaise avait, avec l’approbation de Paul V, censuré une proposition où l’on proclamait vrai martyr celui qui mourrait pour la défense du privilège. Le P. Théophile Raynaud ayant avancé une assertion semblable dans l’un de scs écrits, De martyrio per pestem, Lyon, 1616, la C. dc Γ Index l’avait fait supprimer. Opera omnia, Lyon, 1665, t. xx, p. 256. A vrai dire, ces actes ne tran­ chaient pits la question. Dans le premier cas, l’auteur dc la proposition censurée avait commencé par affir­ mer que, si l’institution dc la fête de la conception ne pouvait pas être considérée comme une définition, elle n’en avait pas moins placé la pieuse croyance au rang des vérités appartenant à la foi, inter veritates tamen ad fldem pertinentes collocavit. Il semblait donc assi­ miler la pieuse croyance à une vérité de foi, en consé­ quence dc l’institution de la fête, ct fonder là-dessus l’assertion qui suivait : quare verum subiret martyrium, qui pro defensione eius moreretur. Dans l’autre cas, il s’agissait d’une mesure purement disciplinaire, qui semble avoir été provoquée par ce qu’il y avait eu de tranchant ou d’absolu dans 1*affirmation du P. Ray­ naud, à en juger parce qu’il insinue dans Y Admonitio ad tectorem dc l’édition corrigée. Opera, t. xvin, p. 3G2. En fait,la controverse avait survécu. En 1653,Chris­ tophe dc Vcga pouvait imprimer impunément cette assertion : Tanquam verus martyr computandus foret, qui morti se objiceret ut propugnaret veritatem spe­ culativam immunitatis. Theologia mariana, palæstra III, certamen χιχ, n. -133. Saint Alphonse de Liguori est du même sentiment dans sa première dissertation : < Comme il est hors dc doute que c’cst un acte de re­ ligion que dc rendre un culte à la sainte Vierge, en célébrant dans le sens de la pieuse opinion la fête dc sa conception immaculée dès le premier instant, comme l’exige la sainte Église, il est certain aussi, d’après la doctrine du docteur angélique, que cc culte peut être à bon droit une cause du martyre. Donc, s’il est licite ct méritoire de donner sa vie pour ne pas renoncer à rendre co culte à Marie, à plus forte raison serait-il licite et méritoire dc subir la mort pour défendre l’ob­ jet de cc culte, c’est-à-dire la préservation dc la tache originelle en Marie, à qui le culte même se rapporte. » Œuvres dogmatiques, t. vu, p. 425. 1184 En somme, la controverse soulevée par Muratori eut pour résultat, en Italie, de faire affirmer plus fortement la certitude du glorieux privilège, cc qui était le point capital, ct examiner dc plus près les points secondaires et rentrant dans le champ delà libre discussion. La lutte eut un autre caractère en Autriche, où les étudiants venus d’universités italiennes firent connaître les ouvrages ct soutinrent les Idées du cri­ tique modénois. Une première controverse eut lieu à Salzbourg dans les années 1710 et suivantes. Roskovàny, op. cit., t. xn, p. 709 sq. Elle porta principale­ ment sur les prétendus excès de la dévotion envers la sainte Vierge, mais parfois aussi sur la pieuse croyance, comme on le voit par ces lignes d’une Epistola respon­ soria ad Ludovicum Antonium Muralorium, par un religieux bénédictin, Grégoire I (orner: Male quidem iste libellus apud nos audiit ct adhuc audit, sed inter alia potissimum ex eo capite, quod de immacutatic Del geni­ tricis conceptione tam viliter sentiat, ut eam inter leves causas abiiciat. Id quod adeo tanta divina maiestaie et sanctitate indignum nobis videtur, ut saltem inter pro­ positiones male sonantes ct piarum aurium offensivas similia esse recensenda indicemus. Et 1’autcur rappelait le vœu que l’université dc Salzbourg avait fait, en 1697, dc tenir ct dc défendre la pieuse croyance. Malheureusement, l’empereur Joseph 11 (1765-1790) s’engagea dans d’autres voies; il abolit le serment de l’immaculée conception. A cette occasion éclata dans l’université d’Inspruck, en 1781, une controverse qui dura plusieurs années, avec publication d’écrits en sens contraire. Roskovâny, op. cil., t. ni, p. 615 sq. L’Espagne resta fidèle à ses traditions. Philippe V fonda une université ù Cerbère en Catalogne; les sta­ tuts, confirmés par Clément XII le 4 décembre 1730, contenaient cette clause : Jurabunt, se immaculatam beatæ Virginis, hujus Academiæ Patrona, conceptio­ nem strenue propugnaturos. En 1779, Charles 111 éten­ dit le serment à toutes les universités du royaume. Avec l’approbation dc Clément XI11, il avait, en 1760, la seconde année dc son règne, déclaré Marie immacu­ lée patronne dc l’Espagne cL dc toutes scs possessions. A ces hommages il joignit encore l’institution, sub protectione immaculata conceptionis beatæ Virginis, d’un ordre équestre qui fut approuvé par Clément XIV en 1771, puis confirmé avec extension dc privilèges par Pie VI en 1783. En même temps, les théologiens s’efforçaient, comme leurs devanciers, de mettre en relief la certitude dc la pieuse croyance pour appuyer les instances faites à Rome en vue d’une définition; tels, entre autres, Thyrse Gonzalez de Sanlalla, plus tard général dc la Compagnie dc Jésus, le franciscain Dominique Lossada ct, en 1778, les théologiens dc Madrid dans un mémoire rédigé |^our le roi Charles III. Ouvrages de Muratori relatifs nu « vœu sanguinaire » : l~ninlndus Pritnnlus, De ingeniorum moderations In reli­ gionis negotio: ubi, quæ lura, quæ fruma futura sinthominl Christiano in inquirenda ct tradenda veritate, ostenditur, Paris, 1711; Antonius Lampridius, De superstitione vitanda, sive censura voti sanguinarii in honorem immaculata: con­ ceptionis Deipara* rniixsi, a La m indo Prttanio antea oppu­ gnati atque a Candido Parthenotimo theologo siculo incassum vindicati. Milan (Venise), 1740; Fcrdinnndus Valdcshis, Epistola*, sivc Appendix ad librum Antonii Lampridit de superstitione altanda, ubi votum sanguinariumreeteoppugna tum, male propugnatum, ostenditur, Milan (Venise), 1743; Lanündus Pritunius, Della rcgolata divozione de* crlstiani, Venise, 17 17. Réfutations : Roskovâny, op. cit., t. m, p. 699-724, pour la bibliographie du sujet; Candidus Parthcnotiinusslcuhis (François Burgio, S. J.), Votum pro tuenda Immaculata Deipara: conceptionis ab impugnationibus reeentioris Lamindi Prilanii vindicatum. Dissertatio theologica, Palermo, 1729; Td., De pietate In Deiparam amplificanda dissertatio duplex, in qua duplex exponitur et vindicatur votum pro tuenda eiusdem Detparx Immaculata conceptione susceptum, 1Μ Μ A CULÉE CONCEPTION 1185 Palermo, 1711; François Antoine Znccorla, S. J,, Lctlere al Signor Antonio Lampridio Inlorno alsuo llbro nuovamente publicato: · De sup*rHifionc tdfanda ·, Pnlcrmc, 1741 ; Joseph Ignare Milanese, S. J., Lampridius ad trutinam revocatu* : dissertatio theologica de Immaculate Maria· conception!* certitudine, eltudcmque immunitate a debito proximo origi­ nate culpa· contrahenda·, Païenne, 1742; Jean de Luca, O. M., De immaculata beata Virgini* conceptione dissertatio, 3· édit., Naples, 1712; Étienne Vargyas, S. J., Votum fundendi sanguinis pio asserendo Deipara· illibato conceptu ab injusta superstitioni* macula vindicatum, Tyrunu, 1740: Deny-» Bernard de Marnes, Animadversiones critica dog­ matica· pro sustinendo voto tuendi usque ad sanguinem immaculatam beatæ virginis Marlæ conceptionem contra • Antonium Lampridium » in libro de superstitione vitanda cl de volo sanguinario, Lisbonne, 1750, François Jos. Antoine do Vera, Deipara ciusquc cultores vindicati a que­ relis Lamindl Prilanii, Antonii Lampridii, Ferdinandl Valdcsii,qui dc prorogativis beata? virginis Maria·, præcipue i>ero dc priv.scrvalione illius ab originali macula, et de catho­ licis etiam proprio sanguine fuso eam tueri paratis, libellis suis parum circumspecte loquuntur, Naples, 1753; Georges Lirnhart, abbé préinontré do Boggcnbourg, Beatæ virginis Marios originaria immunitas a segnioribus Lamindi Prltanil censuris vindicata, Augsbourg ct Linz, 1756; Jos. Pcclzler, S. J., Votum fundendi sanguinis pro tuendo inte­ merato Dei genitricis conceptu, Tymnu, 1764; card. G. Μ. van BosMiin, réd emptor., S. AI phonsus Maria de Ltgorio et immaculata cnnceptio beatæ Maria virginis. Borne, 190-1 ; F. MciXerl, Der hei lige Alphons von Liguori, drr Kirchcnlchrer und Apologet des XVIII. Jahrhundcrtes, Mayence, 1901, p. 217 sq., dans Forschungen zur chrtstlichen Litrratur-und Dogmcngrschichtc, t. n, 3· fnsc. Thyrso Gonzalez deSantalla, S. J., Tractatus theologicus , de certitudinis gradu, quam infra fidem nunc habet sententia piade. immaculata beatæ Virginis conceptione, Madrid, 1688; Dominique Lossada, Ο. Μ., Discussio theologica super dcflntbllilate proxima mgslcrii immaculata? conceptionis Del genitricis, Madrid, 1733; Theologorum Malritcnsium memo­ riale ad Carolum 111, Hispania: regem, pro Immaculata conceptione beatæ Maria virginis, 1778, dans Boskovâny, op. cit., t. n, p. 525-559; E. Portillo, S. J., El Patronato de la inmaculala conccpciôn en Espafïay sus lnd(as,Dominlos ySefïorlos (1760), dans la revue Ra-ôn yfc, Madrid, 1904, mai-août. 2® Actes du magistère ecclésiastique, de Clément IX à Pie VI. — Les treize papes qui gouvernèrent l’É­ glise de 1667 à 1799, marchèrent sur les traces de leurs prédécesseurs; ils favorisèrent le culte de la concep­ tion ct ramenèrent pour ainsi dire ù son terme en étendant la fête ù toute l’Église;mais, en dépit d’inslanccs plusieurs fois renouvelées, ils ne consentirent pas à trancher d’une façon formelle ct absolue la controverse doctrinale. 1. Triomphe définitif du culte et de la fête. — Dans l’ensemble, les actes pontificaux dc ccttc époque res­ semblent ù ceux que nous avons déjà rencontrés : confirmation de congrégations, confréries ou institu­ tions pieuses sous le vocable de l’immaculée concep­ tion; octroi d’indulgences pour des pratiques dc dé­ votion envers la Vierge sans tache, comme de porter le scapulaire bleu, dit scapulaire dc l’immaculée con­ ception (Clément NI, en 1710), ou de réciter ccttc In­ vocation : Benedicta sil purissima et immaculata con­ ceptio beatæ Maria* virginis (Benoît XIII, 1729); con­ cession dc privilèges sc rapportant directement au culte, comme de célébrer la fête avec octave, dc faire usage d’une messe propre ou dc réciter tous les samedis l’ofilcc de l’immaculée conception, etc. Clément X I fit un acte lieaucoup plus*important par la publication dc la bulle Commissi nobis, G décembre 1708, car cct acte complétait dans l’ordre pratique l’œuvre dc Sixte IV et d’Alexandre VII : « Par l’au­ torité apostolique ct la teneur des présentes, nous décrétons, ordonnons ct mandons que la fête dc la concept Ion dc la bienheureuse vierge Marie immaculée soit désormais observée ct célébrée en tous lieux, com­ me les autres fêtes dc précepte, par tous les fidèles dc | PICT. DE THÉOU CATHOL. 1186 l'un ct dc l’autre sexe, et qu’elle soit insérée au nombre des fêtes qu’on est tenu d’observer. > Le souverain pontife étendait donc, d’une façon impérative, la fête dc la Conception à toute l’Église. Dc là venait l’im•portancc dc son acte ; car, d’après les principes commu­ nément reçus, l’extension d'une fête à toute l’Église ou sa canonisation, comme on disait parfois, entraî­ nait la certitude dc son objet, non pas une certi­ tude dc foi divine, mais une certitude d’ordre mo­ ral, moralem sanctitatis certitudinem. Benoit XIV, De servorum Del beatiflcatlone, 1. I, c. xui, n. 15. Opera omnia, L I, p. 309. Qu’Importe que l’épithète d'immaculée soit accolée Ici, non pas à la conception, mais à la Vierge elle-même, ct que cc détail ait été pleineme nt Intentionnel de la part du pontife, comme le prouve Benoit XIV, De festis, part, II, c. ccvni. L’argument, en tant que décisif, ne vient pas de là; il vient dc cette circonstance, que la fêle, ayant pour objet la conception même de Marie, comme Alexandre VII l’avait déclaré, était Imposée d’office à toute l’É­ glise. Les Bernard ct les Thomas d’Aquin avaient jadis, sous forme d’objection, posé cct argument : On ne doit fêler que ce qui est saint; du fait que l’Église universelle sc trouvait tenue, sur l’ordre de son chef, dc fêter la conception dc la Vierge, l’argument se re­ tournait contre les adversaires. 2. Benoit XIV : projet de bulle affirmantia certitude du privilège. — Les apôtres les plus ardents dc la con­ ception sans tache ne perdaient pas l’espoir de faire trancher la question. Princes ct évêques renouvelèrent leurs instances sous les pontificats de Clément XI ct dc Clément XII : Charles 11 d’Espagne en 1700, diar­ ies VI d’Autriche en 1706 et 1709, l'épiscopat espa­ gnol en 1714, Philippe V en 1732. Cette dernière ten­ tative fut vivement secondée en Italie par un grand serviteur dc Dieu, dc l’ordre des frères mineurs ré­ collets, saint Léonard de Port-Maurice (t 1751). Missionnaire puissant en parole ct en œuvres, il prê­ chait dc toutes scs forces la pieuse croyance. Voici en quels termes 11 célèbre la beauté dc Marie dans le dou­ zième de ses Entretiens sur la dévotion envers la très sainte Vierge : « L’adorable Trinité tout entière s’est employée à la former : le Père y a mis toute sa puis­ sance, le Fils toute sa sagesse, le Saint-Esprit tout son amour, ctcc n’est pas sans raison, puisque le Père éter­ nel formait en clic sa fille, le fils ornait sa mère ct l’Espril Saint enrichissait son épouse. Jugez quelle dut être la beauté de Marie. » Œuvres complètes, trad. Labis, Tournai, 1858 sq., t. vm, p. 97 ; voir aussi, L u, p. 254, l’cxorde dc la trentième des Méditations pour les prin­ cipales fêles de l'année, relative â l’immaculée concep­ tion, ct L iv, p. 338, le sermon sur la bonté dc Marie, où le saint expose avec une grande richesse dc doc­ trine la thèse franciscaine de la croyance à l’inunaculéc conception, ct dans lequel il proteste qu’il est prêt, pour soutenir ccttc vérité» :i sacrifier son sang, son honneur ct sa vie. » La correspondance du suint le montre préoccupé d’obtenir du Saint-Siège une définition explicite. Dans une lettre écrite ù son ami. Mgr Crcsccnzo, alors nonce ù Paris, ct qui se place dans l’interregne de 1710, entre Clement XII ct Benoit XIV, il s’clTorcc de faire agir le nonce auprès dc la reine de France, Marie Lcczinska, ct du cardinal Fleury. Que tous deux travaillent à obtenir du Saint-Siège ccttc défi­ nition, la chose la plus importante qui soit au inonde. Et là-dessus le saint développe l’idée dc cc qu’il appelle < un concile œcuménique sans irais ni déplaccmcnt, » c’est-à-dire d’une consultation générale dc tout l’épiscopat, laquelle ne saurait être que favorable ù la définition du privilège de Marie. Lettre xxxi, Œuvres complètes, t. v, p. 474. Une lettre postérieure, adressée au même corrcs- VII. — 38 1187 IMMACULÉE CONCEPTION pondant en décembre 1746, expose plus complètement encore le plan de cette consultation générale. Après avoir rappelé comment, sous le pontificat dc Clé­ ment XII, U a pu, avec la permission du pape, sonder les sentiments des cardinaux sur le point cn question, sentiments qui furent favorables, sauf dc la part dc l’un d’eux, il rapporte le conseil Je plus sage, que lui donna le cardinal Imperiali: < 11 yen a qui pensent que le pape ne peut pas dé finir cc mystère sans le concours d’un concile général. Eh bien! sans vouloir contredire cettcopinionjcvaisvoussuggércrlcmoycnd’assembler un concile sans frais. Vous tous, observantins, récol- ' lets, conventuels ct capucins, qui êtes répandus dans le monde entier, obtenez dc vos généraux qu’ils écri­ vent à tous les provinciaux, pour leur dire d’engager les évêques à adresser tous ensemble, cn même temps, des instances au Saint-Père, afin qu’il définisse ce grand mystère. Soyez assuré qu’à très peu d’cxcebtions près, vous les trouverez tous bien disposés : ct voilà le concile réuni. Allez voir les ambassadeurs des cou­ ronnes et tâchez d’obtenir qu’ils écrivent à leurs sou- 1 v crains, afin que ceux-ci fassent la même démarche. > I Lettre Lxxn, Œuvres complètes, 1.1, p. 584. Le saint ajoute qu’il alla voir les ambassadeurs ct que tous applaudirent à son projet On aura donc toutes les têtes couronnées. On aura toutes les uni­ versités ct tous les chefs d’ordres religieux, à l’exccpt:cn d’un seul, tous les États catholiques et tous les prélats dc tous les pays. Auprès du nouveau pape Benoît XIV, le serviteur de Dieu reprit sa campagne en faveur delà définition: | « Un jour je lui cn parlai, et je lui fis observer qu’il s’immortaliserait sur la terre, ct qu’il acquerrait une brillante couronne de gloire dans le ciel; mais il est nécessaire qu’un rayon dc lumière descende d’en haut; • i cela ne vient pas, c’est signe que Je moment marqué par Ja Providence n’est pas encore arrivé. » Lettre I.XV1, p. 582. Dc fait, le pape n’alla pas de l’avant. Π fit cependant quelque chore ; < faute de mieux » saint Léonard dc Port-Maurice obtint Je 26 novembre 1742, un décret suivant lequel, le 8 décembre, il y aurait désormais, chaqucannée,chapelle pontificale à SainteMarie-Majeure, pour la fête de Γ Immaculée Conception. En outre, le pape accueillit gracieusement un projet de bulle qui lui fut suggéré et soumis par le jésuite André Budrioll. Roskovâny, op. cil., t. n, p. 444 sq. Dans cette pièce, commençant par les mots : Mulierem pulchram, tout cc que les pontifes précédents avaient fait cn faveur dc la pieuse croyance était longue­ ment rapporté, puis venait sous forme dc corollaire cette déclaration : « Désonnais il n’est pas plus permis dc douter que la reine des anges ( d’autant plus grande que les anges, qu’elle porte un nom supérieur au leur) ait été sainte cn sa conception au premier instant où sa bienheureuse âme fut créée et infuse dans son corps, comme les fidèles l’ont cru ct le croient encore pieuse­ ment, qu’il n’est permis dc douter qu’elle ait été sainte cn sa naissance. Car dans l’un ct dans l’autre cas la sainteté est également certaine, ct certaine cn droit, puisque la conception et la nativité se célèbrent comme fête dc précepte par l’autorité du Siège apos­ tolique qui les a instituées. » Mais le pontife ajoutait que, si cet argument rendait certaine la sainteté dc la conception, comme celle dc la naissance, il ne s’en suivait pas que cc fût une vérité dc fol divine : tametsi neutrius adhuc sanctitas definitivo eiusdem ora­ culo tanquam certitudine fidei certa deque fide credenda proponatur. Des paroles d’excuses suivaient à l’adresse de ceux qui, dans le passé, avant que la vérité n’eût clé déclarée, avalent pensé autrement cn s’ appuyant sur des auteurs qu’ils jugeaient bons, « mais qui, on a le droit dc le croire, parleraient ct agiraient autrement qu’ils n’ont fait, s’ils vivaient maintenant et voyaient 1188 ct entendaient cc que l’ÉgUsv fait et dit sur ce point. » Ainsi la bulle Mulierem pulchram, en la supposant publiée» n’aurait été qu’une décision du chef de l’Églisc affirmant authentiquement le caractère dc cer­ titude qui convenait au glorieux privilège après la constitution Commissi nobis, de Clément XL 11 aurait encore fallu faire cc qu’il a fallu faire effectivement : parcourir une dernière étape pour que la doctrine dc l’immaculée conception passât officiellement de la simple certitude théologique à la certitude dc foi di­ vine. 3. Y a-t-il incoherence dans les actes pontificaux? — Une attaque récente donne lieu à cette question : « Quand on parcourt la série des actes pontificaux rela­ tifs à la conception dc la Vierge, la première impres­ sion qu’on éprouve, c’est celle de la stupéfaction. Cc qu’un pape fait, l’autre le défait; le travail dc la veille est détruit le lendemain : on sc trouve cn présence dc la toile de Pénélope. » G. Herzog, La sainte Vierge dans Γhistoire; VII .L9immaculée conception, dans Ja Revue (Γhistoire ct de littérature religieuses, Paris, 1904, t. xn, p. 599. Deux faits sont allégués à titre d’exemples : la suppression par saint Pie V de l’office Sicut lilium, approuvé auparavant par Sixte IV ; les diverses atti­ tudes d’Alexandre VII et dc Clément XI par rapport au décret émis par le Saint-Office en 1614 ct prohibant d’attribuer à la conception même le titre d’immecuEe. On ne peut soutenir cc reproche d’incohérence qu’à la condition de méconnaître la nature des actes dont il s’agit,oudc mêler au texte des interprétations sub­ jectives ct gratuites. Les actes qui, depuis Sixte IV, émanèrent dc Rome, ne furent pas tous de même na­ ture et, par suite, n’avaient pas tous la même portée. La plupart furent d’ordre disciplinaire; dépendants des circonstances, ils pouvaient changer avec elles. Sixte IV approuve l’office de Léonard de Nogarolc et saint Pic V le supprime : c’est cn sol, une affaire d’ordre pratique, n’entraînant aucune incohérence réelle tant qu’il n’est pas prouvé que le second pape ait supprime l’office dans son bréviaire parce qu’il désapprouvait l’objet du culte tel qu’il était exprimé. En 1644, le Saint-Office n’accepte pas cc vocable : Immaculée Conception de Marie; mais cc ne fut là, comme on cn peut juger par cc qui a été dit ci-dessus, col. 1174, ni un acte proprement pontifical, niune déci­ sion doctrinale. Le vocable, d’abord non autorisé, pouvait, les circonstances changeant, l’être ensuite soit par la même autorité soit, à plus forte raison, par une autorité supérieure. Clément XI revint si peu au décret de 1644, entendu dans le sens absolu qu’on pré­ tend lui attribuer, que sous son pontificat, cn 1712, le tribunal du Saint-Office qui avait jadis porté le décret fit répondre à l’inquisiteur dc Bologne, un dominicain, dc ne pas faire opposition au titre d’imma­ culée conception : Rescribendum P. Inquisitori Bono· niæ, quod non impediat imprimi conciones attaque themata, in quibus conceptioni beatae Mariæ Virginis titulus « immaculata: · tribuitur. Le titre fut, dès lors, couramment employé dans les décrets dc la congréga­ tion des Rites relatifs à la matière. Roskovâny, op. cit., t. iî, p. 410, 437 sq. Encore moins sérieux serait-il d’objcclcr, à la suite dc Muratori,tcl acte qui n’aurait rien dc pontifical,par exemple la prohibition, faite cn 1678, du Petit office de l'immaculée conception. L’acte, mal connu dans scs circonstances, causa effectivement un grand émoi cn beaucoup d’endroits; mais Innocent XI dalgr.a, le 18 décembre delà même année, renseigner l’empereur Léopold Ier sur cc qui s’était passé : Il s’agissait simI plement d’une prohibition faite par le maître du sacré 1 palais, d’un petit office spécial qu’on donnait fausse­ ment comme approuvé par Raul V et qui contenait I une indulgence apocryphe, mais non pas dc celui qu’on 1189 IMMACULÉE CONCEPTION 1190 récitait depuis très longtemps avec l’agrément du des considérations utiles, mais jointes à d’autres plus Saint-Siège : Subea autem prohibitione non comprehen­ que contestables, tendant à établir par des données ditur illud ofllcium,quod ab antiquissimo tempore hujus physiologiques une thèse réfutée déjà par saint An­ sancta? sedis permissu in Ecclesia recitatur. Roskovâny, selme, à savoir que la mère de Dieu a dû nécessaire­ ment échapper à la contagion commune pour que son op. cit., t. n, p. 396. fils cn pût être exempt. Fait plus pratique et plus Que, pendant la période do controverse, des luttes ct des conflits d’influence nient pu exister ά la cour symptomatique, cn 1816, un chanoine de Cordoue, pontificale, rien dc plus naturel; il n’en est pas moins dom Bernard de Alderete, avait adressé au Saintincontestable qu’à partir dc Sixte IV, les papes ont Siège, au nom dc Févêque ct du chapitre, une suppli­ favorisé d’une façon constante la pieuse croyance. que où il renouvelait les anciennes instances cn faveur Benoît XIV constate le fait cn parlant des constitu­ d’une définition solennelle, que se dignase declarar tions du même pontife et dc celles dc saint Pic V, de deflnttioamcnle la conception tnmaculada de Marta Paul V, dc Grégoire XV, d’Alexandre VII ct de Clé­ santhima. Exemple suivi ensuite, est-il ajouté, par ment XI : ex quibus utique clare desumitur unanimis d’autres prélats, des chapitres, des villes et des uni­ eorum propensio erga sententiam quie beatam virginem versités d’Espagne, Pareri, t. n, p. 97. Dc leur côté, les papes n’oubliaient pas la cause de Mariam ct peccato originali servatam adstruil atque con­ firmat. De servorum Del beati flcat tone, L I, c. XU1, j la Vierge. Outre la permission plusieurs fols accordée n. 1 4. Opera omnia, 1.i, p. 308. A Γ occasion, ces papes I de cé lébrer la messe propre dc i’immaculée conception, défendirent la pieuse croyance contre les attaques Pic V11 confirma, cn 1802, les statuts d’une congréga­ dont elle était l’objet; mais ils ne permirent pas aux tion fondée sous ce vocable à Barcelone; statuts où champions du privilège d’empiéter sur le jugement le glorieux privilège était presque continuellement définitif du magistère suprême cn taxant les autres affirmé. L’année suivante, il approuva la pieuse asso­ d’hérésie ou dc faute grave, tant que la question n’au- ciation espagnole des Filles de l’immaculéeconccptlon rait pas été tranchée. Conduite nécessaire au bien de la dc la bienheureuse Vierge. Acte plus significatif, sur paix ct sage, absolument parlant : Rome s’éclaira, clic la demande des franciscains du royaume de Naples, entendit le pour ct le contre, clic prit largement le il leur permit, le 17 mal 1806, d’ajouter dans la préface temps dc la réflexion, clic avança lentement, sachant dc la messe l’épithète d’immaculée au terme de con­ résister aux vœux impatients dcscs fils les plus dé­ ception, cn disant : El le in conceptione immaculata. En 1824, Léon XII fit une déclaration qui touchait voués ct les plus méritants. L’heure venue,clic saurait encore dc plus près la croyance. Des docteurs cn théobien parler. logiequl avaient fait Icscrmcntdesuivreladoctrincdc Roskovâny, op. cit., t. n, p. 391-511 ; Benoît NB’, bulle saint Thomas d’Aquin, sc demandaient avec une cer­ inédite Mulierem pulchram, xair cri. 1187; Piazza, op.cit.. Act. V, a. 2, n. 213-250; Léopold dc Chérnncé, Saint taine perplexité s’ils pouvaient, sans crainte de par­ Léonard de Port-Maurice dans Xouvelle bibliothèque fran­ jure tenir la pieuse croyance; la réponse les rassura ciscaine, in-16, 1»· série, t. xni, Paris, s. d. (1903), p. 190, complètement : eos qui iurciurando se obstrinxerint ad 218-223; Paul Dcbuchy, Recherches sur le Petit Office de tuendam sancti Thoma? doctrinam, posse sine periar i i Γ Immaculée Conception, §3, p. 31 sq., extrait des Précis timore immaculatam bcatæ Maria? virginis conceptio­ historiques,Bruxc\ïcs, 1886. nem defendere. Pareri, t. vn, p. Lxvn, cn note. Sur l’histoire du culte, outre l'ouvrage cité dc Piazza : 2· Grégoire XVI ( 1831-1846) : mouvement prononcé Th; Strorzl, S. .T., Controversia della Concezione della bea­ tissima virgine Maria, Palermo, 1700,1703; M. A. Gravols, cn faneur de ladéfinition.—Le cardinal Maur Capel lari, Ο. Μ.» De ortu ct progressu cultus ct festi immaculati con­ religieux camaldule, promu nu souverain pontificat ceptus beatas Det genitricis virginis Maria?, Lacques, 1762, le 2 février 1831, donna dès le début des preuves dc 1764,réimpr.dansBournssé,Summa aurea, t.vni, p. 289. sa vive sympathie pour la cause de la Vierge. La pre­ IV. La définition. — Nous arrivons à la dernière mière année dc son règne, sur la demande des frères période, caractérisée par le triomphe définitif dc l’im­ mineurs de Santa Fé de Bogota, il concéda des in­ maculée conception sous le pontificat dc Pic IX ; mais | dulgences aux fidèles qui, en assistant à la messe pro­ il y eut, dès la première moitié du xix· siècle, surtout pre dc l’immaculée conception dans l’église de ccs à partir dc 1830, une série d’actes qui furent un ache­ religieux, honoreraient < la mère de Dieu conçue sans I pechi. > En 1834, il confirma la fondation d’une Société minement vers le terme. dc la Miséricorde sous le vocable dc la bienheureuse I. J)B EaVREBMEXTDKPIEVU, A LA MORTDE GRÉ­ Mario immaculée en sa conception. Les partisans dc la GOIRE XVI (1800-1846) : VERS LA DÊriEITIOX. — Les bouleversements qui survinrent cn Europe au définition se sentirent naturellement portés à profiter début du siècle et l'état dc trouble général qui en dc l’occasion pour renouveler leurs Instances. Un résulta, amenèrent naturellement un temps d’arrêt événement merveilleux était d’ailleurs survenu, qui les avait encouragés et excités à marcher dans cello dans les démarches cn vue d’obtenir la solution du grand problème. L’arrêt no fut que transitoire;quand vole. 1. La médaille miraculeuse. — Le 17 novembre 1830, la paix eut été rétablie, le mouvement reprit, plus vigoureux ct plus étendu. une Fille dc la Charité, de Paris, Sœur Catherine La­ 1e Pie Vil et Mon XII (1800-1830}. — Rares à bouré, étant cn oraison, eut une vision de Notre-Dame cette époque, les actes cn faveur du glorieux privi­ sous une forme rappelant celle où, d’ordinaire, on la lège ne font cependant pas défaut. En France, la représente comme Γ Immaculée : les pieds de la Vierge mention dc la fête dc l’immaculée conception, suppri­ reposaient sur le globe terrestre ; de ses mains abaissées mée dans les deux catéchismes qui furent cn usage dans la même direction, des faisceaux de rayons jail­ après la Révolution, réapparaît en 1801 dans le Caté­ lissaient. « 11 se forma alors autour dc la sainte Vlergs chisme à Γusage de toutes tes Églises de CEmplre un tableau un peu ovale, sur lequel on Usait cn lettres français, leçon xi, p. 172. L’immaculée conception y d'or ces paroles : O Marie conçue sans pdchd, prie: pour est donnée pour l’une des choses « que l’Église honore nous qui avons recours d vous. Puis une voix sc fit en­ tendre qui me dit : « Faites frapper une médaille sur principalement dans la très sainte Vierge. » En 1822, dom Gaspar Rivarola, abbé bénédictin cn Sicile, pu­ cc modèle; les personnes qui la porteront Indulgcnciée blia une dissertation, insérée dans les Parcri, t. v p. 6, recevront dc grandes grâces, surtout cn la portant au pour prouver · que, par une conséquence nécessaire cou ; les grâces scron t abondantes pour les personnes qui du dogme infaillible de la maternité divine, Marie a auront confiance. » J. M. Aladel, La Médaille mira dû être immaculée dans sa conception. · On y trouve euleuse. Pnrh, 1878, p. 76. Informé du fait ct dc toutes 1191 IMMACULÉE CONCEPTION les circonstances qui l’avaient précédé, accompagné < l suivi, l’archevêque, Mgr dc Quélcn, permit dc faire frapper la médaille; clic sc répandit très rapidement ct devint populaire. Il y eut, il est vrai, de l’oppo• ition dc la part dc quelques évêques, principalement < n Allemagne où la pieuse croyance était en butte aux attaques des hcnnéslens ou catholiques libéraux; mais cc fut l’exception, car le nombre ct l’éclat des faveurs reçues assurèrent à la médaille une singulière diffusion, non seulement en France, mais dans les pays voisins, Belgique, Suisse, Italie, Espagne, An­ gleterre ct jusqu’au delà des mers. L’invocation : O Marie conçue sans péché, était d’cllc-mcmc une affir­ mation du glorieux privilège, ct les grâces obtenues excitaient dans les fidèles un sentiment dc pieté ct dc reconnaissance qui les portait à en souhaiter la conso­ ciation définitive. Il est Incontestable que cet état des esprits eut son nllucncc sur les démarches faites alors auprès du Saint-Siège par beaucoup d’évêques,surtout en France, Bappclons-nous toutefois une remarque déjà faite à propos dc la vision dc l’abbé Helsin, col. 1001 : Autre chose est V occasion, autre chose est Vobfcl d’une dévotion; bien plus, autre chose est la réalité dc l’ap­ parition dans le cas dc Catherine Labouré commodans celui de l’abbé Helsin, autre chose est la valeur dc la médaille miraculeuse comme signe symbolique dc l’immaculée conception. Ainsi, dans une lettre adres­ sée, le 11 février 1835, à Mgr de Quélcn pour l’engager à solliciter de Borne la permission d’insérer dans les litanies de Lorette l’invocation : Regina sine labe con­ cepta, le cardinal François-Xavier de Cienfuegos, ar­ chevêque dc Séville, écrivait : < Je ne prétends point prononcer sur la révélation qui a été l’origine de cette pieuse pratique, non plus que sur les miracles ou pro­ diges rapportés comme étant les effets dc l’usage qu’on a fait de cette médaille. > Cc qui n’empêchait pas cc prélat dc présenter la démarche qu’il suggérait comme très conforme c aux desseins qu’a eus la divine Provi­ dence dans la manifestation dc la médaille miraculeuse si célèbre maintenant dans le monde chrétien. » Lcsétre, op. cit., p. 178. 2. Instances des évoques. — Les premières suppliques eurent pour objet, non la définition du privilège, mais l’autorisation de dire dans la préface dc la fête : Et te tn concepttone immaculata. Lc cardinal de Séville avait donné l’exemple dès 1834 ; exemple si bien suivi que, pendant les dix années d’après, on ne trouve pas moins de 211 demandes consignées dans les regis­ tres dc la Sacrée Congrégation des Rites. Pareri, t. vî, p. 480. Puis cc fut une autre supplique, dont le même cardinal explique la raison d’être dans sa lettre à Mgr dc Quélcn : « Considérant que les concessions pontificales accordées jusqu’ici regardent le culte ren­ du à Marie à l’autel ou dans l’office du chœur, que d’ailleurs ces religieux hommages ne sont pas jour­ naliers, et que tous les fidèles ne peuvent y prendre part, il me parut que l’honneur dû à la très sainte Vierge et l’utilité du peuple chrétien demandaient éga­ lement, avec justice, qu’on procurât aux simples fi­ dèles le moyen dc pouvoir exercer cc culte si pieux, et cc moyen, je le trouvai, tel qu’on peut le désirer, dans l’addition à faire aux litanies de Notre-Damed’-Lorette, de cet éloge ct de cette Invocation : Regina sine labe concepta, ora pro nobis. > L’archevêque de Paris s’empressa d’accéder au conseil qui lui était donné, ctlemouvcmcntscpropagea;dc septembre 1839 û mars 1844, la même faveur futsollicitée ct obtenue par 133 évêques, chefs d’ordres ou recteurs d’églises par­ ticulières. Ensuite, les deux permissions furent accor­ dées en même temps ct, sous cette forme, obtenues pir 83 évêques, d’avril 1841 à mai 1847. Pareri, t. vi, p 574, 588. Mais ces chiffres font au-dessous de la 1192 réalité, car la Sacrée Congrégation du Concile jouissait aussi ct usa du pouvoir d’accorder les mêmes faveurs. Parmi les généraux d’ordres qui demandèrent l’au­ torisation dc dire dans la préface dc la fête : Et te in conceptione I MM AC U LATA, celui des frères prêcheurs mérite d’être signalé. Lc grand obstacle, pour ces reli­ gieux, était dans la doctrine de saint Thomas d’Aquin. Un certain nombre le faisaient disparaître en soutenant, dc diverses manières, que l’ange de l’école, bien com­ pris, n’était réellement pas opposé à l’immaculée conception: cette position, qui nous est déjà connue, fut très nettement adoptée ct soutenue en 1839 par le P. Mariano Spada dans son Esame critico. D’autres, mettant de côté ou à l’arrière-plan la question dc fait, afflmmicnt surtout que les principes posés par le saint docteur n’étaient pas Inconciliables avec le glorieux privilège ct que, s’il vivait de nos jours, Il l’admettrait : tel un peu plus lard, à l’époque même de la définition, le R. P François Gaude, futur cardinal. De immaculato Deipara: conceptu eiusque dogmatica definitione in ordine pursertim ad scholam thomislicam et institutum fratrum pncdicatorum, Rome, 1854. Quoi qu’il en soit du mode d’accession, le nombre des théologiens dominicains qui, depuis plu­ sieurs siècles, s’étaient ralliés à la pieuse croyance, était allé toujours en augmentant. En décembre 1843, le T. R. P. Ange Ancarlni, général de l’ordre, solli­ cita dc Grégoire XVI l’autorisation de célébrer la fête dc la Conception avec octave, en sc servant dc la messe propre ct, dans la préface, dc la for­ mule : El (e in conceptione I mm acula ta. Cette mesure fut confirmée, le 17 juillet 1847, par la Sacrée Congré­ gation des Rites répondant à plusieurs doutes qui lui avalent été soumis, celui-ci, en particulier : L’ordon­ nance atteint-elle ceux qui regardent la bienheureuse Vierge comme conçue dans le péché originel ct ceux qui sont liés parscrmcnt àsuivre la doctrine dc saint Thomas d’Aquin, dans l’hypothèse où d’après son en­ seignement, la bienheureuse Vierge aurait encouru dans son âme la tache héréditaire? La réponse fut affirmative, avec renvoi à Sa Sainteté pour dispense du serment,s’il y avait lieu : Ad affirmative, et, quate­ nus opus sil, consulendum Sanctissimo pro absolutione. Pareri, t. vi, p· 592 sq., 595 sq. Ainsi cessa, honorable­ ment, la principale opposition que la pieuse croyance avait rencontrée au sein dc l’Églisc catholique. Entre temps, des démarches d’une plus grande Im­ portance avaient commencé. En 1840, dix archevêques français, ceux dc Cambrai, Albi, Besançon, Bordeaux, Sens, Avignon, Auch, Reims, Bourges ct Lyon, avec 41 évêques suffragants, signèrentct adressèrent à Gré­ goire XVI une lettre collective où Ils exprimaient le vœu, · que la doctrine dc l’immaculée conception, devenue croyance dc presque toute l’Églisc dispersée, quam fere Iota dispersa credit Ecclesia, fût définie comme dc foi par le siège suprême. » Parcel, t. ïx, p. 16. Une quarantaine dc suppliques semblables parvinrent à Rome dc 1843 à 1845; elles venaient, la plupart, d’évêques dc Sardaigne ct des Deux-Sieiles, quelquesunes d’évêques résidant hors d’Europe ou dc vicaires apostoliques. Roskovàny, op. cit., t. iv, p. 67-104. Les pétitionnaires Insistaient presque tous sur le consen­ tement commun ct le vœu des fidèles, et ces sup­ pliques formaient comme autant d’apologies en faveur du glorieux privilège. De nombreux mandements sur le même sujet parurent en même temps, particuliè­ rement en France; tels ceux dc Mgr de Quélcn, arche­ vêque dc Paris, en 1830, de .Mgr Mathieu, archevêque dc Besançon, en 1840, dc Mgr Donnet, archevêque dc Bordeaux, en 1841, du cardinal de Donald, archevêque dc Lyon, en 1812. Roskovàny, op. cit., t. iv, q, 28-10. L’année suivante, le cardinal Lambruschlni, secré­ taire d’État dc Grégoire XVI, faisait paraître une 1193 IMMACULÉE CONCEPTION 1194 dissertation polémique sur l'immaculée conception. I les fondements, à la manière de Jean dc Launey et de Pareri, t. v, p. 123. Il y résumait les preuves du pri­ Muratorl. A l'argument de convenance, proposé par vilège : convenance, Écriture sainte, actes pontificaux, Scot ct tant d’autres, il répondait : · Nous ne savons témoignages des Pères ct doctrine des théologiens (y pas précisément ce qui est convenable aux yeux dc compris saint Bernard, Albert le Grand et saint Tho­ Dieu.» Il interprétait la constitution dc Sixte IV ct mas d'Aquin), surtout consentement commun des la déclaration du concile dc Trente, en ce sens qu' « au­ fidèles, présenté comme garantie dc certitude et pré­ cun particulier ne doit prendre à ce sujet une décision paration à la définition formelle, n. 63-64. L’éminent quelconque. » Il ajoutait qu* « il ne faut pas regarder auteur déclarait cette définition possible ct l'appelait comme une décision dc l'Églisc l'introduction de la de tous ses vœux. Cc qu'il disait, n. 66, de la merveil­ fête dc l’immaculée conception de Marie. » Il posait leuse diffusion dc la médaille miraculeuse ct des pro­ enfin cette question : « D’ailleurs, comment la concep­ diges opérés par son entremise, en particulier la con­ tion sans péché, ainsi que la naissance de Marie, se­ version toute récente dc l'Israélite Alphonse Ratls- raient-elles l'objet dc notre vénération? » Question bonne, témoigne dc la vive Impression que ces faits grosse de conséquences, suivant la juste remarque du exercèrent alors sur les esprits. La dissertation fut P.Perrone, par le doute qu'elle projetait sur la sainte! è traduite en plusieurs langues et eut un grand reten­ dc la naissance non moins que sur celle de la concep­ tissement dans les milieux catholiques. tion. Loin d'atténuer la doctrine du maître, les herGrégoire XVI suivait avec beaucoup d’intérêt tout méslcns l’exagérèrent plutôt, Ils allèrent même si loin le mouvement. Dans une réponse faite le 24 février que l'archevêque dc Cologne, Clèment-Au guste Drost c1844 à l'é'.«’que d’Astl, qui avait sollicité l’autorisa­ Vischcring, sc crut obligé d’intervenir; en 1837, il fit tion dc dire dans la préface dc la messe : Et le in con- rédiger un certain nombre de thèses que devraient erptione / M.MACULATA, \e pape rappelait que, l'année souscrire les prêtres de son diocèse, en particulier d’avant, il avait lui-même permis très volontiers l'u­ ceux qui voudraient obtenir l'approbation canonique. sage de cette formule en sa présence dans la chapelle La huitième concernait, dans sa première partie, pontificale, ct II ajoutait: «Nousne sommes pas moins l’immaculée conception ; elle exigeait la promesse d’ob­ heureux d’accéder habituellement aux pieuses de­ tempérer aux décisions portées par Grégoire XV en mandes de ceux qui, dans les cérémonies ct prières 1G22 et par AlexandreVII dans la bulle Sollicitudo, publiques, désirent honorer la très sainte vierge Ma- Cet acte provoqua dc nouvelles pokiniques. Roskorïcconçucsans péché. · Roskovàny, op.cit., t. iv, p. 13. vâny, op. cil., t. rv, p. 107, 417, 458. Il avait même déclaré, en 1843, à Mgr Clément VilEn France également, une opposition sourde exis­ lecourt, évêque dc La Rochelle, que « rien ne lui serait tait à l'égard soit dc la croyance, dans les milieux plus agréable que dc proclamer par un jugement so­ jansénistes ou Jansénlsants, soit dc la définition, lennel l'immaculée conception de la très sainte mère chez un certain nombredc gallicans; mais cette oppo­ de Dieu, » mais il était retenu, ajouta-t-il,pardes rai­ sition ne devait sc manifester nettement qu’un peu sons de haute prudence qui tenaient aux circonstances plus tard, sous le pontificat de Pic IX. Cc qui apparaît actuelles : « Sauf les évêques dc France ct un certain alors, mais au pôle opposé, c'est une erreur si singu­ nombre dc Vénétie, dc Lombardie et d’Espagne, ceux lière qu’elle mérite à peine d’être relevée. Un ouvrier des autres pays, comme l’Allemagne, l’Angleterre, dc Tilly-sur-Scullcs, au diocèse dc Bayeux, Eugène l'Irlande, avaient gardé le silence ; il craignait dc rendre Vintras, qui se faisait appeler, d’après scs autres pré­ la chaire apostolique odieuse ù ces nations, en donnant noms, Pierre Michel, prétendit avoir reçu, du 6 août maintenant d’une façon solennelle la sentence sollici­ 1839 au 10 juin 1840, dc l’archange saint Michel des tée. Déjà des plain tes et des paroles presque menaçan­ révélations .sur divers sujets, spécialement sur la très sainte Vierge. D'après lui, c'était la Sagesse créée, tes s’étalent fait entendre dc divers côtés a l'occasion dc quelques canonisations qui avaient eu lieu sous Pic dont il prétendait prouver la préexistence par l'imma­ VII. Même non définie, la vérité dc l’immaculée culée conception, donnée pour article dc fol ct expli­ conception était tenue pour tellement indubitable que quée dc cette façon : « La Sagesse créée descendue sur dans VOrdo et les autres livres liturgiques la fête était la terre aura été incarnée non d’clle-mêmc, mais par la puissance du Père, dans le sein dc sainte Anne sa désignée sous cc titre; cette doctrine Irait toujours en s'affermissant dc plus en plus, elle deviendrait ainsi mère, sans que saint Joachim y ait autrement con­ dogme catholique le jour où l’Églisc tout entière véné­ couru que par sa parole, en annonçant à son épouse rerait ct Invoquerait l’immaculée conception. Du reste, affligée dc sa longue stérilité, qu'elle enfanterait la il sc déclarait prêt à répandre son sang jusqu'à la Fille du ciel, tige auguste d'où devra sortir le rejeton dernière goutte pour attester ct sceller ce glorieux de Jessé... Or, Je soutiens que celte révélation inouïe privilège de la très sainte Vierge. ■ Roskovàny, op.c/L, sur Marie est non seulement admissible, mais même la t. iv, p. 706 scj. Déclaration Intéressante à un double seule que l'on puisse raisonnablement admettre pour t il re, parce qu’elle nous renseigne ct sur l'attachement expliquer le fait dc son Immaculée conception. » Le profond dc Grégoire XVI à la doctrine même, ct sur livre (Tor, publié par M. Alexandre Ch. Charvoz, les raisons qui l’empêchèrent d’aller jusqu'à la défi­ Paris, 1819, p. 385 sq. 11 suivait dc là, entre autres choses, que Marie n’avait eu nul besoin dc rédemption ; nition. 3. Oppositions d erreurs. — La crainte dc froisse­ cc que l’auteur admettait dc fait un peu plus loin. ments ct dc réclamations possibles, dans le cas d'une Ainsi, le nouveau Montan ne sc contentait pas de sanction solennelle du privilège, n'était pas sans fon­ renouveler l'erreur d'une conception virginale de Ma­ dement, du côté dc l'Allemagne en particulier. Les rio par sainte Anne, erreur déjà réprouvée au: v· siècle, hcnnéslens ou « catholiques libéraux » avaient pris, sur voir col. 876 ; il ajoutait deux autres erreurs non moins cc point, une attitude défavorable, sinon hostile. Leur graves, en affirmant la préexistence dc la Vierge, la chef. Georges Hermès, était mort en 1831; mais sa Sagesse créée, » et en la soustrayant complètement à la ChrldUche Dogmatik fut publiée trois ans plus tard à loi de l’universelle rédemption des fils d’Adam par Munster,par son disciple, J. IL Achterfeld. Cc qu'était Jésus-Christ. Les partisans de l'Œuvrc affectaient une sa position par rapport à l’immaculée conception, dévotion spéciale à l'immaculée conception, telle nous pouvons en juger pw* un article du P. Perrone, qu’ils l’entendaient, ct portaient en son honneur le traduit dans les Démonstrations évangéliques de Mi- Jtuban de Marie. Vintras avait d'abord consigné see gne, t. xiv, col. 1059-1066. Hermès n'attaquait pas prétendues visions dans un Opuscule sur des commu­ directement la croyance, mais il en sapait sourdement nications annonçant VŒuvre de la miséricorde, Pans, 1195 IMMACULEE CONCEPTION 1196 1811. L’écrit fut condamné par Mgr Robin, évêque I était à l’avenant : Deus, qui per immaculatam Virginis dc Bayeux, dans une circulaire adressée au clergé dc conceptionem dignum Filio luo habitaculum prœparasti, son diocèse le 8 novembre dc la même année. Rome ejus nobis intercessione concede, ut cor et corpus nos­ approuva la condamnation. Les conciles provinciaux de trum immaculatum tibi, qui eam ab omni labe prxserParis, de Rennes ct d’Avignon, en 1819, eteeux d’Albl vasti, fideliter custodiamus. ct de Rouen, en 1850, condamnèrent les erreurs de En ccttc même année 1847, Ic P. Jean Perrone, pré­ V Œuvre de la Miséricorde. Toutefois, la nouvelle expli­ fet des études au Collège Romain, publia sous lo titre cation dc l’immaculée conception n’était pas spécia­ dcDisquisitio theologica un écrit où 11 examinait «si lement visée dans ccs condamnations en bloc des l’immaculécconception dc iabicnhcureusc Vierge Marie erreurs de Vint ras. pouvait être l’objet d’une définition dogmatique. » » Après avoir, dans une première partie, < historicoParer i delCEp (scopa ta ea 11olico, d i cap Ha II, d t con grega: lo n t, di unlacrjità, dl pcrsonnaggl ragguardrvoU, etc., e/c., tulla critique, » résumé l’histoire dc la controverse en ses deflnizione dogmatica dell* immacolato concephncnlo délia phases multiples, il discutait la valeur réelle des IL V, Marta, Rome, 1851-1854; Aug. do Roskovàny, op. arguments apportés contre le privilège ou en sa fa­ cit., t. iv, p. 1-109; Mgr Malou, op. cit., t. n, p. 335 sq., veur. Il arrivait ù ces conclusions : On nc trouve rien 490; II. Lcsêtre, op. cil., c. iv. dc réellement contraire, soit dans la sainte Écriture, Doixj Gaspnr Rlvarola, nbbatc Cnslncsc, Disserta:tone, soit dans les Pères cl les écrivains ecclésiastiques an­ in cul st prova che Maria Vcrgtne sia stata nccessariamente ciens, soit dans les documents liturgiques et les actes concepi ta tmmacolata, per necessaria conseguenza delP In­ fallibile dogma della divina sua ma terni là. Palermo, 1822, des conciles ou des pontifes romains, soit dans les rdinp. dani Pareri, t. v, p. 7-97; Mariano Spada, Esame vérités révélées qu’il faut sauvegarder ct qu’on a cou­ critico sulla dotlrlna dell'Angclico Dotlore s. Tommaso dl tume d’objecter sous tonne de raisons th cologiques; Aquino circa II peccato originale rclativamrntc alla D. V. les témoignages nettement opposés appartiennent à Maria, Naples, 1839, rélmp. dans Pareri, t. v, p. 581-600; la période de controverse. En revanche, la sainte Écri­ Luigi card. Lambruschini, Sull' tmmacolato concepimento dl ture fournit un argument assez, solide, salis fir­ Maria. Dlssertazlone polemtca, Rome, 1843, réimprimée mum, Gen., in, 15, et, dès les premiers siècles, des dans Pareri, t. v, p. 123-170. Sur Vintras et scs erreurs, voir L'ami de la religion, Paris, témoignages positifs attestent l’existence constante 1812. t. exi, p. 406,470; t. cxn, p. 211,257 ; t. cxni, p. 39 ; dc la croyance. Dans la seconde partie, « théologicorésumé do sa doctrine, dnns E. Mangenot, Sion, son critiquc >, après avoir déterminé les conditions re­ sanctuaire et son pèlerinage, Nancy, 1019, p 424-426. quises pour qu’une doctrine puisse être l’objet d’une JL AVÊUJJMMT DB PIB IX : PRÉIA MI.VAIRES DE définition dogmatique ct expliqué de quelles manières La DÊPIhATIOIf.—Le cardinal Jean-Marie Mastal-Fer- diverses ccs conditions pouvaient être réalisées, le relti, élu pape le 16 juin 1846, était personnellement P. Perrone recherchait s’il y avait dans la révélation, très attaché à la pieuse croyance. Cc fut un bonheur écrite ou transmise, des données suffisantes pour qu’un pour lui dc ratifier une preuve signalée de dévotion décret pontifical pût adjoindre l’immaculée concep­ envers la Vierge immaculée, que les évêques dc l’A­ tion aux dogmes de foi. Il concluait à une révélation mérique septentrionale avalent donnée au mois de mai du mystère · prochaine ct immédiate quoique d’une précédent; réunis à Baltimore en concile provincial, façon enveloppée, resserrée et un peu obscure, licet ils avaient avec autant d’enthousiasme que d’unani­ implexe, contracte ac sub obscure; révélation contenue mité, ardentibus votis, plausu consensuque unanimi, dans la parole de Dieu écrite et, cc qui est le point acclamé la bienheureuse vierge Marie conçue sans pé­ capital, confiée à la parole de Dieu non écrite dc telle ché comme patronne des États-Unis d’Amérique. Pa­ façon que, par l’entremise des divers véhicules d’une reri, t. vi. p. 597. D’autres actes allaient renforcer en­ tradition ininterrompue ct suivant un mouvement de core les bonnes dispositions du souverain Pontife. progrès continu, elle sc développât ct sc présentât 1· Nouvelles instances.— Les évêques, du 10 juil­ sous une notion toujours dc plus en plus précise, jus­ let 1846 au 7 mal 1847, continuaient à solliciter qu’à cc que vint la pleine lumière. ·> Pareri, t. vi, p. la double faveur d’insérer dans la préface dc la messe 535. Chemin faisant, le docte théologien réfutait un l'éplthête d'immaculée ct dans les litanies dc Lorettc avis présenté au pape Alexandre VII par le cardi­ l’invocation dc Reine conçue sans péché. Roskovàny, nal Jésuite Sforza Pallavicinl, d’après lequel le glo­ op. cit., t. iv, p. 109. Beaucoup plus nombreuses furent rieux privilège n’aurait pas été définissable comme les demandes de définition qui, dc 1846 à 1848, s’ajou­ vérité révélée. Ccttc dissertation renforça beaucoup tèrent à celles qui avaient précédé sous Grégoire XVI. l’impression produite par celle du cardinal Lambru­ Le nouveau pape fut particulièrement consolé dc cc schini et eut sa part d'influence dans la suite dc que, parmi une centaine de suppliques reçues ct venant l’aiTairc. d’évêques dc contrées diverses, de vicaires aposto­ 2· Institution d'une Consulte théologique et d'une liques et dc chefs d’ordres, 70 étalent dc prélats Ita­ Congrégation pontificale (FT juin 1848-8 mai 1862).— liens, 11 des États pontificaux ct les autres du royaume Décidé à marcher de l’avant, Pie IX commença la des Deux-Sicilcs, avec une demande faite pcrson- série des actes qui devaient aboutir à la définition du ncllemcntpar le roi Ferdinand IL Roskovàny, op. cit., 8 décembre 1854. Il Institua, le 1er juin 1848, une L iv, p. 119-219. Consulte dc théologiens, chargés d’examiner cette Avant même que toutes ces pièces tussent arri­ question : -Y-a-t-il lieu d’accéder aux vives instances vées à Rome, Pic IX avait donné un témoignage ma­ d’un très grand nombre d’évêques, spécialement en ce nifeste de ses sentiments, en signant dc sa propre qui concerne une décision pontificale? La Consulte se main un décret de la Sacrée Congrégation des Rites, du composa d’abord dc vingt membres : prélats faisant 30 septembre 1847, qui autorisait un ofilce entière- j partie dc Congrégations romaines, généraux ou reli­ ment propre dc l’immaculée conception dc Marie, · gieux de divers ordres, quelques maîtres dc renom. avec messe pour le jour de la fête ct durant l’octave. Quatorze dc leurs réponses sont reproduites dans les On y retrouvait les expressions les plus notables de Atli publiés par Mgr Sardi; quelques-unes sont très l’office de Léonard dc Nogaroic, celle-ci, par exemple : développées, en particulier celle du supérieur des prê­ Immaculatam conceptionem virginis Martre celebremus. tres dc la Mission de Tivoli, Pierre Biancheri, t. i, Et ccs antiennes : Sicut lilium inter spinas, sic arnica p. 272-554; Pareri, t. v, p. 181-575. Somme toute, rva infer filiat; Tota pulchra es, amica mea, ct macula trois consultcurs seulement se montrèrent défavo­ ron est in te; Nihil inquinatum (n eam incurrit, candor rables à la définition; les dix-sept autres furent d’avis tes luds erlerrue, speculum sine macula. La collecte qu’on pouvait la prononcer, en s’appuyant sur l’Écri- 1197 IMMACULÉE CONCEPTION turc, Ta tradition, la doctrine dc l’Église ct la litur- t gic; un très petit nombre exprima cependant des doutes sur la question d’opportunité. Alli, t. n, p. 95. Un peu plus tard, neuf autres théologiens furent ap­ pelés fi donner leur avis, trois en septembre 1850 et six en juillet ct août 1851 ; toils se déclarèrent en fa­ veur dc la définition, sauf un seul, .Mgr Tlzzanl, an­ cien évêque dc Terni, dont les objections seront indi­ quées plus loin. Pic IX nc s’était pas borné à l’institution d’une Consulte théologique; pendant son séjour ά Gaële il avait, le G décembre 1818, désigné huit cardinaux ct cinq consultcurs (en dehors du secrétaire) pour tenir à Naples, sous la présidence du cardinal Lambruschinl, une congrégation antépréparatoirc. Elle sc tint le 22 décembre. Les délibérations portèrent sur ces ! deux questions : Étant données les demandes faites par la majeure partie des évêques du monde catho­ lique ct par le sérénlssimc roi des Deux-Sicilcs, Fer­ dinand II, y a-t-ll Heu dc conseiller au Saint-Père de déclarer que la bienheureuse vierge Marie a joui du privilège singulier d’être conçue sans la tache ori­ ginelle? Et si oui, de quelle manière Sa Sainteté pour­ rait-elle, dans les circonstances actuelles, procéder à la déclaration dont il s’agit? Discussion faite, tous les membres présents répondirent oui à la première ques­ tion. Il n’y eut pas sur l’autre point la même unani­ mité, ct la résolution fut : Dilata, cl ad mentem. L’ex­ plication ajoutée portait qu’on conseillerait au SaintPère d'adresser aux évêques une encyclique, pour de­ mander surtout des prières en vue de la définition, i mais aussi pour les inviter tous à donner leur avis sur la question d’opportunité, an expediat definitio. En outre, les consultcurs devaient répondre par écrit aux cinq points suivants : Est-il bien constaté que, de nos jours, l’Église ait pris les devants ct qu'elle demande une définition dogmatique dc l’immaculée conception dc Marie? L’Église dispersée à travers le monde a-t-eUe, depuis les temps apostoliques, ad­ mis le privilège dans un sens exclusif de toute ombre dc tache originelle, suivant la doctrine explicitement soutenue par les derniers ct très doctes apologistes qui ont parlé du sujet ex professa?Qu*est-ccque ΓAn­ cien Testament fournit pour ou contre l’immaculée conception, dans le sens où nous la prenons? Dc même, en cc qui concerne le Nouveau Testament. L'examen des cuchologes, grecs, orientaux ct latins, qui datent du ni· siècle ou peu après, ct des autres qui ont suivi jus­ qu'à nos jours, permet-il d’affirmer la pieuse croyance Panri, t.in,p.31O. Considérations développées dans une autre lettre de Γ arche v êque, 25 août 1819, ct dans la consul­ tation dc scs théollgiens. Ibid., t. n, p. 26 sq. ; t. vu, p. 326 sq. En face de ccttc in finie minorité se dressait la masse Imposante dc 546 évêques, plus des neuf dixièmes, qui avaient accepté purement ct simplement la défi­ nition projetée, témoignant ainsi qu’ils regardaient lo privilège comme contenu au moins implicitement dans le dépôt dc la révélation. Beaucoup s’étalent même formellement expliqués sur cc point, soit dans leurs lettres au pape, soit dans des mandements ou des discours sur l’immaculée conception faits à la même occasion. Tels, en France, Mgr Parisis, évêque · dc Langrcs; en Italie, Γarchevêque de Chietl;cn Espa­ gne, le cardinal de Rome, archevêque de Séville, ct beaucoup d’autres. Pareri, Ι.νιι,ρ. 253 ; appendice,p.vi ; t. vm, p. 131 ; Roskovàny, op.cit., t.vj, p. 494 sq.Tous ccs évêques croyaient ù l’opportunité d’une défini­ tion; souvent ils en exposent les convenances, les avantages et même la nécessité morale, au point où les choses en étaient arrivées. Ceux qui vivaient dans des milieux composés do catholiques ct d’hérétiques ou d’incroyants sc rendaient bien compte des attaques et des récriminations que l’acte pontifical pourrait susciter, mais Ils estimaient qu’il n’y avait pas lieu de reculer devant ccs inconvénients, accidentels cl 1199 IMMACULÉE CONCEPTION secondaires; fl suffirait dc tenir compte de la disposi­ tion des esprits dans la manière de présenter le dogme; c’est en cc sens que le cardinal Stcrckx, archevêque dc Malines, ajoutait à son acte d’acquiescement ccttc remarque, Pareri, t. n, p. 4 17 : < Peut-être sera-t-il à propos d’exposer clairement ct nettement, dans le décret apostolique, la tradition divine, pour bien mon­ trer qu’on ne veut rien établir dc nouveau, niais qu’on ne fait que déclarer ct confirmer l’antique croyance de l’Église. Dc ccttc façon, on pourrait avoir l’espoir de fermer la bouche aux gens mal intentionnés, ou du moins dc rendre plus facile aux défenseurs dc la foi la réfutation dc leurs calomnies. > Les réponses des évêques jointes aux travaux des théologiens de la Consulte ct delà congrégation antépréparatolrc formaient un vaste dossier que devaient utiliser ceux qui seraient chargés dc rédiger la bulle dc définition. Beaucoup d’autres documents s’ajoutaient, insérés dans la continuation des Pareri : demandes de définition provenant dc chapitres, d’ordres religieux ou dc particuliers; extraits dc conciles provinciaux te­ nus en divers endroits, en France spécialement; ins­ tructions pastorales ou mandements; opuscules sur l’immaculée conception, soit antérieurs à l’encyclique Vbi primum, comme ceux dc dom Rivarol a, du car­ dinal Lambruschini, des PP. Bianchcri, Spada ct Perrone, soit postérieurs, comme le Mémoire dc dom Guéranger, une dissertation du franciscain espagnol Pierre Gual sur la définibilité, la première partie du Sylloge monumentorum du P. Antoine Ballcrini. En tête du jv· volume, on remarquait une étude sur les Convenances sociales delà définition, parue d’abord dans la Cioillà catlolica, Rome, 1851, lre série, L vxn, p. 377; l’auteur, le P. Calvctti, montrait dans l’acte pontifical dont il s’agissait, non seulement un moyen efficace d’exciter la piété des fidèles et le zèle des pasteurs, mais encore, en face des erreurs du ra­ tionalisme et du semi-rationalisme contemporains, un rappel ct une affirmation solennelle des dogmes fon­ damentaux opposés : chute originelle, besoin dc ré­ demption, caractère divin dc Jésus-Christ, de sa per­ sonne, dc sa mission ct de son oeuvre, prix dc la grâce sanctifiante ct des dons surnaturels qui s’y rattachent, nécessité dc la lutte contre les passions, dépendance à l’égard dc Dieu, etc. 4· Congrégation spéciale pour la rédaction de la bulle de définition (10 mai 1852-2 août 1853). — Les répon­ ses des évêques ne pouvaient qu’encourager Pie IX à marcher résolument dans la voie où il s’était engagé. Conformément à l’avis dc ceux qui jugeaient expédient de joindre à la définition dogmatique un exposé des fondements ct du développement dc la croyance dans l’Église, il s’occupa, dès le mois de mars 1851, de la préparation d’une bulle pontificale Alti, t. i, p 671. Vn schème, Deus omnipotens et clemens, fut rédigé par le P. Perrone ct discuté par cinq théologiens, dont deux seulement l’approuvèrent. Un autre suivit.Quemadmo­ dum ecclesin, qui fut probablement l’œuvre dc Passaglia; il avait ccci de particulier que la définition dc rnnmaculve conception y était accompagnée d’une condamnation explicite des erreurs modernes. Ibid. Lu, p. 22-16,60-76, Cc second schème, comme le pre­ mier, ne fut pas utilisé. Pie IX résolut de donner plus d’ampleur à la discussion; à cet effet, il institua, le 10 mai 1852, une congrégation spéciale de vingt théo­ logiens, sous la présidence du cardinal Fomari. Ibid., p. 780 sq. Une commission fut nommée ct commença immédiatement scs travaux; le résumé s’en trouve dans la pièce Breve expositione degli Alli della Com­ missione speciale, p. 791-838; en latin dans Rosko\ u.v, t. vr, p. 13-68. Uae question de principe fut d’abord t raitée : < Quels sont les caractères ou les Indices, d’après loquets on 1200 I peut juger si une proposition constitue une matière digne d’être soumise à un jugment solennel du magis­ tère catholique? » Afin d'écarter préalablement ccrtaincs prétentions injustifiables des adversaires, les consultcurs posèrent d’abord plusieurs conclusions dc forme négative. Pour qu’une proposition puisse devenir vérité dc fol catholique, il n’est point néces­ saire que, dans le passé, il n’y ait pas eu diversité d’opinion dans l’Église catholique, ct que tous aient été constamment d’accord sur le point dont il s’agit. 11 n’est point nécessaire qu’on ne puisse pas alléguer des écrivains, même d’autorité, à l’encontre dc la doc­ trine qu’on songe à définir. Il n’est point nécessaire qu’il y ait en sa faveur des témoignages explicites ou même Implicites de la sainte Écriture, celle-ci n’é­ tant pas l’unique source dc la révélation. 11 n’est point nécessaire, en cc qui concerne la tradition, qu’on pos­ sède une série dc Pères et dc témoignages remontant jusqu’à l’âge apostolique. La prétention contraire s’appuie sur des hypothèses ou des assertions dc cc genre : les Pères ont mis par écrit toute la doctrine prêchée depuis l’origine du christianisme; tous les monuments de l’antiquité nous sont parvenus; l’ob­ jet total de la foi a toujours été conçu distinctement et exprimé formellement; la tradition ( dogmatique) d’une époque postérieure peut être en désaccord avec celle d’une époque antérieure; dc la doctrine professée, à n’importe quel siècle, on ne peut pas conclure légi­ timement que cette doctrine n’a jamais été niée par le plus grand nombre et qu’elle a toujours été profes­ sée, au moins d’une façon implicite, par le plus grand nombre. Or, ce sont là des hypothèses ou des asser­ tions dont la fausseté sc prouve soit par la nature de la révélation chrétienne, et du magistère ecclésias­ tique, soit par l’histoire des dogmes définis au cours des siècles. Dès lors, que d’objections ressassées par les adversaires d’une définition tombaient d’ellesmêmes! Telle, notamment, l’objection tirée de cette phrase célèbre dc Vincent dc Lérins, Commonitorium, L I, c. n, P. L., t. L, col. 610 : Id teneamus, quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditum est. Adage vrai dans le sens où le prend l’auteur, c’est-à-dire dans un sens positif; mais faux, d’après le contexte même, dans le sens négatif ou exclusif, que rien ne puisse être défini comme vérité dc fol sans avoir été préalable­ ment cru toujours, en tous lieux ct par tous. Aux canons d’ordre négatif succédèrent ceux d’or­ dre positif. Pour reconnaître si une proposition est définissable dc foi divine, on peut considérer comme suffisants ccs divers caractères ou indices : un certain nombre dc témoignages solennels qui contiennent la proposition discutée; le fait dc pouvoir assigner un ou plusieurs principes révélés qui renferment ccttc pro­ position; la connexion mutuelle des dogmes, ou, cc qui revient au même, la nécessité d’admettre comme révélée une proposition dont le rejet entraînerait né­ cessairement ct immédiatement la fausseté d’un ou plusieurs articles révélés; l’enseignement concordant de l’épiscopat actuel; dans de certaines conditions, la pratique dc l’Église, en entendant par là un acte ex­ terne de culte ct dc religion, posé universellement et solennellement en vertu d’un précepte strict. Une pra­ tique dc ce genre suppose une vérité spéculative qui la dirige ct la détermine. Cette vérité théoirque peut dépendre d’un fait non révélé, comme la persévérance finale dans le culte des saints, une apparition, une vision ou quelque autre circonstance dans certaines fêtes. Il faudra donc, pour que la pratique dc l’Église puisse être présentée comme un critère de définibilité, établir qu’elle se rattache à une vérité spéculative révélée, cc qu’on peut faire, soit en considérant la nature dccctte vérité soit en recourant à des tcinoignages extérieurs convenables. 1201 IMMACl LÉE CONCEPTION Ccs principes posés, les membres de la Commission passèrent à la question de fait ou d'application. Ils ne s’arrêtèrent pas aux critères dont la réalisation était manifeste, par exemple, la doctrine concordante de l’épiscopat actuel et la croyance commune des fidèles, attestées qu’elles étaient par les réponses à l’encyclique pontificale. Ils sc bornèrent à montrer comment l’immaculée conception de la Vierge était contenue dans les deux sources fondamentales dc la révélation chrétienne. Nous avons vu, col. 859, 862, cc que furent leurs conclusions au sujet dc la sainte Écriture : iis jugèrent que le glorieux privilège appa­ raissait comme enveloppé dans le Prolévangile ct la salutation angélique, quand on les étudie sous la lumière dc l’interprétation patristique. En cc qui con­ cerne la tradition, ils Invoquèrent ct citèrent un grand nombre d’autorités affirmant la sainteté de la mère de Dieu ct écartant d’elle toute tache d’une façon générale ct indéfinie, parfois même dans son origine pre­ mière ou sa conception. Empruntés pour la plupart à l’Église d’Orient, ces témoignages patristiques ct li­ turgiques trahissent l’influence du grand ouvrage, Dc immaculato Deiparæ semper Virginis concepta, que le P. Passaglla, membre de la Commission, composait alors ct qu’il allait publier en 1854. Enfin des considé­ rations sur l’opportunité ct les convenances d’une définition furent ajoutées en guise dc conclusion. A la suite de ces travaux, un canevas fut dressé, Indiquant, comme preuves à utiliser dans la bulle, la convenance, l’Écriturc sainte, Gcn.,ni, 15, la tradition patristique, la fête de la Conception et le sentiment de l’Église universelle. S illoge degli argomenli da ser­ vire αΙΓ cstensorc della Dolia dogmatica. On adjoignit à cette pièce quelques notes explicatives, Dichiarazioni, tendant à éclaircir davantage les arguments proposés ct à résoudre des objections faites du point dc vue scripturaire ou patristique. Alti, t. n, p. 46,55. Lc résul­ tat fut un nouveau schème, dont il nous reste à parier. 5· Discussion du texte de la bulle(22mars - / décent· bre 1804). — Lc nouveau schème, 3· dans les Atti, t. π,ρ. 7G, contenait substantiellement cc qui est reste dans la rédaction définitive, mais sous une forme ct dans un ordre qui donnèrent lieu à dc nombreuses mo­ difications; six fois le texte fut retouché ct perfection­ né. Multiples furent les réviseurs : théologiens consultcurs; cardinaux, au nombre dc 21 constitués le 22 mars 1851 en congrégation consultative; arche­ vêques ct évêques présents ou mandés à Koine ct formant séance du 20 au 21 novembre sous la prési­ dence des cardinaux Brunclli, Catcrinl et Santucci. Diverses remarques faites en ces circonstances mé­ ritent d’être relevées, pour la lumière qu’elles pro­ jettent, soit en général sur la rédaction de la bulle Ine/labilis, soit en particulier sur le sens ct la portée dc la définition dogmatique du 8 décembre. Dans les trois premiers schèmes, celui du P. Perrone ct les deux suivants, les noms des Pères ou des écri­ vains ecclésiastiques dont on donnait les témoignages étaient exprimés; supprimés dans le quatrième, ils reparurent dans les autres, mais mis en note, au bas des pages, avec les titres des ouvrages, comme on peut le voir dans les Atti, p. 125, 151, 177, 259. Sur l’ob­ servation faite en dernier lieu par uncertain nombre dc cardinaux, que, sous ccttc forme, la bulle ressem­ blait trop à une dissertation d’allure polémique ou scolastique, les références furent supprimées. Les té­ moignages furent simplement utilisés ct groupés d’a­ près un ordre logique ou systématique, répondant aux idées qu’ils expriment ou à la façon dont ils les ex­ priment. Mention fut faite des adversaires dc la pieuse cro­ yance qui avaient prétendu rejeter la sanctification de Marie au second instant dc son existence, ou sub­ 1202 stituer, comme objet du culte, la sanctification à 1a conception ; mais rien ne fut dit dc l’opposition de saint Bernard ct des grands docteurs du xm· siècle, maigre quelques remarques, une notamment du cardinal Boberti. Atti, p. 282. En réalité, alors comme maintenant, on ne s’accordait pas sur la question préalable, à sa­ voir si ccs docteurs furent réellement opposés à la pieuse croyance, entendue de la conception passive ct consommée, dans le sens dc la définition projetée. En outre, on voulait éviter tout cc qui pourrait être cause dc froissements entre catholiques. Un seul texte scripturaire, Gen., in, 15, avait été indiqué dans la Sylloge degli argomenli,et il y figurait comme argument distinct, sans référence à l’exégèse patristique ou ecclésiastique. Nous avons vu que les théologiens dc la Commission spéciale ajoutèrent au Protevangile la salutation angélique, mais en consi­ dérant la preuve tirée de l’un ct dc l’autre comme dé­ pendant, dans son efficacité, des données traditionnelles. Cette manière dc voir, partagée par les évêques ct les cardinaux, ne fut pas sans influence sur ia rédaction dernière, suivant ccttc remarque de Mgr Malou, op. cil., 1.1, p. 216 : < Dans la bulle qui contient la défini­ tion du mystère, (Pic IX) n’insiste pas sur les té­ moignages dc l’Écriture comme s’ils formaient un argument à part; mais il les lie, si je puis parler ainsi, aux témoignages des Pères qui en ont déterminé le sens. » Des évêques objectèrent que beaucoup des textes empruntés aux Pères ou aux écrivains ecclésiastiques ne s’appliquaient pas à la conception de Marie. Mgr Malou, de Bruges, répondit que la sainteté affirmée d’une façon indéfinie entraînait la conception imma­ culée; il suffisait donc, pour tout accorder, de di-ti igucr entre les preuves directes ct les indirectes. Alti, t. xi, p. 207. Réponse importante dans la pratique. En face des témoignages indirects, la question n’est pas : Ces témoignages expriment-ils l’exemption du péché originel ou la conception immaculée? mais seu­ lement : La notion plus générale, que ces témoignages expriment, contient-elle cette exemption ou ccttc con­ ception. soit implicitement, soit virtuellement (abstrac­ tion faite dc cc qui peut être une pure querelle dc mots), comme le tout contient la partie, comme l'uni­ versel contient le particulier, comme les prémisses contiennent la conclusion, comme une vérité en appelle une autre, ou par contraste, quand l’une exclut l’autre ou par connexion, quand les deux ont un rapport mutuel? L’argument fondé sur l’autorité de l’Église romaine sanctionnant la fête et la croyance, avec énumération des interventions répétées et toujours de plus en plus expressives des souverains pontifes, ne venait d’abord dans les projets dc bulle qu’en second lieu, après i’exposé des monuments relatifs à l’ancienne tradition. Des évêques proposèrent d’intervertir l’ordre, afin de mieux relever l’importance dc la preuve tine du « fait dc l’Église, » comme ayant pour les catholiques une valeur péremptoire. Ainsi fut fait, Pic IX luimême’ s’étant prononcé pour l’interversion. Alti. p. 207, 235, 291, 300. En 1849, un prêtre de la Congrégation dc l’Oratoire dc Venise avait publié une dissertation insérée dans les Pareri, t. v, p. 663, où il s’efforçait dc montrer que la mère de Dieu a été préservée non seulement dc la faute originelle, mais encore dc toute obligation de la con­ tracter, da ognl debito d* ineo ntrarla. Un membre de la Consulte théologique, Pierre Bianchcri, proposa, dans le même sens, d’attribuer à la bienheureuse Vierge le privilège de l’exemption par rapport à la nécessité dc contracter la tache héréditaire non moins que par rapport à la tache elle-même. Atti, t. 1. p. 528, 532. La proposition resta sans écho. 1203 IMMACULÉE CONCEPTION Une autre question fut soulevée dans la réunion des évêques. Celui d'Ugento, Mgr François Bruni, demanda qu’on ne se contentât pas d’écarter de Marie la tache du pêché proprement dit, qui affecte l’âme, mais qu’on la déclarât aussi préservée ct exempte de la concupiscence ou foyer du péché, sed etiam a fomite et concupiscentia prieservatamet immunem fuisse. Attt, t. n, p. 213 sq. La motion ne fut pas agréée; mais cet évêque fut plus heureux dans l’avis qu’il avait uggéré de faire porter l’exemption de la faute origi­ nelle sur la personne de Marie, ct non sur l’ûmc »cule : de persona, non de sola anima, asserenda sit, contrairement à la formule, empruntée à la bulle Sollicitudo, d’Alexandre VU. qui se lisait jusqu’alors dans les schèmes : animam beatissimæ Virginis, cum primum fuit creata ct in suum corpus infusa... Le car­ dinal Joseph Pecci, évêque de Gubbio, soutint cet avis : il fallait, dit-il, éviter toutes les expressions qui pourraient ramener l’opposition, mise jadis par les théologiens scolastiques entre le corps ct l’âme nu sujet de la conception de la bienheureuse Vierge ct, dans cc but, faire tomber la définition sur la personne, ita ut definitio respiceret personam. Conformément à cc vœu, on remplaça le mot animam par ccs autres: bea­ tissimam virginem Mariam. Atti, t. n, p. 38, 87, 243, 292, 312. Comment l’immaculée conception a-t-elle été révé­ lée : d’une façon explicite ou implicite? Cette question fut discutée, sans être résolue. Divergents avaient été les avis des membres de Ja Consulte théologique : quelques-uns s’étalent contentés de conclure d’une façon Indéterminée à l’existence d’une révélation, soit explicite, soit implicite; d’autres, très peu nombreux, s’étalent prononcés pour une révélation explicite; la plupart avalent soutenu ou supposé une révélation Implicite. La même divergence sc manifesta dans les délibérations des évêques. Mgr Kenrlck, archevêque de Baltimore, observa que le plus grand nombre parmi les catholiques ne croyaient pas à une révélation expli­ cite, quam tamen PLERiQUE catholici non agnoscunt. Alti, t. n. p. 231. Au même ordre d'idées sc rattache une autre cont reverse. Dans le premier schème, comme dans sa DisquistUo theologica, le P. Perrone parlait comme s’il y avait eu croyance explicite ù l’immaculée concep­ tion dès l’âge anténicéen; il s’appuyait sur divers ar­ guments : lettre des prêtres d'Achaïe sur le martyre de saint André, textes de saint Hippolyte ct de saint Dcnys d’Alexandrie, passages où saint Justin, saint Irénée et autres Pères établissent une antithèse entre l’ancienne ct la nouvelle Ève. Aussi la formule de défi­ nition, telle qu’elle était exprimée dans cc schème, contenait-elle l’affirmation d'une doctrine constante de l’Églisc relativement au privilège marial: constan­ tes/ FUISSE ct esse catholicæ Ecclesiæ doctrinam. Alli, t. n, p. 38. Trois sur cinq des théologiens chargés de reviser la pièce critiquèrent l’assertion. Mgr Tizzanl ct un autre s’en prirent aux textes allégués, comme n'étant pas des premiers siècles ou comme n'afflnnant rien de plus que l’intégrité virginale. Le P. Paul de Saint-Joseph, religieux carme, rappela les objections vives it persévérantes que la doctrine de la concep­ tion sans tache avait rencontrées, la réserve prolongée des souverains pontifes, etc. Il fut tenu compte de ce* observations, mais incomplètement, car les termes con tardem fuisse, restèrent dans les schèmes suivants jusqu'au septième ou avant-dernier. Ibid., p. 88, 116, 110, 164, 192. Dans les réunions des évêques ct des cardinaux, les protestations recommencèrent. On re­ nouvela les critiques contre l’authenticité ou la force probante des textes allégués. Mgr Kenrlck contesta nettement l’existence d’une tradition primitive for­ melle : pendant plusieurs siècles, il ne fut pas question Î204 de la conception de Marie. Mgr Athanase Bonaventure, , évêque de Lipari,parla d'une croyance d'abord impli­ cite, ct plus tard seulement explicite. Des prélats alle­ mands, cn particulier les archevêques de Munich, do I Vienne ct de Prague, MgrdeRcizach,Mgrde Rauschcr et le cardinal de Schwartzcnbcrg, accentuèrent la difficulté dans des observations motivées : « Je ne comprends pas, dit le dernier, comment on peut affir­ mer ct réaffirmer quo la pieuse croyance s’est manifes­ tée des les premiers temps de Γ Église par des témoi­ gnages clairs ct indubitables, que la tradition a touI fours existé. » Finalement, les termes contestés dis­ parurent dans le huitième schème ct dans le texte dé­ finitif. Atti, t. n, p. 208 sq., 215, 217, 274, 295. La conclusion des travaux préparatoires eut lieu le 1er décembre. Ce jour-là, Pie IX tint un consistoire secret; après une courte allocution adressée aux carI dinaux, il leur demanda s’ils étaient d’avis qu’il pro­ cédât à la définition dogmatique : Placetne igitur Vo­ bis, ut dogmaticum de immaculata beatissimæ uirginis Maria· conceptione proferamus decretum? Les cardl naux ayant acquiescé, les débats furent clos, et le pape assigna le huit décembre, jour de la fête, pour la promulgation solennelle du dogme : Haque iam mine diem octavum huius mensis decembris, quo de glorio­ sissima; Virginis conceptione festum ab universa Eccle­ sia concelebratur, indicimus pro emittendo ac vulgando hoc decreto. Atii, p. 275. La collection déjà citée des Pareri dell* Episcopato, Mgr Vincenzo Sardi, La solcnne deftnizione del dogma dell* immacolato conccpimcnto di Maria santissima. Alli c docu­ menti pubblicati nclcinquantesimo anniversario della stessa deftnizione, Rome, 1905; Roskovâny, op. ell., t. iv, vi; J. Perrone, S. J., De immaculato beatissimæ virginis Maria: conceptu, an dogmatico decreto definiri possit, Rome, 1847; ed. altera emendata, Munster, 1848, dans Pareri, t. vi, p.309 ; Pierre Blanched, prêtre delà Congrégation de la Mis sion, Voto in forma dl dlsscrlazione sulla deftnizione dog­ matica dell1 immacolato conccpimcnto della beatissima Vir­ gine Maria, Tivoli, 1848, dans Atti, 1.1, p. 272, ct Pareri, t. v, p. 181; dom Guéranger, Mémoire sur la question de VImmaculée conception de la très sainte Vierge, Paris, 1850, dans Parcri,t. vu, p. 1 ; Pierre G uni. O. M.»Dclladcftnibilità delta concczionc immacolata di Maria, Rome, 1852, dans Pareri, t. vm, p. 1 ; Antoine Ballcrini, S. 3.,Syllogc monu­ mentorum ad mysterium conceptionis Immaculata uirginis Deipara: illustrandum, Rome, 1854, dans Pareri, t. x; C. Pnssng3i^tDeimmaculaloDclparicsempervirginisconceptu commentarius, Rome, 1854; card. Gousset, La croyance générale el constante de Γ Église touchant Γimmaculée con­ ception de la bienheureuse vierge Marie, prouvée principa­ lement par les constitutions et les actes des papes, par les lettres ct les actes des évéques, par Venseignement des Pères el des docteurs de tous les temps, Paris, 1855; Mgr Malou, op.cit., t.i,c. \ti, p. 217 sq.; t. n, c. xn, § 5. ZF. LA BULLE INEFFABILI3 DEÜ3 : SYNTHÈSE BE3 PREUVES.— L’acte décisif fut accompli le 8 décembre 1854, parla lecture officielle du document pontifical qui contenait, dans sa dernière partie, la formule de définition dogmatique. Le texte a été donné ct expli­ qué au début de cet article, col. 845. Reste à parler du préambule ou partie d’exposition, sorte de résumé, du long travail d'élaboration qui s’était fait dans l'Églisc depuis des siècles ct qui était devenu plus intense à l’approche du terme. On se rappellera la remorque faite, col. 848, que seule la définition est garantie par rinfaillibilité pontificale et exige un acte de foi. Ie L'exposéhistorico-doctrinal. — Pie IXcommence par énoncer la raison dernière des Insignes privilèges I accordés à Marie : c’est l’union étroite qui, dans le plan divin, existe entre elle et le Verbe incarné. De toute éternité Dieu le Père décréta le rachat du genre humain par son Fils unique, ct il lui choisit une mère, aimée dis lors d’un amour de prédilection. De la ccs trésors incomparables de grâce qui, dans une mère de 1205 IMMACULÉE CONCEPTION 1206 Dieu, étalent de toute convenance, et quidem decebat l’innocence originelle, Ils ne sc contentent pas de les omnino, cn particulier, une parfaite exemption du mettre sur un pied d’égalité; dans une antithèse frap­ péché ct une pleine victoire sur l’antique serpent. pante, ils élèvent la seconde Ève bien au-dessus de la Vient ensuite le fondement principal de la défini· première ct mettent particulièrement en relief ce tion. Il est emprunté ù la tradition de l'Églisc, con­ trait significatif : l'une perdit l’innocence ct l'amitié sidérée qu sens actif ou subjectif de régie vivante de la divine pour avoir prêté l’oreille aux insinuations per­ croyance, Λ laquelle il appartient d’interpréter et de fides du serpent; l’autre, au contraire, fit toujours pro­ sanctionner les vérités transmises de siècle cn siècle. gresser le don primitif ct, loin de prêter l’oreille aux Ccttc tradition nous est présentée d’abord dans sa Insinuations de l’ennemi, ébranla jusqu’aux fondements dernière période, celle où la croyance à la conception sa puissance ct son empire par la force dont Dieu la sans tache s’accentue, sc fixe ct s’impose. Divers fac­ revêtit. teurs concourent au résultat : ordres religieux, univer­ De là tant d’appellations où l'idée d’innocence et sités, docteurs les mieux versés dans la science des de pureté apparaît, appliquée à la Vierge dans un sens choses divines, évéques agissant à titre Individuel ou comparatif ou absolu : lis parmi les épines; terre abso­ collect if. Mais le facteur décisif, auquel tout le reste lument Intacte, sans tache, sans souillure, toujours est subordonné,c’cst l’attitude du magistère suprême, libre ct exempte de toute contagion du péché;terre manifestée par les actes multiples ct de plus cn plus dont le nouvel Adam a été formé ; paradis d’innocence, expressifs des pontifes romains cn faveur de l'exemp­ d'immortalité ct de délices, Irréprochable, tout lu­ tion, et aboutissant enfin àl’instltutionctù l’imposition mineux ct tout agréable, planté par Dieu lui-même ct d’une fête ayant pour objet la conception même de protégé contre toutes les embûches du serpent veni­ Marie, avec cet te circonstance notable, que, dans les meux; bois Incorruptible, que le ver du péché n’a Ja­ monuments liturgiques qui s’y rapportent, les ter­ mais pu atteindre; fontaine toujours limpide ct scel­ mes dont la sainte Écriture sc sert cn parlant de la lée par la vertu de l'Esprit Saint; temple tout divin ; Sagesse incrééc ct de son éternelle génération, sont unique ct seule fille, non de la mort, mais de la vie; rcI jeton non de colère, mais de grâce, qui, par une pro­ adaptés à l’origine de la mère de Dieu. Tous ces facteurs supposent, comme fondement vidence spéciale de Dieu, en dehors des lois établies ct ultérieur, une tradition qui avait précédé, celle des communes, est sorti d’une racine corrompue et infec­ saints Pères ct des écrivains ecclésiastiques anciens, tée, sans jamais être privée de sa verdure. Les affirmations cn termes propres et précis s’ajou­ dont l’enseignement, de moins cn moins explicite ù mesure q u’on remonte davantage le cours des siècles, tent au langage métaphorique. Les Pères ne veulent est comparable ù une esquisse et à des semailles : si pas que, là où 11 s’agit de péché, la mère de Dieu qua antiquitus informata sunt, et Patrum fides sevit. soit mise cn cause; ils la déclarent exempte, par privi­ Multiples sont les manifestations de cc genre. Ccs lège, de toute tache ou souillure du corps, de i'âme ct de l’esprit, toujours vivante cn Dieu, toujours unie anciens témoins, Pères ct écrivains ecclésiastiques, ont vu dans le Protévangile, Gen., in, 15, Notrc-Sci- à lui, toujours dans la lumière ct jamais dans les té­ gneur Jésus-Christ, rédempteur du genre humain, ct nèbres, demeure digne du Christ par la grâce originelle. sa très sainte mère, unis dans une commune Inimitié Particulièrement expressifs sont les termes dont ils contre l’antique serpent. Pour signifier la victoire sin­ font usage cn parlant de la Vierge considérée dans sa gulière de la Vierge mère, son innocence, sa pureté, son conception : fruit de grâce; première-née, comme fu­ ture mère du prcmicr-né, apparaissant dès le début insigne sainteté, son exemption de toute tache du péché, l’abondance Ineffable des grâces, des vertus comme une aurore d’une éblouissante pureté; taber­ ct des privilèges dont clic a été comblée, ils lui ont nacle créé par Dieu lui-même ou formé par le Saintappliqué diverses figures de l’Ancien Testament, sa­ Esprit ; vase d’élection qui ne devait avoir de commun luant cn elle : l’arche de Noé sortie indemne de l'uni- avec les autres enfants d’Adam que la nature, et versel naufrage; l’échelle de Jacob qui s’étend de la non les fautes ni les taches. La mémo croyance se manifeste dans les formules terre au ciel ct dont le Seigneur lui-même occupe le sommet ; le buisson ardent qui, au milieu des flammes d’éminence ou de transcendance si fréquentes chez pétillantes, ne sc consume pas ni ne souffre de les écrivains ecclésiastiques, quand ils appellent Marie perte ou de diminution, mais verdit ct fleurit d’une non seulement immaculée. Innocente, exempte de ta­ façon merveilleuse; la tour inexpugnable placée en che, sainte et pure, mais tout immaculée, tout Inno­ face de l’ennemi; le jardin fermé dont l’accès ne peut cente, toute sans tache, étrangère aux moindres soull être forcé; la lumineuse cité de Dieu, dont les fonde­ lures du péché, toute pure ct intacte, le type ct le mo­ ments reposent sur les saintes montagnes; le très dèle même de l’innocence ct de la pureté, plus belle auguste temple de Dieu qui, brillant des splendeurs que la beauté, plus gracieuse que la grâce, plus sainte que Ja sainteté, seule sainte, au-dessus de toute Inté­ célestes, est rempli de la gloire du Seigneur. Aux figures succèdent les expressions symboliques, grité et de toute virginité, seule devenue tout entière empruntées aux prophètes, pour désigner la somme des le domicile ct le sanctuaire des grâces de l’Esprit grâces reçues par Marie ct son Intégrité originelle : Saint, cn sorte qu’en dehors de Dieu, rien n’égale sa pure colombe, sainte Jérusalem, sublime trône de mère, plus belle, plus noble, plus sainte par sa grâce Dieu, maison et arche de sanctification que l’éternelle native que les chérubins les séraphins ct toute l’ar­ Sagesse s’est construite, reine appuyée sur son bien- mée céleste. Enfin, c’cst la voix des liturgies qui sc mêle à celle alméet sortie dclabouchc duTrès-I laut toute parfaite, des Pères ct des autres écrivains pour saluer la mère toute belle, tout agréable aux yeux de Dieu. Dans les paroles adressées à la Vierge par l'archange de Dieu ou l’invoquer dans des termes non moins Gabriel ct par sainte Élisabeth, les Pères ne voient pas I louangeurs : colombe toute belle ct sans tache; rose seulement une salutation extraordinaire, unique cn i toujours fleurie, absolument pure, toujours innocente son genre, ils y trouvent l’indice d’une bénédiction et sainte; innocence qui n'a jamais été blessée; nou­ qui exclut toute idéede malédiction ct d’une plénitude velle Ève qui a enfanté l'Emmanuel. de grâce qui appelle une sainteté, une Innocence suEn somme, pour résumer tout cet exposé avec la périeure ù celle de toute autre créature ct dont la bulle elle-même, § Nil igitur mirum, l’immaculée con­ sublime dignité qui cn est le fondement, In dignité de ception de la bienheureuse Vierge nous est présentée mère de Dieu, peut seule faire entrevoir l’étendue. comme < une doctrine qui, au jugement des Pères, Comparant Alarie avec Ève jouissant encore de est consignée dans les saintes Lettres, qu'ils ont eux- 1207 IMMACULÉE CONCEPTION mômes transmise en des témoignages graves ct nom­ breux, que la vénérable antiquité professe souvent dans d’insignes monuments ct que, finalement, l’Égllse a revêtue, en la proposant elle-même, de sa haute ct souveraine autorité. » 2· Synthhe des preuves ct connexion du dogme avec ta rMlaiion divine.— Nous retrouvons dans la bulle dc définition les chefs dc preuves Indiqués dans le S ullage degh argomenti, col. 1201 : convenance. Écri­ ture sainte, tradition patrlstlquc, fête de la Concep­ tion, sentiment dc I’Église universelle. Mais les trois dernières preuves rentrent, comme parties intégrantes, dans l’argument dc tradition pris dans son ensemble. 1. Convenance. — Dans la bulle comme dans le Sylloqe, cette preuve est rattachée au titre dc mère dc Dieu ct au rôle unique qu! en résulte pour Marie dans l’œuvre dc la rédemption. Il ne s'agit pas de la simple convenance qui s’attache à tout cc que Dieu opère effectivement, convenientia rei /aclir; il s’agit d’une convenance spéciale, fondée sur un titre qui appelle positivement le privilège, convenientia rei /aciendir, ct dès lors s’imposant moralement Λ l’être parfait qu’est Dieu. Que cet argument ait des racines profondes dans l’ancienne tradition, toute l’étude présente le démon! rc. Nous l’avons rencontré dc bonne heure chez les Pères grecs ct latins. Au xn· siècle, les champions dc l’immaculée conception, Endmer ct scs associés, en firent particulièrement usage. Scot ct ses disciples le développèrent: Patuit, decuit, fecit. Nous avons vu quel parti en ont tiré des orateurs, comme Gerson, Bossuet ct autres. Les simples fidèles allaient comme d'instinct à la même conclusion; dc là cc que nous avons constaté plus d’une fols, des sentiments d’étonnement, dc malaise, ct parfois d’irritation, quand un prédicateur osait attaquer publiquement la sainte conception de la mère de Dieu. Cet argument mène-t-il jusqu’au dogme, tel qu’il n été défini par Pie IX? S’il permet d’affirmer la réalité du privilège, il ne semble pas que, pris en sot, et d’une façon abstraite, 11 suffise ά l’établir comme vérité divinement révélée. N'avons-nous pas rencontré, au cours dc cette étude, des théologiens graves qui admettaient cet argument ct sa valeur probante, ct qui, pourtant, ne considéraient pas le privilège comme définissable dc fol divine? Mais rares ont dû être ceux qui sc sont cantonnés dans cc point dc vue partiel ct étroit. 2. Écriture sainte. — Les deux textes cités dans la bulle, Gen., ni, 15 ct Luc., 1, 28,42, ont été utilisés par les Pères ct les écrivains ecclésiastiques. Voir col. 853 sq., 862 sq. Des explications données il résulte que, d’après un grand nombre de théologiens, ces textes, pris sous la lumière de l’interprétation patrlstlquc ct ecclésiastique, contiennent un témoi­ gnage implicite en faveur du privilège. Dom Guéranger écrivait dans son Mémoire, § 6 : < Nous con­ viendrons volontiers que ces divers textes ne for­ ment pas une démonstration évidente; mais il faut bien reconnaître aussi que, si une définition favorable intervenait, le sens de ces textes serait définitivement fixé, et Ils acquerraient une valeur dc preuve positive qui leur manque jusqu’à présent.! La définition du 8 décembre 1854 n’a pas porté sur ces textes; Il reste seulement qu’ils ont été Jugés assez solides pour figurer dans l’expose doctrinal qui précède la définition ct tend à la jud l fier. 3. Tradition. — C'est comme organe actif, mani­ festant, transmettant ou sanctionnant la croyance à la conception sans tache de Marie, que la tradition est invoquée dans la bulle : témoignages des Pères, im­ plicites ou explicites, généraux ou particuliers; célé­ bration dc la fête dans le sens Inimnculislc, en Orient La synthèse des preuves dc rfmninculécconceptlon,coTnniencéo longtemps avant la définition par les principaux défenseurs du privilège, sc trouve, perfectionnée ct com­ plétée, surtout nu point dc vue scripturaire ct patriotique, dans les cours do théologie plus récents. La plupart des auteurs touchent la question dans le De Verbo incarnato: Schecbcn, Handbuch drr katholi tchrn Dognudik, t.in,p,270, Fribourg-cn-Brl*gau, 1882; J.Pohle, LchrbuchderDogmatik, 4· édit., Paderborn., 1909, t. a, q. 257; trad. nngl. sous le titre dc Marlologg, par A. Preuss, Saint-Louis (Mo.), 1914; L. Janssens, De Dro homine, t. n, p. 30; G. Van Noort, Dc Deo redemptore, sect·in, 2· édit., Amsterdam, 1910, D’autres rattachent la question nu péché originel: Palmieri, Tractatus dc peccato originali ct de immaculato IL V. Deipara conceptu, 2* édit.» Home, 190 i; Ch. Fetch, Dc Deo creante et elevante,sect. jv.n. 4. D’autres, formant de la Mnriologlc un traité distinct, y font naturellement rentrer l’immaculée conception: Λ. Μ. Léplclcr, Tractatus de D, virgine Maria maire Det, part. Il, c. 13,3· édit., Paris, 1900; C. Van Crombrugghe, 'Tractatui de B. virgine Maria, c, ut, Gand, 1913. V, Apnfcs LA D&nNITlON J ADVEUSAHllIS ET D&FKN- si.uits. — Pour les enfants dévoués dc I’Église catho­ lique, la promulgation officielle du glorieux privilège fut une cause dc Joio comparable à celle qui s’était manifestée jadis ù Éphèsc quand la maternité divine avait été solennellement revendiquée contre les déné­ gations dc Ncstorius, Les Aid racontent, dans une dernière partie, ce que les fêtes furent ù Rome ct quel accueil l’acte pontifical reçut dc la part des catho­ liques; parmi les Instructions pastorales faites à cette occasion et rapportées p. 535, 627, on est heureux de rencontrer, en Franco, celles des archevêques cl évêques dc Paris, Lyon, Reims, Chambéry, Poitiers, Orléans, Bcllcy et Marseille. Une autre note devait nécessairement sc faire ouïr. /. AnrnnsAtnts ttT lkühs attaques. —S’il fallait s’attendre ù des protestations dc la part de ceux qui» séparés de I’Église romaine, ne reconnaissent ni l’autorité du magistère souverain ni les principes dogmatiques que la définition du 8 décembre 1851 supposait, on aurait pu espérer que, chez les catho­ liques, tous seraient dociles à la voix du pasteur; H n’en fut malheureusement pas ainsi. 1° L'opposition chez les catholiques. — SI regrettables qu’aient été les défections survenues alors. Il s’en faut de beaucoup que,parleur nombre ou par leur Impor­ tance, clics nient justifié les craintes excessives quo la 1210 perspective d’une définition avait fait concevoir aux pessimistes ct aux timides. Quand on examine la liste, donnée par Rcusch et par RoskovAny, des écrits publiés contre l’acte pontifical, on n’en trouve qu’un petit nombre sortis de plumes catholiques, et leurs auteurs trahissent presque toujours des tendances jan­ sénistes ou gallicanes. En France, ces opposant! sont représentés surtout par deux prêtres, les abbés La borde ct Guettée. Le premier (t 1855) avait commencé dés 1850 une campagne acharnée contre la définition; en novembre 1851, Il n’avait pas craint d’adresser à Pic IX une Lettre sur Γ (mpossibilité (Tun nouveau dogme relativement à la conception de la bienheureuse vierge Marie, en latin ct en français. Atti, L n, p. 250. La définition prononcée, il soutint son rôle dans un nouvel écrit : Relation et mémoire des opposants, etc. L’abbé Guettée, qui passa plus tard À I’Église russe, publia dans J.* Observateur catholique, qu'il dirigeait, les Observations d'un théologien tordre la bulle et ouvrit largement 5 d’autres adversaires 1rs colonnes de cette feuille, fondée contre l’ultramontanisme. Quelques attaques parurent aussi en Allemagne, en Italie ct en Espagne. Plus retentissante fut la protestation des trois pré­ lats Jansénistes dc Hollande, Jean Van Santen, arche­ vêque d*Utrecht, Henri Jean Van Roui, évêque d’Haarlem, ct I lermann Heykamp, évêque de Daventrlc. Dans une instruction pastorale en langue vul­ gaire sur l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie, 9 juillet 1856, ils affirmèrent que Pic IX avait Injustement fait appel, dans l’encyclique Inef­ fabilia, à la sainte Écriture, ù la tradition, à la doc­ trine constante dc I’Église, au consentement des pas­ teurs et des fidèles, aux actes et aux constitutions des papes. Ils envoyèrent cette Instruction au souve­ rain pontife avec une lettre, publiée dans [Observateur catholique, Paris, 1856, L n, p. 231, où fis protestaient formellement contre la définition, se plaignaient de co que l’ordre épiscopal tout entier n’avait pas été appelé à donner son Jugement et sc réservaient d’interjeter appel en temps ct lieu contre l’acte pontifical. L’ins­ truction pastorale de ccs évêques schismatiques fut condamnée, le 8 décembre, par décret du saint-office. Alti, t. n, p. 705 sq. Parmi les adversaires que le dogme dc l’immaculée conception rencontra dans I’Église catholique, il faut encore compter Dœllingcr, sur la fin dosa vie. Qu’il n’alt pas été, en 1854, favorable ù la définition, on le volt nettement par une lettre, assez embarrassée ct pleine d’un sourd mécontentement, qu’il adressa, le 31 janvier dc cette année, à Fr. Michelis. J. Frie­ drich, Ignaz œn Doellinger, Munich, 1901, t. in, p. 132 sq. Personnellement, il considérait la concep­ tion sans tache comme, < une question sur laquelle rien n’avait été révélé ni transmis ù i’Église. » Cepen­ dant, après comme avant le 8 décembre H garda publi­ quement le silence. En 1863,11 fit même à Munich une leçon, où 11 présenta le privilège dc l’immaculée con­ ception comme une conséquence légitimedudog.nedc l’incarnation : < SI jamais, ajoutu-l-11, les formalités requises pour la définition d’un dogme ont été gardées elles l’ont été aussi pour celui-là, so bel dlesem ·, RoskovAny, op. cit., L ni, p. 561, d’après Schecbcn, Perlodlsche Blatter. sur tvlssenschafllichcn Bespreschung der grossen rcliglosen Fragen der Gegcnivarl, Ratis­ bonnc, 187 l.t.iü,p.5G7sq. Sans doute, il faut sc rappe­ ler ici la théorie des < dogmes canoniques, » exposée par le biographe dc Dœllingcr, op. c//., p. 115;dogmes re­ quérant «une certaine obéissance, · mais non pas une pleine ct ferme soumission dc l’esprit En tout cas, après sn défection provoquée par la définition dc l’infailli­ bilité pontificale en 1870,Dœllingcr changea complè­ tement d’attitude ct dc langage. Dans le congrè » pour 1211 IMMACULEE CONCEPTION Funion des Églises, tenu Λ Bonn en septembre 1874 et qu’il présida, il proposa ct soutint, de concert avec les vieux-catholiques ct Ja majorité des délégués d’Égliscs anglicanes ct gréco-russes, la résolution suivante : < Nous rejetons la nouvelle doctrine romaine de l'imma­ culée conception de la bienheureuse vierge Marie, comme étant contraire à la tradition des treize pre­ miers siècles, d’après laquelle le Christ seul a été conçu cans péché. > Le caractère absolu de l’opposition est relevé par cette circonstance, que cette formule fut acceptée ά l’exclusion d’une autre, plus modérée, qu’un certain nombre, notamment IL Liddon, doyen anglican de Saint-Paul de Londres auraient préférée: Nous rejetons comme dogme de foi la nouvelle doctrine romaine, etc. · ou bien: «Nous maintenons que le nou­ veau dogme romain de l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Mariesi'esl pas un article de la foi catholique, r ce qui laissait Ja porte ouverte à l’accep­ tation du privilège à titre de pieuse croyance. Ricn de plus instructif que la raison apportée par Doellinger lui-même contre cct amendement : e Nous autres théo­ logiens allemands, nous avons un double motif de noue· prononcer résolument contre la nouvelle doc­ trine. D’abord, l’histoire montroqu’clle doit son intro­ duction dans l’Église à une chaîne d’intrigues ct de falsifications. Ensuite, la définition dogmatique de cette doctrine par Je pape eut Indubitablement pour bit de préparer la définition de l’infaillibilité ponti- ( ficale elle-même. Celte doctrine est devenue pour nous une source ct une cause de maux, fons ct origo malo· rum. * U. Rcusch, BerichlÜber die Unions-Konferensen, p. 38 sq. Cette déclaration de principes montre clairement sous l’empire de quelles préoccupations Dœllinger devint l’adversaire, non seulement de la définition, mais encore de Ja croyance. Voir L iv, col. 1516, 1518 sq. 2· L'opposition en dehors de ΓÉglise catholique. — Les diverses communions chrétiennes ne pouvaient pas rester Indifférentes à l’acte pontifical du 8 décem­ bre 1854. Comme il fallait s’y attendre, toutes crièrent au scandale d’eun dogme nouveau. » Exemple, en Grèce, un article paru dans ΓΕύαγγελικδς Κηρυξ, Athènes, 1857, sous ce titre : Histoire du NOUVEAU dogme Latin del' immaculée conception de sainte Anne; titre qui, d’ailleurs, fausse la doctrine de l’Église romaine, en laissant entendre de la conception active de sainte Anne ce que cette Église entend seulement de la conception passive de Marie. Malheureusement, cette méprise n’est pas un fait isolé. Voir col. 964. C’est encore le reproche d'innovation doctrinale, que le patriarche Anthime de Constantinople a lancé contre l'Église romaine dans sa Lettre encyclique de 1895, n. 13 : < L’Église des sept conciles œcuméniques, une, sainte, catholique et apostolique, a pour dogme que l’incarnation surnaturelle de l'unique Fils et Verbe de Dieu par le Saint-Esprit ct la vierge Marie est la seule qui soit pure ct Immaculée. Mais l’Église papale a encore innové, il y a quarante ans à peine, en établissant, au sujet de la conception immaculée de la vierge Marie, la mère de Dieu, un dogme nouveau qui était inconnu dans l’ancienne Église. · Comment la même opposition sc retrouve chez les théologiens russes, mêlée à de fausses idées sur la réelle doctrine de l’Église romaine et sur l’exacte notion du péché originel ou du développement des vérités révélées, on l’a vu ci-dessus, col. 972 sq. Si de l'Église gréco-russe nous passons aux commu­ nions protestantes, cc sont des protestations plus bruyantes et plus étendues, mais dont le thème prin­ cipal ne varie point. Avant comme après la définition, le pasteur calviniste A. Coquerel prêche contre le « dogme nouveau. » A. Stap fait des « éludes sur le nouveau dogme. »E. de Pressensé donne à un article 1212 de la Bevue chrétienne sur l’immaculée conception, en 1855, cc sous-titre : Histoire d'un dogme catholique romain, et comment l'hérésie devient un dogme. Cc qui permet à un autre pastcur calviniste, L. Durand, de proclamer la faillite avérée de l'infaillibilité pontifi­ cale. Mêmes attaques chez les protestants d'Alle­ magne, qu’ils soient libéraux, comme Hase dans son Manuel de polémique protestante, ou conservateurs, comme Graul dans son ouvrage sur les divergences de doctrine. En Angleterre, l’évêque anglican d’Oxford; Samuel Wilberforce, attaqua bruyamment * le nouveau dogme > dans un sermon prêché devant l’université à l’église de Sainte-Marie. Il dénonçait dans la doctrine de l’immaculée conception Cc qu’il justifiait par ce principe, emprunté à la Réforme : a Depuis que le canon de la sainte Écriture a été complété, nul point de doctrine ne saurait jamais être inséré dans les symboles de foi sans qu’on en puisse montrer l’accord avec cette parole de Dieu écrite. » Il concluait que le premier devoir d’un bon anglican était « de protester de nouveau contre cc monstrueux effort tendant à corrompre par des additions humaines la parole divine révélée. » Borne, her new Dogme, p. 17, 24 sq. Ce fut apparemment pour remplir cc devoir qu’après l’appa­ rition à Berlin, en 1865, de l’ouvrage d’Édouard Preuss, alors protestant, contre la doctrine romaine de l’immaculée conception, George Gladstone en publia une traduction anglaise : The Romish Doctrine of the Immaculate, Conception, Londres, 1867. Puscy fut aussi, mais à sa façon, un adversaire du dogme proclamé par Pie IX. Ce qu’il critiqua par­ dessus tout, ce fut la définition; il y voyait « un obs­ tacle de plus mis sur la voie de la réunion de la chré­ tienté, un nouveau sujet de discorde entre l'Église romaine et l’Église grecque, un point de divergence irréductible entre l’ancienne Église ct l’Église romaine moderne, h The Church of England, p. 121. Cette attaque ct d’autres qui l’accompagnaient suscitèrent de vigoureuses réponses de la part des catholiques anglais, en particulier de Newman ct du P. Th. Harper, S. J. Les explications données purent faire comprendre à Puscy qu’il s’était engagé dans une controverse déli­ cate sans avoir une idée nette ni de la doctrine catho­ lique ni de la réelle portée de la définition émise par Pie IX. Il fit même cct aveu dans une lettre adressée à Newman, le 10 juin 1869 : < Je n’ai pas de prévention contre l’hypothèse d’une infusion de la grâce, faite par le Dieu tout-puissant dans l’ûmc de la bienheu­ reuse Vierge au premier instant de son existence. Au contraire, considérant cc qu’il a fait pour Jérémie ct pour saint Jean-Baptiste, la chose me semble cc qu’il y a de plus vraisemblable. Ma seule difficulté vient de la tradition contraire, n H. P. Liddon, Life cf Edward Rouverte Puscy, Londres, 1897, t. iv, p. 164. Si conciliante de ton qu’elles fussent, ces paroles ne contenaient pas d’adhésion positive à la pieuse croyance. Dans la seconde partie de V Eirenicon publiée en 1869, sous le titre de : First letter to the very Bev. J. If. Newman, Puscy reprit, p. 10, son grief principal contre la définition. Pour l’appuyer, II ramena les objections des anciens adversaires ct fit, cn outre, réimprimer In même année, le Tractatus de veritate conceptionis, du cardinal Jean de Torqui mada, tn dédiant le volume aux membres du prochain con­ cile : Concilio Romano mox habendo. Espérait-il faire revenir les pères sur l’acte pontifical de 1854? S’il eut cette illusion, la définition de l'infaillibilité person­ nelle du souverain pontife dut lui ouvrir les yeux, cn meme temps qu’elle détruisit s< s rêves sur la réunion des Églises. Celle dernière controverse eut l’avantage de fournir 1213 IMMACULÉE CONCEPTION 1214 in regard to the reverential tbve due fa the euerblessed Theo­ nux catholiques anglais l'occasion d’expliquer ù leurs compatriotes ce qu'était réellement la doctrine de tokos and the devotion of the Immaculate conception, Oxford, 1869; Karl von Hate, Handbuch der Pmtestanlischcn Polel'immaculée conception, d'après l’enseignement catho­ mlk gegen die Ràmlseh-Kathollsehe Kirche, 4· édit., Leip­ lique. La leçon n’a pas été complètement perdue, à en zig, 1878, p. 331 sq. juger par des livres écrits depuis lors par des rîtuali.stes, par exemple celui que le Df George Lee a con­ II. LBS DÈFBXSEORS DC DOGUE.— Un double pro­ sacré formellement ù la défense du glorieux privilege, grès restait possible après le 8 décembre 1854 : un T/ie sinless Conception of the Mother of God, Londres, 1891, ou encore celui où Spencer Joncs parle occa­ progrès cultuel ctun progrès doctrinal, l'un et l'autre sionnellement de la question, England and lhe Holy I accidentel, c'est-à-dire portant non sur l'objet propre See. An essay towards Reunion, Londres, 1902, p. 304- du culte ct de la croyance désormais fixé, mais sur l'extension ou la solennité du culte et sur la défense 308. ou l'explication scientifique de la croyance. Aug. do Roskovâny, op. cit., t. vî, p. 556 sq., passim; 1° Progrès cultuel. — Pie IX fit préparer et publia, H. Bcusch, Dcr Index der verbotenen Bucher, Bonn, 1883, le 25 septembre 1863, un nouvel office ct une nouvelle L n, p. 1153; F. Hscard, Bibliographie de l'immaculée conmesse pour la fête de l'immaculée conception, office crpt/on,dans io Polyblbllon, partio littéraire, Paris, décem­ ct messe qui devaient remplacer tous les autres. bre 1379, janvier 1880, p. 165 sq. (ouvrages opposé), 167 (réfutations); Tl. Rcusch, Berlcht ûber die am 14, IS, Roskovâny, op. cit., t. χί, p. 411. Les formules seraient and 10 September zu Bonn gehaltenen Unlons-Confcrenzcn, désormais aussi explicites que possible. Tel l’InvitaBonn, 1874,p. 38sq.; cf. Roskovâny, t. vn.p. 629sq. toire : Immaculatam conceptionem Virginis Manæcele­ Attaques diverses, venant d’auteurs à tendances jansénis­ bremus, Christum eius F iliumadoremusDominum-Telle, tes ou gallicanes,précurseurs des vieux-catholiques: Grand lacollcctc,cmpruntéeà l'office deLéonurddeNogcrole: dictionnaire du xix*si<*dc,:irt.Conception;abbéJ.-J.Lubordc, Deus, qui per immaculatam Virginis conceptionem La croyance d l'immaculée conception de la sainte Vierge ne dignum Filio luo habitaculum prxparasti, etc. La bulle peut devenir dogme de /of, 3· éd., Purls, 1851; Id., Relation et Mémoire des opposants au nouveau dogme de l'immaculée Ineffabilis Deus, divisée en segments, fournit les conception ct à la bulle Ineffabilis, Paris, 1855 ; (abbé Guet­ leçons du second nocturne pour le jour de la fête ct tée), Observations d'un théologien sur la bulk de Ple IX, durant l'octave. L’œuvre fut complétée par Léon XIII relative à la conception de la sainte Vierge, Paris, 1855; qui, le 30 novembre 1879, à l’occasion du 25· anniver­ J.-B. Borda s-De moulin ct J. Huet, Lisais sur la réforme saire de la définition, éleva la fête de l’immaculée con­ catholique, part. III, p. 479; Lettres sur ΓImmaculée con­ ception au degré solennel de fête de lr· classe. ception, p. 539; Elude sur la bulle Ineffabilis Deus, Paris, 1856; E. Sccrétnn, Réfutation d'un ouvrage intitulé: La Mais la controverse relative à ce point : Le 8 dé­ croyance générale cl constante de V Eglise touchantΓ immaculée cembre, célèbre-t-on la sanctification de Marie, conception dclasaintc vierge Marie, etc., par l'Eme. ct lime, comme faite en ce jour ou seulement par anticipation, cardinal Gousset, archev. de Reims, dans L'Observateur n’a pas été tranchée. Voir coL 846. D’aprcs la défi­ catholique, Paris, 1856, t. I et n, série d'articles; Poulain nition, le culte tombe sur la personne de la bienheu­ ct E. Sccrétnn, Lettres ά Mgr Malou, évêque de Bruges,sur reuse Vierge, à l’instant même où cette personne fut son livre intitulé : L'immaculée conception considérée comme constituée par l’union de l’àme et du corps; mais dogme de foi, dans la même revue, 1857-59, t. 1V-IX, série d'articles. quand eut lieu cette union? Dans l'hypothèse signalée Attaque gréco-russe : 'Ιστορία του παρά Λατίνο·- νέου col. 1163 ct soutenue maintenant par le plus grand οόγματος τής άσπιλου συλλήψίως τής άγιας ’Άννης, dans nombre, où l'embryon est vivifié dés le début par une Ευαγγελικός Κήρυς, Athènes, 1857, t· ι, ρ. 262; Les âme humaine, rien ne s’oppose à cc qu’on considère réflexions d'unorthodoxesur le nouveau dogme de Γ Eglise ct X'énère la sanctification de la mère de Dieu comme romaine concernant 1'immaculée conception de Marte (en accomplie le jour meme où se célèbre la fête de sa con­ russe), dans Khristianskoe Tchlenlc (Lecture chrétienne) ception. On remarquera d’ailleurs que cette Idée sup­ Saint-Pétersbourg, 1857, t. n, p. 3; 1858, t. T, p. 73. 184, pose encore que nous sommes renseignés exactement 221 ; A. MouraviefT, Question religieuse d9Orient et d*Occi­ dent, Moscou ct Saint-Pétersbourg, 1856,1858-59, p. 345; sur la date de la naissance de Marie ct sur le nombre Le nouveau dogme latin de l'immaculée conception au exact de jours écoulés entre sa conception ct sa point de vue orthodoxe (trad. nngl. par J. M. Ncale, dans naissance. Ces observations suffisent ù montrer que la Voices from the East,iv, Londres, 1859), p. 411 ; Réponse ά fête du 8 décembre n’est pas un anniversaire au sens deux lettres adressées d une dame russe sur Γ immaculée strict du mot. conception: A. Lebedev, Divergences entre les Eglises orien­ Moins de quatre ans après la définition du dogme, tale ri occidentale dans la doctrine sur la très sainte vierge un événement était survenu qui contribua d'une façon Marie, mère de Dieu. L*immaculée conception (en russe), Varsovie, 1881, 2* édit. Saint-Pétersbourg, 1903. Sur ce extraordinaire à l'extension et à la popularité du dernier ouvrage, voir col. 973 ct A. Spaldak, dans Zcltculte. Du 11 février au 16 juillet 1858, la bienheureuse schrifl für katholische Thcologie, Inspruek, 1904, t. xxvin, Vierge apparut dix-huit fois à l’humble enfant dt p. 767: Die Slellung der grlechlsch-russischcn Kirche zur Lourdes qu'on appelle maintenant la Vénérable Ber­ Le lire der unbrflcckten Empfhngnis. nadette Soubirous ; le 25 mars, en la fête de l'Annoncia­ Attaque protestante : A. Coqucrel, Un nouveau dogme tion, sur la demande qui lui fut adressée, de se faire concernant la vierge Marie, Paris, 1854; A. Stop, Etudes connaître, elle répondit: Je suis ΓImmaculée Concep­ s ur le nouveau dogme de l'immaculée conception, Paris, 1857 ; L. Durand, L'infaillibilité pontificale prise en manifeste tion. C’était comme une reprise de l'apparition dont ct flagrant délit de mensonge, ou le dogme de Γimmaculée la Vierge avait gratifié sœur Catherine Labouré, et conception cité ct condamné au tribunal de l'histoire cl des comme une réponse céleste à la proclamation du Pères, Bruxelles, 1859; A. Révillc, art. Conception imma­ dogme par le Vicaire de Jésus-Christ. Rome ne pou­ culée, dans Encyclopédie des sciences religieuses, de Lich­ vait sc désintéresser de faits que des prodiges sans tenberger, t. m; E. JT. Vollet, art. Marie, dans Ja Grande nombre semblaient authentiquer ; clic les examina lon­ Encyclopédie (Paris, Lamirault), t. xxm, p. 95; Sum. Wil­ guement et attentivement. Un premier résultat fut, berforce. Pome, her new Dogma and our duties, Oxford, 1855 ; Ed. Preuss (avant ία conversion). De immaculato conceptu ' en 1S76, le couronnement de Ja Vierge de Lourdes; un b. Marite Virginis, dans son édition de Chemnitz: Examen autre, plus Important,suivit en 1891 ct en 1907: ce fut concilii Tridentint, Berlin, 1861, Append., p. 9G5 ; puis, en d'abord la concession privilégiée, puis l'extension Λ allemand, Die rômhche Lehre der unbefleckten Empfangl'Église universelle d'un office ct d’une messe en l’hon­ niss, Berlin, 1865; J. G null, Die Unterscheldunglehren, neur de l'Apparition de Lourdes. Une fête de la ManlLeipzig, 1865, p. 47 sq.; E. B. Puscy, An Eirenicon, tn a festationdcla médaille miraculeuse fut aussi concédée Letter to the author of < The Christian year, » Oxford, 1866; Id.t First letter to the Rev. Newman in explanation chiefly ,, en 1894, mais d’une façon restreinte. Dans les deux cas, 1215 IMMACULÉE CONCEPTION le titre de la fête ct l’objet propre du culte sc distinguent nettement : le titre, c’est l'Apparition ou la Manifesta­ tion de Ja Vierge Immaculée, source dc Joie, dc reconnais­ sance ct d’espérance; l’objet propre du culte, c’est le privilège même de la bienheureuse Vierge, comme on le voit par J’invitatoire des deux offices, emprunté à la fête du 8 décembre : Immaculatam Virginis con­ ceptionem celebremus... Immaculatam conceptionem virginis Mariæ celebremus. 2· Progrès doctrinal. — Bien que la définition du S décembre 1854 fût un acte définitif ct irreformablc, une chose restait possible : c’était que les évêques catholiques, réunis au Vatican en concile œcu­ ménique, unissent leurs voix à celle du pasteur suprême en adhérant d’une façon collective ct solen­ nelle à l’acte pontifical. Il en aurait été dc la sorte, si les membres du concile avaient eu le temps d’achever leur œuvre. Dans les deux schèmes de la constitution De doctrina catholica, au chapitre concernant le péché originel, c. xvn du primum schema, etc.in du schema reformatum, on lit, après l’affirmation de la loi géné­ rale, le rappel du privilège propre à la mère dc Dieu et défini par Pie IX : A b omnibus tamen fidelibus firmiler credendum constantcrque profitendum est, Dei matrem beatissimam virginem Mariam in primo instanti suæ conceptionis, etc., prout per apostolicam nostram consti­ tutionem, quæ incipit Ineffabilis Deus, a Nobis declaratum iam ac definitum est. Collectio Lucensis, t. vn, coi. 558; cf. p. 516 sq., 550. S’il convient au magistère suprême dc déclarer la vraie doctrine, il ne lui appartient pas moins d’en rejeter les fausses interprétations. Léon Xlllarempli ce rôle, quand il a confirmé la condamnation portée par le saint-office, le 14 décembre 1887, contre une singulière assertion d'Antoine Rosmini sur la manière d’entendre ct d’expliquer le privilège dc l’immaculée conception. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1924. 34. Ad praeservandam bea­ tam virginem Mariam n labe originis, satis erat ut incor­ ruptum maneret minimum semen in homine, neglectum forte ab ipso (hemone, ct quo incorrupto semine do gene­ ratione in generationem transfuso, suo tempore ori­ retur virgo Maria. Pour préserver la bienheu­ reuse vierge Marie dc la tache originelle, il suffisait qu’en Adam une toute petito parcelle dc semence, négligée peut-être par le démon, res­ tât intacte, ct que de ccttc parcelle intacte, transmise de génération en génération, sortit en son temps la vierge Marie. Cette proposition, contenue dans \Ίntroduzione del Vangelo seconda Giovanni, lez. 64, p. 193, est intime­ ment liée à une autre qui la précède dans le document pontifical ct qui se trouve dans le même ouvrage, lez. 63, p. 191. Rosmini suppose qu’au pamdis ter­ restre le démon avait pris possession du fruit défendu et qu’en portant le premier homme à en manger, il entra dans sa partie animale ct la corrompit. Rêverie bizarre, qui ne renouvelait pas seulement l’erreur dc la particula sana, soutenue par quelques-uns au moyen âge, mais qui la compliquait d'erreurs plus graves par cette hypothèse d’une possession diabo­ lique, s’étendant d’abord au fruit défendu, puis à la partie animale de l’homme, avec nombre dc consé­ quences erronées sur la nature, le mode dc propaga­ tion ct les effets du péché originel. Voir Rosminianarum propositionum, quas S. R. U. Inquisitio appro­ bante S. P Leone XIII reprobavit, proscripsit, dam­ navit, Trutina theologica, Rome, 1892, p. 331,353. De leur côté, les théologiens, ne sc sont pas désin­ téressés du dogme proclamé par Pie IX. Le double rôle, qui leur convient : défendre la doctrine de FÉglise et l’expliquer de leur mieux, gardait sa raison d*èlre après comme avant l’acte pontifical du 8 dé­ cembre 1854. Qu’Ils n'aient pas failli à la tâche, les 121G ouvrages cités ct utilisés au cours dc cet article suf­ fisent Λ le montrer, car beaucoup, ct des plus Impor­ tants, ont paru après la définition. Aux traités d’allure classique, des écrivains distingués ont ajouté des études en langue vulgaire, tendant à mieux faire con­ naître aux fidèles les fondements du dogme ct la fai­ blesse des raisons opposées; tels, en Belgique ct en France, Mgr Malou ct le cardinal Gousset; en Angle­ terre, Mgr Ullathornc, Newman et le P. Harper; en Allemagne, Scheebcn ct, pour n’en citer qu’un autre, Ed. Preuss, converti au catholicisme ct rendant publi­ quement à la Vierge immaculée le tribut dc vénération et d’amour qu'il lui avait d’abord refusé. Les fêtes du vingt-cinquième,ctsurtout du cinquantième anniver­ saire dc Ja définition, les congrès mariaux, n’ont pas seulement donné lieu à de splendides manifestations de piété, ils ont provoqué des travaux d’une grande portée, comme l’édition des Alti c documenti par Mgr Sardi ct la composition dc monographies, géné­ rales ou particulières, d’un intérêt capital pour l’his­ toire du culte ct dc la croyance. La publication en divers pays, Allemagne, France, Amérique, de grands dictionnaires ou encyclopédies catholiques, ont per­ mis aux défenseurs de l’Église ct dc la foi romaine d’ouvrir les yeux du grand public sur la juste valeur d’assertions imperturbablement émises, dans des œuvres du même genre, par les adversaires dc cette Église ct dc ccttc foi, rationalistes, protestants, Jan­ sénistes ou vieux-catholiques. Signalons quelques points notables. Grâce au nombre considérable ct à l'importance des documents nouveaux qui ont été découverts ct publiés depuis un demi-siècle, l’histoire du culte dc l’immaculée con­ ception ct dc la croyance correspondante a été vir­ tuellement renouvelée pour certaines périodes, soit dc l’Église grecque byzantine, soit dc l’Église latine, du ix· au xm· siècles. Qui oserait parler maintenant du glorieux privilège comme totalement inconnu dans les treize premiers siècles chrétiens ct créé au début du xiv· par Duns Scot? D’un autre point dc vue, l’absence de textes scrip­ turaires explicites ct dc témoignages primitifs formels en faveur de l’immaculée conception n’a pas peu con­ tribué à faire étudier dc plus près ccttc question déli­ cate: Quel minimum de donné révélé est nécessaire pour qu’une proposition puisse être définie comme dc fol divine, et dc quelles manières, sous l’assistance du Saint-Esprit, ce donné primitif peut-il en quelque sorte prendre vie, croître et s’épanouir au cours des siècles, jusqu’à devenir dogme au sens rigoureux dc vérité doctrinale solennellement sanctionnée par le magistère suprême? Voir t. îv, col. 1575, 1610 sq., 1616 sq., 1642; IL Pinard, art. Dogme, dans le Dic­ tionnaire apologétique dc la foi catholique, Paris, 1911, 1, col. 1150 sq., 1162, 1174 ; J.-V. Balnvcl ct Léonce 1. de Grandmaison, cités plus loin. Enfin, inspirés par la devise ansclmlcnnc : Fides quivrens intellectum, les théologiens dc nos jours sc sont gardés de traiter l’immaculée conception dc Marie comme une vérité isolée; Ils l’ont, au contraire, envi­ sagée dans le tout dont elle fait partie, c’est-à-dire la maternité divine, considérée pleinement dans sa notion physique ct dans son être moral. En particulier, ils l’ont étudiée dans scs harmonieux rapports avec le dogme dc l’incarnation ctla rédemption. Ils ont insisté sur le rôle dc la bienheureuse Vierge, nouvelle Èvc que son fils, le nouvel Adam, a daigné s’associer, comme un instalment subordonné, dans son œuvre redemptrice ct sa victoire complète sur le démon. En cc sens, le cardinal Dcchainps a pu dire, La nouvelle Due, p. 60 : < Si la conception dc Marie était exceptionnelle par rapport aux autres hommes, elle était au contraire en harmonie parfaite avec l’ensemble 1217 IMMACULÉE CONCEPTION — IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES des desseins dc Dieu sur la femme bénie qu’il est déraisonnable dc confondre avec le reste de l'huma­ nité. » De nouveau, les théologiens ont redit ct déve­ loppé avec complaisance, avec le P. Jean-Baptiste Terrien, « les raisons fondamentales pour lesquelles une Mère de Dlru devait être Immaculée dans sa con­ ception. ■ Tel encore Newman, Du culte de la sainte Vierge, p. 95 : <■ Est-Il une dignité trop gronde pour être attribuée à celle qui est aussi intimement liée à l’Ctrc éternel, aussi étroitement unie à Lui qu’une mère l’est à son fils? Quel don dc sainteté, quelle plé­ nitude, quelle surabondance dc grâce, quels trésors dc mérites durent être les siens, si nous supposons, comme la tradition l’autorise, que son créateur les pesa ct les prit en considération, quand il n’eut pas < horreur du sein dc cette Vierge? » Est-il alors sur­ prenant, que, d’une part, elle soit immaculée dans sa conception; que, dc l’auLrc, elle soit exaltée dans son Assomption, ct honorée comme une reine d’une cou­ ronne dc douze étoiles, avec des messagers dc nuit et dc jour à son service? > Un auteur calviniste écrivit, après la définition du glorieux privilège : « L’histoire du culte dc Marie offre un parallèle des plus Instructifs ù celle de Ja divinité dc son fils. Dc nos jours, ct malgré les très puissantes raisons que l’ancienne orthodoxie catholique pouvait alléguer, la grande majorité des catholiques fervents s’est déclarée pour le dogme de l’immaculée con­ ception, sans bien savoir au juste cc dont il s’agissait, mais avant tout parce que la dévotion profonde Λ Marie trouve plus dc satisfaction à proclamer cette doctrine qu’ù la nier. La divinisation graduelle dc Marie suit au sein dc l’Égllse romaine une marche analogue, bien (pic beaucoup plus lente, à celle que l’Église des premiers siècles a suivie en élaborant la divinité dc Jésus. Chez presque tous les auteurs catho­ liques dc nos jours, Marie est la médiatrice universelle tout pouvoir tut a été donné au ciel ct sur la terre. Que dis-je? Plus d’une tentative sérieuse a déjà été faite dans le camp ultramontain pour adjoindre d’une façon quelconque Marie à la Trinité, ct si la mariolatric dure longtemps encore, cela viendra. · A. Réville, Histoire du dogme de ta divinité de Jésus-Christ, Paris, 1869, p. 94. — Non, cela ne viendra pas, car tout cc passage fourmille d’erreurs capitales ct le catéchisme le plus élémentaire enjoint ù tout catholique dc vénérer Marie, comme mère de Dieu, mais non pas dc l’adorer. Dans sa seconde homélie, In dormit. B. Marix, n. 15, P. G., t. xcvi, col. 714, saint Jean Damascène disait à scs auditeurs : « Nous honorons ccttc Vierge, mère dc Dieu, et nous fêtons le jour où elle s’est endormie; nous n’en faisons pas une déesse (arrière ccs fables dc la Jonglerie helléniqueI), car nous pro­ clamons qu’elle est morte, mais nous reconnaissons en elle la mère du Verbe incarné. » Là se trouve, en réa­ lité, le dernier mol du problème. L’auteur cité tout à l’heure n’admettait pas la divinité de Jésus-Christ ; pour lui ct pour ceux dc la même école, que pouvait et que peut signifier cc titre dc Mère de Dieu, principe et raison d’être de tous les privilèges exceptionnels dc Marie, dc son Immaculée conception en particulier? Nous autres, catholiques, frères par la foi des audi­ teurs dc saint Jean Damascène, nous reconnaissons en elle la mère du Verbe incarné, et c’est pour cela qu’il nous est facile dc croire en son immaculée conception. Ainsi parle une illustre convertie dc l’anglicanisme, Miss B. Anthlmc Baker, Vers la Maison de lumière, ouvrage traduit de l’anglais, Paris, 1912, p. 270 : < Lorsqu’une fois J’eus acquis la conviction que le Christ était Dieu, la seule supposition d’une faute chez elle (Marie) me semblait rejaillir sur lui comme un outrage, lui dont elle tient toutes scs perfections et qui n’a pas rougi dc nier. DH TIIÉOL. CAT8OL. 1218 l’appeler sa mère; les termes dc la plus brûlante dévo­ tion n’étaient pas même capables, à mon sens, d’expri­ mer l'amour qu’il nous demandait pour cette Mère Immaculée. » Ainsi avait pensé ct parié, huit siècles plus tôt, le moine anglo-saxon Eadmer. Mgr Ullathomc, The Immaculate conception of the Mother of God, Londres, 1855 ;2· édit., Westminster, 1904; Car­ dinal Gousset, Im croyance générale el constante de l'Eglise touchant l'immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie, Paris, 1855; Mgr Malou, L'Immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie considérée comme dogme de fui, Bruxelles, 1857 ; Cardinal Dechamp*, La nouvelle Eue ou la Mère de la vie, dans Gltmres complètes. Malines, t. v; îscvminn, A Letter addressed to the Ileo. E. D. Pusry, D. D., on occasion of his Eirenicon, Londres, 1864 ; en français, Du culte dc ta sainte Vierge dans l'Eglise catholigue. Pans, 1908; Th. Harper, S. J., Peace through the Truth, 1·· série, 4· essai, Londres, 1866; Edm. Waterton, Pictas Mariana britunnica, Ijondrcs, 1879; Ed. Preuss (après sa conversion), Ztim lobe der unb*fléchien cmpfangntsi dtr allerzelig^b n Jungfrau, non einem der tie normals gelàstcrt hat, Fribourg-ra-Brngnu, 1879; Hfiaire de Paris, capucin, Sotre-Dame de Lourdes et l'immaculée conception, Lyon, 1880; Le Bachelet, L'Immaculée conception, Paris, 1902 ; A. Lehmkuhl, Bedrutung der dogmallslerung der unbcflecktfn cmpfangnlss fur unscre Zeit, dans Martanisches congrrss-bcrlcht, août 1002, Fribourg-en-Suisse, 1903, p. 15-27. Alli del conçrrsîo Mariana mondiale tenuto fn Borna Fanno J9O4 cinquantcsimo anniversario della deflnlztone dogmatica delF immacnlato concepimento dt Maria, Borne, 1905; J. V. iVunvri, L'histoire d'un dogme, dans 1rs Eludes, Paris. 1901, t. ci, p. 612-632; J.-B. Terrien, L'Immaculée conception, Paris, 1904 (extrait de La Mère de Dieu, 1.1); Conego Manuel Anoqnim, O Grnfo Portuguez aos plés de Marti, Lisbonne, 1904 ; L. Kôstcrs, Maria, die unbe/leckte cmpfangene, Ratlsbonnc, 1905 ; L. dc Grandmaison, Le développement du dogme chrétien, IV· partie, dans la Bévue pratique (Fapologétique, Paris, 1908, t. vi, p. 893-898. X. Lu Bacuelet. IMMANENCE (Méthode D’). Voir t. î, col. 1577-1579. IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES. — L Définition. IL Division. III. Origine juridique. IV. Immunités personnelles. V. Immunités réelles et Immunités locales. VL La Congrégation de ΓImmu­ nité. VIL Conclusions. I. Définition. — En droit romain V Immunitas était l’exemption d’un munus. Par munas on enten­ dait toute sorte d’obligations Imposées par la loi, la coutume ou l’autorité; on l’opposait au donum, ser­ vice spontané ct nullement obligatoire. Munus proprie est, quod necessarie obimus, lege, more, imperiose ejus qui jubendi habet potestatem. Digeste, 1. L, tlt. xvi, De verborum significatione, loi 214. S’inspirant dc ccttc conception les canonistes définissent l’immunité : le droit en vertu duquri les lieux, choses ct personnes ecclésiastiques sont libres et exempts d’une charge ou d’une obligation com­ mune. Jus quo loca, res vel persona; ecclesiasticæ α communi onere seu obligatione liberie sunt et exempta*. Santi-Lcitncr, Prxlectiones juris canonici, Rome. 1905, t. m, p. 453. II. Division. L’immunité est locale, réelle ou personnelle. L’Immunité locale est le droit en vertu duquel un lieu sacré est à l’abri des actes profanes qui ne convien­ nent pas ù sa sainteté et offre à certains criminels un asile dont Ils no peuvent être chassés par la force sans le consentement dc l’autorité ecclésiastique. L’immunité réelle exempte les biens dc l’Église des impôts civils ainsi que les objets du culte des usages profanes. L’Immunité personnelle exonère les clercs ct le* religieux de Ja juridiction séculière. VIL — 39 1219 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES III. Origine juridique. — Les opinions sont sur cc point partagées. 1° De nombreux théologiens et certains canonistes soutiennent que les immunités sont dc droit naturel ou tout au moins dc droit positif divin. Cf. Ferraris, Prompta bibliotheca, nu mot Immunitas, ad Ünn,n.7-14. Ils invoquent d’abord l’usage général des nations où partout les temples, les personnes ct les propriétés consacrées à la divinité sc trouvent dans des condi­ tions spéciales. Ils allèguent également les privilèges des prêtres ct des lévites, le droit d'asile auprès de l’autel dans l’Anden Testament. Ils font remarquer que du moment où les empereurs romains ont cessé do la persécuter, l’Église leur a demandé de respecter non seulement sa liberté, mais encore ses immunités. Enfin ils citent des textes où les souverains pontifes en particulier, en appellent an droit divin aussi bien qu’au droit humain quand il y a lieu dc protester contre la violation dc ces mêmes immunités : un des plus récents est celui où Pic IX déclare le service militaire des clercs contraire aux droits divin, ecclé­ siastique ct humain. Lettre du 29 septembre 1864 A l'évêque de Montréal, source de la 32e proposition condamnée par le Syllabus. Cf. L. Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du saint-siège, Paris, 1913, p. 295-296. 2® Prenant le contrcpicd de l’opinion précédente, les régalistcs ont prétendu que toutes les immunités n’étaient que des concessions du pouvoir civil, conces­ sions que ce dernier pouvait reprendre si les circon­ stances l’exigeaient. Cf. Héricourt, Les lois ecclé­ siastiques de France, I. V, lit. vm. Les clercs, disaient-ils, sont.cn dehors dc leur mi­ nistère, des citoyens comme les autres. Quant à la propriété ecclésiastique, elle reste, malgré son usage à des fins pieuses, chose essentiellement temporelle. D’ailleurs l’histoire est là qui prouve qu’en fait ce sont des lois civiles qui sc trouvent à l'origine des immunités. 3° Enfin, tenant un juste milieu entre ces deux doctrines extrêmes, beaucoup de canonistes estiment que si l’immunité dc l'Église et des personnes ecclé­ siastiques ne tire pas son origine du droit civil (30e pro­ position condamnée par le Syllabus, extraite dc l’allo­ cution Multiplices inter de Pie IX, du 10 juin 1851), et d'il est inexact dc professer avec les Espagnols Cavamivias ct Molina (Schmalzgruebcr, op. cit., 1. II. tit. n, n. 97) que l'exemption des clercs ct des églises est uniquement de droit humain ecclésiastique, on doit reconnaître qu’un tel privilège, bien qu'ayant son origine dans le droit divin,qui en Insinue la conve­ nance, ne s’y trouve pas à titre dc précepte strict ct proprement dit, et que la loi n'en a été formulée de façon précise que par les papes ct les conciles.Tel est, en particulier, le point dc vue de Schmalzgrueber, 1. Il, tit. n, n. 98; de Gonzalez Tellez, c. 8, 1. II, tit. i, De judiciis, n. 10 et 11 ; deLessius, De justitia et jure, L II,c.xxxiii,dub.iv, n. 30, Anvers, 1617; deSantiLeltncr, 1. 11, t. ir, n. 25 sq. ; de Cavagnis, Institutiones juris publici ecclesiastici, t. n, n. 162 sq., p. 323 sq.; de Wemz, Jus Decretalium, t. n, n. 167 ct not. 121, p. 258 ; de Mgr Boudlnhon, art. Immunity dc la Catholic encyclopedia, dc New-York, et du P. L. Choupin, art. Immunités ecclésiastiques, du Dictionnaire apo­ logétique de la jol catholique, Paris, 1912. Ces auteurs font remarquer, comme Mgr Boudinhon l'indique sommairement, que l'Église ne s’est pas prononcée officiellement sur le point controversé, mais que sa pensée peut être facilement déduite dc deux séries de faits : d'une part, elle a souvent protesté contre 1a suppression par l'autorité civile dc certaines Immu nités en les revendiquant comme des droits qui lui étaient propres. Cf., par exemple, les propositions 1220 30, 31, 32 du Syllabus. D'autre part, elle en a laissé tomber d’autres, telle l’exemption fiscale des clercs, le droit d'asile, sans même tenter deles faire revivre. Bien plus, dans les concordats elle a fait abandon en faveur des gouvernements d'une partie des privi­ lèges cléricaux; c'est ainsi que dans les États do Costa-Hlca, dc Nicaragua, de San Salvador, do Gua­ temala, dc Honduras, de l’Équntcur, do Colombia, en vertu des conventions passées avec le saint-siège, les causes civiles ct meme, sauf exceptions nettement déterminées, les causes criminelles des clercs peuvent être soumises aux tribunaux séculiers. Cf. J.-B. Ferrcrcs, Institutiones canonica*, Barcelone, 1920, p. 101. Il est bien évident que si lo privilège du for était do droit divin, au sens strict du mot, le souverain pontife ne pourrait Jamais ct sous aucun prétexte y renoncer. Quant aux arguments des deux opinions opposées, Ils ne paraissent pas irréfutables. Les usages univer­ sels, l’antiquité des décisions ecclésiastiques, les textes pontificaux mis en avant par les tenants de la première prouvent seulement la conformité do la législation canonique avec les principes généraux du droit naturel : il n'en résulte nullement que cc dernier n'avait pas besoin, en la matière, d’être précisé ct complété par les décrétales ct les canons. Reste la loi mosaïque, mais tous les docteurs ad­ mettent aujourd’hui son caractère transitoire. Les régalistcs ont raison d’affirmer qu’en plus d'un cas les constitutions Impériales concèdent des immunités aux clercs et nux églises avant que les conciles les réclament. Cependant il ne faudrait pas généraliser ce fait : en d’autres circonstances les « canones » ont précédé les « leges », par exemple, en ce qui concerne l'exemption des hautes charges de l’État. Concile dc Chalcédoinc ctcodc Justinien. De plus, reconnaître un droit ct le créer sont deux choses très distinctes. Enfin les immunités répondent à un sentiment reli­ gieux trop général pour qu'on puisse juridiquement les considérer comme des faveurs purement gratuites dc l’État. En somme, le développement des immunités est l'œuvre dc l'Église, mais leur principe général est un corollaire du droit divin. C'est ce qu’indiquait déjà le concile dc Trente quand il invitait les princes à respecter ct à faire respecter Ecclesiæ cl personarum ecclesiasticarum immunitatem, Del ordinatione et cano­ nicis sanctionibus constitutam. Sess. XXV, De refor­ matione, c. xx. IV. Immunités personnelles. — Les immunités personnelles des clercs ct des religieux sont le pri­ vilège du canon, le privilège du for, le privilège dc Vexemption ct le privilège dc la compétence. 1° Le privilège du canon. — Cc privilège est ainsi appelé parce que le canon 15· du II· concile dc Lntran (1139) l’a étendu au clergé dc toutes les églises. 1. Historique.— Dans le droit ecclésiastique ancien les agressions contre les clercs étaient déjà punies dc pénitences particulièrement sévères et d'excom­ munication. Le concile présidé à Mayence par Raban Maur en 847 condamne à douze ans dc pénitence le meurtrier d’un prêtre. Décret dc Graticn,causa XVII, q. iv, c. 24. Le pape saint Nicolas Ier (858-867), dans une lettre à l'archevêque de Milan, Thado, ordonne d’excommunier après une triple monition les flagcllatores, occisores ct pradones presbyterorum. Ibid., c. 23. Le canon 5 du concile dc Ravenne dc 877 prévoit la même procédure contre ceux qui font · injure ■ aux personnes ecclésiastiques. Ibid.,c. 21, §3. Alexandre II (1061-1073) punit d’anathème ct de confiscation ceux qui sc saisissent d'un évêque, le frappent ou l'expulsent dc son siège, d'excommunication (ct dc déposition s’il s’agit d'un ecclésiastiques) ceux qui sc rendent coupables des mêmes faits à l’égard d'un 1221 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES simple clerc. Jbld., c. 22. Les lois barbares elles-mêmes fixaient une compensation pécuniaire supérieure à la moyenne pour racheter les violences commises contre les ecclésiastiques; telles la loi .des Bipuaires, tit. xxvi, § 9; tit. xxxvi,§5,ou la loi salique, tlt.LV, 17. Quand, au xn· siècle, des agitateurs comme Arnaud do Brescia suscitèrent des émeutes contre le clergé, la nécessité d’une législation plus précise se fit sentir. Annoncé par plusieurs décisions dc conciles parti­ culiers (Clermont, 1130; Bcims, 1131; Pise, 1135), le canon 15· du 11· concile dc Latran tenu en 1139, sous Innocent II, frappa d'une excommunication ipso facto réservée au souverain pontife ceux qui feraient vio­ lence aux clercs ct nux moines : Si quis, suadente dia­ bolo, hujus sacrilegii vicium incurrerit, quod in clericum vel monachum violentas manus Injecerit, anathematis vinculo subjaceat, et nullus episcoporum illum præsumat absolvere, nisi mortis urgente periculo, donec apostolico conspectui præsentetur, el ejus mandatum suscipiat. Graticn, causa XVII, q. iv, c. 29.Cf. Décré­ tales, 1. V, tiUxxxix. Ce canon célèbre demeura longtemps comme la charte du privilège auquel il a donné son nom. Les nombreuses Décrétales qui le commentèrent, pour en préciser le sens plutôt que pour l'atténuer, en maintinrent strictement le principe. Sans doute il fut entendu qu’il ne s'appliquait pas quand des écoliers clercs sc bousculaient par jeu : si non de odio, vel de invidia, vel dc indignatione, sed levitate jocosa; quand un maître châtiait scs élèves, Alexandre III à l’évêque do Sens, Décrétales, 1. V, tit. xxxix, c. 1 ; quand, en cas dc légitime défense, on frappait un ecclésiastique Clément III, ibid., c. 14, 23,25: Quum vim vi repellere omnes leges omntaque jura permittant, ou qu'un clerc était surpris en flagrant délit d’adultère ct même dc simple fornication avec une parente dc celui qui le frappait, ibid., c. 3, enfin si l'on Ignorait le caractère clérical de la victime. Ibid., c. 4. Il fut également admis que l’évêque pouvait absoudre le coupable en certains cas : si la violence avait eu lieu entre clercs vivant en commun, Grégoire VII, Dé crétalcs, 1. III, tit. i, c. 9, ou entre moines (concur­ remment avec l’abbé dans ccttc dernière hypothèse, Décrétales, 1. V, tit. xxxix, c. 2, d'Alexandre 111), s’il s’agissait dc femmes ou d’autres personnes qui n’étaient pas sut juris, ibid., c. 6, si on ne pouvait pas sc rendre à Rome, sans péril, Ibid., c. 1 i (le péril ces­ sant, l’obligation renaissait, (bld., c. 17), si la pau­ vreté, l'infirmité, la vieillesse ou tout autre empêche­ ment canonique empêchaient Je voyage ad hmina, Ibid., c. 26, de Clément III (seulement pour la pé­ riode où l'empêchement existait réellement), enfin quand un serf en partant pour Rome aurait fraudé son maître ou lui aurait causé quelque dommage, Ibid., c. 37, Innocent III en 1200 à l'archevêque de Lyon. La condition de serf n’était pas par elle-même une excuse. Mais par ailleurs les papes déterminèrent que le privilège s'étendait à tous les religieux, mo­ niales, Décrétales, J. V, tit. xxxix,c. 33, d'innocent II, frères lais, ibid., ct novices, 1. V, tit. n, c. 21, dc Bo­ niface VIII, in Sexto. De plus l’excommunication atteignait avec les auteurs immédiats du méfait, les percussores, comme disait Innocent II, ceux qui en avalent donné l’ordre, les mandantes, Décrétales, 1. V, tit. xxxjx, c. C», d’Alexandre III : cum is committat vere, cujus auctoritate vel mandato delictum committi probalur, ceux qui lepouvantne l'avalent pas empêché, ibid., c. 47, d’Innocent III : qui quum possinl mani­ festo facinori desinunt obviare, et enfin ceux qui le ratifiaient après coup, 1. V, tit. n, c. 23, dc Boniface VIII, in Sexto. Les agresseurs des clercs devaient être contraints à aller ù Rome, même par appel au 1222 bras séculier, si besoin était. Décrétales. 1. V, tit. xxxr, c. 18, dc Grégoire IX à l'évêque de Braga entre 1227 ct 1231. Les sanctions précédentes protégeaient in­ distinctement tous les clercs ct tous les religieux; quand la victime occupait un rang élevé, la coopéra­ tion à la violence recevait une extension très large et des sanctions très sévères étaient ajoutées à l'ex­ communication réservée au souverain pontife. Par­ lant des cardinaux, des clercs ct des religieux dc la famille papale, Boniface VIII écrivait à l'évêque de Béziers que, dans cc cas, le coupable était (qui car­ dinalem) hostiliter insecutas, Del percusserit aut ceperit, Del socius fuerit facientis, aut fleri mandaverit, vel factum ratum habuerit, aut consilium dederit vel favorem aut postea receptaverit vel defensaverit scienter eumdem. Il ajoutait que le crime emportait l'infamie perpétuelle» le bannissement, l’incapacité de tester ct d’hériter, l'inhabileté aux offices ecclésiastiques étendue aux enfants ct aux petits-enfants, c. 5, titre rx, 1. V» 1 In Sexto, ' Clément V, au concile de Vienne (1313), appliqua la même énumération de coopérateurs au cas d'une agression contre tout « pontife », c'est-à-dire contre tout clerc revêtu de la dignité épiscopale, en ajoutant à l’excommunication la privation des béni flees ct l'inhabilité aux fonctions ecclésiastiques jusqu’à la deuxième génération. Clémentines, 1. V, tit. vm, c. 1, Si quis suadente diabolo, Cc texte est devenu aussi célèbre que le 15· canon du II· concile dc Latran. Au début du xv· siècle, la sévérité traditionnelle à l'égard des violateurs du privilège du canon ne fut pas diminuée du fait de la distinction établie par Martin V entre les excommuniés Ditandi et ceux qui étaient séparés dc l’Église par la sentence ordinaire d’excommunication. Ce pontife, en effet, excepta formellement les percussores clericorum dc la règle en vertu dc laquelle seuls dorénavant devaient être < évités » les coupables dont la censure « a\ait été portée ct publiée par le juge en forme expresse ct nommément ». «Exception est faite, disait-il, pour le cas dc l'excommunication du canon encourue pour voles de fait sacrilèges contre un clerc, d'une manière si notoire que ce fait ne puisse être dissimulé sous aucun prétexte, ni être excusé par un moyen juridique. On devra éviter toute relation avec ce coupable, quoique non publiquement dénoncé conformément aux prescriptions canoniques. » C'est le n. 7 du décret Ad evitanda scandala dc 1418 qu'on trouve parmi les formules des concordats conclus avec les nations allemandes par Martin V lora du concile dc Constance. Cf. Ilcfelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1016, t. vu, p. 540. Le dernier état dc la discipline ecclésiastique rela­ tivement au privilège du canon, pour la période anté­ rieure au Codex furis canonici, est celui qu'établit la constitution Apostolicæ sedis du 12 octobre 1869. On y lit au n. 5 de la section énumérant les excom­ munications réservées speciali modo au souverain pontife: Omnes interficientes, mutilantes, percutientes^ capientes, carcerantes, detinentes, vel hostiliter insequentes S. B. E. cardinales, patriarchas, episcopos, sedisque apostolicœ legatos vel nuncios, aut eos a suis dioecesibus, territoriis, terris seu dominiis e/(denies, necnon ea mandantes, vel rata habentes, seu prêtantes in cis auxilium, consilium vel favorem. Ces dernières clauses rappellent celles des Décrétales de Boniface VIII ct de Clément V sur le même sujet. A la section n· qui comprend les excommunications latte sententtæ Romano pontifici reservatæ, Il n'est au contraire question, n. 2, que des auteurs mêmes dc violences sur les clercs et les religieux des deux sexes : Violentas manus, suadente diabolo, inficientes in cle­ ricos, vel utri usque sexus monachos, exceptis quoad 1223 IΜ M UN IT ÉS ECCLÉS ΙΑ ST IQ U ES reservattonem casibus de quibus jure vel privilegio per­ mittitur ut episcopus aut alius absolvat. L'exception Anale fait surtout allusion à l’induit quinquennal dc la Sacrée Pénitcncerie qui, anciennement, permet­ tait À l'ordinaire d’absoudre les coupables quand Il n’y avait pas eu dc mort, dc mutilation, dc bles­ sure mortelle ou de fracture ct que le délit n'avait pas entraîné une action nu for externe. Un décret de la S. Inquisition du 9 janvier 1884 décida que les percussores clericorum étaient vitandi, même sans dénonciation ou publication, la constitution de Martin V restant en vigueur sur cc point. 2. La discipline actuelle. - Elle est définie par les canons 119 et 2343 du Codex juris canonici. Lc canon 119, après avoir énoncé le principe général que les fidèles doivent le respect aux clercs ct un respect d'autant plus grand que ccs derniers occupent un rang plus élevé dans la hiérarchie ecclésiastique, détermine la nature du crime constitué par un man­ quement grave ct extérieur à cc respect : c'est un sacrilège : seseque sacrilegii delicto commaculant, si quando clericis realem injuriam intulerint. La realls injuria suppose un acte ct non dc simples paroles. Ccttc prescription générale implique tout un ensemble dc devoirs qui dépasse de beaucoup la simple obser­ vation du privilège du canon. C'est Λ ccttc dernière que sc limite le canon 2343 qui édicte plusieurs peines contre les agresseurs des clercs. On peut l’analyser en répondant aux questions suivantes : Quels sont ceux que cc canon protège? les coupables qu’il frappe? les peines qu’il porte? a) Les bénéficiaires du privilège sont les clercs ct les religieux des deux sexes. Cf. can. 614 et 490. Par clercs il faut entendre tous les tonsurés, même non pourvus d’office ou dc bénéfice, même suspens, irré­ guliers, censurés ou déposés. Cf. can. 2303. Sous le nom dc religieux on comprend les profès à vœux simples temporaires, can. 488, § 1, les frères laics, can. 614, les novices, can. 614, et même ceux qui vivent en commun sans vœux, can. 680. 11 ne semble pas que dans le droit actuel les ermites qui ne font pas partie d’une congrégation soient de vrais religieux ; autre­ fois ils étalent considérés comme tels s’ils avaient reçu l'habit de la main dc l’évêque ct exerçaient le saint ministère au sendee d'une église placée sous l'autorité dc cc dernier. Par contre ne jouissent plus du privilège du canon : les clercs définitivement privés du droit de porter l’habit ecclésiastique, can. 2304, $2, les clercs réduits à l'état lalc,can.213, § 1, par exemple, à la suite d'une dégradation, même par une simple sentence (degradatio verbalis, opposée à la degradatio realis, can. 2305), les clercs mineurs qui contractent mariage, can. 132, § 2 (ces clercs, en agissant ainsi, usent d’un droit, mais par le fait meme Ils perdent tous les privilèges cléricaux; l'ancienne discipline était diiTércnte, cf. Décrétales, 1. Ill, tit. u,c. unique, De clericis conjugatis), les clercs qui s’engagent volontairement dans l’armée dc leur propre initiative, serait-ce seulement pour se trouver libérés plus tôt, can. I ll, § 2, les clercs qui restent plus d'un mois sans porter l'habit ecclésiastique après monition de l’ordinaire, can. 236, § 3. Sont également exclus du privilège les religieux sécularisés qui ne sont pas clercs, parce que la sécularisation entraîne l’obligation dc quitter l’habit, cnn. 640; on leur a? -imilc ceux qui sont renvoyés au siècle, même les minorés, car la dimissio implique la réduction à l’état laïc, can. 648, 669, § 2 b) Tous les agresseurs des clercs sont atteints par notre canon, fussent-ils clercs eux-mêmes. Il faut excepter les cardinaux qui n'encourent les censures qur s’il· sont expressément nommés par la loi ou le législateur, can. 2227, { 2. On doit également sc rap- I 1224 ! peler que les Impubères no sauraient être frappés dc censures lata: sententiæ, cnn. 2230. En vertu du , principe posé par le canon 2209, § 3, sont assimilés aux auteurs mêmes dc la violence ceux qui l’ont or­ donnée ct qui y ont coopéré, physiquement ou mora­ lement, dc telle sorte que sans leur intervention elle n’aurait pas pu avoir lieu. Ces deux cas ne consti­ tuent qu’une partie dc ceux que prévoyait la bulle Apostolicæ sedis, en frappant de l’excommunication spécialement réservée au souverain pontife les agres­ seurs des cardinaux, patriarches, archevêques, évê­ ques, légats et nonces, neenon ca mandantes vel rata habentes, seu præslantcs in eis auxilium, consilium vel javorcm. Par contre, la bulle ne faisait pas cette énu­ mération extensive quand elle parlait des simples clercs. L’ignorance simplement vincible, c'est-à-dire celle qu’on a pris quelque peine dc combattre, met à l'abri de la censure. Au contraire Γ ignorantia crassa scu supina, qui ne suppose aucun effort pour s’in struire, n’en rend pas exempt. Le Code a, en effet, supprimé le suadente diabolo dc la bulle Apostolicæ sedis, section n, n. 2, qui a généralement pour but dc faire une excuse dc Γignorantia crassa elle-même. Voir col. 738. Mais évidemment ne sera excommunié que celui qui connaîtra le caractère clérical du personnage qu’il moleste. Quant à l'acte condamné 11 s'agit d'une violence véritable, coupable ct dc l'ordre des faits extérieurs. La légitime défense est d’abord exclue. Un meurtre ou une blessure accidentels, même résultant d’une imprudence, ne rentrent pas non plus dans le cas. Une pression morale, un abus d’autorité sont égale­ ment hors de cause. Seule entraînera l'excommuni cation une violence grave, au moins par l’injure qu'elle fait ou par l’atteinte qu’elle porte à la liberté (l’emprisonnement, par exemple), sinon par le coup lui-même qu'elle donne. De simples paroles, si offen­ santes qu’on les suppose, ne sauraient constituer la violenta manuum injectio. c) Tandis que la bulle Apostolicæ sedis n’édictait que deux catégories de peines suivant la dignité des personnages atteints, le Code établit une série de sanctions à quatre degrés. Tout d'abord il considère à part la violence exercée sur le souverain pontife, cc que ne faisait pas la législation antérieure, bien qu'évidemment le pape fût compris parmi les hauts dignitaires ecclésiastiques qu’elle protégeait. L’ex communication portée dans cc cas est réservée spe­ cialissimo modo, cc qui est uncas nouveau dc la plus grave des excommunications, Lc coupable est, ipso facto, vitandus, sanction égalcmen t spéciale,car le silence du canon 2343 sur cc point quand H s'agit des autres membres dc la hiérarchie ecclésiastique, les cardl naux compris, fait croire que les agresseurs de ccs derniers ne seront plus désormais vitandi. (L’édition annotée du Code ne renvoie pas au décret contraire dc la S. C. de l'inquisition en date du 9 janvier 1884.) L'infamie dc droit ct, pour les clercs, la dégradation sont les deux autres sanctions dc l’atteinte portée à la personne du pape. A l’excommunication réservée speciali modo portée par la bulle Apostolicæ sedis, le Code ajoute l’infamie ainsi que la privation des bénéfices, offices, dignités, pensions ct fonctions, seulement quand des cardinaux ou des légats sont en cause, mais non pas lorsqu'un patriarche, un archevêque ou un évêque a subi la violence. Enfin l'excommunication simplement réservée au souverain pontife dans le cas de l’agression des clercs ou des religieux,édictée par la bulle Apostolicæ sedis, sc réduit maintenant à une excommunication réservée à l'ordinaire qui, d'ailleurs,pourra y ajouter d’autres peines s'il le juge nécessaire. 1225 IMMUNITÉS ECCLESIASTIQUES 1226 2« Le privilège du for, — Co sujet ayant été traité, stitutiones canonleæ, Barcelone, 1920, t. T, p. 10L t. vî, col. 527-53G, mais antérieurement au Code de 3. L'excommunication spécialement réservée n'at droit canon, nous nous contenterons de faire Ici un teint plus — ct c'est là l’innovation certaine du rapido rapprochement entre les canons 120 et 2341 Code en ccttc matière - que ceux qui traduisent do cc Code, ct la constitution Apostolicæ sedis ainsi devant les tribunaux civils les cardinaux, les légat* que le Motu proprio Qua/davis diligentia dc Ple X et les officiers majeurs dc la Curie romaine pour ce en date du 0 octobre 1011. qui est de l'exercice de leurs fonctions, ou bien leur Parmi les excommunications do la bulle Apos­ propre ordinaire. S'il s'agit d'un autre évêque, d’un tolicæ sedis spécialement réservées au souverain abbé ou prélat nullius, d’un supérieur général do pontife, se trouvait celle qui frappait cogentes sive religion dc droit pontifical, l’excommunication est directe, sive indirecte judices laicos ad trahendum ad simplement réservée au souverain pontife. SI enfin suum tribunalcm personas ecclesiasticas præter cano­ toute autre personne jouissant du privilège du for nicas dispositiones. De nombreuses controverses (clerc, religieux ou religieuse, même novice, même s’étaient élevées sur le sens dc ce texte ct en particu­ vivant en commun sans vœux) est traduite devant lier sur l’interprétation ù donner au terme cogentes. les tribunaux laïcs, le coupable qui est derns la clériLe 23 juin 188G, le Saint-Office déclara que ccttc der- ' cature sc trouve frappé ipso fado de la suspense nlèrc expression ne visait que les législateurs et les réservée à l'ordinaire; quant au laïc, l'ordinaire devra autres autorités ct ccttc déclaration, approuvée ct le punir de sanctions en rapport avec la gravité dc confirmée par Léon XIII, fut communiquée à tous sa faute (donc de peines ferendæ sententiæ). Il faut les ordinaires. La S. C. ajoutait que, là où II n'avait observer de plus que l'excommunication lalæ sen­ pas été dérogé au privilège du for par le souverain tentiæ, portée par le canon 2341, n'est encourue que pontife, tous les fidèles étaient tenus dc demander par ceux qui l'ignorent d'une Ignorantia affectata, l'autorisation de l'ordinaire pour traduire un clerc celle qui a directement pour but d'éviter une obli­ devant un tribunal laïc, que d'ailleurs les ordinaires gation, puisque cc canon débute par la formule si ne devaient jamais refuser ccttc autorisation,surtout quis ausus fuerit, toujours employée pour faire de après une tentative infructueuse dc conciliation; V ignorantia crassa elle-même une excuse canonique, que,dans le cas d'un évêque, la permission du saintl'ignorance simpliciter invincibilis ou légèrement cou­ siège était nécessaire; qu'en fin les ordinaires pouvaient, pable écartant toute espèce de censure. 4. Si le Code s'ils le jugeaient utile, prononcer des peines ct des n'obllgc plus l'ordinaire, comme l'avait fait le décret du censures ferendæ sententiæ contre les violateurs du Saint-Officcde 188G, à donner en principe l'autorisation privilège du for qui auraient agi en connaissance dc de poursuivre un clerc devant les tribunaux laïcs, néan­ cause (la connaissance de la peine est supposée chez moins Il lui ordonne, principalement quand le plai­ le coupable, car la S. C. emploie la formule : si quis gnant est laïc, dc ne la refuser que pour une raison ausus fuerit). juste ct grave, surtout s’il y a eu tentative do conci­ Lc Mota proprio Quantavis diligentia annula déli­ liation. can. 120. Il est même ajouté qu’en cas de nécessité Ica clercs traduits devant les tribunaux bérément l’interprétation du terme cogentes donnée par le Saint-Ofilcc. En effet, 11 déclare frappées par laïcs peuvent y comparaître, pour éviter de plus grands l'excommunication dc la bulle Apostolicæ sedis toutes maux, après s’être contentés d’aviser leur supérieur, les personnes privées qui appelleraient un clerc devant can. 120. 5. Enfin la possibilité de dérogations locales un tribunal laïc sans la permission dc l'ordinaire : Hoc nu privilège du for est explicite ment prévue, can. 120 : nos motu proprio statuimus atque edicimus : quicumque nisi aliter pro locis particularibus legitime provisum privatorum, laid sacrive ordinis, mares feminæve, fuerit. Or ces dérogations existent en fait, soit en vertu de concordats, soit en vertu dc la coutume. Il personas quasvis ecclesiasticas, sive in criminali causa sive in civili, nullo potestatis ecclesiasticæ per­ semble bien qu'en France, comme cela était admis missu, ad tribunal laicorum vocent, i bique adesse dès avant le Code, pour l’Allemagne et la Belgique, compellunt, eo etiam omnes in excommunicationem voir t. vî, col. 53G, il y ait eu une de ccs coutumes. lalæ sententiæ speciali modo romano pontifici reser­ Cc serait le cas d’appliquer le canon 5 du Code qui autorise les évêques ù ne pas aller ù l'encontre d’une vatam Incurrere. Acta sanclic sedis, 1911, p. 555-55G. Une réponse du Saint-Office, donnée au début do 1912 coutume centenaire ou immémoriale opposée ù la loi sur l'ordre de Pic X, précisa qu'il fallait étendre ecclésiastique écrite, quand ils jugent plus prudent l'interdiction même nu simple fait dc sc constituer d'agir ainsi. Dans l'espèce, en effet, nous ne sommes partie civile dans une cause pénale d’action publique pas en présence d'une corruption du droit, corruptela, contre un clerc ou dc citer comme témoins des ecclé­ expressément réprouvée, puisque les canons 120 ct 1241 ne portent pas la mention reprobata quavis siastiques devant le for laïc. (Ccttc réponse n’a pas été insérée dans les Acta sanctæ sedis, mais seulement contraria consuetudine ct que dc plus le canon 120 dans Jl monitore ecclesiastico, t. xxiv, p. 4. Cf. Phi­ suppose des dérogations locales. Quant aux concor­ lippo Maroto, Institutiones furis canonici, Madrid, dats on peut citer ceux conclus avec la Bavière, a. 12; l’Autriche, a. 13 ct 14; les États do Wurtemberg Rome ct Barcelone, 1918, 1.1, p. 488, n. 2.) Lc Codex juris canonici combine ccs différentes ct do Bade, a. 5, qui impliquent un abandon au décisions sans retenir aucune d'elles intégralement. ïnolns partiel du privilège, car il y est convenu que, 1. Les prohibitions ne s’étendent pas aux seules au­ si un clerc est traduit devant un tribunal laïc, son torités, mais clics atteignent tous les fidèles. Il est évêque sera averti pour qu’il puisse prendre les mesures dit, en effet, d'une façon générale, au canon 120, que d'ordre canonique nécessaires. Cf. F. Vérin g, Lehrbuch les clercs doivent être traduits pour toutes les causes des Kirchenrechts, 1893, p. 138, note 4; V. Nussl, devant le juge ecclésiastique, et lo cation 2341 débute Conventiones de rebus ecclesiasticis inter s. sedem et ainsi : Si quis contra pra scriptum canonis 120 ausus civilem potestatem variis formis Initie, Mayence, 1870, fuerit ad judicem laicum trahere.... 2. Mais d’autre en particulier, p. 313. Pour rhistoire du privilège du part il semble bien difficile d’entendre des expressions for, voir George Lardé, Le tribunal du clerc dans telles que conveniri, can. 120, ad judicem laicum tra­ Γempire romain et dans la Gaule franque, ln-8°, Moulins, 1920. here, can. 2311, dc la simple citation comme témoin. 3° Le privilège d'exemption. C’est le privilège Il est plus probable que le Code restreint i’cxcom municatlon au fait dc citer un clerc comme défendeur. d’immunité proprement dite : In munia, absence de Cf. Ph. Maroto, loc. cit., t.i, p.488; J.-B. Fcrrercs, In­ charges. Aussi lui donne-t-on parfois cc nom. Lc 1227 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES 1228 canon 121 du Code déclare tous les clercs exempts, nationales. CL Bruns, t. i, p. 235. St le l*f novembre i/n/mines, du service militaire» des charges ct fonctions 673 le roi Wamba obligea les clercs à venir en per­ publiques ou civiles incompatibles avec l'état clérical. sonne aux armées ù la tête de leurs contingents, son Nous traiterons donc : 1. de l’exemption du sendee ordonnance ne spécifia pas qu'ils dussent combattre militaire; 2. de l'exemption des charges ct fonctions eux-mêmes. Leges Wisigothorum, 1. IX, tit. n, loi 8, publiques ou civiles; 3. nous donnerons quelques édit. Zcunicr, dans les Monumenta Germania: historica, indications historiques sur les exemptions d'impôt, p. 371-373. D’ailleurs, Ervige, cn renouvelant la loi aujourd’hui complètement tombées cn désuétude, dc son prédécesseur, passa les clercs complètement mais qui eurent une grande importance pendant dc sous silence. Ibid., p. 375, 376. longs siècles. Chez les Francs le 1er concile de Mâcon de 581, au 1. Exemption du service militaire. a) Au temps canon 5·,châtie d’un emprisonnement au pain ct à des empereurs romains, païens ou chrétiens, la ques­ l'eau pendant trente jours les clercs qui portent des tion du sendee militaire des clercs ne se posait même I armes ct un concile de Bordeaux tenu entre 660 ct pas, narce que le sendee militaire n'était pas alors, 673 renouvelle cette défense au canon l,z. Bruns, t. n, â proprement parler, obligatoire. Il n'y avait que les p. 243. Rien n'indique que les Mérovingiens aient fils dc légionnaires qui fussent soldats par droit ct jamais contraint le clergé à enfreindre ces prescrip­ obligation dc naissance. Le recrutement dc l’armée tions. Les exemples qu’on pourrait citer à l'encontre se faisait surtout par enrôlement dc volontaires. Et sont ou bien des défaillances individuelles ou des cai Je nombre des légionnaires fut toujours peu considé­ qui n'impliquent pas autre chose que la présence rable. Dc plus, la durée du service était cn moyenne do d'aumôniers aux armées. Grégoire dc Tours parle de vingt ans. Sous un pareil régime les levées annuelles deux évêques qui, en 571, firent un grand carnage do ne comprenaient que peu d’hommes. Enfin, sauf Lombards ct il les cn blâme : Fueruntque in hoc prœUo pour les fils dc soldats, le remplacement était tou­ Salonius et Sagittarius fratres atque episcopi (de Gap jours possible. Cf. E. Vacandard, Études dc critique et d'Embrun) qui non cruce ceelesti muniti, sed galea et d* histoire, 2· série, Le service militaire et les premiers sa-culari, armati, multos manibus propriis, quod chrétiens, Paris, 1910, p. 133. D'ailleurs, à partir du pejus est, interficisse referuntur. Historia Francorum, m· siècle,· l’armée a perdu tout caractère national..., I. IV, c. xxvm, édit. d'Henri Omont ct Gaston Collon, le temps est loin où tout citoyen demeurait au service р. 139. Encore s'agissait-il de repousser une invasion. tant qu'il avait la force d'être soldat...; sur les fron­ Dc temps à autre, les documents mentionnent des tières, les troupes sont cn grande partie composées de évêques ou d'autres ecclésiastiques vivant au milieu barbares. » Ci. Histoire générale du /vf siècle ànos /ours, des troupes, par exemple, Frédégaire, Chronique, publiée sous la direction d’Ernest Lavisse ct d'Al­ с. xc, ct Grégoire de Tours, op. cit, 1. VI, c. xxn, fred Rambaud, 2· édit., Par.’s, 1905, t. i,c. i, Le monde édit. Omont-Collon, p. 234, mais la Vie de saint Sulpice romain jusqu'en 395, par A. Berthelot, p. 19-20. Rien Je Jeune nous apprend qu'ils s'y trouvaient au titre donc d’étonnunt à cc qu’on ne trouve d'allusions « d’abbés des camps» : ut in castris abbatis officio poti­ spéciales au service militaire des clercs ni dans les ; rentur. Vita Sulpilii, c. ix, Acta sanctorum, Januarii constitutions des empereurs chrétiens, ni dans les t. n, p. 171. conciles des cinq premiers siècles. La militia, στρατιία, c) Au vm· siècle, un changement notable sc produit que le 7· canon du concile dc Chalcédoinc de 451 qui tient ù l’évolution générale de la société cn mar­ interdit aux clercs ct aux moines, n'est pas néces­ che vers la féodalité. Dès le milieu dc cc siècle, cn sairement le service militaire, connu? Thomassin effet, nous voyons apparaître des bénéfices mili­ l'a cru ù tort, Ancienne et nouvelle discipline de l'Église, taires qui annoncent cc qu'en plein moyen âge on édit. André, t. vu, p. 439. appelait francs fiefs, puis fiefs nobles, c'est-à-dire des b) Avec les invasions des barbares,la constitution domaines concédés à charge dc service militaire sans de l'armée change du tout au tout : le port ct le métier redevance pécuniaire. Cf. Paul Viollct, Histoire des des annes sont remis en honneur, Ils font même partie institutions, t. i, p. 436. L'évolution est encore plus intégrante des prérogatives ct des devoirs de tout accentuée au ix· siècle où un grand nombre dc capi­ homme libre. < Le régime militaire des Francs était tulaires nous montrent que < si l’obligation du service celui de la levée cn masse. Tout Franc était soldat. | militaire pèse cn principe sur tous, elle tend à sc fixer Tout sujet du roi, franc ou gallo-romain, fut soldat. > | sur la terre et à s'attacher particulièrement à la ri­ Paul Viollct, Histoire des institutions politiques chesse foncière. · Ibid., p. 438. S'il cn est ainsi, c'est et administratives de la France, Paris, 1890, t. x, que la cavalerie, dont les armées sarrasincs ont révélé p. 437. Et on peut dire qu'il cn était ainsi à peu près la valeur tactique, devient alors la reine des batailles dans tous les royaumes barbares. Néanmoins les et que l'équipement d'un cavalier, chose fort coûteuse, princes, sauf de rares exceptions, une seule peut-être, ne peut être que le fait des riches, c’est-à-dire, à n'ont pas imposé Je service militaire aux clercs. En l'époque, des propriétaires terriens. Car les princes Esptgne, Je concile de Lérida de 523 avait frappé n'équipaient pas eux-mêmes les hommes qu'ils le­ d'une suspense, d'une excommunication ct d'une . vaient (hors dc leurs propres domaines). Ibid., p. 439. pénitence dc deux ans, ainsi que de l’incapacité d'être · D'autre part, Ja vassalité ct le séniorat sc dévelop­ promus aux ordres supérieurs, tous les ecclésiastiques pent : le possesseur dc grands domaines a sur scs qui verseraient le sang dc l’ennemi, can. 1. Cf. H. Th. terres des hommes à lui; pour recruter son armée, Bruns, Canones apostolorum et conciliorum sarculorum l'empereur ou le roi est donc obligé dc lui demander tv-rn, Berlin, 1839, t. n, p. 20-21. Les rois ariens de lever, d'équiper et dc lui amener un certain eux-mêmes ne paraissent pas s'être opposés à l'appli­ nombre de scs vassaux. Le comte ou le duc, chargé cation de ce canon. Quant aux rois catholiques ils auparavant du recrutement, est dc moins cn moins Imite rt nt et tte politique Jusque vers la fin du vn· siècle. cn état dc remplir cc devoir, puisque l'immunité Le canon 45· du IV· concile dc Tolède (633), qui pro­ féodale lui fait perdre toute autorité sur le nombre nonçait la dégradation et la pénitence dans un mo­ toujours croissant des hommes qui relèvent des grands propriétaires fonciers. Or l'abbé ct l’évêque nastère contre les ecclésiastiques qui auraient pris deviennent cn règle générale des seigneurs immunistes. ou prendraient les armes dans une sédition, était une La contrepartie de cette situation privilégiée sera loi de l'État aussi bien qu'une décision dc l'Église, par conséquent pour eux l'obligation dc conduire à comme tous les canons des conciles généraux dc la capitale wlslgothlque qui étalent des assemblées I l’empereur ou au roi, à toute réquisition, les gens Γ229 IM M U N ITÉS ECCLÉSIASTIQUES 1230 qu’ils auront eux-mêmes armés. Ibid., p. 440. C'est I pond ù la plainte adressée par saint Boniface au pape Zacharie Episcopi..., pugnant in exercitio armait, et pourquoi dès 744 Pépin exige qu'ils amènent leurs hommes ù son camp, a. 3. Borctlus, Capit.,t. i, p. 29. effundunt propria manu sanguinem hominum. Mansi, Thomassin cite, il est vrai, t. vi, p. 244, un capitulaire t. xn, coi. 313. Mais il va plus loin puisqu'il défend de Charlemagne qui, · à la demande du pape et cor­ même û tous les clercs de sc rendre aux armées. La rigeant de précédents errements », aurait exempté coutume commençait à s’introduire d'exiger des su­ périeurs ecclésiastiques dc conduire eux-mêmes aux les évêques de se rendre personnellement aux armées, sauf deux ou trois chargés des fonctions d’aumôniers, ! camps les hommes dc leurs terres ct on espérait sam les autres se contentant d'envoyer leurs contingents. doute l'étouffer dès l'origine. C'est peut-être la même Mais cc texte, reproduit cependant par Baluze, t. i, tendance que traduit, dans un texte d'ailleurs trop col. 405, est un faux dc Benoit Lévite. Cf. Paul Viollct, concis pour être clair, le concile de SoLssons de 744 op. cit., p. 441, note. D’ailleurs, on peut lui opposer au canon 3 : Et abbates legitimi hostem non faciant, une convocation adressée par ce même Charlemagne I nisi tantum homines eorum transmittant. Thomassin ù l'abbé dc Saint-Quentin entre 802 ct 810. Epist. oppose ces abbés · légitimes » ou réguliers aux carol., xxiv, Jaffé, Monum. carol., p. 387. Quant aux abbés laïcs ou commandatalrcs qui seuls auraient successeurs dc Charlemagne, Thomassin reconnaît conduit les troupes, mais cette interprétation n’est pas certaine. Cf. Ancienne et nouvelle discipline, ouvertement qu’ils convoquaient régulièrement tous les évêques lors des levées dc troupes. Ancienne et t. vn, p. 437. En 813, le condlc de Mayence, au canon 17, se contente d’affirmer le principe alors nouvelle discipline de ΓÉglise, édit. z\ndré, t. vi, p. 245. Hinemar nous apprend qu'il était à l’armée incontesté par le pouvoir civil — l'influence de la avec scs collègues pour résister aux incursions des réforme de saint Boniface était encore très forte, ct les Normands ct,s’il trouve la charge onéreuse, il ne la capitulaires de Charlemagne l'avaient même affermie — que les ecclésiastiques ne doivent pas porter les déclare pas injuste. Ibid., p. 247-248, avec renvoi au t. i, p. 3, et t. n, p. 299 dc l’édition bénédictine armes : ut arma spiritualia habeamus, ssecularla di­ d*Hinemar. La coutume était si bien établie à la fin mittamus. Mansi, L xiv, col. 70. En 844, le concile du ix· siècle que Jean VIII demande aux évêques de de Ver près de Senlis (et non pas de Vernon, comme lui amener des contingents. Cf. Thomassin, t. vi, , dit Thomassin, t. m, p. 245) a des exigences bien plus р. 250, avec renvoi aux pages 114, 125,144 dc son modestes que celles du premier concile germanique, édition des lettres de Jean VIII. demandant simplement que les évêques qui ne vont Pour se faire une Idée exacte de la situation. Il faut pas à l'armée, soit pour cause de maladie, soit par dispense dc l'empereur, puissent choisir celui des néanmoins considérer : a. que beaucoup d’abbayes fldèlesdu prince auquel ils confieront leurs contingents. étalent exemptes du service militaire : c’est ainsi Il ajoute néanmoins que les prélats dispensés jouis­ que le concile d'Aix-la-Chapelle de 817, cn même temps assemblée nationale, après quatorze abbayes sent d'uno quiétude bien désirable, optabilem quietem, qui fournissaient à l'empereur argent et soldats ct can. 8. Mansi, t. xiv, col. 810. En somme, dès cette seize autres qui n’envoient que des subsides, en compte époque, on sc résigne à la coutume Introduite depuis cinquante-quatre qui ne doivent au souverain que le milieu du vm· siècle, tout cn exprimant parfois leurs prières, cf. Pertz, Monumenta Germanice histo­ avec discrétion le désir d'en être dispensé. L'année rica, Concilia, t. i, p. 223 sq.; b. que les évêques pou­ suivante, cn 815, le concile dc Meaux se borne ù Inter­ vaient obtenir des dispenses, Thomassin, t. vi, p. 249; dire aux clercs le port des armes, can. 37. Mansi, с. que les ecclésiastiques présents aux armées n’étaient t. xiv, col. 811. C’est peut-être un canon du condlc de Paris dc 846, car les textes dc ces deux condies pas obligés de combattre, ni même, sans doute, do sont mêlés. A peu près ù la même époque, le Nomoporter les armes; d. que seuls les évêques ct les abbés étalent appelés, la grande masse des clercs ct des canon dc Photius, a. 891, porte pour l'Oricnt la même interdiction, t. ix, can. 32 de l’édition citée par Tho­ moines restant exempts du service militaire, d’où 11 résultait qu’on se précipitait cn foule dans les ordres massin, t. vn, p. 443. Sous les Capétiens directs l'envoi des contingents pour y échapper. Capitulare missorum dc l’an 805, a. 15, dans Borctlus, Bcitrùge zur capitularienkritik, p. 153. des terres d’église et la présence des évêques aux Quelle fut l'attitude dc l’Église cn présence de ces années continuent, avec cette différence que, pendant longtemps. Il s’agit dc plusieurs armées, « car l’éclo­ exigences dc J’État? Certainement pas celle d’une sion de la féodalité, l'avènement des ducs et des opposition générale ct absolue, ce (pic nous venons dc dire du concile-assemblée d’Aix-la-Chapelle, d’Hlnc- comtes héréditaires avalent scindé cn plusieurs tron­ mar et de Jean VIII le prouve déjà. Vole! d'ailleurs çons In grande armée Impériale ct royale. Le roi la série des décisions conciliaires prises à cet égard n’avait plus cn sa main que les hommes de son do­ maine. » Paul VloUet, Histoire des institutions, Paris, ù l'époque carolingienne. Le 1er concile germanique, 1898, t. n, p. 430. Cet état dc choses était d’ailleurs réuni le 21 avril 742 par Carloman sur le conseil « des serviteurs de Dieu, » c’est-à-dirc du pape Zacharie plus que préparé pendant les règnes des derniers Carolingiens. Aux xi* et xn· siècles, c’est même prin et de saint Boniface, et appelé à tort concile dc Leptines par Thomassin (les érudits hésitent dc nos jours entre cipalement par les évêques « qu’on tâcha d’avoir.... Francfort, Worms, Batlsbonne et Augsbourg comme tous les coutumiers ct vilains, curés en tête. » Paul Heu dc réunion, l’en-tête ne portant que la mention Viollct, ibid., avec renvoi à Ordcric Vital, 1. VI11; dc la Germanie ), édicte nu canon 2· le décret suivant : c. xxiv; 1. XI, c. xxxiv, édit. Le Prévost, t. in, p. 415; Servis Det per omnia omnibus armaturam portare vel t. iv, p. 285. Ordcric Vital, abbé de Saint-Évroult cn pugnare aul in exercitum et in hostem pergere omnino Normandie, composa une histoire ecclésiastique ct prohibemus;11 n’autorise aux années que la présence mourut vers 1142. Louis VIII ct saint Louis accor­ d'un ou dc deux évêques accompagnés dc prêtres dent encore des dispenses do convocation aux évêques, qui rempliront uniquement les fonctions d'aumô­ cf. Thomassin,!. VI,p. 245, 312, ccqui suppose que le niers. Mansi, Concit., t. xn» col. 365. Ce décret res­ principe de l'obligation était toujours maintenu. Aussi ne faut-il pas s’étonner dc voir saint Thomas déclarer semble singulièrement au faux capitulaire dc Char Icrnagnc que nous avons signalé plus haut, peut-être que la présence des clercs aux années est légitime et que seul le combat leur est Interdit. Sum. theol, en cst-ll la source. Il réagit surtout contre les mœurs H· U®, q. xt. a 2. déplorables des soudards que Pépin, même avant Les conciles ne protestent pas, car leurs canons d’être roi cn 751, introduisit dans les évêchés ct ré­ 1231 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES défendent purement ct simplement aux ecclésias­ tiques le port ct le métier des armes: Tours, 1060, can. 7, Mans!, t. xix, col. 925; Clermont, 1095, can. 4, Mansl, t. xx, col. «17; Beziers, 1233, can. 13, Mansi, L xxm col. 213, encore cc dernier excepte-t-il les nécessités dc la légitime défense tempore guerrre; AUI, 1254, dont le canon 51 interdit aux clercs do prendre [ u t aux tournois, biordare. Mans!, t. xxm, col. 846. En Allemagne, dans les États du Nord de l'Europe, en Angleterre, en Espagne, la présence des évêques aux années était également exigée et cette obligation mémo fut maintenue plus longtemps qu’en France, comme nous le verrous plus loin. Au dire do Tho­ massin, seule l’Italie ferait exception, du moins la i coutume des servitudes militaires ne s’y serait pas aussi bien établie qu'en France et en Allemagne,parce que cette région avait été moins longtemps soumise à l’empire français, t. vi, p. 251, n. 15. d) Aux xiv· ct xv* siècles, la guerre de Cent ans amena une transformation profonde de l’armée. L'osf féodal dont le recrutement dépendait dc la bonne ou de la mauvaise volonté des fcudatalres, formée do contingents disparates dont la convocation exigeait la mise en branle d’une hiérarchie fort com­ pliquée de seigneurs ct de vassaux, s’était révélée comme un instrument très insuffisant do défense nationale dans la lutte contre les Anglais. C’est pour­ quoi Charles V ct Charles VII créèrent une armée extra-féodale ct salariée, recrutée et formée directe­ ment par le pouvoir central. Ils curent ainsi des troupes do métier composées principalement do mercenaires. Le propre du militaire fut dès lors d'ètre un « soldat », c'est-à-dire un homme à la soldo du roi. Le gouvernement sc préoccupa donc moins d'obtenir des contingents quo des subsides, ct lo clergé put ainsi s'exonérer complètement de tout service per­ sonnel par l’octroi de sommes de remplacement. Dès 1303 d’ailleurs, Philippe le Bel avait permis aux évê­ ques qui avaient payé la « décime » de choisir, entre leur présence à la tête do leurs gens ou l’envol dc ceux-ci sous la conduite dc fidèles dc leur choix. Cf. Thomassin, t. vi, p. 313. Au début du xv· siècle l’usage s'est généralisé : des ordonnances dc 1403, 1410 réglementent la décime que le clergé paie en remplacement du sendee militaire. Cf. Thomassin, t. Vîf p. 314. Puis lorsqu'à la fin du xvi· siècle les assemblées du clergé votent en bloc le < don gratuit, » cet impôt spécial disparaît. Λ la fin de l'ancien régime on admettait l’exemption sans aucune rétribution représentative. Cf. Durand dc Maillane, Dictionnaire, 1.1, p. 250. Or cette évolution se fit sans protestation dc l’Église au moins après Boniface VIII. Nous donnerons plus loin quelques précisions sur le conflit qui éclata entre ce pape et Philippe le Bel au sujet des déclines. Mais dès le pontificat suivant, celui dc Clément V, il y eut 1 entente entre Rome ct la royauté d'une façon géné­ rale pour cc qui est des impôts du clergé. L'entente fut parfois si complète que les deux pouvoirs se li­ guèrent pour Imposer les décimes aux clercs récal­ citrants. I Dans lo reste dc l'Europe l’envoi de contingents par les évêques et les abbés, ct même la présence personnelle des clercs aux armées restèrent imposés , plus longtemps qu'en France, parce que l'< ost » féodal t'y maintint plus tard. · L'Allemagne, dit Thomassin, a été le lieu où les évêques ont été plus assujétls à cette déplorable nécessité, > c. vi, p. 315. La Hongrie suivit cet exemple : en 1454 un édit de Ladislas, confirmé ensuite par l’empereur Frédéric III. obli­ geait les prélats et autres ecclésiastiques à sc trouver aux armées avec leurs hommes. Thomassin, t. vt, p. 315. En Pologne, le roi Casimir ordonne encore en 1232 1475 l’envoi dc contingents ecclésiastiques ct cc n'est qu'en 154 i que Slgismond-Augusto exempte évêques et abbés delà présence personnelle aux camps. Ibid., p. 316. En Angleterre, Guillaume le Conquérant avait taxé tous les évêchés ct toutes les abbayes à un cer­ tain nombre dc soldats qu'on devait fournir à son armée. Cf. Thomassin, t. vi, p. 397, d’après la Chro­ nique dc Matthieu Paris à l’année 1970. Ccttc cou­ tume était encore en vigueur en 1401 au dire de Thomas do Wolsingham. Ibid., p. 321, n. 5. Bien plus, pendant la guerre de Cent ans, des prêtres furent enrô­ les (laciunt armare usque ad presbyteros, lettre dc Jacques de Bourbon du 21 juillet 1429 découverte par M. Bougenot ct communiquée à ΓAcadémie des Inscriptions le 8 février 1892). Cf. P. Viollet, Histoire du droit doit français, Paris, 1905, p. 302. En Espagne, cc n'est qu’après la prise dc Grenade en 1492 que les clercs purent s'exonérer par des contributions do la présence aux armées du roi, encore tolérée par lo concile de Tolède dc 1475 au canon 15. Cf. Thomassin, t. vi, p. 325-326; Hardouin, Concil. coL-, t. ix, col. 1501-1516. En présence de cet ensemble do servitudes militaires, pécuniaires ou personnelles qui grevaient le clergé dans toute l'Europe, l’Église se borna à maintenir l’interdiction faite aux ecclésiastiques de porter les annes. On peut citer dans cc sens les conciles de Baycux, 1500, can. 55; do Mayence, 1549, can. 74; de Narbonne, 1551, can. 20; d'Aquiléc, 1596, can. 41. Cf. Thomassin, t. vn, p. 454-155. Encore le premier do ccs conciles cxcepte-t-il la justa timoris causa, cf. Code do droit canon, can. 138 : arma ne gestent nisi quando fasta timendi causa subsit, et les autres le cas dc voyage : les routes restèrent peu sûres pendant des siècles. C'est pourquoi le concile dc Trente décida que les homicides pour légitime défense avaient droit à la dispense en vue de l'ordination. Sess.XIV, c. vu. e) La Révolution française ne supprima pas com­ plètement l'exemption du service militaire personnel en faveur des clercs : la Convention elle-même, par décision du 23 mars 1793, exonéra les évêques, curés ct vicaires salariés pur l'État. Napoléon enrôla les séminaristes à plusieurs reprises. Les lois militaires dc 1818, 1832, 1868, 1872 comprirent les ecclésiasti­ ques parmi d'autres catégories*d'exempts. La loi du 15 juillet 1889 imposa le service d'un an même aux jeunes gens · admis à titre d'élèves ecclésiastiques à continuer leurs études en vue d'cxcrccr le ministère dans l'un des cultes reconnus par l'État, » en leur accordant pour les deux autres années le bénéfice du < congé dans leurs foyers. » Cf. P. Viollet, Histoire du droit doit, p. 304. Enfin les lois de 1905 et 1913 ont soumis les clercs, comme tous les autres citoyens, au régime du droit commun. En Allemagne, la loi militaire du 2 mal 1874 n'exemp­ tait pas les ecclésiastiques du service militaire, mais spécifiait qu'en cas de guerre ils seraient infirmiers ou aumôniers. § 65, confirmé par l'ordonnance pour l'année du 22 novembre 1888, § 103, 7. La loi militaire du 8 février 1890 a exempté les étudiants en théologie catholique, jusqu’à la septième année, de leurs obligations militaires et déclaré que si, dans cet Intervallcdo temps, ils avalent reçu le sous-diaconat, Ils pouvaient éventuellement être versés dans 1*ErsatzReserve sans avoir à accomplir do service pendant la paix. Enfin, d'après l'ordonnance du 22 novembre 1888, les ecclésiastiques passaient directement dans certains cas dans la Landwehr ou la Landsturm. Cf. J.-B. Sngmüller, Lehrbuch des kathollschcn Ktrchenrcchts, Fribourg-en-Brisgau, 1911, 1.1, p. 252. En temps de guerre, les séminaristes qui ne sont pas encore dans les ordres sacrés, ne jouissent d’aucun privilège. Pendant lu guerre de 1914 à 1918, Ils ont 1233 ΜM UNITÉS ECCLÉSIASTIQUES donc été envoyés nu front. Un bon nombre do jeunes prêtres, au moins Alsaciens ct Lorrains, ont été appelés à rejoindre leurs dépôts pour le service armé, mais la plupart ont été, peu après, libérés ou versés dans le service do santé. Voir F. Ennan, La situation légale du catholicisme en Alsace-Lorraine dans la Revue du clergé français, 1915, t. LXXXii, p. 390-391. En Autriche, la loi du 4 octobre 1882 exemptait du service militaire les étudiants en théologie ct en cas de guerre destinait les ecclésiastiques mobilisables aux fonctions d’aumôniers, § *25, 1 ct 2. Une loi hon­ groise do la même année contenait des dispositions semblables. Cf. Fr. Vcring, Lehrbuch des Kirchenrechls, Fribourg-cn-Brisgau, 1893, p. 44U, note 11. En Italie, la loi dc conscription du 7 juin 1875 sup­ prima toute exemption de service militaire en faveur des clercs. Cf. Vermg, op. c proposée nu Canada au sujet des ordres religieux. Léon XIII écrivait au cardinal Nina, lo 27 août 1878, en condamnant la loi italienne dc 1875 dans les termes suivants : Nedum dolendum quod divino cultui subtrahantur ministri, quoad militum delectum, qua: omnes indiscriminatiin cogit ad arma. Acta sancire sedis, 1878, t. xi, p. 278. Le même pontife, antérieurement A la lol allemande du 8 février 1890 exemptant les étudiants en théologie, envoyait lo 6 janvier 1886 une encyclique aux évêques do Prusse revendiquant le droit absolu pour l’Église dc former scs ministres ct, par conséquent, pour les évêques le droit plein ct entier dc former, dans les écoles des séminaires, loin de la dissipation, des bruits du monde, des périls des camps, la milice paci llquc dc Jésus-Christ» le droit dc choisir à leur gré les prêtres à placer dans les divers postes ct dc pouvoir sans obstacles s’ac­ quitter do leur devoir pastoral. Acta Leonis XIII, Rome, 1887, p. 8 sq. Résumé par L. Choupln, art. Immunités ecclésiastiques du Dictionnaire apologétique dc d'Alés, col. 621. Ple X, au début dc l'ency­ clique Vehementer nos du 11 février 19U6, adressée aux archevêques, évêques, au clergé ct au peuple do France, signale « parmi les coups si nombreux et si redoutables portés par l’autorité publique à In reli­ gion » le fait qu’on a vu < arracher les clercs à leurs études ct à la discipline ecclésiastique pour les as­ treindre au service militaire. > Cf. M. BargilHat Prirlediones juris canonici, 191S, t. X, p. 127. En On la S. C. Consistoriale, dans son décret De clericis e mllttia redeuntibus, traduit ainsi les sentiments dc 1234 Sa Sainteté Benoit XV : Itaque Beatissimus Paler Benedictus papa XV dum cum episcopis universis Impense dotet grave vulnus ecclesiastici? disciplines illatum clericos adigendo ad militare stipendium fa­ ciendum, quod prsder reliqua, tot paroecias spiritua­ libus subsidiis et seminaria suis alumnis magno eum christian/e plebis detrimento privavit. Cf. Canoniste contemporain, 1910, p. 520. Néanmoins aucun conflit d'ordre pratique ne s'est élevé pendant la grande guerre nu sujet du service militaire des clercs, et il est à croire que d’aucun côté on n'a recherché un tel conflit, sauf tclullradcgauchccommcM.SIxte-Qucnin, qui proposa la loi qui envoyait au service armé cer­ taines classes d’ecclesiastiques, jusqu'alors infirmiers. f) La législation actuelle sur l'immunité militaire n’est pas très développée, cependant on ne saurait la quali lier d'inexistante. D'abord le canon 121 place en premier Heu l’exemption qui nous occupe. Le canon 141 le renforce en Interdisant aux clercs de s'engager volontairement sans l'autorisation de leur évêque, même pour être libérés plus tôt; de même le canon 188 qui assimile un tel engagement ù une renonciation tacite aux offices ecclésiastiques. Pull les auteurs dc lois, d’ordonnances ct do décrets Im­ posant lo service militaire aux ecclésiastiques tom­ bent certainement sous le coup du canon 2334, j 1, qui frappc d'une excommunication spécialement résenée au pape, qui leges, mandata vel decreta contra libertatem aut jura Ecclesia edunt. » Ce canon n’est quo la reproduction dc la seconde partie du n. 7 de la section v do la constitution Apustollcx sedis (12 octobre 1869); on y n ajouté l'expression de mandata pour atteindre sans doute les actes du pou­ voir qui ne sont ni dus lois, ni des décrets. 11 y a lieu probablement d’appliquer au canon 2331 l’interpré­ tation que donnait du passage visé dc la bulle Apostolicx sedis l’instruction de l’inquisition en date du 1« février 1871 : Excommunicationem eos non attin­ gere qui subordinate sunt, etiamsi judices fuerint, sed in eos tantum esse latam, qui a nemine coadi, vel talia agunt, vel alios ad agendum cogunt. C’est ainsi qu’on ne devrait pas considérer comme excommuniés les membres d’un conseil de guerre qui appliqueraient à un ecclésiastique les pénalités du Code militaire. Les minorés qui se font enrôler volontairement sont déchus de l'état clérical par le fait même, can. 141. La simple présence sous les drapeaux, même imposée par la loi, tant qu'elle dure, crée un empêchement aux ordres (empêchement simple qu’il ne faut pas confondre avec une Irrégularité, can. 987, 5). L'homi­ cide, fût-il perpétré dans une juste guerre, ct la co­ opération à cct homicide constituent une irrégularité, ex delicto, can. 9S5, 4; comme toutes les autres, ccttc Irrégularité s'oppose aussi bien à l'exercice d'un ordre déjà reçu qu’à l'ordination elle-même. On doit re­ marquer que l'homicide no crée l'irrégularité que s’il a été volontaire ct réellement suivi d'effet· 2. L'exemption des charges cl fondions publiques. — Ici encore, pour ne pas se contenter d'affirmations vagues ct forcément inexactes dans leur généralité, Il importe de distinguer entre les divers gouvernements en face desquels l’Église s'est trouvée au cours des siècles : empire romain, royautés barbares, suzerai­ netés féodales, royautés absolues, États modernes. Cependant nous traiterons ensemble des périodes féodale ct royale, parce que, à notre sens, elles ne présentent pas une différence marquée dans leur évolution. Nous terminerons par un rapide aperçu des dispositions du Code relatives à notre sujet. a) Les empereurs chrétiens se préoccupèrent prin cl paiement d’éviter au clergé les charges publiques humiliantes ou trop onéreuses. D'abord, ct de même qu’on l’avait fait depuis longtemps pour les médecins, 1235 IMMUNITÉS EC C L É S IA S TIQ U E S les professeurs ct les personnes qui avaient exercé des sacerdoces païens coûteux, ils l’affranchirent des conécs, munera sordida (qui comprenaient égale­ ment les prestations en nature), angaria ou parangaria, par les constitutions dc Constantet Constance du 7 des calendes dc juin dc 353, Code Théodosien, ! l.XVI,tit.n,loi 10;dcConstancc ct de Julien César du 8 des ides dc décembre dc 357, ibid·, loi 14; de Valens, de Gratlcn ct dc Valentinien du 3 des nones dc mars de 377, fà/d.,loi 24 (exemption des personalia numera qui comprenaient certainement les corvées). Puis — et cette exemption est des plus importantes pour l'époque — ils exonérèrent les ecclésiastiques des fonctions dc curiales, magistrats municipaux qui avaient la charge véritablement écrasante dc re­ cueillir les impôts. C'est, en clïct, cc privilège avant tous les autres que Constantin avait en vue quand il défendait dc contraindre les clercs à accepter des charges publiques dans son reserit à Anilinus, pro­ consul en Afrique, dc 313 ou 319. Code Théodosien, 1. XVI, tit. n, loi 2, donné comme adressé à Octavlcn, < correcteur > dc Lucanie ct du Bruttium. Lc texte grec du reserit nous a été conservé par Eusèbe, J/. E., L X, c. vn : les numera du latin y sont des λπτο^γύι, c'est-à-dire de ccs sendees publics dont à Athènes les propriétaires faisaient tous les frais. D'ail­ leurs, la loi du 5 févricr330 promulguée par Constantin, devenu maître de tout l’Empirc, parle en termes explicites dc la curie. Code Théodosien, L XVI, tit. n, loi 7. Il est bon dc remarquer que Licinius avait fait entrer les chrétiens dans la curie pour les punir dc leur obstination, Eusèbe, Vie dc Constantin, 1. II, c. xxx, ct que par ailleurs dc telles exemptions étalent accordées depuis longtemps aux médecins, aux professeurs ct aux personnes qui avaient exercé des sacerdoces coûteux. « Ceci, ajoute Mgr Duchesne, détermina beaucoup dc vocations ecclésiastiques; il fallut interdire la profession cléricale aux membres des curies ct aux personnes en situation de le devenir. ■ Histoire ancienne de I'Eglise, t. n, p. G3, le texte ct la note 2. Cf. Code Théodosien, L XVI, tit. n, loi G, dc 326. Les successeurs du grand empereur maintinrent l'exemption de la curie en faveur des ecclésiastiques : tels Constance et Constant en 349, Code Théodosien, L XVI, tit. n, loi 9, ct en 354, ibid., loi 11, avec ce considérant que les clercs en tout ne possèdent rien, et que leur patrimoine n’est d’aucune utilité; tels Valens, G ration ct Valentinien en 377, ibid., loi 24, sous la forme générale dc l’exonération des personalia munera; tels Honorius et Théodose II en 416, ibid., loi 42 : les clercs ne doivent avoir rien de commun avec les actus publici et la curia. Mais l'interdiction faite aux curiales d'entrer dans les ordres est main­ tenue : en 370, Valentinien et Valens n'accordent l'immunité aux anciens magistrats municipaux déjà ordonnés qu'apres une prescription dc 10 ans. Ibid., loi 19. • En octroyant au clergé l’exemption des numera civilia, fait observer Mgr Batiffol, La paix constantl· nienne et le catholicisme, Paris, 1914, p. 350-351, Constantin ne l'excluait pas nécessairement des honores ou magistratures municipales : une conven­ tion tacite entre l’Église et les princes eut cet effet de fermer au clergé l'accès de magistratures aussi bien que l’accès des fonctions civiles de l’administration Impériale. Des canons dc conciles viendront peu après Constantin transformer ccttc convention tacite en une loi organique de l'Église. Sur cc point l’Égllsc et l'État perpétuaient d'accord la séparation de la ma­ gistrature et du sacerdoce qui, dans le droit public romain, avait été depuis la République tracée si fer­ mement. » Cette séparation était d'ailleurs un principe du 1236 christianisme, dès le rr siècle : nerno militans Deo Im­ plicat se negotiis sircularibus. II Tini., π, 4. Parmi les décisions ecclésiastiques auxquelles Mgr Batiffol fait allusion, on doit citer principalement la G· constitu­ tion du L II des Constitutions apostoliques ct les Ca­ nons des apôtres 6®et 8e(ccs documents ont paru en Syrie vers l’an 400, d'après Funk, voir t.in, col. 1524; t. u, col. 1615), textes qui défendent aux évêques, aux prêtres et aux diacres d’exercer aucune fonction publique. Cette interdiction avait sans doute pour but dc réagir contre une coutume contraire qui tendait à s’établir, puisque, sous les fils de Constantin, l'évêque Jacques dc Nisibe était gouverneur de province. Cf. Théodoret, H. E., 1. Il, e. xxx. Il s'agit d'une province écartée. Quant aux conciles, ceux dc Chalcédoinc (451), can. 7; d'Angers (453), can. 7; do Tours (460), can. 5, étendirent l'interdiction à tous les clercs. Lœnlng note que le terme de militia, usité par ccs deux dernières assemblées (c’est la traduction dc la στρατεία dont parie le concile de Chalcédolne), no doit pas s’entendre uniquement du service militaire, mais d’une façon générale de toute fonction publique, à l'encontre de ce qu’ont pensé Hefele, Hinschius ct, nous ajoutons, Thomassin. En 452, Valentinien III confirma la législation ecclésiastique sur ce point : Universis clericis prater ecclesiasticos actus nihil omnino cum aliis causis debet esse commune. Novella Valentinianie, 1. Ill, tit. xxxiv, § 7. Cf. Lœnlng, Geschichte des dcutschen Kirchcnrcchts, Strasbourg, 1878, t.i, p. 171. Une tutelle peut être aussi absorbante que l'exer­ cice d’une fonction publique. Aussi le concile dc 349 la déclare-t-il incompatible avec les ordres, de même qu'en général le fait de s'occuper des affaires des autres, can. 8 ct 9. Cf. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, 1.1, p. 841. Lc concile de Chalcédoinc renouvela celte défense, mais avec dc notables ex­ ceptions. Son canon 3e interdit en clfet à tout évêque, tout clerc ct tout moine la gestion des biens temporels, mais excepte le cas où l'on se trouve obligé par la loi d'accepter la tutelle dc mineurs» ou bien celui où l’évêque delà cité charge quelqu’un,pour 1’aniour dc Dieu, des intérêts des orphelins, des veuves sans défense et des personnes qui ont plus particulièrement besoin des secours de l'Église. Cf. Hefele, op. cit., t. n, p. 275-276. Ce canon a été Inséré au Décret de Gratlcn, dist. LXXXVI,c.20. Il reproduit à peu près textuellement une proposition dc décret faite par l'empereur Martien. Cf. Mansi, t. vn, col. 173. Néan­ moins, c’est seulement Justinien qui donna la sanction dc l’autorité civile aux prescriptions ecclésiastiques. Sa Novelle CXX111, c. 5, exclut absolument les évêques ct les moines dc la tutelle. Quant aux prêtres, aux diacres ct aux sous-dlacrcs elle ne leur en permet l'exercice qu'en faveur d'un parent. Encore ne pourrat-on l'imposer à ccs derniers dans cc cas que s’ils ont déclaré par écrit, dans les quatre ans, qu'ils l’accep­ taient volontairement. Il est à remarquer que cette immunité de la tutelle est avant tout une Interdiction faite aux dores. Cc n'est pas le seul exemple d’un privilège et d'une Incapacité corrélatifs. b) Les rois barbares ne paraissent pas avoir imposé la corvée au clergé. Si parfois l’Église avait à sc plaindre dc quelques vexations à cet égard, elles devaient provenir d’un excès dc zèle de certains subordonnés. C’est ce qu’indique assez clairement le 21· canon du IIIe concile dc Tolède (589), protestant auprès du roi Récarèdc contre les corvées dont, en beaucoup dc cités, les juges ct les agents du fisc accablaient les esclaves des églises, des évêques ou des clercs, ct frap­ pant les coupables d'excommunication. Bruns, t. i, p. 218. Cc texte est cité par le Décret dc Gratlcn, causa XII, q. n, c.G9. Le canon de Tolède ne dit pas 1237 r IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES 1238 d’ailleurs que les clercs eux-mêmes aient été victimes de 585, can. 19; concile d’Auxerre de 578 ou 590, de l'abus signalé. Personnellement le roi s’opposait can. 33 ct 31 ; Bruns, t. n, p. 255, 240) ct de s'opposer à cc que les judices contraignent les clercs aux actiones si peu chez les Wislgoths à l'exemption dc la corvée, que le IV· concile de Tolède dc 633 la décréta (can. 47, publiât, par lesquelles il faut entendre sans doute l’cxcrclcc dc la justice séculière (IV· concile d’Orléans Biuns, 1.1, p. 235) sur l’ordre de Siscnand. Bien plus, les ecclésiastiques semblent avoir été dc 541, can. 13; Bruns, t. n» p.204).Ces interdictions dispensés d’une manière générale dans le royaume n’impliquaient pas pour les clercs la prohibition dc wislgothlquo de toutes fonctions publiques. La lex siéger volontairement aux tribunaux, quand il n’y roman a Wisigothorum ajoute en clïct à un reserit de avait ni péril dc mort, ni mutilation. Cf. Lœnlng, Constantin exonérant les clercs ab omnibus omnino t. u, p. 314-315 Sur l’exemption do la tutelle nous n’avons qu’un muneribus, 1*interpretatio suivante : id est ab omni officio omnlque servitio, Lex romana Wisigothorum, texte, le 13· canon du IV· concile d’Orléans, qui a I. XVI, tit. i, loi 2. Et le J II· concile de Tolède, dans le l'air de plaider en faveur de ccttc immunité, puisqu'il canon que nous venons dc citer, excommunie tout invoque l'exemple des privilèges des prêtres païens· juge et tout agent du fisc qui voudrait contraindre Loaning conclut de ce ton apologétique à l’absence un clerc ou l’esclave d'un clerc à s’occuper d’affaires dc l'exemption dans la législation franque, t. n, publiques ou privées : in publicis ac privatis negotiis p. 316. En fait, les ordonnances des mérovingiens occupare. En vertu dc ce principe le IV· concile do sont muettes sur cc point et il en est de même pour Tolède fait, au canon 19, des fonctions curiales, un celles des rois dc Tolède. c) La situation privilégiée faite au clergé, surtout empêchement à l’épiscopat, décision parallèle à celle du Bréviaire d'Alaric, d’après lequel un clerc ne aux évêques ct aux abbés, à partir des Invasions, pouvait être astreint à la curie qu’après avoir été même en Orient comme en témoigne la législation de déposé,!. XV I, tit.i, lol5 ;cf. 1 .On comprend facilement Justinien, tenait ù des circonstances passagères, sur une telle corrélation, car dans l'Espagne vvisigothlque tout à l’anarchie de l'époque, qui obligeait les popu­ les canons des conciles dc Tolède, véritables assem­ lations ou les souverains à recourir aux bons offices blées nationales, étaient en même temps des lois dc des chefs spirituels; elle pouvait donc disparaître l’État. Cependant l'exonération générale des charges avec ces circonstances elles-mêmes. La féodalité gé­ et offices n’empêchait nullement les évêques d’inter­ néralisa ct régularisa un tel état de choses, en le renvenir à maintes reprises dans les affaires publiques, I dant solidaire dc la constitution dc la société prise comme surveillants des juges séculiers chargés dc dans son ensemble. D’autres causes moins générales défendre les Intérêts de la population contre les excès et dont les diets sc firent sentir longtemps après de zèle dc ccs derniers (III· concile de Tolède, can. 18; qu’elles curent disparu contribuèrent à afîcrmlr les IV· concile de Tolède, can. 32; Bruns, 1.i, p. 217,232; I privilèges cléricaux : l’esprit religieux dc Charlemagne cf. Leges Wisigothorum, 1. II, til. i, Dc judiciis et ct dc scs premiers successeurs, l’anarchie des x* et judicatis, lois 23, 29. 30), comme collaborateurs dc xi· siècles pendant laquelle les mêmes nécessités se firent jour qu’à l'époque des invasions, l’hégcmonlc ces mêmes juges dans certains cas (IV· concile de intellectuelle du clergé aux xn· ct xm· siècles. Les Tolède, can.31, ibid., p. 232), comme assesseurs dans les procès dc haute trahison à condition qu'il n’y ait résultats de ccs influences furent d’ailleurs très divers pas d'efiusion dc sang (IV· concile dc Tolède, can. 30, ct même opposés suivant les catégories d’immunités, ibid., p. 232), comme diplomates. Cf. E. Magnln, exemptions des fonctions serviles ct onéreuses d’une part, exemptions des fonctions judiciaires ct poli­ U Église ivisigolhique, Paris, 1912, 1.I, p. 193-194. Chez les Francs, vers la même époque, le rôle des tiques dc l’autre. Les premières se maintinrent sans évêques dans la vie civile ct politique n’était pas grandes difficultés; les secondes,en dépit d’une réac­ moindre. Une ordonnance, qui est probablement dc tion de l’Église qui se rattache à la querelle des In­ Clotaire H, s’exprime ainsi : < l’évêque pourra obliger vestitures ct au mouvement dc réforme inauguré par Hildebrand,finirent par disparaître à peu près corn-* le comte ù réviser ou faire réviser une sentence, si plètemcnt; elles constituaient d’ailleurs, aux yeux ccttc sentence a été rendue contrairement ù la loi ct dc beaucoup de laïcs ct dc l’immense majorité des en l'absence du roi. » Clotarii præscrlpt(o,a.6t Borctlus, Capit., 1.1, p. 19. Des Novelles dc Justinien avaient I! clercs, plutôt des Incapacités gênantes que d'enviables déjà, il est bon de le remarquer, autorisé l'évêque à privilèges. Lo respect qu’on avait généralement pour le casiéger avec les magistrats si les parties le deman­ daient, Nov. LXXXVI, 2, ct à recevoir les plaintes des ; ractèrc clérical, respect avec lequel dc nombreuses violences Individuelles n'étalent pas incompatibles, populations contre les magistrats sortis dc charge. Nov. CXXV1II, c. 23; VIII, c. 9. Les fondions gou­ i fit que l’exemption des corvées ct des occupations serviles ou onéreuses en faveur des ecclésiastiques vernementales ct judiciaires se confondaient souvent demeura en vigueur par la force même de l'opinion et, dans la législation romaine, les judices sont les sans que l'Église ou l'État eussent à la rappeler sou­ gouverneurs dc province. Bien plus, « à la fin du vn’slèclo, au commencement du vm·,Limoges, Reims vent. Il n'y a guère à signaler à cet égard qu’un et beaucoup d’autres villes ne paraissent pas avoir canon du concile dc Mclfi tenu en 1089,sous Urbain II, ct une constitution dc Frédéric 11. Le concile, afin d’autre chef que l'évêque, » Paul Viollct, Histoire des d’éviter sans doute que des seigneurs prissent pré institutions, t. i, p. 385, ot. prenant la place du comte, texte do l’origine de certains clercs pour les astreindre Ih en prennent parfois lo titre (exemple d’Agathon ù des prestations ct à des fonctions humiliantes ou dc Rennes ot do Reims à la fin du vn· siècle. Cf. dom pénibles, défend aux évêques d’ordonner des individus Bouquet, t. m, p. 635, cité par Viollct, ibid., p. 388). dc condition servile ou ayant tenu des offices dam Plus logiques quo les lois et les canons vvisigothlquos les conciles mérovingiens n'affirment pas le principe une curie soit municipale, soit féodale, can. It. Mansl, t xx, col. 676 sq. Frédéric II, pur une authentique, général dc l’incompatibilité dc la cléricaturc avec les fonctions publiques. Lœnlng fait observorqu’on ne re­ renouvela, entre autres dispositions, l'exemption accordée jadis par Constantin en cette matière anga­ trouve plus à l’époque mérovingienne l’interdiction de la militia sarcularis, portée par les conciles dc Chul- rias vel parangarias ecclesiis vel aliis piis locis aul ecclesiasticis personis imponere. Ce texte sc trouve cédoinc, d'Angers ct dc Tours. L’épiscopat franc se contente de défendre aux clercs d’assister ù la ques­ encore dans les éditions du Code Justinien, 1. I, tion ct au supplice des criminels (II· concile de Mâcon I tit. m, loi 2. On sait d'ailleurs que,sous l'ancien régime, 1239 I IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES 1240 les membres des corps privilégiés (le clergé et la no­ et abbés avaient une compétence judiciaire univer­ blesse par opposition au tiers-état) n’étaient ni tailla- selle sur leurs domaines. Clercs ct moines n'eussent-ils pas pris une telle blés, ni corvéables. Sur l'exemption des tutelles, les textes ne révèlent Initiative que d'eux-mêmes plaideurs ct juges laïcs auraient eu recours ù leur savoir qui était presque un aucun conflit entre les législations civile ct religieuse. L'ancien droit français, qui s'est longuement occupé monopole. 11 en résulta un envahissement des tribu­ dc la tutelle, ne parait pas avoir déterminé cc qui naux par le clergé séculier ct régulier, fort préjudi­ était imposé ou ne l'était pas aux ecclésiastiques à ciable au ministère ct à la vio contemplative ct contre cet égard. Cf. P. Vlollet, Histoire du droit civil fran­ lequel les conciles furent obligés dc réagir. A vrai dire, çais, Paris, 1905, p. 531-551. Les canonistes citent c’est dès le règne do Charlemagne que lo danger appa­ généralement en faveur dc l’exemption des tutelles rut, puisque le concile dc Mayence de 813 interdit et curatelles les c. 1 ct 2 du titre xux du 111· livre des déjà aux moines, parmi d’autres occupations sécu­ Décrétales. Cf. Santl, Prœlectiones furis canonici, édit. lières : Contentiones, vel lites, vel rixas amare. Jn pla­ Leitner, t. m, p. 457. Ces deux chapitres, dont l’un est le citis sœculari bus disputare, excepta defensione orphano­ canon 14· du concile de Mayence dc 813 ct l'autre 1 rum et viduarum. Conductores saecularium rerum aut une décrétale du pape Eugène III (1145-1153), dé­ procuratores esse, can. 14. Décrétales, LUI, tit. i., c.l. fendent aux clercs d'être conducteurs, can. 1, ct pro­ Mais à l'époque carolingienne cette Interdiction est curateurs, can. 1 ct 2, des biens des séculiers. Il n'y Isolée, ct 11 faudra attendre plus de deux siècles pour voir les conciles Insister, pardes décrets multipliés, est pas question expressément des tutelles, mais les expressions employées peuvent comprendre ce cas sur la défense faite aux ecclésiastiques ct aux religieux particulier. Graticn, en citant le canon 3· du concile dc plaider ct de juger en cour laïque. Lo concile dc dc Chaicédoinc qui permet en certains cas aux ecclé­ Mol fi de 1089 s'oppose à ce que certains clercs, acé­ phales, vivent à perpétuité dans les châteaux, sans siastiques d'être tuteurs, se sert justement des termes : conducere possessiones aut misceri sicculari b us procura­ doute à titre d'intendants, ct leur permet simple­ tionibus (en réalité conducere signifie prendre à bail ment d'y résider temporairement comme aumôniers. ou entreprendre des travaux ά forfait.) Décret, part. I, Mansi, t. xx, col. G70 sq. Il est probable que ces clercs dist. LXXXVI, c. 26. L'exception dc Chaicédoinc estaient parfois en justice au nom dc leurs patrons. au bénéfice des orphelins devait être maintenue, Au début du xn· siècle, l'abus persiste en Angleterre, puisque le concile dc Mayence dc813, en interdisant il est même aggravé, puisque le concile dc Londres aux clercs dc plaider devant les tribunaux sécu­ dc 1102 doit interdire aux ecclésiastiques d'être pré­ liers, Insère la clause traditionnelle excepta dc/cn- 1 vôts, procurateurs des séculiers ou juges des causes stone orphanorum aut viduarum ct qu'au can. 6 il où H y a effusion de sang, Judices sanguinis, can. 8. déclare que l’Églisc doit prêter son appui aux orphe­ Mansl, t. xx, col. 1150. Puis, dans le courant du même lins dépouillés de leur héritage pour leur permettre siècle, sc produit un exode dc moines ct de chanoines dc Je recouvrer. Hefcle, t. m, p. 1139. Cf. Mansi, | réguliers, qui abandonnent le cloître pour étudier la t. xiv, col. 63 sq. jurisprudence (et la médecine) afin d'en tirer profit, Quant aux fonctions qui étaient moins une gêne et les conciles s'efforcent de leur faire réintégrer les cou­ qu'un honneur ct un avantage, 11 faut reconnaître vents ct les chapitres. Concile dcCIcnnont, 1130, can.5, que l'immunité féodale devint souvent le contraire dc Mansi, t. xxî, col. 437; II· concile de Latran dc 1139, can. 9, Mansi, ibid., col. 723 (cc concile renvoie aux l’immunité ecclésiastique. Les officiers Impériaux ou royaux étalent écartés du domaine dc l'immunlstc ct constitutions impériales); concile dc Tours dc 1163, Il leur était interdit dc lever des recrues ou dc rendre can. 8, contre les profès qui enseignent la physique la justice sur les terres données par le souverain ά probablement en vue dc l'exercice de la médecine, l’un dc ses < fidèles >. Mais le fidèle n'était pas pour (le physicus était le médecin) ct les lois séculières, autant dispensé d'envoyer scs hommes au chef de Mansi, ibid., col. 1179; concile d'Avranchcs de 1172, can. 12, contre les clercs séculiers qui ù leur tour l’État en cas dc guerre ou dc rendre la justice en son nom.Nous avons vu quc,dc ce chef, une sorte dc ser­ envahissent les tribunaux laïcs ct deviennent juges vice militaire qui, sans impliquer l'obligation d'exercer sous les ordres des seigneurs. Mansl, t. xxn, col. 140. le métier des armes, entraînait, au moins en beaucoup Lors du Ill· concile dc Latran dc 1179, le mal s'est de cas la présence aux armées,incombait aux évêques encore étendu, ct la suspense doit être prononcée ct aux abbés. Ces derniers devaient également rendre contre les clercs, y compris les minorés, recevant un la justice sur leurs domaines. L'Église ne protesta pas salaire dc Γ Église, qui remplissent les fonctions d'avo­ officiellement contre la charge ainsi Imposée à ses cats au for laïc, sont intendants de villae, exercent des hauts dignitaires, parce qu’elle ne violait pas à pro­ juridictions séculières sous les ordres dc princes ou prement parler l'exemption cléricale : les tribunaux d'autres personnages ct deviennent leurs justiciers, ainsi constitués devenaient en effet des tribunaux parce que nemo militans Deo implicat se negotiis saccu­ ecclésiastiques, bien qu'en réalité on y jugeât tousles laribus. Les ecclésiastiques ne pourront plaider que crimes ct tous les délits, aussi bien ceux de l’ordre pour eux-mêmes, leurs églises ou les pauvres. Les reli­ séculier que ceux dc l’ordre spirituel. gieux seront, s'ils enfreignent cette règle, punis encore Mais, à partir de la fin du xi’sièclc,une autre cause plus sévèrement. Cc texte est devenu classique en que l'immunité féodale poussa les clercs à s’occuper droit canonique ct n été Inséré dans les Décrétales, I. I, de procès temporels. A cette époque, à Ravenne, puis tit. xxxxji, c. 1 ; 1. 11 L t il. T, c. 4. à Bologne, surtout avec le célèbre Irncrius, le droit La réaction n'eut pas toute l'efficacité désirable romain renaît en Occident. Or les clercs et les moines, ct au xm· siècle le mouvement est si fort qu'il en ré qui constituaient presqu'â eux seuls la classe des suite un certain flottement dans la législation. Sans lettrés, s'adonnèrent en grand nombre à son étude. doute Honorius 111 ordonne, en 1218, à l'évêque La tentation était bien forte pour eux d'en tirer profit d'Amiens, de ne pas défendre les clercs qui Invoquent en se présentant comme avocats auprès des cours le privilège clérical après s'être exposés aux sanctions séculières, voire même en s’y faisant agréer comme séculières,en se mêlantdc negotiationes illicit#, termes assesseurs. Ils avaient pu d'ailleurs sc former, auprès d’ailleurs un peu vagues, Décrétales, 1. III, tit. x, des cours épiscopales ou abbatiales, au maniement c. 10; ct dc plus Jusqu'au début du xiv· siècle, des d’affaires toutes semblables à celles dont s'occupaient conciles maintiennent l'interdiction absolue pour les juges laïcs, puisque, nous venons dc le voir, évêques 1 les ecclésiastiques d'être juges, conseillers, assesseurs, I 1241 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES syndics, adores, baillis. Albi, 1254, can. 45, Mansl, t. xxni, col. 844. Mais d'autres conciles ou bien ne portent que des restrictions, très limitées, ou prévoient des dispenses soit royales, soit épiscopales, ce qui fait dire au nage Thomassin : « Il semble qu'après l’an 1200 les conciles ct les papes scsont un peu relâché » sur cc sujet do l’ancienne rigueur, · t. vn, p. 311. C'est ainsi que le concile dc Paris dc 1212 or­ donne seulement aux ecclésiastiques avocats < dc ne faire aucune pad ion pour leur salaire, si leur salaire était suffisant, ct dc n’en point exiger d’immodéré s’ils n’avaient point dc bénéfice; au reste, H leur pro­ scrivit les règles que tous les avocats doivent observer, dc ne point soutenir dc mauvaises causes, ct dc ne les point prolonger malicieusement, > sect, i, can. 6. Cf. Thomassin, t. vî, p. 311. 11 maintint d’ailleurs la discipline établie au xn· siècle relativement aux moines en leur défendant dc demeurer en dehors du monastère sous prétexte dc donner des consultations dc droit ou de médecine, sect, n, can. 20. Cf. Mansl, t. xxm, col. 818 sq. Lc IV· concile dc Latran sc con­ tenta d’interdire aux clercs et aux moir.es les causœ sanguinis, en même temps que la conduite dc bandes années ct l'exercice dc la chirurgie, envisageant sans doute pour ces trois défenses l’unique raison que l’Églisc abhorret a sanguine, can. 18. C’est le célèbre chapitre Ne clerici vel monachi du L 1 II· des Décré­ tales, tit. L, c. 9. En 12£8, le C· canon du concile dc Londres, Mansl, t. xxxm, col. 1213-1260, défend aux ecclésiastiques d’être avocats < sauf les cas prévus par le droit, » d’être Juges in causis sanguinis; le canon 7·, de recevoir ur.e juridiction séculière des laïcs, de façon à porter le titre dc justiciers ct dc devenir les ministres de la justice, cc qui, nu dire de Thomassin, t. vn, p. 313, vise plutôt le cas d’un juge unique ct en chef que celui d’un assesseur temporaire; enfin, ct la réserve est dc quelque Importance, tout ceci est décrété salols domini regis privilegiis in hac parie. En 1279, le concile d'Avignon autorise de façon générale les clercs à être avocats ou juges avec la permission dc leur évêque. Mansl, t. xxiv, col. 231. A constater cette tendance incoercible du clergé à s’occuper des affaires judiciaires, on ne s’étonnera donc pas dc voir les ecclésiastiques entrer en foule dans les parlements dès que ces derniers sc constituè­ rent en corps séparés dont la fonction principale, mais non pas exclusive, était dc pourvoir à l’admi­ nistration dc la justice. Une telle Invasion n’avait pas pour unique raison une compétence spéciale dans la science juridique. On peut même dire que cc qui amena surtout les clercs à siéger au parlement royal, ç’a été le devoir féodal qu'avalent les hauts dignitaires do l’Églisc d'apporter nu roi leur conseil (consilium) dans l'administration générale du royaume. Dans tout l'Occldcnt d’ailleurs, du fait qu'on était engagé dans la hiérarchie des suzerains ct des vassaux, on devait à son seigneur, et au premier dc tous, Je roi, Faux/Uum (prestations en nature ct en espèces, service militaire) et le consilium (participation au gouverne­ ment). Les évêques ct les abbés siégèrent clone ù la cour royale aussi bien que les barons. Quand une assemblée particulière, destinée ù recevoir les plaintes des justiciables, sc sépara do cette cour, ce qui se produisit sous lo règne do PhilippoAugusto(l 180-1223) les seigneurs d'Égüso y siégèrent aux places les plus élevées, comme ils lo faisaient au conseil du roi, c’està-dire parmi les pairs dont six sur douze étalent ecclé­ siastiques, archevêque do Reims,évêques de Laon ct dc Langées, pairs-ducs, évêques do Beauvais, de Noyon et do ChAlons, pairs-comtes (cf. P. Viollct, Histoire des institutions politiques, etc., t. ni, p. 301), puis venaient d'autres prélats, au moins jusqu’en 1321, /ô/d.,p.314, ct des conseillers clercs. D’après une ordonnance dc 1242 Philippe VI dc Valois datée dc 1345, la Grand’Cbnmbre devait être composée de 13 clercs et de 15 lais, la Chambre des enquêtes dc 24 clercs ct dc 16 lais, la Chambre des requêtes de 5 clercs ct de 3 lais. Ibid., p. 31G. Dans les parlements dc province les ecclésia­ stiques avalent également droit à un certain nombre dc sièges que Henri III fixa, en les diminuant, aux chiffres suivants : à Toulouse, 4 présidents, 10 conseil­ lers clercs, 24 conseillers laies ; à Bordeaux, 3 présidents, 6 conseillers clercs, 18 conseillers laïcs; en Bourgogne, ; 2 présidents, G conseillers clercs, 16 conseillers laïcs; en Bretagne, 4 présidents, 8 conseillers clercs, 24 i conseillers laïcs; à Rouen, 3 présidents, 6 conseillers | 'clercs, 18 conseillers laïcs; en Dauphiné, 2 présidents, 4 conseillers clercs, 12 conseillers laïcs; en Provence, 3 présidents, 6 conseillers clercs, 18 conseillers laïcs. Édit dc Blois de 1579, Cf. Thomassin, t. vn, p. 318. Les papes, tout en faisant certaines réserves, admi­ rent le principe dc la présence des ecclésiastiques aux parlements : d'après Lolsel, Clément IV écrivit à Charles, comte dc Provence, depuis roi dc Sicile, que, s’il admettait des prélats dans son parlement, 11 devait leur donner des gages ct ne pas les y retenir trop long­ temps, dc peur que leurs diocèses souffrissent de leur absence ct qu'ils servissent le roi aux frais dc leurs églises. Jbid., p.316. Quant au clergé lui-même, il considérait si peu les charges parlementaires comme Incompatibles avec l'immunité, qu’il protestait quand le roi diminuait le nombre des conseillers clercs : ainsi fit rassemblée générale du clergé de France do 1583 au sujet de l’édit dc Blois de 1579. Cf. Thomassin, Lvn,p.318. Nous avons dit que le parlement n’aval t pas une compétence exclusivement judiciaire, ct gardait de scs origines, par démembrement do la cour royale, des attributions politiques. Nous sommes amenés ainsi à constater que la part icipation à l'administration dc la justice conduisait presque nécessairement les ecclésiastiques à se mêler du gouvernement local ou national. Lefaitse comprend aisément si l’on réfléchit qu'une différenciation nette des magistratures poli­ tiques ct des magistratures Judiciaires n'exfstalt ni au temps dc l’empire romain (dans le Code Justinien, nous le rappelons, les judices sont les gouverneurs dc province), ni durant la féodalité, ni sous lu royauté absolue. C'est une conquête révolutionnaire : encore cette conquête n'est-cllc pas achevée. Si la division du travail gouvernemental fait des progrès, ce qui n’est pas certain, nos arrière-neveux estimeront que notre société était bien imparfaite où 11 existait des tribunaux administratifs et où le ministre dc la Justice était un homme politique. En tout cas, pour l’époque que nous considérons, un corps qui Jugeait pour l'en­ semble d’un pays ou d'une province était fatalement un corps qui gouvernait. Un ecclésiastique mêlé aux affaires judiciaires était souvent appelé à devenir un homme dc gouvernement. En réalité, il en était ainsi depuis le règne dc Char­ lemagne ct pour bien d'autres causes encore que le besoin qu'on éprouvait de recourir aux bons offices des clercs dans l'administration de la justice. Ces causes nous Jes avons déjà brièvement signalées; il nous faut maintenant en reprendre l'étude pour en déterminer toute l’action. Charlemagne a des senti­ ments phis religieux, sinon des mœurs plus pures que les Mérovingiens. Il entreprend la tâche de faire coopérer le christianisme ct l’Églisc à la réforme du gouvernement ct dc la société. Il fait donc très résolument appel à la collaboration du clergé. 11 envoie dans tout son empire des mtsst dominici, qui font leurs tournées d'inspection en général, deux par deux, un laïc ct un évêque ou abbé. La com­ pétence des missl est à peu près universelle ct l'on 1243 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES ne voit pas que celle «le l'ecclésiastique ait été plus limitée que celle de son compagnon. Le grand empe­ reur convoque des assemblées générales où les clercs délibèrent avec les séculiers sur toutes les affaires dc scs États, temporelles aussi bien que religieuses.Mais, tout en faisant des hauts dignitaires ecclésiastiques ses collaborateurs assidus, Charles ne va pas jusqu'à faire des évêques ct des abbés des gouverneurs dc provinces ct de cités à titre permanent, sauf en Saxe. Louis le Débonnaire suit la même politique. Cependant, dès la mort dc Charlemagne (814), l'anarchie féodale commence; clic so développe avec les Invasions des Normands, si bleu que l'autorité centrale s'affaiblissant déplus en plus, cl le laissa tomber en déshérence nombre dc fonctions dont évêques ct abbés devinrent les titulaires, tantôt sur leur propre Initiative, tantôt du fait de la confiance des popu­ lations. Les évêqucs-comtcs ne sont pas rares dans la seconde moitié duix· siècle ct au xesiècIc.Cf.P.Viollct, Histoire des Institutions, t. i, p. 388. Parallèlement apparaissent les abbés-comtes, toutefois avec cette notable différence que ce sont des comtes qui devien­ nent abbés, qui absorbent la dignité abbatiale, cc nc sont pas des abbés qui absorbent la dignité comtale, sauf exception naturellement, à Saint-Riquier, par exemple. Ibid., p. 388-389, avec renvoi à Thomassin, t. n, p. 489; t. vi, p. 583. En d'autres cas, si l’évêque ne s'annexe pas le gouvernement civil, il le contrôle : tandis que Louis le Débonnaire le chargeait dc sur­ veiller le comte, mais en confiant réciproquement à cc dernier la surveillance dc l'évêque, Capitulaire dc 823-825, a. 14, Boretius, 1.i, p. 305, l'auteur des faux capitulaires attribue à l'évêque seul relativement nu comte un droit de contrôle, Capital., 1. VII, 293, édit. Baluze, col. 1090-1091, cc qui était d'ailleurs plus un désir qu'une réalité ct un capitulaire italien dc 876 donne ù l'évêque une supériorité effective sur le comte en le déclarant missus permanent du roi, a. 12. Pertz, Leges, 1.1, p. 531 ; Mollet, ibid., p. 386. Le mouvement s'accentuant, il en résulte que < les évêques ct les abbés étalent devenus par l’importance des domaines qu’ils possédaient et par les fonctions administratives ct judiciaires qu’ils exerçaient de vrais seigneurs féodaux. Un évêque avait, au cours du xi· siècle, au point de vue temporel, les pouvoirs d'un comte. » Fernand Mourret, Histoire générale de V Église, Paris, 1916, t. vi, p. 184. Seulement ces pouvoirs à peu près indépendants lors dc la désagrégation gou­ vernementale du x· siècle durent sc soumettre de plus en plus à l'autorité du suzerain suprême, empe­ reur ou roi, à mesure que ccttc autorité reprenait son Influence sur les diverses seigneuries. Entrés dans la hiérarchie des vassaux ct des suzerains, évêques ct abbés sc virent ainsi obligés dc rendre effectivement aux chefs temporels des diverses féodalités nationales les devoirs de la vassalité : l'hommage lors dc l'Invcstiturc dc leurs fiefs; Vauxilium, c’est-à-dire le service milltaircct des subventions en nature ou en argent, et le consilium, ou service dc cour, qui consistait à sc rendre auprès du prince pour l'aider dc scs conseils dans les affaires embarrassantes. Le devoir dc l'auxilium cl du consilium ou placitum (plaid) pour les fidèles ou les bénéficiers est affirmé dès 851 au Con­ centus apud λΐarsnan secundus, a. 7, Kraus, Capital., t. n, p. 73, cité par Viollct, Histoire des institutions, Ln, p. 460, note4. C'est en Allemagne tout d’abord que le pouvoir central en renaissant sc subordonna tous les seigneurs tant ecclésiastiques que laïcs. Dc là naquit la querelle des investitures. Justement effrayée de l’immense péril de la sécularisation qu'elle courait, l’Église eut recours à des mesures radicales. Au synode romain de 1075, Grégoire VII prononça l'anathème contre 1244 tous ceux qui recevraient ou donneraient l'investiture d’une charge ecclésiastique quelconque, sans distin­ guer entre la fonction spirituelle et le fief possédé par le titulaire de cette dernière. Cf. P. L., t. cxi.v, col. 1142. Quatre ans apres la mort dc l'intrépide pontife, le concile dc Melli (1089) interdisait encore à tout clerc de recevoir l’investiture d’un laïc sous peine dc déposition, can.8, cf. Hefclc, t. v,p. 314, et il dé­ clarait que les laïcs ne doivent avoir aucun droit sur les clercs. Mais l'état dc la société rendait ccs mesures extrêmes impraticables. On aboutit à un compromis, au concordat dc Wcrms du 23 septembre 1122 : « l'empereur Henri IV renonçait à l'investiture par la crosse ct l'anneau ct le pape Calixtc 11 concédait au souverain la collation des < régales > (participation aux droits temporels du souverain) aux seigneurs ecclésiastiques par le sceptre. > Mans!, t. xxi, col. 273. Dès lors l’Église reconnaissait qu'au point dc vue temporel évêques ct abbés faisaient partie de la hié­ rarchie féodale, en devaient accepter les devoirs et remplir les charges. Il en advint que la participation des clercs aux fonctions publiques, même à celles qui nc leur imposaient pas directement la vassalité, même aux plus hautes, devint un fait normal. Tho­ massin en donne dc multiples exemples pour tous les pays dc la chrétienté. Son c. xxiv du 1. III dc sa III· partie est ainsi intitulé : < Des prélats ct des ecclé­ siastiques qui ont eu rang dans les conseils des rois ct dans le ministère. · 11 Insiste en particulier sur les cas de Sugcr,de Lanfranc, de Ximénès ct sur le rôle des pairs ecclésiastiques en France. Au chapitre sui­ vant (xxv) il pose en principe que les offices de grand chancelier ont été < affectés pour toujours ou très souvent commis à des ecclésiastiques en divers royau­ mes dc la chrétienté, » en France, en Allemagne, en Espagne et en Angleterre, t. vn, p. 320-343. La participation du clergé aux grandes charges dc l'État devait durer aussi longtemps que l'ancien régime. Il faut remarquer d'ailleurs qu’au moins en France les souverains n’attendirent pas le plein développement dc la féodalité pour appeler les clercs dans leurs conseils,puisque «les chanceliers dc France ont tous été ecclésiastiques sous le règne dc la seconde race (Carolingiens), tandis qu’au temps dc la 3· (Capétiens) Ils furent en partie ecclésiastiques ct en partie laïcs >. Thomassin, t. vu, p. 33 L Service dc l'empereur carolingien, suppléance de l'autorité publique défaillante, service des suzerains, service du roi sous toutes scs formes, l'exercice des fonctions publiques s'impose donc sans cesse au clergé jusqu'à la Révolution. Cette obligation nc fut sentie comme une gêne qu'à l'époque dc la réforme grégo­ rienne, après on s'y habitua comme auparavant, la no­ tion même que ce pouvait être une Infraction à l'im­ munité personnelle des clercs n'a que de rares ct I éphémères survivances. L'Église ct le pouvoir civil y voyaient surtout soit un privilège, soit un avantage; étant donné l'état de la société, on comprend aisément leur accord sur cc point, parce que dans l'ensemble 11 favorisait le bien public. Sans doute la sécularisa­ tion du clergé restait un danger permanent et c'est pourquoi, au xm· siècle, des textes assez nombreux Interdisent encore aux clercs tout office public, cf. P. Vlollet, Histoire du droit civil français, p. 306, avec renvoi à Vincent de Beauvais, Spéculum doctrine, 1. X, c. cxxvr, cxxvm, ct au xvi* siècle, le concile dc Trente leur défend dc s'occuper des affaires séculières, sess. XX II, c.i,Dc reform, z réitération dc toutes les sanctions des papes ct des conciles De siecularibus negotiis faI glendls. Mais les mœurs ct l'opinion furent les plus ■ fortes jusqu'à ce que la grande tourmente vint les bouleverser. Nos pères pensaient sans doute que dc I deux maux il faut choisir le moindre ct que les clercs 1245 IMM UNITÉS ECCLÉSIASTIQUES 1246 souffriraient moins do mal à sc mêler des affaires du un chef-d’œuvre d’illogisme Juridique. Cf. sur cet siècle quo co dernier à être privé dc leurs services. ensemble dc dispositions le Afanurf det cultes de Dalloz, D'ailleurs les deux sociétés, religieuse ct civile, étalent 1911, p. 293, 329. 330, 331-312. trop intime ncr.t mêlées pour que le choix fût possible t) Le canon 121 du Code de droit canon rend les dans un autre sens. clercs exempts des charges ct fonctions civiles publi­ d) La Révolution, en détruisant définitivement la ques étrangères à l'état ecclésiastique sans énumérer féodalité en France ct en amenant sa disparition pro ces charges et fonctions, mais le canon 139, qui leur gressivc dans les autres États de l'Europe, disparition interdit ces mêmes occupations, donne des précisions. que les suites dc la guerre 1914-1918 ont conduite Il s'agit: a. de la médecine ct dc la chirurgie, du nota­ à son terme, par exemple, en Autriche ct en Hongrie, riat (sauf dans les curies ecclésiastiques) et des fonc­ a libéré les clercs dc nombreuses occasions ct tenta­ tions publiques qui comportent l'exercice dc la juri­ tions dc participer aux fonctions publiques ou pro diction ou de l'administration laïque; b, des gestions fanes. La sécularisation des ét udes juridiques (jusqu'au dc biens des laïcs ou des occupations séculières qui 15 septembre 1793 le droit canonique ct le droit civil amènent des redditions de comptes, des fonctions s’enseignaient dans la même faculté à Paris, In faculté d’avocat ou de procureur, exception faite des tribu­ de décret), les n écartés complètement des fonctions naux ecclésiastiques ct ù moins qu'il s'agisse pour judiciaires. Quant aux corvées elles n’existent plus, un clerc dc défendre sa propre cause ou celle dc son au moins comme obligation générale. En sorte qu’au église; dc toute participation à un jugement criminel xix· siècle l'immunité personnelle des clercs a été aboutissant à une peine personnelle grave (et non mieux garantie que sous l'ancien régime ct que dans pas simplement une causa sanguinis) même par simple l’Église même sa notion canonique a repris vigueur. témoignage en dehors du cas dc nécessité; e. de In Les lois civiles dc certains États l’ont reconnue ou candidature volontaire ou offerte au Sénat ou à la assurée en plusieurs points. L’exemption du jury en Chambre des députés sans l'autorisation du saint-siège faveur des ecclésiastiques est très largement admise. > ou dc l’ordinaire (l’ordinaire propre ct celui du lieu En Italie, les prêtres du ministère paroissial sont dc l'élection) suivant les cas. exempts des obligations dc la tutelle comme en d’au­ Il faut ajouter à ccttc liste un certain nombre tres réglons ct exclus des fonctions publiques ct mu­ d'irrégularités ou d’empêchements ; irrégularité ex nicipales sur le territoire dc leurs paroisses. Cf. A. Bou- dejectu lenitatis du juge qui a rendu une sentence de dinhon, art. Immunity, dans la Catholic encyclopedia mort. can. 984, 6; irrégularité ex delicto du clerc qui américaine. Les lois territoriales allemandes (Land- a causé mort d’homme par l'exercice dc la médecine gesetze) exemptent généralement les ecclésiastiques ou de la chirurgie, can. 985, 6; simple empêchement des fonctions publiques. Cf. J.-B. Sagmüllcr, Lehrbuch encouru par les clercs qui exercent un office ou une des ealholischen Kirchenrechts> 1914, t. i, p. 25. Dans fonction administrative qui leur est défendue et cncc dernier cas, l’exemption est plutôt un privilège ' traîne une reddition de comptes tant qu'ils n’ont pas qu’une incapacité : c’est ainsi qu’en 1920 un prê­ démissionné et rendu comptes, can. 987, 3; simple tre catholique, le Dr Brauns du Volksvcrcin, était empêchement des clercs qui font leur service militaire ministre du travail du Belch. Cf. La Démocratie, durant ce service, can. 987, 5. n. du 25 juillet 1920, p. 12. 3. L'exemption fiscale. Cette dernière exemption En France, le régime concordataire exemptait les a complètement disparu dc nos jours, mais jusqu’à la clercs d’un certain nombre de fonctions publiques ou iln dc l’ancien régime elle a joué un grand rôle. Il civiles ct leur interdisait certaines occupations sécu­ importe de remarquer qu’il s’agit ici d’une exemption lières. La pratique administrative, sinon la loi,écartait personnelle qu’il faut soigneusement distinguer dc les ecclésiastiques des fonctions rétribuées par l’État l’immunité réelle des biens d'Église : un prêtre pouvait en dehors du culte; il y avait quelques exceptions en être taxé personnellement, tandis que son bénéfice cc qui concerne renseignement public, c’est ainsi, par demeurait exempt; par contre, mais beaucoup plus exemple, que la troisième République, celle d’après rarement, la terre d’Églisc pouvait être grevée dc le 16 mai, a connu un prêtre proviseur dc lycée, charges publiques et la personne même dc celui qui l'abbé Follioley, dont les services étaient très appré­ en avait la jouissance (parfois aussi ses biens patri ciés en haut Heu. L'art. 3 delà loi du 21 novembre 1872 moniaux) être à couvert du fait d’une Immunité. excluait du jury criminel les ministres de tout culte 1 a) Le droit romain imposait aux sujets de l’empire reconnu par l’État : les mêmes ministres étaient dis­ comme Impôts directs : l'impôt foncier, stipendium pensés dc la tutelle. Avis du Conseil d’État du 20 no­ ou tributum, puls capitatio ou jugatio terrena; l’impôt vembre 1806 interprétant l’art. 427 du Code civil. La personnel, tributum capitis, puis capitatio plebeia ou jurisprudence du conseil dc l'ordre des avocats de humana; le chnsargire, impôt des patentes; les Paris n’admettait pas les ecclésiastiques au barreau. munera extruordinoria, sorte dc centimes additionnels; Enfin l’État pouvait les contraindre â l’observation les munera sordida, corvées et prestations en nature. des lois canoniques leur interdisant le commerce. Parmi ccs impôts les clercs payaient le tributum sur La loi dc séparation du 9 décembre 1905 a supprimé les biens patrimoniaux. Cf. Code Théodosien, 1. XVI, à peu près complètement exemptions ct incapacités. tit.n, loi 15, dc Constance ct Julien en 360. Ils n’acquit­ L'article delà loi dc 1872surlc jury est désormais sans taient pas Ia capitatio plebeia, dont dc nombreuses application. Mgr Boudinhon est cependant d’un avis catégories de contribuables étaient exonérées : cela contraire, voir la Revue d'organisation et de défense reli­ doit tenir ù ce qu'à cette époque, le clergé catholique gieuse, 1911, p. 223. La dispense de la tutelle est éga­ était composé principalement dc petites gens sans lement supprimée. Par contre, théoriquement, les mi­ fortune personnelle. Cf. Code Théodosien, L XVI, nistres du culte peuvent être juges, ministère public tit.n, loi 3 et IL Quant au chnsargire ils le payaient près les cours ct tribunaux, préfets, fonctionnaires, à partir d’un certain capital : on doit remarquer que avoués, notaires, greffiers, recevoir sans aucune espèce les conciles ne leur Interdisaient le commerce que d’exception un mandat électif, enfin exercer le com­ lorsqu’il présentait un caractère déshonorant ou usumerce. Cependant Je conseil de l’ordre des avocats raire, turpis lucri gratia, cf. II· concile d’Arles de 4 13, dc Paris leur interdit toujours les fonctions d'avocat 451 ou 453, can. 14, et le concile de Tours de 460, et la loi dc 1905 les avait rendus, pendant huit ans, can. 13. Bruns, t. n, p. 132, 142. Nous avons vu que inéligibles au conseil municipal dans les communes où les munera sordida ne pouvaient en règle générale être Ils exerçaient leur ministère, art. 40. Cet article est | Imposés aux ecclésiastiques, cependant ccttc exemp- 1247 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES tion disparaissait quand un caprice Impérial transfor­ mait tel munus sordidum en munus ordinarium. Cf. P. Fourneret, Ressources dont l'Eglisc disposa pour reconstituer son patrimoine, Paris, 1902, p. 121-123, avec renvoi au Code Justinien, I. Vil, tit. xn, et édit. Krueger, p. 13, constitution de 423. De même un munus extraordinarium pouvait être imposé cn vertu de la mime métamorphose. Quant aux impôts indi­ rects, les clercs les acquittaient tous. Il va sans dire que des privilèges pou\ aient être accordés. En somme, le clergé échappait ù peu près complètement aux Impôts strictement personnels. b) Chez les Francs, le principe de l’immunité fiscale du clergé était acquis au moins au vm· siècle. Un Epitome, composé à cette époque et dérivant de la Lex romana Wist gothorum, s'exprime ainsi : Virgines, viduæ, pupilli non debent inter reliquam plebem censeri, sed immunes sunt, et hi, qui se sacra legis obsequio dedicaverunt. Epitome, suppi, lat. 216. Code Théodo­ sien, J. XIII, tit. n, loi 2; Laming, t. I, p. 167, texte et note 2. Auparavant 11 n’en était peut-être pas nécessairement ainsi puisqu'un concile de Reims au vn· siècle, pour assurer l'exemption des clercs et des moines cn celte matière, dut décider que ceux qui sont soumis au census de l’État ne doivent pas, sans la permission du prince ou du juge, étro admis dans l'état clérical ou religieux. Cf. Hcfelc, trad. Leclercq, t. m, p. 202, texte ct note 1 : Ili quos publicus census, spectat, c'est-à-dire ceux qui sont redevables vis-à-vis de l'État, non seulement do leurs biens, mais aussi de leur personne. Cf. Du Cange, Glossarium, aux mots Census regalis et Censiles homines, note 2 : cone, de Clichy, c. 7 ct 8. Cc concile de Clichy fut tenu ' en 628. D'ailleurs, Il s’agit peut-être ici de la corvée. En tout cas, il résulte de ccs textes que certaines catégories de personnes étaient alors exemptes de l'impôt strictement personnel comme clics l'étaient sous l'empire romain de la capitatio plebeta. En Espagne, le IV· concile do Tolède, tenu cn 633, déclare, au canon 47, sur l'ordre durol Sisenand, les clercs exempts de toute Indiction publique comme de toute corvée. Bruns, 1.1, p. 235. c) La question principale qui se pose ù l'époque féodale et royale relativement à l'immunité fiscale personnelle est celle des terres patrimoniales des clercs : cola va de sol en un temps où la fortune était surtout terrienne. D’ailleurs les ecclésiastiques pouvaient être taxés sur d'autres moyens d'existence. Du ix· siècle à la fin du xi·, nous n'avons trouvé que fort peu de textes précis sur la question. En 841, le concile de Thlonville décide que « tous les ecclé­ siastiques s'empresseront de soulager l'État, chacun selon ses moyens, promptement ct courageusement conformément à la coutume de nos pères, » can. 4. Sirmond, Concilia Gallia, t. ni, col. 11. En 861, Charles le Chauve, pour acheter la retraite des Nor­ mands, établit un Impôt général dont les prêtres ne furent pas exempts : a presbyteris secundum quod unusquisque habuit vectigal exigitur. Chronicon de Nortmannorum gestis, dans dom Bouquet, Recueil des historiens des Gaules ct de la France, t. vn, p. 154. Cf. Jean Guiraud, Histoire partiale, histoire vraie, Paris, 1916, t. in, p. 166. Ces deux dispositions prou­ vent tout au moins que le clergé ne jouissait pas d'une Immunité fiscale complète. La diversité devait d’ail­ leurs être grande à cet égard. Un puissant seigneur comme l'archevêque de Reims devait assurer sans difficulté son exemption ct celle des siens, sauf à im­ poser lui-même scs clercs. Par contre, Il serait bien osé de dire que les ecclésiastiques, vivant sur les terra des suzerains laïques, aient toujours été à l'abri des contributions ct des aides que ceux-ci devaient réclamer, soit en vertu des droits féodaux, soit au gré 1248 de leurs caprices. Quant nu pouvoir central, si, au I ix· siècle, il peut encore Imposer des taxes générales, comme nous venons de le voir, nu x· et au xi· siècle, ct même au xm·, Il sera cn France bien empêché de le faire. Enfin, si les intéressés supportaient difficilement telle ou telle Imposition, l'Églisc, soutirant elle-même alors du morcellement féodal ct de l'anarchie de siècles de fer, n'avait plus les directions d'ensemble qui auraient permis des protestations et une résis­ tance généralisées. Après la réforme grégorienne la situation sc modifie. Sous l'impulsion do In papauté une réaction sc dessine contre les taxes imposées aux clercs, réaction parallèle aux efforts accomplis pour écarter le clergé des occu­ pations séculières que nous avons signalés plus haut. Cc changement tient ù la fois à la nouvelle vigueur des autorités ecclésiastiques ct à la fiscalité enva­ hissante des seigneurs, des communes ct des souve­ rains. En France, les exigences féodales ct commu­ nales so firent sentir avant l'emprise royale, car au xn· siècle le pouvoir central est encore bien faible, au moins en dehors du domaine personnel des Capé­ tiens. Disons de suite que l'immunité fiscale, pas plus que l'immunité des fonctions séculières, ne put être entièrement sauvegardée. Ici encore, des affirma­ tions de principe parfois très absolues n’empêchèrent pas les compromis de l’ordre pratique qui, cn définitive, devinrent la lol sous l'ancien régime. Voici d’abord toute une série de textes qu! récla­ ment des laïcs, consuls, seigneurs temporels, etc., l'exemption des biens patrimoniaux des clercs. Le concile de Melf) de 1089 s'exprime ainsi : Neque liceat laids exactionem aliquam pro Ecclcsiæ beneficiis, aut paternis malernlsve facultatibus (clericorum) quærere. Mansi, t. xx, col. 11. Premier exemple, à notre connaissance, d'un canon qui assimile, au point de vue de l'immunité, les biens patrimoniaux du clergé aux bénéfices, décision qui est exactement le contraire de cc qu'à Riminl, Constance avait décrété du consentement des Pères du concile. Cf. Code Théo­ dosien, 1. XVI, tit. n, loi 15. Le concile d'Avignon de 1209 Interdit sous peine d'anathème aux laïcs d'exiger des personnes même des ecclésiastiques : albergarlæ (droit de gîte); procurationes, exadloncs seu talllæ, can. 7. Mansi, t. xxn, can. 784. Le concile de Narbonne de 1227 menace de censures les consuls ct autres laïcs qui imposeraient des tailles aux patri­ moines ct aux personnes des clercs, can. 12. Mans!, t. xxm, col. 20. Celui de Toulouse tenu cn 1229 s’élève contre ces mêmes tailles perçues occasione hœredilatls sur les ecclésiastiques, mais en faisant cet le exception notable qu'elles pourront être exigées des clercs mar­ chands, mariés ou qu! héritent d'une terre féodale, aliqua possessio feudalis, seu ellam censualis. On n'osait donc pas exempter les clercs des droits féo­ daux lorsqu'ils étalent entrés dans les liens do la vas­ salité, car c’était alors un principe de droit public que celui qui avait reçu une terre en fief payait cn retour certaines redevances à son suzerain, can. 20. Le canon 21· du même concile décrète cn outre que les clercs, les moines, les pèlerins ct les soldats no doivent pas acquitter les péages s'ils ne font pas de négoce. Mans!, t. xxm, col. 192. Les conciles de Nantes cn 1264, au canon 7, Mansi, Ibid., col. 1116,ct d’An­ gers cn 1365, aux canons 23, 24, 28, protestent encore contrôles péages, au moins ceux qui sont imposés aux récoltes faites par les ecclésiastiques sur leurs terres héréditaires. Mans!, Ibid., col. 425-446. Boniface VIII, dans sa célèbre constitution Clericis laicos, du 25 fé­ vrier 1296, frappc d’une excommunication réservée nu souverain pontife tous les clercs qui, sans l’assen­ timent du siège apostolique, paient ou promettent de payer ù des laïques une portion quelconque de 12'. 9 1MMUN ITÉS ECCLÉSIASTIQUES 1250 leurs revenus ou de ceux de leurs églises (il s’ngit devaient acquitter le 10· de leurs revenus et de la donc de l'impôt personnel aussi bien que de l’impôt valeur de leurs biens meubles sans y comprendre réel) sous quelque nom que ce soit, même celui de néanmoins leurs livres, leurs armes, leurs ornements subsides ou de dons. Il excommunie de même tous ct les vases sacrés. Ibid., p. 175-176. Il s'agissait donc les laies qui exigent ou perçoivent ccs sommes ou là d’un impôt général à la fois réel et personnel et prêtent seulement leur concours ù de telles exactions. qui par conséquent atteignait aussi bien les posses­ Sexte, 1. Ill, tit. xxm,De imm. eccl.,c. 3. On ne sau­ sions patrimoniales des clercs ct leurs personnes que rait être plus net. Λ Compïègne, cn 1301, les évêques leurs bénéfices. Le pape, nous venons de le voir, était condamnent les serviteurs des seigneurs qui impo­ intervenu dans l'octroi des décimes. Le IV· concile sent des tailles ct des collectes aux clercs non mariés de Lalran régularisa cet usage : renouvelant le canon ou mariés cum unica ct virgine, sous le faux prétexte 19 du III· concile du même nom, il y ajouta cette qu’ils sont marchands,can.2. Mansi,Lxxv,col. 117 sq. clause que l'évêque ct le clergé devaient, avant de A Avignon, cn 1326, ils défendent aux seigneurs consentir à des subsides, consulter le pontife romain, temporels de recueillir des tailles ou des exactions I cujus interest communibus utilitatibus providere, levées sur les biens même patrimoniaux des clercs, can. 46. Décrétales, 1. Ill, tit. xux, c. 7. can. 32. Mansi, ibid., col. 739, 774 Au cours du xm· siècle, les décimes sc multiplièrent, Et maintenant, à côté du principe, vole! les accom­ car on assimila aux croisades : a. les guerres contre modations pratiques. Si les rois ct les seigneurs ne les hérétiques, par exemple, les albigeois (la guerre doivent pas imposer do taxes aux clercs, n'est-il pas contre ccs derniers fut d’ailleurs prêchée comme une convenable que ces derniers offrent spontanément croisade); b. toutes celles qui empêchaient les sou­ des subsides quand l’État sc trouve dans un pressant verains de partir pour la croisade dont on leur attri­ besoin? C’est ce que pensa le 111· concile de Latran. buait bénévolement ct dont ils proclamaient au mieux Sans doute, il condamne les laïques, les rectores mundi, de leurs intérêts l’intention perpétuelle. C’est la les consuls ct les autres podestats, qui moins excusa­ levée de deux décimes pour h guerre des Flandres bles que Pharaon font supporter aux biens des églises, accordée par une assemblée des évêques réunie à des clercs et des pauvres du Christ (les religieux) Paris qui provoqua la bulle Clericis laicos, bulle des­ presque tout le poids des charges publiques (notez tinée d’ailleurs aussi bien à l'Angleterre ct à l’Alle­ que les biens des clercs cl non pas seulement ceux des magne qu’à la France, car les décimes sur le clergé églises sont grevés). Mais il admet que si l’évêque ct n’étalent pas spèciaux à notre pays. Cf. ce que dit le clergé sc rendent compte d’un besoin urgent au­ Thomassin, t. vi, p. 255, de l’Angleterre où. d’après quel les ressources laïques ne peuvent pas suffire, il Matthieu Paris, le clergé était exempt des impôts sur leur sera loisible d’y subvenir ù condition de ne subir scs biens patrimoniaux, sauf les levées extraordinaires aucune contrainte. Cc qui est une des premières affir­ qu’il consentait. Or, cette bulle, malgré la rigueur de mations, sinon la première, d’un grand principe mo­ scs interdictions, admet la possibilité du consentement derne : le consentement des Impôts par les contribua­ du pape aux décimes. Elle fut d’ailleurs atténuée à bles, can. 19; Décrétales, 1. III, tit. xux, c. 4. A peu trois reprises par Boniface VIII, ct Philippe le Bel ne de temps de lù, une occasion mémorable sc présenta se contenta que du troisième amendement, la bulle d’appliquer cette procédure.Saladin venait de battre, Etsi de statu, où le rigide pontife reconnaissait au roi à Tibériade (1187), Guy de Lusignan, roi de Jérusalem, ct à sa. successeurs le droit de demander, petere, non ct de s’emparer do la ville sainte. Une troisième croi­ d’exiger, exigere, des contributions du clergé ct de les sade fut décidée. Il fallait des subsides ct on résolut recevoir do lui, pour la défense du royaume, sans l'auto­ de lever des « décimes » ou dîmes de tous les revenus. risation du saint-siège, nu moins au cas de nécessité. En 1188 eut lieu « une entrevue du roi de France, Cf. P. Viollct, Histoire des institutions, t.n, p. -104—105. Philippe-Auguste, ct de Henri II, roi d’Angleterre, Bien plus, Clément V, successeur de Boniface V 111, entre Gisors ct Trie en Normandie. Les évêques ct révoqua purement ct simplement, penitus revocamus, les barons des deux États étaient présents. Les pré­ la constitution Clericis laicos, parce que.de celle bulle lats y fulminèrent une excommunication formidable ct des déclarations subséquentes, étaient résultés nonnulla scandala, magna pericula, et incommoda contre ceux qui par fraude éluderaient de payer ccs décimes. Le roi d’Angleterre les lit premièrement gravia, déclarant cn revenir en la matière au IV· con­ lever dans les Étais qu’il tenait cn France, puis, pas­ cile do Latran. Clémentines, 1. IV, tit. xvn, c. 1. En sant en Angleterre, il lit conclure dans une grande somme, Boniface VIII n'avait fait qu’appliquer assemblée de prélats ct de barons qu’on les y lève­ strictement le canon 4G de ce dernier concile, qui rait. ί Thomassin, t. vi, p. 255, avec renvoi ù Baronius, exigeait l’assentiment du pape pour la levée des dé­ année 1188, n. 4» 7, 8. Or, ccs décimes étant imposés cimes. Seulement il y avait la manière ct on ne peut ù tous Incombaient aux clercs aussi bien qu’aux échapper à l’impression que Boniface VIII pratiquait laTques, Philippe-Auguste de son côté venait de rem­ un droit canonique un peu trop prompt. 11 est vrai placer par une simple redevance pécuniaire les presta­ que Philippe le Bel ct scs légistes ne manquaient pas. tions militaires cn hommes ct cn argent qu’acquit­ eux non plus, de promptitude. Les successeurs de taient déjà depuis des siècles les prélats ct les com­ Clément V suivirent si bien sa politique condescen­ munautés ecclésiastiques ct il les fixa au dixième des dante qu’en plus d’un cas ils s’unirent au roi pour Imposer les décimes au clergé récalcitrant. C'était revenus de chaque prélat ct de chaque communauté. Cf. Jean Guiraud, Histoire partiale, histoire urate, l'époque d’Avignon où des pontifes français « avaient t. m, p. 175. C’était l’application stricte du droit amour ct tendresse pour la France ct une grande féodal, où souvent l’octroi d’une immunité amenait disposition à favoriser les demandes de nos rois. » la diminution d une autre. · Le pape étendit à l’Églisc Thomassin, t. vi, p. 281. De telles alliances entre le universelle cette pratique que le roi de France venait pouvoir royal ct Ja papauté contre les résistances d’introduire dans ses États ct, sous le nom de dîme des clercs s’étalent d’ailleurs déjà produites dès le snlndinejl ordonna que tout chrétien qui ne prendrait xm· siècle. Cf. Thomassin, t. vi. p. 272. Quand le grand schisme eût affaibli le saint-siège pas personnellement les armes contre Saladin paierait le dixième de son revenu à la croisade qui s’organisait le concile de Constance s’opposa aux empiétements pour la reprise de la Terre Sainte. Cette dime était de la fiscalité royale ct autre. Dans un projet de ré­ forme communiqué par le pape lui-même aux nations Imposée aussi aux ecclésiastiques, sauf aux chartreux, aux cisterciens et aux religieux de Fontevrault. Ils le 20 janvier 1418, il était déclaré que les prélats VIL —40 DICT. DE TIIÉOL. CAT H O L. 1251 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES Γ252 New-York, qui exonère Jusqu'à concurrence dc Inférieurs nu souverain pontife ne pourraient plus 1500 dollars «les biens meubles et immeubles d’un désormais imposer de décimes ct de charges aux églises et nux personnes ecclésiastiques; que le sou­ ministre de l’Évangile ou d'un prêtre exerçant scs verain pontife, de son côté, ne pourrait en décréter fonctions, on empêché dc les exercer par raison dc santé que pour une cause grave intéressant toute l’Église ou âgé dc plus dc soixante-quinze ans. » F. Klein, La ct après avoir obtenu l'assentiment des cardinaux séparation aux États-Unis, Paris, 1908, p. 63. 4° Le privilège de compétence. — Cc privilège, ct des prélats qu'il lui serait facile dc consulter, ainsi que des dignitaires ecclésiastiques dc chaque royaume, can. 122 du Code, réserve aux clercs débiteurs ce n. 18. Cf. Hcfcle, trad. Leclercq, t. vn, p. 503. A la fin qui est nécessaire à leur honnête sustentation. La competentia, en droit romain, était une réserve du siècle, les États dc Tours, semblant sc faire l’écho dc ces vœux, demandent que par édit général < désor­ semblable dont Jouissaient certaines catégories dc mais tous les droitz, libertez, franchise!, prérogatives personnes à l’égard de certaines autres : les parents, frères, enfants, alliés entre eux, le mari pour la resti­ ct Immunités de l’Eglise, in rebus d personis, soient loyalement gardez ct entretenues ». Cf. P. Imbart dc tution de la dot, la femme à laquelle son mari avait la Tour, Les origines de la Réforme, Paris, 1905, promis une dot, les patrons ct leurs fils relativement à leurs affranchis, les donateurs, les débiteurs qui 1.1, p. 102. Rien n’y fit : l'entente avec Rome pour imposer les avaient fait cession de leurs biens. Cf. P. Vidal, institutiones juris civilis romani, Prato, 1917, cité par clercs paraissait toujours aux rois dc France une opération des pi us fructueuses ct des plus habiles : « Elle Maroto, Institutiones juris canonici, t. i, p. 493. Le mettait entre les mains du roi un dixième du revenu soldat romain jouissait de la même exemption ecclésiastique, elle ne laissait au pape que tout l’odieux d'une façon générale. Digeste, 1. XLII, tit. i, lois 6 d’une mesure toujours combattue parce que toujours et 18. La glose du Décret en argue pour étendre onéreuse. Λ la fin du xv· siècle la royauté reprit cc cette Immunité à ceux qui font partio de la milice système. En 1489, pour faire face aux dépenses de du Christ, c. 19,Caus. XXIII, q. 8. La loi définitive la guerre contre les Anglais, Charles VHI a obtenu sur cc sujet fut une décrétale de Grégoire IX au cha­ d’innocent VIII un décime qui rapportera 200.000 pitre dc Tulle : un clerc appelé Odoacrc avait été cité livres.» En 1501, à Louis Xll qui parle dc croisade, par ses créanciers devant l'official de l’archidiacre Alexandre VI accorde un décime. En 1516, Fran­ de Reims, il reconnut sa dette, mais fut excommunié çois Irr, profitant dc son alliance avec Léon X ct se pour avoir opposé son insolvabilité. Le Saint-Père ordonne dc relever Odoacrc de son excommunication, conformant aux articles dc Bologne,établit un décime, toujours sous prétexte dc croisade, mais « la croisée s! son insolvabilité totale ou partielle est prouvée et est une fiction; » en fait, les levées prorogées en 1517 s’il fournit une caution, dc telle sorte qu'il puisse ac­ comblent le déficit ct secondent notre diplomatie en quitter sa dette au cas où ses ressources augmente­ Angleterre ct en Allemagne. Cf. Imbart dc la Tour, raient. Décrétales,!. Ill, lit. xxm, c.3.De ccttc décré­ op. cit., p. 94, 95. tale vint le nom dc privilège d’Odoacrc. La mesure L'ancien régime persévéra jusqu'à la fin dans ces était fondée moins sur le droit romain que sur le res­ pect de la dignité, Vhonestas du clergé : on voulait errements. Sans doute, dit P. Viollet, le patrimoine empêcher qu'un ecclésiastique en fût réduit à une personnel des clercs est ordinairement exempt (est-ce bien sûr?). Mais il ne faut oublier Ici, ni les circonstan­ situation indigne de son état. On étendit la prohibition ces exceptionnelles où les biens patrimoniaux des de l'excommunication à la contrainte par corps, à clercs furent imposés, ni surtout la décime ct l’octroi l'hypothèque, à la cession immédiate des biens à une caritatif. Le lecteur enfin ne perdra pas de vue, qu'en personne laïque, à la saisie dc la pari dc patrimoine Languedoc ct en d'autres provinces, toute terre rotu­ constituant le titre d’ordination. Par contre on refusa rière, même appartenant à un gentilhomme ou à un le bénéfice du privilège au clerc qui reniait sa dette, homme d'église, doit la taille, puisqu'on ces pays, la usait dc dol, ne fournissait pas la caution promise taille est réelle. Histoire des institutions, t. ni, p. 480. i ou était plus riche que son créancier laïque. Cf. J.-B. En 1789, les Impôts directs sont la taille, la capita­ Sügmüllcr, Lehrbuch, 1.i, p. 253. tion et le vingtième. Dans les provinces du midi où la Cette exemption a beaucoup perdu dc son impor­ taille est réelle,les clercs la paient pour les terres rotu­ tance pratique depuis la disparition do l’excommu­ rières de leur patrimoine. Ailleurs ils sont exempts nication pour dette qui était très fréquente au moins de lu taille qui est personnelle ct n’aUeint que le tiersaux xm· ct xiv· siècles, mais contre laquelle le pou­ état. La capitation établie en 1695 ct grevant à l'ori­ voir royal, même celui de saint Louis, réagit fortement. gine toutes les classes n’existe plus pour le clergé Cf. P. Viollet, Histoire des institutions, t. il, p. 295, depuis 1710, année où son assemblée générale l’avait 298. La contrainte par corps qui a duré en France rachetée une fols pour toutes au prix dc six annuités. jusqu'en plein xix· siècle, jusqu’à la loi du 22 Juillet Reste le vingtième, impôt très lourd puisqu'il a été 1867,lui donnait également un intérêt qu'ellcn’a plus. doublé au xvm· siècle, les ecclésiastiques l'acquittent, Cependant quelques législations civiles la maintien­ mais suivant une répartition qui avantage les ordres nent encore partiellement en vigueur, en décrétant le privilégiés. L’immunité fiscale personnelle n'a donc caractère Insaisissable d'une certaine quotité des pas complètement disparu, mais les vicissitudes que revenus et dc certains biens meubles des ecclésias­ nous venons de narrer ne l’avaient pas laissée intacte. I tiques : telles les lois allemande, autrichienne (17 mal d) Là sc termine notre historique. Avec la Révo­ 1912), italienne (er. J.-B. Sâgmûller, ibid., ct art. Privilèges des clercs, dc la Catholic encyclopedia lution, tous les citoyens deviennent égaux devant américaine), espagnole (loi du 12 Juillet 1905). Cf. l’impôt, du moins c'est un Idéal dont nous continuons a nous approcher lentement. Le principe a fait le J.-B. Ferrons, Institutiones canonica, t. i, p. 108. Le canon 122 du Code est plutôt une règle dc sage tour dc l’Europe avec le drapeau tricolore ct succès- ; administration qu’une loi aux conséquences Juridi­ »iv< ment les divers États ont abandonné les derniers vestiges de l'ancienne immunité fiscale des clercs. ques précises : Il laisse à la prudence du Juge ecclésias­ L'Église s'est tue ct le récent Code dc droit canonique tique le soin de déterminer cc qui est nécessaire au n'a pas rompu son silence. Notons néanmoins que clerc débiteur pour son honnête sustentat ion ct impose certaines législations particulièrement libérales assu­ à ce dernier l'obligation dc s'acquitter le plus tôt pos­ sible. Aucune sanction ne corrobore cc canon. rent aux biens patrimoniaux des clerc*· une exemption 5e Acquisition ct perte des privilèges personnels des partielle d'impôts, telle la législation dc l’État de | 1253 IΜ M UN IT ÉS ECCLÉSIA ST IQ U ES 1254 clercs. — 1. Les privilèges précédents s’acquièrent concile dc Lyon tenu en 1274, sous Grégoire X), qui aussi bien par l'entrée en religion que par la réception étend la prohibition à toute procédure civile conduite par des laïques ct ajoute la clause de nullité. Les do la tonsuro. Le canon 014 du Code déclare, on effet, procès ecclésiastiques sont permis dans les églises bien quo les religieux, meme laies ct novices. Jouissent des privilèges des clercs dont il est question aux canons qu’il convienne de les Instruire ailleurs. 119 ct 123. Par religieux il faut entendre ceux qui On ne doit pas faire de négoce dans les églises ct les cimetières, même transitoirement. Cf. le c. D. Ccs lieux d’asile sont la plupart du temps des endroits de culte, parfois aussi des demeures dc rois ou dc prêtres, des tombeaux dc saints ou de personnages illustres. La violation dc l'asile peut être punie de mort. Lc criminel béné­ ficie du droit dc refuge aussi bien que le meurtrier Involontaire ct assez souvent le réfugié demeure in­ violable après même qu'il a quitté l'asile. Les anciens peuples ont connu cc droit aussi bien que les sauvages ou les barbares actuels. Chez les Hébreux il existait six villes dc refuge en même temps villes lévitiques, où le meurtrier invo­ lontaire pouvait trouver asile. Cf. Num., xxxv, 6; Jos., xx, 7, 9. Le livre de Josué explique très claire­ ment leur destination : < Telles furent les villes assi­ gnées à tous les enfants d’Israël ct à l’étranger qui séjourne au milieu d'eux, afin que quiconque aurait tué quelqu’un par mégarde pût s'y réfugier ct qu'il ne mourût pas dc la main du vengeur du sang avant d'avoir comparu devant l'assemblée. » Ibid., 9. Lc même livre dc Josué énumère ces villes : Hébron dans les montagnes dc Juda, Sichem dans celles d’Éphralm ct Kadesh sur Je territoire dc Ncphtali; puis à l’est du Jourdain : Bczer dans le pays de Ruben, Ramoth en Galaad (tribu dc Gad) ct Golan dans le Bashan (tribu de Manassé). De ccttc disposition résultait que de n’importe quel point du pays on pouvait gagner une ville dc refuge après un trajet dc trente milles au maximum (une journée dc marche). L'asile n’était assuré qu’au meurtrier involontaire, l'assassin devant être mis à mort sur-le-champ. Celui qui avait tué par accident courait d'abord à la ville de refuge pour sc mettre à l'abri des coups du < vongeur du sang, » parent de la victime, qui avait le droit de demander raison du meurtre ct dc compenser une mort par une autre. Puis le tribunal de l’endroit où le meurtre avait eu lieu avait à sc prononcer entre le vengeur du sang et le réfugié qui s’était rendu à sa barre muni sans doute d'un sauf-conduit. Reconnu Innocent, l’auteur de l'accident retournait dans la 125G cité d’asile où il était obligé dc demeurer jusqu'à la mort du grand-prêtre en exercice : avant cette date, le vengeur du sang qui le rencontrait hors dc la ville, pouvait le tucr impunément. Num., xxxv, 6-39. L'autel du tabernacle et du temple était également un lieu dc refuge. Cf. Exod., xxi, 12-14. Lc meurtrier ou celui qui craignait une vengeance saisissait les cornes dc l'autel, tel, par exemple, Adonias, fils de David ct rival dc Salomon. 111 Reg., i, 50. Ce dernier cas est un des très rares exemples do recours au droit d'asile que relatent les livres histo­ riques dc la Bible en dehors du Pcntateuquc, ct encore n'y est-il pas question d'un meurtrier involontaire. Chez les voisins d’Israël, de nombreux temples étaient des lieux dc refuge,même pour les criminels; on peut citer les Phéniciens et les Syriens jusque sous la domination romaine ct les anciens Arabes. En Grèce, plus d'un sanctuaire possédait le droit d’asile et les violateurs de ce droit étaient menacés des châtiments les plus sévères dc la divinité. Cf. Tacite, Annales, L 111, c. lx sq. Voir Asylia dans le Dictionnaire des antiquités grecques ct romaines dc Darembcrg et Saglio, 1.1, p. 505-510. Λ Rome, une tra­ dition relative à Romulus ct les allusions de quelques auteurs, Cicéron, par exemple, Dc lege agraria oratio secunda, 14, 36, permettent de conjecturer que quel­ ques sanctuaires anciens étaient des asiles. Mais c'est seulement vers la fin de la république ct au temps des empereurs que sous l'influence de la Grèce cet usage tendit à sc généraliser. Le premier exemple d'un privilège explicite est celui du temple érigé à César en l'an 42 avant notre ère. Cf. Wcstcrmarck, op. cU.9p. 162. On se réfugiait auprès des statues des empereurs comme dans les temples. Cf. Code Théo­ dosien, 1. IX» Ht. xuv, De his qui ad statuas confia giant. Enfin on rencontre Je droit d'asile chez les anciens Slaves ct les anciens Germains. Cf. Westcrmarck, op. cil., p. 162-163. La protection censée accordée par les dieux aux meurtriers réfugiés près de leurs autels tenait d'abord au sentiment dc terreur qu’inspirait à leurs adorateurs la sainteté des lieux de cuite. Dc plus les peuples primi­ tifs ou barbares assimilant par anthropomorphisme les relations entre hommes aux rapports des fidèles avec la divinité, transportent dans les choses reli­ gieuses les coutumes dc l'hospitalité si scrupuleuse­ ment observées par eux. Cf. Wcstcrmarck, ibid., p. 164-165. b) Après la paix ronstantinicnnc un fort mouve­ ment d'opinion sc dessina, qui transférait aux églises chrétiennes le privilège d'asile dont jouissaient de nombreux temples païens. Des Pères, comme saint Ambroise ct saint Grégoire dc Nazianzc, des auteurs païens, tels Ammicn Marcellin ct Zoslmc, témoignent dc l'habitude générale dc sc réfugier auprès des autels chrétiens. Cf. Many, De locis sacris, p. 91-96· La légis­ lation Impériale suivit cc mouvement tardivement ct pour ainsi dirc à regret. La première constitution impériale qui fasse allusion au droit d'asile le restreint pour en exclure les · débiteurs publies, >probablement les débiteurs du fisc alors poursuivis avec la plus ex trême rigueur : clic est de 392. Code Théodosien, 1. IX, tit. xxv, loi 1. Peu après, en 397 ct 398, les juifs qui simulent une conversion sont également déclarés forclos dc l’asile. Ibid., lois 2, 3. La même ! année 398, le privilège fut supprimé purement ct simplement. Cf. Socrate, H. E , 1. VI, c. v, P. G., t. Lxvn, col. 673; Sozomènc. II. E., 1. VIII, c. vn, I ibid., col. 1533; S. Jean Chrysostome, Homil. In Eutropium, c iî, 3, P. G., t. lu, col. 394. Lc concile | dcCarthage dc 399 demanda que le droit d'asllc fût ren­ t du (après le canon 56). Bruns, t. π, p. 168. Mais cc n'est qu'en 414 que Théodose le Jeune ct Honorius don- 1257 1Μ Μ U Ν IT ÉS ECCL ESI AST I QUE 1258 nerent enfin force de lol définitive au droit d'asile. monnaie ou des fausses lettre* apostoliques, le duel; Code Théodosien. I. 1, tit. xn, lois 1, 2. Des constitu- d’ailleurs, même quand 11 y avait lieu â ccs exceptions, t Ions Impériales do 431,433 ct 466(dc l'empereur 1 -éon) le criminel devait d’abord être enfermé dans la prison renouvelèrent ccttc décision. Cf. Many, ibid., p. 97-98. ecclésiastique et n’était remis aux Juges laïcs qu’après Enfin Justinien confirma à son tour les édits dc scs une enquête de l’évêque. En dehors de ccs cas tout prédécesseurs, mais en excluant dc leur bénéfice les homme, fût-il hérétique (s’il ne s’agissait pas de son adultères, les homicides et les ravisseurs des vierges. crime d’hérésie), juif ou païen était admis à l’asile. Novello XXV11, c. 7,dc l'année635« Cependant l’Église Enfin Pic IX dans la bulle Apostohac sedis précisa réitérait à maintes reprises l’interdiction de livrer les conditions où l’excommunication, en vigueur au ceux qui s’étaient réfugiés auprès dc scs autels, au moins depuis le II· concile de Latran, frappait les I*r concile d’Orléans en 441, can. 5, Bruns, t. n, p. 122, i violateurs du droit d’asile. Il compte, en cflet, parmi au 11· concile d’Arles en 443 ou 452 (canon 30 ' ceux qui encourent l’excommunication, réservée au ct 34 pour les esclaves), par une décrétale de Gélose souverain pontife: Immunitatem asyli ausu temerario (492-49G) qui néanmoins exceptait les violateurs violare Jubentes aut violantes. L’incise ausu temerario mêmes du droit d’asile. Fragments xvxun. Thiel, suppose que les coupables n’ignorent la peine que Epist. roman, pontificum, p. 504-506. d’une ignorance aHcctée ct agissent spontanément. Pendant le haut moyen âge le droit d’asile sc précise Cf. Instruction de l’inquisition du 15 juin 1870. Ne ct est reconnu par les Mérovingiens, les Carolingiens tombaient donc pas sous la censure les militaires qui ct des souverains barbares en dehors dc la France. agissaient contraints par l’autorité supérieure ou par Les conciles d’Orléans dc 551, can. 11, d’Épaorc de la loi. 517, can. 39, dc Lérida en 523, can. 8, Bruns, t n, Cependant h s gouvernements avaient cessé depuis p. ICO, 172, 205, s’en occupent derechef. Lc dou­ longtemps dc maintenir le droit d’asile. François I*', zième concile dc Tolède de 681 (en même temps loi par l’art. 166 de 1’ordonnance de Villers-Cottcretd’État) étend la protection des réfugiés à 30 ou 40 (1539), permit aux juges séculiers dc sc saisir des cris pas autour des églises, can. 10. Bruns, t. i, p. 329; mincis réfugiés dans les églises, tout en observant sur Graticn, Causa XVII, q. iv, c. 35. Quant au canon 89· cc point les lois canoniques. Les deux prescriptions du concile dc Mayence de 813(Graticn, Causa XVII, étaient contradictoires. En fait le droit d’asile disparut q. iv, c. 9) il est le prototype de la législation dc droit rapidement en France par l’action même de cette commun sur le sujet. Lc pape Nicolas 1·Γ ct cinq ordonnance. Au xix· siècle, seuls quelques États, qui conciles des xi· ct xn· siècles entérinent ct renforcent consentirent au saint-siège des concordats exception­ les prescriptions anciennes. Childcbcrt, Dagobert ct nellement favorables, conservèrent quelque chose dc Charlemagne (cc dernier après un instant d’hésita­ l’antique privilège. Le concordat autrichien de 1855, tion) leur donnent place dans la législation séculière. n. 15, promet de respecter l'immunité des églises dans Cf. Many, op. cit., p. 99. la mesure où la sécurité publique ct l’exercice de la Mais c’est le droit canonique classique, celui des justice le perm (.tiraient. Mais dès 1875 le droit d’asllc Décrétales, qui donna au privilège dc l’asile sa forme était tombé en désuétude dans les pays autrichiens. définitive. Le point de départ fut la seconde partie Cf. F. Vcring, Manuel de droit canonique, trad. Belct, du canon 15· du II· concile dc Latran tenu en 1139: Paris, 1881, t. n, p. 535. Le concordat conclu avec Prcccipimus etiam (le début du canon traite du l’Équatcur en 1862, a. 10, repris dans celui dc 1881, privilège du canon) ut in cos qui ad ecclesiam vel cimœ- promet le respect de l'asile, mais toujours sous la terium confugerint, nullus omnino manum mittere réserve des nécessités dc l’ordre ct de la justice. De audeat. Quod st fecerit excommunicetur. Mansi, t. xxi, plus, dans le même article,le saint-siège consent à cc coi. 530. Ccttc décision est reproduite textuellement que les autorités ecclésiastiques donnent, sur la de­ des conciles de Clermont tenu en 1131, can. 14,et de mande du gouvernement, l’autorisation d’expulser Fisc tenu en 1131, can. 14. Conçue en termes très les criminels réfugiés près de l’autel. Partout la situa­ généraux, clic pouvait donner lieu ù des abus. C’est tion réelle est depuis longtemps la suivante : le pou­ pourquoi Innocent III donna ù ccr sujet quelques voir civil ne reconnaissant plus, au moins pratiquement, précisions au roi d’Écossc qui semble s’être plaint le droit d'asile, les criminels n'en cherchent plus la que des malfaiteurs échappassent Λ un châtiment protection ct l’Églisc n’a plus l’occasion dc l’exercer. mérité en sc réfugiant dans les églises. B faut, répond Cf. Many, op. cit., p. 118. Voir les pages précédentes cc grand pape, distinguer entre les hommes libres ct pour l’ensemble de la législation séculière. C’est pourquoi le Code dc droit canonique a donné les serfs. Un homme libre, quels que soient scs crimes, une définition très atténuée dc l’asile. L'tgllsc (c’estne doit pas être expulsé violemment d’une église, ni à-dire toute église) Jouit du droit d’asllc en cc sens après en être sorti être condamné ù la mort ou à une que ceux qui s’y sont réfugiés ne doivent pas en être peine (corporelle). Les recteurs dc l’église dc refuge chassés, ù moins d’une nécessité urgente, sans le obtiendront d’abord qu’il ait la vie et les membres consentement dc l’ordinaire ou du moins du recteur, saufs. Mais par ailleurs 11 subira un juste châtiment. can. 1179. Dc plus, l'excommunication dc la bulle Dc plus seront exclus dc ccttc protection les brigands Apostolica sedis n’a pas élé conservée. (publici latroncs)cl les ravageurs nocturnes des champs. 2° L'immunité réelle. — C’est, ou plus exactement Quant au serf on le rendra à son maître en exigeant c’était, l’exemption d’impôts pour les biens ecclésias­ dc celui-ci le serment dc ne pas Je punir (corporelle­ tiques (qu’il faut distinguer des biens des ecclésias­ ment), sinon le maître pourra s’en saisir dans l’église tiques). Pour l’historique dc la question, voir Biens même. Décrétales, 1. III, tit. xux, c. G, donné au Laecclésiastiques, t. n, col. 8G7-S77. tran en 1200. En Allemagne, les lois d’empire du 4 Juin 1S87 ct Sc fondant sur les deux textes précédents, la coutume du 22 juillet 1906 exemptent en partie les biens pa­ ct les constitutions pontificales ont créé toute une discipline dc l’asile. La protection fut d’abord étendue roissiaux. Mais les concordats dc Wurtemberg et de Bade, n. 10 12, soumettent â l’impôt d’une façon gé­ Λ tous les bâtiments attenant â une église ct à tous lieux du culte. Par contre, aux crimes exceptés du nérale les biens d'église. Cf. Sâgmüllcr, Lehrbuch, privilège par Innocent III, on ajouta l’assassinat, t. n, p. 446, note 1. En Autriche, certains privilèges dans les églises ct les cimetières, par traîtrise ou à spéciaux subsistaient encore en 1914. Ibid. prix d’argent, l’hérésie, le retour au Judaïsme, la Chez nous, la séparation n’a pas complètement violation du droit d’asile, la fabrication dc la fausse supprimé toute immunité fiscale, puisque, même s’il 1259 IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES n’est pas formé d'associations cultuelles, les édifices affectés ù l'exercice du culte ct appartenant Λ l'État, aux départements et aux communes ne sont pas soumis à l'impôt foncier ct à l’impôt des portes et fenêtres. Il est vrai que cette exonération est la contre­ partie do l'appropriation que le pouvoir civil s’est faite de ces édifices. Cf. Dalloz, Manuel des cultes, n. 1708, où on renvoie à la loi du 0 décembre 1905, a. 24, § 1, et à la loi du 2 janvier 1907, a. 6, qui tout en prévoyant une affectation cultuelle (affectation exclu­ sive, ont décidé les tribunaux à plusieurs reprises), maintient toutes les dispositions dc la loi dc 1905 qui ne lui sont pas contraires. C'est aux États-Unis que nous trouvons les exemp­ tions les plus larges : « Partout... les édifices du culte sont exemptés d'impôts, loin que les pouvoirs publics aient l'idée de les confisquer; presque partout les presbytères, asiles, cercles, écoles, séminaires ct en général les établissements (religieux), bénéficient dc la même exemption. > F. Klein, La séparation aux États-Unis, Paris, 1908, p. 62-63. Dans l’Etat de NewYork, la loi du 24 avril 1903, antérieure de deux ans seulement à notre loi de séparation, exempte d'im­ pôts « les biens meubles ct immeubles de toute corpo­ ration ou association organisée exclusivement pour le progrès moral ou intellectuel, ou ayant en vue la religion, la Bible, la diffusion des tracts, la charité, la philanthropie, les missions, les hospices, les secours aux malades, l'éducation, les sciences, les lettres, les bibliothèques, le patriotisme, l'histoire, les cimetières, la protection dc l'enfance ou des animaux, ou pour­ suivant plusieurs dc ces buts à la fois, étant compris que ces biens y seront employés exclusivement. > La même loi ajoute < que les propriétés aux mains d’un ministre d'uno dénomination religieuse et servant aux mêmes baisseront également exemptées d'im­ pôts. » Ibid., p. 62. Cc dernier texte prouve d’ailleurs que le principe qui a guidé les législateurs américains est plutôt lutllité publique que l'immunité religieuse proprement dite. On peut rattacher à l'immunité réelle l'interdiction d’employer pour des usages profanes les objets du culte, res saeræ, consecratæ ou benedicite. La discipline traditionnelle a pris dans le Code la forme suivante : < Les objets consacrés ou bénits d’uno bénédiction qui les constituo comme tels doivent être traités avec respect et ne pas être employés à un usage profane ou contraire à leur destination, même s'ils font partie du patrimoine dc personnes privées, » can. 1150. On ne doit pas les prêter pour un usage qui ne convient pas û leur nature, can. 1137. S'ils perdent leur consé­ cration ou leur bénédiction, on pourra les acquérir (entre personnes privées) pour des usages profanes, mais décents, can. 1510, § 1. Leur aliénation était absolument interdite chez les Romains ct pendant les premiers siècles du christia­ nisme. La conception germanique du patrimoine séparé des églises mit fin à cette interdiction. Cf. S&gmùller, t. u, p. 300. Le Code admet qu’il soit fait commerce des objets du culte sous certaines con­ ditioni, can. 1510. § 1. « Les choses sacrées qui sont dans le domaine des personnes privées peuvent être acquises en vertu de la prescription par d'autres personnes privées qui no peuvent pas cependant les employer pour des usages profanes; néanmoins, si elles ont perdu leur consécration ou leur bénédic­ tion, on peut les acquérir librement même pour des usages profanes qui ne soient pas sordides. { 2. Ix» choses sacrées qui ne sont pas dans le domaine des personnes privées peuvent être prescrites, non par une personne privée, mais par une personne morale cccléiasti que contre une autre personne morale ccclésiasUque » 1260 VL La Congrégation de l'Immunité. — Ce n’est plus qu’un souvenir du passé. A la fin du xvi· siècle, Sixte V confia les affaires d’immunité à la Congré­ gation des Évêques, puis Urbain VIII, par la bullo Inscrutabile (22 Juin 1626), créa la Congregatio Immu­ nitatis. Cette Congrégation comprenait plusieurs cardinaux dont le préfet ct le secrétaire, un procu­ reur fiscal, deux évêques ponents et des officiales minores. Elle a rendu de nombreuses décisions qui n'ont pas été réunies en collection officielle. En 1708J Pierre André Ricci, abbé général do Citeaux, publia uno Synopsis, décréta et resolutiones S. Congreg. Immunitatis super controversiis jurisdictionalibus complectens. Une réédition avec un grand nombre d'additions en fut donnée en 1868 à Paris par Mgr Bar­ bier do Montault. La Congrégation des Immunités exerçait son activité surtout dans les Étals ponti­ ficaux; partout ailleurs les gouvernements n'étalent guère d’humeur à tolércr son intervention. Aussi perdit-elle beaucoup de son importance après 1870 ct devint-elle une simple dépendance dc la S. C. du Concile. Quand Pic X réorganisa les dlcastères, en 1908, il la supprima purement ct simplement. Cf. Mgr Boudinhon, art. Immunity dc la Catholic ency­ clopedia. C’est à la S. C. du Concile que le Code dc droit canon confie toutes les affaires qui ont rapport à l'immunité ecclésiastique, can. 250, § 3. VIL Conclusion. — L’Église a toujours maintenu le principe général dc l'immunité, parce que cc prin­ cipe répond à un sentiment religieux très répandu (nous l'avons vu à propos du droit d'asile) et que les diverses immunités sont souvent nécessaires au libre exercice du ministère ecclésiastique. Mais l’application de cc principe a été très variable suivant les époques, on peut même dire qu'en aucun temps, fût-ce ceux de Constantin, dc Charlemagne ou dc saint Louis, elle n'a abouti à la mise en vigueur simultanée dc toutes les exemptions personnelles, réelles ou locales ct cela aussi bien du fait des concessions ou des tolé­ rances tacites de l’autorité ecclésiastique que des exigences du pouvoir civil. L'ùgc d'or des immunités fut la période des Décré­ tales (le xih· siècle) et du Scxte (début du xrv· siècle) : la théorie canonique sc constitue définitivement sur ce point, quelles que fussent les déficiences dc la pra­ tique. D'ailleurs, lo régime féodal dominait alors ct l'immunité y était une nécessité pour tout homme libre, car le statut légal dc chaque individu compre­ nait beaucoup plus dc privilèges particuliers que dc droits reconnus à tous. Cependant, nous l’avons constaté à plusieurs reprises, l'immunité féodale pouvait être le contraire de l'immunité ecclésiastique et imposer aux possesseurs ecclésiastiques des fiefs certaines des charges du gouvernement, ou bien une exemption pouvait entraîner la disparition d'un autre privilège. Cf. le remplacement du service mili­ taire par l'impôt. Dès que le pouvoir royal se fortifiant bat en brèche la féodalité ou sc l'annexe — événement déjà en cours au moment où Boniface VIII défend si énergiquement le principe do l’exemption — les immunités cléricales sont fortement entamées, surtout dans l'ordre fiscal. La papauté sc montre en cette occurrence assez accommodante, au moins en règle générale, pourvu que la dignité dc l'état clérical soit sauvegardée. Les concordats qui, après le concile dc Constance, tendent à réglementer l'ensemble des relations entre les deux pouvoirs facilitèrent l’entente de Rome ct des gou­ vernements sur le fait des exemptions. Évidemment nous parlons d'entente en considérant la situation d'un peu haut, dès qu’on entre dans les détails des rapports de i’Église ct dc l'État on constate plus d'un conflit. C'est un s'élevant lui-même au-dessus des 12G1 IM M U N IT É S ECCLÉSIASTIQUES querelles particulières que le concile dc Trente sc borna, en matière d'immunités, à faire appel à la bonne volonté des princes en les invitant à réprimer certains excès dc zèle dc leurs subordonnés : ncc per­ missuros officiales, aut in/crlores magistratus Ecclesia: et personarum ecclesiasticarum immunitatem, Del ordi­ natione et canonicis sanctionibus constitutam, aliquo cupiditatis studio, seu inconsideratione aliqua violent. Seas. XX, c. xx, De reformatione. 11 faut noter néanmoins qu’au début du χνπ· siècle Urbain V111 crée la Congrégation dc Γ Immunité ( 1626). La mine de l’ancien ngime amena Ja disparition presque complète des immunités. Au xix· siècle, il n’en reste ici ou là que quelques vestiges. Aussi, en affirmant à nouveau et avec solennité le principe des exemptions, Pic IX rcconnut-il la nécessité des accommodements dc l’ordre pratique. 11 condamna la théorie qui faisait dérivcrics immunités uniquement des faveurs du pouvoir civil. Prop. 30· du Syllabus : Ecclesiæ et personarum ecclesiasticarum Immunitas a jure civili ortum habuit, extraite de l’allocution Mul­ tiplices inter, du 10 juin 1851. Il protesta contre la sup­ pression dc ces mûmes immunités effectuée par un acte unilatéral du pouvoir laïque. Prop. 43· du Syllabus : Laica potestas auctoritatem habet rescindendi, decla­ randi ac jaciendi irritas sotemnes conventiones (vulgo concordata) super usu jurium ad ecclesiasticam immu­ nitatem pertinentium cum sede apostolica initas sine hujus consensu, immo cl ca reclamante. Extraite de l’allocution du 1er novembre 1850 contre un vote des Chambres de Sardaigne. Mais il déclara en même temps qu’on pouvait envisager certains tempéraments : < Nous ne nous refusons pas à tempérer les dispositions des canons concernant ces mûmes immunités, en ayant égard au lieu ct au temps. · Cf. L. Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du saint-siège, Paris, 1913, p. 319. Enfin, le Code dc droit canon a donné force dc loi, à propos dc presque toutes les immunités, à ces tem­ péraments prévus par Pic IX. Néanmoins on y re­ trouve l’ensemble des exemptions traditionnelles, sauf l’immunité réelle en matière fiscale. On peut aussi y découvrir quelques sanctions ou assertions générales qui rappellent l’ancienne doctrine canonique: tel le canon 2334 qui frappe d’excommunication, ré­ servée spécialement au souverain pontife, ceux qui édictent des lois, ordonnances ou décrets contre la liberté ou les droits dc I’Église (c’cst la reproduction d’une censure dc la bulle Aposlolicie sedis, excommu­ nications, scct.i, n. 7);td le canon 1160 qui déclare les lieux sacrés exempts dc la juridiction dc l’autorité civile. En somme, le principe est maintenu, mais il est loin dc recevoir tous les développements que lui avait donnés le Corpus juris. I. Sourcks. — 1· législation ecclésiastique. — 11. Th. Bruns, Can one.« apostolorum ct conciliorum itrculorum IV, F, F/» FZ/, Berlin. 1839; Mans!, Concil.; Corpus juri» cano­ nici : les textes du Corpus relatifs aux immunités sont dis­ persés un peu partout, voici ceux qui sc trouvent Λ peu près groupés ensemble : Décret dc Graticn. causa XI. q. Σ (privilège du for); Décrétales de Grégoire IX. I. II. tit. xn. De joro competenti ;l. lit,Ut. xux,De immunitate ecclesiarum, cccmitcrti ctrrrumad cas pertinentium; tit. !.. Xeclcrlel vcl monachi sircularibus negotiis se immisceant ; 1. V. tit. xxxix. De sententia excommunicationis (privilège du canon); Scxtc de Boniface VIII. 1. II. tit. il. De foro competenti; 1. Ill, tit. xxm, Dr immunitate ecclesiarum, arm lieriorum rt aliorum locorum religiosorum; I. V, tit. ix, De pomis (privilège du canon); Clémentines, I. Ill, tit. xvn. De immunitate eccle­ siarum; 1. V, tit. vm,Dcpants (privilègedu canon); Extra­ 1262 vagantes communes, J. 111, tit. xni.De immunitate eecleiiarum. Pour bi période postérieure au Corpus juris, on trouvera dans l’édition annotée du Codex juris canonici, tous les renvois utiles aux constitutions pontificales et aux décrets des Congrégations romaines. Le Code n'a groupé quo les Immunités personnelles au titre n do la P·partie du IP livre : De juribus et pria tirg ils clericorum. Les textes relatifs aux autres immunités sont dispersés dr-108, ct Philippo Maroto en a parlé plus longuement dans scs Institutiones juris canonici, Madrid, 1918, t.i.p. 479-495. 2· Éludes historiques. — L'anctenne et nouvelle discipline dc VÉglise dc Louis Thornassin reste l'ouvrage fondamen­ tal. lui 1'· édition en fut donnée Λ Lyon dans les années 1678 ct suivantes. Nous citons celle d’André, Bar-le-Duc, 1S641867. Best question des Immunités eu L I·’ dc la IIP partie, с. xxxin-xLMii, ct nu 1. IIP, c. xuv (dc la milice), t. vî, p. 213-330; t. vn, p. 437-410. Il faut néanmoins sc rappeler: 1· que de nouveaux textes ont été découverts de­ puis Thornassin ; 2* que ce dernier cite encore des documents apocryphes, tels les faux capitulaires de Benoit Lévite. Edgar Lœntag, Geschichle des deutschen Klrchcnrechts (en fait il s’agit du droit gallo-franc), Strasbourg, 1878, t.ï, p. 167 sq. ; t.li, p. 284 sq.; Paul Vlollet, Histoire des Institutions politiques ct administratives dc la France, Paris, 1800-1003,1.1. p. 328, 329, 400, 402, 404, 436, 410, note 4; t. H, p. 399-401 ; Histoire du droit civil français, Paris, 1905, l’rivâègrs et incapacités des clercs, p. 294-307; Chaillot, Privilèges du clergé, Paris, 1866; R. Poncct. Les privilèges des clercs au moyen dgc, Paris, 1901 (références üisufQsantés). Ér. Maonin.