DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE CONTENANT L’EXPOSÉ DOCTRINES DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE DES LEURS PREUVES LEUR ET COMMENCÉ SOLS La DIRECTION DE E. MANGENOT VACANT A. rnoMMsron au oîuxd ««mixum HISTOIRE riwraercn i ι/ιχηττττ cathouqu» uk juxct SOUfl CONTINUE CELLE dk DE É. AMANN PROFESSEUR A LA FACULTE DE THÉOLOGIE CAIDOUQUK DE L’UNlVLFJni DE FTIUFBOCM. AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE OE COLLABORATEURS TOME SEPTIEME DEUXIÈME IMPANATION PARTIE IRVINGIENS PARIS-VI LIBRAIRIE 87, LETOUZEY Boulevard ET ANE R as pail, 87 1927 TOUS DROITS RÉSERVÉS n>us Imprimatur Argentorati, dic 6 Januarii 1923. t Carolus Josephus Eugenius Ep. Argent. DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE I ( Suite ) IM P AN AT ! O N. — Quelques théologiens catho­ du dehors; à la main, par exemple, de l’expert calhliques donnent ce nom à la doctrine de Luther, qui graphe qui guide les doigts tout à fail dociles d'un joignait à la croyance de la présence réelle et subs­ enfant. Dieu peut ainsi par des grâces efficaces sûres tantielle du corps et du sang de Jésus-Christ dans mouvoir constamment une volonté docile et La rendre l'eucharistie, l'affirmation de la permanence du pain impeccable de façon antécédente, mais extrinsèque. et du vin. D'autres désignent la même doctrine par 11 y a enfin Γirnpeccabilité antécédente intrinsèque : le nom de consubstantiation. Voir Eucharistie» L v, i la volonté, puisque la faculté opérative de l'action col. 1346-1347. Celte doctrine de la permanence du morale, c’est la volonté libre, a, cette fois en elle-même, pain et du vin avec le corps et le sang de Jésusdans ses éléments constitutifs de puissance morale, Christ a été condamnée par le concile de Trente. Ibid., quelque chose qui lui rend la défaillance Impossible. col. 1347-1348. La grâce, rcmarquons-le de suite, n’est pas un élément proprement constitutif du principe de l’action morale IMPECCABILITÉ. — I. En général. II. Imcommo telle; comme telle, c’est-à-dire non en tant pcccabilités diverses. que surnaturelle. Aussi l’impcccabilité de grâce ne I. En général. — 1° Notion générale. — 11 faut serait qu’une irnpeccabilité formellement extrinsèque. d’abord distinguer le fait de pécher ou de ne pas 11 y a irnpeccabilité intrinsèque, par exemple, dans les pécher, peccatum, impeccantia, et la possibilité ou bienheureux ou dans l'âme du Christ, plongés dans l’impossibilité de pécher ou de ne pas pécher. L'im­ la vision intuitive, comme nous le verrons plus loin. possibilité de pécher, c’est Γimpeccabili lé. Celle-ci Pour être complet et fournir dès l’abord toutes n’est donc pas seulement la négation du pêché, même les distinctions qui nous seront bientôt nécessaires il de tout péché, négation qui pourrait ne s’appliquer faut savoir que 1 irnpeccabilité intrinsèque peut être qu'au simple fait; mais la négation de la possibilité I intrinsèque ά la seule /acuité d’agir ou intrinsèque à la même de pécher ou l’affirmation de l’impossibilité nature substantielle même de l’être qui agit. Nous allons montrer que Dieu seul possède l’impcccabilité de pécher. absolue de nature, bien que le Christ possède aussi 1. L’impossibilité de faire quelque chose, à son une irnpeccabilité substantielle spéciale. tour, peut être multiple, suivant les sources d’oppo­ 2. Mais que signifie en soi et formellement cette sition qui existent entre la nature agissante et la impossibilité de péchcr? Nous pouvons appliquer ici chose à faire. On pourrait ainsi, dans un sens large, les fameuses oppositions de saint Augustin, à propos énumércr d’abord une irnpeccabilité simplement con­ do rimmorlalité d’Adam et sérier le posse peccare. séquente, conséquente à la prévision infaillible du le posse non peccare, le non posse peccare et le non posse fait de ne pécher jamais. Dieu aurait pu. par exemple, non peccare. Le non posse non peccare, c'est la fixité prévoir et vouloir un ordre, où. de fait, aucun ange, du damné dans le péché, et de façon imparfaite. l'im­ aucun homme n’aurait péché, tout en gardant aux puissance du pauvre obstiné, qui privé, par sa faute, hommes et aux anges le pouvoir intrinsèque de pé­ de grâces actuellement nécessaires, ne peut plus éviter cher. Dans cet ordre tous auraient été impeccables, mais (l’impcccabilité simplement conséquente. le péché. Voir Imp&nitence. Le posse peccarc, c’est 11 faut ensuite, dans un sens plus strict, considérer la fragilité de la nature libre, encore sujette à défaillir. Virnpeccabilité antécédente : une impossibilité de péchcr Le non posse peccare, c’est l’impcccabilité elle-mùnc fondée sur le principe lui-même des actions morales, dans son acception universelle. Le posse non peccare principe en qui se trouverait quelque chose d’incom­ enfin peut être la simple puissance d’éviter en fait patible avec l’agir déréglé ou pcccamineux. le péché, puissance que tout être libre in via a par Cotte impossibilité antécédente peut ù son tour être rapport à chaque péché, autrement il ne serait pas extrinsèque ou intrinsèque; voici de quelle façon. 11 libro; mais le posse non pcccarc peut s’entendre aussi y a irnpeccabilité antécédente extrinsèque lorsque l’im­ d’un pouvoir efficace, assuré de ne pas défaillir et cela possibilité de faillir n’est duc qu’à un secours venu c’est l’impcccabilité antécédente intrinsèque. Les DICT. DE TIIÉOL, CATKOL. VIL — 40· 1267 IMPECCABILITY 1268 bienheureux ont au ciel ce posse eflicaz non peccare; [ in h. loc., pour comprendre la portée précise des affir­ nom ne l avons pas, nous autres. mations si profondes de saint Thomas, portée non 2® Cela nous met Immédiatement en face des pro­ comprise toujours par Scot et par Suarez. blèmes tbéologiques de Γ impcccabilité. Cette question 2. Impcccabilité et Dieu. — Dieu possède, est l'irnde la peccabllité ou do l’impcccabilité est, en effet, pcccabilité absolue; Il est la sainteté et la pureté au au cœur des divers problèmes que pose la conscience degré infini. Inutile de citer sur ce sujet des textes au sujet de sa vie morale. bibliques ou palristiques. Bien de commun possible, Pouvoir faire le mal, quel mystère et quelle condi­ de n’importe quelle possibilité, entre Dieu et le mal, tion de vie pour l'être libre! Mais pouvoir le faire le mal moral, le péché. C'est d’ailleurs une conclusion n'entratnc-t-ll pas le pouvoir de ne pas le faire à vo­ évidente des notions qu'on vient d'exposer· La lonté et ainsi la faculté naturelle d’impcccabilité? volonté divine, en effet, est une force infinie d'adhé­ (Pélagianisme.) sion au Bien infini connu par l'intelligence divine. Si on enlève ce pouvoir à la nature, serait-co donc A ccttc connaissance in finie du Bien infini, il est impos­ que celle-ci est corrompue radicalement et n'a plus sible que la volonté divine ne réponde pas par un amour la liberté d’éviter le mal? (Protestantisme.) infini, aussi immuable que la vision Infinie qu'elle Si on distingue pou\ olr facultat if et pouvoir efficace suit. C'est là la raison formelle de l’impcccabilité dans la nature du libre arbitre, celui-ci ne garde-t-il divine. pas toujours sa nature et ne restera-t-il pas dès lors Plus radicalement et pour remonter à la nature faillible in rlernuml (Origénismc.) divine elle-même : il faut comprendre que le Bien Alors qu'est-cc que le terme do la vie : une Immo­ infini, c'est Dieu lui-même, la vision intellectuelle bilité extrinsèque que retient la main do Dieu? Infinie de ce Bien, c'est encore Dieu lui-même; la (Nominalisme) ou une Immobilité Intrinsèque absolue volition,l'amour infini de ce Bien infini,c'est toujours et cela dans l'ordre surnaturel seulement et seule­ Dieu lui-même. C'est-à-dire que tout cela c’est la ment pour les bienheureux (Suarez) ou dans tout même substance simple et infinie qui est Bien, Vision, ordre, même naturel, de fin dernière? (Saint Thomas.) Amour infinis, subsistants, comme tout cela, est Concrètement, qu'est-co quo notre liberté et notre l'Ètro même subsistant. Dieu ne peut donc pas plus grâce et notre sainteté d'ici-bas? qu’cst-ce que la pécher ou vouloir hors de la pure rectitude du Bien sainteté des confirmés en grâce? la sainteté de Marie absolu qu'il ne peut cesser d’être l’Ytre ou d'être la Vierge, mère de Dieu? la sainteté de Jésus, Γ1 lommc- lui-même. Dleu? la sainteté des bienheureux dans le ciel? du I-e volontarisme moral a donné une autre notion moins pour autant que toutes ces saintetés incluent de la rectitude morale et donc de l’impcccabilité rimpeccabllité? divine. Dieu ferait par son libre bon-plaisir tout bien II. Impeccabxutés diverses. — Nous avons à et tout mal. Bien et mal Intrinsèques n'existeraient étudier Ici : Ie rimpeccabllité divine et l'impcccabl- pas, mais ne seraient que des effets positifs des élec­ lité créée dans leurs principes; 2°rimpeccabllité par tions divines. Quant à Dieu lui-même, tout serait grâce sur la terre; 3° l’impcccabilité dans l'autre vie; droit dans ses œuvres, au fond parce que nul autre 4· l’impcccabilité dans lu Christ. ne peut lui poser de règle ou de loi, ou parce qu’il 1· L'impcccabilité divine et rimpeccabllité créée est son maître à lui seul. Un tel volontarisme, qui dans leurs principes. — La source de Γ impcccabilité. ruine par la base toute vraie morale, n'est qu’une — Nous n’avons qu’à résumer Ici deux articles de grossière méconnaissance des premières notions de saint Thomas, De veritate, q. xxjv, a. 7, et Somme Dieu et de volonté et de bien et d'être. Voir Moralité théologique, B, q. lxiïi, a. 1. (Obligation morale). Pécher, c’cst manquer à la rectitudo qu'aurait dû 3. Impcccabilité et nature créée. — Dieu pourrait-il avoir une action, qu’il s'agisse des œuvres de la na­ produire une créature Impeccable do par son essence? ture ou de celles de l’art ou de celles de la liberté Voilà la question qu'on trouvera longuement étudiée morale. Or telle faculté, toile action. Pour des actions par les grands théologiens aux premiers chapitres de Infailliblement réussies, Immanquablement droites, la chute des anges, ù la suite de saint Thomas. Sum. il faudrait donc une faculté possédant en elle-même thcol., B, q. lxih, a. 1. Voir les résumés de Jean de la riglc ou la force d’absolue rectitude de scs actions. I Saint-Thomas, disp. XX111, Ope ru, t. iv; SalmantiUne faculté, ayant dans sa nature même la règle du ccnscs,D« anqclis, disp. IX; Suarez, De angelis9Ï.VH, droit et partait agir, sera impeccable· Au contraire c. ni. Nous allons résumer ces résumés eux-mêmes. toute faculté qui n'aura pas ccttc force et cette règle a) D'abord, posons bien la question : une créature en elle-même, mais devra la recevoir du dehors, par est-elle possible qui serait de par sa nature Intrinsè­ elle-même sera défcctible et sujette à pécher. Ainsi quement impeccable. 11 s’agit d’une créature intclllvulgairement parlo-t-on pour le dessin d’avoir le ! gente et libre et non d'une ûmo spirituelle ù qui Dieu compas dans l’œil; ou dans la comparaison de saint pour la rendre Impeccable enlèverait la faculté de Thomas, pour le charpentier qui scie en une ligne juger ou de choisir, espèce d’homme-brute imaginé imperturbablement droite, d'avoir comme une règle par Gabriel Bicl, Major et autres nominalistes. Il dans la main. s'agit de ce qu'elle pourrait de par sa nature seule et 11 en va semblablement dans le domaine des choses cela posée dans un ordre naturel ou dans un ordre morale*.. Notons d'abord que la volonté est une fa­ « supérieur surnaturel; niais non de ce qu'elle pourrait culté non de biens particuliers seulement, comme Ici ou là par grâce surajoutée à sa nature. Donc une l’appétit animal, mais du Bien absolu. Infini. La créature pourrait-elle exister qui de par son essence rectitude pour elle ce sera donc d’aller à ce Bien serait impeccable en tout ordre possible pour elle? Le absolu seul et toujours, comme à sa fin dernière. Pour I problème semble subtil; mais les théologiens ne l’ont avoir une rectitude de vouloir Impeccable, il faudra pas analysé longuement sans raison; car c'est lui qui donc ù la volonté la possession intrinsèque d’une fait le mieux pénétrer dans l’intime du problème du force absolue d'adhésion nécessaire au Bien in fini. | péché. Toute volonté qui n'aura pas en elle-même celte règle Comme en la plupart de ces matières qui touchent nécta d tan te du bien moral no sera pas Impeccable, à la psychologie spirituelle et spécialement angélique, mais pourra au contraire d’elle-mème faillir et pé­ il y a trois solutions données à la question, par saint cher. On consultera là-dessus les commentaires et Thomas, Scot, Suarez. Voir Anges, t. i, col. 1228 sq. b) Les prédécesseurs nominalistes do Scot, et, après les explications de Cajctan, ou des Salmanlicenscs, [ 1269 IM PECCABIL1TÊ cuxOccam, Major, Gabriel Biel, avaient, pourcombat Iro les opinions courantes, Imaginé diversos hypothèses, outre celle mentionnée plus haut. Ainsi Dieu ne pourraitil Inventer un être corporéo-spirituel, avec toutes ses i facultés, mais plus parfait que nous, tellement qu’il ccrait fixé dans lo bien? Ou encore Dieu ne pourrait-il créer une volonté déterminée métaphysiquement au bien par un concours divin sjiédal? Valentia, In JM>,dlsp. H, q. xiv, p. I, Scot surtout. In IV Sent., ï. II, dlst. XX1I1, q. unica, admettent les hypothèses nominalistes, du moins en se tenant au point do vue philosophique. Molina est ù rapprocher de ces opinions, lui qui admet que Dieu peut créer un être Λ qui la vision Intuitive, laquelle certainement entraîne l’impcccabilité, serait naturelle. c) Saint Thomas, loc. cit., et De veritate, q. xxiv, a. 7, et tousses disciples nveclul, pensent que nulle créature ne peut exister qui soit, de par sa nature, impeccable absolument. De par sa nature, l’homme peut pécher et contre les lois de l’ordre gratuit surnaturel et contre les lois même de l'ordre naturel;d’autre part, il n'y a pas à imaginer une nuire substance corporéospirituclle que l’homme. Voir Ame, forme du corps.— Pour Tange, on peut et il faut admettre qu’il est essentiellement impeccable dans Tordre naturel, mais il ne Test pas de sol dans un ordre de fin et de lois surnaturelles. Par rapport donc ù la fin surnaturelle, toute créa­ ture est de sol improportionnéc, défcctiblc, non im­ peccable. d) Enfin Suarez, loc. cil., ici comme ailleurs a cherché une voie moyenne entre saint Thomas et Scot. 11 admet la peccabllité de toute créature avec le docteur angélique, mais il ne croit pas plus que Scot à l'impcccabilité naturelle des anges dans l’ordre de pure nature. Il admet aussi une Impcccabilité de grâce, comme connaturclle, media via, croit-il, pos­ sible entre scolistcs et thomistes. Voir ibid., n. 5. e) Concluons par quelques considérations sur la solution du problème, avec saint Thomas pour guide. Voici d'abord la raison profonde dernière que le docteur angélique, nulle part peut-être plus angé­ lique, donne de la peccabllité radicale de toute créature. Toute créature est tirée du néant; elle n’est donc pas sa perfection ù elle-même, son Bien absolu à ellemême. Elle est donc pour une fin extrinsèque et pour acquérir, par l'union avec ccttc fin, une perfection Intrinsèque qui achèvera son être. Toute créature est ainsi essentiellement une puissance, une capacité d'être, en tendance à une fin d'après une loi située hors d'clle-même. — La créature n'a donc pas en cllo-mêmo les principes adéquats de sa perfection et d’elle-mème elle peut en être privée pour diverses raisons; d'cllo-mêmo elle est défcctiblc. Appliquons cela à la créature morale, ù la volonté libre. Toute volonté créée, parce que radicalement ex nihilo, n'est pas le Bien suprême, mais une puissance en marche vers le Bien suprême situé hors d'elle-même. Nous pouvons donc la regarder soit en marche vers ce terme de son existence voyageuse, soit dans l’élan final qui doit l'unir à lui. En route sa marche serait naturellement infaillible si elle avait, de par son essence, en elle-même la règle certaine du droit chemin et du marcher persévérant. Dans l’union au terme suprême, cette union serait do nouveau naturellement Inamis· siblc et la volonté serait ainsi fixée à jamais dans lo bien, si elle possédait en elle-même une force Intrinsè­ que personnelle d’adhésion inébranlable ùl’Être infini. Mais peut-on— je ne dis pas imaginer, car imaginer est un grand défaut en psychologie spirituelle — peut-on concevoir une créature qui soit à elle-même de par son essence sa règle parfaite d’agir, au moins 1270 dans un ordre surnaturel et spécifiquement divin? Cela serait contradictoire. Peut-on encore concevoir un être créé qui, de par sa nature, s'élèverait à la vision adéquate et à la possession absolue du Bien suprême, seule force d'adhésion immuable avec lui, en toute hypothèse? Cela encore est contradictoire, car lo vision et la possession intuitives de Dieu, par dé finilion,sont la vie propre et spécifique de,Dieu et ne peuvent donc devenir l'apanage naturel d'une créature quelconque : agere sequitur esse; agir formellement divin, essence divine. Il faut être Dieu pour avoir de par sa nature la fixité dans la possession absolue immédiate du Bien infini. La volonté créée ne l'a pas d’elle-mème et si, pourtant, elle y est dirigée comme à sa fin, ce n'est pas en elle qu'elle aura le principe d’une union impeccable; d'elle-même elle pourra au contraire lui rester infidèle et ainsi défaillir. En résumé, d’ap rès s ain t Thomas, De veritaie, loc .cit., aucune volonté créée n'a en elle-même la raison de tout bien. Or la faculté n'est infaillible de par sa nature que pour ce dont elle possède en elle-même la raison ou la perfection constitutive. Donc aucune volonté créée n'est, de par sa nature, impeccable en tout ordre de bien. Voir Anges, 1.1, col. 1235-1237, spécialement sur la question de rimpeccabllité des anges dans Tordre naturel. Cette façon de concevoir est bien celle d'ailleurs que suggère la lumière révélée. Anges et ho: mît· es de fait ont péché; ils n'étaient donc pas impeccables de nature, autrement leur nature se serait détruite. Or toute créature spirituelle semble bien devoir être identique en substance à Tange ou à l’homme. f) Mais si la liberté créée, de sa nature, peut pécher, est-ce que de sa nature elle ne pourrait pas aussi ne pas pécher? Pouvoir pécher n’lnclut-il pas pouvoir ne pas pécher et donc pouvoir ne jamais pécher si on le veut suffisamment? Non. Notre nature, soit en elle-même de par sa fragilité essentielle, soit dans l’état de déchéance originelle, soit même après la sanctification surnatu­ relle de l'âme ici-bas, sanctification non intégrale, notre nature ne peut éviter longtemps le péché mortel sans des secours divins, qui lui sont d’ailleurs dûs, en tant que forces ’médicinales nécessaires. Avec ces secours, l'homme, le juste surtout, et finalement lo juste seul dans notre ordre, peut pratiquer le bien et éviter tout péché grave; mais il n’a pas pour cela une force efficace, une assurance Infaillible contre toute chute, il peut ne pas pécher mortellement, mais il n’a pas le pouvoir infaillible de ne jamais pécher. Voir GRAC3» t. vi, col. 1583-1594, 1677 (nécessité de la grâce), col. 1595 (la grâce dans le juste), et PebsévéRANCE. Enfin la grâce peut être perdue par nous; ce n'est pas en nous une semence ou parcelle divine Incorrup­ tible (gnoses diverses), ni une predestination inadmis­ sible absolument (Calvin) ou relativement (Luther), en deux mots, elle n'est pas un principe fatal d’impcccabilité mécanique à l'usage de certains élus, mais un principe fécond de vie divine encore imparfaite. Voir Grace, col. 1628-1630, et les articles Gnosti­ cisme, PROTESTANTISME, PRÔDESTlNATION. 2° Impcccabilité par grâce sur la terre. — Après l'article du De veritate cité plus haut, saint Thomas se demande si la liberté créée peut au moins par grdet devenir Impeccable et cela soit, dans la gloire, soit dans l’état présent de voie. Considérons d'abord cette dernière hypothèse. Cf. S. Thomas, De veritate, q. xxiv, n. 8, 9. La volonté créée n'a pas en elle-même et naturelle­ ment la raison du Bien absolu, mais seulement celle de quelque bien particulier. Ce qu’elle n’a pas de nature, Dieu peut-il le lui donner par grâce? De façon 1271 IMPECCABILITÉ 1272 gcnéralc d abord. répondons affirmativement. Dieu i sens catholique est claire. La grâce, la filiation divine, pent s'unir tellement la volonté de sa créature qu’il la nature divine sont Incompatibles avec lo péché en devienne le total et nécessaire principe d’action, et l'excluent de toutes leurs forces; qui leur reste principe impeccable évidemment et principe d'impccfidèle, comme 11 le doit, qui est logique avec elles, no cabilité de grâce. peut pas pécher, ne doit plus pécher. Cette union totale peut se faire en divers degrés et De plus, en droit, un enfant divin devrait être vêtu elle peut mémo avoir comme des préludes et des com­ royalement de ces dons d’intégrité et de science comme mencements divers, plus ou moins rapprochés de 1 d’immortalité qui sont les attributs de la nature l’union totale : union initiale et Impeccabilité rela­ divine participée. Il en fut ainsi dans la première tive avec la grâce commune — union consommée icicréation, car, de lui-même, Dieu fait scs œuvres par­ faites. Mais la grâce mainlenant est en nous comme bas par des grâces extraordinaires, no modi liant pas une restauration; elle refait en nous miséricordieuse­ cependant le fond des facultés créées et Impeccabilité ment ce que le péché a détruit. Et pour Je refaire avec Intrinsèque plus ou moins absolue (péché mortel, péché véniel) — enfin union consommée de la vie cé­ ordre, elle commence par rétablir la substance de la leste cl impeccabilité intrinsèque absolue. — Or toutes sainteté dans notre âme; quant aux diverses facultés de celle-ci elle leur infuse des principes do bien agir, ces impeccabilités sont en la créature non par nature, mais par grâce. Au-dessus d'elles se trouve donc l'im- mais sans y ajouter ces dons préternaturels qui en pcccabillté Λ la fois de grâce et de nature (nature supprimaient l'infirmité radicale — et leur laisse ainsi la dure loi do la lutte et la glorieuse nécessité de personnelle) qui est celle du Christ, et au-dessus de conquérir désormais ce que nous avons perdu une tout l'impcccabilité de nature de Dieu. fois et mérité de perdre à jamais. 1. Impeccabilité relative de la grâce commune ici-bas. C'est donc, malgré la grâce dans l'âme, la lutte — La grâce, filiation, vie, nature divine, dans la entre le mal et le bien, le péché et la vertu, la grâce ou créature est incompatible avec le péché. Qui est né, l'Esprit de Dieu et la chair et l'esprit du mal. Dans qui a été recréé, engendré à cctto vio divine est mort, à toute loi de péché, crucifié et mort au péché. H a en cette lutte le péché entraîne parfois la fragilité de la lui une semence divine qui ne peut pécher. Rien de liberté. Mais si celle-ci le veut, car volonté égale vic­ toire, elle peut se relever, retriompher du mal et commun entre la grâce du chrétien et la chair de reprendre la marche vers les sommets de la beauté péché, le mal, la damnation, les ténèbres, Déliai. a) Voilà ce que saint Paul et saint Jean se plaisent morale et de la gloire divine : Jésus, en effet, continue à développer avec force, dans cette série do textes sa propitiation rédemptrice, restant notre avocat admirables où, après avoir diversement analysé nos auprès du Père, 1 Joa , u 1-2, et son assistance misères avant la justification et la sanctification, iis puissante est toujours là à notre portée. Que cette situation soit bien la nôtre, il suffit do décrivent avec celle-ci le mystère do la vie divine en nous, de la vie de l'Esprit, de la vie du Christ, de la lire une page desaint Paul pourlo voir—ou de ΓÉvan­ vio d'union ou do communion divine. Cf. Rom., vi, gile ou des autres apôtres — et de regai der quelque temps sincèrement en sa conscience pour le constater : 1-14; vm, 1-11, 35-39; Il Cor., v, 17; Gai., vi, 15; Eph., π ; iv, 17-24 ; Col.,T, 12-23 ; ni. 1 -5 ; I Joa., ni,4-11 : ni impeccables ni radicalement corrompus, voilà ce Omnis qui natus est ex Deo peccatum non facit, quoniam que nous sommes;mais enfants, fragiles, perfectibles semen ipsius ineo manet. Voir Pourrat, La spiritualité jusqu'aux sublimités do la sainteté, en attendant le chrétienne des origines de Γ Église au moyen âge, 3e édit., ciel. Voir Gbace, t. vr, col. 1593-1594. Paris, 1919, p. 25 53. 2. Impeccabilité absolue par grâce extraordinaire icib) De ces textes lumineux sur la sublimité de l'âme bas. — La grâce nous divinise dans la substance de christianisée, c'est-â-diro divinisée, les hérétiques ont l’âme, mais la volonté reste faible. Des secours divins abusé adsuam ipsorum perditionem, Il Pct., ni, 16 : viennent normalement aider cette volonté, sans sup­ gnostiques divers avec leurs classifications admet­ primer cette faiblesse de fragilité. tant un ordre de « pneumatiques » impeccables, même Dieu ne pourrait-il donner de tels secours que la au milieu di s plus horribles désordres de la chair. Voir volonté fortifiée ne craindrait plus la chute, serait Gnosticisme, t. vi, spécialement col. 1461. Ce pneu­ impeccable? Dieu peut faire cela et il l'a fait en deux matique gnostlque est d’ailleurs le frère du sage, degrés différents. stoïcien ou néo-platonicien ou néo-pythagoricien, a) Confirmation en grâce ou impeccabilité pour arrivé cependant à la perfection imperturbable de sa le péché mortel. Dans un premier degré, Dieu donne sagesse grâce aux efforts ou à la science de son ascèse et assure tant de grâces ou plutôt de telles grâces et non par un don divin. Voir Ascétisme, t. i, col. efficaces que la volonté est garantie contre le péché 2θβ3 %q. Le sage boudhisle a bien un peu lui aussi mortel: c'est précisément ce qu'on appelle la confir­ figure d'ancêtre pour tous ces parfaits impeccables mation en grâce. rationalistes. Lcsthéologicnsrvconnaisscntccprivilègcaux apôtres HR de sages païens gréco-romains fut le chrétien à partir de la Pentecôte : les raisons de convenance, le péingien. Tout chrétien , en effet. pour les pélaglens, sens et la connexion des faits surnaturels, les Indices est en réalité tenu à l’impcccabilité absolue, sans de fait semés à travers VapostoUcum, surtout dans les dhbncllon de péché mortel ou de péché véniel — ce écrits de saint Paul, enfin le sens traditionnel de dont d’ailleurs tout homme est capable par la vertu l'Église nous le garantissent suffisamment. Voir de sa liberté. Voir Augustin (Saini),l. î, col.1381-1383, Apotbes, 1.1, col. 1654-1655. et plus loin, au même article, les réfutations du saint Semblablement aux apôtres, plusieurs autres saints docteur. Saint Jérôme, un peu plus tôt, avait vigou­ ont eu cet immense privilège : ceux principalement reusement aussi travaillé à ruiner les théories mon­ et a fortiori, dont nous allons parler de suite. daines de Jovinlcn sur l'invincibilité et l'égalitarisme b) Impeccabilité et péché véniel en théorie. — L’Ame do la grâce de tout baptisé. grandit dans l'amour divin, par ces degrés suaves Enfin, plus tard, l'inaccessible quiétlste travail­ et merveilleux que décrivent l'ascétique et la mys­ lera au fond a s'établir dans les mêmes positions et tique chrétiennes. La grâce la laisse d'abord ordi­ les mêmes erreurs malgré les mêmes conséquences nairement travailler pour ainsi dire à la sueur de folles ou Immorales. Voir Béghabds, t. u, col. 531- son front par l'exercice des vertus qu’elle aide, 534; Quiétisme. I mais en s’adaptant à l'agir humain rationnel. Voir c) Entre tous ce· excès divers, la vérité du bon t A. Saudreau, Les degrés de la vie spirituelle, 3e édit., 1273 IMPECCABILITÉ 1905, t.ii, c. n; S, Thomas, Sum. theul., P, q. cxviu, α. 1 ; Mystique. Mais enfin la grâce se fait conquérante et ardente; elle saisit esprit et cœur et les plonge dans les profon­ deurs de l'abirno divin. Si l'âtno est fidèle, l'union I d'amour entre le néant créé et l’infini vivant se resserre toujours plus. Comment en cet état l'Amo pourrai telle pécher? Oui, clic peut pécher et elle pèche. Des fautes semidélibérées, des mouvements déréglés d'un instinct non éteint et non suffisamment surveillé, quelques actes hors do Γ empire divin absolu obligatoire pour ces fmics ne peuvent pas ne pas échapper ainsi que des imperfections diverses, vestige dernier, sur les hauteurs, de la fragilité humaine. C'est co qu'avouent tristement les apôtres euxmêmes, Jac., in, 2; I Joa., i, 8, et toutes les Ames les plus saintes après eux. C'est cc qu'insinuait claire- ] ment lo Sauveur en faisant redire à tous Dimitte nobis debita nostra... et c’est cc qu'a toujours déclaré ΓÉglise: personne ici-bas, sans privilège tout spécial, n'est exempt de péchés véniels. Voir Grace, t. vi, col. 1591-1595 (grûcc et péché véniel). De même, en effet, que le pécheur, dont la volonté reste révoltée contre Dieu, ne peut pas ne pas com­ mettre de nouveaux péchés mortels, tout être suivant communément ses inclinations habituelles; de même le juste ne peut pas éviter tous les péchés véniels, tant que sa sensualité reste dans son état de révolte contre la raison. Ci. S. Thomas, De veritate, q. xxiv, a. 12; Sum. theol., 1B 11«, q. αν, a. 8; Salmanticcnses,op.cit., t. ix, dub. vu, disp. II; Péché véniel. Voilà le sage, le parfait du christianisme, sublime en sa pureté, malgré quelques restes, de mieux en mieux éliminés, de la faiblesse humaine. Ces restes ne peuvent être que des fautes à moindre responsa­ bilité, car la grâce et l'amour le préservent assurément contre tout péché délibéré mortel ou véniel, et ces restes déplus, sont vite purifiés dans le fleuve d'amour qui sans cesse inonde l’âme sainte. L'assurance do préservation peut d'ailleurs se faire de deux façons : de façon définitive et absolue, grâce extraordinaire de la confirmation et en grûcc et en sainteté ou do façon hypothétique et conditionnelle, c'est-à-dire pour autant que l’Amc restera fidèle à l'union divine. 11 semble que c'est ce second mode qui est la loi ordi­ naire de la vie des saints. c) Sainteté impeccable historiquement. — Or cc par­ fait, ce saint chrétien n'est pas une abstraction livres­ que; c’est une réalité vivante et vécue sans cesse dans des dizaines, des centaines peut-être d’âmes à chaque génération. C'est aussi une réalité plus humaine à la fois et plus divine que tous les sages Impeccables du paganisme, de la philosophie ou de l'hérésie. A qui historiquement ces privilèges ont-ils été concédés? De façon hypothétique d'abord, semblet-il, à tous les saints arrivés au degré héroïque de leur sanctification. De façon absolue ensuite, croyonsnous, à ces merveilles de perfection que Dieu s’unit dès ici-bas indissolublement, en lo leur disant expli­ citement ou peut-être parfois sans le leur dire. En tout cas tels furent sans doute, saint Jean-Baptiste, doctrine probable — les apôtres, doctrine très pro­ bable, et de façon partielle au moins plusieurs autres saints, saint Thomas d’Aquin, par exemple, en ma­ tière de chasteté; peut-être même toutes les Ames parvenues au dernier degré do la vie mystique, à l’union transformante, au parfait mariage spirituel. Cf. Saudrcau, op. cit., t.n, 1. VII, c. n, p. 428 sq. Voir Mystique, Péché véniel ot les articles spéciaux. Mais plus haut encore dans la pureté et la sainteté Impeccable, il faut placer saint Joseph et la sainte vierge Marie. 1274 Saint Joseph d'abord, et nous disons cela avec plus de certitude que n’en avaicntlcs anciens théologiens, car l'humble patriarche dans sa dignité sublime leur était moins révélé qu'à nous. Rien n’interdit de pen­ ser que Saint Joseph fut d'abord impeccable d'impeccabillté absolue depuis son mariage virginal avec Marie, au moins en matière de chasteté, et puis en toute vertu depuis la naissance de Jésus. Bien plus quelques auteurs admettent que cet homme sublime, à qui Dieu donna Marie et Jésus comme scs biens person­ nels, bien de l’époux et bien du père, fut sanctifié dès le sein de sa mère et puis enveloppé d'une grâce d'impeccabilité si totale qu’c : toute sa vie, Il garda cette parfaite innocence qui seule pouvait convenir à son épouse immaculée et à son Enfant-Dieu. Voir l'article qui lui sera consacré. Cf. A.-M. Lépicler, Tractatus de S. Joseph, ln-8°, Paris, 1908, p. 153-161. Voir en sens contraire L'Ami du derpé, 1921, p. 106-107. Pour la Vierge immaculée et mère divine, Marie, nous savons qu’elle n'eut jamais rien à voir avec l’ombre même du péché, dès le premier instant de sa création. L'absolue pureté de notre mère céleste est un dogme de foi catholique. Concile de Trente, sess. vi, can. 23; S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxvn, a. 4; Terrien, La mère de Dieu, t. n, p. 67-112, et les traités théologiques De beata Virgine, au chapitre de sa sainteté ou des corollaires de l’immaculée concep­ tion. Quelques anciens Pères, sans parler d’Origène et de Tertullien, comme saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d'Alexandrie, saint Basile, en passant, Il est vrai, et pour se débarrasser de l’exégèse d’un texte embarrassant, employèrent certaines expressions moins conformes au pur idéal traditionnel de Marie. Mais cela était si bien de Vobiter dictum, que ce fut sans influence sur la pensée chrétienne. Jamais après le v· siècle, Il n’y eut une hésitation sur l’immaculée pureté de Marie : la pleine de grâce, la mère de Dieu, l’aimée unique du Père, du Fils, du Saint-Esprit devait évidemment être toute belle et toute pure. Pureté absolue dit formellement impeccantia com­ plète. En Marie y avait-il aussi une vraie impeccabilitas? Suarez et Vasqucz autrefois n'admirent celle-ci qu'en un sens large et Impropre, car, pour eux, le don d'intégrité, corollaire de l’immaculée concep­ tion, supprimait bien en Marie les mouvements désordonnés, mais non pas les mouvements non ordonnés (à peu près ce que saint Thomas affirmait en Marie, de par le /ornes ligatus avant l'annonciation. Compendium theologia, c. ccxxiv.) Tout péché d’ailleurs aurait été de fait supprimé en Marie par une série de grâces congrues et ainsi efficaces. Mais cela ne suffirait pas pour une vraie impeccabilité. En effet, cela ne suffit pas, et il faut admettre en Marie bien plus que cela certainement. Le don d’intégrité, en effet,qui était en Mario comme en Adam, supprime radicalement la possibilité même du péché véniel, tant que l'âme reste en état de grâce, cf. S. Thomas, I* 11«, q. lxxxix, a.3, parce que, par définition, dans l'âme parfaitement ordonnée par cc don, surtout comme le fut Marie, aucun désordre ne peut entrer, sans pénétrer par la raison supérieure, maîtresse absolue de cette Âme. Ou bien donc cette raison se révolte contre Dieu (péché mortel) et c'est la révolte partout dans l’Amc; ou cette raison reste soumise à Dieu et c'est l’ordre partout. Or, d'autre part, Marie assurément fut confirmée en grûcc et absolument assurée contre le péché mortel. En elle donc, aucune possibilité d’aucun péché; impeccabilité absolue, par grâce A la fois et par don préternaturel en un état unique qui n'appartient qu’à Marie. 11 nous semble même qu'en s'arrêtant là, comme IMPECCABILITE 1275 127G on le fail souvent, on ne dit pas assez et qu’il faut volonté et réglant tous les autres amours partiels. ajouter quelque chose à la gloire de la mère divine. De par la nature des choses, nature psychologique b’Impcccabilttc de grâce est une impeccabllité morale. et non plus morale comme plus haut, la fixité Or, 1’ Impeccabili té de Mario n’étalt-clle pas aussi est dans l'essence de l'autre vie, dans l’état do terme. physique? physique, disons-nous, non ratione naturæ Cette fixité est l’impeccabilité pour la volonté qui neque voluntatis, sed ratione suppositi? La dignité do s'est absorbée en Dieu, Dieu toute Beauté et toute la maternité divine en elle-même ne répugne-t-elle Perfection, concrètement vu d'une intuition que rien pas absolument au péché, comme tout ce qui entre ( ne peut troubler à jamais et donc aimé d'un amour essentiellement en contact avec Tordre hypostatique, béatifiant immuable in atemum. c'est-à-dire en contact immédiat avec Dieu lui-même? Remarquons qu'on parle ici d'intuition et non de D nous semble que oui. Mais 11 suffit pour le moment. vision intuitive. Celle-là est naturelle, celle-ci surna­ Voir Marie. turelle; celle-ci n’a lieu qu'au ciel; celle-là se vérifie 3® L'impeccabllité dans Vautre vie. — 1. U impecca­ en toute âme séparée du corps, par exemple, dans les bllité et Vétat de terme. — Dieu n’a créé ni anges ni limbes et au purgatoire, ou en enfer ou plus radica­ hommes dans l’immobile fixité du terme ou de la fin lement en toute âme dans l'état de terme. Cf. S.Thomas, dernière. Avant d’y arriver, tous ont dû passer par un Sum. theol., I®, q. lviii, a. 3, 4; III®, q. lxiv, a. 2; état de voie. Mais la voie ne peut pas durer toujours q. ux, a. 5;q. ui, a. 7, ad3‘“"; Enfer, t.v, col. 96-97. et la fin une fois obtenue ne doit plus pouvoir être Reste Je point de vue do Dieu. C'est Dieu qui perdue. Voir Anols, 1.1, col. 1265; Béatitude, t. i, fait la voie et le terme do scs créatures, il leur col. 506,512; Orioénisme, anathèmes contre Qrigène. donne le mouvement et le repos. Mais aura-t-ilbesoin Comment se fait la fixation dons l'état de terme, d'intcrvcntlon comme miraculeuse et en dehors de fixité de péché ou fixité do vertu et alors Impeccabi­ la nature même des choses créées pour faire cela? li té éternelle? La question se pose, remarquons-le, Non, car mouvement et repos sont deux choses qui Identiquement pour toute volonté qui sortant de l'état viennent également de la substance active des êtres, de vole aboutit à son terme définitif : au ciel ou on de la natura, principium motus et quietis... D'ailleurs, enfer ou au purgatoire, ou aux limbes. Question fon­ quand il s’agit de la liberté, le repos du tonne peut damentale pour toute la théologie de l'autre vie ou être la fixité étemelle dans le péché et dans le châti­ des choses immuables et étemelles. ment, suite du péché. Seraît-ce donc Dieu qui devrait La question de fait étant résolue dans les art. Ciel, violemment fixer dans le mal une volonté encore Enfer, Purgatoire, il nous reste à voir d’un peu capable de bien, Dieu cause positive de péché ou de plus près la nature du fait pour comprendre en quoi permanence dans le péché, contre la nature des êtres consiste l'impcccabllité do l’autre vie. Cf. S. Thomas, qu’il meut! N'est-ce pas absolument impossible et Sum. thcol., 1* II·1 ,q. v, a.4 (question de la béatitude); absurde? Oui, car remarquons bien qu'en enfer çe I·, q. lxu, a. 8 (iinpcccabilité des anges) et les com­ n'est pas la douleur qui fait durer le péché, cela est mentateurs aux deux traités, De bealitudine et De un non-sens psychologique et moral; mais c'est le angelis; par exemple, Jean de Saint-Thomas, Suarez, péché éternel qui exige une peine éternelle, c'est le Salmanticcnscs, les manuels modernes au De novissi­ reatus panœ, qui suit le reatus culpæ de toutes façons mis, parfois appendice du De homine; spécialement et toujours. Voir Enfer, loc. ctt.; Billot, loc. cil. card. Billot, De personali et originali peccato, 4· édit., b) Λ l'opposé de la conception thomiste, se trouve Rome, 1910, p. 96-102. la théorie scotiste : pas de fixité intrinsèque de la De peccatis, disp. IX, dub. i, n. 8. Mais ils n’acceptent pas que cette imper­ fection puisse être, comme le prétend De Lugo, l'omission délibérément voulue d’une œuvre de conseil, laquelle omission serait regrettable sans être péché. Pour eux, si Ton veut distinguer du péché, l’imperfection, on ne peut donner ce nom qn’à des actes bons faits avec une ferveur moindre que ne le comporte le parfait exercice de la charité du chrétien auquel on attribue ccs imperfections. L'omission voulue d’une œuvre de conseil n’est point, en elle-même, péché, elle peut même être bonne si toutes les cir­ constances de ce vouloir sont bonnes. Ibid., n. 9. Mais il est impossible que le même acte humain soit à la fols bon et mauvais, que sans être péché, il nous détourne de Dieu et soit regrettable. Les actes bons, faits avec une charité intérieure à la charité habi­ tuelle de la volonté dont ils procèdent ct qu'on pour­ rait appeler pour cela des imperfections, ne nous font sans doute pas aller à Dieu aussi vite que nous le pourrions, mais ils ne nous en détournent d'aucune façon ct restent méritoires. De pxnitenlia, disq. V, dub. n, n. 81 ct 82. Saint Alphonse do Liguorl n'a parlé que très inci­ demment des imperfections dans sa Théologie morale, 1. VI, De pxnitcntia, c. i, dub. i, t. iv, n. 432. Sans donner aucune explication théorique, il s'en tient au point de vue pratique ct écrit simplement à propos de l’absolution : Dico probabiliter posse sub conditione absolvi pienitentem pium, qui aliquas tanlum imper­ fectiones confitetur, de quibus dubitatur, an pertingant ad venialia. Nous dirons, en finissant, la sagesse de cette solution pratique, mais nous devons noter de suite que les disciples de saint Alphonse ont cru bon d’accepter la théorie de l’imperfection de De Lugo. tout en reconnaissant qu'en pratique l’imperfection se rencontrait rarement sans péché véniel. Marc, Institutiones morales ulphunsianœ, t. i, n. 311. Ceux des théologiens franciscains qui acceptent la thèse de Duns Scot sur l’existence d’actes humains moralement indifférents, devaient naturellement en faire l'application à l'omission délibérée de l'œuvre de conseil. Nous ne serons donc pas surpris qu’Elbcl donne comme exemple d’acte indifférent, le refus d’entendre la messe un jour où elle n'est pas de pré­ cepte. Theologia moralis, Inspruck, 1751, part. I, 1288 Deacdbus humanis, conf. πι·, η. 86. Ce qui nous éton­ nera davantage, c'est que cct auteur, en dépit de sa thèse, reconnaît quo son opinion n'est que probable ct plus spéculative que pratique. Vcrum hæc, utpotc speculationi potius quam praxi accommoda, breviter insinuasse sufficiat, tant lo bon sens chrétien proteste contre l'idée contradictoire d'un vouloir moralement regrettable qui ne serait pas péché. Quant aux théologiens thomistes, ils n'ont pas cru devoir discuter ex professo la doctrine de l’imperfec­ tion telle que la donnait De Lugo. Le mot même d'imperfection, au sens où nous en traitons ici, ne sc trouve pas plus dans B.lhiart quo dans saint Thomas ct les anciens théologiens. Mais le cas do l'omission délibérée de l'œuvre do conseil est nettement posé et sa­ gement résolu. Voici co qui en est dit dans lu thèse où Billuart soutient, avec saint Thomas, qu'il n'y a pas d'actes humains moralement indifférents. Objicies : Omissio actus non prxeepti, v. g. auditionis missæ die feriati, aut recitationis officii in lateo, non est mala, quia ad illud non tenetur; neque bona, quia ejus oppo­ situm est bonum : ergo indifferens; ergo etiam indiffe­ rens actus quo quis vult omittere. — Despondeo omis­ sionem actus non prœccpti voluntariam et deliberatam de qua hic agitur, si sil rationabilis, scu secundum dictamen rationis, esse bonam; si non sit rationabilis, esse malam. Quamvis enim laicus non teneatur sim­ pliciter ct vi præceptl ecclesiastici recitare officium aut audtre missam dic feciali, quando tamen voluntarie ct deliberate omittit, tenetur omittere secundum dictamen rationis, ex generali prxeepto quo quilibet (enetur in omnibus actibus deliberatis agere ut homo et rationa­ biliter : quod præccptum cadit non solum super actus, sed etiam super omissiones actuum quatenus sunt vo­ luntary et deliberatæ. Unde sanctus Thomas, ID IIœ, q. Liv, a. 3, agnoscit culpam venialem in omissione actus non præcepti, st sit ex defectu fervoris. Qui ergo omittere vellet actum non præccptum, puta, auditionem missæ aut recitationem officii, propter honestam occu­ pationem, bene faceret; si ex pigritia aut contemptu, male faccrct, imo etiam st præcise ct solum quia non tenetur; tunc enim ista volitio esset otiosa, carens pia utilitate aut justa necessitate. Summa sancti Thomæ, De actibus humanis, diss. IV, a. 6, obj. 3. On trouvera la même doctrine dans l'ouvrage de théologie morale thomiste du R. P. ITümmcr, Manuale thcologiæ moralis, Fribourg-cn-Brisgau, 1915, t. i, De actibus humanis, a. 3, schollon, p. 81. II. L'iMP’UiFECTXON n'est qu'une fiction sanc objectivité. — Cette proposition parait de suite évidente à qui comprend bien la doctrine de saint Thomas sur l’impossibilité de rencontrer, dans le réel, un vouloir humain, c’est-à-dire un acte de vo­ lonté bien délibéré, qui ne soit ni bon ni mauvais. Considérée dans l’abstrait, l’omission d'un acte non commandé n’est pas peccamlncusc in sc, c'est-à-dire en vertu de la seule Idée de cct acte; c'est certain, puisque cette Idée, prise isolément, n’a rien qui nous oblige ù la réaliser. Mais le cas ainsi posé est pure abstraction, et nous ne devons pas être surpris que la solution d’un cas abstrait appliquée aux cas concrets de nos actes réels aboutisse aux contradictions théoriques ct pratiques dont les soutenants de la doctrine do l'imperfection n'arrivent pas à se débarra* scr. Contradictions théoriques : De Lugo sent bien, l’em­ barras où l’a mis la fiction de son omission d'œuvre de conseil considérée dans l’abstrait. Cct embarras sc trahit parles ffadicamotlesçuas/,otparl’anthropomorphismo étrange de formules où il met on Dieu un mouvement d’aversion qui ne peut être que dans le pécheur. Qu'est donc en Dieu cette aversion qui n'est pas positive,mais négative? Comment le refus de grâce efficace, mal plus grave que n'importe quelle peine temporelle, 1289 IMPERFECTION cst-H un mal motivé par l'imperfection sons être uno I peine? El comment un aclo regrettable peut-il être le motif d*un mal aussi grave, sans être une faute, I être objet do pénitence sans être matière à confession? Les contradictions pratiques auxquelles aboutit la même théorie ne sont pas moins étranges. Un sémin triste omet sans raison sa méditation pendant uno journée de vacances; la méditation n’est que de conseil: pas de péché, imperfection. Le lendemain, il la fait, mais avec quelques distractions: péché vé­ niel, Un jeune catholique préfère uno lecture récréa­ tive à une réunion d’études sociales, où Ton a besoin do son concours; imperfection peut-être, mais jamais de péché. Son voisin, plus zélé, y va, mais y dépasse la mesure en discutant; péché véniel, etc.... On pour­ rait multiplier les exemples. Conscient de ces difficultés, Lchmkuhl, après avoir ■ très bien résumé la doctrine de De Lugo dans les termes cités plus haut, ajoute sagement : Verum (amen est, sæpc in committendo ejusmodi dejectu vel I imperfectione latere aliquod peccatum veniale inten­ tionis seu finis leviter mali. Theologia moralis, 12· édit., t. n, p. 3G0. Le correctif n’est pas suffisant; mime avec ce correctif, le paragraphe précité de Lchmkuhl comporte une double erreur. 1° L’omission voulue de l’œuvre de surérogation qua tall est pure fiction du théo­ logien. En pratique, toute omission volontaire ne pcul êtroqu’uneomi sion quali fiée par l’intention delà volon­ té qui en délibère. 2° Si cette omission est négligence, ne gleetus, elle est non pas seulement souvent, mais tou­ jours quali fiée par une intention désordonnée, car si l’in­ tention est bonne, l’omission voulueestméritoireetne peut pas être appelée negligence. L’omission voulue de l’œuvre de conseil est bonne ou mauvaise comme tout autre acte humain. Pas de moyen terme. Voyons main­ tenant quand elle est bonne cl quand elle est mauvaise. III. L’œuvre de conseil et son omission. — 1 Pour bien comprendre ce qu’est l’œuvre de conseil ct | apprécier comme il convient son omission, il faut avoir l’idée vraie do ce qu’est la loi morale et de ce que sont scs diverses intimations. Crescite cl multiplicamini... et dominamini. Gen., i, 28. Vivant, développe ta vie. Homme, deviens plus homme en semant autour de toi ur.o vio spirituelle ou matérielle faite à ton image ct en régnant sur toutes les forces de la nature inférieure. Fils de Dieu par le Christ, n’étoufïe pas, mais laisse s’épanouir la charité que te met au cœur l’Esprit Saint ct par où tu res­ sembles à ton Père céleste qui est amour : Estote per/eeti sicut ct pater vester ccrlestis perfectus est, Matth., v, 48; Deus charilas est, I Joa.,iv,8. Voilà la loi morale. Celte loi n’est pas un règlement de police, uno limite imposée du dehors à ma liberté, commo trop de ca.uistcs se la représentent; elle est l’expression du vouloir-vivre le plus intime de mon être humain ct chrétien, non seulement de scs aspirations spécifiques, mais des aspirations individuelles qui sont la manifes­ tation do ma vocation personnelle, du programme do Vio que Dieu m’a donné. Nous ne devons pas avoir crainte d’affirmer cct individualisme des intimations de la loi morale, en réponse à la question quo M. Fouillée pose à la morale spiritualiste : « On no veut pas que je prenne pour règle naturelle ce qui m’est commun avec les animaux, mais seulement ce qui m’est commun avec les autres hommes; pourquoi so borner là? J’ai en moi quelque chose qui m’est encore beaucoup plus propre que l’humanité en général, à savoir mon caractère propre, mes tendances individuelles, ma volonté personnelle, mon moi. Pourquoi la morale qui consiste à suivre la nature ne consisterait-elle pas à suivre ma nature individuelle? * Critique des systèmes de morale contem­ porains, Paris, 1899,1. VI, c. ni, p. 113. 1290 Oui! la loi morale, prise dans l’intégrité de ses di­ rections vivantes, de ses intimations de conscience et non pas seulement considérée dans les formules abstraites de sa codification extérieure, est au .si indi­ viduelle que la conscience d’où elle jaillit et qu’elle régit. Elle est bien l’intimation de la loi étemelle et de l’idée divine; mais la loi étemelle, une à raison de l’acte divin qui la pose et de l’unité d’ordre qu’elle constitue, contient dans cette unité les mille singu­ larités de tous les actes dont elle est le type, aussi bien que les caractéristiques Individuantes de tous les cœurs qui en dépendent. S. Thomas, Sum. theol., b ΙΙΛ, q. xenx, a. 1 et 3. Scs préceptes sont multiples ct divers» non seulement à cause des multiples et divcr.es circonstances dans lesquelles l’homme peut sc trouver, niais à raison des singularités intrinsèques à chaque individu. C’est en réalisant les a>piralions vraies, mises par Dieu au fond de mon être, que j'apporterai au bien universel la part de coopérât ion quo je lui dob. De là vient que les formules écrites sont Impui santés à exprimer la loi morale tout entière. L’idée et la parole de l'homme n'ont pas ia perfection de l’idée divine, leur universel abstrait ne peut pas en irr.r dans ses représentations toute la réalité du singulier. C’est donc en vain que nous chercherions dans des formules extérieures ct gene­ rales l’expression adéquate de toutes les exigences de la loi étemelle. 11 n’y a pas de science, mais seulement une conscience de la réalité concrète ct vivante d'un acte moral. En morale, comme dans toutes les connais­ sances ordonnées à l’organisation de l’action, jamais la formule livresque ne peut donner le dernier mot de la direction pratique. Et cependant, parce que tous les individus humain· ne sont que les multiples réalisations d’une nature commune ct parce que tous nos actes sont les éléments d’une œuvre commune, dont l'unité divine est le principe ct le terme, toutes les intimations Individuelles de la loi morale se rattachant à des directions géné­ rales, qu’il est facile de formuler. Ces directions gé­ nérales sont elles-mêmes toutes orientées vers un centre unique, vers le bien qui est à la fois le principe ct la fin de l’être crée, de Pii dividu comme de la nature. La creature intelligente ct libre, régénérée par la grâce, deux fois œuvre de Dieu, ne peut arriver au plein épanouissement de sa vie qu’en s’unissant par l’amour, à celui qui seul peut parfaire ce qu’il a seul commencé· Aimei Dieu et, du même coup, vou­ loir toute l’expansion possible du bien divin ct en particulier sa communication aux hommes qui sont, comme nous, capables d’en jouir: aimer Dieu et le prochain, voilà toute la loi. Seront bons tous les actes inspirés par cet amour, secundum legem; seront péché; mortels tous les actes contraires à cette loi d'amour. contra legem; seront péchés véniels tous les vouloirs qui, sans être inconciliables avec les dispositions habituelles demandées par la loi d’amour, échapperont totalement à son inspiration, prxter legem. De cette loi d’amour derivent immédiatement des préceptes affirmat ijs intimant les biens particuliers à poursuivre par celui qui aime ct des préceptes négatifs prohibant tout acte incompatible avec l’amour, injurieux à Dieu ou au prochain. Ces prohibitions s’expriment bien plus facilement que les pnceptes en formules qui serrent de près la réalité; car la pro­ position négative, excluant tout ce qui rentre sous l’extension de son attribut, n'a pas besoin de déter­ minations ultérieures, à moins qu’elle ne retienne, avec des exceptions, une part d’affinnation. » Tu ne blasphémeras pas. Tu ne calomnieras pas. < Vol’à qui est net ct règle immediate d’ac ion. Les préceptes affirmatifs, au contraire, ne peuvent pas. dans leurs formules, nous donner les dernières précisions dont 1291 IM PER I ECTION nous avons à chaque instant besoin. < Tu invoqueras le Seigneur ton Dieu. Tu soulageras de ton propre bien les misères spirituelles et temporelles de ton irère. Tu développeras les forces vives de (on corps et do ton Ame. » Très bien ; mais, où, quand, comment, dans quelle mesure, par quels moyens suis-je tenu de réaliser toutes ces fins? Voilà ce que les casuistiques les plus fouillées ne sauraient jamais me dire. C'est de l'intérieur et seulement de l’intérieur, que peut monter la voix définitivement obligatoire qui me dira ; · Attention! Voici pour toi l'heure de rendre à Dieu le culte qui lui est dù, prie de telle façon; voici le moment d’obsener lo précepte positif de la charité fraternelle, fais telle aumône; voici comment, en cet instant, tu dois observer le précepte du travail, fais Idle étude; car cette oraison, celle aumône, cette étude sont exactement proportionnées aux forces et aux grâces qui te sont départies et appartiennent au programme qui constitue ta loi morale à toi, le mode individuel dont les formules générales de la loi te sont applicables. > Ces divines intimations, proportionnées au degré individuel de vie qui m'est départi, ne me demande­ ront que des actes de vertu commune, tant que ma vie ne s'élèvera pas au-dessus du niveau moyen; mais dés que des grâces abondantes me donnent pour le bien une puissance plus qu'ordinaire, les intima­ tions divines deviennent plus exigeantes. C'est alors qu'elles me proposent ces manières excellentes d'honorer Dieu, de servir le prochain ou de me perfectionner moi-même, qu'on appelle œuiret de conseil au sens strict du mot. Ces oeuvres de conseil sont, ou bien la pratique habituelle et constante des trois conseils évangéliques d'obéissance, de chasteté, de pauvreté dans l’état religieux, ou les sacrifices de volonté per­ sonnelle, de joie sensible et d'utilité, que demande toujours une pratique généreuse du bien dans la vie du monde et que saint Thomas rattache avec raison aux trois conseils évangéliques. Sum. theol., I» II», q. cviu, a. 4. Au sujet de ces Intimations à'ouvres de conseil. deux questions se posent : 1° Y a-t-il intimation de conscience, toutes les fois qu'une œuvre de conseil m'est proposée comme possible et si non, comment distinguer d'imaginations sans valeur, la véritable intimation de conscience? 2° L'intimation intérieure di l'œuvre de conseil une fois reconnue est-elle vraini .mt impérative? A peine est-il besoin de rappeler cette vérité évi­ dente que toutes les pensées d'œuvre de conseil, qui peuvent nous venir à l'esprit ne sont pas des intima­ tions de conscience. L'œuvre de conseil, si excellente qu'elle soit, n'est pas un bien en sol. Elle n’est pas la charité, mais seulement un moyen de la développer, un moyen qui devient bon ou mauvais, selon qu'il est employé à temps ou à contre-temps, et en proportion ou disproportion avec la force morale, avec la vertu de celui qui remploie. Les œuvres sont en effet l'ali­ ment de ce feu spirituel qu'est la charité; mais l'an­ thracite, qui est le meilleur aliment du feu de forge, éteint les petits foyers. De là vient que l'œuvre de conseil, proposée aux hommes, en général, comme l’aliment d’une vie spirituelle supérieure, ne convient pas à tons et à chacun. Consilia, quantum est de se, sunt omnibus expedientia; sed ex indispositione aliquo­ rum contingit quod alicui expedientia non sunt; quia carum a/lectus ad ture non inclinatur: et ideo Dominum concilia evangelica proponens, semper /acit mentionem de idoneitate hominum ad observantiam consiliorum : d int enim consilium perpetua: paupertatis (Matth., XIX ) pra mittit : « Sï vis perlectus esse » et postea subdit : « Vade, et vende omnia quee habes. > Similiter dans conciI um perpetua, castitatis, cum dixit : « Sunt eunuchi. 1292 qui castraverunt se ipsos propter regnum calorum, » slatim subdit : « Qui potest capere, capiat. » Et similitet apostolus (ICor., VU) pramisso consilio virginitatis, dicit : · Porro hoc ad utilitatem vestram dico, non ur laqueum lobis injiciam. » Cf. S. Thomas, Sum. theol., 1* II·, q. cvm, a. 4, ad Avant do devenir intimation, l’idée de faire une œuvre de conseil, si excellente que paraisse cette œuvre en elle-même, doit être mise en délibération : consilium in optione ponitur ejus cui datur. Ibid., in corp. Cette délibération n'est pas seulement requise pour des acceptations d'œuvres de conseil qui enga­ gent toute une vie, mais aussi pour l'acceptation rai­ sonnable et méritoire des œuvres de conseil particu­ lières qui ne sont pas déjà manifestement impliquées dans notre condition habituelle de vie. C'est qu'en effet il est des états don t lo programme de vie comporte un certain nombre d'œuvres de conseil. Les exercices de piété du séminariste, les pratiques indiquées au religieux par la règle qu’il professe sont des œuvres de conseil qui, à moins de circonstances exception­ nelles, sont objet normal d’intimation de conscience. 11 est rare que séminariste et religieux puissent dire : < Il m'est bon d'omettre ces œuvres, leur omission favorisera le développement normal de ma vie de charité. » C'est ce jugement, en effet, qui peut seul légitimer l'omission de l'œuvre de conseil et la légitime dans tous les cas où c'est l'imagination et non point le Saint-Esprit qui nous la propose. Une fois l’idée de l’œuvre de conseil possible jetée dans notre esprit, nous la repoussons ou nous l’accep­ tons en vertu d'un jugement de valeur qui relève, comme tout acte moral, de la loi fondamentale de toute vie : Crescite. Nous la repousserons et en cela nous ferons acte méritoire: 1° si elle empêche une autre œuvre qui, tout en étant plus modeste, rentre plus sûrement dans nos devoirs d’état, propter occupatiorum honestam ;2° si elle impose à notre pro­ chain une gène que nous devons en charité lui épar­ gner; 3° si le sacrifice qu'elle nous demande nous enlève des joies naturelles dont nous avons besoin pour la récréation normale et par conséquent pour le progrès normal d'une vie qui n'est pas encore au niveau de l'œuvre do conseil proposée ; 4° si la fré­ quente répétition de ces idées d’œuvres de conseil crée une préoccupation et des scrupules qui devien­ nent un embarras et une cause de troubles pour notre vie morale. — Tels sont les principaux motifs pour lesquels nous pouvons juger raisonnablement que l’idée de l'œuvre de conseil ne nous vient pas du Saint-Esprit, qu'elle est simple jeu d'imagination et qu'il nous est utile de l'omettre. L'omission ainsi motivée est méritoire, parce qu'elle est vraiment secundum legem,inspirée par la charité, par le souci de dtfendre le développement normal de notre vie d'amour. Mais il est nombre de cas où, en loyauté, nous ne trouvons aucun motif raisonnable de décliner la proposition de l'œuvre de conseil. Notre conscience nous dit clairement que cette œuvre, un peu cruci­ fiante pour la nature, sera tout à l’avantage de notre vie de charité, sans Inconvénient pour lo prochain, sans autre inconvénient pour nous que la peine de l’effort qu’elle nous demande. 11 ne s'agit plus ici d’un rêve d’imagination, d'orgueil ou d'esprit propre, mais d'un appel de l'Esprit Saint, dont les Inspira­ tions sont la loi intime du chrétien, la seule loi vivante et complète de tous les Justes de 1*Ancien et du Nou­ veau Testament, Sum. theol., D II··, q. CVï, a. 1, loi écrite, mais aussi parlante, au plus profond de le urs cœurs, selon cette parole de saint Augustin : Qua·, sunt leges Dei ab ipso Deo scripts in cordibus, nisi ! ipsa pnvsentia Spiritus Sancti? De spiritu et littera, 1293 IM PERFECTION c. xxr. N’est-ce pas là une Intimation de conscience impérative, nous obligeant sous peine de péché? | Avant de répondre, nous devons prévenir une confusion regrettable que met en bien des esprits la signification extensive que nous donnons aujourd’hui aux mots : précepte, obligation. Nous disons aujour­ d’hui qu’il y a précepte et obligation toutes les fois qu’une action nous est demandée sous peine de péché mortel ou véniel. Dans saint Thomas au contraire, les mots précepte et obligation, employés sans déter­ mination restrictive, sont réservés aux intimations dont la transgression est péché mortel. Le précepte, c'est l'exigence absolue de la loi, créant pour nous l'obligation, c’est-à-dire la nécessité de choisir entre son exécution ou la séparation d’avec Dieu. Voilà pourquoi saint Thomas nous dit que le péché véniel, qui n’a qu'une ressemblance analogique avec le péché mortel, n'est jamais en contradiction avec le précepte, mais seulement en dehors du précepte, porter legem. Il ne supprime pas le bien intimé par la loi, mais le diminue seulement en nous empêchant de choisir le mode rationnel d’exécution qui devait réaliser pleinement les intentions de la loi. Peccatum veniale dicitur peccatum, secundum rationem imper­ fectam, cl in ordine ad peccatum mortale; sicut accidens dicitur ens in ordine ad substantiam, secundum im­ perfectam rationem entis : non enim est contra legem : quia veniallter peccans non facit quod lex prohibet, nec praetermittit id ad quod lex per prxeeptum obligat, sed facit prater legem; quia non observat modum ra­ tionis quem lex intendit. Sum. theol., b II*, q. Lxxxvm, a. 1, adi «π*. Ainsi donc, d’après saint Thomas, il y a deux sortes d'intimations do conscience: 1° celles qui nous dénoncent un précepte proprement dit, et qui nous obligent sous peine de péché mortel; 2° celles qui no s proposent le modo rationnel de réaliser le bien demandé par le précepte. Ces secondes intimations ne nous obligent pas sous peine de péché mortel. Pourvu que nous réalisions le minimum du bien exigé par la loi, il n'y aura pas violation de la loi, omission ou transgression proprement dite, péché mortel, contra legem. Cum id quod cadit sub pro:cepio, diver­ l simode possit impleri, non efficitur transgressor pro­ repti aliquis ex hoc quod non optimo modo implet, sed sufficit quod quocumque modo impicat illud...., non est transgressor prxeepti, qui non attingit ad medios per­ fectionis gradus, dummodo attingat ad infimam. Sum. theol., II‘ II®,q.cLxxxiv,a.3,ad2“.Maiss’iln'yapas péché proprement dit, péché mortel, il y a péché improprement dit, péché véniel, à refuser le mode que notre raison nous Indique comme celui qui réalise pleinement les Intentions de la loi. Ce refus est un vouloir déraisonnable, que ne saurait Inspirer aucun motif d'amour de Dieu, Irreferibilis ad finem charitatis, et échappant totalement aux directions de notre loi de vic, prater legem. Il nous sera facile maintenant d'apprécier l'omis­ sion volontaire do l’œuvre de conseil qui nous est intimée par une Inspiration du Saint Esprit. Notons d’abord que l'œuvre de conseil peut devenir œuvre de précepte et s'imposer comme obligatoire, en conséquence d’un vœu ou à raison de circonstances exceptionnelles qui en font le seul moyen de réaliser le bien exigé par le précepte. Le célibat, qui n'est que de conseil, devient obligatoire pour ceux qui l'ont voué. Rendre service à son ennemi est ordinairement œuvre de conseil. Le faire en cas d’extrême nécessité est absolument de précepte. Sum. theol., Il* 11·*, q. xi.m, a. 7, ad 4 En dehors de ces cas exceptionnels, l’inspiration du Saint-Esprit, si nettement reconnue qu'elle puisse être, ne nous Impose jamais l’œuvre de conseil sous peine de péché mortel; même s'il s'agit d’une décision 1294 grave qui engage toute notre vie, d’une entrée dans les ordres ou en religion. Mais si l'inspiration du Saint-Esprit qui nous intime l’œuvre de conseil n'est pas impérative au sens strict du mot, nous obligeant sous peine do péché mortel, elle est Impérative au sens large, et nous ne pouvons la décliner sans péché véniel. C'est qu'en ctTet, en pareil cas, nous n'avons plus aucun des motifs rai­ sonnables cités plus haut de décliner Γ œuvre de conseil. Le Saint-Esprit nous la propose non seule­ ment comme possible, mais comme l'œuvre qui est, pour l'instant, celle qui nous convient le mieux, la vraie réalisation de la loi de notre propre vie. Com­ ment motiver et justifier notre omission? Repousser cette œuvre pour le seul motif qu'elle n'est pas absolument obligatoire ne serait pas raison­ nable, ainsi que le note Billuart dans le pass ge cité plus haut : Qui ergo omittere vellet actum non perception, . .pradseet solum quia non tenetur... male faeeret.^tuuc enim tsla vol i Ito esset otiosa, carens pia utilitate aut justa necessitate. A vrai dire, quand nous nous don­ nons ce motif, ce n'est qu'un prétexte couvrant le motif peut-être Inavoué, mais toujours très réel de l’amour désordonné de notre repos ou des biens infé­ rieurs dont l'œuvre de conseil menace de nous priver. Nous disons amour désordonné, puisque nous préfé­ rons ce repos ou ce bien naturel au bien divin du pro­ grès de notre charité. L'œuvre que nous choisissons alors, de préférence à l’œuvre de conseil, peut encore être bonne et méri­ toire; mais avant de la vouloir, nous avons écarté J'œuvre meilleure par un refus déraisonnable. C'est en vain que Lchmkuhl, t. i, n. 1Û9, tout en recon­ naissant qu’en pratique ce refus est le plus souvent péché véniel, essaie d'expliquer qu'il peut être parfois justifié par l’amour du bien honnête qui se trouve dans l'œuvre moins bonne. Un ouvrier auquel j'oflre cinquante centimes pour une heure do travail et cinq francs pour deux heures, préfère l’heure de tra­ vail à cinquante centimes, bien qu'ilse sente tout à fait capable de faire, sans inconvénient, les deux heurts de travail à cinq francs. Ne venez pas dire que son refus des deux heures de travail est inspiré p.ir l’amour de l’argent. Non, impossible de rattacher d'une façon quelconque à l'inspiration de la charité le refus de l’œuvre de conseil que Γ Esprit Saint me propose. Ce refus est péché véniel, irreferibilis ad fincm charitatis. Lchmkuhl reconnaît lui-même qu’en pareil cas» ce refus est négligence, t.n, n. 360. Mais la negligence, qui est péché mortel quand il s’agit d’acte Imposé par un précepte proprement dit, est péché véniel quand le bien néglige, n'étant pas de nécessité de salut, est refusé» sans mépris, par manque de ferveur dans l'exercice de la charité. Si negligenlia consistai (n pralc emissione alicujus actus vel circumstantia·, qua non sit de necessitate salutis, nec hoc fiat ex contemptu, sed ex aliquo defectu fervoris, qui impeditur interdum per aliquod veniale peccatum, tunc negligenlia non e*l mortale peccatum.sed veniale... Minor amor Det potest inldligi dupliciter : uno modo per defectum fervoris charitatis : ci sic causatur negligenlia quae esi per pec­ catum veniale; alio modo per defectum ipsius charitatis... et tunc causatur negligenlia quæ est peccatum mortale. Sum. theol., 1I> i I®, q. uv, a. 3, in corp, et ad 1 Cette négligence de l'inspiration du Saint-Esprit constitue Γ omission vénklkment coupable dont saint Thomas écrit encore : Sicul omissio opponitur precceplis affirmalivis, ita trangressio opponitur preceptts negativis; et ideo ulrumque, st proprie accipiatur, importat rationem peccati mortalis; potest autem large dici transgressio vel omissio, ex eo quod aliquid fit prater pracepia affirmativa, vel negativa, disponens ad oppositum : et sic utrumque large accipiendo, potest 1295 IM PERFECTION 1296 r I. Sens général du mot impétrer et de ses Qu’est-ce donc que la liberté physique? Contradic­ dérivés. — Contrairement à ce que dit André, Cours tion dans les termes : liberté de la girouette mobile au moindre vent, liberté de la chèvre qui bondit capri­ alphabétique et méthodique de droit canon, impetrare ne signifie pas demander, mais « amener quelque cieuse, esclave des impressions changeantes de sa chose au point désiré, effectuer, accomplir, mener à sensibilité, liberté do l'amant incapable de refuser à son idole de chair le sacrifice de cc qu’il y a do meilleur bonne fin, obtenir, atteindre, parvenir à. » Cf. Benoist et Gœlzcr, Nouveau dictionnaire latin-français; Fordans sa vie. Non, pas de liberté dans la créature sans ccllini, Γο/fus latinitatis lexicon. Suarez a raison d’afvouloir rationnel, et pas de vouloir rationnel sans Ürincr que impetrare idem sslquod precibus oblinere, l'intimation d'une direction qui oriente l’action vers l'idéal, c'est-à-dire vers notre vrai perfectionnement, i ut tx vi verbi et communi usu constat. De divina gratia, 1. XII, c. χχχιν, η. 9. lé impetratio est l’effet de la Si liberté veut dire Indépendance absolue, Dieu seul demande, de la requête, et non la demande elle-même· est libre. L'homme n'a pas d'autre liberté que celle de choisir entre la servitude de l'attrait inférieur et Le terme français u impétrer », particulièrement usité dans la langue du droit, a exactement le même sens. le noble service de l’idée. 11 ne s’affranchit do la loi du péché qu'en se mettant au service du bien, liberi Cf. Littré, Dictionnaire de la langue française. a peccato, servi facti estis justitia, ot il no s'affranchit Pourtant, comme impétrer signifie obtenir en de­ de l’idéal que pour retomber sous l'esclavage du mandant, le terme a été appliqué de l'effet à la cause, péché, cum servi essetis peccati, liberi fuistis justitia. j de l'obtention à la requête. Du Cange, Glossarium Rom.» vi, 18 et 20. Mais si liberté veut dire affran­ I media et infima latinitatis, donne cette définition de chissement du déterminisme du monde phénoménal, V impetratio : libellus supplex, quo coram fudice supe­ riori, omisso medio, jus suum prosequendi licentia je suis libre dans la mesure où l'amour do l'incréé, petitur. Et, bien qu'en général les théologiens conscrm'élovant au-dessus des attraits et des répulsions du créé, me permet do leur commander ot do m'en servir 1 vent au mot Impétration son sens précis d’obtention par le moyen de la prière, on peut rencontrer des au liou do leur obéir, libre par conséquent dans la mesura où uno conscience délicat o me rappelle plus * écrivains catholiques qui prennent le m >t Impétra­ tion comme synonyme de prière, de supplication, souvent au culto de l’idcal et au gouvernement do mes facultés Inférieures. Servire Deo regnare est. I par exemple, André, op. cil. : < de sorte que par im4° Considérer commo péché véniel toutes les résis­ I pétration on entend une demande formée par une tances aux Inspirations du Saint-Esprit, c'est multi­ supplication qui est suivie de son effet. » II. Dans quels traités théoloqiques est*il plier les péchés et exposer les âmes au scrupule. — question de l'impétration? — L'impétration étant Dès lors quo nous avons conscience de repousser une l’effet propre de la prière, c’est au traité De virtute inspiration du Saint-Esprit, lo mal est fait. La déno­ mination do péché véniel n'ajoute ricn au formel de religionis que ressortit en premier Heu la question de l'impétration. On y étudie notamment à quelles la faute. Elle ne fait que nous avertir do ses consé­ quences et nous offrir un nouveau remède en nous conditions doit satisfaire la prière pour avoir une permettant do la soumettre ù l’absolution sacramen­ valeur iinpétratolre infaillible, en d'autres termes, pour être efficace. L'examen do ces conditions est telle. renvoy ο ά l'art. Prière (Efficacité de la). Quant aux scrupules, lo plus sûr remèdo du côté La prière est un moyen d’obtenir ce que l’on désire; de l’intelligence ost encore la picino connaissance do mais toutes nos bonnes œuvres nous obtiennent aussi la vérité. Il est possible quo nous hésitions sur lo vrai caractère et l’origine de la pensée qui nous propose de Dieu les biens spirituels, ou même temporels, dont nous avons besoin : le traité De merito s’efforce de une œuvre de conseil. Cette œuvre nous conviont-ollo bien distinguer le mérite de l'impétration. ou no nous convient-elle pas? est-elle du Saint-Esprit Le sacrifico de la messe est certainement l’acte ou do l’imagination? Elle sera du Saint-Esprit, si 1299 IM PÊTIUTION religieux le plus efficace pour obtenir les bienfaits de Dieu; mais de quelle manière nous les procure-t-il, rr operr operato ou per modum impetrationis? Telle i >t ü question que se pose Suarez : hactenus gencraIcm explicuimus varios operandi modos hujus sacrificii; supcrrst ut in particulari de effectibus ejus dicamus, ap. nendo quos effectus uno modo conferat, quos vero alio. De sacramentis, part. I, disp. LXXIX, sect. in. Enfin, le traité De cultu sanctorum légitime, contre .'es reproches des protestants, la prière adressée aux saints, par cette distinction classique : oratio porri­ gitur alicui dupliciter, uno modo quasi per ipsum im­ plenda, alio modo sicut per ipsum impetranda. S. Tho­ mas, Sum. theol., II· II·, q.Lxxxm, a. 4. Nous prions Dieu de nous accorder scs grâces, nous prions les saints de nous les obtenir de Dieu. Voir Saints. Pour le dire en passant, dans la prose Inviolata, la variante nobis impetres veniam répond mieux aux exigences de la théologie que le texte courant nobis concedas veniam. Nous nous bornerons ici à l'étude de la distinction du mérite et de l’impétration, de l'efficacité ex opère operato et per modum impetrationis. III. L'impétration et le mérite. — 1° Entendue au sens large, l'impétration englobe le mérite. Origi­ nairement, en effet, impetrare, comme notre mot < obtenir, > ne s'applique pas seulement au résultat de la prière, mais de tout moyen par lequel nous pouvons nous procurer ce que nous désirons. En ce sens large, l'impétration est un terme générique qui renferme le mérite aussi bien que l'impétration pro­ prement dite. Priori modo, dit Suarez, impetrare nihil aliud esi quam ratione alieujus operis vel obsequii illiquid ab alio obtinere; in quo sensu cuilibet operi meritorio potest impetratio tribut, et præsertim quando mertium est imperfectum, quod a theologis de congruo nominatum est. De divina gratia, 1. XII, pnelud., n. 3; et. e. xxxiv, n. 8, 11. C'est en ce sens large que Suarez entend le mot impetrare dans le texte célèbre de saint Augu din, Epist., exav, c. in, n. 9 : sed nec ipsa remissio peccatorum sine aliquo merito est, si fides hanc impetrat, P. L., t. xxxui, coi. 877; et dans ce passage du concile de Trente, sess. XIV, c. iv : et quamvis sine s uramenlo p.rnltcntiœ per scad justificationi m perdu­ cere peccatorum nequeat (attritio), tamen eum ad Dei gratiam In sacramento panitentia impetrandum disponti. En somme, le terme d'impé tration au sens large tribut potrst cuicumque operi vel dispositioni quæ Deum movere potest ut ratione illius aliquid homini tribuat. | Suarez, op. cit., c. xxxiv, u. 11. 2° En fait, l'impétration et le mérite sont presque to jours associes : 1. parce que la prière elle-même, outre su force Impetratoire, possède presque toujours une valeur méritoire : oratio... duplicem habet virtutem respecta futuri eventus, scilicet virtutem merendi et virtutem impetrandi, S. Thomas, Sum. theol., II· II®, q. lxxxiu, a. 15; 2. parce que le suppliant, pour appuyer sa demande, invoque généralement auprès de Dieu les mérites de Jésus-Christ et des saints; 3. parce que, enfin, pour exaucer une prière, Dieu peut avoir égard aux m rites de celui qui l'implore; cf. la collecte du xi· dimanche après la Pentecôte : qui abundantia pietatis lax cl merita suppliciim excedis cl vota. Sir quoi Suarez fait cette réflexion : quad si ali­ quando oratio fit propter merita vel Christi, vel aliorum sum torum, vd ipsius petentis, tunc non intenditur par*' tl simplex impetratio postulationis, sed etiam quasi exactio et retributio mentorum qutr in orationr allegantur. Et tla tunc quasi miscentur impetratio et menium. Op. cit., c. xxxiv, n. 8. <_’· mflange du mérite et de l'impétration et l’impotMblUtè qui en résulte de distinguer ce qui serait 1300 obtenu de Dieu en considération des mérites de celui qui le prie ou abstraction faite de ces mérites, se ren­ contrent surtout lorsque l'on parle de la prière du Christ : Jésus a prié, pendant sa vie mortelle, et pour nous et pour lui, mais sa prière possédait toujours virtutem merendi et virtutem impetrandi tout ce qu'il demandait, pour nous aussi bien que pour lui. Et c'est pourquoi, dans le traité De la redemption, on parie plutôt de ce que Je Christ a obtenu, pour nous et pour lui, par scs mérites, y compris celui de scs prières, que par la valeur strictement impétratoirc de ses supplications. 3° L'impétration au sens strict, adopté par la théologie, est l’effet propre de la prière en tant que demande, toute autre considération mise à part, selon cette parole de ΓÉvangile : Petite et dabitur vobis, Matth., vu, 7; Luc., xi, 9; Il vous sera donné, non parce que vous méritez ce que vous demandez, mais simplement parce que vous le demandez. Tel est l'en­ seignement do saint Thomas, Sum. theol., II· Π®, q. lxxxiii, a. 15, si lumineusement commenté par Suarez, op. cit., pnelud., n. 3 : alio vero modo magis proprio et speciati impetratio tribuitur orationi tanquam proprius effectus ejus, quia in ea nan conside­ ratur ex parte impetrantis meritum vel aliud obsequium prater petitionem; et c. xxxiv, n. 8 : impetratio proprie dicta est proprius effectus solius orationis quoad ejus propriissimam pariem quæ est petitio seu postulatio. Cf. De viri, relig., tr. IV, 1. I, c. xxn, n. 1. Suarez remarque justement que toute prière, ex hoc peculiari capite quod est petitio, habet propriam et peculiarem aplitudinem ad impetrandum... quatenus consentaneum est bonitati vel liberalitali ejus qui rogatur moveri ad dandum solum quia rogatur. Op. cit., c. xxm, n. 1. L'effet propre de la prière n'est-il pas, en effet, d'attirer l'attention de celui qu'on implore, de le toucher, de le vaincre en quelque sorte et d'obtenir de lui ce qu'on désire? Il est bien évident toutefois que la prière ne peut obtenir infailliblement son effet que si Dieu s'est engagé à l'exaucer, lorsqu'elle remplirait certaines conditions : si enim spectamus solam rationem peti­ tionis, habet quidem oratio ex illa aplitudinem ad im­ petrandum... non tamen habet talem efficaciam quit: certum et inlallibilcm reddat effectum, quia non est causa necessitatem inducens... Ut ergo oratio habeat hanc efficaciam in impetrando, necessaria fuit pro­ missio. Op. cit., c. ΧΧΠΙ, n. 2. 4° Dégageons maintenant les différences du mérite et de l'impétration proprement dite. — 1. La première différence, signalée par saint Thomas, résulte de la définition même de l'impétration proprement dite : étant l'effet propre de la prière en tant que demande, là où il n'y a pas demande, il ne peut y avoir impé­ tration, tandis que le mérite provient de toute bonne oeuvre, y compris la prière. Sum. theol., II· II», q. lxxxhi, a. 13, 15. Donc, conclut Suarez, 11 peut y avoir mérite sans impétration, et impétration sans mérite. De div. gratia, 1. XII, religionis, tr. IV, 1. I, c. xxn, n. 4. 2. Qu'il puisse y avoir impétration sans mérite, cela est surtout manifeste en ce que l’une des conditions nécessaires, pour mériter, c'est d'être encore, selon l'expression théologique, in statu viæ, tandis qu’on sait que le Christ ne cesse d’intercéder pour nous et que les bienheureux au ciel et les âmes du purgatoire peuvent prier, non seulement pour nous, mais encore pour eux-mêmes. 3. Les deux premières différences que nous venons de signaler distinguent nettement l'impétration du mé­ rite, même de congruo. Les autres différences qu’il nous reste à énoncer se vérifient pleinement quand on compare l'impétration au mérite de condigno, mais 1301 IMPÉTRATION — IMPOSITION '’attinucnl jusqu'à s’effacer quand on la rapproche du mérite de congruo. Prenons, par exemple, cette formule lapidaire de saint Thomas, qui oppose d'une part l'objet d<· l'impel rat ion et celui du mérite; d'autre part le*» attributs divins en vertu desquels Dieu accorde s* · bienfaits Λ la prière ou nu mérite : impetratio pertinet ad id quod petitur et innititur soit gratiæ; meritum autem pertinet ad finem quem quis m· retur et innititur justitia!. De potentia, q. vi, n. 9, ad 5«®. L'application de cette formule au mérite de congruo nécessiterait des dis­ tinctions, des corrections, qui la rendraient bien moins nette et moins tranchante. Il reste vrai que impetratio pertinet ad id quod petitur. On n’impêtre que ce que Ton demande. Unde est optima differentia, conclut Suarez, qupd impetratio solum est illius rel quæ postulatur, mentum autem est proportionali præmii. De virtute religionis, tr. IV, 1. 1, c. xxn, n. 4. D'où il suit que, si une prière n'ob­ tient pas par imp tration ce qu'elle sollicite, elle peut néanmoins obtenir par mérite autre chose : si quis bon a fide orando p ; In IV Sent.,1. IV,dist. IV,q.iv, a. 7, q. n) s'applique exactement au merito de condigno, convient-elle aussi bien au mérite de congruo? \ oir Mérite. Beaucoup de textes, où saint Thomas compare les objets du mérite et de l'imp tration, ne sont rigoureusement exacts que si l’on sous-cnlcnd de condigno après mereri ou meritum: par exemple, etium ea quæ non meremur, orando impetramus; nam cl peccatores Deus audit pec­ catorum veniam pedentes quam non merentur.... et si­ militer perseverantia! donum aliquis petendo a Deo impetrat vel sibi, vel alii, quamvis sub merito non cudat. Sum. theol., 1* llæ, q. cxiv, a. 9,adlum#SI Γοη voulait se donner la peine d’inscrire sur trois colonnes, en un tableau synoptique, cc que Ton peut obtenir do Dieu : a) par impétration, b) par mérite de con­ gruo, c) par mérite de condigno, pour sol ou pour autrui, d'une manière infailliblement efficace ou non, en état de grâce ou de péché, les deux premières co­ lonnes seraient semblables entre elles et fort diffé­ rentes de la troisième. 4. Do même, en cc qui concerne les attributs divins auxquels sc réfèrent l’impétration et le merite· Impe­ tratio.... innititur soli gratiæ : c’est co que répète ù maintes reprises sains Thomas; cf. Sum. theol., Il* II®, q. lxxxiii, a. 15, et surtout In / V Scnf.,1. IV,dist. XV, q. iv, a. 7, q. ni : et inlrr hær duo (le mérite et Γimpé­ tration) hæc differentia est quod meritum importat ordinem justitia: ad præmium, quia ad justitiam per­ tinet retribuentis ut merenti prxmium reddat; sed impe­ tratio importat ordinem misericordia vel libcralitatis ex parte donantis; et ideo meritum ex se ipso habet unde perveniatur ad prrrmium, sed oratio impelrare volentis non habet ex scipsa unde Impetret, sed ex proposito vel tiberalitate donantis. Mais est-ce seulement ù la justice do Dieu que sc r< fère le mérite de congruo? Sa distinction même du mérite de condigno, sa définition meme en font un intermédiaire entre le mérite proprement dit et l'im­ pétration proprement dite, participant ù la fols de l'un et de l'autre : cc qu'il obtient ne vient ni de la st ici c just ice do Dieu ni de sa pure libéralité. Ct. Sum. theol., μ II®, q. exiv, a. 3; Suarez, De div. gratis , 1. XII, c. xxxiv, n. 8; c. xxxv, n. 6· DES MAINS 1302 IV. Efficacité: ex orxr.K operato et per IMUM /upETRATlosis.— Du mérite passons au sacrifice de la met se. Le sacrifice en lui-mcmc n'est pas nécessai­ rement une prière de demande, mais il est joint Λ la prière et concourt à augmenter sa valeur impétratoirc : licet sacrificium hoc ex se sil valens ad impetrandum, tamen non applicatur ad impetrandum nisi ut orationi conjungitur, quia non impetratur nisi quod petitur vel desideratur ab alio; et ideo impetratio per se pertinet ad orationem quam sacrificium facit exaudiri ct hoc modo impetrat. Suarez,De sacramentis,part. I,disp. LXXIX, sect. iv. Cette valeur impétratoirc spéciale que le sacrifice de la messe confère à la prière de Γ Église, il la tient de son institution même; elle est par consequent indé­ pendante des dispositions du prêtre qui l'offre comme ministre de Jésus-Christ, et même de la participation effective actuelle de Notrc-Scigneur à l’oblation du sacrifice : hoc sacrificium, præter effectum ex opere operato, habet ex vl suæ Institutionis specialem vim id impetrandum eos effectus pro quibus obtinendis offertur. Suarez, ibid., sect. π. Le sacrifice de la messe possède donc une double efficacité : une efficacité ex opere operato, comme les sacrements, en vertu de laquelle il remet les peines d.irs au péché, et une efficacité per modum impetra­ tionis, en vertu de laquelle il obtient tous les effets qui sont l'objet des prières de l'Église, y compris celte remise même des peines duca au péché quand elle est spécialement sollicitée dans les prières de l'Êglisc. Cf. Suarez, ibid., sect. iv. Suarez reconnaît quatre différences entre ces deux modes d’ac ion : a) prior causahtas funditur in spe­ ciali promissione, distincta a substantiali institutione sacrificii..., posterior autem modus impetrationis non requirit specialem promissionem, sed ex natura talis sacrificii consequitur...: b) ad effectum ex opere operato non est necesse ut offerens specialiter petat vel consequi intendit illum effectum..., at vero effreturn per modum i purse impetrationis nullum confert (sacrificium) nisi ex peculiari intentionis sacrificantis vel offerentis specialiter applicatur ad hoc vel illud beneficium obti­ nendum...; c) prior effectus ex opere operato infallibilis est..., ct vero posterior effectus de se non habet unde sil Infallibilis...; d) hic posterior modus causandi univer­ salior est quam prior, tum ex parte personarum, quia ad plures personas extenditur hsre impetratio quam opus operatum.... tum etiam in effectibus, nam opus operatum definitur ad certum ac definitum effectum, luee vero impetratio ad quoslibet effectus divimc beneficcntiæ extendi potest. Ibid., sect. u. Sur le fruit impétratoirc de la messe, voir déjà, t. vu, col. 81-82 ct art. Messe. A. Fonck. IM PLI Ci TE. Voir Explicite, t. x ,col. 1M58-1871. IMPOSITION DES MAINS. — I.Origine du rite. IL Usage du rite. III. Efficacité du rite : est-il sacramentel? 1° en général; 2° dans la confirmation; 3° dans la pénitence; 4° dans les ordinations. 1. OniGiNE du wte. — L'imposition des mains est un rite chrétien d'origine juive. 1. cil El LES J VIES.— Apte à symboliser les Intentions les plus diverses, il apparaît dans VAncien Testament comme le rite propre de la bénédiction, de la consé­ cration à Dieu ct de Vinvestissement d'une fonction. 1° La bénédiction. — 1. Privée. — C'est en posant ses mains sur la t etc des enfants de Joseph que Jacob les bénit, Gcn., xlxtu, 14-20, ct c'est encore par le mémo geste que, dans le tableau du peintre juif Oppenheim (t 1882), la Ilénédiclion du sabbat, nous voyons Je père de famille d'aujourd'hui bénir succc ssivement tous scs enfants. The Jewish encyclopedia, 1303 IMPOSITION DES MAINS 1304 t. IX, p. 413. — 2. Liturgique, — C’est par une béné­ devant Jahvé, de la part des enfants d'Israël, afin diction donnée au peuple sous la forme d’une impo­ qu’ils soient pour le service de Jahvé.... Tu feras sition des mains que s’achevaient les sacrifices solen­ tenir les lévites debout devant Aaron et scs fils, et tu les offriras en offrande balancée à Jahvé. Tu les nels. Le jour où Moise inaugure le sacerdoce d'Aaron, sépareras ainsi du milieu des enfants d’Israël, et les celui-ci quand il a fini de présenter au Seigneur les victimes offertes pour lui, pour scs fils et pour le lévites seront à mol. » Num., vm, 10-14. La significa­ tion du rite dans le cas du sacrifice et dans celui des peuple, no descend de l’autel qu'après avoir levé ses mains vers le peuple pour Je bénir. Lev., x, 22. L’au­ lévites est donc la même.: l’imposition des mains n teur de l’Ecclésiastiquc décrit la cérémonie telle la valeur d’un acte de consécration au Seigneur. Dans qu’elle s’accomplissait de son temps. Quand < les cé­ les deux cas, le balancement do l'objet et des personnes offerts et consacrés à Dieu complétait le symbolisme rémonies du Seigneur étaient achevées » et que < les prêtres avaient accompli les fonctions sacrées, le de l’imposition des mains. 3° L’investissement d’une fonction. — Quand Moïse grand prêtre descendait et élevait sa main sur toute demande ù Jahvé d’établir sur le peuple un chef l’assemblée des enfants d'Israël, pour donner de ses capable de lui succéder, Jahvé, en lui désignant lèvres la bénédiction do la part du Seigneur,... et le Josué pour cet emploi, lui prescrit de « poser sa main peuple se prosternait... pour recevoir la bénédiction sur lui. > Num., xxvn, 18. Et en effet, quand Moïse est du Très-Haut. > Eccll., l, 19-21. mort, Josué le remplace, · et les enfants d'Israël lui 2° La consécration à Dieu. — 1. Des victimes. — L’offrande des victimes pour le sacrifice s'accompa­ obéissent, > car, « H était rempli de l'esprit de sagesse parce que Moïse avait posé scs mains sur lui. » Dent., gnait toujours d'une imposition des mains. Qu’il s'agit xxxiv, 9. 11 y a donc eu transmission de pouvoir; par d'un holocauste, Lev., i, 4, d'un sacrifico pacifique, l’imposition des mains, Josué a été rendu participant Lev., ni, 2, 8,13, ou d’un sacrifice d’expiation, Lev., de l’autorité et de l’esprit de sagesse de Moïse. Aussi iv, 4, 24, 29, 33, celui au nom duquel ou pour lequel ce mode d’investissement est-il considéré par les juifs le sacrifice était offert devait poser sa main sur la comme le < prototype > des rites suivis depuis pour la tête de la victime avant qu’elle fût immolée. Le rite était obligatoire, mais n’avait rien de proprement collation des diverses fonctions publiques. 11 n'en est pas sacerdotal. Celui qui demandait le sacrifice et présen­ fait mention ailleurs dans l'Ancien Testament, mais tait la victime devait l'accomplir lui-même en per­ les historiens en admettent la persistance jusqu’au début de l’époque chrétienne. C'est par l’imposition sonne; au cas du sacrifice offert pour l’ensemble du peuple, c’est aux anciens d’Israël, comme à scs repré­ des mains que se seraient recrutés alors les membres sentants naturels, qu’il appartenait de s’en acquitter. du grand sanhédrin. Cet usage cependant ne tarda Lev., iv, 15. Lors de la purification du temple et de pas à disparaître, et, parmi les motifs qui purent la restauration du culte sous Ézécb las, c'est le roi et contribuer à le faire abandonner, des juifs eux-mêmes toute l'assemblée qui imposent les mains sur les vic­ suggèrent celui de l'adoption qu’en firent les chrétiens times offertes en holocauste pour tout Israël. Il Par., pour l'ordination des chefs de leurs Églises. Schürcr, xxîx, 23. Les prêtres n'imposaient eux-mêmes les Geschichte des jûdischcn Volkcs im Zcilaltcr Jcsu Christi, mains à la victime que lorsqu'ils avaient à offrir le 4· édit., t. n, p. 250-251 et note 38; Lauterbach, art. Or­ sacrifice en leur propre nom ou pour leurs propres dination, dans The Jewish encyclopedia, t.ix, p. 428-420. péchés. Lev., iv. 4; vm, 14, 18, 22. Le grand prêtre On rattache parfois au rite de l'imposition des toutefois, au jour de la solennité de l’Explation, po­ mains le geste dont il est question au Lévitique, xxiv, sait scs deux mains sur la tête du bouc< émissaire» 14, et au Deutéronome, xm, 9; xvn, 7, à propos du avant de confesser sur lui les iniquités des enfants blasphémateur : tous ceux qui l'ont entendu et qui d'Israël et de l’envoyer au désert. Lev., xvi, 21. Ce ont témoigné contre lui doivent être les premiers à bouc représentait donc tout le peuple, et on ne le lever la main sur lui pour le lapider et le faire mourir. chargeait de toutes les Iniquités d’Israël que pour Mais il ne s'agit plus là d'un rite à accomplir : on veut accentuer le caractère propre de la grande solennité; seulement que les témoins du crime soient les premiers son envoi au désert symbolisait la réalité des purifica­ à en tirer le châtiment. C'est probablement l'usage tions accomplies : de tout ce qui avait pu jusque-là auquel fait allusion le Christ dans l’épisode de la souiller le peuple, les prêtres ou le grand prêtre lulfemme adultère : < Que celui d'entre vous qui est sans inê.ne, les expiations ne laissaient rien subsister. — péché soit le premier à lui jeter la pierre. · Joa , vm, 7. 2. Des lévites eiu-mémes. — C'est encore en signe Dans l'épisode du jugement de Susanne, Daniel, xm, d'offrande et de consécration faite à Dieu que l'impo­ 34, les deux vieillards, avant de formuler leur accusa­ sition apparaît dans l'installation des lévites. Eux 1 tion, mettent leur main sur la tête de l'accusée : c’est aussi, comme les prêtres au jour de leur consécration, probablement le geste du serment. Exod , xxix, 10,15,22; Lev., vin, 14, 22, ils auront à II. DURANT LE MINISTÈRE PUBLIC DU CHRIST. — imposer les mains aux victimes qui seront immolées L'imposition des mains semble avoir été un des gestes pour leur purification, Num., vin, 12; mais Ils ont les plus familiers de Jésus. Sans qu’on puisse dire d’abord à être soumis eux-mêmes à ce rite. < Tu que Jésus, en imposant les mains, accomplissait un feras approcher les lévites, dit Dieu à Moïse , et tu rite, on peut considérer néanmoins l’imposition de convoqueras toute l'assemblée des enfants d'Israsl. scs mains comme un geste de guérison et de bénédic­ Lorsque tu auras fait approcher les lévites devant tion. Jahvé, les enfants d'Israël poseront leurs mains 1° Geste de guérison. — Pour opérer scs miracles, sur eux. > Num., vin, 9-10. Et le sens du geste ressort parfois, Jésus touche les malades ou les prend par la Ici clairement de ce qui suit; il équivaut à celui de main. Ainsi guérit-il la belle-mère de saint Pierre, Marc., l'imposition des mains faite à la victime par celui qui i i, 31 ; ainsi ressuscite-t-il la fille de Jaïre; il lui prend l’offre pour le sacrifice. Comme la victime, en effet, la main et lui commande de sc lever, Marc.» v, 41; ainsi Ls lévites, après que le peuple leur a imposé les mains, encore fait-il reprendre scs sens nu possédé quelc démon, < sont offerts en offrande balancée devant Jahvé, » en l’abandonnant, a laissé comme mort. Marc., ix, 27. Num., vin, 21 ; cf. pour les victimes, Lev., vin, 27, 29; | Pour rendre la vue à deux aveugles, il leur touche les ix, 21, etc., et la raison en e t, dit Jahvé lui-—Zinc | yeux, Matth., ix,29, et il guérit un sourd-muet en lui mettant les doigts dans les oreilles et lui touchant la à Mol* , qu'ils sont prélevés pour lui parmi les enfants d'Israël : « Les enfants d'Israël poseront leurs mains langue, Marc., vn, 31 ; quand un lépreux vient implorer sur eux. Aaron offrira les lévites en offrande balancée | sa pitié, il étend la main, le touche et dit : · Je le veux» ’ùr. 1305 IMPOSITION DES MAINS sols guéri ». Marc., i, 4. Mais en plus de cci contacts I ou do ces attouchements proprement dits, les évangé­ listes parlent de ce qu'ils appellent « l'imposition des mains. » Pour redresser la femme percluse, Jésus ne fait que lui imposer les mains. Luc., xm, 13. Le geste est connu autour de lui comme constituant son mode habituel de guérison. Jaïre, quand il vient l'implorer, lui demande en propres tenues de venir imposer les mains à sa fille afin qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. Marc., v, 23; Matth., ix, 1. Ceux qui lui amènent le sourd-muet le supplient de même qu'il lui impose la main.Marc., vu, 32. A Capharnaiim, le soir, après qu'il a guéri la belle-mère du saint Pierre, tous ceux qui ont des malades les lui amènent; et lui, en leur impo­ sant les mains aux uns après les autres, il les guérit Luc., iv, 10. A Nazareth, au témoignage de saint Marc, vi, 5, il ne fait guère d’autres miracles que ceux-là : nisi paucos infirmos impositis manibus curavit. Comment procédait-il? En quoi consistait exactement j cette imposition des mains? On ne saurait le préciser d'après les Évangiles; mais il est à noter qu'on ne parle pas d'une prière accompagnant le geste ; la vertu bienfaisante en procédait toute de la personne et de la volonté du Christ, et c'est ce qui faisait l'ad­ miration de scs compatriotes de Nazareth : Unde huic.... virtutes talcs, quæ per manus ejus efficiuntur? Marc., vi, 2. 2° Geste de bénédiction. — Aussi son geste était-il par lui-même une bénédiction. On lui apportait les enfants pour qu'il les touchât, disent saint Marc, ix, 13, et saint Luc, xvm, 15, pour qu'il leur imposât les mains et fit une prière sur eux, dit saint Matthieu, xix, 13. Et lui, en effet, leur imposait les mains, Matth., xix, IG; et en leur imposant les mains, il les bénissait, Marc., x, IG: le geste, ici, s'accompagnait d'un sou­ hait; c'est du moins ce que suggère l'expression évan­ gélique. Nous ne trouvons cependant pas dans l'Évangile d’autre exemple de bénédictions accordées par Jésus sous cette forme. Son dernier geste seulement, au jour de l’Ascension, semble avoir été encore une béné­ diction. c 11 éleva les mains, écrit saint Luc, xxiv, 50-51, et les bénit. Et c’est comme 11 les bénissait qu'il s'éloigna d’eux. » ni. DAX3L'HISTOIRE DES APOTRES.—On ne lit nulle part dans l'Évangilc que le Christ ait prescrit formel­ lement à scs apôtres d’adopter et de pratiquer eux aussi l’imposition des mains. Il la mentionne seu­ lement comme devant être en usage parmi les croyants. Entre autres prodiges qu’ib accompliront, « ils imposeront les mains aux malades, et ceux-ci se trouveront guéris.» Marc., xvi, 18. Mais, ne lirait-on pas dans la Anale de Marc cette allusion à la survivance du geste traditionnel et du geste préféré du Maître, l’histoiru des apôtres ne laisserait aucun doute sur leur fidélité à le conserver et ù le reproduire. Pour eux comme pour lui c'est d'abord un geste do guérison. 1° Geste de guérison. — Dès le début, il est dit que π par les mains des apôtres » il so faisait des signes cl des prodiges nombreux parmi k peuple. Act., v, 12. Et l'expression διά τών χειρών ne saurait s’entendre au sens purement métaphorique. Elle est la même que celle qu’emploie saint Marc, vi, 2. à propos des prodiges opérés par les mains du Christ; cf. Behm, Die J landau flcgung im Urchrislentum, p. 10, note 2; et, des apôtres en effet, comme il l’avait fait du Christ, Luc., iv, 40, comme il le fera de saint Paul, Act., xxvm, 9 10, saint Luc dit que de loin on leur appor­ tait les malades ou les possédés cl que tous ces mal­ heureux étaient guéris. Act., v, IG. Or. quand il parle du Christ et de saint Paul, 11 mentionne l’imposition des mains en propres termes; on ne saurait donc douter qu’elle ait été usitée par les apôtres. Et de fait, elle était usuelle. C’est par elle que Saul converti Î306 récupère la vue, AcL,ix, 12,17; c est < par les main» » de Paul et de Bamabê qu’à Iconium s’accomplissent les prodiges par lesquels Dieu confirme leur prédica1 Ion, Act., xiv, 3 ; de même, à Éphèse, pendant les deux ans qu’y passe saint Paul, virtutes non quaslibet faaebat Deus per manum Pauli. Act., xix, 11. Parfois, Il est vrai, l’imposition des mains n'est pas nécessaire; par le seul attouchement des linges ayant appartenu à l’apôtre et sans doute en dehors de toute Intervention de sa part, les guérisons se produisent. Ibid., 12. Mais lui, quand il veut guérir, procède à l’imposition des mains. A Malte, saint Paul, reçu chez Publius, dont le père e.t malade, « va le voir, prie sur lui, lui imp >se les mains et le guérit. · A cette nouvelle tous les ma­ lades de l'ilc accourent. La scène de Caphamaûm se renouvelle; on vient à saint Paul et l'on est guéri. Act., xxvin, 8-10. Apparemment l'apôtre répète pour chacun d'eux le geste qui a soulagé le père de son hôte. 2° Geste de bénédiction. — Mais c'est surtout comme geste de bénédiction que l'imposition des mains s'est transmise du Christ aux apôtres. A ce titre, elle occupe dans leur ministère spirituel une place de premier ordre. Avec le baptême, c'est celui de leurs rites reli­ gieux qui est le plus clairement attesté. 1. Pour donn< r le Saint-Esprit et peur ordonner. —Par l’imposition des mains, ils communiquent le SaintEsprit aux nouveaux baptisés. Act., vm, 17-19 ; xix, 1-G ; par elle, ils délèguent tout ou partie de leur pouvoir à ceux qu’ils s'associent ou se substituent pour l'ad­ ministration ou le gouvernement des Églises. Act., vi, G; xm, 3; xiv. 23; 1 Tim., iv, 14; II Tim., I, 6. Saint Paul la mentionne déjà, semble-t-il, comme faisant pari le de la réconciliation des pechcurs, I Tim., v, 22, et il n'est pas téméraire de penser que saint Jacques, v, 14, lui fait place également dans l’assistance des mourants. De cette sorte, elle se retrouverait donc à l’origine des sacrements de la confirmation, de l'or­ dre, de la pénitence et de Γ extrême-onction. C’est ce qui a été déjà établi pour la confirmation. Voir Con­ firmation, Lin, coL 975-102G. Al’arL Ordre, on éta­ blira la valeur sacramentelle de l'imposition des mains aux diacres et à Timothée. Le P. Prat, à l’art Évùqves, t. v, col. 1684, a déjà indiqué qu'il était permis de voir < une consécration épiscopale > dans « la céré­ monie qui constituait Paul et Barnabe fondateurs d’Égliscs avec pouxoir d'ordonner des prêtres. > AcL, xiv, 23. Il ne reste donc qu'à examiner si l’imposition des mains fait réellement partie, à l’époque des apôtres, de la réconciliation des pécheurs et de la prière sur les malades. a) Dans la réconciliation des pécheurs. — Il n’est pas commun parmi les catholiques de l'y reconnaître. Le seul passage où elle y peut paraître signalée est plutôt et depuis longtemps expliqué par eux de l'ordi­ nation. C'est celui où saint Paul recommande à Timothée de ne pas trop se hâter d’imposer les mains sous peine de · communier » ainsi aux péchés d'autrui : Manus cito nemini imposueris, neque communicaveris peccatis alienis. I Tim., v, 22. On s’accorde, en effet, à relier entre elles les deux parties de ce verset et à entendre la seconde d'une conséquence qui résulterait pourTimothéed'une Impost tiondes mal ns prématurée: il risquerait, par sa précipitation, de se rendre parti­ cipant, ou responsable, des péchés de celui à qui 11 se serait ainsi trop hâté d’imposer les mains. a. L*interprétation primitive. — Cette Interpréta­ tion toutefois est loin de s'imposer et les commenta­ teurs mêmes qui l’admet tout, par exemple, Salmeron, Corneille de la Pierre, Estius, dom Calnu t. Bisping, Belser, etc., signalent la persistance de l’opinion qui voit dans cette imposition des mains la réconciliation des pêcheurs. Il semble inc me que cette opinion ait gagné récemment beaucoup de terrain. Dans un article 1307 IMPOSITION DES MAINS 1308 même, le mot πρεσβύττρος désigne au >' 1 un vieil­ publié mr ce sujet dans les Recherches de science lard et au ÿ 17, d’après l’opinion commune lout au religieuse, septembre-octobre 1912, p. 448-460, on n pu citer une longue liste d'auteurs, tous spécialistes moins, un presbytre; le mot προεστώτες, 17, désigne en exégèse ou en histoire des institutions primitives les chefs do la communauté alors qu’au c. ni, 1, 5, 12, de l’Égiisc, qui l’admettent, p. 448· Aussi bien ccttc il est dit des chefs do famille. Il n’y aurait donc rien interprétation est-elle de beaucoup la plus ancienne; d’étrange que l’imposition des mains y ait une signi­ fication particulière. D’autre part, il est incontestable jusqu’à l’Ambrosiastcr et à Théodore de Mopsueste. on n*cn connut point d’autres. Tcrtullien, De pudicitia, que la réconciliation des pécheurs, dès qu’elle appa­ xvm. 9; cf. xvm, 1, cite ce verset pour prouver que raît dans la littérature chrétienne, comporte l’impo­ l’apôtre interdisait la réconciliation do certains pé­ sition des mains; elle est même communément dési­ cheurs Au concile de Carthage, en 256, l’évêquc gnée par ccttc expression. Λ l’époque de saint Cyprien, Aurélc d’Utiquc l’oppose aussi à la réconciliation des l’usage en est manifestement très ancien : la formule hérétiques par la seule imposition des mains : s’en 1 imponere marium in poenitentiam est une formule contenter, c’est se rendre coupable de ccttc < parti­ toute faite. S. Cypricn, Epist., xv, 1 : Ante manum cipation aux péchés d’autrui que proscrit l’apôtre. » ab episcopo et clcro in poenitentiam impositam; xvi.2 : Sent, episc., 41, Opera S. Cypriani, édit. Hartcl, t. r, per manus impositionem episcopi et cleri jus commu­ p. 51. L’auteur du De aleatoribus, 4, un évêque, on a nicationis accipiant;... nondum manu eis ab episcopo même dit un pape du in· siècle, le cite, parmi beau­ et clero imposita. Cf. xvn, 2; xvm, 1; xix, 2, etc. Le coup d’autres, comme condamnant les chefs d’Églisc pape saint Étienne l’emploie comme traditionnelle à qui pardonnent trop aisément aux coupables ; Nonne propos de la réconciliation des hérétiques : Nihil (psi delinquentium se pondere onerant? Opera Cy­ innovetur nisi quod traditum est, ut manus illis impo­ priani, édit. Hartcl, t. in, p. 95. Saint Cypricn peut natur in poenitentiam : prescription qu’Eusèbe résume être considéré comme lui donnant le même sens, du par cet le formule très expressive; μόνη χρήσϋα». τη διά peccantes coram omnibus argue que l’opinion com­ χειρών έτιΟέσεως εύχη. Η. Ε., νπ, 2. Enfin l'affir­ mune entend» au contraire, des seuls prcsbylrcs mation de la Didascalie des apôtres est on ne peut reconnus coupables. Testim., ni, 76, édit. Hartcl, plus explicite d'imposition des mains est pour le péni­ t. i, 172. Origcnc prend également le v, 20 au sens tent cequ’est le baptême pour le converti du paganisme, général. InJcs. Nave,hom. vu, 6, P. G.,t. xn, col. 861. π, 41, 2, édit. Funk, p. 131. Voilà donc un usage, un Saint Augustin suit, en cela saint Cyprien. Scrm., rite, dont le caractère traditionnel ne saurait s’ex­ lxxxh, 5; Lxxxin, 7, P. L., t. xxxvni, col. 510,519; pliquer que par son origine apostolique. Les docu­ de même. De fïde et operibus, 3, 4, L XL, col. 200: ments du n· siècle ne permettent pas, il est vrai, de aux montanistes qui s’autorisent eux aussi du ne saisir ce lien do dépendance. Mais H en est de même communicareris peccolis alienis pour refuser leur pour tous les usages de l’imposition des mains : leur communion à ceux qu’ils estiment insuffisamment dérivation apostolique sc déduit plutôt qu’elle ne se purifiés par la seule imposition des mains, il ne re­ constate. Ni pour la confirmation ni pour l’ordina­ proche nullement d’entendre des pécheurs en général tion, SI n’y a aucun texte du n® siècle qui en atteste ce qui serait dit des clercs précipitamment ordonnés. l’usage. Mentionnée dans les écrits de l’âge apos­ Lui aussi applique le mot aux pécheurs, quels qu’ils tolique, elle ne reparaît ensuite que chez les écrivains soient. 11 conteste uniquement que la communica­ du ni0 siècle, où apparaît aussi l’imposition des mains tion aux péchés d’autrui ainsi proscrite résulte de la dans la réconciliation des pécheurs. La lacune docu­ seule vie en commun; elle suppose en plus l’approba­ mentaire est donc d’ordre général et clic s’explique tion ou l'imitation de leurs fautes. Epist., cvm, 3, 7, par le caractère général des œuvres de celte époque P. L., t. xxxni, col. 409; Cont. epist. Parmen., π, 20, qui nous sont parvenues. Malgré l’absence de témoi­ 39; in, 1, 2; Cont. Crescon., in, 36, 40, P. L., t. xun, gnages positifs, personne cependant ne songe aujour­ col. 80, 83, 517. Saint Pacicn de Barcelone, Parœnesi.t d’hui à contester la continuité de la pratique ecclé­ ad poenitentiam, 8; Epist., in, 19, l’applique formelle- | siastique. < 11 n’y a pas de doute, écrit Bcbm à ce ment à U réconciliation par le prêtre du pécheur qui dis­ propos, que l’usage de l’imposition des mains si lar­ simule scs fautes: le pénitent ainsi réconcilié corrompt gement répandu dans l’Églisc (du ni® siècle] ne sc la masse tout ont 1ère et met en cause la responsabilité du rattache à la pratique primitive; c’est en droite ligne prêtre qui l’admet ù la communion. P. JL., t. xiiî, et en partant de la période de début que le dévclopcol. 1076. 1086. Si l’on ajoute que saint Jean Chryso- I pcment s’est produit; ici encore, suivant la loi de stomclul-mcmc, In 1 Tim^homîl.xv,2, P. G., t. lxit, I l’histoire des rites, c’est la pratique du commence­ col. 582, tout en appliquant le verset 22 à Γ ordina ment qui est devenue la tradition. » Die Haridauflegung tion, entend, au contraire, comme saint Cyprien et h tm Urchristcntum, p. 61. On ne saurait par consé­ l’encontre de l’opinion commune, les trois versets quent alléguer non plus le silence de l’époque inter­ précédents de la pénitence et du traitement des pé­ médiaire pour refuser de rapporter à l’époque aposto­ cheurs en général, on comprendra qu’il peut y avoir lique l’imposition des mains pénitentielle, telle qu’elle Intérêt à comparer les deux interprétations et à recher­ I se pratique au m® siècle. cher celle qui répond le mieux à l’ensi mblc du texte. b. Sens de la communication aux péchas d'autrui.— Or, il n’y a dans le texte, pour recommander l’opi­ ! Or, ce que les habitudes lexicographiqucs de saint nion commune, que l’expression même d’imposition Paul montrent possible et ce que l’hîstolre la plus des mains. Nulle part, le Nouveau Testament ne ancienne de la réconciliation pénitentielle suggère, l’applique à la réconciliation des pécheurs, et saint le contexte immédiat du passage en question Viniposc. Paul, dans deux autres passages des Épttrcs à Timo­ La «communnIon aux péchés d’autrui,» qui, de l’avis thée, lTim.,iv, 14; llTim.,i, 6, la mentionne à propos commun, vest présentée comme la conséquence d’une de l’ordination. On conclut de là qu’ici encore 11 doit imposition des mains prématurée, ne peut s’entendre l’entendre de même. Mais la question est précisé­ en effet que de l’admission dans la communauté chré­ ment s’il n’y a pas lieu de reconnaître Ici un emploi tienne de pécheurs insuffi .animent purifiés. Pour l’enspécial de ce rite dont l’usage est si divers. D’une I tendre d’une contamination parles fautes ultérieures part, la chose est possible. Les Épîtres pastorales ont d’un presbytre, de celui qui lui a Imposé les mains, plusieurs expressions qui leur sont propres, et les il a fallu parlir de l’idée préconçue qu’il s’agissait de acceptions diverses, quoique juxtaposées, d’un même . l’ordination. On ne cite pas, en effet, d’exemple où mot sont Îr quentes chez saint Paul. Dans ce chapitre I la formule «communier aux péchés d’autrui » signifie 1309 IMPOSITION purler la responsabilité des fautes commises par celui i qu'on a témérairement investi d’une charge impor­ tante. L'idée de la communion aux péchés des mem­ bres Indignes de la communauté est, au contraire, une des idées les plus communes aux écrivains de l’âge apostolique, et sa persistance se constate jusqu'à l’époque ou elle apparaît de nouveau étroitement associée à cello d'une Imposition des mains accordée trop tôt aux pécheurs. Elle est d'abord essentiellement paullnlcnne. Elle est énoncée dans le modit um fermentum totam massam corrumpit, l Cor., v, G. Elle justifie l'expulsion de | l’incestueux : Έςάρατε τόν πονηρόν έξ ύμών αυτών, ν, 13 le conserver au milieu d'eux serait pour les fidèles συ*>αναμίγνυσθαι πόρνοις, v, 9-12. Les mots qui expriment ccttc idée sont de saint Paul. En détournant les Éphésiens do s'associer aux fils de l'incrédulité, v, 7, il leur recommandait de ne pas «communier aux œuvres stériles des ténèbres,» v, 11. Pour lui, association de croyants et d'incroyants est | synonyme de c communion de la lumière avec les ténèbres. > II Cor., vi, I L Et saint Jean exprime les mêmes idées dans les termes mêmes de LÉpître a Timothée. Recevoir un infidèle à la doctrine du Christ ou seulement le saluer, c’est < communier à ses péchés. » II Joa., 11. Le peuple de Dieu, s’il ne sortait pas de Babylone, par­ ticiperait à ses péchés. Apoc., xvm, 4. Même langage au n« siècle. Pour un mari, c'est • communier > à l'adultère de sa femme que de conti­ nuer à cohabiter avec elle. Hermas, Mand., rvt 1-5. De même une femme chrétienne craindrait de c corn munier > aux déportements de son mari si elle demeu rait au domicile conjugal. Justin, 11 Apol., 2, P. G·, t. VI, col. 114. A plus forte raison, la communion rituelle ou reli­ gieuse entraîne-t-elle cette contamination : l'admis­ sion au sacrifice d'un homme brouillé avec son frère suffirait ù le profaner pour tous. Dtdaché, xiv, 2. Aussi est-on attentif Λ éviter toute communica­ tion avec les hérétiques et les pécheurs. Eusèbe, II. E., iv, 14, P. G., t. xx, col. 340, dit à propos du refus de saint Poiycarpe de reconnaître Cérintbe et Marclon : Τοσαύτηυ οί απόστολοι καί οί μαθητα! αυτών ίσχον εύλάβααν πρδς τδ μήόε λόγου κοινωνεϊν τιά τών παραχαρασσόντων την αλήθειαν. Et il nous montre Origène fidèle dès son enfance Λ ccttc loi de Γ Église : ré­ fugié chez une dame dont le fils adoptif, quoique hérétique, attirait des catholiques à ses leçons, ού πώποτε ποούτράπη κατά την ευχήν αύτφ συστηνας φυλάττων έξ έτι παιδδς κανόνα Εκκλησίας. Η. E., VI, 2. col. 525.Λ Rome aussi, le martyr Moïse se sépare de Novation (ακοινώνητου έποίησεν) : lettre du pape Corneille dans Eusèbe, H. E., vi, 43. col. 628; et h .Alexandrie, les martyrs no reprennent la vie com­ mune avec certains lapsi qu'après avoir jugé leur pénitence suffisante. Lettre de saint Denys d'AlexanIrlc dans Eusvbc, H. E., vi, 42, col. 613. C’est purtout, en cfTct, dans le cas d’une pénitence insuffisante quo la «communion aux péchés d’autrui » est à redouter : Qui oral vel communicat cum homine ex Ecclesia ejecto, dit la Dtdascalic des apôtres, juste oportet cum hoc numerari.. Si quis enim eum homine ex Ecclesia ejecto communicat et oral... coinquinatur, cum illo, ui, 8, 5, Funk, Didascalia et Constitutiones Apostolorum, t. i, p. 198. Et elle ajoute pour l'é­ vêque : .Si [episcopus] pepercerit ci qui inique peccat et permittit eum in Ecclesia manere, hic coinquinavit Ecclesiam suam, n, 9-10, Funk, p. 4L Les novations exagérèrent ce principe: ils s'on autorisaient pour refu­ ser de réconcilier les pénitents, et la Didascalie pres­ crit de passer outre, n, 14. 3, Funk, p. 50 et 51. Elle prouve même par l'Écritura qu'avoir des rapports DES MAINS 1310 avec l'impie n'est pas < communier â ses péchés · ; IIcpl γάρ του μή δονχϊν τούς πλησιάζοντας άόίκοις συμμολύνεσΟαι τ. ΚΟΙΝΩΝΕΪΝ ΤΑΙΣ ΑΪΤΩΝ ‘ Αλί ΑΡΤΙ ΑΙΣ 6 ' Ιεζεκιήλ λέγει» Π, 14,13, Funk, ρ. 54, 55. Par où l’on voit que, chez les catholiques et les héré­ tiques, malgré l'opposition des doctrines, les formules de l'Éplire â Timothée ont le même sens. Elles l'ont aussi en Afrique. Tertuifien combat par ce verset de saint Paul la réconciliation de certains pécheurs. De pudicilia, 18,9. L'auteur du De aleatoribus, 4 ,Op. Cy priant, édit. Hartel, L m,p.95,96, invoque ce texte contre ceux qui sont trop indulgents à l'égard des pécheurs. Π en appelle à la doctrine salutaire qui règle à ce sujet la conduite de ceux qui ont reçu le pouvoir de lier et de délier pour la rémission des péchés : Salutari doc­ trina admonemur, ne, dum delinquentibus adi idue ignoscimus, ipsi cum eis torqueamur.... Dum falsam communicationem damus, id quod cum honore de Det dignatione percipimus, indignante Domino ex propria actione amittamus, i, 1,2, Hartcl, p. 93. Saint Cyprien emploie les mêmes formules à propos de ceux qui, sous prétexte qu'ils ont accompli la pénitence et qu’ils ont reçu du pape l'absolution, cum Basttide et Martiale temere communicant. L'Écriture, en effet, dit-il, consortes et participes ostendit eos alienorum delictorum fleri qui fuerint delinquentibus copulati... Dum malis et peccatoribus et poenitentiam non agen­ tibus inlicita communicatione miscentur, nocentium contactibus polluuntur ei junguntur in culpa. Epist., Lxvii, 9, édit. Hartcl, t. n, p. 742-743. De ΙΛ dérive sa doctrine sur l’admission des hérétiques : les recevoir par la seule imposition des mains, c'est « communier à leurs péchés. » Qui talibus ad ecclesiam venient ibas sine baptismo communicandum existimant, non putant se alienis imo aeternis peccatis communicare. Epist., lxxhi, 19, édit. Hartcl, t. n, p. 794. Le pape, en agissant ainsi, « communie au baptême de Marxian. > Epist^ lxxiv, 8, t. n, p. 805. Au jugement de Finn'lien de Césarée, il · communie » de même et pour le même motif « au baptême de tous les hérétiques. > Epist., lxxv, 23, Hartcl, t. n, p. 824. Et les évêques du concile de Carthage en 256 jugent de même : ils appuient leur raisonnement sur les paroles mêmes de saint Paul et I de saint Jean. Aurèle d'Utique. Sent, episc., 41, Hartel, 1.1, p. 451 ; Aurèle de Chullabl, ibid., 81, p. 459-460. En Espagne, saint Pacicn. Pamnesis ad pmtL, 8. P. L., t. xm. col. 1086, sc réfère au texte de saint Paul à Timothée pour dire que l'admission d’un pécheur dissimulé à la communion ccclésiastioue rend le prêtre qui en est Fauteur responsable de ses péchés. J En Cappadoce, saint Basile explique de même par la préoccupation de ne pas participer à la souillure de < |>êchcurs le zèle que les évêques apportent à l’admi­ nistration de la pénitence· Epist. can., 84, P. G., t. xxxn, col. 80S. Le sens primitif de l’expression κοινωνεΐν άμαρτίαις άλλοτρίαις n’est donc pas douteux : la « commuI nion aux péchés d'autrui · résulte du maintien i ou de l’admission d’un pécheur dans la société dont on est le membre ou le chef. Or, cette Interpré­ tation, qu’impose le sens de cette expression depuis l’âge apostolique jusqu’au iv* siècle, entraîne l'inter­ prétation de « rinqxisition des mains > comme rite de la réconciliation des pécheurs· c. Le sens des versets précédents. — Le contexte Immédiat n’est pas seul à imposer cette Interpréta­ tion; les versets précédents la suggèrent, eux aussi Le passage, en effet, tout au moins ù partir du t 20, i a manifestement pour objet'la conduite à tenir Λ l'égard des pécheurs : le discernement des candidats à l'ordination et les qualités â exiger d'eux ont déjà fait la matière du c.m de l’Épttrc. Présentement il s’agîL I d’indiquer à Timothée le procédé à suivra dans la 1311 IMPOSTI ION répression des abus ou désordres dont plusieurs allu­ sions, v, 11-15, 24, laissent aisément entrevoir la réalité et la gravité. C’est pourquoi, après lui avoir recommandé de ne pas oublier meme en cette ma­ tière les égards dus à l’âge, ou peut-être môme au caractère du presbytre, 17-19, et l'avoir invité en particulier à n'acccptcr que sur témoignages concor­ dants une accusation contre un ancien, 19, il lui demande de reprendre publiquement les pécheurs; cela est nécessaire pour inspirer aux autres une crainte salutaire. Qu’il évite seulement ici encore de se laisser entraîner ά des considérations de per­ sonnes, 21. Et c’est ainsi que l’apôtre est amené à parler de la réconciliation des coupables : que Timo­ thée ne se hâte pas trop d’imposer les mains; il com­ munierait lui-même aux fautes d'autrui, 22. La suite des idées, on le voit, est ainsi toute naturelle. Elle disparaît, nu contraire, dans l’interprétation commune qui ramène brusquement au v 22 la ques­ tion du discernement des candidats à l’ordination. Cette interpretation n’a donc pas seulement contre elle de manquer totalement de point d’appui dans la tradition des premiers siècles et de donner en parti­ culier au κοινωνεϊν άμαρτίαις άλλοτρίαις une signi­ fication sans exemple; en entendant le τούς άμαρτάνοντας έλεγχε des seuls pres by tres reconnus cou­ pables après accusation et enquête, elle donne en utre nu verset entier une explication contraire à i. la fois à la logique, à la grammaire et à la vraisemblan c. — a. Cette mise en évidence d'une catégorie de presbytres prévaricateurs détonne ici. Rien dans h texte ne marque l’intention d’opposer les άμαρτάνοντας aux καλώς προεστώτες mentionnés trois ver­ sets plus haut. Le δέ inséré par quelques rares ma­ nuscrits entre l'article τούς et le participe άμαρτάνοντας n’est pas retenti dans les bonnes éditions cri­ tiques: il est facile de concevoir que l’interprétation commune, qui en aurait interdit la suppression, en oit suggéré l’insertion. Serait-il authentique, du reste, l'opposition qu'il établirait viserait plutôt le verset précédent : tandis que les άμαρτάνοντας doi­ vent être repris devant tous les autres, contre un presbytre, au contraire, une accusation ne doit être .retenue que sur bonne preuve : manifestement le cas d'une faute commise par un presbytre n'est prévu que comme exceptionnel. — β. Le vocabulaire d'ail­ leurs et la grammaire s’opposent aussi au lien qu'on établit entre les versets 19 et 20. < Contre un presbytre, dirait le premier, une accusation ne doit pas être admise, à moins qu'elle no soit appuyée de deux ou trois té­ moignages.» «Ceux,poursuivrait le second, [qu'nprès l’enquête ainsi provoquée on aura reconnus) coupables, il faut les reprendre. > Il y aurait là passage bien brusque du singulier au pluriel! il y aurait un sens bien Inattendu donné au participe présent άμαρτάνοντας, il y aurait enfin une addition faite au texte pour lui faire signifier ce que saint Paul n'a pas exprimé plus clairement. Du reste, la connexion ainsi établie entre le» deux versets ne s’impose pas nécessairement. Rien n’assure que saint Paul n’en ait pas eu une autre dans l’esprit : pourquoi, si le κατά πρεσβυτίρου du f 19 x isc un presbytre et non pas seulement un vieillard, la mention d'une défaillance possible chez un presbytre ne l'auralt-ll pas amené à parler des pécheurs en général? Il serait surprenant, dans un chapitre rempli d’alhisio is aux fautes qui se commettent dans la commu­ nauté, 12-16, 24-25, que l'apôtre, instruisant son disciple sur la manière de les traiter, ne mentionne, en fait de pécheurs à corriger, que des presbytres. Le contexte, en un mot, permet de laisser au τούς άμαρτάνοντας la portée générale que lui donne sa signification propre et que saint Jean Chrysostome. Origine, saint Augustin après saint Cypricn, et tant DES MAINS 1312 d'autres, lui ont reconnue. — γ. Enfin le traitement des pécheurs, tel qu'on le conçoit prescrit pour les seuls presbytres, est d'une anomalie sans exemple dans l'histoire de la pénitence. La correction qu'on découvre au ÿ 20 est une correction faite en famille : le ένώπιον πάντων ne viserait que le collège presbyléral et le coupable ne devrait être ainsi repris que pour inspirer une crainte salutaire au reste (ol λοιποί) de scs collègues; après avoir exigé, en un mot, pour admettre l’accusation, la multiplicité des témoins, on ne procéderait à la répression qu'à huis clos. N’y a-t-il pas là une Inconséquence? Un anachronisme aussi, car c’est supposer un clergé des lors si com­ plètement séparé des fidèles qu'il ait déjà comme son droit pénal et son tribunal particuliers. Que si. faisant violence à la syntaxe, et tout en continuant à ne voir dans les άμαρτάνοντας que des presbytres dénoncés et reconnus coupables, on préfère admettre pour eux une correction publique devant tous les fidèles, en sorte que a les autres > soient lo reste, non du collège presbytère!, mais do toute la communauté, on attribue ainsi à l'apôtre, au sujet des clercs, une législation pénitent iellc que l'Églisc n'a pas maint enue : on lui fait prescrire pour eux la pénitence publique, à laquelle l'Églisc fit au contraire toujours profession de ne pas les admettre. Combien plus les anciens, y compris même saint Jean Chrysostome, malgré son Interprétation de l'imposition des mains au sens de l’ordination, avaient-ils le sens de la réalité, eux qui, d'instinct, et sans seulement se préoccuper du contexte, reconnaissaient dans ce passage la correction pu­ blique des pécheurs qui était pratiquée tous les jours sous leurs yeux! Reprendre publiquement les pé­ cheurs : dès ses premières lettres saint Paul en avait fait un devoir. Il avait prescrit aux Thcssalonlcicns de noter ceux qui refuseraient d'obtempérer ά scs ordres, de ne pas les admettre ά leurs réunions et, sans les traiter en ennemis, de les reprendre cepen­ dant en frères. Il Thess., hi, 14-15. 11 avait demandé de même aux Corinthiens de rompre tout commerce avec l'incestueux, I Cor., v, et il ne s'était déclaré satis­ fait qu'autant que la correction publique infligée au coupable lui avait fait comprendre la gravité de sa faute. H Cor., n, G. Il devait un peu plus tard recommander à Timothée, de reprendre ceux qui résistent à la vérité. II Tim., n, 25. Toute sa seconde lettre tend en somme à le mettre en garde contre la pusillanimité : sans se laisser arrêter par aucune considération d'opportunité ou d'importunité, Il doit reprendre et admonester, iv, 2. Même insis­ tance auprès de Titc : qu'il use de son autorité pour reprendre: έλεγχε μετά πάσης έπιταγης, n, 15, et après une ou deux admonestations qu'il rompe avec les fauteurs de discorde, ni, 10. C'est là, en effet, l’office des chefs d*Église : aussi parmi les qualités à exiger de ceux qu'il a chargé Titc d'établir en Crète, saint Paul mentionne-t-il en propres termes la fermeté à reprendre les contradicteurs, i, 9. On comprend donc aisément que des évêques aient reconnu l'exer­ cice de cc pouvoir de correction dans le τούς άμαρτά­ νοντας ένώπιον πάντων έλεγχε : le corrigere palam était destiné à devenir classique en matière de péni­ tence, et, pour le prouver, Il n’est pas besoin de des­ cendre à l’époque de saint Augustin, Il suffit de citer les passages de la Didascalic des apôtres, dans lesquels l'auteur, voulant engager l'évêque, comme le fait saint Paul, à sévir courageusement, mais sans parti pris, contre le pécheur, se borne à paraphraser le ÿ 20 : Δει γάρ έπΐ των άμαρτανόντων μή παρασ^παν, ά)Λ' έλέγχειν, νουΟετεΐν, όπως καί ΤΟΙΣ ΈΤΕΡΟΙΣ, ΈΥΑΑΒΕΙΑΝΈΜΠΟΠΙΣΗ,η, 17, 5, édit. Funk, p. 64. Ιδών δέ σύ τδν ήμαρτηκότα, πικρανΟεΙς κέλευσον I αύτδν έξω βληΟηναι, π, 16, 1, ρ. 61. St autem (η- 1313 IMPOSITION DES MAINS ventus fuerlt [pecealor] (nrubldus et non confundatur et ingressus fuerit ecclesiam, arguitur tl corripitur ab episcopo,.,· confusus egredietur et totus grex, cum viderit lacrimas illius, correptionem apud se sentit, n, 10, 4-5, p. 46. Cf. u, 0 ct 10, 1 ; 39, 6· Pour l’exégèse détaillée de tout cc passage de l'ÉpItr© à Timothée, voir l’art, cité des Recherches de science religieuse, septembre 1912, p. 449-454. j d. Objections et conclusion. — On a objecté cepen­ dant ù cette démonstration que les témoignages apportés sont d'une époque trop récente, et qu'il n’y a pas trace dans les écrits de fûgo apostolique d’une réconciliation des pécheurs telle que celle que nous croyons trouver dans saint Paul. Jiibllsche Zeitschrift, 191 I, t. xii, p. 176-180. Mais l’objection est au moins étrange de la part de ceux qui admettent l'interpré­ tation commune : les témoignages qu'ils invoquent en ra faveur sont tous postérieurs aux nôtres, et Ton serait curieux de connaître les traces qu’ils découvrent, dans les écrits de l'ûgc apostolique ou post-apostotolique, d'un tribunal ecclésiastique tel que celui qu’ils supposent établi par saint Paul pour juger les presbytres. Cc sont les contemporains de saint Paul et saint Paul lui-même qui nous ont donné le sens de l’expression communier aux péchés d'autrui et avant de dire qu’il n’y a pas de trace, à l'époque apostolique, de la réconciliation des pécheurs, il faudrait prouver que cette trace n’existe pas dans le passage en question de l’ÉpItrc à Timothée. Or il no saurait suffire pour cela d'en proposer comme plau­ sible une Interprétation qui, pour être devenue com­ mune, du jour peut-être où la réconciliation des pé­ cheurs cessa d’être une fonction épiscopale, du jour surtout où les novations et les donatistes abusèrent de cc texte pour refuser la réconciliation aux pécheurs, n’en est pas moins sans fondement dans la tradition primitive. Comme en outre elle trouble l'ordre des Idées dans l'ensemble du passage, qu’elle fait violence au sens usuel d’expressions aussi courantes que le άμαρτάνουτας έλέγχειν et le κοινωνεΐν άμαρτίαις άλλοτρίαις, qu'elle attribue enfin à saint Paul, pour les fautes des clercs, un mode de répression ou de pénitence contraire à la pratique constante do l'Églisc. l’interprétation primitive nous parait nette­ ment préférable et c'est pourquoi 11 nous paraît aussi que l’usage de l’imposition des mains dans la ré­ conciliation des pécheurs peut être considéré comme attesté par saint Paul. b) Dans la prière sur les malades. — Peut-on en dire autant de la prière sur les malades dont parle saint Jacques, v, 14? Origùnc l’a cru.Dans une cita­ tion de ce passage, H substitue ù Vorent super eum do l’apôtre 1’imponant ci manum delà réconciliation pénitcnticllc, car c’est à la rémission des pêchés parla < pénitence dure et laborieuse » et comportant la con­ fession préliminaire qu’il applique le texte de saint Jacques. JnLep., homil. n, 1,P. G.,t. xu, col. 418-419. A ses yeux, par conséquent, < prier sur quelqu'un » et lui < imposer les mains » sont deux expressions qui sont équivalentes ou désignent tout au moins deux choses qui s’entraînent l’une l'autre. Et c’est bien, en cilot, cc que suggèrent les Actes des apôtres. Si l’on met ù part les passages sur la communication du Saint-Esprit aux baptisés de Samaric, vni, 17, Λ saint Paul lors de sa guérison par Ananic, ix, 17, aux baptisés d’Éphèsc. xix, 6, partout où l’imposi­ tion des mains est mentionnée, la prière l’accom­ pagne : ù Jérusalem, lors de l'ordination des diacres, 'a, 6; ù Antioche, lorsque Paul et Barnabé reçoivent leur mission, xni, 3; ù Malte, quand Paul impose les mains au père de Publius pour le guérir, xxvm, 8. Saint Matthieu avait dit aussi que ceux qui présen­ taient leurs enfants à Jésus demandaient de leur D1CT. DE THEOU CATHOU 1314 « Imposer les mains et de prier, sur eux » xix, 13, et saint Marc avait mentionné les paroles de bénédic­ tion accompagnant le geste, x, 16. Dans un passage des Actes, l'identification établie par Origènc parait manifeste. Quand Paul et Barnabé, au retour de leur première mission, établissent des presbytres dans les Églises qu'ils ont fondées, on ne saurait douter qu'ils ne l'aient fait en leur imposant les mains, comme on l'avait fait pour eux ù Antioche et comme les Épltres pastorales montrèrent plus tard l'usage établi depuis longtemps.Or,s’ilestfaltmcntionàccpropos,de jeûnes et de prières comme à Antioche, xiv, 23, l'imposition des mains n'est pas nommée, xni, 3. C'est donc ou bien qu’elle accompagne de sol les prières, ou bien qu’elle est supposée suffisamment indiquée par le χειροτονησαντες qui précède. Le verbe χειροτονείν, en effet, quoique, dit des supérieurs, il ne signifie encore directement que le fait < d’établir > ou de « constituer, > évoque suffisamment l’idée d'une imposition des mains pour qu'il soit inutile de lui en Juxtaposer l'ex­ pression formelle. Quoi qu'il en soit, au reste, du motif de l’omission constatée ici, l'association de l'imposition des mains et de la prière est dans les Actes assez évidente pour expliquer qu’Origènc l'ait admise dans l’ÉpItrc de saint Jacques. Et nous n'hési­ tons pas pour notre part à considérer comme pleine­ ment fondée l’identification qu'il a faite de Vorent super eum et de V Imponant et manum; l'identification du rite d'ensemble prescrit par saint Jacques avec celui de la pénitence en général et de la réconcilia­ tion des pécheurs en particulier est une question diffé­ rente, que nous n’avons pas à aborder ici. Voir t. v, col.1913 sq., 1934-1935. Et nous aurons l’occasion de revenir plus loin sur l'imposition des mains dans le sacrement de l'extrCme-onction. Mais, que, dans La pensée de saint Jacques, la prière sur les malades ait comporté de la part des prêtres invités à les visiter une imposition des mains distincte de fonction, l'usage biblique Joint à la pratique primitive des Églises nous parait le mettre hors de doute. Origènc, sans qu’il l'ait lu dans son texte, comme certains seraient portés à l'admettre, n'a donc fait, en traduisant orenl super eum par imponant ei manum, que transposer les appel­ lations de deux réalités qui normalement étaient associées. II. Usage du iute dans l'Église. — Le rite juif, évangélique et apostolique de l’imposition des mains s'est conservé dans l’Eglisc. Entre la fin de l’âge apostolique et les débuts du m* siècle, aucun docu­ ment ne le signale explicitement comme faisant partie d’une fonction liturgique déterminée. NI la Doctrine des apôtres, bien qu’elle indique la manière de baptiser et de célébrer l’eucharistie, ni saint Clé­ ment de Rome, ni saint Ignace d’Antioche, malgré l'insistance de leurs lettres sur l'origine apostolique de l’épiscopat, ni saint Justin dans la description qu’il fait aux empereurs, ApoL, I, 61-65. des rites Chrétiens, ne le mentionnent. Dans les écrits de cette période intermédiaire, on relève seulement quelques allusions à la persistance du « charisme b de la guérison des malades par l’imposition des mains. S. Irénée, Con/.2urr.,n,32,P.G.,t.vu,col.829;Clémcnt d’Alexan­ drie, Quis dives salvetur, 31, P. G., t. x. col. 640. Acta Petri cum Simone, 20, L. Vouaux, Les Actes de Pierre, Paris, 1922, p. 388. Un extrait du gnostlque Théodoto conservé par Clément d'Alexandrie, Excerpta ex Théodoto. 22, permet aussi do conjecturer que chez les Valentiniens les cérémonies de l’initiation compor­ taient une imposition des mains, P. G., t. x, col.G69; un autre de ces extraits, col. 697,semble faire allusion à des prières accompagnées d’une imposition des mains qui auraient dès lors précédé l'administration j du baptême. VII. — 42 1315 IMPOSITION DES MAINS Clément d’Alexandrie en parle cependant comme d’un rite usuel et familier : avec vos faux cheveux, ditil aux femmes, Pédagogue, in, 11. P. G., t. vin col. 637, sur quoi donc portera l'imposition des mains? Et au «!♦ siècle, dès que les documents deviennent plus abondants, l’imposition des mains apparaît comme occupant une telle place dans la vie de l’Église, qu’il ne saurait y avoir de doute sur le lien de continuité qui la rattache à la pratique des apôtres. Suivant la remarque plusieurs fois répétée de Behm : Die Handauf· legung, p. 71,72, 80, s’autoriser du silence de l’époque intermédiaire pour contester l'origine primitive de ce rite, c’est méconnaître le caractère traditionnel que lui attribuent les documents postérieurs. La pratique quotidienne est le pont qui unit l’usage du siècle à celui du inc. 11 ne suit pas de là que l’on doive ou que l’on puisse faire remonter en bloc à l’âge apostolique toutes les pratiques rituelles du ni* siècle; à mesure que l’Églisc a organisé sa liturgie, elle a dû appliquer et adapter aux formes nouvelles de son culte les gestes et les rites qu'elle avait hérités des apôtres et il est donc fort possible que certaines céré­ monies accompagnées d’imposition des mains, quel­ que usuelles qu’elles soient au in® siècle, ne soient néanmoins pas telles quelles d'origine immédiate­ ment apostolique. La présomption peut être pour l'affirmative, mais ce sont là questions d’espèces dont chacune doit être examinée en particulier et qui ne sauraient nous occuper ici. Nous avons déjà dit celles de ces cérémonies dont l'existence à l’âge apostolique nous paraissait certaine ou plus probable. Pour les autres, les éléments de solution positifs font défaut; aussi passerons-nous outre désormais à la question des origines. Nous ne nous arrêterons pas non plus aux impositions de mains qu’on pourrait appeler charismatiques, par lesquelles ont continué de s’opérer dans l’Églisc des guérisons de malades ou des déli­ vrances de possédés. Behm. op. ri/., p. 64-66, a relevé les traces qui en restent dans les écrits du ni· siècle; les siècles suivants n'en ont pas perdu le souvenir ni l’usage. Mais ces sortes de faits sont en dehors du point de vue théologique qui nous occupe ici. L'impo­ sition des mains ne nous Intéresse que dans scs rap­ ports avec la vie organique et normale de l’Églisc, à partir du ni· siècle. Or, on peut dire dès l'abord et d’un mot qu’elle y apparaît comme le geste liturgique par excellence, comme le rite commun à la plupart des fonctions sacrées, si bien que la manière la plus naturelle d’en Indiquer les usages divers consiste à les grouper autour de ce que nous avons appelé depuis les sacrements. On constate ainsi qu’elle intervenait dans la collation de tous et nous aurons, plus loin, à distinguer ceux dont elle était partie essentielle ou constituante; , mais nous avons auparavant à montrer la place qu'elle 1 occupait dans leur administration et à rechercher en quoi elle consistait. /. SX PLACE DANS VADAtlNISTRATtONDESS^ÇREAï ENTA.— 1® Dans le baptême. — Le baptême, aux pre­ miers siècles, était précédé du catéchuménatct suivi de lacollation du Saint-Esprit, que nous appelons la confir­ mation. A chacun de ces moments de l’initiation chrétienne l’imposition des mains avait sa place. 1. Pendant le catéchuménat. — L’imposition des mains est en quelque sorte le rite propre du catéchu­ ménat. a) Rile de Γ admission. — Elle y apparaît dès les premières allusions faites à ccttc préparation au baptême. Nous en avons déjà relevé la trace dans un extrait de Théodotc fait par Clément d'Alexandrie. 84, P. G., t. x, col. 694 : εύ*^αΙ χειρών. Cf. la va­ riante donnée par Stàhlin : ευχαΐ (έπάρσεις) χειρών, qui n’est qu'une conjecture explicative. Tcrtullicn 1316 parle explicitement d'un « renoncement nu diable, à scs pompes et à scs anges, > qui précède le baptême et se fait in ecclesia sub antistitis manu. De corona, 3, P. L., t. n, col. 79. Au synode de Carthage en 256, l’évêque Vincent de Thibaris mentionne l'exorcisme « par l’imposition des mains b comme étant le premier degré de l’acheminement vers le Christ. Sent, episc., 37, dans les œuvres de saint Cyprion, édit. 1 lartcl, t. i, p. 450. Et, en elïet, c'est par une imposition des mains que l’on est admis au rang des catéchumènes ou qu’on est fait chrétien. Gentiles, dit le canon 39 du concile d’Elvirc (306), si in infirmitate desiderave­ rint sibi manum imponi,si fuerit eorum ex aliqua parle honesta vita, placuit eis manum imponi et fieri Chris­ tianos. Et le canon 6 du concile d'Arles en 311 dit de même : De his qui in infirmitate credere volunt, placuit eis manum imponi. Aussi les récits de conversion aboutissent-ils à l'imposition des mains. Celui des Acta Thomœ, n. 49, nous montre une femme, qui supplie l’apôtre de la « signer · (δύς μοι την σφρα­ γίδα : c'est Γ expression consacrée) et l’apôtre, qui lui impose les mains et fait sur elle le signe de la croix : έπιθείς έπ’αύτη τάς χεΐρας αύτου έσφράγισεν αύτην είς δνομα I Ιατρός καί Τίουκαί αγίου 1 Ινεύματος. Acta aposi. apocr., édit. Lipsius-Bonnet, t. n, p. 165. Eusèbe, lorsque Constantin se décide à se faire bap­ tiser, parle de « la prière de l'imposition des mains > comme du premier rite préparatoire auquel il fut ad­ mis : πρώτον των διά χειροθεσίας εύχών ήξιούτο. Vita Constantini, ιν, 61, P. G., t. xx, col. 1213. Le diacre Marc, dans sa Vie de saint Porphyre de Gaza (395420), à chaque conversion nouvelle provoquée par les miracles de son héros, note l’imposition des mains faite aux convertis; c’est le signe de la croix, la σφραγίς du Christ, qui les rend catéchu­ mènes : par exemple, on vient demander à l’évêque την έν Χριστώ σφραγίδα, il l'accorde et fait catéchu­ mènes ceux qu’il a ainsi reçus, σφραγίσας αύτούς καί ποιήσας κατηχουμένους, n. 31, dans l’édition du texte grec pour la Sociétéphilolog.de Bonn,p. 29; trad, lat., P. G., t. lxv, col. 1226; quand il a ainsi consigné (σφραγίσας) les convertis ou qu'il les a marqués du signe de la croix (σφραγίσας αύτούς τώ σημείω του σταυρού), il leur recommande de se faire instruire et de suivre les exercices du catéchuménat, n. 62, 100, p. 51, 80 de l’édition grecque; P. G., t. lxv, col. 1234, 1252. Sulpicc Sévère raconte de même les conversions opérées par· saint Martin : Cuncti caterva· tim ad genua beati viri ruere coeperunt, fideliter postu­ lantes, ut eos faceret Christianos. Nec cunctatus, in medio.uterat, campo,cunctos,IA!posita UNIVERSIS A/Α­ Χ u9 catechumenos fecit. Demiraculis S. Martini, dial, n, 4, P. L., t. xx, coi. 204. Nemo fere... fuit gentilium, qui non, i At position E AIANUS desiderata, crediderit. De vita b. Martini, 13, P. L., t. xx. coi. 168. Saint Jérôme, dans la Vie de saint Hilariori,n.25,exprimede la même manière la conversion d’un prêtre des idoles : Christi signo denotatur. P. L., t. xxin, col. 4 i. Saint Augustin, De catechizandis rudibus, 20, 34, dit en propres termes à l'aspirant catéchumène qu’il va recevoir le signe de la croix: Crucissigno in fronte hodie signandus es. P. L., t. xlii, col. 335, Cf. plus loin, 26, 50 ; Quod cum responderit, solemnitcr signandus est. P. L., col. 344. Le pape saint Gélasc enfin, dans un fragment de lettre qui lui est attribué, Jalïé, n. 674, définit le catéchumène par la consignation ou imposition des mains : Catechumeni ii sunt qui... a sacerdote COXSIOXATI sunt et per exorcismum purgati... necdum sacro baptismate sunt abluti. Thiel, Epist. rom. pont., t. i, p. 509; P. L., t. ux, coi. 140. Cf. 1’attcstatlon de cct usage par saint Pierre Chrysologuc dans ses deux sermons. P. L., t. ui, coi. 346, 494. (Pour le rite complet de l’admission au catéchuménat dans la 1317 IMPOSITION DES .MA INS liturgie romaine, voir Duchesne, Les origins* du culte t chrétien, c. ix, § 1, 1. Le rite byzantin est connu par l’cucologc Barberlnf du vm* siècle, dont on trou­ vera indiquées les principales divisions Λ l'art. Bap­ tême. par dom de Puniet dans le Dictionnaire d'ar­ chéologie chrétienne, L n, col. 287.) b) Bite du rrntfoi à la messe. — Rite do l'admission au catéchuménat, l'imposition des mains est aussi celui du renvoi des catéchumènes à la fin de la partie de la messe où ils sont admis. La Tradition aposto­ lique, attribuée à saint Hippolyte, n déjà un passage spécial concernant cette imposition des mains : c Après la prière, y est-ll dit, quand celui qui enseigne a imposé les mains aux catéchumènes, 11 prononce une prière et les renvoie > : Connolly, The. so-called Egyptian Church Order, dans Texts and studies de Cambridge, t. vnr, n. 1. p. 182. Les écrits dérivés ou apparentés mentionnent tous eux aussi ccttc Imposi­ tion des mains. Voir, par exemple, les Canones Hip­ polyti, can. 99 : Doctor imponat catechumenis manum antequam illos demittat. L'auteur des Constitutions apostoliques indique même pour celui qui en est chargé le thème à développer dans la prière qui s'y joint, ! vu, 39, 4, édit. Funk, p. 442. Au 1. VIH, c. vi, ! 10-12, Funk, p. 480, Il Insère tout au long une | de ccs oraisons. Le Sacramentairc de Sérapion en donne deux lui aussi, sous le titre de εύχή υπέρ των κατηχουμένων et de χειροθεσία κατηχου­ μένων. Funk, Didascalla, t. n, p. 160-162. Les caté­ chumènes sont donc soumis à ce rite pendant toute la durée de leur préparation lointaine au bap­ tême. 2. Pendant la préparation immédiate au baptême. — Mais c'est surtout à partir du Jour où commence leur préparation prochaine au baptême que les caté­ chumènes reçoivent fréquemment l'imposition des mains. Les Homélies clémentines disent qu'elle leur est faite tous les jours : 'Όσοι ποτέ βαπτισΟηναι θέλετε, από της αυριον... καΟημέραν χειροΟετεϊσϋε. Homil. in, 13, P. G.,L 11, col. 157· La Tradition apos­ tolique de saint Hippolyte le porte déjà : They shall lay hand upon (hem every day and unstruct them, édit. Connolly, p. 183. manus impositione crebra exami­ nati, disent ù propos de ces candidats les Statuta Ecclesiæ antiqua, can. 23, P. L., t. Lvj, col. 883. Et en ciTet, dès qu’ils ont donné leur nom et sont devenus ainsi ■ compétents, » ils ont à suivra une série de caté­ chèses spéciales après lesquelles on leur impose les mains en forme d'exorcismes. Saint Léon le Grand en parle : In exorcismis impositio manuum. Epis!., CLXvm, 1, P. L., t. ijv, col. 1210. Jean Diacre, dans sa lettre à Senarius dit que instruuntur ecclesiastico ministerio per benedictionem imponentis manum et parle ù ce propos de frequens impositio manus, n. 3, P. L., t. ijx, coi. 401 ct 402. La Peregrinatio Ethé­ rité, dit qu'à Jérusalem ccs exorcismes avaient lieu tous les jours du carême, texte dans Duchesne. Ori­ gines du culte chrétien, 1898, p. 489, ct c'est ce que semble indiquer également saint Cyrille : Procatec., 9 ct 14; Cat., 1, 5, P. G., t. xxxni, col. 348, 353, 376. A Rome, au vu· siècle, chacun des sept « scrutins » comportait un exorcisme solennel avec imposition des mains, d'abord des exorcistes, puis d’un prêtre. V oir la description dans Duchesne, op. cit., c. xx, §1,2. Le rituel romain conserve aujourd'hui encore deux impositions des mains avant l'entrée dans l'église de l'enfant ù baptiser. 3. Dans la cérémonie du baptême. — Dans la colla­ tion même du baptême, on peut distinguer encore deux impositions des mains. — a) L'une qui précède l'ablution, est mentionnée sous ce nom dans la Didascalie des apôtres, ni, 12, 2-3, édit. Funk, p. 210, dans les Constitutions apostoliques, in, 15, 3, édit. | 1318 Funk, p. 211, dans le De ecclesiastica hierarchia du pseudo Aréopagitc, n. 2, 7, P. G.,t. m, coi. 396. et la plupart des rituels orientaux l'ont conservée. Voit le tableau dressé par dom de Puniet à l’art. Baptême, du Dictionnaire d'archéologie chrétienne, t u.col. 275« 291. Le rituel romain la conserve aussi tant pour les en­ fants que pour les adultes : elle précède les rites de VEffeta ct du renoncement à Satan. On peut y recon­ naître le dernier exorcisme préparatoire au baptême proprement dit. Cf. Duchesne, op. cit., 1898, p. 292. C'est celui dont parle Tertullien, De corona, 3: Aquam adituri, Ibidem, sed et aliquanto prius in Ecclesia SUB antistitis manu contestamur nos renuntiare diabolo, etc., P. L., t. n, coi. 29. — b) L'autre imposition des mains accompagne le rite même de l'ablution. Elle est moins connue et les textes classiques sur le bap­ tême y font à peine allusion. Les peintures des Cata­ combes cependant la mettent en évidence dans toutes leurs représentations du baptême : celui qui baptise a toujours la main droite posée sur la tète du néophyte: Cf. Wilpcrt, Le pitturc deÙe Calacombe romane, tav. 39, 2; 57; 228, 2; 240,1. Dom de Puniet dans le Diction­ naire d'archéologie chrétienne art. Baptême, t. n. col. 299300, a reproduit la tav. 39, 2. Les deux personnages représentés étant encore dans l’eau. Γ identification du rite avec celui de la collation du Saint-Esprit se trouve donc exclue. Et, de fait, des textes récemment publiés ne laissent aucun doute sur l’existence de cette impo­ sition des mains dans l'actc même du baptême. La Tradition apostolique, attribuée à saint Hippolyte, et les documents qui en dérivent ou lui sont tout au moins apparentés, la mentionnent expressément. Pendant chacune des trois questions sur la croyance aux trois personnes divines ct pendant chacune des immersions ou ablutions qui suivent, le prêtre doit tenir sa main posée sur la tête du néophyte : Tune descendat | baptizandus] in aquas, presbyter autem manum SUAM capiti EJU3 imponat eumque interroge, his verbis : Credisne in Deum Patrem omnipotentemt And he who shall be baptised shall say again thus : « Jea, 1 believe · ; And thus he [fhe prestyfrrj shall baptise him and lay his hand upon him, and upon him who answers forhim.tseu,ut pergitversio latina antiqua ab Hauler edita) M ANLΜ HABENS IN CAPUT Errs ιμρό5/ tam baptizet semel. Et posteadicat: Credis in Christum Jesum..· et iterum baptizetur..., etc. Connolly, p. 185, L’édition des Constitutiones Ecdesiar Ægypti,par Funk. Didascalia, t. n, p. 110. porte au passage correspon­ dant : Baptismum perficiens manum suam in capite acci­ pientis ponat eumqueter immergai.hjcc semper confitens. Les canons dits d’Hippolytc, éaiL Acheli s, can. 123125, disent : Tunc descendat in aquas; presbyter au­ tem manum suam capiti ejus imponat eumque inter­ roget his verbis...· Baptizandus respondet.... Tum prima vice immergitur aqiur. dum ille tnanum capitt ejus impositam relinquit. Suivent les deux autres questions ct immersions. Le Testament de NolreSeigneur, n, 8, reproduit les mêmes formules : Cum itaque baptizandus descenderit in aquas, baptizans manum ei imponens dicat ita : Credis in Deum Pa­ trem et baptizandus respondet : Credo. Et continuo illum prima vice baptizet, etc. Édit. Rahman!, p. 129. La Didascalie des apôtres (version syriaque), qui représente une autre tradition, mentionne aussi cette imposition des mains. Au I. 11, c. xxxn, 3, édit. Funk, p. 111, elle en rappelle le souvenir aux laïques; le 1. HL c. xn, /2-3, p. 210, permet de se rendre compte que ccttc χειροθεσία s’accompagne d’une onction faite aux baptisés lors de leur descente dans l'eau. Cf. pour cette onction les Constitutions aposto­ liques, 1. VII, c. xxn. 2, édit. Funk, p. 406. Les pein­ tures des Catacombes ainsi éclairées par ces textes, nous croyons qu’on peut retrouver une allusion à cette 1319 IMPOSITION DES MAINS môme cérémonie dans le De baptismo de Tcrtulllcn; non pas au c. mit, dont les premiers mots : Dehinc mantis imponitur, per benedictionem advocans et invi­ tons Spiritum Sanctum se rapportent uniquement à la collation du Saint-Esprit qui fait suite au baptême, mais au c. vr, où, à propos de la triple profession de foi qui accompagne l'ablution, il emploie également l'expression per benedictionem. Dum habemus per benzdictionem eosdem arbitros fidei, quos et sponsores salutis. P.L, t.i, col. 12Û6 ; Corpus de Vienne, p. 206. Le sens,en effet, de l'expression n'est pas douteux: comme il apparaît par le seul rapprochement do ces deux passages, et comme on le verra plus loin par l'usage commun, le mot benedictio désigne couramment une imposition des mains; et puisque nous savons par ailleurs qu'à la profession de foi du baptisé correspond une imposition des mains du baptiscur, il s'impose de la reconnaître dans la « bénédiction· associée ici à l'ablution et à la profession de fol baptismales. Tcrtulllcn explique les peintures des Catacombes et atteste en même temps l'existence d'une imposition des mains dans l’acte même du baptême. 2° Dans la confirmation. — Ici, l’imposition des mains est constatée avec évidence à partir du ni· siè­ cle, et son emploi se rattache manifestement à l’usage apostolique. La préoccupation que les apôtres avaient eue d’assurer aux néophytes par l'imposition des mains la participation au Saint-Esprit a produit une pro onde impression chez les premiers fidèles et elle explique tout naturellement que le souvenir et la pratique en aient été conservés. Au n· siècle, saint Irénée y fait une allusion. Cont. hær.,rv,38,2, P. G., t. νπ,οοί. 1106, qui permet de croire à un usage persis­ tant; les Valentiniens, nous le savons par un des Ex­ traits de Théodo le, 22, faits par Clément d'Alexandrie, P. G., t. îx, col.669, joignaient à leur baptême une χει­ ροθεσία, où il est tout naturel, semble-t-il, de voir un héritage de la Grande Église. Tcrtulllcn, en effet, parle de l'imposition des mains pour la communica­ tion du Saint Esprit comme d’un rite consacré : après l’onction qui suit l'ablution, dehinc manus imponitur, per benedictionem invocans et invitans Spiritum Sanc­ tum. De baptismo, 8. Caro manus Impositione adum­ bratur, ut et anima spiritu illuminetur. De carnis resurrectione, 8, P. L., t. n, coi. 806. Et les documents du in’ siècle confirment tous son témoignage. A Car­ thage, saint Cyprien atteste que, comme les apôtres à S unarie, les évêques imposent les mains aux baptisés : Quod nunc quoque apud nos geritur, ut qui in ecclesia baptizantur prœposilis ecclesia oUcrantur et per nos­ tram orationem ac manus impositionem Spiritum Sanctum consequantur et signaculo dominico consum­ mentur. Epist., Lxxin, 9, édit. Hartcl, p. 185. Le rite est même, à ses yeux, si étroitement associé à celui du baptême que l'acceptation de l’un lui parait de­ voir entraîner celle de l'autre; le pape saint Étienne lui paraît être inconséquent, parce qu’il refuse de rebaptiser les hérétiques, alors qu’il ordonne de les reconcilier par une nouvelle imposition des mains. Toute son argumentation contre lui part de là : c’est trop peu de leur imposer les mains pour leur commu­ niquer lo Saint-Esprit, si on ne les rebaptise pas : parum est eis manum imponere ad accipiendum Spiri­ tum Sanctum, nisi accipiant et Eccles lx baptismum. Epist., Lxxn, 1, édit. Hartcl, p. 775. Si les hérétiques ont pu être baptisés validement, ils ont pu aussi rece­ voir le Saint-Esprit, et il n’y a donc pas plus à leur Imposer les mains qu'à les rebaptiser : Quod si secun­ dum pravam fidem baptizari aliquis foris ct remissam peccatorum consequi potuit, secundum eamdem fidem consequi et Spirilum Sanctum potuit, et non est nccesse et venienti manum Imponi ut Spiritum Sanctum 1320 ’ consequatur et signetur. Epist., lxxiii, 6, p. 783. Cf. Epist., Lxtx, 10,11, etc. Au synode de Carthage en 256, les évêques d’Afrique partagent d’ailleurs la manière do voir do leur chef; voir, par exemple, Sent, cpisc., 5, p. 139; et la discussion ainsi engagée montre claire­ ment qu'à Rome l’imposition des mains était le rite de la collation du Saint-Esprit. L’auteur du De rebaptismatc, tout en soutenant contre saint Cyprien et ses collègues la dissociation possible du baptême ct de l'imposition des mains, atteste néanmoins comme eux que per manus impositionem episcopi datur unicuique credenti Spiritus Sanctus, Op. Cypriani, édit. Hartcl, t. in, p. 73. Cf.iv, ibid., etc. L'usage est le même en Asio Mineure : FIrmilien de Césarée, dans sa lettre à saint Cyprien, parle comme lui du pouvoir qu'ont les évê­ ques d’imposer les mains et de donner ainsi le SaintEsprit. Parmi les lettres de saint Cyprien, Epist., lxxv, 7, 8, 18, édit. Hartcl. p. 815, 822. Les descrip­ tions des rites de l'initiation chrétienne contenues dans la Tradition apostolique de saint Hippolyte ct les écrits dérivés ou apparentés ne laissent aucun doute sur la place qu’y occupait l'imposition des mains; tous la mentionnent. Tradition apostolique. édit. Connolly, p. 185; Canons d9Hippolyte, p. 13G; Testament de Noire-Seigneur, édit. Rahmani, 1. II, c. îx, p. 131. 1. En Occident. — Cette place, elle l'a conservée jusqu'à nos jours dans toutes les liturgies occiden­ tales. La preuve en est pour Rome, dans l’usage attesté par saint Jérôme, pour toutes les Églises, de conduire aux évêques, pour l'imposition des mains, les néophytes baptisés loin des villes par les prêtres ou les diacres, Cont. luci/erianos, n. 8 ct 9, P. L., t. ΧΧΙΠ, col. 164. Elle se trouve aussi dans la réponse du pape saint Innocent Ier à l’évêque Decentius, Dcnzingcr-Bannwart, Enchiridion, n. 98; dans l'afïlrmation de saint Grégoire lo Grand que per imposi­ tionem manuum nostrarum [fideles] a Deo Spiritum Sanctum percipiunt, Hom. in Evang., 1. I, hoinil. xvn, 18, P. L., t. lxxvi, coi. 8, et dans toute la série des livres liturgiques jusqu'au Pontifical romain actuel. Pour Milan, le parallélisme parfait qui existe entre les prières pour la collation du Saint-Esprit repro­ duites ou commentées par saint Ambroise, De myste­ riis, vu, 1,2, et l'auteur du De sacramentis, ni, 2, 8, ct celles qui, dans les liturgies voisines, au même moment de l'initiation, accompagnent l'imposition des mains pour la communication du Saint-Esprit, ne laisse aucun doute sur la présence de cc même rite. Voir la Revue d9histoire ecclésiastique de Louvain, 1912, t. xiii, p. 2G1 ; pour l'Afrique, voir les témoignages de saint Optat de Mllèvc, 1. IV, 7, ct de saint Augustin, Serm., cccxxiv ct cci.xvir P. L.,t. xxxvni, col. 1147, 1227; De baptismo, in, 16, 21, P. L., t. xun, col. 148; De Trinitate, xv, 26, P. L., t. xui, col. 1093; in I*** Johannis epist., tr. VI, 10, P. L., t. xxxv, col. 1025; ci. Recherches de science religieuse, juillet 1911, p. 358-371. Pour l'Espagne, voir les livres de la liturgie mozarabe, Liber ordinum, édit. Férotin, p. 32-37, divers canons de conciles,par exemple, 11· concile de Séville en G19, can. 7, Mansi, t. x, col. 559, ct les commentaires des cérémonies du baptême qui se trouvent dans les œuvres de saint Isidore de Séville, Etym., vi, 19, 5 î, P. L., t.LXXXi, col. 256; De ceci, n//., n, 27, 1, P. L., t. Ι.ΧΧΧΙΠ, col. 824, ct de saint Ildcphonsc de Tolède, De cognitione baptismi, 128-129, P. L., t. xevi, col. 65; cf. Revue d'histoire ecclésiastique, loc. cit., p. 271 sq. Pour la Gaule, avant l'introduction de la liturgie ro­ maine, voir le témoignage de saint Hilaire, InMatth., x, 2; xv, 10; xix, 3, P. J.., t. îx, col. 907, 1007, 1021; de Gcnnade, De eccl. dogmatibus, 74, P. L., t. i.vni, col. 997; de l'auteur, peut-être Fauste de Riez, d'un I fragment d’homélie du v· siècle plus tard inséré dans 1321 IMPOSITION DES MAINS une fausse décrétale du pape Mclchlndc, P· L., t. exxx, < «I. 210-241, ou t. vu, col. 11164119; et cité par saint Thomas, Sum. theol., Ill·, q. lxxii, a. 18; do Bède, pour autant qu'il est témoin de l’usage anté­ rieur à l'importation des livres romains, Jn Marti Euang. expositio, i, 1, P. L., t. χαι, col. 138; Super Acta a post· expositio, vm, xix, P- L., t. xai, col. 961, 982; Vita S. Culberti, c. xxix, J1. L., t. xav, col. 769; Ci. pour l'interprétation de tous ces témoignages la Revue d'histoire ecclésiastique, loc. cil., p. 293-296. Pour les Églises d'Occidcnt en général, depuis la ré­ forme liturgique de Charlemagne, vol rie Sacramcntairo gélasicn, AL.,t.rxxiv, col. 1111-1112; édit. Wilson, p. 86-87,lc Sacramcntairo grégorien, P. L., t. Lxxvm, col. 90, divers Ordines romani, en particulier ï'Ordo roman us VJ1 de Mabillon, J*. L., Ibid., col. 1000, et Ï'Ordo dit de Saint-Amand, dans Duchesne, Origines du culte chrétien, 1898, p. 453; le Pontifical romain enfin pour la période plus récente. 2. En Orient. — En Orient, il s'en faut que l’im­ position des mains soit restée ainsi associée à la colla­ tion du Saint-Esprit après le baptême. Si l’on fait abstraction des témoignages déjà signalés de Firmllicn de Césarée ct de saint Jérôme, pour autant que la coutume universelle dont parle ce dernier peut s’en­ tendre aussi des Églises d’Orient, les seuls indices certains qui en subsistent se trouvent dans des écrits pscudéplgraphiqucs, tels que les Canons d'Hippolyte ct le Testament de Notrc-Seigncur déjà cités ou les Constitutions apostoliques. Encore est-il douteux, pour ces dernières, que l’imposition des mains mentionnec fasse suite au baptême ct ait pour objet propre la colla­ tion du Saint-Esprit que nous attribuons à la confirma­ tion. Elle n’est pas mentionnée au 1. VU, c. xxn, où sont décrites en détail les cérémonies de l’initiation chrétienne; il n’est question là que d'onctions, ct encore Fonction, qui est dite la μετοχή τού ’Αγίου Πνεύματος, νπ, 22, 2, édit. Funk, p. 406, '‘st-cllc celle qui précède le baptême, dont l’auteur a -ojà dit ailleurs, ni, 16, et 17, 1, p. 211, qu’elle est είς τύπου τού πνευματικού βαπτίσματος ct αντί Πνεύματος * Αγίου, et qu'il a rattachée alors expressément à la χειροθεσία d’avant le baptême, in, 15, 3, p. 211; si bien qu'on sc demande si ce n’est pas cette onction prébaptismale ou plutôt l’imposition des mains du baptiscur au baptisé, voir ci-dessus, col. 1318, que vise un autre passage emprunté à la Didascalie des apôtres ct où les Constitutions précisent que l’évêque donne le Saint-Esprit par l’imposition des mains, ni. 32. 3 et 33, 2, p. 115416« Ailleurs, vu, 4L 2, a propos de l'invocation dont doit s’accompagner Fonction qui suit le baptême, ct qui du reste ne fait aucune allusion au Saint-Esprit, 1 auteur des Consti­ tutions emploie encore l’expression χειροθεσία; mais c’est pour faire remarquer qu'une Invocation do cc genre donne au baptême son efficacité spirituelle : à son défaut, lo baptême des chrétiens n’aurait pas d’autre vertu que celui des juifs; il purifierait les corps, mais n'enlèverait pas aux Ames leurs souillures. Funk, p. 450. Dans ces conditions, 11 est difficile, croyons-nous, de faire fond sur ces sortes de témoignages pour conclure à la persistance en Orient d’une réelle Impo­ sition des mains dans la confirmation. D’autant plus que, loin d’être corroborés, Ils sont plutôt infirmés par celui des écrivains orientaux qui ont expliqué les cérémonies baptismales. Ni saint Cyrille de Jérusalem dans scs Catéchèses, ni le pseudo-Aiéopagitc dans son De ecclesiastica hierarchia, c. n, P. G., t. u, col. 396 sq., ne font aucune allusion Aune imposition des mains.Le silence de saint Cyrille en particulier est des plus significatifs. Il a eu l’occasion, dans plusieurs des Catéchèses antérieures au baptême, de rappeler com­ 1322 ment les apôtres donnaient le Saint-Esprit par l'im­ position desmalns : par exemple, Cat, xiv.25 ; xvi,940; xvn, 25, 30. P. G., t. xxxm, col. 860, 929, 996, 1004; dam la première de celles qu'il a consacrées à la per­ sonne du Saint-Esprit,il a annoncé aux candidats au baptême que, comme à l'époque de Moïse et de saint Pierre, le Saint-Esprit avait été donné par l'imposi­ tion des mains, il descendrait sur eux aussi, au baptême, μέλλει καί έπΐ σέ τον βαπτιζόμενον τΟάνειυ ή χάρις, χνι, 26, col. 958. Π a même, après avoir ainsi excité leur curiosité, rensojé à plus tard de leur dire comment sc ferait pour eux cette participation au Saint-Esprit : τά δε πώς, ού λέγω· ού γάρ προλαμ­ βάνω τον καιρόν, ibid.· cc qui laissait déjà en­ tendre que ce serait autrement que par l’imposi­ tion des mains. Et, de fait, après le baptême, arrivé, dans son explication des cérémonies de l'initiation, à celles qui suivent l’ablution baptismale, il a toute une catéchèse sur la vertu du saint chrême dont les néophytes ont reçu l’onction ct qui est le symbole du Saint-Esprit, mais pas un mot ne fait allusion à une imposition des mains ni ne rappelle que c’est par cc geste que les apôtres l'ont jadis communiqué aux baptisés. Cat., xxi, mystag., ni, P. G., t. xxxm, col. 1088 sq. Cc fait est laissé ici hors de cause comme s'il n'avait aucun rapport avec la cérémonie qui est commentée; c'cst la descente du Saint-Esprit sur le Christ au jour de son baptême qui est seule et lon­ guement évoquée : elle fut l'onction invisible à la­ quelle correspond l'onction visible du chrétien, et c'cst pourquoi H n’y a pas même à interpréter Fonction du saint-chrême au sens d’une imposition des mains. L’identification des deux rites tant de fois suggérée depuis est contraire au symbolisme déve­ loppé par saint Cyrille dans toute sa catéchèse. Il n'ignore certes pas que c'cst par une Imposition des mains proprement dite que les apôtres ont donné le Saint-Esprit; mais s'il ne la mentionne pas aux baptisés, c’est que la communication du Saint-Esprit ne leur est pas faite sous celte forme. Seul le nie de Fonction du saint chrême symbolise pour le chrétien Fonction invisible que fut pour le Christ la descente sur lui du Saint-Esprit. En rattachant la communi­ cation du Saint-Esprit à un mystère qui exclut toute I Idée d'une Imposition des mains, saint Cyrille dément d’avance toutes ces tentatives d’une explication difiércntc. Le saint docteur n’identifie pas deux rites; il a une conception des origines de la confirmation qui exclut tout autre rite que Fonction, et c’est pourquoi son témoignage n’a pas seulement une valeur négatlve, H fait entrevoir la raison positive pour laquelle les Églises d’Orient n’ont pas conservé le rite de l’imposition des mains après le baptême. Car, dit d.om de Puniet dans l’art. Confirmation du Dictionnaire d'archéologie chrétienne, t.m, col. 2530, i à l’exception des Églises chaldvcnnes ct surtout des coptes ct éthiopiennes, les autres communautés orientales ne Font décidément pas. On n’en trouve aucune trace ni dans les rituels syriens, ni dans les ‘ cucologcs grecs même les plus anciens, et 11 faut re­ connaître que les efforts faits de divers côtés pour en découvrir quelqu’une chez les Pères grecs ou les écrivains byzantins ont surtout fait ressortir la bonne volonté mise à l’y reconnaître. Parce que dans le Sacramcntairo de Sérapion, la bénédiction du chrême parle, en s’adressant à Dieu, de l’ûme qui par sa conversion sc met · sous sa main puissante, » ίπό τήν χραταιάν σου χεϊρα. Funk, Didascalia, t. n, p. 186, 187, note G, cet éditeur ct après lui dom de'Puniet, loc. cit., ont cru qu’elle supposait une imposition des mains jointe à Fonction. On a noté que Ι’επίΟεσις χειρών dont parle l'Épltrc aux Hébreux, vi, 2, était expliquée par l’imposition des mains des apôtres 1323 IMPOSITION DES MA INS 1324 pour communiquer le Saint-Esprit; mais le silence Anastase, de son côté, explique par cette efficacité de saint Cyrille de Jérusalem aurait dû mettre en de l'imposition des mains qu’il n'y ait pas à rebaptiser garde contre la conclusion à tirer de cette interpréta­ les hérétiques convertis : ce rite, tout autant que le tion. Comme le dit très bien dom de Puniet, loc. cit., baptême, dans la pensée de celui qui pose la question, à propos d'Anastasc le Sinaitc, q. i.xxxvx, P. G., donne le Saint-Esprit. Il ne s’agit donc que de la rémission des péchés, attribuée à la participation du t. lxxxix, col. 712, et de Gennade de Constantinople, dans Œcumenius, In Epist. ad Heb., P. G., t. exix, Saint-Esprit, et. Recherches de science religieuse, mai 1914 : la collation du Saint-Esprit et l'absolution, p. 207col. 333, auxquels il eût bien fait, croyons-nous, do 235, ct les deux passages indiqués attestent uni­ joindre Euloge d’Alexandrie, connu par Photius, Biblioth., 28, P. G., t. αν, col. 336-337, ct cité par quement la place faite à l'imposition des mains lui quelques lignes plus bas, ces auteurs rappellent dans l’administration de la pénitence. Seuls les Actes de saint Abdu'l Masich, édités en le souvenir de ce rite en s'inspirant plutôt du langage scripturaire que de la discipline ecclésiastique. Ils syriaque avec traduction latine par le P. Corluy dans rappellent ce qui se faisait au temps des apôtres, ils les Analecta bollandiana, 1886, t. v, p. 25, mention­ n'indiquent pas ce qui sc fait de leur temps. C'est ce nent expressément l'imposition des mains postbapqui apparaît bien dans Théodorct. Lui aussi, à propos tismale. Le martyr est un enfant juif, des environs do Ilcb., vî, 2, dit que les fidèles, après avoir fait de Sindjar, à l'ouest de Mo&soul, et au sud de Nisibe, pénitence, viennent au baptême ct reçoivent la grâce ct qui aurait été mis à mort en 390. Baptisé par de du Saint-Esprit par la main du prêtre: προσίασι τω jeunes bergers et fuyant devant son père, il rencontre Οείω βαπτίσματτ, καί διά της Ιερατικής χεςρδς υποδέ­ un évêque itinérant auquel il demande de < parfaire > χονται τήν χάριν του Πνεύματος, P. G., t. lxxxi, ! son baptême : Occurrit ei aliquis episcopus e longinquo, col. 716. On pourrait donc croire qu’il atte te perambulans e vico in vicum. Ipse autem cucurrit et par là la persistance de l’imposition des mains cecidit anlc pedes ejus et dixit ei : Benedic mihi, Domine, et consigna me signo crucis ct perfice baptismum meum. proprement dite. Or il n’en est rien, car ailleurs, ct Après explication, l'évêque sc rend compte que Dieu cette fois à propos des cérémonies de l'initiation, dont a voulu cette rencontre afin que le baptême de l'en­ il Invite à sc remémorer les détails, c'est uniquement fant soit « parfait » avant son martyre, qui approche : à l'onction du saint chrême qu'il rattache, ct dans les mêmes termes (την άόρατον τού παναγίου Πνεύ­ Et miratus est episcopus... et dixit ci : Etiam ego jussus ματος χάριυ ύποδεχόμευοι) la participation à la sum abire post te, et benediceris tibi ante corona­ grûceduSaint-Esprit. In Cant.cant.,i,2, P. G.,t.lxxxi, I tionem tuam. Et posuit dextram suam super caput ejus et dedit ei charisma Spiritus.... Il n'y a pas de col. 60. La main du prêtre en est donc sans doute doute, comme le note l’éditeur de ccs Actes, que le l'instrument, mais le rite ainsi accompli n’est pas rite accompli par l'évêque ne soit celui de la confir­ celui de l’imposition des mains. L'allusion que Behm, Die Jlandauflegung, etc., p. 88, note 2. a cru trouver mation. Il est même fort remarquable que l’imposition des mains y apparaît seule et sans aucune onction. On dans le De adoratione in spiritu et acritate, l. NI, de saint Cyrille d'Alexandrie est encore moins réelle. regrette seulement d’ignorer l’auteur ct l’époque de Au sujet d’Aaron qui, après son premier sacrifice, ce texte. Le manuscrit, trouvé à Londres, se donne leva les mains pour bénir le peuple, Lev., ix, 22, comme écrit en 1197. Loc. cit., p. G. Le P. Pecters saint Cyrille dit que le véritable Aaron a béni de croit ex- Actes d’origine arabe ct en a trouvé au Vati­ même tous les peuples, toutefois sans leur avoir can un manuscrit de cette langue. Cf. Analecta bol­ Imposé les mains (μονονουχΐ καί χεΐρας έπιΟείς); en landiana, 1908, p. 164, note 4. La composition est sorte que l'imposition des mains d'Aaron est le sym­ un vrai roman, mais l'auteur considérait manifesrement l’imposition des mains comme le rite unique bole de l’envoi qui nous a été fait par le Christ du Saint-Esprit. Comme il n'y avait pas eu d'imposi­ ou tout au moins suffisant de la confirmation. 3° Dans l'eucharistie. — L’imposition des mains tion des plains avant le sacrifice d’Aaron, de même, | dans la célébration de l'eucharistie n'est mentionnée suivant la remarque de saint Jean, tant que le Christ en propres termes que dans les écrits groupés autour n'avait pas été glorifié, le Saint-Esprit n'avait pas de ce qui, après avoir été quelque temps appelé la été envoyé. P. G., t. Lxvnr, col. 772. Il n'y a donc là, Constitution ecclesiastique d'Egypte, a repris le nom, on le volt, aucune allusion au rite ecclésiastique de la collation du Saint-Esprit, ct il faut décidément ad­ qu’on croit primitif ct authentique, de Tradition mettre que, sauf les exceptions Indiquées, les Églises apostolique par saint Hippolyte. Imponens manum in eam \idest, oblationem], dît cclle-ci.cn pariant de d'Orient n’ont pas conservé l'usage de l’imposition l'évêque qui vient d’être consacré, imponens manum des mains aux baptisés. in eam cum omni presbyterio dicat, gratias agens, Un mot de la D Idascal le des apôtres, n, 412, édit. Funk, p. 130, et une réponse d’ Anastasc le Sinaitc, q. lxxxvi, édit. Connolly, p. 176; Vunk. Didascalia, t. n, p. 99. P. G.. t. lxxxix, col. 712, tout significatifs qu’ils pa­ Et Ia prière à dire est la prière eucharistique, noyau raissent au premier abord, sont également sans por­ primitif de notre préface ct de notre canon de la tée. Le premier, à propos de la réconciliation des pé­ messe. Les Canons d'Hippolyte, can. 20, portent de nitents, le second, au sujet de celle des hérétiques, même : Ille qui factus est episcopus imponat manum attribuent très nettement à une imposition des mains • super oblationibus una cum presbyteris, dicens, texte dans Duchesne, Origines du culte, p. 506. Le Testa­ proprement dite une certaine communication du Saint-Esprit : καί δι* έπιΟέσεως των χειρών τού Ιζρέως ment de Noire-Seigneur précise que les prêtres eux δι'εύχής, dit en particulier Anastase en parlant de aussi imposent les mains : Episcopus itaque manum l’Égllsc, οΐδεν έπ·.φο·,τϊν τό Πνεύμα τδ άγιον. On pour­ imponat super panes collocatos super altare, atque rait donc être tenté d’invoquer ces deux passages simul etiam presbyteri imponant manus, i, 23, édit. comme attestant la persistance dans les Églises i Rahmani, p. 37. Mais c’est plus qu’il n'en faut pour d’Orient du rite primitif. Mais on s'en abstiendra, t suggérer que le geste est traditionnel dans le rite eu­ si l’on veut bien remarquer que la collation du charistique. Car cette description technique, la plus Saint-Esprit, dont 11 est ici question, n'est point ancienne qui nous en reste, coïncide trop exactement celle de la confirmation. L’imposition des mains avec les descriptions plus brèves qu'en ont faites ainsi mentionnée équivaut pour les deux auteurs au saint Justin ct saint Irénée pour ne pas valoir égale­ baptême : ertl ci in loco baptismi impositio manus, ment de leur époque. La prière, en effet, que dit dit la Dîdasca'te, du pécheur, qui a fait pénitence: et I l’évêque en imposant les mains, est une prière eucha- ‘1325 IMPOSITION DES MAINS ristlque sur le pain ct le vin de l'oblation; elle débute par une Invitation à la reconnaissance envers le Dieu qui a envoyé son Fils le Christ Jésus ct aboutit à une commérnoraison des paroles de l'institution de l'eu­ charistie, Or c’est aussi une « eucharistie » que fait le προεστός de saint Justin: ευχαριστίαν ποιείται, A pol., 1, 65» P. G.,t. vi, col. 428; lui aussi débute par un hymne de louange à la gloire du Père : αίνον καί δόξαν τώ ΠατρΙ... άναπεμπει; et sa prière n’a d’effi­ cacité que parce qu'elle reproduit également les pa­ roles du Christ lui-même : δι’ εύχης λόγου του παρ’ αύτού. Le rite ainsi accompli est une < eucharistie»: συντελεί την εύχαριστίαν; il < eucharistie » le pain, ct le pain en devient un pain, une nourriture < cucharistiée » : ευχαριστηθείς άρτος... εύχαριστηΟεισα τροφή. De même dans saint Irénéc, le pain /n quo gratiie actu s uni est un pain qui a reçu une invocation de Dieu : άρτος προσλαμβανόμενος τήν εκκλησιν [ou mieux, conjecturent Massuct ct Han ey, t. n, p. 205, note 4: έπίκλησιν] του θεού, Cont. hær.9 IV, 18, 4, 5, P. G., t. mi, col. 1027, 1028, c’est-à-dire, comme interprète très justement Mgr Ba­ tiffol, un pain qui aétécucharistié./Zeudiarisffe,5*édit.» p. 17G, Comme Je rite décrit par ces deux auteurs est identique, on ne saurait donc douter qu’il ne soit Identique avec celui de la Tradition apostolique et, sans que l'imposition des mains y soit mentionnée comme elle l’est dans l'écrit de saint Hippolyte, on doit admettre néanmoins qu’elle y a également sa place. D’ailleurs, on peut en Taire en quelque sorte la contre-épreuve. La Tradition apostolique,c\\e aussi,omet la mention du geste là où elle décrit brièvement la même prière eucharistique. Λ la suite du paragraphe sur la consécration du pain et du vin, elle en a un autre sur celle de l'huile offerte pareillement à l’autel : Si quis oleum of/ert, édit. Connolly, p. 176. L’évèque. ditelle, doit procéder de la même manière que pour l’obla­ tion du pain ct du vin, sauf que les paroles ne sont pas les memes : secundum panis oblationem ct vint ctnonad |ûZ est : secundum!] sermonem dicat. Et une formule différente est, en effet, indiquée; mais le geste reste le même et l’ensemble est désigné par l’expression « eucharistier, » gratias re/erat, ευχάριστη? Plus loin,après la description des cérémonies baptismales, la Tradition apostolique parle de nouveau de la consé­ cration eucharistique du pain ct du vin. Or, n’ayant plus alors qu’à l'indiquer, elle ne mentionne plus l’imposition des mains, mais elle emploie littérale­ ment les formules plus brèves de saint Irénéc ct de saint Justin : Gratias agat panem,... calicem vino mixtum, edit. Connolly, p. 185, ce qui est manifeste­ ment la traduction littérale de l'expression grecque, εύχαριστεΐν άρτον. il nous semble donc acquis que l’imposition des mains a fait partie, aux ni· et n· siècles, du rite de l’eucharistie. C'est ce que confirme une peinture re­ marquable des Catacombes, attribuée par Wilpert, Le pitturt dette Catacombc romane, c. xv, § 82, p. 266, à la seconde moitié du il® siècle. Voir la reproduction au volume des planches, pi. 41, 1. Dans une des chambres de Salnt-Callistc, dites des sacrements, est représentée une table portant des pains ct un poisson. Du côté droit, sc tient une ornntc, qui symbolise, croit-on, l'âme du défunt; à gauche, le Christ,revêtu du manteau des philosophes, étend les mains, ou plus exactement la main droite sur le poisson. Sous ces traits empruntés au miracle de la multiplication des pains, c’est bien la consécration eucharistique que l’auteur de la peinture a voulu représenter. L'imposition des mains y est très apparente. On peut donc sc demander si l'usage n’en remonterait pas jusqu’aux apôtres eux-mêmes ct si l’imposition des mains ne serait pas à reconnaître dans la « béné­ 1326 diction » dont parlent saint Paul et les évangélistes à propos de l'eucharistie. Nous savons déjà que dans saint Marc, x, 16, la bénédiction des enfants ct dans saint Luc, xxiv, 50,51, la suprême bénédiction donnée par Jésus à ses disciples étaient accompagnées d'une imposition des mains, voir plus haut, col. 1305; nous verrons plus loin, col. 1339, que le nom de < bénédic­ tion » est si couramment donné à Γimposition des mains qu'il pourrait en être considéré comme le synonyme; nous constatons d’ailleurs que dans le récit de la cène les deux premiers évangélistes alter­ nent les deux expressions εύλογεΐν ct εύχαριστεΐν (εύλογήσχς pour le pain, εύχαριστησας pour le vin), tandis que saint Paul, après avoir, comme saint Luc le fait pour le pain ct le vin, employé le mot εύχαριστησας pour le pain, appelle néanmoins le calice un calice de bénédiction, το ποτήριον της εύλογίας. I Cor., x, 16. Est-il dès lors téméraire de se demander si les apôtres, si le Christ lui-même n’auraient point les premiers donné l’exemple d'associer ainsi le geste de l’imposition des mains à la bénédiction par excel­ lence qu'est la prière eucharistique? Le fait que Notrc-Scigneur ait pris te pain, puis la c coupe » ne s'y oppose pas. Il a béni aussi, c’est-à-dire prononcé une formule de bénédiction ou d’action de grâces, car primitivement la bénédiction est surtout cette formule de prière ou de louange à Dieu. Le geste de la main vers l'objet sur lequel on bénit [Dieu] n’en est que l'accompagnement, ct d’avoir · pris » le pain ct Je calico n'exclut donc pas que le Christ ait aussi étendu la main Landis qu’il < bénissait. > Il est en tout cas fort vraisemblable que les apôtres l'ont fait en récitant la formule · eucharistique » sur le « calice de bénédiction » ct ainsi s'explique l’usage constaté au mr siècle. Le nom de < bénédiction » est d’ailleurs resté appli­ qué à l'ensemble de la consécration : Quod in Domini mensa incipit benedici, dit saint Augustin à ce propos Epist., exux, 16, P. L., t. xxxiu, coL 636; benedi­ citur ct sanctificatur, ajoute-t-il encore et le pape saint Grégoire le Grand parle également, de la bene­ dictio sacri mysterii. Epist., xiv, 2, P. L., t. lxxvix col. 1306. Saint Grégoire de Narianze, lui. dans un de ses poèmes. Κατά του πονηρού εις την νόσον, ν. 49 et 103-104, fait une allusion très claire au geste de l'im­ position des mains. La maladie ne lui permet plus de lever scs mains pour les sacri lices, v. 49; mais il rappelle à Dieu qu’il est son adorateur et qu’il étend scs mains sur ses dons ct sur les tètes de ceux qui s’inclinent : Σος λάτρις ουτος ΐγωγι, τοΓς Ϊ’ιπΙ γμίρις 1άλ).ω Δώρα*.;, xal τών υποχίινομόων, ν. 103-104, P. G., t. χχχτπ, coL 1389-1392. Les δώρα θεού dans le langage chrétien, ce sont les offrandes eucharistiques. C'est donc bien en pleine conformité nvcc l'nsagc primitif que la belle plaque d’isoiro reproduite à l'art. Concélébration du Dictionnaire d'archéologie chrétienne, t. m, col. 2176» représente les prêtres · concélébrants » ayant les mains étendues vers l'autel où l'évêque célébrant impose les siennes sur le calice. En étendant nous-mêmes les mains sur les oblata, en récitant la prière Hanc igitur de la messe actuelle, peut-être reprenons-nous à notre ma­ nière le geste traditionnel de la consécration eucha­ ristique. Dans le rite ambrosien, c’est immédiate­ ment après l’offertoire, avant la préface, que sc fait cette imposition des mains sur les oblats. accompagnée de la prière : Suscipe sancta Trinitas et suivie d’une bénédiction. Cf. The catholic encyclopedia, art. Ambro­ sian, col. 401. 4® Dans la pénitence. — 1. Sur les pénitents en 1327 IMPOSITION DES MA INS général. — a) Pour leur réconciliation.— L'imposition des mains est aussi le rite primitif de l'absolution pénitcnticlle. La réconciliation des pécheurs s'est longtemps produite sous cette forme et n’a pas eu d'autre dénomination. La Didascalie des apôtres le dit en propres termes : < Comme on reçoit le païen en le baptisant, on rétablit le pénitent en lui imposant les mains (τούτον χειροθετήσας) et l'imposition des mains lui tient Heu (c'cst-ù-dirc a pour lui le même effet) de baptême (καί έσται αύτω αντί του λούσματος ή χειροθεσία), π, 41, 2, édit. Funk, p. 130, 131. Cf. π, 18, 7 et 43, 1, p. 67, 135. Les Constitutions apostoliques reproduisent telles quelles les prescript ions de la Didascalie, dont elles nous ont ainsi conservé le texte primitif. L'auteur des Philosophoumena fait le même rapprochement. 11 traite de second baptême un rite usité, sous le nom de ’Λτολύτρωσις, dans la secte du Valentinien Marc, et qui consiste à remettre les péchés en imposant les mains : έπιτιΟέντες χεΐρα τω την άπολύτρωσιν λαβόντι, νι, 41. P. G., t. χνχ col. 3260. Sans doute nous avons là encore la déformation d'un usage orthodoxe conservé dans la secte. Quoi qu'il en soit, l'imposition des mains aux pénitents est l’expression consacrée au ni· siècle pour désigner le rite de leur réconciliation. Elle revient à tout propos dans la correspondance de saint Cyprien : Ante actam pirnitcnliam... ante manum ab episcopo et clero in pten itentiam impositam. Eplst., xv, 1, édit. Hartcl, p. 514. Cum in minoribus peccatis agant pec­ catores pœnitentiam (usto tempore... et per manus impositionem... jus communicationis accipiant, nunc... ad communionem admittantur... nondum manu eis ab episcopo et clero imposita. Epist., xvi, 2, p. 518. Nec ad communionem venire quis possit nisi prius illi ab episcopo et clero manus fuerit imposita. Epist., xvn, 2, p. 522. CF. Epist., xvm, 1 ; xix, 2, etc. C'est mani­ festement par cet usage que s'explique l'application faite par Origène à la pénitence publique du texte do saint Jacques, quand il reconnaît dans la prière à faire par les prêtres sur les malades une imposition des mains, In quo impletur illud quod Jacobus apo­ stolus dicit... et imponant et manus. In Lem/.,homil.n,2, P. G., t. ix, coi. 418-419. L'usage et 1'cxpression per­ sistent. Les donatistes eux-mêmes imposent les mains pour remettre les péchés. Manus imponitis et delicta donatis, leur dit saint Optat, π, 20, édit. Ziwsa, p.56, et entre autres griefs retenus à la charge de Donat, nu concile de Rome en 313, est celui d’avoir Imposé ainsi les mains même à des évêques : quod confessus sit se rebaptizasse et episcopis lapsis manum imposuisse, i, 24, Ibid., p. 27. Saint Jérôme décrit ainsi le minis­ tère réconciliateur du prêtre : Sacerdos imponit manum subjecto..., atque ita eum..., altario reconciliat, Adversus luciferianos, 5, P. L., t. xxm, coi. 159. Lc condic de Carthage, parlant de la réconciliation do; pénitents, dit : manus ei imponatur, can. 32. Lauchcrt, Die Kanones der ivichtigstcn altkirchlichen Concilien, p. 168. Per impositionem episcopalis manus communionis recipiant unitatem, écrit le pape saint Léon, Jaffé, n. 53G; P. L., t. uv, col. 1138, et ailleurs : possunt jejuniis et manus impositione pur­ gari. Jaffé, n. 544; P. L., t. uv, coi. 1209. Deconci­ lietur per manus impositionem, disent les Statuta Ecclesia, antiqua, can. 20, P. L., t. lvi, coi. 882, du malade qui, après avoir demandé la pénitence, a perdu l'usage de ses facultés quand le prêtre arrive. Lc concile d'Orange de 441 parle deux fois dans le même canon 3·de la reconciliateria manus impositio, Mansi, t. vi, col. 436-437, et l’auteur de la Vie de saint Hilaire d’Arles (| vers 4 17), à propos des foules qui viennent recevoir de lui la pénitence, mentionne la bénédiction avec imposition des mains comme en étant le dernier acte : Mulier... dum manus ejus 1328 benedicitur. P. L., t. l, coi. 1233. L'im­ position des mains est si bien le rite propre de la pénitence que le pape saint Innocent Irf l'appelle « l'image de la pénitence. » Réconcilier les hérétiques par l’imposition des mains, c’est les recevoir sub imagine pxnitenliæ. Jaffé, n. 310; P. L., t. xx, col. 550-551. Au reste, le rite se conserve aujourd’hui encore sous une forme plus ou moins apparente dans la plu­ part des liturgies. On peut le voir à l'art. Absolution pour les Jacobites, t. ï, col. 208 et 209; pour les nestoriens, col. 209; pour les Arméniens, col. 211 ; pour les Russes, col. 205. Le rituel romain le rappelle dans la rubrique : dextera versus pivnitentem elevuta. Au XIIIe siècle, Durand le Spéculateur, dans ses Instruc­ tiones au clergé de l'Église de Mende, précisait davan­ tage : Ponens manum super caput ejus : ... Imponens manum super caput ejus, absolvat cum. Instructions et constitutions de Guillaume Durand, publiées par J. Bcrlhelé et M. \'almary, Montpellier, 1900, p. 20, 21. Le rituel nmbrosien actuel porte : Manu dextera supra caput pamitentis elevata et extenta, absolvit... b) Au cours de la pénitence publique. — D'ailleurs, ce n'est pas seulement en les réconciliant qu'on im­ posait les mains aux pécheurs. Pour ceux dont la pénitence s'accomplit dans les rangs des « pénitents » proprement dits, dont la pénitence était « publique >, ce rite faisait régulièrement partie de leur partici­ pation à la liturgie. Comme les catéchumènes et après eux, avant que ne commence l’eucharistie proprement dite, ils allaient se prosterner aux pieds de l’évêque pour recevoir de lui l'imposition des mains. C'est ce que le concile de Laodicée, au iv· siècle, appelle κροσελθεΐν ύπδ χεΐρα. Can. 19. Lauchcrt, op. ci/.,p.74.Sozomènc décrit la cérémonie telle qu'elle se passait à Rome de son temps. II. E., vu, 16, P. G., t. Lxvn, col. 1460-1461. Lc service divin achevé, comme ils ne participent pas à la partie réservée aux initiés, ils se prosternent sur le sol en poussant des plaintes et des gémissements. L'évêque va vers eux, et se prosterne lui-même; la foule tout entière l’imite et se prosterne avec de grands cris. Puis l'évêque, le premier, se lève, et invite les assistants à se lever; ayant prononcé sur les pécheurs repentants les prières convenables, il les renvoie. Traduction légèrement modi fiée de d'Alès, L'édit de Callistc, p. 419. 11 ne parait pas douteux que Tcrtullicn, au début du ni® siècle, ne fasse allusion à cette même scène. De pudicitia, xni, 7, édit, de Labriolle, p. 122-124. Saint Optat y fait allusion aussi lorsqu’il reproche aux dona­ tistes, qui se prétendent la société des saints, d’associer à si peu d'intervalle, dans la même cérémonie litur­ gique, l’imposition des mains pour la rémission des péchés et la récitation du Pater, où ils professent avoir eux-mêmes besoin de pardon : Inter vicina momenta, dum manus imponitis et delicta donatis mox ad altare conversi dominicam orationem prndcr mittere non potestis et utique dicitis.... Dimitte nobis peccata nostra, n, 20, edit. Ziwsa, p. 56. Saint Augus­ tin, Scrm., ccxxxii 7, 8, nous fait voir la longue Hic des pénitents qui viennent ainsi s'incliner sous la main de l’évêque : Abundant hic pœnitentes : quando illis imponitur manus, fit ordo longissimus, P. L. t. xxxvm, col. 1111, et les Constitutions apostoliques, qui mentionnent à plusieurs reprises cette missa, ce renvoi des pénitents, n, 57,14 ; vm, 9,11 ; 35,2 ; 36, 1 ; 38, 1, édit. Funk, p. 1G5, 488, 54 I, 547, ont une prière que l’évêque doit réciter en meme temps qu’il leur impose les mains, vm, 8, p. 487. Les anciens documents liturgiques de l’Occldent en ont aussi conscné la trace, \olr Duchesne, Les origines du culte, c. xv; Batiffol, Leçons sur la messe, p. 140; I et nous voyons en effet un concile de Tolède prescrire impositione 1329 IMPOSITION DES MA INS en 589 que, secundum formam antiquorum canonum, celui qui veut faire pénitence inter reliquos pænitenles ad manus impositionem crebro recurrat. Can. 11. Mansi, t. ix, col. 95. Voir dans le Liber ordinum de dom Férotln les oraisons super pirnitentes, n. 32,34, p. 94-95. 2. Sur les hérétiques.— On peut rattacher à l’imposi­ tion des mains pénitcnticlle celle de la réconciliation des hérétiques. Celle-ci apparaît aussi comme tradi­ tionnelle dès le m· siècle. Lc pape saint Étienne la présente comme telle : Si qui a quacumque haresl venient ad vos, nihil innovetur nisi quod traditum est, ut manus illis imponatur in pirnitentium. Dans S. Cyprien, Epist., lxxiv, édit. Hartcl, p. 799-822. L’auteur du De rebapltsmate, c. ï, parle à ce propos de vetustissima consuetudo ac traditio ecclesiastica, édit. Hartcl, t. in, p. 69; et Eusèbo de κρατήσασα άρχήΟεν παράδοσις· παλαιού γέ τοι κεκρατηκότος 20ους έπΐ των τοιούτων μόνη χρήσΟαι τη διά χειρών έπιΠέσεως εύχή. II. E., vu, 2, édit. Schwartz, t. u, p. 6Γ8. Les Africains ne semblent pas d’ailleurs avoir con­ testé le fait de la coutume : au concile de Carthage, 11s prétendent uniquement que c la raison et la vé­ rité ·> l’emportent sur la coutume. Sent, episc., 30, 63, 77. La coutume l’emporta et l’imposition des mains resta dans tout l'Occident le rite de la réconciliation des hérétiques. Lc fait est trop connu pour qu’il y ait lieu d’insister. Voici les principaux documents qui s'y rapportent : concile d’Arles de 314, can. 8; concile de Nicée, can. 8; S. Jérôme, Adversus luci/crianos, vi-xiv, xxiv, P. L., t. xxni, col. 160 sq.; le pape S. Sirice, Epist. ad Himerium, 1, 2; ad episc. Afrlcæ, 5, P. L., t. Xin, col. 1133, 1154-1160; le pape saint Innocent I·*» Jaffé, n. 286, 303,310; P. L., t. xx, col. 475,531, 550, 551; S. Augustin, De baptismo, m, 16, 21; v. 23, 33. P. L., t. xlik, col. 149, 193; Epist., xcin, 13, 55; clxxxv, 10,43, P. L., t. xxxix,col. 343, 811; S. Léon le Grand, Jaffé, n. 53G, 543,544 ; P. L., t. uv,col. 1138, 1194, 1209; S. Grégoire le Grand, Epist., Lxvn, ad Quiricum, P. L., t. Lxxvn, col. 1204-1205. Nous pré­ ciserons plus loin la nature et la portée exacte do cette Imposition des mains. Voir les articles sur la Réconciliation des hérétiques, dans les Recherches de science religieuse, 1914, p. 202-235, 309-394. 5° Dans Γextrême-onction. — Nous avons déjà dit comment et pourquoi dans l’Épltrc de saint Jacques la prière à dire sur les malades nous parais­ sait correspondre à une Imposition des mains. L’usage semble avoir été assez répandu dans les diverses Églises de joindre ce rite à celui de l’onction. C'est ce que suggère pour Alexandrie la citation explicite d'Origène. Voir plus haut, col. 1313. Lc pape saint Innocent Ier permet de le constater pour l’Eglise de Rome. Dans le passage de la lettre à Decentius, sou­ vent cité comme contenant la première mention cer­ taine de l'extrême-onction, à propos de l’évêque qui administre lui-même cette onction, il juxtapose les deux expressions et benedicere et tangere chrismate, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 99, qui corres­ pondent incontestablement à deux rites distincts. Benedicere, nous l’avons déjà dit, dans le langage du temps, est couramment employé pour imponere manum, et il répond ici à Vorent super tum déjà cité dans la même lettre. Lc rituel romain n’a pas, il est vrai, conservé ce geste, du moins sous sa formo distincte. Mais il est permis de croire que le souvenir s’en est perpétué dans l’oraison qui aujourd’hui encore précède Immédiatement les onctions : l’im­ position des mains y est mentionnée explicitement : In nomine Patris cl Filii et Spiritus Sancti, extinguatur in te omnis virtus diaboli per impositionem manuum nostrarum et per invocationem omnium sanctorum. Cf. A. Malvy, Extrême-onction et imposition des mains, 1330 dans les Recherches de science religieuse, 1917, p. 519. L’Église de Milan a conservé le geste lui-même. Dans plusieurs sacramentaires ambrosiens du xi· au xni· siècle, publiés par Magistrat!, Manuale ambrosianum, t. î, p. 79, 94, 147, VOrdo du sacrement des malades, tout en prescrivant les onctions, porte le titre de impositio manuum. Kern, De sacramento extremæ unctionis, p. 41, 149. Aujourd’hui encore, le rituel milanais, qui suppose l’assistance de plu­ sieurs prêtres, a une rubrique leur prescrivant à tous, pour la prière qui précède les onctions, de joindre leur imposition des mains à celle du célébrant : Oratio, quam super ægrotum parochus stans, Ma.v uSiQUΣ DEXTERAM Hit JMEOXEXS, dicit; quad idem faciunt reliqui sacerdotes qui adsunt. L'usage ou le souvenir du même rite se conserve également dans plusieurs Églises orientales. Chez les coptes, par exemple, tandis qu'un prêtre Impose au malade l'Évangilc, les six autres, qui participent à la cérémonie, lui imposent les mains : Stent sacer­ dotes (res ad dexteram et tres ad sinistram ejus. Sacer­ dos magnus imponat Evangelium super caput infirmi, sex imponant manus suas super eum. Denzinger, Ritus Orientalium, L n, p. 497. Même chose dans l’ancien nte arménien : Septem sacerdotes una simul librum Evan getiorum capiti infirmi imponunt et postea etiam manus. Ibid., p. 522. Les Grecs et les Russes n'ont plus actuellement que l’imposition de l'Évangile; dans l’oraison qui l'accompagne, le premier des sept prêtres note meme qu’il n’impose pas lui-même la main, c’est à Dieu dans son Évangile, qu’il demande d’étendre sa main puissante sur le malade: Ού τίΟημι έμήν χειρα άμαρτωλδν έπΐ την κεφαλήν.. άλλα σήυ χείρα χροιάν καί δυνατήν, την έντφ άγίω Εύαγγελίω τούτω, 6 οΐ συλλειτουργοί μου κατένουσιν, έπΐ την κεφαλήν τού δούλου σου εκτεινον. Μικρόν εύχρλόγιον. Athènes, s. d. (1910?), p. 319-320; et. Goar, Rituale Grtreorum, Paris, 1647, p. 427 ; Venise, 1878, p. 287; Al. von Maltzcw, Die Sakramente d, Funk.t. iî, p. 78. Mais il mentionne l’imposition des mains pour leprêtrc.5,2, p.79; pourlc diacre, 7,2, p.80; pour la diaconesse, 9,2. p.81 ; pour le sous-diacre, 11,2, p. 8t ; il l'exclut pour le lecteur, 13, les vierges, 15. les veuves, 16. 2. les exorcistes, 17. p. 82-83. D’après le Testament de Notre-Seigncur, il n’y n 1334 imposition des mains que pour l’évêque, i, 27, édit. Rahmani. p. 27-29, le prêtre, ï, 30, p. 69, et le diacre, i, 38, p. 91-93. Ni les veuves, 1. 41, p. 99, ni les sousdiacres, I, 4 L p. 105, ni les lecteurs, i, 45, p. 105, ni les vierges, i, 46, p. 107, ne la reçoivent. Le Sacramentaire de Serapion ne parait la connaître lui non plus que pour les évêques, les prêtres et les diacres; il n’a de formules de prières accompagnant l'imposition des mains de l'ordination, χειροθεσία ζχταστάσεος, que pour ces trois degrés. Funk, Didascalia et constitutiones apostolorum, t. n, p. 188, 190. Les Statuta Ecclesia: antiqua, où se résume l’usage des Églises d'Occident, surtout gallo-romaines, semblet-il, au v· siècle, s'accordent avec la Tradition apos­ tolique, les canons d'Hippolyte et le Testament de Notre-Seigneur pour réserver l’imposition des mains aux trots degrés supérieurs de la hiérarchie. Et c'est la pratique, en cfïet, qui a prévalu dans toute ΓÉglise latine. Sur ce point, la liturgie gallicane et la liturgie mozarabe ont toujours été d’accord avec la liturgie romaine. Le sous-diaconat lui-même, bien que rangé lui aussi panni les ordres sacrés, n’a jamais été conféré dans ces Églises par l’imposition des mains. Celle-ci a été seulement étendue à la bénédiction des abbés cl des abbesses. Voir le Pontifical romain de Clément VIII. Il s’y est adjoint, surtout dans les ordinations proprement dites, des rites nouveaux, onctions, revêtements des insignes, tradition des instruments, qui, par leur caractère plus expressif, ont détourné d’elle l’attention et ont contribué à faire de l'ordina­ tion du prêtre, par exemple, comme une cérémonie/ en partie double, dont la seconde partie commence exactement à la fin des prière» de l'imposition des mains primitive. Quoique conservé, le rite ancien s’est d'ailleurs lui-même compliqué et subdivisé, si bien, que dans l’ordination du prêtre, suivant le rite romain, par exemple, il est classique de distinguer au moins trois bn posit ions des mains : une première, indivi­ duelle et sans parole», que 1*évêque d’abord et après lui tous les prêtres assistants, font sur la tête de chacun des ordinands; une seconde, collective et continuation virtuelle de la précédente» commune ù l’évêque et aux prêtres assistants, pendant laquelle l’évêque prononce une invitation ù la prière pour les ordinands; une troisième, d'origine beaucoup plus récente (clic est mentionnée pour la première fols dans l’ordina­ tion sacerdotale de Lictbcrt, évêque de Cambrai en 1048, cf. Vita D. Lietberti, episcopi Cameracensis, dans d’Achcry, Spicilegium, t.ix, p. 691, 733), à la fin de la messe, avec les paroles de Notre-Seigneur sur le pouvoir de remettre les péchés. Un dédoublement pareil, ou plutôt, une spécification de même nature sc remarque dans l’ordination du diacre. Au cours de • l’oraison de consécration · qui. de temps immémo­ rial. accompagne l’imposition des mains primitive, l’évêque s'interrompt pour imposer la main à chacun des ordinands, en prononçant la formule : Accipe Spiritum Sanctum ad robur, etc. Cette particularité parait être d’origine gallicane. Elle était en usage en France dès avant le xue siècle; mais elle n’est passée que plus récemment dans le Pontifical romain. Cf. Many, be sacra ordinatione, η. 202, 211. Les Eglises d’Orient, elles, ont conservé et déve­ loppé un mode d’ordination correspondant plutôt ù celui des Constitutions apostoliques. L'imposition des mains ne s’y est pas seulement conservée et sans porrcction d’instruments pour les trois ordres supé­ rieurs; elle n été pratiquée partout dans l’ordination des sous-diacres et des lecteurs, les seuls ordres mi­ neurs communément reconnus chez les Orientaux. Pour les rites propres aux divers ordres dans les I diverses Églises d’Orient, voir les canonistes, par exemple, S. Many, De sacra ordinatione, n. 215-253. 1335 IMPOSITION DES MA INS 1336 7· Dans le mariage. — On ne connaît pas d’attesta­ p. 74. Le singulier est plus souvent usité en latin : tion formelle que la bénédiction du mariage ait * Dehinc manus imponitur, Tertullion, De baptismo, comporté une imposition des mains. Bien des Indices vm; Ut manus imponatur in picnilentium, t aint Etienne néanmoins portent à en admettre l’existence. Le à saint Cyprien, Epist., lxxiv, 1, 2; concile d’Elvlrc: nom même de · bénédiction · la suggère. Il est tech­ per manus impositionem. Can. 38. Mais on trouve nique dans l’Églisc pour désigner d’une part le rite aussi lo pluriel,par exemple,dans saint Augustin: Illl sacerdotal de la consécration du mariage (ci. dans manus imponebant et Spiritus Sanctus veniebat; les notes de dom Ménard au Sacrnmentalrc grégo­ quando ad ipsos venit, ipsis quis manus imposuit? rien, note 1140, dans P. L., t. lxxvih, col. 580, les Serm., cclxvi ,3, P.L., t. xxxvm, col. 1226. J.’ancienne textes où apparaît cette appellation), et de l’autre traduction latine de la Tradition apostolique de saint les rites divers où intervient l'imposition des mains. Hippolyte altcmclcsingulicr et le pluriel : parcxcmpic, Voir plus loin. 11 est remarquable, en particulier, pour la consécration de l’évêque : imponant super que les Siatula Ecclesiæ antiqua, dans leur énumé­ cum manus...; imponat manum ci, édit. Hauler, p. 103; ration des divers rites ecclésiastiques, n’emploient imponens manus in cam [oblationem], ibid., p. 106; le mot benedicere que pour les ordinations, qui com­ pour l’ordination du prêtre : imponat manum, ibid., portent l’imposition des mains et pour le mariage: p. 108; pour celle du diacre : imponens manus. Ibid., uno super eum fundente benedictionem pour l’évêque; p. 109. Les Statuta Ecclesia antiqua ont aussi le pluriel episcopo benedicente et manus super caput ejus tenente dans les formules : episcopo manus super ejus caput pour le prêtre; diaconus cum ordinatur, solus epi­ tenente;.... solus episcopus... manus suas super caput scopus qui eum benedicit, manus suas super caput ejus ejus ponat, mais Iis conservent Io singulier dans l’ex­ ponat pour le diacre; sponsus et sponsa cum benedicendi pression usuelle : manus impositio. P. L., t. lvi, coi. 888. sunt a sacerdote... Qui cum benedictionem acceperint. 2. Contact. — Si l’imposition des mains signifie P. L., t. lvi, coi. 887-889. Pour les ordres mineurs, parfois l’application matérielle et physique, le rite énumérés dans l'intervalleot pour lesquels l’imposition ne comporte cependant point par lui-même ce contact. des mains est exclue, il n’est pas question non plus Le contact est supposé dans les Évangiles pour de bénédiction. Or ce nom de bénédiction appliqué l’imposition des mains aux enfants. Où saint Matthieu au mariage se lit déjà dans Tertuilicn. Unde sujjicia- et saint Marc ne parlent que d’imposer les mains, mus ad enarrandam felicitatem ejus matrimonii, quod saint Luc dit loucher : fva αυτών δπτηται, xvm, Ecclesia conciliat, et confirmat oblatio et obsignat 15. Clément d’Alexandrie suppose aussi manifeste­ m.sEDicno? Ad uxorem, n, 9, P. L., 1.i, coi. 1302. ment le contact à propos des femmes aux faux che­ Cette association des deux idées de sceau et de béné­ veux. La Tradition apostolique de saint Hippolyte dit diction est à remarquer. Nous verrons tout à l’heure explicitement des prêtres qui Imposent les mains en que l’imposition des mains est considérée au n® siècle même temps que l’évêque à l’ordinand, contingenti bus, comme étant par elle-même une consignatio, un sceau. édit. Connolly, p. 178. Les Statuta Ecclesiæ antiqua D’ailleurs, l’association de la bénédiction et de l’im­ disent de même pour la consécration de l’évêque : position des mains est explicite, et encore à propos manibus suis caput ejus (angant; et il semble bien des femmes, dans Clément d’Alexandrie : « Et à quoi que pour l’ordination du prêtre et du diacre l’expres­ donc le prêtre Imposera-t-il les mains? Que bénira- sion episcopo manus super caput ejus tenente;... epi­ t-il? Tlvt γάρ ό πρεσβυτέρας έπιτίΟησι χεΐρα; τίναδέ scopus... manus suas super caput ejus ponat, P. L., ευλογήσει; Padag., in, 11, P. G., t. vin/col. 637, dct. ιλί, coi. 887-888, doivent s’entendre d’une impo­ mande-t-il à propos des faux cheveux des femmes, sition des mains avec contact. Cependant l’Église qui font illusion aux maris. Ibid. Il n’est pas certain ne considère pas ce contact comme essentiel à l’impo­ que la bénédiction visée ici soit celle du mariage; il sition des mains de l’ordination. Cf. Many,Desacraordipeut n’être question que des bénédictions liturgi- nalione, n. 262. Dans les livres liturgiques orientaux ques ordinaires des fidèles. Mais si l’imposition des le contact est plus marqué : Contingentibus cl tenen­ mains sc trouve ainsi associée aux bénédictions en i tibus eumdem \prcsbyterum[ presbyteris. Testament général, à plus forte raison doit-on l’admettre, ! de Noire-Seigneur, i, 30, édit. Rahmani, p. ΟΟ.’Έχων semble-t-il, pour la bénédiction donnée spécialement έπικειμένην την χεΐρα τη κεφαλή, dit YEuchologe grec à l'homme et à la femme dans le mariage. Potter met pour l’ordination du diacre et du prêtre. Goar, Ritus à ce passage de Clément d’Alexandrie la note suivante : gru'corum, Paris, 1647, p. 250, 293. Il semble probable Notum est, in veteri Ecclesia, ordinatis, confirmatis, aussi que, dans certaines Églises tout au moins, l’im­ pandentibus, agris, qualemcumque denique BENE­ position des mains, qui avait lieu à la fin des ofilccs DICTIONEM RECIPIENTIBUS... manus imponi solitas J religieux, était individuelle et comportait le contact. fuisse. P. G., t. vm, coi. 638. Sa remarque nous pa­ L’Ordo longissimus, dont parle saint Augustin à pro­ raît absolument juste et c’est pourquoi nous croyons pos des pénitents qui viennent ù l’imposition des nous aussi à la présence de l’imposition des mains mains, Serm., ccxxxn, 7, 8, P. L., t. xxxvm, col. dans la bénédiction du mariage. 1111, ne peut guère être qu’un défilé Individuel devant /Z. EN QUOI CONSISTAIT L'IMPOSITION DES MAINS? — le prêtre ou l’évêque. A Jérusalem la Peregrinatio Ie Le matériel du rite. — S’il s’agissait de liturgie ou Etheriæ nous montre à plusieurs reprises les fidèles d’archéologie, H y aurait lieu de décrire ici le rite de eux-mêmes, ù la fin de l’ofiice, quand l’évêque sort l’imposition des mains. Mais du point de vue théolo­ du sanctuaire, venant à lui pour être bénis indlvigique, il importe uniquement de faire quatre remar­ I ducllcmcnt : Ext urite episcopo de intro cancellos, ques. — 1. La main ou les mains. — Les documents I omnes ad MANUM ei accedunt; et ille eos uno et uno parient indifféremment de l’imposition de la main benedicet.... Sic benedicet fideles, et sic exiens de can­ ou des mains. Les évangélistes et les apôtres ont le cellos, similiter ei ad manum acceditur, édit. Geyer, pluriel, Marc., x, 16; Matth., xix, 13, 15; Act., vm, p.71,73. 17; MX, 5; Heb., vi, 2; I Tiin., iv, 14; v, 22; Il Tlm., On ne saurait dire cependant que le rite, comme !, 6, et la forme plurielle est aussi la plus usuelle chez tel, exigeait ce contact. La mémo Peregrinatio Etheriic les écrivains grecs. On trouve cependant aussi le montre régulièrement ces bénédictions individuelles à la sortie des ofilccs précédées d’une bénédiction singulier, par exemple, dans Clément d’Alexandrie : τί’Λ ύ πρεσβύτερος έπιτίΟησι χείρα» Pœdag., in, It, collective donnée par l’évêque d’abord aux catéchu­ P G., t. vin, col. C37; dans le concile de Laodicéc, mènes, puis aux fidèles, et que chacun reçoit de sa place : Millet vocem diaconus ut unusquisque, quocan. 19 : προσελΟεΐν ύπδ χεϊρα. Lauchcrt, op. cit., 1.337 IMPOSITION DES MAINS modo stat, cathecumlnus Inclinet caput, et sic dlcet episcopus stans benedictionem super cathrcuminos. Item fit oratio et denuo mittit diaconus vocem el eommonel ut unusquisque stans fidelium inclinent capita sua, item benedicet fideles episcopus, édit. Gcycr, p. 72. Or c'est kl, l'imposition des moins proprement litur­ gique, dont parlent les documents pour le renvoi des catéchumènes ou des pénitents. Voir, par exemple. Const. apost., VIII, G, 8-14, édit. Funk, p. 480, pour les catéchumènes; VIII, 8, 3-6, p. 484, pour les < com­ pétents »; VIII, 9, G-lt, p. 486, pour les pénitents, et qui ne saurait être Individuelle ni comporter de contact. On admettrait difficilement aussi le contact dans l’imposition des mains aux offrandes eucharis­ tiques. 3. Signe de croix. — Souvent l’imposition des mains est accompagnée d’un signe de croix. Cette associa­ tion ou cette Identification est même fort ancienne; elle apparaît très nettement dès le n* siècle, dans la pseudo Epistola apostolorum récemment découverte et publiée par Cari Schmidt, dans les Texte und Untersuchungen, t. xun, 1919. On y lit, calquée sur le récit des Actes, c. ix, une prediction par le Christ de la conversion de saint Paul. Or, au lieu de l’impo­ sition des mains qui lui rend la vue, on ne parle guère ici que d’un signe de croix sur les yeux: έπιθίντα αύτω χειρ ας... έπιΟείς έπ’ αύτου τάς χειρχς... dans les Actes, v, 12 et 17; dans VEpistola, c. xxxi, loc. cit., p. 96; ou, comme portent des manuscrits meilleurs ; seine Augen ivcrdcn durch cure Hand bekreuzigt, ibid., p. 190; ci. déjà dans l’édition de Guerrier, sous le titre : Le testament en Galilée, c. xlh : « Ses yeux s’obscurciront et seront signés du signe de la croix — variante c avec de la salive, □ d'après Joa., ix, 6 — par vos propres mains. » Palrologia orientalis, t. ix, fasc. 3, p. 212-213. Pour l'admission au catéchuménat, nous l’avons déjà vu, les documents parlent Indifféremment, de l’imposition des mains ou du signe de la croix; parfois même ils associent les deux gestes, etc.Voir plus haut, col. 1316. L’ordination, elle aussi, dans certains rites orientaux comporte des signes de croix joints à l’imposition des mains; les Canons d'Hip­ polyte, can. 40, en font mention expresse dans la prière qui accompagne l’imposition des mains au diacre : signo crucis luæ quo ipse signatur, dans Duchesne, Origines du culte, 1898, p. 507. Voir aussi l’ordination du diacre ou du prêtre chez les Grecs dans Goar, Rituale grœcorum, p. 250, 292. Mais c’est surtout à l’imposition des mains de la confirmation que le signe de la croix sc trouve associé. Saint Cyprien le dit expressément : les néophytes, après leur baptême, sont présentés aux évêques pour recevoir l'un et l’autre : prie,positis Ecclesiæ offeruntur et per nostram orationem ac manus impositionem Spiritum Sanctam consequun­ tur, ac 3IQXACUL0 D01UXIC0 consummantur. Epist., Lxxm, 9. Et il groupe de même les deux rites dans la phrase où il déclarcinutilc l’imposition des mains pour l’hérétique dont le baptême est reconnu valide : Non est nccesse ci venienti manum imponi utSpirilum Sanc­ tum consequatur et signetur. lbid.,G. La même associa­ tion parait attestée pour Borne par le pape Corneille dans sa lettre sur le baptême de Novation. Entre autres rites qu'on avait omis de suppléer pour le futur antipape, baptisé au lit, il signale le σφραγισΟήναι ύπό του επισκόπου. Eusèbe, Η. E., vi, 43, P. G., t. xx, col. G2L Ce signe do croix s’est consono dans le rite latin do la confirmation : il se fait depuis longtemps avec lo saint chrême; mais ht formule même qui l’accompagne dans les plus anciens sacrament aires est uniquement celle d’un signe de croix : Signum Christi in vitam aternam, dans le Sacramenlairc gélasien, P. L., t. lxxiv, coi. 1112. In nomine Patris l/ Filii et Spiritus Sancti, dans VOrdo romanusVII do 133S Mablllon, P. L., t. Lxxvm, coi. 1000, et dans VOrdo de Salnt-Amand, édité par Mgr Duchesne, Origines du culte, 1898, p. 453. Nous aurons à revenir plus loin sur le caractère et la portée propre de ce rite; pour le moment nous ne faisons que le signaler. Voir La consignation à Carthage et à Rome, dans les Recherches de science religieuse, juillet 1911, p. 369-383. 4. Invocation concomitante. — L’imposition des mains est accompagnée d’une prière qui en spécifie le but et lui donne son caractère propre. C'est un trait essentiel de l'imposition des mains. Il apparaît, nous l'avons déjàvu, col. 1313, dès l'âge apostolique· On le retrouve, et mis en évidence, à tous les siècles. La prière n'accompagne pas seulement les impositions des mains aux malades, voir, par exemple, dans les Homélies Clémentines : ό Πέτρος τάς χεΐρας α/τοίς έπιΟείς μόνον καί εύξάμενος Ιάσατο, vm, 24; Behm, op. cil., p. 64-65, donne beaucoup d’exemples; elle est associée partout au rite liturgique et sacra· mcntel. Les extraits de Théodotc dans Clément d’Alexandrie ont déjà le groupement εύχαΐ γειρων. P. G., t- x, col. 694. Tertullicn dit : Manus imponi­ tur per benedictionem advocans et invitans Spiritum Sanctum, De daphsmo,vm, 2; saint Cyprien répète : nostram orationem ac manus impositionem. Epist-, i.xxni, 9. Eusèbe parle couramment des χειρών εύναί; par exemple, εύχάς διά χειρων λαβών εϋεραπευΟη, H. E., t, 13, 18,édit. Schwartz, p. 94; τη δια χειρών έπιθέσεως εύχή, νπ» Ρ· 638; των διά χειρο­ θεσίας ευχών ήξιοΰτο. Vita Constantini, ιν, 61, Ρ. G., t. xx, col. 1213. La Tradition apostolique de saint Hip­ polyte présente partout la même association: imponens ci manus... orat, dicens, édit. Connolly, p. 175, pour la consécration de l'évêque; imponens manum in eam [oblationem] dicat gratias agens, ibid., p. 176, pour la prière eucharistique; imponat manum super caput ejus et dicat... orans, p. 178, pour l'ordination du prêtre. De même, p. 178,179, pour celle du diacre; When the teacher has laid his hand upon the catechumen, he shall pray and dismiss them, ibid., p. 182, pour le renvoi des catéchumènes; Episcopus manum illis imponens invocet, dicens.., p. 185, pour la confirma­ tion. La connexion du geste et de la prière qui l’accom­ pagne est telle que les deux expressions deviennent interchangeables. Les Constitutions apostoliques, au 1. VII1. ne mentionnent l'imposition des mains aux diverses catégories des assistants à la messe que sous la tonne d’une invitation à recevoir la bénédiction et la prière de l’évêque : κλίνατε... καί εύλογεΐσϋε· καί ό έτίσκοπος tmrrycaQco >^;ων, vm, 7, 3-4 ; cf. 6» 10; 8, 4; 9, 6-7; 37, 4; κλίνατε τη χειροθεσία καί 4 έτίσκοτος λεγέτω, Funk, ρ. 4S2, et correspondantes. Par contre, la Tradition apostolique, version éthio­ pienne, Constitution ecclés. d9Égypte, dans Funk, Didascalia, t. n, p. 102, ne donne comme titre à la prière de renvoi des fidèles que la formule « imposi­ tion des mains >, édit. Connolly, p. 178, et dans Funk, loc. cit. : Impositio manuum postquam accep runt. Le Sacramentaire de Sérapion fait de même pour les prières de l’ordination des diacres, des prêtres et des évêques : le titre en est χειροθεσία καταστχσεως διακόνων,..· πρεσβυτέρων,... επισκόπου. Funk, Didas­ calia, t. π, ρ. 188-190. Il donne pareillement sous le titre de χειροθεσία les prières pour les catéchu­ mènes, pour les malades, pour les alques, après que les clercs ont déjà communié, n. 4, 6, 8, 15, dans Funk, p. 162. 164, 166, 178. On s'explique dès lors que saint Augustin parle de Vocatio manus impo­ sitionis qui. avec le signum Christi .sancti Île le caté­ chumène. De peccatorum meritis et remissione, π, 26, P. L., t. XLiv, col. 176. Sa définition célèbre : Manus impositio.... quid est aliud nisi oratio super hominem. De baptismo, ni, 16, 21, P. L., t. xun, coL 14„ 1339 IMPOSITION DES MAINS exprime très exactement cc qu'est à scs yeux ct aux yeux de toute l'antiquité chrétienne cc rite dont le symbolisme est si vague ct les applications si multiples : il est essentiellement une prière. Zonaras, In apost.ean. 7, définit de même laχεφοτονία. Au sens proprement liturgique du mot, elle est la prière ct l’invocal ion du Saint-Esprit que fait l'évêque fur l'ordinand, et ce nom lui vient du fait que la bénédiction ainsi donnée est accompagnée d’une Imposition des mains : Νύνμέυ χειροτονία καλείται ή της ζαΟιερώσεως τού ΙερασΟαι λαχόντος τελεσιουργία τώυ ευχών καί του άγιου Πνεύματος έπίκλησις · από του τον αρχιερέα τείνειυ την χεφα εύζογούντα τόν χειροτο­ νούμενου . P. 6\, t. cxxxvn, col. 37. C'est dire que le geste n'a de valeur ct de sens qu’autant qu'il est accompagné d’une invocation appropriée à l’inten­ tion et au but de celui qui la fait ct c’est pourquoi, pour en déterminer le caractère ct la portée, il sera Indispensable d'avoir égard à la formule de prière qui lui est jointe. 2° Les appellations. — Mais il sera bon, au préa­ lable, de dire un mot des noms qui servent à désigner le rite lui-même. En dehors des expressions χειροθεσία, χειροτουία, έπίΟεσις χαρών, qui en sont le terme propre, deux appellations sont à signaler. — 1. Bénédiction. — La première est celle de bénédiction. Elle n son point de départ dans saint Marc, x, 16 : κατευλόγει τιΟεΙς τάς χεϊρας et elle s'explique par la prière, qui est à proprement parler la bénédiction ct qui manifeste le sens du rite. L’usage en est fréquent. « L’imposi­ tion de la main a principalement la signification de bénédiction, > écrit très justement Mgr Wilpcrt, Le pitture délie Cafa:ombe romane, p. 110; ct il ajoute : « De la signification de bénédiction, procèdent, comme d'une source commune, toutes les autres significations que l’imposition de ’a main a dans l’art des cimetières. > Dans les documents écrits, l'usage en est aussi très fréquent; en voici quelques exemples.— a) En général. — Dans Y Altercatio Simonis Judœl et Theophili, quand le Juif convaincu demande à être < catéchisé, > a recevoir « le signe de la foi, » dans l'espoir que < l’imposition des mains > lui procurera de l'Esprit-Salnt, καί άνακαινώσεως Πνεύματος αγίου, exclut le sens d’une régénération purement verbale : le salut procuré par Dieu comporte un « renouvellement » de l’homme intérieur dont le Saint-Esprit est le principe et que symbolise lo rite même de l’ablution baptismale. Sans même rechercher par conséquent si l'expression άνακαινώσεως, détermine elle aussi, comme παλιγγενε­ σίας, celle do λουτρού, en sorte que le même baptême serait appelé simultanément un < baptême de régé­ nération et de renouvellement, » ce qui est le sens le plus naturel, ou si, au contraire, elle dépend directe­ ment, elle aussi, de la préposition διά, en sorte que «le renouvellement du Saint-Esprit » soit, comme < le baptême de la régénération, » ce par quoi Dieu nous a sauvés (sur cctto exégèse, longuement discutée à l'art. Confirmation, Liu, col. 1004-1005, voiries commen­ tateurs),on se rend compte qu'on a affaire ici à deux idées qui, si elles ne sont pas synonymes — qu'es!-ce qu’une régénération qui n'est pas un renouvellement? — sont tout au moins parallèles et expriment seule­ ment deux aspects voisins de la même réalité. Et le Saint-Esprit est pareillement rattaché explicitement â l’immersion baptismale dans le passage, 1 Cor., χπ, 13, où saint Paul montre tous les fidèles « baptisés dans un seul coq>s dans le même esprit, a On sc demande comment M. Belun, op. cil.,p. 173, a pu voir là une confirmation de sa théorie : ce baptême, par lequel tous les chrétiens sont plongés dans un même corps, le corps mystique du Christ, et qui équivaut sans aucun doute au βαπτισΟηναι είς Χριστόν do Rom., vi, 3, comporterait le double rite de l’ablution et de l'imposition des mains, et ne recevrait ici le nom de baptême en esprit qu'à raison du second : comme si être baptisé dans le Christ, être plongé en lui de manière à devenir un de ses membres, ainsi que cela sc produit lorsqu'on est plongé dans l’eau du baptême, ne signi fiait pas être plongé dans son esprit ou tout au moins en devenir participant. Que saint Paul, dans ce verset, fasse allusion à la communication du SaintEsprit par l'imposition des mains, certains le pensent, voir Prat, loc. cit., p. 378-379, mais c’est lorsque, après avoir parlé du baptême έν ένΐ πνεύματι, il ajoute quo les chrétiens ont été de plus abreuvés du même Esprit : καί πάντες êv πνεύμα έποτίσΟημεν. A Γincorpo­ rat ion au Christ, à la greffe en son corps qui com­ porte une commencement très réel de participation à sa vie et donc au Saint-Esprit, ferait suite la parti­ cipation plus abondante à ce même Esprit. Et c’est par là que l’apôtre ferait allusion a un rite distinct do celui de l’ablution; mais, au lieu do le confondre avec celui du · baptême dans l’Esprit, » il l’on distin­ guerait au contraire explicitement. Quoi qu’il en soit, au reste, do cette hypothèse, il demeure hors do doute quo l’idée d'un baptême du Christ, ramené aux pro­ portions d’un baptême d’eau, est totalement étrangère à saint Paul. Sa doctrine fondamentale de la mort au péché et de la résurrection à la vie. qui s’accom­ plissent dans l'acto même de l’immersion baptismale et nous incorporent au Christ, en nous greffant sur lui et en nous faisant participer à son Esprit, est la condamnation formelle de la théorie qu’on voudrait lui attribuer: ne ferait-il pas lui-même mention expresse de l'Esprit à propos du baptême,que les effets de sainteté et de régénération attribués par lui à ce rite suffiraient PICT. DE THÉOL. CATHOL. 1346 à prouver qu’il n’en conçoit pas l'action comme pure­ ment négative et indépendante de celle du SaintEsprit. 2. D'après les écrivains des deux premiers siècles. — Il faut en dire autant des écrivains ecclésiastiques du i*r et du n· siècle. Il est par trop facile et arbitraire, parce qu'ils ne mentionnent pas l'imposition des mains, d’entendre d'elle leurs allusions au Saint-Esprit dans l’acte même du baptême. L*£ptlre de Barnabé, en disant que « descendus dans Veau tout débordants de jléchés et de souillures, nous en remontons le ccrur plein de fruits [de sa/uf|,aoec dans Vesprit la crainte et l’espérance en Jésus,» xi, 11 ; saint Justin, en appelant le baptême < un bain pour la rémission des péchés et pour la régénération,» τδ ύπέρ άφέσεως αμαρτιών καί εις άναγεννησιν λουτρόν, ApoL, I, 66, P. G., t. νι, col. 428, et en l'opposant en tant que < baptême par le Saint-Esprit » à cet autre baptême qu’était la circoncision. Dial, cum Tryphone, 28, col. 537, ne prouvent pas la conception d’un baptême à double rite qu'on suppose avoir préexisté à l'âge apostolique; ils reproduisent seulement la doctrine de saint Paul sur l'efficacité propre et positive de l’immersion baptis ­ male. Et saint Irénéc ne fait pas autre chose lorsque, comparant le baptême chrétien à celui du syrien Naaman.il dit que par lui < nous aussi, les lépreux du péché, por Veau et l'invocation du Seigneur, nous sommes purifiés de nos fautes passées et régénérés spirituellement comme des enfants nouveau-nés. » Fragm. 35, P. G., t. vu, col. 1248. Le « bain de la régénération » est chez lui une expression courante. Cf., par exemple, Quoniam in transgressione factus I homo indigebat lavacro regenerationis, postquam linivit lutum super oculos ejus, dixit ei : Vade in Siloam ctlavare.,cam, çuæ est per lavacrum, regenerationem restituens ei, Cont.har., v, 15, 3, coi. 1166; Corpora nostra per lavacrum illam, quæ est ad incorruptiorum, unitatem acceperunt; animor autem per Spiritum. Ibid., m, L7, 2, coi. 930. L'entendre d’un bain sans action sur l'ûmc, et dont toute la vertu régénératrice tien­ drait au rite de l’imposition des mains pour donner le Saint-Esprit, c’est faire violence au langage du grand docteur, en saie de lui attribuer une idée qui lui est totalement étrangère. Dans sa Démonstration de la prédication apostolique, il met en tête de ce qu'enseigne la foi < le baptême reçu pour la rémission des péchés, au nom de Dieu le Père, et au nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu,... et dans Γ Esprit-Saint de Dieu. » Il s’agit bien, on le voit, du seul rite bap­ tismal conféré au nom des trois personnes. Or, poursult-il, nous savons par cette même foi, c que ce bap­ tême est le sceau de la vie éternelle, et la régénération en Dieu... Aussi, quand nous sommes régénérés par le baptême qui nous est donné au nom de ces trois per­ sonnes, nous sommes enrichis des biens qui sont en Dieu le Père, par le moyen de son Fils avec le SaintEsprit. Carceux quisont baptisés—littéralement levés des fonts baptismaux - reçoivent l’Esprit de Dieu, <(ui les donne au Verbe, c’est-à-dire au Fils, et le Fils les prend et les offre à son Père, et le Père leur com­ munique l’incorruptibilité. » Trad. Barthoulot, § 3 et 7, dans les Bcchcrches de science religieuse, 1916, t. Vï, p. 371,373. C’est donc pur arbitraire, après avoir cru reconnaître dans un passage du De baptismo, c. vi, de Terlullicn, l’idée persistante d’un baptême dont l’effet serait purement négatif et qui no ferait que préparer à la réception ultérieure du Saint-Esprit, que de signaler comme une innovation la mention par le même Tertullicn et dans le même ouvrage, c. iv, d’une activité du Saint-Esprit s'exerçant déjà dans l'acte même de * l’ablution. Behm, op. cit., p. 178-181. On prouverait par le même procédé que saint Cypricn refait à son VIL — 43 1347 IMPOSITION DES MAINS 1348 tour la même Innovation. Après avoir dit, lut aussi, mcntel : c’est à l’onction seule qu’appartient et a que le Saint-Esprit est reçu, non pas au baptême, toujours appartenu ce caractère. Ainsi l'enseignent mais lors de rimposition des mains : non per manus saint Thomas, Sum. thcol., III·, q.Lxxn, a. 2,ad lum· impositionem quis nascitur quando accipit Spiritum a. 4, ad l^i’ ; Desymbolo fidei et Ecclcsiæ sacramentis, les Sanctum, sed in baptismo, ut Spiritum jam natus Pères du concile de Florence dans le Décret pour les occipiat, EpisL, lxxiv, 7, édit. Martel, t. Π, p. 804, Arméniens, Denzinger-Bannwart, n. 697, et, après n'cnseigne-t-il pas néanmoins que les « cliniques, > eux, tous les théologiens qui ne tiennent pas comme sans avoir reçu l'imposition des mains, sont tout essentielle au sacrement soit aucune imposition des aussi pleinement chrétiens que les baptisés ordinaires mains soit l'imposition des mains distincte do celle ou parfois mémo font preuve d’une plus parfaite qu'ils croient reconnaît rc dans l'acte même de l'onction docilité au Saint-Esprit? Eplst., lxix, 12-16, ibid., (Scot, Suarez, Nepefny, Die Firmung, etc.) p. 760-765. Ce qui suppose manifestement que le bap­ Une autre opinion affirme au contraire le caractère tême proprement dit a suffi à leur en assurer une sacramentel de l'imposition des mains, qu’elle consi­ certaine participation. Λ attester une conception dère comme ayant toujours été et comme étant encore des rapports mutuels du baptême et de l’imposition matière du sacrement, seule d’après les uns (Simon, des mains analogue à celle qu’on prétend en avoir et d’autres, en particulier, Joh. Mayer, Gcschiclüe des été la conception primitive, il n’y a, à vrai dire, que Katechumenals, 1868, p. 179 sq), conjointement, au l’auteur du De rebaptismate. 11 en fait vraiment la moins depuis longtemps, avec Fonction, selon les base de son argumentation contre saint Cypricn : autres (Wltàsse, Tractatus de confirmatione, q. n,n.3, la vertu purificat rice et sanctificatrice des rites baptis­ scct.V, dans Mlgnc, Cursus theologice, t. xxi, col. 777 maux tient à l’imposition des mains; c’est elle qui sq. ; Toumêly, De confirmatione ; Dolger, Das Sakra· constitue le baptêmede Γ Esprit. Cette doctrine qui se ment der Firmung, 1906, p. 189 sq. ; etc.) D'autres, qui la considèrent comme ayant été trouve dispersée dans tout le traité, le c. x, Op. Cy­ priani, t. ni, p. 82, la résume à peu près complètement. d’abord pendant un temps plus ou moins long, la seule Elle a été très bien exposée par le Dr Ernst dans la matière du sacrement, pensent qu'elle a depuis long­ temps cessé de l'être et ne reconnaissent plus ce carac­ Zeitschrift fQr kalholische Théologie, 1895, t. xix, p. 211 tère qu'à Fonction. C'est l’opinion d'Alexandre de sq.; 1896, t. xx, p. 237; 1907, t. xxxi, p. 679 sq., et surtou t p. 695-696. Mais c'est là une opinion personnelle I Talés, Summa thcol., part. IV, q. v, ni. i et π ; de saint et outrancière, manifestement Inspirée par l'esprit de Bonaventure, In 1V Sent., 1. IV, dist. VII, q. I etn; polémique. La pratique courante du baptême des « cli­ de Ruard Tapper, Explicationes amiculorum, 12, t. π, niques «lu! donne un démenti formel; l’auteur atteste p. 160; d’Estius, In IV Sent., 1. IV; dist. VII, §7.— lui-même que plusieurs d’entre eux agissent comme Bcllarmin, De sacramento confirmationis, c. xx, qui ne le rapporte de Novatein le pape Corneille : une fois nie pas la probabilité de cette opinion, suggère qu’on baptisés et guéris, lis ne se préoccupent plus de l'im­ pourrait invoquer à son appui les paroles du pape Innocent III : Per frontis chrismationcm manus impo­ position des mains de l'évêque pour recevoir le SaintEsprit, et néanmoins Ils sont tenus pour aussi par­ sitio designatur, quæ alio nomine dicitur confirmatio, faits chrétiens que les autres : Hodierno die quoque Denzinger-Bannwart,n. 419,et du concile de Florence, non potest dubitari esse usitatum et evenire solitum ut Décret pour les Arméniens : Loco illius manus imposi­ PLERique post baptisma sine impositione manus epi­ tionis. (Act, vm, 14), datur In Ecclesia confirmatio. scopi deseculo exeant, et tamen pro perfectis fidelibus Ibid., η. 697. habeantur, iv, p. 74. C’est avouer qu'on ne considère Tous les manuels de théologie signalent cette diversité d’opinions, que consacre Benoît XIV dans pas ce complément ou ce · perfectionnement » du • baptême comme nécessaire à la régénération spirituelle ; sa constitution du 1er mars 1756, Ex quo primum, § 51 : Circa eos unicuique licet eam sequi partem, quæ magis et ce témoignage, confirmé par celui de saint Cypricn, tpsl placuerit. Voir Confirmation, t. in, col. 1858-1074. ne suffit-il pas à montrer qu’il n’existe pas qu’une On peut aboutir à une conclusion plus ferme, en éclai­ seule Intervention du Saint-Esprit dans la formation rant le langage des auteurs ecclésiastiques par l'histoire du chrétien, parce qu’un rite propre en fait une communication spéciale après le baptême? La mécon­ de la liturgie. A les lire, pourvu que, en une matière, naissance de cette distinction a pu seule permettre où la terminologie ne s’est précisée et fixée que d’attribuer au christianisme primitif un baptême fort tard, on regarde aux réalités plutôt qu'aux simi­ de l’eau sans efficacité positive et spirituelle. Peut- litudes de formules, on ne pourra guère contester que dans l'Églisc d'Occidcnt, la seule pour laquelle être la doctrine d’une justification purement morale, sans renouvellement réel de l'homme intérieur, rend- la question se pose, l'imposition des mains ait été elle, dans certains milieux, les esprits particulière­ aux premiers siècles le seul rite propre et essentiel de ment accessibles à la théorie nouvelle. 11 est suffi­ la continuation. Ce fait établi, il y aura lieu de se samment démontré que, si l’imposition des mains demander s’il en est toujours ainsi. apparaît dès le début du christianisme comme le rite Pour les premiers siècles, Il y a d’abord à remar­ de la communication du Saint-Esprit, elle n’exclut quer que les partisans de la première opinion son t seuls pas cependant que les baptisés aient reçu, dès leur à contester le fait. Les partisans des deux autres opi­ ablution, l'action sanctifiante et régénératrice nions sont d’accord entre eux sur ce point,et les his­ toriens protestants du dogme admettent également même Esprit. aujourd'hui le caractère primitivement sacramentel 2° L'Imposition des mains a été longtemps, dans ΓÉglise latine, la matière propre du sacrement de de l’imposition des mains. Et, on effet, l’on peut confirmation» — Ce point de dogme mis à part, les poser en thèse : 1. que durant de longs siècles c’est à catholiques discutent sur la nature et l'effet propre l'imposition des mains qu’a été rattachée dans FÉglîso de l'imposition des mains dans Γ administration de d’Occidcnt la collation du Saint-Esprit dans le sacre­ la confirmation. Est-elle aujour d’hui, a-t-elle jamais été, ment de con Urination ; 2. qu'elle seule a été considérée alors comme le rite propre et essentiel de cette collaa-t-elle toujours été partie essentielle du sacrement? A chacune de ces questions on a fait et on fait encore i tlon; 3. qu’elle ne se confondait pas avec une onction. 1. La collation du Saint-Esprit propre au sacrement des réponses opposées et contradictoires. Une opinion fort commune aujourd'hui (Tanqucrcy, de confirmation longtemps attribuée à F imposition des Billot, van Noort, Fetch, etc.) nie que le rite propre mains. - -a) Affirmations scripturaires et patristiques. de l'imposition des mains ait Jamais été vraiment sacra- — Comme nous l’avons prouvé, depuis les Actes des 1349 IMPOSITION DES MAINS 1350 apôtres. l'imposition de? mains est mentionnée par­ les moments de la justification. — Ce n'est pas seule­ tout comme lo rite propre de la collation du Saint- ment au moment de la confirmation que le SaintEsprit. Tertullien, saint Cypricn, l'auteur du De Esprit prend possession des âmes; bien avant de rebaptismale, saint Jérôme affirment expressément descendre en elles avec la plénitude de ses dons. Il y quo par elle le Saint-Esprit est donné aux baptisés. est venu préparer et accomplir la transformation Voir col. 1320 sq. Saint August in, qui en parle fréquem­ radicale qui rend aux fils adoptifs de Dieu leur res­ ment, par exemple, De baptismo contra donatistas, semblance primitive avec leur Père céleste. Dès ni, 16, 21 ; v, 20, 28; In I Joa., tr. VI, 10;De Trinitate, avant le baptême, Il est question de celte Interven­ xv, 2G, 46; Serm., cclxix, 2; cclxvi (dans ce sermon, tion, effusion ou consignation du Saint-Esprit. L'Exl’imposition des mains revient 17 fols, comme ex­ planatio symboli ad competentes, attribuée à Ni­ pression technique do la confirmation), va jusqu’à cetas, dit, en commentant l'article sur le Saintdire que, depuis les apôtres, jam in neminem venit, Esprit : Ipso tempore baptismatis animas credentium (Spiritus Sanctus) nisi fuisset manus imposita, corjtoraque sanctificat. P. L., t. ui, coi. 870. Et en recommandant aux futurs baptisés de se souvenir de 6, P. L., t. xxxvin, coi. 1227. Personne, du leur renoncement au démon, le catéchiste leur suggère reste, ne le conteste : c’est à raison de l’évidence de d'opposer aux tentations les paroles suivantes : Et ce fait que, tout en considérant l’onction comme la abrenuntiavi et abrenuntio tibi..., quia credidi Deo vloo seule matière du sacrement, les partisans de l’opinion et Chrjsto ejus, CUJüS 3PIRITÜ SIQJfATUB nee mortem commune sont obligés d'y reconnaître une imposition didici jam timere. Ibid-, col. 874. La formule de Γex­ des mains. b) Constatations liturgiques. — Et les descriptions sufflation porte dans le missel de Bobbio ; Accipe qui nous restent de l'ordre dans lequel se succédaient Spiritum Sanctum et in corde teneas. P. L., t. Lxxn, les cérémonies du baptême et de la confirmation aux col. 500. Les Constitutions apostoliques, vn, 22, 24, premiers siècles sont en pariait accord avec les affir­ rattachent explicitement à fonction qui précède le mations des écrivains ecclésiastiques Un coup d’œil baptême une certaine participation au Saint-Esprit : x βαφτίσεις Οδχτι..., jeté sur le tableau suivant, col. 1351-1354, suffit à le Χρίσεις πρώτον έλαίω αγίω, C. rendre manifeste. Ce n’est qu'une réduction d'un ϊνα τδ μεν χρίσμα μετοχή ή του άγιου Πνεύματος, τδ tableau plus développé inséré dans la Revue d'histoire δέ ύδωρ σύμβολοντου θανάτου. Funk, ρ. 406. Dans le baptême et par le baptême, c’est le Saintecclésiastique de Louvain, 1912, t. xm, p. 300-301; j mais tel quel il permet de constater la distinction Esprit qui, en se communiquant aux âmes, les purifie dans les cérémonies de l’initiation chrétienne on Occi­ et les sanctifie. P descend alors si réellement en ellca, dent de deux grands groupes de rites et la présence que les < cliniques, «saint Cypricn le proclame luiconstante de l'imposition des mains dans celui qui même, voir col. 1347, quoique ne l’ayant pas reçu par correspond au sacrement de confirmation. La liturgie l’imposition des mains, le possèdent aussi parfaite­ romaine y est représentée sous sa forme la plus récente ment que les chrétiens ordinaires. Saint Jérôme, à par VOrdo VII de Mabillon et par le Sacramentaire son tour, en est si convaincu qu’il se demande d’où grégorien, sous sa forme la plus ancienne parla pièce peut venir l’usage d’imposer les mains pour donner liturgique jadis appelée Constitution ecclésiastique le Saint-Esprit à ceux qui l’ont déjà reçu au baptême : Quare in Ecclesia baptizaius, nisi per manus episcopi égyptienne, et qu’il faut désigner aujourd’hui, depuis la démonstration de dom Connolly, sous le noin de non accipiat Spiritum Sanctum, quem nos asseruimus Tradition apostolique de saint Hippolyte. Voir t. xi, in vero baptismate tribui? Contra luciferianos,9. P. L., coL 2502-2504. Le De baptismo de Tertullien nous t. xxin, coi. 164. La réponse, qu’aucun catholique renseigne sur l'usage africain au début du ni® siècle n'ignore, est donnée par saint Augustin, qui distingue et le De mysteriis de saint Ambroise sur celui de Milan un double don du Saint-Esprit. 11 y a le don parfait au IV· siècle. L'usage espagnol ou plutôt wisigothique qui correspond à la descente de cet Esprit sur les est représenté par le Liber ordinum do dom Férotin apôtres : c’est alors que la divine charité reçoit toute et par quelques extraits du De officiis ecclesiasticis sa ferveur : Perfecta caritas pcrjcctum donum est Splde saint Isidore de Séville. Pour l'usage suivi en Gaule ritus Sancti. Mais il y en a un autre, qui précède et qui avant l’introduction do la liturgie romaine, nous se rattache à la rémission des péchés:c’est celui qui n’avons que les missels dits sacramcntaircs gallicans. a pour cfict d’arracher les âmes à l’esprit du mal pour Mais ici, on le voit tout de suite au tableau, le paral­ I les agréger au peuple de Dieu : Prius est autem illud lélisme rituel avec les autres Églises d’Occidcnt est quod ad remissionem peccatorum pertinet; per quod beneficium eruimur de potestate tenebrarum et princeps restreint aux cérémonies proprement baptismales. Nous aurons plus loin l'explication do cette anomalie; hujus mundi mittitur joras... In Spiritu enim Sancto, ces missels n’ont pas les cérémonies de la con­ quo in unum populus Dei congregatur, ejicitur spiritus firmation et l’absence constatée ici de l’imposition immundus. Serm., lxxi, 19, P.L., t. xxxvin, coi. 459. Cette distinction est faîte aussi par saint Ambroise, des mains confirme donc plutôt la constatation faite partout ailleurs que ce rite faisait partie en Occident * lorsqu’il explique les cérémonies du baptême dans le de la collation du Saint-Esprit. On donnera d’ailleurs De mysteriis, P. L., t. xvi, col. 389-417, édit. 1845. plus loin d’autres preuves de ce fait pour Milan C’est lo Saint-Esprit qui superveniens in fontem vel et pour l’Espagne, col. 13G3 et pour la Gaule, col. 1364. supereos qui baptismum consequuntur, veritatem regene­ rationis operatur, ix, 59. Cf. iv, 19,22 Aussi, dit l’auteur 2. Cette imposition des mains a été considérée longtemps comme le seul rite propre et essentiel de la collation du du De sacramentis, ibid., col. 417-465, dans le passage parallèle, le Saint-Esprit se trouve-t-il représenté Saint-Esprit. Cette collation, caractéristique du sacrement de confirmation, n’a pas été attribuée aux dans toutes les figures anciennes du baptême : dans premiers siècles dans l’Égliso latine ù une onction, le passage de la mer Rouge, par exemple, columna nubis est Spiritus Sanctus. In marl erat populus, ct comme on l’admet communément. Pour en faire la preuve, il Importe de ne pas se borner à relever prtcibal columna lucis, (çua? est Christus], deinde se­ chez les auteurs des premiers siècles des formules quebatur columna nubis quasi umbratio Spiritus Sancti, analogues aux formules actuelles, mais de regarder si xi, 6, 22. Et, de fait, c’est le Saint-Esprit qui au baptême renouvelle et rajeunit les âmes : Qua; sunt les réalités visées par eux et par nous sont bien les ishe adolescentulu:, nisi animéesingulorum quæ deposue­ mêmes. runt istius corporis senectutem. renovata: per Spiritum a) Quatre jails dont l'oubli produit la confusion Sanctum, v, 2, 9. Mais, ajoutent les deux auteurs en en celte matière. - a. Le rôle du Saint-Esprit à tous liturgie ORDO ROM. VII TKIUUIXUIN De baptismo, 0-8. Immergitur aqua Ego te baptizo, ctc. Mabillon. P. L·., t. lxxvii, P. L., t. i.xxvi» coi. 90. coi. 90. ----------------- ---Pontifex bapti- Et dicit : zal unum aut Ego te baptizo, etc. duos... ceteri a diacono bapti­ zantur. Et postea, cum ascenderit, unguentur a presbytero de oleo sancto dicente : Unguco tc oleo sancto in nomino Jcsu Christi. Ubt ex aqua ascend il. presbyter prehendit chris­ ma et signat frontem et os et pectus signo crucis, ungitque totum corpus et caput et faciem dicens : Ego to ungo In noni. Patris ct Ft et Sp. S. Infantes offe­ runt uni pres­ bytero. Presby­ ter faciens de erisma crucem dicendo :D.omnip. Pat. D. N. J. C., ct reliqua. Offcrleum presbyteroqui facltsign. cnicis de chrismate in vertice dicens : D. omn. qui to rege­ neravit ex aqua ctSp.S. quique tibi dedit rem. pccc., ipse tc linit chris­ mate salut, in vi­ tam sternam. Et tta singuli detergentes se jam induantur et postea in ecclesia ingrediantur. Vestibus tndutum eccles. introducit. In Pont, egredi­ tur de fonte et Infantes vesti­ untur. Pont, regredi­ tur, ... ut, cum ves­ titi fuerint, confir­ met cos. Episc. manum imponens EpisCOpllS MANUM ILLIS IM­ PONENS invocet dicens: D. D. omnibus luce orat : Bene­ qui dignos fecisti cos rcm. dicimus tibi.·· quia hos peccat, per lavacrum regene­ dignos reddidisti qui ite­ rationis Sp. Sancti, immitte rum nascerentur ct super In cos tuam gratiam ut tibi quos Sp. tuum S. efTunsentant... quoniam tibi est dls...· Da.., quibus jam gloria Patri ct Filio cum Sp. dedisti remiss, peccat, S. in sancta Eccl. ct nunc etiam αρραβώνα regni tui. Per D.N.J.C. ct in sæc. sæc. Amcn. Induti ordi­ nantur per ordi­ nem. Et dat ora­ tionem pontifex super eos, con firmans eos cum invocatione sep­ tiformis gratia Spiritus Sancti. Pont.,levata ma­ nu super cap. om­ nium, dicit .· D. omn. Pat. D. N. J. C. qui regene­ rasti... quique de­ disti rcm. pccc., Immitte In cis Sp. S. tuum Pnracl. ct da cis sp. sap. ct Int., sp. cons. ct fort., etc... ct con­ signa cos signo cru­ cis in vitam æternam. Oratione ex­ pleta, facit cru­ cem cum pollice et chrisma In singul. front, dicendo : In nom. P. ct F. ct Sp. S·· pnx tlbl... Et hoc cis envendum est ut non ne· gllgatur, quin tunc omne ! bapt. legiti­ mum christlanit.ttls nomine confirmatur. Pontifex, tincto pollice (n chrismate, facit crucem in Iron te (Formule du sacramentairc gélasien. Signum Christi in vit. ret. amen. Pnx tecum. Et cum spiritu tuo.) § . Baptizatur.... \ Tertia vice baptizatur.. O CANONS D'HII'POLYTH édit. Achclls, can. 132-140 Q v: Postea oleum sancUftrationis infundens de manu ei Imponens in ca­ pite dicat : Vnguco tc sancto oleo in Dom. Pa­ tre omnip. ct Christo J. r l Sp. S, Et consignans cos in frontem ’ Deinde Insignit frontes eorum signo caritatis oscuofferat osculum ct dicat : laitxrque cos dicens : Dominus tecum Dominus vobiscum. Et qul signatus est dicat: Et baplizati respondent Et cum spiritu tuo Et cum spiritu tuo. I AFRIQUE ORftOOR. TRADITIO APOSrOIJCA édit. Connolly» p. 185 w romaine SACRAM. In aqua emun­ dati. Fides ob­ signata in P. d F. et Sp. S. Egressi de lavacro, perun­ gimur benedic­ ta unctione de pristina disci­ plina, qua ungi oleo... in sacer­ dotium sole­ bant. Undo Christus dici­ tur n chris­ mate... Unctio facta est spiri­ tualis quia Sp. unctus est a D. Patre. Dchinc ma­ nus imponitur per benedictio­ nem nd vocans ct invitans Sp. Sanctum...... Tunc, illo SS. Sp.supcr emun­ dat a ct bene­ dicta corpora libens n Patro descendit. MILAN ESPAGNE GAULE De mysteriis, P. L., t. XV!, col. 389-402. S. IS1DOIIK DI! SfcvlfX* Dc cccles, officiis, P. L., t. LXXXIIJ, coi. «20-826. L1HER OflDINUM édit. Férotln, p. 32-37. MissALB norm. P, L., t. ι,χχπ, col. 502-503. Descendisti nd fontem (Trina con (cisio) v, 28. Caput XXV, De bap­ tismo. Ego tc baptizo in nomine P. et F. et Sp. S. Baptizas eum S. A.MIIHOISK 1 xi$s.GAU„vrr. HTM. GOTHICUM. P, L.,1. nxxn, p. L.A. LxxnJI coi. 275. I coi. 369. Dicis : Bapti­ Dum baptizas, | zo te creden­ Interrogas et, ’I tem in nom. diets etc. P. et F. et 1 pS. S. Ascendisti nd sa­ Caput xxvi ,De dirisBaptizato infante, ..accedit cerdotem. Quid mate. ad sacerdotem.,, et crlsmat eum secutum? Nonno Chrismatis unguen­ sacerdos faciens signum crucis illud·* Sicut unguen­ tum Moyses... Erat eo in solo fronte, dicens : tum, etc... Quarc tempore tantum in Signum vitre retenue, quod hoc flat intelllgc... regibus ct sacerdot. dedit Deus Pat. ornnlp. per ut fins electum ge­ mystica unctio... Jam J. C. Filium suum credenti­ nus, sacerdotale ; ... omnis Ecclesia... quia bus in salutem. Arnen. omnes in regn. Dei genus sacerdot. ct re­ ct in sacerdotium gale; ideo post lava­ ungimur gratia spi­ crum ungimur, ut ritali. vi, 29-30. Christi nomine censea­ mur. Suffundis chrisma in fron­ te dicens : D. Pnt. qui te regeneravit per aq. et Sp. S., quique tibi de­ dit erm. pecc. ipse te liniat chrismate suo sancto in vit. xtemam. (Lolio pedum) Accepisti post hœc vestim. cam!, vi. 31. Induitur pes (Lotio pe- ! tis alba, (Lotio pe­ duznj. induitur (Lorlo pe­ dum).Oratio ad vestisalba.2col- | dum) 2 Coffrc- pers riftrant tam. lectiones ad per- |Γ Hones Oft perse­ r c nerunt Lo/n verantiam. Accepisti signa­ culum sj)i ri tn le, spin sap. ct intell., sp. cons, atque vir­ tutis. sp. cognit. atque pi. sp. s. timoris. Et serva quod accepisti. Si­ gnavit te D. Pnt., confirmavit tc Chr. Dom., ct dedit pignus Sp. in cordi­ bus luis, sn,42. I fnfusiochrts- ’ Dum chrisma mre : D. P. D. eum tangis, di­ N. J.-C, qui te cti; Perungo te 1 regenrr. ex aq. chrisma sancti- II ctSp.S. quique tatls_. tunicam | tibi dedit rem. immortalitatis. I pccc. ipse te ut eam in te- 1 linit chrismate gran\ et inliba- i suo sancto, ut tam perferas i habeas vit. set. ante tribunali in sxc. sæc. ChristL Hoc peracto, imponit ei ma­ Caput xxvn. Dc ma­ nuum tmfHssitionc vel nus impositionem,.. Sancte Sp.. confirmatione.... Quo­ qui... Apostolorum... in preca­ niam post baptismum tione vel manuum impositione, pcrcpiscojK) datu Sp. post lavacri festa, tui carisS.cum manuum impo­ matis effusione plena fulsisti,... sitione, hoc in Act. deprecamur ut hos... illa spe­ apost. ajxistolos fecisse ciali benedictione sanctifices ....Da cis sapientiam; da inmeminimus. tell.; da cons.; da fort.: da scient·; da picL.ctc· j CÉRÉMONIES DU BAPTÊME ET DE LA CONFIRMATION DANS LES ÉGLISES D'OCCIDENT I 1355 IMPOSITION DES MAINS arrivant à h confirmation, cette première action du Saint-Esprit a besoin de se compléter et de se parfaire. Et voilà pourquoi, dit saint Ambroise parlant déjà lo langage de saint Augustin, l'âme adhuc qiucrit, adhuc suscitai charitatem, et suscitari sibi eam poscit... Spon­ sum in amorem sui uberiorem desiderat provocari, vu, 40. A quoi le Christ répond en l’invitant à apposer sur son coeur le signaculum... quo fides pleno fulgeat sacra- ! mento..., charitas nulla persecutione minuatur, vn, 41. I EiTet de la tradition du Saint-Esprit que le De sacra­ mentis exprime par une formule parallèle au donum perfectum de saint Augustin : Superest spiritale signa­ culum, quia post fontem superest ut perfectio fiat, quando ad invocationem sacerdotis Spiritus Sanctus infunditur, m, 2, 8. 11 serait facile de montrer cette distinction repro­ duite par les grands docteurs espagnols, saint Isidore de Séville et saint Ildcphonso de Tolède. Voir La consignation dans les Églises d’Occident, dans la Revue d'histoire ecclésiastique do Louvain, 1912, t. xm, p. 276-281. Il n’est pas nécessaire d'insister : cc pre­ mier fait des interventions et des Infusions successives du Saint-Esprit dans les âmes est par trop évident. Et puisque néanmoins la confirmation n'est que la collation spéciale qui est faite du Saint-Esprit après le baptême, l'on ne saurait se contenter, pour reconnaître ce sacrement dans un texte, d’y voir mentionnée une action quelconque du Saint-Esprit. b. Attribution au Saint-Esprit de Γ efficacité de tous les rites, même non sacramentels. — Un second fait, qui se confond presque avec le précédent, est l'attri­ bution au Saint-Esprit de toute l’efficacité des rites chrétiens. Sur cc point encore, il ne saurait y avoir et | il n’y a jamais eu do doute chez les écrivains ecclé­ siastiques. Saint Cyprien appuie sur lui toute son argumentation contre le pape saint Étienne : si le baptême des hérétiques et l’onction qui lo suit lui pa­ rai sscnl inefficaces et invalides, c'est que lo Saint-Esprit ne peut pas y agir : Peccata purgare et hominem sancti­ ficare aqua sola non potest, nisi habeat Spiritum Sanc­ tum: quare aut et Spiritum necesse est ut concedant esse illic ubi baptisma esse dicunt, aut nec baptisma est ubi Spiritus non est, quia baptisma esse sine Spiritu non potest, Episi., lxxiv, 5; et de même : nec unctio i spiritalis apud hicrcticos potest esse,car quomodo potest spiritalia gerere qui ipse amiserit Spiritum Sanctum? Eplst., lxx, 2. Doctrine dont l'affirmation absolue et générallséeee lit en toutes lettres dans saint Ambroise : NULLA POTEST ESSE PLEN A BENEDICTIO NISI PER /.Vfusionem spiritus SANCTI, De Spiritu Sancto,τ,Ί, 89, P. L., t. xvj, coi. 250, et dans saint Augustin : Quomodo ergo et Moyses sanctificat et Dominus? Non enim Moyses pro Domino, sed Dominus visibilibus sacramentis per ministerium suum; Dominus autem iiwlsibill gratia PER SPIRITUM SANCTUM, UDI EST TOTUS FRUCTUS ET! AM VISIBILIUM SACRAMENTORUM. Namsine ista sanctificatione invisibilis gratiir,visibilia sacramenta quid prosunt? Quvest in Heptateuchum, in, 84, P. L., t. xxxiv, coi. 712. Saint Isidoro do Séville la reprend : les sacrements, entendus au sens large qu’a encore cc mot de rites et sym­ boles sacrés, ne sont fructueux qu’à raison do l'activité qu'y déploie le Saint-Esprit : Ideo fruc­ tuose penes Ecclesiam fiunt, quia Sanctus in ea manens spiritus eumdem sacramentorum laTENTER OPERATUR EFFECTUM. Etym., VI, 19, 41, P. L., t. lxxxii, coi. 255. Et il en fait l’application au baptême et à l’onction qui le suit : Baptisma ho­ minem Sancti Spiritus tn/usione vivificat, De fide catholica, n, 24, 4, P. L., t. lxxxiii, coi. 531 ; Per unc­ tionem sanctificatio Spiritus adhibetur. Etym., vi, 19, 51, P. L., t. lxxxii, coi. 256. Saint Ildcphonso de Tolède dit do même : Par l’imposition des mains. 1356 Deus plenitudinem sanctificationis infundit. De cogni­ tione baptismi, 130, P. L., t. xevi, col. 1G5; mais co divin Esprit a commencé son œuvre dans les céré­ monies antérieures : au baptême d'abord, la régéné­ ration et l'adoption divine ont été opérées par lui: Ex lavacri fonte per Spiritum Sanctum geniti in adoptionem filiorum. Ibid., 114. Λ la chrismation ensuite, l'onction du corps, du front, n'est que lo symbole do l'onction intérieurccommuniquée à l’âme par celui que saint Jean appello l'onction invisible : Ab aquis eductus,... prove­ hitur ad sancti chrismatis lactum, ut unguatur Spiritu Dei... Sancto itaque hoc chrismate extrinsecus unguitur homo... Hanc unctionem commendat Joannes dicens: Ut sciatis quia unctionem habetis, et nos unctionem quam accepimus ab eo, permaneat in nobis(lJon.,ii,27). Unctionis hujus sacramentum est virtus ipsa invisibilis, unctio Invisibilis Spiritus Sanctus. Ibid., col. 123-125. Cf. Liber de itinere deserti, 26, P. L., t. xevi, col. 179. Cette doctrine donc doit mettre en gardo contre toute précipitation dans la recherche de la confirmation: Il no suffit point qu'une activité spéciale du SaintEsprit soit rattachée à un rite chrétien pour qu'on ait le droit d’y reconnaître lo ritc propre et essentiel de cc sacrement. Et cetto réserve, cette attention tout au moins est surtout nécessaire quand le rite en question est celui d'une onction. c. Le Saint-Esprit est par lui-méme une onction. — Car c'est la personne même du Saint-Esprit, qui, aux premiers siècles, éveille l'idée d'onction. On la désigne couramment par la métaphore biblique de l'onction; le Saint-Esprit oint les âmes en se communiquant à elles; son action sanctificatrice, lors même qu'elle no comporterait aucun rito matériel et visible, est à elle seule une onction, en sorte que l’huile est la figure et le symbole reconnu du Saint-Esprit et que le SaintEsprit s’appelle, en style imagé, l’huile ou l'onction spirituelle. Ce langage est d’origine biblique. Le Christ lui-même s'applique le verset d’Isaïe, ι,χι, 1 : Spiritus Domini super me : propter quod unxit me. Luc., i v, 18. Son nom même de Christ rappelle l'idéo d’onction. Les fidèles disent à Dieu de son Christ : puerum tuum quem unxisti. Act.,iv,27, et l'onction qu'ils ont en vuo est celle du Saint-Esprit : Unxit cum Deus Spiritu Sancto, précise ailleurs saint Pierre. Act., x, 3. Lo verset du Ps.xuv, 8 : Unxit te Deus, Deus tuus,oleo exultationis, est appliqué au Christ, IIcb.,i, 9, et dans cet oleum exultationis toute l'antiquité a reconnu lo Saint-Esprit lui-même; car, dit expressément saint Augustin, c’est là, dans Γ Écriture, une expression figurée pour le désigner : lUnztZJ non visibili et cor­ porali oleo, sed SPIRITU SANCTO, QUEM SCRIPTURA NOMINE OLEI EXULTATIONIS FIGURATA,ut sold LOCU­ TIONE siGNlFlCAT.Contra Maximum arianum,u,16,3, P. L., t. xiji, coi. 782. Du Christ l’image passe aux chrétiens. Saint Paul rapproche du don du SaintEsprit l’onction, le sceau dont Dieu nous a « marqués· : Qui UNXIT nos Deux,qui et signavit nos et dedit pignus Spiritus in cordibus nostris, 11 Cor.,n, 21-22,et saint Jean parle aussi de · l’onction reçue du Saint, > de •l'onction qui éclaire»les chrétiens: Vos UNCTIONEM habetis a Sancto et nostis omnia... UNCTIO ejus docet vos de omnibus, I Joa., ili,20,23; ce qui manifestement doit s'entendre du Saint-Esprit promis comme de vaut «enseigner toutes choses»aux disciples du Christ. I Joa., xiv, 26. Do l’Écriture ces expressions ont passé dans la littérature ecclésiastique et rien n'y est plus fréquent que la métaphore de l’huile ou de l'onction appliquée à la personne ou à l'action du Saint-Esprit. Unguentum Christi est Spiritus Sanctus,dît saint Am­ broise, De Spiritu Sancto, i, 9, 100-103, P.L., t. xvi col. 728-729, et c’est par unguentum spiritale que dans la parole du Christ,Luc., iv, 18 : Spiritus Dominus super me. 11 traduit Spiritus Domini : Cum ipse Filius 1357 IMPOSITION DES MAINS 1358 Del dicit: Spiritus Domini super me, propter quod unxit nient spécialement destiné à communiquer le Saintmet SPIRITALE SIGNAT UNGUENTUM. Ibid., 103. De Esprit, on a considéré l'onction comme devant en meme la lumière divine répandue dans les âmes est être le rite propre ct essentiel, c’est fort possible et attribuée Indifféremment au Saint-Esprit ou au signa­ cela ne parait pas contestable. Mais il ne suit nulle­ culum spiritale : 3P1IUTU3 SANCTUS dominici vultus et ment de là qu’il en ait toujours été ainsi. Pour l’époque où toute action du Saint-Esprit ct le Saint-Esprit Ignis appellatur et lumen: signatum est in nobis lumen nullus tui. Domine. Quod est ergo lumen slgnaium, nisi lui-même se concevaient comme une onction invi­ sible ayant dans l’huile son symbole naturel; où l'on Illius SIGNACULI spiritalis, in quo credentes SIGNATI parlait couramment d'huile spirituelle, d'onction du estis spiritu promissionis sancto?i,VI, 149.Carc’cst Saint-Esprit, là même où la possibilité d'une onction la personne même du Saint-Esprit qui est le sceau spirituel des Ames : Signati Spiritu a Deo sumus... quod I matérielle et visible se trouvait exclue, Il serait Illo­ est utique spiritale SIGNACULUM, ι,0>,79. Et la raison ! gique ct arbitraire de conclure soit qu'une onction en est que lui seul peut graver en nous l’image divine: visible existait partout où il est question d'une onc­ In corde signamur, ut Spiritus Sanctus exprimât in tion du Saint-Esprit, soit que la collation du Saintnobls imaginis cu lestis effigiem... Ut sciamus cordis hoc Esprit propre nu sacrement de confirmation doive esse signaculum, docet propheta : Signatum est in nobis ■ être reconnue partout où il est question d’une onction lumen vultus tui, Domine, i, G, 79-80. | visible accompagnant ou symbolisant une œune de Aussi, nu sujet do faction sanctificatrice que saint sanctification attribuée à ce divin Esprit. d. Le rôle de la chrismation post baptismale. — Un Jean-Baptiste reçut du Saint-Esprit dès lo sein de sa mère, le même saint docteur parle-t-il tout naturelle­ quatrième fait, dont la méconnaissance ou l’oubli ment do son onction: UNGEIiatvr. Expos, in S. Luc., contribue, plus que les précédents peut-être, à entre­ n, 23, P. L., t. xv, col. 15G1-15C2. De même, dans I tenir la confusion ct la diversité des opinions en cette le De poenitentia, n,3,18: la grâce de l’adoption divine matière est la présence parmi les rites accompagnant perdue par le péché et recouvrée par la pénitence est la baptême, voir le tableau précédent, d'une onction qui a toujours été considérée comme le symbole d’une 10 Sancti Spiritus signaculum. P. L., t. xvi, col. 500. action profonde du Saint-Esprit dans les âmes ct qui, Optat de Milèvc, iv, 7, parle aussi du spiritale oleum, cependant, à l’époque même où on lui attribuait le dont Dieu le Père oignit son Fils après le baptême plus d’importance, n’était certainement pas rattachée dans le Jourdain : Apertum est culum, Deo Patre ungente, spiritale oleum statim sub imagine columbæ au sacrement de confirmation. C’est l’onction du descendit et insedit capiti ejus ct perfudit eum; oleum saint-chrême, ou la chrismation, qui était faite aux digestum est, unde capit dici Christus, quando uncius baptisés immédiatement après l’ablution baptismale ct qui n’a jamais cessé de se pratiquer dans l’Église. est a Deo Patre. Corpus de Vienne, p. 113. Dans Orosc, L'usage-en remonte jxiur le moins au n· siècle. Théo­ Liber apologeticus, xm, le Saint-Esprit qui habite dans le Christ est appelé tout simplement ipsum sancti­ phile d'Antioche, Ad Autolycum, i, 1, 2, y fait peutficationis unguentum. Corpus de Vienne, p. G27-G28. être allusion, quand il explique le nom de chrétien : Quant à saint Augustin, pour qui l’huile est dans Τούτου είνεχεν καλούμεθα Χριστιανοζ οτι χριόμεΟα l’Écriture l'image consacrée pour désigner le Saint- έλαιον θεού. P. G., t. μ, coL 1041. Tertullien, De bap­ Esprit, c'est ex professo qu’il parle de l'onction qu’en tismo, mi, cnparle comme d'un rite consacré au même titre que l’ablution ct l'imposition des mains. Saint a reçue le Christ, non pas, comme le disait Optat do Milèvc, à son baptême, mais nu moment même de Ambroise la commente de même. De mysteriis, m, l’incarnation : De illo scriptum est (Act., x, 38) quoniam 29-30. Optat de Milèvc la signale parmi les rites du UNXIT EUM MEUS SPIRITU sancto. Non utique oleo baptême chrétien dont il retrouve la figure dans le visibili, sed dono gratia, quod visibili significatur un­ baptême du Christ : Lotus.... unctus.... manus imposita, guento quo baptizatos ungit Ecclesia. Nec sane tunc iv, 17. Corpus de Vienne, p. 113. Saint Augustin la UNCTUS EST CHRISTUS spiritu sancto, quando super mentionne aussi en parlant d'un enfant miraculeu­ cum baptizato velut columba descendit,... sed ista sement rappelé à la vie afin qu’il reçut le baptême : mystica ct iNVisiiiiu unctione tunc intelligendus est Baptizatus est, unctus est, imposita est ci manus, Serm.; cccxxiv, P. L., t. xxxvn, col. 1447; ct le tableau des unctus, quando Verbum caro (actum est. De Trinitate, xv, 4G, P. L., t. xld, coi. 1093. Et dans lc Contra cérémonies du baptême ct de la confirmation permet Maximum arianum, n, 1G, 3, à propos de cct oleum de constater qu'elle fut toujours en usage dans toutes les Églises d’Occldent. exultationis métaphorique auquel participent tous les membres du Christ, ibid., col. 782, il répète que a. Haute idée que s'en est faite toute Γantiquité. — le Christ reçut de son Père la plénitude de cette onc­ On ne saurait exagérer la haute idée que l’antiquité tion : A Deo Patre UNCTUS est filius, quia sic homo chrétienne a eue de cette onction, qui était considérée factus est ut maneret Deus,QUA UNCTIONE PLENUS erat, comme le complément nécessaire du baptême. Ungt id est. Spiritu Sancio. Ibid., col. 783. Saint Jérôme écrit quoque nccesse est eum qui baptizatus est, écrivait de même: Super omnia unguentorum genera est unguen­ saint Cyprien. Epist., lxx, 2. Au rapport de saint Jé­ tum spirituale, quod vocatur oleumexultationis, quo ungi rôme, il n'était pas plus pennis à un prêtre ou à un lur Salvator,ct dicitur ad eum: Propterea unxit te Deus, diacre de procéder nu baptême sine chrismate que de etc. Comment, in Habac., n, 3, P. L., t. xxv, coi. 1325. le faire sans l’autorisation de l’évêque. Contra lucifeIl est donc incontestable que, la personne même rianos, 9, P. L., t. xxui, col. 1G5. Le concile d'Orango du Saint-Esprit étant couramment désignée par en 441 prescrit à tout ministre du baptême d'accom­ la métaphore de l'huile ou de, l’onction, sanctifier, plir la chrismation : Nullum ministrorum qui bapti­ consacrer, dans le langage de l’Écriture ct de l’Églisc, zandi accepit officium, sine chrismate usquam debere c’est oindre du Saint-Esprit ct parler de cette onction progredi. Can. 2, Mansi, t. m, coi. 435. Si, pour un invisible n'est donc point insinuer ou supposer une one motif quelconque, la chrismation a été omise, on devra tion visible correspondante. Que cette terminologie ait en prévenir l'évêque au moment de la confirmation: provoqué l'addition d’une onction visible aux rites do De co autem qui in baptismate, quacumque necessitate la sanctification ou de l’onction spirituelle, comme faciente, non chrismalus fuerit, in confirmatione sa­ 11 est arrivé de très bonne heure pour le baptême ct cerdos commonebitur. On se préoccupait de la validité plus tard pour la confirmation ou même l'ordination; de cette onction : faite par un prêtre dont l'ordina­ tion était douteuse, ou par un diacre, produisait-elle que par là encore s’explique la facilité avec laquelle, lorsque s’est dégagée ct précisée la notion d'un sacre- | son effet? Lettre de saint Eugène de Tolède à suint 1359 IMPOSITION DES MAINS 1360 coi. 782; De civitate Dei, xvn, 4, 9; Contra litteras Brnulio de Saragossc ct réponse de cc dernier, P. L., Petitioni, n, 104, 238-239, P. L.. t. xun, coi. 341. t. i.xxxvn, col. 403-410. Le titre de chrétien en dépen­ dait : An rtete christicolæ vocitentur, s'enquerait Aussi, sauf à ne pas donner au mot sacrement lo sens l’évêque do Tolède. L'onction postbaptismalo est propre qu’il a reçu depuis, toute l’antiquité a souscrit à l’affirmation devenue classique do saint Augustin: 1 onction propre du chrétien : Christianus, quantum. Interpretatio est, de unctione deducitur, écrivait Ter- SACRAMENTUM CHRISMATIS... QUOI) IN GENERE V/SItullicn, A polo get., 3, cl les docteurs le répètent : Ungi BIUUM SIGNACULORUM SACROSANCTUM EST. Contra quoque nccesse est eum qui baptizalus est, ut accepta litteras Petihani, n, 104, 238, col. 341. Au sens géné­ chrismate, id est unctione, esse unctus Del possit. rique ct ancien du mot qui permettait do voir un S. Cyprien, Epist., lxx, 2. Omnes unctos ejus chrismate sacramentum, dans lo sel donné aux catéchumènes, chrtstos possumus dicere; quod tamen totum cum suo le chrêrno est avec le baptême ct l'eucharistie, le capite unus est Christus. S. Augustin, De civit. Dei, type par excellence du sacrement; au sentiment de xvn, 4, 9. Christus unctus interpretatur.... Christum saint Isidore de Séville ils en réalisent tous trois la et ex eo Christianos, id est, unctum ct cx eo unctos. Orose, définition : Surit autan sacramenta baptismus, erisma, HUI. adv. pag., vi, 20, 7. L'onction fait du chrétien corpus et sanguis. Elym., νι, 19, 39, P.L., t. ι.χχχπ, un oint, un christ. Comme lo nom do chrêrno rappelle col. 255. Pour prouver la vénération dont Γ Église celui de Christ, la chrismation représente lo caractère entourait le chrême, il suffit de rappeler la solennité royal ct sacerdotal, que le baptisé reçoit en partici­ avec laquelle elle en a toujours fait ct fait encore la pation de celui du Christ, scion l’interprétation de consécration. Voir t. ni, col. 2108. Les liturgies orien­ Tcrtulllcn : Egressi de lavacro perungimur benedicta tales ct occidentales n’ont pour aucune autre béné­ unctione de pristina disciplina, qua ungi oleo de cornu diction do plus grandes marques do respect. Lo Pon­ In sacerdotio solebant, ex quo Aaron a Moyse unctus tifical romain prescrit à Févèquo ct aux prêtres qui est, unde Christus dicitur a chrismate quod est unctio. l’assistent une triple génuflexion avec l'acclamation : De baptismo, 7. Tran mdse par la tradition, cctto inter­ Ave sanctum chrisma. Saint Cyprien, Epist., lxx, 2; prétation est absolument classique. Le tableau précé­ saint Cyrille de Jérusalem, Cat., xxi, 3, P. G., t. xxxm, dent permet de le constater pour saint Ambroise. 11 col. 1092, le pseudo-Dcnys l'Aréopagite, De eccles. faudrait des colonnes pour citer les exemples recueillis hierarchia, iv, P. G., t. ni, col. 473, n’hésitent pas ù au hasard : nous en avons cité quelques-uns dans comparera consécration à celle du corps ct du sang du La consignation à Carthage ct d Dome, des Recherches Christ. Le concile romain de 769 le range avec les quatre de science religieuse, juillet 1911, p. 364-365. Saint Évangiles ct les autres saints mystères, c'cst-à-dire Isidore de Séville, qui résume toute l'antiquité, peut l'eucharistie, au nombre des choses sacrées sur les­ suffire ù en donner une idée. Chrismatis unguentum quelles on prête un serment solennel lors de l'élection Moyses primum in Exodo, jubente Domino, ct com­ du pape: Affertis (ou: assertis) quatuor Evangeliis, ct posuit et conjecit, quo primi Aaron ct filii ejus in tes­ venerabili chrismate, ct celeris mysteriis. Mansi, t. xn, timonium SACERDOTII ET SANCTITATIS PERUNCTI coi. 717. Au xiii0 siècle enfin, Alexandre de Halés sunt. Deinde quoque et reges eodem chrismate considère encore Je saint-chrême comme étant en luisacrabantur unde et CHRISTI nuncupabantur.... même ct antérieurement ù toute onction un sacrement Eratque eo tempore tantum in regibus et sacerdotibus permanent. Summa theol., part. IV, q.ix, m.n, a. 1, §3; mystica unctio, qua Christus prœfigurabatur; unde ct a. 2, §4. La chrismat ion a donc eu aux yeux de toute ipsum nomen a chrismate dicitur. Sed postquam Do­ l'antiquité chrétienne une importance exceptionnelle minus noster verus rex et sacerdos udemus a Deo Patre β. Action du Saint-Esprit qui s'y rattache. — La cxlestl ac mystico unguento est delibutus, jam non chrismation a été aussi considérée comme le symbole solum pontifices et reges, sed omnis Ecclesia unctione d'une action spéciale du Saint-Esprit. Il suffit do sc chrismatis consecratur, pro eo quod membrum est rappeler le rapport qu'on établissait entre elle ct ÆTERNI REGIS ET SACERDOTIS. Ergo QUIA GENUS l'onction du Christ par le Saint-Esprit; les explications deTcrtulllcn touchant l'onction qui carnalilcr currit,sed SACERDOTALE ET REGALE SUMUS, ideo post lavacrum, ungimur ut Christi nomine censeamur. De eccl. of]., spiritaliter proficit, De baptismo, Ί; l'argumentation 1. II, c. xxvi, 1-2, P. L., t. lxxxiii, coi. 823. Cf. Elym., de saint Cyprien que unctio spiritalis apud hœrelicos 1. VI, c. xix, 50-52, t. lxxxilcoI. 256, où il exprime la (non) potest esse, car quomodo potest spiritalia gerere même idée en transcrivant Tcrtulllcn· Cf. aussi, De fide qui ipse amiserit Spiritum Sanctum? Epist., lxx, 2; cathol.cont. jud.,\. Il, c. xxv, 1-2, t.xxxxm, col. 533. l'affirmation expresse de saint Augustin que le SaintLa chrismation, en un mot, sans être une partie Esprit ou le donum gratiœ, dont le Fils de Dieu reçut essentielle du baptême, en complète le symbolisme; 1 l’onction, visibili significatur unguento quo baptizatos elle correspond pour lo chrétien à l’onction mysté­ ungit Ecclesia, De Trinitate, xv, 46; l'interprétation rieuse conférée par Dieu le Père à son Fils, soit au qu'en donne saint Ambroise : in sacerdotium ungimur moment de l'incarnation, S. Augustin, De Trinitate, gratia spiritali, voir plus loin; l'explication de saint xv, 46, soit nprès le baptême dans le Jourdain, Tcr­ Isidore de Séville que, comme les autres sacramenta, tulllcn, De baptismo, 7; Optat de Milève, iv, 7; elle ideo fructuose penes Ecclesiam fit, quia sanctus in ea exprime l'œuvre de sanctiÜcation accomplie dans (Ecclesia) manens Spiritus eumdem sacramenti ope­ 1 àmo du baptisé par le rite générateur : Chrisma ratur effectum, Etym., \ί, 19, 41, P. L., t. lxxxii, grace, latine unctio nominatur, ex cujus nomine et I coi. 255, ou que per unctionem sanctificatio spiritus Christus dicitur et homo post lavacrum sanctificatur; adhibetur, ibid., 51, col. 256; celle enfin, de saint Ildcnam sicut in baptismo peccatorum remissio datur, ita phonsc de Tolède, qui résume toutes les autres, que fier unctionem sanctificatio spiritus adhibetur, S. Isidore le baptisé, au sortir do l’eau, provehitur ad sanett de Séville, Elym., vi, 19, 50-51, P. L., t. Lxxxn, chrismatis tactum, ut unguatur Spiritu Del et sit atque coi. 256; cf. De fide catholica, n, 25,2, P. L., t. lxxxiu, vocetur ex Christi unctione et nomine Christianus. De coi. 534, et l'incorporation du chrétien au Christ : cognitione baptismi, 122, P. L., t. xcvr, coi. 162. Christus a chrismate. Non solum autem caput nostrum γ. Cette onction est incontestablement rattachée au unctum est, sed et corpus ejus nos ipsi. Ideo ad omnes baptême. Or, cette onction, dont l'usage est si an­ hnstianos pertinet unctio.... Inde apparet Christi cien, qui touche aux traditions de ΓÉglise universelle, corpus nos esse, quia omnes ungimur. S. Augustin, qui compte parmi les sacramenta ou les sacrosancta Enarr. in ps. XXVI, 2. P. L.. t. xxxvi, coi. 200. Cf. signacula les plus vénérée; dont la signification est Contra Maximum ari anum, n, 16, 3, P. L., t. xlu. si élevée, ct à laquelle correspond une Intervention si 13G1 IMPOSIT ION DES MA INS marquée du Saint-Esprit, pour autant qu'on s’est préoccupé jadis do distinguer dans les cérémonies de l'initiation chrétienne deux sacrements proprement dits, a toujours été rattachée, en Occident, non pas à la confirmation, mais au baptême. Pour sVn rendre compte, il n’y a d'abord qu'à jeter un coup d'œil sur le tableau précédent. La chrismation a constitué partout avec l’ablution un groupe naturel que, dans les liturgies romaine ct milanaise tout au moins, une cérémonie intermédiaire, la vêturc des habits blancs, ct en plus à Milan le lavement des pieds, séparaient de l'imposition des mains de l’évêque. En outre, les formules qui l’accompagnent présentent toutes le même trait essentiel : après la rémission des péchés obtenue par le baptême, l’onction est le «signe du salut pour la vio étemelle. > Les commentateurs de la liturgie baptismale lui donnent le même sens : Tcrtulllcn, saint Ambroise et saint Isidore de Séville sont d'accord pour y reconnaître l'onction royale ct sacer­ dotale conférée à tout baptisé par le fait de son incor­ poration au Christ. Pour les Eglises d’Espagne où la cérémonie intermédiaire delà vêturc des habits blancs fait défaut ct où, d'après le Liber ordinum, l’enfant plongé nu dans la piscine était rhabillé avant de rece­ voir l’onction, le parallélisme des formules et des interprétations suggère de rattacher l'onction au baptême : on n'a pas connaissance qu’elle ait été jamais rattachée à la confirmation. Église d'Afrique. — Les attestations des écrivains ecclésiastiques permettent d’ailleurs, à elles seules, do résoudre le problème. Aucun doute n'est possible, pour l'Église d’Afrique. Voir La consignation à Car­ thage ct û Rome, loc. cit., p. 352-358. Tcrtulllcn dit trop clairement, De baptismo, 8, que ce n'est qu’après la chrismation qu'on impose les mains pour appeler lo Saint-Esprit : DBUINC, manus imponitur per bene­ dictionem advocans ct invitans Spiritum Sanctum. Saint Cyprien, dans toute sa polémique contre le pape saint Étienne, suppose que l'onction est rattachée au baptême : Rome ne la réitère pas aux convertis de l’hérésie, ct l’évêque de Carthage demande pour clic comme pour l'ablution comment on peut en admettre la validité chez les hérétiques. Pas plus que le baptême elle ne saurait avoir de valeur que par la communication du Saint-Esprit, ct puisque, néan­ moins, on renouvelle l’imposition des mains pour communiquer le Saint-Esprit aux hérétiques con­ vertis, on suppose donc qu'ils ne l’avalent pas reçu et l’on sc met ainsi en contradiction. Or une telle argu­ mentation suppose à la fois ct qu’on prend parti pour ou contre la réitération de l’onction en prenant parti pour ou contre celle de l’ablution, ct que, aux yeux de saint Cyprien, le rite propre do la collation du Saint-Esprit spéciale à la confirmation ne comporte pas la chrismation. Voir l’article cité plus haut ct l'adhésion donnée à celte démonstration, par dom de Puniet dans la Revue d'histoire ecclésiastique, Louvain, 1912, t. xrn.p. 453. 11 en était encore de même, en Afrique à l'époque de saint Augustin. Lui ct saint Optat affirment que l'onction suivait l’ablution et précédait l’imposition des mains.Voir plus haut, col. 1358. La signification do Ponction aussi, nous l’avons vu, restait la même ù leurs yeux. Saint Optai, vn, 4, lui reconnaît comme effet propre de préparer l'âme à recevoir le SaintEsprit, qui, pour répondre à l’invitation faite ensuite parla prière de l’imposition des mains, de venir habiter dans l'âme, attend que le séjour lui en ait été ainsi rendu agréable. Oleum simplex est et nomen suum u nu in et proprium habet; confectum jam chrisma voca­ tur, in quo est suavitas, quœ cutem conscientia· mollit, exclusa duritia peccatorum; animum innovat lenem, SEDEM SPIRITUI SANCTO PARAT, iit INVITATUS ILLIC, 13G2 asperitate fugata, libenter inhabitare dignetur. Corpus de Vienne, p. 175. C'était déjà la pensée de Tertullicn : le baptême ct l'onction précèdent, ct alors, tunc ille Sanctissimas Spiritus super emundata ct benedicta corpora libens a Patre descendat. De bap­ tismo, 8. Saint Augustin, d’autre part, rattache aussi nettement que Tertulllen ou saint Cyprien à l’impo­ sition des mains F effusion du Saint-Esprit qui con­ tinue dans l'Église celle que les apôtres assurèrent aux baptisés de Samarie. A l'égard de la chrismation des hérétiques, il a pris une attitude opposée à celle de saint Cyprien : il a adopté lo point de vue romain. Comme saint Optat, rv, 4, Corpus de Vienne, p. 174175, il reproche aux donatistes do la réitérer aux catholiques qui passent chez eux. De baptismo, n, 10, 21 ; Contra litteras Pétillant, n, 103, 237; 10*1, 239. Les catholiques, au contraire, ne la renouvellent pas plus que le baptême aux convertis de l'hérésie, tandis qu’ils leur renouvellent (pour le sens, voir Absolution ou confirmation? la réconciliation des hérétiques, dans les Recherches de science religieuse, juillet 1914, p.370sq.) l’imposition des mains pour la communica­ tion du Saint-Esprit : Propter charilatis copulationem, quod est maximum donum Spiritus Sancti, manus hæreticis correctis imponitur... Manus impositio, non sicut baptismus, repeti non potest. De baptismo, v, 23,33; m, 16,21, P. L., t. xun, coi. 149,193. Dans le baptême, en effet, dont il dit que» à la différence de l’imposition des mains, il ne saurait être réitéré, il comprend toutes les autres cérémonies qui l'accom­ pagnent. Cela ressort des paroles citées, mais cela se lit en propres termes dans le court traité De baptismo contra donatistas, édité par dom Wihnart. Revue bénédictine, 1912, p. 157 sq. Comme il n’y a eu qu’un déluge, que ce no fut qu’après le déluge que le Saintl Esprit descendit sur les eaux sous la forme d'une colombe ct que cette colombe revenant à l'arche, n’a porté qu’une fois en son bec une brindille d’olivier, ainsi ce n'est qu’une fois que l'on baptise ct que le Saint-Esprit, symbolisé par la colombe, agit par une chrismation symbolisée par la brindille d’olivier : Da mild secundum diluvium, oui secundam columbam. Unum diluvium, una columba, unus ramus; unum baptisma, unus Spiritus, unum chrismatis sacramen­ tum, p. 158. La colombe de l'arche, en n’apportant qu'une fois la brindille d’olivier, condamne lo donatistc, car cc rameau est le s y mbole du chrême : Accusai te illa columba una fou mieux : uno) contenta gesta­ torio rami frondentis. Emissa est iterum de arca, et alte­ rum ramum non reportavit,quia suffecit ei quod unum semel sub uno sacramento vectavit. Labia columbar tenentis ramum tanquam duo sunt testamenta frondosa tenentia chrismatis Christi mysterium. Ibid. Église de Rome. — De la pratique de l’Église d’Afri­ que il serait légitime de conclure ù celle de l’Église de Rome: on admet volontiers qu’il y a toujours eu entre ces deux Églises concordance liturgique, ct l’argu­ mentation de saint Cyprien contre le pape nous a déjà fourni la preuve qu'on n’y renouvelait ni la chrismation ni le baptême, quoiqu’il y fût prescrit de réitérer aux convertis de l'hérésie l’imposition des mains. Si l'on admet d’ailleurs que la Tradition aposto­ lique et les Canons d'Hippolyto représentent réelle­ ment l'usage romain, la preuve est évidente. La chrismation y est rattachée au baptême : ce n’est qu’après avoir repris leurs vêtements, que les baptisés sont introduits dans l’Église pour y recevoir lo SaintEsprit par l’imposition des mains. Pour l’époque de saint Augustin, la réponse du pape saint Innocent Ier à l'évêque Decentius est formelle : la chrismation qui suit le baptême n'a aucun rapport avec la contirmalion; elle est faite par Je prêtre qui baptise, ct c'est par un autre rite réservé ù l'évêque que se 1363 IMPOSITION DES MAINS donne la confirmation. Denzlnger-Bannwart; n. 98. Église de AJ dan. — La conception milanaise est la même. L'ordre des cérémonies est le suivant : baptême, onction, lavement des pieds, vêturc des habits blancs, tradition du Saint-Esprit. Le Sacra­ mentelle de Bergamo ne va pas au delà de l’onction, mais il est évident que celle-ci ne représente pas pour lui la confirmation. La formule qui l’accompagne y est la même que celle du De sacramentis. Or, dans ce traité comme dans le De mysteriis, la chrismation est une cérémonie complémentaire du baptême. Voir plus haut, col. 1353. La vêture des habits blancs ct le lavement des pieds la séparent de l'imposition des mains. Saint Ambroise, De mysteriis, \ί, 29-30, n’en donne que l’interprétation classique : onction royale ct sacerdotale conférée à toutes les âmes renou­ velées dans le Christ; le De sacramentis, ni, 1, 1, P. L., t. xvT, col. 431, en rattache explicitement l'explica­ tion à la régénération : Accipts μύρον, hoc est, un­ guentum supra caput. Quare supra caput?.... Hœc rege­ neratio dicitur. Dans les deux cas, tout rapport direct avec la confirmation est exclu. La collation spéciale du Saint-Esprit no se fait qu'après les deux céré­ monies intermédiaires, ad invocationem sacerdotis, dit lo De sacramentis, in, 2, 8, par un rite comportant l’invocation à l'Esprit septiforme, De mysteriis, vu, 42; De sacramentis, in, 2, 8-10, qui, dans toutes les Églises d’Occidcnt est la formule propre de l'imposi­ tion des mains. Églises d'Espagne. — Quoi qu’en pensent dom Férotin, Liber ordinum, p. 34, note 1, dom de Puniet, Onction et confirmation, dans la Revue d*histoire ecclé­ siastique do Louvain, 1912, t. xm, p. 455, on no peut douter que l’onction ne se rattache ici encore au bap­ tême. Le Liber ordinum, bien qu'il n'indique pas de cérémonie intermédiaire, attribue formellement· à l'imposition des mains la collation du Saint-Esprit propre à la confirmation : Per impositionem manuum promerentes Spiritum Sanctum, est-il dit des futurs baptisés dans la bénédiction de l'eau, p. 31. Puis la formule do l’imposition des mains ne permet aucune méprise sur le sens do ces mots. Comme dans les autres Églises d’Occidcnt, elle est une invocation à l’Esprit septiforme, dont la communication est celle même quo les apôtres jadis procuraient eux aussi en imposant les mains. Voir plus haut, col. 1353. C'est alors que le Saint-Esprit descend ad invocationem sacerdotis, ainsi que l’expliquent saint Isidore de Séville ct saint Ildcphonsc do Tolède. Quel que soit l’effet de sancti­ fication et de rénovation spirituelle attribué par eux ù la chrismation, voir plus haut, col. 1355, ce n’est néanmoins qu’à l’imposition des mains qu’ils attri­ buent la collation du Saint-Esprit rattachée dans les Actes à celle des apôtres : Manus impositio, écrit saint Isidore, ideo fit ut per benedictionem advocatus invitetur Spiritus Sanctus. Et, citant ou paraphra­ sant Tertulllcn, Dc baptismo, 8, il précise que tunc ille Paracletus, post mundata et benedicta corpora libens a Patre descendit. Etym., vi, 19, 54, P. L., t. lxxxh, coi. 256. Ailleurs, De eccl. officiis, n, 27, 1, il explique que le pouvoir qu’ont les évêques dc donner ainsi le Saint-Esprit est fondé sur celui des apôtres, quo­ niam post baptismum per episcopos datur Spiritus Sanctus cum manuum impositione, hoc in Actibus apostolorum apostolos fecisse meminimus. P. L., L Lxxxin, coi. 824. Il prouve en outre que ce pou\oir est exclusivement propre aux évêques par la lettre du pape saint Innocent Ier, dans laquelle est énoncée la distinction dc la chrismation permise aux prêtres ct dc la confirmation réservée aux évêques. Saint Udephonsc n’est pas moins explicite. Dans son De cognitione baptismi, il s’étend d’abord sur la vertu de H chrismation et sur l’onction intérieure du Saint- 1364 Esprit qui y correspond, 122-125, mais cc n’est qu’aurès une transition sur l’inégale distribution de l’Esprit, 126-127, qu’il arrive au < don > qui en est fait par les évêques comme par saint Paul aux néophytes d’Éphèsc ct par les apôtres aux baptisés dc Samaric. Quand il traite ensuite, 128-130, dc l’imposition des mains, il ne prononce pas même le mot d’onction ct il attribue formellement le don du Saint-Esprit au rite qui continue celui des apôtres : A sacerdote fidelibus cum benedictione manus imponitur... ut in benedictione oris ejus Spiritus infusio prodeat ct in manus impost- ' tione tactus spiritalis graliæ convalescat. Post baptis­ mum opportune datur cum manus Impositione Spiritus Sanctus; ita enim (n apostolorum Adis Apostolus fecisse monstratur. P. L., t. xevi, coi. 165. Π cite enfin les Actes, κιχ, 1-7; νπι, 14-17, puis il paraphrase la parole dc saint Augustin, également commentée par saint Isidore, De eccl. officiis, n, 27, 3. Spiritum Sanc­ tum ex nostra potestate dare non possumus, sed ut detur Dominum invocamus, 130, coi. 165; c’est encore une manière dc rattacher cette collation du Saint-Esprit à la prière dc l’imposition des mains. 11 prouve enfin, 131, que donner ainsi le Saint-Esprit est le privilège des évêques ct il cite une fois encore la lettre d'innocent Ier à Decentius. En faut-il davan­ tage pour établir l’accord dc Rome et dc l’Espagne à rattacher la chrismation au baptême? Le canon 20 du concile dc Tolède, en 400, l'établit également. Comme saint Innocent Irr, il n'autorisc le prêtre à faire l’onction qu’en l'absence de l’évêque ou si l’évêque le charge dc procéder lui-même au baptême : Presbyteris sive extra episcopum, sive prœscnte episcopo, cum baptizant, chrismate baptizalos ungere licet, dit la lettre à Decentius, et le concile de Tolède : Statutum est diaconum non chrismare, sed presbyterum, absente episcopo, prœscnte vero, si ab ipso fuerit prœccptum. Lauchcrt, Die Kanones der wiehligsten altkirchl. Konzilien, p. 181. Prescription reproduite dans les Capitula dc Marlin de Braga : Presbyter, prœscnte episcopo, non signet infantes, nisi forte a b episcopo fuerit illi prœscriptum. Mansi, t. ix, col. 856. C’est à tort, en effet, que dans la permission ainsi accordée aux prêtres dc procéder à la chrismation on a voulu voir celle dc procéder à la confirmation. On a oublié ainsi d’une part que l’usage antique attesté par saint Jérôme, Contra luci/erianos, 9, P. L., t. xxm, col. 165, et rappelé par saint Braulio dc Saragosse, Epist. adEugcnium Toletanum, III, P.,L. t.Lxxxvn,col. 407, exigeait aussi normalement la permission de l’évêque pour qu'un prêtre pût procéder au baptême, ct d’autre part que, même faite par un diacre, la chrismation était considérée comme valide. Jbid., 6, col. 408-409. Le 7· canon du IIe concile dc Séville en 619 exclut d’ail­ leurs positivement l'identification dc la chrismation avec la collation du Saint-Esprit propre à la confir­ mation. Dans l’énumération des fonctions normale­ ment interdites aux prêtres, il signale à part, comme distinctes ct séparées, la chrismation des baptisés ct le don à leur faire du Saint-Esprit par l'imposition des mains : Non liccrc eis... per impositionem manus fidelibus baptizatis vel conversis ex hivresi Paracletum Spiritum tradere, ncc chrisma conficere, nec chrismate baplizatorum frontem signare. Mansi, t. x,coi. 550. Églises de Gaule.- Dans ces Églises, le parallélisme avec les autres liturgies suggère dc rattacher la chrlsI motion au baptême. Voirie tableau précédent. Comme dans toutes les autres, lu chrismation suit immédiate­ ment l’ablution; les formules qui l'accompagnent, au moins dans deux des trois missels, sont Identiques, à quelques variantes près, à celles des Sacramcntaîres 1 romains, du Sacramentaire de Bergamo et du De sa­ cramentis. Voir le tableau plus développé dans la I Revue d’hist. ecclésiastique de Louvain, 1912, t. xni, 1365 IMPOSITION DES MAINS p. 300-301. Celle du Mlssale gothicum en diffère davantage; mais l'onction du saint-chrême y est aussi nettement indiquée, cl le rappel dc l’onction du Christ par son Pèro ne fait qu’énoncer lo symbolisme uni­ versellement attribué à ccttc cérémonie. Pas plus qu'ailleurs, il n’y a aucune allusion à une venue spé­ ciale du Saint-Esprit. Comme à Milan ou à Rome, la chrismation est suivie du lavement des pieds ou do la vêturo des habits blancs, ou des deux à la fois. Le parallélisme est donc parfait jusque-là. Il cesse ensuite totalement ; aux lieu et place dc l’imposition des mains, qui partout ailleurs fait suite aux cérémonies inter­ médiaires, on lit une ou plusieurs oraisons pour la persévérance, qui ne renferment aucune allusion au Saint-Esprit ct auxquelles rien ne correspond dans les autres liturgies. Aussi cette interruption brusque du parallélisme, toute naturelle, si, comme l’ont suggéré entre autres M. Lejay, art. Ambrosien (rit) du Dictionnaire d'archéologie chrétienne^. i,col. 1432, note 8, ct dom Wilmart, art. Bobbio (missel de), Ibid., t n, col.961 ; cf. Bévue bénédictine, 1909, p.284, note3, ces trois missels, au lieu d’être des livres épiscopaux, servaient aux simples prêtres, qui n’avalent pas le droit d’imposcr les mains pour communiquer le Saint-Esprit, no saurait-elle infirmer les conclusions que cc parallélisme suggère sur le caractère dc la chrismation. Λ une époque relativement récente, dans une liturgie par ailleurs si semblable à celle des Églises qui l’entourent ct dont clic dérive (la liturgie milanaise, d’après Mgr Duchcsnc. Origines du culte chrétien, p. 85-89, et Revue d'histoire et de littérature religieuses, 1900, p. 31 sq.; l’espagnole, d’après dom Férotin, Liber mozarabicus sacramentorum, Avantpropos, p. ix-x, ct d’autres) il serait par trop étrange qu’une onction, en correspondance si parfaite avec celle qui dans ces autres liturgies n’est qu’un complé­ ment du baptême, fût considérée comme y étant étrangère ct représentant à elle seule le sacrement qui sc confère par l'imposition des mains. D’autant plus que, dans cette Église, nous en avons la preuve par scs écrivains, l’imposition des mains est connue comme le rite propre de la collation du Saint-Esprit, ct la chrismation, par contre, est interprétée, comme partout en Occident, au sens d’une incorporation nu Christ ou d’une participation à sa dignité royale ct sacerdotale. Dc l'imposition des mains, saint Hilaire dit, à propos des impositions des mains faites par le Christ aux enfants : Munus ct donum Spiritus Sancti per impo­ sitionem manus cl precationem erat gentibus largiendum. Comment, in Matth., xix, 3, P. L., t. ix, coi. 1024. On remarquera la mention simultanée do la prièro ct dc l’imposition des mains. Leur union est constante en Occident pour la tradition du Saint-Esprit. Et si l’on observe que saint Hilaire insiste ailleurs sur le caractère « septiforme » dc cc munus Spiritus Sancti accordé aux gentils : cujus septiforme munus est;... ad donum Spiritus septiformis vocantur; qu’il voit dans cc nombre le symbole de la plénitude de sa communi­ cation : redundans et multiplicata septiformis Spiritus copia... fil saturatis nobis ditior semper ct plenior, ibid., xv, 10, col. 1007, on aura de la peine à croire que la precatio jointe à Vimposilio manus ne soit pas ccttc Invocation dc l’Esprit qui sc trouve dans toutes les liturgies occidentales. Et il serait vain, pour éluder la valeur de ce témoignage, d’objecter que saint Hi­ laire · parle ici des temps apostoliques; » son affirma­ tion est générale ct lui-même la reproduit équivalentment ailleurs à propos dc tous les chrétiens : Per orationem ac precem, dit-il encore du don du SaintEsprit, hoc nobis a Deo munus effunditur. Ibid., x, 2, col. 967. Sans que l’imposition des mains soit nommée à côté dc la prière, on n’hésitera pas, je pense, à la 1366 reconnaître dans cette seconde formule comme dans la première : on s’explique qu’elle ne soit pas men­ tionnée explicitement par la même raison qui vaut pour le De sacramentis ct pour le De mysteriis de saint Ambroise. Elle confirme que, sur la manière de donner le Saint-Esprit, saint Hilaire pensait comme ses contemporains d’Italie etd’Afriquc: ses paroles pro­ cèdent de la même conception que celles dc saint Augustin, reprise plus tard par saint Isidore : Hoc donum effundere super alios non possumus : sed, ut hoc fiat, Deum super eos, a quo hoc efficitur. Invocamus. Saint Gennade, ensuite, dit du baptisé: Manus im­ positione pontificis accipit Spiritum Sanctum. De eccL dogmatibus, 74, P. L., t. Lvm, coL 997. Cf. Turner, dans Journal of theological stud les, t.vn, octobre 1905, p. 97. L’auteur d’un fragment d'homélie, dans la collection faussement attribuée à Eusèbc d’Émèse» Inséré plus tard dans une fausse décrétale du pape Mclchiade et, à cc titre, devenu classique, voir S. Tho­ mas, Sum. theol., 11 la, q. Lxxn, a. 1, attribue en termes plus formels encore ù l’imposition des mains 1*effusion du Saint-Esprit qui correspond à celle de la Pentecôte : Quod In confirmandis neophytis manus impositio tri­ buit singulis, hoc tunc (in die Pentecostes] Spiritus Sancti descensio In credentium populos donavit universis. P.L., t. vn„ coi. 1119. C’est par la seule expression d'impositio manus que plusieurs fois, au cours du même fragment» sc trouve mentionné le sacrement dc confirmation : Utrum majus est sacra­ mentum manus impositio episcoporum aut baptismus? demande une première question, ct d’un bout à l’autre lamèmc appellation se reproduit alternant avec celle dc confirmatio ou de benedictio (une fois) : c’est une des appellations ley plus fréquentes, nous l’avons vu dc l’imposition des mains. Λ propos des convertis de l'hérésie, saint Euchcr dc Lyon, Instruct, in Actibus, dernière interrogation, considère l’imposition des mains comme le rite propre de la collation du Saint-Esprit. Nisi Impositio tantum manus ad fidem rectam conversis adhibetur, ut per hanc Spiritus Sancti suscipiatur infusio, P. t. L, coi. 810; édlL Wolta, p. 136. Au sujet de Ia Chrismation,saint Hilaire voit préfi­ guré dans le baptêmodu Christ cc qui sc produit pour les chrétiens, post aqua lavacrum. Le Saint-Esprit s'élance des «célestes portiques» nous sommes inondés deVonction delà gloire célestectla voix du Père nous signifie qu’il nous adopte pour enfants.· Comment, in Matth., n. 6, P. L., t. ix, col. 927. Et c’est là, nous l’avons vu, Fidéc qu’évoque partout la chrismation, symbole do Fonction du Christ par le Saint-Esprit. Ailleurs il attribue à la venue du Saint-Esprit en nous un effet purificateur qui rentre aussi dans le cadre classique des effets attribués à la chrismation : Est ergo,quantum licet existimare, perfcctæ illius emundatio puritatis etiam post baptismi aquas reposita, qua nos Sancti Spiritus purificet adventu. Tract, in ps.CXVItl, lilt. III, 5, ibid., col. 519. Le contexte suggère une allusion à la purification finale dc la mort et du juge­ ment plutôt qu’à Fonction qui suit le baptême. Salvien, De gubernatione Del, ni, 2,8, rattache for­ mellement la chrismation au baptême. Le regenera­ tionis novic munus comprend à la fois sancti baptismatis gratiam, divini chrismatis unctionem. Et la significa­ tion propre del'onctlon est cellcqucnous connaissons : clic correspond à l’onction royale des juifs ct symbo­ lise la vocation de tous les chrétiens à la royauté céleste : Sicut apud Ilebriros quondam, cum Judicia­ rius honor in potestatem regiam transcendisset, pro­ batissimos et lectissimos viros per unguentum regium Deus vocavit in regnum, sic omnes homines chrisltanl, cum post chrisma ecclesiasticum omnia Del mandatu fecissent, ad capiendum laboris premium vocarentur 1367 IMPOSITION DES MA INS <368 ad calum. P. L·, t. un, col. 8; Corpus de Vienne, ' tullien. Le canon 2 du concile d'Ornngo en 441 fnit plus. Il montre la chrismation normalement insé­ p. 41. Telle est aussi la seule interprétation que donne parable du baptême ct précédant comme lui In confir­ de la chrismation saint Maxime de Turin, qui ne dit mation. Le texte en est fort connu : la dernière partie pas un mot du Saint-Esprit : Impleto baptismale, a donné lieu à d'interminables discussions; ce n'est caput oestrum chrismate, id est, oleo sanctificationis, I pas ici le lieu d'en établir le sens, nous l'avons fait infundimus, per quod ostenditur baptizatis regalem et dans la Pevue d’histoire ecclésiastique de Louvain, t. xni, sacerdotalem conferri a Domino dignitatem. Tract. Hide 1912, p. 296 sq., 375; mais la première partie, la seule baptismo, P. L., t. i.vn, col. 777-778. Et il poursuit, qui nous intéresse, est fort claire: Nullum ministrorum, en rappelant, suivant l’usage, Fonction des prêtres y est-il dit, qui baptizandi recepit officium, sine chris­ ct des rois dans l'ancienne loi, ct la translation, dans mate usquam debere progredi, quia inter nos placuit la nouvelle, Λ tous les chrétiens, de la dignité royale semel chrismari. De eo autem qui in baptismate, qua­ et sacerdotale. cumque necessitate faciente, non chrismatus fuerit, in Mêmes idées dans saint Germain de Paris. Elles confirmatione sacerdos commonebitur. Mansi, t. vi, transparaissent à travers les débris do sa seconde coi. 435. Donc quiconque est chargé de baptiser, lettre. Le chrême lui rappelle Fonction mystérieuse diacre ou prêtre, doit joindre toujours la chrisma­ tion au baptême Mais si cependant, pour un motif du Christ ct les onctions de J'Ancicn Testament : Oleum quod cum chrisma benedicitur, voce psalmi quelconque, cette chrismation avait été omise, il (xuv, 8) ostenditur, qui de Christo profertur : Unxit faudrait en prévenir le prêtre au moment de la confir­ te Deus de oleo lœtiliæ præ consortibus luis, vel illud mation. (Ps. Lxxxvm, 21) : Oleo sancto meo linui eum. Prius Il saute aux yeux que cette dernière prescription ergo ungebantur veteres oleo, sic perfundebantur un­ suppose l’administration de la confirmation réguliè­ guento. Epist., n, P. L., t. lxxii, coi. 95. L'auteur de rement et longuement séparée de celle du baptême : cettc Expositio ne décrit pas d'ailleurs les cérémonies on aura là une occasion toute naturelle de signales du baptême. Les paragraphes qui suivent, coL 96, s’il y n lieu, l'omission de la chrismation. Celle-ci, ne visent que Fonction des catéchumènes. Cf. sur cet en effet, dans la pensée du concile, est manifestement Ouvrage Mgr Batiffol, Études de liturgie ct d’archéo­ une cérémonie normalement rattachée au baptême, logie chrétiennes, p. 276. obligatoire en principe pour tous les baptisés, et dont L'auteur du De septem ordinibus Ecclesiæ, que l'omission au moment du baptême ne saurait être dom Morin, Éludes, textes, découvertes, 1.1, p. 23, qu'exceptionnelle. Son intention est sans doute qu'on date de la première moitié du v® siècle, a pareil­ profite de la confirmation pour y suppléer en cas lement présentes à l’esprit ces connexions tradi­ d'omission; mais, quel que soit son but, toujours tionnelles. Les trois mots chrisma, Christi, Chris­ est-il que la confirmation, loin d'avoir cette sup­ pléance comme objet propre ct unique, est prévue, tianus, sont à ses yeux dans le rapport le plus étroit: In corpore ejus [Christi] chrisma est... Ad episcopum au contraire, comme une cérémonie postérieure nor­ perlinet chrisma [con/îcere], quia ipse est Christus malement au baptême et par suite totalement dis­ Christianorum, id est sanctus sanctorum... secundum tincte de la chrismation; celle-ci, quand elle y est quod scriptum est : Nolite tangere christos meos. P. L., jointe, ne l'est qu'cxceptionnellemenL t. xxx, coi. 156,158. Et cela suffît à indiquer la signi­ Voilà donc très nettement attestée pour In Gaule, fication qu'il attribuait à la chrismation. Nul doute dès le milieu du v® siècle, la séparation normale ct qu’avec tout l'Occidcnt il ne fît écho à la parole clas­ totale des deux sacrements. Les prêtres ct les autres sique de saint Cyprion : Ungi quoque necesse est eum ministres du baptême conféraient couramment et qui baptizatus est, ut, accepto chrismate, id est unctione, régulièrement la chrismation. La confirmation, esse unctus Dei possit. réservée à l'évêque, n’était administrée qu'après Et le même écho nous est renvoyé par saint Élol, coup. Cct usage d'ailleurs était assez général en Occi­ Honni., vin, in die camæ Domini. Transcrivant saint dent : bien des chrétiens, dans les bourgs ct les cam­ Augustin, De Trinitate, xv, 26, 46, P. L., t. xui, pagnes, baptisés, non sine chrismate, par les prêtres col. 1093, il parle longuement de la grâce du Saint- ou les diacres, mouraient avant la visite de l’évêque Esprit, quam designat materialis olei unctio qua cor­ qui leur eût imposé les mains pour leur communiquer poraliter unguntur fideles, et du don do grâce, qui fut le Saint-Esprit. Aussi le pape saint Grégoire recom­ dans le Christ par suite de l’incarnation ct qui visibili mandait-il à l’évêque de Spolète, ct à celui de Clu­ significatur unguento quo baptiiatos ungit Ecclesia, sium, Jaffé, n. 1693; P. L., t. nxxvn, col. 6C2 ct 1103, P. L., t. lxxxvh, coi. 623, 624; mais Faction du d’aller dans les diocèses voisins, assurer Je bienfait Saint-Esprit évoquée ainsi à son esprit par l’huile de la confirmation à ceux qui avaient déjà reçu le visible est celle de l'incarnationct de la rémission des baptême. Le Vénérable Bède rapporte que l’évêque péchés dans le baptême; pour lui, comme pour son saint Cutbert parcourait son diocèse pour < imposer modèle, Fonction baptismale correspond uniquement les mains nuper baptizatis » ct leur donnait ainsi lo au mystère qui valut au Fils de Dieu son nom de Christ Salnt-EspriL Vita S. Cutberti, 29, P. L., t. xav, ct le fit unctus Deus, quia et homo Deus, ibid., col. 624; col. 769. Le biographe de saint Bonnet, évêque de ct pour tous deux cette première descente de Clermont d'Auvergne (691-701) nous le montre éga­ l'Esprit sur lui est essentiellement distincte de celle lement qui s'arrête en plein chemin pour donner la du Jourdain à laquelle correspond la donation princi­ confirmation par l'imposition des mains. Acta sanc­ pale du Saint-Esprit dans l’Église. Ibid. torum, januarii t. i, p. 1072. Et le premier concile Aussi bien les conciles de la Gaule suffîraicnt-ils à national germanique réuni à l’époque de saint Boniétablir le sens donné dans cette contrée comme dans face (742?), parlant de la visite pastorale faite par tout l'Occidcnt à la chrismation et à montrer qu'on les évêques pour confirmer leurs diocésains, atteste la rattachait au baptême. D’après un canon que la à sa manière que les prêtres baptisaient, mais ne collection de Burchard attribue au concile de Tours donnaient pas la confirmation. A la fin du vin· siècle, de 461, le sacrum chrisma est illud unde Christo incor­ en particulier, l'usage en Gaule était de ne donner poramur, et unde omnes fideles sanctificantur, unde la confirmation à ceux qui avalent été baptisés le reges et sacerdotes inunguntur, Mansi, t. vn, coi. 949, samedi saint que le dimanche in albis : Tune maxime, et l’on no saurait mieux condenser en quelques mots dum alba tolluntur baptizatis vestimenta, per manus le sens attaché partout à la chrismation depuis Ter- I impositionem u pontifice Spiritum Sanctum accipere J 1369 IMPOSITION DES MAINS 1370 conveniens est. Alcuin, Epist., exxx, P. L., t. c, c. Saint Hippolyte. — On fait remarquer que saint col. 261 Un manuscrit de Reims, du vjii* siècle envi· Hippolyte, en rapprochant le baptême chrétien et le ron, porte en marge du Tractatus LXIII de saint bain de Suzanne, Jn Daniel., i, 16, édit. BonweUcb, Zènon de Vérone uno note indiquant qu’.'i Saint- p. 26-27,Interprète les σμήγματα, qu'elle sc fait appor­ Étienne,(la cathédrale de Vérone ou de Sens? cf. notice ter, des préceptes (al τού λόγου έντολαί) ct que» dans sur Magnus de Sens dans P. J.., t. ai, cot 980) la con­ l'huile, qu’elle demande A ses femmes, il volt l'image firmation eo donnait le lundi de Pâques. P. L., t. xi, de la vertu du Saint-Esprit (ή τού αγίου Πνεύματος col. 492» note 1. Amalnire de Metz, De Ecclesia ofli δύναμις, αίς μετά τύ λουτρόν ώς μύρω χρίοντα; οΐ πνσclis, iv, 29,P. L., t. xv, col. 1217, dit aussi que, prop­ τεύοντες); mais on ne prouve pas que ce langage dise ter aliquas occasiones fluctuantis mundi, le baptême autre chose que les paroles de Tertullien, de saint ct l’imposition des mains pour donner le Saint-Esprit Cyprien ct de tant d'autres sur fonction du Saintne sc célèbrent point le mémo jour. Et c’est sans Esprit qui correspond à la chrismation. Et l'on ne doute parce que celte séparation est désonnais nor­ prouve pas non plus que l’expression oC ού {Πνεύμα­ male que Leidrade, évêque de Lyon, dans son Liber τος) σφραγίζονται ci τηστεύοντες, De Antichristo, de sacramento baptismi, où 11 explique longuement ux, édit. Achells, p. 40, signifie davantage. Rien toutes les cérémonies baptismales ct énumère l'impo­ ne montre qu’une onction rituelle y soit visée : ce n’est sition des mains commo distincte de la chrismation point par lo prêtre ou l'évêque» c’est par le Saintpostbaptismale, n’en donne cependant aucune expli­ Esprit lui-même, queles croyants sont dits σφραγίζετβαι cation; après la chrismation, ont lieu la véturc des ct saint Hippolyte peut bien ne faire que répéter habits blancs ct la communion. P. L.. t. xax,col. 863- l’expression semblable qui sc lit aux trois passages 8G6. C’est l’ordre à suivre, en l’absence de l’évêque, bien connus de saint Paul, II Cor., i, 22; Eph.,i, 13; d’après une rubrique du Sacrament aire grégorien IV, 30, sans mentionner un rite quelconque. publiée parMuratori : après la véturedes habits Lianes, I d. Saint Augustin. — On cite de ce Père la phrase si episcopus adest, statim confirmari cum [infantem] classique sur le sacramentum chrismatis.., quod quidem oportet chrismate ct postea communicari. Et st epi­ in genere visibilium signaculorum sacrosanctum est. scopus deest, communicatur a presbytero, dicente ita : Contra litteras PetiUani, n,104, 239, P. E; L xun, Corpus Domini, etc. Liturgia romana vetus, t. n, coi. 342, et celle où il Invite les donatistes à distinguer p. 158. le visibile sanctum sacramentum, quod esse et in bonis Ces textes expliquent suffisamment l’existence» à et in malis· potest, de V invisibilis unctio charitatis quse l’usage des simples prêtres, de missels contenant propria bonorumest. Ibid. Maïs on ne remarque pas que la liturgie du baptême ct de la chrismation, niais fonction dont parle l'évêque d'Hipponeest la même n'ayant point celle de la confirmation. Pour satis­ que celle que mentionnent saint Cyprien ct Tertullien, faire aux besoins des diverses catégories de· prêtres celle que f Église d'Afrique comme fÉglise de Rome, employés au ministère des Ames, il a dû sc constituer, dès l’époque du papo saint Étienne, a toujours asso­ dès le v* ct le vi· siècle, des abrégés liturgiques de cette ciée au baptême; on oublie quo cette invisibilis unctio nature. Batiffol, Leçons sur la messe, p. 7-8. Ainsi charitatis qui est à distinguer du visi bile sacramentum, s'explique tout naturellement l’absence, dans les n’a rien de ce qui caractérise l'effet propre du sacre­ missels gallicans, de l’imposition des mains pour ment de confirmation, qu’elle représente uniquement communiquer le Saint-Esprit; mais estimât-on cette ce don de la grâce, qui est dans tous les justes, et qui, explication insuffisante» la conclusion que l’on vou­ i d’après saint Augustin lui-même, correspond à 1’one drait tirer de cette absence ne saurait prévaloir contre tion Invisible accordée par Dieu le Père à son Fils au celle que suggère le parallélisme de la liturgie gallicane moment de l'incarnation. Cf. De Trinitate, xv, 26, 46, P. L., t. xui, col. 1093. Et les autres textes de saint avec les liturgies voisines ct contre lo témoignage Augustin, qu’on se plaît à accumuler, ne vont pas décisif des écrivains ct des conciles do la Gaule : la chrismation, juxtaposée en Gaule comme dans les au­ plus au sujet. Unctio spiritualis ipse Spiritus Sanctus tres Eglises d Occident au baptême, fait partie Inté­ est, cujus sacramentum est in unctione visibili, a-t-il grante du sacrement do la régénration ct non point de écrit en expliquant le unctionem habetis a Sancto. In celui du don du Saint-Esprit. Epist. ad Parthos, tr. Ill, 5, P. L., t. xxxv, coi. 2000. b) Les telles allégués en sens contraire ne prouvent pas. Mais le mot sacramentum n*a ici que le sens générique L'Imposition des mains fut donc seule jadis dans de symbole; peut-être même n’est-il qu’un synonyme l'Églisc latine le rite propre de la collation du Saintde métaphore, d’expression symbolique, comme l'en­ Esprit qui caractérise le sacrement de confirmation. tend saint Augustin à propos des trois témoins, Des témoignages sont Invoqués d'ordinaire pour spiritus, et aqua et sanguis du même saint Jean : lise prouver que cette collation était aussi attribuée ù sacramenta sunt, in quibus non quid sint sed quid osune onction; mais il n’en est pas un seul qui ne soit tendent semper attenditur; quoniam signa sunt rerum, hors du sujet ou dépouillé de toute valeur démonstra­ aliud cxisUnlia et aliud significantia. Contra Maximum tive. arianum, n, 22, 3, P. L., t. xui, coi. 794; et il inter­ a· Textes scripturaires» — On Invoque le qui unxit prète ensuite « l’esprit > de Dieu le Père, «le sang» du nos Deus do saint Paul, Il Cor.,i,21, ct le unctionem Fllsct «l’eau » du Saint-Esprit. Ailleurs, expliquant aux baptisés, ù propos de habetis a Sancto do saint Jean, I Joa.,n, 20, 27; mais le langage biblique lui-même, nous l’avons montré, leur participation au corps du Christ par la co Hill suggère de ne voir dans ces paroles que des expres­ nion, comment ils sont devenus eux-mêmes le corps du Christ, 11 part do l'idée de pain, ct leur rappelle sions imagées. Cf. Confirmation, t. ni, col. 1012. b. Tertullien ct saint Cyprien.— On cite lo caro que moulus par les exorcismos préparatoires au ungitur ut anima consecretur de Tertullien, De resur­ baptême, pétris au moment de leur ablution, ils ont rectione, 8, P. L., t. π, col. 806, ct surtout son été soumis enfin ù l'action du feu. Or, ù la question : carnaUtcr currit unctio sed sptrttualiter proficit du Quid significat ignis? Il répond : c’est le chrême : Hoc De baptismo,7; on y ajoute le ungi quoque necesse est est chrisma. Car l’huile est le sacramentum de notre de saint Cyprien, mais il est prouvé, d’après ces écri­ feu à nous chrétiens qui est lo Saint-Esprit : Oleum vains eux-mêmes, que fonction visée par eux est etenim ignis nostri. Spiritus Sancti, est sacramentum. celle qui scrattachoau baptême. Dans la Revue d'his­ N’est-il pas descendu sous la forme de langues de feu? Ainsi donc, c'est lui, le Saint-Esprit, signifié par lo toire ecclésiastique de Louvain, 1912, p. 453, dom de chrême, qui en s'ajoutant A l'ablution et en agissaut Puniet a reconnu la valeur de cette preuve. 1371 IMPOSITION DES MA INS sur eux A la manière du feu sur la pâte, les a rendus le corps du Christ : Accedit ergo Spiritus Sanctus, post aquam ignis; et efficimini panis, quod est corpus Christi. Ad infantes, serm. ccxxvn, P. L·., t. xxxvm, coi. 1100. Ces formules sont aussi expressives que savoureuses; mais elles ne peuvent s'entendre de l’effet propre de la confirmation, car saint Augustin nous invite luimême à les appliquer à la régénération. En effet, dans le sermon lxxi, n. 19, P. L., ibid., col. 451-455, le saint docteur reproduit cette comparaison du SaintEsprit et du feu, mais c'est pour expliquer la rémis­ sion des péchés qui se fait au baptême : Ilia regene· | ratio, ubi fil omnium prirteritorum remissio peccatorum in Spiritu Sancio fit, dicente Domino : Nisi quis re­ natus fuerit ex aqua et Spiritu Sancto, etc. Voilà pour­ quoi dans la parole de Jean-Baptiste sur le baptême du Christ in Spiritu Sancto et igni, le mot ignis lui parait devoir s'entendre du Saint-Esprit lui-même : Non abs re est eumdem Spiritum Sanctum etiam no­ mine ignis significatum videri. Et la raison de cette Interprétation est celle-là mémo qu’il donne dans le sermon ad infantes : le Saint-Esprit est descendu sous la forme de langues de feu. 11 est vrai, continue-t-il, que cette action purificatrice du Saint-Esprit ne cor­ respond qu’à l'éclosion de la vie chrétienne. Il s'y I ajoute ensuite un don plus spécial du Saint-Esprit: Mais aliud est nasci de Spiritu, aliud pasci de Spiritu... Prius est autem illud quod ad remissionem pertinet peccatorum. Il faut d’abord chasser l'esprit mauvais et c'est par où commence le Saint-Esprit quo in unum Del populus congregatur. 11 est inutile, croyons-nous, de souligner le parallélisme do ces deux sermons : le feu-Esprit, l’Esprit agissant au moment de la for­ mation du chrétien et produisant l'unité dans le peuple du Christ, toutes ces idées leur sont communes ; la men­ tion qu’y ajoute le sermon ï.xxî d’un don plus parfait de l’Esprit, mais qui sera fait ultérieurement, prouve­ rait à elle seule que, dans le sermon ccxxvn, le chrême, sacrement du feu, n'est pas une allusion au sacrement do confirmation. C’est dans l'onction même du bap­ tême que le Saint-Esprit est censé agir sur lo pain déjà pétri. Ainsi l'a compris un compatriote do saint I Augustin. Victor de Vite fait dire au comte Sébastien, I après qu'il a rappelé la préparation du pain : Ita et ego, mola catholicœ matris commolitus, et cribro exami­ nationi* ut simila munda purgatus, rigatus sum aqua baptismatis, et Igne Sancti Spiritus coctus. El ut hit panis de furno, ita et ego per officia sacramentorum divinorum, artifice Deo, de FONTE mundus ascendi. De persecutione Vandalorum, 1, 6, P. L.,t.Lvm, coi. 189. e Saint Ambroise. —On relève chez saint Ambroise et chez l’auteur du De sacramentis?expression signa­ culum spiritale, qu'ils emploient ou sujet de la colla­ tion du Saint-Esprit par l'imposition des mains. Voir col. 1355. Ici il ne peut plus être question de la chrisma­ tion. Mais pour reconnaître sous ces mots une allusion à une onetion rituelle, il faudrait oublier que le nom de signaculum est donné par saint Ambroise à la per­ sonne mémo du Saint-Esprit, et qu’il l'emploie en oc sens en des passages où manifestement il ne sau­ rait être question d'une onction quelconque, par exemple, dans le recouvrement de la grâce en vertu do la pénitence : D d annulant in manu efus, dit-il en commentant la parabole do l’enfant prodigue, quod est fidei pignus et Sancti Spiritus signaculum. De poenitentia, π, 3, 18, P. L., t. xvi, col. 500. /. Saint Isidore de Séville. — Lc chrême est nommé par lui après le baptême et avant le coq>s et le sang du Christ parmi les sacramenta, Etijm.. vi, 19, 39; le Saint-Esprit opère dans le chrême comme dans tous les sacramenta. Ibid., 40-41. On conclut que saint Isidore Identifie le sacramentum du chrême avec celui de la confirmation, sans remarquer ni que la chris­ 1372 mation est elle aussi un sacramentum, dans lequel le Saint-Esprit peut exercer son action sans que cette action soit celle qui est propre au sacrement de confir­ mation, ni que, de fait, un peu plus loin, 50-52, lo saint explique la chrismation au sens et par les for­ mules do Tcrtullicn, en attribuant formellement, comme Tcrtullicn, à l'imposition des mains la descente du Saint-Esprit dans les âmes, Ibid., 54. Pour décou­ vrir dans saint Isidore une onction identifiée avec la confirmation, il faut oublier quelle collation du SaintEsprit est propre à ce sacrement et vouloir la recon­ naître partout où est mentionnée l'action sanctifica­ trice de la troisième personne de la Trinité. g. Saint Ildephonse de Tolède. — C'est sous la même préoccupation qu'on interprète de la confirmation les paroles de saint Ildephonse de Tolède sur le chrisma Spiritus Sancti. De itinere deserti, 76, P. L., t. xevi, coi. 188. Quand, en expliquant les cérémonies du baptême, De cognitione baptismi, 122-124, il donne à la chrismation le sens classique que nous avons tant de fois signalé, à savoir qu'elle nous rend partici­ pants de l'onction reçue par le Christ de Dieu le Père, et, qu’en nous faisant chrétiens, clic nous fait aussi prêtres et rois; et parce que cette consécration mystique, symbolisée par l’onction, est attribuée au Saint-Esprit, on s'arrête aux phrases qui affirment la correspondance de l'onction visible et de l'action invisible du Saint-Esprit : sancto chrismate extrinsecus unguitur homo et intrinsecus Hiabitur sancti Spiritus virtus, ibid., col. 162, et l'on demande : c Cette onction n’aurait aucune part au don plénier du Saint-Esprit?» dom de Puniet, dans la Revue d'histoire ecclesiastique de Louvain, 1912, t. xm,p. 456, comme si saint Ilde­ phonse attribuait par là à la chrismation une autre vertu que saint Isidore, saint Augustin et les autres écrivains occidentaux, et comme si lui-même, expli­ quant, trois chapitres plus loin, l’imposition des mains, n'en faisait pas explicitement le rite propre, exclusive­ ment réservé aux évêques, de la collation du SaintEsprit, continuant dans l’Église celle que les apôtres ont faite aux baptisés d’Éphèsc et de Samaric, et qui correspond pour nous au don plénier du Saint-Esprit. h. Saint Pacien de Barcelone. — On oublie enfin la distinction, élémentaire pourtant, mais capitale, des interventions diverses du Saint-Esprit dans l’œuvre de régénération et de sanctification accomplie au baptême, quand on entend do la confirmation cer­ taines paroles de saint Pacien de Barcelone. Lui aussi, dans une homélie sur le baptême, parle d'une infusion du Saint-Esprit qui correspond à la chrisma­ tion : Chrismate Sanctus Spiritus superfunditur. Sermo de. baptismo, 6, P. L., t. xni, coi. 1093. Mais il rattache manifestement cette Intervention du Saint-Esprit à l’aclo propre de la régénération chré­ tienne. Il dit, au début do son sermon, qu’il se propose d'expliquer ce mystère : Aperire desidero qualiter in baptismo nascamur et qualiter innovemur. Ibid., col. 1089. Lc § 6 en particulier, où se Ht la phrase citée, est une répense à la question précise : qualiter Christo parente generemur. La réponse est que nous naissons de l'union du Christ et de ΓÉglise,grâce à l'effusion dans nos âmes de la semence céleste qu'est le SaintEsprit : Ex his nuptiis Christiana plebs nascitur, ve niente desuper Spiritu Domini.... superfuso et admixto protinus semente arlcsti, coi. 1093. C’est ainsi quo le Christ engendre dans Γ Église; mais il le fait par ses prêtres : Sic generat Christus in Ecclesia per suos sa­ cerdotes. La semence du Christ, qui est le Saint-Esprit lui-même, donne le jour (effundit) par les mains du prêtre à l’homme nouveau conçu dans le sein de la mère qu'est l’Église et enfanté dans l'eau baptismale : Christi semen, id est Del Spiritus, novum hominem i alvo matris agitatum et partu fontis exceptum manibus 1373 IMPOSITION DES MAINS 1374 sacerdoti* cflundi!. Car, insiste l’orateur, la réception l’imposition des mains seule a été considérée comme du Saint-Esprit est aussi indispensable pour cette conférant le Saint-Esprit à la manière propre du naissance dans le Christ que la foi pour l'entrée dans sacrement de confirmation. j. Isi réconciliation des hérétiques. — On a tenté, l’Église : Neque enim aut insertus in Ecclesiam vide­ bitur qui non crediderit, aut genitus a Christo, qui Il est vrai, d’opposer encore l’argument tiré du spiritum ipse non recepit. Or, pour que la naissance rite de la réconciliation des hérétiques. En Espagne ainsi définie se produise, il faut trois choses : l’ablu­ et en Gaule, 11 comportait, avec l’imposition des tion, la chrismation et le prêtre : Hire autem compleri mains, une chrismat ion préliminaire. Concile d’Orange alias nequeunt, nisi lavacri el chrLmalts et antistitis (441), can. 1 ; concile d’Épaone (517), can. 16; Fauste sacramentis. Car, et ici vient l'expression qui nous de Riez, De gratia, ï, 14 ; S. Isidoro de Séville, De eecles. occupe, par l'ablution les péchés sont effacés, quand officiis, n, 25, 9; S. Ildephonse de Tolède, De cogni­ avec l'onction le Saint-Esprit se répand dans l'Ame, et tione baptismi, 121; Liber ordinum, édit. Férolin, c’est lo prêtre qui, par son geste et sa parole, assure p. 100-103, etc. De la ressemblance tout au moins ces deux bienfaits : Lavacro enim peccata purgantur; matérielle communément admise entre ce rite et celui chrismate Sanctus Spiritus superfunditur; utraque de la confirmation, on conclut que la confirmation vero ista, manu et ore sacerdotis impetramus. Ainsi comportait, elle aussi, la chrismation préliminaire. Mais, sans discuter ici la nature propre du rite de s'accomplissent la régénération et le renouvellement de l’homme tout entier; ainsi, dépouillés des taches la réconciliation des hérétiques (voir les Recherches do la vie antérieure, revêtons-nous par l’Esprit et I de science religieuse, 1911, p. 532-514), il faut, à tout dans le Christ des mœurs nouvelles : Ha totus homo le moins, faire remarquer que ce problème est autre­ renascitur et innovatur in Christo, ut, sicut resurrexit ment difficile et complexe que celui qui nous occupe Christus a mortuis, sic et nos in novitate vitæ ambu­ et que, en tirer argument pour résoudre celui-ci, c'est lemus, Rom., vï, 4, id est, ut depositis vitæ veteris erro­ vouloir expliquer ce qui est clair par ce qui est obscur. ribus... ccterisque vitiis..· novos per Spiritum mores Sur les rapports de la chrismation avec le baptême sequamur in Christo. Cette analyse montre avec quelle ou avec la confirmation, les écrivains anciens, nous netteté saint Pacien rattache la chrismation au l’avons montré, sont unanimes et suffisamment clairs; sacrement do la régénération. Il attribue au Saint- contre leur témoignage il serait donc plus qu’illogique Esprit, dont elle est lo symbole, lo même effet que de prétendre faire prévaloir des affirmations frag­ saint Cyprion, Epist., lxx, 2; que saint Ambroise, mentaires, dont la divergence même trahit des opi­ De mysteriis, ix, 59; que saint Léon le Grand, Serm., nions d’ordre personnel ou local. 11 y a lieu, d’ailleurs, de se demander quel était le xxiv, 3, P. L., t. Liv, col. 20G, et tant d'autres, dont la pensée so résume dans la parole déjà citée de saint but de cette chrismation dans la réconciliation des Isidore do Séville, exactement parallèle à celle de hérétiques. Tendait-elle à leur assurer le don plénier du Saint-Esprit? Gennade, dont la pensée est très saint Pacien : In baptismo peccatorum remissio datur, explicit· à ce sujet, dit qu’elle ne se pratiquait que per unctionem sanctificatio Spiritus adhibetur. Elym., vi, 19,51. Pour plus de détails, voir la Revue (Γhistoire pour les enfants ou les hebetes, incapables de saisir la ecclésiastique de Louvain, 1912, t. χιπ,ρ. 280-283. Cetto différence des doctrines;quant aux adultes, on se interprétation est confirmée dans le De simililudtne contentait, après leur adhésion à la vraie fol, de leur carnis peccati, récemment édité et attribué à saint imposer les mains : Doceantur... et, st consentiunt credere vd acquiescunt confiteri, purgati fam fidei Pacien par dom Morin. Études, textes, découvertes, 1.1, integritate, confirmentur manus impositione.... SI vero p. 132-133. L'auteur retrouve dans lo baptême du Christ la figure des cérémonies qui accompagnent lo parvuli sunt, vel hebetes qui doctrinam non captant, baptême des chrétiens. Dans la descente du Saint- respondeant pro illis qui illos offerunt, juxta morem Esprit en particulier il volt l'onction conférée par i baptizandi, et sic manus Impositione et chrismate comDieu le Père à son Fils, onction qui est la figure, nous I muniti, eucharistia mysteriis admittantur. De ecclele savons, de l'onction conférée au chrétien après i slasliris dogmatibus, 52, P. L., t. Lvm, coi. 993; l'ablution baptismale: Baptizatur a Johanne, Spiritu dans l'édition do Turner, Journal of theological studies, etiam,columba monstrante,pcrfundltur,p. 132. Diximus t. vu, octobre 1905, p.93. Cette diversité do traitement Dominum.... baptizatum, diximus Sancto Spiritu est bien suggestive. Elle tient, semble-t-il, à l’impuls quoque perfusum, p. 133; Pinguius abundantiusque sancc où étalent les enfants et les hebetes do percevoir et do confesser la vraie doctrine, et la chrismation unctus a ceteris vel consortibus vel participibus suis, p. 133-131. Sa pensée se meut donc exactement dans , aurait donc pour but de suppléer en eux à ce quo pro­ lo même symbolisme que celle do saint Optat ou do duit la foi chez les adultes. Nous voilà bien loin de saint Augustin. Or l’onction du Saint-Esprit à la­ l’effet propre de la confirmation. Lo canon du concile quelle correspond la chrismation baptismale, 11 la I d'Orango sur la chrismation des hérétiques n'est pas montre ordonnée à la purification du péché; lo Christ moins significatif : Ihcrcticos in mortis discrimine no la reçoit pas pour lui-même, car il n’a pas de péché ; posiloS, st catholici esse desiderant, si desit episcopus, mais en lui, et par la vertu do son onction spirituelle, a presbyteris cum chrismate et benedictione consignari lo roi David est purifié de sa faute : Unguitur etiam, placuit, can. 1. Mansi, t. vi, coi. 435. Il précède celui sed David (n Domino, et adulterium uncti regis... qui prescrit la chrismation pour tous (placuit semel Sancti Spiritus... pinguedine sepelitur, p. 133. Et chrismari),soit normalement au baptême, quel qu’en voilà donc encore une onction du Saint-Esprit qu’il soit le ministre,soit, en cas d’omission lors du baptême, au moment do la confirmation. Or, la chrismation faut renoncer à identifier avec le sacrement de confir­ ainsi prescrite so distinguo totalement do la confirma­ mation. tion. Voir col. 1368. Peut-on ne pas identifier avec elle /. Le pape saint Innocent Pr. — Reste l'onction dont parle Innocent 1er dans sa lettre à Decentius. Den- celle qu’on doit assurer aux hérétiques en danger do zinger-Bannwart, n. 98. A vrai dire, elle est la seule mort? Quand on se rappelle la haute signification qui puisse et doive être rattachée au groupe rituel , qu’on y attachait partout, qu'elle était considérée de la confirmation. Mais nous verrons bientôt que comme Ponction propre du chrétien, l'incorporant au le pape lui-même, loin de la présenter comme le rite Christ et le rendant participant de l’onction du SaintEsprit conférée par Dieu le Père à son Fils, on com­ propre et essentiel do la collation du Saint-Esprit, prend qu’on ait tenu à l'introduire dans la réconci­ l’en distingue au contraire très clairement. Il est donc bien établi qu’aux premiers siècles, liation des hérétiques : l'admission dans l’Église niar- 1375 IMPOSITION DES MAINS qualt la première prise de possession du Saint-Esprit dans leurs Ames, et il était tout naturel de la marquer par le rite qui en était par excellence le symbole tra­ ditionnel. Mais dans tout cela il n’y a rien non plus qui corresponde au don du Saint-Esprit caractéris­ tique du sacrement de confirmation 3. Cf lie imposition des mains ne se confondait pas alors avec une onction quelconque.—Après ce que nous avons dit, col. 1335-1311, de la nature de l’imposition des mains, il parait à peine nécessaire d'insister sur ce point, Parfois, nous a-t-il semblé, cette imposition sc réduisait à un signe de croix; la plupart du temps, pour ne pas dire toujours, elle était accompagnée d’une invocation; mais nulle part, aux premiers siècles, elle n’apparaît sc confondre avec une onction. L'imposition des mains et l’onction étaient, aux yeux des anciens, deux rites d’ordre différent et totalement distincts, qui pouvaient être juxtaposés et associés, mais non être identifiés. Sirmond, Antirrheticus, part. II, c. vi, s’est amusé de l’abbé de Saint-Cyran (Petrus Aurelius), qui avait prétendu le contraire; il a parlé à ce sujet de rêveries et d’inventions ridicules. On lui a opposé les auteurs du haut moyen Age, qui ont introduit cette confusion. Witasso, Tractatus de confirmatione, part. I, q. n, a. 3, sect, v, § 5, dans Migne, Cursus completus theologia, t. xxi, col. 789, cite l'abbé Rupert et Hugues de Saint-Victor. Mais on ne saurait, croyons-nous, en trouver aucun exemple pour l'époque où sc conservait la notion exacte de ce qu'avait été d'abord l’imposition des mains. 4. Quand l'onction lui a été ajoutée, ce n'est pas à elle qu'a été attribuée la collation du Saint-Esprit. - - Mais, sans sc confondre avec l’imposition des mains, une onction a pu y être jointe, et dans ce cas, il est néces­ saire de sc demander auquel des deux rites on attri­ buait la collation du Saint-Esprit ou si on les consi­ dérait tous deux comme également ordonnés à cet cflet. La question est donc double : elle porte d’abord sur le fait de l’adjonction d’une onction, ensuite sur 1 le sens qu’on lui attribuait. a) Une onction a-t-elle été ajoutée d Γ imposition des mains? — a. Dans la liturgie romaine seulement. — En dehors de l'Égllsc de Rome, on ne constate pas cette addition. Ailleurs, au contraire, il n'y en a pas de trace. Ni en Afrique, ni à Milan, ni en Espagne, ni en Gaule, jusqu’à l'époque où y pénètre la liturgie romaine, il n’en est question; les documents liturglques ne la mentionnent pas, et les commentateurs ' des cérémonies de l'initiation chrétienne n’y font pas allusion; ils signalent et ils expliquent les onctions qui précèdent ou suivent le baptême; mais malgré lo rapport symbolique traditionnel admis entre le SaintEsprit et l’onction, aucun ne parait sc douter qu'un rite do ce genre intervienne dans le don qui est fait du Saint-Esprit par l’imposition des mains. Celles de leurs paroles, où on a cm la reconnaître, visent la chrismation postbaptismale; et, si la question se pose uniquement et précisément d'une onction consécu­ tive à l’imposition des mains, la réponse négative paraît certaine. M. A.-J. Mason l'admettait déjà en 1891 pour l'Égllsc d'Afrique, The relation of Confir­ mation to Baptism, p. 88, et dom de Puniet, tout en voulant que la confirmation ait été conférée par une onction, n'hésitait pas, en 1912, à reconnaître qu’on avait eu raison d'étendre la même solution au rite romain primitif ainsi qu’aux anciennes liturgies gallicanes : < Les auteurs les plus anciens ne disent rien de cette onction supposée... La consignatio qui accompa­ gnait ou, plus exactement, suivait l’imposition des mains, était sans doute un simple attouchement en forme de croix, c Onction et confirmation, dans la Revue . L'attribution de la collation du Saint-Esprit à pensé, i» Les exemples, en effet, du sens absolument une invocation. — L’ne autre preuve qu'on n'atta­ dlsjonctif du vel, vel, sont nombreux. Marini, toc. cit., chait pas à la consignation elle-même le don du Sainten signalait un dans le code Théodosien, 1. V I, tit. xxv, Esprit, c’est l’unanimité des écrivains ecclésiastiques 7 : vel apud rectorem, vcl in cœlu amplissimi senatus, à en attribuer la collation à la prière, à l’invocation et un autre dans une lettre du pape saint Grégoire, qui en est faite par l'évêque. Il suffit de citer : Manus in, 9, P. L., t. txxvn, col. GG2 : vel sacri canones, vel imponitur... advocans ct invitans Spiritum Sanctum. ecclesiastica* require. 11 serait facile de les multiplier. Tertullien, De baptismo, 8. Per nostram orationem On peut lire, par exemple, dans les lettres du mémo ac manus impositionem Spiritum Sanctum consequun­ saint Grégoire, iv, 9 : vel per anteriorem licentiam, vcl tur, S. Cypricn, Epist., vxxui, 9; Non ab homine datur per impunitatis pravam consuetudinem, ibid., col. G7G; sed invocatura sacerdote, S. Ambroise, De Spiritu Sancto, xv, 2G : vel post poenitentiam, vcl ante, col. G95; ct , i, 8, 90; Ad invocationem sacerdotis Spiritus Sanctus dans un seul ouvrage de saint Jérôme pris au hasard, infunditur, De sacramentis, in, 2, 8; Munus et donum Comment, in Habacuc, 1. 11, c. ni, n. 14, vcl Nabu· | Spiritus Sancti per impositionem manus et preca­ chodonosor, vel omnem adversarium populi Dei, P. L., tionem erat gentibus largiendum, S. Hilaire, Comment, t. xxv, col. 1327 ;n. IG, mca vcl fortitudo vel habitudo, in Matth., χιχ, 3, P. L., t. ix, coi. 102-1 ; Ut baptizatis... col. 1331-1332; vel populi multi... pd certe de quibus manus Imponantur et ita invocetur Spiritus Sanctus.... diximus, col. 1331. 11 n'y n donc pas synonymic Episcopus ad invocationem Spiritus Sancti manum dans la lettre du pape saint Innocent 1·Γ entre consi­ impositurus excurrit, S. Jérôme, Contra luclferianos, gnare ct tradere Spiritum. Les deux actions sont 8-9; Spiritus Sanctus invitatus, illic... libenter habitare nettement distinctes ct pour les confondre ou les dignetur, S. Optat, vin, 4; Orabant (apos/o/ij ut veniret ramener l’une ù l'autre H a fallu, Ici encore, la convic­ in eos quibus manus imponebant, non ipsi eum dabant. tion faite d’avance de/cur Identité. Le pape, en somme, Quem morem in suis prtrpositis etiam nunc servat établit entre cette onctiou ct le don du Saint-Esprit I Ecclesia... Nos hoc donum... effundere super altos non 1383 IMPOSITION DES MAINS utique possumus, sed, ul hoc fiat. Drum super cos, a quo hoc efficitur, invocamus, S. Augustin, De Trinitate, xv, 26, 46, et les docteurs espagnols qui transcrivent uniformément ses paroles comme celles de Tertullien. Tout cela, résumé dans le mot tant do fois déjà rap­ pelé do saint Augustin : Manus impositio... quid est aliud nisi oratio super homincm?De baptismo, ni. 16,21, correspond très exactement à ce quo nous montrent les plus anciens documents liturgiques. Voir col. 13511353. Partout où elle est citée, la formule qui accom­ pagne l'imposition des mains ad Spiritum Sanctum, est une prière, une invocation, dont le caractère est très fortement marqué, et il suffit, au contraire, de jeter un coup d’œil sur celle qui accompagne généralement la consignation, y compris Vungueo te de la Tradition apostolique, pour sc rendre compto que les écrivains des premiers siècles ont pu viser uniquement la première : pas plus que l’imposition des mains n'est à leurs yeux une onction, la formule de ces onctions n'est une < invocation > à Dieu ou au Saint-Esprit. r. L*insistance exclusive sur le signe de la croix dans la consignation. — Lo pape saint Innocent n'a pas cru opportun de transcrire la formule qui était en usage de son temps pour la consignation; mais à en juger par celles des plus anciens documents liturgi­ ques, c’est bien moins l’onction que le signe de la croix qui attirait ici l’attention. Voir col. 1351-1353. Facit crucem, portent les rubriques des Ordines romani et du Sacramentaire grégorien; et peut-être le Sacra­ ment aire gélasicn, en disant : Signat eos... dicens : Signum Christi, évoque-t-il plus clairement encore le signari et le signaculum dominicum de saint Cyprion, qui se continue manifestement dans cet acte final des cérémonies de l’initiation. Si, à la différence de ce qui survit jadis à Carthage, cette croix doit se tracer avec le pouce trempé dans le saint-chrême, les formules, elles, ne font allusion ni ù ce symlxde du Saint-Esprit ni au Saint-Esprit lui-même. Elles res­ tent celles d'un simple signe de croix : In nomine Patris cl Filii et Spiritus Sancti, et elles évoquent uniquement la pensée du signaculum frontium, dont parle Tertullien, Contra Marcionem, ni, 22, du signum Christi, dont saint Augustin rappelle tant de fois aux fidèles qu’il leur a été imprimé au front pour leur apprendre à no pas rougir de leur qualité de chrétiens, par exemple, Serm., clx, 5 ; clxxiv, 3; In ps.xxx, serm. ni, 7; Enarratio in ps. L, 1. C’est en imprimant ainsi le sceau du Christ au front des catéchumènes que l’Église commençait en eux son œuvre de sancti­ fication. Cf. S. Augustin, De catechizandis rudibus, 50; De peccatorum meritis cl remissione, xxvt : et cate­ chumenos secundum quemdam modum per signum Christi et orationem manus impositionis puto sancti­ ficari, P. L., t. xuv, col. 176. Nicétas de Rcmeslana, dans son Explanatio symboli ad competentes, engage de même les catéchumènes à sc munir, contre les tentations, du signaculum crucis, P. L.. t. ui, col. 876, et il leur rappelle qu’ils ont déjà reçu au front le signum Christi et ont été Christi Spiritu signati, P. L., ibid., col. 874. C’est par l’application de ce même sceau au front des baptisés quel’Église leur signifiait l:i consommation de leur initiation à la vie chrétienne : signaculo dominico consummantur. La croix, le signe de la croix, voilà ce qui frappait jadis dans la céré­ monie de la consignation proprement dite; c’est d'elle que parlent les inscriptions gravées sur les mu­ railles du co nsi gnato ri um, c'est-à-dire de la partie du baptistère, ubi pontifex consignat infantes. C’est là que lo pasteur suprême marque les brebis déjà lavées dans les eaux du baptême : h tic frison!ta c^rlrsti flumine lotos /'ojfxij ïammi datera signât ores. 1384 Le Saint-Esprit les y attend pour répandre sur elles la plénitude de scs dons : Hue, undis generate, vent, quo SANCTUS ad unum SPIRITUS, ul capias, te, SUA DONA, vocat. Et le baptisé, en recevant la croix, apprend à braver les orages du monde : Tu, CRU CK SUSCEPTA, mundi vitare procellas Disce magis monitus hac ratione loci. De Rossl, Inscriptiones christianæ, t. n, p. 139. Cf. La consignation à Carthage et à Rome, p. 371, 375, où il est question d'une autre inscription, gravée, selon toute vraisemblance, sur le consignatorium d'une église d'Afrique, et ne parlant elle aussi que de la croix. Jusque sur la pierre, on le voit, s’affiche cette distinc­ tion des deux cérémonies qui, dans l'ancienne liturgie, interviennent dans l’administration de la confirma­ tion : seule la première en est le rite propre et essentiel. Aux premiers siècles, donc, seule l'imposition des mains avec l'invocation correspondante était consi­ dérée commo directement ordonnée à la collation du Saint-Esprit. Reste ù traiter la question subséquente : en a-t-il toujours été ainsi? en cst-il de même encore aujourd’hui? 3° L* imposition des mains est-elle encore la matière du sacrement de confirmation?— 1. Arguments commu­ nément invoqués pour et contre. — Si l'on adopte l'opinion assez commune de l’invariabilité absolue et universelle de la matière et de la forme des sacre­ ments, on devrait conclure que l'imposition des mains est encore la matière de la confirmation. Mais il paraî­ trait peu logique et peu sûr de lier ainsi une question de fait à une simple opinion, quelque répandue qu'elle puisse être. Une opinion tout aussi sûre, et qui semble s'imposer de plus en plus, admet que, pour certains sacrements, l'Église a pu en déterminer elle-même, et donc en modifier ou en laisser modifier la matière et la forme. Cf. liarent, La part de Γ Église dans la détermination du rite sacramentel, dans les Éludes, 1897, t. lxxvii, p. 315-336; Hurter, Theologice dogmaticæ compendium, t. ni, p. 324; Lugo, De sacra­ mentis in genere, disp. II, sect, vi, n. 86 sq.; Morin, Commentarius historicus et dogmaticus de sacris ordi­ nationibus, part. Ill, cxcrclt. vu, c. v, n. 2; Be­ noît XIV, De synodo diœccsana, c. vin, 10, 10; xm, 19, 16; card. Billot, De sacramentis in genere, thés, n, ad lu®;xvet xxxu. Le P.Ifugucny avouait en 1914 qu'il lui paraissait bien difficile, en dehors de cette opinion, de concilier les données de l’histoire, avec la doctrine catholique de l'institution de tous les sacre­ ments par le Christ. Revue des sciences philosophiques et théologiques, 1914, p. 239 sq. Voir encore sur cette question Cavallcra, Le décret du concile de Trente sur les sacrements en général, dans le Bulletin de litté­ rature ecclésiastique, 1914, p. 361; de Guibert, Chro­ nique de théologie, dans la Revue pratique à*apologi tique, décembre 1914, p. 213-227; d’Alès, art. Ordi­ nation, dans le Dictionnaire apologétique de la fol catholique, t. ni, col. 1154-1157. Mais, sans prendre parti pour l’une ni l'autre do ces opinions théoriques, on pourrait arguer du fait que l'imposition des mains reconnue pour avoir été jadis le rite essentiel de la collation du Saint-Esprit n’a jamais cessé d’être eu usage dans les Églises d’OccidcnL Comme la plupart au moins des théolo­ giens modernes prouvent par la persistance de l'imposition des mains dans l'ordination qu'elle est la matière propre du sacrement de l’ordre, on prouve­ rait de même qu'elle est celle de la confirmation. Le raisonnement est classique et paraît à beaucoup invincible : Un rite qui a été pendant plusieurs siècles la vraie matière d’un sacrement, qui n’a jamais cessé I d’être en usage dans son ndmlnistration. sans quo 1385 IMPOSITION DES MAINS l'Égliso ait jamais déclaré qu’elle cessait de lui recon­ naître la mémo signification et la mémo efficacité que jadis ou qu’elle lui adjoignait un autre rite pour coopérer avec lui à la production do la grAcc sacra­ mentelle, un tel rite doit être considéré comme étant toujours à lui seul la vraie matière du sacrement en question. Voir l’exposé de ce raisonnement, tel que Benoit XIV le déduit de divers auteurs, dans le De synodo dlœcesana, c. vin, 10, 5-6· Si l’on objecte que peut-être un changement s’est produit, on répond par la sommation d’avoir à en indiquer la date et l'auteur : Dicant ubi et quando, quo saculo, in quo concilio, a quo pontifice /acta sit ejusmodi mutatio. Jbid., 10. Et la question posée pour le sacrement do l'ordre peut assurément l'être aussi pour celui de la confirmation. An sujet de ce dernier, cependant,cer­ tains auteurs croient la réponse facile. Pour établir la fausseté de l’opinion do Sirmond et de quiconque tiendrait encore l’imposition des mains comme seule essentielle, van Noort estime suffisante une réponse de la S. C. de la Propagande, du 6 août 1840, déclarant qu’il n'y avait pas lieu, malgré l'omission de ce rite, de réitérer conditionnellement la confirmation. Certo falsa est. Ul enim alia pradereamus, S. Cong. de Prop, fide, dic 6 Augusti 1840, declaravit non esse repetendam sub conditione confirmationem. De sacra­ mentis, fascic. 1, sect, m, a. 2, n. 249. Il indique luimême, il est vrai, qu’il y a d’autres objections et l'on oppose, en effet, communément à cette opinion la pratique des Églises d’Orient. qui n’ont pas ou n'ont plus d’imposition des mains à la confirmation. Mais l'objection sc heurte plutôt et directement au fait quo nous avons établi pour les premiers siècles : la pratique orientale est contraire à celle des apôtres et des Églises primitives les mieux connues. Pourquoi ne pas y reconnaître une innovation ou une tradition particulière? Pourquoi y chercher un démenti au fait, clairement attesté pour l’Occidcnt, d’une pra­ tique et d’une conception toutes différentes? rXussi cst-co dans la pratique de l'Égliso latine ellemême que l'on cherche des arguments contre cette opinion; on lui oppose quelques particularités d'ordre liturgique qui semblent l’exclure. La rubrique du Pontifical romain continue Λ employer le mot confir­ mandi après qu’a eu lieu l’imposition des mains avec invocation du Saint-Esprit; l'évêque dit confirmo te au moment où il fait le signe de la croix avec lo saint chrême, et c’est après l’achèvement de ce rite que la rubrique dit confirmatis. De plus, et Benoît XIV luimême relève le fait,De synodo diœcesana, c.xm, 19,17, il arrive couramment, faute d'espace, que beaucoup des confirmands soient encore hors de l’église quand l’évêque prononce une fois pour toutes la prière géné­ rale d’invocation au Saint-Esprit; ils n’entrent qu’après coup, quand les premiers, ayant reçu l’onc­ tion, sortent et leur cèdent la place, et l’on ne songe pas à renouveler pour eux l’imposition des mains avec prière. Aussi le même Benoît XIV, tout en reconnaissant la pleine liberté de suivre sur la ma­ tière propre du sacrement de confirmation l’opinion que l’on veut, constitution du 1er mars 1756, Ex quo primum, § 51, a-t-il ajouté, pour prêcher la ma­ nière de le conférer dans l’Égliso latine : Quod itaque extra controversiam est hoc dicatur, nimirum in Ecclesia latina confirmationis sacramentum conferri adhibito sacro chrismate, seu oleo olivarum, balsamo commixto, et ab episcopo benedicto, ductoque signo crucis per sacramenti ministrum in fronte suscipientis. Ibid., § 52. Et ce sont lù assurément faits et paroles à prendre en considération. On doit seulement remar­ quer que des faits de même nature sont aisément dé­ clarés sans portée,au sujet de la matière du sacrement de l'ordre, par les théologiens qui croient devoir 1386 continuer à en mettre le rite essentiel dans l’imposi­ tion des mains. Le nouveau droit canon, d’ailleurs, paraît avoir voulu sauvegarder complètement la liberté d'opinion en cette matière. B prescrit que tous les confirmands doivent assister Λ la cérémonie complète, et en particulier à l'imposition des mains : Confirmandi, si plures sint, adsint primae manuum impositioni seu extensioni, nec nisi expleto ritu discedant. Can. 789. C’est interdire l’usage attesté par Benoît XIV. Mais il y a bien mieux contre cette opinion que ces arguments liturgiques. Le concile de Florence, dans le décret d’union pour les Arméniens, DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 697, dit en propres termes que la matière de la confirmation est dans le chrême ou l'onction et la forme dans les paroles qui accom­ pagnent la consignation finale; il ajoute mime que la confirmation ainsi donnée dans l'Église remplace l’imposition des mains dont parlent les Actes des apôtres : Loco autem illius manus impositionis datur I. in Ecclesia confirmatio. Il semble que celte déclaration eût dù mettre fin à toute controverse, et les auteurs invoquent bien, en effet, ce texte en faveur de la thèse de la confirmation-onction. Pour beaucoup, cepen­ dant, il est fort difficile d'y insister. Le même décret détermine aussi que la matière du sacrement de l’ordre consiste dans la porrection des instru­ ments, et, cependant, la plupart des théologiens mo­ dernes tiennent, comme < moralement certain » selon quelques-uns, par exemple, Pesch, Pralectiones theolo­ gica, t. vn, n. 622, qu'elle consiste uniquement dans l’imposition des mains primitive. Sc mettre ainsi en opposition avec ce décret au sujet du sacrement de l’ordre et s'y appuyer au sujet de la confirmation n’irait pas sans quelque apparence de contradiction et d’arbitraire. 2. Réponse que parait imposer renseignement commun dans V Eglise. — La position à prendre nous parait bien plus simple et, en un sens, bien plus franche. S'il fallait, en vertu de raisons a priori, sc prononcer pour une matière invariable des sacrements, nous n'hésite­ rions pas ù reconnaître la matière de la confirmation dans la seule imposition des mains, tant les faits signalés précédemment nous paraissent imposer cette conclusion pour les premiers siècles. Au sujet du dé­ cret de Florence et des arguments liturgiques signalés, les théologiens, qui agissent comme nous l'avons dit au sujet de l’ordre, nous suggéreraient eux-mêmes l'attitude à adopter et les explications à donner. Mais les raisons, que cette attitude nous fournirait nous semblent avoir peu de valeur. Par contre, la pensée de l'Église, à une époque plus récente, nous paraît s'être manifestée si clairement au sujet de la confirmation que nous n’hésitons pas à reconnaître l'onction comme étant depuis longtemps devenue le seul rite essentiel de ce sacrement. Il serait puéril do demander à quel moment précis s'est produit ce changement de conception. 11 est essentiel aux mouvements do ce genre de ne se pro­ duire que lentement et insensiblement et l'histoire ne les fixe que quand ils sont arrivés ù leur tenue. Que de pratiques liturgiques et sacramentelles dont il est pareillement impossible de dire où, quand et par qui elles ont été introduites : la substitution du pain azyme au pain fermenté, ou inversement, pour la célébration do l'eucharistie; l'introduction de certains empêchements dirimants du mariage; la substitution dans l'absolution pénitcntlclle de la formule directe à la formule déprécatoire ; la porrection des Instruments dans les diverses ordinations; pour la confirmation elle-même, les paroles considérées comme étant chez les Grecs la forme du sacrement et les paroles si comI ploiement différentes qui, en Occident, accompagnent 1387 IMPOSITION DES MAINS soit l'imposition des mains soit la consignation, etc. Dans le cas "actuel, il no s'agit pas d’ailleurs d’éléments nouveaux introduits dans l’administration du sacre­ ment, mais uniquement d’une valeur nouvelle atta­ chée à des éléments préexistants. Encore faut-il re­ marquer que l'évolution, si évolution il y a, s'est pro­ duite à une époque où la notion do sacrement était loin d’avoir acquis la précision qu'elle a reçue depuis, ct cette absence d’une doctrine fixe ct universellement connue a singulièrement facilité une fluctuation ct un changement de conception qu'un enseignement plus ferme ct devenu commun rendrait plus difficiles et presque inexplicables. 3. Époque ct causes de ce changement de conception.— Quoi qu'il en soit, cc changement, complet à l'époque scolastique, est manifestement en voie do sc produire à l'époque carolingienne. Voir Confirmation,Lui, col. 10G2-10G1. Λ côté do documents ou d'auteurs ne pariant pour la collation du Saint-Esprit que de l'im­ position desmains,on en trouve alors beaucoup d'au très qui l'attribuent aussi ou surtout à l’onction qui y est jointe. Encore peut-on se demander si les premiers, sans mentionner explicitement celte onction, ne la comprennent pas dans l’imposition des mains. Depuis que la liturgie romaine s’est introduite en Gaule, les deux rites sont inséparables; le pape Grégoire III, dans une lettre à saint Boniface sur la confirmation à donner aux enfants baptisés en divers lieux par des prêtres inconnus, les unit sous une même expression : Oportet cos per manus impositionem et sacri chrismatis unctionem confirmari, Jaffé, η. 2251 ; P. L., t. lxxxix, coi. 584; le Sacrainentairc gélasicn a une rubrique qui englobe l’imposition des mains avec la prière tra­ ditionnelle dans la consignation : ad consignandum imponit eis manum in his verbis,voir col. 1351 ; dans le grégorien, cette prière elle-même sc termine par la mention expresse du signe de croix de la consigna­ tion qui va sc faire avec le chrême : ct consigna eos signo crucis in vitam udernam. Ibid, Il parait donc bien difficile de croire que les capitulaires de Charle­ magne, ou les conciles de la même époque, même lorsqu'ils parlent uniquement do l'imposition des mains, n’y comprennent pas aussi l'onction. D’autant plus que l’évêque d’Orléans, Jonas, qui paraît, au premier abord, rattacher plus explicitement que per­ sonne le don du Saint-Esprit à la seule imposition des mains: perceptio Spiritus Sancti per manus imposi­ tionem ab episcopis tribuitur.... Solius episcopi est per manus impositionem fidelibus tradere Spiritum Sanctum... Sicut baptismatis et corporis ct sanguinis Domini sacramenta per sacerdotum visibilia mysteria fiunt, ct per Dominum invisibiliter consecrantur, ita nimirum Spiritus Sancti gratia per impositionem manuum... episcoporum fidelibus invisibiliter (raditur. De institutione lalcali, i, 7, P. L., t. evi, coi. 133-134, ajoute, aussitôt après, des paroles qui manifestement y associent l'onction : non a presbyterissed abepiscopis, apostolorum successoribus, credentium frontes ob per­ cipiendum Sancti Spiritus donum sacrosancto chris­ mate signantur. 11 ne parait pas douteux, en effet, que l’adoption de la liturgie romaine ait puissamment contribué à faire attribuer le don du Saint-Esprit à l’onction qui suit l’imposition des mains. Elle s'est répandue en Occident accompagnée de la lettre du pape Innocent Ier qui pouvait être considérée comme l’explication offi­ cielle des cérémonies de la confirmation : nous l’avons dit, c'est le seul document de toute l’ancienne litté rature chrétienne qui s’occupe directement ct réelle­ ment de cette onction. Or cette lettre n’avait sans doute pas pour objet de déterminer le but ct l’effica­ cité propre de cette onction; le pape ne s'y proposait que d'imposer et do justifier la < coutume ecclésias­ 1388 tique > qui, à Rome, réservait l'onction aux évêques < quand Ils donnaient le Saint-Esprit * ; il l'y distin­ guait même absolument, nous l'avons vu aussi, du rite propre de la tradition du Saint-Esprit; mais pour trouver dans l’Écrituro un appui Λ la coutume qui en faisait le privilège des évêques, il y citait aussi les passages des Actes des apôtres sur la tradition du Saint-Esprit par l'imposition des mains; la connexion de fait existant entre ces doux rites lui permettait le raisonnement suivant : la consignation se faisant quand on donne le Saint-Esprit, ceux-là seuls ont lo droit d’y procéder qui ont le droit do donner le Saint-Esprit. Mais à une époque où l’attention sc por­ tait bien moins sur cc qui, dans un rite sacramentel, était essentiel que sur ce qui, dans l'ensemble do ce rite, frappait davantage les sens ct exprimait plus vivement l'effet produit, l'importance toujours plus grande attachée à tout cc qui était onction devait fatalement amener à concevoir comme étant une connexion de droit la connexion de fait établie par la lettre du pape entre l'onction et le don du Saint-Esprit. Les procédés littéraires de l'époque devaient contri­ buer eux-mêmes à la confusion. Los ouvrages les plus réputés ne sont souvent alors que de vrais centons : citations ct réminiscences s'y accumulent et s’y combi­ nent sans aucune préoccupation de précision ou de discernement historique. Dès là que, par quelqu'une do ses parties, un document vient au sujet, il est cité en entier sans que le point précis en vue duquel on s'y réfère soit nettement circonscrit. Ce procédé de composition caractérise dé jà les œuvres do saint Isidore de Séville et de saint Ildcphonso de Tolède; les com­ mentaires allégoriques de saint Augustin s'y enchaî­ nent à ceux do Tcrtullicn sans que rien les signale ou les distingue. Pour prouver en particulier que les évê­ ques ont seuls le pouvoir de donner le Saint-Esprit en le demandant à Dieu et do procéder pour cela à l’im­ position des mains, bien que celle-ci no soit nullement en Espagne suivie de la consignation romaine, ils transcrivent tout au long la lettre de saint Innocent qui, sans doute, suppose l’imposition des mains, mais n'a pour objet propre ct direct que l'onction. S. Isidoro, De cedes. officiis, u, 27, 3-4, P. L., t. Lxxxin, col. 825826; S. lldcphonse, De cognitione baptismi, 128-131, P. L., t. xcvi, col. 1G4-1GG. I3ède fait do même : la lettre du pape, qu’il transcrit sans le dire, lui sert à prouver que le diacre Philippe n'était pas apôtre ct n'avait donc pas le pouvoir d'imposer los mains î Si apostolus fuisset, ipse utique manum imponere potuisset ut acciperent Spiritum Sanctum. Hoc enim solis ponti­ ficibus debetur. Nam presbyteris, etc. In Aci., vm, P. L., t. xen, col. 9G1. Or, tels sont les maîtres dont s'inspire la Renaissance carolingienne : c’est par eux ct à travers l’encyclopédie de leurs ouvrages que les j savants de cette époque prennent contact avec l’an­ tiquité chrétienne. Alcuin, Leidrade de Lyon, Théodulphe d’Orléans, Amalaire de Metz, Raban Maur, Ratramme de Corbio sont essentiellement des compi­ lateurs ct leurs explications liturgiques ou historiques ne sont que des transcriptions de fonnules. Or on sait à quelles confusions prêtent les formules de l’antiquité sur les symboles et les Interventions di­ verses du Saint-Esprit. Pour qui n’en a pas la distinc­ tion présente à l’esprit ct no s'applique pas à discerner les rites visés par les formules ct rattachés par nous à tel ou tel sacrement, il est inévitable que les idées se brouillent ct les conceptions sc compénètrent : nous en avons signalé, do ces confusions, qui durent depuis des siècles, pour des époques autrement aver­ ties ct attentives à ne pas sc méprendre que no l'était l’époque de Charlemagne. Le haut moyen Age avait de plus un goût marqué pour les onctions; aucun rite ne lui semblait aussi propre à symboliser les réalités 1389 IMPOSITION DES MAINS 1390 t spirituelle*. Dom do Punlot explique par cotte tenl baptismum... postea, par un extrait de saint Augustin, dance l'introduction de Tonet ion dans la consécration 2Srrm., ccxxvn, voir col. 1359, où le docteur d'HIpdes évêques. Art. Consécration épiscopale, du Diction· j pone ne vise que la chrismation postbaptismale· De nuire d'archéologie chrétienne, t. ni, col. 2597-2598. On sacramento i baptismi, vn, P. L., t. xax, col. 864-865. sait que l’onction des mains fut introduite à la même | 'Théodulphe d’Orléans dit, au sujet de la chrismation époque dans l'ordination des prêtres; ct telle était < de sa signification traditionnelle : Hoc regnum et ct l'importance attribuée au nouveau rite que, en cas isacerdotium,et visibili chrismatis unguento per minis­ de réordination des simoniaques, il était le seul qu'on terium i sacerdotum, et invisibili Spiritus Sancti gratia n'osât point renouveler. Cf. Saltet, Les réordinations, eul, semble-t-il, qui répondit ù l’invitation faite par conciliaires qu'on pourrait sc demander apres cela si le pape Nicolas 1er de réfuter ces calomnies, y opposa, l’on reconnaît quelque valeur à l’argument théologique avant tout, la lettre du pape saint Innocent 1er et la tiré de la pratique cl de renseignement ordinaire de l’Églisc. prescription de saint Silvestre.Liber adversus Grrrcos, 4. L'onction est-elle une imposition des moins ?—Peut178-179, P. L., t. cxxi, col. 743-744. Celle-ci en parti­ on et faut-il donner encore à ccttc onction le nom culier, jointe aux explications d'Amalaire.qu'il repro­ d’imposition des mains? Ce que nous avons dit interdit duit, lui permet de prouver que l'onction faite par le prêtre n’est point primitive, qu'elle n’a que le caractère I semble-t-il, de le faire au sens primitif do ce nom* Le reste est affaire d'appellation, et l'appellation est d'une précaution prise en vue du danger de mort, et 1393 IMPOSITION DES MAINS Admise. Le pape Innocent III écrit en 1201 : Per l Ironiis chrismationem manus Impositio designatur, quse alio nomine dicitur confirmatio, Dcnzlngcr-Bannwnrt, n. 419. La profession de foi Imposée aux vaudois en 1215 porte : Confirmationem ab episcopo Jactam, Id est imposition· m manuum, i bid.,η. 424 ; celle de Michel Paléologuo, au concile de Lyon en 1274 : Sacramentum confirmationis, quod per manuum impositionem epi­ scopi conferunt, chrismando renatos. Ibld., n. 465. Saint Thomas et le concile de Florence disent : Loco illius manus impositionis [quam Jaciebant apostoli\ datur in Ecclesia confirmatio. Jbid., n. 697. Le nou­ veau droit canon en lin semble s'êtrc proposé de consa­ crer cette appellation. Il n’a nullement voulu trancher la question doctrinale, et c’est pourquoi sans doute il a prescrit, au canon 789, Γ assistance pour tous les confirmanda à ce qu’il appelle la première imposition ou extension des mains, qui est incontestablement le rite le plus traditionnel du sacrement. Mais le canon 780 prescrit aussi que le sacrement soit conféré par l’imposition des mains avec l’onction au iront et le canon 781 spécifie que cotte onction doit sc faire, non pas avec un instrument, mais par l’application de la main du ministre à la tête du conlinnand (ipsa ministri manu capiti confirmandi rite imposita). L'association d’une imposition des mains au rite même de l’onction parait donc aussi intime que pos­ sible. Et c’est toute satisfaction pour ceux qui sc com­ plaisent à conserver aux conceptions plus récentes les vocables plus antiques. Mais on ne doit pas k’y méprendre : la concordance demeure toute verbale. L'onction, qu'on sc plaît à appeler une imposition des mains, peut être la matière propre et essentielle du sacrement, mais n'est pas l’imposition des mains, ù laquelle Tertullicn, saint Cypricn, saint Augustin et tant d’autres rattachaient le don du Saint-Esprit. Celle-ci persiste telle qu’à l’origine dans l'administra­ tion actuelle du sacrement; l'onction ne vient qu’après; elle est exactement, mais uniquement, ce que, en la distinguant du rite considéré alors comme essentiel, le pape Innocent Ier appelait la consignation. III. DANS LA pïmtlxcè. — Au sujet de la péni­ tence deux questions sc posent : 1° L’imposition des mains est-elle ou d-t-cllc jamais été partie essentielle de l’absolution sacramentelle? 2° Dans la réconcilia­ tion des hérétiques est-elle vraiment un rite d’ordre pénitcikticl? 1° Dans l'absolution sacramentelle. — 1. Elle n'est pas partie essentielle du sacrement. — Sur ce point, la doctrine catholique est depuis longtemps, sinon, depuis toujours, absolument ferme. Le caractère tout spécial de ce sacrement fait qu’on n’y considère pas comme essentielle l’association ù la parole, qui en est la forme, d’un geste ou d’une action du ministre, qu! en soit la matière. Ce qui est carac­ téristique ici, c’est l'aspect de jugement, et, comme dans tout jugement, ce qui est essentiel, ù quoi tout est ordonné, et d'où vient toute Icillcacilé, c’est la sentence portée par le prêtre qui remplit les fonctions de juge. La vertu de la sentence tenant toute d'ailleurs ù cc qu’elle soit rendue par un juge autorisé, la validité n’en saurait être subordonnée ù l'accomplissement d’un rite quel­ conque. L’Églisc aujourd’hui fait une obligation à ses prêtres de l’exprimer suivant une formule consa­ crée : c’est une garantie qu’elle donne au prêlrc ct au pénitent contre les défaillances d attention ou les caprices individuels. Mais le précepte n’ailectc pas la validité de l'absolution, qui demeure essentiellement le jugement personnel du prêtre. Dès lù que celte sentence sacerdotale sc manifeste, ct (pic le pénitent en peut percevoir le sens, Il y a absolution, ct l’essen­ tiel du sacrement existe. Aussi ct depuis que s'est 1394 élaborée et précisée la doctrine de la constitution des sacrements en général, ne semble-t-il pas qu’aucun théologien ait jamais considéré comme indispen­ sable d'y joindre l'imposition des mains. Tout au plus certains ont-ils cru quo les anciens canons ecclé­ siastiques le rendaient obligatoire ad tlceitatem. Cf. les opinions que rapportent Suarez, De pienilentia, disp. XVIII, icct.vr; Valentia et les Salmanticenses, In q. i.xxxiv, a. 4. 2. Ne Γα-1-clle jamais étc? — a) Pourquoi et com­ ment se pose la question? —Saint Thomas cependant, dans son opuscule De Jorma absolutionis, c. iv, attribue à l’auteur qu’il y réfute l’opinion quod impositio manus sit de necessitate hujus sacra­ menti. Telle aurait été aussi, d'après celui-ci, l’opinion de Guillaume d'Auvergne. Ibid. Plus tard, on peut se demander si Thomas de Walden(AValdensis) ne l'a pas reprise à son compte. A WideiT, qui dénon­ çait une invention diabolique dans l'absolution du péché par l'imposition des mains (Luciferana, inquit, foret prxsumptio, homines adinvenire noviter, quod hunc vel illum per impositionem manuum capiti absol­ vunt simpliciter a peccato), il oppose l'institution aposliquc de cc rite : Manus impositio sacerdotis in sus­ ceptione pendentis cum prece mystica eo venerabilior creditur quod ab apostolis manavit in Ecclesiam Jesu Christi. De sacramento p/rnitentiœ, c. cxlvu, n. 1, Opera, L n, p. 848. Il rappelle la place faite jadis à l’imposition des mains dans toutes les fonctions sacrées (cuncta pene sacrarum manuum impositione comple­ bant), comment, en particulier, clic était le rite de l’absolution. Dicat mine, s’écrie-t-il alors, p. 849, dicat nunc Wide/fus luciferanum praesumptionem esse, quod per manuum impositionem simpliciter sacerdotes Christi dimittunt peccata; et il conclut alors : Ergo ex lege Dominici Evangelii necessaria est vocalis confessio... facienda sacerdoti,... ct ab illo per impositionem manuum... percipienda de necessitate salutis remissio peccatorum, p. 850. Pareil langage, s’il n’était d’une époque où l’on I volt de par ailleurs qu’il y avait accord dans Γ École ct dans l’Églisc sur le caractère purement rituel de I l’imposition des mains dans l'absolution, porterait ù I croire que l’adversaire de Wlclert l’a eÆectis ement considérée comme partie essentielle du sacrement. Il est peu probable cependant que sa pensée aille jusquelà ; il ne parle de nécessité qu’au sens où saint Tliomas, comma nous allons le voir, en pose la question. Sum. theol.. Ill*,q. i.xxxiv. a.4. Sans appartenir à l’essence I du sacrement, un rite peut être indispensable pour son administration : c’est ainsi, au jugement de Scot ct de son école, que le sont la contrition ct la confes­ sion. Telle est sans doute aussi la pensée de Thomas do Walden au sujet de l’imposition des mains. Pour mieux réfuter l’idée de son institution récente, il s’est appliqué à en prouver l’absolue nécessité. Nous savons qu'il n’a pas été suivi. Mais, manifestement, il a été Impressionné par le langage de l'antiquité. Nous axons vu en clTct, col. 1327, que dès l’origine on n’a pas désigné autrement le rite de la réconciliation des pécheurs; l’imposition des mains existe ct persiste pour cela dans toutes les liturgies; saint Augustin la range expressément parmi les sacre­ ments, De baptismo, c. v, 20, 28, ct surtout In ps. CXLV/, 8, P. L., t. xxxvn, col. 1903-1901; il y a enfin peu de sacrements pour lesquels apparaisse aussi net cl aussi régulier dès le début ic rapproche­ ment du rite matériel et de l’elTet spirituel a obtenir. Aussi, ù devoir trancher la question, comme on fait ailleurs, par le seul examen des textes, n'aurait-on aucune peine ù admettre que ce fut vraiment là jadis la véritable matière du sacrement. On fait valoir à l’encontre, Dilluarl, De pxnitcnlia. 1395 IMPOSITION DES MAINS diss. I, a. 2,dico 4°; Pcsch, Praelectiones dogmatiar, t. vn, De pic nitentia, n. 81, que l’imposition des mains était fréquemment renouvelée au cours dc la mémo péni­ tence publique ct que pareille réitération du sacre­ ment est Inadmissible. Mais on suppose d'abord par IA qu’il y avait eu absolution sacramentelle dès le début de la pénitence, ce qui est pour le moins con­ testable — la question sera examinée à l’art. Péni­ tence; voir ce qui en a déjà été dit à l’art. Absolu­ tion, 1.1, col. 15G—; on oublie ensuite que la question se pose uniquement pour l’imposition des mains finale, qui rendait la communion aux pénitents. C’est la seule que les documents identifient avec leur réconciliation ; les précédentes, reçues nu cours de la pénitence, ne sont manifestement qu’une cérémonie liturgique. Si donc, comme on l’admet do plus en plus commu­ nément, cf. d'Alès, L'édit de Calliste, p. 439, celle-ci constituait vraiment lo rite de l'absolution sacramen­ telle, d’y voir la matière essentielle du sacrement n’entraincrait nullement à en admettre la réitération. Les objections faites du point dc vue historique n'atteignent donc pas la question, et il reste que les théologiens ne l'ont tout au moins pas examinée du point de vue précis où elle peut sc poser. b) L'opinion de saint Thomas. — Ce saint docteur, en tout cas, la suppose résolue. La question posée : Sum. theol., 11IB, q. lxxxiv, a. 4,ne vient qu'après qu’ont été déjà déterminées,a. 2 ct 3, la matière ct la forme du sacrement En demandant si l’imposition des mains y est nécessaire, il n’a en vue maintenant que son administration. Il pourrait sc faire que, comme il arrive pour d’autres sacrements, le prêtre, en absol­ vant, eût à joindre à sa parole une action accomplie sur le pénitent : Quod aliquem actum exerceat circa pænitentem (videtur quod 3). Sa réponse est que, n'y ayant pas ici dc matière à appliquer du dehors, l'imposition des mains n’est pas nécessaire : in sacra· mentis quic perficiuntur in usu materiic, minister habit aliquem actum corporalem exercere circa eum qui sus­ cipit sacramentum, sicut in baptismo et confirma­ tione et extrema unctione; sed hoc sacramentum non consistit in usu alicujus materias exterius appositae, sed loco materiæ se habent ea qua sunt ex parte prcnltentis; unde, sicut in eucharistia sacerdos sola prola­ tione verborum super materiam perficit sacramentum, ita etiam sola verba sacerdotis absolventis super pœnitentem perficiunt absolutionis sacramentum, ad 3^. 11 va même plus loin. Y aurait-il lieu pour le prêtre ' à poser ici un acte ou un geste quelconque, il pourrait sc contenter d’un signe de croix comme celui qui se I fait pour l'eucharistie; ce serait assez pour signifier que les péchés sont remis par la vertu du sang du Christ. Mais pour lui, encore une fois, il ne croit à la nécessité ni dc l’une ni de l’autre. El, si aliquis actus corporalis esset ex parte sacerdotis necessarius, non minus competeret crucis signatio, quae adhi betur in eucha­ ristia, quam manus impositio, in signum quod per sarvguinem crucis Christi remittuntur peccata; et tamen non est de necessitate hujus sacramenti, sicut nec de necessitate eucharistie. Ibid. On ne saurait être plus clair et plus ferme sur la question du fait: pas de nécessité de l’imposition des < mains. Saint Thomas ne croit même pas nécessaire d’en donner une preuxc positive; dans le coq>s de l'article, il ne fait qu’en suggérer la raison a priori ou dc convenance : la grâce à obtenir dans ce sacre­ ment n'est pas de telle nature qu’il y ait lieu ici à une Imposition des mains. Ce rite, que saint Thomas d'ailleurs ne considère comme la matière propre d’aucun sacrement, n'a sa place que la où sc doit obtenir une grande abondance dc grâces, ad designanpum aligutm copiosum gratia? effectum; or, tel n'est n. 5, P. L., t. xxin, col. 159. Il s’agit bien Ici, on le voit, du ministère ordinaire de la réconciliation pénltentieHe ct il n'est nullement question des hérétiques. L'imposi­ tion des mains, accompagnée d’une prière pour obtenir < le retour du Saint-Esprit, i est celle qui permet au pécheur l'accès de l’autel, qui rend à cc membre de l'Églisc la santé compromise par ses fautes. Saint Jérôme, on le voit, met très réellement sous nos yeux la cérémonie de l'absolution publique, telle qu’elle se pratiquait alors dans toutes les Églises d’Occidcnt, ct on ne saurait affirmer plus clairement qu'une collation du Saint-Esprit était attachée à la rémission des péchés. Saint Augustin enfin explique par là ct pourquoi la rémis­ sion du péché se fait par la vertu du Saint-Esprit ct pourquoi le refus de la pénitence s'appelle le péché contre le Saint-Esprit. La rémission des péchés a le Saint-Esprit pour auteur. Encore que cette œuvre lui soit commune avec les deux autres personnes divines, elle lui est cependant spécialement attribuée : quam remissionem cum Trinitas faciat, proprie tamen ad Spiritum Sanclum intelligitur perlinere,Serm., lxxi, 17, 28, P.L.,t.xxxvin, col.460;... tanquam proprium est opus Spiritus Sancti, ibid., 20, 39, col. 563; le Christ n'a remis le péché que dans le Saint-Esprit ct il a voulu que l'Églisc fît de même. jW.,12, 19, col. 454. Or la raison de tout cela est que cette rémission consiste à nous arracher à l’esprit impur pour faire do nous des temples du Saint-Esprit. Demissio pecca­ torum, quoniam non datur nisi in Spiritu Sancto, in illa Ecclesia tantummodo dari potest, quæ habet Spi­ ritum Sanctum. Hoc enim fit remissione peccatorum, ne princeps peccati, spiritus qui in scipsum divisus est, regnet in nobis, ut eruti a potestate spiritus immundi, templum deinceps efficiamur Spiritus Sancti. Ibid., 20, 33, P. L., coi. 463. Celui qui nous purifie ct nous accorde le pardon, le fait en s'établissant en nous pour y habiter, ut a quo mundamur accipiendo indul­ gentiam, ipsam accipiamus habitatorem. La réalité, d'ailleurs, de cotte Infusion du SaintEsprit correspondant à la rémission du péché, était encore bien présente aux esprits au moyen Age. Gratien, dans son Décret, argumentant pour prouver qu'il y a rémission du péché dès avant la confession, établit la déduction suivante : Habet itaque anima sibi Deum præsentem per gratiam, quit vivens peccatum suum confitetur, eamque vita, quæ Deus est, inhabitat, quam inhabitando vivere facit. St autem illam inhabitat, ergo templum Spiritus Sancti facta est, ergo illumi­ nata est, ergo a tenebris peccatorum expiata est. De pœnitentia, dist. L c. 35, Friedberg, p. 1166-1167. Saint Thomas, Sum. theol., Ill·, q. lxxxiv, à l'art. 4, où il nie que l’imposition des mains soit requise pour le sacrement do pénitence, se fait cette objection : In sacramento pænitcntiæ recuperat homo Spiritum Sanctum amissum. Sed Spiritus Sanctus datur per impo­ sitionem manuum... Ergo.... La réponse, ad 2(lm, écarte la conclusion, en faisant observer que l’imposition des mains n'est pas requise pour toutes les infusions du Saint-Esprit, mais elle ne conteste aucunement le fait posé en principe que parla pénitence l’homme recouvre le Saint-Esprit : A’on quœlibet acceptio Spi­ 1402 ritus Sancti requirit manus Impositionem, quia etiam in baptismo accipit homo Spiritum Sanctum nec tamen fit ibi manus impositio. b) læ Saint-Esprit est donné aux hérétiques pour leur remettre les péchés. — Ceux-là mêmes, parmi les auteurs anciens, qui parlent d'une collation du SaintEsprit aux convertis de l’hérésie, l'entendent surtout ct à proprement parler du don premier qui en est fait à l’ûmc lors de sa justification. En d’autres termes, ils entendent que les hérétiques, malgré la validité de leur baptême, demeurent dépourvus de la grâce ct donc du Saint-Esprit, ct que le rite de leur réconci­ liation a pour but de le leur donner pour suppléer ainsi à l'inefficacité du sacrement de baptême reçu hors de l’Églisc. C'est évident pour saint Cyprien. Toute son argumentation, en effet, se ramène à ce dilemme fondamental : ou bien, par le baptême, les hérétiques ont eu leurs péchés remis ct donc ont reçu le Saint-Esprit, car il n'est de rémission des péchés qu'avec ct par le Saint-Esprit, et alors quel besoin de le leur donner par l’imposition des mains? Epist., Lxxm, 6; lxxiv, 5; lxxv, 8, etc., ou, au contraire, comme l’indique la collation qui leur en est faite, Ils ne l’ont pas reçu au baptême, ct donc ils n'ont pas obtenu non plus la sanctification, la rémission des péchés, ct alors, comment leur baptême peut-il être considéré comme valide, Epist, lxix, 11; lxxiv, 5, comme efficace? dirions-nous, car, à la base de toute cette polémique, se trouve, nous l’avons déjà dit, l’oubli ou la méconnaissance de la distinction, précisée depuis, entre le caractère Imprimé par le sacrement ct ses fruits de sanctification. Saint Cyprien raisonne comme si le pape avait admis pour les baptisés dans l'hérésie une réelle participation à ces derniers et la contradiction qu’il croit voir entre cette concession ct la prescription de leur imposer les mains montre bien le sens qu’il découvre à ce rite : dans la pensée de saint Étienne, il le croit destiné à donner le SaintEsprit comme auteur ct principe de la rémission des péchés. Aussi se tient-il pour assuré de confondre par là ses adversaires. Cette rémission des péchés, leur dit-il, les convertis de l’hérésie ont si bien conscience de ne l’avoir pas obtenue, qu’ils viennent à l'Églisc pour la recevoir. Illise peccasse et propter hoc ad Ecclesiæ indul­ gentiam venire fatentur. Epist., Lxxm, 20. Ad fidem et veritatem veniunt et agentes poenitentiam remitti sibi peccata deposcunt. Ibid., 22. Cum cognoscunt baptisma nullum foris esse nec remissam peccatorum extra Eccle­ siam dari posse, avidius ad nos et promptius properant et munera ac dona Ecclesiæ matris implorant. Ibid., 24. Se illi in peccatis esse et nihil gratiæ habere se ac proptcrea ad Ecclesiam venire fatentur. Epist., lxxv, 23. Mais vous, en acceptant leur baptême, vous leur donnez d’abord à croire qu’elle leur a été déjà accordée : Quam vanum est porro et perversum, ut, eum ipst hæretici, repudiato et relicto vel errore vel scelere in quo prius fuerant, agnoscant Ecclesiæ veritatem, nos.... venientibus ac pænilcntibus dicamus eos remissionem peccatorum consecutos esse, Epist., Lxxm, 20, puis, en vous bornant à leur imposer les mains, vous re­ noncez vous-mêmes à la leur procurer : Cum se illi tn peccatis esse et nihil gratiæ habere se ac propterea ad Ecclesiam venire fateantur, tu eis remissionem pecca­ torum subtrahis quæ in baptismo datur, dum dicis eos jam baptiratos et extra Ecclesiam Ecclesiæ gratiam consecutos. Epist., lxxv, 23 ; car il faut les deux sa­ crements pour la régénération, la sanctification et l'insertion au Christ, Epist., Lxxm, 21; lxxii, 1, etc. En sorte que la ligne de conduite adoptée par vous aboutit d’une part à jeter les hérétiques dans I l’illusion sur la valeur de leur baptême, Epist., lxxi, 1 ; lxxiii, 12,18-19,22; lxxiv, 8; lxxv, 18,23, ct. 1403 IMPOSITION DES MAINS 1404 le voit, est Constante entre la pénitence ct l'imposi­ de l’autre, à vous faire communiquer vous-mêmes avec des pécheurs dont les péchés ne seront jamais · tion des mains. C'cst à des pénitents qu’elle a pour but de donner le Saint-Esprit. La condition préalable remis. Epist., i.xxm, 18-19; lnxiv, 8; lxxv, 23. en est la rectification de la foi, la purification du La suffisance ou l’insuffisance de l’imposition des cœur, l'éloignement des souillures précédemment mains pour la justification dos hérétiques, voilà donc contractées, abscissa omni labe pralerllæ conversa­ bien ce qui met aux prises Borne et Carthage. On conteste ici l’efficacité du rite réconciliateur que là tionis. vi, p. 77. Il faut tout cela pour que les on estime suffisant. Mais de part et d'autre on s’accorde convertis de l'hérésie obtiennent Je salut par le bap­ sur le fruit à en attendre pour les convertis. Dans la tême de l’Esprit indispensable à tout homme : Si pensée de tous, il est ordonné à leur justification recorrigere id poluissent, non propterea a salute exci­ première et positive. Ce qu'ils viennent chercher dans derent, sed quandoque resipuissent, integram spem l'Église, c’est-à-dire la rémission de leurs péchés, salutis ptvnilendo acciperent, praesertim cum SPIRITUM saint Etienne ct saint Cyprien admettent que l’im­ SANCTUM, quo baptizari unusquisque hominum debet, position des mains est destinée à le leur assurer. acciperent. Ibid. Pour qui a présente à l'esprit la ma­ L'évêquc de Carthage nie seulement qu'elle y puisse nière dont s'exprimaient alors les rapports de la péni­ tence intérieure avec la réconciliation pénitcntlellc, suffire. Peu Importe donc que, au cours de sa démonstra­ l'hésitation ne paraît pas possible : ce sont des rap­ tion, 11 compare ce rite avec celui qui fait suite au ports de même nature qui sont établis Ici entre la baptême catholique, Epist., i.xxm, 9, et constitue pénitence des hérétiques et le rite de leur réconcilia­ ce que nous avons appelé la confirmation. Cc rappro­ tion. L’auteur associe en somme dans une même formule deux idées qu'on s’est habitué à considérer chement des deux collations du Saint-Esprit est fré­ quent aux premiers siècles. Nous en avons signalé comme étrangères l'une à l'autre, et son langage quelques exemples. On pourrait les multiplier. Ils s'unit à sa doctrine pour expliquer l'équivalence des posent le problème très délicat de la distinction pri­ deux expressions in pmUeiUiam ct in Spiritum mitive des sacrements de baptême ct de confirmation; Sanctum. Le sens sous-jacent à l'une ct à l'autre est mais ils montrent aussi ct surtout le lien étroit qui, que les convertis sont traités en pénitents ct que, si dans les esprits, rattachait la rémission des péchés à l'imposition des mains est destinée à leur donner la collation du Saint-Esprit et, par là même, ils achè­ le Saint-Esprit, elle doit le faire comme à des pécheurs vent d'expliquer que l'imposition des mains (n pænlqui sont encore à justifier. tentiam prescrite pour les convertis de l'hérésie ait Telle est aussi la conception que s'en fait saint été Interprétée au sens d'une imposition des matas Jérôme dans son Dialogue contre les lucifériens. Il in Spiritum Sanctum. serait trop long de le prouver en détail, voir les articles L'auteur du De rebaplismate, le bouillant adver­ cités, p. 356 sq.; l'affirmation mise sur les lèvres du saire de saint Cyprien, ne l'entend pas différemment. luciférien peut suffire : saint Jérôme ne la conteste Sur sa position exacte ct l'ensemble de sa thèse, voir pas; il y prend au contraire son point d'appui pour les articles cités des Recherches de 1911, p. 317 sq. amener son interlocuteur à admettre que, comme le Pour lui aussi l'imposition des mains aux hérétiques laïque, l'évêque hérétique, s'il fait pénitence, peut se fait à la fols in panltentiam et in Spiritum Sanctum. être admis dans l'Église : Ego, dit donc le luciférien, Non seulement, en effet, il la présente comme un recipio lalcum pænitentem per manus impositionem abrégé du baptême destiné à produire le même effet cIinvocationem spiritus sancti ,sciens ab hœretlcls qu'en procurerait le renouvellement intégral : Ani­ Spiritum non posse conferri, vi, P. L., t. xxm, col. 160. madverto quæsitum... utrum... tantummodo imponi eis Et l'on voit d'abord que les deux idées de pénitence manum ab episcopo ad accipiendum Spiritum Sanctum ct d'imposition des mains pour le Saint-Esprit sont sufficeret et hac manus impositio signum fidei iteratum associées, ensuite que le motif invoqué pour donner atque consummatum eis prustarct, an vero etiam itera­ ainsi le Saint-Esprit aux convertis de l'hérésie est tum baptisma his necessarium esse/ tanquarn nihil que jusqu'alors ils en ont été totalement dépourvus. habituris,sl hoc quoque adepti ex integro non fuissent. L'hérésie no leur permettait pas de le recevoir dans Harte), Op. Cypriani t. in, p. 69-70. Ihecquæ in isto ne- i leur âme; on le leur donne en les réconciliant avec gotlo deprehendimus adunata [baptisma .cilicet aquic et l’Église pour qu’il en prenne possession. Cc n'est baptisma Spiritus] videamus utrum possint esse ali­ assurément pas là avoir en vue l’effet propre de notre quando etiam singulariter disposita, quasi non sint sacrement de confirmation. mutila sed tanquarn Integra atque perfecta, xu , p. 73; c) Iai réconciliation pcnitenticlle des hérétiques a cf. c. vi, p. 77. C'est l'opposition des deux thèses et pour but de leur donner le Saint-Esprit. — Saint Augus­ l'auteur soutient la première. tin permet en quelque sorte de faire la contre-épreuve. Non seulement 11 en prouve l'efficacité par l'effet Personne ne conteste qu’il ait attribué à l'imposition de la rémission des péchés que produit le Saint-Esprit des mains conférée aux hérétiques un caractère propre­ en descendant sur la famille du centurion Corneille, ment pénltcntiel. Non seulement, elle fait ressortir v, p. 75; il juxtapose en outre, et à plusieurs reprises, l'état de péché où ils sc trouvaient jusque-là ; Manus les expressions de pénitence ct de Saint-Esprit. La impositio, si non adhiberetur ab hæresl venienti, tanquarn question qui met aux prises les évêques, dit-il dès le extra omnem culpam esse judicaretur, De baptismo, v, début, c’est de savoir, dans le cas où les hérétiques 23,33, P. L., t. xml, coi. 193, co qui est 1 assertion clas­ lotis pracordlis pirnifrntiam agerent et erroris sul sique citée pour prouver la conception pénitcnticlle damnationem intelligentes auxilium salutis ab ea qu’en avait saint Augustin; mais elle est directement (Ecdesfu) Implorarent..., utrum... tantummodo impont ordonnée à assurer la rémission des péchés que n'a cis manum ab episcopo ad accipiendum spiiutum pas procurée le baptême reçu hors de l’Église. Car, banctvm sufficere, j, p. 69. La conclusion où il veut avec le docteur d'Ibpponc, la distinction s'est précisée amener son adversaire, c’est que per solam manus entre cc que nous appelons la validité et l'efficacité Impositionem episcopi... possit homini panilentl atque du sacrement. Si la première est indépendante de exedenti etiam amu tub panctus tribui, iv, p. 74; ' l’union à la véritable Église, la seconde y est très pcnlltrdlam agentibus correetisquc per doctrinam veri­ étroitement liée. J bid., ni, 22, P. L,, col. 149. Ce tatis ct per fidem Ipsorum, quæ postea emendata est, n'est pas que cette distinction soit encore si claire et purificata corde eorum, tantummodo baptisma TE SPIRI­ si nette, si universellement admise surtout, qu’on TALI-. subveniri debeat, x, p. 82. La connexion, on puisse, dans la discussion, passer outre aux confusions 1405 JM POSITION DES MA INS qui persistent dans beaucoup d’esprits. Malgré la fer­ meté du principe, qu’il ne saurait y avoir de rémis­ sion du péché hors de l’Église, Serm., lxxi, 17, 28; 20, 33, P. L., t. xxxviu, col. 460, 463, etc., saint Au­ gustin accepte d’argumenter contre les donatistes dans l’hypothèse que leur baptême l’ait réellement procurée. Mais cc sur quoi il n’hésite pas, c'est que leur baptisé, lorsqu'il passe à l'Église catholique, n’ait encore à l'obtenir quand meme. Peu lui importe, en effet, l'explication à adopter ; que le péché, malgré la validité du baptême, n’ait pas été remis de fait, ou qu’il ait été remis vraiment, mais en passant seulement, l’obstination hérétique l’ayant ensuite fait revivre, toujours cst-il que le converti arrive à l'Église chargé de scs fautes. C’est la thèse des c. xi à xiii du De baptismo, P. L., t. xun, col. 118121, résumée au c. π du 1. III. Son cas est le même que celui de ces nombreux ficti, qui reçoivent le baptême dans la véritable Église, mais à qui leurs dispositions réelles ne permettent pas d'obtenir le pardon de leurs fautes. Ils en restent chargés jusqu’au jour où une confession sincère met fin à leur duplicité : c’est alors, par suite de cette correction sainte ct de cette confession sincère, qu'ils sont réellement puri­ fiés. Ainsi en cst-il aussi pour le baptisé de l'hérésie. Tant que, par son obstination dans l'erreur, il reste l'ennemi de la charité ct de la paix du Christ, ses pé­ chés sont à remettre. Mais quand il sc réconcilie avec l'Église ct en reçoit la paix, son entrée dans l'unité fait que le sacrement, demeuré jusque-là inefficace, produit en lui la rémission du péché. De baptismo, i, 12, 18, P. L., t. XLin, col. 119. La persistance du péché, voilà donc, quelle que soit la théorie admise sur l'action du baptême hérétique à l'égard des péchés antérieurs, ce qui fait inviter ceux qui l'ont reçu à venir à l’unité de l’Église: il leur reste à recevoir d’elle le remède de la charité ct de la paix : Sive permanse­ rint in eis peccata, sive continuo dimissa redierint, ut ad sanitatem pacis atque chari latis veniant adhortamur. De baptismo, i, 13, 21, ibid., col. 121. S’il n'y α pas eu de rémission du tout, la conversion est Indis­ pensable pour l'obtenir. J bid., in, 13, 18. Si elle a été réelle, mais transitoire, la nécessite reste quand même de venir à la paix catholique, car il reste, en sortant du schisme ou de l’hérésie, à obtenir la purification des péchés, qui ont reparu par suite do l’absence de la charité. Aussi saint Augustin entend-il bien que les convertis de l’hérésie sc considèrent comme des pénitents. L’Église ne leur impose pas le long ct humiliant régime de la pénitence publique auquel elle astreint ceux d’entre eux qui lui avaient d’abord appartenu : Aliter tradat illos qui eam deserunt, si hoc ipsum pænitendo corrigant, aliter illos qui in ea nondum fuerunt et tune primum ejus pacem accipiunt; illos amplius humiliando, istos lenius suscipiendo. Elle réserve pour les apostats qui reviennent sa plus grande sévérité : Nec illud sine distinctione prœterimus, ut humiliorem agant pæniientiam qui jam fideles Ecclesiam deseruerunt quam qui in illa nondum fuerunt. De unico baptismo contra Petitionum, xn, 20, P. Λ., t. xun, coi. 605. Cepen­ dant iln'y a là qu’une différence de degré ct au donatistc qui, jouant sur le mot de pénitence ct le prenant nu sens étroit de cc que nous avons appelé depuis la pénitence publique, chicane là-dessus ct demande pourquoi, sl on lo tient pour coupable, on no la lui impose pas : Quare ergo me... non baptizas ut abluas a peccatis?... Quare apud te vel prendentium non ago? saint Augustin répond très catégoriquement qu'elle lui est indispensable : Imo, nisi egeris, salvus esse non poteris; quomodo enim gaudebis te esse correctum, nisi doleas fuisse perversum! Epist., clxxxv, 10, 43, P. L., t. xxxm, coi. 811. Et sa réponse est si bien comprise 1406 d’une pénitence non seulement intérieure, mais aussi rituelle ct au for externe, qu’elle provoque aussitôt la question sur les irrégularités qui devraient en résulter normalement. Pourquoi cette pénitence n'entraînet-cllo pas la déchéance des clercs? Quomodo post istam pfrnitentiam apud vos clerici Del etiam episcopi permanemus? Ibid., col. 812. L'évêque d'Hippone répond que cette loi commune, l’Église l'a adoucie aussi en faveur des donatistes, ct le fait même de l’ex­ ception ainsi justifiée achève de montrer jusqu’à quel point la réconciliation des hérétiques est assimilée par lui à celle des pénitents. Or, et c’est ici qu'apparalt la contre-épreuve, saint Augustin dit tout aussi nettement qu'on impose les mains à ces hérétiques pour leur donner le SaintEsprit. Sa parole, qu'il est classique de citer à l'appui du caractère pénitenticl de leur réconciliation, est immédiatement suivie d'une autre qui lui assigne le don du Saint-Esprit comme but propre et direct : Manus impositio, si non adhiberetur ab hærcsi venienti, (anquam extra omnem culpam esse judicaretur. Propter charitaiis autem copulationem, quod est maximum donum Spiritus Sancti, manus ha-reticis correctis im­ ponitur. De baptismo, v, 23,33, P. L., t. xun, coi. 193. Et, il ne faut pas s'y méprendre, cette union de la charité, qui est le plus grand bienfait du Saint-Esprit, en est cependant le premier degré. Car, s'il est vrai que perfecta charitas perfectum est donum Spiritus Sancti, cependant prius est illud quod ad remissionem pertinet peccatorum, Serτη.,ι.χχι, 12,19,PJL,t.xxxvm, coi. 455; or, on ne saurait avoir part à ce premier degré de la charité que par l'union à l’Église : Charitas quæ cooperit multitudinem peccatorum, proprium donum esicothoheze unitatis ct pacis... De baptismo, m, 16,21, P. L., t. xun, coi. 139. Elle est répandue dans les ûmes par le Saint-Esprit, Serm., lxxi, 12,18, mais on ne saurait y avoir part hors de l’Église : Non habent Dei charilatcm qui Eccles (æ non diligunt unitatem, et c’est pourquoi, tant qu’ils n'étaient pas dansl’Église, les hérétiques no sauraient être considérés comme ayant reçu le Saint-Esprit : ac per hoc intclligttur non accipi nisi in Ecclesia catholica Spiritus Sanctus. De baptismo, m, 16, 21, P. L., t. xuu, coi. 148. Extra hoc corpus [Christi, quod est Ecclesia], neminem vivi­ ficat Spiritus Sanctus. De correctione contra donatlstas, n, 50, P. L., t. xxxm, col. 815. Tant qu'ils demeuraient étrangers à l’Église, ils demeuraient, tout aussi bien que les ficti qui sont dans l’Église,étrangers au SaintEsprit, non habent itaque Spiritum Sanctum qui sunt extra Ecclesiam... Sed nec ille eum percipit, qui fictus est in Ecclesia, ibid.; cf. Serm., vm, 11, 13; lxxi, 18, 30; en sorte que,n’y ayant pas de rémission des péchés en dehors du Saint-Esprit,et cette rémission ne pou­ vant donc être obtenue que dans l’Église, qui a le SaintEsprit, Serm.,lxxi, P.L.. t. xxxvm, col. 463, malgré la validité do leur baptême, hérétiques ct schisma­ tiques sc trouvent dépourvus du Saint-Esprit, Serm., cclxix,2.4, ibid.,co\. 1235,1237, ct c'cst pour le leur donner qu’on les ln\ite à s’unir à l'Église : Habetis baptismum Chrtstl, venite ut habeatis Spiritum Christi. Ibid., 3, col. 1236. Veniant,... accepturi Spiritum Sanctum, quem habere non possunt, quandlu sunt hostes unitatis. Serm., vm, 11, 13, ibid., col. 73. Mais la charité que le Saint-Esprit répandra dans leur Ame est celle qui couvre la multitude des péchés ct fait passer de l’état d’injustice à l'état do justice : Quartmus vos injustos, ne permaneatis injusti, quie­ rimus perditos ut de inventis gaudere possimus... Non quidem accipitis baptismum, qui vobis extra compa­ gem corporis Christi inesse potuit, prodesse non potuit; sed accipitis unitatem Spiritus in vinculo pacis... et charitalem qua·,sicut scrtptumest,cooperit multitudinem peccatorum. De correctione donatist., 10, 43, P. L., 1407 IMPOSITION DES MAINS t. xxxm, col. 811. Cf. De baptismo, ni, 16, 21. Est-il possible d’associer plus clairement, dans l'acte mémo dc la réconciliation des hérétiques, l’idée de collation du Saint-Esprit ct de rémission du péché? On pourrait faire les mêmes constatations chez saint Leon le Grand. Tandis que, pour les apostats qui reviennent à l’Églisc, il exige, en plus de l’impo­ sition des mains, le pœnitenliœ remedium, Epist., ad Niertam. JaiTé, n. 536; P. L., t. Dv, col. 1138, pour les hérétiques simples, il déclare suffisante l’invoca­ tion du Saint-Esprit qui accompagne l'imposition des mains. Epist. ad Nicetam, vu, Jaffé, n. 536; ad Neonem, Jaffé, n. 543; ad Rusticum, Jaffé, n. 544; P. £., t. Xiv, col. 1138-1139, 1194, 1209. Et cette opposition jointe sans doute à cette mention formelle du Saint-Esprit a été cause qu’on a cru reconnaître dans la réconciliation dc ces derniers la confirmation, par exemple, Witasse, De confirmatione, part. II, q. n, a. 6, dans Migne, Cursus thcologiæ, t. xxi, col. 1052. Mais saint Augustin fait également ccttc oppo­ sition, ct le remedium pænitentiæ, dont parle le pape pour les apostats convertis, n'est pas autre chose que ccttc humilior pœnitentla, dont l’évêque d'Hippone disait qu’il n'était que juste dc les y soumettre, tandis qu'on en dispensait les hérétiques simples. Elle repa­ raît d'ailleurs dans le paragraphe suivant dc la lettre ad Rusticum, à propos de catholiques qui, enlevés enfants par les barbares, ont été contraints dc parti­ ciper plus ou moins à des actes idolàtriques. Tandis qu’on exige la pénitence publique dc ceux d’entre eux qui ont vraiment adoré les idoles ou se sont rendus coupables d’autres crimes, homicides, fornica­ tions, pour ceux qui sc sont bornés à prendre part aux repas des païens et à manger les viandes immo­ lées aux dieux, on se contente, avant dc les admettre aux sacrements, d’une purification par les jeûnes ct l’imposition des mains. Si convivio solo gentilium et | escis immolatitiis ust sunt, possunt jejuniis et manus IMPOSITIONE purgari... Sin autem aut idola adorave­ runt, aut homicidiis vel fornicationibus contaminati sunt, ad communionem cos nisi per PÆNITENTIAM publicam non oportet admitti. Inq. 19, P. L., t. uv, coi. 1209. Quant à l’invocation du Saint-Esprit, pour | saint Léon, comme pour saint Augustin, elle a mani­ festement pour objet d’assurer aux convertis la sancti­ fication première, qui leur a fait défaut au baptême. On veut conférer aux convertis ce qui leur a manqué : hoc tantum guod defuit conferatur (ad Neonem) ct cc qui a manqué, cc n'est pas le rite même de l'imposition des mains — bien rares étaient les sectes où il était omis — c’est la vertu du Saint-Esprit que les héré­ tiques sont incapables dc donner : invocata virtute Spiritus Sancti, guam ab luercticis accipere non potue­ rant. Ad Rusticum. Du baptême, en un mot, ils ont reçu la forme, mais l’effet dc sanctification, que le SaintEsprit lui donne, n’a pas été produit ct voilà pourquoi les prêtres catholiques doivent le leur procurer, quia formam tantum baptismatis sine sanctificationis virtute sumpserunt.., ut diximus, sola sancti ficatio Spiritus San­ cti invocanda est, etc. Ad Nicetam. Saint Léon s’inspire ici, on le voit, de la doctrine si bien mise en lumière par saint Augustin : c'est à l’efficacité du sacrement qu’il reste ù pourvoir, c’est-à-dire à son action pro­ prement sanctificatrice et purificatrice. Mais, encore une fois, cc n’est pas ici le lieu d'in­ sister. 11 suffisait dc montrer à quel point les idées de collation du Saint-Esprit ct d'absolution pénilentlellc sont loin de s’exclure. Dans la réconciliation des hérétiques, si parfois elles paraissent s'opposer, l'opposition n'existe qu'entre cc qui est V humilior pænitentia de saint Augustin ou le remedium pænitentiae, la pænitentia publica ct cette imago pænitentiæ qu'était aux yeux des anciens une absolution sans 1408 assujettissement préalable aux longues ct humiliantes épreuves de la pénitence proprement dite. Elle peut sa ramener à la différence faite entre cc qu’on a appelé depuis la pénitence publique et la pénitence privée; on ne saurait y voir celle qui distingue le sacrement dc pénitence du sacrement de confirmation. d) Réponse à l'objection tirée des formules dc la ré­ conciliation. — L’identité plus ou moins complète des formules qui accompagnaient l'imposition des mains aux nouveaux baptisés ou aux convertis do l’hérésie, ne doit pas davantage faire Illusion. Cette identité matérielle du rite dans les deux cas, saint Augustin ne la contestait pas. Il reconnaissait que l'imposition des mains, à la différence du baptême, pouvait être ct était en fait réitérée : il en donnait précisément pour raison que c'était au fond ct à pro­ prement parler une prière : Manus autem impositio, non sicut baptismus, repeti non potest. Quid est enim aliud nisi oratio super hominem? De baptismo, m, 16, 21, P. L., t. xun, coi. 149. Mais la même prière, encore une fols, peut sc faire à des intentions bien différentes, ct le sens formel du rite est alors loin do rester le même. Or l'intention de l'Église, tout lo monde en tombait d'accord, n’était certainement pas d'obtenir le SaintEsprit pour les convertis dc l'hérésie au mémo sens où elle l’invoquait sur les nouveaux baptisés. Ceux-ci le possédaient déjà; il avait déjà produit en eux l'œuvre dc la sanctification première; c'étaient dei justes auxquels il ne restait plus qu'à assurer la plé­ nitude des dons dc l’Esprit, cc qui est lo but propre du sacrement do confirmation. Les autres étaient encore des pécheurs à qui il fallait donner le SaintEsprit pour en faire des justes; l'effet à produire en eux était du même ordre que celui dc l'absolution dans toute âme coupable qui sc convertit, ct le rite accompli à ccttc intention, quels qu'en aient été l'aspect et les formules matérielles, doit donc se ratta­ cher à co que nous avons appelé depuis le sacrement dc pénitence. IV. pans les ordinations. —Dans l'ordination, l'imposition des mains est le rito attesté depuis les apôtres, le seul longtemps employé pour la collation des trois ordres sacrés tant en Occident qu’en Orient, le seul aujourd'hui encore en usage dans les Églises d’Orient, le seul aussi par conséquent, parmi ceux qui sont pratiqués dans l’Églisc latine,dont il soit possible d'affirmcr l'origine proprement apostolique. Pour l'antiquité et pour les Églises d’Orient dont les ordi­ nations sont reconnues valides par l’Églisc romaine, sa nature sacramentelle est donc hors dc doute. 1° Le problème : Est-elle restée dans Γ Église latine, la matière propre du sacrement de Vordre?—1. Opinions. — Mais la question se pose pour la période moderno dans l'Église d’Occidcnt. Depuis le haut moyen âge, voir Many, De sacra ordinatione, tit. π, η. 192 sq., on a adjoint au rite traditionnel des onctions et surtout uno cérémonie dite dc la porrection des Instruments, dont le but évident a été dc symboliser plus claire­ ment lo pouvoir conféré par les divers ordres, et dont le caractère proprement sacramentel, sans avoir peutêtre été l’objet d'une définition proprement dite, a du moins été reconnu, pratiquement affirmé ct offi­ ciellement proposé, par les autorités les plus hautes qui soient dans l'Église, comme faisant partie de la doctrine catholique. Aussi retrouve-t-on Ici une con­ troverse analogue à celle qui existe au sujet dc lu con­ firmation. Du xm· au xx· siècle on a compté six opi­ nions plus ou moins opposées entre lesquelles, à diffé­ rentes époques, sc sont partagés les théologiens, cardinal van Rossum, De essentia sacramenti ordinis disguisitio historico-dogmatica, 1914; on trouvera le classement des opinions très minutieusement étudiées par lui, dans la discussion dc son ouvrage par le 1409 IMPOSITION DES M \ INS P. d’Alèe, dans les Recherches dc science religieuse, t. ix, 1919, p. 120. Cinq d’entre clics, dc beaucoup les plus communes jusqu'au xix· siècle, admettent le caractère.sacramentel de la porreelion des Instruments; quatre lui associent au même titre une imposition des mains, soit l’une do celles qui dc tout temps ont fait partie de l'ordination sacerdotale, soit celle qui, depuis le moyen Age, fait suite à la communion dc la messe et spécifie le pouvoir reçu dc remettre les péchés; une, la seule moralement qui ait eu cours dans les écoles du xm· nu xvj· siècle, la considère comme constituant A elle seule la matière proprement dite du sacrement. La sixième opinion, par contre, celle qui prévaut dc nos jours ct est présentée par beaucoup dc théologiens comme étant la vraie, lui dénie tout caractère proprement sacramentel ct con­ sidère l'imposition des mains comme étant et ayant toujours été le seul rite auquel fût attachée la vertu du sacrement de l'ordre. Cetto question reviendra à l’art. Ordre. Mais il est nécessaire d’indiquer ici les principes en vertu desquels l’imposition des mains, après avoir cessé équivalemment d’être considérée comme la matière du sacre­ ment dc l’ordre, tend, au contraire, à sc voir attribuer de nouveau cc caractère. 2. Pas dc principes a priori excluant le changement.— Ces principes, il faut le dirc Immédiatement, sont d'ordre exclusivement théologique, et leur certitude n’excède pas celle d’une opinion libre. En dernière analyse, en cfTct, c'est uniquement parce qu’ils esti­ ment ne pouvoir reconnaître à l'Église le pouvoir dc déterminer ct donc de modifier elle-même les rites essentiels dc certains sacrements que, depuis le xvn· ct surtout le xvan·siècle, un grand nombre dc théolo­ giens tendent à rejeter l’enseignement sur la matière du sacrement dc l’ordre qui était commun jusque-là aux diverses écoles théologiques; que les papes ct les conciles avaient adopté ou promulgué; qui s'était fixé jadis ct qui continue aujourd’hui encore à être exprimé dans les livres liturgiques de l’Églisc romaine. Pour prouver que tel est le fondement vrai ct unique dc cette régression théologique, il suffit de renvoyer à l’ouvrage du cardinal van Rossum, qui est la somme très érudite ct une mise au point très appliquée des arguments les plus propres à la justifier. 11 le mot lui-même, avec autant de netteté que de résolution, à la base dc son argumentation, p. 57» 187 sq., ct c’cst ce qui donne ù ses conclusions une allure si ferme. Dc soi, d'ailleurs, il est évident que le fait historique dc l’antiquité ct dc Γ universalité do l’imposition des mains dans la collation des ordres no saurait avoir dc valeur démonstrative pour l’époque moderne qu’autant qu’on exclut a priori toute possi­ bilité d'addition ou dc modification dans les rites essentiels à la validité du sacrement, ct que l’on rejette comme nécessairement erronée toute doctrine, quelle qu’en soit l’autorité, Impliquant un change­ ment quelconque dc cette nature. Plus logique ct abordant le problème plus franchement que beau­ coup do théologiens dont il partage et veut faire triompher l'opinion, lo cardinal van Rossum va jus­ que-là, ou plutôt, il part précisément dc là : la fixité absolue et primitive dc tous les rites sacramentels lui parait être le principe absolu qui domine toute celle discussion. Que ce principe fondamental ne soit cependant pas une doctrine commune, le cardinal Billot l’enseigne explicitement. Dcsacramentis, t.i, thés, n,ad lum;thcs. xxxn; t. n, thés. xxx. Au début dc cette dernière thèse en particulier, qui est consacrée à la matière du sacrement do l'ordre, l’éminent professeur conteste résolument que la fixité absolue des rites essentiels dc certains sacrements soit une conséquence néces­ DICT. DE ΤΙΐέΟΕ. CATHOL. 1410 saire de leur institution par le Christ. In Ipso limine hujus question is juvabit iterum atque iterum in mentem revocare, quomodo ex doctrina catholica, quæ tn Christo Salvatore agnoscit immediatum institutorem sacra­ mentorum Novæ Legis, minime sequatur materiam et formam omnium et singulorum debuisse ab Ipsomet in individuo assignari, etc. Billuart, De ordine, dissert. 11, a. 1, ad 1®», rejette lui aussi formellement ce prétendu principe premier : Dicimus Christum non instituisse materiam hujus sacramenti determinando in specie hanc vel illam esse materiam, sed determinando tantum in genere conferendum esse per aliquod signum sensibile quod fared significativum potestatis traditæ; determi­ nationem autem hujus signi in specie, an esset talis vel tutis res, an impositio manuum, an porrectio instru­ mentorum, an utraque simul, reliquisse Ecclesiae... Ecclesia itaque hac potestate sibt a Christo tradita utens, determinavit seu saltem consensit quod Impositio manuum cum forma illi correspondent pro Ecclesia grteca, et forte etiam in prioribus smculis pro Ecclesia latina, esset signum legitimum utriusque potestatis tradita* ad consecrandum ct ad absolvendum. At postea determinavit pro Ecclesia latina quod porrectio instru­ mentorum... esset signum legitimum potestatis conse­ crandi... Ecclesia (erpo) non potest mutare materiam sacramentorum formaliter sumptam in ratione signi et ut a Christo institutam, (s p. 132. Nous avons vu plus haut, à propos de la confirmation, col. 1384, qu'un grand nombre de théologiens anciens ct modernes, appar­ tenant aux écoles les plus diverses, la contestent en effet ct y contredisent formellement. C’est plus qu’il i n’en faut pour montrer ce qu’il y aurait d’arbitraire à I la faire prévaloir contre une doctrine qui, au contraire, aurait eu l’assentiment de tous les théologiens et ex­ primerait la pensée clairement manifestée de l’Églisc clic-même. 2° La pensée clairement manifestée de ΓÉglise admet le changement. — Or, que l'Église ait clairement et formellement exprimé sa pensée sur ce point de la matière du sacrement de l’ordre, il ne parait pas qu’on puisse le contester. Cc n'est pas qu'on ne l’ait essayé· Les théologiens et les canonistes, qui, depuis le xvn· siècle, sont revenus à la théorie de l’imposition des mains comme rite propre dc l’ordination, se sont tous appliqués au contraire à sc convaincre qu'il n’existait pas sur cette question doctrinale dc docu­ ment où s’exprimât renseignement commun ct ordi­ naire de l’Églisc. De là leurs efforts pour diminuer et écarter la portée doctrinale du décret du concile de Florence pour les Arméniens, qu’on leur opposait Afin de passer outre,ils posaient en principe ou que lo document n'était pas vraiment conciliaire, ou qu’il constituait seulement une instruction discipli­ naire, ct liturgique destinée à renseigner les Armé­ niens sur les rites spéciaux de l’Église latine, ou bien encore qu'il faisait connaître uniquement une partie du rite essentiel, soit qu'elle fût omise jusque-là chez les Arméniens, soit qu’elle fût la seule dont la mention parût nécessaire, l’autre part ic, l'imposition des mains, étant supposée manifestement connue, attestée qu'elle I était tant par ΓÉcriture que par le Pontifical romain auquel renvoie le décret lui-même. Les explications données peuvent sc ramener aux deux suivantes : I Porro hic admonendi sumus hoc decretum non a concilio VIL — 45 1411 IMPOSITION DES MAINS Florentino, sed ab Eugenio IV in sessione ultima illius concilii editum fuisse pro instructione Armenorum Ecclesia Romana disciplinam scire cupientium; ideoque non dogmaticum esse, ceu visum multis, sed historicum; quod velim excidat. D’Annibale, Summula theologia moralis, t. m, n. 231, note. Jugement repris et cité en partie par Gasparri, De sacra ordinatione, t. π, η. 1007 : Pramittendum est.., corn non esse definitionem de ministro, materia et forma sacramentorum, sed instruc­ tionem tantummodo practicam... Notandum est hic de Instructione Armenorum circa ea qua erant diversa ab eorum ritibus. Dcnzlngcr-Bannwart, Enchiridion, notes au n. 695 et 701. 1. Caractère conciliaire et doctrinal du décret de Florence. — Mais une étude plus attentive des origines et de Thlstolro de ce décret fameux oblige à recon· naître que toutes ces interprétations sont surtout des expédients Ingénieux, imaginés pour éviter de se mettre on opposition avec un document d'ordre doc­ trinal émanant d'un concile œcuménique et promulgué par un souverain pontife. Le cardinal Billot avait déjà prononcé que nonnisi ex præfudicatæ causa necessitate potuerunt quidam adduci ad reficiendam normam decreti pro Armenis. Op. cil., 1901, t. n, thés, xxx, p. 276. Lc cardinal van Rossum, après un examen minutieux de la question historique, aboutit à la même conclusion : le décret, il le recon­ naît franchement, est d'ordre doctrinal et enseigne une doctrine exactement contraire à la sienne; ce qui permet d’y passer outre, comme l’exige le principe à sauvegarder et à faire prévaloir de la fixité absolue des rites sacramentels, c'est uniquement le fait que, · n'ayant pas revêtu la forme d’une définition de foi I proprement dite, l'enseignement que le décret con­ tient a pu se trouver erroné. Cette solution a paru et paraîtra sans doute bien radicale, voir les objec­ tions déjà faites par d’Alès et de Guibert dans les articles déjà indiqués. Parmi les théologiens dont l'éminent auteur adopte l'opinion, bien rares, croyonsnous, sont ceux qui y auraient persisté eux-mêmes, s'ils avaient cru se mettre par là en opposition avec un document de cette nature et de cette portée. Mais la position même prise par le cardinal montre à quel point il lui paraît incontestable qu'il s'agit bien ici de doctrine. Lc P. do Guibert qui, dans ses articles sur le dé­ cret pour les Arméniens, Bulletin de littérature ecclésias­ tique, 1919, p. 81-95,150-162, 195-215, a suivi une marche toute différente de celle du cardinal van Rossum, en a établi lui aussi le caractère vraiment conciliaire et doctrinal: Ce n'est pas un acte purement pontifical, émanant de la seule initiative du pape; • c’est un acte promulgué en session solennelle du concile œcuménique de Florence sous la présidence d'Eugène IV. Ce n’est pas une simple exposé < his­ torique > des rites de l’Église latine : les Arméniens les connaissaient déjà. Au concile de Sis, tenu en 13 il ou 1345, ils avaient déjà répondu au re­ proche d'ordonner par la seule imposition des mains, en envoyant à Rome la preuve qu’ils procédaient aussi à la tradition des Instruments, depuis deux cents ans qu'ils en avaient emprunté la coutume à l’Église romaine. Voir les textes cités par le P. de Guibert, p. 207, note 2. Ce n’est pas davantage, sauf le passage sur la matière de l'eucharistie, où le décret porte expressément le mot decernimus, à propos de l’obligation faite aux prêtres Arméniens de mélanger eux aussi un peu d’eau au vin du calice, un docu­ ment disciplinaire prescrivant simplement aux Armé­ niens ce qu’ils doivent faire... Lc texte entier, les circonstances de son élaboration et les documents contemporains disent le contraire. Reste donc que le concile a voulu expliquer la vraie doctrine catho­ 1412 lique sur les sacrements; que, sans doute, cette doc­ trine a de nombreuses conséquences pratiques, mais que l'exposé qui en est fait là constitue un document d'ordre essentiellement doctrinal... « L'expression qui paraît le mieux caractériser la nature de ce document est donc celle do déclaration ou exposé doctrinal du concile de Florence sur les sacrements, > p. 213-214; cf. p. 151-157, où l’auteur prouve que, s’il ne s'impose pas de ranger lo décret parmi les definitiones propre­ ment dites dont parle le concile, on ne saurait non plus le mettre au nombre des statuta ou des pracepta qu'il propose à l'acceptation des Arméniens. La conclusion du cardinal van Rossum est moins nette. Il voit dans le décret un acte du magistère ordi­ naire exposant la doctrine alors la plus communément reçue dans l'Église : Pars decreti, qua agit de sanctis Ecclesia sacramentis, quaque doctrinam exhibet tum temporis magis in Ecclesia receptam, valorem documenti ab ordinaria MAGISTERII auctoritate conditi non excedit. Op. cil., p. 169. Nous verrons tout à l’heure que le concile ne se borne pas à faire œuvre de rap­ porteur. L'expression de magistère ordinaire n'est pas elle non plus tout à fait exacte. Un décret conciliaire relève plutôt du magistère extraordinaire : le cardinal le reconnaît lui-même, lorsque, dans son énumération des formes que peut revêtir le magistère ordinaire, op. cil., n. 422, il évite de signaler l'approbation et la promulgation des décrets d'un concile œcuménique. A cela près cependant il y a accord entre les deux auteurs, les seuls, croyons-nous, qui aient jusqu'ici étudié méthodiquement l'origine et la valeur de ce fameux décret. Ni l'un, ni l’autre, il est vrai, n'esti­ ment qu'il y ait eu définition de foi proprement dite, encore qu'au xvi· siècle, et au concile de Trente en particulier, les décisions en aient été considérées comme définitivement acquises, voir de Guibert, loc. cil., p. 85-88 : < l’intention de définir n'est nulle part clairement manifestée et surtout l’Église... a laissé les théologiens discuter certaines assertions de ce docu­ ment et même s'inscrire en faux contre elles, ce qu’elle n’aurait pu laisser faire pour une définition. · Ibid., p. 214. Mais tous les deux en reconnaissent également le caractère doctrinal; et c'est pourquoi l'attitude prise par le cardinal tranche si fort avec celle des théo­ logiens dont il partage l'opinion. La plupart de ceuxci, remarque le P. de Guibert, évitent d'avouer leur opposition à ce document : ils biaisent, cherchant à diminuer la valeur du texte qu’on leur oppose et à montrer en même temps que ce texte ne leur est pas absolument contraire : c’est un cas intéressant de psychologie théo logique. » Ibid., note 1. Pour nous, après cette mise au point de la valeur doctrinale du décret de Florence, il nous paraît de moins en moins possible d'attribuer à l'imposition des mains un caractère proprement sacrament cl dans l'ordination. Si l’on reconnaît quelque valeur en théo­ logie à l’argument tiré du consensus theologorum, des formules liturgiques et de l’enseignement authentique de l’Église, on n'acceptera pas de le sacrifier à une opinion contestable et contestée sur un point où il se présente lui-même avec une clarté et une force excep­ tionnelle. Car, c'est bien sa pensée à elle que l’Église a expri­ ’ mée dans le décret des Arméniens. Lc concile ne s'est pas borné, comme le fera plus t ard, par exemple, le pape Alexandre VII, à propos de la contrition imparfaite, Cavallera, Thesaurus, n. 1210, Dcnzlnger-Bnnnwart, n. 1146, à Indiquer la doctrine alors la plus communé­ ment reçue dans les écoles; il dit lui-même expres­ sément «avoirréduit en formule brève la vérité sur les sacrements de l’Église »; et cela pour l’instruction des Arméniens de tous les temps, Ecclesiasticorum sacraI mentorum veritatem pro ipsorum Armenorum tam 1413 IMPOSITION DES MA INS 1414 PR.ESKNT/UM QU AM futurorum faciliore doctrina sub Thomas, in collatione ordinum duo facti : preeparat hac brevissima redigimus formula, Lc fait d'avoir pris enim ordinandos ad ordinis susceptionem, et ordinis pour base de son exposé un opuscule de saint Thomas, potestatem tradit· Præparat quidem et instruendo eos n'en amoindrit en rien in portée. Les remaniements de proprio officio et aliquid circa eos operando ut idonei mêmes qu'il a fait subir au texte de l'opuscule, < en sint ad potestatem accipiendam; quæ quidem praepa­ résumant surtout certains développements et en sup- I ratio in tribus consistit, scilicet benedictione, manus primant certaines explications d'allure systématique, > impos itione et unctione... Sed potestatis collatio fit per de Guibert, loc. cil., p. 209, et pour les preuves de hoc quod datur eis aliquid quod ad proprium actum détail, p. 19G-208, en ont, au contraire, accentué pertinet. Et quia principalis actus sacerdotis est conse­ encore le caractère doctrinal. C'est bien ainsi crare corpus et sanguinem Christi, ideo in ipsa datione d'ailleurs que l’entendirent les Arméniens dans l'acte calicis sub forma verborum determinata character sacerdotalis Imprimitur. d'acceptation qu'ils en firent au concile même. La bulle de promulgation Exultate Deo, reproduite in ’ 11 paraît inutile après cela de discuter encore sur extenso dans les Annales de Raynaldi, traduit ainsi I le sens doctrinal des rites de l'ordination sacerdotale leur réponse aux Pères du concile : Populo nostro 1 et sur la pensée de saint Thomas au sujet de la ma­ Armenorum traditis... gu into brevem formulam septem tière propre du sacrement de l’ordre. Lc passage que sacramentorum Ecclesia, videlicet baptismi, etc.... nous venons de citer, joint à celui du De Ecclesiæ sacramentis, que le concile de Florence lui a emprunté, declarando quæ sit cujus libet sacramenti materia, forma et minister. Ann. 1439, n. 16, édit. Theincr, | ne laisse aucun doute sur la doctrine du prince des t. xxvm, p. 291 b. Aussi le décret ainsi rédigé, encore scolastiques. Du fait qu’il attribue un certain rôle qu’il ne soit entré que lentement dans la documen­ à l’imposition des mains dans l'administration de la tation théologique courante (au concile de Trente, confirmation et de l'ordre, Sum. theol., III*,q. lxxxtv, il semble avoir encore été inconnu de quelques Pères, a. 4, il ne suit nullement que ce rôle soit celui de la matière du sacrement; lui-même, III» Sup­ de Guibert, loc. cil., p. 85), a-t-il été considéré dès l'abord par tous ceux qui en connaissaient l'origine plcm., q. xxxvn, a. 5, précise que cette cérémonie n'est que préparatoire à la réception de l’ordre. Tout conciliaire comme revêtu d'une pleine autorité : ù Trente, les présidents du concile ne permettent pas comme l’onction « consacre s les futurs prêtres, l'im­ qu'on en conteste le caractère conciliaire, et, dans les position des mains leur assure la plenitude de la grâce: discussions qui ont eu lieu alors sur les sacrements, per manus impositionem datur plenitudo gratiæ; mais il est formellement spécifié que l'un et l'autre rite nil a été l'autorité à laquelle on s'est le plus souvent référé comme à une autorité ayant force de chose sont que pour les rendre idonei ad potestatem aerie piendam. jugée. Ibid., p. 86-88. 3. Le décret cl le « consensus theologorum. > — Il n'est 2. Lc décret de Florence et la · lex orandi. > — La doctrine du décret est exprimée d'ailleurs dans les livres pas douteux non plus que les théologiens aient été liturgiques. Le Pontifical romain, dans les rubriques unanimes, pendant de longs siècles, à voir dans la générales mises en tête des ordinations, De ordinibus I seule tradition des instruments le rite essentiel de l'ordination. Lc cardinal van Rossum, op. cil., s'est conferendis, porte expressément que l'évêque doit appliqué à rechercher ceux qui l'ont reconnu dans l'im­ présenter la porrcction des Instruments comme étant position des mains où il le met lui-même. Pour toute le rite propre de l'impression du caractère sacramentel : Moneat ordinandos quod instrumenta, in quibus cha­ la période des xm«, xiv·, xv* siècles, Il en a trouvé racter imprimitur, tangant· Au cours ensuite des di­ sept ou huit en tout. Encore, remarque le P. de Gui­ bert à ce propos. Revue pratique d*apologétique, décem­ verses ordinations, les rubriques de détail s'inspirent bre 1914, p. 221, < quatre, parmi eux, ne traitent-ils de cette doctrine. Même après avoir reçu l’imposition des mains, diacres et prêtres continuent ù être dési­ pas la question ex professo et ne parlent-ils de l'im­ position des mains qu’en passant, sans que de leur gnés du nom de ordinandi; aussitôt après la tradition texte on puisse tirer une position précise. » Quant des instruments, ils sont dits ordinali. Aussi bien suffit-il de suivre les cérémonies d’une ordination aux deux principaux, saint Bonaventure et Pierre de Tarcntaisc, le futur Innocent V, Ils admettent sacerdotale pour se rendre compte de la pensée qui l’un et l’autre le principe général que le caractère, y préside. Après les litanies et la triple bénédiction de l’évêque aux ordinands prosternés; après l'impo­ pour les divers ordres, s'imprime au moment où l'ordinand touche l'instrument qui symbolise le pou­ sition des mains, avec les oraisons et préface qui la voir reçu : In illo signo exteriori imprimitur character suivent; quand, une fols les ordinands revêtus des in quolibet ordine in quo principalis potestas quam vêtements sacerdotaux, l'évêque se retourne vers respicit ordo significatur tradi ordinato. Ad hanc autem l'autel, s'agenouille et entonne le Vent Creator afin significandam duo concurrunt exterius scilicet traditi de procéder ensuite ù l'onction des mains et ά la alicujus instrumenti et expressio verbi. S. Bonaven­ porrcction du calice, cette Introduction solennelle ù la ture, In IV Sent.. 1. IV, dist. XXIV, p. n, a. 1. q. iv. dernière phase de la cérémonie donne l’impression In sacramentorum collatione, per aliqua quæ ibi fiunt sus­ très nette qu'on en est arrivé au moment décisif. A cipiens pnrparatur et disponitur, ut per bcncdiclionem, qui sait que l'ordination ne comportait jadis que unctionem, manuum impositionem et vestium conces­ l'imposition des mains, il apparaît évident qu'il y a eu depuis soudure d'un rite nouveau. Mais ù qui sionem [on reconnaît l'explication de saint Thomas]; suit les rites dans leur ordre actuel, tous ceux qui pré­ per unicum vero actum character imprimitur, scilicet per cèdent semblent n'avoir été qu'une préparation ù la instrumenti traditionem. Pierre de Tarentaise, In IV collation du pouvoir sacerdotal qui se fait alors. Et Sent·, 1. IV, dist. XXIV, q. in, a. 3. L’un et l'autre font lorsque, ensuite, on relit l'article de saint Thomas, également l'application de ce principe à l'ordination Sum. theol., 111« Supplcm., q. xxxvn, n. 5, tiré de In IV du sous-diaconat et des ordres mineurs et si, pour le Sent., L IV, dist. XXIV, q. n, n. 3, sur le moment où diaconat et la prêtrise, Ils concluent que la collation s'imprime le caractère sacerdotal, la correspondance en est faite par l’imposition des mains, c’est encore apparaît si parfaite entre les explications du saint en vertu du même principe : la main étant, d'après docteur et l'impression produite par la succession des Aristote, Vorganum organorum, ils voient dans l’impo­ cérémonies qu'on ne peut s'empêcher de conclure à sition des mains la tradition d'instrument par excel­ une complète identité de pensée entre la formula cre­ lence : Quoniam datur ibi nobilis potestas et excellens, dendi et la formula precandi. Episcopus, écrit saint I fit manus impositio, non tantum instrumenti traditio. 1415 IMPOSITION DES MAINS 1416 quoniam manus est organum organorum in quo scilicet ’ Rossum y croit suffisant que lo décret de Florence principalius residet potestas operandi. sc rattache au magistère ordinaire de l'Égllsc, Le < On voit par là que la conception générale du ca­ propre en cfïet du magistère ordinaire lui paraît être ractère sacramentel imprimé par tradition d'instru­ de n’avoir pas la garantie de l’infaillibilité : Christus ment était admise même de ceux qui paraissent s'en duplex instituit magisterium in Ecclesia : ordinarium écarter, et ne s'en écartent en fait pour la prêtrise unum quo vera auctoritate, a Christo collata, citra que par une vue subtile et artificielle que personne TAMEN INEALUBI LITATIS CHARISMA fideles instln'a songé à reprendre de nos jours. » De Guibcrt, luuntur ulque ducuntur, op. cil., n. 419; et comme Iteoue pratique d'apologétique, loc. cil., p. 222. il explique ainsi, η. 422, la possibilité d’erreur dans Or ce consensus theologorum s'est maintenu en fait les encycliques et autres actes semblables du pape jusqu'au xix· siècle. Les listes dressées par le cardinal ou dans les décisions des Congrégations romaines van Rossum lui-même établissent que ceux qui ex­ rendues et promulguées en son nom, il croit que se cluent le caractère sacramentel de la tradition des pourrait expliquer de même l'erreur commise par le instruments pour le réserver à la seule imposition concile de Florence. Nous n’avons pas à apprécier des mains sont en nombre infime comparativement ici celte conception du magistère ordinaire ni à exa­ à ceux qui le reconnaissent : 1 contre 11 au xv· siècle; miner comment clic se concilie avec l’affirmation du 10 contre 31 auxvi«;13 contre 115 au xvn·; 39 contre concile du Vatican, De fide catholica, c. ni, que le 78 au xvxn·. Encore avons-nous dit dans quelles magistère ordinaire peut proposer et imposer lui aussi conditions s'étalent produites les adhésions à la concep­ des vérités de foi proprement dites, voir Église, t. iv, tion plus récente : provoquées par la connaissance col. 2194, mais, même admise cette conception; même acquise du mode d'ordination des Grecs, qui ne étant admis que le decret de Florence relève du magis­ comporte que l'imposition des mains; accomplies en tère ordinaire, encore est-il cependant que d'un décret vertu du principe de la fixité absolue des rites sacra­ du Saint-Office ou même d’une encyclique à un décret mentels, elles sc sont subordonnées elles-mêmes à la de concile œcuménique solennellement approuvé et condition qu’il n'y ait pas eu à Florence, de la part promulgué par le pape il y a une certaine différence. de Γ Église, une manifestation authentique de son Et il est assurément vrai encore que, poursc trouver enseignement doctrinal. Le principe invoqué étant énoncée dans un acte conciliaire, une affirmation doc­ contestable et contesté, la condition surtout, dont on trinale n’est point pour cela même nécessairement faisait tout dépendre, sc trouvant démontrée inexis­ définie. Mais l’Église ne ferait-elle donc sienne une tante par celui-là même qui avait le plus d’intérêt à doctrine qu'aulant et dès l’instant qu’elle en donne en constater la réalité, on peut sc demander, la valeur une définition proprement dite? Ce n'est point là, qui reste a des adhésions de cette nature. nous semble-t-il, doctrine commune dans l’Église. Et 4. Conclusion. — Dans une doctrine ayant pour elle ces théologiens des derniers siècles, qui, pour pouvoir un consensus theologorum tant de fois séculaire, uni­ prendre parti contre le décret de Florence, se sont versam /ere aciem scholasticorum, pour parler comme ingéniés à lui trouver un but purement disciplinaire, Benoit XW’, De synodo dtaecesana,c. vin, 10,11, qui est historique ou consultatif sc seraient-ils ainsi appliqués exprimée dans les rites les plus solennels et les plus à en exclure lo caractère conciliaire et doctrinal, s’ils minutieusement réglés de la liturgie et qu'un concile avaient cru qu’il fût loisible de contredire une doc­ œcuménique a authentiquement proposée comme trine approuvée et proposée comme « vraie » par un exprimant « la vérité » en matière de sacrements, concile œcuménique? Aujourd’hui du moins que ce comment hésiter à reconnaître la doctrine propre de double caractère du décret apparaît incontestable, l’Église! nous croyons qu’ils renonceraient eux aussi à y con­ Elle est la seule en tout cas que cette Église ait tredire et à considérer l’imposition des mains comme jamais authentiquement donnée comme sienne; per­ appartenant encore à la matière propre du sacrement sonne ne cite et ne saurait citer un acte quelconque de l'ordre. de cette Église qui en soit le désaveu ou seulement 3° Le changement est total. — 1. C’est le sens des l’abandon authentique. Pour la constitution de documents. — Il nous paraît certain, en cfTct, comme Léon XI11 sur les ordinations anglicanes, voir plus au cardinal van Rossum, que la pensée de l’Église, loin, col. 1420. La réaction qui s’est produite au telle en particulier qu'elle s’est manifestée au concile xix· siècle en faveur de la seule imposition des mains de Florence, exclut l’imposition des mains du rite ne saurait avoir ce caractère : le point de départ en essentiel de l’ordinali*»n. Les textes cités du Ponti­ est surtout d’ordre historique et elle demeure con­ fical ne parlent que de la tradition des instruments, ditionnée elle aussi par le présupposé reconnu faux et l’on n'aurait pas songé à leur attribuer un autre du caractère purement disciplinaire ou consultatif du sens, si l’on n'avait pas cru établie par*hillcurs la décret de Florence. L’Église d’ailleurs viendrait-elle nécessité de l’imposition des mains. Le commentaire à poser en faveur de cette opinion un acte dont l'auto­ défait qu'endonnel'article cité de saint Thomas, III®, rité égale ou supérieure à celle du décret de Florence Supplcm., q. xxxvu, a. 5, est lui aussi indiscutable; permit de la considérer comme authentiquement indiscutable également sa pensée telle qu'elle est ex­ adoptée par elle, plutôt que d’y voir la condamnation primée dans son opuscule De Ecclesiæ sacramentis : de la doctrine enseignée par le concile, il y aurait lieu pas un mot n'y suggère que pour, lo sacrement de de sc demander si une modification si manifeste de l’ordre, contrairement à ce qu’il fait pour les autres sa pensée antérieure n’autoriserait pas à parier une sacrements, il sc borne à Indiquer une partie de la ma­ fols encore d'un changement introduit par clic dans tière et de la formcsacrainentclies, et passe sous silence le rite essentiel du sacrement de l’ordre. la partie qu'il eût considérée comme la plus impor­ En attendant, rejeter comme fausse et erronée la tante. Même conclusion pour le décret de Florence. doctrine du concile de Florence, c’est admettre qu’un Toutes les suggestions faites pour expliquer que l'im­ concile œcuménique, dans un décret doctrinal, position des mains, sans y être mentionnée, y est cepen­ approuvé et promulgué comme tel par le pape, a dant supposée comme matière essentielle, procèdent de la conviction préalable de la nécessité de ce rite « déclaré » être < la vérité en matière sacramentelle · • et sc heurtent à la fols nu but proprement doctrinal ce qui en fait est une erreur en matière de foi. que poursuit le concile, au texte de saint Thomas Pour rendre acceptable pareille hypothèse, c'est vraiment trop peu qu’une opinion théologique, fût- qu'il reproduit, et aux paroles mêmes qu'il emploie. Rien n'indique que le concile procède pour le sacreelle la plus hautement recommandée. Le cardinal van 1417 IMPOSITION DES MAINS ment de Tordre autrement que pour les autres sacre­ ments et ne donne à son sujet qu'une doctrine Incom- 1 plète. Quand il n jugé à propos de préciser aux Armé­ niens des questions d’ordre secondaire ou purement liturgique, comme, par exemple, pour l’eau à ajouter nu vin do la messe, il l’a fait en termes formels et précis; Ici, comme pour le baptême, la confirmation, etc., c’est la matière essentielle et proprement dite du sacrement qu’il entend faire connaître. Et le renvoi an Pontifical romain qu’il ajoute au texte de saint Thomas n’est pas pour atténuer celle affir­ mation : si, de fait, le Pontifical conserve l’imposition des mains parmi les cérémonies de l’ordination, scs rubriques elles-mêmes, tant générales que particu­ lières, indiquent qu’elle n’y est pas considérée comme le ritc essentiel destiné à produire le caractère. Le concile, au reste, ne renvoie au Pontifical que pour la forme des ordres autres que la prêtrise, dont aucun, on le sait, sauf le diaconat, ne comporte, même à titre de cérémonie, l’imposition des mains. Ces faits ne sont pas seulement significatifs par eux-mêmes; il s’établit de plus entre eux un accord si naturel et si complet que la pensée de l’Église en ressort manifestement. On peut croire ne pas être tenu d’accepter cette pensée, comme le fait le cardinal van Rossum à la suite de beaucoup de théologiens modernes, quoique dans des conditions où ces derniers ne s’en seraient pas reconnu la liberté. On peut cher­ cher ailleurs des arguments pour essayer de prouver que la doctrine ainsi manifestée est Incomplète, et le cardinal Billot, De sacramentis, t. n, thés, xxx, le fait, avec tous ceux qui croient devoir associer l’imposi­ tion des mains à la tradition des instruments pour obtenir le ritc essentiel du sacrement. Mais comparés aux faits dont nous parlons, les arguments qui ap­ puient les positions ainsi adoptées apparaissent si peu liés entre eux et si dépourvus de fondement solide, que seule une conviction préétablie peut en faire agréer les conclusions. 2. Les arguments en sens contraire ne prouvent pas. — On invoque le caractère sacramentel reconnu à l’imposition des mains aux Ages où elle était le seul rite de l’ordination et sa persistance parmi les rites actuels. Mais conclure delà qu’elle a toujours conservé le meme caractère, c’est, sans doute, supposer impos­ sible a priori qu’elle l’ait perdu; ce n’est pas prouver que l’Église, à un moment donné, n’a point cessé dele lui reconnaître. L’antiquité et la persistance du ritc ne sauraient, en effet, rien changer aux constatations déjà faites : qu’il n’ait pas cessé, depuis les apôtres, de faire partie des cérémonies de J’ordination, théo­ logiens, liturgistcs, papes et conciles ne l’ignoraient certes pas; le Décret de Graticn, qui le mentionne seul à l’exclusion de tout autre, part. I, dist. XX111, c. vu, vin, xi, aurait suffi à le rappeler à un monde qui lui empruntait toute sa documentation canonique. Cf. de Ghcllinck, Le traité de 1\ Lombard sur les sept ordres ecclésiastiques, dans la Revue d'histoire ecclésinstiquedeLouvain, 1910, t.xii, p. 29-16; mais lofait qu’ils ont néanmoins reconnu la matière propre du sacre­ ment dans la seule tradition des instruments n’en est nu contraire que plus significatif. On sc réfère à la décrétale de Grégoire IX sur la nécessité de suppléer ad cautelam, en cas d’omission, le rite, < introduit par les apôtres, » do l’imposition des mains : Presbyter et diaconus, cum ordinantur, manus impositionem, tactu corporali, ritu ab apostolis introducto, recipiunt; quod si omissum fuerit, non est aliquatenus iterandum, sed statuto tempore ad hujusmodi ordines conferendos, caute supplendum, quod per erroremexstitit pnrtermissum. 1.1, tit.x \n,De sacramentis non iterandis, c. 3. Mnis on n’arrive d’abord pas à se mettre d’accord sur ce qui fait l’objet propre de cette 1418 décision. Les uns croient qu’il s’agit de l’imposition des mains elle-même, qui aurait été complètement omise, cf. Many, De sacra ordinatione, tit. n, c. η, η. 257; les autres pensent qu’on avait seulement omis de la faire tactu corporali, et c’est pour cette irrégularité commise dans l'accomplissement du rite qu'elîe serait à suppléer. Cf. Wernz, Jus Decretalium, t. n, n. 61. Puis rien, dans le texte de la décrétale, n'indique que le pape ait considéré l’imposition des mains comme étant Indispensable à la validité du sacrement. On peut l'admettre sans doute, si l’on croit certain par ailleurs qu'il ne pouvait pas en être autrement, et c’est ainsi que l’entendent Wernz, loc. cil., et la plu­ part sans doute de ceux qui partagent son opinion sur la nécessité de ce rite; mais le texte n’y oblige nullement et Mgr Many, par exemple, loc. cil., croit nu ccntraire qu’il dénote un sentiment tout opposé : Fatendum est, st hodie contingat omitti priorem ma­ nuum impositionem, non tantum supplendum esse hunc ritum, sed totam iterari debere ordinationem, quia, cum opinio sit hodie communis ritum illum esse essentialem, imo solum essentialem, illo omisso, cetera nihil valere quisque putaret. Unde dicendum est Gregarium IX, qui hæc scribebat circa annum 2232, hanc solutionem prae­ ficam dedisse furta disciplinam sui temporis, quo vulgo jam putabatur ritum illum esse mere accessorium. On allègue le c. in de la session XIV du concile de Trente sur le ministre de Tcxtrêmo-onction, où il est dit que, dans la lettre de saint Jacques, les presbyteri qu’on appellera auprès des malades doivent s’entendre soit des évêques soit des prêtres ordonnés par eux : per impositionem manuum presbyterii. DenzingerBannwart, Enchiridion, η. 910. Le concile aurait ex­ primé là sa pensée sur lo rite propre de l'ordination sacerdotale. Mais il est vraiment étrange que l’on ait pu attribuer à ce tcxlounc portée pareille. Le concile I ne fait qu’y déterminer le sens du mot presbyteri dans la lettre de l'apôtre : Quo nomine co loco,... intclligendl veniunt... non a'tale seniores... sed aut episcopi aut sacerdotes ab ipsis rite ordinati per impositionem manuum presbyterii. Cf. 1 Tim., iv, 14. Pour établir que les prêtres sont seuls les ministres de l’extrêmeonction· il fixe l’exégèse du texte de saint Jacques et en indique le sens tel qu’il résulte des documents de la même époque : le nom de presbyteri (quo nomine), désigne là (eo loco), dans cette Epltre, les episcopi ou les sacerdotes qui ont reçu desévêques Vimpositionem manuum presbyterii dont parle KÉpltre à Timothée. Cette citation même de saint Paul confirme que le concilo ne tend directement qu’à déterminer le sens du mot presbyteri dans la lettre de saint Jacques. C'est donc dépasser manifestement sa pensée que de lui attribuer l’intention d’indiquer ou seulement de rappeler quel est à scs yeux le rite propre de l’ordi* nation sacerdotale. 3. Confirmation par le concile de Trente. — Tout porto à croire, au contraire, que, sur la matière du sacrement de l’ordre, le concile de Trente s'en est tenu exactement à la doctrine du concile do Florence. Nous avons déjà dit l'autorité qu’il avait reconnue au décret pour les Arméniens. Voir col. 1313. Plusieurs de ses canons sur les sacrements ne font qu’en reproduire les formules, par exemple, le canon 9 des sacrements en général^ sur le caractère sacramentel, le canon 3 do la confirmation sur le ministre de ce sacrement. Cf. de Guibcrt, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, 1919, p. 86-38. Mais, au sujet du sacrement de l’ordre en particulier, il est manifeste que les deux conciles professent la même doctrine. L'un et l'autre considè­ rent comme sacrements, des ordinations où n’inter­ vient à aucun titro l'imposition des mains et où l’on ne saurait assigner d’autre matière sacramentelle que i la tradition des Instruments. Le concile de Florence 1419 IMPOSITION DES MAINS Ip fait explicitement pour le sous-diaconat et les ordres mineurs. Sacramentum ordinis, cujus maîeria est illud per cujus traditionem confertur ordo : presby­ teratus..., diaconatus..., subdiaconatus vero per calicis vacui cum patena vacua superposita traditionem; et simi­ liter de aliis per rerum ad ministeria sua perlinentium assignationem. Celui do Trente ne s'occupe pas directement de la matière propre du sacrement; il *c borne à condamner, au canon 5, le mépris que font les protestants de Ponction et des autres cérémonies qui en accompagnent l'administration, et à définir en particulier au canon 4 que le don du Saint-Esprit par l'évêque n'y est pas sans efficacité. Mais il enseigne formellement, c. n et can. 2, l'existence dans l'Église des ordres majeurs et mineurs, et il les a encore mani­ festement en vue les unset les autres,quand il définit immédiatement après, can. 3, que l'ordre ou l'ordina­ tion en général est un sacrement : Si quis dixerit ordinem sive sacram ordinationem non esse vere et proprie sacramentum a Christo Domino institutum, vel esse figmentum quoddam humanum, excogitatum a viris rerum ecclesiasticarum imperitis, aut esse tantum ritum quemdam eligendi ministros oerbi Del et sacra­ mentorum, anathema sit. Cetto juxtaposition des deux canons, dont l'un affirmo l'existence des divers ordres et dont l’autro affirme que l'ordre en général est vrai­ ment un sacrement, suggère déjà qu'il s'agit dans les deux cas des mêmes ordres; mais surtout les erreurs protestantes que condamne le canon 3, en les oppo­ sant à la doctrine qu’il définit, prouvent que l'ordina­ tion visée est aussi celle des ordres inférieurs au diaconat; ce sont eux surtout, ce sont surtout les traditions des divers instruments que les protestants traitent do figmentum quoddam humanum excogita­ tum a viris rerum ecclesiasticarum imperitis; pareil mépris et pareilles qualifications ne sauraient s'en­ tendre aussi bien des diacres institués par les apôtres ou de l'impositlun des mains mentionnée tant de fois dans ΓÉcriture. Si donc, comme il est évident, c'est bien des mêmes ordres que le concile condamne ces interprétations outrageantes et définit lo caractère vraiment sacramentel, il suit nécessairement de là que sa définition vise aussi directement, sinon surtout, les ordres inférieurs au diaconat. Nous n'entendons pas affirmer pour autant qu’il soit de foi que ces di­ vers ordres soient eux aussi des sacrements. Co n'est pas que la pensée du concile sur co point ait été dou­ teuse. Parmi les 15 théologiens appelés à donner leur avis sur lo premier projet do rédaction do ces canons, un seul, le Portugais Jacques do Palva, contesta que lo sous-diaconat et les ordres mineurs fussent sacrements.Tl)elncr,Adaconcih7Triden/ Chez l’homme, les signes de la puberté sont les suivants ; « les poils du pubis deviennent nombreux: il existe des érections souvent suivies de pollutions; les testicules augmentent de volume ct deviennent plus sensibles à la pression; les joues ct la lèvre supérieure sc couvrent de barbe, la voix devient plus forte. > Ibid., p. 126. Les mêmes facteurs, dont nous avons signalé l’influence sur le développement précoce ou tardif de la puberté chez la femme, in Huent sur la puberté masculine. Ici encore, du moins dans les régions septentrionales, la puberté légale est en avance sur la puberté physiologique. Cependant le cas contraire peut sc présenter, quoique rarement. Les statistiques apportent des exemples 1427 IMPUBERES 1428 incontestables de précocité, notamment des cas de : decimum sextum alatis annum completum, mulier ante grossesse chez des filles âgées de moins de douze ans. decimum quartum item completum, matrimonium vali­ On dit alors, en termes de droit canonique, que la dum inire non possunt. Can. 1067, § 1. Si, à cet âge malitia supplet artatem. légal, un des conjoints n'avait pas la puberté physio­ 11. Dispositions du dhoit canonique.— 1·Λιι point logique, il serait sujet à l’empêchement d'impuissance temporaire .Voir Impuissance. de vue des fiançailles. — Les fiançailles contractées par des impubères, à supposer qu’ils aient l’âge ct Le Code ajoute cette recommandation faite aux l’usage de la raison, sont valables. Seulement dans curés, § 2 : Licet matrimonium post p radictam la législation ecclésiastique antérieure au Code de œlatem contractum validum sil, curent tamen animarum droit canonique, ces fiançailles étaient, de droit, res­ pastores ab eo avertere juvenes ante atalem, qua, cindées au profit de la partie qui, au moment des secundum regionis receptos mores, matrimonium inirt fiançailles, n’avait pas atteint la puberté : elle pou­ solet. Cette recommandation a pour but de ne pas vait renoncer au contrat dès qu'elle serait devenue I exposer les jeunes gens catholiques à contracter un pubère. Ainsi donc, l’impubcrté n'entraînait pas la mariage qui ne serait pas valide d’après la législation nullité des fiançailles. Pour qu'elles fussent valides, il de leur pays. suffisait que les deux contractants eussent l'usage 2. L'empêchement dirimant, en raison de l'âge, de la raison ct eussent accompli leur septième année, est un empêchement de droit ecclésiastique.— De droit l'âge de sept ans étant requis en droit canonique, naturel, est valide le mariage dont chacune des par­ c. 4, 5, 13,X, IV, xi;c.un. dans le Sexte,IV, n; Codex ties contractantes a l’usage de la raison, ou est, juris canonici, can. 88, § 3, pour l'âge de raison. Un comme on le dit, doli capax; sans quoi, le mariage enfant précoce, dont le développement intellectuel a serait nul, même de droit naturel. devancé l'âge, était inapte à conclure un contrat de 3° Conséquences. — 1. L'empêchement d'âge, fiançailles. Mais si les fiançailles contractées entre étant de droit ecclésiastique, peut être levé par deux Impubères ou entre une partie pubère et une dispense. Le souverain pontife peut autoriser le partie impubère, étaient valables, la partie qui avait mariage d'une personne qui n’a pas atteint encore contracté dans l’impubcrté n'était pas tenue d'exé­ l’âge légal du mariage. Toutefois, le Saint-Siège juge cuter sa promesse de mariage; elle avait la faculté de rarement opportun d'octroyer cette faveur, ct, sous résilier le contrat; toutefois, cette résiliation n'était l’ancienne législation, jamais il ne l'accordait, dans efficace qu'à partir du moment où la partie intéressée le cas où l’un des contractants fût physiologiquement était devenue pubère, c’est-à-dire avait atteint soit impubère, que sous réserve de ne pas user du mariage la puberté légale, soit la puberté physiologique. avant que l’impubère ne fût apte à accomplir nor­ L'Église ne voulait pas que la personne usât de son malement le rapprochement sexuel. La dispense pon­ droit avant que l'âge n'eût mûri son intelligence ct tificale porte uniquement sur l'empêchement cano­ trempé sa volonté. Voir les c. 7 ct 8, X, IV, n. nique; elle présuppose chez les deux contractants 2° Au point de vue du mariage. — 1. Avant l'intro­ la discrétion ou la doli capacitas, dont l'absence cons­ duction du nouveau Code canonique, l’impubcrté tituerait un empêchement de droit naturel, empêche­ constituait un empêchement dirimant de mariage; mais ment qu'aucune dispense ne pourrait lever. On cite pour que l’empêchement existât, il fallait que la cependant des exemples d'une telle dispense qui puberté fît défaut au double point de vue physiolo­ aurait été abusivement octroyée. Dans la Theologique ct légal. gische Quartalschri/l, 1904, p. 556-575, Sagniüller I>c mariage était à regarder comme non valable, rapporte et discute le cas suivant : en 1160, les légats quand il était contracté entre deux personnes léga­ du pape auraient dispensé en faveur d’un mariage lement ct physiologiquement impubères, ou entre à contracter entre le fils du roi d’Angleterre, âgé de deux personnes dont l’une seulement avait atteint la sept ans, ct la fille du roi de France, âgée de trois ans. puberté. Avant la mise en vigueur du décret Ne (emere, 11 explique le fait en disant que les légats ont approuvé on prêtait au mariage ainsi contracté la valeur de le mariage conclu par les parents au nom des enfants, et l’ont considéré comme ratum conditionnellement : fiançailles, à condition que le contrat matrimonial ne fût pas invalide par défaut de consentement ou du ; c'est-à-dire à condition que plus tard les intéressés chef de clandestinité. L'Église transformait, pour les donneraient librement leur propre consentement. impubères, le consensus de pnrsenti en consensus de i 2. L'empêchement d’âge disparaît de lui-même par le futuro; ct ce consentement de futuro entraînait l'empê- I cours du temps. Cependant le mariage déjà contracté ct chôment d'honnêteté publique du chef de fiançailles. nul de ce chef n'est pas revalidé du coup, par le seul fait Ci. c. 4, X, IV, n, et lo c. unique du livre IV, lit. n, du de la disparition de l’empêchement. Cf. le c. unique du Sexte. Depuis que le décret Ne (emere avait soumis, . Sexte, IV, n. 11 faut que les parties en cause, connaissant sous peine de nullité, à des formalités spéciales, con- | la nullité de leur mariage, renouvellent leur consen­ signées dans le nouveau Code, can. 1017, les contrats tement. Si la nullité est ignorée du public ct que la de fiançailles conclus entre des futurs dont l’un au forme prescrite par l’Église ait été observée lors de la moins appartenait au rite latin, on devait pratique- * célébration du mariage, le consentement peut être ment négliger celte disposition des Décrétales. Elle ne renouvelé sans autres formalités, fût-ce par les j>ouvait plus être invoquée que dans le seul cas du rapports accomplis animo conjugali. Si la nullité est mariage contracté entre impubères appartenant tous connue ou que le mariage ait été contracté en dehors deux au rite oriental; dans tous les autres cas, le des formalités prescrites, il faut que le consentement mariage nul pour cause d'infpubcrté n'était plus équi­ soit renouvelé devant l’Eglise. valent aux fiançailles et n’entraînait plus l'honnêteté Sous le régime des Décrétales, Sexte, IV, n, le publique. mariage était validé de droit ct en toute hypothèse Les dispositions de l'ancien droit ecclésiastique se par le rapprochement sexuel, que celui-ci fût accompli trouvent consignées au titre n du IV· livre des Décré­ animo conjugali ou non. Ce rapprochement consti­ tales de Grégoire IX, De desponsatione impuberuoh tuait la preuve que la puberté physiologique était ainsi qu’au chapitre unique qui tonne tout le titre n du atteinte, ct il entraînait la présomption irréfragable IV· livre du Sexte. A consulter et à combiner entre eux juris ci de jure du consentement matrimonial. C’était une des espèces de mariage présumé, auquel les c. 3, 8, 9, 14, X, IV, u. Le nouveau Code a fixé, pour la validité du mariage, la loi de La clandestinité ne mettait pas obstacle. un âge qui diHèrc de celui de la puberté légale : Virante Depuis le concile de Trente, ce mariage présumé 1429 IMPUBÈRES n’était plus admis, sinon dans les lieux ou le décret Tametsi n’était pas en vigueur. La loi de la clandes­ tinité s'étant généralisée sous la nouvelle discipline de Pie N, il n’y avait plus lieu de s'occuper de ce moyen de validation du mariage des impubères que dans le cas d’un mariage entre deux personnes catholiques du rite oriental. La nullité du mariage pour cause d’impuberté était d'ordre public; une action en nullité pouvait donc être intentée d'ofllce. Seulement, cette action intentée d'oflicc n’était plus admise, une fols la puberté atteinte; après cette époque, le droit d’attaquer lo mariage était réservé â la partie qui était originairement impubère ct qui ne l’avait pas validé encore. 3. De ce que l'empêchement d'âge est de droit ecclésiastique ct non de droit naturel, à supposer que la discrétion y soit, il résulte encore qu’il ne lie pas directement les infidèles, mais seulement les baptisés. Le mariage est donc valide entre des infidèles qui ayant l’usage de la raison, n'ont pas encore l'âge légal, â moins que le code civil auquel ils sont soumis, n'annule le mariage des impubères. L’empêchement d’âge n’atteint pas non plus le mariage contracté entre une partie baptisée ayant atteint l’âge une partie infidèle ne l'ayant pas atteint. 4° Au point de vue des censures.— D’après la doctrine généralement admise par les canonistes, les impubères pouvaient être atteints par les censures; en fait, cependant, on les considérait comme exempts, â moins qu'ils ne fussent spécialement visés, comme c’était le cas pour la censure attachée à la violatio clausuræ des moniales. Le concile de Trente, la cons­ titution Apostolicœ sedis frappaient de la peine d’ex­ communication, simplement réservée au siège apos­ tolique, tous ceux qui violent cette clôture, quel que soit leur sexe ct leur âge. Nombre d'auteurs étendaient la même dérogation ù la censure portée contre les agresseurs des clercs. Ces dérogations ù la règle ne sont pas maintenues dans le Code de droit canonique. H dit expressément : Impuberes excusantur a pœnis lalnt sententia·, et potius punitionibus educativis> quam censuris aliisve pœnis gravioribus vindicativis corri­ gantur. Can. 2230. Donc les censures n'atteignent pas les impubères qui n’ont pas l'âge de la puberté légale; ici on ne tient pas compte de la puberté phy­ siologique. C'est d’ailleurs précisément l'âge qui jus­ tifie l’exemption. L'Église estime qu’à raison de leur âge plus tendre les impubères méritent plus d’indul­ gence; s’ils ont besoin de correction, disent les Salmanticcnccs, De censuris, n. 168, il faudrait recourir plutôt aux verges qu'aux censures. 5° Le nouveau Code canonique vise explicitement les impubères au sujet de l’obligation de la communion pascale. Can. 960. 11 ne leur reconnaît pas le droit de suffrage dans les élections canoniques» can. 167, §1,2°, ni celui de choisir le cimetière de leurs funérailles et de leur sépulture, que leurs parents ct leurs tuteurs peuvent toutefois exercer. Can. 1221,1°. 11 les déclare non capables de témoigner en jugement. Can. 1757, § 1. Toutefois, le juge peut, s’il le déclare expédient, porter un décret, en vertu duquel leur témoignage vaudra seulement comme indice et comme preuve adjuvante; généralement il ne leur déférera pas le serment. Can. 1758. Les impubères ne sont pas admis comme experts. Can. 1795, § 2. III. Dispositions du Code civil vis-a-vis du mariage aviL. — Sous l’ancien régime, les principes adoptés autrefois en droit canonique, étalent admis en droit civil. La jeune fille était présumée pubère ù douze ans, le jeune homme à quatorze ans; c’était la règle fixée parla loi. « Néanmoins, dit Pothier, Traité du contrat de mariage, Paris, 1825, n. 94, si la vigueur avait devancé l'âge en cette personne et qu'elle eût 1430 donné des preuves do puberté, puta, si une jeune fille, mariée avant l'âge de douze ans était devenue grosse, le mariage serait valable; car le défaut ne forme un empêchement de mariage qu'autant qu'il forme une présomption de défaut de puberté; mais dans cette t espèce, la présomption est détruite par le fait, ct la preuve que cette jeune personne a donnée de sa puberté. > Λ l'appui de sa doctrine, il cite un arrêt porté en faveur d’une jeune veuve de onze ans neuf mois. « Les héritiers du mari avaient attaqué de nullité son mariage, comme fait avant l’âge, et lui avalent contesté toutes scs conventions matrimoniales ; la Jeune veuve ayant prouvé qu’elle était grosse, il fut jugé que le mariage était valable, et qu’elle devait en conséquence Jouir de son douaire et de scs autres conventions matrimoniales. · C’était la consécration de la formule restrictive : nisi malitia suppleat ætatem. La loi du 20 septembre 1792 apporta une modifi­ cation à l’âge légal de la puberté. Elle exigea une année de plus, et la puberté fut respectivement fixée, suivant les sexes, à quinze ct treize ans. Le Code civil reporta l'âge légal pour le mariage à dix-huit et quinze ans; le Premier consul Napoléon proposa même vingt et un ans pour le jeune homme. Pour justifier la réforme, Portalis, dans son Exposé des motifs (Locré, La législation civile, commerciale et criminelle de la France, Paris, 1827, t. iv, p. 844), invoque unique­ ment des considérations d’ordre physiologique, et reproche à l’ancienne législation de donner un démenti à la nature. D’autres jurisconsultes, parmi les rédac­ teurs du Code, en appelaient également à des motifs d'ordre moral : « Des époux trop Jeune , disait Maleville devant le Conseil d'État (Locré, loc. cit.,p. 316), n'ont pas la maturité d’esprit ct l’expérience nécessaire pour conduire leur maison ct élever des enfants. » D’autre part, en laissant au gouvernement la faculté d'accorder des dispenses, on croyait remédier aux inconvénients qui pourraient résulter de la reforme introduite. Portalis admettait que « des circonstances, rares à la vérité, mais impérieuses, peuvent exiger des exceptions »; il faisait allusion â la grossesse de la femme n’ayant pas atteint l’âge légal. Laurent, Principes de droit civil, Paris, 1876, t. n, n. 283, ajoute que, d’après une circulaire de 1824, il y a encore cause de dispense, si le mariage projeté doit assurer à la personne dispensée un état ct des moyens d’exis­ tence, s’il doit mettre scs mœurs à l'abri du danger auquel elle serait exposée. En fait, peu de dispenses d’âge sont accordées» ct, au dire de Planiol, Traité élémentaire de droit civil, Paris, 1908, t. i, n. 707, le gouvernement français n’accorde jamais de dispense de plus d’une année. La rédaction primitive n été maintenue dans le Code civil actuel, en France ct en Belgique, aux art. 144 ct 145. Le mariage donc, s’il est contracté par une jeune fille avant sa quinzième année accomplie, ou par un jeune homme avant sa dix-huitième, sera nul ou plutôt annulable. La nullité qui le frappe est une nullité absolue; le mariage peut être attaqué non seulement par les personnes y ayant intérêt, mais encore par le ministère public. L'action en nullité, toutefois, n’est pas admise dans les deux cas suivants, prévus à l’art. 185 : · 1° lorsqu'il s'est écoulé six mois depuis que cet époux ou les époux ont atteint l’âge compétent; 2° lorsque la femme qui n'avait point cet âge a conçu avant l’échéance de six mois, · à compter depuis le moment où l'âge légal a été atteint. Ce second cas vise l’ancienne disposition du droit canonique : nisi malitia suppleat retatem. Notez qu'aux termes de l'art. 185, « la grossesse n’est une fin de nonrecevoir contre l'action en nullité que quand c’est la femme qui s’est mariée avant l’âge requis. Si c'était le mari qui fût impubère ct la femme pubère, la 1431 IMPUBÈRES — IMPUISSANCE nullité no serait pas couverte par la grossesse de celle-ci, car rien ne prouverait que cette grossesse fût l'œuvre du mari. > V. Thin’, Cours de droit civil, Paris, 1892, 1. 1, n. 299. Au point de vue de la législation comparée : quelques pays, comme l’Espagne ct l'Angleterre, adoptent encore actuellement l'âge fixé par l'ancien droit canonique. La loi autrichienne exige pour la nubilité, dans les deux sexes, l’âge de quatorze ans. La règle admise en France ct en Belgique est en vigueur en Italie ct en Roumanie. En Russie, en Hongrie, en Hollande ct en Suisse, la puberté légale n’est respectivement atteinte qu’à dix-huit ct seize ans; au Danemark, à vingt ct à seize ans. D’après le nou­ veau Code allemand, à l’art. 1303, le jeune homme, pour être admis au mariage, doit avoir vingt ct un ans accomplis, ou avoir dix-huit ans et être émancipé; la jeune fdlc doit être âgée de dix-sept ans; une dispense peut être accordée en faveur de ccttc dernière. Gaspard, Tractatus canonicus de matrimonio, Paris, 1892, t. i, n. 17, 31, 491-509; Feyr.Dc Impedimentis et dispensa­ tionibus matrimonialibus, Louvain, 1893, n. 531-537; Giovinc, De dispensationibus matrimonialibus consultationes canonic^, Naples, 1863, t. n, consult. 20α; Ojetll, Synopsis rerum moralium et furis pontificii, Home, 1909-1915, nux molsÆfasct ImpuIteres ; SâgrnûOcr, Fine Dispens pdpstllcher Isgatcn sur Vcrchcllchung cines Slebenjdhrtgcn mit einrr Dreifahrigcn im Jahre 1160, dans la Theologische Quartalschrift,l. Lxxxvm, 1901, p. 536-575; Wcmz, Jus Decre­ talium, Prato, 1911-1912, t. iv, n. 309-330. Esmcin, Le mariage en droit canonique, Paris, 1891, t. 1, p. 150 sq., 212 sq.; Lchr. lx mariage, le divorce et la séparation de corps dans les principaux pays civilisés, Paris, 1899; Locré, La législation civile, commerciale et criminelle de la France, Paris, 1827, t. IV ; Planiol, Traité élémentaire de droit civil. Parti, 1908, t. i,n. 704 sq., 1018 sq.; Pothier, Traité du mariage, dons Œuvres, édit. Dupin. Paris, 1825, t. v, n. 91 sq.; Hoquln, Traité de droit civil comparé. Le mariage, Paris, 1901 ; V. Thiry, Cours de code civil annoté au point de vue de la doctrine et de la jurisprudence belges ct françaises, Liège, 1892-1893,1.1, n. 221,298 sq.; P. Viollct. Histoire du droit civil français. Parts, 1893, p. 414 sq., et 511 sq.; Brouardel, Le mariage, nullité, divorce, grossesse, accouchement, Parts, 1900. A. De Smet. 1. IMPUISSANCE.— I. Notion. II. Espèces. III. Empêchement de mariage. IV. Rôle du curé ct du confesseur. V, Devoirs du curé et du confesseur. VL Législation civile. VIL Question connexe : fécon­ dation artificielle. L Notion. — L'impuissance peut se concevoir de deux manières : il y a Γ impotentia coeundi ct Γimpo­ tentia facundandl, L’ impotentia coeundi suppose l'existence d’un défaut organique ou d’un trouble fonctionnel qui empêche Γaccomplissement normal des rapports sexuels,c'est-à-dire qui empêche ceux-ci d’être accomplis dans des conditions telles que.de par la nature de l’acte, ils puissent amener la fécondation. Il y aura impotentia fœcundandi chez une personne qui, tout en étant pourvue des organes indispensables aux rapports normaux, est physiologiquement inapte à féconder ou à concevoir, à cause d’un défaut orga­ nique, n’atteignant pas l’acte sexuel en lui-même. Impotentia coeundi datur quotiescumque præsto non sunt organa expedita ad penetrationem vasis debiti cum emissione seminis virilis : virga scili­ cet crccUbilis, cx parte viri, cum testiculis ad elabo­ randum semen requisitis ct canali pervio ad urcthrum; ct, cx parte foeminæ, vagina pervia. Unde,apud virum, Impotentiam coeundi inducit absentia virgae; anaphrodisia, consistens In absentia crcctibllltatls ad perdelendam copulam, seu in frigiditate quadam proveniente cx quadam infirmitate nervosa aut cx indifferentia erga uxorem, vel cx timore incusso vel per autosuggeslioncm suscepto, qui defectus olim 1432 adseribebatur passim maleficiis; aphrodisia, quæ est in nimia excitatione venerea, ita ut seminis secretio penetrationem proveniat; disproportio virgas testi­ culorum defectus; Daseclomia duplex seu resectio utriusque canalis deferentis, et quaevis alia infirmitas quæ penetrationem vel seminationem intra vas impediat, quemadmodum contingit in casu hgpospadiie vel epispadia, quando nempe orificium virgæ sistitur in radice penis, sive a parte inferiori sive a parte superiori. Apud mulierem, impotentiam coeundi constituit defectus vaginæ ejusve occlusio hermetlca cx parte uteri, nimia arclitudo ct vaginismus, id est hyperesthesia vulvæ omnem coitum cohibens. Qui omnes et singuli enumerati defecius vel copulam reddunt impossibilem vel prohibent quominus exer­ ceatur modo qui, cx parte actus, generationi sit idoneus. In specie, quod spectat vasectomiacos, viri illam passi incapaces existunt, non secus ac castrati, ad emittendum, post evacuationem vesicularum semi­ nalium, virile semen, cum omnis communicatio cum testiculis semen elaborantibus sit abrupta; possunt quidem vascctomiacl, sicut et castrati, servare virgae crectabllitatem et vaginam penetrare, ac imo liquorem quemdam ejaculare, ast hoc liquidum non est verum semen, sed humor quidam aquosus a glandula pro­ stata secretus. Quod autem spectat vaginismum, ex eo impotentem reddi mulierem ad coeundum non est negandum. Ad potentiam namque coeundi non est satis quod vir possit applicare virgam ad partem exteriorem vulvæ, ibidenique deponere semen : potest quidem sequi fœcundatio favore motus vitalis quo gaudent spermatozoida, ut sponte penetrent vaginam; verum id non sufficit, sed requiritur ut fœcundatio obtineri queat via normali, id est per copulam; ad hoc autem postu/etur quædam penetratio corporis fœminci, non quidem perfecta, sed aliqualis saltem, quam qualemcumquc excludit descripta infirmitas. Dubitari autem posset utrum sufficiensdclurpenetratio possi­ bilis, adeoque possibilitas copulæ ac potentia coeundi, quando vir penetrare valet vulvam, usque ad orificium vaginæ, non autem ipsam vaginam ncquldem initialitcr, deposito scilicet semine, absque ulteriori penetratione, ad introitum vaginæ : cujus dubii solu­ tioni negativæ favet quod matrimonium passim censetur non consummatum, si hymenis membrana, cujus orificium nimis angustum est ut permittat transitum vlrgæ, intacta remansit ct rigida. Aderit impotentia fœcundandi quando, supposita potentia coeundi, deficit organum vel elementum quod, extra copulæ actum, ad fœcundationcm requiritur, uti ovulum in fœrnlna. Hujusmodi impo­ tentiam importat, in muliere, ovariotomia perfecta, oophorectomia seu fallectomia, quæ correspondet vascctomiæ viri ct consistit in resectione utriusque oviductl inter ovaria ct matricem; in viro, degenerescentia seminis virilis, ita ut vir, erectionis et penetra­ tionis adhuc capax, semen habeat jam non proli ficum. Apparet quomodo mulier, oophorectomiam vel ovariotomiam passa, plenam servaverit capacitatem exer­ cendi copulam quæ, cx parte actus, aplitudinem retinuerit ad fœcundandum; conceptio quidem non sequetur, verum id est non propter vitium afficiens actum copulæ, sed ob defectum positum extra cqpulæ actum. II. Espèces. — L’impuissance, dans les deux acceptions, est antérieure ou postérieure au mariage selon qu'elle a commencé avant ou après le contrat matrimonial. Elle est absolue, si elle empêche les 1 relations avec toute personne, quelle qu'elle soit; ou relative, si clic ne concerne que certaines personnes. Ainsi un homme, à raison de sa frigidité ou des pro' portions anormales de scs organes génitaux, peut parfaitement être impuissant vis-à-vis de telle femme. 1433 IMPUISSANCE cl non de telle autre. On distingueaussi l'impuissance .i organique ou anatomique, ct l’impuissance /one- '| t tonnelle; la première qui a sa cause dans un vice de conformation, la seconde qui provient d'un trouble fonctionnel, comme c’est ordinairement le cas dans l’anaphrodislc, l'aphrodislc ct le vaginisme. L'im­ puissance est dite perpétuelle quand elle est incurable, ou que seuls un miracle ou des moyens illicites ou extraordinaires ou très dangereux peuvent y porter remède. Elle est temporaire, dans le cas contraire : si notamment elle peut être écartée par une opération qui ne présente pas de danger grave, par exemple, en cas d'étroitesse facilement remédiablc. Il semble que la vasectomie double (chez l’homme) entraîne l’impuissance perpétuelle, du moins dans les cas où elle n'est pas de date récente. Les chances qu’il y a de pouvoir souder ensemble les deux extré­ mités du canal déférent sectionné sont en cflet si problématiques, l’opération chirurgicale exige une main si expérimentée, qu’il faut ranger le rétablisse­ ment des fonctions génitales panni les moyens extraordinaires. Seulement, vu les progrès étonnants réalisés dans le domaine de la chirurgie, nous ne voulons pas imposer cette opinion comme certaine, ct refuser toute probabilité au sentiment opposé, d’autant plus que les conséquences en sont impor­ tantes pour la pratique. Ill. Empêchement db maiuage. — 1° L'impotentia coeundi,si elle est antécédente ct perpétuelle, constitue, selon le droit naturel, un empêchement dirimant de mariage. Le Codex juris canonici le déclare : Impotentia antecedens ct perpetua, sive ex parte viri sive cx parte mulieris, sive alteri cognita sive non, sive absoluta sive relativa, matrimonium ipso natunc jure dirimit. Can. 10G8,§ 1. 11 sufllt de considérer la naturect la fin du mariage pour s’en convaincre. En cflet, le mariage est un contrat par lequel l’homme ct la femme s'asso­ cient ct s’unissent en un principe commun de pro­ création ct d’éducation des enfants; engendrer des enfants ct les élever, voilà donc la fin propre du contrat. 11 est dès lors évident que les contractants doivent à tout le moins être aptes à accomplir l’acte sexuel suffisamment pour que de sa nature il tende à la procréation. Mais il tombe sous le sens que seule l’impuissance perpétuelle est un obstacle infranchissable; car elle seule est en contradiction absolue avec la fin du mariage. De plus, il faut que l’impuissance soit antérieure au contrat matrimonial; car une impuis­ sance survenant durant le mariage ne dissout nulle­ ment celui-ci, bien qu’elle interdise les rapports. Enfin il importe peu que l'impuissance soit absolue ou relative. Seulement, dans le premier cas, elle forme un empêchement dirimant à tout mariage, quel qu’ili soit; dans le second, elle n’atteint que les personnes; impuissantes vis-à-vis l une de l'autre. 2° On discute beaucoup la question de savoir si seule Γ impotentia coeundi, à l'exclusion de Γimpo­ tentia fœcundandi, entraîne l'empêchement de mariage. Pour notre part, nous croyons (pic Γimpotentia facundandl ne constitue pas l’empêchement de mariage : du moins cette doctrine est solidement probable en théorie cl peut être appliquée en pratique. 1. En cflet, cc que le contrat matrimonial confère directement aux époux, cc n’est pas le droit de pro­ créer, de féconder; c’est le droit d'accomplir l’acte sexuel de telle façon que de sa nature il soit apte à la génération. 2. On peut trouver une confirmation de cette théorie dans le fait que le contrat matrimonial est un contrat qui intéresse la société,ct qui, à ce titre, est réglementé par l’autorité, soit religieuse, soit civile en ce qui concerne les Infidèles. Or, qui dit 1434 réglementation dit aussi moyen de contrôle. Il faut donc que l’autorité puisse juger, le cas échéant, de l’existence du contrat matrimonial et de sa validité. Mais pour cela, il est nécessaire qu’elle puisse con­ stater l’existence des empêchements, au moins en règle générale; ct dès lors, il faut écarter de la série ceux qui ne sont pas basés sur des faits obvies ct tangibles. Or, tandis que V impotentia coeundi pourra, en règle générale, être constatée sans trop de difficulté, Vimpotentia /œcundandi résulte, comme nous l’avons •vu, de faits qui, pour la généralité des cas, échappent au contrôle : tels l’absence ou l’inertie complète des ovaires, la dégénérescence du sperme. 3. Un troisième argument, qui vient corroborer notre manière de voir, peut se tirer des graves incon­ vénients qu’entraîne l’opinion opposée. En cflet, avec elle il faudrait logiquement écarter du mariage non seulement les femmes privées d’ovaires ou qui ont subi l’opération de l’cophorcctomic, mais encore toutes celles — ct elles sont légion — dont les ovaires sont devenus irrémédiablement improductifs, comme c’est le cas général après le temps de la ménopause; il faudrait écarter de meme tous les hommes dont le sperme est accidentellement vicié ou privé de sper­ matozoïdes. La conclusion qui sc dégage de l’exposé qui précède est celle-ci : il est solidement probable que l’empêche­ ment d’impuissance vise les seuls cas où il y a impossi­ bilité d’accomplir normalement les rapports conju­ gaux, notamment les cas d’absence de verge, de défaut d’érectibllité, d’étroitesse du vagin, etc. Dès que l’accomplissement normal des relations sexuelles est assuré, il n’y a pas d’empêchement d’impuissance, alors même que l’on constate par ailleurs des vices de conformation empêchant la fécondation ou la conception. C’est ainsi que, d’après cette doctrine probable, la femme privée d’ovaires ou ayant subi l'opération de la fallcctomic ne serait pas à consi­ dérer comme Inapte au mariage du chef d’impuis­ sance; H en serait de même des vieillards, dont l’âge a stérilisé mais non tari le sperme, qui sont demeurés capables de vraie émission séminale, ct dont le pénis est resté érectile. Ces personnes ne sont pas à ranger, en vue du mariage, parmi les impuissants, mais parmi les stériles. Si maintenant de la théorie» nous passons à la pratique, nous n’hésitons pas à proclamer que la doctrine susdite, tout en ne dépassant pas les limites delà probabilité, est d’une application sûre en pratique. En cflet, a) il sufllt qu’une personne soit proba­ blement apte à contracter mariage pour qu’on ne puisse pas l’en empêcher en pratique. Tout homme a un droit inaliénable à sc marier, ct l’on ne peut invoquer contre co droit une incapacité, une inter­ diction absolue, excluant tout mariage, que pour autant que celte interdiction ou celte incapacité soit certaine; aussi longtemps qu’elle n’est que douteuse ct probable, l’on peut passer outre. b) Les décrets ct decisions du Saint-Siège semblent sc conformer à ces vues. Dans les cas soumis au cours des dernières années, au sujet du mariage de femmes que l’on disait privées d’ovaires, la solution a toujours été : ne pas interdire le mariage projeté ct, s’il s’agit d’un mariage déjà contracté, laisser les époux en paix. A citer dans ce sens les solutions successivement émanées de la S. C. du Saint-Office, le 3 février 1887, le 23 juillet 1890, le 31 juillet 1895, ct en 1902; la dernière réponse est rapportée par Wcmz» Jus Decretalium, Prato, 1911-1912, t. xv, n. 315, note 31; les autres se trouvent insérées dans la seconde édition (1907) de la Collectanea S. C. de Propaganda fide. Gaspard Tractatus canonicus de matrimonio, Paris, 1435 IMPUISSANCE 1891, η. 578, ajoute qu’il y a encore plusieurs autres réponses analogues : qu’il s’agisse de contrats matri­ moniaux futurs ou passés, la S. C. a toujours adopté la même solution. On pourrait toutefois faire observer que, dans les cas susdits, un doute planait sur les faits exposés, le doute suivant : l’ablation a-t-cllcété totale? Ce doute de fait, d’ordre pratique, aurait déterminé les décisions de la cour romaine, ct par conséquent la portée des réponses s’en trouve restreinte d'autant C'est ainsi que Wcroz, loc. cil., en ce qui concerne la décision donnée en 1902, fait la remarque suivante : < La S. C. de ΓInquisition, saisie de ce nouveau cas d’ablation d'ovaires, demanda d’abord au médecin opérateur, avant de donner sa réponse, quelle avait été au juste l'amputation pratiquée. Le chirurgien ayant répondu qu'il ne pouvait attester en toute certitude l’ablation totale des ovaires, la S. C. donna alors sa décision : «Le mariage, dans le cas donné, ne doit pas être interdit. · A propos des autres décisions citées plus haut, Antonelli, Pro conceptu impotentiæ et sterilitatis relate ad matrimomium, Rome, 1901, n. 78, affirme que le secrétaire du Saint-Office a déclaré au P. Bucccroni que ces réponses supposaient « que l’excision des ovaires ct de l'uténis n'avait pas été totale. > Voir cependant ù ce propos les observations de Fcrreres, De vasectomia duplici neenon de matrimonio mulieris excisa, Madrid, 1913, η. 262 sq., ct Ojettl, Synopsis rerum moralium et juris pontificii, Rome, 1909-1911, au mot Impotentia, η. 2122 sq. Nous insistons davantage sur la réponse de S. C. des Sacrements; elle date de 1909 ct est bien plus significative. Elle concerne un cas où les circonstances exposées ct l’attestation expresse du médecin opé­ rateur ne laissaient subsister aucun doute au sujet de l’ablation totale ct parfaite des ovaires. Or, la S. C. renvoie à la réponse du Saint-Office, datant de 1890, où il est décidé qu' < il ne faut pas empêcher le mariage». Elle y renvoie purement ct simplement, sans procéder ni faire procéder à la moindre enquête ultérieure touchant les faits exposés. Et sa décision a été prise, non en assemblée générale, mais en comité restreint, devant les quelques membres qui sc réunissent, selon les règles nouvelles procédant à la réforme des Curies, pour résoudre < les questions claires, obvies ct hors de controverse. » Ce fait semble bien indiquer qu'on suivra désormais la même ligne de conduite dans tous les cas analogues. L’Importance du document de 1909 nous porte à en publier la traduction parue dans la Nouvelle revue théologique, 1910, p. 199, avec le texte du certificat médical tel que le donne Fcrreres, op. cit., n. 255. Voici le reserit de Rome : 1436 Domine ml observantissime,— Sunt penes me human iss ima lltlcræ a te mlhi dater 24 mensis proxime elapsi, quibus a me poscis responsum circa operationem peractam in N.N.; quare, juxia mcir professionis officium, significare debeo esse certam ablationem totalem matricis ac utriusque ovarii, factam per hysterectomiam abdominalem, propter affectionem neoplas iarum, quam patiebatur, fibromas appellatam. De toutes ces instructions romaines, il résulte que le saint-siège adopte comme ligne de conduite, d’une façon générale et uniforme, de ne pas interdire le mariage à une femme ovariotomée, même au cas où l’ablation totale des deux ovaires n’est guère douteuse. C’est à tort que, pour infirmer cette conclusion, l'on se réclame d'une décision de la Daterie apostolique, rapportée par Antonelli, Mcdecina pastoralis in usum confessoriorum et curiarum, Rome, 1905, p. 517. Il s'agit d'un cas où la Daterie sc refusait ù accorder une dispense de consanguinité (pour parenté au 1·Γ ct 2e degré mélanges), parce qu'on disait la postu­ lante amputée des dc«.x ovaires; mais un peu plus tard, apprenant qu’il n’y avait eu ablation que d'un seul ovaire, elle changea d’avis, ct accéda â la requête. Notre réponse est la suivante : D’abord, cette décisionci ne peut pas prévaloir contre la ligne de conduite suivie par le Saint-Office ct la S. C. des Sacrements. En outre, il n'était pas directement, dans le cas p-oposé, question de l'empêchement d'impuissance. Enfin, l'absence des ovaires pouvait très bien être, aux yeux de la Daterie, un motif de refuser la dispense de consanguinité à des parents si rapprochés, sans pour cela qu'elle tînt l'ablation des ovaires pour un empêchement non susceptible de dispense. La conclusion déduite des documents émanés du Saint-Siège reste donc ferme; ct nous croyons pouvoir l’étendre par analogie aux femmes ayant subi l’opé­ ration de la fallcctomie ct à toutes les personnes des deux sexes capables de rapports normaux, mais inaptes ù la procréation, par suite du défaut ou de la mauvaise conformation d'un organe nécessaire ù la fécondation, mais non à l'acte sexuel proprement dit. D’autre part, nous ne voulons pas exagérer la portée des décisions romaines. Elles ne contiennent aucune déclaration de principe; il n’est nullement décidé en théorie que la femme privée d'ovaires est apte au mariage; la question au point de vue théorique reste pendante. C'est même intentionnellement que, jus­ qu’ici, le Saint-Siège s'est abstenu de faire une décla­ ration de principe. Il sc contente de tracer une ligne de conduite à suivre en pratique. Cela ressort nette­ ment d'une réponse récente de la S. C. du Concile, en date du 16 décembre 1905, publiée dans Pastor bonus, t. xxv, p. 377 sq. : Cum disputent inter se doctores utrum validum necne sit matrimonium initum cum muliere ovariis carente, et cum Ecclesiæ auctoritas Eminentissime Seigneur Cardinal-Préfet de la Congré­ hanc quaestionem adhuc non definierit, guinimo C. S. O. gation de Sacramentis, — N. N., curé de Saint-Pierre de N., sæpius in casibus particularibus edixerit, quando évêché de O., en Espagne, expose respectueusement ù agebatur de matrimonio contrahendo, illud non esse V. Ém. que, U y n quelques années,une de scs paroissiennes, impediendum, quando vero agebatur de contrado, nommée Μ. M., vivait en concubinage. Comme il s’infor­ mait pour la tirer de ce triste état, elle lui manifesta que, conjuges non esse inquietandos, jam in re pradica dans une récente opération chirurgicale, on lui avait enlevé processum instituere ad matrimonii null itate m decla­ la matrice et les ovaires· Le médecin qui lui avait fait l'opé­ randam ex defectu ovariorum in muliere, non videtur ration, consulté, dit que l’ablation de la mntricc ct des opportunum. Prius enim quKslto thcoretlca seu dogma­ deux ovaires était certaine. Puis-je en l’état procéder au tica esset utique definienda. mariage ou dois-je considérer cette personne comme inha­ Lc nouveau Code canonique sc borne à dire : bile pour cause d'empêchement d’impuissance? Et, vu SI impedimentum impotentiæ dubium sit, sive dubio l'ablation totale de la matrice ct des deux ovaires, puis-je solliciter de Sa Sainteté dispense de l’empêchement d’imjuris sive dubio facti, matrimonium non est impe­ pulstance (?) pour que l’intéressée vive chrétiennement? diendum. Can. 1068, §2. Ï 3 mars 1909. N. N. I Du reste, dans tout ce qui précède, nous n'avons La S. C. des Sacrements, après mûre délibération. Juge pas entendu donner une solution définitive de la bon de vous répondre comme suit : « S’il est avéré que les faits exposés sont exacts, reportez-vous Λ hi réponse de la . question théorique; nous n'avons jamais affirmé (pic la validité du mariage contracté par une femme SC. du Saint-Office, 23 juillet lS90,dnns la cause Quebecen. privée d'ovaires est certaine; nous nous sommes e'r st-à-dire : Le mariage ne doit pas être Interdit. · lait Λ I contcntésdcpréscntcr notre thèse comme probable en Home, le 2 avril 1909. 1437 IM PUISSANCE théorie ct d’une application sûre en pratique. Cette i probabilité même, nous ne la soutenons que pour autant qu’il ne plaise au Saint-Siège d'en décider autrement ou d’orienter sa discipline matrimoniale dans un autre sens. Si nombre d'auteurs partagent'notre manière de voir, d’autres, et non des moindres, sc prononcent en faveur de l’opinion opposée. Tels sont notamment Antonelli; De Luca, dans son Votum ù propos de la cause Monasteden (Revue théologique française, 1900, p. 302 sq.); Bucccroni (voir Analecta cedes last ica, 1903, ρ. 230 sq., et Casus conscientur, Borne, 1913, t. η, p. 273 sq.); Casacca, dans V Ecclesiastical review, 1902, p. G09 sq.; Alberti; Leitner; Rosse t; Topai; Schnltzer ct Wcmx. Lehmkuhl, dans sa Theologia moralis et dans un article paru dans Y Ecclesiastical review, 1902, p. 314 sq., penche aussi vers l'opinion opposée à la nôtre. IV. Devoirs du cubé et du confesseur. — 1° Quelle que soit la nature du cas soumis au jugement du curé ou du confesseur, dès qu'il est certain qu'il ne s’agit pas d'une impotentia coeundi, ct qu'il peut tout au plus être question d’une impotentia fœcundandi, il n'y a guère de difficulté en pratique. Le curé ou le confesseur peut rassurer son consultant, qu'il s’agisse d'un mariage à contracter, ou de l'usage du mariage déjà contracté. 2° Si le curé ou le confesseur vient à avoir des soupçons sur l'existence d'une impotentia coeundi, il devra agir avec beaucoup de tact ct de prudence, surtout s'il s'agit d'un mariage déjà contracté. Il évitera avec soin de troubler la bonne foi de son pa­ roissien ou de son pénitent, de suggérer un doute quelconque sur la validité de son mariage; il engagera l’intéressé à consulter un médecin discret ct con­ sciencieux. 3° Si, au jugement du médecin, on est en présence d'une impuissance temporaire ou conséquente nu mariage, la validité du mariage ne peut être mise en cause, mais les rapports sont devenus illicites; il faudrait donc en règle générale interdire l’usage du mariage, pour le temps que durera l’impuissance temporaire; bien souvent, toutefois, le confesseur jugera opportun de laisser son pénitent dans la bonne foi. Un cas d'impuissance conséquente au mariage sera celui d'un homme sur lequel on n pratiqué, depuis la célébration de son mariage, la vasectomie double. 4° Si l'examen du médecin aboutit à l’existence sûre et certaine d’une impuissance antécédente et perpétuelle, entraînée par l’amputation ou l’absence congénitale d'un organe indispensable à l’accom­ plissement des rapports, il y a lieu, dans la généralité des cas, de provoquer la déclaration de nullité du mariage. 11 ne faut évidemment pas songer à demander dispense, puisqu'il s’agit d'un empêchement de droit naturel; tout au plus, pourrait-on parfois laisser les soi-disant époux dans la bonne foi, ou, plus rarement encore, leur permettre d’habiter sous le même toit comme frère ct sœur. La déclaration de nullité doit être faite en duc tonne ct être précédée d’un procès, conduit d'après les lois de la procédure canonique. Ces lois sont fixées par le Codex juris canonici, can. 1916-1981. Si la sentence est favorable à la nullité, la partie non atteinte recouvre sa pleine liberté de contracter un nouveau mariage, tandis que l’autre partie sc voit interdire toute autre union; excepté cependant le cas oû le mari est convaincu d’impuissance relative : on a coutume alors, soit de lui permetire le mariage avec une veuve, soit de subordonner la permission éventuelle à une autori­ sation préalable du Saint-Siège. 5® Si, malgré tout, la preuve de l’impuissance reste 1438 douteuse, le mariage ne sera pas empêché. Codex juris canonici, can. 1068, § 2. Au cas où le mariage est déjà contracté, le curé ou le confesseur évitera de mettre en doute la validité du mariage et permettra aux parties d’user du mariage, aussi longtemps que le doute subsistera. Autrefois, en cas d’impuissance douteuse, on avait recours à des expédients qui ne s’accommode­ raient plus aux mœurs modernes. Nous voulons parler surtout de l’épreuve dite du congrès; cette épreuve prêta à de graves abus ct suscita de grands scandales en France, aux xvi· ct xvu· siècles, jusqu'au moment où le parlement de Paris, par arrêt du 1G février 1G77. en proscrivit l’usage. V. Évolution juridique de l’empêchement. — La notion de l’impuissance ct son caractère d’incompa­ tibilité par rapport au mariage n’ont pas été dès l'abord déterminés avec exactitude; mais Ils ont évolué peu à peu. Les premiers documents ecclésiastiques ne men­ tionnent pas l’impuissance. On ne la rencontre pour la première fols, semble-t-il, que dans le Pénltentlel de Théodore datant du vu· siècle. Cet écrit permet à la femme dont le mari était impuissant de contracter un nouveau mariage. Cf. Wasserschlcben, Die Buss· ordnungen der abcndldndischen Kirche, Halle, 1851, I. II, tlt. XH, 32, p. 216; Schmitz, Die Bussbücher und die Bussdisciplin der Kirche, Mayence, 1883, p. 547; Schllng, Die Wirkungen der Gcschlechisgemeinschalt au/ die Ehe, Leipzig, 1885, p. 17; Sügmüllcr, Theologische Quartalschrijt, 1905, t. lxxxvh, p. 78 sq.; 1911, t, xau, p. 50 sq. Ce dernier auteur s'occupe spécialement de l’impuissance de la femme ct soutient que le droit canonique la mentionne au vm· siècle; il s’attache à réfuter la thèse de 11. Koch, Die Ehe Kaiser Hcnrichs II mit Kunegunde, Cologne, 1908, qui prétend trouver la première mention de l'impuissance de la femme dans un décret d’Alexandre 111, c. 4, X, IV, xv ; II. Koch est revenu à la charge dans la Deutsche Zeitschrift fûr Kirchenrecht, 1912, t. xx . ii, p. 227-257. Voir en sens contraire Gilmann, dans Archiv fûrkatholischen Kirchenrecht, 1909, p. 772 sq.; 1910, p.244. Dans la suite, nombre de docteurs, surtout panni les partisans de la copulatheoria, considèrent l'impuis­ sance, non comme un empêchement dirimant, mais plutôt comme une cause de dissolution de piano du mariage non consommé. Voir, entre autres, le témoi­ gnage de Hlncmar, c. 4, causa XXX111, q. i; et le dictum de Graticn à ce sujet. Ils permettent à la femme dont le mari est impuissant non seulement de contracter une nouvelle union, mais même d'y persévérer au cas où l’impuissance du premier mari serait controuvéc plus tard. Au contraire, Pierre Lombard, adversaire de la copulatheoria, admet l’empêchement dirimant d’impuissance, mais seule­ ment pour le cas où la partie saine Ignore la situation de son conjoint, Sent., 1. lV,dist. XXXIV;il considère la condition des personnes atteintes de frigidité ou d’impuissance comme tenant le milieu entre l'aptitude et l’inaptitude au mariage. L'Église de Rome semble avoir de tout temps tenu l’impuissance pour un empêchement dirimant. Les c. 1 et 2de la causa XXXIII, q. i, parlent nettement en ce sens; ils disent que le mariage, dissous pour cause d’impuissance, doit être rétabli dès qu'il appert que de fait l’impuissance n'existe pas. Mais jadis, la même Église refusait, par mesure disciplinaire, de séparer les époux en cause; elle leur enjoignait.de continuer la vie commune, mais comme frèrect sœur. Lèse. 2et 4 témoi­ gnent de cette rigueur dcdisciplincau sein de l’Églisc de Rome; de même dans les Décrétales l’introduction au c. 2, X, IV, xv, ct au c. 4, X, IV, xv. Toutefois, elle ne prétendit Jamais étendre cette règle disciplinaire 1439 IMPUISSANCE aux autres contrées; au contraire, elle se montrait ' généralement «accommodante. Plus tard, à partir d'Alexandre III, elle en arriva aussi à tempérer sa rigueur vis-à-vis de ses propres ouailles, ct la règle de conduite actuellement encore en vigueur prévalut I partout. VI. Législation civile. — L’ancien droit admettait l’empêchement d’impuissance. «Quoique l'union des corps, dit Pothier, Traité du contrat dc mariage, n. 96, dans Œuvres, édit. Dupin, Paris, 1825, t. v, ne soit pas précisément et absolument dc l’essence du mariage..., néanmoins, comme la procréation des enfants... est la fin principale du mariage, il I faut, pour être capable de mariage, avoir au moins le i moyen dc parvenir à cette union des corps. > Et, arguant a fortiori, il ajoute : « Si les impubères sont regardés comme incapables de contracter mariage, parce qu'ils ne sont pas habiles ù la génération, quoiqu'ils doivent un jour le devenir, à plus forte raison les impuissants, qui ne peuvent jamais le devenir, en sont incapables. » D’autre part, aux yeux dc l'ancien droit, « l’espèce d’impuissance > qui se rencontre dans les vieillards, et surtou t chez les vieilles femmes, n’était pas · regardée comme suffisante pour former un empêchement de mariage ; c'est pourquoi, conclut-il, au n. 97, les femmes, aussi bien que les hommes, sont, dans la plus grande vieillesse, capables dc mariage. » Le Code Napoléon a rayé l'impuissance dc la liste des empêchements civils ; parmi les causes qui amenèrent les rédacteurs du Code à ccttc suppression, il faut compter, à côté des difficultésdela constatation, les scandales provoqués jadis par la coutume indécente et équivoque des congrès. Certains auteurs ont cru pouvoir invoquer l’art. 180, pour attaquer du chef d'erreur un mariage contracté avec une personne sexuellement impuissante, dès qu'il est établi que le conjoint n’a constaté qu’après coup l’existence dc l’infirmité sexuelle. Seulement l’erreur n’est admise que pour autant qu’elle porte sur la personne, c’està-dire sur l'identité, ct non sur une qualité, fût-elle essentielle. D’autres ont voulu faire passer un homme impuis­ sant ct inapte au rapprochement sexuel, pour un être n’appartenant pas au sexe masculin, une femme impuissante pour une créature n'appartenant pas au sexe féminin. De là, ils concluaient à la nullité, voire même & l'inexistence du mariage: la différence de sexe constituant pour le mariage une condition d’existence ct faisant défaut dans l’espèce. C’est le raisonnement adopté par la Cour dc Douai, dans son arrêt du 14 mai 1901, Pasicrisie belge, 1902, t. iv, p. 51 sq. : 1 « Attendu que..., lorsque le Code a prévu l’union d’un homme cl d’une femme, il a entendu parler dc l’union de deux êtres humains appartenant par l’organisation , tout entière, l’un au sexe masculin, l’autre au sexe féminin, et non dc deux êtres différents quelconques; attendu que ce qui caractérise le sexe... ce sont les organes faisant dc l’un «les êtres un mâle ct de l'autre une femelle, ct non point des apparences ct une conformation extérieures qui ne sont que des acces­ soires les rattachant à un sexe plutôt qu'à un autre; attendu que la dame G . n'ayant, dc l’avis des méde­ cins, ni vagin, ni ovaires, ni matrice, est dénuée des organes constituant le sexe féminin, bien qu’elle possède des seins, la conformation du bassin ct le clitoris qui sont l’apanage externe de ce sexe; qu’en réalité elle n'est pas une femme, mais une personnalité incomplète, avec laquelle la loi n'a jamais pu vouloir imposer l'union à un homme... » Cette interprétation, quelque légitime qu’elle puisse paraître d'ailleurs, ne semble pas avoir dc chances d'être adoptée par la Jurisprudence. Aussi, la Cour de cassation dc France 1 '.'·η n’a-t-elle pas hésité à casser, le 6 avril 1903, l'arrêt dc la Cour de Douai. A l’encontre des considérants invoqués par 1’arrêt cassé, clic soutient que l'individu doit être considéré comme appartenant au sexe qu’annonce sa conformation extérieure; que, pour établir le sexe, il suffit qu'il soit extérieurement recon­ naissable; que, par conséquent, · le défaut, la faiblesse ou l’imperfection de certains des organes caracté­ ristiques du sexe sont sans influence possible sur la validité du mariage. » Pasicrisie belge, 1903, t. iv p. 149. Brouardcl, Le mariage, nullité,divorce, grossest' accouchement, Paris, 1900, p. 358, rapporte un jugement du tribunal d'Orléans, conforme ù l’interprétalion préconisée par la Cour dc Douai; le jugement date du 11 avril 1894. Voir encore dans le même sens un jugement du tribunal dc Lille, du 23 janvier 1898, dans les Analecta ecclesiastica, 1899, p. 240. La loi autrichienne reconnaît au conjoint le droit d'intenter une action en nullité dc mariage, du chef d’impuissance, lorsque d’une part il est prouvé que celle-ci est incurable et antérieure au mariage, et que, d'autre part.ledit conjoint ignorait le fait au moment dc contracter son union. La loi suppose qu’il s'agit d'une incapacité à accomplir les rapports sexuels, non d'une inaptitude à la fécondation. Au cas où il y a doute sur le caractère perpétuel de l’impuis­ sance, les époux sont contraints ù cohabiter pendant l’espace d’une année; après ce temps, si l'impuissance persiste, le mariage sera déclaré nul. Dans le nouveau Code allemand, il n’est pas fait mention spéciale dc l’impuissance. Seulement, l'époux déçu, qui constate après coup que l’autre partie est atteinte, pourrait se prévaloir de l’art. 1333, pour faire annuler son mariage; cet article permet d’at­ taquer le mariage à chaque fois que l’un des époux a été induit en erreur et que l’erreur porte soit sur la personne de son conjoint, soit sur une qualité; il suint que celle-ci soit telle que raisonnablement il aurait renoncé au mariage, s’il avait connu la vérité. VII. Question connexe: Fécondation artificielle.— Fœcundatio artificialis, sensu strictiori, venit pro fœcundatlone mulieris artificialiter procurata extra copulam rite peractam, suscepto scilicet semine virili in pollutione solitaria vel in copula onanistica cum retractu, illoquc ope siphunculi in vas muliebre introducto. Latiori sensu etiam dicitur fœcundatio artificialis, quando, rite peracta copula et semine in anteriori parle vaginæ deposito, arte procuratur penitior dicti seminis introductio in interiora mulieris, puta si semen per copulam In vagina emissum illico rccolligitur ct ope siphunculi interius trajicitur. Stricte dicta fœcundatio artificialis est reprobanda utpote Intrinsece vitiata in pollutione solitaria vel onanistica; illam spectat responsum Sancti Officii, 24 marlii 1897, illicitam proclamans artificialem fœcundationem; nimirum ad dubium : An adhiberi possit artificialis mulieris Icec undat io? Em. cardinales ingui sitores, omnibus diligentissimo examine perpensis prichabitoque consultorum voto, respondendum manda runl : Non licere; quam resolutionem Sanctissimi: approbavit et confirmaril. Quod spectat fœcundationcm artificialem latiori sensu sumptam,eam videtur non attingere decretum relatum, nec censetur inordinationem positivam Importare, saltem si semen a viro coeunto in vagina depositum ita recolligitur ut, antequam in uterum trajiciatur, prævic non extrahatur ex mulieris vagina. Gfisparri, Tractatus canonicus dc matrimonio, Paris, 1892, t. i, n. 510-536; OJctli, Synopsis rerum moralium rt /uris pontificii, Home, 1009-1914, nu mot Impotentia ; Wrrnz, Jus Decretalium.Prato. 1911-1912, t. iv.n. 341-351; Esmeln Le mariage en droit canonique, Paris, 1391,1.1, p. 232-267· 1441 IM PL ISSANCE t. π. p. 273-286; Freisen, Geschlchte des canontschen Ehe· rechl* bl> runt Vcrfall der GlossentlXcralur, Paderborn, Ι8Π3, p. 330-361; Laurent, Principes de droit dull, Bruxelles, 1876-1878, t. n, n. 298; Pothier, Traité du mariage, dans Œuvres, édit. Dupin, Paris, 1825, t. v, n. 9G sq,; P. Viollet, Histoire du droit civil français, Paris, 1803, p. 432 sq.; Antonelli, .Medccina pastoralis In usum confessoriorum et curiarum ecclesiasticarum. Home, 1905; De conceptu impo­ tentia· et sterilitatis relate ad matrimonium, Horne, 1900; Pro conceptu impotcnlln' et sterilitatis relate ad matrimonium, Home, 1901 \Dc mulieris excisa· impotentia ad matrimonium, Home, 1903; Arendt, Itclectto analgttca super controversia de Impotentia fœminn· ad generandum, Home, 1913; Brouardcl, Le mariage, nullité, divorce, grossesse, accouchement, Paris, 1900; Eschbach, Disputationes phystologlco-llieologtcK, Home, 1901; Casus de famlnea impotentia. Home, 1899; Fcrrcrcs, De uasectomia duplici neenonde matrimonio mulieris excisa·, Madrid, 1913; H. Koch, Die Ehe Kaiser Henrichs 11 mil Kunegundc, Cologne, 1908;Ka/srr Henrichs 1442 tion ne sc maintient qu’au prix d'un effort fréquem­ ment renouvelé, à qui les loisirs, les conditions do tranquillité ct dc paix font en partie défaut, ou même que des opinions préconçues inclinent vers une solution déterminée, inévitablement,si le travail prend surtout de longs jours, des faut es de détail, quelques confusions d’idées, ou peut-être des affirmations risquées lut échapperont. En dc telles conditions 11 lui est extrê­ mement difficile d’éviter l’erreur. Mais le très difficile, parce qu’il exige un effort coûteux ou prolongé, n’est pas du goût ni dans les possibilités du commun des hommes; il représente pour eux l'impuissance. Seu­ lement l’impuissance dans l’espèce est dite morale, pour marquer qu’il n’est pas dans les habitudes ou les mœurs de l'homme d’en triompher. Par extension, le terme signifiera encore qu’une chose, bien que pos­ sible en soi, n’arrive jamais ou presque jamais, à en kinderlose Ehe mit Kunegunde, Zugletch ein Beitrag :ur juger ex communiter contingentibus. Geschlchte der mcibllchcn Impotent im kanonischen Eherccht, 2° Applications théologiques. - En théologie, ces dans Deutsche Zeitschrift fur Kirchcnrecht, 1912, t. XXII, notions sur l'impuissance physique et l’impuissance p. 222-273; Michaud, La vasectomie double, dans Nouvelle Ilcuue théologiquc, 1911, p. 110-155; Bossi, Dc impedimento morale trouvent leur utile application. Ainsi, et c’est Impotentia:, Home, 1910; Sâgmüllcr, Die Ehe Heinrichs II une vérité de fol catholique, la grâce est d’une néces­ des heiligen mil Kunegundc, dans Thcologlschc Quar- sité absolue dans 1’ordrc du salut ; ce qui revient à dire talschrift, 1905, p. 78 sq.; 1911, p. 90-120; Schllng, Die que, sans clic, vis-à-vis d’une œuvre surnaturelle quel­ Wlrkungcn dcr Gcschlechtsgcmcinscha/t auf die Ehe, Leipzig, conque, l’homme n’a ni lumière ni activité, qu’il est 1885 ; Topai, De necessitate uteri in generatione et In matrimonio. Borne, 1903; Wilhelm, Das Ehelcben, BatLs- réduit à l’impuissance physique d’un aveugle ou d’un mort. bonne, 1909. Deux cas bien connus d’impuissance morale mé­ A. De Smet. ritent aussi de retenir l’attention. Le premier se 2. IMPUISSANCE PHYSIQUE ET IM rapporte à la connaissance des choses religieuses et PUISSANCE MORALE. - 1° Notions. — morales nécessaire à l’homme. Dieu peut être connu L'impuissance physique est la carence d'une faculté, avec certitude par la lumière naturelle de la raison aptitude, capacité ou force, ou même le défaut dc au moyen des êtres créés : tel est un point dc fol qu'a proportion d’une puissance vis-à-vis d’un objet qui n'est pas le sien, parce que disparate ou d’un autre défini le concile du Vatican. Voici ce qu’enseigne par ordre. La perte des yeux met quelqu’un dans l’im­ ailleurs ce concile de la nécessité d’une révélation, puissance physique dc voir; le sens dc la vue est même pour l'acquisition des vérités naturelles indis­ tout à fait inapte à percevoir les sons; sans la pensables à une vie vraiment humaine : · C'est seule­ grâce, l’homme est physiquement impuissant à ment grâce à la révélation divine que certaines vérités produire aucun acte salutaire. On pourrait qualifier sur Dieu, non d’ailleurs inaccessibles à la raison, peu­ vent, dans l’état présent de l’humanité, être connues justement cette impuissance dc constitutionnelle. — Uno faculté n’entre en exercice que grâce à dc tous, facilement, d une ferme certitude et sans certaines conditions qui lui sont extérieures, mais mélange d’erreur. Et pourtant il ne suit point de là que la révélation est absolument nécessaire. ■ Autre­ nécessairement requises. La raison, par exemple, ne ment il est affirmé, d une part, que tous ct chacun s'éveille dans l’enfant qu’après un développement nous avons le pouvoir physique de connaître vrai­ normal des organes; elle n’a la compréhension dc vérités un peu hautes que moyennant des connais­ ment Dieu; de l’autre, que l’ensemble des hommes, malgré la faculté que chacun d’eux a de connaître sances préliminaires; son procédé discursif ne lui permet d’acquérir la science que peu à peu,s’élevant certaines vérités religieuses et morales, ne pandent pas en fait à en avoir une connaissance actuelle cer­ des principes à leurs conséquences ct ne parvenant taine et entièrement vraie, sans une révélation dc que lentement aux conclusions éloignées : c’est-à-dire que le temps dans une certaine mesure est un facteur Dieu. Reconnaissons là un cas d’impuissance morale, indispensable. Ce sont là autant dc causes qui n'aflcc- c’est-à-dire, dans l’espèce, le pouvoir physique de la tent la puissance que par le dehors et de façon contin­ raison aux prises avec tant ct dc si grands obstacles gente, mais dont l’absence constitue pourtant un autre qu’ils rendent la révélation surnaturelle moralement genre d’impuissance physique. - - L’impuissance n’a nécessaire. Les difficultés pratiquement insurmon pas toujours ce caractère absolu; elle sc réduit parfois tables auxquelles sc heurte le gros du genre humain, à une difficulté très grande. Entre une faculté ct son saint Thomas déjà, dans la Somme contre les gentils exercice s’intercale tout un ensemble de circonstances, et dans la Somme thàdogiquetlcs avait exposées avec conditions ou causes diverses qui tour ù tour favori­ beaucoup de développement ct de force; ct il avait sent ou entravent l’action. Or les obstacles qui sc conclu dans le sens du concile ct à peu près dans les mettent en travers du fonctionnement dc la faculté mêmes termes. - Plus grande peut-être que la diffi­ peuvent être tels ct en si grand nombre qu’ils l’empê­ culté de connaître est la difficulté de pratiquer. \'olcl chent en fait dc s’exercer jamais ou presque jamais. donc, selon renseignement commun des théologiens, C'est le cas de l’impuissance morale. Tout en laissant une autresort c d impuissance morale e t qui se rapport e subsister intacts le pouvoir physique ct son condition­ au traité de la grâce. Un secours gratuit de Dieu est nement essentiel, l’impuissance morale le suppose nécessaire à l’homme dans la condition présente, aux prises avec des difficultés pratiquement insur­ pour qu’il puisse accomplir tout le bien moral, c’estmontables 11 n’est pas absolument impossible à une à-dire n’enfreindre aucune prescription de la loi natu­ intelligence humaine, même appliquée à un problème relle, triompher des tentations graves dont la vie est ardu, compliqué, après une préparation nécessaire ct i semée. Certes, le pêché originel a laissé subsister In­ tactes en nous les ressources essentielles de Inintelli­ avec une attention soutenue, d'éviter l’erreur. Mais supposez quelqu'un dont le tempérament intellectuel ( gence et dc la volonté, mais les conditions d’ordre a à sc défendre contre la précipitation, dont fatten- | moral pour ces facultés sont loin d’être les mêmes DICT. DE TMÉOD. CATHOL VIL — 46 1443 IM PUISSANCE IMPUTAT ION 1444 qu'avant la faute. D’où la doctrine qui signale notre î d'être porté à son compte, elle demeure détournée de impuissance et la nécessité du secours. sa fin, odieuse à Dieu, dépouillée de la justice ct de Jn I sainteté. Cette opinion, qui semble avoir été celle de S. Thomas. Conf. gentes, !. I, c. IV ; Sum. theol., IIMbe, q. n, a. 4 ; Palmieri. De gratta dloina actuali, th. χιχ ; Hurter, I De Lugo, le cardinal Billot la professe expressément. De Compendium theologier, t. i, c. n, th. iv, η. 1; A. Vacant, scs paroles nous ne citerons que les suivantes : Ca­ vendum est ne in realu culpæ generating accepto sola Etudes tMolagtques sur les constitutions du concile du Vatican, consideretur gratiæ privatio, sed per prius attendenda Paris. 1895,1.1. c. n. S 1 et 2. A. Thouvenin. est ratto privationis quæ in aliqua actus voluntarii IMPUTATION. - 1° Notion et conditions. — impulabilitate consistit. Disquisitio de natura ct ratione peccati personalis, p. 68. Le verbe latin imputare, ct son correspondant en grec λογίζεσϋχι, d’un usage assez fréquent dans la Bible, ont Le péché originel dans la descendance d'Adam est le sens de compter à quelqu’un, mettre à son compte. un péché habituel, quoique d'un genre tout particu­ De ce tonne ct de son emploi en affaires, on passe lier. La singularité du cas vient de cc que notre dé aisément à la signification philosophique et morale chéancc, causée par un seul, est en tous et chacun plus de notre mot imputation. L'imputation est le jugement qu’un malheur, ou même un châtiment : c'est une en vertu duquel on attribue à quelqu’un comme à faute. Nous allons y retrouver encore la notion de leur auteur ct maître un acte ct ses conséquences. l’imputation. Tout d’abord le péché originel, ainsi que Partant, un acte n'est imputable que s’il procède d’une l’a défini le concile de Trente, est propre à un chacun, volonté libre. A cette condition seulement un homme inesse unicuique proprium; autrement, c'est une chose est la cause propre de scs actions; clics sont vraiment Inhérente à tout homme ct qui le constituait intérieu­ siennes; il en répond, il en jouit ou il en souffre comme rement pécheur, que le sacrement de baptême lui de sa chose même. C'est vrai tout particulièrement enlève tout à fait. Mais tout péché ne procède-t-il des actions qui ont un caractère moral, c'est-à-dire pas d’une volonté libre? Et n'cst-il pas Imputable, un rapport de conformité ou de non-conformité avec parce que volontaire? Assurément ;ct le péché d'origine une règle de conduite, conscience ou loi divine. De ne fait pas exception. C’est là une doctrine certaine celles-là surtout nous sommes tenus pour responsables que la condamnation de propositions deBaiusamise devant Dieu ou la société; de celles-là plus que d’au- ’ en relief. Prop. 4G : Ad rationem ct definitionem peccati très nous méritons qu’on nous loue ou qu’on nous non pertinet voluntarium, ncc definitionis quæslio est, blâme, nous recueillons justement la récompense sed causæ et originis, utrum omne peccatum debeat ou la peine; de ccllcs-ΐά» en un mot, il importe souve­ esse voluntarium. Dcnzinger-Bannwart, n. 926. Prop.47 : rainement que nous puissions être dits les maîtres, les Unde peccatum originis vere habet rationem peccati ayant accomplies avec connaissance et liberté. — sine ulla ratione ct respectu ad voluntatem a qua originem L’appartenance ou la maîtrise des actes que suppose habeat. Ibid., n. 927. Voir t. u, coi. 93-94. — Qu'cst-ce l’imputation est la condition même du volontaire, à dire? notre volonté à tous et à chacun aurait-elle selon saint Thomas, Sum. theol., IMI», q. vi, a. 3, sed trempé dans la faute d'Adam? Oui; en cc sens qu’en contra : Illud cujus domini sumus dicitur esse volunta­ vertu de notre solidarité pnysique et morale avec lui, rium. Entendons ici volontaire au sens de libre, par sa volonté pécheresse fut aussi la nôtre. Les théologiens opposition à la volonté-nature, au spontané. L’im­ ont expliqué de bien des façons ct par plus d’un putable pourtant ajoute quelque chose au volontaire; exemple cette solidarité exceptionnelle, unique. Beau­ Il en est plutôt une propriété consécutive ct se dit du coup ont considéré notre premier père comme le re­ rapport de l’acte libre avec une autorité dont il est présentant moral ou le chef juridique de l’humanité; Justiciable, une rétribution qui le sanctionne. Malgré ce qui revient à admettre une inclusion de nos volontés cette nuance toutes les causes qui diminuent ou dans la sienne et ressemble trop à une fiction du droit. suppriment la liberté, diminuent ou suppriment L'explication de saint Thomas, que le P. C. Pcsch ct l’imputabilité. Voir Volontaire. De cette affirma­ surtout le P. Billot se sont attachés à remettre en tion il est intéressant de rapprocher cc que le Code honneur, est moins factice, plus simple ct plus cohé­ de droit canonique a édicté touchant l'imputabilité rente. Dieu, par une disposition positive, avait enrichi du délit, les causes qui l'aggravent, la diminuent ou la la nature humaine de la grûcc ct des dons préternatu­ suppriment. Çan. 2199 sq. rels, et cette dotation était pour toute l'espèce, pour 2· Applications théologiques. — Voici des exem­ la nature individualisée non seulement dans Adam, ples où, malgré la diversité des cas, on reconnaîtra mais encore dans tous ceux qui devaient sortir de les conditions essentielles de l’imputation. La notion lui. Comme un dépôt confié à sa fidélité, qui en dé­ de l’imputabilité sert à expliquer ou peut-être à dé­ pendait, dont il était responsable ct pour lui ct pour finir formellement le péché habituel. Le péché habituel nous, le chef de la nature avait à la transmettre à sa représente l'état de culpabilité consécutif à une faute descendance avec sa nature même et parla même voie. commise, et qui vaut à son auteur, l’acte une fols | En fait, Adam a péché, perdant la grâce et les dons, passé ct tant qu’il n’a pas fait réparation, obtenu son bien et le nôtre; ct il ne nous transmet plus qu’une remise, le nom ct la qualité de pécheur ct toutes les nature privée de sa dotation; autrement, nous nais suites que ce nom et cette qualité comportent. Plusieurs sons sans la gràce sanctifiante et avec la qualité de éléments le constituent. 11 comprendra, s’il est grave : pécheurs, notre nature ravagée n’étant plus cc que un état d’éloignement vis-à-vis de Dieu lin dernière, Dieu, par une disposition gracieuse, avait voulu qu’elle la nécessité pour le coupable de subir la juste colère fût ; notre état nous est imputable, il est péché en nous, de Dieu offensé, la privation méritée de la grâce sancti­ parce que volontaire. Il est volontaire de par la vo­ fiante. Lequel de ces éléments doit être regardé comme lonté coupable d'Adam ct la volonté d'Adam est la formel, comme pouvant le définir en rigueur? Bien nôtre, en raison de notre unité de nature avec lui. La des fois les théologiens se sont posé la question. Ne volonté du chef, c'est, en même temps que le vouloir serait-ce pas la notion d’imputabilité qui donne la personnel d’Adam, la volonté de notre nature; son raison de tout? L’acte du péché passe, mais il n’en est péché, par conséquent, c'est tout ensemble sa faute pas moins inscrit au compte de son auteur; ainsi que personnelle ct un péché de notre nature. La nature, l’injure faite à Dieu, il continue de subsister dans voilà donc proprement notre lien ct notre Identifica­ l'ordre moral sous forme d’imputation. Et tant que tion avec Adam, cc qui nous fait hériter de sa faute la volonté coupable n'a pas désavoué le mal dont elle cc qui permet de nous l’imputer. Voir Immaculée la fait librement sa chose, obtenu que le péché cesse I conception» col 898. 1445 IM PU! AT ION Adam, par sa désobéissance, nous a constitués pé cheurs. Voici que 1c Christ, par son obéissance, nous full justes. La controverse entre protestants et catho­ liques au sujet de la cause formelle de la justification est classique en théologie. Elle nous fournit un cas Intéressant d’imputation non fondée. Luther a sou­ tenu que l’homme est justifié formellement par l’im- ’ putation qui lui est faite de l’obéissance et de la justice du Christ, à l’exclusion d’une justice intérieure et personnelle. L'homme peut être injuste et pécheur en son fond; sous le couvert de la sainteté du Christ, il sera considéré comme juste devant Dieu, scs péchés cesseront de lui être imputés. Donc, imputation d’une justice qui n’existe pas, non-imputation du péché qui demeure, c’est tout cc qu’a trouvé pour remplacer la just I heat ion au sens catholique, le brillant exégète, I le contempteur de la théologie scolastique. A moins ' de professer un pur nominalisme, c’est la suppression même de l’imputabilité. L'homme ne fait pas sienne cette justice extérieure qui le couvre sans le renouveler; il n’en est l’auteur à aucun degré, puisque Luther le déclare incapable de s'y préparer ct que la foi dite justi flante ne représente pas selon lui une disposition morale, mais un simple organe appréhenseur de la justice du Christ. Autrement Justifiée ct philosophique est l’impu­ tation à la personne du Verbe de tout cc qui constitue le Christ,de tout cc qui lui appartient, de tout ce qu’il fait ou subit. Ses deux n taures, sa double opération, scs œuvres divines ct humaines, scs souffrances ct ses mérites, le Verbe possède ct revendique tout en propre, il préside à tout ct il assume la responsabilité de tout : il est l’unique centre d’attribution ou le sujet à qui tout est rapporté, imputé ; actiones sunt suppositorum, proclame un vieil adage philosophique. Voir col. 595596. S. Thomas, Sum. theol., I* I læ, q. vi; Noldin, De prin­ cipiis theologia: moralis, 1.i, n. 79, 80; Billot, Disquisitio de natura et ratione peccatt personalis, th. iv, x; De peccato originali, § 1,2; Hurter, Compendium theologia:, I. ιιι,η.119. A. Thouvenin. INCARNATION. L’étude du mystère de 1’incamqtion s’oifre à nous sous de multiples aspects : révélation du mystère, proposition du dogme, his­ toire ct réfutation des hérésies, etc. L’ensemble de ces matières qui toutes ont trait à la personne sacrée du Verbe fait chair constitue le traité théologique De Deo redemptore ou De Verbo incarnato. Il ne saurait ici être question d’un exposé théologique de cc genre. Chaque aspect différent du problème christologiquc doit constituer l’objet d’un article spécial. Il semble toutefois utile, dans le present article, de délimiter la matière des principaux articles concernant NotreSclgneur Jésus-Christ. Tout d’abord s’impose la division classique du traité du Verbe incarné, chris­ tologie, ou mystère de l’incarnation, et sotériologic, ou mystère de la rédemption. On trouvera ù Ré­ demption les indications concernent les questions relatives à la sotériologic. Dans le problème christo­ logiquc, le point de vue historique a déjà été et sera encore l’occasion de maints articles concernant les hérésies, les erreurs, les définitions conciliaires rela­ tivement ù l’incarnation. Au point de vue stricte­ ment dogmatique, il a paru bon de répartir en trois articles fondamentaux l’exposé des vérités catho­ liques touchant le mystère de l’incarnation. Par la nature même do la vérité dogmatique qui en forme l’objet, l’article I Iyposta tique (Union) se trouve facilement délimité. Il étudie exclusivement le mode selon lequel, en Jésus-Christ, s’unissent la nature divine ct la nature humaine. L’article JésusChrist nous fera envisager le résultat de cette union, le sujet concret, Dieu ct homme, qui est apparu aux INCARNATION 1446 hommes sur la terre, a vécu ct conversé avec eux, et dont les ennemis de la foi chrétienne ont essayé, tour à tour, de nier la divinité ou l’humanité. Tou­ tefois, la divinité de Jésus y devra être considérée sous l’aspect qu’elle possède dans le Verbe incarné. La divinité du Verbe, comme tel, a déjà été l’objet d’une étude spéciale, Fils de Dieu, et devra dere­ chef être abordée dans la question plus particulière du Logos. Le présent article. Incarnation, consi­ dère le mystère de 1*Homme-Dieu d’une façon plus abstraite, in fieri, pourrions-nous dire, c’est-à-dire dans sa nature ct son intelligibilité, dans sa possibi­ lité et dans ses causes. On considérera donc successi­ vement : L Définition et notions générales. IL Le mystère. III. Le dogme. IV. Possibilité, convenance ct nécessité. V. Cause Anale. VI. Cause efficiente. VII. Cause formelle. VIII. Cause quasi matérielle. Les Pères et les théologiens du mystère de l’in­ carnation seront indiqués dans la bibliographie qui constituera un simple répertoire des principaux ouvrages catholiques sur l’incarnation. I. Définition et notions générales. — 1° Ety­ mologie. — L’usage a voulu que le terme · incarnation > désignât le mystère du Verbe de Dieu fait homme. Le sens étymologique du mot incarnation n’a pas cependant cette extension. In-carné signifie fait ou devenu chair, et non pas fait homme. Or, considéré en sol, le mot < chair >, désigne un genre, dont la chair humaine est l’espèce supérieure. De plus, la chair, même prise dans l’acception de chair de l’homme, n’exprime qu’une partie de la nature humaine que le Verbe s’est unie hypostatiquement. Ainsi donc, à ne considérer que les réalités qui composent la nature humaine, il semblerait tout aussi correct, sinon plus conforme à la dignité de l’âme, par qui est spéci­ fiée la nature humaine, d’appeler « Inanimation » le mystère du Verbe fait homme. Si l’usage a fait prévaloir le terme incarnation, cc n’est pas seule­ ment pour les raisons de convenance qu’indique saint Bonaventure, Breviloquium, part. IV, c. n, à savoir, de notre part, intelligence plus facile du mystère, la chair nous étant plus connue que l’esprit; de la part de Dieu, expression plus parfaite de l’humiliation du Verbe ct de sa condescendance ù notre égard, la chair étant dans l’homme cc qui est le plus distant de Dieu; c’est encore ct surtout parce que, dans l’usage de l’Écriture ct des Pères le mot chair est employé par synecdoque pour signifier l’homme tout entier. — 1. Équivalence de « caro » eide < homo > dans l’Écriture. — La sainte Écriture emploie le mot chair selon des acceptions très différentes, mais ayant toutes un rapport étroit avec la signification propre de cc mot. Λ proprement parler, la chair désigne, dans le corps, les parties qui ne sont ni os, ni sang; c’est en ce sens que l’Écriture parle de la chair de l’homme, sans préciser qu’elle désigne le corps humain ou même l’homme entier, Gcn., n, 21; χνπ, 11-11; xl, 19; Ex., xxx, 32; Lev., xiii, 2; xv, 3; xxvi, 29; Deut., xxvni, 53, 55; IV Reg., iv, 31; v, 10, 11; ix, 36; Job, n, 5; vi, 12; x, 11; xxxm, 21, 25; Prov., v, 11; xiv, 20; Sap., vn, 1; Eccll., xiv, 18; Ezcch., xxxvii, 6; Jer., xix, 9; Bar., n,3; etc.; à cette façon de parler, on peut rapporter la promesse de JésusChrist relative ù l’eucharistie. Joa.» vi, 52, 57. Lais­ sant de côté les acceptions où l’analogie est plus accentuée (chair désignant la faiblesse dans l'ordre moral, ou l’impuissance de la nature dans l’ordre sur­ naturel, ou la corruption du péché par rapport à la vie de la grâce; chair désignant dans l’ordre physique la parenté ct l’union très étroite de diverses personnes, l’unité de race), nous n’entendons considérer ici que la synecdoque par laquelle on passe de la significa· tion propre du mot chair ù une. signification plus 1447 INCARNATION compréhensive, celle de corps humain ou même d’homme. L’hébreu n’ayant pas,comme le français,de mot particulier pour distinguer le corps de la chair, c’est le même terme bâMr qui réunit ces deux signi­ fications. Ainsi, le ps, xv, 9, distinguant « la gloire », c’est-à-dire l’âme supérieure, l’esprit, du cœur, siège du sentiment, et de la chair, c’est-à-dire du corps, marque bien cette acception du mot béiïdr dans l’énu­ mération des parties integrantes du composé humain. Cette énumération du ps. xv est très exactement reproduite par saint Paul, I Thés., v, 23, qui parle explicitement du corps, σώμα. On comprend ainsi que par synecdoque chair signifie le corps tout entier. La sainte Écriture fournit de nombreux exemples de cette acception : le soin de la chair, Rom., xm, 14; sa chair n’évitera pas la corruption, Act., n, 31; ma chair reposera avec espérance, Act., n, 26; la chair du Christ, pour le corps du Christ, corps sou­ mis à la souffrance et à la mort, Eph., n, 15; Hcb., x, 20 ; I Pet., πτ, 18 ; iv, 1 ; une seule chair des époux dans l’usage du mariage, Matth., xix, 5; Marc., x, 8; I Cor., vi, 16; Eph., v, 31;cf. Gcn., n, 24; voir d’autres exemples : Eph., v. 29; I Cor., v, 5; Col., n, L 5; I Pet., m, 21 ; rv, 6; Jac., v, 3; Hcb., ix, 10; Gai., ni, 3. De là à la signification d'homme, l’Amc étant comprise implicitement dans le corps humain, il n’y a qu’une nuance imperceptible. On trouve ainsi « toute chair » équivalent de « tout homme », Luc., m, 6; cf. Js., xl, 5; Joa., xvn, 2; Act., π, 17; cf. Joël, n,28; I Pet., i, 24 ; non omnis caro, synonyme de < personne ». Matth., xxiv, 22; Marc., xm, 20; Rom., m,20; ICor., ï, 29; Gai., n, 16; chair et sang, signifiant l’homme tout entier, Matth., xvi, 17; Gai., ï, 16; Eph., vi, 12; cf. Eccli., xiv, 19; I Cor, xv, 50. On comprend ainsi toute la signification du verset : Et Verbum caro /actum est. Le Verbe s’est fait chair, c’cst-à-dirc « homme ». Le mot chair est employé ici de préférence à tout autre, parce que l’usage de la langue hébraïque, tel que nous venons de le rappeler, autorisait pleinement cette façon de s’exprimer, et sans doute aussi pour marquer avec plus d’< xpression la réalité de la chair du Christ et I donner ainsi le coup de mort au docétisme. Comparez l’expression : venu en chair, dont l’apôtre saint Jean se sert dans scs Épitres pour combattre le docétisme naissant : « Plusieurs séducteurs ont paru dans le monde; ils ne confessent point Jésus comme Christ venu en chair. » Il Joa., 7. · Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu; tout esprit qui ne confesse pas ce Jésus n’est pas de Dieu. » 1 Joa., iv, 3. Voir Docétisme, t. rv, col. 1488. L’em­ ploi du mot « chair », au lieu de < homme » peut en­ core subsidiairement se justifier ici, ainsi qu’on l’a déjà fait observer, parce qu’il est plus humble et marque avec plus d’énergie les profonds anéan­ tissements du Fils de Dieu. Cf. Phil., n, G. 2. Consécration de cette équivalence dans la tradi­ tion primitive. - - Toutes les nuances de l’équiva­ lence de caro ou de homo, dont l’Écriture nous offre des exemples, se retrouvent dans la tradition des premiers siècles. Nous nous en tiendrons ici strictement à la double équivalence qu’on a signalée et qui se rapporte plus directement au présent sujet, savoir caro = corpus; caro =□ homo. Épitre de Barnabé, on y retrouve les préoccupations antidocètes des Épitres johanniques : Jésus n livré sa chair, c’est-à-dire son corps,v, 1 ; vi, 3; vu, 5; il est apparu dans la chair, v, 6 ; vi, 7,9,14; xn,10; il est « venu dans la chair »,v, 10,11 ; Clément dans /‘Cor., xxxn,2,pour désigner Jésus-Christ considéré dans son humanité, emploie Γexpression δ κύριος * Ιησούς τδ κατά σάρκα que Γοπ retrouve presque identique chez saint Ignace, Ad Magn., xm, 2. Dans 7/· Cor., chair est syno- 1448 I nyme d’homme en général, vu, 6 (citation d’h., lxvi, 21); de fragilité humaine, vm, 2; de corps pro prement dit, ix, 1, 2, 3; au verset 4, réminiscence évidente de Joa., I, 14; Christus caro /actus est. Plus loin, xiv, 3-5, l’Église est dite la chair, c’est-à-dire le corps du Christ. Dans les Épitres ignaticnnes, la chair désigne tantôt l’humanité, opposée à la divinité, c’cst-à-dirc considérée dans ses faiblesses. Ad Magn., m, 2; vi, 2; Ad Rom., m, 1 ;vm,3; Ad Phil., vu, 1,2; tantôt le corps proprement dit opposé à l’âme, soit dans l’homme, Ad Magn., xm, 1; Ad Trail., ins­ cript., x», 1; Ad Pohjc. v, 1; Ad Rom., inscript.; soit en Jésus-Christ, Ad Magn., ï, 1; Ad Smyrn., ï, 1. La génération humaine du Christ est dite, comme dans l’Ecriturc selon la chair, Ad Eph., xx, 2; le Verbe fait homme est dit Dieu existant dans la chair Ibid., vu, 2. Dans ΓÊpttre à Diognéte, v, 8; vi, 5, 6, et dans le Pasteur d9Hermas, le mot chair, opposé à l’esprit et à Dieu, signifie la faiblesse de la nature •humaine laissée à sa déchéance. — Chez les Pères apologistes sc précise déjà l’équivalence de caro et de homo, à propos de l’incarnation, dans des formules qui préludent à la formule dogmatique définitive. Saint Irénée, dans sa lutte contre les hérétiques, Identifie pleinement, dans l’expression du mystère du Fils de Dieu fait homme, chair et homme. Pour lui, « le Verbe s’est fait homme » est pleinement l’équivalent de : < Lc Verbe s’est fait chair. » Ainsi Cont. hier., L III, c. xvm, n. 7 : « Lc Verbe de Dieu s’est donc fait homme; car Moïse a déclaré vérité les œuvres de Dieu. Deut. xxxn, 4. Si donc il ne s’était pas fait chair, il en aurait cependant eu l’apparence, et donc l’œuvre de Dieu n’eût pas été vérité. Ce qu’il paraissait, il l’était en réalité, Dieu récapitulant (c’està-dire restaurant en lui et par lui) la nature même autrefois donnée à Adam. » P. G., t. vu, col. 938. Cf. c. xix, n. 2, col. 940. Dans cc c. xix, l’incarnation est désignée par le terme σάρκωσις, col. 939. C’est la première fois qu’on rencontre cette expres­ sion. Et encore, 1. V, c. xvm, n. 3 :« Lc Verbe s’est fait chair... il est Verbe de Dieu et vrai homme, » col. 1174. Cf. Demonstratio apostolicæ praedicationis, Fribourg cn-Brisgau, 1917. n. 32, 94. Dans Justin, comparez σαρκοποιηΟεΙς Ίησο“ς, A pol., I, n. 66, P. G., t. vi, col. 428, et άνθρωπος γενόμενος, n. 63, col. 453. Tout aussi expressif Tatien, parlant de l’homme sans la grâce, par opposition à Dieu, άσαρκος μέν ούν δ τέλειος Θεός, άνθρωπος δε σάρς. Adversus Græcos, n. 15, ibid., col. 837. Pour indiquer l’incarna­ tion, Aristide écrit que le Fils de Dieu a pris chair, σάρκα άνέλαβε, de la Vierge, Apologia, n. 15, Texts and studies de Robinson, 1.1, fasc., 1, p. 110. Accu­ sant Calliste de sabellianisme, saint Hippolyte par­ lait de l’Esprit, non différent (ούκ έτερον) du Père, et qui s’était incarné, σαρκωΟέν. Philosophoumena, 1. IX, c. xii, P. G., t. xvi, col. 3383. Cf. σαρκωθείς, dans le Contra Noctum, n. 17, P. G., t. x, col. 823, équivalent à άνθρωπος γενόμενος, dans le sens d’homme parfait,τέλειος Philosophoumena, 1. X,c. xxxm, P. G., t. xvi, col. 34 17. On trouvcaussl σάρκωσις dans le Contra Beronem, faussement attribué à Hippolyto, J1. G., t. x, col. 829. Tertulllen identifie homo et i caro, en parlant de l’huinnnitê de Jésus-Christ. De carne Christi,c. v; Advenus Praxeam, c. xxvn, P. J.., t. n, col. 761,190. On le voit par ces textes, l’expression Dieu ou Verbe incarné est consacrée dès la seconde moitié du n* siècle. Si Clément d’Alexandrie sc contente encore d’affirmerque le Verbe a «pris chair», a «revêtu la chair », Pnd., c. ï, xi; Ptcdag., 1. 1, c. m ; Strom., VI, c. xv,P. G., t. vm, col. 60, 228, 258, 319. Orlgènc dit expressément homo factus incarnatus est, De princ., 1. I,prœf, n. 4, P. G., t. xi, col. 117; cf. In Joa., t. î. n. 9, P. G., L xiv, col. 37. 1449 INCARNATION 1150 3. Précision de celte équivalence en /ace des erreurs et tnhumanatlon, chair et homme, Ad Joannem apollinarisles et ariennes. — Les apollinaristcs, re­ Antiochenum, symbole d'union, P G., t. i.xxvn, prenant, quoique sous un aspect différent, l’erreur col. 176; Ad Succensum, n. 2, 4, col. 241, 245; Scholia ch ris to logique des ariens, supprimaient en Jésus de incarnatione, n. 26, P. G., t. lxxv, coL 1400; l’ûmo intellective, pour mieux expliquer l’unité sub­ Adversus Nestorium, I, I, c. ï; 1. III, c. ni, P. G., stantielle du Christ. Cf. Jésus-Christ et Hyposta- t. i.xxvi, col. 20, 137; cf. In Epist. ad Rom., c. vi, tique (Union), col. 468-169. Il était donc naturel 6, P. G., exxiv, col. 796. qu’ils prissent le terme < chair > dans son sens le plus 4. Consécration de celte équivalence par les formules strict, excluant l'équivalence d’homme. Eudoxe de dogmatiques. D'ailleurs, à cette époque, les docu­ Constantinople, un des principaux chefs ariens, voir ments officiels de l’Église avaient consacré l’équi­ t. v, col., 1484, nous a laissé une formule dogma valence littérale et dogmatique de caro /actum et de tique significative : σαρκοΟέντα, ούκ ένανΟρωπήσαντα, homo /actum. Le symbole des apôtres se contentait dans Caspar!, Alte und neue Quelle zur Geschichte d'affirmer la foi en Jésus-Christ, né de la Vierge Marie. des Tau/symbols und der Glaubcnsregel, Christiania, Mais le symbole de Nicée et de Constantinople 1879, p. 17G. Cf. Diekamp, Doctrina Patrum de incar­ consacre l’équivalence, σαρκωΟέντα, r/ανθρωπήσαντα. natione, Munslcr-vnAVeslphalie, 1907, p. 65. D’ail- t Denzinger-Bqpnwart, n. 54, 86. Désormais les deux mots, dans l’Église grecque, seront officiellement leurs, le concile de Nicée avait précisé sur ce point, reconnus pour exprimer Je mystère du Fils de Dieu d’une manière authentique, le sens des formules et fait homme ou fait chair. Cf. symbole d'Épiphane, la doctrine de l’Église: σαρκωΟέντα, ένανΟρωπήσαντχ Dcnzinger-Bannwart, n. 13; concile d'Éphèse, Ibid., Denzinger-Bannvart, n. 54. Bien qu’Apollinaire n. 125; symbole d’Athanase, Ibid., n. 40; concile de et ses disciples aient été moins précis que les ariens, quant à l’exclusion de la formule ένανΟρωπήσας, les Chalcédoine, renouvelant la fol de Constantinople; II· concile de Constantinople, can. 2, 3,6, 7, 8, IbicL, Pères, dans leur lutte contre l’apollinarisme, ne man­ n. 211, 215, 218, 219, 220, etc. queront pas de faire valoir que les deux expressions Toutefois, le mot ένανθρώπησις» d’un emploi σαρκωθείς et ένανΟρωπήσας sont parfaitement équi­ fréquent chez les grecs, et officiellement consacré, valentes. Cf. Méthode d’Olympe, Convivium, orat. I, n’a pas trouvé, malgré l’acclimatation qu’en a tenté c. v; X, c. iî, P. G., t. xvm, col. 45, 193; S. Athanase, Facundus d'Hermiane, un équivalent dans la langue Orat. cont. arian, ni, n. 30; Epist., n, ad Serap., latine. Le mot inhumanatio, Pro de/ensione trium n. 7; Epist. ad Epictet., n. 8, P. G., t. xxvi, col. 388, 620, 1064 ; Tomus ad Antiochenos, n. 7 : ό Λόγος l capitulorum, 1. IX, c. m, P. L., L lxvii, coL 754, n’a pas acquis droit de cité dans la théologie latine. Nous σαρξ έγένετο. καί... έκ τής Μαρίας τδ κατά σάρκα γεγένηται άνθρωπος avec, à la fin de la profession ' disons que Dieu s'est incarné, s’est fait homme, mais de foi, identification entre la croyance περί τής nous ne parlons pas d’« Inhumanation », comme nous parlons d’incarnation. La langue allemande, toute­ σαρκώσεως καί ένχνΟρωπήσεως του Λόγου, P. G., I. χχνι, col. 804.1 .e Contra A pollinarium démontre que fois, emploie presque exclusivement l’expression Γ< incarnation » (σάρκωσις) a pour résultat de faire correspondante à ένανθοώπησις, Menschwerdung. Les raisons pour lesquelles le terme incarnation, nonob que le Verbe est devenu « homme raisonnable ct'parstant la synecdoque, ou plutôt à cause même de cette fait » (τόν λογικόν καί τέλειον άνθρωπον, 1. I, n. 17; ci. I. II, n. 16; sur l’équivalence de caro et homo, voir synecdoque, est préféré (raisons d’ordre moral, n. 18, P. G., t. xxvi, col. 1124, 1160, 1164. Cf. Atha­ l'incarnation nous manifestant d'une manière plus nase (saint) t.i,col. 2170. Saint Cyrille de Jérusalem, 1 expressive la bonté de Dieu et sa condescendance Cat., IV, c. ix, assure que l'humanité ci été prise par non moins que le souvent» de nos fautes) sont déve­ loppées par de nombreux théologiens. Cf. S. Thomas. Jésus, non en apparence, mais en réalité, et qu’ainsl In Evangelium Joannis, c. ï, lect. vn; Suarez, De il s’est vraiment incarné en Marie : ού δοκήσει καί incarnation?, præf., n. 5; Théophile Rajnaud, φαντασία τής ένανΟρωπήσεως γενομένης..., άλλα Christus Deus-Ilomo, L II, c. i, n. 4: Tolet, In Sum. σαρκωθείς έξ αύτής άληΟώς. Cf. Cat., XI I,c.m-iv, XV, XVI, P. G., t. xxxm,col. 468,729,741,744,etSymôo/e; theol. S. Thoma, 111·, q. i, a. 1; Wirccburgenses, σαρκωΟέντα καΙένανΟρωπήσαντα,όοηζΗ^οΓ-ΒηηηλνατΙ, De Deo Verbo incarnato, proœmium, n. 3, ete. η. 9. Voir t. in, col. 2540, 2549. Saint Eustathe d’An­ Sur le sens de σάρξ dans ΓÉcriture, voir Grimm. Lexi­ tioche : Θεός ένανΟρωπήσας... χρίσας τήν οίκείαν... con gHicoUuhntini in hbrh Novt Testament^ Leipzig, σάρκωσιν τή οικεία Οεότητι, In Lazarum, édit. Ca vallent, 1903: Zorcll. Tr^tumcntl lexicon grtrcttm. Paris, Paris, 1905, p.39. Saint Grégoire deNazianze,EpfsL,ci, 1911. nu mot Σάρ; ; il. Lcsètre, art. Chair, dans le Diction· ad Cledonlum, P, G., t, xxxvn, col. 190, explique la nain de la Bible de M. Vigoureux, t. il, col. 487-488; synecdoque dont sc sert Joa., ï, 14, par d’autres Ernnzclin. Dr V La note : doctrine commune, est donnée par Suarez, disp. Ill, sect, i, n. 3. Si quelques théologiens pen­ sent qu’une certaine connaissance imparfaite ct abstraite dc la possibilité dc cc mystère peut être naturellement acquise, soit a priori, Grégoire dc Valencia, Dc incarnatione, disp. I, q. i, assert. 2, soit après connaissance du fait dc l'incarnation, Medina, In Sum. S. Thomæ, IIP, q. n, l’enseigne­ ment quasi-unanime des théologiens est que, s’il est possible de démontrer négativement, par la solu tlon des difficultés, que le mystère de l’incarnation n’implique aucune contradiction avec les saines exigences de la raison, on n’est pas en droit d’en conclure que l’incarnation est possible positive­ ment. Cette possibilité, en eflet, dépend dc la convc nonce intrinsèque des éléments qui constituent le mystère; et cette convenance intrinsèque, aucun esprit créé, même éclairé par la révélation (la révé­ lation engendre, en eflet, l’évidence extrinsèque du témoignage), ne peut la percevoir en elle-même. Dc plus, aucun lien nécessaire ne relie le mystère 1457 INCA ΚΝΛΤΙΟΝ de l'incarnation à des effets, objets de notre con­ naissance naturelle. Doù l'impossibilité d'arriver, soit par voie d’intuition, soit par voie de raisonne­ ment. à conclure positivement à la possibilité du mystère. Cf. Suarez, loc. cit., n. 4; Gonct, op. cil., n. 55- 58; Bilhiart, loc. cil.; Alvarez. Dc incarnatione, q. i, a. 1, disp. 1; Less lus, In Sum. S. Thomae, III q. i, a. 1, dub. III ; De Lu go, De incarnatione, disp, I, sect, i; Mastrius, De incarnatione, disp. I, q. iî, a. 2, n. 5G, 57, etc.--- L La raison théologique. < Dc quels moyens, d'ailleurs, disposerait la raison pour démontrer (la possibilité dc) ce dogme ? Toute dé­ monstration procède ou par les causes et les raisons propres, mettant pour ainsi dire â nu la racine même de la vérité, ou par les effets ct les manifestations extérieures. Qui donc peut sc flatter de connaître à fond les causes de l’incarnation? La cause efficiente ne nous est révélée entièrement que lorsque la cause formelle est évidente elle aussi. Or, pour acquérir cette évidence dans l’incarnation, il faudrait con­ naître la personne divine qui prend une nature créée. Mais la personnalité de Dieu, nous n'arrivons à nous la représenter que par analogie, par des concepts abstractlfs, incapables dc décrire ou de traduire telle qu’elle est, la transcendante réalité. La révé­ lation affirme bien le fait : · union dc la nature divine ct dc la nature humaine en une seule personne, > mais cet énoncé, bien loin dc satisfaire et de reposer entièrement la raison, susciterait plutôt chez elle des objections et des troubles, puisque partout où notre esprit constate une nature complète, il découvre aussi une personnalité propre ct indépendante; ct c’est pourquoi il nous faut le témoignage divin pour nous rassurer et nous reposer. La preuve par les effets n'aboutit pas davantage ù l'évidence intrin­ sèque. Les effets surnaturels, les miracles suffisent à nous convaincre que le Christ dit vrai quand il se proclame le Dieu incarné ct que, par conséquent, nous devons croire à sa parole; mais cc n’est là que l'évidence de crédibilité préalable à la foi, non point l’évidence dc l'objet qui engendre la science : nous concluons qu’il faut admettre l'incarnation, nous ne voyons pas l’incarnation elle-même, ct la formule dogmatique < une seule personne en deux natures, » quoique très croyable, reste toujours pour nous l’inévidentct l’insondable. L’histoire même des erreurs (christologlqucs) est la démonstration douloureuse ct éclatante que la révélation, en nous certifiant l’existence du fait surnaturel, n’enlève pas le voile qui couvre le divin aux yeux des mortels et que l’in­ carnation est un de ccs abîmes que l’Esprit de Dieu seul peut voir Jusqu'au fond, i E. Ilugon, Le mystère de C incarnation, Paris, 1913, p. 52-53. Cf. Suarez, op. cit., prie/, η. 1 ; Vacant, op. cit., n. 791-795. 3° La notion <Γ incarnation est spécifique de la religion révélée. - 11 suffit d’indiqûcr brièvement cette conclusion dc tout ce qui vient d'être dit, pour écarter l'interprétation rationaliste de la notion d’incarnation. Le rationalisme, en effet, constatant, dans la religion catholique, la notion du mystère de l’incarnation, s'efforce d'expliquer celte notion en lui enlevant son caractère de mystère. La première vole qui s’est offerte à lui fut la voie philosophique. C’est dans la première moitié du xix· siècle qu'en Allemagne, avec les semi-rationalistes : Hermès, Günther, Froschainmcr, ct leurs disciples, cc déni­ grement du caractère surnaturel des vérités révélées se fit jour dans les discussions théologiques. Ces auteurs maintenaient en paroles l’existence du mys­ tère; ils supprimaient en fait le caractère strictement surnaturel du mystère ct partant le mystère luimême, en accordant à la raison la puissance naturelle dc pénétrer jusqu’au mystère en lui-même. L'école 14.38 rationaliste française fut plus radicale ct plus claire : le mystère pour elle n'est qu'un symbole, enfanté par l’enthousiasme puéril dc générations ignorantes. L'in­ carnation n’est donc qu'un symbole. < Dieu ne dédai­ gne pas dc se manifester à nous, ct nous sommes les complices dc ses manifestations; non pas en cc sens qu’il emprunte ù la famille humaine une nature comme la nôtre, mais en cc sens plus profond, plus philoso­ phique, que l’homme est le théâtre, ou, pour mieux dire, le sujet d’une irradiation incessante de la divi­ nité. Cachée dans la nature sous la fatalité des lois, elle apparaît en la raison; la raison c'est le Logos des anciens, le Verbe fait chair chanté par l’apôtre Jean, le Dieu du genre humain, le Christ universel qui nous fait tous chrétiens. » Ainsi pouvait être résumée, au sujet dc l’incarnation, la doctrine rationaliste, par le P. Monsabré, en 1857, Introduction au dogme catholique, iv· conférence. Les adversaires visés par l’éminent orateur étaient principalement Jules Simon ct Victor Cousin. La réfutation du symbolisme ratio­ naliste est classique : elle est constituée par la dé­ monstration de la crédibilité des dogmes. Voir plus loin. Mais il est à noter que cette conception symbo­ lique des dogmes a été reprise avec une apparence plus scientifique ct plus religieuse par le modernisme. Voir, sur l’élaboration du dogme dc l'incarnation, la position prise par les modernistes. Hypostatiqub (Union), col. 564-566. Le rationalisme, pour enlever au mystère de l’incarnation son caractère surnaturel, a emprunté aussi une autre voie, celle dc l'histoire comparée des religions. D’après cette méthode, l'incarnation (comme beaucoup d’autres vérités sur­ naturelles) ne serait pas une notion spéciale à la reli­ gion révélée. Les mythes anciens, surtout dans les religions de l'Inde et dc Babylonie, fourniraient des types de dieux unissant à la divinité une forme hu­ maine. Le concept chrétien ne serait donc pas origi­ nal, ct partant, son caractère surnaturel en recevrait une atteinte complète. Mais l’étude consciencieuse des textes démontre qu'il n’y a ni emprunt à cons­ tater, ni rapprochements réels à faire. Les points de contact sont superficiels; les similitudes toutes de surface et accidentelles. Cf. Louis dc la ValléePoussin, Bouddhisme, Paris, 1909, ct Religions de rinde, dans le Dictionnaire apologétique de la lot catholique de M. d’Alès, t. n, col. 687-702; Dc Grandmaison, art. Jésus-Christ, n. 12, ibid.. col. 1312; A. Condamin, Babylone et la Bible, ibid., t. i, col. 373. L’idée de l’incarnation, telle que la formule la fol catholique, ne se retrouve dans aucune religion humaine. Les analogies que nous rencontrons dans ccs religions sont vagues, superficielles, toutes d’ap patence; s’efforce-t-on d’analyser le concept qu'on a sous les yeux, on y trouve toute autre chose que l’idée chrétienne. J. Souben, Nouvelle théologie dog­ matique, Paris, 1911, Le Verbe incarné, Introduction, n. 3. 11 est parfaitement inutile de consacrer une étude spéciale à des rapprochements très accidentels ct superficiels, pour démontrer qu’en regard dc l’histoire comparée des religions, la notion dc l'in carnation reste une notion spécifique de la religion révéler. Le peu qu’on doit dire sur cc point trouvera sa place à l’article Jésus-Christ. 4e Le rôle de la raison en face du mystère de Γin­ carnation. Il importe bien plus de montrer aux rationalistes quel rôle la raison humaine est appelée à jouer dans la présentation du mystère de l’incarna­ tion ù l'adhésion de l'intelligence. On sera ici forcé­ ment bref, puisque le problème qui sc pose n’est qu’une application particulière dc principes plus généraux, voir Mystère ct Dogme, t. rv, col. 1606 sq., ct qu'il doit recevoir ses développements spé­ ciaux ailleurs. — 1. La première tâche de la raison 1459“ INC A RNATION 1460 en face du mystère de l’incarnation est d’en démontrer mais encore à l'extérieur. Convenance de la part de la créature qui tend vers l’infini et trouve dans l'u­ la crédibilité. C’est d’ailleurs la démonstration qu’elle nion hypostatique le moyen le plus parfait de re­ est appelée à faire en faveur de tout dogme révélé. En joindre Dieu. Convenance de la part des attributs quoi consiste cette démonstration relativement au divins qui, par l’incarnation, se trouvent glorifiés. mystère de l’incarnation? Voir Jésus-Christ. — Voir plus loin. 2. Abordant ensuite le mystère de l’incarnation en lui-même, la raison devra en démontrer négati­ En plus des auteurs cités nu cours de Particle, Frnsseo, Scotus academicus, De incarnatione, tr. I, disp, I, n. 1, vement la possibilité, c’est-à-dire en faire voir la non sect, i; Chr. Pesch, De Verbo incarnato, η. '*7-63; Legrand répugnance. 11 est entendu qu’elle ne peut pas, même après la révélation du mystère, nous en démontrer De incarnatione Verbi divini» dissert. I, c. ir; Momabré, Exposition du dogme catholique, Confèrent j 34·. positivement la possibilité, c’est-à-dire nous faire III. Le dogme. La notion catholique du dogme voir le comment de la convenance des différents termes dont sc compose le concept total de l’incar­ a été formulée authentiquement par le concile du nation; mais elle pourra toujours écarter de ces Vatican : vérité contenue dans la révélation, tradi tenues et de l’ordre à mettre entre eux la contra­ tion ou Écriture, et proposée à la foi des fidèles par le magistère soit ordinaire, soit extraordinaire de diction. Il s’agit d’écarter toute contradiction entre la notion d’un Dieu immuable, étemel, simple, infi­ l’Église. Il n’entre point dans l’objet de cet article d’expliquer cette définition, voir Dogme, t. xv, col. niment parfait, infiniment distant de la créature, 1575, ni de rappeler comment a été déformée, prin­ et la notion d’un Dieu sc faisant homme dans le cipalement par le rationalisme, le semi-rationalisme temps, prenant corps dans le sein d’une vierge, et le modernisme, la notion du dogme. 11 suffit de unissant en lui d’une façon substantielle les extrêmes, rappeler ici que le mystère de l’incarnation est un la divinité et l’humanité, l’esprit et la chair. C'est dogme de la foi catholique : 1° parce qu’il a été révélé ce travail que la pensée catholique, surtout au moyen par Dieu; 2° parce que cette vérité a été proposée âge, recueillant la tradition des Pères de l’Église, a tenté avec succès, dans l’exposé des différentes cau­ authentiquement par le magistère de l’Église à la foi des fidèles. On en déduira l’obligation qu’ont salités qui concourent à l’union du Verbe de Dieu avec les fidèles d’adhérer à ce dogme. l’humanité. Voir plus loin. Il faut de plus, dans le 1° Que le dogme de l’incarnation ait été révélé concept même de cette union du Verbe et de l’hu­ manité, éliminer toute notion impliquant contra­ par Dieu, c’est le fondement même de la religion catholique, qui sc réclame, à sa fondation, du Verbe diction. De là la nécessité de faire appel aux notions philosophiques de personne, de nature, de subsis­ incarné lui-même. Comme on l’a rappelé en défi nissant l'incarnation, trois termes constituent essen­ tance, d’union substantielle et personnelle, et de les tiellement ce mystère : divinité, humanité, union coordonner, dans l’exposé du mystère, de façon à éloigner tout défi à la raison. Ce fut le travail de substantielle des deux natures en la personne unique du Verbe divin. On a déjà exposé la révélation du la théologie de l’union hypostatique, tel qu’il a déjà été exposé. \’oir Hypostatique (Union), — dogme de l’union hypostatique. Voir col. 443-449. A 3. La raison devra enfin donner une certaine intelli­ l’article Jésus-Chiust, on montrera comment, d’après gence du mystère. Et déjà ce troisième aspect du la révélation, Jésus est homme parfait, et cependant s’affirme Dieu, Fils égal au Père, consubstantiel aux rôle de la raison est inclus forcément dans le second dont il est inséparable, a) Les mystères sont, deux autres personnes de la Trinité. Que le dogme de l’incarnation ait été authentiquement proposé à la tout en demeurant incompréhensibles, intelligibles foi des fidèles par le magistère de l’Église, la chose analogiquement, d’une analogie de proportionnalité, parce que les idées par lesquelles nous les expri­ est évidente. Déjà, les apôtres et les évangélistes pro­ mulguent la nécessité de croire au Christ, pour faire mons peuvent et doivent être appliquées aux choses son salut. Joa., ni, 14 sq.; v, 24; vin, 24; xi, 25; divines qu'elles expriment par analogie aux choses humaine auxquelles elles sont empruntées. C’est xvn, 3; Act., xv, 11-12; xxvi, 15-18; Rom., ni, 22-23; Gai., n, 16. Les définitions subséquentes de l’Église, à la raison de choisir les notions qui, entendues analogiquement des vérités divines, nous feront portées au cours des siècles à l’occasion des hérésies naissantes, ne font que confirmer cette promulgation percevoir, d’une manière vraie, quoique imparfaite, les mystères qu’elles expriment. Ainsi, le mystère de initiale. Ces définitions portent ou sur le dogme de l’incarnation est exprimé par les notions analogues la divinité de Jésus-Christ, ou sur l’intégrité et la de nature, de personne, d'union. — b) L’analogie ’ réalité de son humanité, ou sur les rapports des deux par laquelle notre raison nous permet, non de corn- j natures, unité de personne, dualité des natures et prendre le mystère de l’incarnation, mais d’en per­ des opérations. On trouvera toutes les indications cevoir d’une manière intelligible les termes, sc com­ utiles dans 1*Enchiridion de Denzinger-Bannwart, plète par les comparaisons que la théologie trouve Index syslematicus, vxiia -vme, et dans le Thesaurus dans les choses créées et qui nous font entrer plus du P. Cavallcra, n. 759-788. Ces diverses défini­ avant dans l'intelligence de l’union mystérieuse du tions du magistère trouvent place ici, dans les Verbe et de la chair : union du verbe mental et différents articles, dogmatiques et historiques, se de la parole extérieure; comparaison de la greffe rapportant aux problèmes christologlques. et du tronc; de l’accident et de la substance; union 2° L'incarnation étant le fondement même de la substantielle de l’âme et du corps en un seul sujet religion catholique, il ne peut exister aucun doute vivant, etc. Voir IIviostatique (Union), col. 499, que ce mystère ait été révélé explicitement et ait été 501, 504, 539 sq. c) Enfin, sans apporter de rai­ présenté à la foi des fidèles d’une manière explicite sons cogentes, la raison peut présenter certaines dès le début du christianisme. Voir Expuotb, t. v, raisons de convenance qui inclinent l’esprit à consi­ col. 1868. Toutefois, le dogme de l'incarnation n’a dérer favorablement et à accepter le mystère. Dans pas été, dès le début, révélé et proposé d’une manière l’exposé du mystère de l’incarnation, les théologiens explicite dans toute > scs conséquences et sous tous ont souvent recours à ces raisons de convenance, qui, scs aspects. Pour lui, comme pour le dogme de la sans forcer l’adhésion de l’esprit, ne sont pas cepen­ Trinité, on peut distinguer trois stades. Dans un premier stade, l'Église ne propose encore qu’une dant sans utilité réelle. Convenance de la part de Dieu, souverain bien, cherchant à sc donner, non seule­ croyance très simple en Jésus-Christ, à la fois Dieu et homme, croy ance dégagée de toutes controverses ment à l’intérieur dans le mystère de la Trinité, 1461 INCARNATION et de toutes explications ultérieures. C’est, pour l'incarnation» la foi que nous trouvons dans les sym­ boles, dans la doctrine des Pères apostoliques et chez les Pères apologistes, et dans les formules de fol de l’Église latine, jusqu’au v* siècle. Voir Hyfosta· tique (Union), col. 449-456. En Orient, le deuxième J stade, d’explication et de controverses, commence d’assez lionne heure. Dès le n· siècle, le mouvement se dessine, avec les adoptianistes et les docètcs, les uns et les autres déchirant en sens opposé ΓHommeDieu. Mais c’est surtout aux iv· et v· siècles que s’ai- i firme le progrès dogmatique, à l’occasion des grandes hérésies nestorienne et eutychicnne, Les conciles ! d'Éphésc, de Chalcédolnc, de Constantinople fixent successivement les points où le dogme catholique sc trouvera désormais précisé et définitivement arrêté. Voir. col. 462-478. Mais parce que la terminologie | ne fut complètement acquise que par ces conciles, les Pères antérieurs nu v· siècle, dans leurs discussions dogmatiques avec les adversaires de la fol, ont pu employer des expressions moins exactes. On n’a pas à s’en étonner, et leur témoignage en faveur de la vérité ne perd aucune valeur de ce chef. Voir col. 458-460, 495-199. Après le concile de Chalcvdoine, on peut dire que le deuxième stade de progrès relatif au dogme lui-même de l’incarnation est terminé, 11 n’y a pas eu dans ces controverses passage de l’implicite a l’explicite, mais simplement passage d’une croyance simple à une définition plus précise. Après le v· siècle, les discussions portent plutôt sur les conclusions dogmatiques et théologiques à tirer du dogme déjà promulgué. Ici, on peut parler peutêtre de passage de l’implicite à l’explicite. Voir Hypostatique (Union), col. 489-490. 3· De croyance explicite dès le début, le dogme de l’incarnation s’imposait donc, sous peine de damna­ tion, à la foi des premiers fidèles. 11 resterait à dis­ cuter si la nécessité de croire à l’incarnation pour faire son salut est une nécessité de précepte ou une nécessité de moyen. Cette question se pose princi­ palement à l’occasion du salut des infidèles qui peuvent se trouver dans l’ignorance invincible des mystères de la foi chrétienne. Le problème, d’ailleurs, existe au sujet du mystère de la Trinité tout aussi bien qu’au sujet de l’incarnation. 11 sera donc étudié et résolu a l’article Ishuèles (Salut des). Quelle que soit la solution apportée à ce problème, il reste vrai, en toute hypothèse, que la fol en l’in­ carnation s’impose ubsolument nu fidèle qui veut faire son salul. Innocent XI a condamné la proposi­ tion suivante : « Est capable de recevoir l’absolution l’homme qui, en raison d’une ignorance des mystères de ki foi, aussi grande qu’on la peut supposer, ou encore par suite d’une négligence même coupable, ignore le mystère de la très sainte Trinité et de l’incarnation de notre Seigneur Jésus-ChrlsL » Denz.lnger-Bannwart, n. 121 i. Et même, à l’article de la mort, il ne suffit pas de faire promettre ù un adulte qu’on veut baptiser qu’il s’instruira plus tard des mystères de la foi qu’on voudrait ne pas lui expliquer présentement pour ne pas le troubler : « Le missionnaire est obligé d’expliquer ù l’adulte, qui n’est pas tout à fait incapable de l’entendre, les mystères de la fol, qui sont de nécessité de moyen, et principalement les mystères de la trinité et de l’incarnation. » Saint-Office, 25 janvier 1703, 30 mars 1898, Acta s. sedis, t. xxx, p. 700, en note. L’incise que nous avons soulignée ne résout pas la question controversée. Cf. Chr. Pesch, Præl. dogma!., t. vin, n. 451. Sur les principes. Billot, De Immutabilitate traditionis. Home, 1907. c. n; Dogme, t. iv, col. 1606-1650, spécia­ lement 1611-1650; m i i Implicite, t· v,col. 1868.— 1462 Application : Hypostatique (Union), t. vn, col. 449-490; J’ranzchn, De Verbo Incarnato, th. χνι-χχι. IV. Possibilité, contenance, nécessité. — Ces trois questions ne sont, à vrai dire, que trois aspects du même problème, sc superposant les uns aux autres. C’est pourquoi nous pensons que la logique exige qu’on ne les sépare pas. La possibilité et la convenance du mystère de l’incarnation concernent le mystère même considéré en dehors de toute hypo­ thèse; la nécessité sc rapporte uniquement à l’hypo­ thèse présente de la déchéance de la nature humaine, que Dieu a décidé de restaurer en suivant les voies de la justice. Z. posai muté. — Cette première question est pro­ prement scolastique. Le fait de l'incarnation, c’està-dire Jésus-Christ lui-même sc manifestant aux hommes comme Dieu en même temps que comme homme, dispensait les Pères de l’Église d’envisager le problème spéculatif de la possibilité métaphysique de l'incarnation. Mais Pierre Lombard l'introduisit dans les Sentences, 1. Ill, dist. I, et la coutume s’est introduite depuis, de résoudre, au début du traité de l’incarnation, la question de possibilité. Λ vrai dire, on n’aperçoit pas l’utilité de cette discussion : la convenance du mystère implique sa possibilité; car la réalisation du mystère dépend de la volonté divine, qui ne fait rien que de très sage et, partant, que de possible. En fait, d’ailleurs, la question de la possibilité, c’est-à-dire de La non répugnance de l’in­ carnation vis-à-vis des exigences de la raison hu­ maine, sc réduit à la solution des difficultés qui peuvent sc présenter. Or, c’est au cours de tout le traité du Verbe incarné que se posent et se résolvent ces nombreuses difficultés. Il semble donc plus logique de supprimer, au début de l’étude de l’Homme-Dieu, une question inutile et dont le véritable intérêt sc trouve reporté à toutes les pages du traité. Ce sont ces raisons multiples qui, sans doute, ont amené le docteur angélique à suppri­ mer, dans la Somme théologique. la question De possi­ bilitate incarnationis, qu’il avait, pour suivre l’usage reçu, place au début du IIP livre de ses Commentaires sur le Maître des Sentences. Voir sur ce point, les remarques des commentateurs de la Somme, IIP, q. I, a. 1, et particulièrement Cajètan, Vasquez» Médina, les Salman licenses. Suarez, Gonet, BilluarL Beaucoup de commentateurs de saint Thomas sc sont contentés, tout en sc conformant à l’usage reçu d’aborder le traité de l'incarnation, par la possibilité de ce mystère, de résoudre le problème connexe de la démonstration rationnelle de cette possibilité. Voir Suarez, Gonet, Bilhiart, etc. Mais ce problème con­ nexe est bien différent du problème de la possibilité envisagée en elle-même. Il sc rapporte au caractère strictement surnaturel du mystère» et nous l’avons déjà posé et résolu plus haut, col. 1455. Le problème de la possibilité de l’incarnation ne peut se résoudre que par la réfutation de toutes les objections que l’incrédulité accumule contre la doctrine catholique d’un Dieu fuit homme dans l’unité substantielle d’une personne et la dualité persistante des natures. Dans le Commentaire sur le Maître des Sentences, 1. Ill, dist. 1, q. i, a. 1, étu­ diant les differents modes d’union des créatures entre elles, saint Thomas montre les rapports ana­ logiques de l’union hypostatique avec quelques-uns de ces modes et conclut analogiquement à la possi­ bilité de l'incarnation. Mais c’est par la solution des difficultés que ce saint docteur prouve l'assertion de la possibilité qu’il rapporte théologiquement à Luc., i, 37 : non erit impossibile apud Deum omne verbum. Les objections procédaient : 1° de l'immuta­ bilité divine, qui ne semble pas conciliable avec l’union 1463 INCARNATION de h nature humaine au Verbe; 2° de l'absolue per­ fection de Dieu, laquelle ne peut admettre l’addition d’une nature nouvelle; 3° de l’infinie distance qui sépare Dieu de la créature, ct empêche toute pro­ portion entre la personne du Fils de Dieu et la nature humaine; 4« de l’infinité de la puissance divine qui ne saurait s’accommoder de la puissance finie d’un être corporel. Toutes ces objections sont reprises sous de multiples aspects dans les questions suivantes, dans la Somme Contra génies, 1. IV, c. xl-xux; dans le Compendium theologix, c. cax, ccxn; cf. Declaratio quorumdam articulorum contra græcos, armenos et saracenos, ad cantorem Antiochenum, c. vi. C’est autour de ces mêmes difficultés que se tient, chez la plupart des commentateurs de saint Thomas, la question de la possibilité de l’incarnation. //. convenance, — 1° Position du problème. — 1. La question de convenance est intimement liée à la question de possibilité. Car cc qui ne convient pas est impossible eu égard â la sagesse divine, Salma·licenses, De incarnatione, q. i, a. 1, n. 2, quoique l'on puisse à la rigueur concevoir comme absolument possible, si Dieu le voulait ainsi, tout être n’impli­ quant pas en soi contradiction, bien que sa réalisation comportât quelque répugnance par rapport à la sagesse divine. S. Thomas, In IV Sent., 1. Ill, dist. I, q. il, a. 3. Convenance indique donc, en plus de ‘ simple possibilité, conformité aux desseins que peut avoir, aux buts que peut poursuivre la providence I divine, éclairée par la sagesse éternelle. — 2. En examinant ici la question de convenance de l’incar­ nation, on ne préjuge en rien de la solution à donner au problème suivant, touchant la nécessité de l’incar­ nation. On n’affirme pas que la convenance de l’in­ carnation implique l’inconvenance du contraire : cc sciait, en effet, dire qu’au regard de la sagesse divine, l’incarnation est nécessaire. La création est un acte conforme à la bonté, à la puissance, à la sagesse de Dieu, et, partant, on le peut dire très convenable par rapport à Dieu; cela ne signifie nulle­ ment, que, ne créant pas le monde, Dieu eût manqué en quoi que cc soit à ses perfections. De même, si l’incarnation du Verbe a été une manifestation excel­ lente des perfections divines, si elle a correspondu excellemment aux aspirations ct aux besoins de la nature humaine, il ne s’ensuit pas qu’il eût été in­ convenant que le Verbe ne s’incarnât pas. Voir plus loin. 3. De plus, il ne s’agit pas simplement d'affirmer la convenance de l’incarnation, relativement à l’ordre actuel de la Providence, c'est-à-dire par rap­ port à l’œuvre du rachat de l’humanité qui en est, dans l’hypothèse de la chute, la suite pour ainsi dire naturelle ct nécessaire. Certains théologiens, en effet, ne conçoivent la convenance de l’incarnation que dans cette hypothèse. « Parce que l’incarnation, dit Lcssius, De prxdestinatione Christi, n. 13, inclut l'humiliation et 1*anéantissement de la divinité, ainsi que l'affirme l’apôtre, Phil., u, 7, elle n’a pu en aucune manière être recherchée pour elle-même..., mais seulement en raison d’une nécessité extérieure à Dieu, de haute importance, et à laquelle il était impossible de satisfaire autrement. > L’incarnation implique, ajoute Lcssius. une sorte de decheance • pour la majesté divine ct cette sorte de déchéance n’est convenable que par la compensation que Dieu trouve ailleurs, c'est-à-dire dans la satisfaction rigoureuse que le Verbe incarné devait apporter à la justice divine, en réparation de nos péchés. Ce point de vue, disons-nous, est Incomplet ct faux, car on conçoit difficilement qu’une raison extrinsèque, si importante soit-elle, puisse constituer une compensa­ tion suffisante à une déchéance de la majesté divine. Cf. Billot, De Verbo incarnato. Prato, 1912, p. 17, 1464 note. - 4. Il s’agit donc d’une convenance absolue, étrangère à l’hypothèse du péché ct de la réparation, conférant à l'incarnation une conformité réelle aux perfections divines ét aux aspirations humaines, prises en elles-mêmes, indépendamment de la consi­ dération du rachat de l’humanité. Mais ici encore, une confusion est à éviter. Affirmer la convenance de l’incarnation de cette manière absolue, ce n’est pas pour autant préjuger de la cause finale de l’incarna­ tion. Cc problème est tout différent, car il s’agit, en déterminant la cause finale de l’incarnation, de l’in carnation considérée selon le decret actuel de la Pro­ vidence. La question de convenance n’est pas lice nécessairement à ce décret. 5. Enfin, la convenance absolue de l’incarnation peut être considérée quant à la substance même de l’incarnation, ou quant à ses circonstances de temps, de lieu, de personnes, etc. On n’envisagera ici que les circonstances de temps et de lieu, les autres sc rapportant plus directement à la vie même de Jésus-Christ et devant être examinées à ce mot. G. Le problème de la convenance de l’incarnation ainsi posé n’est pas un simple problème scolastique. L’apologétique chrétienne y est singu­ lièrement intéressée. 11 s’est posé, dès les premiers siècles, en face des sarcasmes ct des objections des philosophes incrédules. Cf. S. Ircnéc, Cont. hier., 1. III, c. xvm, n. 5, G; 1. V, c. i, n. 1, voirSchwane, Histoire des dogmes, trad, franç.» Paris, 1886, t. i, p. 285 sq.; S. Augustin, Epist. ad Volusianum, cxxxv, P, L., t. xxxm, col. 512; Tcrtulllcn, be carne Christi, n. 1; Contra Marcionem, 1. II, c. xxvn, P. L., t. n, col. 754, 31G; S. Athanase, Ad Adelphium, n. 1, P. G., L xxvi, col. 1072; Use posait également dès l’aube du moyen âge; cf. S. Anselme, Car beus homo, 1. I, c. m, P. L., t. clviii, col. 361 sq. Les grands théologiens du moyen âge ct leurs commentateurs des époques subséquentes n’ont donc fait que coor­ donner les réflexions que les Pères de l’Église avaient déjà auparavant formulées en réponse aux attaques de 1’incrédulité. Parmi ces réflexions, nous choisirons celles qui méritent le plus d’etre retenues. Pour nombre d’autres, on sc contentera de renvoyer aux thèses si documentées de Thomassin sur la matière. 2° Convenance de Γincarnation considérée dans sa substance. 1. Par rapport aux divines perfections. a) Bonté. - · Le bien cherche à sc communiquer. Or, Dieu est le bien essentiel. Et la communication que Dieu fait de lui-même dans l’incarnation est la plus parfaite et la plus complète qu’on puisse concevoir. Cf. Eph., n, 4. Voir S. Thomas, Sum. theol., Ill, q. i, a. 1, et le commentaire de Cajétan, ainsi que le préam­ bule de saint Thomas au III· livre des Sentences, sur EccL, i, 7. Cajétan expose les trois modes de commu­ nication de la divinité : communication de l’être dans l’ordre naturel; communication de la grâce dans l’ordre surnaturel; communication de la subsis­ tence dans l’ordre de l’union hypostalique. Quant à {'extension, la première communication l’emporte sur les autres; mais quant à {'intensité, la communi­ cation de la grâce est supérieure à la communication de l’être et de même, sous cc rapport, la communica tion de la subsistance divine dans l’union hypostatique l’emporte sur toute grâce créée. L’incarnation des trois personnes ne communiquerait pas à la créa turc plus de perfection que l’incarnation du Verbe seul. Cf. Gonct, Cbjpeus, De incarnatione, disp. Ill, a. 1, n. 4; Legrand, up. cit., diss. V. c.vni,dans Cursus theologia· de Mlgne. L rx.col. 329;Contenson, Theologia mentis et cordls, a. 9. dhs. prcambuL, c i, «pcc. 3. Les théologiens font observer que par l’incamalion, la communication du bien divin est la plus parfaite qu’on puisse imaginer, parce que c’est le souverain bien lui-même qui est communiqué substantielle- 1465 INCARNATION nient, Immédiatement, Inséparablement, ct de telle façon que de la personne du Christ cc bien souverain rejaillit sur toutes créatures raisonnables (le Christ étant chef de toutes), mais surtout sur les hommes, parce que nous avons tous reçu de sa plénitude. J .a nature corporelle elle-même en est rendue partici­ pante, puisqu'on Jésus-Christ elle fut élevée à la dignité de l’union hypostatique, puisque dans les justes, clic devient le temple du Saint-Esprit, puisque dans les sacrements, elle est l'instrument destiné à produire des effets surnaturels ct qu'un jour, en toute hypothèse, à cause de l’incarnation, elle sera délivrée de toute servitude de la corrup­ tion. Cf. I Cor., vi, 19; Phil., ni, 21 ; Rom., vin, 19. Chr. Pcsch, op. cit., n. 371. Voiries textes des Pères dans Thoinassin, De incarnatione, 1. I, c. 1. — b) Charité, miséricorde, bénignité. - L’amitié que la simple philosophie humaine niait pouvoir exister entre Dieu et l'homme, existe par le fait de l’incarna­ tion. Cf. S. Thomas, Sum.theol.. I· II , q. xxvm, a. 1. Dieu a tant aimé Je monde qu'il lui a donné son Fils unique. Joa., ni, 16; cf. Rom., v,8; Tit., n, 11; in, 4 sq.; I Joa., iv, 9 sq. < Quel plus pressante raison de venir à nous que cette manifestation de l’amour que Dieu a pour nous ct qu'il nous recom­ mande avec véhémence? ■ S. Augustin. De catechizandis rudibus, c. iv, n. 7, P. L., t. xi., col. 314. Cf. S. Pierre Chrysologue, Serm., cxlvii, De incarna­ tionis sacramento, P. L., t. ni, col. 595-596; S. Léon, Serm., iv, de Nativitate Domini, c. i, P. L., t. uv, col. 203; S. Bernard, In Nativitate Domini, serm. i, n. 2, P. L., t. clxxxiiî, col. 115; De diligendo Deo, c. v,n. 15; c. vi, n. 16, P. L., t. clxxxii, col. 983, 984. C’est parce que le Père a offert son Fils pour nous qu'apparaît sa grande miséricorde et sa béni­ gnité infinie. S. Ambroise, De Jacobo et vita beata, 1. I, c. vi, η. 25, P. L., t. xiv, col. 608; S. Jean Chrysostomc. In Epist. ad Heb., homll. xxv, η. 1, P. G., t. Lxiii, col. 174. Cf. S. Cyrille d’Alexandrie, In Joannis evangelium, 1. IX, c. xm, 31, P. G., t. lxxiv, col. 162-163; S. Grégoire le Grand, Moralia, 1. XX, c. xxxvi, n. 68, 69, P. L., t. lxxvi, col. 179 ; Bossuet 2· sermon sur la passion de Jésus-Christ, n· point. Voir Thoinassin, toc. cit. S. Thomas,sur la miséricorde, Sum. theol., 11IB, q. xlvi, a. 1, ad 3^.—c) Toute-puis­ sance.— L’incarnation est, par antonomase, V œuvre de Dieu, opus Dei. Cf. Habacuc, ni,2; Is.,xxvm,21,La Vierge, dans son cantique, le proclame :/eci7m/hl magna qui potens est; /ccit potentiam in brachio suo. Luc.,i, 49, 51. L’incarnation est, en cfiet, l’œuvre la plus excellente que puisse réaliser Dieu : sa dignité touche à l’infini. S. Thomas, Sum. theol., I·, q. xxv, a. 6, nd 4«®. D’après saint Grégoire de Nyssc, mieux que les plus éclatants miracles, l’incarnation fait ressortir la divine puissance. Oratio catech., c. xxiv P. G., t. xlv, col. 63. Cf. S. Basile, In ps. XLIV, n. 5, P. G., t. xxix, col. 399; S. Bernard, In vigilia Nati­ vitatis, serin, in, η. 1, P. L., t. clxxxiiî, col. 94. Saint Léon le Grand fait remarquer que la toutepuissance divine apparaît surtout en cc que la gloire de la divinité n'a pas anéanti l’humanité, en ce que l’assomption de l'humanité n’a pas diminué la divi­ nité. Serm., xxi, de Nativitate Domini, c. n, P. L., t. LTV, col. 191-192. On sc souvient de la formule insérée dans la lettre dogmatique à Flavien : Steal formam servi Del forma non adimit, ita formam Del servi forma non minuit. Voir Hypostatique (Union), col. 479. Cf. Thoinassin, loc. cit., c. i, — d) Justice. — Le Verbe incarné, propitiation pour nos péchés, manifeste souverainement la justice divine. S. Thomas, Sum. theol., III·, q. xlvii, a. 3, ad lum. Voir les nombreux textes des Pères, établissant que l’incarnation rétablit la justice, K1G6 soit à l’égard des droits acquis par le démon sur les pécheurs soit à l’égard de Dieu lui-même dans Thomassln, op. cit., c. ni, iv. Sur la convenance extrême, sur la nécessité de l'incarnation, par rapport aux exigences de la justice divine, voir plus loin. — e) Sagesse. — Dans cette œuvre où la justice et la miséricorde sc sont rencontrées, Ps. lxxxiv, 11, apparaît la sagesse de Dieu. De plus, l’homme trouve dans l'incarnation un puissant motif de fuir le péché, de sc souvenir de sa dignité, de pratiquer la vertu à l’exemple du divin Maître. Voir plus loin. Sur la sagesse divine dans l’œuvre de l’incarnation, cf S. Jean Damascènc, De [ide orlhod., 1. 111, c. i, P. G., t. xav, col. 983; S. Léon, Serm., xxi, de Nativitate Domini, c. in, P. L., t. lfv, col. 192; S. Augustin De agone christiano, c. xxi, P. L., t. xl, col. 297 5. Thomas, Sum. theol., III·, q. xi.vi, a. 3; Cont gentes, 1. IV, c. uv. Cf. Schwalm, Le Christ d'après saint Thomas dAquin, c. i. 2. Par rapport au Fils qui s'est incarné. — Bien que non seulement le Fils, mais encore le Père ct i’Esprlt eussent pu s'incarner, voir plus loin, l’incar­ nation dans la seule personne du Verbe est plus convenable. Le Fils n’cst-ll pas proclamé, dans l’Écriturc? l'intermédiaire nécessaire entre le Père ct le monde? Cf. Heb., t. 2, 3; Col., i, 17; Joa., xxv, 6, 9; i, 18. De ces affirmations scripturaires, les doc­ teurs de l’Église ont conclu à l’extrême convenance de l’incarnation du seul Vcibc. — a) L’innascibilité appartient en propre au Père; par appropriation, on lui attribue l’invisibilité, l’incompréhenslbilité : tout autant de raisons qui militent contre son incar­ nation, c’est-à-dirc contre une naissance temporelle, une manifestation personnelle du Père fait homme; pensée développée principalement par Tertullien, Adversus Marcionem, 1.1 Le. xxvn ; Adversus Praxeam, c. xiv, xv, xix, P. L., t. n, col. 317, 170, 171, 178. L’incarnation du Père ou de l’Esprit eût pù amener de la perturbation dans les esprits au sujet de l’attribu tion du nom de Fils. Cf. S. Athanasc, Oral, i, umtra arianos, n. 21, P. G., t. xxvi, col. 55; S. Jean Damas , cène,De fideorlhod., 1. IV,c.iv,P. G.,t.xov,coL 11061107; Gvnnadius, Liber ecclesiasticorum dogmatum, c. π, P. L., t. lvii, col. 981 ; S. Fulgence, De fide ad Petrum, c. n, n. 7» P. L., t. i.xv, col. 675. Voirie déve­ loppement de ces arguments dans Thoinassin, op. cit., 1. 11, c. i, n. 1-4. — b) Le Verbe, image du Père,Heb.t i, 3, ct par qui toutes choses ont été faites, Joa., i, 3; Heb., i, 2 ; Col., i, 17, est tout indiqué pour < refaire » dans la création ce qui a été bouleversé ct détruit par le démon ct le péché. Sagesse du Père, le Verbe ne doit-il pas corriger les erreurs de la folle des hommes? Sur le rôle attribué au Verbe dans la création, voir t. ni, col. 2115-2127. Cf. S. Cyrille d’Alexandrie, Thesaurus, assert, xxix, P. G., t. lxxv, col. 431 ; S. Léon le Grand, Serm., lxiv, de passione Domini, c. n, P. L., t. uv, col. 358; S. Irénée, Cont. lucr., I. V, c. i, n. 1, 3, P. G., t. vu, col. 1120, 1123 ; Joblus cité par Photius, Bibliotheca, cod. 222, η. 1, 17, P. G., t. cm, col. 735, 754. Image substantielle du Père, le Verbe est tout désigné pour s’incarner et par là donner aux hommes la possibilité de restaurer en eux l’image déformée par le péché. Cf. S. Athanasc, Oratio de incarnatione Dei Verbi, η. 13, P. G., t. xxv, col. 119. Voir le développement de cette pensée dans Hugues de Saint Victor, Erudit, didascalica, 1. VII, c. xxiv, P. L., t. clxxvi, col. 834 ; ef. De Verbo incarnato» c. Ill, x, P. L., t. clxxvii, col. 320. — c) Le Fils, par cela qu’il est Fils, parait mieux indiqué que le Père ou l’Esprit pour nous apporter, par l’incarnation, la filiation adop­ tive. Cf. Gai., iv, 4, 5. Cette pensée fut souvent ex­ ploitée par saint Augustin, In Joa., tr. II, n. 5, 1467 INCARNATION P. L.,t. xxxv, col. 1325; De Trinitate, L II, c. v, n. 7 ; 1. IV, c. xx, n. 27; 1. XIII, c. xix, n. 24, P. L., t. xui, col. 248, 906, 1033. Voir Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, 1. II, part. I, c. n, P. A., t. clxxvi, coL 372. Enfin, au Fils appartient plus proprement la médiation, la supplication, l'obéissance. S Irenée, Conl. hier., 1. V, c. i, n. 1, P. G., t. vu, col. 1120; Richard de Saint-Victor, De Verbo incarnato, c. vi, P. £., t. cxcvi, col. 1001 ; S. Anselme, De fide Tri­ nitatis et de incarnatione Verbi, c. v, P. L., t. clviii, col. 277; S. Bonaventure, In 1 V Sent., 1. Ill, dist. I, a. 2, q. in. Ce sont toutes ces raisons, attestant la convenance de l'incarnation par rapport au Fils qu’entrevoyaient, en les exprimant d’ailleurs assez incorrectement, certains Pères apologistes. Ils affir­ ment que le Verbe, pensée immanente de Dieu, dans la Trinité, Instrument du Père dans la création, se manifeste en dernier lieu ct comme nécessairement < dans une troisième phase, qui aboutit A la naissance de la Vierge, par l’opération du Saint-Esprit, a Cf. S. Hippolyte, Adversus Noetum, n. 15, P. G., t. x, col. 821; d’Alès, La théologie de 5. Hippolyte, Paris, 1906, p. 25-26; Thomassin, op. cil., 1. II, c. i, n. Voir d'excellents développements dans Monsabré, Le vainqueur de la mort, Retraite pascale, 1888. 3. Par rapport à la nature humaine elle-même. — Saint Thomas, Sum. theol., IIP, q. i, a. 1, ad 2,UÛ, semble exclure cette convenance : Uniri Deo in unitate personæ non /uit conveniens carni humante secundum conditionem suæ natura:, quia hoc erat supra digni­ tatem ipsius. Le sens de cette affirmation est clair : il n’cxlste dans la nature humaine aucun principe, aucune raison de son élévation à la dignité de l’union hypostatlquc, tandis qu’en Dieu de multiples raisons existent qui témoignent de la convenance absolue de l’incarnation par rapport aux attributs divins. L’in carnation est donc un mystère dépassant toutes les exigences naturelles de l’humanité. Mais cela ne signifie nullement qu’il existe dans la nature de l’homme une répugnance ontologique à l'incarnation du Verbe en elle. Ni convenance, ni répugnance, parce que convenance ct répugnance à l’égard de l’incarnation du Verbe n’appartiennent pas plus à la nature humaine que voir ou être aveugle n’ap­ partiennent à une pierre. Cajétan, In h. L; ci. Tolct, In III** Sum. thcol. S. Thomæ,q. i, a. 1, q. in. Toutefois, il est permis de parler de la convenance de l'incarnation par rapport ù la nature humaine elle-même, en considérant la puissance obédientielte de cette nature. Cf. Ysambert, Disputationes in IIP*, part. S. Thomæ, ad i*m q., disp, i, a. 1; S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. i, a. 2. Se plaçant à ce point de vue, on doit affirmer que l’incarnation fut remplie de convenance par rapport à la nature hu­ maine : a) considérée en dehors de l’hypothèse du péché et par comparaison aux autres natures créées; b) considérée dans l’hypothèse du péché; mais indé­ pendamment de la réparation rigoureuse de l’of­ fense divine. a) Convenance de Γincarnation par rapport à la nature humaine, indépendamment de ^hypothèse du péché et par comparaison aux autres natures créés. — L’union de Dieu avec une criature irrationnelle, bien qu'absolument possible, S. Thomas, In IV Sent., I. Ill, dist. II, q. i, a. 1 (voir dans Suarez, op. cit., disp. XIV, sect, n, les Pères ct auteurs cités en faveur de cette opinion), ne convient pas, tant à cause de l'absence d’intelligence chez ces créa­ tures, qu'en raison, ce qui en est la conséquence, de cur manque de personnalité. L’union hyposta­ tique leur conférerait la personnalité dans le Verbe, ce qui constituerait un état contraire aûx exigences de leurs principes essentiels. S. Thomas, loc. cit. L’union 1468 de Dieu avec une créature angélique, c’cst-à-dlrc purement spirituelle, est certainement plus conforme aux attributs de la divinité, mais, somme toute, elle est moins convenable que l'union avec la nature humaine. Dans le commentaire sur le Maître des Sentences, saint Thomas en avait apporté un motif, admis, semble-t-il, par les commentateurs contem­ porains : les anges n’existant pas par voie de géné­ ration, mais par vole de création, ne peuvent avoir la personnalité qu’en acte; ce qui rend impossible l’assomption d’une nature angélique dans l’unité de la personne divine. Loc. cit., a. 1, sol. 2*. Mais dans la Somme théologique, saint Thomas rejette cette raison du commentaire, III*, q. iv, a. I,ad3«®, et ne s’appuie plus que sur la nécessité. C’est donc, en fin de compte, la chute de l'humanité, chute réparable, qui justifie, sur ce point, la convenance de l’incarnation. Horno perierat, hominem restitui oportebat, Tertullien, De carne Christi, c. xiv, P. L., t. n, col. 777. La nature angélique, en cfTct, a commis, dans ceux des anges qui ont failli, une chute irréparable. Cf. Cont. gentes, 1. IV, c. lv. Dieu aurait donc pu, absolument parlant, prendre la nature angé­ lique, voir les auteurs cités par Suarez, op. cil., disp. XIV, sect, π, n. 4, mais il ne l’a pas fait, Cf. Heb., π, IG. On peut en apporter plusieurs raisons de convenance : a. < Toute la nature angélique n’était pas tombée ct les anges prévaricateurs avaient immé­ diatement été confirmes dans le mal, ce qui n’est pas le cas de l’homme, » S. Thomas, In IV Sent., 1. Ill, dist. XX, q. i, a. 1, q. i, ad 3 * r· ; ci. S. .Anselme, Cur Deus homo, 1. Ill, c. χχιι, P. J. ,t. cuir, col. 430. b. La nature humaine, plus faible que la nature angélique, provoquait davantage la divine miséri­ corde. S. Grégoire le Grand, Moralia, 1. IV, c. ni, n.8; 1. IX, c. l, n. 76, P.L., t. lxxv, col. 642, 900; S. Isidore de Séville, Sententiarum, 1. I. c. x, n. 11, P. L., t. Lxxxin, col. 555. c. Le péché de l’ange, tout au moins de celui qui entraîna les autres à sa suite dans la révolte, n’admet aucune excuse, tandis que le péché d’Adam peut trouver encore quel­ que excuse dans la séduction du premier homme par Ève ct de la première femme par le serpent. S. Thomas, Sum. thcol., 1*, q. i.xiv, a, 2, ad 4«m; cf. S. Augustin, De libero arbitrio, 1. HL c. xxv, n. 76, P. L., t. ΧΧΧΠ, col. 1398, avec un beau commentaire de saint Paulin de Noie, Epist., xxm, ad Severum, n. 44, P. L., t. lxi, col. 285; S. Grégoire le Grand, op. cil., 1. IV, c. ni, n. 8, P. L., t. lxxv, col. 642; S. Jean Damascène, Dialogus contra manichœos, n. 33, P. G., t. xciv, col. 1539. d. Même par rapport à la restauration de la hiérarchie brisée par les défec­ tions des anges déchus, l'incarnation était préférable, puisqu'elle devait fournir aux hommes le moyen de s’élever jusqu’au rang des bienheureux et de combler les vides laissés par les démons. S. Thomas, Sum. theol., Is, q. cvnx, a. 8; In IV Sent., 1. II, dist. IX, a. 8. Saint Bonaventure résume tous ces motifs en quelques mots : Secundum reparationem major eongrultas in ea (natura humana) reperitur ad unio­ nem triplici ex causa, scilicet quia homo magis indige bat et minus indignus erat ct melius ei proderat, ut Filius Del assumeret naturam suam. Magis indigebat, quia totus lapsus fuerat ; minus indignus erat, quia per alium corruerat; amplius ei proderat, quia adhuc in malo obstinatus non erat. In IV Seni., 1. HI, disL II, a. 2, q. n. Cf. S. Augustin, In Joannis Evang., tr. CX, n. 7; In Epist. ad Gal., c. m, 19, n. 24,P.£., t. xxxv, coi. 1921, 2121 ; Enchiridion, c. xxvin, n. 9, P. L., t. xl, col. 21G; Opus imperfectum contra Julia­ num, 1. VI, n. 22, P. L., t. xlv, coi. 1553; S. Grégoire le Grand, Moralia, 1. XXVII, c. xv, F. L., t. lxxv, coi. 415; S. Bernard, Serm., i, de adventu Domini 1469 INCARNATION n. 4, 5, P. L., t. clxxxiii, col. 37. Voir Thomassin, op. clL, 1. II, c. mi. Considérée par rapport à la nature humaine, prise en sol, ct indépendamment de l’hypothèse de la chute, l'incarnation se justifie par celte raison de convenance que la nature humaine, mieux que la nature ange’ lique, tout esprit, ct que la nature inanimée, toute matière, résume en elle le monde de l’esprit ct celui de la matière, ct par là, unie au Verbe, glorifie davantage l’œuvre entière du créateur. S. Bonav< nturc, In IV Sent., 1. 111, dist. H, a. 1, q, n; S. Thomas, ibid., dist. II, q. i, a. 1, ad b) Convenance de Γ incarnation par rapport à la nature humaine dans l'hypothèse de la chute. - La chute de la nature humaine étant réparable, il convenait que la réparation fut faite. Cf. S. Thomas, Sum. thcol., I·, q. lxiv, a. 2. Mais l’incarnation était le moyen convenable de préparer ct de réaliser cette réparation : a. Parce que pour ramener l’homme vers sa fin surnaturelle, il fallait avant tout lui fournir le moyen de se purifier complètement du péché. Or, ce moyen lui fut excellemment fourni dans l’incarna­ tion, l’Homme-Dieu pouvant offrir à Dieu une répa­ ration dont un homme pur eût été Incapable, b. Parce que l’homme libéré de scs fautes passées devait être instruit du bonheur céleste ct des moyens d’y parvenir. Qui, mieux que le Verbe incarné, personnel­ lement instruit dans son humanité des mystères célestes, pouvait se faire notre précepteur ct notre guide? c. Parce que, nonobstant la distance qui sépare l’humanité de Dieu, il fallait efficacement élever l’esprit numain vers la participation de cette béatitude dont naturellement Dieu est seul capable. Par l’union hypostatique, où l’humanité touchait à la divinité, Dieu a fourni ù l'homme un admirable exemple de l’union bienheureuse qui doit attacher l'esprit créé Λ l’intelligence incréée. Motif d’espérance ct de confiance pour l’homme, d. Parce que l’exercice des vertus, nécessaire à l’homme pour atteindre sa fin, devait être rendu plus facile par l’exemple de celui qui, étant Dieu ct homme tout à la fols, devait exciter en nous une estime et une confiance plus grande, ct rendre visible par son humanité la per fcction que communiquait ù scs œuvres son invisible divinité, c. Parce qu’en fin il est nécessaire pour notre salut que nous nous attachions à Dieu par la charité. Avant l’incarnation, la bonté de Dieu était comme cachée et inaccessible aux recherches hu­ maines. La masse des hommes, empêchés par les soucis terrestres ct matériels de s’élever facilement jusqu’à Dieu laissaient l’amour de Dieu à l’élite qui, seule, parvenait à s’abstraire des préoccupations gênantes. Aussi Dieu, voulant ouvrir à tous une vole facile pour parvenir jusqu’à lui, s’est fait homme, afin que les plus faibles ct les plus ignorants parmi les hommes pussent connaître et aimer Dieu, comme quelqu’un de semblable à eux. C’est ainsi, comme le chante l’Église, que par le mystère de Γincarnation, nous sommes amenés à l'amour des choses invisibles. Préface de la Nativité. Toutes ces raisons que saint Thomas développe, Sum. theol., loc. cit., n. 2 ; Cont. gentes, 1. IV, c. uv; Compendium lheologiæ, c. cci ;cf. Sum. theol, III*, q, 16, a. 3, les Pères del’Église les ont exposées tout au long et sous mille formes diffé­ rentes. On trouvera dans Thomassin, op. cit., 1. I, c. v-xxi, une ample moisson de textes. Insistant sur la très grande convenance de la réparation du genre humain grâce à l’incarnation, saint Athanase, De incarnatione, c. vi, P. G., c. xxv, col. 108, ct quelques autres Pères, cf. Petau, op. cit., 1. II, c. xn, n. *1 sq., s’expriment parfois en des termes qui sem­ bleraient impliquer l’inconvenance du contraire. Il faut savoir les interpréter, comme on doit pareille­ 1470 ment Interpréter le sens de l’hymne Pange lingua gloriosi lauream certaminis : Hoc opus nostra salutis, ordo depoposcerat, multiformis proditoris ars ut artem falleret, et medelam ferret inde, hostis unde Urserat. Voir plus loin, col. 1475 sq. Un dernier aspect de la convenance de l'incarna­ tion par rapport à la nature humaine reste à signaler. Pourquoi Jésus, ayant pu prendre une nature sem­ blable à la nôtre en la créant, a-t-il voulu néanmoins la prendre par voie de génération ct être ainsi fils d’Adam, d’Abraham et de David? Saint Thomas apporte de ce fait, dont l’existence est affirmée par Γ Écriture ct s’impose à notre foi, voir Jâsvs-Cnmsr, plusieurs raisons de convenance : « Comme le dit saint Augustin, De Trinitate, L XIII, c. xvni, Dieu pouvait se faire homme autrement que de la souche d’Adam..., mais il a préféré que l’homme, par lequel devait être vaincu l’ennemi du genre humain, provint de la race de celui qui avait été lui-même vaincu; ct cela pour trois raisons : a. parce qu’il parait juste que celui qui a péché satisfasse; aussi le Verbe a-t-il dû prendre de la nature corrompue par le péché ce qui devait lui permettre de satis­ faire pour toute la nature humaine; b. parce que I c’était relever la dignité de l’homme, en faisant naître le vainqueur du démon de la famille de celui que le démon avait vaincu; c. parce que la puissance de Dieu se manifeste ainsi davantage : d’une nature infirme et corrompue il a pris ce qui devait être par lui élevé à une si grande puissance ct dignité. » Sum theol., IIIs, q. iv, a. 6; cf. q. xxxi. En bref, l’incarna­ tion est bien plus convenable, parce qu’elle apporte la réplique à la déchéance primitive. C’est ΓοΙκονομίζ des Pères grecs, prise dans son acception la plus parfaite. Saint Irénéc la resume en quelques mots, en disant que le Christ est né de Marie, ut non alia plasmatio fieret, et non alia esset, quœ salvaretur, sed eadem ipsa recapitulareiur. Cont. hær., 1. Ill, c. xxx, n. 10; c. xxii, n. 3, P. G., t. vn, coi, 955, 959. Cf. S. Athanase, Contra Apollinarium, L II.c.v, P. G., t. xxvi, coi. 1140; S. Ambroise, De incarnationis dominica sacramento, c. vi, n. 54, P. L., t. xm, coi. 832; S. Fulgcnce, Ad Trasimundum. 1. I, c. xv; Epist., xvn, de incarnatione, n. 5, P. L., t. lxv, coi. 238, 254. Voir d’autres textes dans Petau, op. cit., 1. V, c. xvi, ct Franzelin, op. cit., th. xxv. Sur la convenance de la génération du Verbe in­ carné dans le sein d’une vierge, voir Maiue. S Thomas, Stun, theol.. Ills q· r. a. 1; q. xn, a. 8; q. xv, a. 1, 6; q. xxxxx, a. 2; In IV Sent., I. ΙΠ, dist. I. q. i; dist. 11, q. i, n. 1.2; q. xx, n. 2; Contra Gentes, I. IV, c. XL, XLix, Lin. Liv, lv ; Compendium theologiae, c. ccvn, ccvm; Gonct. Clgpetis, De incarnatione, disp, in, a. 1; Told, Jn Sum. S. Thomtr, III*. q. x; Suarez, De incarna­ tione. disp. IV, sect. x; Lessius, De perfectionibus diotnis, 1. XII. c. vm,ix ; Pc Lugo, De incarnatione, disp. I, sect, xx; Théophile Haynuud, Christus Deus homo, I. III. sect, x, c. i ; Thomassin, Dogmata theologica. De incarnatione, 1. I; 1. II, c. i, II, xii; Petau,Dogmata theologica. De incar­ natione, I. II. c. vn-.xn, xv-xvx; Ysainbcrt, De incarnatione, q. I, disp. x. a. 1 ; Frassen, op. cit.. tr. I, disp. I, a. i, sect, xi, q. X, il, ni; Klcutgcn, Théologie der Vorzelt, I. XII. c. I. Voir également les manuels do théologie sur l'incarnation, cités nu cours de l'article, et la plupart des apologétiques de l'incarnation ct du christianisme en général. 3· Convenance de Γincarnation, considérée dans ses circonstances . — 1. Circonstance de temps. — Pour­ quoi l’incarnation ne s’cst-elle pas réalisée immédia tement après le péché du premier homme ? Pourquoi n’a-t-ellc pas été reculée Jusqu’à la fin du monde? A vrai dire, cette deuxième question touchée par saint Thomas, Sum. theol., IIP, q. i, a. 6, reçoit sa soluI tion dès lors qu’on démontre qu’il a été convenable 1471 INCA RNATION que l’incarnation fût faite, non immédiatement «après la chute, mais dans la plénitude des temps dont parle saint Paul, Gai, iv, 4. Trois raisons de conve­ nance semblent devoir êtreapportées— a) La dignité du Verbe incarné demandant, pour que l’Homme-Dlcu fût reçu dans le monde avec révérence, que l’incar­ nation n’eût lieu qu’un temps assez long après les commencements de l’h mianlté. Il fallait que la venue du Verbe incarné fût comme le point culminant de l’histoire du monde. — b) L*utilité des hommes, auxquels l’incarnation apportait le remède du péché, est une deuxième raison du recul de l’incarnation dans les temps. Il fallait que l’homme, convaincu par de longs siècles de faiblesses ct d’erreur de son im­ puissance personnelle, fût pour ainsi dire amené par la force des choses à s’humilier ct à reconnaître la nécessité de l’intervention divine. Cf. Rom., ni, 23. Les Pères de l’Église oscillent entre ces deux pre­ mières raisons et souvent les juxtaposent. Eusèbc affirme que la venue relativement tardive du Christ avait pour but de préparer les hommes à une vertu plus haute ct de les rendre plus dignes. Demonstratio evangclica, 1. VIII, prooemium, P. G.,t. xxn,col. 569. La raison tirée de l’humiliation nécessaire pour que les hommes sc retournassent vers Dieu avec con­ fiance est donnée par saint Grégoire de Nyssc. Adversus Apollinarem, P. G,, t. xlv, col. 1273; Théodoret, Græcarum allectionum curatio, vi, P. G., t. lxxxhi, col. 988, sq; Tcrtullicn, Scorpiacc, c. vi, P. L., t. n, col. 133. La raison d’une préparation plus digne du Verbe, plus fructueuse pour les hommes, sc trouve chez saint Augustin, In Joa., tr. XXXI, n. 5, P. L., t. xxxn,col. 1638; De diuersis quirstionibus LXXXHI, q. xuv, P. L., t. XL, col, 28; S. .Ambroise, Epist., lxxiv, P. L., t xvi, col. 1255; S. Léon le Grand, Serm., xxm, de Nativitate Domini, 4, P. L., t. ltv, col. 202. Rapprochez S. Irénée, Conf. hær., I. IV, c. xxxvni, n. 1, P. G., t. vu, coL 1105. — c) L'ordre qui veut que l’on progresse de l’imparfait au par­ fait, est un troisième argument, fondé sur les données de l’Écriturc, Gai., ni, 24; iv, 1; ni, 25; rv, 4-7; I Cor., xiii, 9-12; ct présenté par saint Thomas avec sa profondeur habituelle, Sum. theol., Ill*, q. i, a. 5-6; cf. In IV Sent., 1. Ill, dist. I, q. i, a. 4. — d) Une dernière raison concerne la vocation du peuple juif. Ce peuple devait, dans les desseins de Dieu, être dispersé à travers les nations païennes pour y apporter, y maintenir la connaissance ct l’espé­ rance du Messie futur. Il fallait donc que des siècles s’écoulassent, pour permettre aux juifs de remplir leur mission. Cf. Suarez, op. cil., disp. V, sect, π; Bossuet, Discours sur Γ histoire universelle, part, n, c. xv. Ces raisons n’épuisent pas la question de la conve­ nance par rapport à l’époque de l’incarnation. Il reste, en cflet, à résoudre une difficulté : le recul de la réalisation des desseins miséricordieux de Dieu jusqu’à la « plénitude des temps » n’a-t-il pas été cause de la ruine éternelle d’une multitude d’âmes? Les théologiens répondent négativement, tout d’a­ bord parce que le nombre des élus dépend de la pré­ destination, c’est-à-dire de la libre volonté de Dieu, cf. S. Thomas, Sum. theol., Ill*, q. i, a. 5, ad 2U®; In IV Sent., 1. Ill, dist. I, q. i, a. 4, ad 2“®; ensuite, parce que Jamais la grâce n’a fait défaut aux hommes, même avant la venue du Sauveur, dont la promesse avait été faite et l’espérance accordée aux premiers hommes dès le paradis terrestre· Cf. S. Thomas, Sum. theol., 1* II», q. xcvni, a. 2, ad 4«®: S. Bona­ venture, In IV Sent., 1.111, dis L XXV, a. 1, q. 11, ad 5U® ; Suarez, De legibus, 1. I, c. vin. C’est dans cette espé­ rance du Messie futur que les hommes pouvaient trouver la source de la grâce nécessaire au salut. 1472 S. Bonaventure, op. cit., dist. I, a. 2, q. iv. Mais on insiste : si la grâce n’était pas refusée à ceux qui vécurent avant Jésus-Christ, du moins, leur étaitelle départie avec plus de parcimonie et, partant, moins d’âmes sauvées, tel a été le résultat de ce retard dans l’époque de l’incarnation. Ou apporte même à ce sujet l’exemple de Tyr et de Sidon. Maith., xi, 21. Mais, fait encore remarquer saint Bonaventure, le bien commun doit passer avant le bien de quelques individus, et le bien commun exigeait sans aucun doute ce retard, ibid., ct d’ailleurs, comme on l’a déjà dit, la prédestination des hommes dépendant du bon vouloir de Dieu, il n’est personne de ceux qui étaient destinés au bonheur éternel, qui ait manqué ce bonheur par suite de la venue relativement tar­ dive du Sauveur. C’est une affirmation toute gra­ tuite de dire que la venue plus hâtive du Messie eût été l’occasion du salut pour un plus grand nombre d’âmes; peut-être eût-cc été le contraire, cf. Suarez, De incarnatione, disp. VI, sect, n, Jésus ne pouvant avoir, dès les débuts de l’humanité, des disciples aussi nombreux, et ses leçons pouvant facilement se perdre ct s’oublier dans la suite des âges. Le cardinal Billot, op. cit., p. 49, ajoute à ces considérations une remarque opportune : la certitude humaine des miracles et des enseignements du Christ dans le monde, motif puissant de crédibilité, aurait singulièrement perdu de sa force, parce que, le Christ venant sur terre dès les débuts de l’humanité, sa vie n’aurait pas été placée dans la pleine lumière de l’histoire et l’argu­ ment prophétique aurait complètement fait défaut. Sur les circonstances de détail, année précise, jour ct mois, le libre choix de Dieu rend parfaite­ ment convenable les moindres particularités de la naissance du Sauveur. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III*, q. xxxv, a. 8, ct les commentateurs de cet article. S. Thomas, Sum. theol., IIP», q. i, n. 5-6; In IV Sent., I. Ill, dist. I, q. i.n. 4; Cont. gentes, 1. IV, c. lv; Suarez, De Incarnatione, disp. VI; Petau, De incarnatione, I. II, c. xvii, n. 1-6; Gonet, Clypcus, disp. Ill, a. 3; Salman licenses, In Sum. S. Thoma·, loc. cil.; Erasscn, De incarnatione, tr. IV, disp. I, a. l.scct. n, q. iv; Billot, De Vcrbo incarnato, th. iv; Janssens, De Deo homine, t. i, part. I, sect, i, n. 2; Chr. Pesch, De Verbo incarnato, η. 388-389. 2. Circonstance de lieu. — Sur la naissance à Bethléem, voir S. Thomas, Sum. theol., III, q. xxxv, a. 7. Il ne s’agit ici que du choix de notre planète comme lieu de l’incarnation. Est-il convenable que la terre ait été choisie? L’incarnation, en cflet, est un si grand mystère qu’on a peine à concevoir que cc mystère ait été réalisé dans ct pour une portion si minime de l’univers. La conception de la terre, centre du monde, est insoutenable : il est vrai­ semblable, que dans d’autres mondes, existent d’autres hommes ou d’autres créatures raisonnables; il paraît inconvenant de restreindre aux seuls habitants de notre planète les effets de l’incarnation ct de la rédemption. De là, l’hypothèse de la pluralité dei mondes habités. Jusqu’ici les théologiens n’ont pas été très favorables à cette hypothèse. Cf. Mgr Paquet, dans The americon catholic quarterly review, avril et Juillet 1884. Mgr Janssens incline visiblement vers l’opinion communément admise, De Dca crcatorc ct de angelis, Fribourg-en-Brlsgnu, 1905, p. 230-231. Le cardinal Billot rejette l’opinion affirmant la phi ralité des mondes comme une opinion en partie très fausse, /alsissima, en partie toute hypothétique, maxime hypothetica. 11 fait observer que l’exiguïté de notre terre n’a aucune portée contre la convenance de l’incarnation. D’une part, en cflet, l’incarnation domine les exigences de toute créature; du fait que le Verbe s’est incarné, il ne suit pas que l’incarnation INCARNATION 1473 dût Cire faite en Laveur de toutes les créatures rai­ sonnables ou même de la majeure partie d’entre elles. Dieu est maître absolu de scs communications : il peut, en toute liberté, accorder à l’un cc qu’il refuse ù l’autre, et la manifestation de cette liberté est la j première convenance Λ retenir en parlant des œuvres divines. Le problème soulevé par les adversaires, ’ n’a pas plus de portée que celui Ibid., n. 8, 9. Cf. Schaetzler, Dos Dogma von der Menschtrerdung, p. 284 sq. — c) Comme une nécessité morale proprement dite : et telle est la doctrine de Rosmini. prop. 18. condamnée par le saint-office, 11 décembre 1887 : « L’amour par lequel Dieu s’aime dims les créatures, ct qui est la raison pour laquelle il se détermine à créer, constitue une nécessité morale, qui, dans l’être parfait, produit toujours son effet. > Denzinger-Bannwart, n. 1908. — d) Comme une nécessité morale, au sens large : Datur in Deo inclinatio, seu moralis necessitas ad optimum, adeoque ad incarnationem ponendam. Neces­ sitas hwc est potius melaphorica : cum non imbibat difficultatem in oppositum; sed solum /undet judicium prudens de optimo ponendo, et imprudentissimum ac inopinabile de eo non ponendo. Viva, S. J., De incar­ natione, disp. I. q. n, a. 2. A la même opinion se rattachent Dldace Ruiz, S. J., De voluntate Dei, disp. IX; Granados. S. J.. De voluntate Dei, disp. Ill; Maurus, S. J., De Dco, disp. LI, etc. Ces doctrines, qui supposent comme fondement la thèse de l’optimisme absolu ou relatif, sont ù rejeter tout au moins comme théologiquement fausses (sauf peut-être la dernière opinion, ù cause de la restriction I apportée : cum non imbibat difficultatem in oppositum), VII. — 47 1475 INCARNATION 147t> a) parce que l'optimisme est une doctrine, sinon for­ dist. XX, a. 2. q. i; Alexandre de Halés, Summa, mellement hérétique, tout au moins erronée, restrei­ part. Ill, q. i, in. m, a. 4; Billuart, loc. cil. On gnant arbitrairement l’indépendance absolue et la trouvera les textes incriminés et leur discussion dans parfaite liberté de Dieu, voir CbLation, col. 2146 I Janssens, De Deo Domine, 1.1, p. 40 sq. Voici la consq.; à) parce que ces doctrines méconnaissent la na­ I elusion de l’éminent bénédictin : < En examinant de ture de la bonté divine qui, en agissant ad extra, près tout l’argument de l’ouvrage, la doctrine de n’est pas obligée de manifester sa perfection, mais saint Anselme parait pouvoir se ramener aux trois seulement s’il lui plaît, de la manière ct dans le degré chefs suivants : a) Dieu a créé les hommes dans le où il lui plaît, cf. Billuart, De incarnatione, diss. III, dessein de leur donner les places laissées vides par a. 2, § 1 : < pour que ΓInfini ait une raison suffisante les démons. Or, la volonté de Dieu est immuable; d’agir, pas n’est besoin qu’il sc donne infiniment au l’homme se doit donc de remplir ces places. Mais par dehors ou qu’il produise à l’infini; c’est assez qu’il le péché il a été rendu incapable d'atteindre cette fin. s’affirme l’infini par la manière dont il agit; ct cette La réparation s’impose donc comme nécessaire.^) 11 preuve éclate dans la création de l'être le plus chétif, répugne toutefois à la justice divine que la réparation parce que la distance infinie du néant à l’être ne peut de l’homme pécheur se fasse sans que la dette con­ être franchie que par une vertu infinie, t Hugon, tractée par le péché soit payée; mais cette dette op. cil., p. 65-66; cf. S. Thomas, Sum. theol., Is, q. xlv, est infinie. Donc, pour la réparation de l’homme, il a. 5, ad 3ura, et le commentaire de Cajétan ; c) faut que l’homme paie une dette infinie, c) Mais pour parce que la nécessité pour Dieu de réaliser l’incarna­ payer une telle dette, il faut un homme et un homme tion comme complément nécessaire du monde le capable de donner l’infini. Or, de payer ce prix, meilleur possible ne tend à rien moins qu’à enlever Dieu seul est capable. Il est donc nécessaire que ce au surnaturel sa gratuité; doctrine maintes fois soit un Homme-Dieu qui paie le prix de la réparation, condamnée, spécialement chez Balus, voir ce mot; sc substituant à l'homme pur, ct, par son immolation, d) parce que la sainte Écriture nous rappelle que le portant la peine qu’avait mérité cet homme. Sur salut des hommes, dont l’incarnation a fourni le ces trois chefs, auxquels sc rattache la doctrine du moyen, est un eflet de la pure complaisance de Dieu, Cur Deus homo, voici le jugement que nous croyons Rom., ix, 15 sq.; cf. Sap., xvi, 11; l’incarnation elle- devoir porter. Le premier point est irrépréhensible, même étant représentée comme un témoignage sauf peut-être que le fondement sur lequel il repose d’amour ct de miséricorde, Joa., ni, 16; Rom., v, paraîtra assez fragile à plus d’un. Sur le deuxième 8; cf. ni, 23; Eph., n, 4; Tit., n, 11 sq.; ce qui ne point, à la condition de l’entendre comme souverai­ serait pas vrai, si Dieu était comme nécessité à la nement convenable, la · nécessité > d’une réparation réaliser. Cf. Antoine Gutcrricz de la Sal, S. J.,De incar­ ne renferme rien que de parfait. Mais nous pensons natione, disp. II; De Lugo, De incarnatione, disp. II, qu’ici saint Anselme a dépassé la limite du langage sect, u; cf. sect, ni, rv, v. permis en parlant de nécessité stricte. Enfin, sur 2. Nulle nécessité absolue de Γ incarnation, même le troisième point, il faut distinguer le mode de répa­ conséquemment au péché. — Le mot absolue exclut ici ration et les modalités de ce mode. En admettant le l'hypothèse d'une réparation. Dieu, en effet, n’était second point, à savoir que, d’après les décrets de en rien obligé, pas même par manière de décence, Dieu, la réparation était de souveraine convenance, de réparer la chute du genre humain. Dieu pouvait il s’ensuit que le mode de réparation par l’incarna­ simplement priver les hommes de béatitude, ne leur tion est nécessaire; mais les modalités de ce mode, la passion, la mort ne le sont pas. La conclusion de faisant en cela aucune injure, aucune injustice. Du côté de Dieu, nulle inconvenance à laisser son saint Anselme, parlant ici de vraie nécessité, est encore excessive. > — On apporte également l’auto­ oeuvre ainsi Inachevée, puisque cette imperfection de l'œuvre divine proviendrait de la malice des hommes, rité de Richard de Saint-Victor, Liber de Vcrbo incarnato, c. vin, P. L., t. exevi, col. 1002; cf. Jans­ non de l’impuissance de Dieu. Suarez, De incarnatione, disp. IV, sect. 1, n. 1. D’ailleurs, rejetés, ensuite de sens, op. cil., p. 42; mais il semble que ce soit à tort. leur faute, du bonheur surnaturel, les hommes Cet auteur parle de la nécessité de l’incarnation auraient sans doute été conduits par la divine provi­ pour offrir à Dieu une pleine réparation. Cf. Stentrup, loc. cit., p. 33. dence vers le bonheur naturel. CL Suarez, De gratia, proleg. IV, c. ix, n. 12; van Noort, Tractatus de 3. Nulle nécessité de Γ incarnation même relative Deo redemptore, n. 3. On objecte toutefois, contre ment à la réparation du genre humain déchu. — « On cette doctrine sévère, mais exacte, l’autorité de dit de deux façons qu’une chose est nécessaire : saint Athanase, De incarnatione, n. 6, P. G., t. xxv, a) ce sans quoi une chose ne peut exister; la nourri­ coh 108 : < Il était indigne de la divine bonté,... ture est nécessaire à la conservation de la vie humaine; souverainement indécent, que l'œuvre de Dieu soit b) le moyen par lequel on parvient mieux ct plus détruite, etc... ■ Entendons ces termes, comme on convenablement à une fin : un cheval est nécessaire, l'a dit plus haut, d’une souveraine convenance, mais c’est-à-dire très uCllc à la course. 11 n’a pas été néces­ dont le contraire n’implique aucune inconvenance. saire de la première manière que Dieu s’incarnât Voir coL 1463. L'autorité de saint Anselme est plus pour la réparation de la nature humaine, car Dieu discutée. Dans le Cur Deus homo, L I, c. iv; L II, pouvait par sa vertu toute-puissante réparer cette c. iv, vi, xxi, P. L., L clviii, col. 365, 402, 403, 430, nature d’une multitude d’autres manières; mais il Il semble supposer en Dieu, l’hypothèse du péché a été nécessaire de la seconde manière ( c’est-à-dire de l’homme étant admise, une véritable nécessité de très convenable) que Dieu s’incarnât pour la répa­ l’incarnation· CL Anselme (Saint), t. i, col. 1338ration du genre humain, i S. Thomas. Sum. theol., 1339; 1346. Quelques auteurs pensent que non IIIs, q. i, a. 2. Dieu est au-dessus de tout ordre; le seulement l’expression, mais la pensée est défectueuse péché n’existe que parce qu’il contredit l’ordre au chez Anselme. Petau, op. cit, 1. II, c. xm, n. 5; bien souverain qu’il est lui-même; il ne fait injuro Stentrup, De Verbo incarnato, part. Ill, Soteriologia, à personne en remettant ce péché sans réparation. L ni, rv; Zettsehrift /ûr kalholische Théologie, 1892, I Cf. q. xlvi, a. 2, ad 3uln. Tant de manières s’offrent p. 653 sq. D’autres ont voulu l’interpréter en bonne à Dieu, en dehors de l’incarnation, pour remettre les part, comme on le fait pour saint Athanase. Dôrhoit,, ( péchés des hommes; tout d’abord la rémission pure Die Lehre ron der Genugtuung Christi, Paderborn,, ct simple sans exiger du pécheur aucune pénitence 1891, p.201; sq. Cf. S.Bonaventure, tn IV Sent ,1. Ill,» ni rétractation, dans l’opinion d’ailleurs improbable 'jAi / INCARNATION de Suarez, De pernitentia, disp. IX, sect, π ; ensuite, I et ccd très certainement, la vertu de pénitence, dont l’acte rectifie la volonté du pécheur par rapport à Dieu; enfin, une satisfaction offerte par une simple créature, satisfaction insuffisante en soi, au point de vue de la justice parfaite, mais dont Dieu peut sc contenter. Chr. Pcsch, op. cit., n. 361 ; Stentrup; op. cit., th. iv, p. 53-57. Cette réparation aurait dû être appelée plutôt libération que rédemption. S. Thomas, In IV Sent., 1. Ill, dist. XX, a. 4, sol. 1. Cette thèse, communément admise par les théolo­ giens, repose sur l’accord des Pères ct des docteurs. S. Athanase, Contra arianos, serin, n, n. 68, P. G., t. xxvi, col. 291; S. Cyrille d'Alexandrie, De incar· natione Domini, c. xvni, P. G., t. lxxv, col. 1447; S. Augustin, De agone Christiano, c. xi, n. 12, P. L., t. XL, col. 297; S. Léon le Grand, Serm., xxn, de Nativitate Domini, n, P. L., t. uv, col. 195; S. Gré­ goire le Grand, Moralia, 1. XX, c. xxvi, P. L., t. i.xxvi, col. 170; S. Bernard. Epist., exe, ad Innocen­ tium II, c. vi, n. IG, P. L., t. ci.xxxn,col. 1066, cf. Petau, De incarnatione, L II, c. χηι,η. 6 sq. On trouve cependant parmi les œuvres des Pères certaines expressions exagérées, par lesquelles la très grande convenance de l’incarnation semble représentée comme une nécessité. Petau, op. cit., Γ. II, c. xn, n. 4 sq., cite des textes de saint Irénée, de saint Au­ gustin, de saint Fulgencc, de saint Léon, de saint Athanase, de saint Cyrille d'Alcxapdric, etc. Mais ainsi qu’on l’a déjà dit, la pensée des Pères est claire : il ne s’agit que d’une extrême convenance, n’impli­ quant cependant pas l’inconvenance du contraire; ou bien il s’agit d’une réparation selon les exigences de la justice parfaite. Voir Petau, loc. cit.; Stentmp, op. cit., th. iv, p. 50-53. Quant aux grands théolo­ giens du moyen âge, leur unanimité sur ce point est complète : S. Thomas d’Aquin, toc. cit.; le Maître des Sentences, L III, dist. XX, c. i, ct tous ses com­ mentateurs, S. Bonaventure; Duns Scot, Durand de Saint-Pourçain, Pierre de la Palu, Gabriel Blcl, etc.; Guillaume d’Auxerre, Summa, L III, tr. Ill, c. vin; Guillaume de Paris, Cur Deus homo, c. vu; Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, i. I,parL VIII, c. x. De telle sorte que cette doctrine doit être dite « com­ mune ct tellement certaine, qu’elle ne peut être niée sans témérité et dommage pour la foi. » Suarez, disp. IV, sect, n, n. 3. Gotti la présuppose démontrée ct acceptée de tous avant toute discussion. De incar­ natione, 1. Ill, dist. III, q. I. Quelques voix cependant font exception dans ce concert quasi-unanime. Au xvni® siècle, afin de mieux combattre l’erreur soclniciine, voir Satisfaction; Tournèly, De incarna­ tione, q. jv, concl.4; q. v, a. 1; estime que si Dieu, de puissance absolue; peut réparer le genre humain sans l’incarnation, la réparation par l’incarnation s’impose cependant selon les exigences de la justice et de la sainteté divines. Voir la discussion de l’opi­ nion de Tournèly, dans Billuart, op. cit.; diss. Ill, a. 2, §1; dans Stentrup, op. cit.; th. iv, p. 46-17. Au XIXe siècle, cette opinion est reprise par quelques théologiens allemands, Liebermann, Institutiones theologiae, t. ni, 1. I, c. ni, n. 3, § 5; Bicringcr, Lehrbuch der katholischcn Dogmatik, cité par Klcutgen, Théologie der Vorzeit, t. ni, p. 77, dans l’appendice, In meincr Recht/ertigung. Une opinion similaire, mais plus grave sous le rapport de la liberté divine qu’elle supprime, a été émise par Hennés ct Günthcr. Partant de principes erronés touchant la libre élec­ tion de Dieu ct sa justice, voir Création, L ni, col. 2096, ces théologiens nient que Dieu ait été libre dans l’accomplissement de la rédemption. Selon Günthcr, Dieu n’a pu vouloir la propagation de la race humaine après le péché d’Adam, qu’en décidant J '178 en même temps sa rédemption par Jésus-Christ. Vorschule zur spéculation Théologie des positioen Christenlhums. t. n, p. 343; Der letze Symbohker, p. 106. Voir Klcutgen, op. cit., t. ni, n. 293. 2° Nécessité de Γ incarnation pour une réparation de condignité. — Si Dieu était libre de renoncer à son droit d’exiger une réparation équivalente à l’injure commise, il lui était cependant loisible d’exi­ ger cette réparation. C’est dans cette hypothèse, ct dans cette hypothèse seulement, qu’on affirme la nécessité de l’incarnation, dont, par ailleurs, la convenance, même par rapport à la nature péche­ resse, a été démontrée plus haut, voir col. 1469.— a) Position du problème. — Sur la notion de condi­ gnité, voir Condigno (De), t. in, col. 1115. Pour que la satisfaction soit parfaite, c'est-à-dire adéquate à l’injure commise, il faut qu’elle offre à l’offensé une réparation équivalente ù la gravité de l’offense. SI la réparation n’est suffisante que parce que l'offensé veut bien s’en contenter, elle doit être dite impar­ faitement suffisante. S. Thomas. Sum. theol., III·, q. i, a. 2, ad 2um. Nous partons de cette hypothèse que Dieu, dans l’ordre présent, a exigé de l’homme une réparation parfaitement suffisante, c’est-à-dire équi­ valente à l’injure commise. Et c’est dans cette hypo­ thèse que l’on affirme la nécessité de l’incarnation. Toutefois, la question de la nécessité de l'incarnation dans l’hypothèse d’une réparation de condignité offre deux aspects distincts que certains théologiens ne distinguent pas suffisamment, l’un concernant l’état de choses présent, dans lequel Dieu demande à l’homme, telqu’il existe, une réparation de condignité; l’autre, concernant un état de choses possible, où Dieu demanderait à un homme, créé par lui en dehors de notre humanité souillée, ct élevé ù un degré émi­ nent de grâce, la réparation qu’il est en droit d’exiger. Le premier aspect du problème amène une réponse que personne n’est en droit de contester, la nécessité d’un homme-Dieu pour réparer la faute des autres hommes. Le second aspect engendre la discussion, toute scolastique, de la possibilité de la réparation de condignité par une simple créature. Il faut, disonsnous, sc garder de confondre ces deux aspects de la question, afin d’éviter deux excès : faire dire aux Pères de i’Église ce qu’ils n’ont jamais entendu affirmer; jeter sur une école catholique, dont l’opi­ nion peut ct doit être discutée, mais non condamnée, une suspicion injuste ct mal fondée. — b) La réponse théologiquement certaine de la tradition, ct au sujet de laquelle il n’y a pas ct il ne peut exister de diver­ gences parmi les théologiens, c’est que parmi les hommes, descendants d’Adam, personne ne pouvait offrir ù Dieu une réparation équivalente à l'offense commise. Il est, en clfet, trop clair, qu’un pécheur, privé à quelque titre que ce soit, péché originel ou péché actuel, de la grâce sanctifiante, est dans l’impossi­ bilité absolue d’offrir à Dieu une réparation parfai­ tement suffisante, soit pour lui-même, soit, ù plus forte raison, pour les autres. La faute qui souille son âme est un obstacle ù tout mérite de condignité. Voir Condiono (De), t.m, col. 1149. Dans cette hypothèse, le purus homo, dont il est fait mention dans la Somme (héologique, III·, q. i, a. 2, ad 2ωη, est bien, comme l’indique Cajétan dans son commentaire, l’homme des­ titué de la grâce et réduit ù sa faiblesse. Et, dans celte hypothèse, les Pères affirment la nécessité de l'incarnalion. Cf. S. Basile, In ps. XLvni, n. 3, 4, P. G., t. xxix, col. 438, 439; S. Athanase, Contra arianos* orat. n, n. 77; ni, n. 39, P. G., t. xxvr, col. 309, 408; S. Cyrille d’Alexandrie, Epist., h, Ad Valerianum, P. G., t. Lxxvii, col. 263; S. Augustin, Confessiones 1. X, c. xi.li, n. 67, P. L., t. xxxn, col. 807 sq. ; Encht ridion, c. cvui, P. L.. t. xi.. coL 282; cf. In Joannl 1479 INCA K NAT ION Evangelium, tr. CXX, n. 2, P.L.,t. xxxv,col. 1953; De Trinitate,]. IV,c. xv, n. 20, P. L., L xui, col. 901 sq. ; S. Léon le Grand, Serm., xxi, xxiv, xxv, de Natl· vitate Domini, c. n; iv, c. n; v, c. v, P. L., t. uv, col. 192, 205, 211; S. Fulgencc, Episl., xvn, c. xv, n. 9, P. £., U lxv, col. 457; S. Grégoire 1c Grand, Moralia, 1. XXII, c. xvn, n. 42, P. L.; t. lxxvi, col. 237. Voir d’autres textes darts Suarez, De incar­ natione, disp. IV, sect, π, n. 5; Vasquez, ibid., disp. IV, c. in; Thomassin, De incarnatione, 1. IX, c. i-ii, vu ct ix. Les théologiens sont unanimes à suivre les Pères ct, dans l’école scotiste elle-même, tous reconnaissent la nécessité de l'incarnation à ce point de vue. Cf. Frasscn, Scolus academicus, De incarnatione, tr. I, disp. I,a. I, sect, ni, q. n, conci. 1. A ce point de vue, la nécessité de l’incarnation est une vérité logique­ ment déduite de la définition du concile de Trente, sess. V, n. 3, Denzingcr-Bannwart, n. 790; elle semble Impliquée dans AcL,iv, 12.— c) La discussion libre, toute spéculative, porte sur la possibilité pour une simple créature, aussi élevée en grâce qu'on la sup­ pose, — ct ici Vhomo purus doit être compris par exclu­ sion, non de la grâce, mais de la seule divinité, cf. Billuart, loc. cit., § 2. — d'offrir à Dieu une réparation de condignité. Deux écoles sc partagent les docteurs catholiques. La première, composée de théologiens de l'école scotiste, accepte cette possibilité. La seconde, plus nombreuse, ralliant les suffrages de la presque to­ talité des théologiens des autres écoles, résout la ques­ tion par la négative. On ne peut entrer ici dans la discussion de tous les points touchés par cette con­ troverse, qui sc rapporte plus au problème du péché, voir ce mot, qu'à celui de l'incarnation. Voir sur cette controverse, Jean de Saint-Thomas, Cursus theolo­ gicus, In Ill*™ partem Summæ S. Thomæ, q. i, disp. I; De Lugo, De incarnatione, disp. V; Vasquez, In III*n part. Sum. thcol. S. Thomæ, disp. II, IV; Gonet, Clypcus, De incarnatione, disp. IV, a. 1; Bil­ luart, De incarnatione, diss. III, a.2; Salmanticenses, De incarnatione, q. i, disp. I, dub. i-v; Ysambcrt, De mysterio incarnationis, q. i, disp. IV; Th. Raynaud, Christus Deus Homo, 1. HI, sect, i, c. in; Scot, In IV Sent., 1. Ill, dist. XX, n. 9; Mastrius, De incarnatione, disp. IV, q. v; Frasscn, op.cit.,q. n, etc.—a.Laposl· tion de Scot et de ceux qui le suivent (Richard de Middletown, Auriol, Durand de Saint-Pourçaln, Pierre de la Palu, Véga, etc.) suppose, on l’a spécifié, une réparation offerte par une créature totalement exempte de notre souillure ct ornée de la grâce. 11 n'est donc pas tout à fait exact de prétendre que les scotistes, même dans l'hypothèse d'une réparation de condignité, affirment que l’incarnation n'est pas nécessaire, parce que le péché, n’étant pas infini dans sa malice, peut être réparé par une simple créature. Tanquerey, Synopsis theologia: dogmaticæ, Paris, 1901, t. i, p. 521. Les scotistes, en effet, affirment la possi­ bilité d’une réparation de condignité offerte par une simple créature, mais simplement de potentia absolu­ ta Dei et secundum extraordinariam ejus dispositionem. Cf. Frasscn, op. cit., q. n, conci. 2*. L’exemple d'Adam, pouvant réparer d’une façon suffisante sa faute par un acte de charité dont l'ardeur eût dépassé la malice de son péché, acte d'amour procédant d'une grâce spéciale de Dieu, cf. Scot, loc. cit., n. 6 (cité par Pesch, dans le même sens que Tanquerey), n’est qu’une ré­ ponse à l’argument de saint Anselme, relativement à la nécessité de l’incarnation pour réparer une faute mortelle. Mais cet exemple ne fonde pas la thèse géné­ rale. Scot lui-même note au contraire que pour réparer pour autrui, il faudrait que l’homme choisi pour cette réparation, homo purus, non uni à la divinité, soit conçu Mins péché, et rempli de toute la grâce nécessaire pour mériter aux autres la rémission des péchés et la 1480 béatitude. Il y a donc, sur ce point, dans la pensée scotiste une nuance qu’on ne saurait méconnaître sans injustice, ct qui n été bien mise en relief par le cardinal Billot, De Verbo incarnato, p. 26. De plus, s’il est vrai d’affirmer que les scotistes ne considèrent pas le péché comme formellement ct intrinsèquement infini dans sa malice ou dans l’offense qu’il fait à Dieu, il faut reconnaître que cette façon de voir ne leur est pas particulière : ils admettent une certaine infinité, j toute extrinsèque etobjcctive, par rapport à la majesté divine, mais qui ne s’oppose pas à la réparation pos­ sible par une simple créature. Scot, In IV Sent., 1. IV’, dist. XIX, a. 2, q. i; cf. Duns Scot, t. ni, col. 1894 1895. C’est donc précisément sur ce point spécial que doit porter la controverse : impossibilité radicale pour une simple créature, si parfaite qu’on la suppose, do réparer d’une façon équivalente les injures faites à Dieu par les péchés de tous les hommes. Bien que celte controverse sc rapporte plus particulièrement à la question du péché, voir qc mot, nous en tracerons ici les grandes lignes, en tant qu’elle touche au problème de la nécessltédc l’incarnation. — b. Texte fondamental de saint Thomas.— < Une satisfaction de condignité devait avoir une vertu infinie, car le péché pour lequel elle était offerte, possède une certaine (quamdam) infinité, ct cela sous trois rapports; a. en raison de l’infinie majesté de Dieu, qui avait été offensé par le mépris de la désobéissance : plus élevé en dignité est l’offensé et plus grande est l’offense; β. en raison du bien que détruit le péché, bien infini, puisque c’est Dieu lui-même, dont la possession rendra les hommes bienheureux; γ. en raison de la nature humaine cor­ rompue par le péché, puisque cette nature atteint l’infinité en se multipliant à l’infini. > Cf. Cont. gentes, 1. IV, c. iav; Sum.lheol., III*,q.i, a. 2, ad De veri­ tate,q.xx\rui,a.2; Compendium lheologiæ,c. exax, cc. —c. La critique scotiste entend ne laissersubslstcr aucun de ces trois arguments. L’infinie majesté de Dieu ne rend pas le péché infini en lui-même, autrement il faudrait accorder que la vision béatifique est un bien infini; or, la possession du bien infini est une posses­ sion finie; de plus, la multiplication à l’infini de la nature humaine réclame simplement, de la part du rédempteur, une grâce multipliée, quant à son inten­ sité, dans la même proportion. En réalité, la nécessité de l’incarnation, sur laquelle il n’y a pas de désaccord entre théologiens, si on la considère simplement par rapport à l’ordre présent, provient du libre décret de Dieu; Scot, In IV Sent., 1. Ill, dist. XX, n. 12. Cf. Frasscn, qui adoucit notablement la doctrine de Scot. loc. cil., conci. 1. — d. Parmi les théologiens de l’école adverse, celui qui sc rapproche le plus de Scot, ct semble en admettre tous les principes, sans en accepter cependant la conclusion, est Vasquez. In II/sra part. Sum. theol. S. Thomæ, disp. II, c. i-v. Dans le péché grave, aucune offense ou malice infinie, c. n, n. 8; aucune Injustice proprement dite, infligée aux droits de Dieu qui demeurent intacts, n. 12. On ne peut pas même dire que l’infinie dignité de Dieu empêche la réparation de condignité,c.m.La seule raison sérieuse, c’est que le péché, soit originel, soit actuel, prive l’homme, non seulement de la grâce sanctifiante ct de la vision béatifique qui en est la suite, mais encore de tout droit à la grâce excitante ct adjuvante, qui lui serait nécessaire pour retrouver l’amitié de Dieu, c. v, n. 52. Quant à l’hypothèse d’une pure créature, élevée par Dieu à tql degré de grâce que l’on voudra, et destinée à offrir à Dieu une réparation pour les péchés des hommes, Vasquez estime, disp. IV, c. v, que la grâce d’adoption, la seule que posséderait cette pure créature, ne peut être la source que d’un mérite per­ sonnel de condignité ct qu’aucun pacte divin, aucune intensité particulière accordée à la grâce ne sauraient 1481 INCARNATION 1482 3e Cette question de la nécessité de l'incarnation changer cct êtat'dcchoses, n.43-50. — e.La position de Vasquez est attaquée par presque tous les théologiens, doit être dégagée de deux autres questions connexes ct surtout par les thomistes. Ceux-ci s'efforcent d’ex- que beaucoup de théologiens ont pris l’habitude de traiter simultanément : la question de la satisfaction pllquer l'expression quamdam infinitatem de saint Thomas, ct mémo, de l’aveu de Jean de Saint-Thomas, surabondante du Christ; la question de la satisfaction en rigueur de Justice. Ces deux questions seront dis­ Cursus theologicus, In J J7*m part. Summit S. Thoma:, q. 1, disp, i, a. 2, n. 30, c’est là le point fondamental cutées à Rédemption. Ainsi précisé, le problème de à élucider. En général, les thomistes s'efforcent de la nécessité de l'incarnation se trouve dégagé de consi­ démontrer qu’au moins sous un aspect, il s'agit d'une dérations superflues ct l’ordre suivi par saint Thomas infinité proprement dite, infinitas simpliciter, ct non dans la Somme est pleinement justifié. ' d’une infinité purement objective ou extrinsèque, S. Thomas, Sum. theol.. Ill·, q. i. n. 2; Conf. gentes, comme le voudrait l'école scotiste. Les thomistes, par­ L IV, c. un-Lv, ct 1rs commentateurs ; Pierre Lombard, tisans d'une opinion extrême, soutiennent que, si phy­ Sent., 1. Ill, dist. I. XX. ct les commentateurs, spé­ siquement le péché est fini dans les privations ou les cialement les grands théologiens cités au cours de l’article; peines qu'il entraîne, moralement, dans l'offense de Petau, De incarnatione, 1. II, c. xii-xtv ; Thnnumin, De Incarnatione, 1. IX. c. 1, n, vn, rx; Legrand, op. cit., diss. Dieu, la malice qu'il comporte, il doit être dit pure­ V ; Tolet.op. cit., q. i, a. 2. Parmi les modernes, 1rs auteurs ment ct simplement infini. Gonct, Clypcus, De mora- des manuels thêologiqurs, à la question de lu convenance litate actuum humanorum, disp. IX, a. 7; De incarna­ ct de la nécessité de l'incarna lion. et, en plus, Heinrich, tione, disp. IV, a. 1. D’autres, analysant d’une façon Dogmalische Théologie, Mayence, 1896, t. \1, § 325-329; plus complète les éléments moraux qui constituent Schcebcn, 1m dogmatique, trad, franç.. Paris, 1882, t. iv, § 296-298; Schaclzler, Das Dogma von der ytenseJuverdung, le péché, concèdent que, sous le rapport de la malice ct 1875, § 29-32; Monsabré, Deposition du démérite, le péché ne doit pas être réputé infini, Fribourg-en-Brisgau, mais que l'infinité ne lui convient que sous le rapport du dogme catholique, 25· conférence, notes. de l'offense de Dieu. On trouvera dans les SalmantiV. Cause finale. — 1· Position du problème. — 1. Il ccnccs le meilleur et le plus parfait exposé de la con­ ne s’agit pas ici de donner une raison de la volonté troverse, avec l’indication des textes de saint Thomas divine. La volonté divine n’est mue par aucune cause sur lesquels chaque opinion prétend s'appuyer. De I extérieure à elle-même. Voir Création, t. m, col. 2166. incarnatione, disp. I, dub. i, § 1 ; dub. n, ni, iv, v; cf. Dans l'incarnation ce n’est pas pour un motif tiré des tr. XIII, disp. VII, dub. n. n. 21 sq.; disp. XVII, créatures, c'est de lui-même, par un dessein gratuit, que Dieu sc décide à décréter la venue du Verbe dons dub. iv, n. 11 sq. On sc reportera aussi à ces différents la chair. En ce sens, la raison primordiale de l’incar­ traités des théologiens de Salamanque pour les noms et les références des auteurs cités en faveur de chaque nation, ce n’est ni la chute de l’homme, ni aucune autre raison tirée des contingences humaines, c’est opinion. Voir Péché. Quelques auteurs, plus modérés, tout en inclinant vers l’opinion qui considère le péché l’unique bon plaisir de Dieu. Mais, en agissant ainsi par un libre dessein de sa volonté, Dieu sc propose comme infini, en tant qu'olTcnsc de Dieu, admettent cependant que, relativement à la nécessite de l’incar­ toujours une fin digne de lui, manifestation de sa nation, cette opinion ne s'impose pas. Jean de Saint- bonté, accroissement de sa gloire. Et c’est sur ce point Thomas, loc. cit., n. 39 sq. ; Billuarl, loc. cit., § 2. Et précis que se pose la question de la cause finale de par là, on donne droit de cité, meme pour interpréter l’incarnation.—2.Tous les théologiens sont d'accord la pensée de saint Thomas, à l’opinion moyenne, qui ' pour reconnaître que Dieu, en produisant l’incarna­ préténd que, sous aucun rapport, le péché ne doit être tion, a pu sc proposer différentes fins. La sainte Écri­ ture l’indique formellement : c’est la gloire divine qu’il dit infini.— /.C’est l’opinion de Suarez,de De Lugo, auxquels on peut joindre, dans la famille domini­ fallait manifester, Joa., xvn, 4 ; cf. i, 14 ; l’instruction caine, D. Soto : Suarez, De incarnatione, disp. IV, des hommes que devait parfaire l’enseignement du sect, vu ; n. 19; De Lugo, De incarnatione, disp. V, Christ, xviii, 37; l’exemple du Messie que le monde devait recueillir, ni, 14. Les théologiens n’ont pas sect.m; D.Soto, InlV Scnt.,\. !V,dist.XlX,q.i,a.2, ad lum ; De natura ct gratia, c. vi, concL 3B. Ces auteurs méconnu ces fins diverses : les convenances de l’incar­ tout en maintenant la conclusion communément nation, voir ci-dessus, les impliquent. Saint Thomas admise, n'en reconnaissent pas d'autre raison valable, les résume sous plusieurs chefs : retrait de l’homme des que le manque de proportion qui existera toujours soucis matériels, pour l’attirer vers Dieu; démonstra­ tion de la dignité de la nature humaine ; manifestation entre l'ofTcnse faite à Dieu ct la réparation offerte par de l'immensité de l'amour de Dieu pour les hommes; une simple créature. L'ofTcnse, en cfTct, s'estime en fonction de la dignité de la personne ofTensée : elle est préparation ct avant-goût de la bienheureuse union donc d’autant plus grave que la personne ofTensée est de la vision intuitive; enfin, perfection cl couronne­ ment de l’œuvre universelle du créateur. Compendium plus digne. La réparation, au contraire, s'estime en fonction de la dignité de celui qui répare. Et ainsi, thcologix, c. ca. Parmi toutes les fins que Dieu jamais une réparation ofTerte à Dieu pour le péché semble s’être proposées dans l’incarnation du Verbe, par une simple créature ne sera équivalente à l’ofTcnse il en est une sur laquelle Γ Écriture insiste davantage, faite à la divine majesté, car l'offensé, Dieu, sera tou­ le salut des hommes ct leur rédemption. 1 Tim., 1, 15; Joa., in, 14 sq.; Gui., iv, 4; cf. Rom., vin, 3. Il jours d’une dignité supérieure à la créature, si parfaite s’agit de savoir si cette fin plus spécialement mention­ soit-elle, qui veut réparer. Celte solution moyenne, qui semble s'accorder avec les principes ct la lettre née n’est pas la fin principale, unique, qui conditionne même de saint Thomas, présente le grand avantage 1’existcncc des autres fins, de telle sorte que si l’homme de dégager la doctrine de lu nécessite de l'incarnation n’avait pas péché, le Verbe ne se serait pas incarné. d’opinions discutées ct simplement probables. Voir — 3. Tous les théologiens concèdent pareillement que l’incarnation, même si l’homme n’avait pas péché, l'exposé de celle opinion dans Billot, op. cit., th. n, § 2. Nonobstant cette théorie, il reste vrai que par est non seulement possible, mais encore convenable, rapport à la gloire de Dieu, un seul acte de charité c’est-à-dire en réelle conformité avec les attributs divins, les propriétés du Verbe, les dispositions de la parfaite cause plus de gloire que mille pèches cl plus nature créée. Voir ci-dessus, col. 1463. — 4. Tous les n’apportent de diminution à cette gloire. Ou plutôt, théologiens concèdent pareillement que, même dans il n’y a pas de comparaison possible; en réalité, le l’hypothèse où le Verbe sc serait fait chair sans que péché ne diminue pas la gloire divine; l'acte de charité I l’homme eût péché, il ne serait pas venu dans une l’augmente. Ibid., p. 29, note. 14S3 INCARNA TION 1484 nelle. L’idée d’une sagesse purement créée doit être chair passible, sujet aux souffrances ct Λ la mort qui écartée : le terme έκτισε, dont sc servirent les LXX ct sont le fruit du péché. La question qui se pose est donc simplement relative à ce que les théologiens dont abusèrent tant les ariens, doit être compris selon le sens dc l’hébreu, py, m’a [année. Nous n'insistons appellent la substance dc l’incarnation ct non à ses modalités.—5.11 ne s’agit pas enfin dc supposcriciun pas sur le sens dc pnx, Prov., vni, 30, que la Vulgate, les ordre dc choses différent dc l’ordre actuel quant au LXX ct le syriaque traduisent par artisan, ouvrier ; le décret divin qui a réalisé l’incarnation; il ne s’agit pas sens passif, pux, enfant élevé ou chéri par Dieu, sens d’hypothèse, mais bien dc l’ordre présent dc la Pro­ vidence. Et l’on demande si, en vertu du décret que qu’admettent à la suite d’Aquila, la plupart des mo­ Dieu a formulé en vue dc l’ordre actuel, l’incarnation dernes, parait préférable; la sagesse est ainsi repré­ sc serait réalisée, même au cas où l’homme n’aurait pas sentée, non comme travaillant, mais comme sc jouant péché. En décidant l’incarnation du Verbe, Dieu dans la création. Au point dc vue qui nous occupe, cette c pourvut vouloir que sa gloire fût procurée par nuance est de peu d’importance : nous cherchons uni­ l’incarnation elle-même, indépendamment dc toute quement; en effet, à savoir si la sagesse doit être ici condition, ou bien dépendamment d’une hypothèse entendue de la sagesse divine, étemelle sans doute, mais qui lui permettrait de concilier ct de glorifie ri la fois appartenant sous quelque rapport ù l’ordre créé. La sa miséricorde ct sa tusticc, c’est-à-dire en vue dc sagesse éternelle devant s’entendre vraisemblablement réparer la chute. Qu’il ait pu choisir l’un ou Γ autre dc d’une réalité personnelle, l’aspect sous lequel elle appar­ ccs deux plans, voilà qui est incontestable pour qui­ tiendrait à l’ordre créé semblerait indiquer qu’il s’agit conque reconnaît la suprême indépendance dc Dieu. soit d’une participation de la sagesse divine manifestée Chacune des deux combinaisons présente de hautes dans la création du monde, cf. Bossuet, Sixième aver­ convenances qui peuvent, non pas nécessairement, tissement, i.xxii, soit dc la sagesse incarnée, c’est-àmais légitimement terminer fe bon plaisir divin. Mais, dire du mystère dc l’incarnation, décrété dc toute si Dieu pouvait vouloir, qu a-t-il voulu en [ait, ct en éternité ct raison dernière d’être dc toute la création. Le v. 31 semble confirmer ccttc interprétation. Cf. vertu du présent décret qui aboutit ù l’incarnation? IL Lesêtrc, Le livre des Proverbes, dans La Sainte Tout le problème est là... Voilà la vraie question à résoudre : en vertu du présent décret, l’incarnation Bible, Paris; 1879, p. 9. Sur la sagesse en général, est-elle subordonnée à la rédemption de telle sorte que voir Fils de Dieu, col. 2367 sq.; sur le rôle dc la Sagesse dans la créât ion, voir Création, t. ni, col. 2050. le Verbe ne sc serait pas Incarné s’il n’y avait pas eu l’homme à racheter? » Hugon, Le mystère de Γincar­ Pendant la période prophétique, bien des fois Dieu inspire aux prophètes l’annonce de quelque détail dc nation, p. 79-80. 2° Le plan de Γincarnation dans la sainte Écriture. — la vie, de quelque attribut dc la personne, dc quelque Avant d’exposer les discussions d’écoles, il paraît con­ trait de la physionomie du Messie futur; mais c’est venable de rechercher dans l’Écriture les Indications principalement chez Isaïe, qu’on trouve indiqué le qu’il a plu à l'Esprit Saint de nous communiquer rela­ but exprès dc la venue sur la terre. Isaïe annonce le tivement aux divins desseins dans l’incarnation du | Messie, Γ Emmanuel, vu, 14; il prédit notamment son Verbe. Par là, nous poserons un fondement sérieux empire universel, xvi, 5; xvm, 7; xxiv-xxvn; le Messie sera la lumière des nations et le salut d* Israël, aux diverses argumentations des théologiens, sans nous engager prématurément dans les interprétations xijx. Mais c’est à la fin du c. lu ct dans tout le c. lui que se trouve indiqué d’une façon plus expressive divergentes des systèmes. 1. Ancien Testament: les prophéties messianiques. — le motif de la venue dc celui qui apporte aux nations le c salut dc notre Dieu, » lu, 10. C’est par le sacrifice Dès les premières pages des Livres saints, tout aussitôt rédempteur, L, 5 ; par les tourments ct la mort volon­ après la chute d’Adam et d’Èvc, le Messie est annoncé taire du serviteur dc Dieu, lui, que seront assurées la ct promis, comme celui qui viendra briser la tête du serpent. Gen., ni, 15. Qu’cst-ce f· dire, sinon que le fondation dc l’Église, la conversion des peuples ct la péché, introduit dans le monde par le démon sera victoire definitive du Christ, c. liv-lv, lxï, lxiii, lxv-lxvi. Le Messie mettra fin au péché, Dan.,ix, détruit par le fils dc la femme? Celle victoire du Messie sur le péché et les suites du péché doit être 24; ôtera à la terre ses iniquités, Zach., ni, 9; récon­ une des formes dc ces bénédictions surabondantes ciliera l’homme à Dieu. Is., lui; Mich, v, 5;Agg., n, 10. Dans les derniers livres inspirés, nous trouverons, promises à Abraham, Isaac ct Jacob dans celui qui naîtra de leur race. Gen., xxn, 16; χχνι, 1 ; xxvni, 13. Sap., n, 11-20, un tableau vivant des souffrances que Dans les psaumes, sc précise la forme dc la victoire du doit endurer le Messie, symbolisé dans le Juste. Si Messie; c’est parce qu’il sera l’homme des douleurs, donc, au moment oïl Jésus apparaît dans le monde, les dans une passion humiliante, que sa gloire ct son Juifs n’acceptaient pas l’idée d’un Messie souffrant, règne se répandront sur tous les peuples dc la terre. I c’est que le sens des prophéties avait été défiguré par Cf. Ps. xxi; lxvih; lxxi, 5, 11, 17; αχ; lire le coin- , une interprétation trop matérielle du royaume du mentaire de Bossuet, Discours sur Γ histoire univer­ Christ. Jésus se charge lui-même dc rectifier la selle, II· partie» c. iv. Bien plus, les sacrifices dc la loi croyance dc scs contemporains sur ce point. Matth., mosaïque ne plaisent pas par eux-mêmes au Seigneur; xvi, 21-22; Marc., vin,31-33; Joa.,xn, 34, 37-38; cf. Luc., xxiv, 26. Sur ce point, consulter Lagrange, Le le Messie sc présentera donc ct dira : Me voici, Ps. xxxix, 7-8; cf. Hcb.,x, 5; me voici, conformément à messianisme chez les Juifs, Paris, 1908, p. 236-256; ce qui est écrit dc mol, pour faire votre volonté, c’est- Schürcr, Geschichte des jüdischcn Volkes, 3e édit., Leipzig, 1898-1901, t. n. p. 554-557. à-dire offrir le sacrifice agréable à Dieu. Cf. Bossuet, 2. Les figures messianiques. — Adam est à l'huma Élévations sur les mystères, xiv· semaine, 7* élévation. ' Salomon célèbre, Prov. vin, 22 sq., la sagesse éternelle nité déchue cc que Jésus est à l’humanité rachetée. ct personnelle sc manifestant dans le monde. Voir le De là, le Christ est appelé le nouvel Adam. I Cor., texte, Fils dl Dieu, t. v, col. 2368. Dans ce passage, xv, 22, 45; ct. Rom., v, 14. Abel figure Jésus, par l’in­ 11 est question dc la sagesse éternelle, préexistante en nocence dc son sacrifice ct par sa mort, due à la jalou­ Dieu avant toutes choses. Cf. Eccli, xxiv, 5, 14. Le sie fraternelle. Ileb., xn, 24. Noé sauve l’humanité sens objectif nous fait entrevoir une certaine fécondité pendant le déluge, comme Jésus la sauvera plus tard Intellectuelle dc Dieu sc terminant à ccttc sagesse, qui par la rédemption. Abraham, père des croyants, sym­ n’est pas une personnification poétique, mais une bolise le Christ, chef de toux ceux qui vivent de la réalité que le texte nous permet de supposer person­ ; grâce. Melchisédcch représente le sacerdoce dc la 1485 INCARNATION nouvelle lol. Heb.· v, 6, 10; vr, 20; vn, 1-17. Isaac, immolé par son père et portant le bois du sacrifice. Jac., n, 21; Joseph, livré par scs frères, emprisonné, méconnu, pute exalté et devenant le sauveur du peuple; Moïse; libérateur, chef ct législateur des Hébreux, sont bien des figures du Christ. Pour Moïse, la figure est plus marquée encore dans la part qu’il prend aux souffrances dc son peuple. Cf. Heb, xi, 2G. Nouvelle image du sacerdoce du Christ dans le sacerdoce d*Aaron; des souffrances du Christ dans les épreuves dc Job, de la royauté ct des triomphes du Christ dans le règne et la gloire dc David; dc la pas­ sion et de la résurrection du Christ dans l’épreuve dc Jonas. Matth., xn, 39-41 ; Luc., xi, 29-32. Parmi les choses figuratives, relatives au but dc l’incarnation on doit relever l’agneau pascal, symbolisant non seu­ lement l’eucharistie, mais encore la mort dc Jésus sur la croix, Joa., xix, 36; Exod., xn, 4G; le bouc émis­ saire, Is., un, G, cf. 1 lob., xm, 12, représentant Jésus, chargé des péchés des hommes; l’échelle dc Jacob, unissant le ciel à la terre, les sacrifices de la loi, qui tous furent des types variés de l’unique oblation dc Jésus-Christ, Heb., x, 1-14. Cf. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, L in, col. 1427-1429. 3. Les synoptiques. — Dans le seul nom dc Jésus sc trouve résumé le programme du salut apporté au monde. Luc., t, 31 ; Matth., i, 21. Le nom dc Josué, identique à celui dc Jésus, cf. Eccli., xlvi, 1; I Mac,, n, 55, signifie sauveur. L’idée du salut des pécheurs sc trouve exprimée à plusieurs reprises comme manifes­ tant le but dc la venue du Messie; Jésus est venu appeler, non les justes, mais les pécheurs. Matth., ix, 13; Marc., n, 17; Luc., v, 32; cf. Luc., xv en entier, ct iv, 18-19. Bien plus, le Fils dc l’homme est venu chercher et sauver ce qui était.perdu, Luc.;xix, 10; Matth., xvm, 11; il est venu donner sa vie pour le salut de tous, Marc., x, 45. C’est en qualité dc sauveur que Jésus est salué dans un accent prophétique par Zacharie, Luc., i, G8-79, par l’ange qui apparaît aux bergers, Luc., n, 11. La royauté ct les triomphes du Messie sont expliqués dans leur vrai sens : il s’agit du royaume dc Dieu, c’est-à-dire de l’Église que le Christ vient établir sur terre, royaume tout spirituel, ct dont rétablissement suppose la victoire de Jésus sur le démon ct le péché, Luc., i, 32-33; iv, 43; Matth., iv, 17; x, 7; Marc., i, 15; cf. Luc., iv, 34. Voir Frey, Royaume de Dieu, dans le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. v, col. 1242 sq. 4. Saint Jean. — Chez saint Jean, plus que partout ailleurs peut-être, l’idée du salut des hommes domine le plan divin dc l’incarnation, tel que la révélation nous le laisse entrevoir. A tous ceux qui ont reçu le Verbe, a été donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, i, 12; mais, pour acquérir cette filiation, il leur faut une nouvelle naissance spirituelle, qui détruise en eux les obstacles inhérents à la naissance charnelle, i, 13; m, 3. Les obstacles viennent du péché, qui est l’œuvre du démon; aussi le Fils de Dieu cst-il venu tout exprès en ce monde pour briser le péché, I Joa., m, 5, les œuvres du diable, ibid.9 8; son sang doit purifier les hommes dc tout péché, ibid.9 i, 7: Jésus lui-même est une propitiation pour les fautes du monde entier, ibid., n, 2; bien plus, il a été envoyé par le Père en cette qualité, iv, 10. L’obstacle du péché une fois renversé, Jésus-Christ nous donne ccttc nou­ velle vie, que nous ne pouvons avoir qu’en lui ct par lui, ct que Dieu le Père l’a envoyé nous apporter. I Joa., iv, 9, 10; Joa., x, 10; xx, 31; cf. VI, passim. Jésus résume lui-même cet enseignement à Nicodèmc; • Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, ainsi faut-il que le Fils dc l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais qu’il 143G ait la vie étemelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils unique dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » m, 14-17. Cette mis­ sion très particulière du Fils de Dieu incarné éclaire pour ainsi dire tout l’Évangile de Jean. On trouvera les reflets de ccttc lumière principalement, iv, 10, 13-14, 34 sq.; vi, 33, 35, 38-40, 47-52, 58; dans le discours d'adieu à la cène, xrv, 6; xv, l-7j dans la prière dc Jésus, xvn. Aussi l’apôtre saint Jean donnet-il à Jésus le titre dc Sauveur du monde. I Joa^rv, 14 ; cf. Joa., iv, 42. 5. Saint Pierre. — Le prince des apôtres rappelle que le salut a été donné aux hommes par Jésus-Christ, Act., iv, 12; c’est Jésus que Dieu a élevé par sa droite (sa puissance) prince ct sauveur pour donner à Israël la pénitence cl la rémission des péchés, v, 31; cf. x, 43; qui, prédestiné avant la création du monde, a été manifesté dans les derniers temps, ct dont le précieux sang a racheté ceux pour qui il est venu. I Pet., i, 19-20. Il est la pierre angulaire, ct celui qui aura con­ fiance en elle ne sera pas confondu, u, G. Il est moct pour nos péchés, lui, juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, m, 19; il a détruit la mort, Afin que nous devinssions héritiers dc la vie étemelle, ni, 22. En un mot, c’est dans le Christ que le Dieu de toute grâce nous a appelé à son éternelle gloire, v, 10. G. Saint Paul. — La pensée dc saint Paul est plus profonde,plus nuancée ct plus riche.—a) Tout d’abord, cet apôtre, avec une insistance remarquable, affirme que « c’est une parole dc foi et digne d’être entière ment acceptée, que le Christ Jésus est venu en ce monde pour sauver les pécheurs. > I Tim., x, 15. Dans ce but, Dieu « a rendu péché celui qui ne connaissait pas le péché, afin qu’en lui nous devinssions justice de Dieu. ■ 11 Cor., v, 21. Riche en miséricorde, à cause de l’amour extrême dont il nous a aimés, Dieu, lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a vivifiés dans le Christ, par la grâce duquel nous sommes sauvés. » Eph., n, 4-5. Ainsi « lorsque la bonté et l’humanité de Dieu notre Sauveur sont apparues, Dieu nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous avons faites, mais à cause de sa miséricorde, par le baptême de régénération et de rénovation dc l’Espril-Saint, qu’il a répandu sur nous abondamment par JésusChrist, notre Sauveur. » Tit.,ni, 4-6. Cf. Gai., xv, 4; I Tim., n, G; Heb., n, 14; Rom., ni, 20-25. Le titre de sauveur est donné par Paul à Jésus fréquemment. Act., xm, 23, Eph., v, 23; Phil., ni, 20; I Tim., xv, 10; II Tim., 1.10;Tit., i, 4 ;n, 13;m,4,6. -b) Mais l’apôtre scrute plus profondément les mystères du plan divin. L’incarnation semblait convenable eu égard au des sein de Dieu de sauver les hommes. « 11 était à propos que Dieu, par qui ct pour qui tout existe, voulant faire entrer dans la gloire une Infinité d’enfants, con­ sommât par la souffrance le chef de leur salut. » Heb., n, 10. Le terme « consommer > a ici une valeur toute spéciale; dans l’Épîtrc aux Hébreux, il signifie : rendre parfait, amener au tenue idéal qui marque le point dc perfection d’un cire. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 549. La rédemption, et la rédemption par la passion, marque donc ici le moyen de la consommation, c’est-à-dire du perfectionnement définitif dc l’œuvre du Verbe incarné. CL 1 Icb.,v, 8-9 : • Tout Fils qu’il était, il apprit l’obéissance par ce qu’il eut à souffrir et, consommé, il devint pour tous ceux qui lui obéissent le principe du salut éternel.» — :) Dans l’Épîtrc aux Colosslens, Paul, rappelant la vérité dc notre rédemption dans le Christ, profite dc cette affirmation pour projeter une lumière sur la vie du Verbe en Dieu, sur le rôle du Verbe pat rapport aux créatures ct à l’univers entier. Il « est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature; car c’est I par lui qu’ont été créées toutes choses dans les deux 1487 INCA RNA TIC) et sur la terre, les visibles et les invisibles, soit les trônes, soit les dominations, soit les principautés, soit les puissances. Tout a été créé par lui ct pour lui; ct lui-même est avant tout ct tout subsiste en lui. Et lui-même est la tête de son corps, l’Églisc; il est le principe, le premier-né d’entre les morts, de sorte qu’en tout il tient lui-même la primauté, parce qu’il a plu (au Père) de faire habiter en lui toute plénitude, ct par lui de réconcilier en lui toutes choses, pacifiant par Je sang de sa croix soit cc qui est sur la terre, soit ce qui est dans les deux, > i, 15-20. Sur l'exégèse de ce texte voir J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, L i, p. 300 sq.; ct Lightfoot, Saini ΡαιιΓs epistle to the Colossians, Londres, 1892, p. 139-158. Sur le développement de la pensée de saint Paul, voir t. ni, col. 382-384. Au point de vue qui nous occupe, quelquerpréclsionssont nécessaires. En appelant le Christ V image du Père, Paul emprunte une expression du livre de la Sagesse, pur synonyme de Fils. Le Fils, en effet, est l’image du Père invisible, parce qu’il se trouve apte à le révéler aux hommes, •u même simplement parce qu’il est le Verbe du Père. Hcb., i, 3. Ainsi, la qualité d’image est à la fois absolue ct relative. La qualification de premier-né est purement relative ct doit être comprise par rapport aux créatures. Cette expression ne signifie pas que le Fils doive être rangé parmi les créatures; mais que toutes choses ont été créées en lui, qu’il est non seu­ lement supérieur, mais antérieur à toutes choses. Son antériorité dans la durée est la raison de sa préémi­ nence. Cf. Prat, op. cil., L i, p. 100; t. n, note II, § 4, p. 19G;J. Lebreton, op. ci/., p. 300-308. Il ne parait pas possible, d’après le contexte, de rapporter πρωτό­ τοκος πάσης κτίσεως au Christ incarné! Prat, op. ci/., L i, p. 401, note 1. · En définitive, affirme le P. Prat, op. cf/., p. 401, les trois titres de Fils, d’image ct de premier-né se rapportent à la vie divine du Verbe ct sont trois aspects de sa génération éternelle, mais il y a entre eux cette distinction que la notion de Fils est absolue; celle d’image est absolue ct relative, celle de premier-né est relative dans son expression, puis­ qu’elle inclut l’idée d’un terme extérieur au Fils, mais s’appuie sur une perfection absolue, indépendante de l’existence des créatures. » Les versets 16 ct 17 expli­ quent la pensée de Paul relativement aux relations du Christ préexistant dans le Verbe ct des créatures; tout est en lui, έν αύτφ, tout est par lui, δι’αύτου, tout est pour lui, είς αυτόν. Cf. Hcb., i, 2. Dans ces versets s'intercale l'affirmation de la primauté absolue du Christ sur les anges, v. 16. Celte primauté concerne aussi bien le Verbe que le Verbe incarné. Comme Dieu, par droit de nature, le Verbe est infiniment supérieur aux anges. Comme homme ct par droit de conquête, le Christ est exalté sans comparaison au-dessus des anges. Mais saint Paul veut-il affirmer que la grâce des anges dérive du Christ? Nous ne le pensons pas. Rien ne nous autorise à prétendre que la pacification universelle, produite par la mort du Fils ct à laquelle les anges eux-mêmes ont eu part, soit me réconcilia­ tion des anges avec Dieu plutôt qu’une réconciliation des anges avec les hommes jusque-là rebelles à Dieu, cf. 20, ct Eph., i, 10. 11 en résulte que la qualité de chef par rapport aux anges n’entraîne pas une com­ munauté de vie surnaturelle, mais simplement une prééminence de dignité ct d’honneur. » Prat, op. ci/., L I, p. 405. Le verset 18 exprime les relations du Verbe Incarné avec l’Églisc dont il est le chef. Quand Paul appelle Jésus-Christ le c/ic/ de toute principauté ct de toute-puissance. Col., n, 10, il n’a en vue que la préé­ minence de dignité du Christ sur les anges ; mais quand il s’agit de l’Églisc, Jésus-Christ en est dit le chef, par analogie au corps humain, dont la tête est le principe d’unité, d’accroissement, d’influx vital. Col., n, 19, 1488- d’harmonie, d’accord, de développement normal. Eph., iv, 15-16; cf. v, 23; i, 22-23. Peut-être, dans l’ÉpItrc aux Colossicns, quoique l’idée de primauté soit domi­ nante, saint Paul songeait-il aussi en parlant du chef de l’Églisc à l’analogie qu’il souligne ct développe dans l les quatre autres textes cités. Ainsi le Christ n’est pas de la même manière chef des hommes et chef des I anges. Comme ceux-ci font partie du royaume du Christ, il peut, à cc titre, en être appelé le chef; mais il ne communique pas l’influx vital de la grâce aux anges qui n’appartiennent pas ù son corps mystique. Cf. Prat, op. c//., p. 405. Dans l’explication de la pri­ mauté du Christ chef de l’Églisc, saint Paul se sert de la même série des particules, έν, διά. είς : il a plu au Père de faire habiter en lui tout le < plérômc », c’est-àdire la plénitude de grâces qui devaient par le Christ se répandre sur l’humanité ct par lui de réconcilier toutes choses en lui, cc dernier terme, είς αύτόν, sc rapportant au Christ et non à Dieu. Cf. Prat, op. cil., t. n, p. 152, note E, i, 2. Dans cc texte, l’apôtre saint Paul touche à la répercussion pour ainsi dire générale de la rédemption. Le péché avait introduit dans le monde un désordre; le Christ y ramène l’harmonie par la réconciliation générale de chaque créature avec les autres, cette réconciliation se faisant dans ou vers le Christ, considéré comme le centre commun de tous. Cette idée grandiose est exprimée sous une autre forme dans l’ÉpItrc aux Éphésiens, i, 9-10. « Dieu a résolu en lui-même, dans l’accomplissement de la plénitude des temps, de tout restaurer, άνακεφαλαιώσασΟαι, dans le Christ. » Sur le rôle du Christ, lien com­ mun et résumé de la création, voir Prat, op. cil., t. n, note E, ii. Le sens de άνακεφαλαιώσασΟαι semble être que le Christ unifie tous les êtres dont il est le chef et le centre. — d) Mais nous touchons ici, au plan rédemp­ teur lui-même, tel que Dieu l’a conçu de toute éter­ nité, ce que saint Paul appelle « le propos éternel, antérieur à la constitution du monde. » 11 résume cc plan d’une façon admirable dans l’ÉpItrc aux Éphé­ siens,!, 3-14 : «Béni (soit) Dieu, PéredeNotre-Seigneur Jésus-Christ; qui nous a bénis en toute bénédiction spirituelle, aux cicux, dans le Christ, comme il nous élut en lui, avant la fondation du monde, pour être saints, ct sans tache..., en nous prédestinant à être scs fils adoptifs par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté, à la louange de sa gloire, de sa grûcc, dont il nous a gratifiés dans le Blcn-aimé, en qui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des fautes...; en nous notifiant le mystère de sa volonté, selon le dessein bienveillant qu’il a formé en lui,... de réunir (récapituler, άνακεφαλαιώσασΟαι) toutes choses dans le Christ, celles des deux et celles de la terre. » A Dieu seul revient la gloire ct l’initiative du salut des hom­ mes : prédestination, élection, rémission des péchés, collation de la grâce, bénédictions célestes au sens le plus étendu, tout dérive de lui. Tout cela, tant dans l’ordre d’exécution que dans l’ordre d’intention, se fait en vue du Christ, · dans le Bien-Aimé. » Enfin, l'ordre d’exécution se déroule le long des siècles, con formément à l’ordre d’intention conçu par Dieu de toute éternité. Prat, op. cil., t. n, j». 129. Mais ici, comme dans le passage parallèle de l’EpItrc aux Colossiens, le plan divin de la rédemption des hommes, prédestinés dans le Christ, reçoit une extension dépas­ sant les limites de la réparation du genre humain ou plutôt se rapportant aux répercussions de cette répa­ ration sur tout l’univers créé. Jésus devient ainsi le centre de réconciliation de toutes choses. Il réunit ct ramène à l’unité toutes choses en lui. C’est ainsi que I se manifeste sa primauté sur toutes choses. Cf. Prat, i op. et/., t. n, c. n, § 2, Le plan rédempteur. 3· Le plan de Γ incarnation chez les Pères. — 1. Ques­ tion préjudicielle. Les données de la sainte Écriture en 1489 INCARNATIO 1490 peuvent, (Inns la présente question,que fournir une base mes), P. G., t. x, col. 732, R25; t. xvi, col. 3454, (3447); de raisonnement ; c’est surtout Γ autorité des Pères inter­ Clément d’Alexandrie, Protr., c. i, n. 7 (le Christ est prétant l’Écriture cjui est invoquée en faveur des ré­ venu pour nous enseigner à bien vivre, c’est-a-dire à ponses apportées par la théologie sur la cause finale de vivre pour gagner la vie étemelle); c. x, n. 110; c. xi, l’incarnation. H importe donc de rappeler brièvement la n. 111, P. G., t. vin, col. 61. 225, 228: < > ri gêne, In portée de l’argument tiré des Pères par rapport au Num., homil. χχτν, η. 1 ; In Epist. ad Bum., t. ni, sens de l’Écriture. L’autorité des Pères s'impose en n. 8; In Matth., torn, χνι, η. 8; Contra Celsum. I. VII; matière d’interprétation de l’Écriture : a quand cette c. xxxvn, P. G., t. ΧΠ, col. 756; t. xrv, col. 946; autorité résulte de l’unanimité morale de leurs témoi­ t. xiii, col. 1397 ; t. xi, col. 1473; S. Cyprien, De opere gnages; b quand les Pères s’accordent unanimement et eleemosynis, η. 1, P. L., t. rv, col. 601 ; S. Méthode» ô présenter leurs explications comme appartenant à Convivium, or. III, c. vi, P. G , L xvm, coL 69; Lacla doctrine que l’Églisc impose sur la foi ou les mœurs. tance, Divinœ institutiones, 1. IV, c. vm, n. 1-12; Encycl. Prouidcntisstmus Deus, Denzinger-Bannwart, c. xin» n. 1-3, P. L., t. vi, col. 465, 482; Eusèbe de n. 1914; Vacant» Études théo logiques sur les constitu­ Césarée, Demonstratio euangelica, 1. IV, c. xu» P. G., tions du concile du Vatican, t. i, n. 544 ; cf. Herméneu­ t. xxn, col. 284; Alexandre d’Alexandrie, Epist. ad tique, dans le Dictionnaire de la Bible de M. λ■igouroux, Alex. Const., n. 12, P. G., t. χντπ, col. 568; Aphraate, t. ni, col. 626; Intbhprétation de la sainte Écri- ' Demonstrationes, νπ, η. 1; xrv, n. 11; xxm, n. 48, ture. L’interprétation des Pères peut être simple­ Palrologia syriaca, t. i, p. 314, 598; t. n, p. 94; ment exégétique. Sous cet aspect, elle ne s’impose S. Éphrem, Hymni de B. Maria,xvm,n. 12; Hymnl pas comme l’expression de la pensée authentique et dispersi, xvn, n. 8, édit. Lamy, t.n.p.608;t.iv, p. 772; définitive de l’Église; elle est néanmoins recomman­ Carmina Nisibena,m,n. 1, édiLBickell, Leipzig, 1866, dable ct s’impose à l’attention de l’exégète, sans p. 78; Necrosima, xx, 53, édit. Assemani» L n, p. 312; cependant l’enchaîner ct lui interdire des recherches S. Athanase, Oratio de incarnatione Verbi, η. 9, 54; ultérieures. Encyclique Providentissimus Dais; cf. Oratio 1* adversus arianos, n. 42» 51; Oratio II, n. 16, Herméneutique, col. 627. De ces principes incontes­ 54, 55, 56, 68; De incarnatione Det Verbi et contra tables ct admis par tous les catholiques, découle arianos, n. 5, 8, 20; Contra Apollinarium, 1. I, n. 5, immédiatement une conclusion relative au motif de 17; 1. II, n. 5, P. G., L xxv, coi. 112, 192; L xxvi, l’incarnation. La question de savoir si, l’homme coL 100, 117, 182, 262, 263, 266-267, 292, 992, 996, n’ayant pas péché, le Verbe se serait cependant 1020, 1100, 1124, 1140; S. Cyrille de Jérusalem, Cat., incarné, étant laissée par l’Églisc à la libre discussion XII,c.xiv;VlIl,c.n;XXXIH,P. G.,Lxxxin.col.74l, des théologiens, il ne s’agit pas de démontrer que les 773, 812; S. Hilaire, Tractatus in ps., ps. un. n. 12; Pères ont eu un enseignement unanime et doctrinal lxiii, n. 23, P. L., t. ix, col. 344. 484 (il s’agit ici prin­ conforme à telle ou telle opinion, mais simplement de cipalement de la cause finale de la mort du Christ); chercher, dans l’opinion des Pères, un fondement Tractatus Origenis, u (même remarque), édit. Batiffol, solide aux opinions des théologiens. Prétendre que les р. 15 ; S. Basile, Epist., ccxxi, n. 2; De Spiritu Sancto, Pères ont expliqué l’Écriture, d’une façon explicite, с. xv, n. 35, P. G., t. xxxn, coL 969, 128; pseudodans un sens plutôt que dans un autre, c’est préjuger Basilc, Homilia adversus calumniatores S. Trinitatis, d’une solution que l’Églisc, maîtresse souveraine de η. 4, P. G., t. xxxi, col. 1494 ; S. Grégoire de Xazlanze, la doctrine, croit devoir laisser aux libres disputes des Orat., i, n. 22, 23, P. G., L xxxv, col. 431; xxx, hommes. C’est donc nécessairement dépasser les n. 2, 21 : xxxm, n. 9 ; xxxvm, n. 16 (ces deux derniers limites ct les formes de la discussion permise : on doit textes se rapportant plus particulièrement à la cause se contenter d’apporter, en faveur de chaque opinion, finale de la passion du Christ); xl, n. 45; xlv, n. 22, les témoignages fournis parla tradition,sans les con­ P. L., t. xxxvi, col. 105, 132, 22 . 124,653; S. Gr sidérer comme une démonstration définitive ct sans golrc de Nysse, Antirrheticus, n. 17, P. G., t. xlv, col. réplique. 1156; S. Épiphanc, Ancoratus, n. 65, P. G., t. xun, 2. Témoignages directs des Pires, donnant comme col. 133 ; ci. Symbole, Denzinger-Bannwart, n. 13;Z/« r., fin à l'incarnation la rédemption du genre humain, — i.xix, n. 52, t. xui, col. 284 ; S. Jean Chrysostome, in Sous plusieurs formes, differentes d’expression, mais Joa., homll. xi, n. 2, P. G., t. ux, col. 79; In Matth.. Identiques quant au sens, les Pères formulent cette homil. xxx, n. 3, t. lmi, coL 365; In Epist. ad pensée fondamentale : Le Christ est venu dans la chair Bum., homiL x, n. 2, L lx, col, 474; In Epist. ad pour nous sauver, nous racheter du pêché ct de la Hcb., homil. v, n. 1, P. G., t. lxiïi col. 47 ; In Epist. I servitude du démon, nous i esliluer la grâce ct Γimmor­ ad Cor., homil. xxxvun, n. 2; In.Epist. ad Gai., c. n, talité, nous ramener à l’état primitif dont nous avait n. 8; In Epist. ad Hcb., homiL.xvii» n. 2 (ces trois fait déchoir le péché d’Adam, pensée que le Ier concile textes se rapportant plus spécialement à la fin de la de Nicéc condensera dans une formule célèbre : qui passion ct de la mort sur la croix), P. G., t. lxi, propter nos ct propter nostram salutem descendit de col. 324, 616; t. lxiïi, col. 129; S. ikinbroisc, Epist., cadis, et incarnatus est. Voir. S. Clément, Cor., vn, xli, n. 7 ; lxxh, n. 8, P. L., t. xvi, col. 1115, 1245, et 4; xi.ix, 2, l’unk, Patres aposlolici, Tublngue, 1901, surtout De incarnationis dominior sacramento, c. vi, р. 108, 162; Epist. Barnabæ, v, 5; vil, 2, ibid., p. 50, n. 56, col. 832. Parmi les nombreux textes de saint 58; S. Ignace d’Antioche, Ad Eph., ix, 1; Ad Poly- Augustin se rapportant de près ou de loin à la ques­ carpum, in, 2, ibid., p. 220, 290; S. Polycarpe, Ad tion présente, il suffira de rappeler les plus expressifs, Phil., vin, 1, ibid., p. 301; Hermas, Sim., V» n, De catechizandis rudibus, c. iv, n. 7, P. t. xl, 1-2; cf. 5-7, ibid., p. 530, 538; Epist. ad Diognelum, col. 314 ; Con/., 1. N, c. xliii, n. 68, t. xxxn, col. 808; ix, 2, ibid., p. 406; S. Justin. A pot, I, n. 63, 65, P. G., De peccatorum meritis ct remissione. 1. 1. c. xxn, n. 39; t. vi, col. 424, 428; A pot., II, n. 6, 13, col. 453, 465; cf. c. ix, n. 10, P. L., t. xuv,col. 131, 114; In Jounnis S. Irénée, Cont. hier., 1.11, c. xxn, n. 1 ; 1. III, c. xvni, Evangelium, tr. XXIII, n. 6, t. xxxv, col. 1585; n. 7; c. xxi, n. 10; J. V, præf.; c. n, n. 2; c. xiv, n. 1; De gratia Christi et de peccato originali, 1. II, c. xxiv, с. xvi, n. 3, P. G., t. vu, col. 784, 93G, 955, 1120, n. 28, t. xuv» coi. 398; Enchiridion, n. 108, t. xl, 1124, 1161, 1168; Tertulllcn, De /uga in persecutione, coi. 282; Serm., clxt, n.2; clxxiv, n. 2; ci.xxv, n. t, n. 12, P. L., t. n, col. 114; S. Hippolyte, De Anti· clxxxiv, n. 8; ccLxi, n. 7, t. xx.\vni,col. 851,940,94 I, christo, n. 3; Contra hæresim Nocti, n. 17; Philoso- 945,1206; Enar. in ps., CXL, n. 19, t. xxxvn,coi. 1828. phoumena, I. X, c. xxxiv (dans c. xxxm, l’incarnation Saint Cyrille d’Alexandrie, Thesaurus, assert, xv, P. G., n pour fln l’exemple de perfection ù donner aux hom­ t. lxxv, col 292, 294-295, fait dépendre Je decret 1491 INCARNATION étemel de l'incarnation dc la prévision du péché. Cf. 77ο/ηι/.ρακΛα/«, homil. x, n. 2, L lxxvii, col. 617; In Joa., 1. IX, xrv, 20, t. lxxfv, col. 273. Cf. Théodoret. De Incarnatione Domini, η 18, t. lxxv, col. 1-148· Saint Léon le Grand, dans sa lettre dogmatique â Flavien, a plusieurs assertions relatives à la lin de l’incar­ nation. Cf. HvposTAnQUE (Union), col. 478, 479. Voir aussi Ad monachos Palæstinos, epist. cxxiv, n. 3; Serm., xxn, c. ni, rv; lxiv, c. n: lxxvu, c. ii, P. £., t. ux, col. 1061, 196,202,358,412; S. Fulgcnce, Epist., xvn, c. vi, n. 11, P. L., t. lxv, col. 457; S. Gré­ goire le Grand, Moral., I. IV, c. ni, n. 8, P. L., t. lxxv, col. 612 (plus expressément encore l'apocryphe In I Reg.; 1. IV, c. i, n. 7, t. lxxix, col. 222); S. Jean Damascéne, De fide orthod., L IV, c. rv, xm, P. G., t, xciv, col. 1108, 1137. Parmi tous ccs textes, certains semblent placer d’une manière exclusive la fin dc l’incarnation dans la réparation du genre humain. S. Irénée, Cont. hær., I. V; c. xiv : « Si la chair (l’homme) n’avait pas dû être sauvée, le Verbe de Dieu ne sc serait pas fait chair, » P. G., t. vu, col. 1161 ; S. Athanase, Adversus arianos, orat. n, n. 54 : < Le Seigneur (Jésus), comme Verbe, n’a pas d’autre cause que sa génération du Père dont il est la Sagesse unique engendrée. Mais pour devenir homme, il lui faut une nouvelle cause qui Justifie son incarnation. C'est la nécessité et l’indi­ gence de l’homme pécheur, antérieure à sa venue en cc monde ; sans clics, le Verbe ne se serait pas incarné ». Et plus loin, n. 56 : · Si aucune créature n’avait existé, le Verbe aurait cependant existé..., mais le Verbe ne se serait pas fait homme, si la nécessité de sauver les hommes n’avait pas existé. » P. G., t. xxvi, col. 261, 268. S. Grégoire dc Nazlanze, Orat., xxx, n. 2 : « Quelle a donc été la cause de l’incarnation de Dieu en notre faveur? Assurément, cette cause est le souci d’assurer notre salut. » P. G., t. xxxvi, col. 105. S. Jean Chrysos tome, In Epist. ad Heb., homil. v, n. 11 : • Il n’y a pas d’autre cause à l’incarnation que celle-ci seule : Dieu nous a vu jetés à terre, périssant, oppri­ més par la tyrannie dc la mort, et 11 a eu pitié. » P. G., t. jlxiii, col. 47. S. Ambroise, De incarnatione, c.vi, n. 56 : « Quelle cause peut-on assigner à l’incarnation sinon la rédemption de la chair pécheresse par le Christ? » P. L., t. xvi, col. 832. S. Augustin, De pec­ catorum meritis et remissione, 1. I,c. xxvi, n. 39 : « 11 n’y a pas d’autre cause à l’incarnation de Notre I Seigneur Jésus-Christ, que l’infusion d’une vie non- I velle en vue du royaume des deux, le salut, la libéra­ tion, la rédemption, accordes par ce mystère dc grâce très miséricordieuse à tous les membres du corps dont il est le chef. » P. L., t. xuv, col. 131. Voir aussi les textes tirés des sermons cités plus haut. S. Léon le Grand, Serm., lxx, c. n : « Si l’homme, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, avait gardé l’honneur de sa nature; s’il n’avait pas, trompé par la ruse du démon,introduit en lui le dérèglement de la concupis­ cence, le créateur du monde ne sc serait pas fait créa­ ture. » P. L., t. uv, col. 412. La liturgie fait écho à la tradition : 0 /elix culpa, quit talem ac tantum meruit habere redemptorem. Bénédiction du cierge pascal, au samedi saint. Bouêt de .Tourne!, Enchiridion patrhticum. Index theo­ logicus. n. 410,411. 412.413, 414. 415; Pctau, De Incarna­ tione, L H. c. xvu, n. 8-12; Thomnssin, De Incarnatione, L II, c. xx; Stentrup. Soterlologta, t. x et n; Vasques. De Incarnatione, disp. X. c. iv; P. Hilaire dc Paris. Car Deus homo. Dissertatio de motivo Incarnationis, Lyon, 1867. 3. Textes des Pires, où l'incarnation apparaît indé­ pendante de la rédemption. — 11 est à noter, dit le P. Hilaire de Paris, op. cit., p. 10, qu’aucun Père dc l’Église n’affirme expressément que si Adam n’avait pas pêché, le Verbe sc serait néanmoins incarné. Tou­ 1492 tefois, on pense trouver, chez les Pères, d’une manière indirecte, l’équivalent de cette assertion. On accumule.’ en effet, quantité dc textes où l’incarnation semble avoir sa place, dans l’ordre actuel de la Providence, indépendamment de la rédemption des hommes. Le meilleur recueil, on peut même dire, l’unique recueil, où l’on a rassemblé tous ces textes est celui du P. Chrysostome, Christus alpha et omega, seu dc Christi uni­ versali regno, Lille, 1910, et encore du même auteur. Le motif de T incarnation et les principaux thomistes contemporains, Tours, 1921, II· partie, c. i et n, р. 168-202. On ne fera que résumer Ici les grandes lignes d’un travail complet et consciencieux, quoique tendancieux relativement au sens à donner à de nom­ breuses autorités patristiques, ct d’une critique par­ fois insuffisante quant à l’authenticité des textes. — a) Les Pères affirment que toutes choses ont été créées dans le Christ.—L’affirmation des Pères repose sur leur com­ mentaire de Gen., i, 1 : In principio, id est in Christo, Deus creavit cadum et terram. Clément d’Alexandrie, Strom., VI, c. vu, P. G., t. ix, col. 179; Origènc, In Gen., c. i, homil. i, P. G., t. xn, col. 145; S. Ambroise, In Hexaemeron, L I, c. n, P. L., t. xiv, col. 124; S. Jérôme, Liber hebr. quæst. in Gen., c. T, P. L., t. xxiii, col. 938; cf. Brev. in ps., ps. xxxix, t. xxvi, col. 945; S. Augustin, De Genesi contra manichæos, 1. I, c. n; De Genesi ad litteram, c. m, P. L., t. xxxiv, col. 173, 222. Voir les autres textes de Pères d’auto­ rité moindre dans Christus alpha et omega, c. i, p. 4349.— b) Les Pères affirment que l'homme a été créé à Γimage du Christ.— L affirmation des Pères repose sur leur commentaire dc Gen., i, 26-27. S. Irénée, Cont. hær., 1. V,c. xvi, xxxvi, n. 3, P. G., L vu, col. 1167, 1224; Tertullicn, Adversus Praxcam, c. xn, P. L., t. n, col. 167 ; Dc resurrectione carnis, c. vi, col. 802. Sur l’opinion dc Tertullicn, voir Petau, De Trinitate, 1. II, c. vu, n. 9. Clément d'Alexandrie, Pædag., 1. I, с. xn, P. G., t. vin, col. 367; ci. Le Nourry, Disser­ tatio II, P. G., t. ix, col. 1158; Origènc, In Gen., c. i, P. G., t. xn, col. 156; In Joa., torn, i, c. χιχ,Ρ. G., t. xiv, col. 54 ; S. Jérôme, In Ezech., c. i, P. L., t. xxv, col. 21. Voir d’autres textes, op. cit., c. n, p. 50-60. — c) Les Pères affirment que le Christ a déjà été préfiguré dans Vétat d'innocence.—Adam fut le type du Christ principalement dans son union avec Èvc, union sym­ bolisant celle du Christ et dc l’Églisc; mais d’autres figures, procédant d’interprétations allégoriques des détails dc la vie du paradis terrestre, existent aussi chez les Pères. Citons ,simplement quelques textes sc rapportant au type dc l’union du Christ avec l’Églisc : S. Ambroise, Expositio Euangelii secundum Lucam, 1. IV, η. 66, P. L., t. xv, col. 1632; S. Anastase le Slnaïtc, In Hexaemeron, L IX, P. G.; t. lxxxix, col. 999; S. Gélase, Epistola ct decreta adversus pelagianam hæresim, P. L., t. ux, col. 118; S. Avit de Vienne, Opusc. fragmenta IV, ex sermone passionis Domini, P. L., t. ux, col. 311; S. Léandrc de Séville Homilia laud. Ecclesiæ, P. L., I. lxxii, col. 896; S. Isi­ dore dc Séville, In Gen., c. ni, P. L., t. lxxxiii, col. 99; S. Jean Damascéne, In Epist. ad Eph., c. v, 32, P. G., t. xcv, col. 854. Voir Adam, t. i, col. 385386. Ccttc interprétation des Pères sc base sur l'incise dc saint Paul. Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico in Christo et in Ecclesia. Voir d'autres textes, op. cit., c. m, p. 61-71. — d)Les Pères affirment qu'Adam encore innocent a connu et prophétisé le mys­ tère de Γ incarnation. Ils appuient leur dire sur le sens dc Gen., n, 23, 24 : « Voici l’os de mes os, et la chair de ma chair. C’est pourquoi l’homme quittera son père ct sa mère et s’attachera à son épouse ct ils ne formeront à deux qu’une seule chair. · Il s’agit tou­ jours principalement dc la prophétie concernant l l’union du Christ et dc l’Églisc : S. Hilaire, Tract. 1493 INCARNA T10N Z/i ps. cxx.ri7/z,29, P. L.; t. ix, col. 807; S. Jérôme, In Epist. ad Eph., 1. Ill, c. v, P. J.., L xxi, col. 1137; S. Augustin, Dr Genesi contra maniciuros, I. 11, c. xxiv, P. JL., I. xxxiv, col. 215; Dc nuptiis ct concupiscentia, 1. 1, c. xxi, P. L., t. xliv, col. 427. Cf. op. cit., c. iv, р. 72-80.— c) Les Pircs affirment que la création ou la formation du Christ est le principe de toutes les autres oeuvres dc Dieu. — Ils entendent presque unanime­ ment le texte des Prov.» vni, 22, de la Sagesse créée, c’est-à-dire incarnée. On ne peut citer que quelques rares exceptions. Cf. Knabcnbauer, in h. I. Cette interprétation a pour but de redresser l'exégèse fautive dc l’arianisme. Voir 1.1, col. 1785. Pour donner plus dc force à l’argument, on identifie chez les Pères, le Λόγος προφορικός ct le Verbe incarné; si l’identifica­ tion est recevable pour les documents postérieurs au concile dc Nicéc, clic semble assez discutable en ce qui concerne les Pères apologistes^ dont la doctrine ou plutôt l’expression est parfois dure ct difficile. Cf. Création, t. m, col. 2122-2126. Voir Christus, alpha ct omega, c.v,p. 81-105.—f) Les Pères enseignent que le Christ, comme homme, est le premier-né des créa­ tures, en conformité avec les textes dc Eccli., xxiv, 5 ctCol. i, 15. — Le concile de Sardique enseigne que le Fils est dit Fils Unique, unigenitum, en tant qu’il pro­ cède comme Verbe, du Père; qu’il est dit premier-né primogenitum, en tant que possédant la nature hu­ maine. P. G., t. lxxxii, col. 1014. Cf. XIe concile dc Tolède, Denzinger-Bannwart, n. 285. En sens diffé­ rent, voir IIe concile dc Séville. Ilardouln, Concilia, t. m, p. 5G5. Panni les textes allégués, plus d’un pour­ rait être discuté; il faut cependant retenir comme nettement significatifs : S. Augustin, Contra Secundinum, c. v, P. L., t. xui, col. 581 ; Quarundam pro­ positionum ex Epist. ad Romanos expositio, c. LM, P. L., t. xxxv, col. 1077; Théodoret, Interpretatio Epist. ad Romanos, vm, 29, P. G., t. lxxxii, col. 142; S. Fulgencc, Contra arianos, P. L., t. lxiii, col. 516; S. Isidore de Séville, Differentiarum, 1. II, c. vi, n. 1415, P. L., t. Lxxxni, col. 72. Cf. op. cit., c. vi, p. 106114. — g) Les pères enseignent que les hommes et les anges ont été prédestinés dans le Christ, parce que le Christ a été prédestiné avant tous les autres élus, cl que la grâce des anges comme celle cTAdam encore innocent procède du Christ. — Que le Christ ait été prédestiné avant toute créature, les Pères l'affirment en commentant Eph., i, 3-5. C’est encore là une mani­ festation de la primauté du Christ sur les créatures, et, parmi les Pères, saint Athanase et saint Cyrille d’Alexandrie paraissent particulièrement précis. L’ar­ gumentation de saint Cyrille établit l’ordre de la pré­ destination du Christ par rapport à la nôtre : < Si l’on affirme que le Fils a été créé pour que Dieu nous crée par lui, dans quelle impiété ne tombe-t-on pas? Ainsi, le Fils parait être fait pour nous, ct non pas nous pour lui... nous lui serons supérieurs comme Adam l’était par rapport à Èvc qui avait été faite pour lui. » Thésaurus, assert, xv, P. G., t. lxxv, col. 258. On trouve un raisonnement à peu près iden­ tique chez saint Athanase, Oratio II adversus arianos n. 29, 30, P. G , t. xxvi, col. 210, sq. Mais, si la pré­ destination du Christ est la raison d'être de la prédes­ tination des au h es élus, la grâce du Christ a été la première grâce dont procède la grâce des anges ct d’Adam innocent, ct ainsi le Christ est vraiment le chef, le médiateur universel. Ccttc deuxième affir­ mation repose également sur des textes précis dc la tradition. —a. Pour les anges; Hennas, Sim., IX, xn, n. 8, Funk, op. cit., p. 601; Contra Beronem, P. G., t. vx, col. 834; Origènc, Scholia in Luc.,c. rv, P. G., t. xvn, col. 331; S. Hilaire, De Trinitate, 1. VIII, с. L, P. L., t. x, col. 273-274; In ps. XXXVIII, P. G., t. xxvn, col. 383; S. Cyrille d'Alexandrie, De adora­ i , ΐ | 1494 tione, 1. IX, P. G., L lxvih, col. 626. On rappelle à ce sujet que plusieurs Pères affirment que le péché des anges fut l’envie à l’égard du Verbe incarné, auquel ils ne voulurent point se soumettre. Par contre, on insiste sur d’autres textes, où il est affirmé que le salut des anges ne dépend pas du Christ.Tcrtulllcn, / De carne Christi, n. 14, P. L., t. n, col. 777 ; S. Bernard, Homil., ii, super Missus est, n. 14; Sermo in fer. iv, hebd. sanctae, n. 10, P. L., t. clxxxuî, col. 78, 168; l’abbé Gucrric, Serm., ni, de Nativitate Domini, P. L., t. cv, col. 35. Pour saint Augustin, Enchiridion, n. 61, P. L., t. XL, col. 261, les anges n’ont profité dc la rédemption du Christ que parce qu’elle a permis aux hommes de réparer les désastres dc la chute angé­ lique. Saint Jérôme affirme que le sang du Christ a profité à tous, même aux anges ct aux damnés, sans pouvoir dire en quoi. In Epist. ad Eph., 1. H, c. rv, р. 10, P. L., c. xxvi, col. 499. — b. Pour Adam inno­ cent, les témoignages explicites sont plutôt rares. On pense toutefois en trouver chez S. Philastre, De hær., с. xcviii, cxvi, P. L., t. xn, col. 1211-1212, 12391240. chez S. Ambroise, Epist., I· classis, xx, n. 17, In ps. XXXIX, P. L., t. xm, col. 999 ; t xrv, coL 1065. Mais c’est sous une forme plus générale que les Pères auraient enseigné ccttc doctrine, en tant que, sans restriction, ils affirment que toute grâce vient du Christ. S. Cyrille d'Alexandrie, De adoratione, 1. IX, P. G., t. lxvih, col. 626; Didyme ΓAveugle, In ps. LXIV, 10, P. G., t. xxxix, col. 1135; ou encore que la foi nu Christ est nécessaire à tous, S. Cyrille de Jéru­ salem, Cat., xn, n. 13, P. G., t. xxxm, coL 738; on encore que l’œuvre du Christ fut la récapitulation, c’est-à-dire la restauration dc l’univers dans l’état primitif, S. Irénéc, Cont. hær., 1. Ill, c. xm, n. 6; c. XMii, η. 1 ; c. χιχ, η. 1 ; P. G., t. vu, coL 925, 932, 938; voir dans Fixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1905, t. î, p. 253, l’exposé du plan de l'in­ carnation chez saint Irénée, dans la P. G., L mi, loc. cit., les notes de Feuardent; et d’Alès, La doctrine dc la récapitulation de saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, 1916, p. 185 sq;S.I lilairc.fnEpùf. ad Eph., n. 15, Spicilegium Solesmense, 1.1, p. 103 ; S. Cy­ rille d’Alexandrie, Thesaurus, assert, xv, P. G., t. lxxv, col. 295; S. Jean Chrj sostomc, In Eph., c. 1, IromiL I, n. 4, P. G., t. ut, col. 16; ou encore et sur­ tout que l’œuvre du Christ a commencé dès le principe, avant la constitution du monde. Origène, In Leu., homil. i; In Cani, canticorum, 1. II, P. G., t. xn, col. 416; t. xm, col. 134; Tertullicn, Adoersus Marcionem, 1. V, c. xix, P. L., t. n, col. 519; S. Épiphanc, Expositio fidei, η. 6, P. G., t. xut, col. 783, etc. P. Chrysostome, op. cit., c. vu, p. 115-185; cf. Le motif de Γincarnation et les principaux thomistes con­ temporains, Tours, 1921, c. n, § 2. — h) Les Pères affirment que Dieu a tout créé pour le Christ; ainsi ontils interprêté Col.,i, 16. S. Athanase, Oratio 11 adversus arianos, n. 30, P. G., t. xxvi, col. 210; S. Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, assert, xv, P. G., t. lxxv, coL 253; S. Jérôme, In Epist. ad Eph., 1. I, c. i, P. L., t. xxvi, col. 454 ; Théodoret, In Epist. ad CoL, P. G., t. lxxxii, col. 599; S. Fulgencc, Ad Trasimundum, 1. II, c. v, P. L., t. lxv, col. 250. Christus, alpha et omega, c. vni, p. 185-197. Voir aussi les textes con­ cernant Apoc., xxn, 13; Ego sum A et Ω, primus et novissimus, principium et finis, appliqué à JésusChrist. Ibid., c. ix, p. 198-206. Christus, alpha el omega, seu de Christi universali regno auctore fratre minore provinciæ Franci» (P. Chrysostome), 2· édit., 1910. En plus des clmpltrrs cités nu cours de I lIJIIe, ’nrt. le c. x, p. 207-262, établit chronologiquement in liste des Pères que l’on pense pouvoir opposer à ceux qu'in voque ct cite le P. Hilaire dc Paris, dans son ouvrage cité plus haut. 1495 INCARNATION 4· Les controverses des théologiens. — 1. Opinion affirmant que Γ incarnation n'est pas, dans Γordre pré­ sent, subordonnée à la rédemption .— a J Historique. — Le premier auteur qui ait nettement formulé cette doctrine est l’abbé Rupert (t 1135), principalement dans son De gloria et honore Filii hominis, 1. XIII, il affirme que Je Verbe, même dans l’hypothèse où l’homme n’aura t pas péché, se serait fait homme; le péché des homm es ne l’a pas empêché de réaliser ce dessein, mais a fait simplement que le Verbe, au lieu de s’incarner dans une chair impassible et immortelle, a pris, afin de pouvoir réparer pleinement pour nous, une chair passible et mortelle. P. L., t. cxxvni, col. 1628, 1624; 1630. Cf. De operibus Spiritus Sancti, 1. H, c. vi, P. L., t. clxvh, col. 1610. Honoré d’Autun (t 1152) expose une doctrine ana- | logue : le péché, qui est le plus grand mal, n’a pu être la cause de l’incarnation, mais simplement de la mort et de la condamnation du Verbe; l’incarnation a pour effet de déifier les hommes. II n’apparaît pas clai­ rement toutefois que cet auteur ait voulu prétendre que, même dans l’hypothèse où l’homme n’aurait pas pêché, le Verbe sc serait incarné; il parait plutôt distinguer, dans l’ordre actuel, l’effet de l’incarnation de celui de la mort du rédempteur. Octo quaestionum liber, c. n, P, L., t. clxxu, col. 1187-1188. Pierre Lombard (f 1160) ne traite pas ex pro/esso le présent problème dans ses Sentences; il insinue toutefois la distinction entre la chair et la chair passible, 1. III, dist. XV. Albert le Grand estime la solution du pro­ blème incertaine; mais son opinion personnelle est que, même si l’homme n’avait pas péché, Je Verbe se serait incarné. In IV Sent., 1. Ill, dist. XX, a. 4. Alexandre de Haies sc contente d’affirmer la haute convenance de l’incarnation, dans l’hypothèse où la nature humaine n’aurait pas été déchue par le péché Sum. thcol., dist. Ill, q. ni, m. xin. Robert GrosseTête, évêque de Lincoln, (f 1253), soutint la doctrine de Rupert de Deutz. De cessatione legalium, ms. Bibliothèque nationale, Nouvelles acquisitions, mss. latins, 1467. Voir le texte édité dans Christus, alpha et oméga, p. 12-18. Duns Scot donne à cette opinion une forme définitive, quoique les arguments employés par le docteur subtil ne soient pas encore présentés dans toute la force que leur donneront plus tard les théologiens de l’école franciscaine et saint François de Sales. Voir Duns Scot, t. iv, col. 1890-1891. A partir de Duns Scot, cette opinion devient pour ainsi dire une doctrine franciscaine : bon nombre des théo­ logiens franciscains enseigneront que le Christ, même si l’homme n’avait pas péché, se serait fait homme, sans toutefois prendre la nature passible et soumise à la mort. Citons François de Mayronis (f 1323), In IV Sent, 1 HI, dist. XVII, q. iv; Pierre Auriol (t 1345), in IV Sent., 1. Ill, dist. I, a. 5; Pierre d*Aquila, dit Scotellus (f 1370), In IV Sent., 1. III, dist. II; Barthélemy de Vise (f 1380), De vita et lau­ dibus B. Μ. V. libri sex, I. H, fructus vt; S. Bernardin de Sienne (f 1444), Serni., uv, de universali regno J esu Christi, a. 1, c. η ; 8. Bernardini Senensis ordinis seraphici minorum opera ornnia, Venise, 1745, t. i, p. 3G9; Étienne Brulefer, voir t. n, col. 1146, In IV Sent., L III, dist. I, q. VI, vu; Mastrius, In IV Sent., L 111, disp. IV, a. 1; François Félix, De divini Verbi incarnatione tractatus singularis, c. iv, Paris, 1641; le Cardinal Laurent Brancati de Lauria (t 1693), dans ses commentaires In IV Sent., 1. III, disp. X, a. 1; Frasscn, De incarnatione, disp. 1, a. 2, sect, in, q. i (c’est un des meilleurs exposés de la doctrine scot iste), et tous les théologiens scotistes, Lichct, Lefèvre, Rada, Smising, Tartaret, Castillo, etc... En dehors de Tordre des franciscains, d’illustres théologiens se sont faits les défenseurs de l’opinion de Scot. Gabriel Blcl, 1496 • In IV Sent., 1. HI, dist. II; Dcnys le Chartreux, Ibid., dist. I, q. îi; Catharin, De eximia pro destinatione Christi, Paris, 1541; Granados, In IJ I*m p. Sum. S. Thoma·, tr. Ill, disp. Ill; Gaspar Hurtado, De incarnatione, disp. XIII, sect, iv, § 107; sect, xn, § 301; Pighl, De libero arbitrio, I. VIII, c. i, a. 2, 3; Salmeron, In Epist. B. Pauli, I Tim., c. !, disp. Ill; S. François de Sales, Traité de I’amour de Dieu, 1. II, c. iv ; Cardinal de BéruIIo, Discours sur Γestât et les grandeurs de Jésus, Paris, 1G23; Ysainbert, Disputationes in lll*m part. S. Thonue, disp. VII; et, au xix· siècle, le P. Fabcr, Le saint sacre­ ment, 1. IV, sect, i; Le précieux sang, c. ni; Mgr Gay, De la vie et des vertus chrétiennes, Paris, 1889, t. i, p. 19 sq., 168-169; Mgr Bougaud, Le christianisme et les temps présents, Paris, 1881, t. ni, c. ix; et, plus près de nous, P. Francesco Risl, Sut motiva primario della incarnazione del Verbo, et Oxcnham, Histoire du dogme de la rédemption, traduction française, Paris, 1909, c. i. Une place à part doit être faite, dans l’histoire de l’opinion scotistc, ù Suarez. Ce théologien est d’accord avec les scotistes, De incarnatione, disp, λ’, sect, π, n. 13; sect, iv, n. 17; sect, v, n. 8, en admettant que la manifestation de la perfection des œuvres divines, indépendamment de la réparation de l’humanité déchue, est un motif complet, suffisant, adéquat de l’incarnation. Toutefois, il tend à sc rapprocher des théologiens de l’opinion adverse, en affirmant que la réparation du péché est un autre motif complet, suf­ fisant, adéquat de l’incarnation. Étant donné ce double motif suffisant et adéquat, Suarez ne peut que répondre par l’affirmative à la question agitée dans l’école : le Verbe, dans l’hypothèse où l’homme n’aurait pas péché, sc serait-il fait homme? Aussi doiton le ranger logiquement parmi les tenants de l’opi­ nion scotiste, avec lesquels il s’accorde d’ailleurs quant aux conclusions du système. Voir plus loin. L’opinion de Suarez, appelée opinion moyenne, n’a eu l’appro­ bation d’aucune des deux écoles qu’elle prétendait concilier. Attaquée — et à juste titre — de part et d'autre, elle n’a fait que peu de disciples. Gonet cite Martinon et Ysambcrt.De incarnatione, disp. V, a. 1, n. 2. En réalité, Ysambcrt est plus scotistc que suarézicn. En admettant une double cause finale de l'incarnation, Suarez, en effet, détruisait en réalité la notion même de cause finale, il ne peut être ques­ tion, dans cet ordre de finalité, que d’un seul motif déterminant. b) Exposé. — a. Principes. — Dieu est amour; toutes scs démarches procèdent de l’amour. Poussé par sa bonté, Dieu a voulu sc communiquer pour aimer et être aimé en dehors de lui. Mais, pour mani­ fester la divine bonté, fin cherchée par Dieu dans toutes ses œuvres, l’incarnation du Verbe était, dans tout l’ensemble de la création, l’œuvre la plus capable de manifester l'amour de Dieu. Plus encore, en effet, que la prédestination, la béatification et la justifi­ cation de tous les hommes, la prédestination et la glori­ fication du Verbe incarné doivent atteindre celte fin, le Christ étant plus près de Dieu que toutes les créa­ tures. Aussi, parce que tout ce que Dieu fait est voulu dans l’ordre, Dieu a voulu tout d’abord la manifes­ tation de sa bonté, et immédiatement après il a voulu l'incarnation du Verbe, puis seulement l’ordre de la grâce, et enfin l’ordre de la nature, auquel se réfère la permission du péché. Ainsi le décret de l’incarnation est antérieur au décret de la création et au décret permettant la faute. Frasscn, op. cit., concl. 2°, 3° probatio. Voir le développement de ces principes dans S. François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, 1. H, c. iv. Voici donc, pour Scot, l’ordre des vouloirs divins: ce. Dieu s’aime lui-même. β. Il s’aime dans les 1497 INCA RNATION autre, v. Tl veut être aimé par un autre qui soit en i dehors de lui et qui puisse l’aimer de la manière la plus parfaite, δ. Il prévoit l’union de cette nature qui doit l’aimer parfaitement; et c’est là le décret de l’incar- ; nation, c. Il prévoit et décrète la création du monde et particulièrement la création de l’homme, ζ. 11 pré­ voit la chute, de l’homme et comme la gloire de tous les élus pendant l’éternité l’emporte sur la gloire cor­ porelle du Christ sur La terre, il décrète la venue du Christ dans une chair passible, comme rédempteur. Dist. \ II, q. iv, n. 5. Cf. P. Chrysostome, Le motif de Γ incarnation, p. 57. Inutile de faire observer que ces vouloirs successifs de Dieu ne sc distinguent que par l’ordre logique que nous mettons entre eux. Mais par cet exposé de la théorie scotiste, on volt quel a été, d’après Scot, le véritable motif de l’incarnation. Ce n’est, ni, comme le laisse entendre Hurter, th. cxuii, l’excellence du mystère et la gloire du Christ; ni, comme le laisserait croire Suarez avec son opinion moyenne, la simple perfection des œuvres divines ,ni, ainsi que l’affirme M. Tanquercy, Synopsis theologia dogmatica? specialis, Paris, 1903, t. i, p. 568, l’excel­ lence de ce mystère et la perfection de tout 1’univcrs; ni encore, tout au moins dans l’ordre où l’indique M. Sauvé, Jésus intime, t. i, 2· élévation, iv, //incar­ nation et le monde, le couronnement de la création, de la sanctification, de la glorification des anges et des hommes. L’unique motif proposé par Scot est l’amour que Dieu se veut à lui-même, qu’il réalise tout d’abord dans l’incarnation, et, par l’incarnation, dans les anges et les hommes, puis, devant la prévision du péché, par la rédemption. Cf. P. Chrysostome, op. cit., p. 206, 236, 285, 326-327. — à. Conséquences. — Au point de vue théologique, plusieurs conséquences immédiates s’imposent; plusieurs autres, médiates. — Immédia­ tement, on doit admettre : a. la distinction entre l’incarnation du Verbe considérée dans sa substance, et l’incarnation du Verbe dans une chair passibles si le Verbe s’était incarné sans que l’homme eût péché, il serait venu dans une chair impassible, ne devant ni souftrir, ni mourrirpour nous. C’eût par cette distinc­ tion qu’il faut accorder avec l’opinion scotistc et avec eux-mêmes les Pères qui affirment que. si l’homme n’avait pas péché, le Verbe ne serait pas venu dans la chair (passible et soumise à la mort), β. la primauté absolue du Christ sur toutes créatures, c’cst-à-dire sous les trois aspects de cette primauté, que le Christ, dans la pensée de Dieu, a la priorité dans l’ordre des volitions divines; il est voulu pour lui-même et avant toute autre créature; qu’il est le médiateur universel par lequel passe toute grâce avant de parvenir à la créature : de telle façon que les anges et Adam innocent n'ont pu avoir la grâce sanctifiante que par le Christ prévu et voulu de Dieu avant eux; qu’en fin il est constitué par Dieu fin de toute la création : c’est, en effet, pour glorifier son Fils fait homme que Dieu crée les anges et les homme qui reçoivent la grâce et la gloire par les mérites du Christ. Sur le développement de ces doctrines, voir Frassen, toc. cit., et P. Chryso­ stome, toc. cit., p. 56-100.— Médlatcmcnt, on doit tirer des principes scotistes deux sortes de conclusions, les unes par rapport «à la gloire du Christ, les autres par rapport à la gloire de la sainte Vierge. Par rap­ port au Christ : une gloire plus grande lui revient de la part des créatures, car toute créature, ange ou homme, lui doit la création et l’élévation à l’ordre surnaturel, comme aussi, dans l’autre vie, la lumière de la gloire. L’homme peut trouver dans la rédemption une ten­ dresse plus profonde, comme aussi il est invité à donner ù la dévotion au Sacré-Cœur toute son exten­ sion et à son amour pour Notre-Seigneur toute sa perfection par la pratique de l’abandon. Par rapport à Marie : Marie a été décrétée avant toute créature; I'.OS c’est très légitimement que la liturgie lui applique les paroles du livre de l’Eccléslasliquc, xxiv, 11 sq. Dieu l*a «aimée plus que toute autre créature, aussi lui a-t-il accordé comme premier don une grâce sanc­ ti Hante égale, pour le moins, à celle accordée aux anges et aux hommes. Ayant reçu du Christ celte première grâce, Marie a contribué à mériter avec le Christ tous les dons naturels et surnaturels qui ont été accordés aux anges et aux hommes. Cause méritoire de la grâce, elle en est la trésorière et la dispensatrice. Elle est la cause finale secondaire de la création. Aussi n’a-t-clle pu contracter ni le péché originel, ni la dette du péché originel. P. Chrysostome, foc. ci/., p. 339-355, 3G7, 409. — c. Preuves. — Les preuves de l’opinion scotiste sont demandées à ΓÉcriture, aux Pères, à la raison théologique, ou Écriture. - Plusieurs textes affirment la primauté absolue du Christ sur toutes créatures, et par conséquent la dépendance de toutes créatures par rapport au Christ, voulu par Dieu avant toutes choses, et pour qui tout a été fait. Prov., vin, 22. Voir col. 1184.11 s’agit ici, dit-on, de la Sagesse créée, c’est-à-dire Incarnée. Le Verbe incarné est ainsi le principe de toutes les voies du Seigneur, c’cst-à-dire des voies de la nature et de la grâce par lesquelles les créatures parviennent à la gloire, aussi bien par rapport aux hommes qui ont eu besoin de rédemption que par rapport aux anges qui n’ont pas eu besoin d’être rachetés. Donc, l’incarnation a été décrétée, non pas en vue du rachat de l’humanité, mais pour la justification et la glorification de toutes les créatures élues de Dieu, ce qui implique que si l’homme n’avait pas péchéje Verbe néanmoins se serait fait homme. — Col., i, 15-21, voir col 1486. Dans le Christ toutes choses ont été créées; donc, l’incar­ nation, raison dernière de la création, a dû être aussi indépendante de la chute de l’homme que l’a été la création de l’univers. — Eph., I, 3-14, voir col. 1487. La récapitulation de toutes choses dans le Christ n’indique-t-ellc pas que l’ordre à restituer est celui-là même dans lequel les choses avaient été établies? Si donc c’est par le Christ rédempteur que les hommes pécheurs doivent recouvrer l’état de sanctification, c’est qu’avant la chute, la grâce sanctifiante dérivait du Christ dans l’homme encore innocent. — Enfin, le Christ n’est-il pas indiqué par l’Écriture comme la fin de toutes choses, ce qui suppose l’incarnation voulue indépendamment du péché.Heb., n, 10; Coin, 16-17, voir col. 1486. — β. Les Pères — On a vu plus haut, coL 1491. sp, 1m textes des Pères envisageant l’incarnation sans que mention soit faite de la rédemption ou dans des hypothèses où la rédemption elle-même ne pouvait trouver place. Si toutes choses ont été créées dans le Christ, si l’homme, dans l’état de justice originelle, a été créé à l’image du Christ, si le Christ, HommeDieu, a déjà été préfiguré par Adam dans l’état d’inno­ cence, si Adam encore innocent, a connu et prophétisé le mystère de l’incarnation, si l’incarnation est le principe de toutes les autres œuvres divines, si le Christ, comme homme, est le premier-né de toutes les créatures, si la prédestination du Christ est la cause de notre prédestination au point que la grâce des anges et celle d’Adam innocent venaient du Verbe Incarné, si enfin le Christ est la cause finale de la création, comment ne pus conclure que linear nation est indépendante de la rédemption? Tertullien ne semble-t-il pas le dire explicitement, et saint Cyrille d’Alexandrie lui fait écho, en nous interdisant de dire que le Christ est pour nous, alors que la piété chrétienne exige que ce soit nous qui soyons pour lui. On ne saurait donc admettre que les Pères, lorsqu’ils affirment, avec l’Écriture, que le Verbe s’est fait homme poumons sauver, aient voulu se contredire, pas plus qu’on ne peut attacher aux paroles 1499 INCARNATION Inspirées un sens contraire à celui qui découle de la primauté du Christ affirmée en maints endroits des Livres saints. Il faut donc dire que lorsque l’Écriture ou les Pères affirment que le Verbe est venu nous sauver dans la chair, et à plus forte raison lorsqu’ils affirment que, sans le péché à guérir, le Verbe ne serait pas venu dans la chair, ils entendent ici la chair paisible et mortelle.que le Verbe, certes, n’aurait pas prise si l’homme n’avait pas dû être racheté par les soulTrances de la croix. La formule traditionnelle : Qui propter nos et propter nostram salutem descendit de exits, loin de créer une difficulté au scotisme, semble l’appuyer en distinguant un double motif dans la venue du Verbe : propter nos, motif de l’incarnation propter nostram salutem, motif de la rédemption. — γ. liaisons théologiques.— La principale des raisons théologiques invoquées en faveur de l’opinion scotiste est l’ordre des vouloirs de Dieu. Cette raison a été exposée plus haut, col. 1496. — Une seconde raison est tirée des multiples difficultés auxquelles sc heurte l’opinion adverse : Comment expliquer qu’une œuvre aussi parfaite que l’incarnation soit causée par le péché? Comment ne pas reconnaître au péché une I utilité véritable par rapport à la venue du Verbe luimême, dont il justifie, pour ainsi dire, l’existence | humaine? Comment conserver au Christ la primauté ! que lui assigne l’Écriture, alors qu’en réalité il semble I fait pour l’homme? Comment expliquer enfin que le Christ soit le chef de toute l’Église, c’est-à-dire des anges eux-mêmes, si de l’incarnation ne procède pas, indépendamment de l’hypothèse de la rédemption des hommes, la grâce essentielle des anges? Cf. Frassen, loc. cit.; Christus, alpha et oméga, p. 375-385. c) Discussion — a. Les adversaires font remarquer qu’aucune des preuves scripturaires ne démontre la thèse scotiste. Eux aussi admettent la primauté du Christ avec saint Paul et le livre des Proverbes; mais ce n’est pas dans le même sens. La Sagesse in­ ertie du livre des Proverbes n’est pas autre que le Verbe considéré dans sa divinité —ainsi l’interprète, d’ailleurs, Pic IX dans la bulle Ineffabilis,—voir col. 861 sq. Que si nous devions admettre qu’il s’agit ici de la sagesse créée(dato, non concesso, car le terme έκτισε n’indique pas une création, voir col. 1484), il ne s’ensui­ vrait pas encore qu’il s’agit de la sagesse incarnée; voir l’interprétation de Bossuet, acceptée de nos jours par Hurter, Theologlæ dogmatics, compendium,^ ii, 1 n. 144, et par Pcsch, DeDeo uno,De Deo trino, n. 472; mais, en acceptant qu’il soit ici question de la sagesse Incarnée, il resterait encore à démontrer que la priorité accordée au Christ est une priorité de causalité, alors que le texte pourrait très bien s’intrepréter d’une priorité d’excellence; enfin, en acceptant, sans le concéder, qu’il s’agisse ici d’une priorité de causalité, Il ne résulte pas du texte que cette causalité regarde toutes les voles de Dieu; on pourrait encore l’entendre des voles de la réparation et de la restauration de l’homme après le péché. Quant aux textes de saint Paul, ni l’Épttrc aux Colossicus, ni celle aux Éphéilens ne sont d’un véritable secours aux scotistcs. Les versets 15-17 de l’Épitrc aux Colossicns ne sc rappor­ tent pas au Verbe incarné, mais au Verbe; considéré dans sa seule divinité ; le texte relatif au Verbe incarné ne commence qu’au verset 18, où le Christ est désigné comme le premier-né d’entre les morts. Tout l’argu­ ment croule donc par sa base. Ce texte de saint Paul, se rapportant à Dieu le Verbe, puis au Verbe Incarné, est un exemple de communication des idiomes. Voir Hypostatique (Union), col. 444. Ainsi, il ne faut pas indûment attribuer la primauté absolue du Verbe, • en qui, par qui et pour qui tout a été fait, > à l’huma­ nité que le Verbe s’est unie. De la sorte, nous ne ferons pas dire à l’Écriture que, purement et simple­ 1500 ment, « tout a été créé pour le Christ ■, alors qu’elle dit : «Tout a été créé pour le Verbe. » Schwalm, op, cil., p. 49-50. Quant à l’argument basé sur la récapi­ tulation, il pèche lui aussi par la base, le mot άνακεφαλαιώσασΟαι n’ayant pas, dans le texte de Paul, le sens qu’on lui prête. Toutefois, même avec ce sens, la restauration des créatures dans l’état primitif par le Christ n’implique pas nécessairement que l’état de grâce primitif ait été constitué par Dieu dans le Christ. Enfin, Heb., ni, 10, ne démontre pas la thèse scotiste si on lit consummare, texte reçu et légitime. Voir col. 1486. Si l’on veut lire consummari et rapporter ce mot au Verbe incarné, on n’aboutit pas à un meilleur résultat ; car s’il est possible de dire que toutes choses sont pour (propter quem) le Verbe incarné, il est plus difficile d’accorder que toutes choses sont par (per quem) le Verbe incarné, du moins dans ce texte de Paul. On ne fait d’ailleurs aucunedifficulté d’admettre que le Verbe incarné doive être dit cause finale do toutes choses, tout en affirmant que, sans le péché, le Verbe ne sc serait pas incarné. Voir plus loin. Sur le sens littéral des textes scripturaires invoqués par l’école scotiste, voir col. 1486 sq. — b. Les textes des Pères ne prouvent pas non plus ce qu’on veut leur faire signifier. Sur plusieurs points, ce sont de simples opinions personnelles, sans portée dogmatique. On a déjà rappelé, d’ailleurs, qu’aucun texte ne dit explici­ tement que si l’homme n’avait pas péché, le Verbe ne se serait pas incarné. On fait observer ensuite que le sens accommodat ice proposé par certains Pères, et d’après lequel toutes choses auraient été créées dans le Christ, formées ù l’exemplaire du Christ, s’explique fort bien par le but poursuivi par les Pères dans leurs discussions. Il s’agit presque toujours de prouver la divinité du Verbe, attaquée par l’arianisme et les erreurs qui procèdent de cette hérésie. Il faut en dire autant de leur exégèse de PrOV.J vin, 22. l·»9 exégèse des Pères ne nous lie pas, s’ils n’entendent pas donner par là le sens traditionnel, et dogmatique reçu par l’Église. D’ailleurs, c’est en expliquant les livres sapientiaux que certains Pères; saint Athanasc et saint Cyrille par exemple, ont proposé la doctrine contraire au scotisme. Ainsi, sans même les discuter à fond, pouvons-nous ne pas nous inquiéter outre mesure des déductions que les scotistcs pensent tirer de certaines interprétations patristlqucs de la sainte Écriture. Il n’est pas difficile d’ailleurs de constater que même l’opinion adverse s’accommode facilement de la plu­ part des affirmations que les scotistcs relèvent en faveur de leur opinion : elle accepte volontiers, par exemple, que l’homme ait été créé à l’image du Christ, que le Christ ait été préfiguré dans l’état d’innocence, qu’Adam encore innocent ait connu et prophétisé le mystère de l’incarnation, sans en connaître le motif, volrSum. theol., I a. 7, que la prédestination du Christ ait existé de toute éternité et ait été le prin­ cipe et l’exemplaire de notre prédestination, qu’en un mot soit due au Christ la primauté absolue, encore que sa primauté ne s’affirme pas de la même façon par rapport aux anges et par rapport aux hommes. Quel­ ques textes plus explicites des Pères relativement à la priorité de la prédestination du Christ sur la nôtre sont ù interpréter d’après le contexte et selon le but poursuivi par leurs auteurs. Tertulllcn, affirmant que l’homme fut créé à l’image du Christ, sc souvenait sim­ plement de l'étemelle prescience de Dieu, par laquelle il était possible au créateur de former le premier homme à l’image du Christ futur. Cf. Théodorct, Quxst. In Gen.; c. i, q. xix, P. G., t. exxx, col. 102, Cyrille d’Alexandrie, rappelant l’impiété qu’il y au­ rait à soutenir que le Christ est pour nous et non pas nous pour lui, entendait simplement réfuter l’hérésie arienne qui présentait le Verbe comme un instrument 1501 INCARNATION de la divinité dans la création du monde. Voir, contre l’évêque Jacques Naclant, O. P. Enarrationes (n Epist. ad Eph., c. i, sect, n, p. i, Digressio de praedes­ tinatione Christi, Lyon, 1657, l’explication de ces textes et des textes similaires, dans Thomassln, De incarnatione, 1. H, c. vî. Enfin, il faut observer relati­ vement aux textes où la.subordination de l’incarnation à la rédemption est explicitement affirmée, voir col. 1489 sq., que les scotistcs éludent la difficulté par une addition â la pensée des Pères, laquelle est toute gratuite et sans fondement. Les Pères, disent-ils, auraient parlé de l’incarnation du Verbe dans une chair passible et mortelle. Or, cette restriction n’existe pas plus dans l’Écriture que chez les Pères; nous n’avons donc pas le droit de la leur prêter. Quant aux Pères qui ont pu parler de chair passible, if resterait à déterminer si leur but n’était pas de réfuter l’erreur docèteougalanite. Voir ces mots.—c) Quant aux argu­ ments de raison théologique, leur réfutation par l’école adverse fut précisément l’occasion du progrès théolo­ gique dans l’exposé de l’opinion contraire, qu’il nous faut maintenant décrire. 2. Opinion affirmant la subordination de Γ incarnation à la rédemption. — a) Comment se présente cette opinion au XIII· siècle? — L’autorité peu considérable de Rupert de Deutz et d’Ilonoré d’Autun n’est pas suffi­ sante pour qu’on puisse affirmer que l’opinion plus tard défendue par Scot était, avant saint Thomas et saint Bonaventure, l’opinion e traditionnelle. > En réalité, la question précise de la cause finale de l’incar­ nation n’avait pas été posée avant Alexandre de Halés et Albert le Grand. Les affirmations de l’Écriturc, l’autorité des Pères, relativement à la subordi­ nation de l’incarnation à la rédemption ne consti­ tuaient pas, à proprement parler, une doctrine nette­ ment formulée dans le sens que saint Thomas devait préciser et faire accepter par un grand nombre de théologiens;néanmoins c’est la base solide sur laquelle l’opinion opposée au scotisme s’appuiera désonnais, une fols proposée par l’angélique docteur. En pareille matière, l’argument fondamental sur lequel les dis­ ciples de saint Thomas après saint Thomas lui-même reviendront sans cesse, sera celui-ci : « Les choses qui ne proviennent que de la volonté de Dieu et ne sont pas ducs à la créature, ne peuvent nous être connues que d’après les saintes Écritures, qui nous manifestent la volonté divine. Par conséquent, puisque, dans l’Écri­ ture, la raison de i’incamation est partout tirée du pêché du premier homme, il est plus convenable de dire que Dieu a ordonné l’œuvre de l’incarnation au remède du péché, en sorte que, si le péché n’avait pas été commis, l’incarnation n’aurait pas eu lieu. · Sum. theol., III·, q. i, a. 3. C’est donc parce qu’elle relève des affirmations explicites de l’Écriture que l’opinion que devait défendre saint Thomas, pourrait, ù plus juste titre peut-être que l’opinion de Rupert et de Scot, revendiquer le litre de traditionnelle. En réalité cependant, il faut reconnaître qu’au moment où il sc posa, le problème était tout scolastique; tel il est demeuré, et tout le progrès de l’opinion thomiste con­ sistera à ordonner et justifier les différentes assertions de l’angélique docteur, dans l’hypothèse de la dépen­ dance de l’incarnation par rapport ù la rédemption. - - b) S. Bonaventure.— Il ne tranche pas le débat : il lui parait simplement que la principale raison de l’incar­ nation a été la rédemption du genre humain. Il rap­ porte les deux opinions catholiques. Des deux, demande-t-il, laquelle est la plus vraie? Celui-là seul qui a daigné s’incarner pour nous le saurait dire. On ne peut guère préférer l'une à l’autre, l’une et l’autre, étant acceptée par l’enseignement catholique et pro­ fessée par des maîtres catholiques; l’une et l’autre excitant notre âme à la dévotion, chacune selon une 1502 considération différente : videtur autem primus modus (celui qu’embrasseront plus tard les scotistes> magis consonare judicio rationis; secundus tamen, ut apparet, plus consonat pietati fidet : gula auctoritatibus sanc­ torum et sacræ Scriptune magis concordat. In I V Sent., dist. I, a. 2, q. n. Le docteur séraphique admet con­ séquemment que le Christ ne donne pas aux anges le premier mouvement essentiel de la grâce et la gloire. Ibid., ad 4®». Mais la prédestination du Christ demeure voulue par Dieu avant toute autre chose, à cause de la prescience de la chute, ibid., ad 5°™; et la primauté du Christ doit s’affirmer en ce sens que le Christ, même considéré dans sa nature humaine, est chef des hommes, parce que les membres du corps mystique du Christ ne peuvent avoir la grâce que par la foi à l’incarna­ tion, dist. XIII, a. 2, q. i, 3®; bien plus, les anges et les hommes, dans la gloire, puiseront dans le Christ tout ce qu’ils auront de gloire. Sermo de corpore Chri­ sti, η. 31, Opera, Quaracchi, t. v, p. 563. —c) S. Tho­ mas. — Dans le Commentaire sur les Sentences, ouvrage de jeunesse, 1. Ill, dlst. I, saint Thomas d’Aquin parle presque comme saint Bonaventure : il repré­ sente l’opinion contraire à celle qu’enseignait son maître Albert le Grand comme une opinion probable, parce que fondée sur les affirmations de l’Écriture et des Pères. Dans la Somme théologique, la pensée de saint Thomas est plus nettement formulée, IIIs, q. i, a. 3.11 est plus probable que le Verbe ne serait pas incarné si l’homme n’avait pas péché. Voir col. 1480. Cette conception ne diminue pas la primauté du Christ : la prédestination du Christ demeure la cause de notre prédestination, en ce sens que, con­ sidérée dans tout l'enchaînement de causes qui aboutit à notre salut, notre prédestination doit être modelée sur celle du Christ : la filiation naturelle du Christ étant le modèle de notre filiation adoptive, et la grâce par laquelle nous devenons enfants adoptifs de Dieu étant une dérivation de la grâce du Christ. Sum. theol., III·, q. xxjii, a. 3, 4. Le Christ, considéré même dans sa nature humaine, est le chef de l’Église, des hommes qui, rachetés par lui, tiennent leur vie surnaturelle de lui-même; des anges sur lesquels se répand quelque chose de la plénitude de grâces du Christ. Voir q. vin, et De veritate, q. xxix, a. 7. Enfin, l’incarnation demeure la fin à laquelle tout est ordonné dans la création, ainsi que les théologiens de Salamanque ont cru le trouver dans deux passages de saint Tho­ mas. Sum. theol., III\q. xxin, a. 3, 4, et In IV Sent., 1. IV, dist. XLVL1I. q. n, a. 1; ou tout au moins des merveilles de l’ordre surnaturel* Cont. gentes, L IV, c. xxvu. — c) Les explications de Γécole thomiste. — Toutes ces affirmations nécessitent une coordination d’idées. 11 faut, en effet, concilier ces deux doctrines, le Verbe ne s’est incarné qu’à l’occasion du péché: et cependant l’incarnation demeure la cause exem­ plaire, efficiente et finale de notre prédestination. Cajétan, dans son Commentaire sur la Somme théolo­ gique, III·, q. i, a. 3, pose deux principes de solution : a. Il établit quelle prescience est requise en Dieu par la prédestination du Verbe incarné, et par là, Il répond d’avance aux critiques injustifiées de quelques dis­ ciples moins fidèles de l’angélique docteur, voir Tolet, op. cit., q. ï, a. 3,3· conclusio, relativement à la pré­ tendue impossibilité de concilier, sans la science moyenne, la doctrine thomiste de la prédestination avant toute prévision des mérites et des démérites, avec la solution présente de saint Thomas dans la question du motif de I’incamation. b. Il distingue 1’ordre de conséquence matérielle, de l’ordre de eau salité proprement dit, et ainsi établit dans le cas pré­ sent que si Dieu veut la priorité, dans l’ordre de consé­ quence matérielle, du péché sur l’incarnation, il ne s’agit pas d’une priorité de causalité réelle, le péché 1503 INCARNATION notant que Γoccasion de l'incarnation. Dieu, permet­ tant le pèche, a voulu que celui-ci se produisit avant l’incarnation; mais, dans l’ordre des réalisations divines, le péché n’est pas pour autant la cause de l’incarnation. Et ainsi la première des difficultés soulevées par les scotistcs a trouvé sa solution. A cette remarque fondamentale, Gonct ct les Salman licenses ajoutent une distinction féconde; Scot reproche â tort à l’opinion thomiste de prétendre que le Christ est pour nous et non pas nous pour lui. Il faut, en eflet, introduire ici une distinction formulée par le docteur angélique lui-même, in IV Sent., 1. II, disL XV, q. I, a. 1, ad 6 entre la finis qui ou cujus gratia, et la finis cui. La première est la fin, le bien que l’on recherche en agissant, la seconde est la personne a qui profite l’action. En affirmant que le motif de l’incar­ nation est le salut des hommes, la gloire divine pro­ curée par ce salut est la fin qui est recherchée par Dieu, ct vers laquelle tout est ordonné dans l’œuvre de notre rachat ; l’homme n’est que la fin ù qui ce salut profite. Bien plus, en considérant la fin, non pas du côté de Dieu qui ne peut vouloir que sa gloire, mais du côté des œuvres qui s’enchaînent les unes aux autres les moins parfaites étant ordonnées vers les plus parfaites, il faut dire que la gloire du Verbe incarné est la fin de toutes les œuvres de Dieu, ct principalement de notre justification, cf. concile de Trente, sess. VI, c. vu, Denzinger-Bannwart, n. 799, Dieu ayant voulu d’un l seul acte tout ce qu’il prévoyait devoir exister dans l’ordre présent, le péché y compris ct par suite le rédempteur. Gonct, op. cit., disp. V, § G; Salmantlccnscs, op. cil., disp. II, dub. i, n. 7 sq. Ces derniers mots rappellent une troisième précision formulée par Gonct, loc. cil., § 3, n. 19, et, avant lui, par Molina, in /·» part. Sum. S. Thomæ, q. xxjii, a. 4,5, De causa prædestinationis, m. vu : l’ordre de priorité et de pos­ tériorité ne se trouve pas dans le vouloir divin, mais dans les choses voulues par Dieu. L’ordre est donc à placer non pas entre les vouloirs divins, le vouloir étant unique et portant sur tout l’ordre des événe­ ments prévus, ct décrétés par Dieu, mais entre les objets voulus par Dieu. Par là, la raison fondamentale de Scot pèche par la base, puisqu’elle repose sur l’ordre des vouloirs divins, considérés en eux-mêmes. Or, il n’est pas Inconvenant que, du côté des événe­ ments voulus, le péché ait sur l’incarnation une simple priorité d’occasion, et l’homme sur le Christ une prio­ rité dans l’ordre de cause matérielle, c’est-à-dire de fin, à qui doit profiter le salut apporté par le Verbe incarné. Une dernière remarque, commune à tous les théologiens thomistes, concerne les textes de l’Écri­ ture qui semblent assigner, en outre de la rédemption des hommes, d’autres buts à l’incarnation : notre enseignement ct notre éducation dans la vie chré­ tienne, Tit. n, 11-12; notre gloire, I Cor., n, 7; l’exem­ ple de la pratique des vertus, Joa., xni, 15; la prédi­ cation de la vérité, ibid., xvin, 37. Saint Thomas lui même, loc. cil., ad lofait remarquer que toutes ces causes se rapportent au remède du péché. Peut-être chacun de ces motifs eût été à lui seul suffisant pour provoquer l’incarnation, mais parce que tous furent envisagés par Dieu sous l’aspect très particulier du remède au péché, il faut énergiquement maintenir que seule la rédemption du genre humain est le motif déterminant de la venue du Verbe dans la chair. Cf. Salmanticenses, loc. cil., n. 41. —· d) I^s réponses des théologiens thomistes aux difficultés proposées par Γ école scotiste. Voir col. 1196. — La solution des difficultés soulevées par les scotistcs semble, à la suite de ces explications, s’offrir d’cllc-mème : a. Le péché n’est pas la cause, mais l’occasion de l’incarnation, ct l’hy­ pothèse, qu’un bien considérable comme l'incarnation toit occasionné par un moindre bien, la réparation du 1504 péché, n’offre pas d’inconvénient aux regards des exi­ gences de la raison. Voir S. Thomas, Sum. thcol., Ill·, q. i, a. 3, ad 3‘»n. Le Christ ne doit rien au pêché; toute son existence et sa perfection, occasionnées sans doute · par le péché à réparer, son t ordonnées à la gloire de Dieu, ct la gloire de Dieu manifestée par la réparation du genre humain est la raison dernière de l’incarnation. Le péché reste un mal, meme vis-à-vis du Christ, et si l’Église chante /elix culpa, c’est uniquement en raison du grand bien dont cette faute, toujours en soi regrettable, a été l’occasion. Même dans l’opinion tho­ miste, le Christ garde la primauté que lui reconnaît l’Écriture; certains se contentent d’affirmer une pri­ mauté d’excellence; mais d’autres n’hésitent pas à reconnaître au Christ une primauté dans l’ordre d’intcntiçn ct de causalité. Cf. Gonct, op. cil., § 5, 6; Jean de Saint-Thomas, De incarnatione, q. i, disp. Ill, a. 2, concl. 4. Notons toutefois une légère différence de conception entre thomistes; les uns, comme Jean de Saint-Thomas, qui suit en cela Cajétan, supposent qu’avant le décret efficace de la prédesti nation du Christ, il faut supposer en Dieu le décret relatif à la providence générale qui détermine l’exis­ tence de l’ordre de la nature ct de celui de la grâce dans les créatures raisonnables. La priorité n’appar tient au Christ qu’au moment où, le péché étant prévu par Dieu, commence 1’ordrc de la prédestination des créatures; c’est ici seulement que la priorité appar­ tient, dans l'intention ct la causalité, au Christ. D’autres, Gonct, loc. cil., à cause de la simplicité de l’acte divin, concèdent que Dieu, d’un seul décret englobant la prévision du péché ct sa réparation par l’incarnation, a tout ordonné, même la création, au Verbe fait homme. Cette dcmlèrc conception parait plus logique ct répond mieux à la dignité du Verbe incarné; elle donne une solution ù la difficulté sco­ tiste sans réplique. < Dans l’ordre de l’intention ct de la causalité finale, le Christ est le premier en vue, puis la création, la gloire, la justification, la permission du péché, bien que ce soit l’inverse dans 1’ordrc de l’exé­ cution ct de la causalité matérielle. Sans le péché, point d’incarnation; mais le péché prévu ct l’incar­ nation décrétée pour réparer le péché, tout est ordonné à ce Christ-roi, tout est orienté vers lui, et Jésus est ainsi ct nécessairement le centre et la fin de toute la création. ■ Hugon, op. cil., p. 75. Quant à la grâce du premier homme encore innocent, les thomistes con­ fessent qu’elle échappait à l’influence de l’incarnation, sauf peut-être en ce qui concerne la foi en ce mystère, imparfaitement révélé à Adam innocent; si l’Église s’étend à Adam innocent, il faut dire Quant aux conséquences que les scotistcs prétendent tirer de leur système, les unes ne leur sont pas particulières et se rencontrent tout aussi bien dans le système thomiste» par exemple, la gloire « plus grande » du Christ ct celle de sa divine mère : < La bonté divine éclate bien plus dans l’ordre de l’incar­ nation rédemptrice que dans l’hypothèse d’une incar­ nation purement glorificatricc, puisque la gratuité ■ de la gloire s’y double de la gratuité du pardon· La 1 toute-puissance y déborde vraiment; d’un plus grand mal Dieu tire l’occasion d’un plus grand bien· Là où le mal abondait, la grâce a surabondé, Rom., v, 28. » Schwalm, op. ci/., p. 53-54. D autres conséquences leur sont propres, mais condamnent précisément leur opinion : telle, par exemple, celle qui consiste à enlever à l’âme de Marie la dette prochaine du péché originel. Bien que certains théologiens considèrent que l’on peut en regard de la doctrine catholique de la rédemption universelle par le Christ, soutenir que Marie n’avait contracté, par sa conception, qu’une dette éloignée du péché originel, on estime généralement, surtout après la bulle Ineffabilis, que cette opinion est moins pro­ bable, ct quelques-uns vont même jusqu’à la déclarer Insoutenable,si l’on veut cxpllqucrcommcnt la vierge Mario fut rachetée d'une façon plus sublime par le Christ* Voir Immaculée conception, col. 1073 sq. D'ailleurs, Scot n’avait pas tiré cette conclusion de sa doctrine, lui qui professait que « Marie a eu besoin du rédempteur pour la préserver du péché, o In IV Sen/., J. III, dist. III, q.i, § S/au/em. Voir, sur ce point spé­ cial, De Lugo, De incarnatione, disp. Vil, sect, in-rv. 3. Remarque ct conclusion. — a) Remarque. — Dans sa controverse avec le P. Chrysostome au sujet du motif de l’incarnation, le R. P. Galticr, tout en main­ tenant que, sans le péché, le Verbe ne se serait pas incarné, a tenté la conciliation de l’opinion moyenne de Suarez et de l’opinion thomiste : < Puisqu’il nous plaît de rechercher le motif intégral ct dernier de l'incarnation clic-même, reconnaissons sa complexité. Il comprend à la fois la réhabilitation de l’homme et la perfection du Christ. De cette fin totale poursuivie par Dieu l’une et l’autre partie sont essentielles, mais la seconde l’emporte sur la première en excellence. Pas d’antériorité proprement dite : la création, la permission du péché, la restauration du genre humain, l’incarnation ont été voulues en même temps; mais, coordination harmonieuse, Adam doit nu Christ d’avoir été voulu malgré sa chute; le Christ n été voulu pour l’humanité, mais surtout pour lui-même ; sans le péché d’Adam, pas de Christ; mais sans le Christ à venir pas de monde avec le péché, o Nouvelle revue théolo­ gique, 1911, p. 111. Bien que l’auteur se défende de vouloir suivre Suarez, c’est, en réalité, ù Suarez qu’ilI s’attache en mettant sur le même plan le double motif, réhabilitation de l'homme, perfection du Christ, qu’il appelle le motif « intégral ■ de l’incaniatlon. C’est, ù notre avis, confondre les deux sortes de fins, la fin eufus grajla, ct la fin cui. Les thomistes, en faisant cette distinction, ont remis à leur vraie place, dans le plan divin, ct la perfection du Christ ct futilité de l’homme ; < De l’opinion dite moyenne (de Suarez), écrit le P. Ilugon ( en faisant allusion aux articles du P. Galticr) il ne faudrait pas rapprocher — comme on l’a fait parfois ct tout récemment encore ·— la théorie de Cajétan, de Gonct, des Sahnanticenscs, etc. Tous ces théologiens enseignent énergiquement, à l’encontre de Suarez, que le motif unique de l’incar­ nation est la rédempt ion du monde, que sans la chute, le Verbe ne serait point venu parmi nous; enfin, que pour les anges et pour nos premiers parents dans l’état d’innocence, la grâce ct la gloire essentielles n'émanent pas du Verbe incarné. Ils s'attachent, d’autre part, ù DXCT. DE TÉnOI CAT11OI·. 1506 montrer que, même dans cette théorie, le Christ peut être appelé, en un sens légitime, le centre de la création et le premier-né de tous les prédestinés, » Op. ci/., p. 74-75. b j Conclusion.—Notre conclusion sera la conclusion si prudente de saint Bonaventure. Voir col. 1301. Au point de vue de la raison,l’opinion scotiste semble plus satisfaisante; mais au point de vue de la foi fondée sur la révélation, l’autre opinion semble s’imposer. Théologiquement, la première a l’argument de l’auto rité de théologiens considérables ct de la raison théo­ logique; mais la seconde repose sur l’autorité plus forte de l’Ecriture ct des Pères. Sans prendre parti pour aucune des deux opinions, on doit dire que celle de Scot est probable ct que celle de saint Thomas est plus probable. S. Thomas, Sum. fheol.,IH*, q. T, n. 3; In IV Sent., dist. i. q. J, n. 3; Capréolus, In IV Sent., 1. Ill, dist. I. q. unie., 1. a; Cajétan, In Sum. theol. S. Thoma9 loc. e(L; Jean de Saint-Thomas, De incarnatione, disp. III; SalmanUcensrs, Ibid., disp. 11 ;Billunrt,disp· III; Gonct, disp. V; Tolet, In Sum. theol. S. Thomae, loc. ctt. ; Vasquez.De incarnatione, disp. X ; De Lugo. Ibid. ,dhp. V11, Legrand, i b id., dissert. V11, c. m ; Thomassin· op. cit., L I,c. v-xi. etc. Les auteurs sco­ tistcs ont déjà été cités nu cours de l'article. On lira avec profit In dissertation, dans le sens thomiste, du P. Hilaiie de Paris, capucin. Cur Deus homo, Lyon, 1867, et les ouvrages, dans le sens scotbte, du P. Chrysostome, Christus, alpha ct oméga, Lille, 1910, ct surtout. Le motif de Γincarnation ct les thomistes contemporains. Tours, 1921. où se trouvent reproduites les controverses que l'auteur a soutenues, dan* les Études franciscaines, avec le B. P. Ilugon, O. P.» dans Revue thomiste, 1913, p. 276 sq.. Le motif de V incarnation, article reproduit dans Le mystere de Γ incarnation, Paris, 1913, c. v, ct avec le H. P. Galticr, S. J., Nouvelle revue théologique, 1911, p. 44-57 ; 104, Le vrai motif de Γincarna­ tion. 4. Questions subsidiaires. — A l’occasion du motif de l'incarnation, les théologiens agitent quelques ques­ tions subsidiaires qu’on ne fera qu’Cnumerer. — aj L'universalité de la redemption nous oblige à admett re, comme une vérité au moins théologiquement certaine, que le Christ est venu effacer tous les péchés, aussi bien les péchés actuels des hommes, que le péché ori­ ginel, commun à toute la nature humaine considérée dans chacun des descendants d’Adam, Cf. I Joa., i, 7 ; n, 2; Hcb.,i, 3. Voir Rédemption.—b) Rest égale­ ment certain que le Christ est venu sur terre princi­ palement à cause du péché originel; car, si le péché actuel ct mortel est, en soi, plus grave que le péché originel, considéré comme faute de la nature, le péché originel est cependant un mal plus universel ct plus profond, puisqu'il a corrompu la nature humaine· tout entière, que Dieu avait constituéedans l’état de justice ct de rectitude. Voir la doctrine de saint Paul sur j l'antithèse du Christ ct d’Adam, Rom., v. Cf. S. Tho­ mas, Sum. thcol., IIP, q. 1, a. 4, ct tous les commen­ tateurs. — c) Donc, si, par impossible, le péché ori­ ginel seul eût existé, sans aucun péché actuel, le Verbe, d’après l'opinion commune des théologiens même thomistes, sc serait néanmoins Incarné. On ne cite, sur cette doctrine communément admise, que deux ou trois noms d’opposants, Cabrera, Nazario, Godoy; cf. Gonct, toc. cil., n. 71; Sahnanticenscs, De im ama­ tione, disp. II, dub. ni. § 3. — d) Mais, dans i hypo­ thèse où le péché originel n’existerait pas et que seuls les péchés actuels auraient été commis, la plupart des thomistes, avec Gonct, loc. cit., n. 75, ct les théologiens de Salamanque, loc. cit., dub. xv, voir les noms d'au­ teurs cités, n* 67, soutiennent qu’il n’y aurait pas eu d’incarnation, en vertu du décre divin actuel. Et ils appuient leur argumentation wur cette raison do saint Thomas : ■ Partout dans Γ Écriture, le motif tio l’incarnation est tiré du péché du premier homme; » I donc, sans ce pêché, il n’y aurait pas eu d’incarnation. VII — 48 1507 INCARNA TION Cette raison théologique, dltl c P. Hu gon, est tn's plau­ sible. Partout où fait défaut le motif capital, fonda­ mental, l’effet est nécessairement arrêté; il y aurait violation évidente du principe de finalité si une œuvre sc produisait lors même que le motif principal aurait manqué. · Op, cil., p. 9G-97. Dans ’hypothèse sou­ levée, que sc serait-il produit? La théologie reste muette et s’en remet à la miséricorde divine. Mais l’opinion adverse a scs partisans. Citons Suarez, De incarnatione, disp. V, sect, vi; Grégoire de Valenda, ibid., p. VI; Granados, ibid., tr. Ill, disp. II, conci. 2·; De Lugo, iéûf.,dlsp. VI I, sect, v, η. 63, etc. VI. Cause efficiente. — Dans l’incarnation il importe de distinguer le principe actif qui produit l’union de l’humanité au Verbe, du principe formel, ou du tonne auquel aboutit cette union. Autre chose, en effet, est de produire l’humanité sainte de JésusChrist et de l’unir au Verbe, autre chose est de retenir dans l’être divin l’humanité sans subsistence propre. Ce dernier aspect de l’incarnation est propre au Verbe, et c’est de ce chef que seul des trois personnes divines le λ’θΓ1>ο doit être dit incarné. Mais le premier aspect marque l’action commune aux trois personnes dans l’œuvre de l’incarnation : c’est l’aspect de la causalité efficiente. Toutefois comme la causalité efficiente peut être considérée soit dans l’ordre de la cause principale, soit dans l’ordre de la cause instrumentale, on devra étudier ici ce double point de vue. 10 Cause efficiente principale. — 1. Les trois personnes de la sainte Trinité, par leur action commune, sont la cause efficiente de T incarnation. — Cette assertion, qui est de foi, repose : 1. Sur la sainte Écriture, qui rapporte à Dieu, sans distinction de personne (sauf les cas d’appropriation, voir plus loin), l’œuvre de l’incar­ nation, Joa., in, 17; Rom., vin, 3; Gal., iv, 1; I Joa., îv, 10; si la mission du Fils dans la chair est rapportée souvent au Père comme À son principe actif, c'est que l’écrivain inspiré veut marquer par là la libation divine selon laquelle, par voie de génération, le Verbe pro­ cède du Père. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 23962397. — 2. Sur l’autorité des Pires, notamment de saint Augustin, solus Dei Filius, quod hujus est Verbum, caro fartum est, quamvis Trinitate faciente, De Trini· tale, 1. XV, c. xi; cf. 1. I, c. iv, P. L., t. xlii, coi. 1072, 821; ei. Enchiridion, c. xxxvm, P. L., t. lxv,co1. 251 ; de saint Fulgencc : Tota Trinitas nos reconciliavit per hoc, quod solum Verbum carnem ipsa Trinitas jecit, De flde ad Petrum, e. n, n. 23, P. L., t. lxv, eoi. 760; et. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, 1. II, part., I, c. m, P. L., t. clxxvi,co1. 376 sq. — 3. Sur les décisions dogmatiques de l’Église, du XIe concile de Tolède : Incarnationem quoque hujus Filii Dei tota Trinitas operasse credenda est, quia inseparabilia sunt opera Trinitatis... missus tamen Filius, non solum a Patre, sed a Spiritu Sancio... a se ipso quoque missus accipitur, pro eo quod inseparabilis non solum voluntas, sed operatio lotius Trinitatis agnoscitur, DenzingerBannwart, n. 284,285; du IV· concile de Latran : Uni­ genitus Del Filius Jesus Christus, a tota Trinitate communiter incarnatus, Denzinger-Bunnwart, n. 128. —I. Sur la raison théologique : l’union active, c’està-dire l’opération efficace qui rive l’humanité à la personne divine, est une œuvre ad extra, voir t. ï, col. 399, et, par conséquent, commune aux trois per­ sonnes. Cf. Pierre Lombart, Sent., 1. 111, dist. I; S. Thomas, In IVSent., I, III,dist. I.q.n, a. l,ad 2«®; Sum. theol., 111·, q. m, a. 4 ; et tous les commentateurs de saint Thomas sur cet article de la Somme, notam­ ment Tolet, q. n, a. 3, et les S aimant iccnses, disp. V, dub. ï, où l’on trouvera discutées longuement plusieurs subtilités proposées sur ce sujet par quelques théo­ logiens de peu d’autorité, notamment Raconis, Antoine della Parra. Ces théologiens voudraient distinguer 1308 une œuvre active commune aux trois personnes, la création, la conception du Verbe incarné, de l’œuvre active propre au Verbe, l’assomptlon de l’humanité ou incarnation proprement dite. C’est, en réalité, con­ fondre dans l’incarnat ion la cause efficiente et la cause formelle. Voir une longue dissertation sur ce point dans Ysambert, op. cil., q. n, disp. VII, a. 2-4,2. 2. L'action commune des personnes divines, unique si on la considère du côté de Dieu, puisqu’elle s’identifie avec l’acte pur qu’est Dieu, est multiple, si on la con­ sidère dans son terme. Voir IIypostatique (Union), col. 536. En faveur de l’opinion commune des théolo­ giens qui distingue logiquement, mais non chronolo­ giquement, l’action créatrice de Γ finie raisonnable du Christ, l’action génératrice de son humanité, l’action unilive de l’humanité au Verbe, on devra consulter, en plus des auteurs indiqués, col. 536, les Salmanticenses, loc. cil., dub. n, § 2. Sur le terme total > et sur le terme < formel · de l’action divine, voir Hypostatique (Union), col. 521-525. 3. Par appropriation, Γ incarnation est dite Γoeuvre du Saint-Esprit. — Sur l’appropriation, sa légitimité, ses fondements théologiques, voir t. ï, col. 1708 sq. La sainte Écriture elle-même attribue à l’Esprit-Saint l’œuvre de l’incarnation. Luc., ï, 35; cf. Matth., ï, 20. La tradition, s’exprimant par les documents les plus vénérables, consacre cette appropriation : symbole des apôtres : qui conceptus est de Spiritu Sancto, Den· zinger-Bannwart, η. 2; cf. symbole d’Épiphane, η. 13, formule dite Fides Damasi, n. 16; symbole de NicéeConstantinople, n. 85; concile de Latran, sous Mar­ tin Ier, can. 2, n. 255; XIe concile de Tolède, n. 282; IIIe concile de Constantinople, n. 290; symbole de saint Léon IX, n. 343; IVe concile de Latran, c. ï, n. 429; profession de foi de Michel Paiéologue, au IIe concile de Lyon, n. 462; profession de fol du concile de Trente, n. 994; etc. La liturgie de l’Église a con­ sacré, elle aussi, cette appropriation, en attribuant fréquemment l’œuvre de l’incarnation du Fils de Dieu au Saint-Esprit : rappelons, entre autres exemples, l’oraison du Saint-Esprit obligatoireaux messes votives de Beata, et l’invocation des litanies du Sacré-Cœur : Coeur de Jésus formé par ΓEsprit Saint, dans le sein de la Vierge Mère. On peut se demander quelles raisons spéciales existent quant à l’attribution à l’Esprit de Dieu soit de la conception miraculeuse de la chair du Sauveur, soit de l’union de cette même chair avec le Verbe de Dieu. · Ce qui réclame cette appropriation, dit saint Thomas, Sum. theol., III·, q. xxxn, a. 1, cf. In IV Sent., 1. Ill, dist. IV, q. ï, a. 1, c’est d’abord la cause de l’incarnation envisagée du côté de Dieu. Le SaintEsprit par sa propriété personnelle est l’amour du Père et du Fils. Or, l’incarnation du Fils de Dieu dans le sein très pur de la Vierge est excellemment une œuvre d’amour : car le Sauveur a dit lui-même en son Évangile : Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. Joa.,ni, 16. Ce qui le demande encore, c’est la cause de l’incarnation, considérée du côté de la nature que le Verbe a faite sienne. En effet, nous apprenons par là que, si l’humanité du Sauveur est entrée dans sa personne, ce n’a pas été mérite de sa part, comme l’ont rêvé certains hérétiques, mais simple libéralité, bonté toute pure. N’est-ce pas au Saint-Esprit, le Don substantiel de Dieu, que l’Écrlture attribue toute grâce,suivant la parole de l’apôtre: il y a une grande diversité de grâces, mais il n'est qu'un même Esprit, 1 Cor., xu, 4. Ce qui la demande enfin, c’est l’incarnation prise du côté de son terme : car elle allait à faire de l’homme conçu par la vierge Marie, le Saint par excellence et le Fils étemel du Père. Or, la troisième personne de la Trinité n’eit-cïlc pas I l’Esprit Saint, la Sainteté hypostatique, l’Esprit de 1509 INCARNATION la sanctification? » L’opuscule anonyme sur VHuma- | nilé du Christ, attribué au docteur angélique, Opera, Farine, t. xvn, p. 185 sq., ajoute une quatrième raison, tirée de la nature du Verbe, a. 3, p. 192 : « Lc Verbe de l'homme, c’cst-à-dirc la parole intérieure par laquelle tout homme sc dit à lui-même l’objet de sa pensée, porte en lui la vivante image du Verbe éternellement conçu dans le sein du Père. C'est pourquoi saint Augus­ tin a dit : Qui peut comprendre ce qu’est notre verbe, avant qu’il se manifeste par les sons articulés de la voix, avant même que l’imagination forme en nous la ressemblance des sons, celui-là peut contempler quelque image de ce Verbe dont il est écrit : Au com­ mencement était le Verbe. Or, comme le verbe humain s’incorpore en quelque sorte dans la voix pour se révéler sensiblement aux hommes, ainsi le Verbe de Dieu s’est revêtu de notre chair afin de sc manifester nu monde. Mais c’est du souille (spiritus) de l’homme que sc forme la voix; il a donc fallu que la chair du Christ fût formée par le souffle, l’Esprit du Christ. · Cf. Terrien, La mère de Dieu, 1.1, c. n, p. 33-36. Lc P. Terrien s’appuyant sur l'autorité de saint Bona­ venture, In IV Sent., 1. Ill, dist. IV, a. 1, q. ï, concl., lequel invoque lui-même l'autorité d’Hugues de SaintVictor, complète la raison tirée de l’amour, a Ce n’est pas seulement l’immense charité de Dieu pour les hommes qu'il faut admirer dans le mystère de l’incar­ nation. Si le Fils de Dieu descend dans le sein de Marie pour y contracter avec clic un mariage indisso­ luble avec notre nature, il y vient attiré par les vertus de la divine mère, et surtout par l’amour dont brûle pour Dieu son cœur virginal. Dès lors, quoi de plus naturel que d'attribuer à 1*Amour du Fils, puisqu’il en procède, une union fondée de part et d’autre sur l'amour? w Ibid., p. 36. 2° Cause instrumentale. — Il est trop évident qu’une simple créature, ange ou homme, ne peut être cause principale efficiente de l’incarnation. La cause ne peut pas être inférieure ù l'efTct, et, pour relier la créature à la subsistence divine, H ne faut rien moins que la toutepülssancc de Dieu. Mais la théologie catholique sc pose le problème de la causalité Instrumentale vis-à-vis de l'incarnation, par rapport à une simple créature. Le problème n’est pas purement scolastique : il con­ cerne en cfTet un des titres glorieux donné parfois à la sainte Vierge par les Pères de l’Église : l'instrument de Dieu dans l’incarnation. On examinera donc la possi­ bilité d'une cause instrumentale créée dans l'œuvre de l’incarnation et l'application de la doctrine reçue à la part prise par Marie dans l’incarnation du Verbe. 1. Une créature peut-elle être cause instrumentale dans Γ incarnation? — Deux opinions partagent les théolo­ giens. Pour l’opinion affirmative, on peut citer des auteurs de première autorité, Suarez, De incarnatione, disp. X, sect. ï, n. 8; Bccanus, Summa theologiae sco­ lds tic de incarnatione, c. n, q. v, concl. 3*; Ca­ brera, In Sum. S. Thomx, III·, q. u, a. 10, disp. I, § 2; Godoy, ibid., disp. XI, η. 116, et surtout Gonel, op. cil, disp. VII, a. 4, n. 2. Les Sahnanticcnses adoptent et défendent cette opinion, op. cil,, disp. V, dub. m, n 37. Les raisons apportées par les partisans de cette opinion sont, en somme, assez faibles. Gonct ec contente de baser sa thèse sur la fragilité des raisons qu’on lui oppose, n. 8-13. Les Sahnanticcnses donnent une raison positive, à savoir la possibilité pour l’instrument d’atteindre le mode créé d’union qui existe entre le Verbe et l’humanité. Cf. Hypostatique (Union), col. 539. Sur ce mode d'union admis par les théologiens de Salamanque, voir plus loin : Causalité dispositive dans Cincarnation, Pour l’opinion négative, qui est la plus communément admise, on doit citer Contcnson, op. cil., diss. 11, c. n, spccul. ni ; Jean de Saint-Thomas, op. cit., q. n, a. 3, n. 4. tout au moins dans l’opinion 1510 de saint Thomas sur le constitutif formel de Punion hypostatique, voir ce mot, col. 526-527, et I Iypostasf , col. 415-418; Molina, In /·“ part. Sum. theol. S. Thomx, q. xlv, a. 5, disp. Il; Vasqucz, De incarnatione, disp. XXV, c. ï, et, parmi les thomistes de moindre noto­ riété, Médina, Alvarez, Philippe de la Sainte-Trinité, Cipullus, etc. Lc fondement de cette opinion parait plus solide que celui de l’opinion précédente. Une pre­ mière raison, laquelle n’est pas admise cependant par Jean de Saint-Thomas, n. 2, c’est qu'il est impossible que la vertu infinie soit portée dans un instrument créé. Une seconde raison, proposée par Jean de SaintThomas, c’est que l'instrument doit exercer une action propre préalable, dont le terme doit être reçu dans un sujet. Or, dans l'incarnation, point de sujet pour rece­ voir le terme de cette action, attendu que l’incarnation ne consiste pas dans une entité créée, mais dans la subsistance du Verbe communiquée à la créature. De même que le Verbe ne peut être atteint par l’action de la créature, ainsi ne peut-il devenir le support d’une action créée. Point de place donc dans l'incarnation pour une cause instrumentale créée. Cf. Hugon, op. cil., p. 106-107. 2. Comment la sainte Vierge a-t-elle coopéré à Ccruvrc de Cincarnation comme cause efficiente? — Apres la question spéculative de la possibilité d’une cause ins­ trumentale créée dans l’œuvre de l’incarnation, la question de fait : Marie a-t-elle été cause instrumentale dans l’incarnation, et, dans l’hypothèse d’une réponse négative, quelle fut sa coopération active? De rares théologiens, Suarez, Bccanus, loc. cit., sans oser affirmer que la très sainte Vierge fût élevée par Dieu comme ins­ trument de l’incarnation, pensent néanmoins que cette opinion, que semblent autoriser les dires de quelques Pères, cf. Suarez, n. 9, est une opinion recevable. Mais la plupart des théologiens, même ceux qui, comme Gonct, Cabréra, les Salmanticcnses, admettent théo­ riquement la possibilité d’une coopération instrumen­ tale à l'incarnation de la part d'une simple creature, refusent d’admettre qu’en fait aucune créature, pas même la vierge Marie, ait été prise par Dieu comme instrument de l’incarnation. C’est l’opinion de saint Thomas, Sum. theol., 111·, q. xxxn, a. 4; cf. q. xxxi, n. 5; q. xxxv, a. 3. Tout en négligeant les raisons tirées d’une physiologie incomplète, nous devons reconnaître avec saint Thomas que la maternité divine de Marie non seulement ne requérait pas, mais excluait positivement, une coopération à l’union hyposta­ tique elle-même. Le rôle de Marie, en cflct, consistait uniquement à fournir au Verbe la nature humaine, telle que les autres mères la donnent à leurs fils. Qu’elle ait été fécondée par l’Esprit-Saint, cela n’enlève rien à son rôle d’ordre naturel, où Marie agit, non comme cause Instrumentale, mais comme cause principale. Voir Marie. Cette nature humaine, aussitôt prise par le Verbe, de telle façon que pas même un instant elle n'a subsisté en dehors du Verbe, n’est que la matière sur laquelle s’est exercée l’action divine dans l'union hypostatique. Si la Vierge par impossible, avait dû concourir comme cause instrumentale à l’œuvre de Γincarnation, elle n’aurait plus été mère de Dieu, n’ayant plus été cause principale dans la formation de l’humanité sainte du Sauveur. Cf. Billuarl, De incarnatione, diss. V, a. 4; Billot, De Verbo incarnato, th. xlvi. V11. Cause formelle. — Au sens propre, il n’existe pas de cause formelle dans l’incarnation, car le Verbe ne joue pas, vis-à-vis de la nature humaine, le rôle d’une forme. Concevoir l’incarnation de cette façon serait tomber dans l’hérésie apollinariste et monophvsitc. Voir Hypostatique (Union), col. 469-171; Eutychès, t. v, col. 1606-1607. Toutefois, c’est dans le Verbe que se trouve la raison formelle de l'élévation 1511 INCARNATION 1512 de la nature humaine à la subsistance divine; on peut disp. VIII, a. 3, § 1 ;BIlluart, dissert. VI, a. 3; Salmandonc légitimement, dans un sens analogique, chercher licenses; mais beaucoup d’autres théologiens, en sous quel aspect la deuxième personne de la Trinité dehors de l’école thomiste, suivent également cette est la cause formelle de l’incarnation. C’est la discus­ opinion; citons, d’après Suarez, disp. XIII, sect, i, sion théologique classique de persona assumente. n. 5, Scot, In IV Sent., 1. Ill, dist. I, q. n; Durand B. Thomas, Sum. theol., III*, q. ni. Cette discussion de Saint-Pourçain, ibid., q. n ; Richard de Middletown, peut être condensée autour de deux points principaux : ibid., q. i, iv; Gabriel Biel, ibid., q. i, a. 3, dub. iv; 1· seule des trois personnes divines, le Verbe s’est Occam, ibid., q. i, auxquels il faut ajouter Suarez luiIncarné; 2· dans cette prise de possession de la nature même, loc. cit. Répondent négativement Capreolus, humaine par le Verbe, en raison du terme formel de qui ne conçoit pas qu’une subsistence absolue, parce l’assomption, les attributs divins ne sont pas contre­ qu’elle n’est pas incommunicable, puisse être le terme dits. On le voit, cette deuxième assertion ne sc confond formel de l’assomption d’une nature créée, In IV pas avec la question déjà traitée du constitutif formel Sent., 1. Ill, disk I, q. i; ct, avant lui, Alexandre do de l’union hypostatique. Voir ce mot, col. 525 sq., et Halés, Summa, III*, q. n, ni. m; q. vn, m. i, a. 3; Hypostase, col. 411 sq. S. Bonaventure, In IV Sent., 1. Ill, dist. I, a. 1, q. ni; 1· Seule des (rois personnes divines, le Verbe s'est disk V, a. 1, q. iv, qui ne reconnaissent pas en Dieu de incarné. — 1. Il appartient A la personne, ct non pas à subsistence absolue; enfin, parmi les théologiens de la nature divine, considérée comme telle, cTéleoer une l’époque moderne, principalement Vasquez, disp. nature humaine à Γunité de son hypostase. — L’assomp- XXVII, c. n. Les arguments de Vasquezsc ramènent tion de la nature humaine peut être considérée sous un à ceci : une telle union ne pourrait être dite per­ double aspect, celui du principe actif qui cause effec­ sonnelle, ct la tradition des Pères, consacrée par le tivement cette élévation de la nature humaine à X Ie concile de Tolède, insiste sur le caractère personnel l'unité de Γ hypostase divine; celui du terme auquel de l’union d’une nature créée à la divinité. Les tho­ s'achève ct se parfait cette union. Qu’on l’envisage mistes répondent qu’une telle union serait forcément soit du côté de son principe actif, soit du côté de son personnelle, quoique non immédiatement. Cf. Gonet, terme, l’assomption de l’humanité par Dieu ne peut Billuart, Suarez, loc. cil., ct, dans l’école scotiste, se faire que par la personne ct dans la personne divine. Frassen, op. cil., disp. I, n. 2, sect, n, q. n, conclus, Or, des deux côtés, il est nécessaire que cc soit la per­ unica. — c) Un troisième problème spéculatif est agité sonne qui unisse ou s’unisse la nature humaine; qui entre théologiens : chacune des trois personnes divines unisse, car la cause efficiente, c’est-à-dire le principe pourrait-elle s’incarner? C’est la même raison de per­ agissant, ne peut être qu’une hypostase : actiones sunt sonnalité, sauf les propriétés personnelles, que nous suppositorum; qui s’unisse, car le terme de l’union trouvons dans chacune des trois personnes, répond ne peut être la nature comme telle, mais l’hypostase, saint Thomas, Sum. theol., III*, q. ni, a. 5; cf. In IV l’union en nature impliquant l’hérésie monophysite. Sent., 1. Ill, disk I, q. n, a. 3; donc n’importe quelle Voir Hypostatique, (Union) col. 517. S. Thomas, personne divine peut être le terme formel de l’assompSum. theol., 11 1*, q. in, a. 1 ; In IV Sent., 1.1 II, dist. V, tion d’une nature créée. < La possibilité pour la per­ q. H, a. 1 ; ct les commentateurs à cet article de la sonne divine de s’incarner vient de son infinité. Si la Somme. Toutefois, parce que la nature en Dieu ne personnalité humaine s’épuise tout entière dans sa diffère que rationnellement delà personne, on peut la propre nature, la personne divine, elle, dont l’efficacité concevoir secondairement sous l’aspect, non de nature, est aussi grande que son amour, peut sc communiquer mais de réalité subsistante, comme le terme formel ct faire subsister une ou plusieurs substances sans de l’assomption de la nature humaine par la divinité. aller jamais au bout de sa vertu. Puisque l’infinité L’union demeurera hypostatique ct ne sera pas une convient également aux trois personnes divines, puis­ union en nature. S. Thomas, Sum. theol., loc. cit., qu’elles sont également puissantes, actives, fécondes a. 2; In IV Sent., 1. Ill, disk V, q. n, a. 2. De ces prin­ au dehors, elles pourraient prendre toutes les trois cipes, admis sans controverse par l’ensemble des théo­ (ou chacune séparément) une nature créée ct l’associer logiens, découlent plusieurs sujets de controverses, à leur vie. b Hugon, op. cil., p. 112-113. Thèse com­ dont le seul intérêt est de faire approfondir davantage mune des théologiens. — d) Les trois personnes divines la notion de l’union de Dieu à l’humanité. — a) Sup­ pourraicnt-ellcs prendre la même nature simultané­ posé qu’en Dieu n’existe pas la trinité des personnes, ment? Les thomistes tiennent pour l’affirmative, tou­ en l’absence de propriétés relatives, l’être subsistant jours en raison du même principe : la puissance, l’infi­ que serait ce Dieu constituerait encore un Dieu nité conviennent également à chacune des trois per­ personnel; c’est le Dieu du judaïsme et de tous ceux sonnes ct par rapport au même objet : cc que l’une qui, concevant l’existence d’un Etre suprême, n’ont d’elles réalise dans la créature, les autres peuvent lo pas la foi en la trinité des personnes. En cc Dieu per­ réaliser aussi bien. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III*, sonnel sera possible l’assomption d’une nature créée, q.ni, a. 6; In IV Sent., L III, disk I, q. n, a. 4; et tous parce que sera possible la communication à cette les commentateurs. Mais bon nombre de théologiens nature d’une subsistance personnelle. S. Thomas, appartenant à d’autres écoles suivent aussi cette In IV Sent., 1. 111, disk V, q. n, a. 3. S’il ne s’agissait opinion. Parmi les anciens théologiens, citons Alexan­ que d’un Dieu impersonnel, l’assomption de la nature dre de Halès, III*, q. il, m. iv; Guillaume d’Auxerre, humaine ne serait pas concevable. — b) Mais, tout en Summa., 1. HI, tr. 1, c. i, q. vi; Henri de Gond, Quodl., gardant la conception du Dieu de la fol catholique, 1. V, q. vu; Gabriel Biel, In IV Sent., dist. I, q. i» a. 3, personnel en trois hypostases distinctes, on peut se dub. ni, etc. Voir Suarez, op. cit., disp.XI II,seek n, demander si cc Dieu, abstraction faite par notre esprit n. 3. L'opinion négative a les faveurs de Scot ct de son de la trinité des personnes, pourrait, par sa nature école, Scot, In IV Sent., dist. I, q. ni; Richard do subsistante, commune aux trois personnes, s’unir une Middletown, ibid., a. 1, q. m ; auxquels il faut ajouter nature créée. La réponse des théologiens sur cc point De Lugo, op. cit., disp. XII, sect, vi, ct très vraisem­ n’est plus unanime : à la condition de ne pas concevoir blablement S. Anselme, Cur Deus homo, 1. II, c. îx; l’essence divine comme privée de subsistence absolue, De fide Trinitatis, c. iv, P. L., t. ceviii, col. 407, on peut, disent les thomistes à l’exception de Capréo- ' 273 sq., et S. Bonaventure, In 1V Sent., 1. Ill, disk I, lus, donner à cette question une réponse affirmative. i a. 1, q. m; sur la pensée de ces deux docteurs,voir CL S. Thomas, Sum. theol., Ill*, q. in, a. 3, ct les com­ Janssens, De Deo homine, t. x, p. 227-233. Voir mentateurs, notamment Cajétan, Gonet, op. cil., I la controverse dans Suarez, loc. cit.; Gonet, toc. cit.. 1513 INCARNATION a. 4; Rllluart, loc. cil., a. 4; Frassen, loc. cit., q. ni, concl. 1; Salman licenses, disp. VIII, dub. vi. — e) Une seule personne divine pourrait-elle prendre plu­ sieurs natures créées à la fois? Ici, la réponse afflnnaUve est unanimement soutenue par les théologiens de toutes écoles. S. Thomas, Sum. theol., III·, q. ni, a. 7; Jn IV Sent., 1. Ill, dist. I, q. n, a. 4, ct les commen­ tateurs. La seule controverse porte sur la façon dont on devrait en ce cas s’exprimer. /) D’ailleurs un nou­ veau problème spéculatif sc pose, au sujet des deux dernières hypothèses, sur la façon dont il faudrait dénommer la nature unique prise par les trois per­ sonnes ou les natures multiples prises par une ρΛ-sonne unique : On peut réduire les opinions à trois principales : a. Les thomistes enseignent communé­ ment que dans l’un ct l’autre cas on devrait parler d’un seul homme. S. Thomas, Sum. theol., III·, q. in, a. 7, ad 2uin ; a. G, ad 1 o®. b. Les scotlstes, Capréolus ct Vasquez qui n’admettent que l’hypothèse de l’incarnation d’une personne divine en plusieurs huma­ nités, enseignent qu’en ce cas on devrait parler de plusieurs hommes, c. Cajétan et Médina enseignent que les trois personnes s’unissant à la même humanité simultanément devraient être dites (rois hommes. Voir l’exposé ct la discussion de cc problème de termi­ nologie dans Suarez, loc. cit., sect, ni, n. 3 sq., dans Gonet, loc. cit., a. 5; dans Salmanlicenses, disp. VIII, dub. v, § 2; dub. vi, § 3. — g) Une demière question, laquelle ne soulève aucune controverse, puisque la réponse affirmative est en connexion étroite avec le dogme de l’incarnation, est celle-ci : une seule per­ sonne, à l’exclusion des deux autres, peut-elle s’incar­ ner? S. Thomas, Sum. theol., Ill·, q. ni, a. 4; In IV Sent., 1. Ill, q. n, a. L Si les théologiens agitent cette question préalable, c’est afin de montrer qu’il n’existe pas de contradiction entre la doctrine de la commu­ nauté d’opération ad extra entre les trois personnes ct le caractère personnel de l’incarnation du Verbe. C’est que si l’opération ad extra se rapportant à la causa­ lité efficiente, voir ci-dessus, est commune aux trois personnes, dans la prise par le Verbe de la nature humaine, il ne s’agit plus d’opération, mais de com­ munication de la subsistence propre. On trouvera plus loin la solution complète de la difficulté. — h) Enfin, une question subsidiaire est soulevée à propos de tous ces problèmes, laquelle montre bien la subtilité de l’esprit théologique de certains auteurs. Une personne créée pourrait-elle s’unir hypostatiqueipent une nature créée? La réponse négative est commune chez les théologiens, surtout chez les thomistes : la personne créée étant finie, limitée par sa subsistence propre, ne peut s’étendre au delà d’clle-mêmc ct communiquer celte subsistence propre à une autre nature. D’autres théologiens, appartenant surtout à l’école scotlstc ct nominaliste, enseignent que, comme cause efficiente, une personne créée ne peut communiquer à une autre nature sa propre subsistence, mais que, de puissance extraordinaire de Dieu, elle peut devenir le terme formel d’une union hypostatique. Voir Suarez, op. cit., disp. XIII, sect, iv; Jean de Saint-Thomas, q. ni, disp. VI, a. 1; Gonet, loc. cit., a. G; Sahnantlccnses, disp. VIII, dub. vu,ct,dans le sens scotlstc, Frassen, loc. cit., q. iv, ct surtout Ysambcrt, op. cil., q. ni, disp. L |Sur tous ces points, voir Sahnantlccnses, De incarnatione, disp. VIII. 2. Seul des trois personnes divines, le Fils s'est incarné. — On verra à Jésus-CimisT qu’il faut recon­ naître, dans la personne du rédempteur, à la fois la divinité ct l’humanité. 11 ne s’agit donc pas de démon­ trer ici que le Verbe incarné est Dieu ct homme tout ensemble; mais, ne considérant l'incarnation que dans la personne divine qui s’est uni l’humanité, on veut établir que cette personne est celle du Verbe, à l’exclu- 1514 sion des personnes du Père ct du Saint-E'prit. Même sous cette forme exclusive, cette vérité appartient à la révélation catholique ct à la croyance explicite de l’Église. — a) Révélation. On laisse ici délibérément de côté la révélation de ce dogme sous sa forme affir­ mative, à savoir que le Dieu incarné est partout appelé le Verbe, le Fils de Dieu, l’image du Dieu invisible, ou encore que partout on lui attribue des qualités qui ne conviennent qu’à la deuxième personne de la Trinité, par exemple, La qualité de Fils de l’homme. D’ailleurs, cc point de vue a déjà été étudié à Fils de Dieu, voir renseignement des synoptiques, t. iv, col. 2300-2395; la doctrine du Christ lui-même rap­ portée par saint Jean, touchant le Messie préexistant ct transcendant, le Fils de Dieu et sa génération divine ct éternelle, col. 2395-2397 ; la croyance de la primitive j Église attestant que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, | col. 2399, ct surtout, dans saint Paul, l’enseignement d’une personnalité distincte en Jésus, coL 2402-2403, ainsi que l’enseignement propre à saint Jean sur les mêmes sujets, col. 2404-240G. Nous ne devons nous attacher ici qu’à la forme exclusive sous laquelle la révélation de l’incarnation s’est présentée à nous, à savoir que le Dieu Incarné s’est nettement distingué du Père et du Saint-Esprit, — a. Distinction du Dieu incarné, le Verbe ou le Fils, d'avec le Père. — Cette révélation est déjà préparée pari’Ancien Testament, dans lequel le Messie futur est annoncénon seulcmient comme Dieu, Is., xxxv, 4; xl, 3, 10; cf. Marc., i, 3; Is., vu, 14 ; cf. Matth., i, 23 ; Is., îx, 6 ; xxxm, 14, mais encore comme une personne distincte, engendrée par le Père, Ps., xuv, 7, 8; cf. Heb., i, 8, 9; Ps., αχ, 1-3; cf. Matth., xxii, 42-45; Ps.,n, 7; cf. Heb., i, 5. Mais les prophéties de 1’Ancien Testament ne sont mises en lumière d’une façon complète que par les réalités du Nouveau. C’cst donc dans le Nouveau Testament qu’apparaitra en pleine lumière le dogme de l’incar­ nation du seul Verbe. — a. Les Synoptiques indiquent déjà avec netteté la différence qui sépare Jésus du Père, différence qui sans doute marque souvent l’infé­ riorité de la nature humaine par rapport à la divinité, mais qui dénotent aussi, dans la divinité, des rapports de personne à personne, du Fils au Père. Jésus prie son Père, Luc., vi, 12; x, 21; xxii, 42; xxîii, 34, 46; Marc., xiv, 3G; xv, 34; Matth., xi, 25; xxvi, 39, 42; xxvn, 4G; il est envoyé par le Père, Matth·, x, 40; Marc., ix, 36; Luc., ix, 48; x, IG; le Père lui a tout livré, c’est-à-dire lui a donné pouvoir sur tout, Matth., I xi, 27; cf. xxvni, 18; Luc., x, 22; le Père lui a confié tous ses secrets; seul, il connaît le Père, de même qu’il est connu de lui seul, Matth., xi, 27. Dans ces textes, où le Fils est nommé d’une façon absolue comme le Père et où les deux noms sont pour ainsi dire juxta­ posés, les rapports éternels de filiation et de paternité semblent être mis expressément en relief. Voir Lcbreton, op. cit., p. 245. Dernière remarque : si les expres­ sions : Fils de Dieu, Fils de l’homme, par elles mêmes ne peuvent s’appliquer à une autre personne qu’à la personne du Verbe, lorsqu’elles concernent le Dieu incarné, l’exclusion du Père (comme celle de l’Esprit), s’afflnnc plus explicitement encore lorsque le Dieu incarné est dit le « Fils du Père, » Matth., xi, 27; xn, 50; xv, 13; xvi, 16; cf. Luc., n, 49, ct Matth., ni, 17 ; XMi, 5; Marc., îx, 6; Luc., ni, 22; îx, 35; cf. Joa., V, 37; vi, 27. — β. Dans la prédication de Γ Église naissante, deux sortes tic formules nous font préciser la même vérité. Tout d’abord, les formules de doxologle et de salutation marquent une difference entre le Père ct Jésus-Christ. Dans le Nouveau Testament, la doxologie est rapportée le plus souvent à Dieu le Père, Gai., i, 4-5; Rom., xi, 36; Phil., iv, 20; 1 Tim., i, 17; vi, 16; I Pct.,v, 11; Apoc.,vn, 12; parfois cepen­ 1 dant le Christ y est mentionné, soit comme le média- 1515 INCARNA TION 1516 tour en qui le Père est glorifié, Jud., 25; Eph., ni, 21, i, 21. Toute la théologie de Paul sur le premier-né et peut-être Rom., xvi, 27, soit infinie comme celui de toute la création, sur l’image du Père appliquée qu’on glorifie, H Tim., rv, 18; II Pet., m, 18; Apoc., au Christ, montre bien à la fois la transcendance i, 6, et peut-être Heb., xn, 20-21 ct I Pet., iv, 11, soit du Christ par rapport au monde, qui n’existe que enfin comme filant uni à son Père dans la gloire ct étant par lui ct pour lui, ct, en même temps, la distinc­ avec lui l’objet du même culte. Apoc., v, 13; vu, 10. tion de Dieu le Père d’avec ce Dieu incarné. Le rachat Cf. Lebreton, op. c//., p. 268-269. On peut tirer la de l'humanité par le Christ montre dans saint Paul la même conclusion des formules de salutation, où le même distinction du Père Dieu ct du Fils Seigneur. Père et Jésus-Christ sont unis ct distingués à la fois Voir Rom., i, 3-1 ; vm, 3, 32 ; Gai., iv,4,et surtout Phil., l’un de l’autre, comme sources de grâce. Rom., i, π, 5-11· En ce dernier texte, tous les éléments const!· 7; I Cor., i, 3; Il Cor., i, 2; Gai., i, 3; Eph., i, 2; tu tifs de l’incarnation du Verbe sont nettement inarPhil., i, 2, 3; ci. II Thess., i, 2; 1 Tim., i, 2; II Tim., qués. Cf. Hypostatique (Union), col. 418. En voir i, 2; TiL, i, l; comme objets de prière, ou comme l’exégèse dans Lebreton, op. ci/., p. 320 sq. Cf. Prat, témoins de la vérité affirmée, 1 Thess., in, 11 ; Il Thess., La théologie de saint Paul, t. i, p. 438-451; Labourt, n, 16; I Tim., vi, 13; II Tim., iv, 1 ; ou encore, dans Revue biblique, 1898, p. 402-415, 553-563. L’Épitrc une formule dont le sens varie avec chaqueauteur, mais aux Hébreux, en attribuant au Christ préexistant dont la conclusion dogmatique, relative au présent les caractères du Fils de Dieu, rayonnement de sa sujet, est partout la même. 1 Thess., i, 1 ; 11 Thess., i, gloire ct empreinte de sa substance, i, 3, nous permet 1; Jac.,i, 1; II Pct.,i,2; I Joa.,i,3; II Joa.,3; Jud., d’arriver aux mêmes conclusions. Contre les interpré­ 1. Ct. Lebreton, op. c//., p. 271, 291. A cette double tations modalistcs possibles, l’auteur de l’Épitrc pro­ série de formules, il faut ajouter, surtout chez saint pose la comparaison de l’empreinte, χαρακτήρ, qui Paul, l’emploi de deux termes également divins, θεός marque plus nettement que l’image, une réalité subsi­ et κύριος, pour désigner, en les distinguant, le Père ct stante. Voir principalement au début de l’Épitrc, i, le Dieu incarné. · Pour nous, dit l’apôtre, il n’y a qu’un 8-12, les relations du Père ct du Christ. Cf. Lebreton, Dieu, le Père, de qui tout vient et pour qui nous op. cit., p. 350-352. —8. Dans saint Jean, la même doc­ sommes; il n’y a qu’un Seigneur Jésus-Christ, par qui trine est nettement affirmée dans le prologue de l’Évantout existe ct par qui nous sommes. » I Cor., vin, 5. gile : « le Verbe, qui était en Dieu ct Dieu hii-mêmc, i, 1, Encore que l’attribution du titre de Dieu au Père ct s’est fait chair et il a habité parmi nous, ct nous du titre de Seigneur au Dieu incarné ne soit pas avons Vu sa gloire, gloire comme celle qu’un fils unique absolue, voir Lebreton, op. ci/., p. 272 sq., ct Fils de reçoit de son père plein de grâce ct de vérité. » A cette Dieu, col. 2398, le texte de saint Paul aux Corinthiens pensée qui rappelle Phil., n, 5-11, s’ajoute un détail demeure cependant très précieux pour marquer une caractéristique ; Dieu le Père est présenté comme attribution qui, entrant dans les usages de ΓÉglise, l’invisible, que seul le Christ a fait connaître, i, 18; finira par être définitive. Cf. symbole de Nicée- cf. v, 37; Deut., iv, 12; vi, 46; I Joa., iv, 13; I Tim., Constantinople, Denzlngcr-Bannwart, n. 54. Voir dans vi, 16. Une fois de plus est ainsi marquée la distinc­ Lebreton, op. cit., p. 274 sq., le développement de tion du Père, auquel est rapportée par appropriation cette attribution. Dans saint Luc ct dans saint Jean, un attribut essentiel de la divinité, l’invisibilité, et Jésus-Christ est couramment appelé « le Seigneur · : du Fils, qui, par son incarnation, a rendu visible la Luc., vu, 13; x, 1, 39, 41; xi, 39; xn, 42; xm, 15; divinité. Chez saint Jean, dit le P. Lebreton, < l’idcnxvii, 5, 6; xvni, 6; xrx, 8, 34; xxn, 61; xxrv, 3, 34; tité personnelle,si fermement affirmée entre le Verbe Joa., iv, 1 ; vi, 23 ; xi, 2; xx, 2,13,18,20,25 ; xxi, 7,12. préexistant ct le Christ, ne permet pas de mettre en On trouve rarement cette appellation donnée au Christ doute la personnalité du Verbe avant l’incarnation. chez saint Marc, i, 3; xvi, 19, 20, ct saint Matthieu, Le Verbe ne devient pas Fils par son incarnation : de ni, 3, interprétation d’Is., xl, 3; plus souvent chez toute éternité, il est < le Dieu inonogènc », cf. Joa., i, saint Paul, Rom., x, 13; 1 Cor., n, 16; ci. Is., xl, 13; 14, 18; I Joa., iv, 9, qui est dans le sein du Père. » 1 Cor., x, 9; cf. Ps. xcv, 8-9; 1 Cor., x, 21 ; cf. Mal., Op. cit., p. 396-397. Mais, quand saint Jean vient à •i, 7,12; Heb., i, 10-11 ; cf. Ps., ci, 26-28. L* « invoca­ parler, au cours de son Évangile, de la révélation faite tion du nom du Seigneur, » signifiant dans ΓAncien par Jésus-Christ, les relations de Jésus ct de Dieu le Testament ct les apocryphes le culte de Jahvé, dési­ Père sont exposées avec l’emploi fréquent des termes gnant parfois dans le Nouveau Testament le culte de Père, Fils, lesquels rapprochés ct opposés l’un à l’autre Dieu le Père, est appliquée beaucoup plus souvent à montrent bien que le Dieu incarné est le Verbe, le Fils, Jésus-Christ, 1 Cor., 1, 2, 3; Il Tim., n, 22; cf. Act., ct non pas le Père. On pourrait, en effet, dans ΓÉvan­ ix, 14, 21, ou encore soit au Père soit à Jésus-Christ gile johannique, relever deux séries parallèles ct appa­ sans qu’on puisse exactement discerner lequel des remment contradictoires de textes, les uns établissant deux elle concerne. En regard de ce nom de Seigneur, l’unité du Christ avec le Père, les autres sa dépen­ fl faut placer le mot Dieu, réservé habituellement au dance du Père. En réalité, ces deux séries de textes Père, pour bien comprendre comment sous cette double I résument le mystère de l’incarnation du Verbe, Dieu appellation est nettement marqué le dogme de l’incar­ comme le Père et ne faisant qu’un avec lui dans la nation de la seule personne du Fils.—y-Danssuin/ divinité, mais du Verbe Incarnéct.comme homme,infé­ Paul, la doctrine de la filiation adoptive par Notre- rieur et soumis au Père. Le Christ vient de Dieu et Sclgneur Jésus-Christ est encore une occasion de retourne vers Dieu, vm, 42; xm, 3;xvi, 10, 16, 17,28; rapprocher Jésus de Dieu quant à sa nature divine, Dieu l’a envoyé, I Joa., iv, 9, 10; Joa., v, 37; vi, 29, tout en le distinguant en tant que personne. C’est 38, 44, 58; vm, 18, 29; x, 36; xn, 4 4, 49; xvn, 18, par le Christ que l’homme devient fils de Dieu, de là 23; xx, 21; Dieu l’a donné, lui son Fils unique, pour cette formule habituelle de salut: « Que la grâce ct la le salut du monde, ni, 16, 17, ct le 1 ils est venu au paix vous soient données par Dieu notre Père ct par le nom de son Père, v, 43, faire sa volonté, vi, 38, 39, Seigneur Jésus-Christ, » ou encore cette autre expres­ remplir la mission reçue du Père, x, 18; xn, 49; xiv, sion : « Le Dieu ct le Père de Notrc-Sclgneur Jesus- 31; pour accomplir la volonté du Père, vi, 38, 39; Christ. · Rom., xv, 6; Il (À>r„ I, 3; xi, 31 ; Eph·, i, 3; il est le pain vivant donné par le Père au monde, vi, 32; Col., I, 3. Toutefois Jésus seul est Fils propre. Rom., et le Père rend témoignage pour lui, vnt, 18; il prie le vin, 32. et les autres ne peuvent être fils de Dieu qu’à Père et lui rend grâces, xi, 41; xn, 27, 28; xiv, 16; la condition d'être incorporés au Fils premier-né, xvi, 26. Tous ces textes marquent la dépendance de image du Pire; force ct sagesse de Dieu l Cor., celui qui s’est fait homme par rapport au Père; mais 1517 INCARNATION celui-là, c’est le Verbe, qui sans doute procède du ’ Père et tient de lui tout son être ct sa perfection, mais est Dieu comme le Père. C’est lui que le Père a glorifié de toute éternité ct glorifiera encore, xvn, 5 ; qui parti­ cipe à la vie divine, v, 19-23, 2G; vi, 57; à la science divine, xvi, 30; à l’activité divine, v, 17; à la puis­ sance divine, v, 21; ù l’unité divine, x, 30; ci. vm, 28; x, 28-29; xn, 39; xiv, 6, 9, 13, 20-21; xv, 15, 2324 ; xvi, 15; xvn, 5, 21-26, etc. Ainsi sc trouve expri­ mée < cette conception si déconcertante et si divine · du Verbe incarné, par lequel nous pouvons contempler, à travers l’humanité, le Fils lui-même de Dieu, « riche de toute la science, de toute la puissance, de toute la sainteté du Père, ct dont, en même temps, l’être entier n’est que dépendance. » Lebreton, op, ciL·, p. 417. — b. Distinctiondu Dieu incarné, le Verbe ou le Fils, (Cuvée le Saint-Esprit. — La révélation du SaintEsprit, personne distincte du Verbe incarné, est moins abondamment présentée dans l’Écriture, mais clic est suffisamment explicite. On se contentera ici, pour ne pas revenir sur la matière de l’art. Esprit Saint, de relever simplement les assertions inspirées, où l’Esprit est montré comme une réalité divine dis­ tincte du Verbe incarné. C’est sous l’impulsion de l’Esprit-Saint que Jésus accomplit plusieurs démarches de sa mission. Marc., i, 12; Matth., iv, 1; Luc., iv, 2; x, 21. Il distingue les péchés commis contre le Fils del*Homme ct les péchés commis contre l’Esprit Saint. Matth., xn, 31-32; cf. Marc., m, 28-20; Luc., xn, 10. Mais les paroles les plus explicites du Sauveur con­ cernent la promesse qu’il fait à ses disciples de leur envoyer le Saint-Esprit. Marc., ix, 13-14; cf. Matth., x, 20; Luc., xn, 11-12; xxiv, 49; Act., i, 8. Déjà, chez les Synoptiques, ces promesses nous manifestent un Esprit personnel, agissant dans les apôtres par l’assis­ tance qu’il leur prête. Mais c’est surtout saint Jean qui met en relief la personnalité distincte de l’Esprit. < Je prierai le Père dit Jésus, ct il vous donnera un autre Paraclet; afin qu’il soit avec vous toujours, l’Esprit de vérité, xiv, IG. Le Paraclet, l’Esprit Saint que mon Père enverra en mon nom, c’est lui qui vous apprendra tout..., id., 2G ; Quand sera venu le Paraclet, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, celui-là rendra témoignage de moi, xv, 26;... si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous; mais si jein’cn vais, je vous renverrai, »xvi, 7.Ces textes semblent si clairs ct distinguent si nettement la personne du Fils, visi­ blement présente aux apôtres dans la chair, delà per­ sonne du Père ct du Saint-Esprit, qu’aucun doute ne semble possible. Toutefois, il faut relever la prétention de certains critiques protestants, alléguant Joa., xiv, 18, 19, pour affirmer que la venue de l’Esprit coïn­ cidera avec le retour du Christ, de telle sorte que l’Esprit Saint ne serait que le Verbe incarné, mais glorifié. Cf. Pfieidcrer, Dus Urchristcntum, seine Schri/ten undLelircn, Berlin, 1902, t. n, p. 377; Holtz­ mann, Lehr buck der neutcstamentlichcn Théologie, Fribourg-en-Brisgau, 1897, L n, p. 463. Mais lapromessede retour du Christ ne vise que sa presence en ses dis­ ciples, présence dont le monde ignorera l’action vivi­ fiante. Et il est juste de dire que cette grûcc ne sc dis­ tingue pas de la grâce promise dans la venue de l’Esprit Saint; Paul mettra bien en relief cette pro­ fonde vérité de la vie surnaturelle du chrétien, en montrant que vivre dans le Christ et vivre dans l’Esprit no sont qu’une seule ct même réalité : Gai., n, 17; cf. 1 Cor., vi, 11 ; 1 Cor., i, 2; ci. Rom., xv, IG; Eph., t, 13; cf. iv, 30; Col., n, 11; cf. Horn., il, 29; Phil., iv, 1 ; cf. i, 27; Phil., ru, 1; cf. Rom., xiv, 17; Gai., ni, 26; cf. 1 Cor., xn, 9; Rom., vin, 39; cf. Col., i, 8; voir Dclssmann, Die neutestamentliche Formel in Christo Jesu, Marbourg, 1892, p. 86 sq.; mais il ne 1518 s’ensuit pas que le Fils incarné et glorifié soit la même réalité que l’Esprit consolateur. La venue du Pero est également liée à celle du Fils. Joa., xiv, 23. C’est ici simplement, pour le Père, comme pour l’Esprit, l’affirmation de l’unité étroite qui existe entre les trois personnes de la Trinité. D’ailleurs, après sa résurrection, le Christ met en pleine lumière la dis­ tinction des personnes dans l’unité de la Trinité. Matth., xxvm, 19. Déjà, cette vérité fondamentale du christianisme avait été manifestée au baptême de Jésus. Luc., in, 21-22; Matth., ni, 16-17; Marc., 1, 10-11, et saint Paul s’en inspire manifestement dans un étroit parallélisme qui rapproche l’Esprit-Saint du Fils ct du Pérc. 1 Cor., xn, 4-6. b) Croyance explicite de Γ Église. — La manifestation de croyance explicite de la primitive Église en l’incar­ nation du seul Verbe de Dieu se trouve pour ainsi dire consignée à toutes les pages de l’histoire des origines du christianisme. Les symboles rapportent tous l'incarnation, la passion et la mort sur la croix au seul Fils de Dieu, conçu du Saint-Esprit et né de la vierge Marie. Les attestations des Pères apostoliques sont formelles : les premiers chrétiens sc groupent dans une fol unique autour du seul Jésus-Christ, qui selon la chair, par la race de David, est fils de F homme, en même temps qu’il est Fils de Dieu. S. Ignace, Ad Eph., xx, 2, Funk, op. cil., t i, p. 230; cf. Ad Smyrn., i, 1, p. 275. Si Hermas, par une conception tout à fait erronée, fait dériver la distinction du Fils de Dieu et de l’Esprit de l’incarnation, voir Hermas, t. vi, col. 2279-2280, il n en est pas moins vrai qu’il rap­ porte au Fils seul l’incarnation, puisque c’est par la chair, dont s’est revêtu l’Esprit, qu’est constitué c Fils. Sim., V, vi, 4-7, Funk, op. cit., p. 541. Voir la doctrine catholique dans VÉpttre ά Diogncte, vu, 2-4, Funk, op. cit., t. i, p. 402. Même profession de foi chez saint Justin, Dial, cum Tryphone, n. 48, 100, P. G., t. vi, col. 580,709 ; chez saint Irénée, ConL hecr., 1.I,c. x,n, 1,P. G., t. vu, col. 519. Mais déjà dans saint Irenée, 1. III, c. xi, n. 7, se manifeste la préoccu­ pation des hérésies naissantes. L’hérésie du monarchianismc, voir ce mot, mettra en pleine lumière la foi de l’Églisc touchant l’incarnation du Fils de Dieu, distinct du Père ct du Saint-Esprit. Ce n’est pas ici le lieu de faire l’historique de l’hércsie sabelliennc, voir Sabellianisme, ni de l’étudier sous la forme qui regarde directement le dogme catholique de l’incar­ nation du seul Fils, le patripasslanisme. Voir ce mot. Les hérétiques modallstes,ne distinguant les personnes divines entre clics que par les opérations extérieures de Dieu, ne concevaient pas qu’en Dieu, trois per­ sonnes réellement distinctes pussent exister. Dieu ou le Père existe seul; il devient Fils par l’incarnation; c’est donc en réalité le Père qui soutire dans la chair. Cette hérésie est autant christologique que trinitaire : elle souleva à Rome et en Afrique les protesta­ tions des docteurs catholiques. Voir Praxéas, Nobt, Tkrtuleien, Cauxtb Ier (Saint), t. ni, col. 13361338; Hyppolytb (Saint), t. ni, col. 2191-2493. Cf. Schwanc, Histoire des dogmes, trad, iranç., Paris, 1896, t. i, § 18, 19; 'Fixeront, Histoire des dogmes, La théologie anténicécnne, Paris, 1905, c. vm, § 2, 3; d’Alès, La théologie de Terlullien, Paris, 1905, p. 79 sq. ; Lu théologie de saint Hippolyte, p. 8-35. Ce qu’il importo de retenir ici de ces controverses, ce sont les defi­ nitions explicites de l’Églisc qui en ont été le résultat plus ou moins immédiat. Concile romain de 380, anat. 2; Denzlngcr-Bannwart, n. 60; ct plus explici­ tement II· concile deConstantinople, cnn. Renseignant que, dans la Trinité, unus enim Drus et Pater,.,, et units Dominus Jesus Christus...., et unus Spiritus Sanctus, n. 213; can. 3:SZ guis dicit.... non unum eumdemgue Dominum nostrum Jcsum Christum, Dei Verbum incar· 1519 INCARNATION 1520 natam, et hominem jactum..., a. s., n. 215; cnn. 4 : Si col. 411 sq., ct relève uniquement de la solution quis non confitetur... unam ejus subsistentiam, qui est apportée nux difficultés relatives Λ la distinction réelle Dominus Jesus Chris-us9 unus de sancta Trinitate, a. s. des personnes divines entre elles, nonobstant leur n. 216; can. 5 : nec enim adjectionem personæ i>el identité avec la substance divine. tabs IstentiΛ suscepit sancta Trinitas ex incarnato uno 2. Opinions théologiques. — d) A l’extrême des opi­ de sancta Trinitate Verbo, a. s., n. 217; très clairement nions théologiques, ct au delà même, peut-on dire, dans la profession de foi du IX· concile de Tolède : sc trouve la doctrine de Gilbert de la Poréc affirmant De hls tribus personis solam Filii personam... hominem une distinction réelle, en Dieu, entre les propriétés verum sine peccato de sancta ct immaculata Maria personnelles ct la substance ct, partant, entre les per­ Virgine credimus assumpsisse...; n. 282; Item unius sonnes ct l’essence divine. Voir t. vi, col. 1352-1353; substantiæ credimus esse Patrem ct Filium et Spiritum Denzinger-Bannwart, n. 391; ct, plus explicitement Sanctum, non tamen dicimus, ut hujus Trinitatis uni­ encore quod très personæ tribus unitatibus sint tria, et tatem Maria virgo genuerit, sed tantummodo Filium, distinctæ proprietatibus tribus, quæ non hoc sint, quod qui solus naturam nostram in unitate personæ suæ ipsæ personæ : sed sint tria æterna dijjerentia numero, assumpsit... Solus... Filius jormam servi accepit in sin­ tum a se invicem, quam a substantia divina. Cf. Libel­ gularitate personæ...; n. 284. Cf. IIIe concile de Cons­ lus contra capitula Gilberli, n. 66, P. L., t. cxxxxv, tantinople, reprenant la formule unum de sancta coi. 617. La conclusion d’un tel principe, c’est que Trinitate, η. 290; concile de Latran de 649, can. 3, I l’incarnation n’est pas l’union de l’humanité à Dieu, n. 256; IV· concile œcuménique de Latran, c. i, mais de l’humanité au Verbe, à l’exclusion de la n. 429, etc. divinité. Ibid., n. 67. Cf. Denzinger-Bannwart, n. 392. 2· Sous quel aspect concevoir Γunion de Γ humanité Nous ne faisons que signaler ici cette opinion au Verbe pour dégager le dogme de toute contradiction ?— hérétique. — b) Les théologiens ont coutume de Nous entrons ici dans le problème strictement théo­ poser le problème relatif au terme formel de l’incar­ logique de la raison formelle, sous laquelle, dans l’asnation dans le Verbe sous cette forme : Utrum natura somptlon de l'humanité, le Verbe est le tenue même humana sit terminata immediate per aliquid relativum de celte assomption. Cette question est différente de . vel per aliquid absolutum? Voir, dans leurs traités celle du terme formel de l’action divine dans I’incar- I De incarnatione, Jean de Saint-Thomas, disp. VI, a. 2; nation. Voir Hypostatique ( Union), t. vu, col. 524. Gonet, disp. VIII, a. 1; Billuart, dissert. VI, a. 2; Dans la discussion de cc problème, certaines préci­ Salmantlccnscs, disp. VIII, dub. n; Frasscn, disp. I, sions préalables sont nécessaires, qui doivent, en a. 2, sect, n, q. i; Suarez, disp. XII, sect, n; Vasqucz, regard de la foi, être admises par tous les théologiens. disp. XX, c. n; Tolct, q. ni, a. 2. Leur réponse com­ C’est peut-être faute d’avoir fait ces précisions que mune est qu’iinmédiatcmcnt c’est la propriété rela­ certains auteurs ont accordé une importance exa­ tive qui, dans le Verbe, termine l’union hypostatique. gérée à une question théologique, qu’il faut considérer, Sans doute, l’humanité est unie à la divinité, mais par une fois les vérités indiscutables rappelées, comme la propriété relative qui constitue le Verbe. Cette très secondaire ct d’importance minime, — 1. Vérités affirmation vise directement la thèse de Durand de Indiscutables, à admettre dans n* importe quel système. — Saint-Pourçain, In IV Sent., 1. II, dist. I, q. m, qui Il faut admettre, comme conclusions immédiatement soutient que l’union hypostatique sc termine, en Dieu, prochaines des dogmes delà trini té ct de l’incarnation : immédiatement à la subsistence absolue de Dieu, a) que l’assomption de l’humanité par le seul Verbe médiatement ct de façon secondaire seulement à ne saurait être considérée comme une opération divine. la propriété relative du Fils. En faisant entrer la pro­ L’opération, en effet, est commune aux trois per­ priété relative du Fils dans le terme formel de l’union sonnes. C’est donc dans le simple fait d’être terme de hypostatique, bien que d’une manière simplement l’union que consiste le rôle spécial du Verbe dans médiate et secondaire, Durand sauve le dogme de l’incarnation. Ce rôle de terme ne comporte aucune l’incarnation du seul Fils de Dieu; mais tous les théo­ action : la nature humaine, élevée par l’action com­ logiens regardent son explication comme improbable, mune des trois personnes divines à l’unité de la per­ parce que, dans cette opinion, il devient difficile d’expli­ sonne du Verbe, reçoit, par l’effet de cette opération I quer comment le Fils s’est incarné sans que le Père commune, communication de la personnalité du Fils. ct l’Esprit Saint s’incarnassent avec lui. Voir tous les Saint Bonaventure se sert d’une image gracieuse pour auteurs cités ci-dessus. Le fondement de cette thèse jeter quelque lumière sur ce mystère. 11 représente est qu’en Dieu il n’y a pas, pour Durand, de subsiss trois jeunes filles occupées à parer une fiancée pour la tenccs relatives; il n’y a qu’une subsistence et elle est cérémonie nuptiale. Mais, parce que l’une d’elles est absolue. L’humanité devant subsister en Dieu, il faut cette fiancée, clic seule reçoit la parure, en même donc qu’elle soit terminée immédiatement par la sub­ temps qu’elle se pare. De même, quand notre huma­ sistence absolue. — c) Mais lorsqu’il s’agit d’expliquer nité est devenue le vêtement de la divinité, les trois le terme formel en Dieu de l’union hypostatique, les personnes ont concouru par une opération commune adversaires de Durand ne sont plus entre eux en par­ ù couvrir le Fils de cc vêtement, mais lui seul s’en est fait accord. 11 y a des nuances assez importantes qui revêtu, pendant que le Père ct l’Esprit l’en revê­ les séparent. — a. Suarez, Vasqucz ct leur école, voir taient. Cf. S. Bonaventure, In I V Sent., 1. Ill, dist. I, | Holtzclau, n. 277, Franzelln, De Verbo incarnato, a. 1, q. iî, ad 2·-“. — b) Que par suite de l’identité de thes. xxxni, affirment deux choses : la raison formelle la nature et de la personne en Dieu, l’union de l’huma­ sous laquelle le Verbe termine l’humanité est la pro­ nité ne peut pas se terminer au Verbe, sans sc ter- 1 priété relative, ct l’union ne s’est pas faite Immédia­ miner réellement à l’être divin lui-même. Quelle que tement dans la subsistence absolue, mais seulement soit la formule admise pour rendre raison de l’aspect dans la relation; elle n’atteint la subsistence absolue formel sous lequel le Verbe s’unit l’humanité, cette que par la relation. Cette thèse suppose en Dieu l’exis­ conclusion s’impose, à moins de tomber dans l’erreur tence d’une subsistence absolue par laquelle existe condamnée de Gilbert de la Force. Cf. Denzingeren sol la substance divine, ct de trois subsistences rela­ Bannwart, n. 389 sq. Voir t. vi, col. 1353. — c) Qu’cn tives, par lesquelles sont constituées les trois perconsequence, la solution des difficultés relatives à onnes. Suarez, foc. cit., n. 4,10. b. Moins exclusive, l'incarnation du seul Verbe, à l’exclusion des autres quoique presque semblable, l’explication des scotistcs : personnes, est indépendante des systèmes sur le cons­ la raison tonnelle, prochaine ct immédiate, sous titutif formel de l’union hypostatique. voir L vu., I laquelle le Verbe termine l’humanité, est la propriété 1521 INCARNATION relative, constitutive de la personne, ct c’est par la ’ propriété relative qu’est atteinte, clans le Verbe, la divinité. La légère nuance qui distingue cette opinion de la précédente est que l’explication donnée ici ne suppose pas nécessairement l’existence en Dieu de trois subsistences relatives entendues au sens abstrait où les entend Suarez ct son école, disp. XI, sect, iv, n. 4. Voir Scot, In IV Sent., 1. Ill, dist. 1, q. v; Fres­ hen, toc. cf/.,concl. 1· ; Ysainbcrt,q. ni, disp. Ill,etc.— c. Parmi les thomistes, il faut encore distinguer deux écoles ou plutôt deux tendances, la tendance de ceux qui n’admettant en Dieu qu’une existence absolue, conçoivent cependant trois subsistences relatives, et la tendance de ceux qui n’admettant en Dieu que la subsistence absolue, possédée de manière incommuni­ cable par les relations constitutives des personnes. Les uns et les autres toutefois, admettant la distinction réelle de l’essence ct de l’existence dans les créatures, conçoivent l’humanité de Jésus-Christ comme existant par l’existence même que possède le Verbe. En cela se trouve la diflérencc radicale qui sépare les thomistes de Suarez ct de Scot. Les partisans des trois subsis­ tences relatives affirment que le terme formel de l’union hypostatique dans le Verbe est la subsistence relative du Verbe. Gonet, loc. cit., a. 1, n. 2 sq. ; Billuart, Zoc. ci/.; Jean de Saint-Thomas, loc. cit. Cette opinion s’accorde logiquement avec celle des disciples de Cajétan touchant le constitutif formel de l’union hypostatique. On peut la formuler en trois proposi­ tions : a. la raison tonnelle et prochaine sous laquelle le Verbe termine l’humanité prise par lui, n’est pas la subsistence absolue et commune aux trois personnes, mais la personnalité, ou subsistence relative et per­ sonnelle, par laquelle le Verbe est constitué en per­ sonne distincte du Père ct du Saint-Esprit, β. Le Verbe divin n’est pas le terme premier et immédiat de l’humanité par la subsistence absolue ct essentielle, considérée dans le Verbe ct devenue par là propre au Verbe; mais, γ. 11 n’est, à cet égard, que le terme médiat ct secondaire, la subsistence absolue ct essen­ tielle n’atteignait l’humanité que par Γintermédiaire de la subsistence relative ct personnelle. Gonet, loc. cit., n. 3, 13, 16. Les partisans de l’unique subsistence absolue déclarent que le Verbe est le terme immédiat de l’humanité, en raison de la subsistence absolue modifiée par la propriété relative, de telle façon que la subsistence absolue est la raison formelle, la relation, la condition sine qua non de cette union, considérée dans son terme. Cette opinion, dit Gonet, n. 2, doit nécessairement être celle de ceux qui ne distinguent pas réellement subsistence ct existence. Il cite les noms de Médina, Marsile, Vittoria, Soto, auxquels il faut peut-être ajouter celui de Capréolus. La remarque de Gonet est juste, si toutefois on veut bien ne pas exagérer la distinction, un peu subtile ici, de la raison formelle et de la condition sine qua non. Le cardinal Billot, De Verbo incarnato, thés, xi, a rajeuni cette opi­ nion en la faisant sienne, sans tenir compte de cette trop subtile distinction. Pour lui, le terme formel de l’union en Dieu est l’existence même du Verbe, c’est-àdire l’existence divine, possédée par le Verbe d’une manière distincte ct incommunicable par la relation de filial ion. Bien plus, cet auteur affirme que toutes les opinions des théologiens à ce sujet sont des nuances inutiles relativement nu fond même de la controverse. 11 faut en arriver finalement, dit-il, à admettre que l’incarnation est une union qui sc termine réellement à l’existence divine elle-même. Mais comment cette union ne sc termine-t-elle pas aux trois personnes qui n’ont qu’une seule existence commune? Il n’y a pas, à celte question, d’autre réponse possible que celle qui n été donnée, c’est que l’existence divine qui termine en Dieu l’union est l’existence considérée dans le Verbe 1522 et possédée personnellement par le Verbe. — d. Enfin, il faut faire mémoire de l’opinion d’Occam, qui, en réalité, bien qu’exprimée en termes différents, peut sc ramener à l’opinion thomiste exposée en dernier lieu. Cet auteur fait abstraction de subsistence relative et de subsistence absolue, de propriété essentielle et de propriété personnelle, ct déchire que la réalité tout entière du Verbe, dans laquelle absolu et relatif se retrouvent, est le terme formel de l’union hyposta­ tique en Dieu. Si l’on ne ramène pas cette façon de parler à l’explication thomiste, elle devient une pure tautologie sans portée apologétique. Cf. Occam, In IV Sent., 1. Ill, dist. I, q. i, a. 2-3. Conclusions apologétiques. — L’exposé théolo­ gique qu’on vient de faire, montre qu’il n’existe aucune contradiction entre le dogme de l’incar­ nation du Verbe et les propriétés relatives ou abso­ lues de Dieu. — a) Pas de contradiction quant aux propriétés relatives de Dieu. — Toutes les objec­ tions procèdent de l’identité des trois personnes avec l’essence divine. Mais chaque personne sc distinguant réellement l’une de l’autre, le Verbe peut former, sépa­ rément des autres personnes, un terme divin de l’union hypostatique. 11 suffit, pour montrer l’inanité des objections proposées, que le terme formel immédiat de l’union hypostatique ne soit pas l’essence ou l’exis­ tence absolue comme telles, mais que ce terme inclue en lui-même la propriété relative qui constitue la per­ sonne du Verbe. Mais il n’est pas nécessaire, comme le prétendent Suarez ct certains thomistes, qu’il exclue toute propriété absolue, celle-ci pouvant, à cause de la souveraine simplicité de Dieu, être considérée I comme l’élément qui donne à la relation divine d’être réelle. Voir Trinité. /Xussi toutes les opinions théolo­ giques exposées ci-dessus, à part celle de Durand de Saint-Pourçain, qui insiste trop sur le terme immédiat absolu ct semble en éloigner imprudemment tout caractère relatif, sont susceptibles de fournir, à cet égard, une solution suffisante, si toutefois il convient d’accepter le concept de subsistence relative, au sens abstrait du mot. Sur ce point, voir Trinité. En con­ sultant les auteurs cités au cours de cet exposé, on verra comment chaque système répond aux difficultés. Voir, en particulier. Billot, q. ni, thés, ni, § 2. — b) Pas de contradiction quant aux attributs divins. — Le Verbe étant le terme de l’union hypostatique, on n dans cette formule théologique le point de départ des réponses aux principales difficultés soulevées à propos de l’union d’une nature finie à la divinité. Il faut sauvegarder intactes deux vérités que la fol nous impose; l’immu­ tabilité divine ct l’union substantielle du Verbe ct de la chair. C’est dans la conciliation de ces deux vérités que réside la lâche principale de l’apologiste catho­ lique. En raison de l’union substantielle, il est donc nécessaire que, quelle que soit l’explication théolo­ gique adoptee touchant le constitutif métaphysique de l’union hypostatique» il y ait unité de sujet dans le Verbe incarné ct que, par conséquent, l’humanité •du Christ subsiste réellement dans et par le Verbe. Dans les hypothèses thomistes qui admettent, voir 1 Iypostase, t. vu, col. 415-418,423-121, que le Verbe communique sa subsistence ou son existence propre à l’humanité» on peut sc demander comment se fait celle communication qui doit affecter intrinsèquement l’humanité? Ce ne peut être que par mode de forme. Mais comment concevoir sans contradiction que Dieu puisse devenir forme de l’humanitc? En répon­ dant qu’il ne s’agit pas de causalité formelle propre­ ment dite, mais de causalité réductiremeni formelle; en ajoutant cju’il ne saurait être question pour la subsistence divine d’être reçue dans l’humanité comme l’acte l’est dans la puissance; en insistant sur ce point qu’il ne s’agit ici pour l« créature, que de recevoir 1523 INCARNATION de Dieu une « actuation · dans /ordre de l’existence en soi, on n’a pas encore résolu toutes les diffi­ cultés. Il reste à montrer que cette communication de l'existence ou subsistence divine n’implique aucune contradiction de la nature meme de l’actuation d’exis­ tence. L’existence, en effet, n’est comparable ni à la forme substantielle, ni à la forme accidentelle, qualité, quantité, lesquelles n’existent que par la cause for­ melle proprement dite; ni à l’acte vital qui procède d’un principe intrinsèque à l’agent ; ni môme à la forme surnaturelle de la grâce, soit habituelle, soit actuelle, qui doit nécessairement être « reçue » dans l’âme ou dans ses puissances. Mais l’existence, sans modifier la nature, les puissances, les propriétés de l’être exis­ tant, a pour seul effet de donner à cet être ct à ses puissances ou propriétés de sortir du domaine des pos­ sibilités pour entrer dans celui des réalités : clic les pose hors du néant, sans apporter la moindre modifi­ cation aux éléments constitutifs des réalités qui, par clics, existent. Il ne parait donc pas contradictoire que le Verbe, par sa subsistence personnelle, laquelle con­ tient éminemment les perfections des subsistences créées, puisse, sans devenir forme de l’humanité, com­ muniquer ce qu’il faut de subsistence pour placer l’humanité du Christ dans l’ordre des réalités. Aucune mutation n’en résulte pour le Verbe : la doctrine catho­ lique, définie à Chalcédoinc, voir t. n, col. 2194-2195 et Hypostatique (Union), L vn,col. 483sq., est sauve­ gardée ; le Verbe demeure, άσυγχύτως,άτρέπτως. Et la raison en est dans l’assertion théologique, fondamen­ tale c i la matière, que le Verbe est le terme formel de l’union. Il termine, dans l’ordre de l’existence, l’huma­ nité qui vient à lui; il la termine d’une façon intrin­ sèque, puisque l’existence est intrinsèque à l’être; mais ce terme intrinsèque n’apporte aucune modifi­ cation au Verbe lui-même. Toute la modification est du côté de la nature humaine qui, sous l’action divine, accède au Verbe ct a été unie à lui : Incarnationis mysterium, dit avec exactitude saint Thomas, non est Impletum per hoc quod Deus s it aliquo modo a suo statu mutatus, in quo ab rcterno fuit; sed per hoc quod nouo modo se creatura univit, VEL potius eau si ni. Sum. 'heol., III·, q. i, a. 1, ad l^n. Ces derniers mots mar­ quent la meilleure explication de saint Thomas. Cont. gentes, I, IV, c. xux; Sum. (heol., III·, q. xvi, a. 1, ad 4um;a. g, ad 2um;In IV Sent., L III, dist. I, 1 q. 1, a. 1, ad lu®, ct le commentaire de Cajétan sur le texte qu’on a cité. A côté de cette doctrine thomiste, bien exposée, chez I Gonet, disp. 11, a. 1, § 6 ; les Salmantlccnscs, disp. III, 1 dub. iv, § 2; on trouve d’autres explications, moins complètes, de Grégoire de Valencia, de François Alber­ tini, d’Amico, de De Lugo, de Jean Prudentius, etc. En voir l’exposé ct la réfutation dans Godoy, De incarnatione, disp. XIV, n. G sq.; cf. Salman licenses, loc. cil., § 1 ; Gonet, loc. cit., § 3. L’opinion de Marti­ non, S. J., De incarnatione, disp. 1, sect, iv, n. 55, admettant que le Verbe, ne recevant de l’incarnation aucun changement intrinsèque, a cependant été en quelque sorte innové dans la nature humaine, est lon­ guement .discutée ct réfutée dans Gonet, § 4 ct 5. D’autres difficultés, de moindre importance, sont résolues par les commentateurs de saint Thomas, soit à la question de la possibilité de l’incarnation, soit à la question de l’union hypostatique, considérée du côté de la personne qui s’incarne. On n’a pas à y insis­ ter ici. Sur la question du terme formel de l’union hypostatique dans It λ erbe, voir les auteurs cités au cours de l'article. Sur la solution des principales dilllcultés, aux auteurs cités, ajouter De Lugo. De incarnatione, disp. XL sect, iv; Franrelin.op. cit., thés. xxxi. Sur le parallélisme à établir quant À la notion de terme et terminaison, entre la personne 1524 du Verbe dans l’incnmatlon ct Pe&sence divine dans h vision béatifique· voir Intuitive (Vision). VIII. Cause quasi-mati-oielle. — Avec moins de raisons encore que pour la cause formelle, on peut parler, dans l’incarnation, de cause matérielle. La personne du Verbe, encore qu’en uncertain sens elle puisse, après l’incarnation, être dite composée, voir Hypostatique (Union), col. 521-524, ne joue pas le rôle de sujet (subjectum) vis-à-vis de la nature hu­ maine. Elle ne fait que lui communiquer, en tant que terme formel de l’union hypostatique en Dieu, la subsistence divine. Cf. De Lugo, loc. cit., sect. vin, A l’oppose, la nature humaine que le Verbe s’unit, serait appelée bien improprement la cause matérielle de l'incarnation. Celle appellation laisserait supposer, en effet, que le Verbe est reçu dans la nature humaine comme une forme dans la matière, un acte dans sa puissance. Une telle conception est purement ct sim­ plement hérétique, ct reproduit l’hérésie monophysitc. Toutefois, on peut parler de matière de l’incarna­ tion, à propos de l’humanité prise par le Christ, cette humanité étant la matière dans laquelle, in qua, ou circa quam l’union s’est faite entre Dieu et l’homme. On étudiera la nature humaine prise par le Verbe incarné à Jésus-Christ. Il ne reste donc plus, sc rapportant de loin à l’ordre de la causalité matérielle que les dispositions phy­ siques qui pourraient avoir été requises dans l’huma­ nité prise par le Christ pour que l’union fût possible, ct les dispositions d’ordre moral, c’est-à-dire les mérites qui ont pu précéder ct préparer l'incarnation. De là, deux sujets distincts à aborder dans cette question de la cause quasi-matérielle de l’incarnation : 1° cau­ salité dispositive; 2° causalité méritoire. 1. causalité dispos/Tl VE. — Cette question a déjà été étudiée en partie à propos de l’union immédiate du Verbe ct de l’humanité. Voir Hypostatique (Union), col. 539-531. Nous n’avons pas à revenir sur les théories, d’ailleurs abandonnées, de certains théologiens du moyen âge, admettant, entre l’huma­ nité ct la divinité, en Jésus-Christ un lien substantiel. On n’envisagera pas non plus la question posée par les Salmantlcenses, disp. VI, dub. i, au sujet des œuvres du Christ, disposition conséquente de l’incar­ nation (un peu dans le genre de dispositions qu’est l'actc de charité parfaite, lequel procède de la grâce ct cependant dans la justification cxtra-sacramcntcllc, se trouve être la disposition dernière à la grâce). La question est un peu subtile, délaissée par la plupart des théologiens, ct ne comporte qu’une solution néga­ tive, dont on trouvera, loc. cit., § 2, une ample ct dif­ fuse démonstration. La présente discussion est con­ finée, ainsi qu’on l’a laissé prévoir, voir Hyposta­ tique (Union), col. 530, entre théologiens qui pro­ fessent que l’union du Verbe à l'humanité sainte, en Jésus-Christ, est une union immédiate. Deux écoles sont en présence, toutes deux se réclamant des prin­ cipes de saint Thomas, bien que l’une d’elles accueille des auteurs dont la théologie n’est rien moins que thomiste, Suarez ct son école, Scot ct scs disciples. Il s’agit de savoir si, pour être unie immédiatement nu Verbe, la nature humaine doit être rendue apte à cette union par un mode d’union, c'est-à-dire par une dis­ position qui lui enlève son indifférence à subsister en soi ou dans le Verbe, disposition qui serait le terme même de l’action de la trinlté dans l’incarnation. 1· Opinion affirmative. ·— 1. Toute une école thomiste ne conçoit possible l’union de l’humanité au Verbe qu’à la condition que cette humanité, de soi indiffé­ rente à subsister par sa propre subsistence ou par celle du Verbe, reçoive une détermination qui la dispose à recevoir la subsistence divine. Cette disposition, 1525 INCARNATION c’est I'unton, mode substantiel, se distinguant réelle- · ment ct de la nature humaine, et du Verbe, ct de la relation prédicamentalc qui est le résultat de l’union de la nature humaine au Verbe. Voir Hypostatique (Union), loc, cit. De plus, dans l’union hypostatique, tout le changement se tient du coté de l'humanité, qui acquiert, par l’union au Verbe, une subsistence divine; or, ce changement suppose quelque chose de substan­ tiel qui modifie l’humanité. Enfin, la relation prédl- I cainentale qu’admettent, à la suite de saint Thomas, tous les thomistes, dans l’humanité par rapport au Verbe, doit avoir un fondement réel. Ce ne peut être que ce mode substantiel de l’union. En dehors de ces raisons, prises dans l’humanité même que s’unit le Verbe, il en est au moins une autre, non moins forte : 11 faut un terme Λ l’action de la trinlté dans l’incar­ nation. Ce terme ne sera pas le Verbe; il ne sera pas non plus l’humanité du Christ, cette humanité étant logiquement présupposée à son union au Verbe ct l'action créatrice préludant logiquement à l’action unitive, voir col. 525; donc, on doit reconnaître comme terme de l’action divine ce mode substantiel d’union, lequel dispose précisément l’humanité À recevoir la subsistence du Verbe. Quant à la manière de concevoir ce mode substantiel, il est évident qu’il n’en faut pas faire un accident ou quelque chose de semblable. C’est une modification de la substance, appartenant à la substance même, dont elle sc distingue réellement, non par une distinction réelle entitative, mais par une dis­ tinction réelle modale, comme le. mode substantiel peut se distinguer de la substance qu’il modifie. Telles sont les idées maîtresses ct tels les arguments déportée générale que l’on rencontre chez Araujo, De incarna­ tione, q. n, a. 8, dub. n, concl. 2*; Iferrera, In IV Sent,, 1. V, q. n, a. 7; Godoy, De incarnatione, disp. XI, § 1, η. 4, et surtout chez les Salmanticenscs, qui, dans l’école thomiste, sont venus apporter le poids de leur grande autorité en faveur d’une opinion assez mal accueillie par la majorité des disciples de saint Thomas. Cf. De incarnatione, disp. 1λ’, dub. i, § 1-5. Voir, n. 3, les noms des auteurs cités en faveur de cette opinion, — 2. Suarez est fidèle à son système des modes, voir Hypostase, col. 420, en admettant un mode sub­ stantiel dans l’humanité, lequel a pour effet, non de ter­ miner la nature en elle-même (comme le ferait sa propre subsistence), mais de l’élever jusqu’au Verbo ct de la terminer en lui, disp. VIII, sect, ni, n. 8. Ce mode d’union est le terme formel de l’action de la Trinité, n. 13, ct le fondement prochain de la relation réelle par laquelle l’humanité est rapportée au Verbe ct dite unie à lui, n. 22. Suarez toutefois se distingue des thomistes dont on a rapporté l’opinion similaire, tout d’abord par le fondement métaphysique de son système, ensuite par la formule embarrassée par laquelle il définit la nature de la distinction du mode d’avec la substance. C’est, dit Suarez, une distinction ex natura rei. Loc. cit,, n. 8. Les Salmanticenscs n’omet­ tent pas de relever celte imprécision de la doctrine suarézlennc, n. 28. — 3. Vasquez, disp. XVHl, c. in, adopte un sentiment analogue A celui de Suarez, qu’il pense pouvoir accorder avec la doctrine exposée par saint Thomas, Sum, theol., Ill·, q. n, a. 7; mais il appelle ce mode substantiel un mode relatif, modus relatus, par lequel la nature humaine est disposée à subsister non en elle-même, mais dans le Verbe. La relation qui en est la conséquence, entre la nature humaine et le Verbe, ne s’en distingue pas réellement ; elle est, à proprement parler, ce mode substantiel. Disposition de la nature humaine à l’union hyposta­ tique, ce mode est, de plus, le terme de l'action de la trinlté dans l’incarnation, et, de plus, l’acte qui,jouant par rapport au Verbe le rôle de cause formelle et de cause materielle en un sens impropre, établit k lien 1526 substantiel entre Dieu ct l’humanité.— 4. Scot ct son école doivent être rapprochés ici des théologiens tho­ mistes de Salamanque, de Suarez et de Vasquez. Le point de départ de la théorie scotiste est qu’il faut à l'action unitioe, distincte logiquement de l’action créa­ trice de l’humanité, un terme. Ce terme est une réalité, f différente du Verbe ct de l'humanité, la relation qui est imposée ab extnnseco par la cause efficiente de l'incarnation, relation qui n’existe réellement que dans l’humanité et qui a pour effet de rendre la nature humaine dépendante dans sa subsistence du Verbe lui-même. Λ quel genre de cause ramener cette relation de dépendance? Scot pense qu’on peut la ramener à la causalité efficiente, cette relation de dépendance de la nature humaine par rapport au Verbe réalisant l’effet de l’action commune des trois personnes de la trinlté dans 1’lncamation. Scot, In IV Sent., 1. III, dist. I, q. i, n. 3. Cf. Duns Scot, t. ni, coL 1888. A noter que la thèse d’une relation de dépendance, terme de l’action de la trinité dans l’incarnation, ne contre­ dit pas le caractère immédiat de l’union, coL 1889. Vis-à-vis de la nature humaine, le X’erbe, en raison de cette relation de dépendance, ne joue pas le rôle d’une cause matérielle : il n’est pas sujet qui reçoit en lui la nature humaine, il est simplement le suppôt, dont la subsistence soutient dans l’être, termine la nature humaine qui, sans lui, n’existerait pas. Cf. Frasscn, disp. I, a. 2, sect, i, q. i. 2· Opinion négative. — La plupart des thomistes répondent négativement. La doctrine d'un mode sub­ stantiel est à rejeter, parce que le mode substantiel tel que le supposent, dans l’humanité du Christ, les auteurs de la partie adverse, est inconcevable ct inu­ tile. Inconcevable, voir Hypostatique (Union), col. 530; inutile, parce que le Verbe, par la perfection même de sa subsistence qui contient éminemment les perfections des existences créées, peut terminer, dans l’ordre de l’existence, toute nature Inférieure, sans que besoin soit d’introduire, en cette nature, une dispo­ sition à l’union. Les raisons qu’on rapporte en faveur de cette disposition qu’on dit nécessaire, valent pour les natures qui sont réellement indifférentes, par ellesmêmes, à subsister sous telle ou telle forme; mais il ne s’agit pas de cela ici. La nature humaine, par ellemême, n’est pas indifférente par rapport à sa propre subsistence, puisque naturellement elle est ordonnée à elle. Ce n’est qu’en raison de sa puissance obédentiellc qu’elle acquiert cette indifférence par rapport à la subsistence du Verbe. Nous sommes ici dans les œuvres mystérieuses de la toute-puissance divine, ct il est parfaitement inutile de vouloir lui imposer des voies dont elle peut se passer. Sur l’opinion négative des thomistes, on n’a rien de particulier à ajouter à ce qui a été dit.col. 530-531. L’opinion scotistc serait, d’ailleurs, parfaitement admissible, si la relation de dependance était conçue, comme chez les thomistes, comme manifestant Canton déjà existante. Cf. S. Thomas, In IV Sent,, L III, dist. II, q. n, a. 1; q. ni, ad 3um. //. causalité méritoire.— Sur ce dernier point, se rapportant à la causalité matérielle, la doctrine théologique est claire, facile, ne comportant, pour ainsi dire, pas de controverses. On l’exposera donc briève ment. On étudiera successivement si l’on trouve quelque cause méritoire de l’incarnation dans le Christ, dans les saints de 1*Ancien Testament ct dans la sainte Vierge. Sur les conditions du mérite et la division du mérite de condigno et de congruo, voir Mérite ct Dr. coNonuo, de condigno, t. in, col. 1138 sq. 1· Le Christ. — Toute la question du mérite du Christ par rapport à l’incarnation elle-même devient claire, dès lors qu’on se pénètre de lu vérité catho­ lique exposée à Hypostatique (Union), col. 534, 1527 INCARNATION 1528 touchant le caractère de cette union, naturelle à l’hu­ i la Providence ct la nature même des choses. Or, à cc manité du Christ, c’est-à-dire réalisée dés le premier double point dc vue, il semble contraire Λ la notion dc mérite que la récompense soit donnée avant le Instant de la conception du Verbe incarné dans le sein mérite acquis. Puisque rien dans l’Écriture ou la tra­ dc la vierge Marie. < Nous n’admettons pas, dit saint Thomas, que le Christ (avant l'incarnation) ait été dition ne nous incite,au sujet du mérite du Christ par rapport Λ l’incarnation, â contredire la loi de la Provi­ un simple mortel ct qu’ensuite, par le mérite dc sa dence, il faut conclure que l’incarnation, appelée dans bonne conduite, il ait obtenu d’être le Fils de Dieu, comme l’a prétendu l’hotin. Mais, dès le commence­ l’Écriture le mystère de piété manifestée dans la chair, I Tim., m, 16, n’est pas la récompense des mérites ment dc sa conception, cet homme a été, véritable­ ment, le Fils de Dieu, puisqu’il n’a pas d’autre hypo­ futurs du Christ prévus par Dieu. C’est la grâce et l’amour dc Dieu qui apparaissent pleinement avec le stase que celle du Fils dc Dieu,d’après ces paroles dc l’Évangile : < De fruit qui naîtra de vous sera appelé Christ. Cf. Tit., π, 11 ; Eph., n, 8. Bien plus, la plupart le Fils de Dieu, > Luc., i, 35. Aussi, toutes les opéra­ des théologiens, en voir les références nombreuses dans Salmanticenses, loc. cil., dub. n, n. 17, soutiennent tions dc cct homme sont postérieures à l’union; donc, qu’il est contradictoire et par conséquent qu’il répugne par aucune d’elles il n’a pu la meriter. » Sum. theol. même à la puissance divine, que le Christ ait mérité Ill·, q. n, a. 11. Dc ce principe général, les théologiens ont tiré un certain nombre de propositions qui ren­ l'incarnation par ses œuvres subséquentes. Quelques ferment toute la doctrine scolastique sur la matière. — théologiens, tout en admettant en fait la thèse com­ 1. Christ n'a pas mérité d'un mérite de condignité mune, nient cependant cette répugnance absolue par rapport au mérite dc l’incarnation par les œuvres Γunion hypostatique par des oeuvres antérieures à subséquentes du Christ. Ils forment, à la suite dc Γ union. — Vérité de foi divine cl catholique, parce que Suarez, De incarnatione, disp. X, sect, xv, n. 5, ct De la contradictoire est l’hérésie des premiers adoptianistes. Voir Hypostatique (Union), col. 464-166; sur prœdcstinatione, 1. II, c. xx, n. 19, une très petite l’hérésie de Photin, voir col. 466. Dans l'article cité, phalange, dont les noms principaux sont ceux de Ruiz, Rlpalda, Coninck, Granados. Cf. Salmanticenses, saint Thomas s’appuie sur l’autorité dc saint Augustin, De prédestinaiione sanctorum, c. xv, P. L., t. xuv, n. 29. La raison apportée en faveur de la thèse généra­ col. 982, mais plus explicitement encore, saint Augus­ lement admise est que le principe même du mérite, l’in­ tin enseigne que le Christ n’a pas mérité l'incarnation, carnation, ne peut devenir l’objet lui-même du mérite : Dc peccatorum meritis ct remissione, 1. Il, c. χνπ, « La cause du mérite ne tombe pas sous le mérite, η. 27, P. L., t. xuv, col. 168; Enchiridion, c. xxxvi, dc même qu’il n’est pas possible que le terme existe P. L., L xi., col. 250. Cette vérité catholique res­ avant son principe. La cause finale, il est vrai, dont la terait encore la seule doctrine acceptable, même au causalité est objective ct s’accomplit par l'intermé­ cas où, par impossible, on serait en droit d’admettre diaire de la connaissance, peut opérer à l’avance, parce qu’avant l’incarnation, Jésus-Christ eût existé comme qu’elle peut être conçue dans l’esprit ct exercer ainsi homme. Aucune œuvre humaine, même élevée par la scs attraits sur l’agent avant d’exister dans la réalité; mais la cause efficiente, qui donne à l’être son actualité grâce divine, ne saurait présenter une équivalence réelle au bien infini qu’est l'union hypostatique. Donc, physique, est toujours avant reflet ct ne dérive jamais mémo en ce cas, chimérique d’ailleurs, aucune possi­ de lui. Or, le mérite agit, non pas à la manière dc la bilité dc mérite dc condignité. Cf. Salmanticenses, cause finale ct par une sorte dc charme, mais à la disp. VII, dub. i, § 1, n. 2. Les anciens hérétiques manière de la cause efficiente qui produit l’cfTct, car apportaient en faveur dc leur opinion Ps. xuv, 8, il rend le sujet digne dc sa récompense ct l’y dispose. et Apoc., v, 12 ; il suffit de se rapporter au texte et au Il n’est donc pas concevable que le mérite puisse exister après sa récompense,après son couronnement; sens de ces passages inspirés pour constater qu’ils ne peuvent rien en faveur dc l’adoptianisme et du mérite en d’autres termes, il n’est pas possible dc mériter, qu'aurait eu le Christ par rapport à l’incarnation. — par des actes qui viendront plus tard,cc qu’on possède 2. Le Christ n'a pas mérité d'un mérite de condignité déjà : Non potest esse quod aliquis mercatur quod jam habet. S. Thomas, De veritate, q. xxix, a. G. » Hugon, Canton hypostatique par des oeuvres antérieures à l'union dune simple priorité de nature. — Pas plus sur ce point Le mystère de Γ incarnation, p. 100-101. C’est le principe que dans le problème dc la disposition physique, voir général sur lequel les théologiens s’appuient pour jus­ ci-dessus, col. 1526, on ne peut accorder au Christ la ’ tifier la condamnation du semi-pélagianisme. Cf. De possibilité dc mériter l’incarnation. Cette doctrine est I Lugo, Dc incarnatione, disp. VIII, sect, n, n. 13. — théologiquement très certaine. Mais les théologiens dis­ I 4. Le Christ n'a pas mérité Γunion hypostatique d'un cutent quelque peu sur la raison à donner à cette affir­ mérite de congruité. — Avant l’incarnation, tout mérite mation. Saint Thomas ct ses disciples — et l’on peut est Impossible au Christ; après l’incarnation, à suppo­ dire, la plupart des théologiens avec eux retenant ser qu’il puisse mériter l’union hypostatique par des la vérité philosophique de l’adage : actiones sunt sup- œuvres subséquentes, le seul mérite dc condignité positorum, déclarent que toute action du Christ ne doit existe dans le Christ. Donc, d’aucune façon on ne peut être conçue que postérieurement à l’existence du sujet dire que le Christ a mérité l’incarnation — 5. Le qu’est Jésus-Christ par l’union hypostatique : omnis Christ n'a pu mériter la continuation dc l'union hypo­ operatio illius hominis, nempe Christi, subsecuta EST statique.—Cette continuation ne fait qu’un tout avec unionem. Loc. cit. Vasqucz n’admet pas cette raison, la grâce même de l’union. Le principe du mérite ne disp. XXI, c. ni, n. 18 sq., et, tout en acquiesçant à peut devenir l’objet du mérite. On trouve cette thèse la thèse commune, en cherche une autre démonstra­ affirmée chez les commentateurs dc saint Thomas, soit tion dans l’impossibilité pour le Christ d’avoir une à cct article, III·, q. n, a. 11, soit à la I· II”, q. exiv, grâce actuelle ou habituelle, nécessaire au mérite, anté- a. 6. Ceux qui suivent Suarez à propos dc la non répu­ cédcxnmcnt à l’union hypostatique. Sur la discussion ' gnance du mérite de l’incarnation par des œuvres sub­ dc ccttc ’'rguincntalion, voir Salmanticenses, loc. cit., séquentes, le suivent également ici, ct défendent avec XL 4 ct Dt Lugo, disp. VIH, sect, x, n. 4. — - 3. Le Christ lui l’opinion, peu probable, que le Christ ait mérité la n'a pas mérité d'un mérite de condignité l'union hypo­ continuation de l’union hypostatique. Il faut leur statique par des oeuvres postérieures à Γ incarnation. — · joindre, chez les thomistes, Godoy, disp. LL Cf. Salmantlccnses, disp. VII, dub. n, n. 31, 37. - G. Le C’est la doctrine commune des théologiens, dont il y Christ n'a pu mériter que la B. vierge Marte soit sa aurait lt mérité à s'écarter. Il faut, en effet, raisonner mire. — Sur cc point, la controverse est assez vive du mérite de Jésus-Christ selon les lois communes de 1529 INCARNATION entre théologiens. Voir Salmanticenses, loc. cil., § 6. Les thomistes tiennent généralement que le Christ n’a pu mériter la maternité divine de Marie; mais toute une école, dont le plus illustre représentant est le car­ dinal Dc Lugo, disp. VI11, secL vu,défend l’opinion opposée. On pourra, dans le sens thomiste, consulter avec fruit Gonet, disp. Vil, a. 3, n. 36; Suarez, disp. X, sect, iv; Théophile Raynaud, op. cil., L III, sect, n, c. m, n. 191; dans le sens lugonien, Bernai, disp. XV11, sect, i v, § 2, n. 76. Au point dc vue dc la piété et du Jugement à porter sur la véritable grandeur de Mario, l’une ct l’autre opinion peuvent être regar­ dées comme équivalentes. Dans l’une ct dans l’autre, Marie reste toujours indissolublement unie au Fils de Dieu,prédestinée àcausc dclul,etn*ayantd*autre raison d’exister que l’œuvre dc la réparation du genre humain à laquelle elle est attachée, comme son fils. S. Augus­ tin tient nettement pour l’opinion que soutiendra plus tard l’école thomiste, Dc praedestinatione sanctorum, c. xv, n. 30,31, P. L., t. xuv, col. 982. — 7. Le Christ, en fin, a mérité dans Γ incarnation, les circonstances qui ont suivi l'union hypostatique. —Cf. S.Thomas, Sum. theol., III·, q. XIX, a. 3; In IV Sent., I. Ill, disL XVIII, a. 2-5. Il s’agit ici des circonstances qui ne sont pas liées nécessairement au mystère lui-même ct regardent non seulement la glorification du Christ lui-même, mais encore l’avantage des personnes qui ont eu con­ tact avec l’incarnation; par exemple, être annoncé par l’étoile, célébré par les anges au berceau, adoré par les mages, etc. Dès le premier Instant dc sa con­ ception, en effet, le Christ a mérité, ct, toutes choses égales d’ailleurs, il était mieux ct plus convenable que le Christ obtint par mérite, que sans mérite, ces mani­ festations particulières dc sa gloire accidentelle ct particulièrement la gloire dc son corps ct l’exaltation de son nom. Luc., xxiv, 16; Phll.,n,8 sq. Voir JésusCiuust. Quant aux circonstances concomitantes, la plupart des théologiens sont d’avis que le Christ n’a pu les mériter, tout au moins n’a pu mériter cc qui, en elles, le concernait personnellement ct ne fait qu’un seul tout avec l’incarnation elle-même, être conçu du Saint-Esprit, naître d’une vierge, par exemple. Cf. Suarez, disp. X, sect. iv. L’opinion contraire est sou­ tenue par Vasquez, disp. XXI, c. vin. Cf. Salmanti­ censes, disp. VII, n.51. Enfin, des circonstances qui précédèrent l’incarnation, le Christ n’a pu mériter, comme il a mérité d’une façon anticipée la grâce des saints dc ΓAncien Testament, voir Salut, que celles qui ne sont pas essentielles à l’incarnation : affirmer un tel mérite serait indirectement contredire à l’axiome déjà affirmé que le principe du mérite ne peut être objet du mérite. Ibid.,n. 52; Suarez, loc. cit. 2° Les saints de ΓAncien Testament. — Ces saints personnages ont-ils pu mériter en quelque manière l’incarnation? A celte question, les théologiens répondent en procédant par distinction ct par degré.— 1. Il est certain que les saints personnages de Γ Ancien Testament n'ont pas mérité d'un mérite de condignité Γincarnation, considérée dans sa substance. — Affirmer un pareil mérite serait en effet rapporter à cc mérite la source même du salut des hommes. 11 semble même, quoique en pense Médina, In Sum. theol. S. Thomtr, 111· q. n, n. 11, qu’une telle conception répugnerait à la puissance absolue de Dieu. — 2. Il n'est pas contra­ dictoire que les saints de ΓAncien Testament aient pu mériter d'un mérite de congruité Γ incarnation,considérée dans sa substance.—Cf. S. Thomas, Sum. f/ieot, 1MI», q. exiv, a. 6. Mais,en réalité,l’ont-lls méritée decettc façon? Les uns affirment, ct il semble que saint Tho­ mas, IID, q. n, a. 11, soit dc cct avis; les autres nient. Avec saint Thomas, nous retrouvons la plupart dc scs disciples, Cajétan, Médina, Jean dc Saint-Thomas, Godoy, Gonet, les Salmanticenses, ct, en dehors de 1530 l’école thomiste, Suarez, disp. X, sect, vi; Grégoire de Valencia, In Hlm Sum. S. Thomee, q. n. A l’encontre, Vasquez, disp. XXII, c. m; Dc Lugo, disp. VIII, sect. iv.— 3. Il est certain que les saints de ΓAncien Testament ont mérité certaines circonstances de Γincarnation. — Les promesses faites par Dieu à Abraham, Gen., xxn, 17-18, semblent l’indiquer. La prière dc Daniel semble avoir abrégé le temps dc l’attente. Dan., ix, 23 sq. Toutefois, les auteurs, d’accord quant à l’affirmation générale, se séparent souvent entre eux sur des applications particulières à telle ou telle circonstance. Cf. Suarez, disp. X, sect. vit η. 11 ; I )e Lugo, disp. VIII, sect, iv, n. 34. 3· La sainte Vierge, en particulier, a-t-elle mérité l’incarnation? Les prières liturgiques sembleraient parfois le laisser supposer : Ut dignum filii tui habilaculum effici mereretur. Spiritu Sancto coopérante, prie· parasti... ; ct encore : Regina cadi talare, alleluia; quia quem meruisti portare... Conséquemment aux prin­ cipes posés plus haut, il n’est pas douteux que Marie ait mérité de congruo certaines circonstances de l’incar­ nation ; dans l’opinion thomlstejon peut même affirmer qu’elle a mérité dc cette façon l’incarnation considérée dans sa substance. Tout le problème sc réduit donc à expliquer comment elle a mérite sa maternité divine. Saint Thomas en donne l’explication en quelques mots : quia meruit ex gratta sibi data illum puritatis et sanctitatis gradum, ut congrue posset esse mater Del. In 1V Sent., 1. Ill, disL IV, q.xn, a. 1, ad 6^. Sur ces textes, les commentateurs exercent leur sagacité non moins que leur piété. Vn autre problème concerne l’influence sur la réalisation dc l’incarnation, du fiat dc Marie à l’annonciatlon. Cf. Terrien, La mère des hommes. Paris, s. d. (1900), t. i, p. 152-167. Salmantlccnscs, disp. VII, dub. ni; Dc Lugo, disp. V, VI, VII; Suarez, disp. X, sect. vin. On étudiera ces ques­ tions à l’article Marie. Sur la question des mérites qui précédèrent l’incarnation, voir : S. Thoma*, .Sum. theol.. Ill·, q. n, a. 11; cf. I· H», q. xvm, n. 4 ; In IV Sent.. I. IIT, dist. IV, q. ni. a. 1 ; et spécialement sur les méntes du Christ et leur objet. MT·, q. xîx, a. 3; In IV Sent., 1. III, disL XVIII, a 2-5; De veritate, q. xxrx, a. 7, ad G«un; Suarez, De incarnatione, disp. X; Vasquez, De incarnatione, disp. XXI. XXII, XXIII ; De Lugo. ibid.disp. VU I ;Gonet, Clypeus.de Incar­ natione, disp. VII; Btlluart, De incarnatione, diss. V; Jean de Suint-Thomas, De incarnatione, q. n, disp. V, n. 1-2; Salmanticenses, De incarnatione, disp. Vil. où l’on trouvera une ample moisson dc références aux auteurs; Legrand, De incarnatione Verbi divini, disp. VII, c. n; Vsambert, De mysterio incarnationis, q. vi, disp. IIIV, etc. Les manuels récents do théologie sont, sur ce point, ou muets, ou insuffisants. On trouvera quelques bonnes Indications dans 1 lagon, op. cil-, p. 93-105, ct dans Grimai, S. S., Jésus-Christ étudié et médité,Paris, 1910, t. I, C. XLVI. écrits des Pères et des théologiens KH STÈRE DK l’incarnation. — II· siècle. — Principaux SUR LK S. Justin, au cours des deux Apologies ct du Dialogue avec le fui/ Tryphon, specudement Apologia P, n. 30-60; Dia­ logus. 48-108, P. G. t. vi, col. 375-420, 530-728; S. Irénée, dans le Contra htrrcses, 1. 111. IV, ct plus particulièrement, 1. V, P, G., t. vu, col. 119-1223; Mélitoo de Sardes, Frag­ ments, P G,, t. V, col. 1819-1822. IIP siècle. — Tertullicn, Adversus Marc (anem, P. L., t. U, col. 259-524;De carne Christi, col. 751-792; Adversus Praxeam, col. 153-196; S. Hippolyte, De Christo ct Antichr isto, P. G., t. x, col. 725-788; Contra htcreslm Noeti, col. 803-830; ou édit. luignrdc, Leipzig, 1858; Philosophoumena, spécialement 1. X, P. G., t. xvi, col. 3414-3454; ou édit. Crulce, Paris, 1860; Contra Rcroncm (fragrn. apocry­ phes), P. G., t. x, col. 829-810; Clément d’Alexandrie, en différents passages des Stromales ct de VExhortation aux gentils, P. G., t. vm-ix; Origène, dans le Contra Celsum ct le I. Il du Dc principiis, P. G.,t. xi;S. Grégoire le Thau­ maturge, A Théopompt sur Γimpassibilité et la possibilité divine, dans Pitrn, Analecta sacra, t. iv, p, 103-120,363-376; 1531 INCA RNATION et, parmi les homélies qu'on lui attribue, Jn nativitatem Christi, Sermo de incarnatione, lbid.,p. 134-145, 386-396; Κιφα/αια xipl πίστεως δωδεχα (écrit antiapoilinaristo apocryphe), Ρ. G., t. x, col. 1127-1136; Κατά μϊρος πιστις (apocryphe, doit être restitué à Apollinaire)» col. 1103-24. 1Γ· siècle — Eusébe do Césarée, Contra Marcellum, P. G., t. xxiv, col. 704-824; De ecclesiastica thèologia, col. 8231016; S. Alexandre d'Alexandrie (?/, Szrmon sur Fâme, le corps cl la passion de Noire-Seigneur, dans Pitra, op. cit., L iv, p. 199-200, 433-131; S. Athanasc, De Incarnatione Verb!,P. G., t.xxv,col. 95-198; In Hlud Mattluet, X/, 27. P. G., t. 1532 col. 247-256; Théodorct de Cyr, Dr Incar­ natione Domini (dans les œuvres de S· Cyrille d'Alerandrie), P. G., t. lxxv, col. 1419-1478; Eranisles, t. lxxxhi, col. 27-336; Epistola·, col. 1173-1191; PrntaZogiuni, t. LXXXIV, col. 65-88; Héfutalion des unaUumalismts de S. Cyrille, dans S. Cyrille, Apelagetiens contra Theodorclam, t. lxxvi, col. 453-458; (apocryphe). Contra Nestor tum ad Sporadum, t. lxxxi, col. 1153-1161; 1’rocIns, De Incarna­ tione Domini orationes, i, n, P. G., t. lxv, col. G91-704, 703-708; De dogmate incarnationis, col. 801-811 ; Eplstolx, i-xvii, col. 851-883; Sévéricn, De stgillh, P. G., t. lxiii, Omniamihitradilasunla Pafremeo,col.207-220;0rationesIV col. 531-541 ; Acacc do Mélytène, honul., P. G.,t. lxxvii, advenusarianos (laiv·certainement inauthentique), t.xxvu, col. 1467-1472; M<£nnon, Epist.,P. G., t. lxxvii,col. 14631466; Antipater d«Bostrn, Adversus Apollinarem (fragm.), col. 10-526; Epistolet ad Serapionem, epist. n, col. 607-624; P. G., t. lxxx v, col. 1795-1796; Théodoto d'Ancyrc, Expo­ Epist. ad Epictetum, col. 1083-1090; Epist, ad Adel· phlum, col. 1070-1084; Epist, ad Maximum philoso­ sitio symboli Nlcicnl, P. G., t. lxxvii, col. 1313-1348; phum, col. 1083-1090; et, certainement inauthentiques. Eusèbc d’Alexandrie, De incarnatione Domini, P, G., Expositio fidei, t, xxv, col. 197-208; Liber de Incarna­ t. lxxxvï, col. 327-339; Eustathc do Beryte, Apologia tione Verbi Del et contra arianos, t. xxvi, col. 982-1028, Leonis paper, P. G.,t. lxxxv, col. 1803-1804.— S. Augus­ Contra Apollinarium libri /Z,col. 1091-1166; apocryphes tin, Contra sermonem arianorum liber unus, P. L., t. xlii, co). 677-703; Contra Maximinum hœretlcum arianorum (d'Apollinaire),deux opuscules De Incarnatione Del Verbt; episcopum, col. 743-814; Jean Cassien, De Incarnationi. t. xxvm,col. 25-30, 89-96 ;Quod unus sit Christus, col. 121Domini contra Nestorium, P· L., t. L, col. 9-272; S. Léon 132 ; Epist. ad Jovlan um, col.531-532 ; (sur les autres ouvrages le Grand, Epist., xxvm, ad Flavianum, P. L·, t. liv, col. d'Apollinaire, voir 1.1, col. 1506); S. Cyrille de Jérusalem. Catéchèses, xn-xv, P. G.,t. xxxm, col. 725-916; S. Gré­ 755-782; S. Pierre Chrysologuc, Sermones, principalement lxxx, xcrx, cxli, cxlvii, cxlviii, P. L., t. lu, col. 424goire do Nazianze, Orationes, orat., χχιχ,χχχ (theologiae 427, 477-179, 577-579, 594-598. ni, iv), χχχνπι (in lheophania); xuv (in novam domi­ nicam) XLV (In s. pascha), P, G., t. xxxvi, col. 73-104, F/* siècle. — Léonce do Byzance, Ltbrl très contra nes­ 103-134,311-331.587-622,623-624 ; Epist. ad Cledonium,!, torlanos et eutychianos, P, G., t. lxxxvï, col. 1267-1396; ii, t. xxxvn, col. 175-191; 193-202; Poemata, ix-xi, Capita triginta contra Severum, col. 1901-1916; Solutio col. 455-472; S. Grégoire de Nj’ssc, Oratio catechetica magna, argumentorum a Severo objectorum, coi. 1915-1915; Adver­ c.ix-xxxii,P. G.,t. xlv, col. 39-84; Orat. in Christi resursus fraudes apollinaristarum, coi. 1947-1976, et, sous le reclionem, v, t. xuv, col. 683-690; A nt irrhetlc us adversus nom do cet auteur. De sectis, coi. 1193-1268; Adversus Apollinarem, col. 1123-1270; Adversus Apollinarem ad nestorlanos, coi. 1309-1768; Contra monophysitas, coi. 1769Theophilum episcopum alexandrinum, coi. 1269-1278; 1902; Jean Maxcnce, Epist. ad legatos sedis apostolic*, P. G., S. Jean Chiysostome, De S. Eabyla, P, G., t. L, coi. 533t. lxxxvi, coi. 75-78; De Christo professio, col. 79-86; 572; In paralyticum et de Christi nativitate, t. xlviii.coI. 801Contra nestorlanos capitula,coi. 85-88; Alia fidei professio, 812; Contra fudiros cl gentiles quoa Christus sit Deus, coi. 89-90; Hatio adunationis Verbi Dei, coi. 89-92; Ad coi. 813-838;Homélies et principalement Ilamii, in Joa., cplsl. Ilormlsdm responsio, coi. 93-112; Dialogi contra nrsF, 19,coi. 147-256; cf. Ilomil. in IncarnationemDomint, etc. tor ianos, coi. 115-158; Contra acephalos libellus, coi. 111116; Jobius, moine, fragm.Quarstlo quare I Ilius Incarna­ t. lix, coi. 687-700 (Inauthentlquc)· ct (id.). In novam Dominicam, t. lxiii, coi. 927-930; S. Éphrcm, dans plu­ tus, non autem Pater aut Spiritus Sanctus, coi. 3313-3320; sieurs de scs discours, notamment Sermones de nativitate Eustathe, moine, Epistola de duabus naturis adversus Seve­ Domini, édit, rom., t. n, p. 396-438; Sermones polemicI, rum, coi. 901-942; Éphrem d'Antioche, fragm. Ex apo­ adversus hxrtses, χιι, χιν, χνιι-χιχ, xxiv, xxix-xxxi, logia pro synodo Chalccdoncnsl cl epistolaS. Leonis,coi.21032106; Ex libro contra Severum, coi. 2105-2108; Ex oratione XXXIV, u, LIV, p. 464-466» 467-169. 472-479, 491-195, Insomnia expertus >,col. 2107-2108; De Joanne Grammatico, 504-510, 515-517, 543-552, 555-557; De margarita, fnigm. P. G., t. Lxxxvï, coL 2109-2110; le discours De Domino coi. 2109-2110; In Caln, coi. 2109-2110; Justinien, empe nostro, édit. Larny, Malines, 1882-1889, t. i, p. 145-274; rcur, Constitutio sacra contra severianos, coi. 1095-1104; S. Éplphane., Ancoratus, P. G., t. lxiii,co1. 17-236; Pana­ Tractatus contra monophysitas, coi. 1103-1146; *Ομο)ογία rium lueres., h er. lxx-lxxii, lxxv, lxxvh, lxxviu-lxxx, πίστεως κατά των τριών κεφαλαίων, col. 993-1036; t. LXII, col. 339-100,503-516,611-700, 699-874; Eusébe Τύζος ιτοος την αγίαν σύνοδον, col. 1035-1042; Epistola d'Émèse, fragm. De persona Christi, P. G., t, lxxxvï, dogmatica ad Zoilum, col. 1145-1150; Anastase I" (?),De col. 535-516. nostris rectis dogmatibus veritatis orationes quinque (latin seulement), P. G., t. lxxxix. De Incarnatione, coi. 1335F* siècle- S. Cyrille d'Alexandrie,De Incarnatione Uni­ geniti dialogus, P. G., t. lxxv, col. 1189-1254; Scholia de 1343; De passione et Impossibilitate Christi, coi. 1347Incarnatione unlgenili, col. 1369-1412; Scholia de Incarna­ 1356; De resurrectione Christi, coi. 1355-1362; Compen­ tione Verbi Dei, col. 1112-1120; Derecta fide ad Theodosium diaria orthodoxa! fidei explicatio, coi. 1399-1 104; Epistola Imperatorem, t. lxxvi, coi. 1133-1200; De recta fide ad ad Sergium, coi. 1403-1408; Pamphile de Jérusalem (?), principissas (ad reglruu I), coi. 1201-1336; De recta fide Panoplia dogmatica, P. G., t. lxxx, coi. 885-932; voir ad augusbu (ad reginas II), coi. 1336-1120; Adversus aussi la compilation latine : Synodlcon adversus tragoediam Iren* t, P. G., t. lxxxiv, col. 565-86-1. — Vigile de Thapse, Nestoril blasphcmtas, col. 9-218; Analhcmalismi, t. lxxv, Contra Eutychetcn libri V, P. L., t. lxii, col. 03-154; (?) coi. 120-121; Apotogetlcus contra Orientales t. LXXVt, De Trinitate, libri I II, col. 251-261 ; Pierre ledincre et autres. coi. 315-386; Apologeticus contra Throdorctum, coi. 385Liber.·· de Incarnatione et gratia Domini nostri Je.su Christi ad 452; Expllcallo duodecim capitum, coi. 295-312; Apologetlcus ad Theodosium, coi. 453-188; Aducrsus nolentes con­ Fulgentium, P. L., t. lxv, coi. 442-451; S. Fulgencc de fiteri sanctam Virginem esse Dr i param, coi. 255-292; Dialo­ Kuspc, Epist. xvii, contra arlanos; Ad Thraamsundum gus *Οτι είς ό Χριστός, t. lxxv, col. 1253-1362; panni les regem Vandalorum; De incarnatione lilii Dei cl vilium animalium auctore ad Scarilam, P. L., t. Lxv, coi. 451homélies, Homtliit paschales, xvti, t. Lxxvn, col.767-793; 493,206-224,223-304,573-602; Epist., x\iu,ad Reginum, Hamill* divers*,I-VUl.col. 981-1010; XV-XVI, col. 1089, coi. 493-198; Epist., xiv, col. 591-135; Facundus d'Her1006; XXI-XXH, col. 1111-1116; panni les lettres, t. Lxxvn miane. Pro defensione trium capitulorum, P. L., t. lxvii, col. 9-390, principalement epist. i, ad monachos .Egypt!, coi. 527-85-1; Libérât de Carthago, Breviarium causa! col. 9-40; iv, ad Nestorium, col. 44-19; xvn, ad Nestorium, coL 105-120; xxxix, ad Joannem antiochenum, col. 173- I nestorlanorum et cntychlanorum, P. L., t. LXvm, coi. 969181; XL, ad Accium, col. 181-201; xliv, ad Euloglum, I 1052; Gélasc I·*, De duabus naturis in Christo adversus Eutychcn et Nestorium, éd. Thiel, Epistolix rom anorum col. 224-248; L, Ad Valerianum, col. 256-277; xlv, ad Succmsum. î, col. 228-237; xlvi, ad Succensum, n, col. pontificum. Braunsbcrg, 1868; Boècr, Liber de persona el duabus naturis contra Nestorium et Eutychcn, P. L., 237-245; Fragm. ex libro contra SgnoiLsiastas, t. lxxvi, t. lxiv,co1. 1337-1351; Fulgencc Ferrand, le diacre, Epist., col. 1427-1438; Contra Theodorum ct Diodorum, col. 1437in,iv, v, vi, P. L., t. lxvii,coi. 889-928. 1152; pannl les douteux. Adversus anthmpomorphilas, Vil* sh'clr. — Eulogius d*Alexandrie, Fragments, P. G., P. G., t. lxxvi, col. 1065-1132; panni les apocryphes, mais t. lxxxvi. Capita VU de duabus naturis, coi. 2937-2940; composés de textes authentiques, De Incarnatione Verbt Del, P. G., t. lxxv, sol. 1413-1420; Dialogus cum Nestor io. [ De trinitate el Incarnatione, coi. 2939-2911; Contra monolxxvi, 1533 INCARNATION hysltas, co!. 2913-2948; Ex dcfenslonlbut, col. 2947-2060; Alla fragm.,col, 2961-296-1; Théodore de Italthu, De incar· natione, P, G’..t. xci.col. 1483-1504; S. Anns tasc IcSInnltc, ‘Οδηγό;»/*. G., t. lxxxix, col. 33-310; Dr operationibus, col. 1281-1284; Contra Dhctetum, col. 1283-128*1; In Ser­ gium grammaticum, col. 1285-1286; peut-être faut-il lui attribuer l’important florilège: Doctrina Patrum de incarna­ tione Verbt, édit. F.Diekamp, Munster cnWcsphallo, 1907; S. Sophronc. Eptdola synod ira, P. G., t. t.xxxvii.col. 31 173200; (dans Mansi, Concilia, t. xi.col. 161-310); In N arie­ tem Ascalonts, col. 3801-3806; Orat,, H, in SS, Deipanr annuntiationem, cul. 3217-3288; In throphania, fragm., col. 4001-1004; S. Mnxime-le-Confcsicur, Opuscula thro­ ng ica 11 polcmtca, P. G., t. χα» col. 9-286; Disputatio cum Pyrrho, col. 287-351; Epist,, 1-XLV, col. 363-650; Ad Anas· tasiuni epistula, t. xc, col. 131-131. Honorius, Epist. ad Sergium, I, tl, P. E t. lxxx, col. 170-476; Jean IV. Epist.,ad Constantinum tmperatorem, col. 602-607; S. ?\gathon, Epht, dogmatica, P. L., t. lxxx vu, col, 1161-1252. VHP siècle, — S. Jean Damascene, De fide orthodoxa, 1. Ill, P. G,, t. xciv, col.981-1102; De duabus tn Christo voluntatibus, t. xcv, col. 127-186; De natura composita contra accphalos, col. 111-126; Adversus nestorlanos, col. 187-224; Contra jacobitas, L xciv, col. 1435-1502; Dr sancta Trinitate, col. 9-18; Hcsponsio ad scoertanos, col. 225-228; Fragm., col. 411-116; Théodore Abucam, Opuscula, P, G,, t. XCVJI, De quinque Inimicis a quibus Christus nos liberavit, col. 1461-1470; Confutatio jacubi· tarum, col. 1 169-1492; Epistola Thoma: pair, Hierosol, dr Christo secundum Chalccdoncnsc ad Armenios lucrcticos, col. 1503-1522; De differentia inter humanitatem et corpus Christi, col. 1521-1524; De luctatione Christi cum diabolo, col. 1523-1528; Adversus nestorianum in illud ; Data est mihi omnis potestas, col. 1533-1536; Interrogat Iones I,II ad nestorianum, col. 1535-1538; Dialogus cum nestoriano de « Theotoco », col. 1537-1510; Dialogus cum nestoriano de vocabulo « Christo », col. 1539-1510; Alius dialogus contra Nestorium, col. 1539-1510; Christum hominem factum esse verum Deum, coi. 1553-1556; Cum nestoriano disputatio, coi. 1575-1580; Cum jacobila disputatio, coi. 1579-1582; Contra Theopaschitas, coi. 1583-1581; Dialogus cum neshr fano, coi. 1583-1586; Quivslio: Verbum Dei sitne creatum an non, coi. 1591-1591; Uter major sanctificans an sancti· ficatus, coi. 1593-1596; fragm.. Dc unione ct incarnatione, coi. 1601-1610. — Paulin d'Aquilée, Libellus sacrosylla· bus, P, L.,t. xcix, cul. 151-106; Contra Felicem Urgeltitanuni,cnl.313-168;cf. Epistola synodtea, P. L.,l. ci,col. 1331 1346; Adrien Ier, Epistola.,, episcopis per universam Spanian commorantibus directa, P. L., t. xr.vm, coi. 373-386; Alcuin, Libellus adversus haresim Felicis, P. L,, t. a, col. 87-120; Adversus Felicem libri VII, coi. 127-230; Adversus Eliphanduin libri IV, coi. 213-300; S. Benoit d’Anlano, Opuscula,i,n, P. L,, t. cm.col. 1381-1 111. IX* siècle. — Agobard, Liber adversus dogma Felicis Urgellrnsis, P. L., t. civ, coi. 29-70; Liber adversus Frc· degisum, coi. 159-174; Alvarrz. do Cordoue, Epistola', p i... t. · \xi» coi. 411-511. s. Pam hase Radbert, Dc partu Virginis, P.L., t. cxx, coi. 1367-1386; Ratrnmnc.De Nativitate Christi, P. L., t. cxxi, coi. 87-102. XP siècle. — Jean le diacre, Dr Dei circa hominem oeco­ nomia. P. G., t. cxx, col. 1293-1296. — Guitmond d'Aversa, Confessio de sancta Trinitate, Christi humanitate, corporisque ac sanguinis Domini nostri veritate, P. L., t. CXLXX, col. 1 195-1502. XIP siècle,— Euthymlus, Panoplia, tlt. xiv, P. G., t. lxxx, coi. 875-932; Theorianos, Disputationes, 1, 11, cum Armenia: catholico, P. G., t. cxxxin, coi. 119-212, 211-298. —S. Anselme (f 1109), Liber de fide trinitatis et dc incarnatione Verbi P. L., t. clviii» coi. 259-284; Cur Deus Homo, col. 359-132; Dc conceptu virginali ct originali peccato,coi. 431-464 ;B. Rupert dr Deutz (f 1195), De victoria Verbi Dei, P. L., t. ci.xix, coi. 1215-1502, Hugues de Saint-Victor (t 1141), Dc Verbo incarnato coi· latione·, seu disputationes tres, P. L., t. cxxxvii, coi. 315321 ; De quatuor voluntatibus in Christo, t. <:t.xxvi,col. 841816; Dc sapientia aninuc Christi an ecqualis cum divina fuerit, coi. 815-856; Drogon, (f 1138), Sermo dc Christi passionis sacramento, P. /«, t. clxvi, coi. 1515-1547; Vcn. Guibcrt (f 1124), Tractatus de incarnatione contra judrros, P. L., t. ervi, coi. 189-528; S. Bernard (t 1153), Sermones, pa%*im, P. L·, t. clxxxii; Guerric, Sermones, passim, P· L., t. clxxxv; Pierre le Vénérable (f 1156) Epistola ad Petrum dc Joinne; Tractatus adversus judxos, P. L., 1534 t. clxxxix, coi. 487-508. 507-650; Hermann, abbé dc Saint-Martin (f 1117), Tractatus de incarnatione, P. E, t. ci.xxx, coi. 1073-11G0; Richard de Saint-Victor (t 1173). Ltber de Vcrlxi incarnato, P. I., t. CXCVt, col. 095-1010Î Jean de Corbie (t 1170), Apologia de Verbo incarnato, P.L.,1. ci.xxvn,coi. 295-316; Eulogiam ad Alexandrum IIP Quod Christus sit aliquis homo. P. L., t. exox, coi. 10411086; Pierre de ( elle (f!187). Sermones, pntdm, P. L, t. ccn; S. Martin de Liège, Sermones, passim, P. L.· t. ccvm; Robert Pul! (f 113G), Sententia·, 1. HI» IV, P. L.* t. cj.xxwi, coi, 7 10; Piem Lombard (♦ 1164 Seni·· 1, HI,dist. I-XXI il, P, L., t. exexi,coi. 757-807; Maître Bnndin,(7),Srnfrntiuruml. IV.P. L., t. exen»coi. 965-1112. XIH* siècle.— Alain de Lille (f 1202). De arte seu articulis catholica· fidei, I. Ill, Dc Filio Del incarnata pra homine redimendo, P. L., t. ccx. coi. 609-615; Pierre de Poi­ tiers (f 1205),Sententiarum I. V, P. E, t. ccxi.rol. 789-1208; Alexandre de Halés (f 1215), Summa theologias (continuée par tes disciples), Venise, 1570; Guillaume d’Auvergne (t 1219).Dr incarnatione.Orléans, 1761 ; Tractatus superpas· sione Christi .1 laguruau. 1480 ;Guillaume d’Auxerre (f 1232). dans Summa aurea {tnt. ill Sent.. ) Venise, 1591; B. Al­ bert le Grand (t 1280).Compendium theoogtzr,!. TV,de incar­ natione Christi, Fribourg» 1881 ; In i V Sent., 1. HI, dist. IΧΧΠ,ΒΛΙο,1506;S.Thomasd’Aquin(f 1271). In IVSent., 1.1H 'Qutrst, dlsput.. De unione Verbi incarnati; De neritatc, q. xx; Quodlib., II,n.2,3; l»a.l,2;IX »n.3, l,5;IV.n . 8; V,a. 5; VII.a.5; IX.n.2-5;Sum.cont. gentes, 1. IV,c. xxviLv; Sum, thcol., llb.q, i-ux; Opuscula, (édit. Parm.). n; Compendium theologitc, c. cxcvui-ccxui; t. n. Declaratio quorumdam articulorum contra grn-cos, ctc.,c. vi-vu; t. vn. In symbolum apostolorum, n. 2-7 ; S. Bonaventure (t 1274), In IV Sent.» I. IV; Brcviloqutum; Quarstiones disputata*, (de scientia Christi), Qunracchi» 1882-1890. A partir dc saint Thomas ct de saint Bonns cnturc, jusqu'au xiv· siècle, la théologie dc l'incarnation est exposée par les commen­ tateurs du III* livre des Sentences, dist. I-XX1I; nous ne citerons que les commentateurs dc quelque autorité, et dont l’œuvre est éditée : Annibold(f 1275), (se trouve en appendice aux œuvre*» complètesdc saint Thomas); Pierre dc Tarcntaisc (f 1276), Toulouse, 1652; Henri dc Gond (f 1293), Venise, 1613 (avec le titre de Quodlibcla}, XIV*siècle,—Grégoire Pulomas (f!354), Homil. de Incar­ natione, P. G., t. cli, col. 189-220. — Scntcntialrcs : Duns Scot (t 1308), dans Opéra, Paris, 1S92 sq.; Pierre Auriol (f 1322). Rome, 1596-1605; Antoine Andrens, O. M. (f 1320), Venise, 157S; Richard de Middletown, O. M. (f 1307), Venise, 1507; Noèl Hervé le Breton. O. P. (t 1323), Venise, 1505; Gilles Colonna de Rome, O. S. A. (f 1316), (seulement jusqu’il la q. xi), Cordoue. 1707; Gérard de Bologne, carme (f 1317). Venise. 1622; François de Mayronis, O. M. (t 1327). Venise, 1567; Guillaume de Rublone, O. M. (f 1333), Paris, 1578; Jean de Bassolis (f 1347), Paris, 1517; Jean dc Cologne (t 1339). Bâle, 1510; Occam (f 1349), Lyon, 1495; Durand de SaintPourçnln» O. P. (t 1334), Venise. 1571 ; Pierre dc la Palu, O. P. (f 1342), Paris» 1517; Robert 1 lolcoth, O. P. (f 1349), Lyon. 1518; Jean de Bauconthorp, carme (f 1346), Crémone, 1618; Thomas de Strasbourg, O. S. A. (f 1357), Strasbourg 1190; Pierre d'zKquiki (Scotcllus). O. M. (f 1370), Paris. 1585; Adam Godham (f 1358), Paris. 1512; François dc Bacho, canne (f 1372). Rome, 1484;Mursi!e d’inghen (t 1396), Strasbourg. 1501; Jean Bochingham, O. S. B. (t 1398), Paris, 1505; Jean Balkstcr, carme (f 1384), Crémone, 1618. A signaler ù part, Jùigclbert, O. S. B. (f 1331), l trum Deus adhuc incarnatus fuisset, st primus homo non fuisset lapsus (encore manuscrit). ΙΓ· siècle.— Gcnnade 11 (George Scholarius), De Christi incarnatione, P. G., t. ( lx. col. 1157-1162.— Pierre d’AÎlly (f 1420),Depila Christi, Paris, 1483; Quastio : Utrum tri­ nitas personarum in una natura creaturae sit communicabitis, édit. Dupin, dans les œuvres dc Gerson, Amsterdam, 1706, t. i; Scntcntlnlrcs : Jean Capreolus (t 1432), Tours, 1900 sq.; Nicolas Dorbcl, O. M. (f 1163), Venise, 1517; Guillaume Vorlion (t 1461), Venise, 1519; Gabriel Blcl (t 1495), Lyon, 1514; Étienne Brulefcr (f 1496), Paris, 1605; Antoine Syrret, O. M. Conv. (f 1490), Naples, 1607» Λ VP siècle.—Fr. Lichct. O. M. (t 1520). In Sent.. Lyon, 1639; Jacques Ahnain (f 1515). Ini. Ill Sent., Lyon, 1527; Conrad Summenhart (t 1502), Quod Deus homo fieri voluerit, Tubinguc, 1594; Thomas de Vio, Cajétun (f 1534), Commentarii in (UP^) Sum. S. Thoma·, Venise. 1596; François Sylvestre do Ferrure, In Sum.cont. Gcntlle^.l. IV 1535 INCARNATION c. sxmi *q., Lyon, 1567; Jean de Salaya (f 1521), /n /// Z. 5rnL, Valence. 1528; Jean Major (î 1510). /n III 1. Sent., Pari*. 1517; Mathurin U Bret (f 1530). In Sent., Anger*. 1528; Jean Doc (f 1560). O. S B.. De atema generatione Filii Dei et temporali nativitate, Pari*. 1551; Louis Féable(t 1555) De humana restauratione sive de incarnatione Domini, Anvers, 155!»; Jean Slootan, O. P. (fl560),Dr praecipuis incarnationis divina? nodrrqiir redemptionis mysteriis, homil., libri III, Cologne, 1558; .Jean Mario Verrat!, carme (t 1562), Opera, t. n, Venise, 1551, D· incarnatione Verbi; B. Medina, O. P. (t 1581), In III " Sum. 5. Thoma, q. i-i.x, Salamanque, 1581; François a Christo, O. S, A. (t 1587), Pr/rlectioncs sive enarrationes admirabilis divini Verbi incarnationis, Colmhre, 1564; Dldacc de Tapia, O. S. A. (f 1591), De incarnatione Christi, Salamanque, 1589; Gonzalez de Mendoza, O. S. A. (t 1618), Helectio dr uni· vrrsali Christi dominio ac regno, quod rerum habet ct qua Deus et qua homo est, Salamanque, 1588, Cologne, 1603; Dyon Zarate, O. S. A. (f 1601), De incarnationis ineffabili mysterio, .Alcala, 1601; les Sentcntinires : Ledesma (Mar­ lin). Ο. P. (f 1604), Colmbre, 1555, 1560; Anglés, Ο. M. (f 1587), Burgos, 1565; It. Ovando, O. M. (f 1584), Madrid, 1534; Tartarei. Ο. M. (t 1191), édités par Sarnanl, Venise, 1602. Voir aussi Salmeron, S. J., dans ses Commentarii, ιη·χι, Madrid, 1598-1602. XV IP siMet — Albertini (f 1619), Corollariorum seu qmrstionum theologicarum ex principiis philosophicis deduc· tarum, t. n, Lyon, 1616; Martin Smiglecki (t 1618), contre les socinlens, Xova monstra novi arianismi, Nisch, 1612; De efroribus novorum arlanorum, Cracovie, 1615; Verbum caro factum, Cracovie, 1613; De Christo vero et naturali Dei Filio, Cracovie, 1615; Grégoire de Valencia (t 1603), dant Commentaria theologica, Ingolstadt, 1591; De (fera Christi majestate et prasenlia, Ingolstadt, 1584; Fr. Suarez, S. J. (f 1617), Opera, Venite, 1740-1757, t. xvi-xvn; Paris, 1856-1878, t. xvm-XTX, De incarnatione; Gabriel Vasquez, S. J. (f 1604), Commentarii et disputationes in IIP* p. Sum. S. Thoma, Opera, Lyon, 1620, t. vi-vn. De incarnatione; Pet. de Lorea (f 1606). In IIP* p. D, Thomae, De incarnatione, Alcala, 1616; Pet. de Cabrera, O. S. II. (f 1661), In IIP* p. D. Thoma commentarii et disputationes, Cordouc, 1602; Pierre Morales, S. J., In c. I. Matthaei, de Christo. SS. V. Deipara Maria, veroque ejus dulcissimo sponso Josepho, libri V, Lyon, 1614; Lcsslus, S. J. (f 1623), De incarnatione Verbi... pralccliones theologicae, Louvain, 1645; J. Præposltus S. J.F (f 1631), In ///*■ part. S. Thoma, De incarnatione Verbi divini, de sacramentis et censuris. Douai. 1629; Wlggers (t 1639), In IIP* part., q. I-XXVI, de Verbo incarnato, Louvain, 1702; Matth. Weiss. O. S. B., De Verbo incarnato, Salzbourg, 1626; Tanner (t 1632), Disputationes in IIP* S. Thoma, Ingolstadt, 1618; Martin Gamache, Summa theologica, Paris. 1631; Tlphalne, S. J. (t 1634), De hypostasi et persona, Paris, 1880; A. Duval, Commentarius in Sum. S. Thomæ. Paris, 1636; Jérôme Medices, Commentaria ac dis· putationes (n IIP* S. Thoma·, Lyon, 1620; Decanus, S. J. (t 1624), Summa theologia· scholastica·, tr. Dr in· carnatione, Mayence, 1630; Joseph Bngusa, S. J. (f 1624), Commentaria ac disputationes (n IIP* D. Thoma, Lyon, 1619. 1620; Maur. Ccntlni, O. 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Autres ouvrages récents en français, sur l'incarnation, voir Francs, t. vi, col. 698; sur JLsus-Chïust, voir cc mot. A. Michel. INCES IN (Martin de Salnto-Marle)y théologien de la congrégation cistercienne des feuillants, né à Paris, vivait encore en 1690. 11 enseigna la philoso­ phie ct la théologie ct publia : Liber reseratus, seu prima Bibitorum elementa; 2 in-8®, Paris, 1673, Tabula generalis Sunimx divi Thonur, omnium ejus tracta­ tuum numerum, ordinem et connexionem indicans, in-8°, Paris, 1679; Varii juris ulrtusque tituli, ac rerum indices una cum juris canonici historia abbre­ llata, in-8°, Paris, 1684. Morotlus, Cistercll reflorescentis chmnologlca historia, part. HI, in-fol., Turin, 1690, p. 123; Dupin, Table des au­ teurs ecclésiastiques du X VH· siècle, in-8·, Paris. 1704, col. 2611; [dom François], Bibliothèque générale des écrivains de Vordre de saint Benoit, t. H,p. 4; Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1910, L xv, col. 138, note 1. B. Heurtedize. INCESTE. — I. Notion. II. Histoire. III. Raisons dc sa prohibition. IV. Gravité selon les lignes ct degrés. V. Peines canoniques. VI. Inceste légal ct spirituel. VIL L'inceste chez les < Primitifs ». L Notion. — C'est le péché commis par le com­ merce charnel qu'ont ensemble des personnes unies 1540 par la consanguinité ct l’afllnilé aux degrés Interdits par l'Église. Saint Thomas, qui le considère du côté dc l'homme qui ne rend pas aux femmes l’honneur qui leur est dû, le fait consister in abusa mulierum consanguinitate uct affinitate juncturum. Sum. theol., IIs II®,q. cuv, a. 1. Mais la femme n'est pas toujours victime d’une violence; elle peut consentir ct elle consent parfois à une union incestueuse. Pour le saint docteur ct pour tous les théologiens, l'inceste est une espèce déterminée du vice dc la luxure. Les espèces de cc vice sc différencient par la condition des femmes dont on abuse, l'inceste, étant abusus consanguinearum uct affinium, constitue une espèce particulière dc luxure. Ibid., a. 8. Bien que, dc sa nature, l'inceste exige le commerce charnel, les théologiens reconnaissent cependant un caractère incestueux aux attouchements voluptueux des consan­ guins. IL Histoire. — Λ l’origine dc l'humanité, l'union des frères ct des sœurs, puis des cousins et des cousines ou des personnes ayant entre clics un lien d’aiïlnité à un degré prohibé plus tard, a été nécessaire pour la propagation dc l'espèce ct clic n’avait alors aucun caractère incestueux. Avec la multiplication des familles, les mariages dc parents rapprochés cessèrent d'ètrc nécessaires et furent interdits par les lois. Saint Augustin le remarquait déjà : Commixtio soro­ rum ctfratrumquanto fuit antiquior, compellente neces­ sitate, tanto postea faclacst damnabilior, religione prohi­ bente. De civitate Dei, L XV, c. xvi, n. 1, P. L., t. xli, coi. 457-158. C'est l’histoire dc ccs prohibitions reli­ gieuses ct civiles qu'il faut ébaucher. 1° Chez les Égyptiens. — Les Pharaons prenaient comme dpouse royale « rarement une étrangère, pres­ que toujours une princesse née dans la pourpre, une fille dc RA, autant que possible une sœur du Pharaon, qui, héritant au même degré ct dans des proportions égales la chair ct le sang du Soleil, avait plus que personne au monde qualité pour partager la couche ct le trône de son frère, o G. Maspéro, Histoire ancienne des peu­ ples de T Orient classique. Paris, 1895, t. i, p. 270. Cf. p. 272. A l’époque thébaine, il y eut autant dc reines que dc rois. Les fils gardaient la prépondérance sur les filles, quand ils naissaient tous d'un frère ct d’une sœur utérins et consanguins. Mais si les fils avaient une mère qui ne descendait pas dc RA, l’aînée dc leurs sœurs issues de mariages incestueux devenait le Pha­ raon légitime ct succédait à son père. Ibid., 1897, t. n, p. 77-78. Dans le peuple, l'union incestueuse entre mère ct fils n'existait pas, mais l’union du père ct dc la fille n’était peut-être pas entièrement prohibée, ct celle du frère avec sa sœur était réputée la plus juste ct la plus naturelle. Dans les chants d’amour égyptiens,les mots frère ct saur ont le sens d’amant ct dc maîtresse. Ibid., 1.1, p. 50-51. 2° Chez les Chaldrens. — « Comme les rois, ne s'attri­ buant point une origine divine, n'étaient pas contraints d'épouser leurs sœurs, comme les l’haraons, pour entre· tenir la pureté de leur race, il s'en trouvait rarement entre leurs femmes qui possédassent sur la couronne des droits égaux aux leurs. > Ibid., 1.1, p. 708. Le Code d’Hammourabi interdisait l’inceste au moins en lignedircctcct au premier degré. «Si un homme a eu commerce avec sa fille, on chassera cet homme du lieu, § 154. Si un homme a choisi une fiancée pour son fils, ct si celui-ci l’a connue, si le père lui-même ensuite est surpris à coucher dans son sein, on liera cet homme ct on le jettera dans l’eau, § 155. Si un homme a choisi une fiancée pour son fils ct si son fils ne l a pas encore connue, et si lui-même a dormi dans son sein, il lui payera une demi-mine d'argent, ct lui rendra intégralement tout cc qu'elle a apporté de 1541 INCESTE chez bon père, ct clic épousera qui elle voudra, § 156. Si un homme a dormi, après son père, dans le sein dc sa mère, on les brûlera tous deux, $ 157. Si un homme, ù la suite dc son père, est surpris dans le sein dc celle qui l’a élevé, ct qui a eu des enfants (dc ce père), cet homme sera arraché de la maison paternelle, § 158. » V. Schell. La loi d'Hammourabi (vers 2000 ao. J.-C.), Paris, 1901, p. 29-30; II. Winckler, Die Gesetzc Ham· mourabls, Leipzig, 1902, p. 26. Ainsi la mère ct le tils incestueux sont punis plus sévèrement que le père incestueux : ils sont brûlés vifs, tandis que l'inceste du père le rend seulement passible de l’expulsion du lieu où il habite. Le ills ne pourra pas épouser sa fiancée, si, avant le mariage, son père a dormi avec elle. Mais si le père commet l’inceste avecsa bru, il sera lié ct jeté dans l’Euphrate, dans la traduction du Père Schell ct de Winckler. Mais on a remarqué que le texte cunéiforme porte Si « elle », ct non Si: < lui ». On a pensé que c’était une erreur provenant d’une inadvertance du graveur. D. Mirande, Code de Hammourabi etsesorigincs. Aperçu sommaire du droit chaldéen, Paris, 1913, p. 69, ne l’admet pas. < On n’eût pas laissé subsister dans le texte dc la loi, exposé aux regards du public, une pareille erreur facile à corriger sur la pierre. Sans doute, il répugne Λ nos idées de justice dc voir, en cc cas, infliger à la fiancée la peine dc la femme adultère, mais il n’est pas possible que le père dc famille soit jeté au fleuve, quand on considère que, s’il a abusé de sa propre fille, il est seulement expulsé. » Le fils qui a des relations avecsa belle-mère est chassé dc la maison paternelle. Les Chaldécns ne reconnaissaient pas l’inceste par affinité, puisqu'un homme pouvait épouser les deux sœurs. Voir D. Milan te, op, cil., p. 61-65. 3° Chez les Israélites. —· 1. Λ Γépoque patriarcale. — La Genèse rapporte quelques exemples, bien connus, d’incestes au premier degré en ligne directe ou en ligne collatérale. A l’époque contemporaine de Hammou­ rabi, nous connaissons celui des filles dc Lot avec leur père, dont il n’est pas nécessaire dc rappeler les circonstances. Gen., xix, 30-38. Lot n’était pas cou­ pable; si scs filles peuvent être excusées, le récit tend au moins à disqualifier les Moabites et les Ammonites, qui furent plus tard peu favorables aux Israélites. Deut., xxm, 3, 4. Ruben dormit avec Bala, la concu­ bine dc son père, ct Jacob ne l’ignorapas. Gen., xxxn, 22. Cc crime lui fit perdre son droit d’aînesse, xux, 3,4. Thamar, la bru de Juda, tendit un piège à son beaupère qui fut coupable de fornication, et non d’inceste. Thamar était veuve des deux fils aînés de Juda, Hcr ct Onan, ct Juda avait refusé dc lui donner le troi­ sième, Scia. Ce refus provoqua sa démarche coupable. Elle devait être brûléecommelnfidèle Λ ses précédents maris, ayant commis une sorte d’adultère, quand elle dévoila son stratagème. Gen., xxvm, 14, 30. Juda reçut néanmoins dc son père une bénédiction parti­ culière, qui fit dc lui l’ancêtre du Messie, Gen., xux, 8-12. ct c’est par Thamar que ccttc bénédiction sc réalisa. Mal th. i,3. 2. Dans la législation mosaïque. — Cette législation fait partie dc cc qu’on appelle le Code sacerdotal. Avant d’indiquer en particulier les lois dc la sainteté du mariage, Jéhovah ordonne à Moïse dc défendre aux Israélites d'imiter les mœurs des Égyptiens du milieu desquels Ils viennent, ct celles des Chananéens, au milieu desquels ils vont habiter. Lev., xvm, 1-3. Les unions incestueuses qui sont ensuite interdites, sont celles qu’un homme tenterait dc contracter avec scs parentes *par consanguinité : celle d’un fils avec sa mère, 7; celle d’un homme avec une autre épouse dc son père, 8; cf. Deut., xxn, 30; celle d’un frère avec sa sœur dc père ou dc mère, née à la maison ou eu 1342 dehors, 9; celle d’un grand'père avecsa petite fille, 10; celle d’un homme avec la fille de son père, 11 ; celle d’un fils avec la sœur dc son père, 12; ou avec la sœur de sa mère, 13. L'unique motif donné est toujours l’unité de chair. Les unions incestueuses par suite d’affinité sont celles d'un neveu avec la femme de son oncle, 14; d’un père avec sa belle-fille, 15; d’un homme avec sa belle-sœur, 16; d’un homme avec une fille ou une petite-fille de sa femme, 17; enfin d’un homme avec la sœur dc sa femme, du vivant dc celleci, 18. Dans toutes ses prohibitions, l’homme est tou­ jours nommé parce que c’est lui qui prend femme; ce sont donc dc véritables interdictions de manage, et non des répressions dc crimes commis. Les mariages successifs d’une femme avec les frères dc son premier mari, mort sans enfant, ne sont pas interdits en vertu dc la loi du lévirat. Voir t. i, col. 519. Le législateur n'interdit pas non plus l'union d’un neveu avec sa tante maternelle, ni celle d'un onde avec sa nièce. L’union d’un père avec sa fille n’est pas mentionnée; II est évident qu'elle était aussi interdite que celle d’un fils a\ ce sa mère. Les pénalités contre l’homme ct la femme ayant commis le crime d'inceste sont établies dans une loi antérieure. Sont condamnés â mort le beau-fils et sa belle-mère, le beau-père ct sa bru, le beau-père et la fille dc sa femme, coupables d’inceste. Lev., xx, 11, 12,14,17. Le frère ct la sœur dc père ou dc mère, cou­ pables du même crime, n’étalent pas frappés de mort ; ils étaient seulement retranchés publiquement du peuple de Dieu par une sorte d’excommunication, 17. Le neveu qui commettra un inceste avecsa tante pater­ nelle ou maternelle, portera avecsa complice la peine dc son crime, peine qui n’est pas indiquée, 19. S’il s’est uni avec la femme de son oncle paternel ou ma­ ternel, ils mourront sans enfant, 20. L'homme qui épousera la femme dc son frère v ivant fera une action illicite, et ils seront sans enfants, 21. Dans les malédictions qu'il prononça sur le mont I lébal, Moïse rappela les cas les plus graves de l’inceste : ceux d’un fils avec la femme dc son père, d’un frère avec sa sœur paternelle ou maternelle, d’un gendre avec sa belle-mère, ct chaque fois le peuple réuni ratifiait la malédiction par un Amen d'acquiescement. Deut., xxvn, 20, 22, 23. Cf. F. de Ilummelauer, Commentarius in Exodum et Leviticum, Paris, 1897, p. 480-483,499,499. 3. Dans l’histoire du peuple jutf. — Les livres his­ toriques et prophétiques dc l’Ancien Testament ra­ content plusieurs unions incestueuses, qui sc produi­ sirent parmi les Israélites. Il suffira deles mentionner: celle, par viol, d’Ammon, fils de David, avec Thamar, sœur d’Absalon, II Reg., xm, 11-14, 28, 29; celle d’Absalon avec les concubines de son père, encore vivant, 11 Reg., xvi, 21» 22. Si Adonias, fils dc David, demanda à Salomon Ablsag, la concubine de son père, après la mort dc celui-ci, sa demande ne fut pas inces­ tueuse, puisque Davidn’avait pas connu la Sulamite. III Reg.,n, 13-23. Plus tard, Amos signale, au nombre des crimes qui sc commettaient dans le royaume d'Israël, celui d’un père ct de son fils, qui allaient à une même fille, u, 7. Le prophète Ézéchiel reprocha aux habitants de Jérusalem les incestes que com­ mettaient des fils avec la femme dc leur père, des beaux-pères a vecteurs belles-filles, des frères avec leurs sœurs, xxn, 10, 11. Ce furent sans doute des crimes dc cc genre qui, parvenus ù la connaissance des Romains, permirent ù Tacite, Illst.» v, 5, de porter cc jugement sévère sur les Juifs de son temps : « Race très portée à la licence des mœurs; ils s'abstiennent avec les étrangères, mais entre eux ils se permettent tout. » Hérode Antipas avait épousé Hérodiade, femme de 1543 INCESTE son onde Philippe, du vivant môme de ce dernier, après axoir renvoyé sa première femme, fille du roi arabe Aréthas, avec laquelle il avait longtemps vécu. Josèphc, Ant. jud., XVIII, v, 1. Saint Jean-Baptiste condamna donc avec raison cette union Incestueuse, contraire à la loi mosaïque. Marc., vi, 17, 18, A la fin du Ier siècle de notre ère, les deux écrivains juifs, Josèphe, Ant. jud., XX, n, 1, et Phllon, De specialibus legibus, 1. Il, blâmaient énergiquement les unions incestueuses des païens. 4e Chez les Mèdes et les Perses. — D’après les tradi­ tions iraniennes, la déesse Spenta-amaili, la fille d’Arouramazdà et son épouse, devint la mère du premier mortel et par lui l’aïeule du genre humain. Un des moyens d’expiation que Zoroastre commandait à ses fidèles était de marier une jeune fille saine à un homme Juste. Le mariage était obligatoire, et plus la parenté était proche entre les conjoints, plus il pa­ raissait louable. Aussi non seulement la sœur s’unis­ sait à son frère comme en Égypte, mais encore le père à sa fille ou la mère à son fils, du moins parmi les Mages. G. Maspero, op. c//., 1899, t. ni, p. 580,588589. C’est pourquoi les auteurs classiques et les Pères de l’Église leur reprochent leurs mariages incestueux et la dépravation de leurs mœurs; mais ils semblent avoir pris pour un raffinement de débauche ce qui était avant tout une pratiqucrellgicusc. Ibid., p. 595, note 6. 5® Chez les Grecs.—La mythologie abondait enunions des dieux entre parents trèsproches,mêmeentreascen­ dants et descendants. La société du temps d’Homère, conservait les mêmes Idées, quoique l’Odysséc fût très dure pour l’attentat involontaire d'Œdipe. Λ l’époque historique, l’union entre ascendants et des­ cendants était prohibée; l’union entre frères et sœurs germains consanguins et utérins n'était pas tolérée non plus et les Grecs s’étonnaient des mœurs des Égyptiens et des Achéménides. Cependant, le mariage entre frère et sœur était permis, dans certains cas différents, à Athènes et à Sparte, où on pratiquait le lévirat. Les mœurs étaient généralement conformes au droit, et les unions entre consanguins et demifrères et sœurs étaient rares. En dehors de ces cas de mariages prohibés, les Grecs avaient coutume de se marier entre proches parents. Voir art. Inceste, dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. ni a, p. 449-455. G® Chez les Romains. — Le droit romain était plus rigoureux. Au sens strict, il désignait par incestum l'impudicité des vestales et le commerce prohibé entre personnes unies par un lien de parenté ou d'affinité. Tous les membres d’une famille étant sous l'autorité du père, tout mariage entre eux était interdit nonsculcment parla lol civile, mais encore pari a loi mo­ rale. On distinguait l’inceste juris genliumot l’inceste juris civilis. Le premier interdisait le mariage entre ascendants par le sang ou l'adoption ou alliés dans la même ligne et descendants naturels ou par adoption ou alliés dans la même ligne, entre frère et sœur ou alliés au même degré. Le second, fixé par les lois civiles, prohibait l’union entre l’oncle et le nièce ou petite-nièce, la tante et le neveu ou petll-nbveu. La prohibition s’arrêtait au sixième degré. Avant la seconde guerrre punique, elle fut levée pour ce dernier degré. Peu après, le mariage fut permis entre cousins germains, parents au quatrième degré. L'empereur Claude fit autoriser par le sénat le mariage entre un onde et la fille de son frère; mais Constantin abrogea cette autorisation. L’ancien droit frappait de sanctions sévères l'inceste juris gentium. Aucune loi ne punis­ sait l’inceste juris civilis. Sous l'empire, le mariage incestueux fut considéré comme nul et les enfants comme spurit; le mari était puni de relégation; la femme et les mineurs n'étalent soumis à aucune peine. 1544 Ibid., p. 455-456. Pour l’inceste par affinité, voir Affi­ nité, 1.1, col. 519-520. 7® Dans le christianisme. — 1. Interdiction de Γinceste dans le décret apostolique. Act., xv, 29. — Quelques Interprètes modernes ont entendu la πορνεία, inter­ dite aux hellénochréticns dans ce décret, non pas de la simple fornication qui, aux yeux des païens, était une action indifférente, mais qui, pour les chrétiens, était une souillure morale et un péché, ni de la forni­ cation religieuse, en rapport avec la prostitution qui se pratiquait dans les temples de Syrie, comme l'en­ tend Prcuschcn, Die Apostelgcschichte, dans Handbuch zum Neuen Testament, Tubingue, 1912, t. iv, p. 95, mais des rapports sexuels interdits par la loi mosaïque, tant des unions Incestueuses, Lev., xvm, 6-18, que des autres relations prohibées, 19-23, fautes que com­ mettaient les tribus chananéenncs, qui souillaient leur pays, que Dieu voulait punirsévèrement et qu’il Inter­ disait même aux étrangers qui vivaient au milieu de son peuple, 24-30. Ces unions et ces relations sexuelles étaient donc défendues pur Dieu aux païens eux-mêmes. A l'assemblée de Jérusalem, il s'agissait de savoir si l'on imposerait les observances légales des Juifs aux païens convertis, et on avait décidé de les en dispenser. Act., xv, 1-11. Mais saint Jacques demanda qu’on exigeât d'eux au moins trois absten­ tions de pratiques païennes, que la loi mosaïque interdisait,20.Or,ùmoinsdesupposerqucPaul etBarnabé permettaient aux païens convertis la fornication, ce qui est tout à fait invraisemblable, il faut penser que saint Jacques insistait spécialement sur des pratiques que les fidèles, issus du paganisme, auraient pu conti­ nuer à suivre conformément à leurs habitudes anté­ rieures et à des coutumes spéciales à leurs pays. Au nombre de ces coutumes pouvaient se trouver les unions Incestueuses, et nous verrons bientôt que la communauté de Corinthe n’avait pas exclu un inces­ tueux dcsonsein.Or, on pouvait,sans violer le principe de la liberté des hellénochréticns, admis par l'assem­ blée, imposer à ceux-ci des interdits de la loi juive que Dieu avait Imposés aux païens, quoiqu'ils fussent des souillures légales, spécialement graves aux yeux des Juifs. Voir J. G. Sommer, Dus Apostcldekret, dans Theologische Studicn und Skizzen aus Ostpreussen, Kœnigsberg, 1887, t. n, n. 4, p. 43-48; II. J. Holtz­ mann, Die Apostelgcschichte, 3· édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 98; H. Wilbert, Het verbod van het Apostelconcil (Act., xv, 28-29) Sludfën, dans Tijd· schrijt van Godsdienst, Wetenschap en I.eltercn, 1907, t. lxvu, p. 211; M. Hagen; Lexicon biblicum, Paris, 1907, t. n,col. 757; A. Lolsy Les Actes des apôtres, Paris, 1921, p. 558, 590-591. Cette Interprétation cadre bien avec la situation historique, puisqu'il s’agissait seulement des obser­ vances juives, et avec la recension orientale du texte, qui est généralement admise par les critiques. La si­ gnification morale de la recension occidentale, adoptée par Harnack, voir Idolothytbs. col. 670, est juste­ ment réfutée par Lolsy, op. cit., p. 588-594. Le P. Six, Das Apostcldekret, Inspruck, 1912, p. 39-41, oppose à l’interprétation précédente que le sens étendu, donné à πορνεία, s’écarte trop du sens ordinaire du mot et qu’il pouvait être difficilement compris par les païens convertis au i. 172. munié, can. 53, ct qu'à l'avenir on ne devrait plus sc Le canon 12 du concile de Clermont (535) interdisait marier au quatrième degré et que dès lors une telle les mariages incestueux à différents degrés. Mansi, union serait cassée. Can. 54. Mansi, ibid., col. 75; ièf. ATI. Le IX· concile général, réuni au palais du Latran en 1123, interdit les alliances entre parents consan­ guins, · parce qu’elles sont défendues par les lois di­ vines ct humaines. » Les lois divines appellent maudits ceux qui les contractent ct ceux qui en naissent; les lois humaines les appellent infâmes ct les excluent des héritages. « C’est pourquoi, suivant l’exemple de nos pères, nous les notons d’infamie ct les regardons comme infâmes. ■ Can. 20. Mansi, t. xxi, col. 233; Hefele, ibid., p. 634. En 1139,1e N· concile œcuméni­ que, 1 Iede Latran,renouvelacetteintcrdiction. Cnn. 17. Mansi, ibid., col. 530-531; Hefele, ibid., p. 730. Le concile de Londres de 1125 avait décidé que ceux qui sont parents par le sang ou par alliance ne pourraient pas sc marier entre eux jusqu’au septième degré; s’ils étaient déjà mariés, on devait les séparer. Can. 16. Mais il fallait que la parenté fût certaine. Can. 17. Mansi, ibid., col. 333; IIcfclc, ibid., p. 659. Le concile de Clermont-Ferrand en 1130 interdit aussi les ma­ riages entre parents. Can. 12. Mansi, ibid., col. 439440; Hefele, ibid., p. 688. En 11 GG, le concile de Constantinople agita la ques­ tion des mariages nu septième degré de consanguinité, que le patriarche Alexis avait prohibés, au siècle pré- 1550 cèdent, mais sans dissoudre ceux qui étaient déjà conclus, sauf à infliger une pénitence aux époux. Mais ce décret n’était pas observé par tous. Pour écarter cet abus, on décida que ces mariages seraient désor­ mais cassés ct que les contractants seraient excom­ muniés. Hefele, (bld., p. 1050. Le concile national irlandais, tenu à Cashel en 1171, interdit aussi les mariages entre parents. Can. 1. Mansi, t. ΧΧΠ, col. 133; Hefele, ibtd., p. 1053. Celui de Droléa en Dalmatic (1199) les prohiba jusqu’au septième degré, afin de faire appliquer la loi ecclésiastique. Can. 6. Mansi, ibid., col. 703; Hefele, Ibid., p. 1223. Le synode, tenu à Westminster la même année, dé­ fendit aux hommes d’épouser aucune parente de leur première femme ct aux femmes aucun parent de leur premier mari. Can. 11, Hefele, ibid., p. 1225. Au XII· concile œcuménique, IV· de Latran, en 1215, sous Innocent II, le canon 50, Non de bd, sup­ prima l’interdiction de contracter mariage en raison de l’affinité du second ct du troisième genre, voir t. î, col. 520, ct il restreignit l'empêchement de mariage pour consanguinité aux quatre premiers degrés en raison des difficultés qu’apportait l’interdiction jus­ qu'au septième degré. Il déclara que cette restriction était perpétuelle, ut si qui contra prohibitionem hujus­ modi pnesumpserint copular i, nulla longinquitate defen­ dantur annorum, cum diuturnitas temporum non mi­ nuat peccatum, sed augeat ; tantoque graviora aut cri­ mina, quanto diutius infelicem detinent animam aliigatam. Mansi, ibid., col. 1035-1038. Cf. Hefele, ibid., p. 1372-1373. Cc canon, inséré au Corpus juris cano­ nici, 1. IV, tlt. xiv, De consanguinitate, c. 8, a fait loi jusqu'au nouveau Code. Aussi, au synode de Breslau en 1218, on déclara que les évêques de Pologne ne devaient pas tolérer de mariages incestueux. Can. 24. Hefele, t. v, p. 1709. 7. Le Codex juris canonici de Pie X et de Benoit X V. — Disons seulement qu’il a restreint la consanguinité au troisième degré de la ligne collatérale ct l’affinité I au second degré de la même ligne. Can. 1042, § 2, 1°, 2°. Le péché d’inceste n’existe donc plus que dans les relations charnelles de parents ou d’alliés à ces degrés d’empêchements dirimants du mariage. Nous n’avons envisagé ces prohibitions ecclésiasti­ ques que comme des préceptes, dont la violation produit le péché mortel d’inceste. La question de la constitution d’un empêchement dirimant du mariage incestueux est traitée ailleurs. Elle l’a déjà été, pour l’affinité, au t. i, col. 51S-527; elle le sera, pour la consanguinité, à l'art. Parenté naturelle. III. Raisons de sa proiurition. — Selon saint Thomas, Sum, theol., II· II», q. cuv, a. 9, elles résul­ tent des inconvenances qui se rencontrent dans le commerce charnel des consanguins cl des alliés aux degrés prohibés par l'Église. Or, ces inconvenances sont de trois sortes. La première est contraire au respect qu’on doit naturellement à ses parents ct à ceux qui tirent d’eux leur origine à un degré rapproché. Or, les rapports charnels entre parents ct consanguins, par les mouvements de volupté qu’ils provoquent, ibiiL, q. cxui, a. 4, ad 3», ct qu’il est difficile de modérer, ct par ce qu’ils ont naturellement de contraire à la pu­ deur, q. eu, a. 4, constituent quelque chose de hon­ teux, qui est contraire à cet honneur ct deviennent ainsi inconvenants. L'affinité s'établissant avec les consanguins entraîne la même inconvenance que la consanguinité, ad 2™. Ne pourrait-on pas ajouter qu'il répugne que des consanguins, qui ont la même chair. Lev., xvn, 17, aient des relations sexuelles avec une même personne ct deviennent ainsi avec elle une même chair, Gcn., n, 24? La seconde raison résulte de la communauté de vie que mènent néces­ sairement les personnes d'une même famille. Or, si 1551 INCESTE 1552 les relations chamelles n étaient pas interdites entre qui condamnent 1 inceste des parents avec leurs en­ les parents, cette communauté de vie fournirait fants en ligne directe. 11 ajoute que, scion tous les l'occasion de les multiplier, ct ainsi les consanguins auteurs, les incestes entre alliés, si on excepte celui ic livreraient trop facilement à la luxure. Aussi la loi du premier degré, sont de la même espèce. mosaïque interdisait surtout les rapports sexuels 2. La gravité de Vinceste est-elle Identique ou diffé­ entre consanguins. Le même inconvénient peut ré­ rente aux mêmes degrés? — L’inceste entre consan­ sulter aussi de la communauté de vie plus étroite qui guins au premier degré est beaucoup plus grave que se forme entre les personnes unies par le lien de l’affi­ l’inceste entre alliés au même degré; ainsi l’inceste nité. La troisième raison est que les mariages entre d'un homme avec sa mère ou sa sœur propre est plus parentset alliés diminueraient le nombre des amis dans grave que celui qu’il commettrait avec sa marâtre ou le monde. En épousant une personne étrangère à sa avec la sœur de sa femme. Userait donc plus sûr de Je propre famille, un homme contracte une amitié spé­ déclarer en confession. Mais si l’inceste est du même ciale avec tous les consanguins de son épouse, et celle- degré, qu’il ait été commis avec une mère, une fille ou ci avec les consanguins de son mari, comme s’ils une sœur, comme ces fautes sont de la même espèce, étaient leurs consanguins. Aussi saint Augustin a-t-il ! il suffirait d'avouer un inceste de consanguinité au vu dans l’union de membres de diverses familles un | premier degré, sans qu’il soit nécessaire d’indiquer la moyen d'entretenir et de développer la charité et la nature de la parenté. S. Alphonse de Liguori, 1. III, concorde entre les hommes. De civitale Dei, L XV, tr. IV, c. π, dub. n, n. 418. c. xvt, P. Z»., t. xu, col. 159. L’inceste est donc une 3. Est-il nécessaire de déclarer en confession tous les forme spéciale de la luxure ct il est spécialement cas d'inceste entre consanguins ? — Saint Liguori, interdit. 1. VI, tr. IV, c. i, dub. ιπ,η. 470,expose trois opinions. IV. Gravité selon les lignes et les degrés. — La première tient pour l'affirmative. Les théologiens Ie Les incestes commis entre parents suivant la ligne qui la soutiennent en donnent des raisons différentes: directe des générations sont, de leur nature, plus les uns disent que chaque degré de consanguinité exige inconvenants ct répugnent davantage à la raison que un respect spécial dont la violation est plus ou moins ceux qui sont commis entre parents selon la ligne grave et constitue un péché spécial ; les autres pensent collatérale, en raison de la parenté plus rapprochée. qu'en taisant le degré, le pénitent n'expliquerait pas Ainsi les incestes des parents avec leurs enfants, du suffisamment la substance individuelle de sa faute. père avecsa fille, de la mère avec son fils ou des grands Selon les tenants de la seconde opinion; seul le premier parents avec leurs petits enfants sont plus gravement degré de la ligne directe ct de la ligne collatérale coupables que ceux que commettent ensemble des constitue une espèce spéciale de péché et doit être frères et des sœurs, et des cousins germains. Les accusé. C’est l'opinion commune pour le premier degré motifs qui font interdire l’inceste sont plus fondés de la ligne directe au moins et, au sentiment de saint selon que la parenté est plus immédiate ct plus rap­ Alphonse, il faut y tenir absolument. L'inceste de prochée. Les Incestes commis entre alliés, qui ne sont celte sorte est très différent des autres, ct il est néces­ pas parents entre eux et ne le deviennent que par saire de declarers! l'inceste a été commis par un père l'affinité, n’ont pas, de leur nature, la même indécence. avec sa fille, ou par un fils avec sa mère, la mère ayant Celle-ci,suivant la doctrine de saint Thomas, loc. cit., droit à un respect spécial. Plus probablement, ce ad 3um, varie selon la coutume et la loi divine ou hu­ premier degré diffère des autres degrés de la même maine, puisque les relations sexuelles, qui importent ligne. Il est moins certain que l'inceste au premier ru bien commun sont soumises ù la loi. degré de la ligne collatérale, c’est-à-dire celui d’un On en a conclu que l’inceste entre consanguins dans frère avec sa sœur, diffère des incestes aux autres degrés tous les degrés de la ligne directe et au moins au pre­ de la même ligne. Des théologiens pensent que cet mier degré de la ligne collaterale, c’est-à-dire entre Inceste est interdit par le droit naturel, les frères ct tous les ascendants et les descendants ct entre les les sœurs devant se porter un respect spécial, que frères ct les sœurs, était interdit par la loi naturelle. · n’exigent pas les autres degrés de consanguinité. L'inceste entre parents de la ligne collatérale aux D’autres sont d’avis quecct inceste lui-même ne diffère degrés inférieurs au premier ct entre alliés n’est con­ pas spécifiquement des autres ct que la parenté plus traire qu’àia loi divine ou humaine et jusqu’aux degrés rapprochée n’est qu’une circonstance aggravante. La auxquels ces lois l’interdisent. troisième opinion, qu’adoptent de très nombreux 2° Cela posé, les théologiens ont agité les questions théologiens, est qu’en dehors du premier degré de la de savoir si les Incestes entre consanguins et alliés ligne directe, il n'y a pas d’incestes spécifiquement étaient des péchés d’espèce différente, si leur gravité différents. Les autres degrés ne constituent qu’une était Identique ou différente aux mêmes degrés et circonstance aggravante, qu’on n’est pas obligé de dé­ s’il fallait, par la suite, déclarer en confession le degré clarer en confession. Voir L i, col. 571 sq. D’ailleurs, de Γ inceste avec des consanguins. les unions à ccs derniers degrés ne sont Interdites 1. Les incestes commis entre parents ou alliés sont·ils que par la loi ecclésiastique, laquelle n’établit pas des péchés d'espèce différente? — Saint Thomas ct, entre eux une diversité spécifique. Saint Alphonse parmi scs commentateurs, Cajétan. Sylvius, Soto; tient la première opinion comme moins probable ct Bonacina, Lugo, etc., le nient, parce que, dans les les deux autres comme équiprobables. deux cas, l'inceste est contraire au respect dû aux V. Peines canoniques.— Dans l’aperçu historique parents. Grégoire de Valentia, Vasqucz, Lcssius. Sal­ nous avons constaté que le crime d’inceste avait été meron, etc., l'affirment, parce que le respect dû aux frappé, à différent es époques, de pénalités sévères. Sans consanguins diffère totalement du respect dû aux parler des peines corporelles inlligées aux Incestueux alliés, le premier résultant d’un lien intrinsèque, la par le code de Hammourabi, la législation mosaïque, communauté du sang, ct le second, d’un lien extrin­ I saint Paul à Corinthe ct les empereurs chrétiens dans sèque, les relations sexuelles avec un consanguin. l’empire romain, les conciles ont recouru aux peines Saint Alphonse de Liguori tient les deux opinions spirituelles: l'excommunication temporaire ou perpé­ comme probables. Theologia moralisé. lll,tr. lV,c. n, tuelle, parfois l'interdiction de se marier ct, à partir dub. n. n. 149. Ailleurs, 1. VI.tr. IV, c. i.dub.m.n. 469, du vm· siècle, une pénitence plus ou moins grave scion il fait une exception pour l'inceste d’un fils avec sa les cas ct scion les contrées. Les variations de cette marâtre ct celui d'un beau-père avec sa bru, parce que pénitente sont fixées dans les Pénitent tels du vm· au let motifs qu1 l’interdisent sont les mêmes que ceux xi· siècle. On les trouvera dans les ouvrages de H. Was- 1553 INCESTE sorchlcbcn; Die Dussordnungen der abendlandlschen | Kirche, nebst eincr rechlsgescidchllichen Einleitung, Halle, 1851, ct de Mgr Schmitz, Die Bussbûcher und die Bussdisclplin der Kirche, Mayence, 1883, t. i; Dusseldorf, 1898, t. n; en tenant compte des études de M. Paul Fournier sur les Pénltcnticls. Voir, à ce sujet, ce qui en est dit à l'art. Indulgences. Elles marquent nonsculcment lessanctlons données au crime d'inceste ct leur durée, mais aussi les diverses espèces d’unions incestueuses qui étalent ainsi punies. Les détails rentreraient dans une histoire complète de la question; mais comme ces peines sont abrogées depuis longtemps, nous nous bornons à en signaler l’existence. Sous le régime des Décrétales, les Clémentines frappaient d une excommunicat ion latœ sententiæ tous ceux qui contractaient mariage, sans dispense, dans les degrés prohibés. Clément V confirmait, en outre, les peines portées par le droit civil, à savoir, la confisca­ tion des biens, l’exil ct les coups. La constitution Apostolicie sedis de Pic IX avait abrogé en 1869 la censure qu’elle ne renouvelait pafc. L’ancien droit Interdisait encore aux consanguins qui avalent tenté de contracter mariage entre eux, de contracter un autre mariage, ù moins qu’ils n’aient ignoré l’enipêchement qui les Hait. Toutefois, le simple péché d’in­ ceste, commis par des consanguins; n’interdisait tout mariage subséquent que dans le cas où l’inceste au­ rait été perpétré dans l'espoir d’obtenir plus facile­ ment du Saint-Siège la dispense du mariage à contrac­ ter entre eux. Mais cette interdiction d’un mariage subséquent, faite aux consanguins coupables d’inceste, était, même avant le nouveau Code, supprimée ou par une loi écrite ou par la coutume. P. Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, Paris, 1893, L I, n. 684, p. 475-476. L’ancien droit civil avait aussi une sanction répres­ sive contre le crime de l’inceste. La plupart des légis­ lations modernes se bornent à établir des empêche­ ments dirimants du mariage ct elles n’ont plus de pénalité contre l’inceste. Le code pénal italien de 1889, a. 337, inflige cependant aux incestueux une peine de 18 mois ù 15 ans de réclusion ct l’interdiction tempo­ raire des fonctions publiques. Le nouveau Codex juris canonici n porté des peines contre les incestueux. Les laïques légitimement condamnés pour inceste sont ipso jacto infâmes, sans compter les autres peines que leur ordinaire pourrait leur infliger. Can. 2357, § L Les clercs dans les ordres mineurs, qui auraient commis un inceste, encourraient la même peine d’infâmie ct pourraient être punis d’autres peines, même de l'exclusion de l’état clérical, si les circonstances de leur crime l’exigeaient .Can. 2358. Les clercs dans les ordres sacrés, qui auraient commis un Inceste avec leurs consanguines ou leurs alliées au premier degré, seraient suspendus, déclarés infâmes, privés de tout office, dignité, bénéfice et charge, et déposés dans les cas les plus graves. Can. 2359, § 2. L’infamie, prévue par ces trois canons, est donc l’in­ famie de droit, can. 2293, § 2, qui entraîne non seule­ ment l'irrégularité, can. 984, n. 5, mais encore l’inha­ bileté A obtenir des bénéfices, des pensions, des offices ct des dignités ecclésiastiques, à accomplir des actes ecclésiastiques légitimes, ù exercer la juridiction ecclésiastique ct enfin l'exclusion de tout ministère ecclésiastique. Can. 2294, § 1. Elle ne cesse que par une dispense obtenue du siège apostolique. Can. 2295. Sur la condition des enfants Incestueux au for canonique, voir Illégitime, col. 746, 717, et au for civil, col. 752. 753. VL Inci str légal et spirituel. — Les théolo­ giens ont parfois assimilé ù l'inceste strictement dit ces deux sortes d’inceste improprement dit. 1354 1® L'Inceste légal est l’inceste commis par des per­ sonnes alliées par la parenté légale, qui résulte de l'adoption. Voir Adoption, 1.i, col. 421-425. Le nou­ veau Codex piris canonici donne force de lois cano­ niques aux lois civiles qui établissent la parenté légale : si ces lois rendent Invalide le mariage entre adoptant ct adopté, leur mariage est Invalide d'après la loi canonique, can. 1080; si ces lois rendent seule­ ment Illicite ce mariage, Il n’est qu’illicite au regard du droit canonique. Can· 1059. Le péché d’inceste légal peut exister, dans les deux cas, de relations sexuelles entre adoptant et adopté. 2° L'inceste spirituel est le crime commis par des relations sexuelles entre personnes qui ont une alliance spirituelle par les sacrements du baptême et de confir­ mation. Voir Parenté spirituelle. Par analogie, on a rapproché de l'inceste spirituel la fornication d’un confesseur avec sa fille spirituelle. Bien qu’il n’y ait pas de parenté spirituelle entre eux, les coupables sont tenus cependant de déclarer en confession cette circonstance de leur faute. Voir les commentateurs de la Somme théologique.les nom­ breux théologiens cités par saint Alphonse de Liguori et les auteurs qui traitent spécialement De sexto Decalogi I praecepto, VII. L’inceste chez les < Primitifs ». — Il résulte des recherches des ethnographes, surtout de Wcstermarck ct de Frazer, que l'inceste est, aux yeux des demi-civilisés, l'un des crimes les plus abominables qui se puissent concevoir. La règle exogamique qui oblige les membres d’un clan à prendre femme en dehors du clan, dans un autre clan que le leur, afin de ne pas épouser une de leurs parentes, a pour but, ou du moins pour effet, de diminuer la possibilité de l’inceste, en augmentant le nombre des degrés de parenté entre lesquels le mariage est interdit. L’exoga­ mie n'est pas nécessairement liée au totémisme. Elle existe dans des groupes, qui ne sont pas totémistes, not animent en Afrique ct dans l’Amérique du Nord, et il y a bien des groupes totémiques, qui ne sont pas exogames. L’exogamie ne dépend donc pas, comme l’a prétendu Durkheim, du totémisme, qu’il regardait comme un principe religieux. Le totémisme, quoiqu’il comporte des actes magico-religieux, n’est pas une religion, ct l’exogamie est la réglementation sociale du mariage. Mais l’cxogamic, partout où clic est imposée. In­ terdit-elle toute sorte d’inceste? Cela depend de la façon dont la parenté est comprise dans les différents groupes exogamiques. · En fait, nous apprend Mgr Le Boy, La religion des Primilijs, Paris, 1969, p. 106, les alliances consanguines sont, Λ des degrés divers,sévè­ rement interdites dans toute l’Afrique. Et i’inccstc, union sexuelle d’individus qui sont parents à un degré prohibé, est partout en horreur ct partout puni: son fruit est, d’ordimlire, détruit comme abominable en lui-même, dangereux pour la famille, fatal au pays.· Dans les tribus sauvages de l’Amérique du Sud, l’cxogamic est basée sur Ια cohabitation dans· une même maison familiale. Tous les habitants de la maison sont parents, ou apparentés par l’adoption. Comme la femme va vivre avec son mari lors du ma­ riage, on ne reconnaît pas de parenté en ligne féminine. Par suite, les enfants de deux sœurs peuxents'épouser, mais non les enfants de deux frères. Ces familles ne forment pas ù proprement parler des clans, mais leur réunion constitue une unité sociale qu’on peut appeler tribu, A l’intérieur de laquelle se font les mariages. Il y a donc endogamie de tribu et exogamie de parenté paternelle. Thomas Whlften, The Nord· West A mazona, Londres, 1915, p. 66-67. A Hic Fiji, le tabou de l’in­ ceste est levé périodiquement par un rite, que décrit 1555 INCESTE — INCINÉRATION Frazer, Totemism and exogamy, Londres, 1910, t. n, p 117-148. Les tribus de l'Australie, qui ne connais­ sent pas le principe de la conception naturelle des enfants et qui règlent la parenté d'après la descen­ dance d’un ancêtre commun, ne reconnaissent pas la consanguinité physique et naturelle, mais plutôt une parente d’ordre social, par descendance lointaine, par adoption, par Initiation, par mariage. L’exogamie, pour eux, n'interdit pas, entre membres d’un même groupe, le coït animal, comme dit crûment M. A. Van Gennep, L’élat actuel du problème totémique, Paris, 1920, p. 336,337-338, mais le mariage, par conséquent un mode d’apparentement social opposé à la parenté physique naturelle. Ce n'est donc pas l’inceste, qui est défendu, mais seulement l’introduction comme mem­ bres adultes dans un groupe social déterminé, des filles qui sont nées à l’intérieur de ce groupe et qui de naissance lui étaient apparentées. » Aussi II faut rejetersans longues discussions les théories biologiques de l’exogamie, proposées par Spencer, Westcnnarck, Frazereld’autrcs, Voir Frazer, Totemism and exogamy, I. iv, p. 71-114. Ainsi l’exogamie limite la possibilité du mariage. Elle ne permet pas toutefois de sc marier avec une fille de n’importe quel autre groupe; elle permet seulement d'épouser les filles des groupes qui font partie de la tribu à laquelle appartient le clan. L’exogamie n’interdit donc pas de se marier avec certaines femmes, mais oblige d'introduire dans le clan des femmes des autres clans de la même tribu. D’ordinaire, on ne considère que l’élément négatif, le tabou, et on n'envisage pas suffisamment l'élé­ ment positif, la réglementation du mariage. On n’ex­ plique donc pas l’origine de l’exogamie par une aver­ sion instinctive pour le mélange des sangs ou pour l’inceste. L'élément positif de l’exogamie est, dans la société, aussi puissant que l'élément négatif; il renforce la cohésion des divers clans de la tribu. La notion de parenté par consanguinité, étant une donnée naturelle, dans tout le règne animal, date de la nais­ sance même de l’humanité. La notion d’apparente­ ment social par exogamie date de la naissance des sociétés, dont elle établit la cohésion. Une théorie originale de l’exogamie a été donnée par S. Frend, dans son ouvrage Totem und Tabu, Vienne, 1913. Il part de ce qu’il considère comme les résultats de la psychoanalyse. Ce fait fondamental de la vie sexuelle de l’enfant est ce qu’il appelle le com­ plexe d’Œdipe, la préférence du fils pour la mère, de la fille pour le père. C’est là le < péché originel » de la nature humaine, source de toute religion, par l’intermediaire des tabous, dont le premier et le plus important est le tabou de l’inceste. E. Durkheim, J-α prohibition de rincette et ses origines, dam l’Annie sociologique, Pari·», 1898, t. 1, p. 1-70; S. Keinacb, La prohibition de CinasU et le sentiment de la pudeur, dans Cultes, mythes, religions, Paris, 1905, l. ï. p. 137-172; F.· Westermnek, The origine and development of thr moral bh » i, Londres, 1908, t. il, p. 363-371; Mgr Lc Iloy, La religion des Primitifs, Paris. 1909, p. 166-1G9; JXi. Fmzer, Totemism and exogamy, 4 in-8·, Londres, 1910; A. Van tirnnrp. L'état actuel du problème toUmique, Paris, 1920. p. 176,200,289,336-333. 350. 1556 xième, et les enfants des arrière-petits-fils au hui­ tième. L’Eglise n’interdisant le mariage entre parents en ligne collatérale que jusqu’au septième degré, le mariage entre enfants d’arrière-petits-fils est donc, concluaient-ils, licite et valide. La solution est fausse, répliquaient avec raison les canonistes, et parce qu’elle se base sur une manière de compter les degrés de parenté différente de celle du droit ecclésiastique, et parce qu’elle aboutit à une conclusion immorale : celle d’autorisen l’inceste â tel degré donné. Pour le droit canon, en effet, le frère et la sœur sont parents nu premier degré et non pas au second; les petits-fils le sont au second degré et non au quatrième; et les enfants des arrière-petitsfils le sont au quatrième et non au huitième. De telle sorte que l’empêchement dirimant s’applique à ces derniers cl atteint les parents en ligne collaté­ rale jusqu’au septième degré, selon le mode de suppu­ tation consacré par l’Église. La prétention des juristes est donc à rejeter. C’est là ce qu’avaient déjà fait remarquer contre ces novateurs imprudents Léon IX (1018-1054) et Nicolas 11 (1058-1061), qui maintinrent le droit canon et l’enseignement traditionnel de l’Église. Mais Alexandre II (1061-1073) alla plus loin. Après avoir traité des degrés de parenté conformément à la juris­ prudence canonique dans une lettre au clergé de Na­ ples, Epist., xxvn, P. L., t. cxlvi, col. 1379, il convo­ qua un synode, d’abord en 1063, puis*en 1065. Et dans ce dernier synode il fut décidé que, pour compter les degrés de parenté qui constituaient un empêchement dirimant au mariage chrétien entre parents en ligne collatérale, on devait s'en tenir, comme par le passé, à l’usage canonique et tradit ionnel de l’Église sous peine d’anathème, ainsi que nous l’apprend la lettre de ce pape aux évêques, au clergé et aux juges d'Italie.Epis/., xxxvui, P. L., t. cxlvi, col. 1403. Or, d'après saint Pierre Damien, Opusc., XII, De contemptu mundi, c. xxrx, P. L., t. cxlv, col. 281, ce qui n'avait été qu'une menace devint une réalité : les incestueux furent frappés d’excommunication. Dans la suite, Urbain H (1088-1099) maintint les décisions de l’Église au synode de Troyes. Le Ier concile œcuménique de Latran, en 1123, nota d’infamie les parents qui contracteraient mariage aux degrés pro­ hibés. Denzlngcr-Bannwart, Enchiridion symbolorum, Fribourg-en-Brisgau, 1908, n. 362 (304). En 1139, le second concile œcuménique de Latran, can. 17, qua­ li fia d’incestueux de tels mariages.Enchiridion, p. 1G7, note. Et ce ne fut qu'au quatrième concile œcuménique de Latran, en 1215, qu’à raison des circonstances nota­ blement changées dans les rapports sociaux, on ne retint plus comme empêchement dirimant du mariage entre parents en ligne collatérale que les quatre pre­ miers degrés de parenté, sans rien changer à la ma­ nière de compter ces degrés conformément au droit canonique. Mais cette pratique de l’Église a été 1 modifiée par le Codex juris canonici. En effet, depuis la fête de la Pentecôte 1918, l’empêchement de parenté, dans la ligne collatérale, selon le mode de computation ecclésiastique, a été et reste réduit au troisième degré exclusivement. Can. 1076, § 2. E. Mangenot. INCESTUEUX. Qualificatif donné, en Italie, au milieu du xi· siècle, à certains jurisconsultes, qui,pré­ tendant appliquer au mariage chrétien la manière de compter les degrés de parenté comme pour les succes­ sions d’après les Institutes de Justinien, soutenaient U üccile et la validité de certains mariages entre pa­ rents, que l’Eglise Interdisait comme incestueux. En effet, disaient ces jurisconsultes, d’après les Institutes, le frère et la sœur sont parents au second degré, les petits-fils au quatrième, les arrière-petits-fils au si­ Gratton, Decretum, part. H, c. 2, cam. XXXV, q. v; Noël Alexandre, Historia ecclesiastica, Paris, 1744, t. xm, p. 30-32; Ccillier, Histoire générale des auteurs sacrés et I ecclésiastiques, Paris, 1858-1868, t. xm, p. 286. 291; Denzlngcr-Bannwart, Enchiridion ignibofaru/n, Fribourg-cnI Brisgau, 1908, n. 302 (301). I G. Barqixk. INCINÉRATION. Voir Crémation, t. m, col. 2310-2323. Pour compléter ce qui est dit, dans cet article, de la discipline ecclésiastique, Il n’y a qu’à I transcrire ici les dispositions prises par le nouveau 1557 INCINÉRATION — INDÉPENDANTS Code canonique au sujet de la crémation; elles renou­ vellent et précisent les dispositions antérieures. Lc Code réprouve d’abord la crémation des corps des fidèles, c'est-ù-dire des catholiques qui ont droit à la sépulture ecclésiastique. Fidelium dejunctorum cor­ pora sepelienda sunt, reprobata corurndem crematione. Can. 1203, § 1. Leur crémation, en effet, est illicite, et il n’est pas permis d’exécuter la volonté de ceux qui auraient ordonné de faire incinérer leur corps; leur volonté ajoutée à un contrat, par exemple, d’alliance à une société quelconque, ù un testament ou à un autre acte, doit être tenue pour non existante: Si quis quovis modo mandaverit at corpus suum cremetur, illi­ citum est hanc exsequi voluntatem*, quæ sl adjecta fuerit contractui, testamento aut alii euihbet actui, tanquam non adjecta habeatur. Can. 1203, § 2. Cf. Instruction du Saint-Office du 19 mal 1886,ad2,un, t.ni, col.2320. La peine portée contre les fidèles baptisés qui ont ordonné la crémation de leur corps, est la privation de lasépulturcccclésiastlque.Encffet, tousles baptisés doivent recevoir la sépulture ecclésiastique, nlsl eadem a jure expresse priventur. Cnn. 1239. Or parmi ceux qui doivent être privés de cette sépulture, à moins qu’avantleur mort ils n’aient donné quclqucssigncs de pénitence, se trouvent qui mandaverint suumeorpus cre­ mation i tradi. Can. 1240, § 1,5°. En cas de doute, on peut, si le temps le permet, recourir l'ordinaire,qui,le doute persistant, pourra autoriser la sépulture ecclésiastique, ita tamen ut removeatur scandalum. Can. 1210, § 2. La privation de la sépulture ecclésiastique entraîne le refus de toute messe d’enterrement, même d’anniver­ saire, et de tous les autres offices funèbres. Can. 1241, Voir t. m, col. 2320-2321 E. Manornot. INCORRUPTI COLES. VoirGAiAiNiTEs,L vi, col. 999-1002. INDÉFECTIBILITÉ DE L’ÉGLISE. Voir Éouse, t. rv, col. 2145-2150. INDÉPENDANTS. Ce nom fut donné, en An­ gleterre, vers 1640, à des groupes puritains qui profes­ saient, sur la constitution et l’organisation de l’Église, des Idées opposées tout ù la fois à celles des partisans de l’Église établie et à celles des presbytériens. Géné­ ralement, les historiens rattachent ce mouvement d’idées à certains esprits avancés, en particulier Robert Browne et Henry Bjutowc, qui jugeaient l’Église établie Incompatible avec une véritable réforme. Ils étalent, dans des mesures diverses, sépa­ ratistes. Telle est encore l’opinion de M. Dexter et de M. Williston Walker, les historiens officiels de ce mou­ vement, qui aurait donné naissance au congrégationa­ lisme moderne. Différente est la conclusion ù laquelle aboutissent les recherches plus recentes de M. Cham­ plin Burrage, The early cnglish Dissenters, Cambridge, 1912, et de M. W. IL Burgess, John Robinson, pastor of the Pilgrim Fathers, Londres, 1920. c Π devient de plus en plus évident, écrit M. Burrage, que les pre­ miers Indépendants ou premiers congrégationalistcs étaient simplement des puritains d’un type particu­ lier, et non des séparatistes de l’Église d’Angleterre,et que, par conséquent, les indépendants n’ont pas direc­ tement emprunté leurs opinions soit aux brownlstcs, soit aux barrowistes. » Loc. cit., t. ï, p. 281. Pour­ tant, leurs origines remontent au temps qui vit éclore ces petites églises séparées, et leur doctrine n’est pas compréhensible en dehors de ces origines. I. Les ori­ gines. IL L’Indépendance anglaise. 111. Lc congréga­ tionalisme en Nouvelle Angleterre. IV. Lc congréga­ tionalisme moderne. L Li s oiuoîNes. — A l’avènement d’Élisabeth (1558), les Anglais qui s'étalent exilés ou qui l'avaient 1558 été, pour cause de religion, sous le règne de Marie la Catholique, rentrèrent les uns après les autres. Ils espéraient que la nouvelle reine réformerait l’Église selon leurs vœux. Mais, à Francfort ou à Genève, ils avaient pris contact avec des hommes qui avaient exercé sur leur esprit une profonde influence. La réforme de Henry V111 et le compromis d’Édouard VI n’étaient plus à leurs yeux que des demi-mesures. Calvin seul avait retrouvé l’idée de la véritable Église. Il fallait achever dans celte direction l’œuvre com­ mencée par I lenry VIII. Aussi, la rentrée des ministres exilés fut-elle le point de départ d’un mouvement puritain. Car il s’agissait de « purger > Γ Église d’Angle­ terre des < superstitions > qui y survivaient. Les plus apparentes étaient naturellement les tonnes mêmes du culte extérieur. L’usage des orne­ ments dans le service divin, l’emploi du surplis pour l’administration des sacrements, le signe de la croix, l'emploi du crucifix, la décoration des églises, des pra­ tiques comme la génuflexion, formaient, aux yeux de ces esprits, un ensemble qui faisait partie de l’héritage du < papisme ». 11 fallait le supprimer, sl l’on voulait revenir à l’Église véritable. Mais, parmi les ministres réintégrés, les uns rejetaient absolument toutes ces pratiques; d’autres, admettaient l’usage du surplis; d’autres enfin les toléraient à condition que le peuple n’y attach.'it point d’idées superstitieuses. C’était le chaos, accompagné de disputes sans fin. Élisabeth résolut d’y mettre ordre. Au commencement de 1565, elle fit publier par l’archevêque de Cantorbéry Parker une longue instruction : Adoertisments partly for due order in the publie administration oj common prayers and using the holy sacraments, and partly for the apparel of all persons ecclesiastical by vertue oj the Queenes majesties letters commanding the same. Tout en faisant des concessions aux puritains, le reglement retenait cependant le principe même et l’essentiel de toutes ces pratiques. Aussi a-t-on pu dire que la publication de ces < Avertissements > est l’acte officiel de naissance de la dissidence anglaise. A peine cette controverse était-elle tranchée d’auto­ rité, qu’une autre s’élevait, plus profonde et plus grosse de conséquences. 11 s’agissait cette fols de la constitution même de l’Église. Tandis que des hommes comme Jewel et Richard 1 looker défendaient les posi­ tions de l’anglicanisme officiel, les différentes nuances du calvinisme étalent formulées par Travers, Thomas Cartwright, et. un peu plus tard, par le savant arche­ vêque d’Armagh, Ussher. La polémique ne restait pas d’ailleurs sur le terrain dogmatique. De courts pamphlets, de petits traites, la plupart anonymes, exposaient, sous forme satirique, les objections aux­ quelles prêtaient flanc les hommes et les institutions de l’Église établie. Les plus importants forment la col­ lection célèbre connue sous le nom de Martin Marprelate, véritable pendant de la Satyre Ménippée. De 15S6 à 1589, une presse mystérieuse, que la police d’Élisabeth ne parvenait pas à découvrir, répandit par toute l’Angleterre, des sarcasmes passionnés contre les évêques et les ministres de l’Église officielle. Leur violence était telle que les calvinistes les plus résolus, Cartwright par exemple, les désapprouvaient ouver­ tement. De conceptions positives, ces pamphlets n’en renfermaient guère. Mais ils insinuaient nettement que tous les scandales et les abus étalent le fruit naturel de la constitution hiérarchique de l’Église telle qu’elle existait. L’état d’esprit révélé par toute cette littérature devait s’essayer ù réaliser ses aspirations. Aussi trouvet-on dès lors, Λ Londres et dans les comtés, de petits groupes Isolés qui veulent réformer l’Église. La plupart de leurs fondateurs sont d’anciens élèves de l’univer­ sité de Cambridge, qui est alors un foyer de purita- 1559 INDÉPENDANTS nismc. En 1567, à Londres, des assemblées clandes­ tines se tiennent, auxquelles preside Richard Fitz. On y administre les sacrements. Vers 1586, Robert Browne en organise d’autres Λ Norwich. Elles sont poursuivies ct La plupart de leurs membres empri­ sonnés. En 1592, reparait Λ Londres une de ces petites communautés. Elle a pour chois le juriste Henry Barrowe et les ministres John Greenwood et Francis Johnson. En 1593, les deux premiers et l’un des auteurs de Martin Marpre talc, qui avait répandu ces i Idées au pays de Galles, John Pcnry, accuses d’avoir contrevenu ù l’Actc de Suprématie, sont pendus à Londres. Des mouvements du même genre sc font Jour aux environs de Gainsborough ct de Scrooby. C’est dans les écrits de Barrowe que l’on trouve une première esquisse de la nouvelle conception de l’Eglise qui, peu à peu, va sc préciser. Le calvinisme affirmait comme un dogme le principe de l’égalité des ministres. Mais comment établir une organisation sur cc prin­ cipe? En Écosse, le problème avait été résolu par le groupement de plusieurs paroisses en une « classe ». Le ministre d’une paroisse recevait son autorité du fait qu’il était reconnu ct accepté comme tel par les autres ministres de sa « classe ». Au-dessus du synode de « classe », le synode national réglait les affaires ecclé­ siastiques avec le souverain. Car celui-ci, en Angleterre du moins, depuis l’Actc de Suprématie, était le « su­ prême gouverneur » de l’Église. A cette conception, développée par Cartwright, Browne ct surtout Bar­ rowe en opposent une autre. L’Église est la simple fédé­ ration des paroisses, dans lesquelles il n'y a pas d’autre autorité religieuse que celle du ministre ct du clergé choisis par la paroisse elle-même. Par là, Browne et Barrowe pensaient reproduire exactement le type des premières communautés chrétiennes. Mais, tandis que pour le premier, le chef de l’État, dans cette organisa­ tion, reste le « suprême gouverneur » de l’Église, le second semble considérer toute action de l’État dans l’Église comme funeste pour celle-ci. Les poursuites dont furent l’objet les assemblées clandestines de Londres, de Norwich, de Gainsbo­ rough et de Scrooby, poussèrent leurs partisans les plus décides à chercher un refuge aux Pays-Bas. 11 y avait déjà des groupes anglais à Amsterdam et à Middelbourg. La petite communauté de Scrooby s’établit à Amsterdam en 1607, puis, quelques mois plus tard, elle émigre à Leyde. Elle a pour pasteur un ancien élève de Cambridge, John Robinson. C’est dans les œuvres de celui-ci, surtout dans son Apo/ogfa fusla et necessaria... quorundam christ ianorumdictoruni Broutnislarumsive Bamwistarum, publiée à Leyde en 1619, que l’on trouve une esquisse de la théorie indépen­ dante de l’Église. 11 était venu aux Pays-Bas non pas simplement pour fuir la persécution, mais surtout pour préserver son petit troupeau, par l’isolement, des « abominations de l’Antéchrist ». De là, chez lui, une tendance séparatiste Indéniable qui n’arrive pas, cependant, à une conclusion définitive. Tout chrétien était tenu, selon lui, de ne communiquer qu’avec une Église pure de toute pratique superstitieuse. Mais Il croyait qu’on pouvait choisir des ministres qui res­ taient dans l’Église officielle, à condition qu'ils fussent orthodoxes, c’est-à-dire strictement calvinistes. Ces ministres devaient simplement opposer une résistance passive aux évêques, quand ceux-ci leur Imposaient un rituel en opposition avec leurs principes. Robinson soutint sur ce point de vives controverses avec les autres pasteurs de communautés anglaises des Pays Bas. en particulier Francis Johnson ct Henry Ains­ worth. Ceux-ci étaient franchement séparatistes. Les conceptioni de ces petits groupes hollandais n’exercèrent pas une grande Influence sur la pensée religieuse en Angleterre même. Mais elles allaient avoir 1560 une tout autre destinée. Ce sont des membres de la communauté de Leyde, qui s’embarqueront, en 1620 sur la < Fleur de Mai » pour aller fonder la colonie de Plymouth, dans la baie de Massachusets. IL L’Indépendance anglaise. — Les dernières années du règne d Élisabeth et tout le régne de Jacques Ier Stuart voient un assoupissement des con­ troverses religieuses. Les puritains s’accommodent généralement de la situation. Ils sc contentent d’un conformisme de surface. D’ailleurs, l’archevêque de Cantorbèry, Abbot, les protège ouvertement ct les favorise. Seule, la question du «sabbat », d’e l’observa­ tion stricte du repos dominical, provoque de leur part des protestations. Le presbytérianisme écossais luimême accepte dans une certaine mesure l’organisation épiscopale. Un point cependant reste en suspens : la question de la juridiction ecclésiastique. Est-elle tout entière dans les décisions de la « convocation » des évêques, promulguées par la Couronne? Ou bien le Parlement a-t-il le droit d’intervenir, sous une forme ou sous une autre, pour que ces décisions aient force de loi? Le conflit des opinionssurce point prendra une forme aigue quelques années plus tard. En attendantj quelques groupes rares ct disséminés maintiennent, à Londres ou dans les comtés, les idées de réforme des premiers puritains. Le plus important est celui dont I Icnry Jacob est le centre.Seul,Il importe au point de vue doctrinal. Sans être séparatiste, Jacob affirme que beaucoup de pratiques dans l’Église établie sont anti­ chrétiennes. Les vrais fidèles doivent se tenir à l’écart du culte, de la liturgie ct de Γadministration des sacre­ ments, tels que le Prayer Book ct les ordonnances épis­ copales les ont réglées. En 1613, Jacob publie un recueil de textes de théologiens, tendant à prouver que le gouvernement del’Église ne doit pas être établi sans le libre consentement du peuple. Mais, à l’avènement de Charles Ier ct avec le régime Inauguré par l'archevêque Laud, les passions poli­ tiques réveillent les passions religieuses. Dans le con­ flit entre le roi ct le parlement, cc dernier trouve à ses côtés tous ceux dont les idées ont été comprimées par l’autoritarisme de Laud. Depuis le commencement du règne, des puritains de toute nuance réclamaient une assemblée generale des représentants de l’Église d’An­ gleterre pour élaborer un plan de réforme. Tel fut l’objet de la « Grande Remontrance » qui décida le Long Parlement, en 1612, à passer plusieurs bills pour réaliser cc projet. Mais le roi opposa son veto, en déclarant que les questions’ religieuses ne relevaient que de la « convocation » des évêques et de la Couronne. Cc fut la rupture complète. Les parlementaires, malgré le veto royal, décidèrent de convoquer cette assemblée de leur propre autorité (12 juin 1613). Un souci poli­ tique les guidait. 11 s’agissait de rallier à la cause du parlement les Écossais, dont l’aide militaire, était Indispensable. Cent cinquante représentants del’Église, désignés nommément par une commission parlemen­ taire, furent donc convoqués à Westminster pour dis­ cuter la question de la réforme. La moitié environ se trouva au rendez-vous. La majorité était formée par des presbytériens, qui acceptaient pleinement la cons­ titution presbytérale de jure divino. Mais Ils trouvèrent des adversaires résolus dans Thomas Goodwin ct Philippe Nyc, qui avaient dirigé des communautés anglaises Indépendantes à Rotterdam ct à Arnheim, dans William Bridge, Jérémie Burroughes ct Sidrach Simpson, les « cinq frères ■ de la dissidence. Le point sur lequel Goodwin ct scs amis marquèrent la plus vive opposition aux décisions de l’assemblée de Westmins­ ter fut le pouvoir d’excommunication attribué aux ministres par la confession de foi qu’on y rédigea. Le presbytérianisme était devenu à Westminster la doctrine de l’État. Mais les événements politiques 1501 NDÉPENDANTS 1562 allaient donner à see adversaires indépendants les — doivent cependant sc réunir en sociétés particu­ moyens de le combattre. Les succès de l'année parle­ lières, · pour leur édification mutuelle ct pour l’accom­ mentaire contre les troupes royales avaient été assurés plissement régulier du culte public que Dieu requiert surtout grâce aux régiments formés par les indépen­ d'eux en cc monde. » Ce sont ces sociétés particulières dants. La conduite militaire ct politique de la lutte sc qui forment chacune l’Église au plein sens du mot. concentrait de plus en plus entre les mains d’un seul Celle-ci n’est par conséquent sujette à aucune juridic­ homme, hii-mêine indépendant, Olivier Cromwell. 11 est tion extérieure. Les ministres de l’Église ainsi entendue vrai que sous ce vocable sc cachait un véritable chaos sont les pasteurs, les docteurs, les anciens ct les diacres. religieux. lUchard Baxter, qui fut chapelain dans Tandis que les premiers ont surtout la charge du culte l’armée du Parlement et vit le protecteur de très près, ct de l'administration des sacrements, les docteurs déclare que le nombre des sectaires y croissait tous les ont pour fonction d’expliquer l’Écriture, pendant que jours. L’assemblée synodale de Londres, tenue en 1653, les anciens administrent temporeUement la commu­ distingue, ù côté des épiscopalicns ct des presbyté­ nauté ct que les diacres s’occupent des œuvres de riens, ceux qui affirment que le Christ n’a pas Institué bienfaisance, en particulier des malades. Tous ces de ministres dans son Église, ceux qui affirment que ministres sont choisis par le suffrage commun de les ministres de l’Église d’Angleterre sont antichré­ l’Église elle-même. L’élection est accompagnée du tiens, ceux qui, dans la Vieille ct dans la Nouvelle jeûne ct de la prière ct elle se termine par l’imposition Angleterre, suivent la « vole congrégationalistc · tout des mains faite par les anciens, si La communauté est en admettant que les ministres de l’Église établie sont déjà constituée. Mais l’appel consiste essentiellement dans l’élection, tout le reste étant accessoire. vraiment ministres. Et parmi ces derniers, Baxter, à L’Église ainsi entendue a le pouvoir d’admonester la même date, distingue encore deux courants : ceux qui affirment l’égalité complète des ministres et des scs membres, ct, si leurs désordres sont scandaleux, de Eglises, sans aucun supérieur, ni évêques, ni synodes, les excommunier. La confession de Savoy précise de ni gouverneurs, le ministre étant la seule autorité, ct façon expresse, que cc pouvoir ne peut être exercé ceux qui affirment que chaque congrégation doit étre < qu’à l’égard des membres particuliers de chaque gouvernée par les votes du peuple, dont le pasteur a Église connue tels. > 11 ne peut donc s'agir ici que de simplement pour office de proclamer ct d’exécuter les mesures individuelles. Si les circonstances exigent une mesure générale, s’il s’agit de questions de doctrine ou volontés. En tout cas, dès 1611, la lutte est ouverte entre de l’administration des sacrements, si quelque membre presbytériens ct indépendants. La polémique l’accom­ d’une Église sc croit atteint par une censure ou une pagne. Elle porte sur trois points principaux : d’abord excommunication injustifiées, alors plusieurs Églises l’ordination des ministres, puis l’exercice de l’autorité en communion pourront se réunir en synode pour vis-à-vis des autres communautés, enfin, la formation aplanir ou apaiser le différend. Mais les assemblées de communautés indépendantes au sein des paroisses ainsi formées n’ont aucun pouvoir ni aucune juridic­ tion réelle. Cc sont de simples tribunaux de concilia­ déjà existantes. Ces discussions s’accompagnent, dans tion. Elles ne peuvent imposer en aucune façon leurs presque tous les comtés, de tentatives d’associations entre les membres du clergé, soit pour soutenir les décisions soit aux Églises, soit aux personnes. 11 ne idées presbytériennes, soit en faveur des idées indé­ reste d’autre ressource aux individus qui ne sont pas pendantes (1653-1651). En face d’un tel état de choses, satisfaits de leur communauté, que l’exode vers quel­ que autre Église. Encore doivent-ils,avant de le faire, Cromwell faisait bien des déclarations de tolérance. Mais il en donnait des explications qui jettent un jour consulter leurs ministres ct obtenir leur assentiment. Quant aux relations de l’Église entendue de cette singulier sur les idées des indépendants. « Je ne m’occupe point, disait-il aux Communes, de la con­ façon avec l’État, bien qu’elles ne soient pas indiquées science de chacun. Mais si, par liberté de conscience, dans la confession de Savoy, on peut facilement les vous entendez la liberté de dire la messe, alors, Il vaut saisir dans les œuvres des théologiens du parti, Good­ mieux parler net, ct vous faire savoir que, tant que le win ct Owen, ct mieux encore, dans les discours des Parlement d’Angleterre aura le pouvoir, cela ne sera parlementaires qui défendaient ces Idées, Cromwell ou Burroughes. lis admettaient tous qu’une nation doit pas permis. » Ces divisions au sein du parti des Indépendants, avoir une Église nationale, qui n’était rien autre chose dont le contre-coup sc faisait sentir au point de vue que l’ensemble des communautés mutuellement indé­ politique, firent naître, chez les chefs qui s’étalent pendantes. La nation avait le droit d’exiger de ses révélés à Westminster, l’idée de formuler une profes­ membres l’assistance au culte public. Aussi l’État sion de foî. En 1638, Goodwin ct ses amis sollicitèrent devait-il pourvoir à cc qu’il y eut possibili té-pou r tous de Cromwell l’autorisation de convoquer une assem­ de remplircc devoir essentiel. Il devait par conséquent blée pour régler les affaires ecclésiastiques. Le protec­ fournir des moyens d’existence à tous ceux qui assu­ raient cette possibilité. Mais sur l’Église elle-même, il teur résista d’abord, puis consentit de mauvaise grâce. n’avait aucun droiL 11 ne pouvait s’ingérer ni dans le 11 mourut du reste avant la réalisation du projet Le choix des ministres, ni dans la cooptation des membres 12 octobre 1658, les représentants d’une centaine de la « congrégation >. 11 ne pouvait obliger personne à d'églises indépendantes se réunirent à Londres, au palais de Savoy. La plupart étalent des laïques. On devenir membre d’une < congrégation » déterminée. choisit, pour dresser la confession de foi, un comité de C’est dans ces limites qu’il faut entendre l’idée de tolé­ rance, telle qu’elle fut professée par Cromwell ct par six théologiens, dont les principaux étaient Goodwin les chefs politiques du parti indépendant. ct John Owen. Pour la partie doctrinale, ils reprirent, En fait, pendant les dernières années du protec­ sauf quelques mots, la ucciaratlon de Westminster. Mais pour tout ce qui concernait le gouvernement de torat, la théorie indépendante passa, pour une bonne l’Église Ils formulèrent une conception nouvelle de part, dans la pratique. Pourtant» il y eut toujours un l’organisation ecclésiastique. C’est là que l’on trouve tribunal chargé de décider des capacités morales et l’expression la plus complète de la discipline indépen­ intellectuelles de ceux qui prétendaient remplir les dante qui est restée, jusqu’à cc jour, la règle des fonctions de ministres. Mais ceux-ci, une fois installés, ct sous condition de rester en bons termes avec leurs Églises congrégationalistes. Suivant In confession de Savoy, l’Esprit de Dieu paroissiens, étaient réellement indépendants- Les choisit Individuellement les élus par le ministère de la cours de justice assuraient leur liberté. Elles obli­ Parole. Ces élus — les Sainis de l’armée de Cromwell geaient les tenanciers des biens d’église à leur en payer 1563 INDÉPENDANTS les revenus. B arriva pourtant assez souvent, surtout dans les comtés de Test, que les paroisses sc divisèrent ct qu’il y eut lutte pour le choix des ministres. Au point de vue religieux, la seule règle qui était imposée était l’interdiction de célébrer le service divin d’après Je Prayer Book. Le peuple lui-même sc chargeait de la police sur ce point. Les indépendants envahissaient les réunions où l’on célébrait l’office de cette manière ct conduisaient en prison les ministres ct les fidèles récal­ citrants. Ainsi la violence ne fut pas étrangère à la diffusion du système préconisé par l’assemblée de Savoy. La lutte entre presbytériens ct indépendants n’avait pas pour cause une simple différence de conceptions religieuses. Les premiers étaient loyalistes. Ils restaient fidèles aux Stuarts, même après l’exécution de Char­ les Ier. Leurs adversaires étaient 1rs ennemis Irréduc­ tibles de la royauté ct comptaient dans leurs rangs toutes les nuances de l’opposition, depuis les plus modérées jusqu’aux plus radicales. Aussi la restaura­ tion fut-elle le signal d’une violente réaction contre eux. Les presbytériens du reste ne furent pas épargnés. Toute une série de mesures prises par Charles 11 ct son parlement vint nettement barrer la route à la dissi­ dence. Le Corporation Ad de 1661, l’Ac/ o/ uniformity de 1662, le Conventicle Ad de 1663, le Five-mile Ad de 1665, le Test Ad de 1673, dépossèdent les ministres qui avaient pris la piacc de tous ceux que le protecto­ rat avait expulsés de leurs bénéfices, obligent tous les pasteurs à recevoir l’ordination régulière dans le délai de deux ans, imposent l’usage du Prayer Book dans le service divin ct exigent de tous les membres du clergé le serment d’obéissance ù la couronne. Par ces mesures plus de deux mille ministres, pour la plupart indé­ pendants, furent forcés de quitter leurs paroisses. C’était, au point de vue officiel, la fin du régime intro­ duit sous Cromwell. Mais les mesures de rigueur pour raison d’opinions religieuses commençaient ù devenir insupportables à l’esprit du temps. Charles H, en 1672, publiait la Declaration d1 indulgencet qui permettait aux dissi­ dents d’exercer le culte à leur manière ct relaxait tous ceux qui avalent été emprisonnés sous ce prétexte. Il est vrai que le Parlement, appuyé du reste par les presbytériens et par les indépendants eux-mêmes, refusa d’enregistrer l’acte royal. Les mesures que Jacques II prit dans le même sens curent le même sort. L’opinion n’y voyait que des moyens détournés de réintroduire le < papisme ». Pourtant, l’in fluence des philosophes, d’un Locke et d’un Newton, pénétrait de plus en plus les esprits de l’idée de tolérance reli­ gieuse. Aussi, parmi les hommes auxquels revint, après la révolution qui chassa définitivement les Stuarts, la direction Intellectuelle de l’Églisc d’Angle­ terre, quelques-uns, comme Tillotson, étaient disposés à admettre, dans l’Églisc nationale, non seulement les presbytériens, mais encore les indépendants qui n’étalent pas séparatistes. L’indépendance anglaise put ainsi mener, pendant le xvui· siècle une existence pénible en droit, mais en fait relativement tranquille. Elle prit une part importante au mouvement évangé­ lique qui se rattache aux noms de George White field ct de Bowland Hill. 11L LnCoNonf-OATioNAUSMEEN Nouveixb Angleτγπβε. — La communauté de Leyde, sous la direction de John Robinson, en raison même des controverses qu’elle dc\ait soutenir avec les autres groupes anglais de Hollande, ne sc sentait pas encore suffisamment Isolée contre les · pièges de l’Antéchrist ». Les plus ardents parmi scs membres conçurent le projet de fonder outremer une colonie, où ils essaieraient de réaliser le royaume de Dieu et la véritable Église. Dès 1617, ils s’adressèrent à la compagnie de Virginie, 15G4 dont le conseil avait des tendances puritaines mar­ quées, ct qui avait*obtenu de la couronne le mono· 1 pôle du commerce ct de la colonisation sur une partie importante de la cote américaine. Pour obtenir plus ■ facilement l’autorisation, en raison mémo des suspi­ cions dont Ils étaient l’objet, Robinson ct son bras droit, William Brewster, ancien maître de poste à Scrooby, rédigèrent une déclaration où Ils précisaient leur position doctrinale. Elle sc présente comme un supplément des 39 Articles, qui étaient le code doctri­ nal de l’Église d'Angleterre. Robinson et Brewster reconnaissent formellement l’autorité de la couronne ct des évêques qu’elle appointe pour , celles des quakers ct des anabaptistes en particulier. Aussi, le premier gouverneur de Boston pouvait-il proclamer solennellement cette profession de foi : · Nous croyons que c’est chose importante, que tous les membres d’un gouvernement chrétien aient les mêmes opinions sur les points essentiels. Et, en passant, c’est à nous qu’il appartient de déterminer ce qui est essentiel. S’il est, parmi ceux qui sont venus avec nous, des gens d’opi­ nions différentes, iis ont commis une grave erreur ct feraient mieux de retourner en Angleterre. Mais si, tout en ayant des opinions différentes, ils veulent rester en Amérique, alors, laissons-lcs aller en paix fonder ailleurs des communautés conformes à leur conscience. Nous ne voulons pas de querelles avec eux. Mais nous leur disons formellement qu’ils ne peuvent sc fixer ici. d Les résultats de cette conception ne se firent pas attendre. En 1613, la colonie de Massachusets comptait quinze mille habitants ct dix-sept cent huit citoyens, c’est-à-dire dix-sept cent huit membres d’une congrégation. Elle avait expulsé de Plymouth ct de Salem des hommes comme Roger Williams ct Ralph Smith qui réclamaient le droit de penser autre­ ment que la petite aristocratie religieuse de la colonie, ct qui s’en étaient allé fonder, plus au sud, la < plan­ tation » de Rhode Island. Pendant les six ou sept années durant lesquelles la communauté de Plymouth n’avait eu pour voisins que les Indiens du Sachem Massasolt, son organisation religieuse avait été incomplète. John Robinson, en effet; qui, de Leyde, dirigeait toujours ses fidèles, n’avait jamais voulu permettre à Brewster d'exercer les fonctions de pasteur, pour la raison qu’il n’avait pas reçu l’ordination. Celui-ci avait dû sc contenter d’exercer les fonctions de docteur. Mais l'émigration, amena, surtout à partir de 1G30, un nombre de plus en plus grand de ministres non conformistes qui fuyaient le régime de Laud. Parfois meme une paroisse entière arrivait avec son organisation presbytérale complète. Plymouth put donc avoir un pasteur. Mais Lyndford, le premier qui fut choisi, dut renier solen­ nellement avant d’exercer ses fonctions, < toute église nationale, épiscopale ct archidiaconalc ». Grâce à l'émigration, l’isolement primitif prenait fin. En 1640, il y avait en Nouvelle Angleterre trente-trois églises constituées, toutes sur le type de Plymouth, sauf deux, qui avaient gardé complètement l’organisation presbytérienne. 11 était impossible de vivre côte ù côte sans avoir des relations. Encore faut-il remarquer 1566 qu’elles s'établirent non pas grâce aux ministres, qui paraissent avoir montré quelque répugnance sur ce point, mais par l’œuvre de deux laïques, le docteur Fuller de Plymouth et le gouverneur de Salem, Endi­ cott, Du reste c’étaient, à l’origine, des relations de fait, que ne réglait aucun accord. Il s’agissait là de simples manifestations de fraternité chrétienne. Elles se traduisaient surtout par des réunions de pasteurs qui n’avaient aucun caractère synodal. Chaque con­ grégation défendait jalouse ment son autonomie. Ce ne furent pas seulement les nécessités politiques qui les obligèrent à prendre une conscience plus nette ers,corrumpunt mores bonoscolloquia mala, I Cor., xv, 33. Plus funeste peut-être est la lecture des livres pernicieux, interlocuteurs avec lesquels on suspend, on renoue à volonté l’entretien, dont on sc méfie moins, parce qu’impersonnels, vis-à-vis de qui on prétend garder une attitude indépendante, prenant ou laissant de leurs suggestions exactement cc qu'on veut. L'Église conjure le danger, soit en inter­ disant de lire ct de conserver les ouvrages qu’elle a jugés nuisibles, soit en soumettant λ certaines doive s’entendre au sens le plus large, non seulement d’hérétiques ct dc schismatiques, mais encore dc juifs ct d’infidèles. Il s'agit dc livres qui traitent expressément, au moins pour une partie notable, dc matières religieuses, telles que Écriture sainte, droit canon, histoire ecclésiastique, questions dogmatiques ct morales, ascétique chrétienne, etc. Ces ouvrages, en raison dc leur provenance, sont présumés dangereux ct mauvais. La présomption est générale, mais non pourtant absolue; elle cesse dès qu’il est prouvé qu’ils ne renferment rien contre la fol catholique. Qui administre ccttc preuve? Des lec­ teurs compétents, par des comptes rendus biblio­ graphiques exacts, des livres qu'ils avaient lus, sc croyant ou non autorisés. — N. 4. · Ne sont pas pro­ hibés les livres dc ces auteurs non catholiques, mais qui ne traitent pas ex professo de la religion et ne touchent qu'en passant aux vérités dc la foi, à moins qu'un décret spécial ne les proscrive. · Contrairement aux précédents, ils ne sont pas interdits par Je droit positif, même s’ils contiennent des erreurs éparses contre la foi catholique, ces erreurs étant considérées comme accidentelles par rapport à l'objet principal dc l’ouvrage. C. n. Des éditions du texte original de la sainte Écriture et des versions en langue non vulgaire.— N.*5. «Les éditions du texte original dc la sainte Écriture ct des anciennes versions catholiques, même celles dc l’Église orientale, publiées par des écrivains non catholiques quels qu’ils soient, bien qu’elles parais­ sent fidèles ct intègres, sont permises ù ceux-là seu­ lement qui s’occupent d'études théologiques ou bibli­ ques, pourvu toutefois qu’elles n’attaquent, ni dans les préfaces, ni dans les notes, les dogmes dc la fol catho­ lique. · Les éditions, aujourd'hui, sc recommandent par une correction scientifique qu'on ignorait au début dc la Bétonne. Cependant, on n’est autorisé à faire usage dc celles qu’ont publiées des auteurs non catholiques, que si les deux conditions déterminées sont réunies. Par ceux qui s’occupent d’études théo­ logiques ou scripturaires, entendons ceux qui pro­ fessent ou étudient ces matières dans les facultés, collèges, séminaires; ceux qui, clercs ou laïques, y vaquent en vue d’un examen à passer, d'une thèse à produire, ou même des prêtres qui, le cycle dc leurs éludes achevé, s’y adonnent en quelque manière. Ils pourront employer les éditions dc la Bible hébraïque, des Septante, du Nouveau Testament en grec, publiées par les Sociétés bibliques ou d’autres auteurs non catholiques. —· N. 6. · De la même manière ct aux mêmes conditions sont permises les autres ver­ sions des saints Livres publiées par des auteurs non catholiques, soit en latin soit dans une autre langue non vulgaire. » C. m. Des versions de la sainte Écriture en langue vulgaire. — N. 7. · Sont absolument prohibées toutes 1574 les versions en langue vulgaire, même faites par des catholiques, si elles n'ont pas été approuvées par le siège apostolique ou éditées sous la surveillance des évêques avec des annotations tirées des Pères de l’Église ct de savants auteurs catholiques. » Donc, pour une traduction en langue vulgaire de la Bible, sans notes, il faut l’autorisation du Saint-Siège; avec notes, l’approbation de l’évêque suffit. Ces notes seront empruntées, sinon textuellement, au moins pour la doctrine, aux Pères ct aux savants auteurs catho­ liques. Rien n’empêche que les annotations d'ordre purement profane, géographiques, archéologiques, ethnographiques, soient tirées d’ouvrages non catho­ liques, pourvu que l’évêque les approuve. Tous, même les laïques, peuvent, en droit ecclésiastique, lire et garder les traductions approuvées dc la sainte Ecri­ ture. Les livres dc prières contenant les épltres ct évangiles de l’office divin, sans notes, n’ont pas besoin d’une autorisation spéciale du saint-siège, mais seu­ lement dc l’approbation épiscopale. — N. 8. « Sont interdites toutes les verslons'des saints Livres en une langue vulgaire quelconque, faites par des écrivains non catholiques, quels qu'ils soient, ct notamment celles publiées par les Sociétés bibliques. Néanmoins, l’usage dc ces versions est permis à ceux qui s'occu­ pent d’études théologiques ct scripturaires, aux condi­ tions établies ci-dessus (n. 5). » C. xv. Des livres obscènes. — N. 9. «Sont absolument prohibés les livres qui traitent ex pro/esso dc sujets lascifs ou obscènes, qui contiennent des récits ou des enseignements dc cc genre. · La prohibition de droit ecclésiastique est moins étendue que la défense de droit naturel. Elle n’englobe pas les ouvrages simple­ ment Immoraux, dangereux ou légers, mais seulement ceux dont l’objet principal ou du moins notable est d’exposer ct dc décrire des choses obscènes, ou même d’en instruire pratiquement, en vue évidemment d’ex­ citer les passions honteuses ct dc corrompre. Dans ccttc littérature, dite pornographique, on ne doit pas ranger les ouvrages spéciaux d'anatomie, dc médecine, dc science morale où cc genre de matières est traité dans un but purement scientifique. — N. 10. · Les ivres classiques, soit anciens, soit modernes, s'ils sont obscènes, sont permis à cause de l’élégance ct de la propriété du style, à ceux-là seulement qu’excusent les devoirs de leur charge ou dc leur enseignement; mais on ne devra, pour aucun motif, les remettre ou les lire aux enfants ct aux jeunes gens, s’ils n’ont été soigneusement expurgés. > Les classiques, en toutes les littératures, sont les ouvrages que la beauté dc la forme a fait ranger parmi les modèles.. Que faut-lï entendre par ceux que les devoirs dc leur charge ou dc leur enseignement excusent? Certainement tous les professionnels des belles-lettres, critiques, pro­ fesseurs. On y joindra vraisemblablement les direc­ teurs des études dans les collèges, que leur fonction oblige à veiller sur les cours dc littérature. Enten­ dons dc même les candidats aux grades littéraires supérieurs, relativement aux ouvrages qui figurent au programme, ceux qui étudient dans les univer­ sités en vue du professorat, ceux qui préparent une thèse qui n'est pas étrangère aux livres visés. 11 peut arriver que la défense de remettre ou dc lire à des enfants ct à des jeunes gens les classiques obscènes, s’ils ne sont expurgés, concerne encore, vu leur Age peu avancé, des étudiants de facultés. Si les lois du pays prescrivent l’emploi d’éditions complètes, ils peuvent, usant d’épikie, s’en servir; mais 11 n’est pas pennis dc lire à des enfants les passages obscènes, sinon peut-être afin d’éviter un plus grand mal, c'està-dire dans le cas où ces enfants, dûment avertis, les liraient quand même. Notons encore que les conces­ sions dc l’article 10 ne suppriment pas la loi naturelle 1575 INDEX 1576 C. vn. Des livres de liturgie et de prières. — N. 18. ni les précautions qu’elle recommande ou prescrit « On ne devra introduire aucun changement dans les aux individus vis-à-vis d’un danger de perversion. C. v. De certains livres spéciaux.— N. 11. « Sont con­ i éditions authentiques du missel, du bréviaire, du damnés les livres injurieux envers Dieu, la bienheu­ rituel, du cérémonial des évêques, du pontifical reuse vierge Marie ou les saints, l’Église catholique I romain et des autres livres liturgiques approuvés par et son cuite, les sacrements ou le siège apostolique; le Saint-Siège apostolique, sinon ccs nouvelles éditions les livres nul dénaturent la notion de l’inspiration de I sont prohibées. ·— N. 19. « A l’exception des litanies la sainte Ecriture ou qui en limitent trop l’extension; très anciennes et communes, contenues dans les bré­ les ouvrages qui outragent intentionnellement la viaires, missels, pontificaux et rituels, des litanies de hiérarchie ecclésiastique, l'état clérical ou religieux. » la sainte Vierge qu’on a coutume de chanter dans la Cet article a pris une forme nouvelle dans le Code Maison de Lorette, et des litanies du saint Nom de de droit canonique, et la prohibit ion expresse des livres I Jésus, déjà approuvées par le Saint-Siège, on ne pourra qui dénaturent la notion de l’inspiration ou qui en ! publier de litanies sans la révision et l’approbation limitent l'étendue, n disparu. En voici la teneur pré- · de l'ordinaire. · — N. 20. « Les livres ou opuscules sente : t Sont interdits par le droit, les livres qui atta- . de piété, de dévotion, ou de doctrine et d'enseigne­ quent ou tournent en dérision quelque dogme catho- ’ ment religieux, moral, ascétique ou autres analogues, lique, qui défendent les erreurs proscrites par le Saint- bien qu’ils paraissent propres à entretenir la piété Siège, qui dénigrent le culte divin, qui tendent à ; du peuple chrétien, ne peuvent être publiés sans la détruire la discipline ecclésiastique, outragent systé­ permission de l’autorité légitime; sinon on devra les matiquement la hiérarchie de l’Église, l'état clérical tenir pour prohibés. » Il n'y a plus lieu de distinguer, ou religieux. » Can. 1399, n. 6.— N. 12.« Il est défendu | sous le rapport de la prohibition, entre les ouvrages de publier, de lire ou de conserver des livres qui visés à l’art. 41 et les livres ou opuscules qui affichent enseignent ou recommandent les sortilèges, la divi­ un but pratique, celui d'entretenir la piété du peuple nation, la magic, l'évocation des esprits et autres | chrétien. Les uns et les autres doivent être soumis à semblables superstitions. » — N. 13. « Les livres ou la censure préalable et ne peuvent paraître qu'avec écrits qui racontent de nouvelles apparitions, révéla­ une approbation; publiés sans autorisation, ils sont, tions, visions, prophéties ou miracles, ou qui sug­ en outre, les uns et les autres, également Interdits gèrent de nouvelles dévotions, même sous le prétexte par le Code de droit canonique. Can. 1399, n. 5; 1385, qu’elles sont privées, sont proscrits s’ils sont publiés §l,n. 2. sans l’autorisation des supérieurs ecclésiastiques. > Le C. vin. Des journaux, feuilles cl publications pério­ décret vise, outre les livres, toute publication quel­ diques. — N. 21. « Les journaux, feuilles et publications conque moins volumineuse, tels sont les périodiques périodiques qui attaquent systématiquement la reli­ ou feuilles mises en circulation, qui racontent, en vue gion ou les bonnes mœurs doivent être regardés comme d’accréditer. Ce n’est point le cas de journaux qui, proscrits, non seulement de droit naturel, mais encore entre autres nouvelles et sans sc départir de leur rôle de droit ecclésiastique. Les ordinaires auront soin, d’informateurs, publieraient des faits extraordinaires. I lorsque besoin sera, d’avertir à propos les fidèles des Quant à l’approbation nécessaire, elle est du ressort dangers et des conséquences funestes de telles lec­ en premier lieu des évêques, et en second lieu, sur­ tures. » Les termes diaria, folia, libelli peri dici du tout dans les cas embarrassants, du Saint-Siège. — décret désignent respectivement les journaux ou N. 14. «Sont défendus, les ouvrages qui établissent quotidiens, toutes autres feuilles qui ne paraissent que le duel, le suicide ou le divorce sont licites; ceux pas journellement, les revues ou livraisons qui, tout qui traitent des sectes maçonniques ou autres sociétés en gardant l’apparence de petits livres, n’ont ni le du même genre et prétendent qu'elles sont utiles et volume, ni surtout l’unité d’un livre proprement dit. non funestes à l’Église et à la société; enfin ceux qui Ccs diverses publications, déjà prohibées par la lot soutiennent des erreurs condamnées par le siège naturelle, le sont en outre par la loi ecclésiastique, apostolique. » lorsqu'elles combattent la religion ou les bonnes C. VL Des saintes images et des indulgences. — N. 15. mœurs. On juge de l’hostilité systématique à la fré­ « Sont absolument Interdites, quel que soit le système quence et à l’étendue des articles où l’impiété ou l’im­ de reproduction employé, les Images de N.-S. J.-C., moralité s’affichent. Quelques attaques, plutôt rares, de la bienheureuse vierge Marie, des anges et des en dehors du but ordinaire d’une publication, ne suf­ laints et autres serviteurs de Dieu, si elles s'écartent firaient pas à la faire Interdire par le droit positif. de l’esprit et des décrets de l’Église. Les nouvelles Comment entendre les attaques à la religion, aux Images avec ou sans prières annexées, ne devront être bonnes mœurs? Des auteurs les ont entendues au publiées qu’avec la permission de l'autorité ecclésias­ même sens que pour les livres condamnés par les tique. «Les termes imagines quomodocumque impressa articles 2 et 9. Il ne s’agirait pas précisément d’atta­ du décret, entendus au sens strict, ne désignent point ques dirigées contre la vraie religion ou la religion les médailles, les statues ou peintures. Une autori­ catholique, mais plutôt contre les vérités religieuses sation ecclésiastique est nécessaire aux éditeurs pour fondamentales, ni d’articles d’une immoralité quel­ publier les images, mais non aux fidèles pour s'en conque, mais véritablement pornographiques. Cette servir. Elles sont toutes permises à ceux-ci, à moins Interprétation restreinte ne parait pas conforme à qu'elles s’écartent de l’esprit et des décrets de l'Église. l’esprit et à la lettre du Code du droit canonique qui A qui appartient-il de juger qu’elles s'en écartent? distingue entre les livres qui visent à renverser les Aux évêques d’abord; dans les cas difficiles, le Saint- fondements de la religion, can. 1399, n. 2, ceux qui Siège peut être appelé à trancher par l’organe de la atteignent la religion ou les bonnes mœurs, n. 3, et les livres qui traitent ex professo de choses obscènes, S. C. des Rites. — N. 16. « 11 est Interdit à qui que ce soit de répandre de n'importe quelle manière des n. 9. De ce que la loi ecclésiastique s'ajoute au droit Indulgences apocryphes, proscrites ou révoquées par naturel pour proscrire les périodiques susdits deux le Saint-Siège. Celles qui seraient déjà répandues conséquences découlent : Ils demeurent Interdits à devront être retirées des mains des fidèles. · — N. 17. ceux-là même qui ne courraient aucun danger en les «Tous livres, opuscules, feuilles volantes, etc., conte­ lisant; l’interdiction s'étend non seulement aux pas­ nant des concessions d’indulgences ne doivent pas sages ou numéros mauvais, mais à tout le périodique. être publiés sans la permission de l'autorité compé- Et, prohibition spéciale aux périodiques, le décret condamne les numéros et livraisons parus et à patente. · 1577 INDEX mitre. Le législateur suspecte à bon droit et très légi­ timement des publications dont les rédacteurs ne changent pas, conservent leur esprit d’hostilité et poursuivent un programme impie ou immoral arrêté. La prohibition de l’article 21 étant grave de sa nature, ceux-là pèchent mortellement qui s’ai>onnent aux journaux, feuilles ou revues qu’il a proscrits, ou qui les lisent d'une manière habituelle, ou même, en lisent ne fût-ce que rarement, quelque partie notable en la matière qui les a fait proscrire. — N. 22. · Les catho­ liques et surtout les ecclésiastiques n’écriront rien dans ccs journaux, feuilles ou revues périodiques, sans un motif juste et raisonnable. > 2° De la permission de lire et de garder les livres prohibés, — Le législateur a prévu le cas où des per­ missions de lire et de conserver les ouvrages pros­ crits seraient nécessaires ou utiles, et pourraient être régulièrement concédées. Ces permissions, qui les accorde, sinon celui-là même qui a porté les défenses, soit générales, soit particulières? Autrement dit le saintsiège, et ceux qu’il a délégués à cet effet. N. 23. — La S. C. du Saint-Office, depuis la suppression de la S. C. de l’index, est seule chargée de donner les auto­ risations pour tout l’univers catholique. Les autori­ sations sont de deux sortes : les permissions indivlduelles à l’usage des fidèles qui les ont obtenues, et les Induits généraux ou pouvoirs concédés aux prélats ecclésiastiques, en vue de permettre eux-mêmes à leurs sujets de lire et de garder les livres à L'Index. C’est encore au Saint-Office qu’il appartient de rédiger les formules de concessions, même celles que délivre la S. C. de la Propagande, et par conséquent d’y Intro­ duire les clauses variables qui limitent les permissions à certaines personnes, à des livres ou catégories de livres détenuinés. La Propagande accorde les permis­ sions particulières et les induits généraux pour les régions qui en dépendent. Et le Maître du SacréPalais délivre les autorisations Individuelles aux fidèles de la ville de Rome. N. 21. — Les évêques et autres prélats assimilés aux évêques par le droit, ont aussi le pouvoir d’octroyer des permissions. Ils le peuvent évidemment, s’il s’agit de livres ou publica­ tions qu’ils ont eux-mêmes défendus, dans leurs dio­ cèses respectifs et à leurs sujets propres. Vis-à-vis des ouvrages prohibés par le Saint-Siège, ils le peuvent encore, soit par un droit ordinaire que leur reconnaît la constitution Officiorum ac munerum, mais pour des livres déterminés et seulement dans des cas urgents, soit en vertu d’un Induit général obtenu de Rome. Dans ce dernier cas, il leur est prescrit de n’accorder des autorisations individuelles qu’avec discernement et pour des causes justes et raisonnables. N. 25.— La discrétion à observer dans l’octroi des permissions regarde en premier lieu les personnes que doivent recommander leur science, leur piété et leur zèle pour la foi; elle a trait ensuite aux livres ou catégories de livres dont on ne peut permettre indistinctement et sans motif l’usage. Que faut-il entendre par < causes justes et raisonnables? · Assurément, toute utilité vraie; tel serait, par exemple, le désir de réfuter l’er­ reur, niais non une simple curiosité. Ceux qui ont obtenu du Saint-Siège ou de scs délégués que soient levées les défenses de droit commun, ne sont pas autorisés pour cela à sc servir des livres ou publications interdits par un droit particulier, diocésain ou autre, à moins que l’induit apostolique ne mentionne expres­ sément la permission de lire et de garder les livres condamnés par n’importe quelle autorité. Indépen­ damment des prohibitions de la loi morale que la per­ mission de l’index la plus étendue ne supprime pas, une obligation demeure pour l’indultairc, celle d’em­ pêcher que les livres proscrits qu’il est autorisé luimême à lire et à garder, ne tombent en d’autres mains. 1578 La prescription d’écarter du prochain toute occasion de préjudice ou de scandale, en mettant en sûreté les ouvrages en question, est qualifiée de grave, mais elle n’implique cependant aucun moyen spécial, aucune précaution déterminée. N. 26. 3° De la dénonciation des mauvais livres. — La dé­ nonciation ici est une nécessité des temps modernes, vu l’excessive liberté de la presse et le débordement des publications aujourd’hui. Pour signaler les ou­ vrages pervers ou dangereux, ce n’est pas trop de tous les concours; il Importe d’utiliser tous les dévoue­ ments à la cause de la vérité et du bien général. Tout catholique d’abord, s’il possède une Instruction plus qu’ordinaire,s’il est à même par conséquent d’apprécier le caractère nuisible d’un livre, est qualifié pour déférer les publications suspectes à l’autorité ecclésiastique compétente. 11 accomplit en cela, s’il est conduit par une intention droite, c’est-à-dire par le désir d’écarter le scandale des mauvaises lectures, un devoir de haute charité. Sont tenus surtout de dénoncer, par une obli­ gation de leur charge ou en Justice, les prélats ciaprès : les nonces, les délégués apostoliques, les évêques et autres ordinaires locaux, les recteurs des universités. Quant à la dénonciation, elle est reçue par , les ordinaires ou parleSaint-Siège,autrcmcnt dit parles SS. CC. du Saint-Office et de la Propagande. N. 27. — La personne qui dénonce, est priée de joindre au titre de l’ouvrage déféré un exposé succinct des raisons qui le lui font regarder comme mauvais ou dangereux. Et, discrétion facile à comprendre, ceux qui recevront sa dénonciation devront tenir son nom absolument secret. N. 28. — Parmi les ouvrages suspects, on défé­ rera au Saint-Siège ceux-là surtout qui réclament un examen approfondi et pour lesquels une sentence de l’autorité suprême parait nécessaire. Les Index locaux sont le remède d’abord recommandé aux évêques vis-à-vis des livres et autres écrits nuisibles répandus dans leurs diocèses. N. 29. 4° Des peines édictées contre les transgresseurs des prohibitions générales. — Les peines ecclésiastiques édictées contre ceux qui transgressent les decrets généraux font l’objet des articles 47, 4S, 49. Elles sont de deux sortes : les unes, latne serderdiæ ou de plein droit, et les antres, (crcndic scnteniice, à décréter par sentence du Juge. Parmi les premières, une excom­ munication atteint ceux qui, sans approbation. Impriment ou font Imprimer les saints Livres, des notes ou commentaires s’y rapportant Mais comme elle concerne la censure préalable, qu’il suffise d’en faire simplement mention. N. 48. La nouvelle légis­ , lation de Γ Index reproduit au n. 47, sans y nen changer, le n. 2 de la constitution Aposiolicæ sedis : « Quiconque lit, sciemment, sans l’autorisation du siège apostolique, des livres d’apostats ou d’héré­ tiques soutenant l’hérésie, ainsi que des livres de tout auteur nommément condamnés par lettres apos­ toliques, quiconque garde ccs livres, les imprime ou les défend d’une manière quelconque, encourt par le fait même l’excommunication spécialement réservée au pontife romain. » Deux catégories de livres, par conséquent, font encourir l’excommunication susdite, les livres d’apostats ou d’hérétiques et les livres de | tout auteur nommément condamnés par lettres apos­ toliques. Dans la première sorte, ne doivent pas figurer tous les ouvrages d’apostats ou d’hérétiques, mais seulement ceux qui sont vraiment des livres et qui défendent l’hérésie. Donc, les imprimés de pro­ portion assez considérable et) formant un tout sont ici visés; dans le langage ordinaire, co sont les publi­ cations qu’on désigne sous le nom de livres; or, dans l’espèce, il importe de sc régler sur l’usage» et comme la matière est d’ordre pénal, il faut s’en tenir au sens le plus strict. N’ont pas, dès lors, le caractère de livres, 1579 INDEX — INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE 1580 les manuscrits, les simples brochures, les journaux ct soit que de vive voix ou par écrit, en public ou en probablement les numéros Isolés d’une revue; ct particulier, Il en patronne la doctrine hérétique. fussent-ils prohibés par les décrets généraux, fussentUn peu différente est la rédaction du canon 2318 ils même hérétiques, Ils ne font pas encourir l'excom­ du nouveau Code, renouvelant 1* excommunication munication. Il est Indispensable, en outre, que ces portée par la bulle Apostollcæ sedis. 11 y est parlé de livres défendent l’hérésie, c’est-à-dire que leurs au­ livres non seulement d’apostats ct d'hérétiques, mais teurs, non contents de la faire connaître, s’évertuent encore de schismatiques, soutenant l'apostasie, l’hé­ à l’accréditer par divers raisonnements, quelle que résie ou le schisme. soit d’ailleurs la valeur apodictique des preuves, Des sanctions destinées à faire respecter les autres pourvu que la défense soit une des fins poursuivies. prescriptions contenues dans les décrets généraux sont Voir Hérésie, t. vi, col. 2249-2250. Par apostats, en outre prévues : monition ou peines canoniques, les entendons ceux qui ont renoncé à tout christianisme, évêques veilleront à les établir et ù les graduer avec qu'ils aient ensuite embrassé ou non quelque reli­ une prudente discrétion. N. 49. gion non chrétienne, ct par hérétiques, ceux qui II. Reusch, Dcr Index der verbotenen Bûcher, 2 ln-8·, nient obstinément tel ou tel dogme catholique, qu’ils Bonn, 1883, 1885; Petit, IJ Index, son histoire, scs lois, sa appartiennent ou non à une secte .connue. Apostats force obligatoire, Paris, 1888; Grimaldi, Les Congrégations ou hérétiques, Il est nécessaire qu’ils soient notoire­ romaines. Sienne, 1890 (condamné par le Saint-Office ct ù ment tels. Voir Apostasie, 1.1, col. 1G09. Encourent consulter avec précaution); Arndt, De libris prohibitis comen second lieu la peine de l'excommunication réservée jnentarii, Rntlslionnc, 1895; I lolhvcck, Das kirchlichc Bucher· au pape,les lecteurs des li vrescondamnés nommément verbot, Mayence, 1897; Périès, IJ index, Paris, 1898; Gcncostituzione « Officiorum », Naples, 1898; Pcnnachi, par lettres apostoliques. Sous ce nom sont comprises les nari,La in constitutionem « Officiorum ac munerum». lettres où le souverain pontife en personne prend la pa­ Commentarium Borne, 1898; A. Boudlnhon, La nouvelle législation de role, telsles bulles, les encycliques, les brefs ou les lettres V Index, Paris, 1899; Wcrnz, Jus Decretalium, Rome,1901, proprement dites, ct non les autres documents éma­ t. ni; De prohib. censura et divulgat, librorum, η. 95-131; nés des Congrégations romaines. Quelle que soit la Hilgers, Dcr Index der verbotenen Bucher, Fribourg-enforme des lettres, il faut que le titre au moins du livre Brlsgnu, 190-1; Die Buchervcrbote (n Papstbrie/en, ibid., y soit expressément désigné, avec Interdiction de le 1907; A. Vcnnccrsch, De prohibitione ct censura librorum, 1898; Rome, 1906; NoIdin, Summa thcologix lire sous peine d’excommunication. Ces livres de Toumay, moralis, Inspruck, 1911, t.u. De prirccptis, part. 111,1. Ill, l’une ct l’autre catégorie, quiconque sciemment les n. 723-739; Forget, Dictionnaire apologétique de la fol lit, les garde, les Imprime et les défend, est passible catholique, Paris, 1913, t. n, col. 702-716; Choupln, Btude de la censure. Le terme sciemment affecte chacune sur la valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du des quatre actions proscrites. 11 est donc nécessaire saint-siége, Paris, 1913. A. Thouvenin. de connaître la peine édictée, de savoir pertinemment qu'elle s’applique dans un cas concret. Par consé­ INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE. — quent, la bonne foi ct l’ignorance, probablement I. Notions. Indifférence pratique. Problèmes théori­ même affectée, en excusent. La lecture est l'acte ques. IL Apologétique progressive : indifférentisme irréllgieuxabsolu; indifférentisme religieux naturaliste; principal Interdit. Lire, qu’est-ce, sinon parcourir un livre des yeux en en comprenant le sens. Cette simple Indifférentisme religieux surnaturel ; indifférentisme notion suffit à éliminer certains actes que n’atteint chrétien. pas le texte du décret, telles seraient, par exemple, la I. Notions. Indifférence pratique. Problèmes lecture d’un livre écrit dans une langue Ignorée, ou théoriques. — 1° Notions. — 1. Indifférent, qui ne la récitation de mémoire d’un passage. Quelle somme fait pas de distinction, de différence entre une chose de lecture fait encourir l’excommunication? Il faut ct sa négation ou son contraire; indifférence religieuse, et il suffit qu'elle soit assez notable pour constituer attitude de celui que ne prend pas parti entre les une faute mortelle. Sont estimés retenir un livre : diverses formes religieuses ou qui les proclame ceux qui l'ont en propre, qu’ils le possèdent ou non toutes de même valeur; indifférentisme, le système par devers eux, ceux qui le gardent en leurs maisons, érigeant cette attitude en doctrine ou en loi. comme leur ayant été confié ou prêté. Ils encourent Ne pas prendre parti, c’est une indifférence néga­ régulièrement, s’il y a de leur part faute grave, l'ex­ tive; attribuer une même valeur Λ toutes les religions, communication; il est Juste d’excepter le cas, où c’est de l'indifférence positive. Celle-ci peut tenir toutes quelqu’un, dûment autorisé à lire et à conserver les ou­ les religions comme fausses, inutiles, ou mauvaises : vrages prohibés, retiendrait chez sol lelivred’un autre, c'est alors de V irréligion ou de l'indifférentisme indi­ durant le temps qu’il faut à ce dernier pour obtenir viduel absolu. Elle peut encore, réservant la question la permission de l’index. Sont excusés de la censure des consciences individuelles, ne vouloir expulser la le serviteur ou le bibliothécaire préposés à la garde religion que de la vie publique, sociale ct politique : et à l’entretien de livres prohibés: ils ne peuvent être c'est de Γindifférentisme absolu politico-social. dits les avoir en propre ni les conserver chez eux. Mais supposé qu’on croie nécessaire quelque reli­ A parler absolument, le relieur est censé être relinens; gion, on peut admettre que toutes les religions en en pratique, à défaut d’autres raisons, l’ignorance le définitive sont également bonnes, chacune pour scs plus souvent l'excuse. Quant aux personnes visées adeptes, soit pour le salut dans l’autre monde, soit par le terme imprimentes, il est sage d'admettre, avec pour le bonheur temporel des consciences humaines: Mgr Boudlnhon, < que l'excommunication atteint : et c’est cela proprement Vindifférentisme religieux. — 1· l'auteur, s'il fait imprimer son ouvrage; 2° l’im­ 2. Λ côté de ces mots ct de ces Idées, Il y n d’autres primeur, c'est-à-dire le patron de l’imprimerie qui mots employés parfois comme synonymes, d’autres prend en charge l’impression du livre; 3° l’éditeur qui Idées regardées comme équivalentes, qu'il vaut mieux fait imprimer ct sc charge de la vente ·, ct < que les séparer nettement. emplo} es Inférieurs de l’imprimerie ne sont pas excom­ Neutralité d’abord : c'est l’attitude externe de munie, sauf les compositeurs ct les correcteurs, en l’indifférence au milieu d’un conflit entre partis enne­ tant qu’ils lisent sciemment. » Est passible de la mis; Indifférence dit plutôt attitude intérieure de censure, en dernier lieu, quiconque défend les livres l’esprit ct de la volonté. Tolérance, c’est la non suppression d’un mal qu'on en question et de n’importe quelle manière, soit que par force, menaces, ordre ou conseil II empêche qu’ils ne peut empêcher. Ériger la tolérance en système, soient livrés aux autorités ecclésiastiques ou détruits, par principe de liberté, de fraternité, etc., c’est le 1581 INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE tolérantisme, ne niant pas le mal, mais sc liant à cette [ liberté, à cette fraternité, etc., pour le guérir. Le tolérantisme en pratique va souvent Jusqu'il Identifier bien ct mal; il devrait alors sc laisser appeler indiflé^ rentisine; mais il est difficile de sc dire indifférent à tout cc qu’on veut absolument tolérer, ct l’on proclame hypocritement par tolérantisme la liberté des erreurs, des vices, des irréligions, plutôt que par Indifférentisme· Latitudinarisme, système d'indifférence entre les dogmes des religions révélées, surtout chrétiennes; au moins entre certains dogmes déclarés non fonda­ mentaux. Aux indifférents absolus on donne parfois aussi les noms péjoratifs d’incrédules, d’impies, d’irréligieux ou même d’athées ou enfin de libres-penseurs : tant la logique de l'indifférence semble pousser naturel­ lement l’âme & la lutte contre la religion. 2° indifférence pratique. — Il y en a qui ne pra­ tiquent aucune religion, non par système plus ou moins réfléchi, mais par habitude vécue. 1. Portée du fait. — Avant le xix· siècle, il y n eu très peu devrais indifférents à la religion, soit chez les intellectuels, soit dans la bourgeoisie même, soit parmi le peuple. Mais depuis le xix· siècle, cette attitude n’est devenue que trop fréquente. 2. Les causes du /ait. — Elles peuvent se ramener à trois : ignorance, passions, mauvaise volonté. a) Ignorance ou manque de formation. L*animalis homo sc forme tout seul; mais non Yhomo spiritualis. Et quel principe formateur de conscience religieuse peut trouver l’âme dans certains milieux familiaux ct sociaux d'usine, de rue, d’école, etc.? L’ignorance religieuse ne peut pas être cependant totale généra­ lement, jusqu'à excuser a toto peccato comme a tanto; cela, soit dans nos pays chrétiens (catholiques, pro­ testants, schismatiques), soit dans les pays mono­ théistes (juifs, mahométans), soit même en pays païens civilisés (Indes, Chine, Japon) : un jour ou l’autre Dieu doit rappeler trop nettement scs droits transcendants à toutes ces consciences en général, pour excuser celles qui roulent dans l'indifférence reli­ gieuse au moins absolue. J'al dit : en pays païens civili­ sés. Peut-on admettre!’ existence d’hommes adultes reli­ gieusement irresponsables, parce que leur conscience est demeurée dans une ignorance enfantine: adultes de corps, mais enfants jamais arrivés à l’âge de raison ou de conscience morale? Jusqu’ici les théologiens admettaient cela pour des Individualités : demi-fous, Idiots, sauvages très abrutis; mais ils n’auraient pas été portés à étendre celte exception à des peuples entiers. L'enseignement traditionnel admettait en effet pour tout homme ordinaire ndultc, la capacité de connaître Dieu, physique ct morale, non seulement collective, mais Individuelle, ct non pas précisément par enseignement social, mais par Invention, par élévation facile et comme instinctive de l’esprit humain vers le Maître du monde physique ct du monde moral. Or cet te Idée du Maître du monde physique ct moral est bien l’idée de Dieu, implicite ct confuse, mais néanmoins suffisante. Et ces explications seules sem­ blaient cadrer avec l’idée de l’hoinme essentiellement dirigé à Dieu comme à sa fin dernière Individuelle, naturelle. Voir Diev, t. iv, col. 826-829, 873,876-881, 912-918; Capéran, Le problème du salut des infidèles, t. i. Étude historique, ct t. n, Étude théologique. Les Études du 20 août 1920, p. 306-103, ont publié un article du cardinal Billot prenant là-dessus une position toute nouvelle, que nous n’avons pas à dis­ cuter ici. Voir Imidèles (Salut des). Si les conclusions de la nouvelle opinion étaient assurées, l'indifférence pratique de millions de païens, sans aucune vraie religion, serait assurément sans péché. 2. Mais la cause la plus fréquente du vrai indiffé­ 1582 rentisme pratique responsable et coupable, ce sont les passions : sensualité, cupidité, orgueil d’ambition, de domination, d’indépendance Intellectuelle ou morale, enfin égoistc adoration de soi. Tout cc peuple d’en bas, s’il arrive à détrôner le roi légitime de l’âme, la volonté rationnelle, a bientôt fait de le fouler aux pieds, et ce ne sont pas les sens, ni la cupidité, ni l’orgueil qui s’occuperont alors de monter vers Dieu, Γ Infini spirituel caché, dont Ils ne peuvent rien rece­ voir, sinon des châtiments. Que faire avec ces Indifférents? Amortir leurs pas­ sions en suscitant en eux quelque aspiration plus haute vers le bien de la famille, de la patrie, de l’huma­ nité, de la civilisation artistique, intellectuelle,morale; puis les dégoûter de ces passions à l’esclavage honteux en réalité ; puis leur faire désirer plus vivement le vrai complet ou le bien ou le beau supérieur, exciter alors les appels instinctifs de l'âme naturellement religieuse en Introduisant l'angoisse de la destinée ct la question de la Première Cause, ou mieux, si c’est le cas, réveiller les restes de fol ou de piété de l’enfance ct de la jeu­ nesse; enfin donner à ces désirs des tournures de prières ct de supplications : voilà les étapes douces, naturellement possibles d’une conversion de gens pratiquement indifférents à cause de leurs passions. Quant aux moyens à mettre en jeu pour réaliser ces diverses étapes, Ils sont innombrables : conversations, lectures, amitiés, exemples, spectacles, etc. Et puis la grâce a d’autres chemins encore plus courts ct plus assurés. Voir Th. Mainage, La psychologie de la con­ version, Paris, 1915; L. Boure, La conversion, dans les Études, L cxlvi, p. 289; Une conversion classique, dans la Revue pratique d‘apologétique, 15 janvier 1914; P. Hugon, Notion théologique de la psychologie de la conversion, dans la Revue thomiste, septembre 1919, p. 226 sq.; J. lïuby, La conversion, Paris, 1919; J. Didlot, Conversion, dans Dictionnaire apologétique, t. i, coL 697-705; J. Dutilleul, Convertis et apostats, dans les Études, 1910, t. cxxiv, p. 317 sq.,507 sq ; A. Rctté, Lettres à un indifférent, Paris, 1921. 3. Enfin la dernière cause de l’indifférence pra­ tique, malgré une certaine fol persistante parfois dont on ne peut se débarrasser, c'est la malice obstinée dans le mal ; voir Impémtexce, sur cette catégorie de pécheurs. Mais Ici l’indifférence extérieure, affectée mémo, couvre une inimitié plus ou moins rageuse au dedans ct il ne sc peut faire que celle-ci n'éclate un jour ou l'autre ct change l’indifférence en secta­ risme. Cf. X. Moisant, Psychologie de l'incroyant. Pans, 1908 ; Déisme, t. iv, col. 234-242 (é\ohition du déisme anglais, français, allemand) ; Dieu, coL 759 sq., 1243 sq. Discuter avec ces esprits? Cela sert de peu. Ébranler par la prière ct l’affection, ct l'attirance de quelque aspiration supérieure : c’est presque tout cc qu’on peut faire; susciter encore les occasions de quelque profonde émotion dans un coin du cœur resté droit ct noble; ct puis le malheur souvent, dans le cœur ou l'esprit ou le corps, a seul la force décisive. Voir dans Th. Mainage la bibliographie des conversions. Contre toute forme d'indifférence pratique consulter surtout les fortes et puissantes études de Mac Carthy, Sermons, t. n, 3 semions sur l’incrédulité ct un sur l'indifférence; Lamennais, Essai sur l'indifférence en matière de religion, t. i,c. vni-xii.sur l’indifférence pra­ tique ct l’importance de la religion, Mgr Pie, Instruc­ tion sur les principales erreurs du temps présent, Œuvres, I t. n, p. 423-444 (indifférentisme). 3° Problèmes théoriques.— 11 s’agit d’abord essentiel lenient du grand problème humain, celui de la nature ct de la destinée de l’homme, problème posé à qui­ conque est vraiment homme, par tous les besoins du cœur, de la conscience, de l’esprit; rester indifférent 1583 INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE 1584 Λ sa solution : est-ce possible ct comment? C’est aussi ’ amabilité, bien plus, l’amour premier de nos cœurs â le grand problème moral : y a-t-il un Dieu ct avons- celui qui, étant l’Êlrc éternel, Infini, notre Toutnous des devoirs envers lui ct lesquels? Les premiers Principe, est nécessairement aussi notre dernière et devoirs évidemment, devoirs primant ceux qui peuvent suprême fin, notre unique béatitude, voir Béati­ regarder nos semblables ou nous-mêmes. Et c’est tude, t. n, col. 510 sq., l’amour suprême pour la le grand problème historique : celui des religions ct de gloire de qui tout existe. Voir Fin dernière, t. v, la religion, ponr l’ensemble des peuples terrestres, col. 2478 sq. la question première. Et que dire du Dieu père de l’ordre surnaturel his­ On peut essayer de résoudre le problème par diverses torique, envers qui toute la religion doit prendre un voles ou même en divers degrés qui constituent autant caractère de piété filiale et d’amour de charité ou de problèmes spéciaux pour l'apologétique : peut-on d’amitié intime? s'en tenir à un indifférentisme irréligieux absolu, ou Les objections des déistes? Voyons. Ils disent : tout bien à un indifférentisme religieux naturaliste, ou cela, anthropomorphisme ! Dieu ressemble ainsi à du moins à un Indifférentisme religieux historique, un roi terrestre puissant ct riche ou à un père de ou enfin à un indifférentisme dogmatique chrétien? famille humaine, mais il n’est plus le Dieu infini, IL Apologétique progressive. — 1° Indifféren­ infiniment au-dessus des petites créatures humaines, tisme irréligieux absolu. — 1. Formes. — a) L'athéisme infiniment incompréhensible à nos petits cerveaux est évidemment la première source de l’irréligion : ct inaccessible à nos petites libertés, qui sont d’ailleurs pas de divinité, pas de culte à lui rendre, pas de devoirs des libertés, des causes qui font ce qu’elles veulent. envers elle ou Λ cause d’elle. L’athéisme, source d’indif­ En quelques mots répondons : les libertés créées férence totale aux religions pour diverses catégories sont des facultés, non tic faire ce qu'elles veulent, de nos contemporains spécialement, est-il fréquent mais le bien — ct dans l’ordre dont Dieu est évidem­ ou rare? parmi les Intellectuels, panni le peuple? ment le bien suprême, le suprême amour — suivant Cf. J. Guibert, dans la Revue pratique d'apologétique, les lois essentielles de cet ordre ou les lois qu’il peut 1907, t. m, p. 39-45; C. Piat, ibid., p. 419-161. plaire à Dieu d’y établir positivement, ct cela avec En tout cas, qu’il soit à base ontologique de matéria­ les sanctions sans lesquelles il n’y a pas d’ordre moral lisme ou de panthéisme, ou bien à base psychologique définitif. de sensualisme, d’empirisme, de positivisme; dans une Ensuite, dans nos cerveaux, il y a des intelligences autre direction, d'idéalisme, de subjectivisme, de cri­ spirituelles, pour qui Dieu n'est pas incompréhen­ ticisme; à un autre point de vue encore, de phé­ sible comme un hiéroglyphe sans clef, mais comme noménalisme ct de symbolisme, cet état le plus la vérité infinie que nous ne pouvons comprendre souvent repose sur une base plus profonde d’ordre totalement, dans le mode intime ct le fond Infini de sa moral : la révolte contre le Maître absolu qui compri­ nature, mais que nous pouvons connaître vraiment merait la volupté ou l’orgueil ou la cupidité : on veut comme elle est, en ses diverses perfections d’existence, être à sol tout seul, donc pas de religion. D’ailleurs, de cause première, d’éternel, de subsistence essen­ on peut tolérer celle-ci chez ceux dont le cerveau et tielle ct pure, de science totale, de sainteté absolue, le cœur secrétent, Imaginent, pensent, appellent de puissance infinie, etc., tout cela en analogies ct encore... de pareilles formes vitales; mais pour ceux similitudes, mais formellement vraies, car l’intelli­ qui... · savent », tout cela est devenu totalement gence est la faculté de l'être ct ainsi en l’une ou l’autre Indifférent. Voir Caussette, Le bon sens de la foi, t. n, façon, de tout être, de l’infini lui-même. Voir Dieu, p. 17-358. t. iv, col. 7G7 sq. ; Agnosticisme, 1.1, col. 596 sq. ; Ana­ b) 11 y a cependant un déisme irréligieux. Le déisme log u . 1.1, cot 1146sq. admet un Dieu, auteur du monde; mais ce Dieu Dieu enfin est infiniment loin de nous ct n’a que s’occupe-t-il maintenant du monde? Non; donc aucune faire des petits gestes de ces petits éphémères de la religion à observer envers lui. D’autres déistes admet­ planète terrestre. Disons, éphémères sur la planète, tent encore un Dieu-Providence du monde physique, mais immortels parce que spirituels dans une autre le monde des lois fatales; mais des libertés, du moment vie, ct alors tout change ct nos gestes prennent tout qu’il les a faites libres, il n’a plus à s'occuper; il n’a de suite des proportions immenses. Et puis, il ne d’ailleurs aucun besoin d’elles ou de leurs honneurs ct s’agit pas de ce dont Dieu a besoin, mais de ce dont hommages infimes; celles-ci sont donc laissées à elles- nous avons besoin et de ce à quoi Dieu a droit : il mêmes et n’ont plus rien à voir avec Dieu dans l’ordre faut glorifier Dieu ct l’aimer, ct réparer nos offenses moral; c’est l’indifférence déiste religieuse absolue. si le malheur d'en commettre envers lui nous arrivait Cf. Déisme, classification, t. iv, col. 232 sq.; Lamen­ jamais, voilà notre suprême besoin, notre premier nais, op. cil., t. i, c. i ; W. G. Ward, Essays on philo­ devoir, l'infini droit divin; Dieu n’a pas besoin de sophy of theism. créer, mais s’il nous crée, Il est Impossible qu’il ne 2. Nécessité de la religion : c’est la thèse à expliquer veuille pas que Je bien soit aimé, la bonté bienfaisante à ce premier parti d’indifférents; on la trouvera exposée remerciée, la majesté infinie adorée par toute créature dans tous les manuels d’apologétique, d’éthique qui la connaît, etc..., ct qu'il puisse tolérer que cette naturelle, de théologie fondamentale, cours de religion. petite créature le méprise comme s’il n’existait pas De plus Fr. Hettinger, Apologie, t. ι; A.-M. Weiss, ou comme si elle n’avait rien à faire avec lui. Apologie, 1.i, v, vi; Caussette, Le bon sens de la foi, b) Considérations psychologiques. — L’esprit, la t. i; Ollé-Laprune, Le prix de la vie, 4· édit., Paris, volonté, le cœur de l’homme ont besoin de la religion, 1897; Mgr Bougaud, Le christianisme et les temps qui ne peut donc lui rester indifférente sans violenter présents, 1.1; Gondal, Religion, 2· édit., Paris, 1891. I toute sa nature supérieure. a) Considérations a priori. — Pour l'existence de a. L'esprit humain cherche la vérité, la science, Dieu, voir Dieu, t. iv, athéisme, indifférence, histoire toujours plus complètes ct plus profondes. Histoire, de la connaissance de Dieu, col. 759-874, ainsi que expérience, analyse psychologique démontrent que pour les preuves de son existence. l’intelligence est une faculté d’infini et de fond dernier Mais admise l'existence de Dieu, comment ne pas des choses, de toutes choses. Bien ne pourra donc voir que c'est une absurdité ct une monstruosité de la satisfaire que la connaissance, la science, la con­ refuser toute reconnaissance à scs Immenses bontés, templation de la vérité première subsistante, seule tout hommage à son infinie majesté, toute complai­ explication totale de tout ce qui est de Dieu : c’est le sance et glorification et affection enfin ù sa suprême premier élément de la religion. 1585 INDIFFÉRENCE R E IJ G IE U S E 11 y a d’ailleurs de nombreux problèmes particuliers, | tourmentant l’âme humaine toujours, qui n’ont d’explication quelconque qu’en Dieu Immédiatement : origines de l'humanité, vie future, péché, douleur, t sanctions intégrales, histoire religieuse de l’huma­ nité comme elle s’est en fait déroulée. Pour résoudre tout cela, peut-on recourir au dilettantisme? C’est une attitude superficielle de quelques littérateurs peu sincères: la vie est une chose sérieuse. Au pessimisme? C'est un suicide intellectuel, par trop contraire à la confiance universelle indéracinable en la vie et en la raison humaine. Λ la science naturelle? Elle a fait assu­ rément banqueroute dans scs prétentions ù s’attaquer â ces problèmes-là. A la philosophie rationnelle seule? C’est un fait historique trop évidcnt*quc celle-ci, ou ne fait que poser des questions à la porte du mystère Inaccessible, ou ne fait que tracer sur cette porte de vagues mots confus ct contradictoires. La religion au contraire, toutes les principales religions ont des solutions précises sur tous ces problèmes de l'esprit humain : impossible de ne pas s'occuper de religion. b. Comme l’esprit, la volonté a besoin de religion. C'est en eflet la force qui, en nous, pousse au bien, au bien moral, au bien dans l'ordre parfait ct intégral, pour maintenant ct pour toujours. Or comment trou­ ver hors de Dieu, le fondement dernier ou le motif absolu ou la fin dernière de cet ordre moral pariait, obligatoire ù notre volonté et la règle imprescriptible de la voie qui conduit à cette fin, ct les secours dont notre misère présente trop évidente a besoin pour marcher sans tomber ou du moins sans rester écrasé dans les ornières, sur cette voie? Le tout de l’ordre moral, ce sans quoi rien ne tient de l’obligation vraie comme de la science des mœurs, c’est le bien absolu, le législateur premier absolu, la suprême bonté et justice et providence, enfin le suprême aimable, le suprême amour à qui doivent appartenir tous les cœurs ou volontés libres, Dieu. Ici encore ù quel expédient recourir, si on met Dieu de côté? Utilitarisme individuel ou social? Chose trop relative ct trop hypothétique ct trop mesquine. Die· (amen de la conscience personnelle? On ne peut se commander à soi-même que par manière de dire ct, en réalité, si je suis mon seul législateur, c’est l’anar­ chie. Sentimentalisme de l'honneur, de l'honnêteté? C'est chose trop hypothétique, restreinte ct fragile, qui croit encore à la bonté pure de la nature comme Rousseau. Culte de la bonne conscience à satisfaire pour jouir de scs approbations profondes? C'est de nouveau par trop relatif, hypothétique, fragile ct faible presque toujours. 11 reste encore la crainte du gendarme ct des sanctions humaines diverses, mais c’est là une morale de bêles se mangeant à qui mieux mieux, suivant leur force ct leur habileté. Enfin il y a la solidarité que la science mettra toujours plus en relief : c’est le dernier mot de nos moralistes modernes Irréligieux; mais qu’cst-cc que cola contre les passions, contre la logique de l’indépendance personnelle,contre la politique du plus fort. On peut cependant objecter encore : que d’honnêtes gens, en fait, sans religion î Celle-ci n'est donc pas néces­ saire à l’honnêteté et à la morale. C’est un fait, ditesvous, cst-ll bien sûr? Que penser de cet autre fait, certain celui-là, de l'immoralité croissant toujours ct Jusqu'à des proportions abominables dans les sociétés qui perdent la religion : Grèce, Rome, États modernes? Sans religion. Il y n de l’honnêteté pour certaines vertus sociales, surtout extérieures : loyauté, justice, dévouement, mais les vies privées sont-elles si honnêtes que cela en dehors de la religion cl ne sufllt-ll pas ici de faire allusion à la baisse effrayante de la natalité partout où la religion s’en va? Ces « hon­ nêtes », d’ailleurs, ne sont-cc pas des ■ parasites » de 1586 la société religieuse dam laquelle Ils ont historique­ ment grandi, formés par son influence diffuse dam toute cette civilisation qu'elle a pétrie? Cf. Balfour, The foundations o/ belle/, Londres, 1895, p. 82-83. Une société athée logiquement, en effet, ne pourrait que se détruire elle-même finissant· naturellement par une épidémie de suicide anesthésique. » Le Danlec, L'athéisme, Paris, 1906, p. 95, 113. Voir spécialement de Broglie, La morale sans Dieu, Paris, 1886; J .-F. Fox, Religion and Morality, New York, 1899; P. Gillet, Devoir ct conscience; Fondement intellectuel de la morale; Paris, 1910; E. Faguet, La démission de la morale; A. Eymicu, Jm lot de la vie, Paris, 1921, L IV et V. c. Enfin le coeur humain a autant que notre esprit ct notre volonté besoin de la religion;le cœur, c'està-dire cette faculté sensitivo-spirituelle complexe, formée de l’appétit sensitif et de la volonté considérés dans leur côté passif par où ils sont attirés à leur objet pour s'y complaire ou l'aimer. Le cœur cherche le bonheur, stable et parfait, et cela par un désir sortant de scs entrailles les plus intimes. Or rien Ici-bas ne peut lui donner un tel bonheur, ni biens extérieurs : voluptés ou richesses — honneurs ou gloires ou pou­ voirs ct dominations — amitiés ou amours même les plus intenses : non Je cœur y souffre cl y reste malgré tout trop vide et s'y perd trop vite ; d’ailleurs, com­ bien peuvent remplir de ces vins-là leur coupe, même petite. Ni biens intérieurs de Fume purement humains: sciences, arts, littérature, vertus naturelles en travail de mystique naturelle, même poursuivie avec ardeur : non, l'âme y est trop superficiellement remplie, les désirs excités y sont trop inassouvis, la misère humaine y traîne trop son boulet partout et les voies de per­ fectionnement moral, où l’on s'engage avec sa seule petite lampe individuelle ct ses seules provisions per­ sonnelles, sont trop ténébreuses et trop ardues. D’ail­ leurs tout cela, aristocratie inaccessible à la pauvre foule humaine qui a pourtant elle aussi droit au bonheur, puisqu’elle est humaine. Et puis il y a les épreuves, les peines, les angoisses, les chagrins, les douleurs sans nombre de notre vie terrestre : où trouver la consolation, la patience, la force, la force de vivre quand même dans la privation de tout ce qui faisait la joie humaine de vivre? Dans la religion seulement : fait d’cxperience, de l’expérience la plus douce pour ceux qui l’ont vécue, d’une expérience désirée, regrettée, enviée pour beau­ coup d’autres quand ils ont parlé sincèrement. Voir S. Augustin, Con/essions, 1. 1, c. x: W. James, L'expé­ rience religieuse, trad. F. Abauzlt. 2· édit., Paris, 1908, c. vm-χπ, et surtout conclusion, p. 405 sq., • l’utilité de la vie religieuse >; Mgr Baunard, Le doute ct ses victimes, 2 vol.; M. Serai, Le besoin ct le devoir religieux, Paris, 1908; Mgr Bougaud, Le chris­ tianisme ct les temps présents, t. x; A. Nicolas, L'art de croire, t. x ; Expérience religieuse,!, v, coL 1847. c) Considérations historiques.— L’homme a toujours été · un animal religieux ·, de Quatrefages, L'espèce humaine, c. xxxv; les exceptions à cette définition ont toujours été minimes en face des milliards d’âmes humaines dont la xic fut dans son fond surtout une vie religieuse. On n’a qu’à compulser là-dessus les travaux accumulés depuis quelques années sur l’ethno­ logie religieuse, je ne parle pas des pamphlets comme l'Orphcus de S. Rcinach. Voir Huby, Christus, manuel de Γhistoire des religions, 2« édit., Paris, 1920; Bricout, Où en est Γhistoire des religions, 2 vol. in-8% Paris, 1911 ; Th. Mainage, La religion de l'homme prinuti/, Paris, 1921; De Broglie, Problèmes ct conclusions de l'histoire des religions, 4· édit.» 6. d.; F. Nicolalj, His­ toire des croyances, 1.i, c. x-v. Nos Indifférents objecteront sans doute que l’huma­ nité précisément évolue ct que la religion s’en va 1587 INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE de plus en plus avec le progrès. Mais dire d’abord que b religion est une attitude d’ignorants dans le passé ou dans le présent est une affirmation si anticléricalemcnt primaire ou si aveuglément sectaire qu’il n'y a qu’à la renvoyer à quelque lecture plus impartiale, par exemple, E. Naville, La physique moderne, Paris, 1890; J. Gulbert, Le mouvement chrétien, Paris, 1902, 2· conférence; Th. Ortolan, Savants ct chrétiens, Paris, 1898; A. Eymicu, La part des croyants dans tes progrès de la science, Paris, 1919; L'ami du clergé, 1909, p. 209-219, 305-314, 421-428, 513-517; 1910, p. 835841, d’après 1'ouvrage de Kneller, Das Christentum unddie Vertrctcrdcrneueren Natunvissenschaft, 2· édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1901. Quant Λ la loi du progrès qui ferait marcher l’huma­ nité vers l'athéisme ct l'irréligion, les faits lui donnent un beau démenti, les jeunes générations intellectuelles vont de plus en plus à la religion : c'est un fait patent, les enquêtes de la Revue des jeunes en France, 1920, 1921; les statistiques de la Documentation catholique ou de l’Inter-univcrsity magazine catholique de Cam­ bridge, avec les renseignements sur le travail d’orga­ nisation catholique actuelle, ct puis les statistiques générales de Krosc-Arcns, Handbuch der katholischcn Missionen, 2· édit. Fribourg-cn-Brisgau, 1920, à comparer avec la première; Baudrillart, La vie catho­ lique dans la France contemporaine, Paris, 1918; L. Rotizic, Le renouveau catholique, 1914, t. i; 1919, t. n; Mainage, Les témoins du renouveau catholique, Paris, 1919. Dans le progrès. Il y a donc le côté matériel ct le côté spirituel ; le premier avance toujours : c'est incon­ testable; pour le second, progrès intellectuel, artis­ tique, moral, qui resplendit en artistes, génies ct saints : c’est bien différent ; en tout cas l’élite humaine de tous les temps en vrai génie, vrai talent, vraie grandeur morale, a presque toujours été religieuse, ct profondément religieuse. 2° Indi/jércnlisme religieux, mais naturaliste. — Vouloir Dieu, mais pas de religion est trop paradoxal; les déistes avec Dieu admettent donc en général une religion, mais la seule religion naturelle, celle que la raison suffit à dicter, celle que toutes les religions positives ne font que traduire en la détonnant plus ou moins, en excluant donc toute conception gros­ sière, anthromorphique de révélation, de miracle d’incarnation. Voir Déisme, t. iv, col. 234-242. Λ ces amants exclusifs de la raison ct de la nature disons : 1. que la raison ct la nature ne sont que des abstractions qui n’existent nulle part. Il y a des hommes qui partout, toujours, dans toutes tes religions se sont réclamés du surnaturel. Celui-ci serait-il donc si universellement cru, s’il était si absurde, ou même s’il n’avait aucun fondement dans l’histoire humaine? Superfétations Imaginatives, dites-vous, poésie dont on essaye de revêtir l’austère ct simple vérité, exploitées d'ailleurs par les terreurs, les ignorances, les ambitions, les castes sacerdotales ou princières. Mais tout cela, c'cst piperie de mots dont peut se contenter le petit salon fermé du petit clan aristo­ cratique des déistes; les faits sont autrement profonds ct les affirmations autrement sérieuses;ct l'histoire primitive, l’histoire païenne, la juive, la chrétienne ont évidemment une autre portée, ct ne sauraient se contenter de ce coup-d'œll dédaigneux. 2. A bstruction encore que ta raison, et lu nature toutes droites, sc suffisant pour découvrir et pratiquer la religion parfaite. Jules Simon a cru les concrétiser... en lui-même; mais scs déductions sont compénétrées aux trois quarts par les lumières chrétiennes. a) Qu'on parcoure ['histoire de Γ humanité, on y verra, éclatant, le besoin profond du surnaturel, dans les faits ct dans les aveux, pour l’esprit et pour le cœur 1588 | des hommes, ct cela même dans la vie de conscience morale ct religieuse naturelles. Voir Gbace, t. vi, col. 1572-1590; Révélation. Sans l'aide surnaturelle I de Dieu, c’cst un fait, il est impossible â l'homme indi­ viduel de pratiquer tout son devoir religieux ct moral naturel ct il est impossible moralement à l'ensemble des hommes de connaître en toute certitude, sans mélange d’erreurs, avec la facilité pratique nécessaire, l’ensemble meme des vérités religieuses ct morales d’ordre naturel. La religion naturelle n'est donc qu'une imagination de chambre philosophique, non la vie concrète des peuples humains. Voir plus haut les réfé­ rences sur l'histoire des religions. b) Psychologiquement cela sc comprend. Voir Balfour, Les bases de la croyance, Paris, 1897; Brunctière, Discours de combat, I. Le besoin de croire,Paris, 1900; Ollé-I^ipnine, Raison et rationalisme; A. Nicolas, L'art de croire, 2 vol.; F. Hettinger, Apologie, t. i, introd.; F. Lamennais, Essai sur U indifférence, t. i, c. xv-v; S. Thomas, Cont. gentes, 1. I, c. iv : la pauvre mul­ titude humaine n’a ni le temps, ni l’intelligence, ni le courage de faire de la philosophie transcendante. Elle ne peut pas d'autre part se fier aux sages philo­ sophes qui voudraient devant elle représenter la raison avec autorité : cette autorité même leur faisant trop défaut ù cause de leur manque de science ct de leurs erreurs variées mais innombrables, de leur manque de conviction, de leur manque de valeur morale, de leur manque de zèle, enfin pour enseigner : piètre sacerdoce si l'humanité n’avait eu que celui des philosophes. En fait, où sc sont trouvés ces sages capables de découvrir par eux-mêmes toute la substantielle vérité ct de la faire briller aux yeux de leur peuple? Nulle part : c’cst un fait écrasant. Cf. A. Tanqucrey, Synopsis thcologiæ dogmatiac fundamentalis, 13eédit., 1909, p. 119-125, ct les autres manuels sur la thèse du besoin de la révélation. 3. Mais l’idée d’un Dieu parlant à l’homme n’est-ce pas une idée puérile, contradictoire, anthropomorphique? a) Les déistes ct tous les rationalistes, jusqu’aux modernistes inclusivement, l'ont dit; mais c’cst la conception qu'ils sc font de la révélation qui est gros­ sière. Dieu n’a pas de langue pour parlcr(l), mais la puissance qui crée l'intelligence, peut bien créer les idées en celle-ci avec la lumière sur leur origine, ou même user de symboles sensibles que le miracle au­ thentiquera. — Le cerveau humain, insiste-t-on, ne peut recevoir d’idées divines; mais le cerveau humain «contient, »ù Indifférence de la brute, une Intelligence, spirituelle; le nier n’est que du grossier matérialisme ou sensualisme ou phénoménalisme. Or nous avons vu que l'intelligence est apte aux idées des choses divines comme de toutes choses : idées de nos devoirs, de nos origines, de nos destinées, de notre nature, des dons divins, etc. Voir Dieu, t. xv, col. 767 sq., vraie idée de Dieu antisubjectivlstc; col. 792 sq., 817, antiagno: tique, antimoderniste; Agnosticisme, t. i, col. 600 sq. ; Analogie, L i, col. 1146 sq., G. Michelet, Dieu cl Γagnosticisme contemporain, Paris, 1909; Gardell, Le donné révélé ct la théologie, Paris, 1920, ct les récents manuels ou traités de philosophie ct d’apologétique. b) Les anciens déistes disaient plus rudimenta! renient que la révélation répugnait <1 la majesté infinie, comme ά notre liberté. Dieu crée, pose scs lois ct doit se retirer dans son Inaccessible lumière, laissant les petites créatures ù leur évolution fixée une fois pour toutes ou ù leurs libertés absolument autonomes. Voilà des concept ions puériles ct anthropomorphiques, comme le disait J.-J. Rousseau en un jour de lucidité. | Non, Dieu n'a pas à rester au fond de l'infini pour ne pas avoir l’air de sc corriger ou pour ne pas nous 158» INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE violenter; Π n tout prévu ct décrété d’un seul acte éternel, ct lu nature ct la grâce,ct les lois ct les miracles, et les permissions de déchéances ct les pardons et les aides miséricordieuses aux petites créatures pour les ramener vers lui au ciel étemel. Il est le Dieu de tout : comment ferait-il violence à n'importe quoi par n’importe quelle volonté? Il est la sagesse Infinie ct la puissance transcendante : comment son aide pre­ mière ne sc conformerait-elle pas aux rouages créés de notre liberté? — Et puis il est bon, il est amour Infini : voilà cc qui explique tout ct le premier mystère qu’il faut croire, mais le premier mystère qui offusque les orgueils rationalistes. Dieu révèle cela aux petits, Lue., x, 21; et les petits, les masses humaines ont toujours facilement cru â la bonté paternelle d’un Dieu surnaturel. 4. Il faut Ici conclure d l'obligation pour toute Ame sincère de chercher la vraie religion ct en fait une reli­ gion surnaturelle tant qu’on ne l’a pas trouvée. Cf. Mazzclla, De religione et Ecclesia, n. 53-74; cardinal Pic, Instruction synodale, 7 juillet 1855, II· part.; Wilmers, De vera religione, n. 108-112; Ottiger, Theo­ logia fundamentalis, t. i, p. 287-314; A. Tanqucrcy, op. cit., ρ. 128-132. a) L’homme ne trouve pas en lui-même, Indivi­ duellement ou collectivement tout cc dont H a besoin pour vivre une vie morale et religieuse complète : première constatation, mise en plus saisissante lumière par les écrits ct les discussions sur < l’apologétique de l'immanence, · par exemple, Blondel, L'action, Paris, 1893; de Poulpiquet, L'objet intégral de Γapo­ logétique, Paris, 1912. Quels secours attendre de Dieu? A priori on ne peut le décider. On peut seulement dire que la révélation publique d’une religion à forme sociale serait un moyen excellent. Mais en face de l’histoire, il n’y a plus à hésiter : les illuminismes Individuels et collec­ tifs,ou inspirations directes parl'Esprit de Dieu,n'ont jamais été que des aberrations mentales trop évi­ dentes ct d’ailleurs très restreintes. En fait, c’est de l’extérieur que les hommes ont attendu leur salut religieux, de religions ct de révélations surnaturelles publiques. Enfin que chacun interroge sa propre conscience loyalement; il y trouvera bien la misère, mais non la rédemption qui n’est pas là. Reste le grave devoir, très grave, devoir souvent clamé intimement par la conscience, en cri angoissé, devant l’inconnu de l'immense destinée qui avance, de chercher Dieu au dehors — ct aussi de le prier : puisque le moyen le plus efficace pour un indigent d’obtenir du secours, surtout quand 11 n été d’abord orgueilleux, c'est de reconnaître sa nilsère, de l'avouer humblement ct de tendre enfin la main ou le cœur pour recevoir de la bonté. N’objectez pas, dernier subterfuge, que s'il y a religion surnaturelle, celle-ci étant par définition un don gratuit, elle ne peut s’imposer : on est toujours libre devant un don. Voilà en effet encore de l’anthro­ pomorphisme. Quand c’cst Dieu qui donne, ne peut-il pas choisir la façon de donner comme le don lui-même: 11 est le maître infini absolu. 11 donne l'existence au néant ct 11 Impose le devoir de vivre éternellement, Il donne la dignité d’enfant de Dieu à ces créatures tirées du néant, ct celles-ci ne peuvent plus vivre autrement qu’en enfants de Dieu. Notre nature humaine est faible, enténébrée, débile : Il la secourt par l’institution d'une religion révélée, hors d’elle il n'y n plus de salut. Tout ceci pour sa plus grande gloire ct notre plus grande béatitude étemelle. b) Il faut chercher; quand aura-t-on trouvé? FautIl sc contenter de vagues probabilités ou même choisir comme par sort en pariant pour le parti le plus sûr. Cf. Pascal, Pensées, n. 233. Non, en choses si graves, 1590 l’homme a droit d’attendre la lumière et Dieu n’impose de pareilles responsabilités qu’en éclairant comme il faut nos consciences raisonnables. Voir Crédibilité, t. m, col. 2213-2215; Croyance, t. m, col. 2380-2388; Foi, t. vi, col. 200-217 ct 174-183 (fidéisme), 191-205 (semi-fidéisme). D’autre part l’indifférent doit-il exiger des certi­ tudes mathématiques avant de se rendre? Ce serait aussi Irraisonnable que de ne chercher aucune cer­ titude. Il faut donc arriver à cette certitude qui convainc du fait, sans donner la lumière qvi dissipe toutes les té­ nèbres qui peuvent entourer celui-ci, certitude qui doit suffire à une Ame droite et sur Laquelle l’intelligence sc repose à cause d’arguments vraiment démonstratifs en eux-mêmes. Voir aux mêmes articles la doctrine ct les références. 3° Indifférentisme religieux surnaturel. — 1. L'indif­ férent recule Ici sur un nouveau retranchement. Il faut une religion surnaturelle; mais toutes les religions historiques sc donnant comme surnaturelles, ne peu­ vent-elles pas toutes être considérées comme bonnes, de bonté plus ou moins relative, pour leurs temps, leurs pays, leurs fidèles — bonnes comme les formes acci­ dentelles d'une même religion substantiellement iden tique? En voici les raisons : a) Les arguments comme les prétentions de toutes les religions, comme leur histoire en réalité se ressemblent considérablement. Voir sur l’histoire comparée des religions, J. Bricout, op. cit., t. i, p. 29 sq.; H. Pinard, Quelques précisions sur la méthode comparative, dans Anthropos, 1910. — b) I.a bonté de Dieu ne saurait sc comprendre avec l’exclu­ sivisme d’un monopole restreint et la damnation de tout le reste de la masse humaine. — c) D’ailleurs, la pure vérité, la pure morale ne sc trouvent nulle part; partout des erreurs, des tares diverses; cc qui dénote des œuvres humaines, bâties sur un fond substantiel vrai, le seul qui importe.— d) Enfin la liberté de con science entraîne cette indifférence au moins subjec tlve de toutes les formes religieuses. Voici nos réponses en deux mots : a) Affirmer ne fait pas titre; comparaison n’est pas raison, surtout lorsqu’elle est si superficielle. Comment maintenir, après un peu de réflexion et de sérieuses recherches, l’équivalence des prétentions, des arguments, de l'histoire des religions païennes et des religions mono­ théistes? Du monothéisme musulman et du chris­ tianisme?— b) La bonté de Dieu exige précisément que parmi toutes ces erreurs nées du péché et de la fai­ blesse humaine, il y ait une véritable religion vers laquelle toute âme de bonne volonté, aspirant à la pure lumière, puisse être dirigée, dirigée par les traces divinement conservées dans toutes les fausses reli­ gions, dirigée par le travail intérieur de la grâce ct des aspirations de la conscience, ct surtout par les providentielles rencontres avec la vraie religion ellemême; voir plus haut les voles de la conversion. Quant aux multitudes pour lesquelles tout cela semble avoir été Impossible, voir Infidèles (Salut des); Église, t. iv, col. 2155-2174; Foi, t. vi, col. 200-205; Grace, t. vi,coL1598-1604.—c) Des tares partout,dit-on ; dis­ tinguons: dans les fidèles de toutes les religions, oui; mais cela en degrés bien divers. Ici encore comment regarder du même œil indifférent la morale fétichiste ou la morale païenne ou la morale musulmane, et la morale chrétienne; je dis morale ct moralité. Ceci pour les individus religieux. Mais prenant les reli­ gions en elles-mêmes, vous dites que toutes ont des tares, cc n’est pas prouvé du tout. Montrer les tares de toutes les religions non chrétiennes, n’est pas dif­ ficile; prouver qu’il y en a dans le christianisme, on 1X3 l’a pas encore fait. Et je n’en veux pour signe con- 1591 INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE 1592 valncant que le séculaire acharnement de tous scs cœur à la vérité qu'ils seront heureux de reconnaître ennemis À trouver de nouvelles objections, celles de enfin et d'embrasser. Ces dispositions morales n'ont la veille étant chaque fois classées comme sans valeur. pas d'autre rôle à remplir, rôle cependant, en pratique, Pour les religions non chrétiennes, il y a eu des coups capital ct le plus souvent décisif. Voir Grace, t. vi, de lumière sur elles dont elles ne sc sont jamais relevées, col. 1Q30 sq. ; Foi, t. vi, col. 237-sq. ; Expérience et dont elles ne sc relèvent pas chaque fois qu’elles religieuse, t. v, col. 1847 sq. b) Et puis il faut étudier la vraie religion; étude doivent les subir : aucune ne résiste à l’esprit critique qui a toutes les modalités des esprits qui cherchent introduit chez leurs fidèles. Contre le christianisme, on n'a encore rien trouvé qui fasse l’unanimité désor­ où Dieu sc donne aux Ames. mais assurée de tous les rationalistes et qui pour les Il y a l’étude du philosophe qui part du matéria­ esprits les plus savants ct les plus critiques n’ait pas lisme ou du positivisme (par exemple, Brunetièrc), trouvé une réfutation pleinement pacifiante. Sur les de l'esprit anxieux qui arrive à travers le subjecti­ variations rationalistes, voir Déisme, t. xv, col. 234- visme ct le criticisme (par exemple, Miss Baker), celle 242; Dieu, col. 759-881, 912-918; Vigouroux, Les | du révolté qui remonte du nihilisme (par exemple, Livres saints et la critique rationaliste, t. n. — d) Si A. Retté) et celle de l'esprit sans culture qui doit le bien et le vrai ne sont que des instincts maté­ secouer, avec le joug de ses passions, le voile de pré­ rialistes ou des phénomènes subjectifs, en évolution jugés grossiers ou même de quelque fausse religion, d’ailleurs peu compatible avec la liberté, alors oui, sauvage ou civilisée, l'étude de Γ Esquimau qui observe tout est vrai ct tout est bon suivant la simple conve­ le missionnaire ct l’écoute pendant des années dans nance aux consciences subjectives. Mais en dehors ses Iglous de glaçc, et l'étude du Caire qui pense non­ de ces philosophies nntihumaincs, c’est une absur­ chalamment près de son kraal. Ilya l'étude de l’artiste dité de dire que toutes les religions sc valent, même qu’attire quelque secrète beauté supérieure, la beauté pour les consciences individuelles, do traiter de fous qui satisferait l'âme, lâ, dans cette religion ct non ail­ leurs. Voir Th. Mai nage, La psychologie de la conver­ les missionnaires, qui veulent, · convertir · les pauvres dégradés.Toutc religion est bonne, dit-on, pour la cons­ sion, Paris, 1914, ne leçon, p. 38-81 (l’enquête intel­ cience qui la croit bonne; il faut distinguer avec soin lectuelle des convertis). cct aphorisme, bonne de bonté objective, absolue : non c) Enfin il faut prier, plus que jamais, pour obtenir pas nécessairement; bonne de bonté subjective, relative; la dernière décision qui plie la volonté orgueilleu­ dans un certain degré oui ; mais ce degré sera suffisant sement indépendante ou le cœur captif ou l'esprit (religion qui peut être gardée ct sauver l’âme) si celle- enivré de sa propre lumière, enfin qui captive l’âme ci contient la substance de la vraie religion surnatu­ in obsequium Christi, II Cor., x, 5. Cf. Experience relle ct si la conscience est disposée ù embrasser la religieuse, t. v, col. 1814 sq., 1825-182G. religion Intégralement vraie dès qu’elle en aura les 3. Quelle est cette unique orale religion? — Le chris­ moyens; au cas contraire d’insuffisance substantielle, tianisme évidemment; sa transcendance au-dessus la conscience ne pourra s’y satisfaire que pour un de toutes les autres religions éclate lumineuse à qui­ temps seulement; un jour ou l’autre si elle fait ce conque regarde celles-ci avec attention. Cette transcen­ qu'elle doit, le ciel l'aidera ct elle arrivera enfin à la dance peut être envisagée dans la force critique des vérité au moins substantiellement nécessaire. preuves historiques ou dans l’excellence intrinsèque e) Il ne nous reste plus à faire qu’une dernière con- unique du christianisme. Toutes les grandes religions sidération positive. Laissons le matérialisme, qui met présentent des titres à une origine divine, surnatu de la religion, ct très élevée, dans les abeilles pour relie. Mais que valent les titres qui concernent la enlever toute sa valeur ù celle qui est dans l’homme, mission divine du Bouddha, de Zoroastre, de Confucius, voir Le Dantcc, L’athéisme, passim; laissons le de Manès, d’Apollonius de Thyane ou de Mahomet, subjectivisme qui ruine toute raison pour mieux en comparaison surtout de ceux qui concernent ruiner toute fol obligatoire hétéronome, voir Agnos­ Jésus-Christ? voir Jésus-Christ; les apologétiques ticisme; Il est clair que Dieu ne peut être Indifférent modernes, par exemple, Tanquerey, op, cil., p. 192 au vrai ct au faux, à la vertu ct au vice, Indifférent à 260; L. Picard, La transcendance de Jésus-Christ, 2 vol., être traité de Jupiter avec Junon ct le reste comme Paris, 1905; les références plus haut sur l'histoire cour, de Ahura-Mazda avec Ahriman en face de lui, des religions; les conférenciers apologistes : Lacorde dieu totem, de Bouddha, de Vishnou, ou de Dieu dairc, Freppel, Monsabré. très saint; ne peut être indifférent à être honoré par ] Toutes les grandes religions se donnent comme la un culte de fétiches, le culte des honteux mystères vole parfaite à la fin suprême. Mais, ici encore, que gréco-romains, celui des sacrifices humains anthro­ valurent ou que valent, comme dogmatique, comme pophages, des processions hindoues, des pagodes chi­ morale, comme institutions, comme bienfaisance ct noises ou des temples théosophes, etc· 11 est impos­ pouvoir d'action à travers les siècles ct les espaces, sible enfin d’admettre la vérité des contradictoires toutes les religions païennes, mortes ou vivantes, affirmées par les diverses religions du globe terrestre, sans excepter le bouddhisme philosophique ou popu sur Dieu ct sa nature, et scs attributs ct scs œuvres, laire? que vaut le mahométisme? que vaut le judaïsme et son influence sur le monde ct ses lois essentielles rabbinique ou mystico-matériallstc actuel ? Parmi ct les finalités imposées à l’humanité; impossible les âmes d’élite en marche vers l’idéal religieux ct d’admettre l’égalité morale de Baal ou Bélial ct de moral, qui a jamais songé à sc t convertir * à ces Jahvé ou du Christ. Voir les belles considérations de religions, au moins après avoir connu le chris­ Lamennais, op. ci7.,c. iv-v; Weiss, op. eft, 1.1, p. 411- tianisme? En comparaison en effet avec ces pauvres 432; Caussette, op. cit, 1.1, p. 231-262. créations humano-diaboliques, où le divin cependant Toutes les religions existantes ne sont pas vraies, n’est pas tout détruit, quelle splendeur dans tout ce ct toutes ne sont pas fausses; il y en a donc une ct une qui constitue le christianisme! Voir Jésus-Christ; seule de vraie, d’absolument vraie, les autres n’ayant Apologétique, 1.1, col. 1527 sq.; Religion; de Bro­ que des dégradations ct des parcelles de vérité ct de glie, Problèmes et conclusions de Γ histoire des religions, bien en divers degrés. c. vm-xi; Lacordairc, Conférences, χιν-χχχνπ ; Monsa2. Comment trouver cette unique vraie religion con­ bré, Carême, 1890; les manuels comme Tanquerey, crète?— a) Il faut d'abord préparer son âme à la op. cit., p. 144-162 ct 319-332; Expérience reli­ recevoir par l’ensemble de ces dispositions morales gieuse, t. v, col. 1856-1861; Caussette, op. cit., 1.1, qui écartent les obstacles et ouvrent l'esprit ct le I p. 262-519. 1593 INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE — INDULGENCES 1594 4° Indifférentisme chrétien. — Le christianisme esprit logique et pour un cœur droit, ct la vérité reli­ s’impose à qui veut être dans la vraie religion. Mais gieuse Intégrale ne sc trouvant indubitablement que quel christianisme? 11 y en n, en effet, plusieurs. Faut- dans l’Église catholique, en face de celle-ci 11 n'y a il choisir ou là du moins rester librement indifférent pas d'indifférence permise. L'âme humaine d’ailleurs de choisir? ne pouvant rester vraiment neutre dans ces questions 1. Il y n le christianisme oriental gréco-russe mul­ qui engagent le fond de toute vie religieuse, il n’y a tinational, le protestantisme multiforme ct le catholi­ pas non plus d'indifférence possible pour un homme cisme intransigeant dans son universelle unité. Tous religieux. Il doit donc choisir ou pour Dieu ou contre ont assurément la substance de la pure, parfaite, sublime Dieu, pour ou contre le Dieu de l’Églisc catholique. P. Richard. religion du Christ. Pourquoi alors ne pas admettre INDISSOLUBILITÉ DU MAKIAQE. Voir leur équivalence, admettre V Ecclesia tripartita, faire • l'union des Églises » à fond identique, à formes Divorce, t. iv, col. 1455-1470. humainement diversifiées, à charité égale? INDULGENCES. — I. Définition. IL Origine. L'Églisc établie d'Angleterre et des Dominions III. Développement. IV. Théorie ct pratique actuelles. caresse ce rêve avec une (lèvre grandissante. Mais I. Définition. — 1° Le mot. — Dans le Code Théo­ Constantinople repousse le lil>éralisme ou indiffé­ rentisme dogmatique, hiérarchique, sacramentairc, dosien Γindulgentia est l’amnistie de certains crimes traditionaliste que les anglicans unionistes adopte­ que les empereurs chrétiens accordaient particuliè­ raient, non, sans doute, pour unir les sectes dissidentes, rement à l’occasion des fêles pascales. L. IX, tiL qui sont nombreuses en Angleterre, mais, au moins xxxvin, De indulgentiis criminum, loi 5 de Valen­ les partis de l’Église établie; qu’ils devraient a fortiori tinien, Valens et Gratien en 371, loi 6 de Gratien, proposer s’ils voulaient grouper toutes les sectes Valentinien et Théodosc en 381. L’indulgentia du protestantes d’Angleterre, d’Allemagne, de Suisse et Code Justinien remet la peine sans enlever l’infamie. des États-Unis d’Amérique. Cf. J. Calvet : Le Pro­ L. IX, tit. xun, De generali abolitione, lol 2 de Dio­ blème catholique de Γ Union des Églises, Paris, 1921, clétien ct Maximicn en 286; loi 3 de Valentinien, Valens ct Gratien en 371. p. 47 à 58. 11 ne semble pas que pendant longtemps il y ait eu Rome, si elle était officiellement sollicitée à l’union des Églises chrétiennes pourrait assurément faire d’expression technique pour désigner la remise des quelques concessions d’ordre disciplinaire, mais elle peines canoniques. A partir du viu· siècle, le terme de ne pourrait rien céder sur tout le dogme et toute la redemptio ou rachat lui est appliqué, puis à mesure morale ct toute l’institution ecclésiastique pas plus que ce rachat est de moins en moins onéreux celui de au xx· siècle qu’au xvi· au xr, au iv·, au n·, au i*r. remissio est de plus en plus employé. Ce dernier usage Contradiction irréductible : il n’y a donc pas trois est devenu classique au temps des Décrétales, comme en témoigne le titre De parais et remissionibus, L V, christianismes vrais, mais un seul. N'est-ce pas ce que le Christ a voulu faire : une 38. Cf. en particulier le c. 4, décrétale de 1172 où oeuvre divine, puisqu’il est Dieu, une œuvre divine­ Alexandre III parle de remissiones. Néanmoins en 1215 le mot indulgentia est déjà d’un emploi courant ment préservée des aberrations de l'esprit humain? au sens moderne d’indulgence. IV· concile de Latran, N'a-t-il pas fondé une Église une dans sa doctrine c. 62, Hefcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, ct sa constitution, une Église infaillible, qui ne peut t. v, p. 1382-1383. Notons cependant que le style des transiger sur un seul point de son enseignement divin, bulles n maintenu l’expression de remissiones à côté ni admettre aucun compromis doctrinal? Or, l’Églisc du terme usuel d'mdulgentia. fondée par le Christ, n’est pas le protestantisme, qui 2° La chose. — Le Code de droit canon définit, n'a pas gardé le dépôt du Verbe incarné. Luther, Calvin, Henri VIH, Wesley, pour ne parler que des can. 911, les indulgences : Remissionem coram Deo créateurs des principales sectes protestantes, ont pana temporalis debitæ pro peccatis, ad culpam quod altéré le dogme, la morale, les institutions de Jésus- attinet Jam deletis, quam ecclesiastica auctoritas ex Christ. Cf. A. Baudrillart, L'Églisc catholique, la thesauro Ecclesia concedit pro vivis per modum abso­ renaissance, le protestantisme, 10· édit., Paris, 1908; lutionis, pro defunctis per modum suffragii. Ces quel­ Calvin, t. ni, col. 1319 sq., 1395 sq., 1118 sq., ques lignes contiennent tout l’essentiel de la doctrine des indulgences. Tout d’abord la remise de la peine Henri VIII, t. vr, col. 2183 sq., Lvthi n, Wesley. C’est en abandonnant peu à peu le bercail du pas­ temporelle y est nettement distinguée de celle de la faute elle-même, de la coulpe. Mais en même temps elle teur apostolique et divin, que le schisme grec s’est constitué le sien, par ambition d'autonomie cl do est déclarée valable devant Dieu; il ne faut pas la réduire à une simple mesure disciplinaire. C’est l’auto­ domination. En effet, l’autonomie lui est devenue nationalisme autocéphale, fermé ct mort, contre- rité ecclésiastique qui concède les indulgences : elle pied de l’œuvre vivante du Sauveur universel. Voir pourra donc en faire varier la teneur et les conditions suivant les temps ct les milieux. Le fondement théo­ Photius. Le catholicisme; au contraire, par continuité logique de la pratique indulgentlelle est le dogme de la communion des saints : les mérites du chef et des vivante ininterrompue, remonte authentiquement membres de l’Église tout entière forment un seul ct sans variations, au xvi· nu ix·, au iv·, au n·, au rr siècle. Voir I\ Dattifol, L'Églisc naissante et le catholicisme, même trésor où, en vertu du pouvoir des clefs, le pape ct les évêques puisent en quelque sorte de quoi 2· édit., Paris, 1919; Apostoli cité, t. i, col. 1618 sq., suppléer Λ ce qu’ils remettent de la satisfaction indi­ ÉGU81, t. iv, col. 2128-2132. Au Ier siècle, ce n'est pas des apôtres que l’Églisc viduelle. L’action de l’autorité ecclésiastique, directe est née, c’est de Jésus-Christ lui-même, voir Église, ct par forme d’absolution quand il s’agit des indul­ gences pour les vivants, ne peut être qu’indirecte et t.iv, col. 2114-2128. par mode de suffrage ou d’intercession quand il s’agit SI le protestantisme avait eu chance d'être le vrai christianisme, l’indifférentisme aurait une dernière des indulgences en faveur des Ames du purgatoire : question à poser : celle des dogmes fondamentaux ni le pape, ni les évêques n’ont juridiction en dehors de ct des dogmes Indifférents, de l’adiaphora comme on a ce monde. dit en Allemagne. Voir Latitudinarisme. II. Origines. — Dans l’histoire des indulgences il Concluons que toute compromission entre la vérité faut distinguer deux époques principales : 1° celle des ct l’erreur, le bien ct le mal étant impossible pour un origines où la conception actuelle, telle à peu près que 1595 INDULGENCES h définit le Code de droit canonique, sc forme len­ tement; 2e à partir de la fin du xj* siècle, celle des déve­ loppements où, la notion moderne des indulgences étant acquise, les concessions en deviennent de plus en plus nombreuses, et les conditions où on les acquiert de plus en plus faciles. L’élaboration qui occupe les onze premiers siècles de l’érc chrétienne s’est opérée en trois phases : 1° aux premiers siècles l’équivalent le plus certain et le plus clair de l'indulgence est la réconciliation anticipée des pénitents publics; 2° les rédemptions individuelles du haut moyen âge acheminent la discipline vers son état actuel; 3° les rémissions générales de la fin du xi· siècle sont enfin de véritables indulgences au sens ! moderne du mot. 1° Ja réconciliation anticipée. — La discipline pénltentiellc des premiers siècles n’était pas une institu­ tion aux cadres rigides : une large initiative y était laissée aux évêques quand il s’agissait de déterminer I lescondltionsdupardon. Parlantdumilieuduiu^slèclc, I Je P. d’Alés s’exprime comme il suit : · Essentielle­ ment morale, visant tout d’abord l’amendement du coupable, ayant principalement égard au sérieux de la pénitence, nullement enchaînée par la nature du délit, l consciente d'un pouvoir illimité de rémission reçu du Christ : telle apparaît la pensée de l’Église chez ses représentants les plus autorisés des clergés de Rome, de Carthage et d’Alexandrie, o L'édit de Callistc, Paris, 1914, p. 319. Or, du moins quand il s’agissait des fautes les plus | graves, principalement de l’adultère, de l’homicide et de l'idolâtrie, la condition normale et préalable de , la réconciliation totale était l’accomplissement d’œuvres expiatoires qui duraient fort longtemps, par­ fois même, semble-t-il, jusqu’à la fin de la vie. Le pénitent couchait sur la cendre, négligeait les soins de propreté, jeûnait, sc livrait à de longues prières de jour et de nuit, et 11 était exclu de la participation aux mystères, c’est-à-dire de l’assistance à la partie prin­ cipale de la messe, après l’évangile. C’est précisément dans ces cas que nous trouvons les exemples les plus clairs de remises officielles de I la peine due au péché, c’cst-à-dirc de mesures de misé­ ricorde qui s’apparentent à nos indulgences. Tenant compte soit des circonstances générales, soit des dis­ positions particulières des pécheurs, les évêques pou­ vaient anticiper la réconciliation finale et du même coup exempter les coupables d’une partie plus ou moins notable des exercices Dénitentiels qui auraient dû précéder leur réintégration dans la communauté chrétienne si l’on s’en était tenu aux règles ordinai­ rement observées. 1. Les premières mesures de ce genre que nous con­ naissions sont des réconciliations anticipées de chré­ tiens tombés dans l'apostasie au cours des persécucutions de lapsi, comme on disait alors. Elles furent obtenues tout d’abord, semble-t-il, par l'intercession des fidèles qui attendaient le martyre en prison ou qui avaient souilcrt pour la fol, les confesseurs. Ceuxci délivraient aux apostats, qui les visitaient dans leurs geôles ou ailleurs, et les suppliaient d'intervenir en leur faveur, des billets par lesquels < la paix» leur était donnée, des libelli pacis. Tcrtullicn connaît déjà un tel usage : catholique, il l’appronvc. -Ad martyres, c. u; montanlste, il le condamne. De pudicitia, c. xxn. Mais ce n'est qu'un peut plus tard que nous trouvons au sujet de {'indulgence dont on pouvait user ou ne pas u*er à l’égard de certains coupables des textes nombreux et assez précis. A la fin de 249 ou au début de 250 parut, pour la première fois, un édit de proscrip­ tion universelle des chrétiens. Jusque-là les magistrats s’en tenaient à leur sujet, en règle général, à la ligne de conduite tracée par Trajan à Pline le Jeune · 1596 n’instruire qu’après dénonciation particulière. Avec Dèce, le christianisme est poursuivi d’office et en vertu d’une procédure qui, appliquée la lettre, aurait mis tous les fidèles en demeure de choisir entre l’apostasie et la mort. A jour fixe dans tout l’em­ pire les suspects sont convoqués devant une com­ mission de magistrats et de notables, ils doivent offrir aux dieux une victime ou du moins quelques grains d'encens. Ce rite accompli, on leur délivre un certificat de soumission à l’édit impérial ou libellus. Dom Leclercq a publié dans le Bulletin d*ancienne littérature chrétienne, 1911, t. iv, p. 52 sq., 188 sq., 25 libelli provenant de diverses localités égyp­ tiennes. Ici ou là les prévenus obtinrent à prix d'argent de fonctionnaires subalternes des libelli sans avoir réellement sacrifié. Il y cuL ainsi deux catégories de coupables : les sacrificali et les libellatici, et les cou­ pables furent très nombreux parce que jamais jusque-là la persécution n’avait été si générale et si bien organisée. La tourmente passée, les lapsi sc présentèrent en foule pour demander, voire même exiger leur récon­ ciliation et souvent une réconciliation immédiate. A la nouveauté et à la gravité de la situation devaient correspondre des mesures au moins partiellement iné­ dites. Les initiatives prises ne furent pas du premier coup absolument concordantes. Beaucoup de faillis sc réclamaient de billets de paix délivrés par les confesseurs. En Égypte, saint Denys d’Alexandrie se crut moralement obligé de ratifier une sentence qui lui paraissait portée par le Christ lui-même, nécessairement uni avec scs glorieux témoins : · Ainsi donc, écrivait-il à Fabien d’Antioche, ces divins martyrs, qui étaient parmi nous, qui sont maintenant les assesseurs du Christ, partagent sa royauté, jugent avec lui et prononcent avec lui la sentence; ils ont pris sous leur protection quelquesuns de nos frères tombés qui étaient responsables du grief d’avoir sacrifié. Ils ont vu leur retour et leur pénitence et ils ont estimé qu’elle pouvait être agréée par celui qui ne veut pas d’une façon absolue la mort du pécheur, mais son repentir; ils les ont reçus, les ont assemblés, les ont réunis et ont partagé avec eux leurs prières et leurs repas. Que nous conseillez-vous, frères, à leur sujet ? Que devons-nous faire? Seronsnous d’accord avec eux et de même avis, et respec­ terons-nous leur jugement et la grâce qu’ils ont faite? A l'égard de ceux qui ont obtenu d’eux miséricorde, nous conduirons-nous en honnêtes gens, ou bien tien­ drons-nous la décision prise par les martyrs comme injuste et nous présenterons-nous comme des cen­ seurs de leur jugement? Regretterons-nous leur bonté d’âme et bouleverserons-nous l’ordre qu’llsont établi?» Cité par Eusèbc, H. E., 1. VI, c. Lxn, n. 2-6; traduction Grapin, Paris, 1911, t. n, p. 269. En Afrique, il n’en allait pas de même. Les confes­ seurs s’y montrèrent trop souvent, dans leur interven­ tion, d’une arrogance, d'une légèreté,voire même d’une vénalité telles que saint Cypricn dut sc refuser à entériner purement et simplement leurs décisions, Epist., xvn, n. 1; xxm, xxvn, n. 2, édit. Martel, d’accord en cela avec le clergé de Rome. Voir la lettre de ce dernier Inter Cyprianos, xxxvi, n, 3. L’évêque de Carthage ne fit à ce xefus qu'une seule exception : si un lapsus a reçu un billet de réconciliation d’un con­ fesseur et sc trouve en péril de mort, un prêtre et, Λ défaut de prêtre, un diacre peut l’absoudre avant que l’évêque ait porté sa sentence. Epist., xvm, c. ï, n. Si, ni Rome ni Carthage n’admettent que les mar­ tyrs aient le pouvoir d’accorder directement la paix aux faillis, clics n’cxcluent pas pour autant toute mesure de miséricorde, seulement c'est le pasteur suprême de chaque Église qui doit en demeurer le juge et le maître. ï I I i I 1597 INDULGENCES 1598 Trois chrétiens avaient confessé leur fol sans détail- ·, lapsi qui auraient accepté la pénitence. Une nouvelle lance dans une première épreuve. Puis, soumis de nou­ persécution est Imminente. < Sous la pression de cette veau à la torture, ils avaient cédé à sa violence. Depuis nécessité, narre saint Cyprlen, rédacteur d’une épître lors ils avalent vécu dans une pénitence continuelle. synodale au pape Corneille, nous avons estimé qu’il Λ ses collègues qui le consultent sur leur cas, saint fallait accorder la paix à ceux qui ne sc sont pas retirés Cyprlen répond qu’on ne saurait, à son avis, leur refu­ de l’Église et qui depuis le premier jour de leur chute ser la communion avec l’Église, car trois ans d’une n’ont pas cessé de faire pénitence, de sc lamenter et pénitence extrême et continue ont dû les rendre dignes de supplier le Seigneur, pensant qu’il fallait les armer de la miséricorde divine. D’ailleurs, il examinera et les équiper pour le combat qui menace. » Epistola l’attaire de plus près avec chacun de ses frères dans synodiea inter concilia Carthageniensia, P. L., t. in, l’épiscopat, lorsqu’il pourra les voir après les solennités col. 884. < S’il sc trouve, conclut la lettre, un de nos pascales : non (amen debere nos eis et venire locum collègues qui à la veille de la lutte pense qu’il ne faut claudere atque eos a paterna pietate et a nostra commu­ pas donner la paix à nos frères et à nos sœurs, il nicatione privare : quibus existimamus ad deprecandam rendra compte au Scigncur.au jour du jugement, de sa clementiam Domini posse sufficere quod triennio jugiter censure Inopportune ou plutôt de sa dureté inhu­ et dolenter, ut scribitis, cum summa pit nitentiic lamen­ maine. · Jbtd., n. 5, col. 888. Les évêques pouvaient donc réduire la durée nor­ tatione planxerunt. Epist., ui, n. 2, P. L., t. iv, coi. 357, male de la pénitence. Quelle était la valeur de cette Epist., i.vi, de l’édition Hartcl. L’attitude miséricordieuse de saint Cyprion fut, en rémission? N’avait-elle d’efficacité qu’au point de vue partie du moins, adoptée par le concile réuni à Car­ de la discipline ecclésiastique, au seul for externe? tilage les premiers jours d’avril 251. On y décida I Nullement, car une telle condonation était faite, qu’après une longue pénitence, les lapsi pourraient être souvent, en considération des mérites des martyrs dont réconciliés à condition de recourir à l’évêque qui on affirmait la valeur d’intercession auprès de Dieu aurait à sc prononcer sur chaque cas en particulier : lui-même : « Nous croyons,écrit saint Cypricn dans son « Nous nous étions réunis un grand nombre d’évêques, De lapsis, que les mérites des martyrs et les œu'tcs des écrit saint Cypricn lui-même,... et nous avons déter­ justes ont une grande puissance auprès du souverain miné des mesures d’une modération salutaire, de telle juge. >N. 17, P. L., t. xv, col. 95. « Lc Seigneur, déclarefaçon que l’espoir de la vie en communion avec l’Église t-ll plus loin, peut pardonner dans sa clémence à celui qui fait pénitence, et le prouve par scs actes comme et de la paix ne fût pas refusé totalement aux faillis. Nous ne voulions pas que le désespoir les conduisit par ses supplications. Il peut ratifier ce que les mar­ à une chute encore plus profonde et qu’ils vécussent tyrs ont demandé et ce que les évêques ont fait. > Ibid., n. 36, col. 508. selon le siècle et comme des païens, parce que la porte Dans quelle mesure d’ailleurs Dieu accorde-t-ll une de rentrée dans l’Église leur était fermée. D’autre part, nous nous refusions à abolir les condamnations portées telle ratification ? C’est son secret. Lui seul sait com­ par l’Évanglle et ù autoriser la témérité de réconcilia­ ment il traitera ces réconciliés et de quel œil il considé­ tions hâtives. Nous avons donc imposé une longue rera les poids de la balance lors de son jugement : pénitence, l’obligation de solliciter avec contrition la Deo ipso sciente quid de talibus faciat et qualiter judicii clémence paternelle, ainsi que l’examen de la situation, sui examinet pondera. Lettre du clergé romain à saint Cyprlen, Epist., xxxi, inter Cyprianos, P. L., L iv, des dispositions et des nécessités de chacun... Nous avons écrit sur ce sujet ù Rome à notre collègue Cor­ col. 323; édit. Martel, Epist., xxxvi. Lc pardon est une chose, l’admission dans la gloire, une autre chose et, neille qui, après un concile tenu avec plusieurs de scs coévêques, s’est rangé à notre avis. ■ Epist., lv, n. 6, surtout & l’article de la mort, l’Église ne peut assurer édit. Martel ; Epist., x, inter Cornelii papæ epistolas, celle-ci en même temps que celui-là. « Autre chose, écrit l’évêque de Carthage à Antonianus, est d’être P.L., t. in, col. 791-792. Lc concile précisa « qu’après avoir étudié chaque cas arrivé au pardon, autre chose de parvenir à la gloire; en particulier on pourrait parfois admettre les libellatici autre chose d’être emprisonné sans pouvoir sortir avant d’avoir payé le dernier quadrans; autre chose plus rapidement à la réconciliation, mais qu’on ne de recevoir aussitôt la récompense de la foi et de la viendrait ensuite aux sacrificati ou’à l’article de la mort, parce qu’il n’y a pas d’exomologèse possible en vertu; autre chose de soulTrir de longs tourments en expiation de scs péchés et d’être lentement purifié par enfer et qu’on ne peut pas contraindre quelqu’un le feu ; autre chose d'avoir complètement satisfait pour à la pénitence en lui refusant scs fruits. De cette façon si l’heure de la lutte survient, réconforté par nous, le scs fautes par la souiTrance; autre chose de rester en pénitent sc trouvera armé pour le combat, et si avant suspens et d’attendre la sentence du Seigneur au jour la lutte une infirmité mortelle le presse, il quittera ce du jugement; autre chose d’être couronné par lui monde avec la consolation d’être en paix et en com­ sans retard. » Epist., x, inter Cornelianas, P. L., L ni, munion avec l’Église. · Ibid., n. IG, P. L., t. m, col. 810-811. 2. Au début du iv· siècle, les conciles d’Ancyre (314) col. 808. Quant à ceux qui ne veulent pas faire pénitence, la et de Nicée (325) reviennent encore sur la question des réconciliation leur sera refusée, s’ils attendent d’être lapsi. Ils affirment à nouveau et très nettement le pouvoir qu’a l’évêque de mitiger la pénitence et sur­ en danger de mort pour solliciter leur pardon; on est indigne de recevoir les consolations de la religion tout de hâter la réconciliation finale. Des mesures de miséricorde seront prises généralement en faveur des quand on n’a pas pensé qu’on devait mourir : Et idcirco pécheurs bien disposés et qui expient leurs fautes avec frater charissimc, pirnilentiam non agentes, nec dolorem zèle, mais le misérable état des coupables pourra par­ delictorum suorum (oto corde et manifesta lamentationis suie professione testantes, prohibendos omnino censui· fois justifier à lui seul un adoucissement. Le 2· canon mus a spe communicationis et pacis, si in infirmitate d’Ancyre s’exprime ainsi au sujet des diacres qui ont sacrifié : · Que si quelques évêques, ayant égard à leur atque periculo coeperint deprecari, quia rogare illos non delicti pirnilenlia, sed mortis urgentis admonitio effort et à leur humiliation, veulent leur accorder davan­ tage, et de même s’ils veulent les humilier davantage, compellit, nec dignus est in morte accipere solatium qui se non cogitavit esse moriturum. Ibid., col. 814, η. 23 ils y sont autorisés. » 1 lefcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ï, p. 303-304. Lc même concile prévoit de la même épltrc à Antonianus. L’année suivante, un concile de 42 évêques sc montra également des mitigations, quand il parle des chrétiens plus large et une amnistie générale fut accordée aux qui n’ont pris part aux banquets sacrificiels des païens 1599 INDULGENCES que tristes et contraints : « Les évêques auront lo pou­ voir, après avoir éprouvé la conduite dc chacun, dc mitiger les peines ou d’étendre le temps dc la péni­ tence, mais il faut examiner ce qui s’est passé avant ct •près la chute ct sc régler d’après le résultat dc ces recherches, » Ibid., p. 307. « Quant à ceux qui lors des fêtes païennes se sont contentés d’apporter ct dc manger dc leurs mets dans le local consacré aux faux dieux, Févcquc aura encore plus dc liberté pour fixer Je temps où ils seront dc nouveau admis à l’offrande, en tenant compte dc la vie entière dc chacun. » Ibid., can. 7, p. 310. Le canon 22· du concile dc Nicéc régie la situation des chrétiens qui, après avoir quitté l’armée, s’y étaient fait réintégrer Λ prix d’argent pour tenir sous les ordres dc Licinius, le champion du paganisme. Il donne ù l’évêque le droit dc faire varier le temps ct les rigueurs dc la pénitence, suivant les dispositions des intéressés : «Pourccs pénitents, il faut avoir soin d’étudier leurs sentiments ct leur genre de vie. En effet, ceux d’entre eux qui, par leur crainte et leurs larmes, accompagnées dc patience ct de bonnes œuvres, montrent dans les faits, la sincérité d’un retour réel, après avoir accompli le temps de leur pénitence parmi les < auditeurs»,pourront être admis parmi les < priants i et il dépend même dc l’évêque dc les traiter avec encore plus d’indulgence, φιλανΟρωπότερόν τι περί αύτών βουλεύσασΟαι. Quant à ceux qui sup­ portent avec indifférence (leur exclusion dc l’Églisc) ct qui pensent que cette pénitence est suffisante pour expier leurs fautes, ceux-là seront tenus à faire tout le temps prescrit. » Hcfclc, Histoire des conciles; trad. Leclercq, 1.1, p. 591. Ce dernier canon, ainsi d’ailleurs qu’une incise du 2· canon d’Ancyre a s’ils veulent les humilier davantage, > prouve que les pasteurs res­ taient également libres dc prolonger le temps dc l’explallon ou du moins dc refuser d’en rien retrancher. Ces décisions conciliaires ne furent pas, par la suite, considérées comme des mesures tout à fait excep­ tionnelles, uniquement destinées à liquider la situation très spéciale créée parles persécutions. Dans la pensée des Pères elles répondaient au caractère même de la pénitence qui n’était pas seulement pour eux, même sous sa forme publique, le moyen d’assurer le bon ordre dc la société chrétienne par dc salutaires exem­ ples ct d’opportunes amnisties, mais encore un secours destiné à chaque âme en particulier, une sorte de médication spirituelle dont la sollicitude des pasteurs devait user avec plus ou moins de rigueur suivant les dispositions des pécheurs. Et souvent ils estimaient , l’indulgence plus secourablc que la sévérité. Tel est ; bien le rôle que saint Basile et saint Grégoire dc Nyssc donnent au sage médecin des consciences. Le premier dc ces Pères, éditant, dans son épître canonique ccxvn, les règles relatives au temps à passer dans les diverses classes dc pénitents (pleurants, audi­ teurs. prosternés, consistants : classification spéciale aux Églises du Pont ct de la Cappadoce), envisage la possibilité pour l’évêque d’abréger l’épreuve ou chacune des épreuves, eu égard aux mérites des péni­ tents : « SI, dit-il, l’un dc ceux qui vécurent dans les péchés dont nous venons dc parler fait pénitence ct revient au bien, celui qui tient de la miséricorde divine le pouvoir dc lier ct dc délier, au cas où il sc montre­ rait clément en considération dc la grandeur dc la pénitence du pécheur ct diminuerait le temps des pénitences imposées, ne serait pas à blâmer, car l’his­ toire sainte nous apprend que ceux qui font une péni­ tence plus onéreuse éprouvent plus tôt les effets de la bienveillance divine. ■ Τούς μετά μείζουος πόνου έξομολογουμένο >ς ταχέως την του θεού φιλανΟρώπιαν καταλαμβάνειν· Epist., ccxvn, Amphilochio, de cano­ nibus, P. G„ L xxxm, col. 803-801. Saint Grégoire dc Nyssc veut également que le 1600 directeur des exercices pénitenticls en restreigne la durée si l’état dc santé d’une âme le permet.Parlant des fornicatcurs, il s’exprime comme il suit : « Quand il s’agit dc pécheurs dont la conversion est fervente ct la vie révèle un véritable retour au bien, il est pennis à celui qui est chargé dc pourvoir nu bon gouverne­ ment de l’église (le grec porte: à celui qui veille à la bonne économie de l’église) do réduire le temps à passer dans la classe des « auditeurs » ct de hâter le moment de la réconciliation (ou conversion); l’économe spiri­ tuel peut ensuite accorder encore une autre réduction ct rendre plus tôt la communion, dc telle sorte que celui qui bénéficie du remède de la pénitence montre que l’épreuve lui a rendu la santé dc l’âme (mot à mot : que l’épreuve a permis dc diagnostiquer la vigueur dc son tempérament spirituel, dc sa κατάστασις). On agira demème à l’égard des adultères. En appliquant celte thérapeutique spirituelle, on tiendra compte de l’ensemble des dispositions du sujet. (En grec : dc sa διάΟεσις, expression technique qui désigne le tempérament physique chez Hippocrate ct Aris­ tote. On remarquera cette accumulation dc termes médicaux.) Dc même dans le cas des fornicatcurs on s’inspirera dc cette considération pour hâter ou retarder le moment dc la participation aux biens dc l’Église. > Epist. canon., c. iv, P. G., t. xlv, col. 229230. Au v· siècle, saint Innocent Ier ct saint Léon laissent également à l’évêque le soin dc proportionner la durée des exercices pénitenticls au zèle des coupables. « C’est à l’évêque, dit saint Innocent, dc juger dc la gravité des fautes. Qu’il tienne compte dc la confession du pénitent, des pleurs ct des larmes par lesquels il s’amende : il lui appartiendra alors d’ordonner sa libération quand il constatera une satisfaction suffi­ sante. · Epist. ad Decentium Eugubinum, c. mi, P. L., t. LM, col. 517. Cf. S. Léon, Epist.,x, n.8, eux, n. 6, P. L., t. Liv, col. 635, 1138. La remise des peines canoniques fut donc un usage courant à l’époque patristique. Mais cc n’était pas l’équivalent exact dc l’indulgence au sens moderne, parce que, 1° l’on supposait souvent que la peine duc au péché était déjà remise devant Dieu, à cause des mérites du pénitent, quand l’évêque intervenait; ct que : 2° cette intervention épiscopale précédait la récon­ ciliation ou plutôt sc confondait avec elle au lieu dc la suivre. Le développement dc la pénitence du v· au vin· siècle va amener avec la pratique des rédemptions un usage plus proche dc notre discipline actuelle. 2° Les rédemptions. — 1. Le système pénilentiel sur lequel elles se grefient. — Λ partir du v· siècle, en effet, nous entrons dans une période où la péni­ tence subit des transformations profondes (cc qui ne veut pas dire radicales, comme l’affirment Lœnlng ct d’autres) : c’est l’âge barbare, l’âge des invasions. Deux grands faits sc produisent ou vont sc produire : 1. le développement des éléments privés dc la péni­ tence aux dépens dc scs éléments publics; 2. l’intro duclion par les missionnaires celtes dans ΓOccident, l’Espagne exceptée, des tarifs des livres pénitenticls. 11 faudra atteindre la fin du ix· siècle pour que ces deux grands faits aient donné toutes leurs consé­ quences qui restent acquises au x· et pendant la pre mière moitié du xi·. La pénitence publique, normalement Imposée pour les fautes les plus graves, obligeait les coupables à de longues années d’un ascétisme rigoureux ct à des humiliations très pénibles : < Le pénitent, revêtu du sac ou du cilice, en présence dc toute l’assemblée des fidèles, recevait l’imposition des malus dc l’évêque ct était séparé au moins moralement de la commu­ nauté chrétienne : H devait couper ses cheveux ct porter pendant tout le temps que durait son expiation 1601 INDULGENCES des vêtements dc deuil. Cette expiation elle-même était rigoureuse ct souvent fort longue et surtout la pénitence plénière entraînait des conséquences in Ani­ ment gênantes : le pénitent, même réconcilié... ne pouvait plus ni porter les armes, ni sc livrer au négoce, ni se marier, s’il ne l’était pas, ou user du mariage, s’il était déjà marié. Ajoutons que cette pénitence., ne pouvait pas se renouveler ct laissait les relaps dans une situation plutôt dangereuse pour leur salut. » J. Tixeront, Histoire des dogmes dans l'antiquité chré­ tienne, 1912, t. ni, p. 391-392. Aussi bien la masse des chrétiens sc refusait-elle à ccs sévérités dès la An du iv· siècle. « Dans l’auditoire mêlé dc saint Augustin sc rencontrent des chrétiens qui ont des péchés mortels sur la conscience ct qui ne sent pas cependant dans les rangs des pénitents. » P. Batiffol, Éludes d'histoire et de théologie positive, Ie· série, 6* édit., Paris, 1920, p. 208-209, avec renvoi au Sermon cccxxxn, η. Λ. Quand on sc trouva en pré­ sence des barbares convertis, mais non pas complè­ tement transformés, la situation s’aggrava. Au cours du v· et du vi· siècles l’habitude sc généralise dc ne demander la pénitence qu’à Tarticlc dc la mort, quand on la demande. En An décompte, au temps de saint Césairc et dc saint Avit au plus tard, c’est-à-dire dans la première moitié du vi· siècle, elle n’est plus pra­ tiquée normalement que sous une forme presqu’excluslvcmcnt privée, dans le sud dc la Gaule ct probable­ ment en Italie. » J. Tixeront, op. cil., p. 400. Cette décadence de l’ancienne discipline permit à certains usages des pays celtiques de s’introduire dans la majeure partie dc l’Occidcnt. Le régime pénltentlel en vigueur chez les Irlandais ct les Bretons de la Grande-Bretagne, est, au moins dès le vi· siècle, < celui de la pénitence tarifée, suivant lequel une pénitence spéciale est imposée au pécheur par le ministre du sacrement sans solennité aucune, d’après des tarifs d’œuvres satlsfactoircs contenus dans des opuscules appelés pénitenticls. Les œuvres dc satisfaction sont proportionnées, dans les pénitenticls, en rigueur ct en durée aux fautes commises. Pour les crimes les plus graves : inceste, parricide, parjure, etc., ils prescrivent suivant les circonstances, soit l’exil, soit la réclusion dans un monastère pour la durée dc toute la vie ou dc 10, dc 7, de 3 ans. Pour les fautes d’une gravité moin­ dre, la satisfaction consiste en des jeûnes plus ou moins prolongés ou répétés durant des quarantaines, des années, ou bien en des prières, des flagellations, des aumônes, i Dom L. Gougaud, Les chrétientés celtupi·*, Pji is, 1911, p. 274 276. Le plus ancien pénltentlel irlandais connu est du vi® siècle ct porte le nom d’un certain Vinnlaus,dlfAcilc à identifier. Cf. Dom Gougaud, op. cil., p. 276. Vers le milieu du vu· siècle, un certain Cummian composa un autre pénltentlel, probablement dans un monastère écossais, peut-être celui de I Iy,dont Userait mort abbé en 661-662. D’après J. Zottlnger, Archio für catholisches Kirchenrecht, 1902, p. 505 sq. Quand saint Colomban passa d'Irlande en Bourgogne, vers 590, pour y fonder les monastères d’Annegray, de Luxeuil ct dc Fontaines, puis en 613 dans la HauteItalie pour y établir celui dc Bobbio, il introduisit dans ccs régions la pénitence tarifée et exclusivement privée des pays celtiques, mais le pénltentlel connu sous son nom n’est pas d’une authenticité absolument certaine et en toute hypothèse ne nous est parvenu que dans des recensions remaniées. En tout cas, au vu· siècle, après la conquête anglo-saxonne, les pénltcntiels celtiques sc répandirent dans les Églises fon­ dées en Grande-Bretagne par saint Augustin de CanLorbéry. Des auteurs anglo-saxons en composèrent à leur tour : ceux dc Théodore dc Cantorbéry, (t en 690), du Vénérable Bède (t en735), dvEgbert d’York PICT. PE THÉOL. CATIIOU 1602 (t en 766) curent une grande vogue, et, à la faveur de la tradition créée par saint Colomban, passèrent sur le continent. Là ils subirent dc notables remaniements, ct donnèrent naissance, aux vin· et ix· siècles, à une littérature abondante où les apocryphes ne sont pas l’exception. L’hypothèse de Mgr Schmitz, d’après laquelle les pénitenticls celtiques ct anglo-saxons dériveraient d’un pénltentlel romain, ne s’est pas imposée malgré la compétence exceptionnelle dc l’auteur dans la ques lion. Elle parait même complètement abandonnée aujourd’hui après les vives critiques de Mgr Duchesne ct de M. Paul Fournier. Cf. Schmitz, Die Bussbûeher und die Bussdtseiplin der Kirche, Mayence, 1883; Die Lass bûcher und dus kanonische Bussoer/ahren, Dussel­ dorf, 1893; Duchesne,dans Bulletin critique,13S3,l.iy, p. 366; P. Fournier, Études sur les pénitentiets, dans la Bevue d'histoire et de littérature religieuses, 1901-1904, t. VI-IX. Dans l’empire franc,la reforme du début du ix· siècle amena une réaction contre l’inAucncc celtique ct anglo-saxonne en faveur des anciennes règles cano­ niques qu’on mettait alors, à plus ou moins juste titre, sous le patronage dc Rome. P. Fournier, dans Bevue d9histoire et de littérature religieuses, 1903, L vin, p. 552. Mais les auteurs de pi-nitenlicls reformés : Halitgaire dc Cambrai ct Raban Maur (t en 856) en particulier, durent faire place dans leurs recueils à des textes celto saxons, si puissante était encore à ccttc époque Tin Auencc insulaire. Au début du xi· siècle, lei. XIX des Decreta de Burchard de Worms, intitulé : Liber cor­ rector et medicus ct composé vers l’an 1000, est encore un véritable pénltentlel. D’ailleurs, en plein xn· siècle, époque où cependant la pénitence tarifée est en com plètc décadence, Antoine Augustin publie un Pirniten Hale ro manum. 2. Les rédemptions elles-mêmes. — Le régime intro­ duit ct propage par les pénitenticls était encore trop rigoureux pour une société où le christianisme lutta avec peine pendant des siècles contre la barbarie. Il fallut des adoucissements ct ici encore les pays celtes furent les initiateurs : « D’assez bonne heure, sous l’empire dc divers besoins qu’a bien fait ressortir M. Boudlnhon, Sur Chldoire de la pénitence, dans la Bevue d'histoire ct de littérature religieuses, 1897, L n, p. 503-506, le système des equivalences ct commu­ tations d’œuvres s’est greflé sur celui dc la pénitence tarifée. Ainsi plusieurs jours dc jeûne isolés ou plus fréquemment consécutifs {biduanir, triduanæ super­ positiones) avec accompagnement dc la récitation du psautier ou d’autres prières, de veilles pieuses, dc génuAexions, de prostrations ou d'autres mortifica­ tions, certaines bien étranges (par exemple, dormir sur des orties, coucher cum mortuo sancto in uno sepulcro), pouvaient remplacer une pénitence priml fixement Imposte, moins sévère, mais plus longue, diAlcilc ou impassible à accomplir pour certaines rai­ sons. Ces commutations ou réductions dc peines por­ taient le nom à'arreu, du vieil irlandais arra, qui slgni Ac: équivalent, substitution. > Dom Gougaud,op. cit., p. 276, M. Kuno-Meycr a publié en 1894 un traité sur les arreu, rédigé au vin· siècle en vieil irlandais. Bevue celtique, t. xv, p. 485-498. Au début, sc trouve un arreum qui sauve une âme dc l’enfer, c’est-à-dire du purgatoire, moyennant 365 Paler, accompagnés d’autant dc génuflexions ct dc coups dc fouet, récités chaque jour jusqu’à la An dc l’année ct un jeûne mensuel. Le c. xxvn de l’opuscule invoque les pas­ sages du Lévitlquc relatifs au rachat des vœux. Cf. dom Gougaud, op. cil., p. 277. La pratique des commutations dc peines canoniques dut passer d’Irlande en Angleterre au cour» du même vin· siècle et donner lieu au singulier abus signalé par VH. — 51 1603 INDLLGENCES le 27· canon du concile tenu à Cloveshoe en l’année 7-17 : 11 s’agit d’un riche qui sc croyait exempté de toute pénitence par la psalmodie et les jeûnes dont de bonnes âmes s’étalent chargées à sa place (peut-être à prix d’argent). Cf. Histoire des conciles de 1 lefclc, trad. Ledercq, t. ni, p. 910. L’Occlden t continental connut, aux vni*ctix· siée les, les ama sous le nom de redemptiones. L’usage germanique du wehrgeld ou composition pécu­ niaire pour les crimes ct délits dut favoriser grande­ ment leur diffusion, d’autant plus que la loi cano­ nique elle-même l’admettait comme pénalité princi­ pale ou comme complément de la pénitence ainsi que le prouvent les conciles de Bcrghampstcad (697) ct de Thionvlllc (821). Cf. Histoire des conciles de Ilcfcle, trad. Leclercq, t. ni, p. 5S8-589, t. rv, p. 32. Le premier de ces conciles n’est guère qu’une liste de ivehrgeld; quant au second il établit toute une gradation de carêmes ou d’années de pénitence ct de centaines de sous d’amende pour les voles de fait contre les sousdlacrcs, diacres, prêtres et évêques. Les textes édités par Mgr Schmitz contiennent de nombreux exemples de redemptiones. Parfois ccs exemples peuvent être valables pour une époque un peu plus ancienne que celle que fixe le savant prélat, car, de nos jours, des érudits, tels que M. P. Fournier, attribuent plus de créance que lui aux en-têtes des manuscrits ct tendent par conséquent ά en reculer au moins la rédaction primitive. Un texte de la bibliothèque Vallicellanc de Rome porte aux n. 101,105 ct 109 les indications suivantes : 101. Si quis jejunare non potest quando jejunare débet, pro uno die in pane ct aqua cantet cum venia psalmos l ct sine venia lxx. 105. SI quis jejunare non potest per hebdomadam in pane ct aqua.canat psalmos ccc genua flectendo ct sine genua flectendo cccxx ; pro uno rncnsc In pane ct aqua canat cum venia psalmos mille cc, sine venin mille dc;iv· ct vi· ferla jejunet usque ad nonam, Schmitz,Die Bussbuchcr und die Bussdisciplin, p. 323. 109. Si qui» jejunnre non potest ct psalmos nescit, per diem det clbum quantum sumit tanturn porrigat pro unoanne in pane ct aqua ct det solidos χχνι. /5M.,p.326 et 563. Au n. 109, Il s’agit de l’aumône de la nourriture d’un jour faite à un pauvre, on remarquera que l’illettré visé dans cc paragraphe jouit néanmoins d’une cer­ taine aisance, indice d’un temps de noire Ignorance 1 L’éditeur date cc pénltcnticl de la première moitié du vm· siècle, mais comme il s’agit d’un manuscrit de Rome, ct qui d’ailleurs ne présente rien de spécifique­ ment romain, H est Ici peut-être suspect d’antidater, cf. Schmitz, Die Buss bûcher und die Bussdisciplin, p. 237, étant donnée son hypothèse d’une origine romaine des pénitentlcls les plus anciens. Une addition au Vallicellanum, qui serait de la seconde moitié du vm· siècle, cf. Schmitz, ibid., p. 238, fait varier les compensations pécuniaires suivant les fortunes : Si quis forte non potuerit jejunare et habuerit unde dare ad remedium. Si dives fuerit pro 7 hebdomadibus det solidos XX. Si autem non habuerit tantum unde daret, det solidos X. Si autem multum pauper fuerit solidos del 111, redimere vero non contur­ bet, quia /ussimus XX solidos dare aut minus quia si dives fuerit facilius est illi dare solidos XX, quam pauperi solidos lit. Cf. Schmitz, ibid., p. 360. On remarquera dans cc passage l’emploi du verbe redlmere, dans un sens très particulier ct sous une forme absolue qui indique que l’expression était dès lors courante. Mgr Schmitz place également dans la deuxième moitié du vm· siècle le pénltcnticl de Cummlan ou Cumméan et le fait composer dans l’empire franc, 1604 c’est du moins sa conclusion pour la recension qu’il a établie. Cf. ibid., p. 605. On y lit les titres de chapitres suivants : De divite cl potente, quomodo se redimit pro criminalibus culpis. La rédemption y est fixée, par exemple, h 64 solidi pour trois ans de péni­ tence. Cf. Schmitz, ibid., p. 611. Un pénltcnticl attri­ bué à un énigmatique discipulus Umbrcnsium ct qui serait du vm· ou du ix· siècle, fait payer du prix d’un esclave, homme ou femme, l’année de pénitence dont empêche la maladie, De egris, Schmitz, Die Bussbûcher und das kanonische Bussuerfahnn, p. 550. Au début du ix· siècle, le pénltcnticl de pseudo Egbert, composé dans l’empire franc, permet de se donner la discipline pour remplacer le jeûne (percus­ siones). Cf. Schmitz, Die Bussbilchcr und das kano­ nische..., p. 569 sq. Dans le courant de cc même siècle le pscudo-Bèdc donne le choix entre le rachat des jeûnes par la récitation d’un certain nombre de psaumes ct celui qui se négocie ù beaux deniers comptants. Cf. Schmitz, ibid., p. 555, 563, 564. Les pénitentlcls, composés entre 850 ct 900, con­ sacrent des chapitres entiers aux rédemptions. Citons seulement le pénltcnticl double de Bède et Egbert ou Excarpsus avec scs c. xij, De precio redemptionis, i.xiî, De precio mensis, lxiîi, De precio anni uel diet, Cf. Schmitz, Die Bussbûcher und das kanonische etc., p. 698. Il s’agit, on le volt, d’une véritable compta bilité qui se précise ct se complique d’un siècle à l’autre ct où le toehrgeld a de plus en plus de part. Une telle comptabilité implique une conception assez matérielle de la satisfaction De plus, elle sup­ pose, danslcs documents du ix· siècle, que le système de compensations était appliqué de façon routinière ct mécanique, alors que les textes plus anciens lais­ saient les commutations à la discrétion du confesseur ct proposaient les tarifs comme des directives ct non pas comme des règlements Intangibles. Mais l’igno­ rance ct la paresse du clergé de cet Age « de fer > s’accommodaient fort bien de solutions toutes faites. Enfin le péril de simonie était grand quand il s’agis­ sait de rédemptions ù prix d’argent. C’est pourquoi nous voyons au ix® siècle des con­ ciles réagir contre la discipline des pénitentlcls ct opposer les anciennes règles canoniques aux Indica­ tions de traités qui n’étaient en somme que des ouvrages d’un caractère privé. Le concile de Chalon tenu en 813, porta la série suivante de décrets : Can. 34. Le confesseur ne doit pas sc départir de la sévérité des canons, ù l’endroit de diverses fautes. Can. 35 : Après s’être confessés, beaucoup n’accomplissent que la lettre de leur pénitence, Us s’abstiendront, par exemple, de manger de la viande pendant un temps déterminé, mais en revanche ils sc procureront d’autres satisfactions. La spiritualis abstinentia leur fait entièrement défaut. Can. 36. Beaucoup pèchent d’une manière effrontée dans l’espoir de pouvoir racheter leurs fautes par des aumônes. Can. 38. La pénitence doit être imposée d'après les anciens canons et la sainte Écriture, de même que d’après la coutume de l’Églisc, aussi faut-il rejeter certains livres pénitentlcls entachés de relâchement. Ilcfcle, Histoire des con dies, trad. Leclercq, t. ni, p. 1144-1115. Peut-être faut-il traduire au can. 38 : Certains livres dits péni tcntlels ct non pas certains pénitentlcls. Le concile de Paris de 829, auquel prirent part les évêques des provinces de Reims, Sens,Tours et Rouen, semble même condamner tous les pénitentlcls : < Plu sieurs prêtres n’imposent pas à leur·» pénitents les peines prescrites par les canons, mais des pénitences moindres en sc servant de ce qu’on appelle des « péni­ tent tels. · Chaque évêque fera rechercher dans son diocèse ces petits livres ct les fera brûler; il Instruira I les prêtres Ignorants, leur apprendra comment inter- 1G05 INDULGENCES roger sur les fautes ct quelle pénitence imposer. > Can. 32. Ilcfcle, Histoire des concile*, trad. Leclercq, t. iv, p. 65. Les canons qu’invoque le concile de Paris sont ceux des anciens conciles qui réglementent la pénitence publique plénière, ainsi que le prouve son décret sur les péchés contre nature : « Les clercs qui ne punissent pas les péchés contre nature par les peines prescrites dans les canons (c’est-à-dire par le canon 16· du concile d’Ancyre) doivent être mieux instruits. On les obligera ù se défaire de leurs codices pirnitendales. > Ibid., p. 66. La faveur de ces codices était trop grande pour qu’on pût les évincer. Aussi bien furent-ils plus abon­ dants que jamais dans le seconde moitié du ix· siècle ct en même temps de plus en plus accueillants aux rédemptions, comme nous l’avons vu. A la fin du siècle la législation canonique dut en tenir officielle­ ment compte, dans une mesure d’ailleurs assez res­ treinte. Le concile de Tribur prit en cITct en 895 les dispositions suivantes : c Le meurtrier volontaire devrait être soumis ù la pénitence perpétuelle édictée par le concile d’Ancyre (can. 22), mais par égard pour la faiblesse humaine on ne hd imposera qu’une péni­ tence à temps : après 40 jours d’excommunication rigoureuse, il sera exclu de l’Églisc pendant une année où il s’abstiendra de viande, de vin, d’hydromel ct de miel, sauf les dimanches et les jours de fêtes, ct avec la faculté en cas de voyage ou de maladie de racheter sa pénitence les mardi, jeudi ct samedi au prix d’un denier ou de la nourriture de trois pauvres. >... Ni*l vel in hoste aut in aliquo magno sit itinere, vel longe aut diu ad dominicam curtem, uel si in infirmitate detentus sit, tunc licitum sil ei tertiam feriam et quintam atque sabbatum redimere uno denario, vel pretio denarii, sive 1res pauperes pro nomine Domini pascendo. Les deux années suivantes le coupable pourra racheter les trois jours mentionnés même chez lui. Les 4·, 5®, 6· ct 7· années, il devra faire trois carêmes par an. Can. 56, 57 ct 58, voir le texte dans Mansi, Concil., L xvni, col. 156, 157; le résumé dans Hefclc, op. cit., trad. Leclercq, t. iv, p. 704-705. Voici donc l’aveu officiel que l’ancienne discipline, à laquelle on renvoyait encore au début du siècle, celle du concile d’Ancyre, n’est plus applicable, ct du même coup valeur canonique est donnée aux redemptiones, dont les pénitentlcls privés avalent depuis longtemps pris l'initiative. En 923 ou 924, le concile de Reims accorde à certains pénitents une possibilité générale de rachat. Il s’agit de ceux qui ont pris part à la guerre de Soissons entre Robert, comte de Paris, ct Charles le Simple, on décide : ut tribus quadragesimis per tres annos agant pirnitentiam, ita ut prima quadragesima sint extra ecclesiam et corna Domini reconcilientur. Omnibus his tribus quadragesimis secunda, quarta ct sexta feria, in pane, sale ct aqua abstineant aut redimant. Similiter quindecim diebus ante nativitatem sancti Joannis Baptista, et quindecim diebus ante nativitatem Domini Salvatoris, omni quaque sexta feria per totum annum, nisi redimerint aut festivitas celebris ipsa die acciderit, vel cum infirmitate sive militia detentum esse contigerit. Mansi, op. cit., t. xvni, coi. 345-346. Ici la rédemption est toujours praticable ct on la distingue nettement des cas d’impossibilité comme la maladie ou le service militaire. L’institution est donc nettement en progrès dans la législation elle-même; de privée qu’elle n été pendant longtemps, elle est devenue tout à fait offi­ cielle. Exception faite des premiers temps de l'expiation pour les crimes les plus graves, tel l’homicide volon­ taire frappé par le concile de Tribur, on avait ainsi abouti à la situation si nettement décrite par Mgr Boudinhon : « Suivant les prescriptions des livres pénitcnticls, on n’impose plus au pécheur l’exclusion 1G06 de la société ecclésiastique * par conséquent l'indul­ gence ne pourra plus avoir pour objet l’anticipation de la réconciliation. La pénitence consiste surtout dans l’assignation ct l’accomplissement d’une cer taine quantité d’œuvres satlsfactolres. L’ensemble du rite, de l'aveu, des prières liturgiques ct des œuvres réconcilie le pécheur avec l’Églisc, ct par suite avec Dieu, sans qu’il y ait encore une distinction bien mar­ quée entre le pardon de la coulpe ct la réparation par les peines, ct sans qu’on ait assigné à chaque partie de la pénitence scs eflets propres de pardon ou de satisfaction. Dans cet état de choses l’indulgence aura nécessairement pour objet l’adoucissement et la rémission des exercices pénitcnliels imposés à chaque pécheur. Cette rémission ne sera pas pure ct simple; elle impliquera un élément de compensation et de commutation, d’où résultera cependant un allége­ ment pour le pénitent. » Sur rhistoire des indulgences, dans la Revue d'histoire et de littérature religieuses, 1898, t. ni, p. 442. En somme, la rédemption est plus proche de notre indulgence que la réconciliation anticipée des pre­ miers siècles, mais elle s’en distingue encore. Elle s’achemine vers l’indulgence : a. parce qu’elle est postérieure au pardon, accordé dorénavant au début des exercices pénitentiels; b. parce que si clic revêt d’abord plutôt la forme d’une commutation que celle d’une remise de peines, clic prend progressive­ ment cc dernier caractère, le · rachat » devenant de moins en moins difficile. La rédemption difière de l’indulgence, parce que les conditions en sont déterminées par une interven­ tion spéciale du prêtre dans chaque cas. 3° Les rémissions générales. — Mais au milieu du xi· siècle, nous voyons apparaître des rémissions géné­ rales, valables pour tous les fidèles, applicables sans que le prêtre ait à intervenir dans chaque cas pour déterminer les conditions du rachat de la peine, et qui, transformées ainsi en des sortes de valeurs fiduciaires de l’ordre spirituel, au cours réglé universellement par l’autorité ecclésiastique, sont de véritables indulgences au sens moderne du mot. A cette époque, en eflet, des usages s'établissent qui rendent les remises penltcntlclles indépendantes des considérations individuelles. Cc sont des exemptions bien déterminées d’exercices de pénitence, accordées à tous ceux, quels qu’ils soient ct coupables de n'importe quelles fautes, qui auront satisfait à la condition géné­ rale d’accomplir une œuvre pic, pèlerinage, aumône ou assistance ù une consécration d’église. Car il semble « prouvé que parmi les concessions attribuées (pour le milieu du xi· siècle) surtout aux évêques du sud de la France ct du nord de l’Espagne quelques-unes doivent être regardées comme authen tiques. Cf. N. Paulus, dans la Zeitschrift fûr katholische Théologie, 1909, t. xxxin, p. L Et ces indul­ gences peuvent être gagnées par tous les pénitents qui visitent certains sanctuaires, en donnant des aumônes à telle église ou tel monastère. > « Au cours du xi· ctdu xn· siècles elles sc multiplient; les napes les accordent cependant avec une grande parcimonie, la consécration d’une église fut souvent l'occasion de nouvelles concessions. Ces premières indulgences étaient partielles; d'abord on accorda la rémission d’une fraction de la pénitence imposer au confessional : du quart on alla jusqu’à la moitié, bien­ tôt les faveurs papales remettent un nombre déter­ miné de Jours de pénitence : de 8 jours on monta à 40, ct à la fin du xn· siècle se rencontre l’indulgence d’un an ct 40 jours. Les premières indulgences remettent tantôt la pénitence publique, tantôt la pénitence privée. Imposée au confessional (entendre cc mot au sens large, le confessional, meuble pourvu de grilles, ne 1607 INDULGENCES 1C03 datant que de la fin du xvr· siècle) ; parfois elles valent |I ment les œuvres requises pour les autres, d'autre part, pour les deux ct remettent la satisfaction publique bien que le tarif pénitentlcl ne fût déjà plus rigoureu­ imposée pour des peccata criminalia ou majora, sement suivi, les pénitences Imposées par les confes­ aussi bien que la satisfaction privée duc pour les seurs étaient encore assez considérables, bien plus dures, en tout cas, que celles de nos jours. Les Indul­ minora ou venalia. « Peu dc temps après l’indulgence partielle, allait gences ne deviendront si faciles que lorsque les péni­ apparaître l’indulgence plénière. Si l’on prend à la tences sacramentelles seront elles-mêmes réduites à lettre certains récits de chroniques postérieures, on peu de chose, a Boudinhon, Inc. cil, p. 444. doit dire que,dès le milieu du xi· siècle, les papes ont 1° Le Xll· siècle. — 1. La pratique. ·— Cependant, employé cc moyen pour exciter les fidèles à prendre la dès le xn· siècle, on a l'impression d'être entré dans la croix ct à combattre les Sarrasins en Espagne; mais voie des adoucissements et les anciennes commuta des doutes planent sur l'exactitude ou l’authenticité lions dc pénitences deviennent de plus en plus des de plusieurs dc ces textes. Cc qui est certain, c'est qu’au remises réelles des œuvres satisfacto!res. Alanus (Alain concile dc Clermont en 1095, Urbain II a accordé cette dc Lille, f en 1203) constate que la rigueur primitive faveur aux croisés qui partaient pour Jérusalem : ne saurait être maintenue : au lieu d’un remède clic prrnitentiam totam peccatorum, de quibus veram et per­ ne serait qu’un mal : Multiplicata Ecclesia Del inva­ fectam confessionem fecerint per omnipotentis Del mise­ luerunt peccatorum morbi, ct quia numerus defendit eos, ricordiam ct Ecclesia: catholicae preces tam nostra quam oportuit remitti dc pouue districtione, ne pauua districtio omnium pene archieplscoporum et episcoporum qui in potius esset in offensam quam medicinam... Unde cum Galliis sunt, auctoritate dimittimus, quoniam res et quidam modernorum jejunia ct vigilias ferre non pos personas suas pro Del et proximi charitate exposuerunt. sent, injuncta: sunt oblationes, peregrinationes. P. L., Lettre au clergé de Bologne, i Nous empruntons tout le t. ccx, coi. 293. passage précédent à l’un des articles sur les indul­ Les oblationes, les aumônes dont parle Alain ont gences que le défunt chanoine II. dc Jonghe a écrit plus que toute autre œuvre satisfactoirc la faveur du dans La vie diocésaine du diocèse de Malines, en 1912, public, évêques ct papes sc prêtent assez souvent à les L vi, p. 78-79. Indulgcncicr ; le Dr Paulus a recueilli sur ce sujet toute En somme, quoique nous ayons déjà été amenés à une série dc textes. Die ùllesten Ablûsse fûr Almoscn parler un peu du xn· siècle, à la fin du xi· l’indulgence und Kirchenbesuch, dans Zeitschrift fur katholische au sens moderne du mot existe avec tous ses éléments Théologie, 1909, t. xxxm, p. 1-40. Des abus s’en sui­ constitutifs. < Jusqu’alors les commutations dc péni­ virent qu’Abélard dénonce avec véhémence. Elhica, tences avaient lieu pour chaque pécheur en particulier, c. xxv, P. L., t. CLXXvm, col. 672-673. tandis que dorénavant on ollrc à tous les pénitents Les occasions où l’on accorde les indulgences par­ tenus à l’accomplissement de certaines œuvres salistielles se multiplient, la croisade orientale restant factoircs, une réduction applicable à tous, moyen­ alors le seul moyen de gagner l’indulgence plénière. Les nant une autre œuvre qu’ils sont tous invités à accom­ papes en concèdent pour les pèlerinages ά Borne ou à plir. Sans doute, les premières propositions de cc Jérusalem, lettre d’Alexandre III, Jaffé, n. 14 417; genre, qu’il nous est donné dc constater, sont faites à pour la croisade contre les païens d’Esthonie, ibid., des conditions à peu près équivalentes aux exercices n. 12118, P. L., t. cc, col. 8G; pour l’anniversaire de de la pénitence elle-même; on aurait dc la peine à leur la consécration de certaines églises, N. Paulus, Zeit­ reconnaître aujourd’hui le caractère d’indulgences; schrift /tir katholische Théologie, 1909, t. xxxm, p. 12, elles n’en constituent pas moins les premiers exempts 15 ; pour l'observation d’une paix jurée, Alexandre 111, dc nos modernes indulgences, œuvres offertes à tous Jaffé, n. 10 908, P. L., t. cc,col. 250; pour les stations en échange de la peine temporelle duc au péché, ■ dc Rome. Cf. de Jonghe, loc. cil., p. 142. La durée dc Boudinhon, Sur Γhistoire des Indulgences, dans la Revue ces Indulgences varie de 20 jours à trois ans. our les 10 années suivantes pendant les 15 jours qui suivent le vendredi saint, prorogation renouvelée en 1459. De Jonghe, p. 181182. Il est vrai que pour gagner l’indulgence les fidèles doivent payer la moitié des frais du voyage de Rome. Les profits ainsi réalisés pour la construction de nou­ velles églises furent considérables, car plus d’un jubilé local était destiné à cette œuvre. En dehors du jubilé, des indulgences plénières sont légalement accordées ù ceux qui contribuent par leur travail ou leurs offrandes à l’érection d’un sanctuaire, et cela sous forme de confessionalia. Ainsi fut fait, par exemple, lors de la construction de la cathédrale Saint-Lambert de Liège, en vertu d’une bulle d’Eu­ gène IV, datée de 1143. Cf. Chronique de Jean de Stavelot, édlL Borgnct, Bruxelles, 1861, p. 513. On sait que la révolte de Luther eut pour occasion l’indulgence que fit prêcher Léon X à partir de 1515, afin de réunir les sommes nécessaires pour la rèédification de SaintPierre de Rome. Ceux qui fournissaient les subsides nécessaires pour la croisade contre les Turcs bénéfi­ ciaient également d’une indulgence plénière. Enfin, en 1616 1480, parait la première bulle pontificale qui nous ait été conservée et qui concède des indulgences plénières pour la visite des Lieux saints ù Jérusalem. En 1489, Innocent VIII fit de même pour GcthscmanL Cf. l’article de Mgr Paulus, dans le Canoniste contempo­ rain, p. · : > 2. Apparition des indulgences applicables aux défunts. — La théorie des indulgences applicables aux défunts existe dès la seconde moitié du xih· siècle, comme nous l’avons vu, mais les premières concessions officielles connues sont du xv· siècle. Le peuple, d’ailleurs, les attend depuis longtemps et les quccstores n’ont pas manqué de répondre de leur propre chef ù son désir, comme le prouve la décrétale A busionibus de 1312. Ce n’est qu’en 1457 que nous voyons la papauté accéder enfin aux vœux des fidèles. Calixte III, dans ui.c lettre à Henri IV de Castille, encourage la croi­ sade contre les Maures par une indulgence plénière qu’on peut gagner en faveur des âmes du purgatoire, nous ne possédons plus qu’un résumé de ce document Cf. Mariana, cité par Paulus, Zeitschrift fQr katholische Théologie, 1900, t. xxiv. p. 249. Mais une bulle de Sixte IV, du 3 août 1476, nous a été conservée : clic concède à ceux qui contribueront à la réédification de Saint-Pierre de Saintes la remissio plenaria, appli­ cable aux défunts. L’indulgence devait être précitée pendant 10 ans sous le contrôle d’un commissaire apostolique, le cardinal Pcraudi, car la moitié des sommes recueillies devaient être versées ά la Chambre apostolique. Paulus, ibid., p. 149-250. Sixte IV avait dit que l’indulgence accordée pouvait être appliquée aux âmes du purgatoire per modum suffragii; il expli­ qua par deux fois ces termes en déclarant qu’il est erroné de conclure de sa bulle que dorénavant il est Inutile de prier pour les défunts qui seraient libérés ipso facto par l’indulgence qu’elle concède, et que si la faveur octroyée profite de la même manière que les aumônes et les prières, elle n’a pas plus de valeur que celles-ci : indulgentias non plus pro ficere quam eleemo­ synas et orationes. Paulus, loc. cit. Pcraudi enseignait que l’état de grâce n’était pas nécessaire pour la rémission per modum suffragii et que l’aumône suf­ fisait à elle seule : dumtaxat danda est taxa in capsa, rien dans la bulle elle-même ne suggère cette doctrine. En tout cas, la concession elle-même entre de plus en plus dans les mœurs; de 1489à 1490, puis de 1501 à 1503, Pcraudi prêche une indulgence semblable en Allemagne, dans le dessein de réunir des subsides pour la croisade contre les Turcs, et les bulles des jubilés de 1500 et de 1514 la mentionnent également. Cf. de Jonghe, loc. cit., p. 176. Des religieux exagèrent d’ailleurs la portée de ccs faveurs. En 1482, la Sorbonne condamne la propo­ sition qu’une âme s’envole Immédiatement du purga­ toire au ciel, si quis vivorum pro ca sex albos dederit per modum suffragii seu eleemosijnic in reparationem eccle­ sias Sancti Petri Xantonensis (Saintes) : six blancs, ce n’était vraiment pas cher! En 1483, la même Sor­ bonne censure le franciscain Jean Angell, qui enseigne à Tournai que le pape a juridiction sur les Ames du purgatoire. Duplessis d'Argentré, Collectio fudiciorum ae novis erroribus, Paris, 1755, t. i a, p. 305 et 30G. 3. Jnfluence excessive des considérations fiscales dans la concession des indulgences. — Dans l’exposé qui précède nous avons eu à parler sans cesse d’aumônes, de subsides à recueillir. Π faut bien le reconnaître : les considérations d’ordre fiscal passent alors nu premier plan en matière d’indulgences et celles-ci donnent lieu à des trafics souvent regrettables. Le droit de quêter sc loue, même aux enchères, et le plus offrant qui i l’emporte peut être un laïc sans scrupules. Cf. de Jonghe. p. 177. L’exemple vient de haut, car les papes de la Renais- 1G17 INDULGENCES sancc mêlent trop souvent les concessions d’indul- ( gcnces à leurs expédients financiers. « Ils avaient besoin de beaucoup d’argent pour exécuter leurs plans grandioses de protecteurs des sciences et des arts, les indulgences les leur procurèrent pour une notable partie. Plusieurs de ces pontifes songèrent sérieuse­ ment à défendre la chrétienté contre les attaques des Turcs chaque jour plus menaçants, les indulgences fourniraient encore les fonds de guerre. En 1513, monte sur la chaire de Saint-Pierre, Léon X, un des­ cendant des Médicis, les banquiers de Florence; c’était un homme moral, mais en qui s’incarnaient les aspi­ rations mondaines des humanistes. Continuellement Λ court d’argent, il sait sc le procurer aisément, les grands financiers de l’époque, les Fûgger, les Frcscobaldi, lui avancent des sommes importantes garanties par la prédication d’indulgences, par des droits à per­ cevoir à l’occasion de nominations ecclésiastiques, etc. Sous son pontificat le terme < commerce des indul­ gences », dont on a si souvent abusé, n’est pas déplacé.» De Jonghe, loc. cit., p. 183-181. Un exemple significatif de sa façon de faire est < l’indulgence de la digue ». Les digues des Pays-Bas, alors espagnols, exigeaient des réparations coûteuses. Charlcs-Quint s’adressa à Léon X. Celui-ci, le 7 sep­ tembre 1515, accorde < l’indulgence plénière sous la forme la plus générale que peuvent gagner les fidèles qui, en dehors des œuvres habituellement prescrites, donnent une aumône pour la réfection des digues. » De Jonghe, loc. cil., p. 181, d’après une étude du chanoinc B rom, Utrecht, 1911. Le tiers des sommes recueillies devait revenir au pape qui, de fait, toucha 53.155 ducats, le ducat valant 30 francs de notre monnaie. Adrien Dédcl, le précepteur de Charles* Quint et le futur pape Adrien VI, exposa à ce sujet la véritable doctrine sur les indulgences, dans ses Quœstioncs quodlibeticœ, publiées à Louvain, en 1515. François Itr obtenait d’ailleurs les mêmes faveurs que son rival : en 1517, les aumônes indulgenciées de la croisade, qu’il est censé par pure fiction devoir entre­ prendre, sont versées à son profit et il interdit pen­ dant la collecte toutes les autres libéralités en faveur des œuvres pics. Cf. P. Imbart de la Tour, Les origines de la Réforme, Paris, 1909, t. n, p. 264. L’abus était criant, mais il ne faut pas oublier que les indulgences restaient très populaires, que les foules envahissaient les églises lors de leur prédication et que par conséquent ce n'est pas l’instinct des masses qui a inspiré Luther. De plus, la confession toujours exigée avant le gain de l’indulgence était une occasion de rénovation morale, de même que le Jubilé un sym­ bole efficace de l’unité chrétienne. Enfin les res­ sources recueillies servirent souvent à des œuvres d’utilité générale : un auteur qui est loin de faire de l’histoire une apologie perpétuelle, M. P. Imbart de la Tour, l’a prouvé péremptoirement : « Dans la tour­ mente qui a duré plus d’un demi-siècle (la « désolation » de la seconde partie de la guerre de Cent ans), l’Église a eu recours à cette grande idée des œuvres satlsfactolrcs comme au seul moyen capable de restaurer scs œuvres sociales. Elle n’a pas appliqué seulement les dons Λ scs besoins, mais ù ceux de tous travaillé pour elle-même, mais pour le pays; restauré scs monas­ tères ou scs cathédrales, mais les hôtels-dieu, les léproseries, les hospices, tous les asiles de la pauvreté et de la douleur. C’est par l’indulgence encore qu’elle a pu contribuer au progrès économique, telle chaussée ou telle roule, tel pont comme ù Lyon celui du Khône, à Agen celui de la Garonne ont pu être reconstruits... c’est par les indulgences enfin que la papauté a pu organiser le rachat des captifs, libérer, comme en 1515 les grecs prisonniers à Modon, les pèlerins détenus, 1618 à Jérusalem. A leur progression indéfinie, jugez l’apport qu’elles donnent Mais c’est précisément le succès qui va créer l’abus, et À bon droit, les protes­ tations s’élèvent et contre la multiplicité des pardons ou des quêtes et contre les désordres des collecteurs. · Origines de la Réforme, t. n, p, 265. Comme M. Imbart de la Tour, Mgr Paulus signale avec les abus les bienfaits. Il vient de publier une étude spéciale sur la question où il classe les indul­ gences en deux catégories selon qu’elles ont pour but de subvenir aux besoins des églises et des oeuvres do bienfaisance ou de pourvoir à des nécessités d’ordre général et temporel. Il range dans la première catégo­ rie les indulgences relatives : a. à la construction des églises, b. aux hôpitaux, aux établissements de bien­ faisance, aux œuvres de miséricorde et aux écoles, c. à la trêve de Dieu, d. aux croisades. La seconde catégorie lui donne l’occasion de parler:a. de la cons­ truction des ponts, b. de celle des digues et des routes, des ports et des fortifications, des entreprises de colo­ nisation, c. des corporations et des sociétés de secouis mutuels, d. des montes pietatis. Cette simple énumé­ ration a son éloquence. N. Paulus, Der Ablass im Miltclalter als Kulturfactor, Cologne, 1920, in-8* de 70 p. 4. Naissance dune abondante littérature réfutant les erreurs de XViclef et de Jean II us sur les indulgences. — Les erreurs de la pratique n’entraînaient pas cepen­ dant, au moins dans l’enseignement des ma'très, une | déformation de la notion d’indulgence. En réfutant ( les négations de Wiclef et de Hus, négations con­ damnées en particulier par Martin V au concile de Constance, constitution Inter cunctas du 22 février 1418, a. 42 et 26, les contreverslstcs ont soin en général d’insister sur la nécessité du pardon préalable pour l’application des rémissions ecclésiastiques et ils expli­ quent de leur mieux la malencontreuse expression : indulgentia a culpa et a pana, tel le dominicain Koltas à Louvain en 1447, quand il flétrit des quxstores qui leurrent la foule en mêlant le pardon et la remise de la peine, de Jonghe, loc. cit., p. 230, tel Jean von Paltz, confrère de Luther à Erfurt, mais plus âgé que lui, qui n’a pas fait rentrer le sacrement de péni­ tence dans l’indulgence comme l’afllrme le protestant F. Bruger, puisqu’il dit en propres termes : Indul­ gentia est remissio peccatorum quantum ad solam poenam temporalem... virtute indulgentiæ proprie loquendo nullus absolvitur a pana et culpa, sed solum a pana. Cf. de Jonghe, p. 235. Quant à la valeur exacte des indulgences certains docteurs du moins sont très réservés. Vers 1480, Johannes Pfeffer, pariant des indulgences pour les défunts, déclare qu’en ce qui regarde l’acceptation divine, aucun homme n’en sait rien, nisi quis ex speciali revelatione hoc haberet. Cf. Émile Gdilcr, Der Ausbruch, etc., p. 41. Jean Pfeffer de Wittenberg, pro­ fesseur ù Fribourg-cn-Brisgau en 1493), a écrit un Tractatus de materiis diversis indulgentiarum, et. ibid., I p. 14 sq. 5° De Luther à nos jours. - 1. Luther. —Au mois d’août 1514, Albert de Brandebourg, déjà archevêque de Magdvbourg et administrateur du diocèse de Hal­ berstadt, est promu archevêque de Mayence. Léon X lui permet ce cumul moyennant une forte compo­ nende. Pour la payer, ainsi que les droits de pallium pour Mayence, droits très élevés, Albert emprunta 29 000 ducats ù la banque Fûgger d’Augsbourg. L’emprunt put être gagé directement ou indirecte­ ment de la façon suivante. Une bulle de Léon X, du 31 mars 1515, réglait pour une période de 8 ans la prédication d’une indulgence plénière dans les trois diocèses et les domaines du Brandebourg du nouvel archevêque de Mayence. Sans doute, les aumônes 1619 INDULGENCES 1620 ment VII n'impose aucune contribution aux pèlerins qui viennent gagner le jubilé à Rome, ct ailleurs il laisse les fidèles libres dc fixer eux-mêmes la modique aumône qu’on leur demande. En 1547, le concile réuni ù Bologne prépare un décret très sévère contre les qaxs tores qui · font com­ merce avec la parole dc Dieu, » mais le décret ne fut pas publié. Le 4 juin 1561, à Trente, XXI· session; 11 sévit dc nouveau contre ces individus, parce que de eorum emendatione nulla spes amplius relicta videatur, il abolit partout le noinct la charge ct confie la publi­ cation des indulgences à l’ordinaire, assisté dc deux chanoines : il ordonne que les aumônes soient fidèle­ ment recueillies, sans aucune rétribution pour les col­ lecteurs, ut tandem cirlestes hos Ecclesiœ thesauros non ad quxslum sed ad pietatem exerceri, omnes vere intelligant. Les papes collaborèrent avec le concile. En 1562, Pie IV décrète que toutes les concessions seront gra­ tuites, parla bulle Decet romanum pontificem.En 1567, saint Pie V supprime toutes les indulgences-aumônes, bulle, Etsi Dominus, ct le 2 janvier 1569, il excom­ munie ceux qui font commerce des indulgences. Cons­ titution Quam plenum, excommunication maintenue ct par la bulle Apostolicœ sedis ct parle canon 2327 du (Traduction dc M. Christiani). Tel aurait été, au dire dc Codex juris canonici comme simplement réservée au Luther, l'adage favori de Tetzcl ct l'attribution paraît souverain pontife. Enfin, en 1570, le même saint justifiée pour le sens, sinon pour les termes eux-mêmes. Pic V ordonne aux évêques dc détmire les brefs et Dc futurs défenseurs dc l’Église contre le protestan­ lettres des indulgences à componende. Cependant, en décembre 1563, le concile dc Trente, tisme, Jean Eck, Jérôme Eraser, Cochlæus, Georges de Saxe s'émurent dc cette réclame ct de ce marchan­ dans sa XXV· session, avait anathématisé ceux qui dage, mais sans nier les droits du pape. Luther, lui, aut indulgentias inutiles esse asserunt, vel eas conce­ passa du premier coup dc la condamnation des abus dendi in Ecclesia potestatem esse neganl, mais il avait à la négation de la valeur surnaturelle des indulgences. ajouté pravos quastus omnes pro his consequendis, Dans les 95 thèses qu'il fit afficher la veille dc la Tous­ unde plurimorum in Christiana populo abusuum causa saint 1517 à la porte de l’église de Wittenberg, il fluxit, omnino abolendos esse, et il avait signalé ccs insiste surtout sans doute ct en style populaire sur une abus à la vigilance toute spéciale des évêques. fiscalité grâce à laquelle, disait-il, Léon X, plus riche Les quœstorcs sévirent encore quelque temps ici ou que tous les Crésus, construisait Saint-Pierre avec la là après le concile. Λ Gand en 1566-1568, lors dc la peau, la chair ct les os de ses brebis, mais il affirma que quête dc Saint-Antoine, ils promenaient un buste l’indulgence n'est que la remise de la peine canonique grossier du saint, puis recette faite dans la ville ils ct ne vaut qu’au for externe, de Jonghe, p. 338-339, allaient jeter le buste dans le fossé des remparts, les ct que le pape ne peut exempter que des peines qu’il a habitants des faubourgs se battaient pour l’avoir ct lui-même infligées (thèse 5). Cf. Émile Gôller, Dcr jouaient avec ce morceau dc bois «comme le chat joue Ausbruch, p. 7. avec la souris : > finalement les vainqueurs de la joûte allaient quêter à leur tour dans la campagne. Cf. de Le 9 novembre 1519, Léon X condamna les thèses dc Luther. 11 reconnaissait que certains religieux prê­ Jonghe, p. 177. Mais ccs scandales cessèrcntblcntôt. chaient des doctrines inexactes. 11 distinguait entre La fabrication des fausses bulles d’indulgences fut un la remise dc la coulpc par le sacrement ct la remise dc abus plus tenace. Ibid., p. 312 314. la peine temporelle par l’indulgence, entre l’applica­ Clément VIII (1592-1605) établit provisoirement tion de l’indulgence aux vivants per modum abso­ une Congrégation pour les indulgences. Clément IX, lutionis ct son application aux défunts pèr modum par la bulle In ipsis du 6 juillet 1669, créa définiti­ suffragii. Mais il maintenait l’assertion que le pape en vement la S. G. des Indulgences ct des Reliques, chargée accordant des indulgences puise réellement au the­ d’accorder les indulgences, d’en surveiller les conces­ saurus meritorum Jesu Christi et sanctorum. Cf. de sions ct de répondre aux difficultés ct aux questions Jonghe, loc. cit., p. 341. Le texte de la bulle sc trouve s’y rattachant. Voir t. in, col. 1116. Le 8 janvier 1904, dans Kohler, Documente zum Ablasslreit vom 1517, Pic X donna à cette S. C. le même préfet qu’à la S. Tubingue, 1902. C. des Rites tout en lui conservant son organisation D’ailleurs, la question des indulgences devenait dc particulière. Motu proprio : Qua* in Ecclesia. La plus en plus secondaire dans la révolte de Luther. Dc constitution Sapienti consilio dc 29 juin 1908 l'a l’aveu même dc celui-ci, elle n’avait été que l’occasion supprimée, en donnant ses attributions relatives aux de la crise. Le réformateur écrivait en effet à Tetzcl indulgences au Saint-Office ct celles relatives aux mourant, en août 1519, dc n’avoir pas dc trouble, < car reliques à la S. C. des Rites. Le Motu proprio : AlloFoliaire n’avait pas commencé à cause dc lui, mais quentes a maintenu cette atttribution. Le canon 258 §2 du Code, a confié, en 1917, l’administration des l'enfant avait un autre père. > Cf. N. Paulus, Johannes indulgences à la Pénitcnccrlc. Tetzcl, p. 81. En 1882, ont paru à Ratlsbonne les Decreta authen­ 2. Après Luther. — Après l'éclat de Wittenberg, Rome s’employa surtout à réglementer la concession tica S. C. Indulgentiis sacrisque reliquiis priepostdes indulgences, sans pourtant en entraver le dévelop­ tx ab anno 1663 ad annum 1883,edita jussu et aucto­ pement, en sc prêtant même à rendre leur acquisition ritate SS. D. N. Ixonis E. XIII. On tient également pour authentique la Ilaccolla di orazioni e pie opere de plus en plus facile. a) Contrôle. — Le successeur dc Léon X, Adrien VI, publiée par la Propagande en 1886 Au xvni· ct au n’accorda quv très peu d’indulgences. En 1515, Clé­ xix· siècle, la Secrétaircric des brefs accordait des Indulgendées étaient destinées en principe à la cons­ truction de Saint-Pierre de Rome, sans doute aussi, l’empereur Maximilien, qui n’autorisa la prédication que pour 5 ans, exigea une contribution annuelle en faveur dc l’église Saint-Jacques d’Inspruck, mais un bref du 14 février 1516 laissait la moitié des sommes per­ çues ou à percevoir à Albert dc Brandebourg. Le dominicain Jean Tetzcl commença la prédication de l’indulgence ainsi accordée, en janvier 1517. Il affir­ mait bien la nécessité de la confession préalable quand il s’agissait de mériter cette faveur pour les vivants, d’une façon générale il admettait le remplacement de l’aumône par des prières ct des jeûnes quand la pau­ vreté empêchait l’oblation prescrite. Mais quand il parlait de l’application dc l'indulgence aux défunts il proclamait comme une vérité incontestée que l’état dc grâce n’était pas requis Cette assertion sans nuances l’amena à s’exprimer comme si la contribu­ tion pécuniaire était tout ct avait une efficacité infail­ lible. Sobaid das Geld im Hasten klingt. Die Seclc aus dem Fcgfcucr springtl A peine dans ce tronc est tombée une obole Du purgatoire une âme au paradis s’envole. 1621 INDULGENCES Indulgences authentiquées d'ailleurs par le secrétaire dc la S. C. des Indulgences ct des Reliques. Décret dc la S. C. en date du 28 Janvier 1756, renouvelé par Pic IX, le 11 avril 1856. ' b) Concessions. — Mais en même temps qu’il régle­ mentait la discipline des indulgences le Saint-Siège ( continuait scs concessions dc telle sorte que, dc nos jours, il n’existe aucune dévotion, aucune œuvre do quelque importance qui ne soit indulgencléc. Depuis Paul II, les jubilés sc sont succédés réguliè­ rement tous les 25 ans. Λ propos dc celui dc 1750, Benoit XIV donna des Instructions détaillées qui étalent si sages qu’elles sont encore presque toutes en vigueur de nos jours. Λ l’occasion d’anniversaires ou d’événements notables, les souverains pontifes accor­ dent des jubilés extraordinaires, ainsi Léon XIII en 1881 ct 1886, Pic X en 1904, Benoit XV en 1921 ( Paray-le-Monlal), etc. Le pèlerinage de Palestine a toujours été encouragé parles papes. Pic IV, le 17 juillet 1561, concéda à nou­ veau toutes les indulgences accordées par ses prédéces­ seurs aux pèlerins visitant le Saint-Sépulcre, les églises, monastères ct hôpitaux dc Terre sainte, en suppléant à tous les défauts le droit ct dc fait des anciens pri­ vilèges. Mais encore faut-il que ces anciens privilèges aient réellement existe. Cf. Canoniste contemporain, 1914, p. 650, traduction d’un article dc Mgr N. Paulus. En tout cas, Sixte V, en 1588, concéda une indulgence plénière pour la visite du Saint-Sépulcre ct une autre pour celle du Calvaire, la première fut renouvelée en 1681 par Innocent X. Bien plus, le même Inno­ cent X, en 1686, accorda aux franciscains de l’obser­ vance ct aux membres des confréries érigées dans leurs églises la faveur dc gagner, en y faisant le chemin dc la croix, les indulgences attachées aux parcours de la Via crucis à Jérusalem. Cette faveur fut étendue par Benoît XIII, en 1726, à tous les fidèles faisant le che­ min dc la croix dans une église franciscaine, puis, eni 1731, attachée par Clément XII à tout chemin dc• croix érigé par les franciscains dans n'importe quellei église. Des avertissements de la S. C. des Indulgences,( parus la même année 1731, fixèrent définitivement sur ce point la discipline ecclésiastique, puisqu’ils sontL encore en vigueur. Ajoutons à ces indulgences celles du rosaire, des> scapulaires, dc l’autel privilégié, dc la bénédictioni apostolique ct tant d’autres qu’il serait fastidieux: d’énumérer et dont on trouvera la liste dans BeringerHilgcrs, Les indulgences, trad, franç., par l’abbé Mazoycr. IV. Théorie et pilatique actuelles. — 1· Théo­ rie. - - 1. Certitudes. — Deux vérités ont été définiess par l’Église en fait d’indulgences : a) son pouvoir dce les accorder, b) leur utilité pour les fidèles. C’est uni canon dogmatique du concile de Trente qui leur a1 donné cette certitude définitive : Saerosoneta synoduss indulgentiarum usum christiano populo maxime salu­ tarem ct sacrorum conciliorum auctoritate probatum1 in Ecclesia retinendum esse docet et praecipit, cosque? anathemate damnat qut aut inutiles esse asserunt, vel easr concedendi in Ecclesia potestatem esse negant. Sess. XX,, Decretum de indulgentiis. Le principe du pouvoir dc rémission dc l’Église eni matière pcnitentlcllc a toujours été affirmé : l’histo­ rique qui précède en est la preuve surabondante. Sur• la doctrine dc Bellamiin, voir t. n, col. 578-579, ct; J. dc laServière, La théologie de Bcllarmin, Paris, 1909,, p. 472-491. Quant à l’utilité des indulgences, elle résulte dc ce que les apôtres ct leurs successeurs ont été établis par N.-S. intermédiaires entre Dieu ct les pécheurs par la collation du pouvoir de lier ct dc délier, que cette médiation étant affirmée en termes très généraux doit 1622 s’étendre du pardon à la réparation elle-même et qu’en résumé Dieu ne peut pas ne pas ratifier dans une certaine mesure les actes dc l’autorité établie par lui. Par conséquent, l’indulgence n’est pas une nuda remissio pcenæ canonicie comme le prétendaient les jansénistes du concile de Pistole, condamnés par Pic VI en 1794. Cf. Denzinger-Bannwart, Enchiri­ dion, n. 1540-1543; F. Cavalier», Thesaurus dodrinæ catholica·, 1920, n. 1272. 2. Incertitudes. — Voilà ce qui est certain, mais quand on veut déterminer la valeur précise des indul­ gences, on entre dans le domaine de l’inconnu. Le tarif pénltentlel, d’après lequel on les concède, n’est f plus qu’un souvenir historique : en fait, les personnes qui gagnent aujourd’hui le plus d’indulgences sont celles qui autrefois auraient eu le moins de pénitences canoniques à accomplir, si même on avait pu leur en Imposer. Puis, même au temps où U était en vigueur, ce tarif était-il adopté tel quel par Dieu? que pouvaitil même signifier exactement en passant de ce monde à l’au-delà, du temps à féternel? Correspondait-Il à des satisfactions, toujours égales quand elles avaient eu des durees semblables, ou la réparation n'était-elle pas proportionnelle au zèle de chacun? les œuvres qu'on accomplissait en remplacement des peines < imposées avaient-elles toujours la même efficacité réparatrice, même quand elles étalent accomplies par ■ des pénitents de ferveurs très dissemblables? Examinons en particulier le cas des âmes pieuses qui gagnent des centaines ct à la longue des milliers d’années d’indulgence, comptées d’après des années de pénitence canonique qu’on n’aurait pas pu leur impo­ ser jadis. Il y a là un surplus énorme: que représente-t-il au juste? Une réserve où l’on pourrait puiser pour réparer les fautes à venir, pensent un assez grand nombre de fidèles. Cette conception est inadmissible, parce que l’indulgence est la remise de la peine du péché déjà pardonné ct non pas du péché qui sera à pardonner. Mais, insistent les manuels dc dévotion, le gain d’une indulgence est si difficile que, pour être sûr de la gagner, il faut s’efforcer d’acquérir beaucoup plus, viser bien au-delà du but étant ici le meilleur moyen dc l’atteindre. Nous demandons sur quels documents officiels sc base cette doctrine? L’Église n’a jamais entendu dans sa sollicitude maternelle imposer ou même recommander des œuvres qui ne seraient pas humainement réalisables. Par ailleurs les théologiens enseignent que par la contrition parfaite on peut arri­ ver normalement, en dehors dc tout moyen extraordi­ naire, au pardon des fautes mortelles, la contrition imparfaite, encore plus facilement réalisable, effaçant les fautes vénielles. Pourquoi serait-il beaucoup plus I onéreux d’obtenir la remise dc la peine que celle dc J la coulpe? Enfin, quand on gagne des Indulgences par voie de suffrage pour les morts, l’incertitude augmente ct devient en quelque sorte du second degré. On n’est plus id sur le domaine dc la justice pure ct simple comme, lorsqu’ucquérant une indulgence en faveur des vivants, on satisfait pour soi-mêmect parce qu’on le doit; on agit sur d’autres Ames que la sienne par le < suffrage» qu’on offre à Dieu à leur intention. Déjà incertain en ce qui nous concerne, le tarif pénltentlel est appliqué à la réalité d’outre-tombe qui est pour nous le mystère presqu’absolu. C’est pourquoi l’Église ct beaucoup dc scs docteurs ont été très réservés sur la valeur aux yeux dc Dieu des indulgences ou des anciennes remises de pénitence : cette valeur est loin d’être nulle, car la vio tout entière dc la sodété fondée par lui vaut aux yeux dcce Dieu, mais elle n’est pas humainement déterminable. On peut même dire qu’une telle réserve est vraiment tra- 1623 INDULGENCES ditionnelle : la preuve en est dans les textes que nous avons cités de saint Cyprien, de Robert de Courçon, des confesstonalta, de la bulle de Sixte IV relative aux indulgences pour les morts ct de Jean Pfeffer. On peut y ajouter la réponse suivante de la S.C. des Indul­ gences : Per indulgentiam altari prioilcgiato adnexam it spectetur mens concedentis el un n’est pas obligé de recevoir d’absolution. Cf. GenicotSalsmans, loc. cit., p. 370. Cette exigence est un sou­ venir du lien beaucoup plus étroit que de nos jours qui existait jadis entre la pénitence et l’indulgence. Λ fortiori, devrait-on sc confesser si on croyait avoir eu la contrition parfaite depuis sa dernière faute. Pour la confession, on peut résumer ainsi le canon 931, soit la confession 8 jours avant ou après, soit ' l’habitude de la confession deux fois par mois, habi­ tude compatible avec une omission accidentelle répond à l’obligation de sc confesser quand celle-ci est Imposée. Pour la communion, la règle est un peu plus stricte : 11 faut communier la veille du jour fixé ou dans les huit jours qui suivent ou bien avoir l’habi­ tude de la communion quotidienne, la manquût-on une ou deux fois par semaine. Il ne s’agit ni de com­ munions sacrilèges, ni de communions de routine sans dispositions droites et pieuses. Le délai de 8 jours pour la confession ou la communion ne part que de la fin des exercices, quand il s’agit de triduum, d’octave, etc. On remarquera que la communion quotidienne, même sans habitude de la confession de quinzaine, exempte de la confession actuelle, car le § 3 dit : ceux qui sc confessent deux fois par mois, ou bien qui com­ munient... C’est par étapes qu’on est arrivé à la discipline fixée par le canon 931; décret du 19 mai 1759 : la confession faite la veille de la fête suffit; décret du 9 décembre 1763, de la S. C. des Indulgences : l’habitude de la confession hebdomadaire suffit; décret du 12 juin 1822 : la communion de la veille suffit; décret du 6 octobre 1870 : cette communion suffit, même pour les indulgences fixées ù un jour naturel de minuit à minuit; décret du li février 1906 : la confession heb­ domadaire n’est plus requise si on communie tous les jours; decret du 11 mars 1908 : Il est pennis de sc con­ fesser 3 jours avant s’il s’agit d’une Indulgence qu’on peut gagner plusieurs fols dans la même Journée ct 2 Jours avant si l’indulgence ne peut sc gagner qu’une fois dans la même journée; décret du Saint-Office, du 23 avril 191 i : la confession huit jours avant le Jour où l’on gagne l’indulgejicc suffit. Enfin des induits avaient accordé à de nombreux diocèses le privilège de la confession de chaque quinzaine. En sorte Correspondant à une faveur, l’œuvre prescrite doit être surérogatoire. Il y a cependant des exceptions. Benoît XIV signale le cas où le Jeûne prescrit sc con fond avec celui des quatre-temps, const. Inter prie(critas, § 53, 3 décembre 1749, où la question tranchée par le canon 932 est étudiée tout au long; un décret de la S. C. des Indulgences, en date du 16 mars 1841, décide que la confession et la communion faites le jour de Pâques pour satisfaire au précepte pourront servir à gagner Γ Indulgence plénière attachée Λ la bénédic­ tion pontificale. Cette décision reste en vigueur, le jubilé toujours excepté. Cf. Génicot-Salsmans, t. n, p. 369. Quant à la possibilité de gagner des indulgences en faisant la pénitence sacramentelle,elle a été affirmée dès avant Je Code, le 14 juin 1901. Cf. Canoniste con­ temporain, 1901, p. 916. Cette assertion est des plus logiques, puisque la pénitence sacramentelle procure la remise de la peine temporelle due au péché déjà pardonné,|tout comme l’indulgence cllc-mémc. Par contre, le bréviaire ne fait pas exception et un prêtre ne peut pas gagner d’indulgence en le récitant : la S. C. des Indulgences l’a déclaré explicitement, le 29 mai 1811. Can. 933. Uni cldcmquc rd vol loco plurcs ex variis titulis ndnecti possunt indulgcntiæ; sed uno codcmquc opéré, cui ex variis titulis indulgcntiæ ndncxæ slnt, non possunt plurcs ncquiri indulgcntiæ, nisi opus requisitum sit con­ fessio ct communio, aut nisi aliud expresso cautum fuerit. Autre chose est d’attacher plusieurs indulgences à un même objet ou Λ un même lieu pourvu que ce soit ù divers titres, autre chose est de pouvoir gagner ces indulgences par une seule œuvre. Ce n’est que cette seconde possibilité qui est exclue en principe. L’excep­ tion de la confession avait déjà été posée par une réponse du 12 janvier 1878, ad 3“™, in Gcnevcn, qui l’étendait même à toutes les œuvres qu’on ne peut pas ou qu’on n’a pas l’habitude de renouveler (sousentendu : le même Jour). Évidemment le souverain pontife reste libre d’ajouter d’autres exceptions à celle de la confession ct de la communion, d'où la clause : aut nisi aliud cautum luerit. Quant au cumul des concessions le principe en avait déjà été proclamé par un décret, Urbis ct Orbis de la S. C. des Indulgences, du 29 février 1820. L’ordre des œuvres prescrites est, sauf précision contraire, Indifférent ct il suffit que l’état de grâce toujours requis, au moins quand il s’agit des indul­ gences pour les vivants, sc trouve réalisé ù la fin de leur accomplissement. Cf. can. 925 : Saltern in fine operum. j Cnn. 934. § 1. Si rui lucrandas indulgent Ins orntlo In genere nd mentem summi pontificis praescribatur, mentalis tantum oratio non sufficit, orntlo nutem vocalis poterit arbitrio fidelium deligi, ni*i peculiaris tdlqun assignetur. $ 2. SI peculiaris orntlo assignata fuerit, indulgcntiæ acquiri possunt quocumque idlomnto oratio recitetur, dummodo On assure que notre texte est Ignoré par saint Irénée, qui cite la confession de Pierre et la louange de Notre-Seigneur sans rien dire de la primauté pro­ mise à Pierre. Cont. Iurr.9 1. III» c. xvm, 4, P. G., t. vn; col. 934. Omission qui resterait certainement Incompréhensible si la promesse avait été, à cette époque, Insérée dans le texte de saint Matthieu. — Réponse. — a. Il est vrai que le saint docteur cite seulement du passage de saint Matthieu, la confes­ sion de la divinité de Jésus-Christ très explicitement faite par saint Pierre et la louange non moins explicite donnée à Pierre par Notre-Seigneur, ct qu’après cette double indication Irénée mentionne immédiatement le blâme donné à Pierre par Notre-Seigneur qu v erset 23 du même c. xvi, blâme motiv é par le juge­ ment trop humain de Pierre, qui voulait s’opposer à l'accomplissement de la passion ct de la mort de Notre-Seigneur. — b. De cette omission de la pro­ messe faite à saint Pierre, on ne peut conclure que cette promesse était ignorée de saint Irénée, car il est manifeste, d’après le contexte, que les parties citées du texte évangélique conviennent bien ù la thèse défendue dans cc chapitre par le saint docteur, tandis que les paroles de la promesse n’av aient aucune raison d'y trouver place. En eflet, dans cc chapitre, l'évêque de Lyon prouve contre les gnostiques, qui v oulaient voir dans Notrv-Scigneur deux personnages, J ésus ct le Christ, voir Docètes, 1.1v,coL 1493 sq., que l’on ne doit point diviser Notre-Seigneur, ct que c’est la même personne du Verbe qui est vraiment Fils de Dieu ct qui s’est faite homme. A l’appui de qbtte assertion, plusieurs textes scripturaires viennent attester, en l'unique personne de Jésus-Christ, la possession des deux natures. Parmi ccs textes Irénée cite, comme venant ù son but, la confession de Pierre, Mat th., χνι, 16, avec la louange du divin Maître, 17, comme attestant la divinité de Jésus-Christ, ct l’an­ nonce de la passion et de la crucifixion de Jésus» Matth., χνι, 21, comme attestant son humanité. Avec cc lien logique qui cadre si bien avec la thèse d*Irénée, comment pourrait-on ne pas trouver na­ turel le passage d’un texte ù l’autre, sans mention aucune de cc qui est contenu dans les versets inter­ médiaires, ct qui ne venait pas ù la thèse? 11 n’y a donc aucune raison d’allirmer que la primauté promise ù Pierre ct mentionnée par saint Matthieu dans les versets intermédiaires, était ignorée d’irénée. e) On objecte encore que le texte actuel, Matth., xvi, 18, ne devait pas être en entier dans les manu­ scrits lus par Eusèbe deCèsarée ct par saint Epiphane. Car, dans plusieurs textes de ces deux auteurs, la parole de Notre-Seigneur est ainsi rapportée : Sur 1643 INFAILLIBILITÉ DU PAPE la pierre Je bâtirai mon Église cl les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. On cite d’Eusèbe de Cesarée, De laudibus Constantini, xvn, P. G., t. xx, col. 1133; Præpar. evangel., i, 3, P. G., t. xxi, col. 35; Comment. in ps. xvn, 15 sq.; Z/JT, 11 ; ZX»7Z, 31 sq., P. G., t. xxin, col. 173, 572, 720; Comment, in Is., χχνπτ, 16; xxxnr,20; xux, 16, P. G., t. xxiv,col. 292, 329,437.OncltcégaIcmcnt dc saint Éplphanc ccs trois passages, Hær., xxx, 21; lvt, 3; lxx, 11, P. G., t. xij, col. 415, 993; t. xui, col. 773. — Réponse. — a. Il est certain que le texte, dans son intégrité, est cité par ces deux auteurs dans plusieurs passages où ils curent à parler dc saint Pierre lui-même, comme on peut le constater dans deux textes très explicites d'Eusèbe dcCés.uic, De resurrectione,G.,l.xxiv,col. 1111 ; Demonstr. coang., m, 5, P. G., t. xxn, col. 216 sq.; ct dans deux passages non moins formels de saint Epi­ phane, //«τ.,υχ.7,Ρ. G.,t.xu,col. 1029; Ancoratus,ix, P. G., L xi.m, col. 33. — b. Quant aux passages cités où une partie seulement du texte scripturaire est reproduite, on constatera facilement, en lisant le contexte, que la citation intégrale do la phrase scrip­ turaire n’entrait point dans le plan de ccs auteurs, qui voulaient parler seulement, d’une manière géné­ rale, de la perpétuité de l’Églisc, comme dans presque tous les textes cités d’Eusèbe ct dans saint Éplphanc, J/rr.,xxx,24,P.G., L xu,col. 145, ou delà perpétuité dc la fol chrétienne ou de la doctrine prêchée par Jésus-Christ. Eusèbo dc Césarée, Comment. in ps. z.x yH, 31 sq., P. G., t. xxiii, col. 720; S. Éplphanc, t Hær., i.vt, 3; lxx, 11, P. G., t. xu, col. 993; t. xm, col. 773. On conçoit dès lors qu’avec cc but déterminé, et très manifeste d’après le contexte,ces auteurs aient reproduit, dans ces passages, seulement la partie du texte scripturaire concernant immédiatement la per­ pétuité dc l’Églisc ou celle dc la foi chrétienne, en omettant pour le moment cc qui concernait particu­ lièrement saint Pierre, dont ils ont parlé explicitement ailleurs, mais dont rien ne suggérait ici une mention directe. f) On objecte enfin qu’une traduction arménienne qui nous reste du commentaire de saint Éphrem sur le Dialessaron dc Tatien donne, comme réponse dc Notre-Seigneur à saint Pierre, ccs seules paroles : Beatus es Simon. Et portæ infert te non vincent. Evan· getii concordantis expositio facta a S. Ephrem, Venise, 1876, p. 153. Ce texte reproduisant, il y a tout lieu dc le croire, le texte même de Tatien, on est autorisé à conclure que l’ouvrage dc Tatien contenait lus mêmes omissions; conséquemment (pie, vers 170, à l'époque où il fut composé, les paroles omises par saint Éphrem ne sc lisaient*pas encore dans le récit évan­ gélique· — Réponse. — a. On doit tout d’abord noter que, dans d’autres ouvrages certainement autlicn- ! tiques ou saint Éphrem a eu l’occasion do parler di­ rectement de salut Pierre, il y a des allusions très évidentes à Matth., xvi, 18, qui montrent qu’à ccttc époque l’auteur lisait le même texte scripturaire que nous lisons aujourd’hui. Nous citerons comme très explicites les quatre passages suivants : Serm., îv, in hebdomad. sanctam, l, Hymni cl sermones, édit. Lamy, Malines, 1382-1902, t. î, col. 412; Comment, in h., lxu, 2, t. n. col. 18G; Hymni dispersi, n, 7, 12, t. îv, col. 686, 688. Or, il est certain que saint Éphrem n’a pas connu ks Évangiles séparés et n’a jamais cité que le Dialessarvn de Tatien. J. Sch.ifcr, Evangelicnci laie in Ephrums des Syrers Kommeniar su den Paulinischen Schriftcn, l'ribourg-cn-Brisgau, 1917. Si donc il n cité les parties du texte de saint Matthieu, xvi, 17-19, qui manquent dans son Expositio, c’est qu’il les trouvait dans Je Diatessaron de Tatien. Ainsi le texte complet dc cc passage se lisait dans l'ouvrage de Tatien et par suite nous pouvons conclure à son existence au 1644 siècle ct à son authenticité. Cf. J. Slckenberger, Eine neueDeulungder Primatstelte(Malt.9 x >7,1S), dans Theologische Revue, 1920, col. 2-4. — b. Quant au passage cité de 1 'Expositio, i l contient, outre les phrases indiquées, deux allusions très manifestes aux paroles Tu es Petrus ct super hanc petram ivdificabo Ecclesiam meam. Dans la phrase qui suit presque immédiate­ ment la citation Beatus es Simon. El portes infert te non vincent, Éphrem parlcde l’Églisc bâl le par NotreSeigneur sur un fondement solide : Dominus cum Ecclesiam suam redifleuret, adifteavit turrim cujus fundamenta omnia qiuc erant superaedificanda portare possent. Et un peu plus loin il s’adresse à Pierre en ccs termes : Tu es petra, illa petra quam erexit, ut Satanas in eam offenderet. Loc. cit. — c. On sait d’ail­ leurs que le but dcsainl Éphrem, dans cette Expositio, n’est point de rapporter intégralement tous les textes scripturaires, mais seulement dc donner un bref commentaire de l’Évangilc considéré dans son en­ semble, en harmonisant les récits des quatre évangé­ listes selon l’ordre dc Talion. Op.cit., préface du tra­ ducteur, vnr. g) Conclusion. — Puisque les arguments critiques par lesquels on a voulu combattre l’authenticité dc la promesse dc Notre Seigneur, Matth.,xvi, 18, n’ont aucun fondement, et que d'ailleurs ce texte, ainsi que nous le montrerons bientôt, a toujours été reconnu par la tradition catholique comme contenant rensei­ gnement de Noire-Seigneur, on peut, en toute sécu­ rité, conclure ù sa parfaite authenticité. 2. Enseignement contenu dans cc texte relativement d la primauté perpétuelle de Pierre, considérée d'une manière générale. — Les critiques non catholiques qui admettent l’aulhcntlclté du Tu es Petrus sc sont toujours efforcés de combattre l’interprétation donnée par les théologiens catholiques. Au xvi· siècle, l’on soutenait habituellement que le super hanc petram devait s’entendre de Noire-Seigneur, fondement unique auquel il n’est point permis d'en substituor un autre; ou de la foi chrétienne symbolisée par la confession de Pierre. Calvin, Institution dc la religion chrétienne, I. IV, c. vi, G, Genève, 1561, p. 373; voir aussi les citations de Luther ct des cenluriateurs de Magdebourg faites par Hellarmin, Dc romano pontifice, · J. Le. x. Ces positions ayant été depuis lors à peu près uni­ versellement reconnues comme Intenables, ceux qui veulent maintenir l'aulhenticilé du texte, ont recours ù une autre interprétation. C’est vraiment ù Pierre que Notre-Seigneur a adressé ccs paroles. Mais par là il q seulement voulu lui conférer un privilège personnel ct temporaire, celui dc symboliser en quelque sorte l’unité de l’Église, bien qu’en réalité il fût, en tout, égal aux autres apôtres. Pierre exerça notamment cc pri­ vilège en prêchant le premier la foi aux juifs ct aux gentils ct en admettant le premier les gentils dans l’Église. Voir particuliérement Gore, Roman catholic daims, Londres, 1909, p. 83 sq.; Hall, Authority ecclesiastical and biblical, New York, 1908, p. 161 sq.; Hastings, Dictionary of the Bible, Edimbourg, 1900, t. ni, col. 759. Contre ces Interpretations si opposées au texte évangélique nous avons ù montrer que l’enseignement contenu dans le texte comprend ces deux assertions: Pierre est le seul bénéficiaire Immédiat de la promesse de Notre-Seigneur; Pierre en vertu de cette promesse doit avoir, sur toute l'Église, une véritable ct perpé­ tuelle primauté de juridiction comportant la plénitude du pouvoir. a) Pierre est le seul bénéficiaire immédiat de la pro­ messe de Notre Seigneur. — Car c’est lui qui est seul désigné par toutes les expressions qui peuvent le mettre en évidence. Il est d< lj né sou·* le nom qu’il ii* 16 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1646 Jésus, ayant donné presque tous scs noms Λ ses apô­ tres, a donné aussi son nom de petra (Petra autem erat Christus, I Cor., x, 4) Λ son disciple, ut et ipse sit Petrus, quod de petra hubcat soliditatem constantly, fidet firmi· latem. Expos. Evung. see. Lucam, 1. VI, n. 97, P. L., t. xv, coi. 1691. 11 est manifeste qu’il n’y a ici qu’une allusion nu texte super hanc petram et que la pensée de saint Ambroise doit plutôt être recherchée dans deux passages où, visant expressément cc même texte, Il alfinne formellement que Pierre est la pierre sur laquelle, en vertu de la promesse de Jésus, l'Église repose. De fide, 1. IV, c. v, n. 22, P. L., t. xvî, col. G28; In ps. XL, n. 30, P. L., t. xrv, col. 1082. On peut voir aussi, dans le même sens, une allusion assez évidente dans De virginitate, c. xxn, n. 105, P. L., t. xm, col. 292. On constate d’ailleurs aisément qu’en s’en tenant strictement au texte cité, l’appellation petra est Implicitement attribuée à Pierre par le fait que, selon l’expression d'Ambroise, Jésus donne à son disciple son nom de petra. Un peu plus lard que saint Ambroise, ct sans qu’on puisse établir aucune dépendance de l’un à l’autre, saint Jérôme, en commentant le texte Tu es Petrus, affirme que Pierre a cru in petram Christum; mais il ajoute expressément que Jésus a donné à Simon le nom dc Pierre ct que, selon ccttc métaphore, Jésus lui dit avec venté : vdificabo Ecclrsium meam super te. Comment, in Evang. Matthad,P. L.. t. xxvj, col. 117. JérômcalUrmecncorcaiUcursquerÉglisccstbâtiesuprr illam petram, c’est-à-dire sur l'autorité de Pierre ct de ses successeurs· Epid., xv, n. 2, P. L., t. xxn. col. 355. Presque au même moment saint Augustin affirme aussi que Jésus, confessé parCêplms, est la pierre sur la­ quelle l'Église c>t const ruite. Joad^vang.,lr. CXX1V, c. xxi, P. L., L xxxv, col. 1971: Serm., lxxvi, n. 1, P. L., t. xxxvm. col. 419. Mais il ne veut aucunement exclure Pierre comme fondement, puisque celui-ci est proclame ailleurs la pierre sur laquelle l’Églisc est construite. Enarr. in ps. XXX, n. 5; XLIX, η. I, P. L., t. xxxvi, col. 212, 8G9. D’ailleurs, dans ses Retracta­ tiones, le saint docteur, après avoir cité ccs deux interprétations, données précédemment par lui, n’en réprouve aucune : Harum autem duarum sententiarum ( quit sil probabilior, eligat lector. L. 1, c. xxi, P. L., t. xxxn, col. G18. On observera aussi que l’unique argument apporte par Augustin en faveur de l'inter­ prétation super hanc petram Christum, que Jésus n'a pas dit tu es petra sed tu es Petrus, manque dc valeur, puisque, dans le langage nraméen parlé par Jésus, le mot est le même. Quant aux textes pntristlqucs où super hanc petram reçoit une interprétation morale dont l’application est faite à toute âme chrétienne, Origène, Comment, in Matth., t. xn, n. 10, P. G., t. xm, col. 997; S. Am­ broise, Expos. Evang. sec. Lucam, 1. VI, n. 98, P. L., t xv,col. 1694, il est évident que,par une telle applica­ tion morale, on ne veut porter aucune atteinte ù l’inteipretalion première et véritable, qui est explici­ tement reconnue dans d'autres circonstances. Origène, Di Exod., homil. v,n. 4, P. G., t. xn, col. 329; S. Am­ broise, De fide, 1. IV, c. v» n. 22, P. L., t. xvi, col. G28; Dc virginitate, c. xvi, n. 105. ibid., col. 292; In ps. XL, n. 30, P. L., t. xi\, col. 1082. c. On ne peut non plus objecter les textes dc quel­ ques Pères Interpretant super hanc petram de la confes­ sion de Pierre. Car, comme nous le constaterons en étudiant la tradition du iv· et du v· siècle, ù l’article Pape, ers passages où In confession de Pierre est, par une sorte d’application accummodatice, indiquée comme étant la pierre solide sur laquelle l'Église est bâtie, n'infirment aucunement les textes très formels où ces mêmes Pères entendent super hunc petram de Pierre fondement de l’Église. — n porté jusqu'alors, Simon, fils de Jean, ct sous le nom nouveau que Notre-Seigneur lui donne ct qui indique sa charge nouvelle, Céphas, Pierre. Et dans les phrases suivantes le pronom tu, tibl, est répété plusieurs fois avec insistance comme pour écarter toute possibilité d’erreur. C’est encore cc que signifie l’expression super hanc petram, qu! ne peut s’entendre que de la personne de Pierre établi comme fondement dc l’Église, dépendamment de Notre-Seigneur. Car le pronom hune, bien qu’il puisse parfois se rapporter Λ un substantif plus éloigné quand celui-ci est le sujet principal du discours, doit manifestement sc rapporter ici à Simon Pierre, qui est l’objet principal de la pensée dc NotreSeigneur. D’ailleurs, dans la langue nraméenne, dont les juifs sc servaient alors habituellement et dont NotreSeigneur dut aussi se servir Je mê me mot Cephas, signi­ fiant rocher ou pierre, désigne ù la fois la personne dc Pierre et le rocher. D’où nécessité rigoureuse d’iden­ tifier les deux, bien que, selon l’usage des grecs ct des latins, il y ait deux mots pour les désigner. Cette designation résulte encore dc tout le contexte. Car la parole de Notre-Seigneur est une. réponse ma­ nifeste ù celle de Pierre, et ego dico libi. Comme lu as confessé ma divinité, que mon Père t’a révélée, je t’établirai, en récompense, le fondement ou le chef dc l’Églisc. D’ailleurs, on ne peut reconnaître aucune valeur aux arguments cités en faveur d'une Interprétation excluant Pierre comme seul bénéficiaire de la promesse de Notre-Seigneur. a. Un ne peut s’appuyer sur cc que tous les apôtres, d’après deux passages dc saint Matthieu, xvm, 18; xxvin, 30, ont reçu les mêmes pouvoirs. Car dans ccs deux passages il s’agit des apôtres unis & Pierre· Les pouvoirs qui leur sont promis ou conférés ne le sont donc point de manière ù détruire la promesse faite auparavant ù Pierre. En d’autres termes, ces pouvoirs ne sont point promis ou donnés indépendamment de Pierre. C’est ce qu’enseignait déjà Innocent 111 dans une lettre au patriarche de Constantinople: Quad si omnibus etiam apostolis simul diclumesse repertas, non (amen aliis sine ipso, sed ipsi sine aliis attributam esse cognosces ligandi et solvendi a Domino facultatem, ut quod non alii sine ipso, ipse sine aliis posset ex privi­ legio sibi colluto a Domino et concessa plenitudine potestatis. Epist.,ccxix, P. L., t. ccxiv, coi.760· C’est aussi cc que soutenait au concile du Vatican, dans la discussion conciliaire, le rapporteur de la commission dc la fol, Mgr d’Avanzo. Collectio Lacens is, t. vu, col. 320 sq. Et c’est renseignement formel de Leon NI 11, dans l’encyclique Salis cognitum du 29 juin 1896 : Sane elaves regni artorum uni creditas Petro item ligandi sotvcndiguc potestatem apostolis suis cum Petro collatum same Ulterie testantur, at vero summam potes­ tatem sine Petro et contra Petrum unde apostoli acce­ perint nunquam esse testatam. b. On ne peut non plus s’appuyer sur aucun texte des Pères pour soutenir que super hanc petram doit être interprété seulement dc Notre-Seigneur ù l’ex­ clusion de Pierre. Car, comme on le montrera ù l’ar­ ticle Pape, les textes que l’on cite ne sont point opposés Λ l'interprétation traditionnelle d’ailleurs expressément affirmée dans d’autres passages par ccs mêmes Pères. En attendant cette démonstration il suffira, pour le moment, de montreriei, par l’analyse des principaux Pères cités en cette matière, quelle est leur véritable pensée. Nous citerons particulièrement saint Ambroise, saint Jérôme et saint Augustin· Saint Ambjoise, expliquant Luc, ix, 20, où est sim­ plement rappariée la confession dc la divinité de Jésus par saint Pierre, remarque incidemment que 4 16i7 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1648 Pour le moment, quelques indications suffiront rela­ comme quand il appelle Pierre, la pierre Infrangible, tivement aux textes plus souvent cités de saint I filairc, le rocher immuable. De clecmosijma, homil.m,·!,/*. G., de saint Épiphanc ct do saint Jean Chn sostorne. t. xux, col. 208; la colonne de l’Églisc, l’appui de la Saint HUs ire de Poitiers (f 366) affirme, dans deux Îd, le fondement de la confession de la foi. Homilia passages du De Trinitate, que l’Églisc a été bâtie sur e fide, I. IV, 50, P. L., t. xvi,col. 628; Expos. Ei ang. sec. Lucam, 1. IV, 10; I. VI, 97, col. 1633,1604 ; In ps. XL, 30, P. L.,L xiv, col. 1802; S. Gaudentius de Brescia (t 410), Serm., xx, de Petro ct Paulo, P. L., t. xx, col. 995 ; S. Jérôme (f 420), Epist., xv, 2, P. L., t. xxn, col. 355; Comment, in Evang. Matlluci, 1. Ill, 16, P. L., t. xxvi, col. 424. Dans la première moitié du v· siècle, S. Augustin (t 430), Enarr. in ps. xxx, 5; l.xtx, 4 ; eut. 2, P. L., t. xxxvf, col. 242, 869 1359; S. Nil (f 430), Epist.. I. II, cpisL CGLxi, P. G., t. lxxîx, col. 333; S. Cyrille d'Alexandrie (fit I), In h., LUI, c. in, P. G., t. lxx, col. 729; Comment, in Matth., xvi, 18, P. G., t. i.xxn, col. 421; InJoa.Evung.,1. II, P. G., t. lxxiii, col. 220. Λ partir dc cette même époque cette interpretation dc Matth., xvi, 18, est manifeste dans plusieurs affirma­ tions doctrinales des souverains pontifes, notamment de S. Boniface l", Epist., χιν, 1, P. L., t. xx.col. 777, de S. Zozime, Epist., xn, iéid.,col. 676, de S. Léon H Srrm., ni, 3, P.L., t. uv, col. 146 sq.,ct de S. Simpllce (t 483), Epist., iv, P. L.. t. Lvm, col. 40. Cet enseigne­ ment est encore plus manifeste dans la profession de foi du pape saint Honnisdas imposée,après517, à tous les évêques d'Orient désireux d'êtreen communion avec l'Eglisc romaine.Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 171. \ oir col. 164. On sait que cet enseignement, ailirmé dc nouveau par le IV· concile général de Constantinople en 870, Denzinger-Bannwart, n. 311, ct souvent répété dans les documents ecclésiastiques des siècles suivants, fut solennellement défini par le concile du Vatican : Unie tam mani/estœ sacrarum Scripturarum doctrina, ut ah Ecclesia catholica semper intellecta est, aperte opponuntur pruiw eorum sententia qui constitutam a Christo Domino in sua Ecclesia regiminis formam pervertentes, negant solum Petrum pne ceteris apostolis sive seorsum singulis sive omnibus simul vero proprioque jurisdictionis primatu juisse a Christo instructum, aut qui affirmant cumdan prima­ tum non immediate diredeque ipsi beato Petro sed Ecclesia: et per hanc illi ut ipsius Ecclesiæ ministro delatum fuisse. Scss. IV, c. i. 3. Enseignement contenu dans cc texte relativement à Γinfaillibilité pontificale.— 11 peut être ainsi formulé d'après tout ce qui précède.—a) Selon la promesse for­ melle dc Jésus, Pierre sera, jusqu'il la consommation des siècles, le fondement sur lequel l’Églisc repose. Et par cc perpétuel fondement de Pierre, l’Églisc est divinement assurée de posséder, jusqu'à la fin des siècles, une solidité à toute épreuve contre toutes les attaques des puissances infernales,et portæ inferi non prœvalebunt adversus cam; que ces attaques aient pour objet la divine constitution de l’Églisc, ou l'intégrité de la doctrine qui lui a été confiée par le divin Maître. En d'autres termes, c'est l'autorité suprême dc Pierre établi par Jésus perpétuel fondement de l'Églisc, qui assure à celle-ci son absolue indvfcctibillté dans la foi. b) Pour que Pierre, divinement établi comme fonde­ ment de l’Églisc jusqu’à la fin des siècles, puisse ainsi assurer perpétuellement à l’Églisc cette universelle ct absolue indéfccUbilitc dans la foi, il est necessaire que Pierre soit lui-mémc divinement préservé dc toute erreur ct meme dc toute possibilité d’erreur, dans l'enseignement qu'il impose à la croyance dc tous les fidèles. Sinon la promesse dc Jésus serait vainc ct le moyen choisi par sa divine sagesse pour assurer à son Église une perpétuelle ct absolue indéfcctibilité dans la foi, serait non seulement incilicace, mais même absolument contraire à la lin que Jésus s'est proposée. La volonté dc Jésus est donc manifeste. Pierre en­ seignant tous les fideles, en vertu dc son autorité su­ prême, doit pour assurer à l’Églisc une absolue et constante indéfcctibilité dans la fol, être lui-même, dans l’exercice dc cette autorité, divinement préservé de toute possibilité d'erreur dans la foi. Cc qui signifie en réalité que son magistère suprême à l'égard dc l'Églisc universelle doit être nécessairement infail­ lible. c) Cette interprétation du texte dc saint Matthieu est confirmée par la tradition catholique constante. Déjà indiquée à la fin du iv· siècle par saint Ambroise, De fide, iv, 56, P. L., t. xvi, col. 628, et au v· siècle par le pape saint Léon le Grand (f 461), Scrm., i.xii, c. n ; i.xxxiu, c. π, P. L., t. uv,col. 350 sq., 430, ct par le pape saint Simpllce (t 483), Epist., iv, L., t. lviii, col. 40, elle fut encore plus explicitement affirmée au commencement du vi· siècle dans le formulaire de fol du pape saint Honnisdas (f 523) : Prima salus est reclæ fidet regulam custodire cl a constitutis Patrum nullatenus deviare. Et quia non potest Domini nostri Jesu Christi prætermitti sententia dicentis : Tu cs Pe­ trus ct super hanc petram ædifleabo Ecclesiam meam, Matth., xvi, 18, hire quiv dicta sunt rerum probantur effectibus, quia in sede aposlolica citra maculam semper est catholica servata religio. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 171. Voir col. 1G4. On sait d’ailleurs que cette profession dc fol fut d'un usage constant chez 1rs grecs, qu’elle fut formellement approuvée en 869 par le IV· concile de Constanti­ nople, P. L., t. cxxix, col. 35 sq. ; Mansi, Concit., t. xvi, col. 316, ct qu’elle fut dc nouveau Solennellement 1G53 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1654 confirmée par 1c concile du Vatican, sess. IV, c. iv. ’ Sed lu aliquando conversus, καί σύποτ® έπιστρέψχς, D'ailleurs, en étudiant bientôt renseignement est une phrase incidente diversement interprétée; traditionnel,nousauronssouvent l’occasion deconstatcr mais dc quelque manière qu’on l’explique, le sens chez les auteurs ecclésiastiques ct les théologiens dc la phrase principale ne peut être modifié. Aussi, renseignement explicite très fréquent dc cette inter­ laissant de côté l’exposé critique des diverses opinions prétation du texte Tu es Petrus. émises, nous nous bornerons aux remarques suivantes: 2° Texte de saint Lue. — Ait autem Dominus : n) Aucun argument vraiment démonstratif ne s’op­ Simon, Simon, cccc Satanas expetivit vos ut cribraret pose à cc que conversus, έπιστρέψας, s’entende de sicut triticum. Ego autem rogavi pro te ut non deficiat i*annonce de la conversion de Pierre après son renie­ fides tua : et tu aliquando convenus confirma fratres ment. La simple absence d’indication antérieure de tuos, xxn, 31. Cc texte se rapportant immédiatement et la chute de Pierre étant un argument purement né­ principalement au dogme dc l’infaillibilité pontificale, gatif. ne peut suffire. 11 est d’ailleurs manifeste, d’après nous devons l’étudier ici d’une manière particulière, les paroles antécédentes expetivit vos, que le danger mais sans nous arrêter Λ prouver son authenticité, est annoncé pour tous, conséquemment aussi pour qui n’a jamais été l’objet d’aucune attaque ni d’aucune Pierre.— b) Quant aux interprétations plus ou moins discussion, bien qu’il se rencontre uniquement chez fondées donnant à έπιστρέψας le sens adverbial, à ton saint Luc· D’ailleurs, après la démonstration dc l’au­ tour; ou le sens intransitif, se tourner vers quelqu’un thenticité du texte de saint Matthieu, le texte dc saint pour i’aider ct prendre soin dc lui; ou encore le Luc, qui a avec celui dc saint Matthieu un paral­ sens intransitif, revenir au calme ctù la tranquillité; lélisme si marqué, ne peut présenter aucune diffi­ ou le sens actif, convertir en ramenant à Dieu; on peut, culté. I sans les rejeter absolument comme inadmissibles, 1. Exégèse du texte.—L'appellation répétée:Simon, affirmer qu’elles s’accordent difficilement avec le sens Simon, du >\ 31 ct le quadruple emploi, dans la Vul­ le plus habituel d'&ncrrpéço dans le Nouveau Tes­ gate comme dans le texte grec, des pronoms tu, te, tament, qui est : revenir à Dieu en s’éloignant de tua, tuos, περί σου, ή πίστις σου, σύ,τοΰς άδελφούς σου, l’infidélité ou du péché, soit que έπιστρέφω soit au >\ 32, sont une preuve manifeste que Jésus, accompagné dc l’expression έπΐ τδν Κύριον, Act., bien qu’il indique incidemment un péril commun, ex­ ix, 35; xi, 21, ou de έπΐ τον θεόν. Act., xiv, 11; χν, petivit vos ut cribraret sicut triticum, adresse particuliè­ 19; χχνι, 20, ou de προς Κύριον,’ll Cor., in, IG, ou rement à Pierre la promesse solennelle du ÿ. 32. Il d’une expression similaire, I Pet., n, 25, soit que était impossible de prendre plus de precautions pour ίπιστρέφω soit employé seul, Matth., xm, 15; Marc., désigner nommément Pierre. Que l’on se rappelle iv, 12; Act., in, 19; xxvm,27. Confirma, στήρισον, selon son sens habituel dans d’ailleurs le texte manifestement parallèle Matth., xvi, 1 G, où Jésus se sert d’expressions, semblables pour • le Nouveau Testament, Rom.,i, 11 ; χνι,25; I Thés., iii,2, 13; II Thés.,n, 17; in,3; Jac., v,S; I Pet., v, 10; désigner spécialement Pierre. Ecce Satanas expetivit vos ut cribraret sicut trilicum, Apoc., m, 2. signifie, au sens propre, soutenir, rendre stable, ferme, et, au sens figuré, affermir, fortifier. indiquent un danger commun à Pierre ct à ses frères. Selon la force dc l’expression ut cribraret sicut triticum, D’après le contexte, il s’agit dc raffermissement de του σινιάσαι ώς τύν σίτον, il s’agit d’un danger la foi que Pierre doit donner à scs frères pour les ga­ très grand. Satan a désiré vous secouer, vous agiter rantir contre le danger qui les menace tous. C’est à comme on agite le grain dans un crible. Ces attaques cette fin que, suivant la promesse divine, Pierre est violentes dc Satan ont pour but dc chasser, dc l’Amc rendu lui-même indéfectible dans la fol. Quant à fratre* tuos, on ne peut en restreindre ici le de Pierre ct dc scs frères, la foi chrétienne, puisque le remède promis par Jésus, d’après le reste de son sens aux seuls apôtres, soit pendant le temps de la discours, est rindéfcctlbllité dans la fol, assurée à tous, passion, où Pierre, d’après le récit évangélique, loin de à Pierre immédiatement ct à ses frères mêdiatcmcnt continuer ses frères, faiblit lui-même; soit pendant le reste dc la vie des apôtres, car, d’après tout le par la confirmation que Pierre leur donnera. Enfin i’inutilité dc ces efforts dc l’enfer est insinuée par contexte, Jésus veut manifestement que raffermis­ le mot expetivit, έξητήσατο, qui signifie un simple sement procuré par Pierre s’étende, de droit, à tous souhait ou désir; expression qui d’ailleurs concorde ceux dont la foi est menacée par les efforts dc Satan, avec Matth., xvi, IG, ct partie inferi non prie valebunt conséquemment à tous les fidèles de tous les temps. adversus eum, exprimant l’insuccès final des attaques C’est d’ailleurs ce que suggère la comparaison avec le texte manifestement parallèle de Matth., xvi, 18, des puissances infernales contre l’Églisc. Ego rogavi pro te. La prière de Jésus, toujours prédisant l’insuccès final des efforts perpétuels dc efficace,ego autem sciebam quia semper me cudis, Joa., Satan contre l’Églisc jusqu’à la consommation des xi, 42, csL un gage assuré que la promesse qui va être siècles. 2. L'enseignement contenu dans cc texte relativement faite à Pierre sera infailliblement accomplie. I t non deficiat fides tua, tva μή ίχλίπη ή πίστις σου. à l’infaillibilité pontificale est donc certain. Pierre ct Toute destruction de la foi de Pierre, ou toute scs successeurs jusqu’à la consommation des siècles, cessation, quelle qu’elle soit, est donc complètement parlant ou enseignant comme chefs de l’Église, doi­ écartée. Il est d’ailleurs manifeste que la foi dont il vent con tinner dans la foi, jusqu’à la fin des temps, s’agit ici est la foi au sens théologique d'assentiment tous les fidèles considérés isolément ou collectivement, en les faisant participer à leur propre indéicctibilité. à la vérité révélée, selon l’usage le plus habituel du Mais pour que la promesse dc Jésus ne soit point vainc, Nouveau Testament. Voir Foi, t. vi, col. 57 sq. 11 est non moins certain qu’il s’agit ici principalement dc ct que les fidèles ne soient pas entraînés dans l’erreur, la foi dc Pierre, parlant ou enseignant comme chef il faut que cet enseignement dc Pierre et de scs succes­ dc l’Églisc pour confirmer ses frères, comme l’indique seurs, parlant comme chefs de l’Églisc, soit, en droit surtout la prière spéciale de Jésus pour la foi de Pierre ct en vertu dc la promesse dix inc, absolument et cons­ tamment garanti contre toute possibilité de défaillance seul, malgré le danger si menaçant pour la foi dc tous, selon les paroles expetivit vos, La sauvegarde contre • dans la foi. Pierre et scs successeurs enseignant, cc danger commun étant, d'après la parole formelle comme chefs de l’Églisc, cc que les fidèles sont tenus de croire, doivent donc être infaillibles. Aucune diillde Jésus, la seule indèfccllbilllé dc Pierre dans la fol, cultê ne peut être faite au sujet de la chute ou du re­ il faut bien q c co soil l’indéfcctlbillté ou l’infaillIbUlté niement de Pierre, à supposer que ce soit la véritable dc Pierre pariant comme chef de l’Églisc. 1655 INFAILLIBILITÉ DU PAPE Interprétation du texte scripturaire. Car il est mani­ feste que l’infaillibilité dc Pierre, allant dc pair avec sa primauté, ne lui fut effectivement conférée qu’après la résurrection de Jésus-Christ. Joa., xxi, 16. 3. Cet enseignement est confirmé par Vinterpréta­ tion constante de la tradition catholique, comme nous le montrerons bientôt. Il suffira dc noter présentement que, depuis la premiere indication faite par saint Am­ broise, De fide, I. IV, n. 56, P. t. xvi, col. 628, cc texte a été fréquemment cité par les écrivains ecclé­ siastiques en faveur dc l'infaillibilité pontificale.Nous signalerons particulièrement S. Cyrille d'Alexandrie, Comment, tn Lucam, x.xn,32, P. G., t. lxxu, col. 916; S. Léon le Grand, Serm., lxxxhi, 3, P. L., t. uv, col. 431; S. Gélose, Epist., v, I1. L., t. ux, col. 30; Pélage II, Epist., m, P. L., t. Lxxn, col. 707» Dcnzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 246; le B. Urbain II, Ppfs/.,Lvnr,i.x, cxlv, P. L., t. eu, col. 337,341, 421; S. Pierre Damien, Srr/n.,xxm, Ρ.Λ., t.cxuv,col.G3G; Innocent II, Epist., ccccxlvh, P. L., t. clxxix, col. .517; Dcnzinger-Bannwart, n. 387; S. Bernard, Epist., cxc, P. L., t. CLxxxn, col. 1053 sq. ; S. Thomas, Contra errores grrreorum, xxxn, Sum theol., II· II®, q. î, a. 10. On sait aussi que l’autorité dc ce texte en faveur de l'infaillibilité pontificale a été confirmée par plu­ sieurs documents ecclésiastiques, notamment par saint Agathon, Epist., i, P. L., t. exxxvii, col. 11G9, 1205, ct saint Léon IX,Epist., c,n. 7,32, P. L., t. cxîjii, col. 718,765; et qu’elle a été formellement approuvée par le concile du Vatican faisant ccttc solennelle dé­ claration : Quorum (c'est-à-dire des successeurs de Pierre) apostolicam doctrinam omnes venerabiles Patres amplexi et sancti docto res orthodoxi venerati atque secuti sunt; plenissime scientes hanc sancti Petri sedem ab omni semper errore Illibatam permanere, secundum Domini Salvatoris nostri divinam pollicitationem disci­ pulorum suorum principi faciam: Ego rogavi prote ut non deficiat fides tua; et tu aliquando conversus confirma fratres tuos. Sess. IV, c. xv. III. En’SEIGM MLXT TKADrnONNEL. — PÉRIODE, depuis les temps apostoliques jusque vers l’an 260, caractérisée principalement par la croyance à la constante ct intégrale permanence de la doctrine apostolique chez tous les successeurs de Pierre. — i Cette croyance est attestée par le témoignage dc saint Irénée. Ce témoignage concernant directement l'infail­ libilité doctrinale doit être étudié ici plutôt qu'à l'article Pape, où nous n’aurons plus qu’à déduire 1rs conclusions relatives à la primauté pontificale considérée d’une manière générale. Le texte sc lit, Cont. haer., Ill, in, 2: Ad hanc enim Ecclesiam propter polcntiorcm (leçon rectifiée d'après les uns.; le texte reçu est potiorem) princi­ palitatem necesse est omnem convenire ecclesiam, hoc · est tus qui sunt undique fideles, in qua semper ub his qui sunt undique conservata est ca quic est ab apostolis traditio. A cause de la très grande Importance qui a toujours été donnée à cc texte dans la démonstration catholique, il convient dc mettre en pleine lumière l’ensei­ gnement qu’il contient. Et, à cct effet, il est nécessaire tout d’abord dc bien déterminer, d’après l'exposition même d’irèncc, le but ct en même temps toute la trame de son argumentation. 1. Le but d’Irénée est dc mettre fin à toutes les échappatolres des gnostiques qui, sous divers pré­ textes refusaient de sc rendre à l'autorité de l’Ecriture ou à celle dc la tradition. Cont. hier., 1. 111, c. n, P. G., t. vu, col. 816 sq. Il a donc recours à l’argu­ ment ultérieurement appelé argument dc prescription. Seules ces Églises possèdent la vérité qui remontent 1656 aux apôtres par une suite ininterrompue d'évêques choisis par eux ct gardant leur enseignement. Et comme il serait trop long d'énumérer tou les ces Eglises, avec la succession dc tous leurs évêques, l'évêque dc Lyon fait appel à la tradition venant des apôtres, et à la foi annoncée aux hommes, telles qu’elles sont dans la plus considérable de toutes les Eglises, l’Église fondée ct établie à Home par les apôtres Pierre ct Paul. Église connue de tous ct dont renseignement est venu jusqu'à nous par la succession des évêques· Enseignement qui confond tous ceux qui, de quel­ que manière, soit en recherchant cc qui leur plaît, soit par vainc gloire ou par aveuglement, soit par attachement au mal, amassent là où ils ne le doivent point, praeterquam oportet colligunt. C'est avec cette Église que toutes les autres doivent s’accorder, ù cause dc son éminente autorité; avec ccttc Église par l’Intcnnédlaire de laquelle l’enseignement qui vient des apôtres est conservé par tous les fidèles, col. 849. Puis, après avoir cité la liste des évêques jusqu’à Élcuthère, qui était alors évêque dc Home, Irénée conclut : c’cst par celle succession que, dans l’Église, la tradition des apôtres et l'enseignement dc la vérité sont parvenus jusqu’à nous, col. 851. C'est donc uni­ quement à ccttc Église qui possède la tradition venant des apôtres que l'on doit demander la vérité, c. xv, col. 835 sq. 2. C’est d'après tout cet ensemble de l'argumenta­ tion d*Irénée que l'on doit, avec l’aide du contexte immédiat, déterminer le sens des expressions prin­ cipales du célèbre texte. On ne perdra pas de vue néanmoins que le texte grec original dc cette phrase manque, et que nous n'avons qu’une mauvaise ver­ sion, dont le littéralismc est précisément une cause d’obscurité. — a) C’est bien l’Église romaine qui est désignée par les mots ad hanc enim Ecclesiam. Le pronom hanc désigne manifestement l’Église dont Irénée a parlé dans la phrase précédente. Or cette Église n’est autre que l’Église fondée et établie a Rome par les apôtres Pierre et Paul, Γ Église qui a la tradition venant des apôtres ct dont l’autorité doit confondre tous les hérétiques. Le fait qu’il s’agit de l’Église romaine est prouvé aussi par la connexion avec la phrase suivante, où il est dit que les bienheu­ reux apôtres, fondant ct établissant cette Église, en donnèrent l'épiscopat à Lin, col. 849. b) C'est donc < avec celle Église romaine qu’il c*>t nécessaire que toutes les Églises s'accordent, à cause de son autorité éminente ct parce que, par elle, la tradition venant des apôtres a toujours été conser­ vée. » Telle est du moins la traduction que nous pro­ posons du passage essentiel. — a. L’accord avec 1*Église romaine doit être un accord dans la foi. Ce sens est demandé par cc qui précède. Pour refuter les hérétiques de son temps, en montrant qu’ils n’ont point la doctrine des apôtres, In née affirme qu’il suffit de faire appel à l’Église romaine, qui, par la succession de ses évêques, Lient des apôtres la foi annoncée aux hommes. Ainsi sont confondus tous ceux qui, de quelque manière que cc soit. imporlcnt des nouveautés prœlerquam oportet colligunt. Par le fait que l’on ne s’accorde point avec Home, on est donc confondu ou convaincu d’erreur. C’est donc vraiment un accord dans la foi que l’on dol t avoir avec celte Église. Cc sens est également demandé par tout le para­ graphe suivant, où Irénée montre que c’cst par l’cnsclgncmcnt de la succession ininterrompue des évêques de Rome, depuis la fondation de l'Eglise par saint Pierre ct saint Paul jusqu’au pape Élcuthère, que la tradition venant des apôtres, ou la prédication dc la vérité, est parvenue jusqu’à celle époque. D’où la même conclusion ; Il est nécessaire de s'accorder dans 1G57 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1658 la foi avec l’Église dc Rome, qui a toujours conservé I J. Tunnel, op. cil,, p. 41, attribue aux circonstances la vérité apostolique. politiques les deux appellations maximie cl omnibus D’ailleurs l’interprétai ion différente que l’on vou­ cognitir, col. 818, qui peuvent bien convenir à l’auto­ drait donner à convenire n’est aucunement prouvée rité ecclésiastique de Rome· ct reste en opposition avec tout le contexte. Connenire L’éminente supériorité dc Rome n’est point due ad contenant une idée dc mouvement doit, dit-on, non plus à cc qu’elle est l’Église apostolique la plus l'entendre dc la rencontre à Rome des fidèles de toutes ancienne. Rien ne prouve qu'elle était la plus ancienne. les parlies du monde, d'autant plus que l'idée de Le contraire est même certain, car plusieurs Églises mouvement est suggérée aussi par undique. 11 est d’Oricnt, notamment Jérusalem et Antioche la sur­ passaient sur cc point. Et d’ailleurs, l’ancienneté ne d'ailleurs aisé dc comprendre que les fidèles aient été attirés dc tous les pays vers Rome par des affaires dc suffirait point pour que l’autorité de sa doctrine, suggé­ diverse nature. Et on ajoute que c’cst par le contact rée par tout le contexte, dût s imposer à toutes les habituel avec les fidèles du monde entier que l’Église autres Églises. On peut encore moins affirmer qu’ Irénée parlait seu­ de Rome est maintenue dans la foi aj>ostolique, et qu’elle est préservée des opinions étrangères à la doc­ lement dc rOccidcntoû parmi les Églises apostoliques, trine des apôtres. Voir J. Tunnel, Histoire du dogme Rome était la plus ancienne. Ccttc supposition est de la papauté, des origines d la fin du J i « siècle, 2· édit., exclue par ces deux raisons qu'Irénéc écrivait prin­ Paris, 1908, p. 39, qui expose, avec beaucoup dc cipalement pour les Orientaux ct qu’ici il veut parier complaisance, cette interprétation. dc toutes les Églises. Enfin, il nc^ulfit point dc dire avec Harnack que, Ces raisons sont loin dc prouver la conclusion que l’on voudrait en déduire. L’emploi dc la préposition panni les Églises fondées par les apôtres, celle dc ad avec le verbe convenire ne suffit point pour donner Rome a la plus grande authenticité, parce qu’elle a à convenire le se ns dcsc réunir ou dc se rencontrer. La été fondée par les apôtres les plus illustres; et que, préposition ad a toutes chances d’être la traduction comme telle, clic doit servir dc règle dans la foi. de πρός qui n’inclut pas forcément celte idée. Dc Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3· édit., t. i, p. 46. même les expressions cos qui sunt undique fideles Car Irénée reconnaît à toutes les Églises fondées parles ct ab Ms qui sunl undique ne suffisent point pour apôtres cc droit dc servir dc règle dans la foi. Et l'au­ faire attribuer à convenire l'idée de rencontre ct en torité attribuée Ici à l’Église dc Rome est une autorité exclure l’idée d’accord. Car le mot undique étant plu­ qui n'appartient à aucune autre Église, ou qui dépasse sieurs fois employé dans le Contra hæreses dans le sens manifestement celle dc toutes les autres Églises. d'ubique, notamment 1. Ill, c. xxxiv, 1, col. 9G6, rien β) De cette autorité supérieure dc l’Églisc-dc Rome l’incidente in qua nous offre encore une confirmation, ne s'oppose à cc qu’il en soit de même ici. On sait d’ailleurs que chez les auteurs grecs l’emploi d’une si on la rattache, comme tout le contexte le suggère, à l’Église de Rome. expression pour l’autre n’est point rare. Quant à l’idée du maintien de la foi apostolique On doit tout d’abord reconnaître que rien ne s’oppose dans l’Église romaine par le contact perpétuel avec à ce que ce sens soit adopté. Car on sait qu’en grec il les fidèles du mônde entier, ab Ms qui sunt undique, n'est pas rare qu’une incidente se rapporte à un sub­ elle est en opposition avec tout cc qui précède ct avec stantif plus éloigné quand il est plus important. Le tout cc qui suit, puisque tout cc contexte, selon l’ex­ Contra lut rests en offre quelques exemples, notam­ position qui en a déjà été faite, exprime l’idée de la ment 1. IV, c. xx, 5, col. 1034. Cc sens, certainement possible, est suggéré dans conservation de la foi des apôtres, accomplie par tout le contexte par la triple répétition dc cette même l’Église romaine elle-même. Z». La nécessité de cet accord dans la fol avec idée déjà signalée, — que l’Église romaine possède l’Église dc Rome résulte de l’autorité supérieure la tradition des apôtres, venant jusqu’à nous par lu qu’elle possède en cc qui concerne la fol. a) Cette au­ succession de ses évêques, ct qu’en indiquant ccttc tra­ torité supérieure est signifiée paroô potentioremprin­ dition ct cette foi, on confond tous ceux qui praeter­ cipalitatem. On doit noter que principalitas est habi­ quam oportet colligunt, — que l’Église romaine, possé­ tuellement employé par le traducteur du Contra dant ainsi la tradition des apôtres, a réparé la fol des Iwrescs dans le sens d'autorité supérieure, ct surtout Corinthiens, en leur annonçant la tradition qu’elle d’autorité appartenant ù Dieu. Voir particulièrement avait elle-même reçue, — que l’enseignement ct la 1. J, c. xxvi, 1 ;xxx,8; xxxi, 1 ; L ll,c. xxx, 9; 1. IV, prédication dc la vérité sont parvenus à toiu les fidèles c. xxxvm, 3, P G., t. vu, col. 68G, 699, 701, 822, par la succession des évêques dc Rome. 1108. D’ailleurs, dans l'hypothèse rattachant l’incidente Cc sens est d’ailleurs confirmé par tout le contexte in qua à omnem ecclesiam, telle qu’elle est exposée par 1 larnack, op. cit., 1.1, p. 446, et Tunnel, op. cit., p. 41, immédiat. C’est, en effet, ce que suggère le fait énoncé dans la phrase antécédente, que toutes les hérésies le sens que l’on obtient n’est guère qu’une tautologie. doivent être tenues pour condamnées, dès lors qu'elles D’après 1 larnack, le sens de la phrase est que toute sont opposées à l’enseignement de J Église dc Rome, Église, pour autant qu’elle est fidèle à la tradition ou col. 849. qu’elle a la vraie foi, s’accorde nécessairement avec l’Église romaine : nécessairement ne signifiant point L’autorité éminente de l’Église de Rome apparaît ici l’idée do commandement ou dc devoir, mais seule­ aussi nu paragraphe suivant, dans les deux passages louant ccttc Église d’avoir réparé la foi des Corin­ ment une sorte de nécessité logique, parce qu’il ne thiens en leur annonçant la tradition qu’elle avait peut pas en être autrement. récemment reçue des apôtres, col. 850; ou attribuant Mais n’cst-cc pas une sorte de tautologie dédire que à la succession des évêques de Rome l’enseignement les Églises de tous les pays, pour mitant qu’elles sont des apôtres tel qu'il est dans l’Église, et tel qu’il est fidèles à la tradition apostolique, s’accordent en fait parvenu jusqu’à ce moment, col. 851. et par une absolue nécessité, avec l’Église romaine, D’ailleurs les autres sens que l’on a voulu donner à supposée elle-même fidèle à cet te tradition? On cherche principalitas ne peuvent s’accorder avec le contexte. à corriger cette tautologie en introduisant l'idée d’une Il ne peut être question du prestige politique dc Rome obligation de s’accorder avec l’Église romaine. Mais comme capitale de l’empire. Car cette pensée ne sc alors que signifie l'incidente in qua, qui laisserait sup­ manifeste nulle part chez Irénée; et elle est exclue ici poser que l’obligation n'incombe pas à toutes les Églises, par toute la suite do l'argumentation. C'est à tort que 1 mais seulement à celles qui sont ainsi désignées? 1659 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1660 appel à la succession des évêques de l’Église romaine, Enfin, dans cette même hypothèse, bien que l’on puisse encore conserver à potentiorem principalitatem le qui possède la tradition des apôtres et la foi annoncée sens d'autorité supérieure exigé par le contexte, on par eux, et avec laquelle tous les fidèles sont tenus Je diminue beaucoup, tandis qu’en rattachant in qua de s'accorder dans la foi. Tour qu'un tel appel fût alors, nu jugement d'Irénée, universellement consi­ Λ l’Église de Rome on donne beaucoup plus d’éclat à l’autorité de cette Église. Car c’est par l’exercice déré comme un moyen très assuré de confondre tous constant de cette autorité ou, selon l'expression d'iré- ceux qursont en dehors de la vérité, il devait être bien ncc à la fin du paragraphe suivant, c'est par la succes­ manifeste aux fidèles de cette époque que les évêques sion des évêques de Rome que la tradition qui est de Rome enseignaient la vraie tradition des apôtres. dans l’Église, venant des apôtres, et renseignement Ce jugement contient en réalité la croyance à l'infail­ de la vérité sont parvenus jusqu’aux fidèles du temps libilité de l'évêque de Rome. présent. Et comme cette doctrine n'apparnit point, d’après On objecte, que (n qua ne peut sc rapporter à le langage d’Irénée, comme une chose nouvelle à cette l’Église romaine, parce qu’il en résulterait que la tradi­ époque, il y a lieu d’admettre qu’elle était crue depuis tion apostolique a été conservée dans l'Église romaine longtemps et qu’elle remontait à l'époque apostolique, par les Églises autres que la romaine, d’après les mots d’autant plus que saint Irénée, d'après toute son argumentation contre les gnostiques dans ce passage, ob hls qui sunt undique. Sans prendre parti pour les diverses solutions plus rejette toute doctrine qui n’a pas pour elle l'ensei­ ou moins fondées, proposées ou approuvées par plu­ gnement des apôtres tel qu'il est conservé dans l'Église sieurs critiques admettant une Interpolation du texte romaine. primitif on ^substitution d’unepréposition à une autre if Période, depuis l'an 260 jusqu’au pontificat do failcpar Je traducteur,on peut répondre qu’à prendre saint Léon le Grand en 444, caractérisée par quelques le texte ou plutôt la traduction comme nous l'avons, interventions doctrinales des souverains pontifes, en rien ne s'oppose à ce que in qua soit interprété dans le même temps que par des témoignages explicites de sens de par laquelle. On sait que ce sens se rencontre plusieurs Pères et docteurs. — 1° Interventions doctri­ fréquemment dans l’Écriture; il n’est point rare nales du pape saint Denys en 200 et du pape saint non plus dans le Contra Junrcses. Voir particulièrement Félix en 269. — 1. Le pape saint Denys, vers l’an 260, I. III, c. xn, 4; xvw, 1 ; 1. IV. c. xxi, 3; I. V, c. n, 2, 1 adresse à Denys, évêque d'Alexandrie, et probablement col. 896, 932, 1045, 1125. Et en particulier, dans ce aussi aux autres évêques d’Égypte et à ceux de Lybie, passage, il est en parfaite harmonie avec le contexte, une lettre doctrinale déjà mentionnée précédemment, puisque, d'après ce qui précède et ce qui suit, l’autorité t. xv, col. 421 sq. Nous n’avons de cette lettre qu'un de l’Église sc manifeste surtout par cbtlc constante fragment qui nous a été conservé par saint Athanase. conservation de la tradition venant des apôtres. De decretis Nicœnæ synodi, n. 26, P. G., t. xxv, c) De tout cet exposé il résulte donc que neccssc est col. 461 sq. Dans ce document; le pape saint Dcnys, doit s’entendre d'une véritable obligation morale de parlant en son nom, bien qu’il ait consulté le presbyte­ s'accorder dans la foi avec l'Église romaine à cause rium romain, réprouve, comme opposés à la foi, non de son éminente autorité en ce qui concerne la foi. seulement les sabelllcns déjà condamnés précédem­ D'ailleurs, les critiques qui veulent entendre neccsse ment, mais aussi ceux qui actuellement parlaient de < >/ dans le sens d'une nécessité logique s’appuient la génération du Verbe de manière à laisser supposer principalement sur ce que l’incidente in qua doit sc qu’elle est, de quelque manière, une production ou rapporter à omnem ecclesiam. Opinion dont on vient une création : ceux qui osent appeler création la de constater le peu de fondement ainsi que les graves divine et ineffable générât ion du Fils de Dieu sont, par Inconvénients. le témoignage de l’Écriture, évidemment convaincus 3. Toute cet te exégèse du texte de saint Irénée mon­ de fausseté, col. 4G5. On ne doit point séparer en trois tre renseignement qui y est manifestement contenu divinités l’admirable et divine unité. On ne doit pas relativement à l’autorité doctrinale de l’Église de non plus, par le mot production, diminuer la souve­ Rome ou de l’évêque de Rome. Cette autorité doctri­ raine dignité et grandeur de Notrc-Seigneur. Mais on nale apparaît manifeste d’après ces deux assertions : doit croire en Dieu le Père tout-puissant, en Jésusque c’est par l’Église romaine c'ect-à-dire par la predi­ Christ son Fils et au Saint-Esprit. On doit croire parti­ ction ou l’enseignement des évêques qui ont régi cette culièrement que le Verbe est un avec le Père scion ccs Église depuis Pierre jusqu’à Élcuthère, que la tradi- paroles de l’Ecriture ; Ego et Pater mm sumus, Joa., lion venant des apôtres a toujours été gardée par les x, 30; Ego in Patre et Pater in me est, Joa.,xiv, 10. fidèles de Γunivers, et qu’il y a obligation pour toutes Ainsi la divine Trinité et la sainte prédication de la 1rs Églises particulières ou pour tous les fidèles, de divine monarchie seront intégralement maintenues, s'accorder avec l'Église romaine dans cette foi ainsi col. 165. conservée. Ce que nous devons particulièrement observer ici, On ne peut objecter qu’ Irénée parle uniquement de I c’est que cet acte du pape saint Denys est considéré, l’Église romaine, non de l'évêque de Rome, car dans par saint Athanase, comme un jugement souverain, la phrase déjà citée plusieurs fois, col. 851, Irénée dit frappant définitivement d'anathème,dès cet te époque, expressément que c'est par la succession des évêques ce qui fut plus tard l'hérésie arienne. Car Dcnys, de Rome, qu’il cite depuis Lin jusqu’à Élcuthère, que évêque de Rome, ayant écrit aussi contre ceux qui h tradition qui vient des apôtres et renseignement disent que le Fils de Dieu est une créature, κτίσμα de la vérité sont parvenus jusqu’à son temps. Par καί ποίημα, il est manifeste que ce n’est pas seu­ cette phrase finale qui résume toute sa pensée sur ce lement d’hier mois depuis longtemps que, pour point, 11 attribue donc aux évêques de Rome la conser­ tous, a été anathémnlisée cette hérésie des ariens vation de la tradition des apôtres dont il avait parlé ennemis du Christ. De sententia Dionysii, 13, P. G., t. xxv, col. 500. Paroles qui, en même temps qu'elles nu paragraphe précédent, col. 819. Les assertions de saint Irénée autorisent aussi à expriment la ferme conviction d’Athanase, que ce admettre, cher 1rs fidèles de cette époque, une croyance ’ jugement souverain du pape frappait définitivement ■iwz évidente à la suprême autorité doctrinale ou à d’anathème cette nouvelle erreur, autorisent aussi à l'infaillibilité doctrinale de l’évêque de Rome. C’est admettre que, déjà à l’époque du pape saint Denys, ce que suppose celte affirmation que le moyen le plus le Jugement pontifical était universellement considéré assuré de confondre tous les hérétiques est de faire | comme décidant souverainement une question doctri- 16G1 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 16G2 unie, puisque ccs deux netes sont manifestement si­ dité de cette pierre sur laquelle FÉglhe est bâtie, et gnalés comme étroitement corrélatifs: jugement défi­ grâce à laquelle les puissances de l’enfer, c’est-à-dire nitif du pape sur une erreur doctrinale, cl anathème les hérésies et les hérésiarques, ne prévaudront jamais porté par tous contre cette même erreur. contre l'Église. Car la foi a été parfaitement affermie 2. Vers 260, le pape saint Félix envole à l'évêque en celui qui a reçu les clefs du ciel et qui délie sur la Maxime et au clergé d’Alexandrie une lettre doctri­ terre et lie dans les rieux. lin lui on trouve la réponse nale motivée par les erreurs de Paul de Samosatc à toutes les questions bur la foi. Ancondus, ix, G, concernant le dogme de Pincarnation. Jaffé, Kc gesta, t. XLin, col. 33. pontificum romanorum, 2· édit., Leipzig, 1885, t. i, I Saint Jérôme (f420), consultant en 376 le pape η. 1 10; Hefclc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, saint Darnase sur la question doctrinale d’une ou de Paris, 1907, 1. i, p. 201. De cette lettre nous ne pos­ trois hypostases en Dieu, fait ressortir la souveraine sédons qu’un court fragment cité par saint Cyrille autorité doctrinale du pape parces deux affirmations : d’Alexandrie au concile d'Éphèso : De Verbi autem a) C’est dans la seule chaire de Pierre que l’héritage incarnatione et fide credimus in Dominum nostrum de la fol se garde incorruptible : Ideo mihi cathedram lesurn Christum ex virgine Maria natum, quod ipse Petri et fidem apostolico ore laudatam censui consu­ est sempiternus Dei I llius et Verbum, non autem lendam... Apud vos solos incorrupta patrum servatur homo a Deo assumptus, ut alius sit ab illo. Neque enim hareditas. Epist., xv, 2, P. L., t. xxn, coi. 355. b) 11 est nécessaire, pour n’êtrc pas séparé de Jésus-Christ, hominem assumpsit Dei Filius, ut alius ab ipso existât: de garder la communion dans la foi avec la chaire de sed cum perfectus Deus esset, /actus est simul et homo perlectus, ex Virgine incarnatus. S. Cyrille d’Alexan­ Pierre sur laquelle l’Église a été bâtie : Ego nullum drie, Apologclicus advertus orientales, P. G., t. i.xxvi, primum nisi Christum sequens, beatitudini tuse, id est col. 313 ; Epistola S. Felicis papa:, P. L., t. v, col. 15G ; cathrdræ Petri, communione consocior. Super illam Mansi, Concit., 1.1, col. 1114. L’autorité avec laquelle petram trdifleatam Ecclesiam scio. Quicumque extra l’évêque de Home parle, et le fait que cette affirma­ hanc domum agnum comederit, profanus est.,.. Qui­ tion doctrinale est citée au concile d’Éphèso comme cumque tecum non colligit, spargit : hoc est qui Christi une autoritéirréfragablc, montrent qu’il s’agit ici d’un non est, antichristi est, coi. 355 sq. acte doctrinal exigeant la soumission de tous. Saint Ambroise (f 397) reconnaît, comme on le 2° Témoignages de plusieurs Pères et docteurs au verra bientôt, la souveraine autorité doctrinale du IV* et dans la première moitié du Ve sic de.— Saint Λ th a- pape saint Siricc dans la condamnation portée par nase (t 373) rend un hommage explicite à la suprême lui contre l’erreur de Jovinicn. Epist., xuî, 14, P. L., t. x\i,col. 1128. Ailleurs, il Interprète le texte : Rogavl autorité doctrinale du pape dans le texte déjà cité, pro te ut non deficiat fides tua, Luc., xxn, 32, dans ce affirmant que, par la décision du pape saint Dcnys, l'hérésie arienne avait déjà été anathématiséc depuis sens que Jésus a affermi la fol de Pierre et qu’il a établi l'apôtre comme le soutien de son Église. De longtemps. De sententia Dionysii, 13, P. G., t. xxv, fide, I. IV, c. v, 56, P. L., t. x\i, col. 628. Voir aussi col. 500. Saint Basile (f 379), qui avait déjà écrit plusieurs Devirginitale, xvi, n. 105, col. 292 sq. ;De incarnationis dominiez sacramento, iv, 32; v, 34, col. 826-827. fois à saint Athanase d’Alexandrie, au sujet des Saint Augustin (f 430), au sujet de l’approbation affaires d’Orlcnl, lui adresse une nouvelle lettre en donnée par le pape Innocent Pr aux décrets des deux 371, où il lui manifeste son intention d’écrire à l’évêque de Rome sur ces mêmes affaires. Comme il serait conciles de Carthage (416) et de MUève (417) condam­ nant les erreurs pélagiennes, formule ce jugement qui difficile de prendre des décisions à ce sujet dans un concile, parce que ces mesures pourraient être facile­ ne peut convenir qu’à un acte doctrinal considéré comme soin craincmcnt obligatoire pour tous et ment empêchées par les ennemis de la paix, Basile conséquemment infaillible : Jam enim de hac causa donnera à l’évêque de Rome le conseil d’exercer ulmême son autorité, αύτΐν αύΟεντησαι περί τδ πράγμα duo concilia missa sunt ad sedem apostolicnm, inde etiam rescripta venerunt. Causa finita est, utinam ali­ en envoyant des hommes capables de corriger les pervers de la région, capables aussi d’annuler tout quando finiatur error. Serm., cxxxi, 10, P. L., ce qui s’est accompli par la force nu concile de Rimini i t. xxxvm, coi. 734. CL P. Batiffol, Le catholicisme de saint Augustin, Paris, 1920, t. n, p. 404-405. et depuis ce concile. Basile demandera également, en son nom et au nom d’autres personnes, que ces envoyés I Saint Cyrille d’Alexandrie (t 4 44) affirme la suprême de l'évêque de Rome exterminent aussi l'hérésie de autorité doctrinale de l’évêque de Rome, quand il Marcel d’Ancyrc comme pernicieuse et comme étran­ declare dans une lettre au pape saint Celestin, peu gère à la vraie foi. Epist., lxix, n. 1, P. G., t. xxxii, de temps avant le concile d’Éphêse, que c’est la cou­ col. 432. tume ancienne des Églises d’avertir l’évêque de Rome quand la foi est en danger. Voir Éphèse (Concile On remarquera que M. Tunnel, qui, dans son His­ (Γ ), t. v,col. 158; Mansi, Concil., t. ιν,οοί. 1012,1016. toire du dogme de ta papauté, mentionne et interprète, un peu ù son gré, plusieurs lettres antécédentes de Et c’est conformément à cette coutume qu’il soumet Basile à saint Athanase, omet de signaler ce qu’il y lui même au pape la question doctrinale soulevée par l’erreur de Nestorius. Epist., \in, parmi les let tics a de plus caractéristique dans la lettre i.xix, c’est-àdire la demande que le pape exerce lui-même son de saint Cvh-stin, n. 1, P. L , t. i., col. 447. autorité, et qu’il envoie des hommes capables d’ac­ A noter aussi chez saint Cyrille ce sens donne à complir ce qui n été précédemment indiqué. J. Turconfirma fratres tuos : sois le soutien et le maître de mel, op. cit., p. 351. On doit aussi obsoner que la ceux qui viennent à mol par la foi, Comment, (n lettre de saint Basile, mentionnant cette demande 1 ucam, xxn, 32» P. G., t. lxxiî. col. 91G; et cette d’intervention de l’évêque de Rome comme une Interprétation de super hanc petram, Maith.,xvi, IS : affaire courante et ordinaire, autorise à conclure qu’à il appelle pierre la foi inébranlable du disciple. In celle époque c’était non seulement la conviction Isaiam,\. lV,orat.iT, P. G’.,t. i.xx,col. 940. personnelle de Basile, mais aussi la conviction de 3° Interventions doctrinales du Saint-Siège nuiv* et tous, même en Orient, que l’évêque de Rome possède dans la première moitié du v· siècle. — Nous citerons le pouvoir de juger souverainement, par lui-même, particulièrement h-s papes saint Damasc, suint Siricc, les questions doctrinales. saint Innocent Prct saint Céleslin. Saint Épiphanc (f 403), dans son Ancondus, écrit Le pape saint Damasc (f 384), vers 370, envole, en 374, parlant de la primauté de Pierre, loue la soli­ I aux évêques d'Illyrie, une lettre où il déclare privé 1663 INFAILLIBILITÉ DU PAPE de toute valeur tout ce qui s’est passé au concile dc Bimini, pour celte raison que l’évêque de Borne, dont l’avis devait être demandé avant tous les autres, cujus ante omnes fuit expetenda sententia, n’y donna aucun consentement. Epist., i, P· L., t. xni, col. 319; Sozomène, II. E., L VI, c. xxni, P. G., t. i.xvn, coh 1319 sq.; Théodorct, H. E., L II, c. xvn, P. G., t. txxxn, col. 1052 sq. Preuve bien manifeste que la suprême autorité doctrinale appartient au pape seul. Dans le fragment Pu gratia qui nous a été conservé, P. L., t. xm; col. 350, voir Damasc, t. iv, col. 1812, le pape Damasc parle manifestement avec une sou verainc autorité doctrinale, quand il affirme que sa communion, c’est-à-dire, d’après l’ensemble de ses lettres, la communion dc l’Égllsc catholique, est donnée à tous ceux qui suivent ccttc foi très explicite : unius virtutis, unius majestatis, unius divinitatis, unius usiic divinitatem, ita ut inseparabilem potestatem 1res tamen asseramus esse personas... Nec dissimilem opere Filium necdissimilem potestate... sed Deum verum de Deo vero esse generatum... imaginem quoque Patris, ut eum qui vident, viderit ct Patrem. Eumdem redemp­ tionis nostne gratia processisse de Virgine, ut perfectus homo pro perfecto qui peccaverat homine nasceretur.... Spiritum quoque Sanctum incrcatuni utque unius ma­ jestatis, unius usire, unius virtutis cum Deo Patre ct Domino nostro Jesu Christo, coi. 351 sq. Même autorité doctrinale souveraine dans la Confessio fidei catholica: envoyée, en 380, par le pape Damasc à Paulin d’Antioche,contenant 24 anathèmes dirigés contre ceux qui nient la parfaite consubstan­ tialité du Saint-Esprit avec le Père ct le Fils, contre l'erreur dc Sabcllius, contre les ariens, les eunoméens, les macédoniens, les photinlens, les apollinaristes, ct se terminant par ccttc conclusion très formelle : H.re ergo est salus Christianorum, ut credentes Trin tlati, id est Patri ct Filio cl Spiritui Sancto, in cam veram solamque unam divinitatem, et potentiam ac majesta­ tem ct substantiam eamdem sine dubio credamus, ut adernam attingere mereamur ad vitam, coi. 358 sq. Le pape saint Sirlcc (f 398), vers l’an 388, dans une lettre adressée à l’Église dc Milan, condamne l’erreur de Jovinien et de ses partisans : ut divina sententia ct nostro judicio in perpetuum damnati extra Ecclesiam remanerent; ct, à l’encontre de celle erreur, il enseigne la véritable doctrine : Nos sane nuptiarum vota non aspernanles accipimus quibus velamine intersumus, sed virgines quas nupliæ creànt, Deo devotas majore honorificentia muneramus. Epist., vu, n. 3 sq. P. L., t. xxui, coi. 1171. Cet acte pontifical doit être consi­ déré comme un acte de suprême autorité doctrinale, selon le jugement dc saint Ambroise ct celui de tous les évêques réunis avec lui à Milan : quos Sanctitas tua damnavit, scias apud nos quoque secundum judicium tuum esse damnatos. S. Ambroise, Epist., xui, n. 14, P. L. t. xvj col. 1128. D’ailleurs le même document épiscopal Indique, d’une manière générale, l’obliga­ tion imposée à toutes les brebis du troupeau de JésusChrist d'écouter ct de suivre l’enseignement du pontife romain auquel tout le troupeau a été confié : Hciognovimus I literis Sanctitatis luæ boni pastorii excubias, qui fideliter commissam libi januam serves, cl pia sollicitudine Christi ovile custodias, dignus quem oves Domini audiant ct sequantur, n. 1, col. 1124. Sous Je pape saint Innocent Ier (f 417), les Pères des deux conciles de Carthage (116) et de Milèvc (117) soumettent leurs décisions contre les erreurs pélaglennes, à sa suprême approbation, suivant en cela l’antique tradition ct sachant bien ce qui est dû au siège apostolique, ut tota hujus (sedis) auctoritate justa qiuc fuerit pronuntiatio firmaretur, S. Innocent b', Epist., xxxx, η. 1, P. L., t. xx, coi. 583; suivant aussi la règle antique observée dans 1664 tout l’univers, surtout quand une question de fol est en discussion, praesertim quoties fidei ratio ventilatur, arbitror omnes fratres ct cocpiscopos nostros nonnisi ad Petrum, id est sui nominis ct honoris auctorem referre debere, velut nunc retulit dilectio vestra, quod per totum mundum possit ecclesiis omnibus in commune pro­ desse. Epist., xxx, n. 2, coi. 590. Sur la demande formelle dc ces deux conciles,· le pape saint Innocent Ier prononce sur toute celle ques­ tion doctrinale un jugement qui est reconnu comme souverain ct définitif, Epist., xxix, xxx, col. 582 sq., 589 sq., ainsique l’indique le texte déjà cité dc saint Augustin, Sernt; cxxxi, 10, P. L., t. xxxvm, col. 734. Et ce qui atteste que ccttc coutume dc considérer l’évêque dc Rome comme possédant la suprême auto­ rité doctrinale existait déjà depuis bien longtemps dans l’Église, c’est cette louange adressée par Inno­ cent F* aux évêques d’Afrique,’ qu’en consultant l’évêque de Rome sur la question dc la doctrine catho­ lique à défendre contre les pélagiens, ils avaient agi selon la règle antique suivie dans tout l’univers : antiquæ scilicet regula formarn secuti, quam toto semper ab orbe mecum nostis esse servatam. Epist., xxx, 2, P. L., t. xx, col. 590. Cette même louange est encore donnée par Innocent aux évêques d’Afrique dans une autre circonstance : antiquœ traditionis exempla servantes cl ecclesiastical memores disciplina:. Epist., xxix, 1, col. 583. Le pape saint Célcstin Ier (t 432). Vers le milieu de l’an 430, avant le concile d’Éphèsc, sur la demande formelle de saint Cyrille d’Alexandrie, qui avait sou­ mis à saint Célcstin Ier la question doctrinale soulevée par l’erreur dc Nestorius, selon l’ancienne coutume des Églises dc communiquer toutes ces affaires au saint-siège, Epist., vin, parmi les lettres dc S. Ce­ lestin Ier, n. 1, P. L., t. L, col. 447, le pape saint Cé­ lcstin prononce; dc lui-même, une sentence définitive dc condamnation et d’excommunication contre Nes­ torius. Epist.; xi, n. 4, col. 463. Sentence annoncée ensuite par Célcstin lui-même aux autres évêques d’Orient, Epist., xn, n. 2, col. 467; à Nestorius en particulier, Epist.; xm, col. 469 sq.; au clergé ct au peuple dc Constantinople, Epist., xiv; col. 497, enfin au concile lui-même que le pape charge d’exécuter sa sentence. Epist., xvin, 5, col. 511. D’ailleurs, la souveraine autorité doctrinale du pape, est expressément reconnue par le concile, voir t. v, col. 157 sq.; P. L.,L i., col. 504; Mansi, Concit.; t. iv, col. 1211, 1287 sq., comme le témoigne encore très explicitement la lettre dans laquelle les Pères du concile rendent compte au pape de tout ce qui s’est accompli dans leurs réunions. Epist., xix, n.2,6, P. L., t. i,,cnl. 51 >2. 4° Conclusion. — On constate pendant toute ccttc période, mais surtout dans la seconde moitié du iv· siècle et dans la première moitié du v®, un progrès notable relativement à l’exercice du droit d’inter­ vention doctrinale des souverains pontifes ct relati­ vement à l’exposition des textes scripturaires affir­ mant l’autorité doctrinale de Pierre et de ses succes­ seurs. 1. A l’époque précédente, nous n’avions rencontré aucune intervention doctrinale bien explicite ct bien caractérisée. Dans cette deuxième période ces inter­ ventions sont assez nombreuses,surtout dans la seconde moitié du iv· siècle, avec les papes saint Damasc et saint Siricc ct dans la première moitié du v·, avec les papes saint Innocent Pr, saint Zozimc ct saint Cé­ lcstin Ι·Γ. Ce qui donne encore à ces Interventions une signi­ fication plus grande, c’est que le droit d'intervention est assez clairement ut testé surtout dans la première moitié du v· siècle par les souverains pontifes eux- 1GG5 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1666 mômes ct. par les témoignages del principaux doc- | manence de la fol chrétienne intégrale chez tous les leurs dc cette époque quand ils affirment la coutume ( successeurs de Pierre, mais même une absolue im­ obligatoire pour tous, ct reconnue comme telle depuis possibilité d'une erreur quelconque dans la foi, en longtemps, de recourir Λ l’évêque de Rome, quand il vertu dc l'institution divine, par conséquent une s’agit de décider les questions de fol. C'est ce que nous autorité doctrinale infaillib avons particuliérement constaté dans plusieurs lettres Dans une autrccirconslance, saint Léon, Instruisant dc saint Innocent Ier et dc suint Zozimc ct dans une , ces mêmes fidèles dc Rome, interprète ainsi le texte lettre dc saint Cyrille d’Alexandrie. | Simon, Simon ce ce Satanas expostulavit ut vos cribraret En même temps que sc produisent ces interventions ‘ sicut triticum. Luc., xxn, 31 sq. Le péril était commun des souverains pontifes, leur suprême autorité doctri­ Λ tous les apôtres et tous avaient également besoin nale est universellement affirmée, comme l’attestent du secours de la protection divine, puisque le démon particuliérement nu iv· siècle saint Athanasc, saint voulait les secouer ct 1rs briser tous. Cependant NotreBasile, saint Jean Chrysostome, saint Éplphane, saint Selgneur prend dc Pierre un soin tout spécial. Sa Jérôme, saint Ambroise, ct nu v· siècle saint Augustin, prière est, en réalité, pour la fol de Pierre : (anquam et les Pères du concile d’Éphèse, qui reconnaissent aliorum status certior sit futurus, si mens principis comme obligatoire pour tous la dérision doctrinale victa non fuerit. In Petra ergo omnium fortitudo muni­ portée par le pape saint Célcstin dans l'affaire dc tur, cl divina: gratia: ita ordinatur auxilium, ut firmitas qu.T per Christum Petro tribuitur, per Petrum apostolis Nestorius. 2. 11 y a progrès aussi dans l’exposition scripturaire conferatur. Serm., i.xxxni, 3, col. 431. Si l’on rap­ de cette vérité dc l’autorité doctrinale de l’évêque dc proche ce texte du passage cité plus haut, il est Rome. Plusieurs Pères mentionnent, d'une manière évident qu'il s’agit également kl d’une prérogative assez claire, la preuve scripturaire contenue dans le perpétuelle dc Pierre» toujours vivant dans scs texte 7 u es Pdrus, comme le font saint Éplphane et successeurs. On doit d’ailleurs noter que cet usace saint Jérôme, ou dans le texte Ego rogavi pro te, selon théologique du texte Ego rogavt pro te, en faveur du privilège dc l'infaillibilité pontificale, est le premier saint Ambroise et saint Cyrille d’Alexandrie. ///· PÉRIODE, depuis le milieu du v· siècle jusqu’au qu’enregistre l’histoire dc ce dogme, en dehors de la commencement du xv· siècle, caractérisée principale­ ! très brève indication dc saint Ambroise, que nous avons déjà signalée. ment par des interventions doctrinales plus fréquentes des souverains pontifes, en meme temps que par des • b) Le pape saint Simplicc (t 483), après avoir loué affirmations plus explicites de leur autorité provenant la lettre du pape saint Léon qui doit servir de règle de de déclarations doctrinales dumagistère ecclésiastique, I fol relativement à l'incarnation de Noire-Seigneur, ou de témoignages des principaux auteurs ecclésias­ 1 ajoute que, dans les successeurs de Pierre, persiste tiques ou théologiens. Ce sont ces interventions ct ces toujours la fol de Pierre : Perstat enim ίη successoribus affirmât Ions qui vont être étudiées pour chacun des suis turc et eadem apostoUcx norma doctnnx, cui Do­ minus totius curam ovilis injunxit, cui se usque ad finem siècles de cette période. 1 ° Dans la première moitié du F· siècle ct au FZ· siècle. sircull minime de/uturum, cui portas inferi nunquam —1. Principales interventions ou affirmations doctrinales prxoalituras esse promisit: cujus sententia, qux liga­ des souverains pontifes. — a) Le pape saint Léon Je rentur in terris solvt testatus est non posse nec in cxlo. Grand, en 449, avant le concile de Chalcédolnc, dans Epist., xv, P. L., t. Lvm, coi. 40. sa célèbre lettre à l'évêque Flavien dc Constantinople, c) I.c canon scripturaire des livres de ΓAncien et Epist., xxvm, P. L., t. liv, col. 755 sq., expose, avec du Nouveau Testament, attribué au pape saint une souveraine autorité, la fol que tous doivent suivre Gélose (f 496), rappelle que la primauté de l’Église relativement à I’incamation, ct commande que son romaine provient non de statuts synodaux, mais Jugement soit exécuté par ceux auxquels il en donne la dc l'institution de Jésus-Christ, d’après Matth., commission. Le jugement doctrinal du pape est consi­ xvi, 18 sq. Puis 11 conclut : Est ergo prima Petri apo­ déré par le concile lui-même comme définitif et comme stoli sedes, romana Ecclesia, non habens maculam, neque strictement obligatoire pour tous, Epist., xcvint rugam, nec aliquid hujusmodi. Denzinger-Bannvvart, parmi les lettres de saint LéonlcGrand,cu,P.L.,t.i.iv, Enchiridion, n. 163; P. L., t. ux, coi. 159. Expressions col. 952; Mansi, Concit., t. vi, col. 147 sq., 155; Den- qui, d'après tout le contexte de ce décret, où II s’agit zinger-Banmvnrt, Enchiridion, n. 149. C’est, d’ailleurs, uniquement de préserver toute l’Église de la conta­ ce qui fut expressément affirmé par le pape saint Simgion de l’erreur, pouvant provenir de livres non plice, Epist., iv, P. L., t. i.vm, col. 39, par le pape approuvés ou réprouvés par l’autorité ecclésiastique, saint 1 formisdas dans son formulaire dc foi, Dcnzlnger- signifient manifestement que ΓÉglise romaine, en Banrnvart, n. 171, ct conséquemment par toute la vertu de sa primauté divinement instituée, est, par le tradition catholique fidèle ù ce formulaire de foi. fait même, garantie contre toute possibilité d’erreur. D’autre part, la souveraine autorité doctrinale du Si ce décret n’est point du pape saint Gélase» il prouv e pape saint Léon s’était encore manifestée par la au moins la croyance de l’Égllsc à l’infaillibilité continuai ion qu'il avait donnée sur la demande de pontificale, à l’époquo où il a été composé. Marcicn, Epist., ex, aux décisions du concile. S.Léon I»r, d) Le pape saint Homiisdas (t 523), impose aux Epist., exiv, P. L., t. uv, col. 1029. évêques d’Orient qui veulent être en communion avec Non seulement saint Léon agit comme possédant l’Église romaine, un formulaire de foi contenant plu­ l'autorité doctrinale, mais il l’affirme expressément. sieurs affirmations qui expriment équivalemment l’in­ faillibilité pontificale. — a. Le formulaire déclare que, Instmisant scs fidèles de Rome, au Jour anniversaire dc son sacre, il déclare que Pierre a été établi fonde­ d’apres la promesse de Jésus-Christ, Matth., xvi, 18, la religion catholique a toujours été sans tache dans ment perpétuel dc l’Église, in accepta fortitudine petræ perseverans, suscepta Ecclesia: gubernacula non reti· le siège apostolique, ct que dans le siège apostolique quit, que son autorité vit toujours dans son siège, cujus est toujours l’intègre, vraie et parfaite solidité de la reli­ in sede sua vivit potestas et excellit auctoritas, ct que gion chrétienne. — b. Est également affirmée l’obliga­ tion d’adhérer ù l’enseignement du siège apostolique sa foi a été divinement munie d’une telle solidité, ut eam neque lurrctica unquam corrumpere pravitas, sous peine d’être privé de la communion de l’Église ca­ tholique. Denzinger-Bannvvart, Enchiridion, n. 171 sq. nec pagana potuerit superare perfidia. Serm., ni, c. m, P. L., t. 14v, coi. 146 sq. Paroles qui expriment mani­ On sait d’ailleurs que ce formulaire dc fol, qui fut festement, non seulement le fait de la constante per­ très longtemps en Orient la tessère de l'orthodoxie VIL — 53 DICT. PE TlléOL. cathou 1667 INFAILLIBILITÉ DU PAPE catholique et de l’union avec Rome, fut solennelle­ ment proclamé règle de foi par le VIII· concile œcuménique en· 869, Denzingcr-Bannwart, n. 336, et par le concile du Vatican, sess. IV, c. iv, ibid., D. 1832 sq. e) Le pape Boniface II (t 532). Sur la demande de saint Césaire d’Arles, sollicitant l’approbation ponti­ ficale pour les décrets du concile d’Orangc concernant la doctrine de la grâce, postulans ut pro ambiguitate tollenda confessionem vestram,,, auctoritate sedis apostolfca firmaremus, Boniface II, après avoir rappelé la doctrine catholique sur les points en litige, donne son approbation : Quapropter affectu congruo salu­ tantes, suprascriptam confessioni m vestram constnianeam catholicis Patrum regulis approbamus. Epist., i, P. L., t. lxv, coi. 31,33. On doit observer que c’est à cause de celte approbation toute spéciale du pape que le concile d’Orange, quoique simplement régional, a toujours été considéré dans l’Église universelle comme jouissant d’une souveraine autorité doctrinale. I) Le pape Pélage Il (f 590), dans une lettre aux éveques schismatiques d’1st rie en 585, interprète ainsi avec autorité les paroles de Notre-Seigncur, Luc., xxn, 32 : Considerate, carissimi, quia ver itas men­ tiri non potuit ncc fides Petri in internum quassari poterit vcl mutari : nam cum omnes discipulos diabolus ad cxcribrandum poposcerit, prosolo Petro se Dominus rogasse testatur ct abeo voluil ceteros confirmari. Epist., m, P. L., I. lxxii, coi. 707; Denzinger-Bannwart, n. 216. 2. Témoignages explicites des principaux docteurs ou personnages ecclésiastiques. — a) Saint Pierre Chrysologue (t 450). — En février 449, quelques mois avant la lettre de saint Léon à Flavlcn, Pierre Chrysologuo répondant à Eutychès l’engage à adhérer avec une parfaite obéissance aux lettres de l'évêque de Rome : Quoniam beatus Petrus, qui in propria sede et vivit ct prtesidet,præslatquœrenlibus fidei veritatem.Et il ajoute aussitôt : Nos enim pro studio pacis ct fidet, extra consensum Romanic civitatis episcopi, causas episcopi, causas fidei audire non possumus. Epist., lxv, panni les lettres de saint Léon le Grand, P. L., t. u v, col. 713. b) Théodorct, évéque de Cyf (t-158), dans une lettre à Renatus, archidiacre de Rome, affirme que le très Saint-Siège de Rome a l’hégémonie sur toutes les Églises de l’univers à beaucoup de titres,ct avant tout parce qu'il est resté exempt de toute corruption héré­ tique, et que personne partageant ces Idées hérétiques ne s’est jamais assis sur ce siège. Epist., cxvi, P. G., t. Lxxxiu, col. 1324. Et, dans une lettre subséquente au même archidiacre, Théodorct exprime encore ccttc conviction que ceux qui adhèrent ù la foi apostolique, c’cst-à-dirc ù la fol de l'Église de Rome, y trouvent un port commode ct sûr. Epist., cxvm, col. 1328. Saint Fulgcncc de Ruspc (t 533) ct quinze autres évêques africains,écrivant vers 519 à ceux qui avaient été envoyés d’Oricnt à Rome pour la cause de la foi, parient ainsi de l’autorité doctrinale de l’Église romaine : Quod... romana quic mundi cacumen est, tenet et docet Ecclesia, totusque cum ea Christianus orbis et ad justitiam nihil tuesitans credit ct ad salutem non dubitat confiteri. Epist., xvii, n. 21, P. L., t. lxv, coL 465. c) Témoignage des évéques des Gaules au F· et au r/· siècle. — Vers 450, plusieurs évêques des Gaules, en remerciant le pape saint Léon de sa lettre à Flavien, rendent un hommage très explicite à sa souve­ raine autorité doctrinale : Magna praeterea et ineffabili quadam nos peculiares tui gratulatione succrescimus, qund illa specialis doctrinas vestra pagina ita per om­ nium Ecclrstarum conventicula celebratur, ut vere consona omnium sententia declaretur merito illic prin­ cipatum sedis apostolicæ constitutum, unde adhuc 1668 apostolicl spiritus oracula reserentur. Epist., lxvui, parmi les lettres de saint Léon le Grand, c. i, P. L., t. i.iv, col. 889. Vers la fin de l’année 451,quarante-quatre évêques des Gaules réunis ù Arles,écrivant, pour la même occa­ sion, au pape saint Léon, s’expriment de la même ma­ nière : Quie apostolatus vestri scripta ita ut symbolum fidet quisquis redemptionis sacramenta non negligit, tabulis cordis ascribit ct tenaci, quo ad contundendos haereticorum errores paratior sit, memoria* commendavit. EpZsf., xax, panni les lettres de saint Léon Je Grand, C, n, col. 967. Au concile d’Orléans en 549 les évêques gaulois réprouvent ainsi leserreurs de Ncslorlus cl d’Eutychès, selon les condamnations déjà portées parlcsainl-siègc: Primo itaque nefariam seciam quam auctor male sibi conscius et a vivo sanclæ fulci calholicæ fonte discedens, quondam condidit Eutyches, vel si qua a venefico simi­ liter impio sunt prolata Nestorio, quas etiam sectas sedes apostolica sancta condemnat, similiter cl nos eadem cum suis auctoribus et sectatoribus exécrantes, prœscntis constitutionis vigore, anathematizamus atque damna­ mus, rectum atque apostolicum in Christi nomine fidei ordinem prœdicantcs. Can. 1, Mansi, Concit., t. ix, coi. 129. 2° Au F//· cl au V//19 siècle. — 1. Interventions ou affirmations doctrinales des souverains pontifes. — a) Le pape saint Agathon (t 681), dans sa lettre Ad augustos imperatores sur la question du monothé· lismc, indique avec une pleine autorité, avant la célé­ bration du concile, la doctrine que tous doivent suivre, sous peine d’être en dehors de la foi orthodoxe. Epist., i, P. L., t. Lxxxvn, col. 1168 sq., 1205, 1208, 1212. Voir Agathon, 1.1, col. 559 sq. Cette souveraine auto­ rité doctrinale est pleinement reconnue par les Pères du VIe concile dans leur lettre au pape Agathon. Epist.v, parmi les let t res de saint Agat hon, col. 1247sq. Ils déclarent que l'évêque du premier siège de toute l’Église est pour eux un sage médecin donné par Dieu, chassant vigoureusement, par les remèdes de l’ortho­ doxie, la contagion de la peste hérétique, et donnant aux membres de l’Église la santé ct la force. Les Pères abandonnent la décision de ce qui est à faire au pape, qui s’appuie sur la pierre Inébranlable de la foi, έπί τήν στερεόν πέτραν έστώτι τηςπίστεως. Ils reconnais­ sent la lettre d’Agathon [τά γράμματα] ώς άπό της κορυφαίας των άποστόλων άκρότητος ΟεοΧργηθέντα, col. 1247. Ils affirment que, dans leur définition de la foi, ils ont été conduits par les enseignements du pape, ταις ύμετέραις διδασκαλίαις όδηγούμΓ/οι, col. 1251 ; et Ils le prient de confirmer par un reserit la fol qu’ils viennent de définir, ήν καί αυβις διάτιμίων ύμών αντιγραφών έπισφραγίσαι την ύμών έζλιπαρούμεν πατρικήν αγιότητα, col. 1251. Voir Honorius Ι·γ, col. 117. La lettre d'Agathon contient aussi un enseignement formel sur l’autorité doctrinale de l’Église romaine. Voir t. i, col. 560 sq. L’Église romaine ou Église apostolique n’a jamais dévié de la vole de la vérité pour embrasser quelque erreur que ce soit, et on ne pourra jamais prouver qu’elle ait ainsi erré. Elle a toujours gardé avec une fol sans tache ce qu’elle a reçu dès le commencement de la foi chrétienne, confor­ mément à ccttc parole : Ego autem rogavi pro te ut non deficiat fides tua. El tu aliquando conversus, confirma fratres tuos, Luc., xxn, 32, parole par laquelle Jésus o promis que la fol de Pierre ne pourrait défaillir ct qu’il confirmerait ses frères. Epist.,i, P. J.,,t. i.xxxvn, col. 1169, 1205. b) Le pape saint Adrien Irr (t 795), en 785, avant le II· concile de Nicér, dans une lettre doctrinale à Constantin et à Irène,sur le culte des images,demande, I au nom de l’autorité principale qui lui appartient 1G69 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1670 en vertu de l'institution divine, que l’on suive, pour ct altorum catholicum patrum instituta, non sapuerint, toute celle question, la fol orthodoxe de son Église sancimus eos a Christo et ab Ecclesia catholica atque romaine ; doctrine dont il donne un long exposé. Epist., aposlolica esse anathema. Epist., αν, n. 6, coi. 1078. i.vi, P. L., L xevi, col. 1218 sq., 1234. Ce n’est qu'à . b) Le IV· concile œcuménique de Constantinople la condition d’adhérer pleinement à ccttc doctrine (869-870) témoigne manifestement sa croyance, au que l’on sera reçu à sa communion, col. 12X1. moins implicite, au dogme de l'infaillibilité pontificale, Vers la même époque, Adrien, écrivant à Taraslus en approuvant solennellement le formulaire de foi du de Constantinople, lui demande également, ct pour pape saint llormisdas, si explicite en faveur de l’in­ les mêmes raisons, de suivre, relativement au culte faillibilité pontificale. Voir t. ni, col. 655,1295. des images, la doctrine du siège apostolique. Epist., 2. Principales affirmai ions des auteurs ecclésiastiques. I.VH, col. J 210. — a) En Orient,saint Théodore Studite (t 828), dan» La souveraine autorité doctrinale du pape Adrien Ier sa lettre cxxix, demande que, pour mettre fin à la est pleinement reconnue par le II· concile de Nicéc. A controverse concernant le culte des images, on envole la question que posent les légats du pape, de l’appro­ une légation à Rome pour que de là on reçoive la bation ù donner par le concile aux deux lettres doc­ certitude de la fol : ΚάκεΐΟεν δεχέσϋω τδ ασφαλές trinales du pape,tout le concile répond unanimement: της πίστεως. Epist., 1. II, epist. cxxix, P. G., Nous les suivons, nous les recevons, nous y adhérons. t. xax, col. 1420. Ce qui suppose manifestement dans Mansi, Concil., t. xn, col. 1086. le pontife romain, ct le pouvoir suprême de déclarer, 2. Principales affirmations des auteurs ou perso n- d'une manière obligatoire pour tous, ce que l’on doit nages ecclésiastiques, — En 649, les évêques africains croire, ct le pouvoir de le déclarer d’une manière in­ de Numidic, de Byzacènc et de Mauritanie, écrivant faillible. Car la certitude de la fol qui doit résulter au pape Martin Pr, reconnaissent, comme les évêques de l’enseignement du pontife romain, ne peut exister si africains du v· siècle écrivant à Innocent Ier, que, cet enseignement n'est pas infaillible. Saint Théodore d’après les règles anciennes, ce qui concerne la fol est d’ailleurs très explicite sur la primauté du pontife doit, même dans les provinces éloignées, être déféré romain. Epist., LU, epist. lxxxvi, col. 1332. à la connaissance du siège de Borne, ut hujus auctoritate b) En Occident. — Saint Pasrhasc Radbert (t 860), justa quæ fuisset pronunc iatio firmaretur, indeque expliquant le texte Tu es Petrus, Matth., xvi, 16 sq., sumerent celeræ Ecclesiæ velut de natali suo /onte praedi­ affirme que c'est une même chose de dire que les atta­ cationis exordium et per diversas totius mundi regiones ques des puissances infernales ne prévaudront jamais puritatis incorruptus maneant fidei sacramenta salutis. contre la fol de Pierre, ou qu’elles ne prévaudront Mansi, Concil., t. x, coi. 920. jamais contre l’Église qui, par cette fol, est fondée Saint Maxime le Confesseur (t 666), dans une de sur Jésus-Christ. C'est tout un, parce que ni le fonde­ ses lettres, rend hommage à l’indéfcctibilité perpé­ ment ne peut être dissous, ni une telle fol ne peut tuelle de Pierre dans la confession de la foi; contre manquer de fermeté, ni l’Église ne peut être ébranlée ccttc foi, la méchante bouche des hérétiques, ouverte par le choc des tempêtes. Expositio in Matth., L VI II, comme les portes de l’enfer, sera â jamais impuis­ c. xvi, P. L., t. exx, col. 561. Affirmer que la foi de sante. Epist., xm, P. G., t. xci, col. 512. Pierre ne peut jamais manquer de fermeté jusqu'à la 3° Au rx· et au Xe siècle. — 1. Affirmations doctri­ consommation dessiècles,c’est manifestement affirmer nales du magistère ecclésiastique. — a) Le pape saint que les successeurs de Pierre sont Infaillibles quand Nicolas Ier (t 867), en 860, dans une lettre à l’empe­ ils se servent de leur autorité suprême pour diriger reur Michel, affirme explicitement que Pierre, par la foi des fidèles. ses prière;, ne cesse de soutenir l'Église, bâtie sur sa Saint Odon de Cluny (t 942) reproduit l’interpré­ foi solide, ct de la soutenir de telle manière que, par tation de Luc, xxn, 32, précédemment donnée par la règle de la vraie foi, il réforme promptement la saint Léon 1er, que, le danger étant commun à tous, folie de ceux qui tombent dans l’erreur, et que les Jésus prie particulièrement pour Pierre, pro fide Petri portes de l’enfer, c’est-à-dire les suggestions des esprits proprie supplicatur, tanquam aliorum status certior sit malins et les attaques des hérétiques, ne puissent juturus, si mens principis vicia non fuerit. In Petro point briser l’unité de l'Église. Epist.; iv, P. L., ergo omnium fortitudo munitur, et divime grati* ita t. exix, col. 773. Aussi Nicolas Ier demande que l’on ordinatur auxilium, ut firmitas quit per Christum Petro suive, relativement au culte des images, la doctrine tribuitur, per Petrum apostolis conferatur. Serm., i, enseignée par scs vénérables et orthodoxes prédé­ P. L., t. cxxxm, coi. 713. cesseurs, col. 777. Atton de Vercell (t 961) conclut du texte Tu es Dans une lettre à Photius, en 862, le même pape Petrus, Matth., xvi, 16 sq., que la sainte Église a été Insiste de nouveau sur la primauté de l’Église romaine, bâtie sur la pierre dans la solidité de la fol apostolique, Epist., xn, col. 785 sq. ; et, parce que l’universalité et que les puissances de l’enfer ne peuvent prévaloir des croyants demande la doctrine ct l’intégrité de la contre elle. De pressuris ecclesiasticis, part. I, P. L., fol à cette sainte Eglise romaine qui est la tête de t. cxxxiv, col. 53. Ce qui est une affirmation assez toutes les Églises, il faut que le pontife romain,ù qui évidente de l*infaiMibilité de Pierre ct de tous ses suc­ tous les croyants ont été confiés, veille ù la garde du cesseurs. troupeau de Jésus-Christ avec d’autant plus de soin 4° Au .T/· siècle. — 1. Affirmations doctrinales des que l’on est plus avide de déchirer ce troupeau, souverains pontifes. — a) Le pape saint Léon IX col. 786. (t 1054),dans une lettre à Michel Cérulalre, en 1053, En 865, dans une nouvelle lettre à l'empereur après avoir rappelé les promesses infaillibles de JésusMichel, Nicolas Ier affirme derechef la souveraine auto- Christ : porter inferi non prævalebunt adversus eam, Matth., xvi, 18, ct ego autem rogavi pro te ut non defi­ rité doctrinale du saint-siège par ccttc formule déjà en usage depuis plusieurs siècles : palet projecto sedis ciat fides tua, et tu aliquando conversus confirma fratres apostolicæ cujus auctoritate major non est, judicium a tuos, Luc., xxn, 32, appuie sur ces promesses ccttc nemine fore retractandum, neque cuiquam de ejus liceat déclaration : C'est par le siège du prince des apôtres, judicare judicio. Epist., lxxxvi, coi. 961. c’est-à-dire par l’Église romaine, tant par saint Pierre Dans une lettre au clergé de Constantinople en 866, que parscssuccesscurs.qu’ontétéréprouvéeset repous­ le même pape déclare quo ceux qui ont attaqué le sées toutes les opinions des hérétiques et que les cœurs culte des images quamdiu de hls nobiscum non sense­ de tous les frères ont été confirmés dans la fol de rint, ct juxta sanctorum jwntificum rumSnorum decreta, Pierre, qui Jusqu’ici n’a jamais défailli et ne pourra défaillir jusqu’à la fin des siècles. Epist., c, n. 7, P. L.,1. exun, col. 748. Enseignement répété un peu plus loin dans cette mime lettre ct également appuyé sur Luc., xxn, 32 : Quo dido demonstravit fidem (ratrum vario dejectu periclitandam,sed inconcussad indefidente fide Petri, velut firmir anehorie subsidio figendam et in (undamento universalis Ecclesia confirman­ dam. Quod nemo negat, nisi qui evidenter hire ipsa verba veritatis impugnat, quia stcut cardine totum regitur ostium, ita Petro et successoribus ejus totius Ecdesbv disponitur emolumentum. Et sicut cardo immobilis permanens ducit et reducit ostium, sic Pdrus et sui successores liberum de omni Ecclesia habent judicium, cum nemo debeat eorum dimovere statum, quia summa sedes a nemine judicatur. Epist., c, n. 32, coi. 765. Cet enseignement est encore répété dans une lettre à Pierre d'Antioche, en 1054, ct également appuyé sur Luc . xxn, .32 : Quæ venerabilis et efficax oratio obti­ nuit quod hactenus fides Petri non defecit, nec dejectura creditur in throno illius usque in sarculum saxuli; sed confirmabit corda fratrum variis concutienda fidei peri­ clitationibus, sicut usque nunc confirmare non cessavit. Epist., exi, coi. 770. b) Le B. Urbain II (f 1099), dans plusieurs lettres, après avoir affirmé la plénitude du pouvoir concédé Λ Pierre, ajoute : Ipsi quoque et propria firmitas d aliéna fidei confirmatio; eodem Deo auctore, prxslalur cum ad cum ait : Rogavi pro te, Petre, ut non deficiat fides tua, d tu aliquando conversus confirma fratres tuos. Epist., Lvm, lx, cxLV, P. L., t. eu, coi. 337,341,421. 2. Affirmations des principaux auteurs ecclésiastiques. — Saint Pierre Damien (f 1072), dans un de ses ser­ mons, enseigne que l'Église romaine est la mère et la maîtresse de toutes les Églises et qu’il lui a été dit : Ego pro le rogavi, ut non deficiat fides tua. Serm., xxm, P. L., L exuv, col. 636. Saint Anselme de Lucques (t 1086), dans son ou­ vrage contre l’antipape Guibcrt, déclare qu’à cause de la prière faite par Jésus-Christ pour que la foi de Pierre ne défaille point, la fol du seul patriarche ro­ main, foi dans laquelle il doit confirmer ses frères, ne pourra jamais défaillir. Contra Gulbertum antipa­ pam, I. 11, P. L., t. exux, col. 469. 5° Au Xll· siècle.— 1. Affirmations doctrinales des souverains pontifes. — a) Signalons d’abord, chez plu­ sieurs papes de cette époque, la reproduction de la formule précédemment employée par Urbain II; notamment chez Pascal II, Epist., clxxxvui, P. L., t. CLxm, col. 194; Eugène Ill(t 1153), Epist., cdix, P. L., t. clxxx, col. 1435; Anastase IV (f 1154), Epist., xxix, P. L., t. clxxxvui, col. 1019;et Alexan­ dre III, Epist., cclx, mcccxxii, P. L., t. cc,col. 301 sq. 1148sq. b) Innocent II (t 1143), répondant en 1140 aux archevêques et évêques du concile tenu à Sens, au sujet des erreurs d'Abélard, s’appuie sur l'autorité qui appartient au successeur de Pierre, d'après la parole de Jésus-Christ, El tu aliquando conversus confirma fratres (nos, pour condamner les fàux dogmes de cc novateur, dont l’examen final lui était soumis. Epist.; cdlvit, P. L., t. clxxix, coi. 517; Denzingcr-Bannwnrt, n. 387. On doit d’ailleurs obser­ ver que les évêques de France, dans leur supplique au pape Innocent II, avaient expressément reconnu sa souveraine autorité doctrinale ; Tuum est, de cetero, beatissime pater, providere ne in diebus tuis aliqua h&retlcx pravitatis macula decor Ecclesiæ maculetur. Tibi commissa est sponsa Christi, amice sponsi : tuum est tandem uni viro virginem castam exhibere Christo. Epist, exa, parmi les lettres de saint Bernard, F. L., t. clxxxii, coL 358. e) Chez Je pape Alexandre III (f 1181) se rencon- trent, avec la formule déjà signalée chez Urbain H, deux déclarations caractéristiques. Tous ceux qui sont du bercail de Jésus-Christ sont soumis au magistère de Pierre, Petri magisterio d doctrina subjaceant, selon la parole de Jésus. Luc., xxn, 32. Toutes les fols qu’il y a un doute concernant quelque article de fol, on doit recourir avec confiance ad pnrdidani romanam Ecclesiam tanquarn ad matrem cl magistram fidet Chris­ tiana, cujus est teneros in fide populos verbo Del pascere instruere d confirmare, sine qua fide videlicet, testante apostolo, impossibile est placere Deo. Epist., mdxlvh bis, P. L., t. cc, coL 1259. 2. Affirmations des principaux auteurs ecclésias­ tiques. — Yves de Chartres (f 1117) insère dans sa collection canonique les autorités précédemment citées des papes Agathon et Léon IX. Decretum, part. V, c. xui, P. L., t. clxi, col. 337 sq. Godefroi de Vendôme (t 1132), dans une lettre au pape Pascal II, affirme que, maintenant encore, la fol de Pierre a toujours la même vigueur dans son siège, qui a coutume de ne jamais errer; et que Jésus a choisi Pierre pour affermir l’Église par la force de la foi de Pierre. Epist., vjî, P. L., t. clvh, col. 42 sq. Hildebert du Mans (f 1133), dans un de ses sermons, après avoir cité le texte, Et tu aliquando conversus confirma fratres tuos, ajoute que Pierre est le fonde­ ment auquel l’Église est unie; car c’cst par la foi de Pierre que tous les membres adhèrent à l’Église. Serm.; xcvm, P. L., t. ci.xxi, col. 795. Saint Bernard (f 1153), dans la lettre où il dénonce à Innocent II les erreurs d’Abélard, loue ainsi l’auto­ rité doctrinale du pape : Il faut que votre autorité apostolique soit instruite sur les dangers ct les scan­ dales qui éclatent dans l’Église, ceux surtout qui concernent la fol. Car j’estime qu’il est digne que les dommages portés à la foi soient réparés là sur­ tout où la foi ne peut éprouver aucune défaillance. Dignum namque arbitror ibi potissimum resarciri damna fidei, ubi non possit fides sentire dejectum. litre quippe hujus prorogativa sedis. Ce que le saint docteur prouve par le texte de saint Luc, xxn, 32. Cul enim alteri aliquando dictum est : Ego pro le rogavi ut non deficiat fides tua. Ergo quod sequitur a Pdrl successore exigitur : Et lu aliquando conversus confirma fratres tuos. Il demande donc au pape d’exercer son autorité: In eo plane Petri impletis vicem, cujus tendis d sedem, st vestra admonitione corda in fide fluctuantia confir­ matis, st vestra auctoritate conteritis fidei corruptores. Epist.; cxc, seu tractatus ad Innocentium II, P. L., t. clxxxii, coi. 1053 sq. Anselme d’IIavelbcrg (f 1154), dans les conférences qu’il eut avec les grecs, pendant son séjour à Constan­ tinople, y prouva particulièrement la primauté de l’Église ct le magistère du pontife romain : Undo et Dominus sciens alias Ecclesias lurretica impulsione nimium vexandas, d Romanam Ecclesiam quam ipse supra petram fundaverat, nunquam in fidedebilitandam, dixit Petro : Ego pro te rogavi ut non deficiat fides tua, ct tu aliquando conversus confirma fratres tuos, ac si aperte ei dicat : tu qui hanc gratiam accepisti, ut, aliis in fide naufragantibus, semper in fide immobilis ct constans permaneas, altos vacillantes confirma d cor­ rige, d tanquarn omnium provisor, cl doctor, et pater, et magister, omnium curam d sollicitudinem gere. Merito ita privilegium pro lationis super omnes accepit, qui in conservanda integritate fidet prie omnibus privi­ legium a Domino susceperat. Dialogi, I. Ill,c. v, P. L., L CLXXxvm, coL 1213 sq. l n peu plus loin, Anselme prouve que l’Église romaine possède, en vertu de l’institution divine, deux privilèges : videlicet prie omnibus incorruptam puritatem fidei, d super omnes potestatem judicandi, J. Ill, c. xn, col. 1223. Bien que le Deerclum de Gratlcn(f 1158), considéré 1673 INFAILLIBILITÉ DU PAPE dans son ensemble, ne donne nucun témoignage I concluant en faveur de l'infaillibilité pontificale, nous I le mentionnons ici, parce que, dans les siècles suivants, il n fourni des arguments aux adversaires aussi bien qu'aux défenseurs de l'infaillibilité pontificale. Contre l'infaillibilité pontificale, on a invoqué l'attitude prise par Gratlcn à l'égard d’Anastase IL L'auteur du Décret rapporte d'abord la décrétale, d'ailleurs authentique, d'Anastase II reconnaissant la validité des sacrements conférés par Aeaee de Cons­ tantinople depuis sa déposition, ct établissant d'une façon générale la validité des sacrements conférés par des ministres indignes. Puis il ajoute : < Pour avoir agi de cette manière illicite ct anti-canonique, à l'encontre des décrets de scs prédécesseurs cl de scs successeurs, Anastase est rejeté par l'Église romaine, ct on sait par ailleurs qu'il fut frappé par Dieu, ideo ab Ecclesia roman a repudiatur, cl a Deo percussus legitur fuisse hoc modo. Suit la notice empruntée au Liber ponti­ ficalis, qui justifie l'assertion de Gratlcn. Decret., I, dist. XIX, c. 8 ct 9, P. L.,1. clxxxvii, col. 109 sq.; édit. Friedberg, t. ï> col. 63 sq. On remarquera seule­ ment que l’appréciation sévère de Gratlcn ne tombe pas sur le décret dogmatique d'Anastase, mais seu­ lement sur les collusions dont cc pape sc serait rendu coupable avec des hérétiques déclarés. En ceci Gratlcn ne faisait que suivre toute son époque qui unanime­ ment regardait Anastase comme un des papes tombés dans l'hérésie. Au xiv· siècle encore, Dante fait une place dans son Enfer, 1. X1,9, à Anastase, < que Photin a entraîné hors du droit chemin. · Voir J. Dollinger, Die Papst/abeln des Miltelallcrs, p. 121 sq. En faveur de l'infaillibilité, on a pu citer le dictum de Gratlcn ainsi formulé : Jésus-Christ accordant à Pierre, prie omnibus ct pro omnibus, les clefs du royaume des cicux, donne lui-même sa parole, qu'il a prié spécialement pour la foi de Pierre ct qu’il lui a enjoint de confirmer ses frères par ces mots : Ego rogavl pro te ut non deficiat fides tua, et tu ali­ quando conversus confirma fratres tuos. Decret., part. I, dist. XXI, édit. Migne, col. 115; Friedberg, col. 67. Le Decretum contient encore plusieurs canons favo­ rables à l'infaillibilité pontificale, presque tous d'ori­ gine pscudo-lsldorlenne. La sainte ct apostolique Église romaine, mère de toutes les Églises, n'a jamais dévié de la vraie foi apostolique, et elle garde intacte, jusqu’à la consommation des siècles, la règle de la foi chrétienne qu’elle a reçue de ses fondateurs. Decret.; part. II, causa XXIV, q. i, c. 9, canon pseudo-lsidorien, édit. Migne; col. 1268; Friedberg, col. 969. La foi de l'Église romaine n'a jamais aidé aucune hérésie ct elle les détruit toutes, c. 10, canon pseudo-lsidorien, édit. Migne, col. 1268; Friedberg, col. 969. Dans le siège apostolique, la religion catho­ lique n toujours été exempte de tache, c. 11, canon pseudo-lsidorien, édit. Migne, col. 1268; Friedberg, col. 069. Toutes les fois que la question de la fol est agitée, il y n obligation pour tous, fidèles et évêques, d’en référer ft Pierre, afin que celui-ci puisse, dans tout l’univers, être utile ft toutes les Églises, selon la lettre du pape saint Innocent Pf, en 417, aux évêques du concile de Milève, c. 12, édit. Migne, col. 1269; Fried­ berg, col. 970. C'est au pape qui tient lu fol et le siège de Pierre, ft corriger cc qui peut être dit minus perite aut parum caule relativement ft la fol. La sainte Eglise romaine, qui est toujours restée immaculée, le restera toujours, dans l'avenir, avec le secours de la provi­ dence divine ct celui du bienheureux apôtre Pierre; ct elle continuera, dans tous les temps, à être ft l'abri de toutes les attaques de l'hérésie et inébranlable­ ment ferme, c. 14, canon pseudo-lsidorien, édit. Migne, col. 1269; Friedberg, col. 970. 11 n’est point permis 1674 d’enseigner ou de penser autrement que l’on a été enseigné par le bienheureux Pierre et les autre· apôtres, parce que saint Pierre est le chef de toute l'Église, auquel toutes les affaires majeures doivent être référées, c. 15, canon pseudo-lsidorien, édit. Mi­ gne, col. 1270; Friedberg, col. 970, Ge Au XJΠ· siècle.— L Interventions doctrinales ou affirmations des souverains pontifes. — a) Chez le pape Innocent III (f 1216),on rencontre,à peu près, les mêmes expressions que chez scs prédécesseurs du xn· siècle. Il affirme; dans plusieurs circonstances, que Jésus a prié spécialement pour que la fui de Pierre ne défaille pas, Luc., xxn, 32; qu'en conséquence il appartient ft Pierre et à ses successeurs de confirmer les autres, de telle sorte que la nécessité d’obéir leur soit imposée. Ite gesta, L II, epist. cax, P. L., t. ccxiv, col. 760; Kegistrum de negotio romani imperii, epist. xxxv, P. L., t. cgxvt, col. 1091. 1. On doit aussi mentionner l’appellation cunctorum fidelium mater et magistra donnée ft l'Église romaine par le IV· concile de Latran en 1215. DenzingerBannwart, n. 433,436. b) Le pape Clément IV, en 1267, détermine,par sa seule autorité, la profession de fol demandée ft Michel Pulêologue, empereur de Constantinople, en vue de l’union projetée avec l’Église romaine. Dans cette profession de fol, le pape, de lui-même. Insère l’affir­ mation explicite de plusieurs dogmes qui, jusqu'à cette époque, n'avaient point encore été l'objet d'une telle affirmation, ni dans les professions de foi, ni dans les déclarations des conciles; notamment la croyance au Saint-Esprit procédant ex Paire Ftlioque, la croyance nu purgatoire ct à l’efficacité des suffrages offerts pour les âmes du purgatoire, ct toute la doctrine sur les sacrements. Denzinger-Bannvrart, n. 463 sq. On doit aussi noter l’insistance axée laquelle la profession de fol propose la croyance de l’Église ro­ maine; comme la règle de foi que doit suivre tout fidèle catholique, ainsi que l'affirmation très explicite de la souveraine autorité doctrinale du pape : El sicut præ arteris tenetur fidei veritatem defendere, sic et st qua· de fide subortre fuerint questiones, suo debent judicio definiri. Denzinger Bannxxart, n. 466. On sait d'ailleurs que cette profession de fol fut solennelle­ ment approuvée ct acceptée par le II· concile œcu­ ménique de Lyon en 1274. c ) 11 convient particulièrement d’observer que les condamnations portées, ft cette époque, avec une sou­ veraine autorité, par les pontifes romains, ont pour objet non seulement la réprobation de cc qui est direc­ tement ct Immédiatement opposé ft la fol, comme la condamnation portée contre les cathares ct autres hérétiques du même genre, Dcnzmgcr-Bannwart, n. 444, mais encorecc qui est contre la foi d'une manière plus indirecte ct plus lointaine, comme l’abus théolo­ gique des expressions nouvelles empruntées à la phi­ losophie ou des raisonnements purement naturels, n. 442 sq. VoIfÉouse, t. iv, col. 2182. 2. Affirmations des principaux théologiens. — Nous citerons particulièrement Innocent III dans son traité Desiero altaris mysterio composé avant son pontificat, saint Thomas ct saint Bonaventure. a) Innocent III (t 1216) Insiste sur l’impossibilité d’une erreur quelconque dans la fol du siège aposto­ lique, d'après le texte Ego autan pro te rugavl : Ad Petrum igitur tanquarn ad magistrum pertinet coctcros confirmare, cujus fides in nulla (mtatione defecit. Fides tnim apostoliar sedis semper firmam petram stabili soliditate fundatu, nullis unquam errorum sordibus potuit inquinari; s 1685 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1686 Inexactes données à certaines difficultés historiques en quelque manière la supériorité du concile sur 1· dont il sera question dans d’autres articles du Diction­ pape en matière de fol. Au commencement du χνι· siècle, ces théories sont naire. Malgré ces quelques défauts, d’ordre plutôt secondaire, cette démonstration garde sa valeur sub­ combattues par Cajétan dans deux opuscules publiés stantielle ct méritait d’être traitée plus équitablement en 1511 ct 1512. Cajétan montre, d’une manière géné­ par J. Tunnel, qui, après avoir cité les critiques peu rale, que le pape est super potestatem Eccles i« univer­ fondées dirigées par Launoi contre la démonstration salis cl concilii generalis, ut distinguitur contra papam, patristique de Bellarmin, n’y oppose qu’une bien d’après l’institution de Jésus-Christ. De comparatione faible résistance. Histoire de la théologie positive du auctoritatis papx et concilii, c. vn. Opuscula omnia, concile de Trente au concile du Vatican, Paris, 1906, Turin, 1582, p. 12 sq. Démonstration complétée dans le reste de cet opuscule, c. xi sq., p. 20 sq., et dans un p.293sq. deuxième opuscule publié en 1512, Apologia de com­ 3. Certitude dogmatique de Γ in/aiUibititê pontificale. 4 4-66. Le pou­ — Cette question sc pose comme conséquence de la parata auctoritate papse et concilii, démonstration scripturaire ct patristique. Au χνι· ct voir de déterminer avec infaillibilité cc qui est de fol, au xvn· siècle, on affirme encore assez fréquemment réside principalement dans le souverain pontife; et que l’infaillibilité pontificale, bien qu’elle soit une même, selon saint Thomas, l’autorité de l’Église uni­ vérité certaine, n’est cependant pas expressément de verselle, comme on l’appelle, n’est autre que celle du fol, soit parce que l’Églisc n’avait point encore porté pape. De comparatione auctoritatis papæ ct concilii, de définition expresse sur cc point, soit à cause des c. ix, p. 17. Quelques années plus tard, en 1516, Sylvestre de assertions opposées de plusieurs théologiens ou cano­ nistes jouissant de quelque considération. Stapleton Priério (f 1523) combat aussi les assertions de Tu­ (t 1598), Controversia 111 capitalis, De primario sub­ deschi, mais sans sc dégager entièrement de ce que jecto potestatis ecclesiastics, q. ï v, dans Rocaberti, t. xx, celles-ci avalent de faux. Sylvestre admet, avec la p. 84 sq.; Bannez, Commentaria in 1JJ*,q.i,a.lO, tradition catholique, que le pape n’erre point tant dub. n, Venise, 1602, p. 113, 119; Bellarmin, De ro­ qu’il parie comme chef de l’Église, c’est-à-dire quand mano pontifice, 1. IV, c n; Tanner (t 1632), Jn Sum­ il se sert du secours des membres de l’Église, per mum S. Thoma, t. ni, disp. I, q. iv, dub. vi, dans concilia et orationes et hujusmodi, ou quand il donne Rocaberti, op. cit., 1.1, p. 39; Duval, op. cit., p. 105; une décision comme chef de l’Église, au sujet de doutes pour lesquels il est consulté. Summa Sylvestrina, Plate!, op. cil., t. ni, p. 80. art. Concilium, n. 3; art. Fides, n. 10 sq., Lyon, 1594, Cependant dès le xvx· siècle, Pighi, op. cit., fol. 129; Cano, De locis theologicis, 1. VI, c. vn, Opera, Venise, L ï, p. 151, 441. En même temps, la dépendance vis1759, p. 161, ct Grégoire de Valence, op. cil., p. 309, à-vis du concile est admise, en ce que le pape est 311, affirment explicitement que l’infaillibilité ponti­ soumis au concile pour cc qui est manifestement de ficale est une vérité de fol catholique. Au xvn· siècle, foi, ct si le pape erre en cela avec obstination, il se cette même affirmation sc rencontre plus fréquem­ dépose lui-mème ct n’est plus chef de l’Église, p. 151. ment, notamment chez Suarez, De fide, tr. I, disp. V, Toutefois, en cas de dissentiment en mauère de foi sect, vm, n. 4 ; N’ugno (f 1611), Commentarii aedispu- entre le pape ct le concile, on est tenu de donner la pré­ lationes in JJJ^m S. Thonur, q. xx, a. 3, dans Roca- férence au pape, non point parce que ses raisons sont berll, op. cit., t. vin, p. 257; Oregl (t 1635), Summa jugées meilleures, car un tel jugement ne peut être theologica, tr. II, c. v, dans Rocaberti, t. iv, p. 633; porté avec autorité, mais parce que le pape, comme Perez (f 1637), l’entateuchum fidei, 1. V, dub. vi, c. ï, chef de l’Église, a plein pouvoir pour résoudre les dans Rocaberti, t.iv, p.SOG; Gravina (t 1643), Catho- doutes en matière de foi, p. 151,441. Cette opinion attardée de Tudeschi est encore sou­ Ucœ proscriptiones adversus hicreticos, q. n, n. 1, dans Rocaberti, t. vm, p. 425; Sylvius, Controversia, 1. IV, tenue par Thomas Illyricus (f 1528). Après avoir prouvé que toutes les causes majeures, dans l’Église, q. n, a. 8, Opéra, Anvers, 1598, t. v, p. 313; Lao (t 1663), Tractatus de summo pontifice, dub. m, dans appartiennent au pape, Thomas excepte la cause de la Rocaberti, t. m, p. 604 sq.; Chiroli, Lumina fidel foi, où le pape ne peut rien décider sans un concile; divina, disp. III, dilL vi, dans Rocaberti, t. in, p. 340; exception qu’il essaye d’appuyer sur le Décret de GraMacédo (f 1681), De auctoritate papa, q. v, a. 1, dans tlcn, J’rima pars, dist. XIX, c. ix. Thomas ajoute que Rocaberti, t. xn, p. 213; Brancati de Lauria (f 1693), le pape peut errer dans la fol, mais non toute l’Église. Jn 111 Sent., De virtutibus theologicis, disp. V, a. 1, Comme preuve de celte dernière assertion, l’auteur cite Graticn, J’rima pars, disL XL, c. vi, dont nous dans Rocaberti, t. xv, p. 25. Au xvm· siècle, beaucoup de théologiens repro­ avons parié précédemment. Une autre conclusion d* Illyricus est que les textes affirmant, comme la duisent encore la formule de Bannez ct de Bellarmin. Nous citerons particulièrement : Viva (t 1710), Dam- lettre de saint Jérôme au pape Damase, que l’Églisc romaine ne peut errer, doivent s’entendre de l’Églisc natat heses, quæst. prodr., n. 7, Pavlc, 1715,1.1, p. 3; Gotti (f 1742), Theologia scholastico dogmatica, tr. I, universelle, justement appelée l’Églisc romaine. Tractatus de summa polestate, Turin, 1^23, sans pagi­ q. ï, dub. vi, Venise, 1750,1.1, p. 60; Billuart (f 1757), De fine, diss. IV, n. 5, p. ï; Pierre BallerinI (f 1769), nation. Une opinion assez semblable est défendue par De vl ac ratione primatus romanorum pontificum, c. xv, p. xi, Munster, 1845, p. 326; Kilber (f 1783), Alphonse de Castro (t 1558), dans un ouvrage publié De principiis theologicis, disp. I, c. m, a. 4, dans la en 153 f. Le pape peut errer dans la foi, comme H ad\ int, de fait, pour Libère ct Anastase 11. L’Eglise univer­ Theologia Wirccburgensis, Paris, 1852, t.i, p. 349,380; S. Alphonse de Liguorl, Theologia moralis, 1. I, η. 110. selle est seule à l’abri de toute erreur, parce qu’elle est enseignée par le Saint-Esprit. Adversus h.rreses, Au χιχ· siècle, les positions théologiques restent Λ peu près les mêmes Jusqu’à la définition portée par le I. I, c. iv, Cologne, 1513, fol. vi. Le siège apostolique qui ne peut errer dans la fol n’est point le pape seul. concile du Vatican. 2° Négation pour le magistère pontifical de toute Sed sedes apostal ica qux nunquam erravit, compre­ dépendance nécessaire soit d'un concile soit d'une appro­ hendit tam collegium cujus concilio juvatur pontijex bation ultérieure donnée par T Église universelle. — quam ipsum pontificem, 1. 1, c. vin, fol. xv. Castro est cependant très explicite sur la primauté de Pierre 1. Au xv· siècle, quelques auteurs comme Tudeschi ct sur son privilège de confirmer scs frères, 1. XII, et Angelo de Clavasio sont encore dominés par les fol. cLxxiv sq. Idées de Pierre d’Ailly ct de Gerson, ct soutiennent 1687 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1G88 Adrien d’Utrccht, qui plus tard devint pape sous une autorité infaillible seulement quand ils sont le nom d’Adrien VI (f 1523), émit incidemment cette approuvés par le pontife romain, p. 400 sq. assertion que, si par Église romaine on entend son Banncz (f 1604), estime qu’il y a témérité scanda­ chef, il est certain qu’elle peut errer, même en ce qui leuse à affirmer qu’un concile est supérieur au pape, concerne la foi, en affirmant l’hérésie, lueres im per valde temerarium esse et scandalosum mullarumqtu suam determinationem aut decretalem asserendo; car hxresum fomentum, asserere quod concilium sit supra Il y a eu, en fait, plusieurs pontifes romains héré­ papam. L’infaillibilité du pape enseignant seul in tiques. Questiones in IV Sententiarum. De sacramento publico fidei judicio a été, au jugement de Banncz, confirmationis, a. 3, Paris, 1516, fol. χντπ. définie par Léon X, par sa bulle du 15 juin 1520, 2. A l’encontre des opinions erronées que nous condamnant la proposition 28· dc Luther, précédem­ venons de citer, les théologiens ultramontains du xvî· ment citée. Bannez conclut que c’est un enseignement et du xvu· siècle enseignent, comme une vérité très apostolique, qui serait certainement considéré comme certaine, souvent même comme une vérité de foi, telpar tous les fidèles, si.dcpuis le concile dc Constance, que le pape, dans l’exercice de son magistère infaillible, le démon n’avait pas, sur ce point, semé la zizanie n’est point dépendant dc l’autorité d’un concile. Ces dans l’Église. Commentaria in q, η a. 10, théologiens étaient d’ailleurs aidés en cela pur l’en­ dub. n, Venise, 1602, col. 113, 119. seignement du V· concile dc Latrnn affirmant l’auto­ Bcllarmin (f 1621), réprouve, ù diverses reprises, rité du pape sur le concile, Denzinger-Bannwart, n. 710, l’erreur de ceux qui voulaient, en matière de foi, sou­ ct par la condamnation portée par Léon X contre cette mettre le pape à l’autorité d’un concile général. De proposition 28· de Luther : Si papa cum magna parte romano pontifice, 1. IV, c. i; Dc conciliis et Ecclesia, Ecclesiæ sic vel sic sentiret, nec etiam erraret; adhuc 1. I, c. xvn. non est peccatum aut liares is contrarium sentire, prieSuarcz (f 1618), montre que l’autorité doctrinale sertim in re non necessaria ad salutem, donec fuerit per n’a pas été donnée au pape dependenter a concilio, mais concilium universale alterum reprobatum, alterum qu’elle a été donnée au concile dependenter a papa, approbatum. Denzinger-Bannwart, n. 768. ct il estime que c’est une vérité de foi. De fide, part. I, Plghl (t 1534), après avoir démontré, par beaucoup disp. V, sect. vm,n. 4,6. dc preuves dc tradition, le privilège de l’infaillibilité Sylvius (f 1648), prouve que l’autorité des conciles pontificale, conclut que cc privilège est assuré non n’est pas requise ut pontifex possit infallibiUtcr defi­ seulement au siège apostolique, mais à tous les suc­ nire res fidei, parce que l’infaillibilité n’est pas dans cesseurs dc Pierre. Quare nobis constat non solum un concile d’évêques, ni dans une réunion de conseil­ cathedra·, sed mullo magis Petri et successorum ejus lers, mais en celui à qui Jésus a dit : Ego rogavi pro te indcfectibUis fidei privilegium, ad confirmandos fratres ut nondeficial fides tua, c’est-à-dire dans Pierre et dans in fide. Ce privilège est assuré à tous les successeurs scs successeurs légitimes. Controv., L IV, q. ii, a. 8, dc Pierre,-de telle manière qu’ils sont seuls ù le pos­ Opera, Anvers, 1698, t. v, p. 134. séder et qu’aucun concile ne peut participer à ccttc La même doctrine est soutenue en France, à cette , infaillibilité qu’à la condition d’être uni au pape et époque, à l’encontre de l’erreur dc Richer qui pré­ de s’appuyer sur son autorité, Hierarchies ecclcsiasticœ, tendait que l’autorité doctrinale infaillible est dans 1. IV, c. vin, Cologne, 1538, fol. cxxxvi sq. toute l’Églisc, ou dans un concile général qui la re­ Melchior Cano (f 1560), rejette expressément l’opi­ présente, ct que le pape, chef ministériel dc l’Églisc, nion dc quelques théologiens qu’il appelle non satis ne peut obliger l’Églisc sans que celle-ci donne son acuti, qui, mettant une distinction entre l’Église ro­ consentement préalable, ou sans qu’elle ait été maine ct le pontife romain, affirmaient que celui-ci consultée. De ecclesiastica cl politica potestate, n. G, 8, peut errer dans la foi, tandis que celle-là n’est jamais Paris, 1611 ,p. 8,13 sq. Nous citerons particulièrement, capable d’errer. De locis theologicis, I. VI, c. vu, Venise, Mauclèrc (f 1622), Dc monarchia divina, ecclesiastica 1759, p. 163. Il rejette également la thèse dc ceux cl seculari Christiana, part. II, I. IV, c. iv sq., Paris, qui faisaient dépendre l’autorité doctrinale du pape 1622, col. 496 sq. ; Duval, op. cit., p. 105 ; I.ouis A belly, de celle d’un concile, il montre contre eux que, si le (f 1699), Défense de la hiérarchie dc l'Église, Paris, jugement du Saint-Siège était faillible, ct celui d’un 1659, p. 110 sq. concile toujours certain et véridique, il serait déral- 1 A ccs témoignages on doit joindre deux lettres des sonnablc de rejeter un appel du jugement pontifical évêques de France reconnaissant alors pleinement à celui d’un concile. Or un tel appel, dans les causes I l’obligation Imposée par les décisions doctrinales du de foi, est contraire ù la coutume constante ct unlver- | pape, avant qu'elles fussent sanctionnées par le selle dans l’Églisc. Nunquam enim admissa estoppel- consentement dc l’Églisc universelle. En 1651 latio in causis fidei a sede romana, 1. VI, c. vu, p. 161. 25 évêques de France, écrivant à Innocent X, au su­ Stapleton (t 1598), après avoir cité les principales , jet des erreurs dc Jansénius, témoignent que c'est la preuves de tradltioncnfavcurdel’infaillibilitédu pape, coutume constante dc l’Églisc de référer au saint-siège, conclut que, d’après tous ccs témoignages, le pontife à cause de la fol indéfectible de Pierre, les causes romain possède seul supremum et absolutissimum concernant la foi. Pour mettre fin aux controverses, \ fidet judicium. Principiorum fidei doctrinalium demons- | ils demandent au pape dc porter, sur les propositions fratio methodica, conlrov· II, 1. VI, c. xvn, 2· édit., plus particulièrement dangereuses ou dont la discus­ Laris, 1582, p. 240. sion est plus ardente, une décision certaine qui dissipe Grégoire de Valence (f 1603), combat particulière· I toute obscurité, calme les esprits, termine tout difiément ceux qui voulaient subordonner l’autorité doc­ rend ct rende ù l’Églisc la tranquillité. Duplessis d’Artrinale du pape à celle d’un concile. Une telle asser­ gentré, Collectio judiciorum de novis erroribus, Paris, tion est en opposition manifeste avec la foi catholique . 1736, t. m, p. 2G0. Après la condamnation portée par sur la primauté dc Pierre et dc ses successeurs. CclulInnocent X contre les cinq propositions extraites la seul a le pouvoir dc déterminer, avec une autorité de V Augustinus, ccs mêmes évêques, exprimant au Infaillible, les coniroscrscs de fol, qui possède, dans pape leurs remerciements ct leur parfaite soumission, l’ÊJhc, le pouvoir spirituel suprême; pouvoir qui reconnaissent que l’autorité du pape divinement certainement appartient au seul pontife romain, non établie est, selon la parole dc Jésus-Christ et selon à un concile en dehors du pape. Analysis fidcl catho­ la tradition constante, une autorité souveraine dans lic*, park VIII, Ingolstadt, 1585, p. 402. Aussi est-il toute l’Églisc, que tous les chrétiens sont tenus dc lui expreoement affirmé que les conciles généraux ont donner mentis obsequium, ct que le pape InnocentX, 1689 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1690 per Petri soliditatem, triomphera certainement dc la quod paper Indicium ex petra ct cathedra Ipsius apostonouvelle hérésie. Comme les évêques du IV· concile Ilea promanarit, p. 665. L’infalllibfiité du pape Indé­ acclamaient saint I/on le Grand, ainsi les évêques pendamment de la ratification dc l'Églbe est prouvée acclament aujourd’hui Innocent X, cujus orc Petrus par les textes scripturaires. Luc., xxn, 32; Matth., xvî, locutus est. Duplessis d* Argent ré, loc. cit., p. 275. 18; Joa., xxi, 15 sq., p. 671 sq. Après avoir cité, en 3. Λ cause de l’erreur soutenue dans la 4* propo­ faveur dc ccttc doctrine, les témoignages dc la tradi­ sition dc la déclaration gallicane de 1682, voir Df cla- tion chrétienne,l’auteur mentionne les témoignages concernant spécialement les Églises dc France, soit hation de 1682, t. iv, col. 197 sq., l’exposition catho­ lique, à la fin du xvn· ainsi qu’au xvm· siècle, pré­ aux époques anciennes soit à l’époque même où il sente un nouvel aspect. L’efiort principal des théolo­ écrivait, p. 692sq. Quelques années plus tard, dom Mathieu Pctitdi- · giens ultramontains à l’encontre des assertions galli­ canes, cstdc prouver que les décisions doctrinales du dicr, abbé de Saint-Pierre dc Senones,faisait publier à pape, pour être infaillibles et Irréformables, n’ont Luxembourg son Traité théologique sur Γ autorité et pas besoin d’être sanctionnées par le consentement Γinfaillibilité des papes, 1724· 11 y prouve notamment subséquent dc l’Églisc universelle. Cette revendica­ que le jugement du pape, pour être infaillible, n’a pas tion est principalement appuyée sur les paroles scrip­ besoin dc la ratification subséquente de l’Église, turaires conférant l’autorité suprême à Pierre seul ct à p· 355 sq. On doit également noter que les assemblées du ses successeurs, cl sur le témoignage constant dc la tradition reconnaissant ccttc suprême autorité dans clergé dc France, tenues à Paris en 1700, 1705, 1713, les seuls pontifes romains. Souvent aussi, par une 1714, rendirent pratiquement hommage à la souve­ argumentation ad hominem, on prouve contre les raine infaillibilité du pape, en adhérant à la vérité gallicans, en sc plaçant sur leur propre terrain, que ! déjà jugée par lui, notamment dans les deux constitu­ tions apostoliques Vineam Domini du 16 juillet 1705 ct même en acceptant une telle condition, cc que l’on Unigenitus du 8 septembre 1713. Le 7 septembre 1705, déclare toutefois inadmissible, on devrait nécessaire­ ment admettre le caractère souverain dc l’infaillibilité les évêques dc France écrivent au pape Innocent XI, qu’ils ont reçu son enseignement comme les évêques pontificale, accepté dc fait par l’Églisc universelle en dehors dc la fraction gallicane. On a soin, d’ailleurs, des Gaules avaient autrefois reçu celui du pape saint dc noter que le fait subséquent dc la croyance dc Léon le Grand, ct comme les Pères du IV· concile l’Église universelle peut être considéré comme un signe avaient reçu renseignement du même saint Leon. manifeste dc renseignement obligatoire ct infaillible Tous ont été d’avis qu’il faut veiller avec soin pour que, parmi les fidèles confiés a leur sollicitude, per­ donné antérieurement par le pape seul. On doit enfin remarquer que les théologiens ultra­ sonne ne puisse impunément enseigner, écrire ou dire montains furent aidés dans cctt c lutte par la condam­ le contraire. Procès-verbal de rassemblée générale du nation portée par Alexandre V111, le 7 décembre 1690, clergé de Prance tenue à Paris en 1705, Paris, 1706, contre cette proposition : Futilis ct toties convulsa р. 262. Même déclaration dans la lettre adressée au est assertio de pontificis romani supra concilium acu­ pape le 5 février 1714 relativement ù la constitution men icurn auctoritate atque in fidei qiurstlonibus decer­ i Unigenitus. Procès-verbal de rassemblée des 112 car­ nendis infallibilitate. Denzinger-Bannwart, η. 1319. dinaux, archevêques ct évéques, tenue ά Paris en 1713 ct 1714, Paris, 1714, p. 101 sq. Voir t. x, col, 7G1-762. Notons, pour terminer cette courte esquisse, qu’au Parmi les théologiens qui combattirent ainsi, à la fin du xvn· et au xvm· siècle, contre l’idée qu’une xix· siècle les opinions théologiques, sur le point qui ratification dc l’enseignement pontifical par le consen­ nous occupe actuellement, restent à peu près les tement de l’Églisc universelle était nécessaire, on doit mêmes jusqu’à la définition du concile du Vatican. 3° Négation pour le pape de toute véritable nécessité particuliérement mentionner : d’Aguirre (t 1699), Auctoritas infallibilis ct summa cathedra: S. Petri, d'employer les moyens naturels et surnaturels aidant d connaître la vérité ά enseigner aux fidèles, ou du moins disp. I, sect, i, Salamanque, 1683, p. 2 sq.; Viva, Damnatæ theses, Pavic, 1715, t. i, p. 3 sq.; t. ui, négation dc toute nécessité pratique d'examiner si ces p. 117 sq. ; Gotti, Theologia scholastico-dogmalica, tr. I, moyens ont été employés. — Au xv* siècle, saint An­ tonin dc Florence, pour désigner Γinfaillibilité du q. ni, dub. vi, Venise, 1750, t. i, p. 61 sq.; Billuart, De fide, diss. IV, a. 5, § 2; Orsl (t 1761), De irre­ pape, parlant, non comme personne privée, mais comme chef dc l’Église, s’était servi de ces expres­ formabili romani pontificis in definiendis fidei contro­ versiis judicio, 2e édit., Rome, 1772; Pierre Ballerini, sions : papa utens concilio ct requirens adjutorium uni­ versalis Ecclesia·, Summa theologica, part. 11L tit. xxn, op.cit.,p.222sq..255sq.;I P. 55. P conclusion. — Quand le magistère infaillible est suite, ce jugement est connu comme participant à exercé conjointement par le pape ct les évêques» dis­ l’infaillibilité doctrinale par le fait qu’il est ratifié ou confirmé par le pape, avec l'autorité qu’il lient persés ou réunis en concile, on doit affirmer au moins comme une conclusion bien probable dc l’enseigne­ dc Jésus-Christ. b) Après la définition pontificale, les évêques dispersés ou réunis en concile peuvent, avant ment scripturaire, dc renseignement traditionnel, dc s’unir à la décision du pape, examiner la question, ct dc l’enseignement du concile du Vatican, que l’in faillibilité pontificale réside premièrement ct princi­ en vertu de l’autorité qui leur appartient, pour porter, palement dans le pape, dc telle sorte qu’elle est dans à la lumière des arguments scripturaires ou tradition­ nels qu’ils ont examinés, un jugement doctrinal les évêques seulement par participation et d'une ma conforme à celui du pape et participant conséquem­ nière dépendante. 1. C'est ce que montre l’enseignement scripturaire ment à son infaillibilité. Ce jugement doctrinal des évêques ne peut avoir pour but dc consolider l’auto de Matth., xvi, 18, ct de Luc., xxu, 32, affirmant que Pierre et ses successeurs possèdent seuls l’infaillibilité rite doctrinale du pape, puisqu’elle est consolidée d’une manière immediate et principale, tandis que i par Jésus-Christ lui-même, mais seulement dc donner, les apôtres ct leurs successeurs jusqu’à la consomma­ I à la décision doctrinale du pape, plus d’éclat cxlé tion des siècles, confirmés eux-mêmes dans la fol par I rieur par la cohésion très manifeste de tout l'épiscopat uni à l’enseignement du pape. Nous avons précédera Pierre, ont l'indéfcctlbillté dans la foi ou l'infaillibilité ment montré, dans l’étude delà tradition catholique seulement par l'intermédiaire de Pierre ct sous sa que, de fait, cc fut la pratique suivie aux concile* dépendance. Les paroles subséquentes adressées conjointement d’Éphèse ct dc Chalcédoinc et au \ 1· concile général à Pierre ct à scs collègues, Matth., xxvm, 20, ne (111· de Constantinople), où les évêques, après avoir pouvant modifier la promesse absolue précédemment déclaré leur devoir ct leur volonté formelle de se sou­ faite à Pierre, Matth., xvi, 1S; Luc.,xxu,32, doivent mettre aux décisions doctrinales déjà portées par le pape, examinèrent cependant, en vertu de leur auto s’entendre de telle sorte que Pierre est toujours le fondement de l’Église ct que, par lui, la foi des autres rité épiscopale, à la lumière des enseignements de l’Écriture ct dc la tradition, la matière déjà définie apôtres est affermie ct rendue indéfectible. et donnèrent leur pleine adhésion à lu décision ponti 2. C’est aussi le témoignage formel de la tradition ficalc par un jugement doctrinal motivé. C’est en ce catholique, du moins depuis le v· siècle. Cct enseigne­ ment se rencontre explicitement dans les paroles pré­ sens qu’ils apposèrent leurs signatures aux actes du concile avec cette formule, ego definiens subscripsi. cédemment citées de saint Léon le Grand, déclarant C’est cc que les conciles eux-mêmes ont souvent fait expressément que, selon la prière infaillible dc Jésus, relativement aux décisions infaillibles déjà portées la fermeté dans la foi est accordée à Pierre par Jésus, par des conciles precedents. Voir Collectio Laeensis, pour que Pierre lui-même la confère aux apôtres, t. vu, col. 397 sq.; CoNClixs, t. ni» col. 665. Il est Serni., i.xxxm, c. ni, P. J-, t. uv, col. 431 ; que tout d’ailleurs manifeste que la qualité de juges dc la foi dans l’Église repose sur la foi de Pierre ct que cette est attribuée aux évêques par le concile du Vatican : foi a été munie, par Jésus-Christ, d’une telle solidité sedentibus Nobiscum ct judicantibus universi orbis que la perversion hérétique ct l’infidélité n’ont jamais episcopis. Denzlngcr-Donnvvart, n. 1781. pu la corrompre. Serm., m, c. m, col. 116 sq. Nous VII. — 54 DICT. 1>E TIIÔOU CATIIOL. I 1699 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1700 //. conclusions rela tites a l'objet del'infail- aucune régie canonique ne pouvait être établie. Cette libiutÊ pontificale.— 1« Puisque, selon l’ensei­ règle nouvelle par laquelle un concile voudrait contrô­ gnement du concile du Vatican, le pape possède cette ler l’exercice du magistère pontifical, supposerait infaillibilité dont Jésus-Christ a voulu munir son de quelque manière ce principe erroné, tant de fois Église in definiendo doctrina de fide d moribus, condamné, que le concile est supérieur au pape. Une sess. IV, c. iv, et que celte infaillibilité de l’Église telle règle serait d’ailleurs inutile puisque son obser­ s’étend non seulement à ce qui est révélé par Jésus- vation ne pourrait pas être vérifiée par les évêques Christ, mais encore à toutes les vérités sans lesquelles et les fidèles dispersés dans le monde catholique. Celte le dépôt de la foi ne pourrait être défendu avec elllca règle serait aussi très dangereuse,parce qu’elle don­ cité, ni proposé avec une suffisante autorité, c’est nerait lieu à beaucoup de difficultés et d’anxiétés. donc une vérité bien certaine que l’infaillibilité pon­ Le pape doit donc être libre d’employer la forme ex téricure qu’il juge la meilleure ou la plus opportune tificale a la même extension. 2° Celte vérité est aussi bien manifeste d’après ces pour manifester l’enseignement qu’il veut rendre paroles de la définition vallcane, que Je pape est obligatoire pour tous, col. 401 sq. Car, selon l’affir­ infaillible, cum omnium Christianorum pastoris d doc­ mation du rapporteur, quelles que soient les circon toris munere /ungens, pro suprema sua apostolica stances; l’assistance divine promise à Pierre et à scs auctoritate, doctrinam de fide vel moribus ab universa successeurs est tellement efficace qu'elle empêcherait Ecclesia tenendam definit. Sess. IV, c. iv. L’expression le jugement du pape s’il devait être erroné, tellement tenendam ayant été ici substituée au mot credendam efficace qu’elle assurera toujours l’infaillibilité du de la première rédaction, pour ne point restreindre jugement que le pape prononce comme définitif et les définitions ex cathedra aux seules vérités de foi, obligatoire pour tous, col. 401. Acta concilii Vaticani, Collectio Lacensis, t. vu, 2* condition. — 11 faut qu’il soit question d’une col. 1704 sq., il est donc bien certain que l'infaillibi­ vérité ou d’une doctrine concernantla fol etlcsmœurs, lité pontificale peut avoir pour objet toutes les vérités que cette vérité soit en elle-même une vérité révélée, connexes à la foi. ou qu’elle soit seulement une vérité connexe Λ la révé­ 3° Selon cet enseignement du concile du Vatican, lation, au sens précédemment indiqué, doctrinam de notre conclusion a la même certitude théologique fide vel moribus ab universa Ecclesia tenendam. que rinfaillibilité même du magistère ecclésiastique 3· condition. - Il faut que le pape définisse,en vertu relativement à l'objet indirect du dépôt de la foi. de sa suprême autorité apostolique, que la doctrine Voir Éguse, t. iv, col. 2196. dont il s’agit doit être tenue par l’Église universelle. Le concile se réservant de traiter cette question cum... doctrinam de fide vel moribus a b universa Ecclesia dans un chapitre subséquent du schéma De Ecclesia, tenendam definit.— 1. La définition dont il s’agit ici, la laisse dans l’état où elle sc trouvait alors et avec est un jugement doctrinal explicite et final, porté par la certitude théologique qui lui appartient. Voir le pape relativement à la foi et aux mœurs, de telle Collectio Lacensis, t. vn, col. 415 sq. manière que tous les fidèles puissent être certains que ///. CONCLUSIONS RELATIVES AUX CONDITIONS telle doctrine est jugée par le pape appartenir à la REQUISES POUR UNE DÉFINITION PONTIFICALE IN­ révélation, ou avoir avec elle une connexion certaine. FAILLIBLE OU EX CATHEDRA AU SENS DU DÉCRET DU a) Puisque, selon le decret conciliaire, il y a identité concile du Vatican. Voir Ex CATHEDRA, t. V, entre le magistère du pape et celui de l’Église considéré col. 1731 sq. — /'· condition. — Le pape doit parler d’une manière générale, on doit prendre ici les mots comme pasteur et docteur de tous les chrétiens, definit tenendam dans le sens où ils étaient jusque-là puisque, selon les textes scripturaires et les documents habituellement pris par les théologiens, quand fis traditionnels précédemment indiqués, l'infaillibilité parlaient du magistère ecclésiastique considéré d’une doctrinale est garantie à Pierre et à scs successeurs manière générale. Or il est bien démontré que, dans en tant qu'ils enseignent aux fidèles la doctrine que lelangagehabltueldcs théologiens depuislexvpsièclc, ceux-ci sont tenus de croire ou de tenir. 11 ne suffit d’après les témoignages précédemment cités, ces donc point que le pape parle comme personne privée memes mots ou des mots équivalents signifiaient, ou comme auteur particulier. Il n’est cependant point particulièrement pour les décisions doctrinales por­ requis que le pape s'adresse explicitement à l’Eglise tées par les conciles généraux, un jugement final sur entière; il suffit qu'il le fasse implicitement ou équiva- la foi ou la doctrine que tous doivent croire ou ad­ lemment, en définissant une matière qu’il déclare mettre. obligatoire pour tous les fidèles, comme l'indiquent C’est en ce sens, que les théologiens disaient habi­ les paroles subséquentes du décret conciliaire, cum tuellement que cela seul tombe réellement sous la omnium Christianorum pastoris et doctor is munere définition conciliaire que le concile veut réellement /ungens pro suprema sua apostolica auctoritate doc­ y comprendre ou veut réellement définir, d’après le trinam de fide vel moribus ab universa Ecclesia tenen­ but qu’il sc propose, les expressions qu’il emploie et dam definit. Sess. IV, c. iv. 11 est également certain les erreurs qu’il veut formellement condamner. D’où que cet enseignement déclaré obligatoire pour tous les l’on concluait habituellement qu’il ne faut comprendre fidèles n'est nécessairement lié à aucune forme exté­ dans la définition, ni 1rs arguments ou raisons qui rieure déterminée. Il suffit que l’enseignement soit ne sont point expressément imposés à l’assentiment rendu obligatoire pour tous. Aussi, au concile du des fidèles, ni les motifs de la définition, ni les choses Vatican, plusieurs amendements dont le but était Incidemment dites ou louées dans le concile, ni ce qui de faire déterminer quelques conditions qui seraient est dit incidemment dans un texte conciliaire, sans toujours requises, comme une consultation des évêques que le concile veuille aucunement le comprendre dans réunis en concile ou dispersés, ou une étude diligente la définition ou l'imposer ù la croyance ou ù l’assen­ de l’Écriture ou de la tradition, voir amendements timent formel des fidèles. 22, 24, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 45, Collectio La conclusion est donc manifeste. Les mots définit Lacensis, t. vu, col. 375 sq., furent rejetés par la tenendam de la définition vallcane doivent s’entendre, presque unanimité des membres du concile, col. 421. suivant le sens communément admis jusque-là, d’un IxC rapporteur fit observer que dans tout le passé, où le jugement explicite et final sur ce que tous doivent saint-siège avait fréquemment porté des jugements croire ou tenir fermement b) C’est d’ailleurs l’interprétation formulée dans dogmatiques, il n’avait jamais été question d’une· règle canonique à observer, et que pour l’avenir I le rapport de Mgr Gasser, au nom de la Commission 1701 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1702 do la fol. Le mot definit no doit pas être pris dans son H est donc certain que l’autorité infaillible doit être sens juridique, de mettre fin Λ une controverse por­ strictement limitée à ce que le pape veut y définir, tant sur une hérésie ou sur une doctrine do foi. Ce d’après le but qu’il sc propose, d’après les expressions mot signilio un jugement direct et final porté par le qu’il emploie ou les erreurs qu’il veut formellement pape relativement à In fol et aux mœurs, de telle ma­ condamner, a) On ne doit donc point comprendre nière que tous les fidèles puissent être certains de dans une telle définition les raisons ou les arguments l’intention du souverain pontife, et qu’ils sachent que tur lesquels elle est appuyée, à moins que ces arguments telle doctrine est jugée par lui hérétique, proche de ne soient en eux-mêmes expressément définis, comme l’hérésie, certaine ou erronée. Collectlo Lacensis, t. vu, les textes de Matt h., xvi, 18; et de Luc , xx, 32, dont col. 471 sq. le sens a été défini par le concile du Vatican. Sess. IV, c) On doit conclure avec le cardinal Billot, op. cit., C. I, IV. p. 655, que la condition exigée par les mots definit Ainsi, dans In bulle Jnefjabills Deux de Pie IX du tenendam peut faire defaut de deux manières : ou S décembre 1854 définissant le dogme de l’immaculée parce que les expressions dont le pape sc sert ne conception de Marie et unanimement acceptée comme contiennent point île jugement doctrinal, ou parce acte ex cathedra, les preuves ou Indications bibliques que ce jugement n’est point un jugement final, certai­ déduites par le document pontifical de Gen., in, 15, nement manifesté comme exigeant l’assentiment de ou des figures de la pureté parfaite de Marie dans la foi ou une ferme adhésion, a. 11 y a manifestement i’Ancien Testament, selon l'interprétation des Pères, absence de jugement doctrinal, quand le pape se ne sont ni d’après la déclaration du pape, ni d’après contente d'interdire de rien innover, comme le fit le but qu'il se propose, l’objet d'un jugement doctrinal le pape saint Éticnne Ier dans la question des rebapti­ voulu comme positivement obligatoire pour tous les sants, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n.46, ou à fidèles. Voir col. 1207. plus forte raison quand le pape demande simplement La même affirmation doit, à plus forte raison, s’ap­ que l’on s’abstienne de toute controverse sur une ma­ pliquer a des textes cités, dans les documents ponti­ tière déterminée, jusqu’à ce que le saint-siège dé­ ficaux, d’une manière simplement accommodatice, finisse ce que l’on doit croire ou admettre,comme le comme les deux textes. Eccc duo gladii hic, Luc., xxn, fit Pic II relativement à la discussion sur l’union de 38; Converte gladium tuum in vaginam, Matth., xxvi. la personne du Verbe aux gouttes de sang répandues 52; Joa., χνπτ, 11, dans la bulle l'nam sanctam de par Noire-Seigneur pendant la passion, Denzinger- Boniface λ HI. Bannwart, n. 251. Il y a également absence de juge­ b) On ne doit pas non plus comprendre dans ment doctrinal quand, toute question de doctrine nltlon pontificale ce qui est affirmé incidemment, à étant d’ailleurs pleinement sauvegardée, il s’agit uni­ l’occasion de la définition, sans que le pape veuille quement de l’opportunité ou de l’inopportunité d’un I aucunement le définir ou l’imposer à la croyance ou jugement à porter sur une simple question de fait, à l’assentiment des fidèles. Ainsi,dans la bulle précitée Jnefjabilis Deus, on ne considérera point comme par exemple si telle personne ou tel ouvrage mérite condamnation à cause d’erreurs réelles, ou s’il est comprises dans la définition, plusieurs assertions préférable de s’abstenir d’une condamnation formelle, concernant la médiation universelle de la très sainte à cause d’inconvénients graves pouvant résulter de vierge Marie et la toute-puissance effective de son cette condamnation et parce que le danger Immédiat intercession; assertions faites incidemment et sans n’existe plus. On peut, comme exemple, citer le cas qu’il y ait aucun indice que le pape les impose obli­ du pape Vigile dans l’afTaire des Trois Chapitres. Voir gatoirement à l'adhésion des catholiques. Constantinople (11° concile de), t. ni, col. 1231 sq. C'est encore ce que l'on doit penser de cette affir­ mation Incidente, à la fin de la même bulle, que qui­ et Vigile. Il y a aussi absence de jugement doctrinal quand conque aura la présomption de penser, dans son cœur, il s'agit uniquement de l’inopportunité d’une expres­ secus uc a nobis definitum est, sache qu’il est condamné sion considérée, à tort et d’après des récits faux et par son propre jugement, qu’il a fait naufrage en ce Insuffisamment contrôlés, comme donnant Heu ù des qui concerne la fol et qu’il s'est séparé de l unité de conséquences fâcheuses. Plusieurs auteurs appliquent l’Église. Il est manifeste que, par cette affirmation ceci au cas du pape I lonorius Irr. Voir en sens con­ Incidente, le pape n'a pas voulu dirimer la controverse théologique concernant les hérétiques occultes, rangés traire I Ionoiuus 1er, col. 110 111. par plusieurs théologiens parmi les membres de l'Église Enfin il y a absence de jugement doctrinal explicite dans tous les cas où il s’agit d’un enseignement ponti­ visible, tant que leur hérésie n’est pas exprimée exté fical effectivement contenu dans les lois portées par rlcurcment, ou, selon d’autres théologiens, entière­ ment séparés de l’Église visible parce que leur foi le pape pour l’Égliso universelle, ou dans les décrets pontificaux concernant l’approbation du culte des purement extérieure ne peut constituer un lien réelle­ saints ou l’approbation des ordres religieux. Cet ensei­ ment suffisant. c) Pour la même raison, on ne doit pas non plus gnement pontifical est Infaillible dans le sens et aux conditions précédemment expliqués pour le magis­ comprendre, dans la définition pontificale, les conclu tère de l’Église, t. iv, col. 2197 sq. Mais il n’y a point sions qui en sont légitimement déduites à l'aide du l’acte requis pour une définition au sens du décret contexte. Car ces conclusions, bien qu’elles puissent être certaines et bien qu’elles ne puissent le plus sou­ conciliaire. b. 11 y a certainement absence de jugement final vent être niées sans mettre en péril la vérité révélée nu sens indiqué, toutes les fois qu’il y a simple affir­ ou l’infaillibilité même du pape, ne sont cependant point directement proposées à la foi ou à l’acceptation mation d’une doctrine proposée ou recommandée comme meilleure pour la défense de la vérité révélée, des fidèles comme H est requis pour une définition proprement dite. C’est d'ailleurs ce qu’admettent tous comme cela arrive fréquemment dans les actes du les théologiens catholiques pour ce qui concerne les magistère ordinaire des souverains pontifes. Nous définitions portées par les conciles. parlerons bientôt do cet enseignement pontifical non 3. Quant aux signes auxquels on peut reconnaître infaillible (prise rencontre souvent dans les encycliques les définitions pontificales infaillibles, on doit, d’après de Léon X 111 u t del Ίυ. X. la remarque précédemment faite, appliquer les signes 2. Puisque seul le jugement direct et final porté par le pape relativement ù la foi et aux mœurs constitue qui étaient communément donnes par les anciens théo logiens pour reconnaître les definitions infaillibles du la définition infaillible au sens du décret conciliaire, 1703 INFAILLIBILITÉ DU PAPE magistère dc l’Église considéré d’une manière géné­ rale. Il sufTlt que le pape manifeste formellement sa volonté de réprouver ou dc condamner une erreur comme directement ou indirectement opposée ά la foi, ou dc déclarer une doctrine comme strictement obliga­ toire pour tous les fidèles, soit en l’imposant sous peine d’anathème, soit en la proposant comme vérité dc foi, ou comme ne pouvant être rejetée sans porter atteinte à la foi. Bien que, pour signifier cette volonté, aucune expression ne soit, en principe rigoureusement requise, il y a des expressions qui sont, d’après l’appréciation universelle, dessignes certains d’une définition propre­ ment dite. Nous citerons comme exemples les cas où une vérité est déclarée vérité de foi ou vérité révélée, surtout avec les expressions definimus, auctoritate apostolica definimus, ou les cas dans lesquels une pro­ position est condamnée comme hérétique ou comme contraire Λ la foi, surtout avec les expressions definitive damnamus et reprobamus, auctoritate Del et beatorum apostolorum Petri cl Pauli damnamus et reprobamus. Voir Collectio Lacensis, t. vn, col. 285; cardinal Billot, op. cit., p. 657 sq. Nous citerons, à titre d’exemples, quelques docu­ ments pontificaux qui, d’après les principes que nous venons de rappeler, sont habituellement, ou assez habituellement, considérés comme contenant une définition infaillible : a) La lettre déjà mentionnée du pnpe saint Léon I Choupin, Valeur des décisions doc­ trinales et disciplinaires du saint-siège, p. 23. L’infailli­ bilité du Syllabus qui eut scs partisans est aujourd’hui à peu près abandonnée. Ibid., p. 105-124. m) L’encyclique Pascendi du 7 septembre 1907 ct le décret Lamentabili du 3 juillet 1907 furent dès le temps dc leur apparition l’objet de jugements contradic­ toires. Plusieurs théologiens y virent des actes du magistère Infaillible, dans celle-là ù cause dc son impor tance doctrinale, dans celui-ci à raison du Motu proprio Prostantia du 18 novembre 1907, où Pic X fait sien le décret ct l’accompagne dc censures. D’autres furent d’un avis différent. Pour le P. Choupin, l’encyclique est seulement < le plus haut acte du magistère ponti ileal après la définition ex cathedra, s Quant au décret qui n’était primitivement qu’un acte du Saint-Ofllcc, le même auteur estime que le Motu proprio ne lui ajoute pas e ce qui lui manquait pour être une décision strictement ct formellement papale, o Voir Choupin, dans Études du 5 janvier 1908, t. exiv, p. 119-123; Revue du clergé français, 15 janvier 1908, t. lut, p. 247 248; Vermccrsch, S. J., dans Revue pratique d'apolo­ gétique, 15 juillet 1908, p. 622-623. Ces scrupules des spécialistes, en présence des actes pontificaux les plus graves, montrent quel souci dc précision ct dc rigueur il faut apporter dans l’application des principes posés par le texte du concile du Vatican. n) Aucune encyclique dc Léon XIII n’est men tîonnéc comme contenant une définition ex cathedra au sens précédemment indiqué, bien qu’il puisse y avoir, comme nous le montrerons bientôt, plusieurs enseignements infaillibles concernant des vérités précédemment définies, ou toujours enseignées par le magistère ordinaire,ct qui sont rappelées par le pape ct proposées comme vérités certaines. 4. Dc tout ce qui précède il résulte qu’il peut y avoir parfois quelque incertitude pratique relativement au jugement particulier à porter sur un document pontifical. Dans ces cas on devra tenir compte des observations suivantes : a) La difficulté n’est pas plus grande que dans le i cas d’incertitude du même genre relativement aux définitions portées par les conciles généraux. Les observations habituellement faites par les théologiens relativement à ce cas doivent trouver encore ici leur I application. Collectio Lacensis, t. vu, col. 285. — b) En I 1705 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 170C l’absence de preuve certaine en faveur d'une défini­ F. CONCLUSIONS CONCERNANT L'ENSEIGNEMENT tion strictement obligatoire, on peut toujours pru­ PONTIFICAL INFAILLIBLE RESULTANT DES l/MS POR­ demment s’en tenir nu principe non e t Imponenda | TEES PAR LE PAPE POUR L'ÉGLISE ENTIERE. — On Q obligatio de qua certo non constat, pour ne point imposer montré à l’art. Église, t. iv, col. 2197 sq., que le l’obligation provenant d’une définition stricte, bien magistère infaillible de l’Église doit s'étendre a tout qu'il puisse y avoir, dans la circonstance, d'autres enseignement dogmatique ou moral pratiquement obligations. - c) Bien qu’une obligation stricte pro­ inclus dans l’observation des lois portées pour l’Église venant d’une définition certaine fasse alors defaut, il universelle, ainsi qu’à renseignement Inclus dans l'ap­ y a, le plus souvent, dans ccttc occurrence, une obli­ probation donnée aux ordres religieux et à la canoni­ gation, en elle-même grave, résultant, comme nous sation des saints. Le pape possédant toute 1'lnfaiJhle montrerons bientôt, d’un enseignement même non blllté donnée par Jésus-Christ à son Église, on doit infaillible du magistère ordinaire du pape. donc conclure, dans la même mesure ct aux mêmes / F. CONCLUSIONS CONCERNANT LES CONDITIONS RE­ conditions, à l'infaillibilité de l'enseignement dogma­ QUISES POUR QU* IL Y AIT ENSEIGNEMENT PONTIFICAL tique ou moral pratiquement inclus dans les lois ou INFAILLIBLE PROVENANT DU MAGISTÈRE ORDINAIRE décrets portés par le pape pour l’Église universelle. DU PAPE. — 1. Puisque, selon le décret du concile du Ainsi le dogme de l'immaculée conception de la Vatican, le pape possède l'infaillibilité donnée par très sainte Vierge, plusieurs siècles avant sa définition Jésus à son Église et que, pour l’Église, cette infail­ solennelle, devait être considéré comme enseigné par libilité peuts'étendre aux actes du magistère ordinaire, le magistère ordinaire du pape, à cause des prescrip dans la mesure ct aux conditions précédemment indi­ lions des souverains pontifes enjoignant la célébration quées, voir Église, t. j v, col. 2193 sq., on doit affirmer dc ccttc fête ct précisant le sens dans lequel cet que le pape enseignant seul, en vertu de son magis­ insigne privilège devait y être honoré. Voir Immacu­ tère ordinaire, est infaillible dans la même mesure ct lée CONCEPTION’, col. 1120. aux memes conditions. Tour qu’il y ait infaillibilité, Parmi les autres applications du principe général, il est donc requis que la vérité enseignée soit proposée nous citerons particulièrement les suivantes : comme ayant été définie précédemment, ou comme 1° L’infaillibilité pontificale elle-même longtemps ayant toujours été crue ou admise dans l’Église, ou avant la définition du concile du Vatican, puisqu'elle comme étant attestée, par le consentement unanime était enseignée par le magistère ordinaire du pape, et constant îles théologiens, comme vérité catholique. comme le montrent notamment diverses professions de fol imposées par le saint-siège ct que nous avons 2. Comme exemples d’enseignement infaillible du magistère ordinaire du pape nous indiquerons parti­ précédemment indiquées, particulièrement le formu­ culièrement, dans les encycliques dc Léon XIII, les laire dc foi du pape saint Hormisdas, Denzingerenseignements suivants : a) Dans l’encyclique Arca­ Bannwart, Enchiridion, n. 171 sq.. ct la profession num, du 10 février 1880, sur le mariage chrétien, la de foi approuvée en 1267 par Clément IV pour l’usage •divine institution du sacrement dc mariage, l’indisso­ des grecs, n. 466. 2® L'autorité dogmatique du symbole de saint Atha­ lubilité du mariage ct le pouvoir exclusif el intégral de l’Églisesur le mariage chrétien.— b) Dans l'encyclique nasc» Denzinger-Bannwart, n. 39 sq. ; voir 1.1, col 2186Diuturnum, du 29 juin 1881, l’origine divine du pou­ 2187, provenant de l’approbation du magistère ordi­ voir résidant dans la société civile, vérité enseignée naire des papes qui ont autorisé l’usage dc ce formu­ comme évidemment attestée dans la sainte Écriture laire, dans l’Église universelle. 3° Sont également enseignées par le magistère ordi­ et dans les monuments de l’antiquité chrétienne. — c) Dans l'encyclique Immortale Dei, du lrr novembre naire du pape : L Les vérités dogmatiques affirmées 1885, la souveraine indépendance dc l’Église qui dans les professions dc fol approuvées ou proposées par possède, en vertu dc son institution divine, pleine ct. le saint-siège, telles que le formulaire de foi du pape absolue autorité en toutes les matières qui sont siennes. saint Hormisdas, la profession dc foi approuvée pour l’usage des grecs en 1267, la profession dc foi de Pic IV, — d) Dans l'encyclique Providenlisslmus Deux, du 18 novembre 1893, particulièrement ces deux ensei­ Denzinger-Bannwart, n. 994 sq.» ct la formule du gnements concernant les Livres saints : la notion serment present par Pie X contre les erreurs moder­ catholique dc leur inspiration ct l’absence dc toute nistes, Ibid., n. 2145,2146. Comme exemples de vérités erreur dans le texte sacré fidèlement conservé. — dogmatiques ainsi affirmées, même avant toute défi nition solennelle, nous citerons particulièrement dans e) Dans l’encyclique Satis cognitum, du 29 juin 1896, toute la doctrine catholique sur la primauté ponti­ la profession de fol dc 1267 : a) i’cnlrcc immédiate ficale qui y est proposée comme doctrine définie et au ciel pour les âmes entièrement purifiées au moment dc leur séparation d’avec le corps, vérité qui fut un peu universellement reconnue dans l’Église. plus tard explicitement définie par Benoit XII; b) On observera d’ailleurs que, dans tous ces cas, selon les explications données précédemment, 1*infaillibilité l'existence du purgatoire ct futilité des suffrages et s’étend seulement à ce cjul est directement proposé des aumônes des vivants ainsi que du sacrifice de la messe pour le soulagement des âmes souffrant en pur comme vérité déjà définie ou toujours crue ou admise dans l’Église, ct qu’elle ne s’étend point aux raisons gatoire, Denzinger-Bannwart, n. 464, vérité expressé ment definie un peu plus tard par les conciles de Flo­ ou aux explications ajoutées Λ cet enseignement. On doit aussi noter que, bien qu’un tel enseigne­ rence ct de Trente. 2. Toutes les vérités dogmatiques ct morales effec­ ment infaillible du pape, puisse, dc droit, selon l'en­ tivement contenues dans la liturgie approuvée par le seignement du concile du Vatican, sess. Ill, c. ni, suffire pour que la vérité enseignée soit vérité dc fol saint-siège pour l’Église universelle, notamment les catholique. Il no parait pas suffire pour cela, en fait et vérités dogmatiques concernant les sacrements, le d’après la conduite habituelle de l’Église. En effet, sacrifice de la messe ct la sainte eucharistie, longtemps dans plusieurs cas particuliers, l’Église a jugé néces­ avant les définitions solennelles portées par le magis­ saire d’intervenir, par une définition solennelle, pour tère infaillible. 3. Toutes les vérités dogmatiques ct morales réel proclamer telle vérité ainsi enseignée comme vérité dc foi catholique, ou du moins pour déterminer lo sens lenient contenues dans l’approbation donnée par précis dans lequel elle appartient ù la foi catholique. Je saint-siège, pour l’Église universelle, aux ordres A. Vacant, Eludes thMogiques sur les constitutions religieux cl à leurs règles, notamment l'excellence des conseils évangéliques ct l’utilité surnaturelle du concite du Vatican, t. n, p. 117 sq. 1707 INFAILLIBILITÉ DU PAPE 1708 On peut donc conclure qu'en face d’une erreur ainsi des moyens de perfection recommandés par ces règles. restreinte dans sa durée, dans son objet et dans scs V. Réponse λ quelqui-s objections. — lr· objec­ applications pratiques, le témoignage dc la tradition tion. — On ne peut admettre comme un dogme révélé catholique constante, tel qu’il n été expose, garde une proposition dont le concept théologique explicite toute sa force. ne se rencontre pas avant le xv· siècle, et qui, depuis 2· objection. —On ne peut admettre qu’à une époque cette époque, a été, mémo dans l'Églisc catholique, tardive dc l’histoire dc l’Églisc, une définition de fol l’objet dc nombreuses ct persévérantes attaques. — soit portée en faveur d’une nouvelle prérogative pon­ /î/ponjr. 1° Pour qu’une vérité puisse être explicite­ tificale, produisant Λ l’intérieur de l’Églisc de profonds ment définie comme vérité de foi ou comme vérité changements organiques, ct rendant, à l’extérieur, révélée, à une époque quelconque dc l’histoire dc toute entente effective avec les pouvoirs civils, sinon l’Églisc, il sulllt qu’elle ait été implicitement révélée impossible, du moins très difficile. — Réponse. au sens précédemment expliqué, voir Dogme, t. xv, 1° D’après toute notre démonstration, il n’est point col. 1642, ct que, dans la tradition catholique, elle ait ! vrai que l’on ait défini une nouvelle prérogative ponti­ toujours été crue comme implicitement révélée, soit ficale produisant â l’intérieur de l'Églisc, des change­ que cette croyance doive être considérée comme ments profends. 11 y eut simplement manifestation contenue dans la croyance à une vérité connexe où plus explicite d’une croyance constamment admise elle était manifestement comprise, soit que cette antérieurement, sous les formes multiples indiquées croyance ait pu seule dicter une pratique constante dans l’étude des preuves traditionnelles. ct universelle dans l’Églisc. 2° Toutefois on doit reconnaître que, surtout dans Or, selon les explications données au cours dc cet certains milieux où régnait auparavant un gallicanisme article, Il est manifeste, au moins après le progrès dog­ plus ou moins nuancé, il se produisit, par suite dc matique accompli, en cette matière, au cours dcssièclcs l’abandon des vieilles opinions ct du rayonnement chrétiens, que l’Infaillibilité pontificale, n’étant autre nouveau dc l’autorité pontificale, un changement qui, que la plénitude dc l’autorité doctrinale dans l'Églisc, sans être pratiquement très profond, put donner, Λ cer­ est manifestement comprise dans la plénitude dc tains esprits peu réfléchis ou mal informés, l’illusion, toute autorité conférée à Pierre ct à ses successeurs plus ou moins volontaire d’un profond changement dans l’Églisc; plénitude qui est certainement une p. 302. Cette opinion fut aussi considérée comme probable par quelques théologiens dont la préférence était pour le sentiment de Cano, particulièrement par Nugno (f 1G1 I), Commentarii ac disputationes in Tho­ ma, q. xx, a. 3, dans Rocabcrli, t. vm, p. 256; Tanner, In Summam S. Thoma, t. m, disp. I, q. iv, dub. vi, dans Rocabcrti,t. i,p. 37; Duval (f 1G38), Dc suprema romani pontificis in Ecclesia potestate, part. II, q. I, Paris, 1877, p. 100 sq.; Théophile Raynaud (f 1GG3), Corona aurea super mitram romani pontificis, Epilego mena, π, 7, Opera, t. x, p. 14G sq.; Vincent Ferre (f 1G82), Tractatus dc virtutibus theologicis, 1.1, q. xn, dans Rocaberti, t. xx, p. 395 sq.; Brancatl dc Laurin (t 1693), In JII Sent., Dc virt. theol., disp. VIII, a. 5, dans Rocaberti, t. vi, p. 111 sq.; et les théologiens de Salamanque, Cursus theologicus, De fide, disp. IV, dub. i, n. 7 sq. Nous arrêtons nos indications à la fin du xvir siècle, parce que, depuis cette époque, la controverse théolo gique présente peu d’intérêt, les positions restant les mêmes, et la question n’ayant le plus souvent, chez les théologiens, qu’une brève mention. 2° Conclusion théologique. — Bien qu’on ne puisse démontrer que, pour le pape considéré comme per­ sonne privée, le privilège de l'exemption dc toute hérésie soit contenu dans le dogme dc l'infaillibilité pontificale, on ne peut non plus démontrer que ce privilège soit in ulmissiblc. On peut même csll mer avec quelque probabilité, qu'étant donné le dogme dc i’InfailHbihté pontificale, l’existence de ce privilège, parait plus conforme à l’ordre provi­ dentiel tel qu’il sc manifeste habituellement à nous. 1717 INFAILLIBILITÉ DU PAPE — INFANTICIDE 1. Aucune des preuves invoquées en faveur dc l’infaillibilité pontificale ne démontre le privilège en question. Les deux textes scripturaires,Matth., xvi, 18, et Luc., xxn, 22, selon l'argumentation précédemment i établie et selon l’interprétation constante des théologicns, prouvent seulement l'infaillibilité du pape ensei­ gnant, comme pasteur et docteur dc l’Église entière, ce que les fidèles sont tenus dc croire ou d’admettre. C’est également tout cc que prouve, d’après toute notre exposition, le témoignage dc la tradition catholique. 2. On ne peut non plus démontrer que le privilège en question est inadmissible. 11 ne sc heurte à aucun principe certain dc la théologie; et d’autre part les défaillances Imputées à certains papes ou ne sont pas absolument certaines au regard dc l’histoire, ou n’intéressent pas la foi. Voir Arianisme, 1.i, col. 1825 sq., ct Lidébe. 3. On peut même penser, avec quelque probabilité, qu’étant donné le dogme de l'infaillibilité pontificale, l'existence du susdit privilège semble plus conforme à l’ordre providentiel tel qu’il se manifeste habituelle­ ment à nous. Voir Collectio Lacensis, t. vn, col. 357. Car, selon l’ordre providentiel tel qu’il nous est ma­ nifesté par le témoignage constant dc la tradition, l’infaillibilité pontificale nous est garantie, non par une inspiration divine ou par quelque acte analogue, mais par une simple assistance du Saint-Esprit, écar­ tant tout danger ou toute possibilité d’erreur dans le jugement doctrinal porté par le pape ct rendu par lui obligatoire pour tous les fidèles. Or, dans l’hypothèse indiquée, celte simple assistance ne suffirait point, puisque l'intelligence dc celui qui devrait enseigner la vérité divine pourrait être à quelque moment oppo­ sée À cette vérité. On devrait admettre une Inspiration divine toute spéciale ct une motion exceptionnelle dans le genre dc celle qui, selon l’expression dc Bellarmin, mit des paroles dans la bouche dc Tânesse dc Balaam; procédés sans doute possibles à la toutepuissance divine, mais qui ne s’harmonisent guère avec la conduite habituelle dc la Providence. Cette opinion vaut cc que valent les raisons qui l’appuient; mais elle n’est à aucun titre garantie par l'Eglise, ni adoptée par l’ensemble des théologiens. Outre les nombreux ouvrages cités au cours dc cet article, on peut consulter les traités Dc Ecclesia qui s’occu­ pent tous de l'infaillibilité pontificale, le Kirchcnlexlkon, 2· édit.. Frilxnirg-cn-Brisgiiu, 1901, t. xn, col. 348 sq., la Catholic Encyclopedia, New York, 1910,t. vu.p. 790 sq. ct le Dictionnaire apologétique dc la foi catholique, t. Ill, col. 1333-1371 ct 1422-1534. Spécialement pour les textes nvo-tcstamenlnlrcs qui traitent des prérogatives dc saint Pierre, voir J, Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum,Giim\,lSSi, 1.1, p. 32-71 ; C. A. Kellner, Ueber die · ursprungliche · Form des Matth. XV!, U-20. Zeitschrift fur katholbehe Théologie, Inspmck. 1920, p. 1 17-109; Kessel, Der Spruch über Petrus ab Fclscn der Kirchc, dans Pastor bonus, 1920, p. 193-207, 326-333, 393-413, 471-487; J. Sickenberger, Eine m ue Deutung de.· Primatstclle, M!.XVI, 1G,i\nn*ThcologischeRevue,1920, col. 1-7; L. Fonde. Tu es Petrus, dans IJiblica, Home, 1920. t.x, p. 2 10-264; Prosper Schcpcns, L'aulhcntleiH de saint Matthieu, XVI, 18, dans les Recherches de science religieuse, septembre-novembre 1920,p. 271-302; 11. Dieckmann, Λ fl., XVI, 13, dans lilbltca, Home, 1921, p. 05-69. Les princi­ paux documents ccclésUstlques sur l’infaillibilité du papo sc trouvent dans Cxi voilera, Thesaurus doctrinie cathollae, Paris, 1920. n. 168, 188, 193,325,332, 378, 511. E. Dl llLANCHY. INFANTICIDE. — D’après l’étymologie (in­ fantem, cadere), l’infanticide est le meurtre d’un enfant. Dans le langage juridique, le sens est plus précis : c’cst le meurtre d’un enfant nouveau-né. Ainsi le Code pénal, art. 300, s’exprime dc la manière suivante : < Est qualifie infanticide, le meurtre d’un 1718 enfant nouveau-né. » Il se distingue donc de l’avorte­ c iment qui tue l’enfant dans le sein dc la mère. Voir 1.1, 1 col. 2644 sq. Le langage courant ajoute une déter­ mination dc plus : il réserve d’ordinaire le mot d'ini îaaticidc au meurtre du nouveau-né par son père ou î sa mère. C’est dans cc sens que nous allons étudier l’infanticide en exposant : L Cc qu’il a été de fait dans les principales sociétés civilisées. 11. Quelle fut l’attitude dc l’Église en face de 1’infanUddc. III. Ce qu’il faut en penser au point dc vue moral. I. L’lNFANTXCXDE DANS LES PRINCIPALES SOCIÉTÉS. — Nous trouvons deux principales manières dont ce crime fut commis et l’est encore. Dans certains cas, le père ou la mère commettent positivement l'acte criminel : ils tuent, étouffent ou noient leur enfant (infanticide positif). Beaucoup plus souvent, ils sc contentent dc le laisser sans aucun des soins néces­ saires pour soutenir la vie du nouveau-né; ils l’aban­ donnent, l'exposent, soit dans un endroit écarté où, inévitablement, il doit périr, soit dans un endroit public où peut-être il sera recueilli dans un but de charité ou dc lucre, mais où II peut aussi être délaissé ct mourir (infanticide négatif). 1° En Grèce. — Signalons d’abord une sorte d’in­ fanticide légal. A Sparte, les enfants, d’après Lycur­ gue, appartiennent à l’État plus qu’à leurs parents. Quand un enfant est né, il est porté devant les • anciens, qui ne permettent de garder ct de nourrir |; que les enfants de robuste apparence. L'enfant est-il i. chétif ou mal conformé, il est porté sur le mont Tay­ gete; ct là (les textes ne sont pas parfaitement clairs ct les auteurs modernes les interprètent dc l’une ou dc l’autre façon) on le précipite dans le goutfre des Apothètes, ou peut-être on l'abandonne simplement, dc sorte qu’il ne puisse être élevé avec les enfants des citoyens. Plutarque, Lycurgue, § 16. Dans les autres cités grecques, à Athènes surtout, l’enfant appartient complètement au père; c’est lui qui prononce souverainement sur le sort du nouveauné. Dans les dix jours qui suivent la naissance, si le père a décidé dc l’accepter dans la famille et dc l’élever, il le prend ct le porte autour du foyer pour l’associci au culte des ancêtres. Sinon, il a le droit dc l’aban­ donner, dc le vendre ou dc le faire mourir. Tel sera surtout le sort des infirmes, des chétifs ou des petites filles; car élever une fille, c’cst un luxe coûteux, un sacri ilee sans compensations. Cf. Glotz, art. Expositio, dans le Diction, des antiquités grecques cl romaines, t. n, p. 930-939; ct Léon Lallemand, Histoire des enfants abandonnés et délaissés, Paris, 1885, p. 3G. Le mode d’exposition était double. Tantôt le père portait l’enfant dans un endroit où il devait mourir : c’était ΓάπόΟεσις. D’autres fois, il le plaçait en un lieu où il pouvait être recueilli, ct il arrivait que l’on mît à côté dc lui des objets qui permissent de le recon­ naître plus tard : c’était ΓέκΟεσις. Quel que soit le mode choisi, le père ne peut être Inquiété : il use dc son droit souverain» en sc débarrassant d’un enfant qui le gêne; ni les lois ne le lui nient, ni les philo sophes ne le lui contestent. Aristote, Politique, vu, 16; Platon, République, v. 2° A Rome. - - Nous trouvons les mêmes principes ct les mêmes mœurs, mais avec une abondance dc documents incomparablement plus grande. La loi des XII Tables ne permet pas de garder les nouveau-nés monstrueux. Cicéron, Dc legibus, III, 8. Comme dc pareilles naissances annonçaient quelque malheur publie, ces petits êtres mal conformés étaient brûlés, Lucain, Pharsale, x,vers589 sq., ou placés dans 1 un coffre que l’on jetait à la mer, ou simplement noyés. Titc-Livc, Hist., xxvn, 37; xxxi, 12; cf. Léon Lallemand, Histoire de la charité, Paris, 1902, t. i I p. 101. 1719 INFANTICIDE En dehors meme de ccs cas exceptionnels, le père, ayant tout pouvoir civit et religieux dans sa famille, Fustel de Coulanges, La cité antique, Paris, 1870, p. 96-97, est souverain, absolu de tout cc qui naît chez lui. On dépose â scs pieds le nouveau-né; s’il le relève, c’est la vie; s'il le laisse ù terre, c’est la mort ou l’abandon. De telles pratiques remontent à l’origine mémo de Home, puisque la légende do Bomuhts ct Rémus les représenté comme des enfants abandonnés ct allaités par la louve. Elles prirent un accroissement effrayant avec les progrès de l’immoralité, dans les derniers temps de la république ct au début de l’empire. Ovide nous montre un homme de condition obscure, mais libre, Lcydus,qui dit ά sa femme sa volonté sur l’enfant qui va naître : H souhaite que ce soit un fils; car la charge d’une fille est trop lourde pour lui, et H termine par cette menace attristée : ... Quod abominer, ergo Edita forte tuo fuerit si femina partu. Insitus mando; pictas, Ignosce; necetur. Metam,, ix, 674-679. Senèque compare sur ce point les moeurs do son temps aux mœurs plus pures d’autrefois, Consolat, ad Marciam, χιχ : < Autrefois, c’était la ruine d’un vieillard quo de rester seul. Maintenant, c’est un si beau titre Λ la puissance, que l’on en voit qui feignent la haine contre leurs enfants; ils les désavouent et vident leurs maisons par le crime. > Que l’on ne doive pas généraliser, c’est évident. La famille romaine était une institution vraiment sacrée et la plupart des pères avaient pour leurs en­ fants, même nouveau-nés, l’amour ct le dévouement que la nature met au cœur des parents. Et pourtant la fréquence des Infanticides est indiscutable; ct les apologistes chrétiens avaient beau jeu de repousser sur ce point les calomnies populaires contre la religion du Christ: il leur suffisait de retourner l’argument contre les accusateurs et, après avoir rappelé les lois de l’Évangile qui ordonnent de respecter le vie humaine, de peindre comme contraste les mœurs impures ct atroces du paganisme. Tcrtullicn, par exemple, dit dans son Apologétique, ïx : * Je m’adresse maintenant au peuple. Combien parmi vous, hommes altérés du sang des chrétiens, combien de vos magistrats, si équitables pour vous, si rigoureux contre nous, je pourrais confondre par le reproche trop fondé d’avoir ôté la vie à leurs enfants au moment de leur naissance ! Vous ajoutez encore à la cruauté par la façon dont vous les faites mourir : vous les noyez ; vous les faites périr de froid ou de faim; vous les donnez à manger aux chiens : cc serait une mort trop douce que de mourir par le fer. » P. L., t. i, col. 318-319. Minucius Felix n’est pas moins formel ; < Je veux m’expliquer maintenant avec celui qui dit ou qui croit que notre Initiation comporte le meurtre d’un enfant dont nous buvons ensuite le sang. Crois-tu possible qu’un corps si tendre ct si petit puisse recevoir des blessures mortelles? que quelqu’un ait le courage de frapper cc nouveau-né qui est ù peine un être hu main, de verser et de boire son sang? Personne ne le peut croire que celui qui oserait le faire. Je vous vois, en effet, tantôt exposer vos enfants aux oiseaux ct aux bêtes, tantôt les faire périr d’une mort miserable en les étranglant 11 y a des mères qui avalent des médicaments pour tuer l'embryon dans leur propre sein et qui commettent ainsi un homicide avant d’avoir enfanté. Et tout cela découle de l’exemple de vos dieux. Satunie n’a pas exposé scs enfants, il les a dévorés : c’est donc avec juste raison que, dans cer­ taines parties Je l’Afrique, des parents lui venaient 1720 i Immoler leurs enfants, en étouffant leurs cris sous les baisers ct les caresses pour ne pas immoler une victime en pleurs. > Octavius, 30, P. L., t. ni, col. 333-335; trad. Rivière. Saint Justin d les apologistes du second . siècle, Paris, 1907, p. 35-36. Jusque sous le règne de Constantin, Lactance, en même temps qu’il essaie de montrer ù l’empereur l’atrocité de telles mœurs, témoigne qu’elles n’ont pas cessé d’exister: « Cc n’est pas parmi nous, mais panni eux qu’on trouve des gens qui... étranglent leurs enfants ou, s’ils ont quelque pitié, les exposent. · Instil,divin., v,9, P.L.,t. vi,col.578.< Il est Impossible d’accorder que les pères aient le droit de faire mourir leurs enfants nouveau-nés; car c’est là une Impiété monstrueuse. Car Dieu donne l’ânic pour la vie, ct non pour la mort. Comment se fait-il donc qu’il y ait des hommes qui ne pensent pas souiller leurs mains en enlevant à des cires à peine formés la vie nul vient de Dieu et qu’ils ne leur ont point donnée? Epargne­ ront-ils le sang étranger, ceux qui n’épargnent pas le leur propre?... Que dire aussi de ceux qui croient devoir, par pitié, les exposer? Peut-on les regarder comme innocents, eux qui jettent en proie aux chiens leurs propres entrailles ct tuent leurs enfants plus cruellement que s’ils les étranglaient?... Et quand même il arriverait que l’enfant exposé trouvât quel­ qu’un qui se chargeât de le nourrir, le père serait-il moins coupable pour avoir livré son propre sang â l’esclavage ou à la prostitution?... Certes, autant vaut tuer son enfant que l’exposer. » Institut, div., vi, 20, P. L., t. vi, col. 70S. Des lois impériales avaient vainement essayé d’enrayer cette plaie. Une loi De agnoscendis et alendis liberis, Digeste, XXV, ni, 4, tente de faire honte au père qui expose son enfant : Necare videtur non tantum is qui partum perfocat, sed et is gui abjicit, ct gui ali­ monia denegat, et is gui publicis locis, misericordiie causa, exponit quam ipse non habet. Constantin alla plus loin ; il régla le sort des enfants exposés ct recueil­ lis, P. L., t. vin, col. 352-353. des enfants vendus, ibid., col. 397; dès 315, il avait organisé une charité officielle en faveur des parents que la pauvreté pour rait porter à abandonner leurs enfants : a Que toutes les villes d’Italie aient connaissance de cette loi, dont le but est de détourner la main des pères du parricide ct de leur inspirer de meilleurs sentiments. Si donc quelque père a des enfants auxquels sa pauvreté l’empêche de donner des aliments ct des vêtements, ayez soin que notre fisc et même notre domaine privé leur en procurent sans délai; car les secours à donner aux enfants qui viennent de naître ne comportent pas de retard. > Loi De alimentis guæ inopes parentes..., P. L., t. vin, col. 121; trad. Troplong, De l'influence du christianisme sur le. droit civil des Romains, Paris, 18G8, p. 272. Mais ccs mesures, si sages qu’elles fussent, ne pouvaient changer les mœurs, et nous x errons .l’Église obligée, longtemps encore, de lut Ici contre l’habitude de Γ infanticide. 3° Chez les Gaulois ct h s Germains. — Les mœurs de ces peuples reconnaissaient au père un pouvoir souverain sur sa famille, avec droit de xie ct de mort. Toutefois dans la pratique, il y avait, entre la patria potestas du droit romain ct le mundtum du droit germanique, plus qu’une nuance : cc dernier impli qualt plus que l’autre l’idée de protection ct de défense nu profit de l'être faible. Dans certaines parties de la Germanie, notamment chez les Frisons, le père a le droit de tuer ou d’exposer son enfant tant qu’il n’a pris aucune nourriture; mais dès qu’il a pris du lait ct du miel, il est devenu membre de la famille ct le père n’a plus le droit de s’en débar rasscr. Chez les tribu* voisines du Rhin. ■ le nouveau-né, 1721 INFANTICIDE 1722 placé sur une planchette ou un boucher d’osier, est ; si clics ne sont soutenues par une formation chré­ livré au cours de l’eau; si le léger esquif surnage, ' tienne ct forte des consciences. II. Action de l’Éousf. contre l’infanti a dp.. — l’épreuve est favorable; dans le cas contraire, le père abandonne à son malheureux sort un enfant qu’il 1· L’esprit de [‘Évangile. — L’Église ne pouvait que répudie. Galien fournit une autre explication de cette s’opposer de toutes scs forces aux cruelles pratiques coutume : selon lui, cc bain froid a pour but d’opérer d’infanticide en face desquelles elle allait se trouver une sélection profitable Λ la race; Il fortifie les rejetons dans toutes les sociétés. Car l’esprit de l’Évangile, vigoureux et fait périr les débiles. > Léon Lallemand, l’esprit de Jésus y répugnait absolument. Jésus est le maître de la charité; il ordonne aux Histoire de. la charité, p. 171-172. En tout cas, on ne trouve pas chez les Gaulois ou hommes de s’aimer comme des frères; bien plus, il les Germains le calcul intéressé du père de famille donne comme modèle à leur amour mutuel l’amour romain qui limite le nombre de scs enfants et aban­ même qu’il leur a témoigné. Il veut que leur charité donne ou tue ceux qui sont en excès. Tacite, Germania, sc traduise par la bienfaisance et II déclare que tout xix, loue les Germains de cc que, même quand la le bien qu’ils feront « à l’un de ces plus petits » d’entre conservation de la famille est déjà assurée par un héri­ les frères, c’est à lui-même qu'ils le feront. Matth., xxv, 40. Si telle est la loi du Christ vis-à-vis de tous, tier, Ils ne mettent pas à mort les petits enfants qui viennent au monde. < Le meurtre des nouveau-nés, même des Inconnus ou des étrangers, à plus forte raison dit-il, est un acte que l’esprit public flétrit ct réprouve; oblige-t-elle les parents à l'égard de leurs enfants. Jésus est le docteur de la confiance en la Provi ct les bonnes mœurs ont là plus de pouvoir que n’en ont ailleurs les bonnes lois. » Cf. Gcffroy, Rome et lu dcnce du Père céleste; ct par là il condamne les calculs barbares, Paris, 1874, p. 03. I égoïstes qui aboutissent au meurtre ct à l’abandon 4° Dans la Chine actuelle. — Quand on parle de du nouveau-né. Dieu qui n’abandonne pas les oiseaux l'infanticide à notre époque, la pensée sc reporte natu­ du ciel ne délaissera pas ses propres enfants. Matth., rellement vers cet immense empire chinois, sur lequel vt, 25-34. les missionnaires nous donnent sans sc démentir Jésus est l’ami de l’enfance. Il a voulu être enfant jamais les détails les plus navrants. On a mis en doute lui-même; ct la sainte Famille est l’idéal éternelle­ la véracité de leurs récits, mais sans pouvoir produire ment proposé aux familles humaines. 11 aime à voir ni un fait, ni un témoignage vraiment capables de les les enfants autour de lui. Matth., xix, 13-14. Il réclame ébranler. Des lois existent pour réprimer l’infanti­ le respect de l’âme des enfants, Matth., xvui, 6, et cide; mais elles demeurent lettre morte, ct, de fait, s’il ne parle pas du respect de leur vie, c’est que la les Infanticides sont innombrables ct demeurent géné­ société juive n’était pas gangrenée comme les autres ralement impunis. Les petites filles en sont les par la plate de l’infanticide. principales victimes, la naissance d’une fille étant L’Église sc devait donc de combattre l’infanticide ; considérée comme une humiliation ct un malheur. Cc elle le fit soit par des lois, soit par des institutions fléau a fini par émouvoir les autorités; ct naguère, destinées à assurer la vie des enfants exposés. 2° Lois de Γ Église contre Γ infanticide. — Le concile VAmi du clergé, 1906, p. 1020-1021. publiait, d’après la communication d’un missionnaire, un appel de d’Elvirc (vers 300) prévoit le cas d’une mère sup­ plusieurs lettrés du Kiang-Si, pour fonder une société primant son enfant pour cacher sa faute, ct prononce contre rinfantlcîdc; cet appel avait été publié dans une peine variable suivant que la mère est chré­ le journal ofliciel du vice-roi du Tché-li. Ces initia­ tienne ou simplement catéchumène; dans le premier tives seront-elles cflicaccs? Le changement de régime cas, elle est excommuniée sans réconciliation pos en Chine aboutira-t-il à changer les mœurs? 11 semble siblc, même à la fin de sa vie; dans le second cas, elle en tout cas que les seuls qui aient jusqu’ici lutté avec ne pourra être baptisée qu’à la mort : Si quir per adul­ quelque succès contre rinfantlcîdc en Chine soient terium absente marito conceperit, idque post facinus les missionnaires. Ici encore l’Église 6C montre la occiderit, placuit nec in fine dandam esse communionem seule protectrice de l’enfant, comme elle le fut co quod geminaverit scelus... Catechumena, si per adul­ en présence des civilisations ou des barbaries du terium conceperit et prir/ocaveril, placuit eam in fine baptizari. Can. 63 ct 68, 1 Icicle, Histoire des conciles, passé. 5® Dans la civilisation européenne actuelle, l’infan­ trad. Lcclvrci|, 1.1, p. 256 ct 258. On ne put maintenir une telle rigueur, sans doute ticide n’existe plus à l’état d’institution : l’action de l’Église qui s’y fait sentir depuis tant de siècles a fini parce que, dans une société insufllsamment chris­ par avoir raison ct par supprimer dans les mœurs tianisée, ce crime était trop fréquent. Aussi la durée cette coutume barbare. Cc ne peut plus être qu’une de l'excommunication fut bientôt réduite à dix ans exception, toujours trop fréquente cependant ct sou­ ou ù sept ans. Le concile d’Ancyrc. en 314, porte le canon suivant : < Les femmes qui se prostituent, qui vent trop mollement réprimée par les juges. En France, par exemple, l’art. 302 du Code pénnl tuent leurs enfants ou qui cherchent à les détruire édicte la peine de mort contre l’infanticide; mais en dans leur sein, étaient par l’ancienne ordonnance excommuniées jusqu’à la lin de leur vie. Nous avons, pratique la sentence de mort n’est jamais prononcée, adouci cette mesure ct les avons condamnées aux sinon dans des cas de gravité exceptionnelle. On l’avait prévu dès la rédaction du Code pénal. En divers degrés de pénitence pendant dix ans. > Can. 21. Hefclc, trad. Leclercq, t. i, p. 323. Même sanction même temps que l’on voulait arrêter les infanticides trop nombreux, des membres du Conseil d’État firent au Ier concile de Mayence, en 847 : · Les femmes qui remarquer que cette peine, ù cause même de sa tuent leurs enfants ou qui sc font avorter étalent autre rigueur, serait peu appliquée; que les jurés trouve­ fois condamnées à la pénitence pour le reste de leur vie; on réduit cette pénitence à dix ans. » Can. 21; raient toujours quelque circonstance atténuante, Hefclc, trad. Leclercq, t. iv, p. 134. Le concile de surtout dans le cas d’une fille devenue mère ct qui ne Lérida, en 524, accepte une peine plus bénigne : · Qui se porte à ce crime atroce de supprimer son enfant que par crainte du déshonneur. Dalloz, Répertoire conque a cherché à faire mourir, soit après la nais­ de législation, art. Crimes et délits contre les personnes, sance, soit dans le sein de la mère, le fruit de 1 adultère n. 93, Paris, 1853, t. xiv, p. 599. Et en cflet l’impu­ ne pourra être admis à la communion avant sept ans, nité est presque absolue ct l’acquittement certain ct passera le reste de sa vie dans les larmes ct dans l’humilité. > Can. 2; Hefclc, trad. Leclercq, t. n, dans bien des cas, tant 11 est vrai que, sur ce point p. 1064. comme sur tous les autres, les lois sont impuissantes 1723 INFANTICIDE En même temps l’Église qui commence Λ exercer ta bienfaisante influence sur le pouvoir civ II, l’appelle Λ collaborer avec clic dans ccttc lutte. Le 17® canon disciplinaire du III· concile de Tolède, en 589, invite le clergé ct les juges civils < à unir leurs ciTorts pour détruire l’abominable pratique, très répandue, de parents tuant leurs enfants pour ne pas les nourrir. » Hcfclc, trad. Leclercq, t. ni, p. 227. On trouvera le texte complet de ce canon dans Mansi, Concil., L tx, col. 997. Du fait, Λ partir de Constantin, les lois Impériales sc font sévères contre l’infanticide, ct on est bien obligé d’y reconnaître l'influence de l’Église. De Constantin mémo, nous avons une loi datée de319 qui condamne au dernier supplice les parricides (ct sous ce nom, le droit romain entendait non seulement les enfants qui tuent leurs parents, mais aussi les parents qui tuent leurs enfants). On ne les fera pas mourir par le glaive, ou par le feu, ou par une autre peine ordinaire; on les coudra dans un sac de peau avec quelque bête, chien, vipère ou singe, ct on les jettera, suivant les lieux, dans la mer ou dans une rivière. De parricidiis, P. L., t. vm, col. 152. En 374, Valen­ tinien ordonne encore la peine de mort contre l’infan­ ticide, Code Théodosien, IX, xvi, ct veut que Γοη I mette en vigueur les sanctions prononcées contre ceux qui exposent leurs enfants ; a Que chacun nourrisse ses enfants; s’il les expose, qu'il soit puni conformé­ ment à la loi. s Code Justinien, VIII, ui,de inf. expos.; 2. Ccttc même influence de l’Église, nous la retrou­ vons dans les législations barbares. ■ Dans le cré­ puscule des temps barbares; dit Laboulayc, il semble que le père a sur les siens une autorité absolue; il est Impossible de méconnaître qu’une fols le christianisme i levé, toutes ces atrocités disparaissent devant ccttc grande lumière. > Recherches sur la condition civile des femmes depuis les Romains jusqu*à nos jours, 1843, p. 81. Et en ciTct, peu à peu, les lois civiles des Wisigoths, des Francs, des Bavarois, des Anglo-Saxons, en s’imprégnant de l’esprit chrétien, édictent des mesures contre l’infanticide. Les parents, dit la loi des Wislgolhs, n’ont pas le droit d’exposer ou de vendre leurs enfants. Celui qui recueille un enfant abandonné de naissance libre a droit à un esclave que les parents lui remettront en échange de leur enfant. Si les parents ne sc font pas connaître, le juge les recherchera. les condamnera à une amende ct à un exil perpétuel ; ct s’ils ne peuvent payer l’amende, l’auteur de l’abandon deviendra esclave en place de l’enfant recueilli. Les Visigotharum, 1. IV, tit. iv, il. Pour terminer ce rapide exposé des lois formulées ou Inspirées par l’Église contre l’infanticide, nous signalerons que le Corpus juris a toute une législation sur cc point, Decret. Greg. IX, 1. V, tit. x, De lus qui filios occiderunt; tit. xi, De Infantibus ct languidis expositis, ct que jusqu’en ces derniers temps, un certain nombre de statuts diocésains portaient des peines ou des réserves, soit contre l’infanticide proprement dit, soit contre l’exposition et l’abandon des enfants, soit contre l’imprudence des parents qui faisaient coucher avec eux des petits enfants ct les étouffaient ou les blessaient gravement. 3e Institutions de Γ Église pour recueillir les enfants abandonnés. — L’Infanticide proprement dit était un crime devant lequel la plupart des parents rccuj liient; ils avaient un autre moyen de se débarrasser d’enfants qui les gênaient : c’était de les abandonner. L’abandon de l’enfant, c’était pour lui dans beaucoup de cas la mort ; dans d’autres une condition pire que la mort, si l’enfant était recueilli dans un but de lucre ou de débauche. Contre de double danger, l’Église a voulu prémunir l’enfant en créant ct en multipliant 1724 les institutions de charité qui recueillaient les pauvres abandonnés. Lc soin des enfants délaissés a évidemment préoc­ cupé l’Église dès les premiers temps. Dans les Consti­ tutions apostoliques, probablement vers 400, nous trou­ vons de chaudes recommandations en faveur des petits orphelins : a Quand un enfant chrétien,-garçon ou fille, reste privé de ses parent s, c’est une bonne œuvre si un frère, sans descendants, l’adopte et le traite comme sien ; si, au contraire, un riche repousse l’orphe­ lin qui est membre de l’Église, le Père des orphelins veillera sur ce délaissé ct il enverra au riche la punition de son avarice, · iv, 1, P. G., t. t, col. 807. Ce texte parle des orphelins, non des abandonnés 1 mais il Indique l’esprit de charité qui, dès le début, anime l’Église en faveur de la faiblesse de l’enfant prive de ses parents ; c’est la mise en pratique du précepte du Maître. Toutefois si, dans les premiers temps de l’Église, des fidèles pouvaient recueillir des enfants abandonnés pour les adopter ou les faire élever à leurs frais, il ne semble pas qu’il y ait eu d’abord des institutions fondées dans cc but. Lallemand, Histoire des enfants abandonnés et délaissés, p. 78-80. L’Église se contenta d’encourager les charités individuelles en garantis­ sant à celui qui a recueilli un petit abandonné tout droit sur l’enfant; ainsi au concile de Vaison, 442, can. 9 ct 10, et au concile d’Agdc, 50G, can. 24.1 Icicle, Histoiredcs conciles, trad. Leclercq, t. n,p. 459,400,991. 11 semble qu’il en fut encore longtemps ainsi en Occi­ dent; l’abandon des enfants sc faisait souvent à la porte de l’église, comme pour mettre le petit être sous la protection du Christ ct le recommander à la charité des fldèles. A Trêves, on avait même disposé devant la porte de l’église une coquille de marbre destinée à recevoir les enfants abandonnés. Vita S. Goaris, dans les Acta sanctorum, julii t. n, p. 335. Certains documents nous permettent d’assister à la suite des événements s l’enfant est recueilli, on recherche pen dant trois jours ses parents; comme ils restent introu­ vables,on fait baptiser l’enfant, puis on le met en nour­ rice. Formulas Andcgavenscs, n. 39, citées par Lalle­ mand, Histoire de la charité, t. n, p. 170. En Orient, l’organisation de la charité envers les enfants abandonnés était plus perfectionnée. Dès le iv· siècle, nous voyons s’élever des brephotrophia ct des orphanotrophia où sont nourris et instruits les enfants privés de leurs parents, orphelins ou exposés. Lallemand; ibid., p. 133. Ces asiles sc multiplièrent peu à peu dans toute l’Église; ct nu moyen Age il n’est guère de ville un peu importante qui ne possède parmi scs établissements d’assistance une maison où l’on recueille les enfants trouvés. Cf. Lallemand, Histoire de la charité, t. nr, p. 135-151. Cependant, quelque considérable qu’en fût le nombre, il était encore Insuffisant pour subvenir aux besoins. L’exposition des enfants demeurait pratique courante dans certains cas, malgré les condamnations de l’Église ct les peines très fortes édictées par le pouvoir civil. On cite même des maisons, comme l’IIÔtcl-Dlcu-lc-Comte, de Troyes, ou Saint-Jean d’Angers, auxquelles les statuts interdisaient de recevoir les enfants exposés, de peur que leur alllucncc ne fût une cause de ruine. Lallemand, ibid., p. 138. Du temps de saint Vincent de Paul, Abclly estime ù trois ou quatre cents au moins le nombre des enfants exposés chaque année dans la seule ville de Paris. Vtede saint Vincent de Paul, l. l,c. xxx, Paris, 1839, t.i, p. 143. D’autre part, les soins que recevaient les enfants entassés dans ces asiles n’étaient pas toujours assez éclairés; l’hygiène y était rudimentaire ct la maladie y faisait des victimes en foule. Abclly, ibid., donne des détails navrants, ct rien ne prouve mieux que. 1725 INFANTICIDE — INFIDÈLES 17 2C malgré les eflorts tentés, l'exposition des enfants l’infanticide positif. Cc sont des crimes que rien ne saurait justifier. restait un infanticide déguisé. 11 en va autrement de l’abandon tel qu’il s’est pra­ 11 y avait donc toujours place pour la charité privée ct les hardies initiatives. Saint Vincent de Paul en tiqué ct se pratique encore dans nos sociétés. L’enfant fut l’apôtre. On connaît scs premiers efforts, les diffi­ n’est pas condamné à mourir faute de soins; placé cultés auxquelles d sc heurta ct qui semblaient devoir dons un endroit où certainement il sera recueilli, ou le condamner à un échec. On connaît aussi sa fameuse confié anonymement à uneœuv rc créée dans cebut.il allocution aux dames de la charité : « Or sus, ne manquera pas des soins que réclame le nouveau-né. mesdames, la compassion ct la charité vous ont fait Cc n’est donc pas un homicide. Mais c'est toujours adopter ces petites creatures pour vos enfants; vous un manquement grave aux devoirs Imposés aux aver, été leurs mères selon la grâce, depuis que leurs parents. C’est à eux et non u des étrangers que Dieu mères selon la nature les ont abandonnés. Voyez a confié leur enfant, âme ct corps; ils sont person­ nellement responsables de sa vie, de son éducation maintenant si vous voulez aussi les abandonner. Cessez d'être leurs mères pour devenir à present leurs morale ct religieuse ct n’ont pas le droit de sc décharger sur d'autres de l’obligation qu’ils ont contractée en juges; leur vie ct leur mort sont entre vos mains...; le mettant au monde. 11 faudrait des circonstances il est temps de prononcer leur arrêt ct de savoir si exceptionnellement urgentes pour autoriser cet aban­ vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. Ils vivront si vous continuez d’en prendre un chart· don de l'enfant, par exemple, la misère qui mettrait les parents dans l’impossibilité absolue de le nourrir, table soin; ct au contraire ils mourront ct périront infailliblement si vous les abandonnez; l’expérience ou peut-être aussi une crainte grave de déshonneur. ne nous permet pas d’en douter. > Sous son impulsion Encore faudrait-il que les parents n’aient rien négligé furent créés, à Paris d'abord, puis dans les principales de ce qui est en leur pouvoir pour assurer a l’enfant villes du royaume, des hôpitaux spéciaux pour enfants qu'ils délaissent la vie surnaturelle, l'éducation phy­ trouvés; ct le nombre des pauvres petits qui y furent sique, morale ct religieuse» ct même l’avenir auquel il a droit. Cf. Ballerinl-Palmicrl, Opus theologicum recueillis montre à quelle nécessité urgente répondait celte création : à l’hôpital des Enfants trouvés de morale,tr. V I, sect, iv, dub. n, Prato, 1890. t.ii.p. 571. L. Godefroy. Paris, il yen eut 312 en 1670; 890 dix ans après; vers INFIDÈLES (Salut des). Cc problème la fin du xvn· siècle, on en compte plus de 1 600; en théologique, très compliqué» a toujours préoccupé 1710, 3 150 ct près de 7 000 en 1770. les esprits, ct les attire spécialement de nos jours. — La Révolution a enlevé à l’Église le soin des enfants I. Notions préliminaires. II. Solutions hétérodoxes trouvés pour le confier à l’État; mais sur cc terrain du problème. Les unes rigoristes (calvinisme, jansé­ spécial comme dans tous les domaines de la charité, nisme). Les autres laxistes (origénlsmc, pélagianisme., l’Église fut la première ct pendant de longs siècles la naturalisme ou rationalisme); examen historique de seule à penser aux pauvres enfants abandonnés : quelques auteurs célèbres, accusés d’une solution c’est ode qui a tourné vers ccttc misère des cœurs naturaliste (Abélard, Vivès, Dominique Soto, Véga). aimants ct créé des institutions pour la soulager. 111. Thèse fondamentale pour le choix de la meilleure III. Appréciation morale de l'infanticide. — solution : < l’acte de fol stricte est de nécessité de 1° L'infanticide positif. — 11 est un homicide ct un homicide commis par ceux-là memes qui avaient moyen pour la justification de l’adulte, absolument ct sans aucune suppléance. » État de la question; le devoir absolu de veiller sur la vie de leur enfant· I principaux adversaires (Hlpaldn, Gutberlct). Preuves : A cc double point de vue, il est un péché grave. documents de l’Église, Écriture sainte et tradition Péché grave contre la justice d'abord, comme tout des Pères; réponse aux objections. IV. Solutions homicide. Voir col. 37-38. Péché grave ensuite contre les devoirs Imposés aux orthodoxes du problème, nombreuses ct plus ou moins probables. parents; ct c’est une circonstance qui ajoute une I. Notions préuminaires. 1» Definitions des malice spécifique nouvelle au péché d’homicide. termes ct délimitation de la question. — c Salut ·, au Dieu, en diet, en faisant naître un enfant dans une famille, ne donne pas aux parents un droit absolu sur sens théologique, signifie l’acquisition de la tin sur­ naturelle, de la vision intuitive de Dieu, à laquelle le petit être; il n’est pas une chose quelconque dont Dieu u bien voulu, apres comme avant le péché ori­ les parents puissent user ct abuser; Il est un dépôt qui ginel, destiner les hommes, bien que cet état final leur est conllé. L'enfant est incapable de vivre par fût au-dessus de leurs forces ct de leurs exigences. lui-même : les parents lui doivent de protéger ccttc • Infidèle ·, au sens théologique, signifie celui qui vie toute faible, de la garantir et de la fortifier autant n’a pas la foi, fides, de même qu’un < fidèle » est celui qu'il est en eux. L’enfant n’a pas à sa naissance la vie qui a la fol. t Infidèle > peut encore signifier le manque surnaturelle : Il ne la recevra qu’au baptême ct c’est de fidelité, mais alors il demande un complément : aux parents de lui procurer, autant qu’ils le peuvent, Infidèle « à scs promesses > ou < à ses obligations. » la grâce ct le salut. Si, par un crime, les parents tuent Dans la question présente» c’est le seul manque de foi cet être qu’ils avalent mission de défendre, ils vont qui définit l’infidèle. directement ct en matière grave contre la volonté De quelle « foi » s’agit-il? De la foi proprement dite : de Dieu, auteur de la nature ct créateur de la famille; si les parents donnent la mort à leur enfant avant que c’est-à-dire d’un assentiment dont le motif est l’auto­ rité du témoignage de Dieu, de la révélation divine. celui-ci ait reçu la grâce par le baptême, alors que leur Voir Foi, t. vi, col. 107 sq. C’est par rapport à cette devoir était de la lui procurer, Ils vont directement fol qu’un homme est appelé < infidèle » en théologie. ct en matière grave contre la volonté de Dieu, auteur De quelle révélation divine est-il question? D une de l’ordre surnaturel. Nous laissons de côté volontairement les considé­ révélation surnaturelle, ibid., col. 122 sq. ; ct généra­ lement d’une révélation médiate, révélation ancienne, rations sociales ou humanitaires pour nous en tenir I transmise par l’intermédiaire de témoignages humains, aux motifs religieux. surtout par la prédication de l’Église : nous avons 2° Jn/anlicide. négatif ou abandon de Γenfant. — SI montré que la révélation médiate suffit à la foi, qu’elle l'abandon n lieu dans des conditions telles que l’enfant en est meme la condition normale· Ibid., col. 1 IL doive inévitablement mourir, faute de quelqu’un qui Mais une telle révélation peut facilement rester le recueille, c’est un véritable infanticide au point inconnue ct Inaccessible à des païens qui non scude vue de la conscience ; il faut en juger comme de 1727 INFIDÈLES lemcnt ne sont pas en contact avec les ministres de l’Église, mais qui n’ont même aucun moyen histo­ rique de connaître ce fait ancien, ou, s’ils le con­ naissent, de le connaître par des motifs suffisants de crédibilité comme fait divin ct surnaturel, ce qui est une condition préalable de la foi. Voir Foi, col. 171 sq. De lâ le problème angoissant du salut de ces pafens : pour cc salut, la foi leur est nécessaire ct en même temps, semble-t-il, impossible. On distingue l’infidèle < positif ayant rejeté la révélation qui lui était suffisamment proposée comme divine ct obligatoire, bien que souvent il cherche .à se faire Illusion sur l’origine divine ct le caractère obli­ gatoire de cette révélation, ct l’infidèle « négatif », celui â qui la révélation n'a jamais été proposée, du moins suffisamment, ct qui est de bonne fol en ne croyant pas. Que l’infidèle positif n’arrive pas au salut, il n’y a rien là détonnant: c'est sa faute; Dieu lui a olTcrt 1rs moyens de salut. La difficulté ne corn menée qu'avec l’infidèle négatif, le seul que nous avons à considérer ici. « Infidèle»,en théologie, peut sc prendre, a) au sens générique : il comprend alors, avec ceux qui n'ont ni le baptême ni la foi chrétienne, ceux qui croient en dehors de l’Églisc une partie des vérités révélées, ct rejettent les autres. La raison d’étendre à ceux-ci le nom d’infidèles, c'est que, s’ils ne sont pas de bonne foi, si leur conscience les avertit qu’ils devraient croire les vérités qu’ils rejettent, ils commettent le péché d'infidélité, ou rejet coupable d’une ou plusieurs vérités révélées; ct cc péché, soit qu’il porte direc­ tement sur une seule vérité ou sur toutes, détruit également dans fûmc la vertu infuso de foi. L'héré tique « formel > a donc · perdu la foi » en rejetant un dogme,aussi bien que l’apostat qui les rejette tous; il est sans foi, infidelis; on fait donc rentrer le péché . d’hérésie dans celui d’infidélité. Voir. Hérésie, t. v:, ' col. 2211; Foi, t. vi, col. 313, 385, 386. b) Au sens spécifique, «. infidèle », sc dit seulement des non bap­ tisés, et s’oppose à Γ < hérétique » baptisé. D’ailleurs, quand il s’agit d’une âme de bonne foi, engagée par sa naissance dans l'hérésie, il n'y a pas de péché contre la foi; la vertu infuse, reçue au baptême, n’a pas été perdue par des négations que l’ignorance invincible excuse; et l’acte salutaire de fol peut être fait sur les vérités qui sont retenues comme révélées. Voir Foi. col. 165, 30G, 307. De cette foi, la grâce vie Dieu peut faire passer l’âme aux autres actes nécessaires d’espé­ rance, de charité, de contrition; par ces actes s’ouvre une voie suffisante au salut. La possibilité du salut n’est donc pas difficile à expliquer pour l'hérétique i matériel » ou de bonne foi; reste seulement à bien entendre l’axiome « Hors de l’Églisc pas de salut. » Voir Bonne foi, t. π, col. 1011 sq.;Église, t. iv, col. 2163-2170. Nous n’avons pas à nous occuper ici de cette question plus facile de l’hérétique matériel; nous prenons donc le mot « infidèle e au sens spéci­ fique, pour les non baptisés, et qui ignorent la révé­ lation, ct de bonne foi (infidèles négatifs). 2e Principes généraux que toute solution du problème doit respecter. — Les uns sont des dogmes, les autres des theses certaines ct communément admises. Presque tous appartiennent à d’autres articles du dictionnaire, et ne sont pas à démontrer ici. En voici le sommaire : 1. La fin dernière. — Dieu a élevé l’homme à la fin surnaturelle,concile du Vatican,sess. III,c.n,Dcnzinger-Bannwart, n 1786; élévation qui n'a rien d’impos­ sible. Ibid., n. 1808. Cette fin surnaturelle est la vision intuitive de Dleu.définicparBcnoît X1I ;cllecst appelée < salut» de l'âme, Phil., n, 12; I Pct.,i, 5, 9, etc. Voir Benoît Xll, Ln,coL657 sq.; Fin dernière,!, v,col. 24 35,24 86; G loire,!. si. col. 1393; Intuitive ( Vision). 1728 2. La justification, moyen nécessaire pour arriver à la fin dernière. — Cette fin ne pourra être obtenue, si l’homme n'a été · transféré, de l’état où il naît, dans un état de grâce ct d’adoption ·*, translation en quoi consiste la < justification. » Concile de Trente, sess. VI, c. iv, Dcnzingcr-Bannwarl, n. 796. Cet état de grâce est une condition nécessaire pour le salut. Ibid., n. 812. La justification est une « sanctification ct une rénovation de l’homme intérieur par la grâce ct les dons qu’il reçoit volontairement... en sorte qu’il devient héritier de la vie éternelle. » Ibid., n. 799. Voir Grace, t. vi, col. 1561 sq.; Justification. 3. Nécessité, pour le salut, de mourir en état de grâce (persévérance finale). — Celte · vraie justice » ou sainteté infuse, que l’on reçoit par la justification au baptême, on devra y persévérer · de manière à la porter au tribunal de Jésus-Christ ct à avoir la vie étemelle.»Concile de Trente, loc.cil., n. 800. L’homme une fois · justifié... mérite par ses bonnes œuvres ...l'acquisition de la vie éternelle, si toutefois il meurt en élut de grâce. » Ibid., n. 842. Ainsi l'état de grâce est de rigueur à la mort, pour être sauvé. Qui meurt en état de péché, ne peut espérer une justification qui le sauverait après la mort. Voir Grace, col. 1601 sq.; Impénitence finale; Persévérance. 4. La foi, condition nécessaire de la justification. -— L'adulte ne peut obtenir la justification sans certaines « dispositions », actes libres ct surnaturels. La première de ces dispositions est l’acte de foi, « par lequel on croit vrai cc que Dieu a révélé. ■ Concile de Trente, ibid., n. 797, 798, n. 813. La fol est « le fondement ct la racine de toute justification. » Ibid., n. 801. Ici le point absolument certain, c'est que l’acte de fol, dont parle le concile, est, au moins en principe, nécessaire à la justification de l’adulte, ct ne peut se confondre avec les actes purement facultatifs. Mais quelle est la nature exacte de celte nécessité, c'est une question fort dilficilc, controversée entre catholiques dans une certaine mesure, ct pourtant capitale pour choisir la meilleure solution au problème qui nous occupe. Aussi la traiterons-nous largement, en expo sant la thèse fondamentale. 5. Avec quelle étendue Dieu veut la fin dernière. Après avoir vu quelle est la fin dernière dans l’ordre présent, on peut sc demander si tous les hommes y sont vraiment appelés : quel est là-dessus le plan divin. Or < Dieu veut le salut de tous les hommes, » I Tim., n, 4 sq., même après le péché originel; ht rédemption du Christ a été pour tous. Ibid., 6. Aussi Innocent X a-t-il condamné cette 5° proposition de Jansénius : Sanipelagianum est dicere Christum pro omnibus omnino hominibus mortuum esse...; ct ii déclare que si l'on entend par là que le Christ est mort pour les seuls prédestinés, c'est un blasphème et une hérésie. Denzingcr, n. 1096. Et Alexandre VIH a condamné cette autre proposition des jansénistes : Christus dedit semetipsum... pro omnibus ct solis fide libus. Dcnzinger, n. 1294. Voir t. I, col. 753. Si lo Christ ne s’est pas oflcrt pour les seuls fidèles, il s’est donc olTcrt aussi pour les infidèles,même pour ceux qui de toute leur vie ne deviennent jamais des fidèles. Cette volonté « salvifique » de Dieu, comme disent les théologiens, n’est sans doute que conditionnelle, puisqu'il y a des damnés, qui n’entreront jamais nu ciel; et 11 fallait faire sa part à la liberté de l’homme : mais c'est une volonté sérieuse,ce qui suppose qu'elle offre à tous une vraie possibilité de salut. Voir Salut. 6. La grâce suffisante donnée à tous, même aux infi dèles. - C’est une conséquence logique de la volonté divine de sauver tous les hommes, ct de leur donner à tous une vraie possibilité de salut. L’adulte ne peut obtenir la justification sans des actes libres et surnaturels, qui ont besoin d’une grâce intérieure cl INFIDÈLES 1729 actuelle; et si cette grâce ne produit pas toujours son effet, du moins elle doit être vraiment suffisante à le produire. Voir Grace, col. 1599, 1636-1640, 16561660. 7. Inégalité pourtant dans la distribution des grâces. — De cc que Dieu, voulant sérieusement sauver tous les hommes, offre à tous des moyens de salut, il ne s’ensuit pas qu’il donne à tous des moyens égaux. Voir Grace, col. 1600. Parmi les dogmes chrétiens figure la « prédestination », par laquelle Dieu, en vertu de son souverain domaine, établit des inégalités entre les hommes comme il lui plait, ct favorise les uns plus que les autres dans l'ordre mémo du salut. Sans doute», nou: ne sommes pas obligés d’admettre que Dieu détenu inc antérieurement à toute prévision de mérite surnaturel ou de démérite, quels seront les élus du ciel (prédestination à la gloire) ct quels seront les damnés. Mais nous devons admettre qu’il détcnninc, indépendamment de tout mérite, des grâces, des secours tant extérieurs qu’intérieurs, beaucoup plus abondants pour celui-ci que pour celui-là, produisant leur effet en celui-ci, non en celui-là (prédestination à la grâce). L'espèce de prédestination que saint Augustin considère le plus souvent, c’est la prédes­ tination à la grâce, surtout à la première grâce ct conséquemment à (out Vensemble des grâces, qui dépend de la première. La première des dispositions à la justification étant la foi, laquelle suppose une prédication ou proposition de la révélation, Dieu détermine sans aucun mérite de leur part ceux qui, devant naître dans un milieu éclairé des lumières de la foi, auront le baptême en naissant, ct l’enseigne­ ment de la révélation dès l’âge de raison, ct ceux qui, devant naître au sein du paganisme, seront privés de cette lumière sans qu’il y ait de leur part péché contre la foi (les infidèles négatifs). La grâce exté­ rieure de la révélation est d'ailleurs accompagnée d'une grâce intérieure pour arriver à faire l’acte de foi; l’ensemble des deux est appelé la « vocation pro­ chaine à la foi ; » prochaine, pour la distinguer d’une vocation antérieure ct éloignée qui consiste simple­ ment en cc que Dieu, par sa volonté salvi tique uni­ verselle, appelle, c'est-à-dire destine en principe, tous les hommes à la foi, qui est le premier moyen de salut· Même en admettant que tout infidèle, s’il n’y met pas obstacle par sa liberté, recevra avant de mourir, d’une manière ou d’une autre, la vocation prochaine à la fol et en général les moyens de salut, il ne s'ensuit pas qu'il ne puisse, sans qu’il y ait de sa faute, les attendre bien longtemps, ct être cons­ titué par là dans un état d'infériorité relativement aux fidèles, plongés de bonne heure, dans la lumière ct dans l'abondance des grâces. Voir Grace, t. vi, col. 1595; Prédestination. 8. État moral des infidèles : ils ne pèchent pas dans toutes leurs œuvres.—On peut considérer leur état moral soit après, soit avant la vocation prochaine à la foi. — a) Après. — Aidé par les grâces qui accompagnent ct suivent cette vocation prévenante, l’infidèle, déjà en vole de devenir fidèle, peut arriver à faire l’acte de foi ct d’autres actes moralement bons, ct même surnaturels, pour sc disposer au baptême ct à la justification. Luther a nié jusqu’à la bonté morale de ces actor préparatoires, à cause de scs deux théo­ ries fondamentales, l'une sur la totale perversion de la moralité dans la nature humaine par l'effet du péché d’Adam, l’autre sur la nature toute extérieure de la justification, par laquelle Dieu hisserait le pécheur dans sa corruption intérieure ct ne ferait que fermer les yeux, quand il lui plaît, sur les con­ tinuels péchés que sont tous ses actes. Le concile de Trente l’a condamné : · Si quelqu’un dit que toutes tea œuvres faites avant la justification, de quelque DJCT. DE T1IÉOL. CATHOL. 1730 manière qu’elles soient faites, sont de vrais péchés, ou méritent la haine de Dieu; ou s’il dit que, plus vivement on s'efforce de sc disposer à l’état de grâce, plus gravement on pèche, qu'il soit anathème. » Sess. vi, can. 7, Denzinger-B., n. 817. — b) Même avant la vocation prochaine à la foi, par conséquent dans un état plus complet de paganisme, rien n’empêcha l’infidèle, selon les lumières qu'il a sur la loi naturelle, de faire des actes, sinon surnaturels, du moins mora­ lement bons : soit par la seule vigueur de la nature, laquelle n’est pas totalement corrompue par le péché originel, soit au moyen d’une grâce qui parfois ajoute à la nature des forces nouvelles, spécialement dans les occasions plus difficiles, de manière à pouvoir non pas être justifié encore, mais éviter un nouveau péché. Alexandre VIII a condamné cette proposition des jansénistes (8·) : Necesse est infidelem in omni opere peccare, Denzinger-Bannwart, n. 1298; et cette autre, qui privait les infidèles de toute grâce actuelle, pour observer un précepte de la loi naturelle et éviter le péché : · Les païens, les juifs, les hérétiques, etc., ne reçoivent absolument aucune influence de JésusChrist; leur volonté est dénudée et désarmée sans aucune grâce suffisante. » Ibid., n. 1295. Voir Alexandre VIII, t. ï, coL 753, 754; Grace, L vî, coL 1578-1580; Péché originel. De plus, le manque de foi n’est pas un péché dans l’infidèle à qui la révélation n’a pas été présentée : aussi la proposition 68· de Baius a-t-elle été con­ damnée : < L'infidélité purement négative, dans ceux à qui n'a pas été prêché le Christ, est un péché. * Denzlngcr-Bannwart, n. 1068. Bien que Dieu, en appelant tous les hommes à la fol par une vocation éloignée, leur donne à tous en principe le précepte de la foi, cependant ceux qui ne connaissent pas la révélation, base nécessaire de la foi, sont excusés de cc précepte général par leur ignorance invincible et le manque de vocation prochaine. Cette propo­ sition de Baius découle de sa théorie barbare (prop. 46) que le péché n’a pas besoin d'être volon­ taire pour être coupable et punissable, Denzinger Bannwart, n. 1046; ainsi les mouvements involon­ taires de la concupiscence, bien qu'on n'y consente pas, sont de vrais péchés, prop. 50, 51 ; et Dieu peut commander sous peine de péché même aux justes, des choses impossibles, prop. 54; ci. P· propos, de Jansénius, Denzinger-Bannwart, n. 1092. L'Eglise a condamné aussi comme, hérétique la 3· proposition de Jansénius, que dans l’état de nature tombée, le libre arbitre, libertas a necessitate, n’est pas requis pour qu’il y ait péché, ad demerendum, Ibid., n. 1094. Conséquence de cette erreur : si le péché n’a pas besoin d’être libre, ni possible à éviter, l’ignorance invincible, qui est une des causes enlevant à l’homme la liberté d'éviter lo péché, n’excuse pas; et les infi­ dèles négatifs pèchent mortellement en omettant l'acte de foi dont ils ignorent invinciblement le pré­ cepte, ct qu’ils n'ont pas le moyen de faire. L’erreur janséniste sur l’ignorance invincible a provoqué une condamnation de l’Églisc. Voir la proposition 2· con­ damnée par Alexandre Vlll, Ibid., n. 1292. Voir Ignorance, t. vu, coL 731-734, 737; Baius, t. n, col. 81-86, 93-94, 96-99; Bonne foi, t. n, coL 1015; Jansénisme. IL Solutions hétérodoxes du problème. — Leur étude éclaire par contraste la doctrine catho­ lique, ct justifie les condamnations de l’Églisc. Elles peuvent sc diviser en deux classes : celles qui sont rigoristes, et celles qui, allant à l’autre extrême, sont laxistes. /. solutions rîgoiustss. — EUee s’opposent au principe de la volonté divine du salut de tous, ct au principe connexe do la vraie possibilité du salut (ou VII. — 53 1731 INFIDÈLES de la grâce suffisante) donnée Λ tous. On les trouve 1e chez les anciens protestants; 2° chez les jansénistes. 1· Protestants. — 1. Calvin, surtout, entend le dogme de la prédestination dc manière à nier en Dieu toute volonté sérieuse du salut des réprouvés. « Par la prédestination, dit-il, Dieu en a ordonné aucuns â salut, et assigné les autres à damnation éternelle... C’est tout confondre, dc dire que Dieu élit (pour le ciel) ou rejette selon qu’il prévoit ceci ct cela (les bonnes œuvres ou le> crimes)... Selon la flnà laquelle est créé l’homme; nous disons qu’il est prédestiné à mort ou à vie.· Institution chrétienne, 1. Ill, c. xxi, n. 5; Corpus Pe/ormatorum, Calvini opera, Brunswick, ! 1866, t. îv, col. 460, 461. « Ceux que Dieu laisse en élisant (les autres), il les réprouve : ct non pour autre cause, sinon qu’il les veut exclure dc l'héritage. » , Ibid., c. xxm, n. 1, col. 485. A ccttc question : « Pour­ quoi Dieu en a-t-il prédestiné aucuns ù damnation, lesquels ne l’avaient point mérité, vu qu’ils n’étaient pas encore ·, Calvin répond : « S’ils sont tous pris d’une masse corrompue (par le péché originel), cc n’est point dc merveilles s’ils sont assujettis à dam­ nation. » J bid., n. 3, col. 489. Il n’y n pas à sc préoc­ cuper davantage du problème dc leur salut. A ccttc autre objection : < Pourquoi Dieu imputerait-il Λ vice aux hommes les choses desquelles il leur a imposé nécessité par sa prédestination, · il note que les sco­ lastiques nient celte nécessité, en disant que la préscicncc divine n'apporte nulle nécessité aux créatures: mais lui ne recourra pas ù ccttc réponse tirée de la nature dc la prescience, parce que Dieu n'a pas seu­ lement prévu, niais voulu ct déterminé les crimes. Ibid., n. 6, col. 493, 494. Les scolastiques, ajoute-t-il, • recourent Ici à la différence dc volonté ct permission, disant que les Iniques périssent, Dieu le permettant, mais non pas le voulant. · Pour lui, il rejette ccttc différence. C’est · par l'ordonnance dc Dieu que l’homme s’est acquis damnation. · Ibid.,n. 8,coL 495. Et si l'on objecte que les réprouvés, puisqu'ils sont forcés à pécher par l’ordonnance dc Dieu, sont excu­ sables, Calvin · nie que cela soit pour les excuser, parce que ccttc ordonnance dc Dieu, de laquelle Ils sc plaignent, est équitable, combien que l'équité nous en soit Inconnue. » Ibid., n. 9, col. 497. Enfin, pour se débarrasser des textes où brille la volonté divine du salut dc tous, il ajoute : < Combien que les pro­ messes dc salut soient universelles, toutefois elles ne contrarient nullement à la prédestination des réprouvés... Car le Seigneur, en promettant ainsi, ne signifie autre chose sinon que sa miséricorde est exposée ù tous ceux qui la chercheront. Or nul ne la cherche, sinon ceux qu’il a illuminés. Finalement, Il Illumine ceux qu'il a prédestinés à salut. » Ibid., c. xxiv, n. IG, col. 529. Les autres, ou bien ne reçoivent pas la prédication dc l’Évangile, ou bien la reçoivent sans la grâce intérieure nécessaire à la foi, recevant l’Évangilc « en odeur dc mort, ct pour matière dc plus griève condamnation. · Ibid., n. 8, col. 516. Quant à la dureté dc Died à l'égard dc ceux-ci, non seule­ ment Calvin ne songe pas à l’en justi fier, mais il fallait qu’il en fût ainsi : · les réprouvés ont été suscités pour illustrer sa gloire en leur damnation. » Ibid., n. 14, col. 524. Et Calvin trouve ccttc doctrine · fort douce ct savoureuse, car elle met en relief la gloire de Dieu ct elle fonde la vraie humilité. » Voir Calvi- I nisme, t. n, col. 1407-1412; Prédestination; Répro­ bation» Remarquons d'ailleurs que la doctrine la plus rigide sur le salut des Infidèles n’est point fondée sur un particularisme qui réserverait le salut à un peuple ct en exclurait les autres. Calvin ne nie pas que les élus pu ssenl sc trouver dans toutes les nations, toutes les races, et jusque dans les milieux les plus Idolâ- 1732 triques; même dans l'Anclen Testament l’Écriture l’indique. Remarquons encore que citer des noms de païens sauvés, c’est question secondaire, qui n'atteint pas le vrai problème, car il reste ù expliquer si les païens qui ne sont pas sauvés avaient une vraie pos­ sibilité dc l’être; c'est aussi question passablement oiseuse, où le plus souvent on ne peut avoir que des probabilités ou des possibilités pour ct contre, ct où l’on ne décide que d’après sa fantaisie. 11 arriva pour­ tant que cette question occupa beaucoup les premiers protestants. Ce fut à l'occasion de l’indulgence exces­ sive de Zwingle, qui peu avant sa mort, 1531, dans un opuscule dédié ù François 1er, s’était laissé entraîner par l'humanisme dc l’époque ù canoniser, non seule­ ment tous les rois dc France morts dans la foi, mais encore · Hercule, Thésée, Socrate, Aristide, Antigone, Nurna, Camille, les Calons, les Scipions. · Sur le scan­ dale que cette phrase causa parmi les réformateurs, sur les controverses qui en naquirent non seulement parmi eux, mais encore parmi les catholiques, voir de nombreux détails dans Γ Essai historique, très documenté, de M. l’abbé Capéran sur le Problème du salut des infidèles, Paris, 1912, p. 242-251. A noter, le rôle qu’a joué parfois dans celte question secon­ daire, du côté rigoriste, la théorie protestante que tout est dans l’Écriture ct qu’il ne faut rien admettre au delà; comme si elle devait nous donner les noms de tous ceux qui ont été sauvés. · Les grands hommes du paganisme, disait le luthérien Wigand, étant morts sans la foi, sont en enfer. >— < Mais, répondait le zwinglien Gwalthcr, Dieu n’a-t-il pas pu leur montrer la lumière, fût-ce à l’heure dc la mort? Tout est possible à Dieu. »— < L'Écriture n'en dit rien, reprenait Wigand, c'est témérité dê soutenir que ceux dont parle Zwingle sont sauvés. · Capéran, op. cit., p. 245. C'est témérité de le soutenir comme certain en l’absence de toute révélation; ce n'est pas téméraire dc le soutenir comme possible, du moins pour quelques-uns de ccs noms, ct un protestant avait raison de répondre à Zwingle qu'il craindrait dc sc trouver nu ciel à côté de la massue d’Hercule. 2. Synode protestant de Dordrecht (1618-1619). — Scs décisions furent reçues dans les Pays-Bas, en Suisse, en France ct en Angleterre. 11 maintient la prédestination dc Calvin, ct ccttc idée calviniste que la grâce, du moins la grâce intérieure, produit toujours son effet, que l’homme ne peut jamais lui résister. Conséquence : pas dc grâce qui soit suffisante sans être efficace, c'est-à-dire sans produire son effet; on ne doit pas distinguer de la grâce efficace, une grâce suffisante, qui donnerait à l’homme une possibilité dc salut dont il ne voudrait pas se servir. Voir Grace, col. 1656. Les infidèles qui ne sc convertissent pas n’ont donc reçu aucune grâce intérieure dc conver­ sion; car s'ils en avaient reçu, ils.se seraient néces­ sairement convertis. Et la raison dc cet abandon, c'est que Dieu a priori ne voulait pas leur salut. Citons quelque chose des réfutations que dans ce synode divers groupes dc théologiens protestants opposèrent aux disciples d'Arminius, ou « remontrants ». Ceux-ci avaient parlé d’une grâce intérieure dc conversion à laquelle on peut résister, d'une grâce suffisante, mais qui ne produit pas son effet par la malice dc l'homme. Les théologiens du Palatinat répondent « que la grâce n’est pas résistiblc, mais irrésistible, s'il est permis d'employer une terminologie barbare nouvellement inventée par de vilains oiseaux... Pour­ quoi disent-ils qu’on peut résister à la grâce? Pour exalter les forces du libre arbitre contre la grâce dc Dieu : Il n'y n pas d'autre raison. Mais c'est tirer gloire dc notre infirmité ct dc notre malice, c'est armer l’homme contre Dieu. Comme si la poussière ct la cendre pouvaient empêcher et éluder l’action 1733 INFIDÈLES loutc-puissnntc de Dieu! Comme si elle pouvait ee glorifier· quand elle ne l'empêche pas d'avoir par I sa liberté rendu la grâce dc Dieu efficace! » Acta synodi nationalls... Dordrechti habita', Leyde, 1620, part. I, p. 139, 140. t Nous rejetons, disent les théologiens dc Hesse, celle misérable assertion que Dieu donne une grâce suffisante pour la conversion el la foi à tous ceux à qui l’Évangilc est prêché, ct par conséquent ù ceux-là même qui do fait ne sc convertissent pas ct ne croient pas. a J but., p. 117. Viennent a leur tour les théolo­ giens du pays d’Emdcn : c Bcllarmin, avec le concile dc Trente ct avec Pelage, entend par grâce préve­ nante une vocation offerte du dehors, une sollicitation morale dc la volonté, dont l’efficacité dépend de l’homme qui la reçoit. Voilà la grâce que ccs sophistes appellent un secours suffisant pour la conversion et qu'ils prétendent être donnée à tous les hommes, avec laquelle le libre arbitre peut coopérer s'il le veut et sc convertir, sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter aucun autre secours efficace. C'est aussi la pensée des remontrants, » etc. J bid., p. 166. Et plus loin : « Nous affirmons au contraire que Dieu meut par sa grâce la volonté de l'homme non pas de la manière qu’enseignent les papistes, c’est-ù-dire en laissant à notre faculté d'élection le pouvoir d’obéir ou dc résister, mais dc telle sorte qu’il courbe cflicaccmcnt notre volonté à l'obéissance. » Et ils concluent : Quapropter gratia resistibilis, quam Remonstrantes ad turbandas Ecclesias Belgicas docent et urgent, nihil aliud est quam excrementum jesuiticum, etc. Ibid., ρ. 169. A la négation dc toute grâce suffisante, à laquelle on résiste, sc joignait naturellement la néga­ tion dc la volonté salviflquc, antécédente ct univer­ selle. A la exun* session, on donna lecture du juge­ ment envoyé par Pierre Dumoulin, pasteur dc l'Eglise dc Paris, où il disait entre autres choses : « Jean Damascéne, au livre II dc la Foi orthodoxe, c. xxix, cl après lui Arminius, mettent en Dieu deux volontés, l’une antécédente, l'autre conséquente. Leur intention n’est pas dc mettre en Dieu des volontés ou plutôt des volitions qui sc précédent les unes les autres; ceci est en dehors de la controverse : mais ils appellent la volonté dc Dieu antécédente, en cc qu’elle précède la volonté humaine, ct conséquente, en cc qu’elle la suit... Ils disent qu'antécédcmment Dieu veut sauver la totalité des hommes, mais que conséquemment il n’en veut sauver qu’une partie, ceux dont il n prévu la fol...;que l’on peut résister ù la volonté antécédente ct éluder l’intention divine... Cette doctrine est, plus que toute autre, injurieuse ù Dieu..· · Elle lui sup­ pose des désirs Inefficaces..., ct qui, dépendent,pourlcur accomplissement; du libre arbitre de l'homme. » Ibid., p. 294, 295. 2° Jansénistes. — 1. Jansénius. — Au temps du synode protestant dc Dordrecht, Jansénius venait dc commencer en Belgique son Augustinus. Voir Jansénisme. Il y reprend pour son compte l’attaque des calvinistes contre la grâce suffisante, ou grâce ù laquelle résiste la liberté humaine. · Celle grâce suffi­ sante, dit-il, (pie beaucoup de scolastiques ont fait entrer dans la théologie comme un secours du Sau­ veur, avait été d’avance renversée par Augustin... Nous appelons suffisante une grâce qui n’a pas be­ soin que Dieu de son côté ajoute autre chose par manière dc principe nécessaire, pour que l’homme veuille ou fasse l’acte salutaire. Car c’est ainsi que beaucoup dc théologiens modernes, ct généralement le vulgaire, entendent cc mot. » Jansénius, fait ob­ server que cependant quelques-uns donnent au mot un autre sens, ct appellent « suffisant » un secours qui en demande encore un autre pour que l’acte puisse avoir lieu; que saint Augustin admettrait peut-être un secours dc cc genre, mais qu’nssurémcnt il lui 1734 refuserait le litre de véritable, grdee du Christ. Et 11 conclut : · Depuis la chute il n'est donné aucun secours suffisant dans le premier sens du mot, sans qu'il soit en même temps efficace (accompagné de l’effet salu­ taire) : voila cc qui ressort clairement des principes d’Augustin. · Augustinus, t. m, De gratta Christi Salvatoris, Rouen, 1643,1. Ill, c. ι,ρ. 102. Ainsi, ou la grâce efficace, ou rien qui mérite le nom dc La grâce. Cette grâce suffisante qui demeure sans eflet parait monstrueuse à Jansénius, monstrum quuddam sin­ gulare gratar. Ibid., c. m, p. 106. Cf. L IV, c. x, p. 184. Mais alors, comment les infidèles qui ne *»e conver­ tissent pas a la foi (signe évident qu'ils n’ont pas eu cc qu’on appelle la grâce efficace) ont-ils pourtant une vraie possibilité dc salut? L'Église a vu la gravité dc ccttc négation dc la grâce suffisante, dc la grâce à laquelle on résiste, ct l’a condamnée comme héré­ tique parmi les cinq propositions dc Jansénius • Dans l’état de nature déchue on ne résiste jamais ù la grâce intérieure,» Denzinger-Bannwart, n. 1093. De celte 2* proposition on pourrait déduire les quatre autres. Notons spécialement la 5· ou fl est dit que le Christ n’est pas mort pour tous les hommes, pro omnibus omnino hominibus. En eflet, si la grâce suf­ fisante n’existe pas, le Christ ne fait part de quelque fruit dc la rédemption qu’aux prédestinés auxquels 11 donne la grâce efficace. 2. Les jansénistes, à la suite dc leur maître, reje­ tèrent d’abord, ct pendant longtemps, toute grâce suffisante. Encore en 1690, Alexandre VIII condamne avec d’autres maximes jansénistes cette proposi­ tion 6· : · La grâce suffisante, dans notre état, est moins utile que pernicieuse, en sorte que nous pou­ vons à bon droit faire cette prière : De la grâce suffi­ sante délh rez-nous, Seigneur. » Denzinger. n. 1296. Voir, t. i, coL 754. Malgré tout, une évolution avait commencé chez eux, dans le but de se mettre exté­ rieurement en règle avec la condamnation des cinq pro­ positions fameuses, qu’ils prétendaient d’ailleurs n’ttre pas dans le livre dc Jansénius. Si l’on ne remarque cette évolution, on ne peut rien comprendre ù La question théologique du jansénisme. Ce secours Incomplet, qui en demande encore un autre pour que l’acte salutaire puisse avoir lieu, ct auquel, d’après Jansénius, saint Augustin refuserait le nom de véri­ table grâce, voici que les jansénistes s'en emparent, cl le baptisent véritable grâce, ct grâce suffisante sous prétexte qu’il suffirait à l’homme en d'autres cir­ constances, cl si telle tentation ne lui rendait pas en cc moment l’acte salutaire impossible. Le grand Aniauld. principal auteur dc celte évolution, va même jusqu'à tâcher dc confondre cette singulière « grâce suffisante » avec celle des thomistes, qu’il ne répugne pas trop à accepter, Dissertatio theologica quadripartita ou De gratia efficaci. Œuvres, Lausanne, 1778, t. xx, p. 257. Voir Revue thomiste, mars 1902, p. 59, 60. Ainsi les jansénistes sc mirent à utiliser, sans y croire cl par pure politique, la doctrine catho­ lique dc l’existence d'une grâce suffisante, en la pre­ nant « avec l’explication thomiste », disaient-ils, ou plutôt avec l'explication dc certains thomistes. Féne­ lon, témoin dc cc manège, ct trouvant qu’il durait depuis trop longtemps, protesta en plusieurs occa­ sions. Après avoir rappelé la seconde Provinciale, où Pascal, avant ccttc évolution, sc moquait ouverte­ ment dc la grâce suffisante des dominicains de Paris : « Telle est, dit l’archevêque dc Cambrai, cette ridicule suffisance d’une grâce véritablement insuffisante, que (les jansénistes) mettent dans leur profession de fol, pour sc justifier devant toute l’Églisc catholique. Ils la jugent ridicule chez les thomistes, ct cependant ils s’en couvrent comme d’un manteau dc comédie, I pour passer comme catholiques... Dcmandcz-lcur 1735 INFIDÈLES pourquoi Ils ne veulent jamais dire franchement qu’il y a une grâce vraiment suffisante, pourquoi ils allectent toujours d'ajoutcrccs paroles restrictives ct suspectes : • au sens thomiste? » Ce n’est pas ainsi que font les vrais thomistes, non : ils déclarent simplement, abso­ lument, sans restriction, de tout cœur ct comme un point de foi, que Dieu donne, même dans l’état de nature déchue, une grâce qui suffit vraiment à faire l’acte commandé, même quand on ne lo fait pas. » Epistata de editione bencdictina operum S. Augustini, part. Π, n. 4; Œuvres, édit. Lcroux-Gaumc, Paris, 1851, t. v, p. 220. Fénelon y revient dans l’exorde du document pastoral où il réfute si bien les jansé­ nistes de son temps : « A mesure que l’Églisc multiplie scs condamnations, dit-il, le parti multiplie aussi ses détours captieux... Ce parti a inventé pour ainsi dire une espèce dc langue nouvelle, pour sc jouer dc toutes les décisions, en faisant semblant dc les recevoir... Suivant le dictionnaire du parti, il faut donner le nom dc pouvoir sans Cacte à l’impuissance la plus réelle, telle qu’est celle où sc trouve un courrier dc courir la poste sans cheval... Suivant ce dictionnaire inouï, il faut dire qu’une grâce est suffisante au sens des thomistes, quoiqu'elle soit disproportionnée à la force de la tentation, ct qu'elle ne fasse qu’un demi contrepoids â la délectation du mal qui lui est opposée. Moyennant ccttc contorsion donnée au langage, on admet un pouvoir avec lequel on ne peut rien... On admet une grâce suffisante, qui ne suffit pas. On signe tout, ct on ne croit rien. On jure, ct on trompe l’Églisc. On soutient l’hérésie, ct on cric qu'elle n’est qu'un fantôme. En vain l’Églisc est alarmée depuis soixante-dix ans : le parti veut qu'on sc rie dc sa ter­ reur panique, ct que ccttc hérésie ne soit qu’un pré­ texte dont les disciples dc Pélagc sc servent pour opprimer ceux dc saint Augustin. » Instruction pas­ torale.^ sur le système de Jansénius, Œuvres, loc. cit., p. 22*1. Fénelon, dans ccttc Instruction, touche en passant le problème du salut des infidèles. Voir Capéran, op. cit., p. 375. 3. Une autre erreur qui dans le jansénisme vient aggraver le sort des infidèles, c’est dc représenter l'état moral où ils vivent avant la vocation prochaine ù la fol, que celle vocation doive gu ne doive pas leur arriver, comme un état dc complet abandon ct d'absolue immoralité, où Dieu laisserait ces malheu­ reux sans aucune espèce dc grâce, sans aucune Influence dc la rédemption, ct où chacune de leurs actions ne serait que péché. A celte erreur s'oppose l’un des principes rappelés plus haut; nous avons citéàcc sujet, voir coL 1729, plusieurs condamnations de l’Église. Montrons que c’est bien la pensée dc Jansénius. Non seulement il refuse aux infidèles, en attendant la vocation prochaine à la fol s’ils y sont prédestinés, toute grâce surnaturelle quoad sub­ stantiam, comme disent les théologiens — en cela il est plutôt d’accord avec la pensée dc saint Augustin — mais il leur refuse encore toute grâce d’ordre infé­ rieur, toute grâce surnaturelle quoad modum, qui, sans les élever à un acte surnaturel proprement dit, à l’acte proportionné avec la fin dernière, pourrait leur donner ou leur faciliter soit la connaissance de Dieu, soit l’honnêteté dc la vie morale, ct leur ferait éviter le péché sans mériter le cieL Voir Grace, t. vi, coL 1559. Parlant des scolastiques, Jansénius dit : < Presque tous» d’un commun accord, mettent chez les Infidèles ce secours qui donne la force d'éviter le péché .. Si vous demandez à ccs auteurs comment ils entendent ce secours, les uns vous disent que c'est une bonne pensée suscitée même par des objets natu­ rels; les autres que c’est une diminution des forces du démon, ou l’éloignement d'une occasion, d’une tentation, l’esprit, par exemple, étant distrait par 1736 un autre objet qui terrifie ou attire; les autres disent d’une façon plus vague ct plus générale que c'est une grâce naturelle quant ù la substance. » Augusti­ nus, t.iit, I. III,c. xi, p. 126. A tous ccs secours proposés par les scolastiques, Jansénius oppose uno absolue négation : « Non seulement les infidèles, dit-il, sont dépourvus dc toute grâce du Christ pour écarter ou vaincre les tentations, mais leur volonté n'est libre dc faire aucun bien, toujours et seulement le mal, esclave ct captive qu’elle est sous le joug des convoi­ tises terrestres ct charnelles, dont clic ne peut être délivrée en aucune façon que par la foi du Christ libérateur. » Loc. cit. Saint Augustin, comme les con­ ciles, fait commencer par la foi ce changement spécial ct surnaturel qu'est la justification. Jansénius lui fait dire que par la foi commence < tout changement en bien, toute justice, toute bonté, morale ou autre, puisque l’homme, avant la grâce dc la foi, ne peut être autre chose qu’un méchant pécheur, un prévaricateur de la loi, dont toutes les œuvres sont autant dc péchés. » Ibid., p. 128. Et il conclut : « C'est donc en vain que les scolastiques attribuent je ne sais quelle grâce suffisante aux infidèles avant la foi, puisque la fol elle-même est la première grâce donnée, cum fides s it prima gratia. » Ibid., p. 129. On voit ce que la bulle Unigenitus a voulu condamner dans ccs propositions du janséniste Qucsncl : Fides est prima gratia..., prop. 27, Denzingcr-Bannwart, η. 1377. Nullœ dantur gratiæ, nisi per fidem, prop. 26. Extra Ecclesiam nulla conceditur gratia, prop. 29. Arnauld (5e proposition condamnée par Afexandre VIII, ibid., η. 1295; voir t. i, coL 753), soutient les mêmes idées : «La volonté des infidèles, dit-il, est vraiment nue ct désarmée, ct sans aucune grâce suffisante, quand elle viole sans cesse les commandements dc Dieu par une vie cri­ minelle » Difficultés proposées à M. Steyaert, part. IX, dill. 96, Œuvres, t. ix, p. 371. II. SOLUTIONS LAXISTES.— 1° Solution origéniste.— A l’erreur rigoriste dc Calvin ct de Jansénius, détrui­ sant la volonté salvifiquc universelle, s’oppose dia­ métralement une autre erreur, rendant universelle non seulement la possibilité du salut, mais encore le fait du salut. Elle conçoit la volonté salvifiquc uni­ verselle, non pas comme conditionnelle, mais comme absolue : Dieu veut que tous les hommes, quoi qu’ils fassent en ccttc vie, finissent par être sauvés. Pour arriver à cc résultat, on suppose d'abord que tout homme, après la mort, aura une nouvelle période d'épreuve où il pourra acquérir la fin dernière, s’il no l’a pas acquise en ccttc vie; ensuite, que tout homme, même le plus impénitent ct le plus rebelle, finira tôt ou tard par l’acquérir dc fait; soit que toute rébellion doive finir par sc démentir ct s'incliner devant Dieu, soit qu'elle doive finir par forccrDIcuù céder. Cc sys­ tème, proposéavec beaucoup d’hésitation par Origène, que l’Église a désavoué en cela, est adopté par beau­ coup dc protestants contemporains, même de ceux qui sc piquent d'orthodoxie; il prend le nom d* « univer­ salisme ■ â cause du salut universel qu'il proclame, ct parfois de « restaurai ionisme » parce que les âmes les plus scélérates seront finalement restaurées dans la sainteté ct le bonheur. Il s'oppose aux principes rappelés plus haut, qu'après la mort nul ne peut changer son sort éternel, ct qu’une condition néces­ saire de salut est la persévérance finale, c'cst-à-dire la mort en état de grâce : cc dernier moment dc notre vie n’aurait aucune Importance particulière, si une autre épreuve nous était donnée dont tout dépen­ drait, où tout pourrait être répart* Les sanctions ssaires dc la vio futur it d’ailleurs slngufièrement énervée » cl ne produiraient pas leur effet ici-bas, si Ton av fit la prévision d'une nouvelle surtout si l'on était sûr <Γ· tôt 1737 INFIDÈLES 1738 ou lard. Voir Enfer, L v, col. 87-89; Oiuoène, tants, avec Origène, avouent que bien des gens, pour OiugLnisme; F. Prat, Origéne, Paris, 1907, Inlrod., leurs crimes, sont punis dans l’autre vie, plus ou moins longtemps, jusqu’à cc que Dieu les admette p. xxxi sq. ct u sq., p. 99-109; p. 199-200. Λ l'orlgénismc peut sc rattacher une solution ana­ dans son ciel. Notre auteur, plus bénin, ouvre les logue pour le résultat. Elle semble avoir été soutenue jjortes du ciel à tous des leur mort. Sa méthode théo­ nu xv· siècle par un humaniste, Marzio Galcottl logique? La tradition ne le gêne guère. Au début de (1140-1494), que signale en passant M. l’abbé Capéran, son traité, divisé en quinze articles, il constate que op. cit., p. 220. 11 enseignait avec distinction à l’uni· sa thèse est nouvelle, autant qu’il peut le savoir, versité de Bologne, quand il eut la fâcheuse Idée < car ce n’est point la proposition d’Origène. » Mais d’écrire un livre où il faisait arriver au ciel tous les la nouveauté dans le dogme ne l'effraye pas. Qu’en hommes païens ct chrétiens. Le scandale fut si grand, conclut-il? · Il faut lui donner des preuves plus qu’il dut s’enfuir. Arrêté h Venise, il est jeté dans les anciennes que toute La tradition... Prouvons-la donc prisons de l’inquisition, ct condamné à sc rétracter; par la seule Écriture sainte ct par la raison. » Art. 2. on n’alla pas plus loin, grâce à l’intervention dc Le voilà débarrassé des Pères et des définitions des Sixte IV, son élève. Il sc relira en Hongrie, où le roi conciles ou des papes; mais alors pourquoi disalt-ll Mathias Corvin le ht son secrétaire, son bibliothé­ dans sa préface : « Je me rapporte du tout au juge­ caire ct le précepteur dc son fils. Après la mort du roi, ment ct aux décisions de l’Église, pour laquelle j'aurai nous le trouvons en France, où il meurt ù Lyon d’une toujours une parfaite soumission ct une aveugle chute dc cheval, dans le cortège qui accueillait obéissance », sans oublier» son chef visible, N. S. P. le Charles VIII. Michaud, Biographie universelle, Paris, pape. » Dans V Écriture, son texte fondamental est 1816, t. xm, p. 291; De Colonia, Histoire littéraire de Horn., v; saint Paul, dans ce chapitre particuliè­ le ville de Lyon, Lyon, 1730, t. n, p. 390 sq. Le livre i rement difficile, établit une comparaison entre Adam où H ouvrait le ciel à tous, a eu des répercussions bien I source du péché originel ct Jésus-Christ source de la lointaines, d’après celle note du P. De Colonia : « Le Justification ct dc la grâce; mais Cuppé oublie que dangereux manuscrit qui porte pour titre, Le Ciel , toute comparaison cloche, ct qu'il ne faut la pousser ouvert A tous les hommes,... par M. Cuppé, curé, bache­ que d’une main discrète : « Tous les hommes, dit-il lier, chanoine régulier dc Saint-Augustin, n’a fait expliquant le péché originel à sa manière, sc sont que. renouveler l’impie système dc Galeolus Martius, trouvés malgré eux enveloppés dans cette corruption ct 11 en est tiré en partie. » J bid., p. 391 en marge. (née du péché d’Adam) par Γimputation que Dieu en L'œuvre dc Cuppé est une monstrueuse réaction a faite à tout le genre humain; ils se sont trouvés contre les exagérations d’alors sur « le petit nombre pécheurs sans que leur liberté y ait coopéré en aucune des élus > (comme on le voit dans la Préface) ct contre manière. Pourquoi donc auront-ils besoin d’agir pour la damnation sommaire dc tous les infidèles, c'est- être justifiés en Jésus-Christ, pourquoi ccttc rédemp­ tion ne leur sera-t-elle pas appliquée même sans qu’ils à-dire contre l'esprit janséniste. Pour le dire en passant, nous n’avons pas, dans y pensent? » Art. 3. Cf. Précis du traité, après la pré­ cct article, à nous occuper du nombre relati/ des sauvés face. Et voilà tous les hommes justifiés ct sauvés ct des damnés. Cc problème difficile, invoquant des par la seule imputation que Dieu leur fait de la sainteté preuves spéciales, regarde le /ait du salut des hommes du Christ. C’est l’hérésie dc Luther, Denzinger-Banndans une de scs déterminations, le nombre : notre warl, n. 821, mais bien aggravée : car Luther ne dit problème ne regarde que Ift possibilité de salut accordée pas que l’homme soit Justifié sans avoir besoin d'agir aux infidèles; étant donnée la liberté humaine, la ct sans y penser; il exige un acte de foi comme con­ volonté divine dc sauver tous les hommes n’est tenue dition indispensable, ct explique souvent que cet qu’à leur donner sérieusement la possibilité d’arriver acte tend à sc compléter plus tard par les bonnes au salut. Voir Élus (Nombre des), t. iv, col. 2350 œuvres; Il n’admet pas non plus le salut dc tous les hommes. On voit l'immoralité du nouveau système; sq. Par crainte, soit d’une condamnation dc l’Eglisc, croyez ou ne croyez pas, faites des bonnes œuvres ou soit des dures rigueurs des parlements jansénistes, des crimes atroces, vous êtes toujours sûrs d’entrer le livre dc Cuppé a dû circuler longtemps par le seul au ciel: tout le monde y va. Enfin les · preuves par la raison » ne sont qu'une suite d’autres arguties Sur moyen de copies transcrites à la main. Dc Colonia, en 1730, parlait déjà d’un · dangereux manuscrit. · des textes mal entendus, par exemple : · Dieu veut le salut dc tous les hommes », I Tim., n, 4. Donc tous Nous en a\ ons une copie manuscrite avec ces mots à la fin :... scripsit Lugduni 1760; le nom du calli graphe seront sauvés (raisonnement renouvelé par les pro­ testants universalistes). Mais celte volonté dc Dieu, a été effacé; la reliure du temps, soignée, cache son contenu sous un faux titre. II.semble bien que l'ouvrage bien que réelle ct sérieuse (parce qu’elle offre à tous n’a été imprimé qu’en 1768, seule date indiquée par des moyens suffisants d’arriver nu salut),peut cepen­ dant n’avoir pas dc resultat, par la faute des hommes. Quérard, La France littéraire, Paris, 1828, t. n, p. 355. Au reste, cc « traité théologique · bourré dc textes Dieu respecte leur liberté, ct exige très sagement latins n’a guère attiré l’attention publique (ni pour qu’elle coopère à sa grâce, qu’elle observe scs lois. le vanter ni pour le condamner) au moment dc son Sa volonté dc les sauver est donc conditionnelle quant impression. C’était l'époque où Voltaire ct les ency­ au résultat. Ceux qui. par leur faute, ne satisferont pas à la condition posée, ceux qui s'entêteront dans clopédistes occupaient davantage l’opinion ct mettaient l’impiété cl le crime, ceux-là manqueront le but que en mouvement d’autre part le clergé dc France, la Sorbonne ct même le Parlement. Nous relèverons briè­ Dieu désirait pour eux. « Dieu, insiste l’auteur, a une vement les sophismes de Cuppé; s’ils sont partiel­ bonté infinie... Or clic ne le serait pas, si Dieu ne par­ lement empruntés nu livre Introuvable dc Marzio donnait qu'à un certain nombre d’hommes; car II Galcotti, on conçoit le scandale excité par celui-ci serait aisé dc sc figurer une bonté plus grande. » Art. 5. Oui, la bonté considérée en Dieu, comme attribut nu xv· siècle. La thèse de Cuppé qui fait arriver au ciel tous les divin, est infinie. Mais les manifestations extérieures, hommes, depuis Adam jusqu'à la lin du inonde, rap­ terrestres, dc ccttc bonté infinie, comme tout ce qui est créé, sont forcément finies, limitées. Elles sont pelle par cette universalité la solution origéniste, suivie dc nos jours par bon nombre dc protestants; limitées par la liberté humaine que Dieu respecte quelques passages de l’Écrit ure y sont interprétés cl laisse s'exercer; limitées par les manifestationi comme ceux-ci le font aujourd'hui. Mais ces protes­ d'autres attributs de Dieu, de sa sagesse d’où procèdent 1739 INFIDÈLES son gouvernement du monde et sa loi morale, de sa /tutice qui fait respecter scs lois, etc. Enfin sa bonté même fait recourir â la menace de la damnation éter­ nelle : la pensée de l’enfer a mis au ciel plus d’âmes que la pensée du cleL < Bien de plus utile que la crainte de l’enfer, dit saint Chrysostome; car c’est elle qui nous apporte la couronne du royaume céleste. • Homil., xv, ad popul. Antiochenum, P. G,, t. xux, col. 154. Naturellement notre auteur dénigre la crainte de l’enfer, cl prétend la remplacer par l'amour de Dieu, que son système allumerait dans les cœurs les plus livrés au péché. SI quelqu’un de ccs pécheurs n’est pas touché d’apprendre que Dieu le mettra dans son ciel quoi qu’il fasse, ni enflammé d’amour divin à cette nouvelle, celui-là < ne sera jamais retenu que par une crainte senile, qui n’a aucun mérite devant Dieu, et qui n’est propre qu’à faire des hypocrites. · Art. 10, 5· obj. C'est là, malheureusement, l’erreur de Luther, condamnée par Léon X, puis par le concile de Trente, Denzinger-Bannwart, n. 716, 818, 898, 915. De plus, en supposant qu’un certain amour de Dieu s’éveillât en quelques pécheurs adonnés à tous les crimes et persuadés que par la grâce de la rédemption il n’y a pas d'enfer pour eux, rien ne serait gagné si cet amour, Insuffisant à leur conversion, ne servait qu’à endormir leur conscience. Un tel amour de Dieu ressemblerait à celui que l’Église a condamné dans la doctrine spirituelle de Molinos. Ennemi, lui aussi, du souvenir de l’enfer, celui-cl associait l’amour divin avec les pires horreurs, auxquelles l’âme n’avait qu’â s’abandonner passivement. Denzinger-Bannwart, n. 1227, 1244, 1257, 1’261-1'267. Dans la dernière partie, l’auteur répond aux objec­ tions principales qu’on lui a faites. A cette question : < Ce traité n'cst-il point contraire aux décisions du concile de Trente au sujet de la justification? » il répond carrément : Non. Art. 11. Nous avons pourtant cité plusieurs textes décisifs du concile; ajoutons celui-ci : · Le Christ est mort pour tous les hommes, mais ils ne reçoivent pas tous le bénéfice de sa mort. » Decretum de justificatione, c. ni, Denzinger-Bannwart, n. 795. A celte objection, que dans son système ceux qui mènent une vie licencieuse n’ont aucun intérêt à en sortir, il répond qu’ils y ont un grand intérêt, soit parce qu’ils s’exposent en ce monde â des châ­ timents temporels, soit surtout parce qu’ils sc privent des « grâces de surabondance » par lesquelles Ils gagne­ raient des mérites et des degrés de gloire, ce qui encou­ rage aussi dans leur zèle les apôtres qui cherchent à les convertir. Art. 10, lr· et 5· objections. Mais les châtiments temporels de Dieu ou des hommes ne leur viennent pas régulièrement, et beaucoup sc flattent de les éviter. Quant â une place plus élevée dans le ciel, ils sc contenteront volontiers d’une plus modeste, pourvu qu’ils soient sûrs du bonheur étemel, et puissent, grâce a cette opinion, satisfaire ici-bas toutes leurs passions sans le perdre. Enfin à cette objection irréfutable, que la sainte Écriture nous dit souvent qu'il y aura des damnés, quand, par exemple, Jésus-Christ nous annonce qu'au jugement dernier Il les enverra â un supplice éternel, Matlh., xxv, Il répond : H y a en chacun de nous deux hommes, celui que saint Paul appelle le « vieil homme » et celui qu’il appelle < l'homme nouveau » restauré par le Christ et sur son modèle; ils ont des volontés opposées. Rom., vu. « C’est ce vieil homme, conclut-il, qui nu jugement dernier recevra une condamnation authen­ tique, et qui avec la mort et l’enfer sera envoyé dans l’étang de soufre, d’après l’Apocalypse, xx, 11. 15. Car pour lors 11 sera entièrement séparé de l’homme nouveau... L’un Ira dans le ciel, l'autre sera perdu pour jamais et accablé de malédictions... Explication •impie et naturelle. ■ Ibid., 3· obj., et art. 11. Et 1740 disserte sur l'Antéchrist, qui sera seul damné, n’étant autre chose que le vieil homme, art. 2, 11 et 14. Mais laissons là ce mélange de chicane et de rêve. 2° Solution pélagienne. — 1. Démarqués prélimi­ naires. — a) Ennemis de deux grands dogmes, le péché originel et la grâce, les pélaglens n'étaient pour­ tant pas simplement des rationalistes ou naturalistes, comme on sc l’imagine parfois. Ils prétendaient s'appuyer sur la révélation, et ne rejetaient pas abso­ lument la fin surnaturelle. Ainsi, pour esquiver la preuve que saint Augustin, et avec lui l’épiscopat catholique, tirait du baptême des enfants, nécessaire â les purifier du péché originel, les pélaglens, tout en reconnaissant pour ccs enfants la nécessité du bap­ tême, imaginèrent qu'il ne leur était pas nécessaire pour laver en eux la tache d'un péché, mais pour les faire monter à une béatitude plus haute. Et ils ten­ taient de s'appuyer sur l'Évangile, qui parle tantôt d'une vita æierna, tantôt d’un regnum Dei. Le bap­ tême n'est pas nécessaire, disaient-ils, pour arriver â la « vie éternelle >; nids il est nécessaire pour arriver au < royaume de Dieu. » Augustin n’eut pas de peine à montrer que ccs deux locutions sont synonymes, et désignent une seule et même béatitude. Voir Bap­ tême, t. n, col. 195, 364. b) Quelle grâce attaquent les pélaglens? Non point celle qu’ils sc représentent comme une pure dignité sans action, la dignité de fils adoptif, d’héritier du ciel, voir Lettre de Pélage à Dêmélriade, P. L., t. xxxni, col. 1099 sq., mais toute grâce agissante, qu’elle soit habituelle ou actuelle. Us attaquent spécialement la grâce intérieure, au moins celle qui est dans notre volonté. Ils la croient inutile et même nuisible au «libre arbitre », dont Ils exagèrent les forces, et qu’ils cherchent à sauvegarder avant tout. Voir Grack, t. vi, col. 1568, 1574 sq. Parmi les grâces extérieures, Ils admettent volontiers la révélation faite dans les Livres saints, la loi divine, les exemples du Christ, les sacrements, etc. c) Mais il est une grâce extérieure qu’ils rejettent comme nuisible d’une autre façon à notre libre arbitre, et aussi â la justice de Dieu. C’est une providence spéciale, favorisant les uns plus que les autres et pro­ duisant des inégalités entre les hommes pour les moyens de salut. Réduisant Dieu au rôle de simple spectateur, les pélaglens veulent laisser l’homme décider seul de son sort dans l’ordre de la vertu (d’après une Idée stoïcienne) et dans l’ordre du salut, où ils donnent au libre arbitre un pouvoir illimité et affranchi de Dieu. Voir Augustin (Saint), 1.1, col. 2381,2385. Ils rejettent donc une providence qui dispose à son gré les circonstances et les événements, ibid., col. 2302, et qui favorise en cela les uns plus que les autres. S’il y a des inégalités incontestables dans l’ordre même du salut, elles doivent s'expliquer, selon eux, par un mérite ou démérite antérieur, et sc ramener ainsi au seul libre arbitre, jamais à la faveur. La jus­ tice, ennemie de la faveur et de la grâce, est pour eux la vertu suprême; elle doit donc dominer en Dieu. « La justice est de toutes les vertus la plus grande, s’acquittant diligemment de son office de rendre à chacun ce qui lui revient, sans fraude, sans grâce. » Ainsi parle Julien, cité par saint Augustin dans son dernier ouvrage inachevé, Opus imperfectum contra Julianum, P. L., t. χυν, coi. 1063. Si donc les infi­ dèles ont reçu moins de moyens de salut, c’est que leur libre arbitre a démérité. Mais l'idée de justice est Ici mal appliquée par les pélaglens; ils confondent les temps. Quand Dieu jugera l'homme après la mort, alors, oui, il le jugera exactement selon ses œuvres, Il exercera In justice sans aucune faveur, sans accep­ tion de personnes. Voir Acception de personnes» 1.1, col. 299 sq. Mais quand il crée l'âme, et lui pré- 1741 INFIDÈLES parc son premier capital do moyens et de secours pour son salut, clic n'a pu encore mériter ou démé­ riter, et Dieu n'a pas alors à exercer in Justice du juge, mais seulement le souverain domaine qui lui appar­ tient comme créateur; maître de scs dons, il les dis­ tribue comme il lui plaît, et inégalement. Voir notre 7· principe, col. 1729. Nous avons insisté sur ce côté du pélagianisme, parce qu’il est bien moins connu que leurs attaques contre la grâce intérieure; le mauvais emploi du principe de justice leur a servi aussi â attaquer le péché originel. A la suite des sociniens et des arminiens, beaucoup de protestants de nos Jours, devenus aussi pélaglens que les chefs de la Réforme l’étaient peu, reprennent pour leur compte ce principe mal appliqué d'égalité et de justice. 2. Controverse entre saint Augustin et Julien sur les bonnes œuvres et les vertus des infidèles. — Nous venons de voir que le naturalisme des pélaglens ne va pas jusqu'à nier toute fin surnaturelle (à propos du bap­ tême des enfants). Notons-le encore pour les adultes, en rappelant la polémique, très importante pour notre sujet, avec l'évêque Julien, le dernier et le plus avancé des défenseurs du pélagianisme; son livre est perdu, mais Augustin, dans scs réponses, en a fait de nom­ breuses citations. S'il exaltait les belles actions des héros de Rome païenne, Julien rangeait toutefois ces actes panni ceux qui restent stériles pour le ciel, allectus per quos sterili ter boni sumus. Contra Julia­ num, 1. IV, n. 22, P. L., t. xuv, col. 7*19. Et il explique cette locution un peu étrange : · J'appelle stérilement bons ccs hommes, qui ne faisant pas pour Dieu les bonnes œuvres qu’ils font, n’obtiennent pas de lui la vie éternelle. » J bid., n 33, col. 755. D’autre part, Julien répugne à mettre de tels hommes en enfer : « Est-ce à dire qu’ils soient dans l'étemelle damnation, ceux en qui était une vraie justice? s Ibid., n. 26, col. 751. On peut retrouver ici la théorie des deux béatitudes différentes, et Augustin la soupçonne : « Est-ce que par hasard, lui demande-t-il, ccs Fabri­ cius, ccs Régulas, ces Fabius, ccs Scipions, etc.; vous allez leur fournir, comme aux enfants morts sans baptême, un Heu intermédiaire entre la damnation et le royaume des deux, où ils ne soient pas dans un malheur, mais dans une béatitude éternelle? ■ Loc. cit. En tout cas; le saint docteur a raison de nier, en dehors du « royaume des deux », une autre · béati­ tude a éternelle. Quant à l’idée d’un « lieu intermé­ diaire » qui ne soit pas proprement une béatitude, des catholiques de nos Jours l’ont admise pour une grande partie des infidèles comme pour les enfants morts sans baptême, et l’on ne peut en cela les accuser de pélagianisme ou de naturalisme. Dans cette célèbre querelle avec Julien sur les infi­ dèles, saint Augustin établit solidement les quatre points suivants : a) Pour proclamer un acte · mora­ lement bon », on ne doit pas regarder seulement son objet (qu’il appelle officium), mais encore la fin (extrin­ sèque) visée par l’agent (finis operantis). Ibid., col. 7 19. — b) Les brillantes actions des héros païens, ou des philosophes stoïciens, ont été souvent gâtées par une maux aise fin, surtout par la recherche de la vainc gloire, qui les rendait coupables (nu moins vénlellement). Augustin, dans la vivacité oratoire de sa polémique, semblerait dire que toutes leurs actions sont ainsi gâtées. Mais d’abord, Dieu seul, qui lit dans les consciences,sait ce qu’il en est,et ne nous l’a pas révélé. Ensuite, Augustin lui-même, parlant des infidèles dans un autre ouvrage contre les pélaglens : < Il est très difficile, dit-il, que dans la vie des plus scélérats parmi eux, il ne sc rencontre pas quelques actions moralement bonnes. Inutiles d’ailleurs pour le salut éternel; » a fortiori dans la vie des meilleurs. 1742 De spiritu et littera, n. 48, col. 230. — c) Puisque Dieu n de fait élevé l’homme à la fin surnaturelle (que Julien ne niait pas),nous avons le droit, avec z\u gus tin, de prendre ccs mots · actes bons, vraie Justice, vraies vertus, t non pas au sens purement philosophique, où l’on fait abstraction de cette élévation, mais au sens théologique, où l’on en tient compte, où l’on ne regarde comme vraiment et complètement bon, que ce qui conduit à notre fin dernière, telle qu’elle est en réalité. « Puisqu’au moins tu concèdes, dit-il à Julien, que les œuvres qui te semblent bonnes chez les Infidèles, ne les conduisent pas au salut étemel, au royaume, apprends que nous appelons œuvre bonne ... celle-là seulement qui peut conduire l’homme au royaume étemel de Dieu. > Cont. Julian., n. 33, col. 755. De ce point de vue théologique, les œuvres et les vertus simplement honnêtes, purement éthiques des infidèles sont défectueuses : on peut même, parce qu’elles manquent la fin de l’homme, les appeler < péchés » au sens large et impropre du mot, familier à saint Augustin. Poussant à bout la pensée du maître, Balus soutiendra que toutes les œuvres et les vertus des Infidèles sont des < péchés » au sens strict, sont mauvaises même du point de vue éthique, sont déshonnêtes : aussi les papes ont-ils condamné sa 25e proposition avec le sens qu’il lui donne, DenzingerBannwart, n. 1025. Voir t. n, col. 83-86. — d) Ces actions simplement honnêtes, des païens, ces vertus naturelles qui ne conduisent pas à la fin surnaturelle, Augustin montre encore à Julien qu’au moins il aurait dù, en vertu des principes rappelés tout à l'heure, y reconnaître un don de Dieu, une faveur de ta Providence, et donc ne pas les attribuer au seul libre arbitre. Ibid., n. 16, coL 744, 745. Voir Au­ gustin (Saint), 1.1, col. 2387. On a souvent attribué aux pélaglens de nier chez les adultes la nécessité de l’acte de foi pour le salut; csl-cc exact? Sans doute, ils ont une hérésie sur l’acte de fol. Ainsi que les autres actes conduisant au salut, ils sc l’imaginent comme un fruit des seules forces de la nature, et rejettent l’influence de la grâce qui nous le fait produire. Mais ils semblent admettre la nécessité d’un acte de foi appuyé sur la révélation divine, pour pouvoir entrer au ciel. On a dit : dans cette controverse nxecJuliensur les infidèles, Augustin a affirme non seulement la nécessité de la grâce, mais aussi la nécessité de la fol; n’cst-cc point parce que les pélaglens niaient l’une et l’autre? C’est plutôt parce que les · infidèles » tirent leur nom du manque de fol, coupable ou non (in privatif, fides). 11 faut (nous le montrerons) qu’avant leur mort ils cessent d’être infidèles, en faisant par la grâce de Dieu un acte de /ol à la révélation, pour pouvoir entrer dans la vision In tuit iv e : voilà ce que saint Augustin affirme à Julien qui louait trop leurs vertus; c’est aussi ce que Julien semble reconnaître en déclarant · stériles » ccs vertus. Mais de ce que l’infidèle, même négatif» même vertueux, s’il meurt sans l’acte de foi n’entrera pas dans le royaume de Dieu, le problème de son sort n’est pas pleinement résolu. Et la tendance dernière des pélaglens semblait être d’adoucir son sort éternel par une autre espèce de béatitude: ce qui laisse sub­ sister la nécessité de la fol pour avoir le ciel. 3. Semi-pêlagiens. — a) Tout en évitant plusieurs des erreurs pélagiennes sur le péché originel et la grâce, ils prétendent que le libre arbitre de l’homme doit prévenir le secours de la grâce, au moins dans le premier acte (ou disposition à la conversion) d’où dépendent plus ou moins les autres actes dans l’ordre du salut, et qu’ils appellent initium fidei. Ils attribuent à cet acte, bien que purement naturel, une Influence positive et une certaine valeur méritoire pour attirer les grâces qui suivent. C'est leur erreur la plus notoire. 1743 INFIDÈLES Caislen, prenant pour exemple la conversion dc Zachée et celle du bon larron, décrit ainsi l'acte du libre arbitre qui prévient tout seul, d'après lui, l'appel même dc la grâce : « Par leur désir, faisant une sorte de violence au ciel, ils ont prévenu l'avertissement spécial dc la vocation. » Collationes, xm, c. xi, P. L., t. xux, col. 923. Cassicn, plus modéré que les autres, concède pourtant que parfois c'est la vocation d'en haut, ou appel dc la grâce, qui commence; ainsi dans la conversion dc saint Paul. Ccttc erreur est très clai­ rement condamnée dans le II· concile d'Orange, can. 3-8, Dcnzingcr-Bannwart, n. 176-181. Voir Au­ gustin ( Saint),t. i,cob2283; Cassen, Lu,col· 18261828; Fauste, t. v, col. 2103-2105; Grace, t. vi, col. 1575-1577. b) Après la conversion, il s'agit dc persévérer. Le principal obstacle est la tentation grave, où le juste lui-même a besoin d'un secours spécial. Saint Prosper reproche à Cassicn d'avoir nié la nécessité d'un tel secours divin, dans tout l'ensemble des tentations terribles que Job eut à souffrir dc la part du démon, et d'avoir fait Dieu simple spectateur du combat ct de la victoire : Conflictus illius atque victoriæ non vis credi cooperatorem Deum fuisse, sed tantummodo specta· forem. Contra Collatorem, c. xv, p. L., L u, coi. 258. Enfin, après les combats dc la vie, la · persévérance finale», la bonne mort, n'était pas pour les semi-pélagicns un nouveau don dc Dieu, mais le simple résul­ tat des précédents efforts dc l’homme avec la grâce, le fruit dc scs mérites. Saint Augustin réfute cela dans son livre De dono perseverantia:, P. L,, t. xlv. i c) Mail voyons cc qui dans leur doctrine touche dc plus près à la question des infidèles ct dc leur salut. Ils soutiennent la volonté salvi fique universelle, à bon droit; mais ils sc la figurent comme si Dieu voulait également ct indifféremment le salut de tous les hommes. < D'après eux, dit saint Prosper, la justice dc Dieu exige que ceux qui n’auront pas cru, périssent (donc, nécessité de la foi pour le salut); mais sa bonté brille en ce qu'il veut sauver tous les hommes ct les amener â la foi sans mettre dc différence entre eux, indifferenter» » Lettre à saint Augustin sur leur doc­ trine, n. 4, P. L., t. u, col. 70. « La grâce qui fait dc nous le peuple du Christ, dit-il dans un autre exposé de leur système, appelle ct invite tous les hommes sans exception, pour leur salut commun; mais c'est au libre arbitre dc chacun, d'obéir à cct appel » comme s! la différence entre les fidèles ct les infidèles venait tout entière du libre arbitre. Carmen de ingratis, part. II, vers251 sq.,ïMd.,coL110. Aussllcsscmi-pélagiens attaquaient-ils, comme les pélaglcns, la doc­ trine augustinicnne des faveurs de la Providence dans l'ordre du salut,le principe delà distribution inégale dc la grâce, voir col. 1723, enfin la prédestination,h laquelle ils voulaient substituer la seule prescience. Voir Pré­ destination. Dieu pour sa part était résolu à donner d'après eux, des secours égaux : la différence ne venait que des mérites ou des démérites humains. Alors Prosper leur montrait des infidèles à qui l'Évungile n’était point parvenu, sans qu’il y eût dc leur faute : « Même dc nos jours, dit-il, l'Evangile du Christ n'a pas encore été porté partout; à plus forte raison au commence­ ment de l’Église, où il a été remis aux apôtres pour être porté partout, mais cct ordre du Sauveur n’a pu s’exécuter aussitôt, ni partout en même temps. » Carmen, tbuL, vers 272-280. Et la grâce extérieure de la prédication évangélique emporte avec elle les grâces intérieures qui la complètent. Il fallait donc reconnaître une faveur divine faite à celles des nations Infidèles qui les premières avalent reçu la grâce dc h fol. une élection de Dieu en leur faveur. On ne pousalt dire qu'elles eussent mérité ccttc grâce, puisque la foi salutaire est un don dc Dieu, qui ne provient 1744 pas dc nos œuvres, dc nos mérites, Eph., n, 8, 9; puisque la justification, qui est donnée par la foi, est donnée gratuitement, Boni., ni, 22 sq.; textes qu’Augustin ne cessait dc rappeler aux serai-pélagiens. Et quant aux nations dont l’évangélisation avait été retardée, elles n'étaient pas pires que les autres, souvent même le contraire apparaissait; mais par leur système les semi pélagiens étaient forcés dc leur trouver des démérites. Prosper, dans sa lettre â Augustin déjà citée, explique leurs vaines subtilités : < Habitués à ravaler l'élection divine sous des mérites imaginaires, ils disent que Dieu envoie la prédication dc scs ministres à ceux (des infidèles) dont il prévoit la bonne volonté et la foi. » Les autres, qu’il veut éga­ lement sauver, mais à qui il n'envoie rien, c’cst leur faute, « ils sont inexcusables, parce que Dieu a prévu qu’ils ne croiraient point (si scs ministres leur étaient envoyés); Us n'ont pas entendu parler dc l'Évangile, parce qu'ils ne l’auraient pas reçu, Evangelium ideo non audierunt, quia ncc fuerint recepturi. » J bid., η. 5, col. 71. Augustin réfutera par l’Évangilc même ccttc idée que Dieu aurait subordonné la prédication au bon ou au mauvais usage qu'on en aurait fait ; le Christ n'afflrmc-t-il pas que s'il avait prêché à Tyr ct à Sidon, ct dans ces villes païennes opéré les miracles qu'il avait faits en Galilée, < il y a longtemps qu'elles auraient fait pénitence sous le cilice ct la cendre, » et pourtant il ne leur a rien donné; tandis que Corozaïn ct Bcthsaïdc, ces villes « où il avait opéré le plus grand nombre de miracles, n'avaient pas fait pénitcncc. » Matth., xi, 20-2 i. La · pénitence », que Jésus prêchait, présupposait la foi, ct scs < miracles » étaient des motifs de crédibilité qui montraient l'obligation de croire en lui. — Du point de vue rationnel, d’ail­ leurs, il était absurde d’admettre ces mérites ou démérites à l'état dc futur conditionnel, qui n'ont jamais existé. Le mérite ct le démérite demandent une existence réelle à quelque moment du temps, pour avoir quelque valeur. On n'est ni récompensé ni puni pour cc que l'on aurait fait, si on s'était trouvé dans d'autres conditions d’existence, qui peuvent varier à l’infini; mais pour cc que l’on fait en réalité. 3° Solution naturaliste.— Elle peut attaquer: 1. ou la fin surnaturelle, ou du moins 2. les moyens d'y arriver. 1. Attaque contre la fin surnaturelle. — Portée à \9extrême, clic nie la fin surnaturelle assignée au genre humain dans l'ordre actuel. Plus modérée, elle partage les hommes en deux groupes, l’un avec une fin surnaturelle, l’autre avec une fin naturelle. a) La forme extrême sc trouve chez les rationalistes, ennemis du surnaturel. Sans parler dc ceux qui rejettent tout christianisme, U est des rationalistes qui sc disent chrétiens, les protestants libéraux, parti très influent aujourd’hui dans les milieux protestants.Ils emprun­ tent ù saint Paul, ct autres écrivains sacrés les for­ mules d’une · fin, qui est la vie éternelle, » Boni., vi, 22, d'un · héritage qui nous est réservé dans les cieux, » d'un « salut prêt à être manifesté dans les derniers temps, » I Pet., i,45, niais ils vident ces mots dc leur contenu surnaturel. Le salut, pour eux, ou bien n’est pas dans une autre vie, ou n’est qu’une vague sur­ vivance, dont la conviction reste facultative. b) Le naturalisme modéré ne rabaisse pas ainsi le salut que nous espérons. 11 admet dans l’autre vie une fin surnaturelle. Aussi bien est-elle prouvée par les données scripturaires ct patrisllqucs. Voir Gloire, t. vt, col .1393,1402. A cette fin surnaturelle, le créateur avait déjà élevé le premier homme dès son origine, ct en lui tous sc descendants. Voir Adam, 1.1, col. 372, 374. Même aprè * la chute, quand Adam eut perdu pour lui et pour nous l’état dc grâce, et donc les moyens d’nnivcr t cette fin, Ibid., col. 377, Dieu voulut bien le· rendre en vertu des mérites futurs 1745 INFIDELES du rédempteur promis, appliqués nu premier homme par sa pénitence, ibid., col. 379, ù tous les autres par | divers moyens avant ct après Jésus-Christ; notre baptême en est le principal. Voir Baptême, t. n, col. 167 sq.; Pêciiê ohiginel; Bêdemption. C’cst la volonté salvi tique, universelle même après la chute. Mais le naturalisme modéré conteste ici Γ universalité dc la fin surnaturelle : après la chute, une telle fin est promise aux · fidèles » seulement, à ceux qui auront la foi ct le baptême; aux « Infidèles », qui n’ont ni l’un ni l’autre, la fin surnaturelle n’est pas rendue : ils restent donc avec la fin naturelle, répondant ά la nature humaine que le péché originel n’a pas détruite. On aperçoit ccttc solution dans la pensée dc certains catholiques dc nos jours. Accordons-lcur, d’abord, que l’on peut concevoir, mais dans un autre ordre de choses, une fin naturelle. En créant le premier homme, le créateur aurait pu lui assigner comme fin dernière une béatitude naturelle, comportant une connaissance naturelle dc Dieu plus satisfaisante pour l’esprit ct Je cœur que la nôtre en cette vie, mais infiniment inférieure ù la vision intuitive, que Dieu n’était pas tenu de nous donner. Ce serait · l’état dc pure nature » qui de fait n’a jamais existé, mais dont l’hypothèse sert par contraste à concevoir le surnaturel. Voir Grace, t. vi, col. 1590; Nature (Étatde pure); Sur­ naturel. Ccttc solution plus modérée n’en est pas moins inadmissible. — a. Elle suppose que l’homme, par l’ctTct du péché originel, a cessé d’être ordonné à la fin surnaturelle, à la vision intuitive. Mais c’est une fausse supposition. C’cst précisément parce qu’il resta ordonné à cette fin, sans pouvoir désormais l’atteindre, qu’il fut dans un état anormal, comme une machine détraquée, ct qu’aujourd’hul même il naît dans un état dc déchéance ct dc désordre moral, produit dc la prévarication du chef dc la race. L’cftct dc ccttc prévarication a été seulement dc lui enlever les moyens dc parvenir à une fin qu’il devrait atteindre, cc qui le met dans un état dc privation ct non dc simple carence, ct lui fait perdre pratiquement la fin. Dc même, l'effet dc la rédemption a été. non pas dc lui rendre vers la fin surnaturelle une orientation, une destination éloignée, qu’il n’avait jamais ncrdnc, mais la grâce sanctifiante, ct autres moyens de sahit liés à ccttc grâce. Dieu n’a donc pas-assigné deux fins à la postérité d’Adam, ni par le fait dc la chute per­ mise, ni par le fait dc la rédemption soit promise en général, soit appliquée en détail; qu’il s’agisse dc fidèles ou d’infidèles, d’adultes ou d’enfants. Voir Baptême, t. h, col. 372,373. b. Si, dans l’ordre dc providence que Dieu a choisi, il y avait une béatitude naturelle pour une partie des êtres humains, cc serait surtout pour le groupe immense des petits enfants morts sans baptême. D’après la doctrine catholique ils ne peuvent entrer au ciel; ct quand même on admet trait en leur faveur, par quelque hypothèse plus ou moins risquée, quelque suppléance du baptême, qui les fasse entrer dans la béatitude surnaturelle, encore n’alteindrail-on qu’un certain nombre dc cas, ct non pas le groupe comme tel. Et pourtant cc groupe, pris comme tel, est le plus digne d’intérêt, puisqu'un péché originel ces enfants n’ajou­ tent pas, comme les adultes, des péchés personnels. Voyons donc si l’on peut admettre, dans les limbes, une « béatitude naturelle », mot parfois prononcé de nos jours. Non, si adouci que l’on se représente leur sort, si fortunés ct si joyeux qu’ils soient, par Ignorance ou autrement. La · béatitude » même natu­ relle comporte une exemption de tout mal. Or ils garderont éternellement en eux la tache du pêché originel, qui est un grand mal; ct ils sont · condam­ nés », disent les textes des conciles, ù une peine cor­ 1746 respondante, tout au moins à la privation de la vision béatifique qui leur était destinée; condamnation et privation qui sont un autre malheur. Tour les textes qui parlent dc leur condamnation ct de leur peine, voir Dcnzinger-Bannwart, n. 364, 693. Π ne faut pas pourtant les entendre (comme les Jansénistes) dc la peine du feu, ct soufferte dans Y enfer des damnés. Voir Baptême (En/ants morts sans), t. n, coL 364 sq. Augustin a beaucoup hésité sur ce dernier point 2. Attaque naturaliste contre les moyens de parvenir à la fin surnaturelle. — Ces moyens sont surtout ; les divers secours surnaturels ct intérieurs de la grâce; l’acte dc foi fondé sur la révélation surnaturelle; les autres dispositions à la Justification, ct la justification elle-même; les sacrements. On peut distinguer deux genres d’attaque : celle qui travestit tel ou tel dc ces secours ou dc ccs actes, en mettant sous le nom qui lui est consacré cc que Dieu ct l’Église n’y ont pas mis; et celle qui nie la nécessité dc tel ou tel secours ou acte, entendu dans son vrai sens. Premier genre d'attaque. — Pour ce qui est des secours dc la grâce, Pélage changeait le contenu du nom traditionnel de · grâce », quand d’abord il y mettait le libre arbitre, sous prétexte que c’est un bienfait dc Dieu, ct, n’admettant que le libre arbitre, prétendait admettre la grâce; quand ensuite il res­ treignait le nom dc < grâce » à des grâces extérieures, comme la révélation ct les exemples du Christ: quand 1 enfin, admettant (peut-être) un secours surnaturel Intérieur, il le mettait dans la seule intelligence ct non dans la volonté. Mais ccs concessions progressives à la défense dc la vérité catholique sont en dehors du sujet qui présentement nous occupe. Voir Grace, t. m, col. 1568, 1636 sq. En dehors aussi dc notre sujet, le travestissement dc la justification, réduite : par Luther ct beaucoup dc protestants à une simple imputation divine sans aucune transformation inté­ rieure dc notre âme pécheresse ; ou par d’autres protestantsde nos jours, très naturalistes, à une simple amé­ lioration morale,obtenue par le travail dc la volonté sur elle-même. Voir Justification. A la place de cette causalité ex opere operato qui distingue le sacre­ ment proprement dit, les protestants ont mis l’apti­ tude vulgaire d’une cérémonie religieuse quelconque ù produire une impression dc foi et de piété. Voir Sacrement. Mais cc qui v lent plus ù notre sujet, c’cst la déformation des concepts traditionnels dc révélation ct de foi. Pour Luther, la · fol qui Justifie », c’cst la persuasion absolue que possède le croyant de son propre salut, ct pas autre chose. 11 conservait pourtant l’adhésion à des dogmes; mais les protestants libéraux ont rejeté tout dogme, plusieurs même toute croyance reli­ gieuse. La < fol » devient un vague ct aveugle sentiment religieux; pour d’autres, cc n’est que la connaissance naturelle dc Dieu, ou la bonne volonté ct l’intention droite, ou la poursuite dc l'idéal. La révélation, base dc la fol, subit des déformations correspondantes : clic devient ccttc idée, ou celle impression vague, qui excite le sentiment religieux; ou bien le spectacle dc l’univers, qui amène ù la connaissance naturelle dc Dieu, ou la voix dc la conscience, ou l’apparition d’un idéal moral. Faite immédiatement â chacun, ccttc prétendue < révélation > n’est pas médiate, comme la révélation évangélique historiquement transmise. S’ils admettent celle-ci, c’est en la confondant avec l’enseignement naturel des grands philosophes, ou avec l’inspiration des poètes. Nous avons longue­ ment réfuté ailleurs ces fausses conceptions dc la fol ct de la révélation, voir Foi, t. vi, col. 57 sq., 82-84, 107-121, 135-145. Ccs conceptions résoudraient faci­ lement le problème du salut des Infidèles : tous les païens vraiment adultes, au sens non seulement phy­ sique, mais intellectuel et moral, auraient ainsi à 1747 INFIDÈLES 1748 leur portée la « révélation > et la « fol ». Mais une solu­ seule lumière de la raison, on ne peut admettre que tion commode n'est pas nécessairement orthodoxe. ce soit là l'état normal et régulier dc quelqu'un, bien Second genre d'attaque. — Même en respectant, au moins encore dc la grande majorité des hommes. Sur moins en apparence, le vrai concept des divers moyens la doctrine de saint Paul, que lo salut destiné à tous de parvenir À la fin surnaturelle, on peut les attaquer est le salut par la foi, voir Capéran, op, cit., p. 26-29. par la négation dc leur nécessité pour atteindre ccttc c) Examen historique de quelques auteurs célèbres, lin. Notons Ici que prétendre qu’un dc ces moyens accusés d'une solution naturaliste, les uns au moyen n’est pas nécessaire n’implique pas toujours que l’on âge, d’autres à la Renaissance. nie la nécessité d'un autre, ni à plus forte raison dc a. Moyen âge. — « Ce fut l'opinion dc quelques tous les autres. C’est ainsi que certains protestants ! catholiques, dit Suarez, que l’homme, dans un cas qui nient la nécessité du baptême inutile pour le salut particulier, peut sc sauver sans la foi, par la connais­ (même des enfants), proclament la nécessité dc la foi sance naturelle ou dc Dieu ou du bien honnête, s'il ou dc la grâce. Les pélaglens, ennemis dc la nécessité fait ce qu'il peut pour éviter le mal ct faire le bien. · de la grâce ct en cela naturalistes, n'ont pas nié, Opéra, Paris, 1858, t. xn, p. 339. Suarez croit trouver semblc-t-Π, la nécessité dc la fol appuyée sur la une allusion à celte opinion dans le commentaire dc révélation, ni celle du baptême. Voir plus haut, Solu­ saint Thomas sur l'Eptlre aux Romains, c. n. Le tion pélagienne. P. Pcsch fait observer que ccs anciens théologiens Nous avons ici à examiner celles des solutlonsnntu- étaient si rares et si secondaires, que ceux qui en ont ralistes de notre problème, qui nient la nécessité de parlé n'en ont jamais donné les noms. Thcologische la foi pour le salut. Sans parler des rationalistes qui Zeitfragcn, X· série, Fribourg-cn-Brisgau, 1908, t. I, rejettent la révélation elle-même ct conséquemment p. 11. la fol, on pourrait admettre la révélation (surnaturelle) A côté de ccs inconnus, un philosophe célèbre, ct nier la nécessité de l'acte dc foi, soit d'une manière Abélard, chef d’école même en théologie, voir t. i, absolue en prétendant que cct acte, pour qui que co col. 49, a été cité comme résolvant notre problème soit, est purement facultatif, soit d’une manière mitigée par la substitution pure ct simple de la raison à la en reconnaissant sa nécessité pour le salut des fidèles, révélation et à la foi. Il a contre lui bien des griefs, dc ceux qui sont nés dans le christianisme, mais en lia prétendu démontrer la Trinité par la raison; ccttc prétendant que le moyen régulier et général pour le prétention n’était pas nouvelle; on la trouve avant salut des infidèles, c'cst dc connaître Dieu par la lui, même chez saint Anselme. Abélard fut naturel­ raison seule, sans préjudice d'autres actes naturels lement amené par là, comme plusieurs écrivains qui peuvent être nécessaires du côté dc la volonté ct dc d’alors, à prêter la connaissance rationnelle dc la la vie honnête, suivant les lumières naturelles de Trinité à Platon et autres philosophes grecs, ct même chacun. On aurait par là une solution assez facile du aux hommes en général. De son temps, cela n'a pas problème du salut des infidèles, mais une solution choqué. Ce que lui reproche saint Bernard, cc que le hétérodoxe. Montrons-lc brièvement : a) pour la forme j concile dc Sens, confirmé par Innocent 11, a condamné absolue, b) pour la forme mitigée. A cct examen théo­ en ccttc matière, c'cst qu’en paraissant défendre le logique nous ajouterons c) un examen historique dc dogme de la Trinité, il l’a défiguré; il l’a fait d’ailleurs divers auteurs à qui on a prêté une semblable erreur : d’une manière incohérente, allant tantôt à l'arianisme l'ont-ils soutenue en réalité? ct tantôt au sabellianisme. Voir Abélard, 1.1, col. 44,45, a) Forme absolue. — Faire dc la foi un acte pure­ ct la discussion dc scs autres erreurs sur les dogmes, ment facultatif pour tout le monde, c'cst contrevenir col. 46-48. Il a erré sur la nature ou les propriétés dc à la doctrine chrétienne, qui en fait un grave devoir, j Vacte de fol : il a compromis le motif propre dc cct acte, ct un précepte divin, imposé dans l'ordre présent. parce qu'il en a mal expliqué les rapports avec les Voir Foi, t. vi, col. 512; on y renvoie, pour établir actes dc la raison qui lui servent dc préambules, ce précepte divin, à beaucoup dc documents de l'Écri- ibid., col. 45 ; il a compromis la fermeté dc la foi, comme turc, des Pères ct du magistère dc l’Église, précédem­ le lu i reproche saint Bernard, voir Foi, t. vi, col. 89 ; ccs ment donnés. Voir aussi les explicat ions sur le précepte erreurs ne le forçaient pourtant pas à nier la nécessité négatif et le précepte positif dc la foi. Ibid., col. 513. dc la foi pour le salut. Il a supposé trop facilement b) Forme mitigée. — Supposer que chez les Infi­ le salut des divers philosophes païens. Il leur a sup­ dèles, pour arriver à la seule fin dernière dc l'homme posé même, avec une extrême partialité, tout cc qu’il que Dieu ait voulue dc fait dans l’ordre présent, à la y a dc plus admirable en fait dc vertus, d'ascétisme, fin surnaturelle, la lumière dc la raison remplace dc contemplation mystique. Cf. Capéran, Le problème régulièrement celle dc la révélation ct dc la foi, c’est du salut des infidèles, Essai historique, 1912, p. 173-177. leur donner le droit de sc renfermer dans le moyen Mais dc tout cela suit-il qu'Abélard ait prétendu qui leur est propre, dc rejeter la révélation que les sauver ccs philosophes par la seule raison philoso­ apôtres et les missionnaires viennent leur prêcher, ct phique, sans aucun acte de foi à la révélation? C’est par une conséquence logique, d'enlever à ceux-ci le en cc moment toute la question. La réponse à donner droit dc venir leur parler dc Jésus-Christ, dc sa révé­ nous semble plutôt négative, si nous consultons ses lation ct de sa rédemption, avec l'autorité de sc faire écrits. « Peut-on prouver, dit-il, que ccs philosophes écouter d'eux. Or on Ht le contraire dans l’Évangilc, n’aient pas cru au Christ, lui qu’une païenne, une où Jésus-Christ dit qu'en vertu dc son pouvoir uni­ sibylle, a prédit plus clairement que les prophètes? » versel Il envoie ses apôtres (ct leurs successeurs) à Introductio ad theologiam, 1. I, n. 15, P. L., t. clxxviii, toutes les nations, pour sc les soumettre comme dis­ col. 1008. Il croyait comme tous scs contemporains ciples, ct les enseigner, et ainsi jusqu'à la fin du monde, à l’authenticité des livres sibyllins, plus clairs en effet Matth., xxvm, 18 sq.; cf. Marc., xvï, 15 sq., où l’acte que les prophètes. · Qui pourrait affirmer, dit-il encore, dc fol est requis (chez tous les adultes), avec le bap­ que la foi de l’incarnation n’a été révélée à aucun tême. Voir Église, t. iv, col. 2117. Dc plus, le concile d'eux comme à la sibylle, quand même on ne trou­ du Vatican affirme que « l’élévation dc l’homme à la verait pas cette fol exprimée dans leurs écrits? » Et fin surnaturelle rend absolument nécessaire la révé­ il cite une phrase dc Platon qui pourrait d'après lui lation, » sans doute avec la foi qui y répond. Denzinger- sc rapporter nu mystère dc la croix. Thcolotjia Chris­ Bannwart, n. 1786. Donc, même en admettant que tiana, Lil, ibid., col 1172. Enfin 11 blâme panni les par accident et par le malheur des circonstances il y erreurs « opposées à la foi catholique ou aux saines doctrines » celte opinion d’un professeur dc son temps, ait de? £ens privés dc cette lumière et réduits à la 1749 1 INFIDÈLES que « plusieurs, avant I’incamation, ont été sauvés î1 sans la foi A un rédempteur futur » Introd. ad theol., L II, n. 5, 6, col. 1056. Son blâme, en soi, est trop sévère, car de nombreux et graves théologiens, venus depuis, regardent cette vérité de fol comme n’ayant pas été nécessaire nu salut avant l’incarnation, bien que toujours crue par des Ames d’élite, ct sans pré­ judice de lu question dc sa nécessité après I’incamation et la rédemption. D’ailleurs nous n’avons pas main­ tenant à examiner quelles sont les vérités indispen­ sables nu salut, mais seulement, si l’acte de fot A quelque vérité révélée (encore Indéterminée) est indis­ pensable. Sur celte question qui est la nôtre, le blâme Infligé A cc professeur montre qu’Abélard exigeait comme nécessaire nu salut des in fidèles, même phi­ losophes, la foi à des mystères tels que l'incarnation ct la rédemption, à des mystères que les anciens philosophes auraient connus par révélation surna­ turelle, puisque la révélation faite aux sibylles, à laquelle il a recours, était universellement regardée comme surnaturelle. · Scs explications des dogmes, sont, il est vrai, trop souvent empreintes dc rationa­ lisme; mais il a été ct a voulu être un croyant sin­ cère. D’avance il s’est toujours soumis au jugement dc l’Église... Après la décision dc Rome, sa soumission a édifié Pierre le Vénérable. » Abélard, 1.i, col. 41. b. Renaissance.— Les humanistes furent entraînés encore plus loin qu’Abélard dans le culte des philo­ sophes et des littérateurs païens. Sans parler dc ceux qui renièrent le christianisme, d’autres élargirent leurs idées religieuses jusqu'à nier la nécessité dc la révélation et dc la foi pour le salut. Nous avons déjà nommé l’un des plus anciens, Marzio Galcoltl, au xv« siècle. Voir col. 1737. Au xvr siècle, un des plus célèbres humanistes qui en marquèrent les débuts, Louis Vlvès, dans un ouvrage latin qui lui valut la faveur d’Henri VIH d’Angleterre (1522), a un passage où il semble bien sauver les infidèles par la raison naturelle. Citons la vieille traduction : · Ceux des gentils qui suivaient nature pour leur guide, laquelle n’était pas souillée ct corrompue par mauvais jugements ct opinions, ont pu être aussi agréables à Dieu comme ceux qui ont gardé la loi mosaïque... Le même adviendra aussi en notre temps à celui, lequel n’ayant rien ouï dire de Jésus-Christ, étant né aux terres de l’Océan les plus éloignées, aura gardé les deux plus grands commande­ ments, auxquels la Vérité même a affirmé que la Loi consiste ct les prophètes, c'est d’aimer Dieu ct son prochain... Tant ct dc si grande importance est d’avoir voulu être bon, bien que tu n’aies personne qui t’enseigne la vertu. Et A telle sorte d’homme que défaut-il sinon dc l’eau? > 7xi cité de Dieu (de S. Augus­ tin)... illustrée des commentaires de J. Loys Vioès, le tout fait fnmçais par G. I.orvet, chanoine de Reims, 2· édit., Paris, 1579, 1. XV111, c. xlvii, p. 214, 215. Cette Idée de Vlvès fut connue des protestants,«rejetée par la plupart, acceptée dc quelques-uns. Curioni, humaniste italien passé A la Réforme, émit des Idées semblables dans ses dialogues De amplitudine regni Dei. Déféré au sénat de Bâle, il sc défendit par une apologie où est cité le passage dc Vlvès. Amænitates litierarûe, Francfort, 1730, t. xn, p. Cil. Peu après la publication dc ccs commentaires dc Vlvès, Zwingle, sous l’influence des humanistes, fit scandale parmi les protestants en ouvrant le ciel A une foule dc païens fameux. Voir col. 1732. Après sa mort, scs disciples, ne voulant pas compromettre la nécessité de la foi, admise généralement par les pro­ testants eux-mêmes, cherchèrent plutôt A y ramener la pensée du maître, en disant qu’il n’avait pas pré­ tendu sauver ccs grands hommes sans la fol, ct qu’il leur supposait une révélation surnaturelle. Dieu n’a-t-il 1750 pas, dc l’aveu dc tous, parlé à plusieurs païens par une révélation semblable, extérieure ou intérieure? Les luthériens, au contraire, accusaient Zwingle, el pensaient que son extraordinaire bienveillance pour les infidèles dérivait d’un faux principe opposé à la nécessité dc la fol, ce qui est assez vraisemblable, et c'est aussi l’idée qui a prévalu parmi les catholiques A son sujet. Voir Capéran, op. cit., p. 244-247. e. Théologiens catholiques duxvr siècle. — Dominique Soto, dominicain, a incliné en un temps vers l’opinion de ccs quelques inconnus de l'ancienne scolastique, qu’il mentionne lui aussi sans les nommer. Il admet­ tait, ct non sans hésitation, comme plus probable, que pour la période appelée avec une certaine équivoque le temps dc « la loi de nature >, celle qui va du péché d’Adam à la loi mosaïque ou « loi écrite », la foi n’ourait pas été nécessaire au salut, mais qu’il aurait suffi, du côté dc 1*intelligence, d’une connaissance purement rationnelle et naturelle dc Dieu et dc a rémunération future, bien qu’il fallût la grâce surnaturelle du côté de la volonté, pour faire les actes dc contrition, etc., nécessaires A la justification. Dénatura et gratta, Venise, 1547, 1. 11, c. xi, p. 139 sq. Il ne s'agissait donc, chez Soto, que d’une période bien éloignée dans la nuit du passe : cependant une brèche était faite à la doctrine dc la nécessité de la foi. Mais deux ans plus tard, il changeait d’avis < après de plus mûres réflexions», disait-il, op. cit., Paris, 1549, p. 143. Les excellentes raisons qu’il donna en faveur de celte rétractation, c’est qu’il serait dangereux d’attribuer A la connaissance naturelle tant d'influence en matière surnaturelle; que les Pères n’ont pas seu­ lement soutenu la gratuité ct la sumaturalilé dc la justification en général; mais encore affirmé que V initium fidei vient lui-même dc la grâce; enfin, qu'Augustin n’admettait, pour tous les temps depuis l’origine du monde, qu’une seule ct même fol, la fol surnaturelle. Op. cit., édition dc Salamanque revue et corrigée par fauteur, 1561, p. 126. Cf. Capéran, op. cit., p. 236. Un autre célèbre théologien du concile dc Trente, le franciscain André Véga, souvent accusé d’avoir, pour le salut des infidèles, substitué la lumière de la raison naturelle A celle dc la révélation et dc la fol, a été mal compris. Il y prête, sans doute, par la façon oratoire que l’humanisme avait introduite jusqu’en théologie, surtout par l'abondance d’idées qui se pressent, ct dont plusieurs, trop brièvement exprimées semblent contredire le reste; de sorte qu'on le juge trop sévèrement, si l’on s’arrête à un passage sans tenir compte dc l’ensemble. Parcourons donc les chapitres où il commente cc que le concile dit do l’acte dc fol comme disposition nécessaire A la justi­ fication dc l’infidèle : ils en valent la peine. Un bon juge, le B. Pierre Canisius, fit imprimer en Allemagne, après la mort de Véga, une édition plus soignée et plus lisible de scs œuvres, où il déclare ne pas con* naître dc meilleur commentaire de la session capitale du concile de Trente» De justificatione, ni de meilleur antidote contre les erreurs dc Luther cl dc Calvin. Non seulement Véga avait pris part à cette discussion, maiscncorc.au témoignage deCanlsius, « il joignait à une magistrale science uneégale sainteté, ct fut des premiers parmi les théologiens si remarquables du concile. » De justificatione doctrina universa, libri XV,etc., auctore... Vega, magistro Salmanticensi, in-fol., Cologne, 1572, Préface de Canisius, sub finem. Nous lui consacrerons plusieurs colonnes, soit pour y prendre d’utiles expli­ cations du concile, relatives A notre problème, soit pour examiner avec lui une question préliminaire et fondamentale, c’est-à-dire comment les infidèles peu­ vent sc procurer la connaissance rationnelle dc Dieu, nécessaire préambule dc la fol. 1751 INFIDÈLES Après avoir montré que, dans leur énumération des dispositions pour être justifié, les Pères du concile ont eu raison dc mettre Vactc dc foi en premier lieu, cf. Denzinger-Bannwart, n. 798, Véga réduit leur doctrine sur cet acte à quatre points : F* point : « l’acte dc foi (ainsi que les dispositions suivantes) procède dc la grâce divine qui excite ct aide à le faire. > Ibid., ct n. 813. il ajoute que cette définition con­ ciliaire « ôte toute valeur à l’opinion de quelques scolastiques, disantqucnos forces naturelles suffisent à Pacte de fol. > Véga, Tridentini decreti dc justificatione expositio et defensio, édition ln-i°, Venise, 1518, 1. VI, c. xn, fol. 60; édit, de Cologne, p. 89. 2e point : « la fol est conçue (se reçoit) par l’audition. · Ibid. Le concile a en vue les mots fides ex audita. Rom., x, 17, où saint Paul affirme la nécessité dc la prédication pour transmettre la parole du Christ. Cc texte ct d’autres seront plus loin commentés par Véga, ct il en con­ clura que la grûcc Intérieure, comme « la vertu Infuse de fol, reçue par l’enfant au baptême, » demande à se compléter par «la prédication extérieure ct sensible, l’instruction donnée par l'homme,· le catéchisme. Dc même pour l’adulte Infidèle, à la grâce actuelle doit s'ajouter l'instruction qu'il entend. C’est là · le cas normal considéré par le concile, · bien qu'extraordinaircment Dieu remplace l’homme par l’ange ou par la révélation directe. « Ainsi la proposition des mys­ tères à croire, faite par l'homme avec des motifs de crédibilité,... ct la foi humaine · que l’on donne à cet homme, · précèdent d'ordinaire l’acte de foi divine, mais non pas rigoureusement dans tous les cas. » Édit, dc Venise» c. xm, fol. 61.3· point : « nous avons un libre mouvement vers Dieu par la foi >, libere moven­ tur in Deum, credentes, etc. Denzinger-Bannwart, n. 798. Deux choses dans cc membre dc phrase : le mouvement vers Dieu, ct la liberté. Véga explique aussitôt la première : « le concile veut dire que la foi s’attache au témoignage dc Dieu, à l’autorité dc Dieu, comme à son motif propre ct essentiel. : C'est à l'auto­ rité divine que nous croyons, dit saint Léon... Et c'est principalement par là, que la foi théologale se distingue de la foi humaine : celle-ci croit sur l’auto­ rité des hommes, celle-là en Dieu seul, parce que Dieu a indubitablement révélé tout ce qu’elle croit. Aussi notre fol divine est-elle infaillible comme Dieu lui-même. » C. xn. 11 expliquera la liberté dc la foi au c. xiv : «Bien que la fol soit un acte dc l'intelligence, faculté qui n’est pas libre, cependant cet acte pré­ suppose une pieuse (et libre) affection dc la volonté, affection qui le rend libre par une certaine partici­ pation. » Contre Luther, qui niait cette liberté, Véga cite les textes sacrés d’où on doit la conclure, ainsi que dc la tradition. A l’objection protestante, que les juifs endurcis « ne pouvaient pas croire, » Joa., xn, 39, il répond avec saint Augustin, autorité admise dc Luther : « ils ne pouvaient pas, parce qu’ils ne voulaient pas, · In Joa., P. L., t. xxxv, col. 1776; réponse donnée aussi par les autres commentateurs de cet Évangile, Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie. <♦ point: « Les Pères du concile, dit-il, font connaître ici l'acte dc foi ( qui prépare à la justification) du côté le son objet, dc sa matière, c'est-à-dire de cc que l’on :rolt par cet acte. On croit, disent-ils, comme vrai tout ce qui a été divinement révélé et promis, ct en particulier ceci, que Dieu justifie l'impie par sa grâce, à cause dc la rédemption accomplie par le Christ Jésus. » Ibid. Un double objet est indiqué dans cette phrase; un objet général : · tout ce que Dieu a révélé et promis ·; un objet spécial : la promesse divine de justifier le pécheur par la grûcc, à cause dc la rédemption. Pourquoi cet objet spécial? C'est que le concile ne parle pas Ici d'un acte de foi quelconque, mais dc celui qui doit disposer le pécheur ou l'infidèle 1752 à la justification, ct qui le disposera en montrant à sa lumière surnaturelle les motifs des autres vertus, ct en excitant t insi l’espérance ct autres dispositions du cœur qui sont nécessaires ou utiles à la justifi­ cation, comme le repentir, l'amour, le terme propos pour l'avenir, etc., tout lc qui constitue une con­ version sincère ct peut obtenir le pardon divin. Or il n’est pas d'objet particulier dc fol, pas d’article dc la révélation, dont la pensée ait autant d'efficacité pour atteindre ce but, que l'article dc la bonté de Dieu, et dc sa promesse de pardon fondée sur l’œuvre rédemptrice du Christ. • Cc n’est donc pas sans raison, dit Véga en abor­ dant une question difficile, que les Pères du concile ont fait Ici mention dc cet article C'est celui qui, saisi par la foi, est le plus capable d'exciter en nous l’espé­ rance dc notre justification, et dc nous faire arriver à ce but. Et c'est à La foi en cet objet, que les livres sacrés ct les saints docteurs attribuent notre justi­ fication, le plus souvent et principalement... 11 ne s'ensuit pas pourtant que la fol en cet article soit absolument nécessaire ù tous pour arriver au pardon, et que la foi explicite en d’autres vérités, spéculatives ou morales, ne puisse la remplacer. Aussi saint Paul, Hcb., xi, 6, cité aussitôt par le concile (DenzingerBannwart, n. 798), exige seulement, pour arriver à l'amitié divine, que l’on croie l’existence du vrai Dieu, et la récompense qu’il donnera un jour, > vérités dc foi qui ne manquent pas d'aptitude à exciter l’espé­ rance. « Et c'est une opinion commune parmi les théologiens qui ont commenté le III· livre des Sen­ tences, dist. XXV, que pour être justifié 11 suffit d’avoir explicitement ou implicitement la foi au Christ, unique médiateur. Et tous ceux-là sont censés l'avoir eue implicitement, qui ont cru que Dieu est véridique dans toutes ses paroles ct promesses, ct qu’il offrira avec bonté tout ce qui est nécessaire au salut. Les Pères du concile n'ont pas exigé davantage dans le membre de phrase que nous expliquons. · S'ils y parlent explicitement dc la rédemption par le Christ, ce n'est que · pour indiquer la voie commune (nor­ male), par laquelle nous devons’préparer les autres, ainsi que nous-mêmes, ù la justification. > C. xv. · Cc que nous avons dit jusqu'à présent sur la foi, ajoutet-il, peut éclaircir et confirmer cc passage du concile. Mais il reste à approfondir un peu plus cette question, si la foi est une disposition nécessaire à la justification. Qu'elle le soit en un certain sens, c'est très clair,... par exemple, quand nous voyons saint Paul si souvent attribuer la justification à la foi... Mais, y a-t-il eu des hommes justifiés sans la foi, ou peut-il y en avoir? Voilà la question délicate; hie opus, hic labor est. Sans donner à cette question une réponse aussi expresse que possible, les Pères du concile semblent bien se prononcer pour la négative, en leur chapitre suivant c. vu, ct plus clairement encore au c. vni.· Véga, c. XVI. Sur la question complexe ct difficile qu’il vient de poser très nettement: Y a-t-il des exceptions possibles à la nécessité dc l’acte de fol pour la justification ct le salut, Véga déclare que malgré les éludes ct les consultations faîtes par lui depuis dc longues années, il n'est arrivé qu'à des probabilités assez grandes, qu'il soumet à un meilleur jugement. 11 va les déve­ lopper dans une série dc chapitres, après un bref sommaire, c. xvn. Sa marche est à peu près celle-ci. 11 prend d'abord la fol explicite au Christ : a-t-elle cette nécessité absolue, c’est-à-dire sans aucune excep­ tion? Viendra ensuite la foi explicite en Dieu, telle qu’elle est présentée dans i'Épîtrc aux Hébreux, xi, 6 : a-t-elle cette nécessité absolue? Foi explicite au Christ. — Nous venons de voir par t son c. xv, que pour dc bonnes raisons il ne la croit 1753 INFIDÈLES 1754 pas absolument nécessaire. Un grand nombre de loi, avant et après. La promulgation de i’Évapgile théologiens anciens étaient avec lui, pour les temps n'a pas rendu la loi divine plus dure, ni la justification qui ont précédé la promulgation dc Γ Évangile faite plus difficile. Cette promulgation, sans doute, a dimi­ par les apôtres dans le monde. Mais pour les temps qui nué le nombre dc ceux qui Ignoraient invinciblement l’ont suivie, plusieurs d’entre eux excluaient du salut, le Christ, et aggravé le péché dc ceux qui l'ont rejeté sans exception, tous ceux qui ont Ignoré le Christ, sous (dc mauvaise foi) : elle n’a pu exclure de la grâce de prétexte que dans tous cette ignorance était coupable. Dieu, ni dc la béatitude ceux qui ont continué à Contre ces rigoristes, Véga commente un bel article l’ignorer avec la même bonne fol qu*auparavant. » de la Somme, où saint Thomas reconnaît, d’une C. xix. Véga relève enfin des théologiens qui, de son manière générale ct sans distinction de temps, qu’il temps, reconnaissaient des infidèles dispenses de y a des infidèles purement négatifs, < qui n’ont rien la fol explicite du Christ à cause de leur ignorance entendu dire dc la foi (chrétienne)... Pour ccqx-là invincible, ct pouvant ainsi être justifiés, mais non vaut le principe : Personne n'est coupable dc cc qu'il pas sauvés. Il s'étonne d’une telle position. < Elle ne peut éviter, tout péché étant volontaire; ct ce mot ne peut s’autoriser ni de l’Écriture, ni dc l'Églisc, ni dc saint Paul : « Comment croiraient-ils en celui dont même d'aucun docteur ancien, que je sache. Ces infi­ < ils n’ont jamais entendu parler? Et comment enten- dèles, une fols justifiés, ne peuvent-ils mourir comme < draient-ils parler dc lui, sans quelqu'un qui le leur tout le monde, ct s’ils meurent en état de grâce, ne < prêche? » Rom., x, 14. Et saint Thomas conclut que seront-ils pas sauvés? Non, répondent-ils dam leurs leur manque dc foi n'est pas coupable ; ils peuvent écoles; quiconque a été justifié sans La foi explicite être condamnés pour d'autres péchés (contre la loi du Christ, une loi veut qu’il ne puisse mourir avant naturelle), mais non pour un péché contre la fol au qu'il lui soit arrivé dc deux choses l’une : ou de Christ, comme lui-même l'a dit des juifs s’il n'était retomber par une faute grave dans l’état dc péché pas venu leur prêcher, Joa., xv, 22. Sum. theol., Il* (ct do se perdre), ou de parvenir à la fol explicite du II®, q. x, a. 1. Mais, disaient ces rigoristes, les pré­ Christ (par une infaillible assistance dc Dieu, ct de là dicateurs n’ont pas manqué : les apôtres ont pro­ au salut étemel). Mais de grâce, réplique Véga, où mulgué l'Évangile en tout pays. Véga leur oppose est celte loi? Où Dieu l'a-t-il consignée? Par quelle les faits. « Prenons» dit-il, ces peuples des Indes occi­ preuve montrerons-nous qu’elle n'est pas le produit dentales, découvertes de notre temps par l’industrie dc notre cervelle?... 11 n'est certes pas vraisemblable dc nos Espagnols. On n’y trouve pas dc vestige suf­ qu’il faille plus dc formalités ù un Juste pour entrer fisant d’une prédication dc l’Évangile dans ces régions. dans la béatitude, qu’à un pécheur pour obtenir le D’ailleurs, que des prédicateurs y soient autrefois * pardon dc ses crimes. » J bid. Tout juste est héritier venus, ou non, cela ne doit pas changer notre juge­ du ciel, scs bonnes œuvres le méritent ct U l'aura s* il ment sur ces peuples. Quand on les a découverts, meurt en état de grâce. Concile dc Trente, sess. vi, tous ignoraient le Christ comme si on ne l’eût jamais can. 32, Denzinger-Bannwart, n. 842. Jusqu'ici Véga a soutenu ou des principes certains, prêché dans leur pays. N’cst-cc pas là une ignorance inévitable, invincible?... Cc manque de foi au Christ ou des opinions théologiques permises, par exemple, n’est pas coupable en eux, quand même ce serait quand il réclame comme nécessaire à la justification à cause dc leurs graves péchés que Dieu se serait la foi au Christ, mais avec cette atténuation, qu’elle abstenu de leur donner la pluie bienfaisante dc la scAtexplicite s’il se peut, implicite dans le cas fréquent doctrine évangélique. » Car ils n'ont pu voir, en com­ d’ignorance invincible du Christ. « Ceux-là, ajoute-t-il, mettant ces péchés, qu'ils risquaient par là dc n’avoir sont censés l’avoir implicitement (c'est-à-dire en attei­ gnant confusément son objet), qui croient que Dieu pas la foi au Christ. D'une conséquence qu'ils n'ont est véridique dans toutes ses paroles ct promesses, pas prévue, on ne peut pas les rendre responsables, comme le faisaient d'anciens théologiens que Véga ct qu’il offre avec bonté tout cc qui est nécessaire au réfute Ici. Pour l’un d'eux (Adrien), l’ignorance n'était salut. » C. xv. En effet, ces choses « nécessaires au invincible ct excusable que dans ceux qui se condui­ salut > indiquent confusément le Christ, puisqu'elles saient bien, jamais dans les pécheurs; ceux-ci, en se résument dans le Verbo incarné ct rédempteur, ct péchant, devenaient responsables dc ce que la prédi­ dans l’application de scs mérites à l'âme. « Et Ils sont cation dc l'Évangile n’arrivait pas jusqu’à eux, ct sauvés parles mérites du Christ, ceux mêmes qui sont rendaient ainsi coupable leur ignorance du Christ. sauvés sans·la fol explicite du Christ; ils sont Justifiés D’autres (Gerson, etc.) semblaient ne pas admettre par lui, ceux qui sont justifiés sans elle. > C. xix. Ainsi d'ignorance invincible pour les préceptes de droit la foi en Jésus Christ est renfermée dans la fol explicite divin, comme celui dc la foi. D’autres (Guillaume en un Dieu “véridique ct bon, voulant nous sauver d'Auxerre, etc.) disaient que Dieu ne permettra cl nous promettant le nécessaire pour cela» cf. Hcb., xi, 6. Cc qui ramène le difilcilc problème à la question jamais que quelqu’un se trompe sur une vérité de fol quelle qu'elle soit, sans sa faute, ct arrivaient ainsi suivante. Foi explicite en un Dieu rémunérateur : est-elle abso­ à en faire une ignorance ou une cireur coupable. * Mais, dit Véga, Dieu n’a jamais promis, môme au lument nécessaire ù la justification? A cette question Juste, un tel privilège » (d'assistance contre toute répondent les c. xx cl xxi. Le c. xx a fait accuser Véga erreur contre la foi, s’il n’y met un obstacle coupable). dc naturalisme, comme s'il voulait sauver beaucoup C. xvni. Sur cette opinion dc Guillaume d’Auxerre, d’hommes par la seule raison laissée à son évolution voir Foi, t. vi» col. 235. Ces anciens théologiens, avec naturelle. Le passage est obscur; mais, sans défendre leurs Idées exagérées sur l’ignomncc coupable des tout cc qu’il avance, nous croyons injuste cette accusa­ Infidèles étaient, toute proportion gardée, les ancêtres tion, ct nous donnons dc notre dire, d'abord ct surtout, dc Balus ct des jansénistes sur la même question. une preuve indirecte. On no peut admettre qu’un Voir notre 8· principe, col. 1729. Véga ajoute contre logicien si exercé se contredise d'une manière criante, eux ce raisonnement. « Si dans l’Églisc primitive, ct sur le point principal en question, en deux cha- * où le précepte divin dc la foi nu Christ était déjà en pitres consécutifs. Or au c. xxi, où il donne son juge­ vigueur, ct partiellement divulgué, la foi explicite au ment final, il soutient clairement la nécessité absolue, Christ n’était pas absolument nécessaire à tous, avant pour la justification, dc l’acte explicite de fol pro­ la prédication des apôtres aux nations (comme ces prement dite en un vrai Dieu, comme l'entend saint théologiens le concédaient), pourquoi n’en serait-il Paul, Hcb., xi, 6; iljdit même que le concile dc Trente pas de même après? Même fol, même Évangile, même ! a défini cette nécessité. Donc au c. xx il ne peut sou- 1755 INFIDÈLE 1756 tenir le naturalisme dont on l'accuse. Nous ne sommes snircs au salut. Mais comment le savez-vous, quand pas du reste obligés de dissiper toutes les obscurités I saint Paul affirme la nécessité du prédicateur?... d’un auteur par une explication directe de sa pensée, | D’ailleurs nous ne cherchons pas cc que Dieu fera ni surtout par une explication certaine. Le P. Pesch miraculeusement, mais (avant tout) cc qu'il fera suggère une mise au point, assez plausible, des affir­ suivant la loi commune établie par lui. 11 ne peut mations du c. xx les plus en désaccord avec le c. xxr : | avoir établi pour la plupart des hommes, qu'ils ne ce ne sont pas des affirmations catégoriques, incon­ puissent être Justifiés sans un miracle (pour chacun ditionnées; elles cont conditionnées par « l'hypothèse d’eux); cc serait contraire ù sa très douce providence impossible de l'ignorance invincible de Dieu, dans (qui aime à faire agir les causes secondes)..., contraire laquelle Véga sc place, · ct qu’il sait impossible dans à ce que demande la vie d’épreuve sur la terre » (où l’ordre actuel de providence. Pradectiones, t. xm, le surnaturel sc cache pour laisser à la foi plus de m 433 (de la 3e édition), p. 240. Celle explication mérite). Vers la fin du chapitre il jette une autre idée, s'appuie sur le texte même de l’auteur espagnol, que RipaIda saura recueillir et mettre en œuvre de qu’il nous faut parcourir. Au début du c. xx, il se manière à éviter une solution purement naturaliste. pose celle difficulté : « Si l’on peut être justifié ct • Dans les autres commandements de Dieu, dit Véga, sauvé sans la foi explicite au Christ, on peut l’être on ne trouve pas une telle rigueur. Si l’acte commandé aussi sans la foi explicite â un article quelconque, n'est pas possible, c'est assez d’en avoir le vœu, même voire avec l’ignorance de Dieu lui-même (pourvu implicite. Pour n'avoir pas accompli cet acte, on ne qu’elle soit) ln\ incible. Car il y aura même raison sera pas privé de la grâce ou de la vie éternelle, pourvu pour l’un ct pour l’autre, s’il y a une même ignorance; que l’on soit prêt à le faire (si l’on pouvait), et ù obser­ et la fol en Jésus-Christ n’est pas moins nécessaire ù ver aussi les autres (graves) préceptes que l’on con­ tous maintenant pour la justification, que la foi en naîtra. Nous avons montré que cc vœu ou désir suffit Dieu. » Véga, après ce qu’il a dit, au c. xv, ne devrait à la place du baptême, quand il y a impossibilité de pas trouver cette objection si « pressante »; il en a le recevoir. De même pour le sacrement de pénitence... déjà démoli la base. La foi au Christ doit être abso­ Pourquoi le seul précepte de croire sera-t-il plus rigou­ lument en tous, mais d’une façon ou d’une autre, reux que les autres? Pourquoi l’interpréter plus dure­ explicitement ou implicitement; et si elle peut ne pas ment? · Nous répondrons ailleurs à ces interrogations; être explicitée chez certains (comme il l’a montré mais enfin quelques théologiens catholiques ont admis par de bonnes raisons), c’est parce qu’elle est ren­ cette opinion depuis; elle n'est pas clairement con­ fermée implicitement dans leur fol explicite en Dieu. damnée, et on ne peut la confondre avec le natura­ Celle-ci doit donc se trouver en tous explicitement, lisme. On remarquera que Véga ne parle jamais, pour pour que la fol du Christ soit en tous, au moins d'une l’acte de foi, que d’une nécessité de précepte; ce n’est certaine façon; 11 n’y a donc pas la même espèce de que plus tard que les théologiens ont approfondi le nécessité dans l’une et dans l’autre; la fol explicite concept de la nécessité de moyen; il y avait des progrès au Christ est moins nécessaire que celle en Dieu, ct à accomplir en fait de précision théologique. il faut nier ccttc prétendue parité qui sert de base à Au début du c. xxi, il rappelle qu’il vient de parler l’objection. Mais Véga tient à dire que si l'on supposait d'une pure hypothèse ou plutôt d’un ensemble de en quelqu’un l’ignorance de Dieu, sans faute de sa part, pures hypo thèses, ct il montre, encore que trop som­ et en même temps l’observation de ce qu'il connaît mairement ct imparfaitement, les raisons qui en de la loi naturelle avec le repentir de ses fautes passées rendent la réalisation Impossible, du moins dans en tant qu’opposées à la droite raison, dans cette l’ordre actuel de providence : « Observer la loi natu­ double hypothèse la grande miséricorde de Dieu ne relle, se repentir de l’avoir transgressée par le péché; pourrait repousser celui qui ferait son possible, ne ct en même temps ignorer invinciblement le seul pourrait Je laisser mourir ainsi sans le justifier, ne maître du monde, le législateur, avec son gouverne­ pourrait le condamner après sa mort. Véga ne dit pas ment (providentiel), voilà qui ne sc peut guère. » qu’il y ait des gens réunissant toutes ces conditions; Et même pas du tout! Sans un « législateur », pas de H dit : « S’il y en avait, si qui tales essent; » et au « loi >; sans Dieu ou sans connaissance de Dieu, pas c. xxi il s’appliquera ù montrer qu’il n'y en a pas. Sur d’obligation proprement dite, et donc pas de morale celte question, voir Ignorance, L vn, col. 735, 2°, ct solide; pas de · péché » au sens propre et théologique, 73C. c'est-à-dire d’offense de Dieu: on n'offense pas celui On peut dire aussi de cet esprit chercheur, qu’au que l’on Ignore d’une Ignorance invincible ct inno­ c. xx, où il touche ù la question plus difficile de l’igno­ cente. Conséquemment pas de « justification » véri­ rance du vrai Dieu, il entrevoit bien des cas possibles, table ct menant au ciel: la justification, concept théo­ et plusieurs solutions du problème des infidèles, ct que logique, est essentiellement une rémlsslon’dcs «péchés» dans l’embarras d’en choisir une avec assurance ct de ct une réconciliation avec Dieu, connu par l'adulte. tout traiter au long, il se contente de jeter des idées, Qu’un homme, ignorant Dieu invinciblement, sc un peu pêle-mêle, qui peuvent suggérer diverses solu­ repente de fautes passées « en tant qu’opposées à la tions différentes toutefois de la solution naturaliste droite raison»,cela ne lui donne ni disposition ni droit et hétérodoxe. Ainsi il entrevoit dans l'infidèle trois à la «justification »; H faudrait sc repentir de «péchés » cas possibles : · ignorer Dieu complètement; avoir proprement dits, ct sc repentir d cause de Dieu offensé. une certaine opinion de son existence; en avoir l’évi­ Du reste, Il ne peut y avoir non plus de « condam­ dence parla lumière naturelle »,mais non par la foi nation » à l’enfer : une telle sentence postule une divine. Ce qui nous intéresse, ce sont quelques offense de Dieu, ct une grave offense S'il pouvait remarques utiles à nous diriger vers une bonne solu­ arriver qu’on sc tournât vers un désordre réprouvé tion. « Dieu est plus porté a la miséricorde qu’à la par la droite raison, sans aucune aversion à l’égard punition » et tient compte de ceux · qui font leur pos­ de Dieu, sans savoir même que l'on offense Dieu, Il sible », sans multiplier cependant les ·miracles ■ outre n’y aurait pas là péché mortel. S. Thomas, Sum. mesure. · Il faut bien du temps, dit-il, pour qu’ils theol., Il· II®, q. xx, a. 3. Ainsi l’ensemble des hypo­ thèses susdites porte en soi une multiple contradicpuissent arriver à la fol d’un seul Dieu, ccs infidèles qui habitent des terres fort éloignées de qui peut les I lion; et il n’y a pas à s’en préoccuper davantage. instruire. Λ ceux qui font leur possible, direz-vous « Bien qu'on puisse, par la lumière naturelle de la peut-être* Dieu accordera aussitôt la foi, et les illu­ raison, dit ensuite Véga, arriver à connaître sur Dieu minent contre l'erreur on l’ignorance des choses néces- i ce que j'at dit (un seul Dieu, législateur de la loi 1757 INFIDÈLES naturelle, et gouvernant le monde par sa providence), 11 y faut cependant beaucoup de temps, ct des esprits qui surpassent le vulgaire. » C'est ce qu’avait si bien développe saint Thomas, Contra gentes, L I, c. iv. Véga indique alors les moyens soit préternaturels, soit sim­ plement providentiels, que Dieu, dans l'ordre présent, ajoute ù La faculté naturelle pour assurer même nu vulgaire, s’il veut s’en donner la peine, ces connais­ sances, préambules nécessaires de la foi et de la justi­ fication. D’abord,Dieu adonné ■ la doctrine théologlque, qui a été toujours requise pour que, en partie par elle, en partie par la lumière naturelle, les hommes puissent saisir l’existence de Dieu (avec jes attributs énumérés) ct en être tout ù fait persuadés. » C’est à peu près cc que dira le concile du Vatican sur le pou· voir de la raison, qui n'empêche pas l’utilité ni même une certaine nécessité morale de la révélation des vérités rationnelles sur Dieu. Dcnzingcr-Bannwart, n. 1785, 178G. Cf. Dieu,Liv, col. 825 sq. La ·doctrine théolo­ gique » dont parie Véga est, comme on sait, fondée sur la révélation, qu’elle explique et adapte à tous les esprits, à tous les temps ct à tous les siècles, sous la direction du magistère infaillible de l’Église. Ensuite, continue notre auteur, · la majesté divine, sans mérite de notre part, a eu toujours de tels soins de providence pour donner à chacun ces premières connaissances nécessaires, qu’il n'est pas vraisemblable qu’un homme quelconque puisse ignorer Dieu sans qu'il y ait de sa faute » (du moins après un certain temps). Ces secours de la Providence, naturels ou préternaturels, ne sont pas nécessairement des miracles proprement dits ct constatés comme tels; nous avons vu que Véga n'aime pas recourir ù la multiplication de tels miracles. Quoi qu’il en soit, Dieu peut sans renseignement des hommes, de même qu'avec cet enseignement, éveiller des idées religieuses dans les Ames, au moins si elles sont droites ct sincères, si elles cherchent la vérité; il peut appliquer leurs facultés avec une grande inten­ sité à bien saisir les vérités religieuses que la raison peut connaître ct à les bien retenir, cl 11 ne manquera pas d'employer des secours de cc genre quand la pri­ vation des moyens de salut, ne provenant pas d’une volonté criminelle de l'homme, retomberait sur la volonté salvi tique universelle en la privant de sincé­ rité. Exiger un secours objecti/, tel que la révélation divine, base de la foi salutaire, comme nécessaire ù toute connaissance de Dieu, serait du fidéisme; exiger en certains cas un secours subjecti/, tel qu’une action de Dieu, même extraordinaire, sur nos facultés, — sur la volonté pour l’exciter ù de bonnes dispositions morales qui aident à l'intelligence, sur l'intelligence elle-même pour lui faire produire avec lucidité ct force scs actes propres, sans leur enlever leur carac­ tère de certitude rationnelle, — voilà qui n’est point condamné, et reste dans le champ des hypothèses permises. Voir Dieu, t, iv. col. 8G0-8G2; cf. 856. Voici enfin le passage très important du c. xxi, où Véga soutient que la nécessité absolue de l’acte de foi pour la justification est définie par le concile de Trente. « J'attribue, dit-il, à une providence ct à une Jnspiraliondlvlnc que tous les Pères du concile, sans avoir eu là-dessus une discussion bien longue, aient reconnu comme certain, ct même défini, qu’absolumcnt personne n'a obtenu la justification sans la fol. Dcnzingcr-Bannwart, n. 799. Quelqu’un dira peut-être qu'ils parlent ici de la vertu infuse de fol; ou bien (s'il s'agît de Vactc de foi), qu'ils exposent la loi générale et la vole commune (comportant des exceptions). Et ces autres paroles du concile : Fides..., radix omnis justificationis, sine qua impossibile est placere Deo (ibid.; η. 801), on dira qu’on peut leur faire signifier, non pas la nécessité absolue de la foi, mais seulement une nécessité de croire annlogucà celle 1758 du baptême dans ces paroles du Christ : Mtsi quts renatus fuerit ex aqua, etc. (Joa., m, 5; on sait que cette nécessité comporte des exceptions) Ou enfin l’on dira que les Pères, ct saint Paul lui-même, Heb., xi, 6, dans cette phrase : Sine fide impossibile est, etc., entendaient sous le mot fides une connaissance quel­ conque de Dieu. Mais pour nous, aucune de ces échap patolres, de ces tergiversations ne nous plaît. SI nous examinons bien ce que sc proposaient les Pères, ct toutes les circonstances (Véga, présent & tout, pouvait en juger), nous verrons cLaircmcnt qu’ils ont défini comme ayant toujours été nécessaire a la justification la foi actuelle ct proprement dite, suivant la doctrine de saint Paul ct des docteurs cités; ct cela très rai­ sonnablement, car avant tout 11 est nécessaire, pour obtenir la vraie justice, de captiver nos intelligences pour rendre hommage à notre seul Dieu et législateur suprême. > Ainsi cc grand théologien signale ct rejette tous les faux-fuyants que nous aurons à réfuter, en expliquant les textes décisifs soit du concile de Trente, soit de l'Épltrc aux hébreux. Nous terminons ici l'examen historique des auteurs accusés de naturalisme par négation de la nécessité de la foi. Pour les temps plus rapprochés de nous, les accusés sont plus connus ct la solution plus facile. Par exemple, que faut-il penser des modernistes à cet égard? Comme ils employaient les expressions catho­ liques de » révélation », de · foi », etc., sans avertir d’abord qu’ils les détournaient de leur sens usuel, on a hésité sur leur compte pendant un certain temps. Mais ensuite eux-mêmes sc sont déclarés, soit par des paroles plus franches, soit par le fait de leur sépara­ tion; ct le jugement du Saint-Siège est venu encore nous éclairer ct nous fixer. Étant donnée leur doctrine sur l’expérience religieuse, qui est pour eux le fond de la religion, il s'ensuit nécessairement, dit l’encyclique Pascendi, « qu'une religion quelconque, sans en excepter celle des païens, doit être jugée vraie. Car pourquoi n'y aurait-il pas là des expériences reli­ gieuses’?... Les modernistes ne s'y opposent point; i bien plus, fis prétendent, les uns en termes voilés, les autres ouvertement, que toutes les religions sont bonnes. » Dcnzingcr-Bannwart, n. 2082. 111. Thèse fondamentale four le choix de la meilleure solution. — Il s’agit de prouver ceci : « pour la justification de l’adulte, l’acte de foi (au son» strict) est de nécessité de moyen, en lui-même, absolument ct sans aucune suppléance. » Nous expo­ serons d'abord l’état de la question, puis les preuves principales : documents de l’Église, Écriture sainte ct tradition des Pères, réponse aux objections. t. état DE LA question.—Nous avons à expliquer les tenues de la thèse, ct la pensée de scs principaux adversaires (Ripalda, Gulbcrlct). 1° Explication des termes. — 1. Ccttc thèse étant tenue pour certaine par la très grande majorité des théologiens, un catholique instruit, capable de dis­ cuter le diilkilc problème du salut des Infidèles, ne peut la regarder comme de peu d'importance, ni en éviter l’examen. Ccttc enquête du reste lui permet­ tra de bien choisir parmi les nombreuses solutions que ce problème a reçues ; car, si après l'étude de cette thèse il en reste persuadé, non seulement par l’auto­ rité de cc grand courant théologique, mais encore ct surtout par la valeur intrinsèque des preuves, il devra logiquement s'interdire ensuite toute solution contraire, pour attrayante et simple qu’elle paraisse. 11 doit donc avant tout examiner ccttc thèse ct la valeur de scs preuves : voilà pourquoi nous l’appe­ lons fondamentale. Les théologiens placent généra­ lement la question de la nécessité de la foi après avoir expliqué la nature assez complexe de cet acte, I comme la méthode le demande. Pour nous, ayant 1759 INFIDÈLES longuement expliqué la nature de Pacte de foi, nous avons renvoyé, pour l’étude plus profonde de sa nécessité, au présent article sur le salut des infidèles, où elle joue un rôle si important Voir Foi, t. vi, col. 514. 2. Pourquoi Its mots · adulte » et · justification i? — Nous parlons de Vadutte, parce que seul il est capable d’un acte raisonnable, moral et surnaturel, comme la foi; l’enfant qui meurt baptisé avant l’âge de raison est justifié ct sauvé, mais sans acte qui le dispose ù la justification; Dieu n’exige pas de lui ce dont il est Incapable. Quelques personnes, adultes quant au développement du corps seulement, peuvent être baptisées (et justifiées) comme le sont les petits enfants, sans témoigner leur volonté, sans instruction, sans acte de foi, etc. Le nouveau droit canonique ait cela de ceux dont l’aliénation mentale est continuelle, et a commencé avant l'âge de raison. Can. 754. Voir Baptême, L n, coL 279, 280. Nous disons : « pour la justification de l'adulte o au lieu de : · pour le salut... » Cela revient au même : car pour avoir le salut, la vie éternelle, il faut avoir été justifié en cette vie. Voir 2· ct3· principes, coL 1728. il y a même une raison de regarder plutôt la nécessité de la fol pour la justification, que celle de la justi­ fication Ici-bas pour Je salut. Cette dernière nécessité est estimée par tous les théologiens catholiques, sans exception, comme aussi absolue que possible, et cela avec certitude. Il n'en est pas de même de la pre­ mière : quelques théologiens doutent qu’elle soit absolue et sans aucune suppléance. Notre thèse les réfutera, mais notre thèse est controversée entre catholiques, ct libre tout au moins en ce sens, que nos adversaires ne sont pas hétérodoxes. Tout catho­ lique est tenu d’admettre au moins d’une manière vague ct générale la nécessité de la fol pour la justi­ fication, mais non pas avec la précision que nous avons posée. C'est donc là en définitive qu'est la diffi­ culté, le nœud du problème, que l’on ne peut éviter, et que notre thèse aborde. 3. Foi stricte ct foi large. — Notre thèse établit la nécessité absolue de « l'acte de foi au sens strict. > On entend par i i l'assentiment donné à une vérité religieuse, non pas pour une raison quelconque, mais à cause de Vautorité de Dieu comme témoin de cette vérité; c’est une question de motif intellectuel. Voir Foi, t. vi, col. 107 sq., 115-118. Ce motif de l'autorité divine exige une révélation surnaturelle ct proprement dite. Ibid., col. 123 sq., 138-142. La · fol au sens large · est déclarée insuffisante pour la justification, par une condamnation d'innocent NI sur laquelle nous reviendrons. Denzinger-Bannwart, η. 1173. On entend | par · fol nu sens large > l'assentiment donné non pas à une révélation surnaturelle ct proprement dite, mais à la · révélation naturelle >, par exemple, au spectacle de l’univers matériel si bien ordonné qui nous « révèle » Dieu son auteur. Il n’y a pas Ici révéla­ tion divine au sens propre, à savoir un témoi­ gnage de Dieu, mais plutôt < le témoignage des créa­ tures, * comme dit la proposition condamnée par Innocent XL II manque dès lors le motif intel­ lectuel essentiel à la foi qui dispose à la justification; Il manque l’hommage caractéristique rendu à l’auto­ rité de Dieu par le fait que, sur sa seule parole, les croyants adhèrent à l'objet d'une affirmation divine, fût-ll mystérieux. Autre exemple de « rêvé- 1 latlon naturelle > : la voix de notre conscience, qui est au sens large la parole de Dieu. Dire sans aucun correctif ni restriction que la fol large suffit ù la justi­ fication ou au salut, c'est le faux principe de la solu­ tion naturaliste de la question des infidèles, déjà ’ rejeté plus haut, coL 1714 sq. Mais quelques théologiens catholiques, comme nous allons le voir, ayant ajouté 1760 à la fol large tel ou tel élément d'ordre surnaturel, et restreint son usage, méritent par là de n’êtrc pas confondus avec ccs naturalistes et ccs hérétodoxes. C'est leur position que nous devons examiner dans la thèse présente, dont ils sont précisément les adver­ saires. 4. Nécessité de précepte, ct nécessité de moyen. — Une chose est « de nécessité de précepte · pour le salut, quand la loi divine la rend gravement obliga­ toire : il y a alors · nécessité > d'obéir à cc · précepte ·, à ce commandement divin, si je ne veux, par un péché mortel, compromettre mon salut éternel. Cette notion est fort simple, et a toujours été d'un grand usage. Il n'en est pas de même de la < nécessité de moyen; » notion plus complexe, qui ne semble pas encore commune parmi les théologiens au temps du concile de Trente. Y a-t-il des choses nécessaires aux justes pour leur salut, · de nécessité de moyen? » Quelques-uns le pensent; mais pcul-être n'y a-t-fi plus pour les justes qu'une nécessité de précepte; pour pouvoir être sauvés, ct n’êtrc pas dans la nécessité de se perdre, ils n'ont qu'à conserver leur état de grâce par l'observation des préceptes sub gravi qu'ils rencontrent, observation toujours possible avec les secours divins qui sont la suite de leur état, que Dieu leur a promis ct qui ne leur manquent jamais. Voir la condamnation de la lr· proposition de Jansénius, Denzinger-Bannwart, n. 1092. En tout cas, nous ne nous attarderons pas à cette question. Notre thèse, en effet, ne regarde que le pécheur, qui a besoin tout d’abord de la « justification ·; ct c'est le cas général de tous les infidèles : ils manquent de l'état de grâce, au moins à cause du péché originel; pas de baptême qui le leur ait enlevé dans leur enfance, ct au péché originel ils ont pu ajouter des péchés personnels et mortels; il faut donc qu’ils puissent parvenir tôt ou tard à la justification. C'est là seulement, que, dans cet article nous avons à faire intervenir la notion de la « nécessité de moyen >. D'ailleurs, c’est là aussi, que cette notion trouve son plus clair exemple, ct qu’on peut le mieux la distinguer de la < nécessité de pré­ cepte > déjà connue. Dans l'explication de cette diffé­ rence, nous irons encore du plus facile au plus diffi­ cile. a) Explication première ct plus facile de la différence entre ces deux nécessités. — On les a distinguées d'abord, ct facilement, par l’effet différent que produit sur elles Vignorance invincible : par le fait de cette ignorance, la nécessité de précepte cesse, la nécessité de moyen ne cesse pas. L'ignorance Invincible excuse complètement de la transgression d'un précepte quel­ conque, en dépit des jansénistes. Voir 8· principe, col. 1729. Tant qu'elle demeure invincible, elle fait pratiquement cesser l'obligation du précepte; car elle enlève à l’homme, sans qu'il y ait de sa faute, la connaissance de son obligation, connaissance essen­ tielle à la pleine délibération de son intelligence et au libre choix de sa volonté; Dieu ne peut alors lui commander un bon choix, puisqu’il ne commande pas l'impossible. Mais de ce que l’ignorance invincible ait cet effet négatif d'empêcher dans l’homme la liberté et la responsabilité d’un mal,ct par suite d'empêcher que ce mal ne prenne un caractère moral ct ne devienne péché, il ne s'ensuit nullement qu'elle puisse avoir l'effet positif ct surnaturel de produire la vie de l'âme, ct de procurer par la « justification > la grâce sanc­ tifiante à qui ne l'a pas; de mime que l’ignorance invincible ne suffi i ait pas ï rendre la santé ct à sauver la vie du corps à un moribond qui sc tuerait par pré­ jugé, quand bien même elle l’excuserait du péché de suicide; le moyen nécessaire serait un médecin peutêî r» , ■ t··· ms un mincie : m nce Invin­ cible se heurte inutilement à cette nécessité de moyen. INFIDÈLES 17G1 « Le moyen, dit Suarez, n’est pas seulement nécessaire à cause du précepte (qui l’impose), mais surtout à cause de son influence ct de sa causalité, que l'igno­ rance ne supplée pas, quand même elle excuserait du péché. » De flde, disp. XII, n. 3, Opera, Paris, 1858, t. xn, p. 335. Du reste quand une chose est de nécessité de moyen pour la justification, ct consé­ quemment pour le salut, il y a en général un précepte divin de prendre cc moyen; alors les deux nécessités, quoique distinctes, sont réunies; de là ccTtaots < seu­ lement.., surtout · dans cc passage de Suarez. Telle est la notion de la nécessité de moyen, d’après beau­ coup de théologiens. Une chose est de nécessité de moyen « si sans elle on ne peut obtenir le salut (ou la justification), quand même on ne serait pas coupable de l’omettre », sine qua, diam inculpabiliter omissa, salus haberi nequit. Voir G RACK, t. vi, col. 1571, où la nécessité de la grâce sanctifiante pour la justifi­ cation ct le salut est donnée comme exemple de la nécessité de moyen. Véga reconnaissait que les Pères de Trente avaient affirmé la nécessité absolue de l’acte de foi pour la justification des adultes, sans exception ni suppléance; voir col. 1752. Mais il avait peine à concilier cette · providentielle » affirmation avec la possibilité, chez les païens, de 1’ignorancc invincible soit de la foi divine soit de ses préambules indispen­ sables. La seule voie de conciliation qu’il trouva fut de nier enfin, très arbitrairement, la possibilité de cette ignorance invincible en qui que ce fût. Une voie plus sûre eût été la conception de la nécessité de moyen, qui semble lui avoir manqué. Elle n’eût pas, sans doute, résolu les difficultés du problème du salut des infidèles; mais elle lui aurait donné une orien­ tation plus juste. b) Complément nécessaire de celte explication. — Tout en répondant ù une vérité, cette explication n’est pas complète, comme l’ont constaté ensuite les théologiens. Pour avoir une classification qui cadre avec tous les faits qu’elle résume, on a été amené à distinguer deux espèces de nécessité de moyen. La première ct la principale est celle où le moyen, non seulement n’admet pas, comme le précepte, d’être suppléé par l’ignorance invincible, mais encore n’admet absolument aucune suppléance; il doit exis­ ter lui-même dans sa réalité, absolute in re, disent les théologiens. La seconde admet une suppléance; exem­ ple : la nécessité du baptême pour que l’adulte puisse arriver ù la justification. Le désir du baptême, appelé souvent « baptême de désir », peut suppléer (comme nous le savons par la tradition) le véritable baptême, le < baptême d’eau. » Celui-ci n’est donc pas neces­ saire absolument dans sa réalité, absolute in re, mais en réalité ou en désir, in re vel in voto. Il suffit même que le désir ou « vœu » du baptême soit implicite, c’est-à-dire contenu dans un autre acte. Cet autre acte est la contrition parfaite, qui a le privilège de justifier immédiatement le pécheur; elle contient comme élément le ferme propos d’accomplir tout ccqui sera gravement obligatoire; il y a là, pour l’adultenon baptisé, un vœu implicite du baptême, la réception du baptême sc trouvant, qu’il le sache ou non, parmi scs graves obligations; en voulant accomplir celles-ci, Il veut donc implicitement ct confusément celle-là. Toute cette doctrine, qui doit servir ù expliquer en partie la Justification des infidèles, est exposée par le concile de Trente : « Ιλ contrition (ou repentir en général, avec ferme propos pour l’avenir) est quel­ quefois rendue parfaite par la charité (c’est-à-dirc par le motif le plus parfait de repentir, l’amour de Dieu que nous avons oflensé), et alors elle réconcilie l’homme avec Dieu (c’est la « justification ») avant même que le sacrement ne soit reçu de fait. » Tou­ tefois cc résultat Immédiat de justification < ne doit D!CT. DE TIIÉOU CA TU O L. 1762 pas être attribué à l’influence de la contrition sans l’infiucncc du vécu du sacrement Inclus en elle. » Sess. XIV, c. iv, Denzinger-Bannwart, n. 898. Voir Contrition, t. m, col. 1685. 11 est vrai qu’il s’agit ici du sacrement de pénitence, ct non pas de baptême. Mais le concile a dit précédemment : · Le repentir n été de tout temps (ct est encore) nécessaire à tous les adultes en état de péché mortel pour obtenir l’état de grâce et de justice, même à ceux qui demandent le sacrement de baptême. » Ibid., c. i, n. 894. Et plus loin : « Λ ceux qui sont tomliés après Je baptême le sacrement de pénitence est nécessaire pour le salut, comme le baptême est nécessaire à ceux qu’il n’a pas encore régénérés ». Même espèce de nécessité. Ibid., c. n, n. 895. Les théologiens ont donc raison d’appli­ quer au baptême des adultes tout cc que le concile, à propos du sacrement de pénitence, dit de la nécessité du repentir comme disposition, de la nécessité du sacrement in re Del in vota pour la justification, enfin du vœu implicite, inclus dans la contrition elle-même. Du reste, le concile affirme ailleurs plus directement que la justification < ne peut se faire sans le baptême ou le vœu du baptême. » Sess. vi, c. rv, n. 796. Objection. — « N’y a-t-il pas de l’arbitraire à prêter au baptême une certaine nécessité de moyen, tandis qu’à d’autres actes, aussi nécessaires pour ta justi­ fication ou le salut, on ne daigne accorder qu’une nécessité de précepte? »— Réponse. — Il n’y a pas d’ar­ bitraire, si cette différence de traitement ct de classi­ fication est fondée sur une difiérence réelle entre les choses. Le baptême est un véritable moyen, c’està-dire une cause positive et proportionnée à la fin à atteindre, parce qu’il est cause positive de la justi­ fication (sacrement et sacrement des morts), et lui est proportionné par sa sumaturalité. De plus, pour la justification première, il est le moyen normal, par institution divine; que la contrition parfaite (autre cause surnaturelle), avec le vœu Implicite d’être bap­ tisé qu’elle contient, soit admise par la volonté divine (pour le salut d’un plus grand nombre) à suppléer le baptême, cela ne détruit pas la prérogative de celui-ci comme moyen normal On en dira autant du sacre­ ment de pénitence : à l’égard des baptisés qui ont perdu la première justification, il est le moyen normal de la seconde. Au contraire, il y n des choses exigées par un grave précepte, qui sc trouvent être des con ditions très nécessaires de la justification, je l’avoue, mais qui n’ont point par rapport à elle la nature du moyen, encore moins de moyen normal. Par exemple, la rest itu t ion d’une somm c volée, enjointe par un grave précepte, est une condition très nécessaire ù la justi­ fication du voleur; car le repentir ct le ferme propos, absolument néccssairesaupardon,ncscraient ni sérieux ni sincères, si le coupable ne sc décidait ù rendre le bien d'autrui. Mais Dieu n’a pas Institué la restitution comme moyen général et normal de justification, puisqu’elle ne regarde qu’une certaine catégorie de pécheurs, ni même comme un moyen, puisqu’elle n’a pas avec la justification, avec la grâce sanctifiante, cette proportion que nous voyons soit dans les netes surnaturels qui préparent la justification, soit dans les sacrements qui la produisent. Dieu n’exige pas, pour la volonté de restituer, la qualité d’acte surnaturel, proportionné à la grâce sanctifiante; si la restitution sc fait par un mouvement purement naturel, ct même vénlcllemcnt mauvais, cela suffit pour que le bien volé cesse de faire obstacle à la justification; ct la restitution n’est destinée qu’à enlever cet obstacle, non pas ù être » cause de la grâce » comme le sont les sacrements. Sur l’efficacité ct la nécessité du baptême d’après la tradition, voir Baptême, t. n, col. 201, 203, 208, 209, 275, 280, 287-289. On insiste : < Comme le baptême, la restitution VII. — 56 1763 INFIDÈLES est nécessaire in re vd in veto. Dans l’ignorance invin­ cible de l’un ou de l’autre, dans l’impossibilité de restituer ou d’être baptisé, le désir, le vœu suffit, cl même le vœu implicite. Dans cc dernier cas, c’est un seul ct même acte surnaturel de contrition, par son ferme propos général, qui sera le vœu du baptême ct celui de la restitution. La nécessité de l’un ct de l’autre, comme son efficacité, est donc alors identique. » — Réponse. — Lc vœu inclus dans l’acte de contrition est alors un physiquement, ct du côté du sujet; mais il est multiple du côté de scs objets, ct variant dans sa valeur morale scion la nature de chaque objet, puis­ qu'il équivaut à plusieurs désirs différents. Ainsi le vœu du baptême participe de la nature morale du baptême, qui est un vrai moyen de sanctificat ion, et nécessaire comme tel. Au contraire, le désir de la res­ titution suivra la nature morale de la restitution,qui n'a ni ccttc efficacité ni celte espèce de nécessité. Si Dieu, en effet, daigne accepter le désir au lieu de la chose désirée, comme son succédané et son remplaçant, si la bonne intention est réputée pour le fait, celle-ci ne peut cependant avoir une influence plus grande que le fait même qu'elle remplace; ct puisque le fait de restituer n'est pas un moyen de salut, l’intention de restituer ne le sera pas davantage. De plus, dans la contrition parfaite, il faut distinguer deux effica­ cités très différentes : l'une qu'elle a toujours eue, même avant Jésus-Christ, d'obtenir infailliblement, à cause d'une promesse divine, la rémission des péchés mortels; l’autre, d’une nature supérieure, ct seulement depuis Jésus-Christ instituteur de nos sacrements, est de pouvoir suppléer le baptême; car le Sauveur a insti­ tué le baptême non pas comme nécessaire en soi sans aucune suppléance, mais comme nécessaire in re vd in voto, avec la suppléance du vau renfermé dans la contrition parfaite. Dès lors celle-ci influe sur la jus­ tification à un nouveau titre, ct plus excellent : par le vœu du baptême Inclus en clft, elle participe à Γexcellence de ce sacrement, car tout suppléant est assimilé à celui qu'il remplace. Le concile de Trente insinue cela en disant que la justification « ne peut cc faire sans le baptême ou le vœu de cc sacrement, * ibid., n. 796, formule qu'il réserve aux sacrements de baptême ou de pénitence; il ne dirait pas que la Justi­ fication ne peut solaire sans ta restitution ou le ferme propos de restituer, sans la récitation de l’office ou le désir de le réciter, etc. C'est la remarque du cardinal de Lugo, dont nous avons à peu près reproduit la théorie. De eucharistia, disp. III, n. 1-4, ct surtout n. 22-28, dans Mignc, Theologiæ cursus completus, Paris, 1840, t. xxni, col. 78-81. 5. Deux questions différentes : la nécessité absolue de la vertu de foi, cl celle de Pacte de foi. — Sur la vertu infuse de foi, habitus fidei, voir Foi, t. vi, col. 3GG-3G9. Ccttc vertu, quand elle survit à l’état de grâce perdu, peut subsister sans lui, mais la réciproque n'est pas vraie : la justice surnaturelle, ou état de grâce, ne peut exister sans la vertu de foi, comme il résulte de plusieurs textes du concile de Trente. Il explique h « justification ·, ou production en nous de la justice surnaturelle, par Y infusion de la foi, de l'espérance ct de la charité. Voir Espérance, t. v, col. C08. Il identifie l’augmentation de la Justice surnaturelle avec l'augmentation do ces trois vertus infuses : < C'est cet accroissement de justice, dit-il, qu’implore ccttc oraison de l’Église : Augmentez en nous, Sei­ gneur, la fol, l’espérance ct la charité. > Scss. vi, c. x, Denzingcr-Bannxvart, n. 803. C'est dire que la vertu de foi fait partie de la Justice surnaturelle, bien qu'elle soit insuffisante ù constituer ccttc justice â elle seule. Or on sait que la justice surnaturelle est d'une nécessité de moyen absolue pour l’effet de la Justification en nous, puisqu'elle en est l'essence même, 1764 ou (comme dit le concile en termes scolastiques) la « cause formelle >. Ibid., c. vn, n. 799. Bien n'est aussi nécessaire à une chose, que son essence. La vertu de foi partage donc sans aucun doute celte absolue néces­ sité. Cf. Suarez, loc. cit., n. 7, t. xn, p. 338. Mais il ne faut pas confondre la nécessité absolue de ccttc vertu, ct celle de l'nc/e de foi. La nécessité de la vertu est non seulement : a) plus étendue que celle de l’actc, puisqu'elle s’étend même aux enfants avant l’âge de raison, qui ne peuvent être ni sauvés sans la justice surnaturelle, ni justifiés sans recevoir par le baptême la vertu de foi avec les autres parties essentielles de ccttc justice, bien qu'ils soient incapables de s'y disposer par l’oc/c de foi; mais encore b) plus faci­ lement prouvée, ct plus unanimement reconnue par les théologiens catholiques. La thèse difficile que nous avons à prouver a pour objet la nécessité absolue, non pas de la vertu de foi, mais de Pacte de foi pour la justification de tous les adultes. Cet acte leur est-il nécessaire, sans aucune suppléance, comme disposi­ tion à la justification? A-t-il une vraie « nécessité de moyen », ct de la principale espèce, celle où le moyen est nécessaire absolute in re, ct non pas in re vd in voto? Telle est la question présente, ct nous en avons suffisamment expliqué les termes. 2° Adversaires de la thèse. — Cc ne sont pas les rationalistes ct naturalistes, réfutés ailleurs, mais quelques théologiens catholiques. Comme disposition â la justification, ils ont tenté de substituer à l'acte de fol stricte l'acte de fol large, non pas purement et simplement, mais en y ajoutant un élément d'ordre surnaturel; cet acte ils ne le prétendent pas d’ailleurs valable d'une manière générale ct pour tous, mais seu­ lement dans le cas où manquent par ignorance invin­ cible la révélation ct la foi stricte. Ou encore ils ont tenté de substituer à la nécessité de moyen absolue de l'acte de foi stricte, absolute in re, l'autre nécessité de moyen, in re vd in voto. Voir ce que nous venons d'ex­ pliquer, n. 3 et 4. Parmi eux nous allons citer quelques noms plus connus, ct donner leurs hypothèses. En guise d’introduction, voir Foi, t. vi, col. 513, 531. 1. Au xvi· siècle, Véga hasardait déjà l'hypothèse que la nécessité de l'acte de foi peut n'êtrc pas supé­ rieure à celle du baptême des adultes; que pour l’un comme pour l'autre le fait peut être suppléé par l’inten­ tion, par le vœu, même Implicite. Voir col. 1750sq.Mais, nous l’avons vu, il abandonna finalement celte hypo thèse, en expliquant la pensée du concile de Trente. 2. Au xvn· siècle, Jean Martinez de Rlpalda (15941648) conçut un système vaste ct precis, plus ou moins imité depuis par les essais du même genre; aussi l’cxposerons-nous avec soin. Il y faut distinguer : a) cc que nous appellerons l'élément risqué, ct b) les cor rectifs qui adoucissent cc qui peut paraître téméraire ct séparent cc système du naturalisme ct du pélagia­ nisme. 11 est bon de distinguer aussi, historiquement, la première pensée de l'auteur, ct la dernière, où il répond aux critiques de quelques grands théologiens de son temps. Première pensée de Ripalda. — Nous la trouvons dans une dissertation de son grand traité du surna­ turel (Impartie publiée en 1634). C'est là qu’il explique plus ù fond le point de départ de tout son système sur l’acte de foi nécessaire à la justification de l’adulte. 11 avertit, en passant, que pour désigner brièvement des choses qui n’étaient pas nouvelles, c'est lui qui n inventé les noms de « foi stricte b et de < foi large. » De ente supernatural!, édit. Vivès, 1871, disp. Ι.Χ1Π, n. 30, t. n, p. 26t. Il définit ct explique ces deux termes, ibid., n. 7 sq., p. 249 sq. Celle meme disser­ tation, avec les précédentes qu'il cite, expose ct soutient, d'une part l'élément risqué du système, de l'autre ses correctifs. 176β a) L'élément risqué. — L'auteur, par des autorités au sens impropre, une i affirmée par un acte surnaturel, qu’il n'y ait pas en connaissance naturelle de Dieu ou de la loi morale, cola d’absurdité, soit; mais que cet aclc surnaturel accessible à tous les hommes; connaissance dite < natu­ de · fol large » puisse remplacer la foi proprement dite relle » à cause de son objet, lequel n’est surnaturel ni pour disposer à la justification les Infidèles négatifs, en hii-mcmc, puisqu’il ne dépasse pas les forces de la voilà cc que réfuteront les preuves de notre thèse. raison, philosophique ou vulgaire, ni dans la manière b. Un second correctif ajouté par Ripalda le dont il est supposé actuellement connu, puisque la rapproche des tenants de la nécessité de la < fol foi large suppose précisément qu’on ne va pas à lui stricte ». S’il n’exige pas celle-ci en elle-même pour par la voie de la révélation. Mais cc n’est pas une toute justification d’adulte, du moins il en exige absurdité de supposer dans cc même aclc une sumale voeu, ct le vœu produit surnaturellemcnt par la luralilé subjective, c’esl-à-dirc de supposer qu’alors volonté élevée, sous l’influence de la grâce. Cc vœu Dieu par sa grâce élève le sujet, la faculté, pour lui peut sc rencontrer sous forme explicite ou implicite. faire connaître sumaturcllcmcnt cet objet naturel, en Lc premier cas n’a rien d’absurde. L’Infidèle négatif sorte que l'acte de connaissance, considéré comme peut arriver, au moins avec un secours providen­ modification du sujet, est alors surnaturel intrinsèque­ tiel, à concevoir la possibilité de la révélation pro ment cl dans son entité meme. C’est ainsi que Ripalda prement dite, dont il ignore le [ail ct le contenu; or rend surnaturel l’acte de foi large. Dans quel but? connaître la simple possibilité d’une chose excel­ Pour pouvoir ensuite en faire une disposition positive, lente suffit pour qu’on puisse la désirer. < Ali! si la Intrinsèquement proportionnée à la justification, un Divinité venait nous donner les lumières qui nous acte salutaire, ct lui appliquer la doctrine certaine manquent 1 b L’infidèle peut avoir également cc qui qui, pour les actes salutaires, proclame la nécessité vaut encore mieux que cc désir, le ferme propos de absolue d’une élévation de la faculté par la grâce croire tout cc que lui affirmerait la Divinité, si elle (grâce actuelle quand 11 s’agit d’un pécheur). Voir lui parlait de fait (immédiatement ou médiat ement). Grace, t. vi, col. 1576-1578. Reste pourtant contre Et la grâce peut élever la faculté affective, la volonté, ce correctif la doctrine de nombreux théologiens qui pour que bon désir et ferme propos soient intrinsèque­ réclament un parallélisme rigoureux entre les deux ment surnaturels. En exigeant tout cela pour la jus­ surnaturalitcs. D’après eux, si l'objet est naturel tification, Ripalda reconnaît ù la foi proprement dite (comme dans le cas de la foi large), la grâce n’élèvera une véritable nécessité de moyen, mais seulement tn jamais le sujet pour l’atteindre; ù l’objet naturel re vcl in voto, telle que la nécessité du baptême. De correspond nécessairement un acte naturel, ù l’objet ente supernaluraU, 1.1, disp. XX, n. 117, p. 265. C’est surnaturel un aclc surnaturel. Mais Ripalda peut leur déjà une bonne concession, mais pas assez pour la répondre cpie leur doctrine n’est pas commune, ct ne thèse commune : l’acte de foi stricte est nécessaire passe même pus pour telle; qu’avant lui plusieurs absolute m re. Dans le second cas (forme Implicite), graves auteurs ont rejeté ccttc correspondance, cc le vœu est contenu dans l’acte de charité parfaite, parallélisme a\ ec scs preuves;cl de fait il a déjà traite que d'après lui (nous examinerons plus tard la celte question subsidiaire. De ente supernatural!, t. n, question), ces infidèles auraient la possibilité de disp. XLV, p. 88 sq. Ajoutons qu’entre ces deux opi­ faire sans que l’acte de foi stricte, ait précédé. Il nions extremes, on peut concevoir une via media. part de l’opinion d’un bon nombre de théologiens Cc serait de concéder ù la première le parallélismei que la nature humaine n’est pas Incapable de produire comme cas normal, ct à la seconde des exceptions pos­ un acte naturel d’amour de Dieu, en voyant par la sibles, pour des raisons particulières ct per accidens,> I raison scs immenses bienfaits ct scs perfections les 1767 INFIDÈLES plus touchantes, qui portent à l'aimer, ct mémo au premier rang; ct comme l'acte de charité parfaite aime Dieu pour sa perfection ct par-dessus toutes choses, cet acte naturel d’amour dc Dieu est analogue 4 l'acte dc charité théologale, qui est surnaturel; analogue seulement, d’après ccs théologiens. Mais Ripalda en fait un acte véritable dc charité parfaite, en le supposant produit par un principe surnaturel, par une grâce élevante, suivant sa théorie que nous venons d’exposer. Il se flatte donc d’avoir ainsi, Λ la portée des infidèles négatifs, un acte dc charité par­ faite ct surnaturelle, acte qui contient le vœu d’accom­ plir toutes scs graves obligations, ct auquel on recon­ naît la propriété de justifier, de réconcilier l'âme avec Dieu. Ibid., n. 115, p. 264 ct ailleurs. c, Enfin nous devons noter V hésitation par laquelle Ripalda termine l'exposé dc son système ct l’acca­ blante supériorité que malgré tout il reconnaît à la thèse commune. « Il y en aura peut-être, dit-il, qui oseront librement souscrire à la doctrine que je viens dc développer. Pour mol, en matière si grave je ne l’ose pas du tout... Puisque le consentement commun des théologiens, paraît-il, volt dans les textes de saint Paul ct du concile dc Trente cités au n. 116 la nécessité absolue, (n re, de l’acte dc fol stricte pour parvenir à la justification, il faut dire que, par une divine loi positive ct libre, jamais la grâce, du moins efficace, n'est donnée pour faire un acte d'amour dc Dieu ct de conversion surnaturelle, sans qu’ait pré­ cédé l’Instruction (qui transmet la révélation pro­ prement dite, élément absolument nécessaire) dc la fol stricte... En conséquence, toutes les choses que nous venons dc dire en faveur d’un secours qui sans l’acte dc foi stricte suffirait au salut, nous ne les avons proposées que par manière dc doute, ct non pas d'assentiment, afin que les docteurs ou les confirment par leur suffrage ou les corrigent par leur jugement, et par leurs recherches éclaircissent tout cc qui pré­ cède. · Ibid., n. 123, p. 268. Dernière pensée de Ripalda. — On la trouve dans son traité De fide divina, composé vers la fin de sa vie (et public après sa mort, en 1652), disp. XVII, sect, xxm. Son système a été critiqué dans l'intervalle par plusieurs célèbres théologiens; le cardinal dc Lugo, surtout, l’a fait d’une manière très détaillée ct appro­ fondie, dans son traité De fïde, disp. XII. Quelle est alors l’attitude dc Ripalda? a) Il profil* de quelques critiques dc détail. Ainsi Lugo lui reprochait avec raison d’avoir, dans son De ente supern., disp. XX, n. 78, t.i,p. 218; disp. LXIII, n. 21,22, t.n,p. 256;n. 26, p. 259, défini la foi stricte ct théologale · un assentiment donné à la révélation divine proposée par CÉglise », ct utilisé ccttc définition pour la défense dc son système. Ripalda, tout en cherchant â s'expliquer, reconnaît que la proposition dc la révélation par le ministère dc l’Église n'est pas nécessaire pour faire un acte dc fol théologale; si, en décrivant la fol stricte, il a mentionné le fait dc la proposition par l’Église, c’était afin d'opposer à la foi large la foi stricte par un contraste plus frappant, en prenant le cas le plus connu et le plus régulier. De fide, édit, Vivès, Paris, 1873 ,disp. XVII, n. 146. I. vin P· 333. (Cette édition est pleine dc fautes, mais surtout dans cette fin du L. vn, grâce à un correcteur malhabile qui a Inventé dc mettre le mot effectus partout où l’auteur, dans son livre devenu introu­ vable, avait mis affectus; cc qui rend quantité dc phrases Inintelligibles, car Ripalda parle ù tout moment dc l'infiucnce de la fol, stricte ou large, sur les autres actes salutaires qui â sa lumière disposent à la justification, lesquels sont des affectus, ou actes de la partie affective de l'âme, tels que l’espérance, la chanté, la contrition parfaite ou imparfaite). Sur 17G8 ccttc vérité moralement certaine ct Incontestable, que la proposition de la révélation par l'Église n'est pas indispensable â l’acte de foi théologale ct justi­ fiante, ct sur les conséquences consolantes dc ccttc vérité pour le salut possible des âmes dc bonne fol placées en dehors du corps de l’Église, voir Foi, L vi, col. 163 sq. b) Il emploie son habileté subtile Λ maintenir théolo­ giquement son système par divers procédés. — a. Il prend plus que jamais l’oficnsivc contre les principales preuves scripturaires ct traditionnelles de la thèse commune, que Lugo avait données et défendues contre ses attaques. Aux réponses dc Lugo il réplique, ibid., disp. XVII, n. 117-162, p. 381-388. Nous tiendrons compte dc scs répliques, en exposant ct défendant les preuves de la thèse, ainsi que des textes qu’il allègue à son tour par manière d’arguments, n. 163171. — b. Du reste, il invoque surtout, comme arguments, des < raisons théologiques », n. 172-189. Elles sont fondées sur un principe dont il fait un con­ tinuel usage, ct qu'il a posé dès le commencement dc la discussion, ibid., n. 144 : « La foi, dil-il, est néces­ saire à la justification dans la mesure où clic est néces­ saire aux affections surnaturelles qui disposent â cette justification, ct particulièrement ù cc qu’on appelle la dernière disposition, comme l’amour dc Dieu ct la contrition parfaite, en dehors du sacre­ ment, ou l’attrition, avec le sacrement. Toute la con­ troverse revient donc à examiner si la dernière dispo­ sition ne peut être produite sans la foi stricte, appuyée à la révélation divine, si ccttc foi ne peut être rem­ placée par toute autre illustration surnaturelle pour le même résultat. » Cc prétendu principe, affirmé sans aucune preuve, nous parait faux, ainsi que sa consé­ quence. La foi, comme disposition â la justification, ne tire pas toute sa valeur dc cc qu'elle est une < illus tration surnaturelle », ni dc ce qu'elle prépare la voie aux autres actes salutaires, spécialement à la dernière disposition, la plus Importante dc toutes (parce que la justification la suit immédiatement ct Immanqua­ blement). La foi · stricte, appuyée ù la révélation divine », vaut par elle-même, ct non pas seulement par ses suites. Comme < fondement dc la justification », concile dc Trente, sess. vi, c. vm, Dcnzingcr-Bannvvart, n. 801, elle vaut par sa solidité, sa fermeté spéciale qui lui vient dc ce qu’elle s'appuye sur Vautorité incomparable du témoignage divin, avantage qui manque aux autres < Illustrations surnaturelles » dont parle Ripalda, la science infuse par exemple, ct qui manque particulièrement à la « foi large ». Elle vaut par Vhommage spécial qu'elle rend à Dieu, en croyant celui-ci sur parole ct avec une certitude suprême; par le mérite qui lui vient de cc qu'elle n’est pas une < illustration surnaturelle » dc l'intelligence sans aucune liberté, comme, par exemple, les « illustra­ tions » ou · illuminations > dc la grâce prévenante : non, la foi stricte est libre, parce qu'elle doit venir d’un acte libre et surnaturel dc la volonté, ex Im­ periti voluntatis, ex pio credulitatis affectu. Concédons â Ripalda que la foi stricte n'est pas absolument requise par la nature des choses pour arriver à la justification, ou à la production d’un acte de contri lion parfaite, ou d'allrition avec le sacrement; Dieu a pu toutefois, à cause de sa valeur spéciale, V exiger pour arriver là, dc manière à lui donner une nécessité dc moyen absolue. Qu’il Vail fait, les preuves dc la thèse le feront voir. - - c. Par la dernière « raison théo­ logique » dc Ripalda, le problème du salut des Infi­ dèles est directement mis en cause, cc qui nous Inté­ resse donc spécialement. Son système, dlt-ll en sub­ stance, donne .1 cc problème une solution bien plus simple ct plus facile que n'est la solution qu'il appelle «commun»·· c’est-à-dire «celle de Suarez Valentia 17G9 „ , j I I I 1 I I INFIDÈLES Aragon, Ruiz, Vasquez », celle que plus récemment Lugo a défendue contre scs attaques. Et 11 sc met à comparer les deux solutions. Ibid., n. 190-198. Notre réponse sera d’abord, qu’il nous faut pour le moment traiter la thèse vraiment fondamentale où nous sommes : la solution détaillée du problème des Infidèles ct In réponse aux difficultés ne peut venir que plus tard. Ensuite, on n’est point obligé, comme Ripalda a tort de le supposer, dc choisir entre deux solutions seu- I lemcnt : ou la sienne, ou celle de Suarez, Vasquez, Lugo, etc. Celle-ci n’est pas vraiment · commune », elle n’est pas la seule en dehors dc la sienne. Plusieurs solutions du problème ont été proposées par des doc­ teurs catholiques dans la suite des temps, ayant une certaine probabilité plus ou moins grande; nous les exposerons plus tard, ct l’on pourra choisir. Enfin, dc toutes scs at t aques cont re notre thèse ct scs preuves, Ripalda conclut · qu’il ne voit (théoriquement ct selon les raisons Intrinsèques) aucun motif d’aflirmer la nécessité dc la fol stricte pour la justification, plutôt que sa non-nécessité. > Ibid., n. 203. c) Mais alors, se plaçant finalement sur le terrain pratique, comme il l'avait déjà fait jadis en donnant sa premiere pensée sur la question, il ajoute : · Malgré tout, je juge absolument que la fol stricte est néces­ saire à la justification, ct voici pourquoi. Ni l'affir­ mative, ni la négative n’est convaincante par la force dc scs preuves. Mais en toute matière probable ct douteuse ayant la grande importance dc celle-ci, fl faut choisir le parti le plus sûr, même contre l’incli­ nation dc son propre jugement. Or ici le parti le plus sûr, c’est d’affirmer la nécessité dc la fol stricte pour la justification, parce que ccttc affirmation est con­ forme à l’avis commun des théologiens, auquel, en pareille matière, un homme prudent doit soumettre son jugement. » Ibid., n. 204. Et la gravité des consé­ quences pratiques réclame ici d’aller au plus sûr, comme il l’indique : car le salut dc nombreux In­ fidèles serait mis en danger si l’on répandait avec faveur ct même pratiquement l’opinion dc la suffisance dc la foi large; une telle diffusion serait capable de refroidir le zèle des missionnaires pour aller porter aux nations lointaines la révélation divine, cc grand moyen dc salut, cc moyen qui est très probablement le seul. c) Dc là, Ripalda tire une conclusion pro domo sua : c’cst à tort que certains ont voulu flétrir par une censure théologique son opinion particulière, déjà exposée dans le Dc ente supematurali avec toutes ces restrictions, cl l’accuser dc témérité. « Est témé­ raire, dit-il, celui qui sc fie à son propre jugement nu point d’abandonner, sans preuve nouvelle ct suffi­ sante, le sentiment commun des théologiens. Or nous sommes très loin dc mépriser le jugement des autres; bien qu’apportnnl des preuves nouvelles, non encore examinées, nous les avons reniées (en pratique) par respect pour la pensée commune. » Ibid.9 n. 212 sq., p. 405. 3. Vers la fin du xix· siècle, le docteur Gutbcrlct, qui s’est fait connaître en Allemagne par dc bons travaux dc théologie ct surtout d’apologétique, a repris l’opinion proposée par Ripalda; du moins, il s’en rapproche beaucoup, dans la continuation qu’il a faite de la théologie dogmatique de Heinrich. Voir Foi, t. vi,col. 460,461. «Il n’y a pas lieu, dit-il, dc refuser le caractère surnaturel à un acte dc croyance ou à un acte moral quelconque, qui, produit sous l’influence d’une grâce Intérieure, a pour objet les données do la raison. » Heinrich, Dogmattsche Théologie, Mayence, 1897, t. vm, p. 495. On reconnaît ici le point dc départ de Ripalda, celte première théorie controversée en théologie, nufls suffisamment autorisée. Mais de là. 1770 comme Ripalda, Gutbcrlct passe à une seconde théo­ rie qui est moins sûre, c’cst qu’une connaissance pure­ ment rationnelle par son objet, surnaturaliséc ainsi par la grâce qui la fait produire, pourra chez un Infi dèle négatif remplacer la fol stricte comme fondement dc la justification, du moins si l’on y ajoute le voeu dc la fol stricte. 11 reconnaît toutefois que réguliè­ rement parlant la fol stricte est nécessaire in re9 ct ne suffit pas in polo : « En règle générale, dit-il, la fol proprement dite, explicite, est dc nécessité de moyen, ct une fldes in polo ne peut suffire. Mais si l’on descend aux cas particuliers, les deux vérités qui seules sont regardées communément ct avec certitude comme étant dc nécessité de moyen, à savoir l’existence de Dieu ct la rémunération future, le sont en ce sens, qu’elles doivent dans tous les cas être connues expli­ citement, mais non pas toujours crues par une fol stricte, basée sur la révélation. » Ibid., p. 493. La nécessité de moyen in re, pour la foî stricte, n'est donc pas absolue : il y a des exceptions pour les infidèles négatifs, exceptions que rejette la thèse commune. Gutbcrlct a pris, d'aificurs, les plus grandes précau­ tions pour ne pas heurter dc front cette thèse, pour s’en rapprocher le plus possible ct rendre plus accep­ table l’opinion qu’il soutient, comme on peut le voir i encore, quand il fait les réserves ct les remarques I suivantes : a) 11 ne cherche pas, dit-il, à démolir la thèse com­ mune. Son intention est purement apologétique. « Quand des ennemis reprochent à l’Église de con­ damner à l’enfer tous ceux qui ne connaissent pas la révélation, je veux leur faire remarquer que leur reproche en réalité ne tombe pas sur une définition de l’Église, mais seulement sur une thèse aujourd’hui commune en théologie. » Ibid., p. 502. Le P. Pesch fait observer qu’il ne faudrait pas dire aujourd'hui commune, mais toujours commune. b) Bien que très probable, dit-il encore, notre théo­ rie ne peut être démontrée comme certaine, ct par suite ne doit pas avoir d’applications pratiques : car en pratique, lorsqu’il s’agit dc la fin dernière à atteindre, il faut prendre le moyen le plus sûr, qui est kl la fol stricte. La théorie reste donc sans Influence sur l'ordre pratique (évangélisation des infidèles, etc.), ct purement apologétique. Ibid., ! p. 503. c) Une évolution ultérieure de sa pensée n fait dire à Gutbcrlct : « On nous a attribué dc soutenir, comme suffisant à la justification, la fides improprie dicta dc Ripalda... Non, elle no peut suffire... parce que c’cst une pure operation logique (Ripalda recourait cepen­ dant, comme Gutbcrlct, à la fides stricta in ooto, laquelle n’est pas une pure opération logique). Nous, nous exigeons pour la justification un acte de foi pro­ prement dit, que l’on définit assensus firmissimus super omnia propter solum Drum, primam veritatem. Car un païen même peut avoir ces concepts ct cet assentiment, sans connaître aucun objet révélé. » Revue Pastor bonus, t. xiv, p. 46 sq. Le P. Pesch répond que cet · assensus sans aucun objet révélé » n’est pas autre chose qu’un puis affectus, cc n’est pas un assentiment de fol proprement dit. Un païen, sans connaître aucun objet révélé, peut bien dire : « Si Dieu révélait quelque chose, je le croirais; » mais c’cst là un acte dc volonté, ct non pas un acte dc fol proprement dit, lequel doit être une connaissance et, comme l'indique saint Thomas, doit toujours avoir pour objet une vérité que Dieu ait révélé dc fait, Sum. theol., 11· H·, q. i, a. 1. Pesch, Theologizehe Zcitfragen,\r· série, Fribourg-cn-Brisgau, 1908, p 21, 22. Sur celte « foi implicite » qui en effet chez un Infi­ dèle négatif ne peut être qu’une volonté dc croire, un désir dc la foi stricte, tandis que chez un fidèle, où elle ■ 1771 INFIDÈLES prend la tonne : < Je crois tout cc que Dieu a révélé, tout cc que l’Églisc enseigne comme tel », elle peut contenir en outre un véritable assentiment de foi ù l’existence d’une révélation divine, vaguement connue, ct à la mission divine donnée à l’Église, voir Foi, t. vî, col. 343 sq. Le tonne < implicite » est très équivoque. Quel accueil a-t-on fait à l’opinion de D. Gutbcrlet? a) Le.Dr Franz Schmid est le premier qui en ait publié une étude approfondie, dans son livre sur « les moyens extraordinaires de salut » Die ausserordenllichcn Hells* wege fur die gefallcnc Menschheil, Brixen, 1899. Dans sa critique, il reconnaît d’abord que cette conception n’implique < aucune impossibilité intrinsèque, » c’està-dire que Dieu aurait pu, dans un autre ordre de providence, établir ainsi les conditions de la justi­ fication; ensuite, qu’elle c s’accorde avec la doctrine de l’Église sur la nécessité de la grâce », puisqu’elle exige absolument pour la justification des infidèles négatifs < le secours d’une grâce intérieure et vraiment surnaturelle, prévenante et concomitante, s Op. cit., n. 81, p. 77. < Mais, ajoute-t-il, cette théorie s’accordet-elle avec la doctrine catholique sur la nécessité de la foi? Non; aussi est-elle < intenable », n. 83, p. 78. • La théorie de Gutbcrlet, dit-il dans sa dernière con­ clusion, ne mérite pas, à notre avis, d’être regardée comme probable; la science catholique n’a pas à compter sérieusement avec elle, » n. 125, p. 112. — b) Le D'Licsc a repris l’examen de cette théorie, mais au seul point de vue de l’Écriturc ct des Pères, qu’il expose plus amplement quoique dans un ouvrage plus restreint : < La position de Gutbcrlet, dit-il éga­ lement, ne peut pas être considérée comme tenable. 11 ne s’appuie que sur un argument purement négatif; il n’apporte aucune preuve positive tirée de l’Écriture, ct ne s’est pas inquiété des Pères. » Der heilsnotiDcndlge Glaubc, Fribourg-cn-Brisgau, 1902, p. 179. — c) Comme Gutbcrlet avait prétendu s’appuyer sur saint Thomas, le B. P. Baymond Martin, O. P., sans négliger les autres considérations l’a critiqué spécialement par rapport à la pensée du docteur angélique, qu’il montre toute dillércnte. De necessitate credendi et credendorum, sen de fide salutari, Louvain, 190G. L’occasion de son opuscule est la théorie du professeur Gutbcrlet, dit-il dans son introduction, p. 21, 22. Il l’expose ct l’oppose à la pensée de saint Thomas, p. 57-59; cf., p. 71 sq. et p. 84-87 ; cf. 122 sq. — d) En dernier lieu le P. Pcsch a examiné la ques­ tion, ct après avoir cité la conclusion sévère du Dr Schmid sur l’improbabilité de la théorie de Gutbcrlct, il dit : < Je ne puis que souscrire entièrement à cc jugement. » Op. cit,, p. 19. En terminant la revue de nos plus fameux adver­ saires, tous d’une habileté Incontestable, une pensée nous frappe. Les honnêtes scrupules qu’ils éprou­ vent quand, il s’agit de conclure, prêchent à leur façon la valeur de la thèse commune. Véga hésitait; tantôt 11 paraissait verser dans le naturalisme, tantôt n’osant pas nier la nécessité de la foi stricte pour la justification, il semblait vouloir sc contenter d’une nécessité in voto; ct le voilà qui, malgré le • candide exposé de toutes les difficultés où il sc dé bat depuis longtemps, conclut en faveur d’une né­ cessité absolue de l’acte de foi, qu’il déclare affirmée par les Pères de Trente. Bipalda après avoir, en théorie, attaqué la thèse tant qu’il peut, conclut que malgré tout il lui donne son adhésion, parce qu’il faut en pareille matière aller au plus sûr. Gutbcrlet, qui a toujours mis plus de ménagement dans son attaque, conclut également qu’en pratique la sécu­ rité exige qu’on s'en tienne à la thèse commune. En faveur de celle-ci nous avons là, déjà, une forte pré­ somption. 1772 zz. documents DE L*ÉGLISE. — Nous abordons les preuves de la thèse commune, ct fondamentale pour résoudre le problème du salut des infidèles. Parmi les preuves données par divers auteurs, Il en est de fai­ bles; nous les négligerons, ou parfois nous en ferons la critique. D’autres sont bonnes, mais ont besoin d’être présentées dans toute leur force et défendues contre les objections de Bipalda ou de Gutbcrlet. Comme documents de l’Églisc, on allègue pour la thèse: l°lc concile de Trente ; 2° le concile du Vatican ; 3° la condamnation d’une proposition par Innocent XI. 1° Le concile de Trente, sess. V/, sur la Justifica· lion. — La question présente n’y fut pas l’objet d’un grand débat, comme l’a remarqué Véga. Voircol. 1751. C’est principalement contre les erreurs protestantes, que le concile sc proposait d’expliquer la doctrine catholique de la justification; or la plupart des pro­ testants, avec Luther et Calvin, admettaient, tout comme nos théologiens, la plus absolue nécessité de la « foi », même entendue dans le sens d’un assenti­ ment donné à la révélation chrétienne; ils étaient même beaucoup trop durs pour les païens, qu’ils envoyaient en bloc au feu éternel. Leurs erreurs sur la justification étaient d’ailleùrs si profondes, si mul tiplcs, elles tenaient à tant de difficiles problèmes, que les Pères du concile curent assez d’autres ques­ tions à débattre longuement avec eux en dehors de celle qui nous occupe. Celle-ci ne pouvait cependant être complètement omise : Zwingle l’avait soulevée dans les milieux protestants; ct, depuis Vives, l’idée de sauver les païens sans la foi faisait son chemin parmi les humanistes, ct menaçait par eux les catho­ liques eux-mêmes. Λ7οϊγ col. 1732. Aussi la négation de la nécessité de la foi figurc-t-cllc dans le catalogue d’erreurs que, dès le début, plusieurs évêques avaient prié les légats du pape de faire dresser comme direc­ tion pour les travaux du concile, ct qui fut présenté par les légats à la séance du 30 juin 1516; parmi les dix erreurs qui regardent le premier stade de la justi­ fication des adultes, c’est-à-dire la justification de Vin fidèle, figure celle-ci au n. 5 : Sola opinione de Deo, ct dolore, etiam sine fide, posse hominem ad justifica (Ionem disponi. Concilium Tridentinum, nouvelle col­ lection des actes ct autres documents, publiée par la Société de Gœrrcs, Fribourg-cn-Brisgau, 1911, t. v, p. 281. La < fol large · est ici exprimée par les mots : Opinio de Deo... etiam sine fide. Nous voyons aussi des Pères du concile combattre celte erreur dans leurs discours; ainsi l’évêque de Valson, op. cit., р. 299, 300; l’évêque de Fano, p. 310. Deux passages du décret de la justification con­ cernent la nécessité de la fol : 1. Slno (fide)nulll unquam Sans la fol personne n’a contigit justificatio.Sess. VI. Jamais obtenu la justificaс. vu, Denzinger-Bannwart, lion. n. 799. a) Historique de cette phrase. — Quand une assertion d’un concile n’a qu’un sens possible, pas n’est besoin d’aller chercher dans les Actes quelle a été l’intention du magistère ecclésiastique en l’insérant, quel sens il avait en vue : le texte sufiit à lui-même, cl sa force décisive ne dépend pas de circonstances historiques ou de paroles d’évêques qui ont en elles-mêmes une bien moindre valeur. Mais il en est tout autrement quand le texte a quelque ambiguïté; ct c’est le cas présent, comme nous le verrons par les nombreuses objections. Voilà pourquoi nous avons entrepris ici un travail sur les Actes, qui n’avait pas encore été fait. La phrase dont II s’agit ne figure pas encore à cette placo dans la trot ième des rédactions successives du décret De fustificatlone, rédact ion qui poyr la première t foi? contenait une énumération des causes de la Justi- 1773 INFIDÈLES (Ration. Voir celle r< d action, c. vin, dans la collection | Gœrrcs que nous continuerons à citer, t. v, p. 636. Voici quelle fut l'occasion d'y insérer notre phrase. Dans la discussion de cc chapitre, plusieurs Pères demandèrent que la foi fût énumérée parmi les causes de la justification, vu le grand rôle que lui donne saint Paul, justi flcalt ex fide, Bum., v, 1, ct ailleurs. Ainsi l'évêque de Fnno, O. P. : Inter causas justifica­ tionis debet addi fides. Ibid., p. 650. Ainsi l'évêque de Terrae inc, p. 653, ct les abbés milrés demandent que sous la rubrique de la « cause Instrumentale » on mette : fides, et fidet sacramentum quod baptismus est. Pour répondre à leurs désirs, la commission proposa qu'à cet endroit du décret : Instrumentons item (causa est) sacramentum baptismi, on ajoutât les paroles que nous y lisons aujourd'hui : quod est sacramentum fidei, sine qua nulli unquam contigit justificatio, p. 700. Dans la discussion de ce nouveau texte, l'évêque de Fano se plaignit qu'on ne déterminât point la cau­ salité de la foi, ct qu'on eût l’air de la réduire à une simple condition sine qua non, p. 703; d’autres l’appuyèrent. Notons en passant que, si la foi est déclarée absolument nécessaire à la justification, c'est déjà beaucoup pour la question présente. Qu'elle soit de plus une vraie cause de la justilleation, les Pères du concile étaient d’accord là-dessus ct cc concept de cause achève ct complète l'idée de la nécessité de moyen. Voir col. 17G0. Une congrégation spéciale des · prélats théologiens » avait été réunie pour aider à la rédaction définitive. On leur pose, entre autres, cette question : « Faut-il donner à la foi un rang parmi les causes de la justification, ct lequel ?»P. 740. L'évêque de Bert Inoro, O. P., fait remarquer que • le décret ne doit énumérer que les causes principales : or la foi n’en est pas. > D’autres sont du mémo avis, « parce que la foi est seulement une cause dispositive », causalité d’espèce très inférieure qui se ramène à la cause matérielle. Voir S. Thomas, Sum. theol., II*· 11», q. xxvii, a. 3. ct Quæst. de veritate, q. xxvni, a. 8, ad 5um. D’autres veulent que la fol, comme le bap­ tême, soit une cause instrumentale, sc ramenant par conséquent à la cause efficiente. Loc. cit. En face de cc dissentiment on renonça à exprimer, dans l’énumé­ ration des causes, la causalité propre de la fol, ct l’on s’en tint à la phrase de la commission, affirmant seu­ lement son absolue nécessité. Telle est l'histoire de cette phrase, acceptée ensuite par le concile tout entier, ct répondant d'ailleurs à l’une des erreurs que dès le début on s'était proposé de combattre. b) Preuve tirée de celle phrase en faveur de la thèse commune. —: Le concile nfllnnc que « sans la fol per­ sonne n'a jamais obtenu la justilleation. » On ne peut mieux exprimer une nécessité absolue, qui ne souffre aucune exception. Or dans les discussions personne ne réclama contre une formule aussi nette et aussi tran­ chante, personne ne chercha soit à l'excuser, soit à l’adoucir par une Interpretation large ou mitigée : ni dans la congrégation spéciale des prélats théologiens, très attentifs à éplucher tous les mots, ni dans les séances générales. Nous devons donc la prendre dans son sens naturel. En confirmation de celte preuve très solide, ajoutons que l’un des Pères, le dominicain Stella, évêque de Salpc, fut amené par son argumen­ tation à nier toute exception, même extraordinaire ct par dérogation à la loi générale, comme est l'excep­ tion que nos adversaires voudraient voir Ici. 11 se proposait de montrer que la fol n’est pas une cause Instrumentale; ct il supposait manifestement ce prin­ cipe, que Dieu peut toujours suppléer extraordinai­ rement, par sa toute-puissance, les instruments qu’il emploie, ct se passer d’eux; c'est le principe de saint Thomas, Deum posse facere per scipsum omnes deter­ minatos effectus qui fiunt per qitamcumque causam 1774 crtatam. Sum. theol., I*, q. cv, a. 2. De là le prélat concluait : Fides non est causa instrumentons, quia sequeretur quod Deus posset justificare hominem sine fide (par une exception extraordinaire) ; quod falsum est, quia sine fide impossibile est placere Deo, Heb., xi, 6, p. 741. 11 entendait donc les paroles del'Épttre aux Hébreux de manière à rejeter toute exception, même extraordinaire. Or son interprétation et son assertion ne furent attaquées par aucun des Pères. C'est donc bien ainsi qu’ils comprenaient la nécessité de la fol, l'impossibilité d’être justifié sans elle. c) Objections et réponses. — Véga a déjà signalé 1er diverses < échappatoires » par lesquelles on peut cher cher à esquiver la « définition » de Trente. Vota coL 1757. Cc sont d'ailleurs les mêmes pour tous les arguments de la thèse. Nous allons y répondre pour la phrase citée. t V objection. — « En admettant que le concile parle de la fol proprement dite, nous savons que dans sa doctrine de la justification il enseigne comment les choses sc passent ordinairement. » Gutbcrlet, op. cit., p. 497. Donc il n’exclut pas les cas extraordinaires ct exceptionnels, comme celui des infidèles négatifs. — Réponse. — 11 est vrai que le concile parle quelquefois de cc qui est requis non pas absolument, mais ordi­ nairement, normalement : par exemple, dans celte phrase même, il parle du baptême pour la justifica lion de l’adulte infidèle, parce que c'est le moyen normal. Mais, précisément, il ne dit pas du baptême que ■ sans lui personne n’a jamais été justifié » : Il résen e cette phrase, qui signifie une nécessité absolue, à l’acte de foi; cl nous avons vu que le concile l’enten­ dait bien ainsi. 29 objection. — Le concile peut parler ici de la fol Large ou impropre : on ne peut donc rien conclure de certain. — Réponse. — Outre cette réponse générale, que les conciles choisissent leur langage ct en ban­ nissent l’impropriété, surtout pour des termes aussi essentiels que l’est dans la question de la justification le mot « foi », rappelons qu’au chapitre précédent, en mettant la fol en tête des dispositions à la justifica­ tion. le concile s’est donné la peine de définir ce qu’il entendait par « fol » : Fidem ex auditu concipientes, libere moventur in Deum, credentes vera esse qux divi­ nitus revelata ct promissa sunt... Denzlngcr, n. 798. Or La fol large, fondée sur le spectacle de la création, n’est pas ex auddu; elle n'a pas pour objet « les choses divinement révélées » : ou, si l’on veut équivoquer au moyen de la révélation naturelle (terme bien Ignoré du concile!), la fol large ne peut du moins avoir pour objet des promesses de Dieu, divinitus promissa, car c'est par le seul canal de la révélation surnaturelle et proprement dite que Dieu peut faire des promesses, par exemple, · de pardon et de rédemption par le Christ », comme ajoute le concile. Enfin, la fol dont parlent les Pères dans notre phrase même, c’est celle dont le · baptême » est le signe ct le sacrement, sacra­ mentum fidei, sine qua nulli unquam, etc. Or la fol liée au baptême, ct dont l’adulte fait profession au baptême en récitant le symbole, n'est certainement pas la fol large. Celle-ci est donc éliminée par tout le contexte. 3· objection. — Il peut se faire que le concile parle Ici de la foi (stricte) in re vel in volo : la fol, ou le désir de croire; H n’est donc pas certain qu’il prenne la foi absolute in rc.— Réponse. — Prendre le mot fides pour un simple désir de croire, cc serait de nouveau un sens impropre que rien ne nous autorise à attribuer au concile, ct qui va même contre la définition qu’il vient de donner de l’acte de fol comme contenant, en plus d'un mouvement de la volonté vers un bien, un assent Imcnt intellectuel donné au vrai et au v rai connu comme révélé, credentes vera esse, etc. Voir Foi. t. vi, 1775 INFIDÈLES col. 82. En outre, quand le concile veut réduire la ’ nécessité d’une chose à une nécessité in re vcl in voto, il le dit : ninsi, peu auparavant parlant dc la nécessité . du baptême pour la justification dc l’adulte, il dit : 4ne lavacro regenerationis aut ejus voto, c. IV. Den­ zingcr, n. 796. Il sc garderait bien dc dire : sine lavacro nulli unquam contigit Justificatio, comme il dit de la foi : sine /idc nulti, etc. 4* objection.— Sous le nom dc fides, le concile peut entendre ici la vertu infusa dc foi, dont la nécessité absolue va de soi toutes les fois qu’il y a justification, mais sort dc la question présente, laquelle porte sur l’üdc de foi. Voir col. 1763.— Réponse.— Le concile ne peut parler Ici que de l'acte de foi. Il vient, en effet, dc définir la foi comme acte, comme mouvement de la volonté ct dc l'intelligence, libere moventur in Deum, credentes vera esse, etc. : reparlant dc la fol quelques lignes après, peut-il, sans rien qui nous avertisse, ne plus parler de cet acte, niais d’un principe permanent, qui n’est pas un acte ni un mouvement? Mais surtout si nous consultons les Actes, nous voyons que les Pères, quand ils discutaient la présente phrase ct la mention à donner à la fol parmi les causes dc la jus­ tification, entendaient l'acte dc fol, dont le concile venait de parler comme d’une disposition à la justi­ fication, c. vi, Denzingcr, n. 798; c’est pourquoi la plupart n’y voyaient qu’unct causalité dispositive », tandis que d’autres voulaient aussi faire dc cct acte une sorte d*instrument pour appliquer à l’âme la jus­ tification ct parlaient de a causalité instrumentale. · Loc. cit. Ajoutons deux citations. Le général des domi­ nicains dit: a La fol n’est pas autre chose qu’une disposition à la justification, dans laquelle le premier acte nécessairement requis est l’acte de foi... On pour­ rait dire cependant qu’elle est en quelque manière un instrument dc la part de l'homme, qui est dit coopérer dans la justification elle-même, u P. 711. Le général des conventuels approuve le précédent : «Ce n’est qu’une cause dispositive. Si nous parlions, ajoute-t-il, de l'habitus fidei, alors il faudrait mettre la foi dans la cause formelle, suivant la doctrine dc saint Bonaventure », etc. Loc. cit. Cc conditionnel montre bien qu’il n’était pas question entre eux de l'habitus fidei. Mais, dira quelqu’un, s’il n’est pas question dc l'habitus, ou vertu infuse, la phrase du concile devient fausse, cc qu'il n'est pas permis dc supposer. Vous voulez que le concile dise : · Sans l'acfc dc foi personne n’a jamais été justifié. > C’est faux! Sans l’acte de foi, les en/ants sont justifiés par le baptême. Pour que la phrase soit vraie, on est donc forcé dc l’entendre dc la vertu dc foi, qui ne manque pas à ccs enfants mêmes, puisqu’ils la reçoivent nécessairement avec la justi­ fication. — Réponse. — Le mot < personne » comme les autres tenues universels semblables peut, d’après son contexte, recevoir une extension différente. Par­ fois Il s'applique à tout être humain, parfois à ceux-là seulement qui ont l’usage dc la raison, comme quand on dit : « Personne qui ne désire le bonheur, n La phrase du concile entendue dc l'acte dc foi pourra donc s'appliquer aux adultes seulement (et par suite être parfaitement vraie), si le contexte le montre. Or li en est ainsi. Après avoir touché à la justification des cn/anls dans la session v*, ct remettant à plus tard d’en parler encore à propos du baptême, le con­ cile, dans la session vi·, dont il s'agit maintenant, s'occupe seulement des adultes. Tout l'indique : les mots justificatio impii, cf. Rom., iv, 5, ct l’idée du vécu du baptême, c. iv, Dcnzingcr-Bannwart, n. 796; les mots in adultis, c. v, n. 797; la description des odes, fol, crainte, espérance, etc., servant dc dispo­ sitions, cc dont les adultes seuls sont capables, c. vi, n. 798; la Justification présentée comme faisant suite 177G à ccs dipositions, ct définie comme telle, ct dans cette définition le mot voluntariam, qui ne peut concerner que les adultes, c. vu, n. 799. Enfin si nous consultons les Actes du concile, nous y voyons qu'après que les théologiens curent été entendus, avant d'ouvrir la discussion générale des évêques sur la justification, les légats du pape présentèrent, le 13 juin 1516, sous le titre Dc justificatione adultorum, le plan des grandes lignes à suivre pour traiter avec méthode les princi­ pales théories protestantes en matière de justification. On examinerait successivement (rois classes d'adultes arrivant par la justification au salut, tres status homi­ num : a. l’infidèle qui sc convertit à la foi, avec toute la genèse dc ccttc justification première; b. l’homme justifié qui persévère et augmente sa justice, avec toute la marche dc sa persévérance, dc scs mérites, et de son accession à La gloire; c. le juste qui tombe, mais se relève, avec la genèse dc son relèvement par une nouvelle justification. Concilium Tridcnlinum, t. v, p. 281. La grande majorité des Pères approuve le projet des légats : placet ordo. P. 283. Cet ordre ou plan, qui comme le montrent ensuite les Actes empêcha une confusion Inextricable, ct que l’on retrouve dans le décret final, Denzingcr, n. 796-810, concentre sur les adultes seuls la perspective du concile en cette session vie. La justification des enfants avant l'âge dc raison est mentionnée aux sessions v·, n. 791, et vu·, n. 8G9, 870. Dans un ouvrage excellent d'alllcurs, Vacant dit que le concile de Trente, en déclarant « que jamais personne n'a été justifié sans la fol », sous cc mot foi entend parler « non des actes dc foi, mais dc la foi habituelle donnée par le baptême aux petits enfants aussi bien qu'aux adultes, υ Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. n, p. 126. Les Actes de Trente, on vient dc le voir, prouvent nettement le contraire; mais une bonne édition n'en existait pas encore, quand le vénéré fon dateur dc ce dictionnaire écrivait ccs lignes. Pour fixer le sens dc la phrase dc Trente, il en est réduit à exploiter une phrase dc saint Augustin qui n’a avec clic qu'une faible ressemblance. Cc qui l'impressionne surtout, c'est que le concile du Vatican, dont il a très bien saisi la pensée d'après les actes dc cc concile, a emprunté cette meme phrase dc Trente en lui donnant vraiment le sens que lui-même vient dc lui donner. Mais nous conclurons plus loin que c’est un sens accommodat ice, si l'on peut dire, ct non pas le sens propre dc la phrase dc Trente. Voir col. 1772. 2. Cum veto Apostolus dicit justificari hominem per fidem..., ea verba in eo sensu intclligcnda sunt, quem per­ petuus Ecclcslæ catholicæ consensus tenuit et expressit : ut scilicet per fidem ideo justificari dicamur, quin fides est humnn® salutis initium, fundamentum et radix om­ nis justificationis, sine qua Impossibile est placere Deo, ct nd filiorum ejus consor­ tium pervenire. Sets. vi, c. vni, Denzingcr. n. 801. Qunnd l’apôtre dit que l’homme est justifié par In fol. ccs mots doivent être entendus nu sens que la per­ pétuelle ct unanime interpré­ tation dc l’Églisc catholique n retenu ct ex primé, Λ savoir, qu’il nous déclare justifiés par le moyen de In fol, parce que In foi est le commence­ ment du salut, le fondement ct la racine dc toute fiuttfi· cation, ct que sans elle il est Impossible dc plaire Λ Dieu, ni d’entrer dans In famille de ses enfants. a) Historique du texte. — Nous le trouvons déjà en substance dans la nouvelle forme du décret De justi­ ficatione, proposée le 23 septembre 1516, par les soins du second légal. Marcel Ccrvin, cardinal dc SainteCroix. On y lit déjà au n. 7, en explication des mêmes paroles do l’apôtre, celle assertion que toute vraie justice (en ne considérant jamais que les adultes) débute par l’acte de foi; que la foi est le fondement du salut nécessaire pour entrer dans la famille des / 1777 INFIDÈLES enfants dc Dieu, Op. cil., t. v, p, 423. Aucun amen­ dement ne fut proposé par les Pères pour restreindre une telle affirmation de la nécessité dc la loi ; voir le résumé des amendements, p. 504 sq. Mais plusieurs voulurent préciser davantage ce rôle initial dc la fol, et dc là ccttc nouvelle rédaction dans la 3· forme du décret, proposée le 5 novembre .i l’assemblée générale : Per /Idem autem justificari ideo dicimur, quia in ea quic ud justificationem est dispositione, prima est fides. Est enim ejus quasi fun­ damentum, et omnis humante salutis exordium, etc., p. 636. l.c texte nouveau, par ccs mots : in disposi­ tione, pruna est fides, souleva dc vives réclamations. « Nous semblons dire, s'écria l'évêque dc Fano, suivi par plusieurs mitres, que la foi n’est pas requise dans la justification elle-même, > p. 699. Pour comprendre cette critique, il faut sc reporter à un passage où saint Thomas fait ressortir le rôle de l’acte de fol dans la justification, ct le distingue d'autres actes qui ne font que préparer dc loin; ainsi tel acte d’aumône ne sert à la justification que par manière de dispo­ sition éloignée, per modum pra'parationis : au con­ traire la foi, bien qu’elle précède comme disposition éloignée, sc retrouve encore avec la charité parfaite nu moment même où celle-ci justifie, simul in justi­ ficatione impii cum motu fidel est etiam motus caritatis. Sum. theol., 1B II», q. cxm, a. 4, ad lum. C est que la fol n’est pas, de sa nature, une disposition éloignée qui cède la place à d’autres actes plus rapprochés du but : son acte · coopère » avec ceux des vertus qui la suivent, même dc la charité, Jac., n, 22. Voir Foi, t. vi, col. 84, 85. Les réclamations reprirent do plus belle dans la commission chargée dc la rédaction défini­ tive du décret; à cette question du légat, cardinal dc Sainte-Croix : < Pourquoi saint Paul attribue-t-il la justification à la foi? a l’évêque dc Fano répond : < Parce que la fol est la première, non seulement dans la disposition, mais encore dans la justification; » l’évêque dc Vérone : c Parce qu’elle est la première dans la justification selon saint Thomas; » l’évêque dc Lanciano : « On pourrait dire dans le début : Quia non solum in dispositione sed in justificatione primus motus in Deum est fidei; * le général des augustius cite un passage semblable dc saint Thomas, In Rom., in, 22; l’évêque dc Bertinoro demande aussi qu’on distingue entre la fol qui-dispose ct la fol qui justifie, car dans la préparation la foi est informe, mais dans l’instant de la justification elle opère par la charité, Gai., v, 6. Op. cil., p. 721, 725. Ils entendaient que l’acte de foi n’est pas seulement une disposition éloignée, mais qu’il sc répète au moment dc la justi­ fication comme disposition prochaine : Fides disponit, et in ipsa justificatione est etiam dispositio propinqua, dit l’évêque dc Belcastro, p. 740. D’autres prélats, cependant, sc refusaient à intro­ duire cette théorie dc saint Thomas dans le décret conciliaire. D’abord, elle est loin de sc vérifier tou­ jours : par exemple, un malade 11 dit : < La foi est le fondement dc toute justification. > Donc, pas d'exception. Et comment concilier avec ccttc affirmation si nette le système dc nos adversaires, admettant des millions d’exceptions pour les infidèles dc bonne foi? Au sur­ plus, pesons ces mots fundamentum et radix. Comme il n’y a pas moj en d’avoir un édifice sans fondations, un arbre ct ses fruits sans racine, ainsi, d’après le concile, il n’y a pas dc justification sans la foi : voilà qui Indique une absolue nécessité dc moyen. c) Objections ct réponses. — Les tentatives pour esquiver cette preuve ont été écartées déjà à propos du premier texte. Insistons sur un seul de ces points. Les actes du concile, que nous venons dc parcourir, attestent évidemment que tous les Pères entendaient parler dc fol actuelle, ct non pas habituelle. L’acte dc foi, le < mouvement dc fol > dans le style dc saint Thomas, est-il seulement disposition éloignée, ou bien aussi disposition prochaine dans la justification, ct laquelle des deux conceptions correspond le mieux à la pensée dc saint Paul, quand il dit que nous sommes justifiés par la foi? Tel était le sens du débat que nous venons de reproduire : c'est donc bien l’ode de foi, que tous considéraient comme le fondement de toute justification (d’adultes). Ils n’avaient pu sc tromper sur la pensée de saint Paul, si claire par elle-même: l’apôtre ne montre nullement qu'il veuille parler de Γ habitus fidei, mais, au contraire, dc cct acte, credere. dont il donne l’exemple dans Abraham : Credidit Abraham Dca. Rom., iv, 3; cf. 5,18 sq. On voit que le concile en était convaincu; par exemple, l’evêque de Badajoz fPuonsü) affirme sans être relève par personne : < Quand saint Paul dit aux Romains, c. m ct xv, que nous sommes justifiés per fidem, Il s’explique lui-même, il entend la foi actuelle ct non pas habituelle, > p. 32 L On peut ajouter avec Schmid que per fidem exprime un rapport dc causalité, qui existe vraiment entre Vacte de foi comme cause ct la justification comme effet : tandis que, le rapport entre Γhabitus fidei ct la gr.lce sanctifiante n’étant pas une relation de cause à effet, per fidem ne peut signifier cct habitus. Enfin, au membre de phrase qui dans le décret suit Immédiatement. gratis autem justificari ideo dicamur, etc., où cet expliqué le mot gratis de saint Paul, le concile entend par fides la foi qui tout en « précédant la justification, ne la m qui avait surtout mis ù contribution les travaux de Séripandus, général des augustius, voir p. 391, note, 418, note 13, sc rapproche beau­ coup plus du décret final dont il a déjà la structure générale, ct bien des parties telles quelles; il présente déjà en substance, nous l’avons vu, le second texte dc Trente, sur la nécessité de la foi, p. 423. Les théo­ logiens furent appelés à donner leur avis sur ccttc nouvelle rédaction, ct parmi eux Véga fit quelques remarques, mais qui ne touchent en rien au point dc la nécessité dc la foi, p. 431,438. Et comment Véga pourrait-il jeter un doute sur l’intention du concile? N’a-t-il pas au contraire attesté que le concile avait « défini · la thèse commune, ct qu’aucune < évasion » n’était sérieusement possible? Voir col. 1757. Quant à Dominique Soto, bien qu’il ait rétracté i une idée trop large sur la nécessité dc la foi, on objec­ tera peut-être qu’au moment où nous sommes il sc peut qu’il l’ait eue, n’ayant encore là-dessus ni rien écrit, ni rien rétracté. Soit : mais si grande qu’ait pu être son Influence sur les premiers travaux du concile, il n’en est pas dc même pour la session vi® sur la jus­ tification, ct surtout pour le point qui nous occupe. Vers la fin dc mai 1516, c’est-à-dire quand on en était encore à préparer la session v· sur le péché originel, Soto part pour Rome où il assiste au chapitre de son I ordre ct à l’élection d’un général; on ne le retrouve pas à Trente dans les diaircs jusqu’au 23août, Concil. Trid. t. v, p. 332, note 7,10G9. D’ailleurs, il ne parti­ cipe pas aux travaux des théologiens minores, mais siège au concile à la place dc son nouveau général ct en attendant sa venue, p. 412, note 3. Sa seule inter­ vention dans les débats sur la justification a lieu le 9 octobre, p. 491 ; cf. p. 673, note 16. 11 y propose quel­ ques amendements à la seconde forme du décret, mais rien qui touche à la nécessité do la foi, qui d’ailleurs ne fut pas discutée. Sans reprendre la parole, il remplace son général pour la dernière fois le 29 octobre, p. 631. Quand vient l’examen dc la troisième forme du décret, c’est le général des dominicains que l’on entend parler, Je 21 novembre, p. 660. 11 n’est déjà plus question dc Soto dans les diaircs dc Trente à partir du 11 novem­ bre; il est probablement à Venise, et la session sc clôt sans lui. Op. cit. Introduction, p. uv, note 1. La preuve tirée du concile dc Trente reste donc très sérieuse. Mais peut-on garantir qu’il ait oouîu définir la thèse ct créer ainsi l'obligation d’y donner un assentiment Intérieur ct très ferme ? Sauf meilleur avis, les textes conciliaires ne nous semblent pas assez clairs pour établir une telle volonté ct une telle obll- ' gation, une définition au sens rigoureux du mot, une définition certaine. 2· Le concile du Vatican. — On a voulu tirer une preuve de ce passage : Quonlntn vero sine fide Impossibile est placere Dco ct nd filiorum ejus consortium pervenire. Ideo nemini un­ quam sine illn contigit justi­ ficatio, nec ullus, nisi In en perseveraverit usque in finem, vitam rctcrnnm assequetur. Sess. m. c. in. DenzingerBannwart, n.1793. 1780 Comme 11 est Impossible, sans la fol, de plaire à Dieu ct d’être mis nu nombre do ses enfants, personne n’n ja­ mais obtenu la justification sans la fol, et, à moins d’j persévérer jusqu’à bi fin, personne n'obtiendra la vie éternelle. Le commencement dc la phrase est emprunté mot pour mot aux déclarations do Trente que nous venons d’examiner : aussi est-on porté dc prime abord à prendre cc texte au même sens que celui dc Trente; on aurait donc une nouvelle preuve en faveur dc la thèse commune. Ainsi l’avait pris un des Pères, qui, pour plus dc clarté, demanda que la phrase reçût cc léger développement : « Personne de ceux qui sont parvenus d l'age dc raison n’a jamais obtenu la justi llcation sans la foi, » etc. Et il ajoutait en faveur de son amendement : « On excepterait par là ceux qu’il faut excepter, les enfants ct les faibles d’esprit qui sont justifiés par le seul baptême sans connaître ni professer la foi. > Amendement 58e, dans la Collectio Laccnsis conciliorum, t. vu, col. 160. Mais l’évêque Martin de Paderborn, donnant son avis comme rap­ porteur sur la longue liste des amendements pro­ posés, pria le concile d’écarter celui-ci. Dans cet endroit dc notre schéma, dit-il, · il est question de la fol comme vertu, ct non pas dc la foi comme acte; or, comme nous le savons tous, la foi, vertu infuse, existe aussi dans les enfants baptisés, donnée par le sacrement dc baptême. · Ibid., col. 178. Et le vote dc la grande majorité du concile se conforma d’autant plus facilement à cet avis, que l’évêque de Paderborn était un des principaux auteurs du schéma, donc très compétent pour en Interpréter la pensée. 11 résulte dc ccs faits que la phrase du Vati­ can ne peut prouver notre thèse : elle parle d’autre chose. C’est la remarque dc Vacant, loc. cit., et dc Granderath, Constitutiones dogmatics... concilii Vail· cani ex ipsis ejus Actis explicata:, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 87. Le P. Pesch, qui avait paru prendre la phrase du Vatican comme preuve dc notre thèse, Prœleclioncs dogmaliac, 1898, t. vin, n. 432, p. 179, a retiré explicitement celte preuve dans sa 3e édit., 1910, n. 427, p. 198, ainsi que dans son Compendium. Reste à expliquer : a) comment il est arrivé qu’un texte du concile de Trente ait passé dans celui du Vatican avec un sens tout différent; et à) comment la preuve tirée du premier concile ne périt point par le fait du second. a) Franzelin avait préparé pour le concile un pre­ mier schéma De fide < contre les multiples erreurs dérivées du rationalisme, » travail profond et encore utile à consulter. Collectio Laccnsis, ibid., col. 507 sq., mais trop long, trop chargé dc matière ct d’érudition pour un décret conciliaire, ce qui le fit rejeter par le concile. On nomma Mgr Martin, évêque de Pader­ born, avec Mgr Pie, évêque de Poitiers, ct Mgr Dcchamps, évêque de Malines, pour tailler dans celte forêt touffue un nouveau schéma, que, de fait, sa briè­ veté substantielle ct son sens pratique firent voter par les Pères, après des amendements dc détail. Comme on l’avait promis, le nouveau schéma s’inspi­ rait dc l’ancien dans sa marche générale, souvent dans le détail nu me. C’est visible pour la question qui nous occupe. On connaît la méthode d’Hennes, chanoine dc Cologne: elle veut que les catholiques Instruits cl capables, destinés à enseigner les autres, appliquent à tous et à chacun de s dogmes un doute ayant quelque analogie avec le doute cartésien, mais pire parce qu’on n’en sortirait que par dc longues études. Voir t, vi, col. 2290 sq. Franzelin, dans son schema, rejetait 1781 INFIDÈLES ccttc méthode au nom d’un double devoir, imposé ù tout catholique, le devoir dc recevoir la vr.de fol, ct celui d’y persévérer ensuite perpétuellement : à la place de ccttc continuité, Hernies avait introduit un hiatus, ct même un long temps d’arrêt. Au parti herméslen qui répondait que ce double devoir est impos­ sible à la raison cultivée, Franzelin répliquait que Dieu le rend possible, soit par le secours extérieur des hommes qui dc sa part présentent la révélation, et des motifs dc crédibilité qu’il nous a donnés, soit par le secours intérieur dc sa grâce prévenante et adju­ vante. Citons une phrase : Ut autan haie ncexssariæ obligationi amplectendi Veram fidem ct in eadem cons­ tanter perseverandi hotnim t satisfacere valeant, Deus ipse, qui instat pnccepto, etiam praxurrit auxilio. Ibid., c. ix, coi. 511. Ainsi : a. Franzelin ne prend pas ici le mot « fol n au sens subject:!, acte ou vertu, le seul en question dans nos textes de Trente, mais à Vobjectij, où fides signifie simplement Vobjet, la matière dc nos actes dc foi, c’est-à-dire les dogmes, la révélation chrétienne ct catholique : · embrasser la vraie fol » ne peut avoir d’autre sens; « persévérer constamment dans la foi · ne veut pas dire qu’on en fasse constam­ ment des ac/cs,ccqui est impossible ct n’a jamais été commandé, mais que jamais on ne renie les dogmes dc foi, que jamais on ne les révoque en doute comme le faisait Hennés; c’est l’obéissance au précepte négaiij delà foi. Voir For,t. vi, col. 513. — b. Franzelin ne parle que dc < précepte », d’« obligation > : il ne traite donc que dc la nécessité de précepte, ct non pas, comme nos textes de Trente, dc la nécessité de moyen. — c. 11 ne fait aucune allusion aux paroles du concile dc Trente d’où nous tirons notre preuve. Denzinger-Bannwart, n. 799 ct 801. S’il renvoie en note à cc concile, c’çst à d'autres passages. S’il y relève un endroit où il est question de la vertu infuse de foi, ibid., n. 800, c’est toujours en vue du même but. Hermès exigeait des catholiques les memes doutes que ceux-ci permettent aux hérétiques cherchant la vérité; il voulait .les faire tous passer sous le même niveau, ù la grande Joie dc rindlflércntisme ct du libéralisme. Franzelin établit la différence profonde des deux situations : par exemple, le catholique croyant à des dogmes vraiment révélés a dans son acte une surnaturalité intime provenant dc la vertu infuse dc foi, que n’a point l’hérétique, même baptisé ct dc bonne foi, quand il adhère aux opinions purement humaines qu’on lui n enseignées : c’est une raison dc condamner le doute dans le premier cas. comme déplacé ct nuisible, ct de le permettre dans l’autre, où le même inconvénient ne peut pas exister. Venons au second schéma, ct comparons-lc au premier sur le chapitre de la foi. On y a conservé la marche, les idées ct même beaucoup d’expressions dc Franzelin. Mais ù l’endroit où il parlait de la néces­ sité dc la foi, on a cru bien faire d’insérer les textes dc Trente qu’il s’était abstenu dc citer, ceux qui prouvent la thèse présente où nous sommes. Dc là. dans le concile du Vatican, ccs paroles : « Sans la foi, H est impossible... dc parvenir à la participation dc la qualité d’enfants dc Dieu, » ad filiorum ejus consortium pervenire (Trente, dans Denzinger-Bannwart, n. 801); nemini unquam sine illa contigit justificatio (Trente, ibid., η. 799). Ces deux membres dc phrase, en sortant dc leur propre cadre, qu’ils avaient à Trente, pour entrer dans un cadre tout dilTerent (Denzinger-Bann wart. n. 1793), y ont perdu leur sens propre, il n’en est pas dc meme dc la fin dc ccttc phrase du Vatican : nec ullus, etc. C’est une allusion transparente ù un autre passage un peu long du concile dc Trente, celui que Franzelin avait cité pour prouver contre 1 Icrmès le soin jaloux avec lequel les catholiques doivent per­ sévérer continuellement jusqu’à la lin dans leur fol 1782 aux dogmes révélés. Voici l’essentiel de cc texte de Trente : « Dans la justification elle-même, l’homme reçoit... ces trois choses infuses ensemble, la foi, l’espérance et la charité... C'est cette foi qu’avant dc recevoir le sacrement du baptême, les catéchumènes » (ayant déjà reçu le Credo ct fait Vacte de foi) < deman­ dent à l’Églisc, par une tradition qui remonte aux apôtres, quand Ils demandent la fol, qui donne la vie éternelle, co que la fol ne peut faire que dans son union avec l’espérance ct la charité. » 11 y a là une évidente allusion au rituel romain, où le prêtre, dans le bap­ tême des adultes, dit aux catéchumènes : « Que venezvous demander a l’Églisc de Dieu? » Réponse : < La foi · — « La fol, que vous donne-t-elle? » - Réponse : < La vie étemelle. > Dans le baptême des nouveau-nés, mêmes questions du prêtre, mêmes réponses faites par le parrain. La foi dont il est ici question ne peut être que la vertu infuse de foi, soit parce que le concile dc Trente l’explique ainsi, nous venons de le voir, soit parce qu’étant donnée par le sacrement, elle se distingue des actes de foi qui ont disposé l'adulte au sacrement, soit parce que le baptême la confère aux enfants eux-mêmes. Voir Foi,t. vi,col. 367. Reprenons notre texte de Trente; il s’achève ainsi : « Cette jus­ tice (ou sainteté) chrétienne et véritable, rendue aux baptisés à la place dc la première robe (dc justice originelle) qu*Adam a perdue pour lui et pour nous, les néophytes, en qui clic est restaurée par le don du Christ, reçoivent aussitôt l’ordre de la consente blanche ct immaculée pour la porter jusqu’au tri­ bunal dc Notre-Seigneur Jesus-Christ, et avoir la vie étemelle, w Denzinger-Bannwart, n. 800. Nouvelle allusion aux cérémonies du baptême, où cette robe d’innocence et de sainteté, rendue par le Sauveur, est symbolisée non seulement par la robe blanche que l’on donne à l’adulte, mais encore par le petit linge blanc qui la remplace sur la tête dc l’enfant baptisé, avec ces paroles du rituel : ■ Reçois cc vêtement blanc, ct porlc-lc immaculé jusqu’au tribunal dc NotreSeigneur Jésus-Christ pour avoir la vie éternelle. » C’est donc cc long passage du concile dc Trente qui constitue l’idée dominante dc la phrase du Vatican, dont voici le trait final : < Et personne, s’il ne persé­ vère dans la foi (après le baptême) jusqu’à la lin, n’obtiendra la vie étemelle. » Denzinger-Bannwart n. 1793. Cc trait final, ainsi que la double source qu’il avait dans le concile de Trente ct le rituel romain, autorisait l’évêque de Paderborn, rapporteur, à affir­ mer, comme nous l’avons vu, que dans la phrase du Vatican il n’est pas question dc la foi comme acte, mais comme vertu Infuse existant même dans les enfants baptisés. Et l’on comprend quelc concile, par son vote, ait simplement approuvé cette manière dc voir, sans sc préoccuper d’examiner si le début de la phrase prenait d'autres paroles de Trente dans leur sens réel. b) Mais le doute ne retombe-t-il pas sur notre expli cation des premiers textes dc Trente, étant donné l’emprunt qu’en a fait, à son début, la phrase du Vatican? Non, car — a. historiquement, le sens des déclarations dc Trente doit être cherché, comme nous l’avons fait, dans le contexte et les Actes de Trente, ct non pas dans les Actes d’un concile postérieur. — b. Si le concile du Vatican, faisant appel à son magistère suprême, avait rendu un jugement solen­ nel et obligatoire sur le vrai sens de telle asser­ tion du concile de Trente, tout catholique devrait acquiescer à cc jugement : mais au Vatican rien de tel n’a eu lieu. — c. Un concile peut emprunter à un autre plus ancien une phrase, ct l’accommoder à sa propre Idee si elle en est matériellement susceptible, de même qu’il prend parfois une phrase dc l’Écriture dans un sens accommodatlce, et la fond dans son texte à lui, sans prétendre déclarer par là le sens lit- 1783 INFIDÈLES 1784 téral de ccs mots dans l’Écriture elle-même. — d. éloignée >, surtout avec une telle profusion d’actes Dans l’emprunt verbal qu’ils font au concile de Trente, surnaturels; voilà un argument négatif qui n’est pas les Pères du Vatican, s’abstiennent même de nommer sans valeur. — b) Saint Augustin fournit la base d’un ce concile : comment rendraient-ils un jugement I argument positif : Les oeuvres conformée à la loi solennel sur le sens d’une phrase de Trente?— e. A naturelle, dit-il, faites par les infidèles avant de con­ supposer même qu’ils aient voulu faire de l’autorité du naître la révélation et de se convertir à la fol propreconcile de Trente une sorte de preuve pour le sens mcntditc,n’ontaucune valeur devant Dieu, ne mènent différent qu’ils ont donné A scs paroles, comme si pas à lui. Comment donc Desjardins peut-il en faire c’était le sens réel, cela non plus ne prouverait rien, des actes aussi surnaturels que possible, et de véri­ car les conciles, pas plus que les papes, ne sont infail­ tables « dispositions », bien qu’éloignées, ci la foi stricte; libles dans le choix des preuves dont ils sc servent, i ou même un < moyen extraordinaire » remplaçant la Voir Conciles, t. ni, col. 667; Infaillibilité du.' foi stricte, et menant sans elle à la justification, en pape, col. 17< *2. I cas d’ignorance invincible de l’Évangile? Ibid , p. 353. Peu après le concile du Vatican, un partisan dévoué Voici le texte du docteur de *a grâce, contredisant do Ripalda, le P. Desjardins, S. J., attaquait la preuve formellement l’hypothèse de Ripalda : < Ccs œuvres, tirée du concile de Trente pour la thèse commune. que ’on dit précéder la foi, quelque louables qu’elles Dans la Revue des sciences ecclésiastiques, avril 1872, semblent aux hommes, sont vides, inania. Je les com­ t. xxv, p. 316-352. Il y entremêlait d’autres difficultés parerais à une grande dépense de forces et vitesse de plus ou moins spécieuses. Voici celles de scs objections course, mais en dehors du bon chemin, prreter viam. qui n’ont pas de solution suffisante dans ce que nous Que personne donc ne compte ses bonnes œuvres avant avons dit. la foi; où la foi manquait,il n’y avaitpolnt d’œuvre lr* objection. — Dans ces paroles de Trente : Fides bonne. » In psal. xxxi, n. 1, P. L., t. xxxvi, col. 259. est humante salutis inilium, si vous entendez « que Rappelons que cette négation à'auvre banne sc rap­ l’acte formel, strict de foi, est le premier acte dans porte à la bonté théologique, la seule envisagée d’ordi l’ordre surnaturel,,., et au sens absolu le commence­ nairc par Augustin. Voir sa controverse avec Julien ment du salut, » la conséquence sera qu’il faudra sur les in fidèles co. 1741. Les meilleures œuvres avant retrancher de « la série des actes surnaturels »la volonté la foi manquent absolument de bonté théologique et de croire qui le précède, et, à plus forte raisonnes exci­ sont en dehors du bon chemin, parce qu’elles ne con­ tations de la grâce qui préviennent cette volonté, duisent pas positivement à la justification, ni par suite d’après le concile, c. v et vi, Denzigcr-Bannwart, au salut; le saint docteur va même jusqu’à donner à n. 797, 798. — Réponse, — Nous nions cette consé­ ces œuvres manquant le but le nom de · péché », quence, L’acte de foi stricte est ainsi appelé, parce C’est saint Thomas qui nous a fourni les expres­ qu’il demande une révélation divine, et par là s’oppose sions mêmes de bonté philosophique et de bonté à la foi large. Mais comme il doit être libre, il inclut théologique, quand il distingue 1’ < acte bon suivant nécessairement une libre volonté ou volition de croire, le philosophe » et l’acte bon suivant « le théologien, n surnaturelle et salutaire d’après les documents anti- Quast.disp.,deveritate,q.xiv,a. 3.—c) Saint Augustin pélagicns; et cette volition doit être prévenue par reconnaît, surtout chez les infidèles, V existence d’actes la grâce excitante, surnaturelle aussi, d’après les louables, mais purement naturels. Donc il contredit mêmes documents, le concile de Trente, ibid., et l'hypothèse de Ripalda, que, chez les infidèles, tout celuidu Vatican, c. m,n. 1791. L’objection entend mal acte humain qui n’est point péché, est surnaturel. Voici Pacte de foi stricte, et le confond avec sa partie pure­ le texte : < Il y a un amour du prochain (c’est ici le sens ment intellectuelle. C’est sans doute la partie princi­ du mot caritas) qui est divin (surnaturel), et un autre pale, puisque le reste lui est subordonné : c’est pour qui est humain (naturel); celui-ci sc subdivise en obtenir cette fol intellectuelle, que la grâce prévient licite et illicite. Celui que j’appelle licite est non seu­ et que la volonté commande. Mais le principal n’est lement permis, mais réclamé sous peine de blâme. pas tout; on ne peut supprimer les autres éléments Qu’il vous soit donc permis d’aimer d’un amour essentiels, ni leur enlever leur surnaturalité; on nous humain vos épouses, vos fils, vos amis, vos conci­ accuse faussement de le faire. Voir Foi, col. 359-362. toyens. Mais vous voyez bien qu’un tel amour peut 2° objection, — SI vous admettez dans la série des sc trouver même chez les Impies, c’est-à-dirc les païens, actes surnaturels les excitations de la grâce agissant I les juifs, les hérétiques. » Semi., cxcxlix, n. 1, P. L., immédiatement sur la volonté de croire et sur la foi à la t. xxxix, col. 1529. Pour d’autres textes augustinieni révélation, pourquoi ne pas y admettre aussi les bonnes reconnaissant l'honnêteté naturelle chez les infidèles, pensées et affections excitant longtemps auparavant la voir Pesch, Pralcctiones, 2· édit., t. v, n. 136, p. 75.— volonté de l’infidèle à bien faire, pourvu qu'alors la d) I.a bulle Auctorem jidei cite cc passage de saint faculté soit élevée comme Ripalda le suppose? Pour­ Augustin, et reproche au synode Janséniste de ne pas quoi dire avec · Suarez et Lugo... que la première reconnaître l’existence < d'affections moyennes, pro grâce surnaturelle date du moment où l’adulte entend venant de la nature même, et louables de leur nature. >· la prédication de l'Évangile, ce qui est précisément « Denzinger-Bannwart, n. 1521. Moyennes ou < tenant en question? Pour nous, il nous semble qu’il est permis le milieu », affectas medil ; le milieu entre une œuvre de faire remonter plus haut ces excitations de la grâce surnaturelle comme celle de la charité thcologiquc, et et ce réveil de l’âme... (Dans) tout infidèle qui observe une œuvre illicite. Ripalda, comme les jansénistes, fidèlement les prescriptions de la loi naturelle, les nie l'existence de ce milieu, proclamée pnr Augustin bonnes œuvres qu’il fait alors n’appartlenncnt-cllcs et par la bulle; mais il ne le nie pas en vertu des prin­ pas â la préparation, au moins éloignée, à la foi? » Ibid., cipes jansénistes, que la nature humaine a été totale­ p. 351. — Réponse, — L’opinion commune, avec Sua- ' ment corrompue par le péché originel, et qu’aux Infi­ rez, Lugo, etc., a un excellent ensemble de raisons I dèles nulle grâcedu Christ n’arrive, bien au contraire; pour ne pas admettre une telle extension de la prépa­ aussi nous n’appliquerons pas nu célèbre théologien la note ici donnée par Pic VI : « proposition fausse, ration surnaturelle à la justification. — a) Pour le concile de Trente, la < grâce prévenante excitante » déjà condamnée >. Il reste cependant une preuve est le · commencement, exordium, de la justification sérieuse contre lui dans cc passage de la bulle, — des adultes », Denzingcr, n. 797 ; et il s’agit de la grâce e) Saint Thomm admet également des actes d’une bonté qui excite prochainement à l’acte de foi stricte. Ibid., naturelle chez les Infidèles, même infidèles positifs, n. 798. Le concile ne connaît pas votre* préparation l c’est-à-dirc coupables du péché mortel d’infidélité »; 1785 INFIDELES a fortiori chez les négatifs, objet de notre étude, qui peuvent avoir d’autres péchés graves mais pas celuilà. Il en donne ainsi la raison ; · Le péché mortel sup­ prime la grâce sanctifiante, mais ne corrompt pas entièrement la nature en cc qu’elle a de bicn(moral)... (Lesin fidèles) peuvent donc, dans une certaine mesure, faire des actes bons, ce qui reste de bien dans leur nature suffisant Λ les produire. Donc, il n’y a nulle nécessité pour eux de pécher dans toutes leurs œuvres. » Sum. theol., II· H1', q. x, îl 4. Il sc pose celte objection : • C’est la foi qui dirige l’intention ; mais sans Intention bien dirigée, pas de bonne action; donc pas de bonne action sans la foi. > il répond : « La fol dirige l’inten­ tion par rapport à la fin dernière surnaturelle: mais la lumière de la raison naturelle peut aussi diriger l’intention quand II s’agit d’une bonne action natu­ relle. » J bid., ad 2ara. Saint Thomas reconnaît donc chez les infidèles une action naturelle et bonne, tenant par conséquent le milieu entre l’acte surnaturel cl le péché. Dira-t-on qu’alllcurs il soutient ceci : il n’y a pas de milieu entre le péché et l’acte surnaturel méri­ toire pour le ciel? Nous répondrons que cette autre assertion du saint docteur, bien probable du reste, sans être certaine, ne regarde pas les infidèles, qui ne peuvent mériter ni le ciel, ni même la justification (don gratuit), mais regarde ceux qui certainement sont les seuls à pouvoir mériter le ciel, c’est-à-dirc les justes. Voir Mérite. 3· objection. — Un fait du Nouveau Testament prouve qu’un infidèle peut atteindre la justification sans passer par la révélation et la foi stricte. Quand il adorait le vrai Dieu avec toute sa maison, et lui était agréable dans scs prières et scs aumônes, Act., x, 1-1, le centurion Corneille « ne soupçonnait même pas l’existence d’une révélation positive. » Desjardins, ibid.,p. 351. — Réponse.—a) Une telle ignorance, qui n’est point dans le texte des Actes, est invraisemblable dans unrhomme préoccupé de religion, vivant en ami au milieu des juifs, et auquel «toute la nation juive ren­ dait témoignage », >' 22, surtout si l’on sc rappelle l’usage fréquent et même extérieur que les juifs fai­ saient de la Bible, — b) Saint Thomas répond à cette difficulté, et cela en affirmant nettement la thèse commune : « Corneille n’était pas infidèle : autre­ ment sa conduite n’aurait pas été agréable à Dieu, à qui personne ne peut plaire sans la foi. Il avait la fol implicite (en Jésus-Christ); la vérité del* Évangile ne lui avait pas encore été manifestée. Pierre lui est envoyé pour l’inslnilre plus pleinement de la foi. » Ibid., ad 3’un. fe objection. — Si la phrase de Trente : Fides esthumanæ salutis initium... c. νιπ,η. 801, devait s’entendre de la fol stricte, « on ne volt pas, dit le P. Desjardins, comment le pape Clément XI aurait pu condamner dans la bulle Unigenitus la 27· proposition de Quesncl : Fides est prima gratia et fons omnium aliarum (Denzinger-Bannwart, n 1377). Cette proposition, en eflet, ne serait que la reproduction de la doctrine du concile. » Ibid., p. 350.— Réponse. — Voilà un moyen bien commode de nous arracher la preuve que nous tirons de cette phrase de Trente; bien commode, parce qu’il dispense d’étudier le contexte et les actes du concile, comme nous l’avons fait. On procède a priori: cette phrase de Trente ne peut pas dire de fil fol stricte qu’elle est le commencement du salut, parce qu’alors le concile parlerait comme Qucsnel, condamné par Clément XI. Mais, qu’est-ce que le Saint-Siège n voulu condamner dans la proposition que vous citez? Que voulait dire Qucsnel? C'est là le point. Desjardins répond encore a priori : Qucsnel voulait dire que l’acte intellectuel de foi est le premier acte surnaturel dans l’infidèle qui sc convertit, le premier dû à la grâce, prima gratia, que par conséquent les actes requis pour 1786 la foi, qui doivent précéder, « comme la volonté qui commande l’adhésion de l’intelligence, ne seraient pas des actes surnaturels. » — a) Cette hypothèse sur l’erreur de Qucsnel confond l’acte de foi stricte, pris au complet, avec sa partie purement intellectuelle. Voir réponse à la F· objection. — b) Quelques auteurs avaient déjà hasardé sur le sens de Qucsnel quelque chose d’approchant : avant la fol (volontaire et intel­ lectuelle) Qucsnel entendait,d’après eux, « nier toute grâce prévenante ». O serait donc, tout simplement, le semi-pélagianisme, tant combattu par Augustin, qui dit par exemple : « 1-a grâce prévient donc la fol elle-même, > etc. De dono perseverantlæ, n. 41, P. L., I. xlv, col. 1018. Ce serait le semi-pélagianisme con­ damné au concile d’Orange, can. 7, Dcnzinger.n. 180, et anathématisé à Trente, sess. vi, can. 3, ibid., η. 813. On trouve cette interprétation de Qucsnel, avec d’autres considérations meilleures, dans un ouvrage anonyme en 4 In-fol., Clementis XI constitutio Uni­ genitus theologice propugnata, Rome, 1717; réimpres sion de Dillingen, 1720, t. i, p. 219 sq. Mais il est invraisemblable qu’un ennemi aussi déclaré des semipélagiens, ait versé dans une erreur de cc genre. Et Quesncl ne dit-il pas lui-mème : · La volonté que la grâce ne prévient point n’a de lumières que pour s’éga­ rer, d’ardeur que pour se précipiter, de force que pour se blesser, capable de tout mal, impuissante à tout bien? » Propos. 39, ibid., n. 1389. — c) Disons plutôt que dans les infidèles qui n’ont pas reçu cc que nous appelons la « vocation prochaine à la foi»,c’est-à-dtre la présentation de hr révélation divine et de sa cré­ dibilité, avec la grâce intérieure prévenante et incli­ nant à croire, voir col. 1735, Qucsnel, comme les jansé­ nistes précédents,niait absolument tout secours :non seulement le secours d’ordre proprement surnaturel que leur attribue Ripalda, et qui rendrait surnaturels tous leurs actes bons, mais encore tout secours infe­ rieur, soit d’ordre préternaturel, soit d’une providence spéciale. Car la thèse Janséniste veut que ccs infidèles ne puissent éviter le péché dans aucune de leurs œuvres, c’est la S· proposition condamnée en 1G90. Denzinger, n. 1298. Voir Alexandre VIII, t. i, col. 754. Elle veut aussi que ccs péchés leur méritent l’enfer, puisque le manque de liberté personnelle pour les éviter, ou l’ignorance invincible, ne les excuse pas, et que ccs péchés leur sont suffisamment libres et imputables à cause de la libre faute originelle d'Adam leur père, dont ccs péchés sont la suite inévitable pour eux. Ibid., col. 752. Or cette théorie barbare suppose nécessai­ rement deux choses, quand elle retuse à ccs malheu­ reux et tout acte bon et tout secours divin qui leur évite l’enfer, ou le leur diminue. La première, c’est que le péché originel a tellement corrompu la nature morale de l’homme, qu’elle est devenue incapable de toute bonne action, même simplement honnête. La seconde, c’est que le Christ, en relevant par les mérites de sa passion la nature tombée, n laissé absolument de côté les in fidèles; chose non moins nécessaire à la théo rie janséniste, que la première : car une totale corrup­ tion de la nature humaine par le péché originel n’empê­ cherait pourtant pas de bonnes actions chez les infi­ dèles, si, pour éclairer leur intelligence et fortifier leur volonté, tout infidèle (et non pas seulement les élus parmi eux) recevait quelque miette, quelque parcelle des secours mérités par le Christ. Mais ceci renverse­ rait la 5· proposition de Jansénius : « Il est seml-pélaglcn de dire que le Christ est mort absolument pour tous les hommes. » Denzinger-Bannwart. n. 1096. Et la 32e de Qucsnel : « Jésus s’est livré û la mort afin de délivrer pour jamais les atnés, c’est-à-dirc les élus, de la main de l’ange exterminateur. » D’où les jansé­ nistes concluaient que · les païens, les juifs, les héré­ tiques ne reçoivent absolument aucune influence de ■ 1788 Jésus-Christ; leur volonté est nue ct désarmée, sans aucune grâce su (lisante. » Voir Alexandhk XIII, t. r, col. 753. Et In 30· proposition dc Qucsncl, que nous venons do citer dans son texte original français, nous dépeint avec une dureté élégante cc lamentable état des Infidèles, abandonnés sans aucun secours de la grâce à leur nature qui « n’a dc lumière que pour •’égarer, d’ardeur que pour sc précipiter, de force que pour se blesser », jusqu’à cc que v.ennc, ou ne vienne pas, la vocation prochaine Λ la fol, la grâce prévenante qui en les poussant à Pacte dc foi peut seule les tirer dc leur état d’infidèles, mais qui n’est donnée qu’à des élus parmi eux. Nous trouvons du reste l’origine dc ccttc erreur dc Qucsncl, ct son explication authentique, dans le livre fameux qui est à la base de toute sa doctrine, dans V Augustinus dc Jansénius. — a. · Il y a, affirme ce maître dc Quesnel, des commandements de Dieu qui sont impossibles dans l’état présent dc leurs forces aux Infidèles, ct même ( aux autres)... Et ils ne reçoivent point dc grâces qui les rendent possibles... Et la diffi­ culté d’accomplir ces commandements ne vient pas dc cc que l’action dc les accomplir doive être surnatu­ relle, ou méritoire, choses qui ne sont jamais venues Λ la pensée d’Augustin : mais de cc que les forces dc la volonté sont infirmes, à cause dc la concupiscence qui détourne de vouloir le bien. » A ugustinus, Rouen, 1643, L nr, De gratia Salvatoris, I. 111, c. xm, p. 138. Quand saint Augustin parle du manque de forces de la nature humaine, il n’est donc jamais question, selon Jansé­ nius, de r.on Impuissance à agir surnaturellement. Com­ ment donc l’erreur dc Qucsncl consisterait-elle à mettre l’acte dc fol le premier parmi « les actes surna­ turels », ainsi que Desjardins interprète cello erreur? Non, Qucsncl, pas plus que Jansénius, ne se souciait de ce que la théologie appelle par excellence les « actes surnaturels », ni d’assigner à la fol stricte, dont iis parlaient, son rang dans la série dc ces actes. — à. Aussi Jansénius, visant un autre ennemi plus dan­ gereux, dit-il dans le titre même dc son chapitre pré­ cédent : « Les Infidèles n’ont point dc grâce suffisante d’ordre naturel. ■ Ibid., p. 133. c. Et au c. xi, où il aborde la question des Infidèles ct cc qu’en ont dit les théologiens, il écarte d’abord ■ quelques scolastiques n qui ont supposé chez les In fidèles dans tout le courant dc leur vie (au moins dc temps à autre) une grâce qui suffise à obtenir actuellement la Justification, clef du salut. · Un tel secours, dit Jansénius avec raison, sup­ pose-mit qu*alors Ils peuvent croire; mais personne ne le peut si on ne lui a proposé ce qu’il faut croire, ni •tins quelque excitation surnaturelle dc la volonté · (Il entend < surnaturelle · en un sens vague ct géné­ ral) « Or, il est téméraire dc supposer chez tous les infidèles un tel genre dc secours... Aussi l’on admet facilement en théologie que le secours suffisant pour le salut n’est pas toujours actuellement à leur dispos! tlon, semper prasto (n adu, mais seulement en leur puissance ou prochaine ou éloignée. Ils reçoivent au moins le pouvoir de ne pas mettre obstacle, par leurs péchés, à la vocation divine; s’ils en usaient, sans aucun doute ils recevraient cette vocation ultérieure; mais s’ils pèchent, Ils sc rendent incapables d’une grâce plus sublime. Car un tel secours pour éviter le péché, presque tous (les théologiens) sont d’accord pour le reconnaître chez les infidèles eux-mêmes : sans cela (pensent-Ils) le péché ne saurait leur être imputé ». Puis Jansénius mentionne sommairement les diverses explications que les auteurs donnent d’un tel secours, avec réfé renées marginales à Vasquez, à Suarez, à Bellannln, Nous avons déjà traduit plus haut cc passage où Ton volt dans Jansénius une négation radicale de tout secours chez les Infidèles; d’où II conclut leur i impossibilité absolue d’éviter le péché dans un seul dc leurs actes, résumant le tout dans ccs quatre mots ; h ides est prima gratia. Voir col. 1 733. Et voilà l’origine évidente dc la 27· proposition dc Qucsncl dont il s’agit maintenant, et son vrai sens. Ajoutons une conclu­ sion que Jansénius tire vers la fin du chapitre : < Donc les infidèles, avant de recevoir la foi. n’ont absolu­ ment aucune grâce suffisante.... par laquelle Ils puis sent bien vivre, ou observer la loi naturelle, ou éviter les péchés. Car d’après les principes d’Augustin, la fol est la première grâce. » Ibid., p 132. Quant à saint Augustin, après tout ce que nous avons cité dc lui, nous ne voyons qu'un moyen de con ciller scs apparentes contradictions sur les infidèles et dc répondre victorieusement à Jansénius ct à Qucsncl, en deux points. — l9t point. — Si vous prenez l’infidèle avant l’acte dc foi stricte, ou plutôt, avant les éléments dont cet acte exige nécessairement d’être précédé, grâce extérieure de la révélation (suffisamment pro­ posée), secours intérieur dc la grâce excitante, etc., alors les œuvres dc l'infidèle, quelle que soit leur bonté morale, ne conduisent pas au but, c’cst-à-dirc à la justification, qui mène au salut ; elles ne sont qu’œuvres dc la nature, et par suite ne sont point salutaires. Voir 2· objection, col. 1783. Ainsi la fol est le premier acte salutaire, ou, comme parle le concile dc Trente, la première disposition à la justification, V initium salutis, le fundamentum justificationis : par suite elle est le premier des actes « Intrinsèquement » surna­ turels, surnaturels dans leur essence même, dans leur entité subjective, quoad substantiam (actus); genre dc sumaluralité reconnu dans certains actes par la grande majorité des théologiens, bien qu* Augustin n'entre pas encore dans la distinction nette des genres dc surnaiuralllé, réservée nu développement théolo­ gique; mais, quand Augustin simplement se tail, Jan­ sénius a tort dc nier. — point. — D'autre part, avant la fol ct ses présupposés, le docteur de la grâce n'exclut pas un genre inférieur dc secours divin qui fait éviter Je pêché en empêchant de le commettre. Au contraire, nous voyons qu’Augustin admet un tel genre dc secours, dont souvent le bénéficiaire ne s’aperçoit pas. Il apostrophe en ccs tenues celui qui sc vante dc n’avoir pas fait dc grands péchés avant sa conversion à la foi : < Tu n'as pas été adultère dans ta vie passée si pleine d'ignorance, quand tu n’étais pas encore illuminé (baptisé), quand tu discernais si peu le bien du mal, quand tu ne croyais pas encore en Dieu (tout cela désigne clairement Vital ιΓ infidélité) : mais c'est Lui qui dirigeait ta vie à ton insu. Écoule ce que dit ton Dieu : C'est mol qui te dirigeais, te conservais pour mol. Si lu n'as point commis d’adul 1ère, c'cst qu'il t'a manqué une invitation criminelle : qui l’a fait manquer? c’est moi. Ou bien, le temps, lo lieu t’a manqué : c'est grâce à mol (la Providence dispose à son gré les circonstances dc temps, dc lieu, etc.). Peut-être l’invitation, le lieu ct le temps n’ont pus manqué ; mais alors je t’a! cfTrnyé pour t'empêcher dc consentir. Reconnais donc la grâce du protecteur à qui tu dois dc n’avoir point péché. La gratitude, que me doit celui à qui j'ai pardonné sous tes yeux dc grands crimes, tu me la dois aussi pour t’avoir empêché d'en commettre. »Serm., χαχ,η. 6, P. Λ.» t. xxxvm, col. 598. Voir Augustin, t. ï, col. 2392. Cct te espèce dc secours, bel exemple des faveurs spéciales dc la Provi­ dence, rentre dans I’ciim inble dc grâces défendues par Augustin contre les pélnglcns ct scmi-pélagicns, tous très hostiles à toute faveur dc Dieu faite à l'un plutôt qu’à l’autre. Voir solution pélagleinic, col. 1740. Une autre espèce de secours, inférieur à la grâce qui engendre des acte·. Intrinsèquement surnaturels, vise à faire produire à l’infidèle un acte moralement bon, purement naturel en lui-même, mais ayant dans son origine une sorte dc surnaturaliti Quand Julien exalte les actes 1789 infideles vertueux du paganisme, tout en les avouant « sté­ riles », Augustin, entre autres reserves qu’il fait, lui dit qu’il devrait du moins attribuer ccs actes à un don divin, à une grâce; ct ccttc grâce n’est pas celle des actes salutaires, puisque ces actes « stériles » ne conduisent ni à la justification, ni par conséquent au ciel. Pour les textes, voir Augustin, 1.1, col. 2387; cf. cc que nous avons dit de sa controverse avec Julien, col. 1711. Les théologiens ont suggéré diverses formes de ccttc espèce de secours, qui, luttant contre les ten­ tations, fait produire un acte bon dans les circon­ stances où celui-ci serait quasi impossible, sans tou­ tefois élever la faculté ù produire un acte intrinsèque­ ment surnaturel. Il y n l’apparition soudaine, dans l’intelligence, d’un objet capable d’éveiller des senti­ ments puissants pour empêcher la volonté dc consentir au mal, nu moment où l’âme, entraînée par les pas­ sions ct les sens, est froide ct insensible aux considé­ rations religieuses; l’objet est présenté par une espèce de miracle en dehors de toutes les associations d’idées ct dc toutes les lois psychologiques, ou avec une extrême Intensité que les causes naturelles n’expli­ quent pas. Dans le passage dc tout à l’heure, Augustin semble indiquer à la fin ccttc forme dc secours, quand Il dit : · Je l’ai cfTrayé, pour t’empêcher de consentir. · Une autre forme, c’est la communication directe dc force à la volonté, sans passer par rintclllgcnce· Nul n’ignore qu’il y a plus dc force dc caractère dans un homme que dans un autre; ct dans un même homme la volonté, par des efforts souvent répétés, peut acqué­ rir dc l’énergie à la longue. Mais le Tout-Puissant, lui, peut en une seconde mettre dans une âme une énergie indomptable, comme il l’a fait d’une manière durable pour scs apôtres, le jour dc la Pentecôte; dans notre cas il peut suffire d’un surplus passager d’énergie, pour obtenir un acte dc ferme résistance, ct empêcher ainsi la chute qui menaçait. Dans ccs dernières formes, l’acte humain comporte un élément qui surpasse les forces ct les exigences dc la nature humaine, donc « surnaturel » en un sens générât Que cct acte, naturel en lui-même, soit appelé « surnaturel quoad modum », ou · préternaturel », ou · extrinsèquement surnaturel », Il implique dans le mode dc son origine quelque chose dc miraculeux, ct sc distingue par là soit de l’acte purement humain, fait avec le concours ordinaire cl naturel dc Dieu, soit de l’acte surnaturel quoad sub­ stantiam. Il n’a donc pas simplement, comme on le dit parfois, une dénomination dc surnaturallté, tirée dc la vocation éloignée qu'a tout homme ù la lin sur­ naturelle, dans l’ordre présent. La grâce surnaturelle quoad modum. Intermédiaire entre le concours ordinaire ct naturel dc Dieu, d’une part, ct la plus haute grâce dont il nous assiste ici-bas, d’autre part, était presque communément admise autrefois par les théologiens, non seulement comme une possibilité, mais encore comme un fait, sans lequel on ne peut expliquer, par exemple, le secours certai­ nement donné parfois aux Infidèles avant leur voca­ tion prochaine à la fol. Quelques théologiens aujour­ d’hui, sans en nier la possibilité, ne veulent pas l’ad­ mettre en /ait dans la providence actuelle, ct, comme Bipalda, la remplacent par la grâce surnaturelle quoad substantiam, qui serait dc fait la grâce unique­ ment donnée aux infidèles comme aux autres. Voici leurs raisons : a. Il semble que la grâce surnaturelle quoad modum n’ait aucun fondement dans l’Écriture ou la tradition, ct qu’elle ait été inventée par ceux qui, comme Suarez, répugnent ù admet tre dans le sujet (ayant besoin de grâce pour connaître ou aimer) une grâce surnaturelle quoad substantiam, quand l'objet â connaître ou Λ aimer n’a rien en lui que de naturel; alors, ne voulant pas d'ailleurs le laisser sans aucune grâce, ils lui ont décerné une grâce surnaturelle quoad 1790 modum. Telle est la pensée du cardinal Billot, De gratia Christi, Prato, 1912, th. il, p. 70 (édit, de Home, 1908, p. GG). — Réponse, — Nous sacrifions volontiers au docte cardinal ccttc opinion dc Suarez ct autres auteurs, suivie aujourd'hui encore par plu sieurs; voir cc que nous en avons d t, à propos de Bipalda qui n’a pas tort dc s’en écarter, col. 1765. Mais le grâce surnaturelle quoad modum n’est pas une créa­ tion dc théologiens pour les besoins d’une opinion contestable : elle a une base dans la tradition. Elle suit dc la réunion dc deux faits traditionnels. /ait, ou groupe de faits, établi plus haut : saint Augustin refuse absolument toute influence positive» pour la justification comme pour le salut, aux meilleures œuvres des infidèles apanl la jot stricte, cc qu’il ne pourrait faire s’il les regardait comme intrinsèquement surnaturelles; ct avec Augustin le concile dc Trente dit dc la fol stricte, qu’elle est pour l’homme le com menccment du salut, la première disposition à la jus­ tification, le fondement de toute justification. 2· fait. Cc n'est pas assez, aux yeux dc l’Église, pour nous opposer aux jansénistes, d’admettre que la nature, n’étant pas totalement corrompue par le péché ori­ ginel, peut faire par scs propres forces ct sans celles dc la grâce quelques œuvres moralement bonnes, au moins en matière assez facile. Alexandre V111 a con­ damné chez ccs sectaires une autre erreur (5· propo­ sition), atteignant directement les Infidèles, ct leur refusant absolument toute grâce pour les fortifier contre le mal. Et en cflet Jansénius, dans sqp Augustinus, leur refusait en propres tenues · avant la connaissance dc la révélation ct la vocation prochaine à In foi, pour éviter le péché, tout secours surnaturel, même quoad modum », en sorte que leur volonté resterait « nue et désarmée, ct sans aucune influence du Christ », comme le dit la proposition condammc. Du reste, si l’on y tient, le secours surnaturel leur sera mesuré avec par­ cimonie, il ne les mettra pas à même d’éviter long­ temps tout péché grave, ct de vaincre toutes les ten tâtions, ce qui serait réservé aux fidèles en état de grâce ; mais du moins ils en seront aidés dans quelques occasions difficiles, ct décisives pour toute leur vie, cc qui est très appréciable. Enfin, pour qui ne serait pas assez au courant dc la position tenue par l’auteur éminent dont nous parlons, il est bon dc rappeler ici qu’il n’a rien de commun avec Bipalda sur la thèse fondamentale que nous prouvons, ct qu’il exige abso­ lument ct sans aucune suppléance la foi stricte pour la justification dc tout adulte. De virtutibus injusis, 2· édit., Home, 1005, t. i, th. xix, p. 331. — b. Une autre objection part dc cc principe incontestable, que toute grâce nous vient du Christ; meme la grâce qu’il nous faut contre notre infirmité duc à la concupis­ cence, c’est encore · la grâce dc Dieu par Jésus-Christ ». Rom., vu, 25. Or « une telle grâce, continue l’objection, est la grâce du Sauveur; ct la grâce du Sauveur con­ duit au salut. Matsuno grâce qui conduit au salut (c’est à-dire à la fin surnaturelle) ne peut être que la grâce surnaturelle (quoad substantiam), · — Réponse, — Oui, toute grâce conférée par les mérites du Sauveur ! l’est en vue du salut. Mais le * salut » est un terme plus abstrait, plus vague, plus général que la vision dc Dieu, ou fin dernière ct surnaturelle. Celle-ci est l'élé­ ment suprême et positi/ du « salut ». Mais le terme dc « salut · s’applique aussi à la Justification, Eph., n, 8, laquelle n'est pas le bien suprême; il peut également convenir à un élément plutôt négatif. Dans le langage ' humain, auquel la religion révélée emprunte ses termes, et ses concepts, le «salut» ne signifie pas la suprême béatitude, mais ordinairement la délivrance ou la préservation d’un grand mal : on est « sauvé » d’un naufrage, d’un incendie, d’un attentat; on cher­ che son < salut » dans la fuite, etc. Elle sera donc 179! INFIDÈLES donnée pour le « salut », la grâce seulement destinée à préserver l’homme du plus grand des maux, le péché mortel; d’autant plus que cc mal, dc sa nature, fait obstacle à la Un dc l’homme, qu’elle soit naturelle ou surnaturelle comme dans l’ordre présent ; ct lors même que ccttc fin serait déjà compromise par des péchés plus anciens non pardonnés, celui-ci serait toujours un obstacle de plus, ct, si l'homme sc damnait, lui vaudrait un surcroît de peine. Donc la grâce surnatu­ relle quoad modum, qui suffit à empêcher dc le com­ mettre, est donnée elle-même en vue du < salut ». Elle ne fera pas produire au pécheur un acte < salu­ taire » disposant à la justification, ni ne le justifiera; pour accomplir ccs choses sublimes, il faudra une grâce d'ordre plus élevé; ct devenu juste, l’homme alors pourra mériter pour le ciel. Mais, après tout, une grâce inférieure, en préservant d’une grande chute qui orienterait vers le mal, pourra jouer un rôle plus important dans une vie humaine qu’une grâce supé­ rieure qui fait gagner un mérite dc plus, un degré dc gloire dc plus. Du reste l’apôtre, dans le texte que l’on cite, dit lui-même : Infelix ego homo, quis me liberabit, etc., ct laisse entendre que le propre dc la grâce donnée contre la concupiscence ct le péché, c’cst dc délivrer ou de préserver du mal, effet plutôt négatif, mais d’un grand Intérêt. Et dans les dernières deman­ des du Paler, Jésus insiste sur cct aspect négatif du salut. Cf. Joa., xvn, 15. Et le don si précieux dc persé vérance, défendu par saint Augustin contre les scmlpélagicns, peut consister dans une spéciale providence, empêchant un Juste de vivre jusqu'à une chute prévue, effet plutôt négatif : Raptus est, ne malitia mutaret intellectum cius, Sap., xv, 11. S. Augustin, De præ destinatione sanctorum, c. xiv, P. L., t. xuv, col. 979. — c. On nous fait un dilemme. Cct acte « natu­ rel par son entité », fruit de la grâce surnaturelle quoad modum, « est-il dans l’ordre du salut..., fait-il obtenir le moyen positif dc salut, c’est-à-dire la grâce surnaturelle quoad substantiam,... cst-11 un commen­ cement dans la voie qui mène à la vie éternelle, ini­ tiative se habebit in via vita: icternœ? Ceci ne semble point conforme à la fol. » Ibid., p. 81. — Réponse. — En effet, cc serait l’erreur scmi-pélagicnnc dc dire qu’un acte naturel fait obtenir (par sa valeur méritoire ou quelque autre influence causale) la grâce qui mène à la Justification ct à la fin surnaturelle; qu’il est Vinilium dans la voie dc la vie étemelle. Aussi, reje­ tant ccttc erreur, nous disons seulement que cct acte I (ou omission d’actc) empêche de tomber dans le grand mal du péché mortel. — Mais alors (seconde corne du dilemme), < alors la grâce qui le fait produire ne fait rien pour le salut, ct n’est pas la grâce du Sauveur ». I Réponse. — Elle ne fait rien pour le < salut » pris sous son aspect positif, soit. Mais pour le < salut » considéré ; Incomplètement, clic fait quelque chose, ct c’cst assez pour qu’elle relève du Sauveur. Voir la réponse à l’objection précédente. Nous ne nous appuyons pas, qu’on veuille bien le remarquer, sur la théorie dc la • disposition négative », que l’on semble croire néces­ saire à la défense dc la grâce surnaturelle quoad modum. Ibid., p. 97, note. Enfin ajoutons, contre le préjugé dc plusieurs, que saint Augustin, quand il défend < la grâce », n’entend point, par cc substanti/ au singulier, une entité unique et simple, mais l'ensemble dc tous les divers secours niés par les pélagiens, ct soutenus par lui contre les < ennemis dc la grâce ». Dc même saint Thomas, sous cc titre : la grâce, entend souvent grâce habituelle ct grâce actuelle, choses pourtant différentes. Mais quelques-uns, lorsqu'ils entendent un seul terme, Imag-nent une seule chose, soit recherche exagérée dc l'unité et de la simplification, soit duperie de l’ima­ gination et < plpcric des mots. » 1792 3e La proposition 23* condamnée par Innocent XL - hides lato dicta ex tcstlI.n fol nu sens large, fon nionlo creaturarum simi live déc sur le témoignage des motive nd justificationem créatures ou un semblable sufficit. Denzingrr, n. 1173. motif, suffit pour In justifi­ cation. Étant admis dc tous, qu’une certaine < fol » est nécessaire pour la justification, il s'agit dans cc docu­ ment dc déterminer laquelle. Sur le sens de ccs mots : « foi au sens large », « témoignage des créatures » voir ci-dessus, col. 1759. La seule question vraiment Impor­ tante ici, c’est dc savoir si la condamnation pontificale atteint ccttc proposition jusque dans le sens mitigé que lui donne Ripalda, voir col. 1768. A ccttc question il est aujourd’hui doux réponses opposées : 1. Réponse négative; sa preuve. — Toutes les propo­ sitions énumérées par cc décret du 2 mars 1679 sont condamnées en bloc sous ccttc rubrique : Sicut jacent, ut minimum tanquamscandalosied in praxl perniciosir. Dcnzingcr-Bannwart, n. 1215 (ou dans le prologue du décret). Vu cc mode de condamnation, toute proposi­ tion dc la liste peut ne mériter que cc minimum de censure, par exemple, la 23·. Or clic a très bien pu le mériter par le seul fait que sous la forme qu’elle a, sicut jacet, elle est trop générale ct trop ambiguë, cc qui la rend scandaleuse ct dangereuse en pratique. « La fol large, dites-vous, suffit pour la justification. » Voulez-vous dire qu'elle suffise par exception, aux seuls Infidèles qui Ignorent la révélation sans qu’il y ait de leur faute, ou qu’elle suffise aux chrétiens mêmes, ct normalement? Sicut jacet, votre proposition ne le dit pas ; or, si on l’entend au second sens, c’cst le mépris ct le renversement dc toute révélation proprement dite, à la façon des rationalistes : une proposition aussi ambiguë est donc scandaleuse ct pernicieuse. Et puis, qu’entendez-vous par la fol large? Celle qui pro­ céderait dc la grâce (d’un principe surnaturel), bien que l'objet n'en fût pas révélé, ou celle qui serait purement naturelle? Le second sens est pélagien, ct rend scandaleuse ct pernicieuse en pratique une pro­ position assez imprécise pour l’accueillir. Mais s'ensuitil que l’on condamnerait la proposition autrement conçue, qui, mettant toutes les précisions désirables, dirait avec Ripalda : n La fol, large du côté dc son motif, mais cependant surnaturelle par son principe, ct accompagnée d’un voeu surnaturel dc la foi stricte, suffit pour la justification des infidèles dc bonne fol, ct cela par exception, ct sans empêcher que la foi stricte reste un précepte et même un moyen nécessaire in re vel tn voto? n La condamnation des propositions doit s’interpréter avec plus dc modération que de rigueur. Ainsi raisonne Schiffinl sur la proposition dc Ripalda, bien qu’il ne l’admette pas d’ailleurs. De virtutibus infusis, Fribourg-cn-Brisgau, 1901, n. 168, p. 292, note. Gutberlct a fait valoir pour lui-même une raison semblable; il ajoute que sa doctrine ne saurait en aucune façon devenir perniciosa in praxl, puisqu’il déclare expressément qu’elle n’a qu’une portée théo­ rique et apologétique, ct qu’on ne doit pas en tenir compte dans la pratique. Voir col. 1770. 2. Réponse affirmative ; sa preuve. — Le décret d'in­ nocent XI vise des propositions laxistes qui avalent cours en ccs tcmps-là parmi les théologiens catholiques. Or, personne alors parmi les catholiques ne défendait comme suffisante pour la justification une fol large en tout sens, purement naturelle et sans Inspiration de la grâce; ct il n’était pas nécessaire dc condamner plus faiblement dans cette nouvelle liste une hérésie déjà clairement nnalhémaUséc par le concile dc Trente, sess. vi, can. 3, Dcnzingcr-Bannwart, n. 813, sans parler des anciennes condamnations du pélagianisme ct du scml-pél.tgiunisrae alors bien connues. Au con­ INFIDELES 1793 traire, l’opinion émise par Ripalda n’avait jamais été condamnée, ct le soin qu’il avait pris dc se garder du pélagianisme ct du scmi-pélaglanlsmc risquait dc lui susciter des adeptes. Ainsi raisonne le P. Martin, O. P., De necessitate credendi ct credendorum..,, Lou­ vain, 190G, p. 78; ct il cite pour ccttc interprétation Steyaert (l’un des docteurs dc Louvain, qui sc sont occupés dc faire condamner à Rome ccs propositions), Opuscula theologica, Louvain, 1703, L r, p. 15, ct p. ni, xm; ct Viva, S. J., Damnatu· theses, Padouc, 1723, p. 239. Sans doute Viva excuse personnellement Ripalda d’une condamnation,en cc sens qu’il a déclaré < adhé­ rer à la thèse commune », voir col. 1767; mais, cc qui est pour nous le principal, Viva fait tomber la con­ damnation sur « la fol large surnaturelle ». De même Cardenas, S. J. Crisis theologica, 5· édit., Venise, 1700, p. 28G, 287. Dc même la grande majorité des modernes: tels, par exemple,Franzclin, De traditione, Rome, 1875, Appendix, p. 615, 616 en note; Chr. Pesch, Prælec· t ίο nés, 3* edit., Fribourg-cn-Brisgau, 1910, t. vin, n. 439, p. 205,206. Plusieurs détails historiques, fournis par nos recher­ ches, nous semblent fortifier beaucoup la réponse affirmative. — a) L’expression même de fides laie dicta (ou fides lata), qui figure dans ccttc proposition condamnée, a été inventée par Ripalda, comme il nous en avertit lui-même, De ente supernaturali, LUI, disp. LXIII, n. 30, Paris, 1871, t. n, p. 261. Elle était donc en quelque sorte inféodée à son opinion ct servait naturellement à la désigner. — b) Les œuvres de Ripalda, publiées en 1632, venaient d’être rééditées en 1663, ct cette opinion sur la · foi large », qui tient une assez grande place en plusieurs endroits dc scs ouvrages pouvait alors attirer certains esprits. — c) Dc fait, le témoignage dc Platcl, S. J., enseignant alors à l’uni­ versité de Douai, nous apprend avant le décret d’Inno­ cent XI « que l’opinion ingénieusement inventée ou du moins savamment développée par Ripalda sur la suffisance dc la fol large... était regardée comme pro­ bable ct très conforme à la bonté dc Dieu... par de doctes contemporains dans leurs leçons manu­ scrites. » Synopsis cursus theologici. Douai, édit, nou­ velle de 1706, p. 268. part ΙΙΙ,η. 222, Lui-même pour­ tant n’y voulait pas souscrire, ct donnait scs raisons contre Ripalda, loc. cit., auxquelles il ajoutait plus tard : « un argument convaincant, la condamnation par Innocent XL » Synopsis synopseos, ou table largement détaillée, avec additions ct corrections, publiée à la fin dc la même édition (sans pagination). — d) Haverinans, prémontré, un des docteurs de Louvain qui dénoncèrent à Rome ccs propositions laxistes ct pro­ voquèrent le décret d’Innocent XI, atteste que ccttc proposition sur la · fol large » est tirée mot pour mot des thèses que Gilles Estrlx, S. J.» fit soutenir à Lou­ vain le 30 juin 1G70, ct qu’elle a été adoptée ensuite par d’autres jésuites ct par les frères mineurs des Pays-Bas. Epistola apologetica ad Innocentium XI, Cologne, 1692, c. iv, n. 81, p. 97; ct n. 87, p. 103. C’était sans doute dans le sens de Ripalda qu’Estrlx entendait ccttc proposition, soit parce qu’il dépen­ dait beaucoup de cc maître comme nous le verrons tout Λ l’heure, soit parce que Platcl, vivant au même pays ct au même temps, nous y n signalé des partisans de Ripalda parmi les professeurs. — e) Deux ans après scs thèses dc Louvain, Estrlx publie un livre qui, à une apologie assez remarquable dc la religion, de l’Église catholique, dc la primauté du pape ct dc son infaillibilité (même sur la question dc fait); joint des assertions théologiques très audacieuses sur l’acte de fol. Diatriba theologica, sloe Manuduct(o ad fidem divinam, etc., Anvers, 1672; mis ù l’index en 1671. Dans cc petit livre surchargé dc matière, il ne touche pas à la question dc la nécessité de moyen dc la PICT. DE TIlAoU CAT HOU 1794 fol, ni par conséquent à sa thèse de Louvain sur la » fol large». Mais, si cct ouvrage ne nous donne pas dc renseignement direct sur la proposition que con­ damnera bientôt Innocent XI sous le n. 23, il défend toute une série d’autres propositions qui avoisineront immédiatement celle-ci dans le décret du pape : prop. 19-21, Dcnzingcr-Bannwart, n. 1169 sq. Cf Diatriba, 28· assertion, p. 68 : Assensus fidet nequit esse in se magis firmus quam sint ii assensus, ex quibus dependet... Corollaire, p. 70 : Non potest efficere voluntas nostra, ut assensus fidei sit in se ipso magis firmus, quam mereatur pondus rationum ad assensum (mpellen· tium. Plus loin, p. 83, Estrix tire de toute sa doctrine cc corollaire que le pape condamnera sous une forme plus concise : Accidere potest, ut is, qui credidit assensu fidei supcrnaturall ac salutari rem quampiam a Deo revelatam, incipiat deinde prudenter de eadem dubitare. Et il cherche à le prouver ainsi : < Un ignorant a cru surnaturcllcmcnt, sur le seul témoignage de son curé, que Dieu a révélé le dogme de la Trinité; il aura raison dc commencer à en douter, s’il s’aperçoit que ce curé a coutume dc débiter également au peuple (comme articles dc foi) des vérités ct des erreurs. » — C’est avoir l’air dc donner, comme un cas pratique parmi nous, un cas moralement impossible, en quelque sorte, dans l’Église catholique. Voir Foi, L vi, coL 234. Es­ trix reprend : « Mon corollaire ne doit pas faire peur. Si un infidèle, de l’avis commun des docteurs, n’est pas obligé dc croire dès que les dogmes de notre foi, sur une preuve quelconque (utcumque), commencent à lui sembler plus probables; s’il a le droit de prendre son temps peur un examen plus soigné; pourquoi le fidèle qui a cru, dépendamment d’une preuve que Dieu a parlé, laquelle était seulement probable (en soi), n’aurait-il pas ensuite le droit dc cesser dc croire, surtout dans le cas où l’opinion contraire à la fol lui paraît plus vraisemblable? auquel cas je juge impossible qu’il croie, » p. 84. — Cette assimilation du fidèle à l’infidèle pour la liberté d’examen est absolu­ ment condamnable. Voir Foi, col. 181, 183, 184. Elle prélude à une erreur d* Hennés, contre la conserva­ tion dc la fol, condamnée par le concile du Vatican. Voir Dcnzingcr-Bannwart, n. 1793, 1794, 1815. Déjà le concile dc Trente avait assez nettement exigé la conservation de la foi jusqu’à la mort. Ibid., n. 800. Voir ci-dessus, col. 1728, ct Foi, col. 287-290. Nous avons longuement expliqué ailleurs comment les enfants et les ignorants, formés par l’instruction que donne l’Église catholique, peuvent, malgré leur certi­ tude seulement respective, toujours persévérer rai­ sonnablement dans la foi reçue, grâce à une providence spéciale dc Dieu, du moins s’ils ne manquent pas gra­ vement à leur devoir par rapport à la foL Voir Foi, coL 300-305,316-329. Ainsi le livre très rare d*Estrix, récemment connu dc nous, donne un précieux complément d’informa­ tion; il nous fournit la < pensée de l’auteur », le « con­ texte » qui nous manquait (ainsi qu’à ceux qui ont écrit sur les propositions condamnées par Inno­ cent X1) dans notrccxplicatlon des propositions 19· ct 20·, voir Foi, t. vi,col. 311,312.—Dc même pour la pro­ position 21·, sur le sens dc laquelle on a beaucoup dis­ cuté. Elle sc trouve dans la Diatriba, assez délayée ct expliquée pour que le sens condamné devienne manifeste. — L’aulcur prépare les voies par cette 33· assertion : « Un jugement seulement probable (quant à la valeur dc scs preuves telles qu’elles sont perçues), ct d’ailleurs vrai (par une heureuse ren­ contre), sur le fait dc la révélation, ct autres vérités que l’on doit connaître avant la foi, peut suffire pour que l’acte dc fol qui en dépend soit surnaturel ct utile à la vie éternelle : au moins si (dans cc jugement préa­ lable) aucune raison contraire ne s’ofire à l’esprit, ct VIL — 57 1795 INFIDÈLES s’il n’y a aucune crainte (formido, mot qui en théologie signifie le doute) que Dieu n’ait point parlé» p. 80. Ici Estrix, comme on le voit par la manière dont il développe ct prouve cette assertion, défend une doc­ trine probable et bien connue, celle dc la suffisance dc la « certitude respective » qu’ont les simples à l’égard des préambules dc l’acte dc foi. Voir Foi, col. 210-225. Mais il ne sait pas s’arrêter où sc sont arrêtés les tenants dc ccttc doctrine; ct en changeant totalement une circonstance dans son hypothèse, il se jette dans l’inadmissible : < 34· assertion : Un juge­ ment probable ct vrai, sur le fait dc la révélation, peut suffire pour que l’actc de fol, qui en dépend, soit surna­ turel, même s'il vient à l’esprit une raison contraire, ct un doute sur le fait dc la révélation »... Etiamsi... adsit formido, ne Deus non sit locutus, quæ hic ct nunc deponi non possit, p. 85. Voici < l’exemple » qu’il donne : • Soit un enfant dont le jugement, comme l'âge, est débile; les membres dc sa famille ont des religions diverses; il entend chaque jour des discussions reli­ gieuses entre son père catholique, sa mère luthérienne, un aïeul calviniste ct un oncle zwingllcn ; comprenant I déjà la nécessité d’une religion, ct que c’est à lui à l’accepter librement, il délibère comme peut le faire un enfant, et décide enfin en faveur de la religion dc son père, en qui il voit plus d’autorité ct dc sagesse. Dieu lui parait avoir révélé la religion dc son père; il arrive ainsi à croire sur la parole dc Dieu les dogmes catholiques. Refuserons-nous à cet acte dc foi d’être surnaturel ct dc mener au salut? Non. Dirons-nous qu’en un pareil milieu cet enfant ne doute jamais dc la religion catholique? Non plus. Quoi! direz-vous, il serait permis à un catholique d’admettre quelque doute sur sa religion, lorsqu’il a l’obligation dc croire de fol divine à la parole dc Dieu? Je déclare moi-même que cc serait une grande faute, s’il avait présentes à sa pensée, ou du moins pouvait facilement sc procurer, les raisons qui permettent dc combattre cc doute. Cet avantage appartient à la plupart des catholiques qui nesontpas tout à fait dépourvus de jugement ct d’in­ struction, non omnino rudes; du nîoins quand il s’agit dc croire les mystères proposés explicitement à la foi dc tous par Γ Église,dont la parole est autorisée comme divine par tant dc signes ot dc raisons qui détruisent la probabilité du contraire. Ceux-ci peuvent très faci­ lement arriver (sur le fait dc la révélation du mys­ tère, etc.) à ccttc sécurité d’esprit, qu’on appelle cer­ titude morale. Quant aux fidèles sans culture, s’ils vi­ vent dans un milieu catholique, ils n’ont pas cou ­ tume d’avoir des doutes, parce qu’ils n’entendent pas ce qui leur en donnerait; mais parmi ceux qui vivent dans un milieu hérétique, si quelqu’un cherche la vérité avec tout le soin dont il est capable ct ne trouve rien dc certain, mais cependant croit cc qu’il Juge plus probable, comment ne pas admettre qu’il a le droit dc douter? Il serait imprudent, en ne doutant pas. n Diatriba theol..., p. 85, 86. Pour répondre aux objec­ tions contre sa doctrine, Estrix distingue entre la fermeté interne dc l’acte intellectuel, celle-ci toujours proportionnée à la force des raisons intellectuelles, ct >a fermeté externe, qui est uniquement dans la ferme volonté dc croire. Une foi, qui admet quelque doute dans l’intelligence, peut, malgré cela, paraître obliga­ toire, à cause dc l’intérêt éternel qui est en jeu; clic peut, par suite, s’allier à une volonté très ferme dc faire son devoir dc croyant, jusqu’à mépriser la mort plutôt que dc perdre sa foi, du moins tant que les choses continueront à apparaître à son intelligence comme elles lui apparaissent à présent. Ibid., p. 8G, 87; cf. p. 69, 73. Si l'apôtre, écrivant aux Galatcs (i, 7-9), exige davantage, c’est qu’il était intellectuellement très certain dc ne leur avoir enseigné que cc que Dieu avait dit, et il voyait que la certitude intellectuelle sur le fait 1796 dc ccttc révélation était à leur disposition, car ils en avaient vu tant dc signes divins, qu’il leur suffisait d’y réfléchir. Ibid., p .84. Dc même pour les Pères dc l’Églisc : s’ils supposent que jamais H ne sera permis dc cesser dc croire, c’est qu’ils considèrent seulement ceux qui ont sur le fait dc la révélation une véritable ct absolue certitude intellectuelle; ou bien ces Pères veulent parler dc la fermeté Inébranlable d’asscntlment intellectuel que méritent nos dogmes ct leur preuve apologétique, bien qu’elle ne soit pas à la portée dc tous à un tel degré, p. 87,88. Du reste, ajoute Estrix, le doute mêlé à I’asscnlimcnt de foi, de la manière que nous avons dit, n’est pas Injurieux à l’autorité divine; car le croyant ne craint pas alors que Dieu sc trompe, ou le trompe; cc qu'il craint, ct à bon droit, c’est que Dieu n’alt point parlé. » Ibid., p. 85. Mais cette seconde crainte, dirons-nous, suffit pour priver la foi de ccttc fermeté souveraine, sans laquelle clic ne peut fonder la justification : il faut donc l’éviter aussi. Nos citations montrent qu’Estrix, non seulement défend l’erreur qui correspond à la proposition 21· con­ damnée par Innocent XI, niais en même temps, par la liaison nécessaire des idées, ne peut l’expliquer ni la défendre qu’en s’appuyant sur ses autres erreurs qui correspondent aux propositions 19· ct 20·; tout cela se tient étroitement, ct c’est une preuve dc plus(après cc que nousavonsdlt de la19ectdc la20·) qu’ilest l’auteur dclaproposition21·.—Nous avons, du reste, degraves autorités pour la lui attribuer. I lavermans, qui a eu tant dc part à la condamnation dc toute ccttc liste, dit que la 21· a été tirée de la Diatriba d’Estrix, ct qu’elle a été soutenue encore depuis par les frères mineurs d’Anvers dans leurs thèses publiques de 1674. Op.cit., n. 85, p. 99; ct n. 87, p. 103. Voir plus haut, col. 1793. Duplessis d’Argcntré nous apprend que cc qui avait surtout choqué dans la Diatriba ct l’avait fait mettre à Γ Index, c’était l’assertion qu’un jugement mêlé dc doute sur le fait dc la révélation peut suffire à la foi surnaturelle; que cette doctrine d’Estrix, déjà aupa­ ravant proposée par Ripalda, a found la proposition 21· condamnée. Collect io judiciorum, 1736, t. m, p. 338. Cf. Hurler, Nomenclator litterarius, 3· édit., Inspruck, 1910, t. iv, col. 330. Λ Rome, on regardait donc dès cc moment Ripalda, mort depuis une trentaine d’années, comme l’auteur premier dc la doctrine d’Estrix ; ct c’est bien le maître qu’innocent XI a voulu frapperen frappant le disciple, ct d’abord en mettant à l’index la Diatriba en 1674, puis en condamnant, dans son décret dc 1679; tout cc groupe dc propositions, de la 19® à la 23· inclusivement. D’ailleurs la lecture dc Ripalda lui-même, dans son traité dc la foi divine, montre clairement sa paternité relativement à cc groupe, ct sa parenté avec Estrlx, qui souvent le copie ; donnons-cn un ou deux exemples. « Panni les catholiques, dit Ripalda, la seule proposi­ tion (du fait dc la révélation) par les parents ou les Instituteurs suffit aux simples (rudibus) pour avoir une évidente crédibilité (pour qu’ils jugent sans aucun doute qu’ils peuvent ct doivent faire l’acte dc foi) : ct cela, parce qu’il ne s’oflre à eux aucune raison dc douter. 11 n’en est pas dc même dans les pays où l’on a permis à chacun dc professer la religion qu’il veut : là, il n’est pas rare dc trouver, dans une même maison ou famille, bien des religions diverses. Il peut arriver que le père dc famille propose (aux enfants) le catho­ licisme, la mère le luthéranisme, l’oncle le calvinisme, l’aïeul la secte dc Zwingle. Celui qui choisit la religion catholique, Il faut croire qu’il fait dc vrais ct surnatu­ rels actes dc fol, méritoires devant Dieu. t> Voilà une affirmation qui n’a d’autre base que ce qu’il a dit plus haut : « l’actc dc foi étant nécessaire à tous pour le salut, il faut croire que lu bonté divine ne l’a pas rend 1797 INFIDÈLES difficile, mais ladle à tous. » Mais Dieu, dirons-nous, n’était pas tenu de Je rendre également facile à tous, ni même possible Λ tous dés l’enfance, dans les cas extraordinaires comme celui-ci; pourvu que la Provi­ dence veille â ce qu’il leur soit au moins possible avant leur mort, cela suffit pour une vraie possibilité dc salut. « Et pourtant,continueRipalda,cet cnfant(tout en faisant un véritable acte dcfol)pcut légitimement doutcrdc la crédibilité de la religion catholique, parce qu'il volt la plupart des membres dc sa famille croire le contraire, et qu’il n'a point à sa portée les preuves pour sc convaincre indubitablement dc la crédibilité dc sa religion. » De fide, édit. Vivès, disp. Vf, n. GO, t. νιι,ρ. 119. Comparez avec Estrix, cité tout ù l’heure. De cette même doctrine, Ripalda tire cc corollaire, qu’étant donnée une proposition généralcccrtalncment révélée (comme : * Jésus-Christ est présent dans l’eucharistie », dans les hosties vraiment consacrées), on peut croire d’une foi surnaturelle, mais hésitante, infirma, les propositions particulières qui dans la générale ne sont que probablement contenues, comme : c Cette hostie est consacrée », quand le fait de la con­ sécration n’est pour nous que probable. On pourra croire d’une semblable foi, surnaturelle et infirme, que cet enfant, probablement bien baptisé, est en état de grâce; que cet adulte l’est aussi, ayant pour lui des probabilités; que tel autre est en état de péché mortel, tel autre au ciel, ou y parviendra un jour, etc. Ibid., disp. VIII, n. 78, p. 155. Estrix reproduit ces corol­ laires. Diatriba, p. 92 sq. Ces singulières ct dangereuses conceptions, qu’il suffit, pour la justification, d’un acte de foi stricte, mais branlante, ou d’un acte de foi surnaturelle, mais large, avec le vœu implicite dc ce qui peut manquer, provenaient donc dc Ripalda à travers Estrix. Sans doute le zèle de plusieurs docteurs dc Louvain à faire condamner ccttc doctrine venait, pour une bonne part, dc leur jansénisme. Ils ne pardonnaient pas à Ripalda d’avoir publié, en 1645, un puissant ouvrage,* Adversus Baium et Datants, L v ct m dc l’édition Vivès, ct d’avoir ainsi peut-être contribué à la con­ damnation des cinq propositions dc Jansénius par Innocent X en 1G53. A cet ouvrage de Ripalda, Lou­ vain avait répondu par un pamphlet mis à l’index en 1654, VoirBAïus, L n, col. 59. Ils ne pardonnaient pas davantage ù Estrix le zèle infatigable qu’il déployait à Louvain pour réfuter les jansénistes ct défendre contre eux, dans sa Diatriba elle-même, l'infaillibilité du Saint-Siège. Ilavcrmans, qui sous Innocent XI poussa le plus à Rome la condamnation des proposi­ tions laxistes, entre autres celles dc Ripalda ct d’Estrix, était un janséniste avancé, dont plusieurs propositions devaient plus tard être condamnées à leur tour par Alexandre VIII. Voir 1.I, col. 751, 752, 755, 7G2. Mais tout cela ne saurait sauver ces singu­ lières théories de Ripalda reproduites par Estrix; un louable désir dc faciliter aux infidèles la foi ct le salut les excuse sans les justifier. Rome, gardienne dc la vérité, frappait les opinions dangereuses dans scs défenseurs eux-mêmes, ct jusqu’au bout. En 1674, on met à l’index non seulement la Diatriba, mais encore la Dilucidatio, etc., réponse ù des adversaires, où Estrix expliquait ù sa manière la question dc la λ foi imparfaite d’une partie des hommes sans cul­ ture »Sommcrvogcl,BiMo//ièçucde/(i Cl*de J(‘sus, t.m, col. 4G9,470. En 1679, décret d’Innocent XI condam­ nant les propositions laxistes; ct peu après, mise à Index d’une brochure (d’Estrix, croit-on), publiée sous le pseudonyme dc « Sandœus », He/utatio anonijmi, etc.; on y soutenait, contre une brochure ano­ nyme, <\\ï aucune des propositions condamnées dans le décret n’avait pour auteurs des religieux, encore moins des jésuites. Ibid., col. 471 1798 Concluons, de ce vaste ensemble de documents, que la condamnation dc la proposition 23· fournit une preuve très solide contre le système dc Ripalda sur les infidèles, même en le prenant avec tous ses correc­ tifs. Elle classe ce système, non point parmi les héré­ sies, ou les erreurs théologiqucs, puisque les censures ou notes, énoncées dans le décret, n’ont qu’une appli­ cation globale et indéterminée, mais au moins parmi les opinions de nature ù scandaliser, et pernicieuses en pratique. ni.L’ fient tube sainte.— Voici le texte vraiment classique en la matière : « Sans la foi il est impossible dc plaire à Dieu; car il faut que celui qui s'approche dc Dieu croie qu’il existe, et qu’il est le rémunérateur dc ceux qui le cherchent. > Hcb., xi, 6 Nous donne­ rons ; 1° le sens des termes;2e la preuve qu’il fournit; 3° les objections qu’on y fait. 1· Sens de quelques termes non encore expliqués. — 1. « Plaire à Dieu », εύαρβστησαι. Et dans le contexte immédiat : · Hénoch... a reçu (de l’Écriture) ce témoi­ gnage d'avoir plu ά Dieu », Cf. Gen., v, 22; EcclL, xuv, 16, placuit Deo, et translatus est. C’est l’état de grâce ct dc sainteté opposé à l’état dc péché. « Plaire à Dieu» signifie «être ami de Dieu, être dans sa grâce, être justifié »; ct notre phrase signifie : < Sans la foi il est impossible d’obtenir l’amitié de Dieu, d’être justifié. » Même sens ct même antithèse dans saint Paul : « Ceux qui vivent dans la chair (selon les affections de la chair) no peuvent plaire à Dieu. » Rom.,vui,8. « Mais vous, vous ne vivez pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. · Ibid., 9. « Vivre selon la chair conduit ù la mort le contraire mène à la vie. Ibid., 13. « Dieu a envoyé son Fils, afin que la justice de la loi soit accomplie en nous..., qui marchons non selon la chair,mais selon l’esprit. tlbid., 4. «Ceuxqui sont conduits par l’Esprit de Dieu, sont fils dc Dieu.... ont reçu l’esprit d’adop­ tion, sont héritiers du clcL » Ibid., 14 sq. « Plaire à Dieu »,dans saint Paul, c’est donc n’ètre pas en état de péché, mais en état dc grâce, temple de l’EspritSaint, fils adoptif ct héritier du ciel, juste ct saint devant Dieu. Cf. Rom., xn, 1 ; xiv, 18, etc. Voir Llesc, Der hcilsnctivendige Glaube, 1902, p. 32-34. 2. « Celui qui s’approche dc Dieu », πεοσερχόμενον τφ Οεφ. Notons la liaison entre cc terme et celui que nous venons d’expliquer, ct rappelons-nous la synonymie entre les mots « fol » ct « croire » : < Sans la foi il est Impossible de plaire ù Dieu,car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie... » Cette liaison implique ici une sorte d’identité entre « plaire > ct I « s’approcher » : avec ccttc seule différence, que « plaire à Dieu » indique un état, comme nous l’avons vu, tan­ dis que « s’approcher dc Dieu» désigne naturellement le mouvement vers cet état, la genèse dc cet états* onia con­ sidère du côté du pécheur qui sc réconcilie avec Dieu. C’est le sens que ce tenue a dans la même Épltre, vn» 25. C’est par l’acte de foi surnaturel, don dc la grâce, que les pécheurs « viennent à Jésus », Joa., m, 64, 65; si toutefois l’attachement au péché ne les empêche pas dc · venir ù la lumière ». Ibid., m, 20, 21. Nous ne nions pas qu’aillcurs ct dans un autre contexte acce­ dere ad Drum puisse signifier l’acte du juste qui prie, honore, sc confie, etc. Mais ici le contexte immédiat montre qu’il s’agit du pécheur, en marche vers la grâce ct le pardon qui est pour lui la première condi­ tion du salut; l’idée dc « salut » est contenue dans le « rémunérateur » que le pécheur doit avant tout con­ naître et croire. Aussi le concile de Trente, après avoir parlé de la preparation du pêcheur à la justification, cite notre texte comme exprimant ccttc préparation. Sess. vi, c. vi, Denzinger, n. 798. 2e Preuve. — Si donc l’on veut bien admettra qu’il s'agit ici d'une nécessité dc la fol pour passer dc 1799 INFIDÈLES l’étal de péché à l’état de grâce, en un mot pour être < justifié », nous pouvons en conclure que la foi n’est pas seulement de nécessité de précepte, mais de néces­ sité de moyen. Quand peut-on dire, en effet, qu’une chose soit de simple nécessité de précepte? Quand elle est seulement requise pour ne pas commettre un nou­ veau péché grave; obstacle au saluL Et quand donc, au contraire, une chose est-elle de nécessité de moyen? Quand elle est requise non pas seulement pour éviter un nouveau péché, mais pour sortir de Pétai de péché où l’on est, ct acquérir l’état de grâce, moyen fonda­ mental de salut. Voir col. 1760. Mais la < nécessité de moyen » sc subdivise : elle sera, soit In re vcl in voto, soit absolute in re. Voir col. 1761. Et ici nous arrivons au nœud de la question. Peut-on, avec Ripa Ida ct Gutbcrlct, voir dans cc passage une nécessité de la foi stricte qui soit seulement in re vel in voto? Le texte sacré ne sc prête pas à une telle inter­ prétation ct ne lui fournit aucune base sérieuse. Nous allons le montrer en parcourant les différents efforts qui ont été faits pour raccrocher cette interprétation à telle ou telle parole du texte. 1. Dira-t-on que les mots fides, credere, peuvent signi­ fier un simple désir, un acte purement volontaire, le • vœu de croire a non suivi d’ciïct? — Mais cc n’est point le sens propre de ces mots dans ΓÉcriture. Voir Foi, t. m, col. 57 sq. Et l’on n’a pas le droit de s’écarter arbitrairement du sens propre, surtout dans un chapitre où l’apôtre parle ex professa de la foi, ct dans une phrase où il emploie le verbe credere, qui n’a jamais signifié le simple voeu de croire. De plus, si ce verbe signifiait cela dans notre phrase, l’auteur sacré ne pourrait lui donner comme complément, comme objet, deux vérités particulières, l’existence de Dieu ct la rémunération future : car le vœu de croire, de sa nature, a un objet universel : il doit porter sur tout cc que Dieu a révélé ou pourra révéler, et non pas seulement sur deux vérités; seul l’assentiment intel­ lectuel peut sc restreindre à telle ou telle vérité. 2. Dira-t-on que, tout en laissant au verbe credere son sens propre d’assentiment intellectuel, on peut admettre des exceptions à la formule :Sinc fide impos­ sibile est parce que dans l’Écriture le mot «impos­ sible > est souvent pris dans un sens moral ct large, ct souffre des exceptions, tout comme son corrélatif, le mot « nécessaire »? S’autorisera-t-on de la formule semblable exprimant la nécessité du baptême, Joa., m, 15? Absolue, en apparence, elle admet des excep­ tions comme la tradition nous l’apprend. — Nous répondrons que le contexte de notre passage repousse absolument toute exception. L’apôtre, en effet, invo­ quant un passage de la Bible où il est dit que < Hénoch plaisait à Dieu » en conclut qu’il a eu la foi : car, dit-il, « il est impossible » de plaire ù Dieu sans la foi. Voilà le principe général sur lequel s’appuie tout son raisonnement: pour que la déduction soit juste, il faut quccc principe n’admette pas d’exception; au­ trement on pourrait toujours objecter qu’Hénoch est peut-être une des exceptions ù la règle. Λ tin donc que l’écrivain inspiré parle ici raisonnablement, il faut que le principe invoqué par lui soit strictement universel, et ne puisse entre scs mailles laisser échap­ per personne. Et bien que cc raisonnement ne soit pas répété à l’occasion d’autres personnages cités dans ce chapitre, on doit naturellement le sous-entendre pour tous ceux qui sont dans les mêmes conditions qu’llénoch, c’est-à-dire qui, d’une part, sont suffisamment connus comme des saints de l’Ancien Testament, ct dont la foi, d’autre part, ne reçoit pas de mention explicite dans la Bible. C’est la remarque de Suarez : « De ce principe, sine fide impossibile... etc., Paul conclut qu’Hénoch, ayant plu à Dieu, a eu la foi, cl ainsi des autres cas particuliers t conclusion qui ne serait pas so­ 1800 lide, s’il était pennis d'excepter quelqu’un de la règle, · De fide, disp. XII, n. G; t. xn, p. 310. Cc raisonnement de l’auteur inspiré, comme l’universalité que doit avoir le principe qui lui sert de base, a été remarqué non seulement par nos théologiens catholiques etnos exé­ gètes, comme Estius, Commentaires, Paris, 1891, t. m, p. 272,273, mais par des protestants,comme Westcott, The Epistle to the Hebrews, 3· édit; Londres, 1906, р. 358. Quelques théologiens ont objecté que pour Hénoch, ou tel autre de ces anciens personnages; l’acte de foi n’est pas prouvé nécessaire comme disposition à la justification, parce que l’on peut supposer deux choses : la première, qu’ils ont été justi fiés sans aucune disposition, ù la manière des enfants, car leurs parents ont dû leur appliquer le remedium naturæ (qu’admet­ tent les théologiens sur l’autorité de deux ou trois Pères);la seconde, qu’ils n’ont jamais perdu ensuite cette première grâce par aucun péché mortel. Mais par quelle preuve peut-on nous certifier tous ces pré­ tendus faits? Et le nécessaire ensemble de ces hypo­ thèses, dont quelqu’une peut être vraie, tiendrait-il devant l’affirmation contraire de l’écrivain sacré? Ajoutons, en terminant, que le concile de Trente cite notre texte à l’un des endroits où il affirme la nécessité de la foi comme absolue et sans exception. 3css. vi, с. vm, Denzinger, n. 801. 3° Objections faites à cette preuve, en dehors de celles que dans la preuve elle-même nous avons déjà réso­ lues. — lrc objection.— < Dans cet axiome : Sine fide impossibile est placere Deo, fides pourrait s’entendre de Γhabitus fidei, et non pas de l’acte de foi, comme vous le supposez. » — Réponse.—C’est Impossible pour les raisons que voici : a) L’axiome est expliqué ct para · phrasé par les mots qui suivent : accedentem enim ad Deum oportet credere, etc. ; remarquons la liaison enim. Or credere ne peut jamais signifier qu’un acte; et il a ici pour objet matériel deux vérités particulières, cc qui ne peut sc vérifier que d’un acte particulier, ct non pas de la vertu de foi, qui a pour objet matériel toutes les vérités révélées. — b) La · foi » dont il est ici ques­ tion est celle que l'apôtre vient de définir, Heb.» xi, 1; or, ce qu’il vient de définir, c’est Pacte ct non la vertu de foi. Celle-ci ne pourrait être appelée un < argu­ ment », une preuve, έλεγχος; ct cc n’est pas la vertu, c’est l’acte de foi qui excite l’espérance en lui présentant son objet Voir Foi, t. vi.col 86 sq.—c) Dans tout cc chapitre, il n’est pas trace d’une théorie sur Phabitus. Il n’est question que d’adultes, donnés comme exemples de l’acte de foi qu’ils ont fait briller en eux, ct proposés ù notre imitation; d’ailleurs on ne peut donner l’exemple d’un habitus invisible. Si donc on voulait étendre cet axiome aux enfants avant l’âge de raison, aux enfants incapables de Pacte de fol, en ce sens que, s’ils meurent alors, ils ne peuvent être sauvés sans la foi-vertu, infuse au baptême, ce ne pourrait être là qu'un sens accommodaticc. Sur la manière dont un pareil sens a été amené dans les débats du concile du Vatican, voir col. 1780 sq. —d) Le concile de Trente entend notre texte de la foi actuelle, puisqu’il s'en sert pour montrer que l’on se prépare à la justification par l’acte de foi. Sess. vi, c. vi Denzinger, n. 798. Véga, dans un opuscule qu'il publia à Trente en 1546, au moment où le concile abordait la matière de la justification, établit fort bien ccttc thèse, que lorsque l’apôtre traite de la < justification par la foi ·», il entend l’acte ct non la vertu infuse. Voici scs raisons. —a)Saint Paul lui-même, pour que nul ne s’y trompe, explique aussitôt le mot fides par le verbe credere, qui certainement ne convient qu'à l’acte de fol, Rom., m, 22; de même, pour prouver que l’homme est jus­ tifié par la foi, ibld., 28, il donne l’exemple d*Abraham qui a cru j la parole de Dieu, ibid., iv, 3, ct en conclut 1801 INFIDÈLES qu’il faut croire comme lui, ibid., 5; cf. 23, 24. Î)Là ct ailleurs, l'apôtre veut montrer comment nous pouvons coopérer (moralement) à notre justification ct l’obtenir; or nous coopérons par des actes. — c) Il n’était pas d'un intérêt général pour les chrétiens de comprendre ce qui regarde Y habitus fidei : mais il leur importe beaucoup ù tous de comprendre cc qqi regarde Y acte de foi. Paul voulait donc parler de celui-ci, et non de celui-là. Préoccupés de la théorie philosophique des habitus, la plupart des scolastiques ont vu Y habitus fidei dans beaucoup de textes de saint Paul où rien n’exige ce sens, tandis que l’autorité supérieure des anciens Pères ct surtout de saint Augustin rapporte ces textes à Y acte de fol; ct il en est ainsi de Hcb., xî, G, où l’apôtre ne parle que des adultes. Cet opus­ cule de Véga, intitulé De justificatione, gratta, fide, est publié ù la suite de son ouvrage principal dans l’édi­ tion qu’en fit le B. Pierre Canislus sous le titre : De justificatione doctrina universa, auctore Vega, Cologne, 1572, q. i, propos. 1B, p. 728, 729. 2· objection. — < Les mots fides, credere ont dans rÉcriturc plusieurs sens différents. On pourrait donc dans notre texte les entendre de la fol « large >, c’cstù-dirc de ccttc connaissance d’un Dieu existant ct rémunérateur fondée,non sur la révélation,mais sur une preuve de raison, scientifique ou vulgaire, du moins si cette connaissance rationnelle était surnaturcllcmcnt produite à l’aide de la grâce. »— Réponse. — a) Ripalda et Gutberlct eux-mêmes, soit dit en passant, ne voient pas dans notre texte cette seule connaissance; mais veulent qu’on y ajoute au moins le oau de la foi stricte. — b) Quand les mots fides, credere, signifient dans l’Écriturc un acte de connais­ sance, de croyance, ct c’est ici le cas d’après l’objec­ tion elle-même, ccttc connaissance est généralement fondée sur la révélation. Voir Foi, t. vi, col. 107-109. On cite une exception, Rom., xiv, 23 ; le nom de · foi » y est donné au jugement, dictamen, de la conscience ou à la bonne foi avec laquelle on agit en sécurité de conscience, en un mot,à une connaissance qui peut n’êtrc que rationnelle. Encore cst-il que cc dictamen chez les fidèles, est ordinairement motivé par quelque donnée de la révélation. Mais admettons une excep­ tion dans ce passage de l’apôtre : il n’en reste pas moins vrai que presque toujours chez lui le mot fides, appliqué à un acte intellectuel, signifie la fol stricte, fondée sur la révélation, ct qu’en cela saint Paul ne diffère pas des autres écrivains sacrés. Dans notre texte, nous devons donc admettre cc sens ordinaire et propre de la « foi », puisque rien ne nous oblige à nous en écarter. «Saint Paul, dit le P. Corluy, par ces mots, fides, credere, prêche si constamment la foi stricte, que si dans son Épître aux Hébreux il avait par ces mots entendu autre chose, il aurait dû abso­ lument les avertir de ccttc nouvelle signification.» Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. n, p. 231. — c) Bien moins encore pouvons-nous suppo­ ser un sens tout ù fait exceptionnel ct impropre de ces mots dans un chapitre qui, comme celui-ci, roule ex projesso sur la fol elle-même. — d) On peut ajouter que les nombreux exemples de · foi » cités dans cc chapitre exigent ou comportent la foi stricte, basée sur une révélation surnaturelle de Dieu, immédiate ou médiate. « Dans les uns, dit Corluy. il est évidem­ ment question de la foi ù une révélation divine, Noé, Abraham. Sara, Jacob, Joseph, Moise, Gédéon,Barac, David, Samuel, les prophètes, les Macchabées; dans les autres, une telle fol peut facilement sc supposer ct offre une explication naturelle, Abel, Hénoch, Isaac, Rnbab, les parents de Moïse. » Loc. cit. — e)Lc concile du Vatican, dans un chapitre où il définit clai­ rement la foi stricte ct en traite ex projesso, renvoie pré­ cisément à Hcb., xi, 1-6, comme autorité scripturaire. 1802 C’est dire qu’il considère ces textes comme liés ù la fol stricte, acte ou vertu; Sess. m, c. ni, Denzinger, n. 1789, 1793. Ainsi il rend au sens littéral du verset G un témoignage au moins partiet ^objection.- -Les deux vérités mentionnées au ver­ set 6 comme étant dcnécessitéde moyen, à savoir l’exis­ tence de Dieu ct la rémunération future, sont acces­ sibles à la raison par une preuve ou philosophique ou vulgaire, ct d’autre part sont absolument nécessaires, par leur nature même, pour pouvoir chercher Dieu ct lui demander le salut. Donc l’absolue nécessité de moyen, qui est ici affirmée, doit porter sans doute sur ces deux vérités, mais prises en elles-mêmes et indé­ pendamment de la manière de les connaître ou de les croire. Cette manière reste indéterminée, et pourra varier suivant les cas : cc sera la foi stricte quand on pourra l’avoir, la fol large quand on ne le pourra pas, mais dans les deux cas ces vérités restent necessaires, I ct l’apôtre n’a voulu affirmer que cette nécessité (Gutberlct). — J" Réponse. — D’après cc que nous avons répondu à l’objection précédente, il est impos­ sible, dans notre texte, de prendre les mots fides ct credere avec ccttc indétermination quant à la manière de connaître, on ne peut les prendre que dans le sens de c fol stricte ». En conséquence, cc qui est affirmé ici comme nécessaire, ce n’est pas seulement de tenir avec certitude ces deux vérités, c’est encore de les tenir de la révélation, qui distingue la foi stricte de l’autre. En admettant même qu’on puisse les connaître toutes deux par une autre voie que par celle de la révélation, cela n’a pu empêcher Dieu d'établir positivement la nécessité absolue de la foi stricte. Pourquoi Γ a-t-il ainsi voulu? Nous n’avons pas ù le juger; d'ailleurs nous pouvons indiquer, comme raison de haute con­ venance, les avantages tout spéciaux de la foi stricte, fondée sur la révélation. Voir Foi, Lvi, col. 119-121.— 2· Réponse, qui peut sc tourner en nouvelle preuve de la thèse commune. — Il n’est pas exact que ces veritis de nécessité de moyen soient toutes deux accessibles * ù la raison, sans révélation. En eflet. pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que saint Paul eût pris le terme « Dieu rémunérateur » dans le sens où le prend un philosophe spiritualiste, même chrétien, quand il traite de h vie future ct de l’immortalité de i'ûme d’après les seules données de la raison, en faisant abstraction des cir­ constances de l’ordre actuel ct de la fin surnaturelle à laquelle nous sommes destines par un libre decret de Dieu. Or il n’en est pas ainsi. Avec les défenseurs de la thèse commune, nous prétendons que le mot « rémuné­ rateur » n’a point pour l’apôtre cc sens vague et abstrait, mais qu’il signifie, en langage thvologique, < rémunérateur surnaturel » : c’est-à-dire que Dieu nous a gracieusement promis un bonheur qui dépasse les exigences de la nature, et donc un bonheur que la raison ne peut prévoir par voie philosophique ct a priori, mais qu’elle ne peut connaître que par vole de la révélation. A l’appui de ce sens concret du mot « rémunérateur » nous proposons cette preuve, fondée sur toutes les habitudes d’esprit de saint Paul ct sur sa manière générale de considérer la vie future. Jamais il ne parle de « l'immortalité de l’Amc » ù la façon abstraite des philosophes; toujours il conçoit ccttc immortalité au concret, avec la résurrection des coq>s qui complétera la récompense dans Γéconomie pré­ sente de la Providence. Tandis qu’une philosophie spiritualiste conçoit l’immortalité de l’âme dans l’abstrait, sans la résurrection des corps et sans leur état glorieux tel que la révélation nous l’affirme, l’apôtre ne voit pas de milieu entre le dogme chrétien de la résurrection et le pur matérialisme : · Si les morts ne ressuscitent pas. dit-il, mangeons ct buvons, car demain nous mourrons. » 1 Cor., xv, 32. Otez-lui le dogme chrétien de la résurrection, il ne voit plus que 1803 INFIDÈLES Féplcurisme grossier dont il cite les paroles. D’ailleurs cette manière de concevoir l’immortalité de l’âme toujours au concret, ct sous les espèces de la résurrec­ tion des corps, était commune chez les Hébreux, comme il ressort des paroles des sept frères martyrs, II Mac., >71 ; l’auteur du même livre inspiré dit que Judas Macchabée croyait Λ la < résurrection » au­ trement il aurait jugé inutile de prier pour les morts. Ibid., xir, 4 L Saint Luc, compagnon de saint Paul, voulant exprimer le matérialisme des sadducécns, dit qu’ils n’admettent « ni résurrection, ni ange, ni esprit. >AcL, xxm, 8. Ainsi saint Paul prendil la vie future au concret, avec les merveilleuses qua­ lités des corps glorieux, qui ajoutent à la résurrec­ tion elle-même, I Cor., xv, 40-11 ; avec le lieu de réu­ nion où les ressuscités jouiront de la société des autres saints ct des anges, Hcb., xn, 22, la « Jérusalem céleste », loc. cil., que l’Apocalypse décrira, < la cité dont Dieu est l’architecte > ct qu’il a préparée dans la • patrie céleste », Hcb., xî, 10, IG. En conséquence, dans la pensée de l’apôtre, cette < grande rémuné­ ration » dont il parle, Hcb., x, 35, ccs «choses espérées » dont la foi est le soutien, xi, 1, désignent un bonheur surnaturel, qui dépasse les vagues données de la raison sur la vie future, ct les précise. .Ajoutons que la vision Intuitive de Dieu, qu’il affirme, I Cor., xin, 12, fait sans doute partie de ccs < choses espérées », toujours entendues par lui sous les mots « rémunération, rému­ nérateur », ct qu’elle leur donne un caractère absolu­ ment transcendant; ct surtout qu’il ne fonde pas l’espérance chrétienne sur les données de la raison, mais sur une promesse gratuite de Dieu, sur un témoi­ gnage divin confirmé par serment ct qui ne peut mentir, donnant par là à notre espérance ct à notre | foi un caractère surnaturel de fermeté. Hcb., vi, 17-19. Du reste, il n’est pas nécessaire que tout adulte, pour être Justifié, ait l’idée explicite du « surnaturel » ou de la < vision intuitive », idées trop subtiles qui manquent à beaucoup de simples fidèles ct par suite ne peuvent avoir été exigées de tous, ni de nécessité de précepte, ni de nécessité de moyen. Lugo, De fide, disp. XII, n. 129, 130, Paris, 1.1, p. 542. Il suffit, du moins comme minimum, que la rémunération surna­ turelle soit affirmée implicitement ct confusément : ce qui a lieu, par exemple, quand on croit que Dieu sera rémunérateur suivant ce qu'il a promis. Car cette pro­ messe libre ct gratuite, que nous n’avons pu recevoir que parvole de révélation,comme du reste les simples fidèles le conçoivent facilement eux-mêmes, cette pro­ messe n’a en réalité d’autre objet que la béatitude sur­ naturelle : celle-ci est donc par là désignée suffisam­ ment, bien que confusément, quand on dit : « Je crois que Dieu donnera la récompense qu’il a promise. » Voir Pcsch, Prælectlones, 3· édit., 1910, t. vin, n. 443, p. 207; Schlffini, De virt. infusis, 1904, n. 182, p. 322. /· objection. — La première des deux vérités ici affirmées comme étant de nécessité de moyen, ù savoir l’existence de Dieu, ne peut, sans un acte déraison­ nable, être tenue parla fol stricte,c’est-à-dire sur la parole et le témoignage de Dieu. Un témoin dont nous connaissons la véracité peut bien nous dire : · Croyezmoi, j’ai vu telle chose. » Mais il ne nous dira pas : « Croyez-moi, j’existe », parce que c’est Inutile ct ridi­ cule. — Réponse. — a) C’est inutile ct ridicule, parce que nous le voyons exister, ct que notre nature raison­ nable éprouve en elle-même une sorte d’impossibilité de s’appuyer sur un témoignage quand elle voit, d’une vraie et immédiate vision. Voir Foi, t vi, col. 452. Mais ccd n’est pas applicable à Dieu en cette vie; nous ne voyons pas son existence, nous ne la connaissons que par des raisonnements qui peuvent nous en donner In certitude, mais non pas l’évidence immédiate ou 1804 l’intuition; il n’est donc pas contre nature de croire l’existence de Dieu sur un témoignage. — b) Sans doute cette croyance, comme toute foi stricte, pré­ suppose avant tout une connaissance de l’existence de Dieu témoin véridique, obtenue par une preuve scien­ tifique ou vulgaire; supprimer cc préambule de la foi serait du fidéisme, et rendrait déraisonnable l’acte de fol. Voir Foi, col. 17G, 177. Mais l’existence de Dieu étant une fois connue par ce canal préalable, rien ne l’empêche d’être ensuite admise parce que Dieu l’a révélée dans son Écriture, explicitement ou implicite ment. Et cc n’est pas inutile, parce que cet acte de foi, grâce à l’excellence de son motif ct à sa surnaturalité intime, jouit d’une certitude spéciale. Ibid., col. 387 sq. ; cf. col. 461. — c) Il n’est même pas possible de croire Dieu comme « rémunérateur a sans le croire comme • existant ». Le rémunérateur que je crois ct que j’espère n’est pas un rémunérateur possible, idéal, mais un rémunérateur réel, agissant, donc existant. Ainsi, des deux vérités nécessaires à la justification d’après Heb., xi, 6, attester la seconde est nécessai­ rement, de la part de Dieu, attester aussi la première; ct par suite, de notre part, croire la seconde est néces­ sairement ct Implicitement croire la première, ct sans aucun acte de déraison. & objection. — Un même point ne peut pas être en même temps objet de science ct objet de foi (stricte). Or le fait que < Dieu existe » devient objet de science, quand il est philosophiquement démontré. Donc l’existence de Dieu, bien qu’elle puisse être objet de foi pour qui n’en a pas la démonstration, ne peut l’être pour les autres, suivant la distinction donnée par saint Thomas. Sum. theol., 11» 11®, q. i, n. 5. Donc nécessité d’atteindre par la foi cette vérité de l’existence de Dieu comporte des exceptions, ct ne peut être absolue. Donc le texte, Heb., xi, 6, affirmant la nécessité de croire à l’existence de Dieu, ne peut être entendu d’une nécessité de moyen absolue de la foi stricte à ccttc vérité (Gutbcrlct). — Réponse. — Nous avons étudié ct délimité ailleurs V adage thomiste qui sert de base à toute cette argumentation. Voir Foi, t. vi, col. 450 sq. Il vaut assurément pour l’objet matériel principal de la foi, c’est-à-dire les mystères, que saint Thomas nomme par excellence « objets de fol » ct qui ne peuvent être objets de science. Quant aux vérités accessibles à la raison comme l’existence de Dieu, qui n’est pas un mystère proprement dit, cct adage a été compris par plusieurs thomistes de marque dans un sens très modéré, qui réduit, à une simple question de mots la controverse entre théologiens à cc sujet. Ibid., col. 465467. Si l’on interprète saint Thomas d’après ccs tho­ mistes, son autorité ne crée aucune difficulté dans la question actuelle. Ibid., col. 468-460. Si l’on prend ses paroles, au contraire, dans le sens le plus rigide, alors il reste à choisir entre deux autres interprétations de sa pensée. —a) Ou bien il faudra admettre avec Gutbcrlct qu’icl le saint docteur nie la thèse commune sur l’absolue nécessité de la fol. Voir Foi, t. vi, col. 460461. Mais c’est le mettre en contradiction avec lulmême : car il tient pour la thèse commune, nous le prouverons plus bas; ct la grande majorité des tho­ mistes en est convaincue. Si l’on voulait toutefois que sa pensée fût restée là-dessus hésitante ou contradic­ toire, mieux vaudrait alors opter pour la thèse tradl tionnellc où il est d’accord avec le grand courant théo­ logique, ct rejeter plutôt l’opinion rigide qu’il aurait peut-être admise ailleurs sur l’incompatibilité de la fol ct de la science en (oui point, laquelle après tout n’est qu’une opinion, ct des plus controversées dans l’Église. - - b) Ou bien il faudra dire que pour saint Thomas « l’existence de DIeu»,Deui est, dans le texte qui nou Heb., xr, Gf n’est pas ce que tout le monde entend par ccs mots, mais quelque mystère 1805 INFIDÈLES qui de l’aveu ,bien qu’ils s’adressent aux païens. Nous voyons en effet ces Pères travailler seulement à réfuter les calomnies des païens contre les chrétiens, à donner une idée générale de notre religion, avec des motifs de crédibilité, voir Crédibilité, t. ni, col. 2210 sq.; Foi, t. vi. col. 185 sq., enfin à démolir les fables du polythéisme. Or notre question restait en dehors de tout cela. D’ailleurs elle était délicate pour les païens. 180G et n’en eût pas été facilement comprise. Il fallait leur prêcher simplement la nécessité de sc convertir à la fol chrétienne, sans éplloguer sur le degré ct la nature de cette nécessité, sur la question de savoir si elle pouvait admettre des exceptions, ce qui aurait pu fournir un prétexte à leur indifférence religieuse; comme l’observe Llese, Der hetlsnotivendige Glaube, 1902, n. 80, p. 68. Tandis que l'apologie ct la prédi­ cation, auxquelles se livraient les Pères, se bornent à Insister tantôt sur un point tantôt sur un autre, suivant le besoin pratique du moment, seule la théo­ logie a pour mission de considérer tout Γensemble, ct de mettre à leur place scientifique toutes les vérité-s contenues dans le dépôt de la réxèlation ou en déri vant, lors même qu'elles apparaissent comme prati­ quement peu importantes. A cette dernière espèce de vérités appartient la question présente, et c’est pour­ quoi elle a été beaucoup moins traitée par les Pères qu’ensuite par les théologiens. Cf. Mausbach, lot. cit. Malgré tout, la question s'est posée plus ou moins i clairement pour un certain nombre de Pères. Mais on ne peut songer à en tirer un argument certain, pour lequel il faudrait prouver, par des textes assez nom­ breux ct assez représentatifs de toute la catholicité, V unanimité morale du magistère ordinaire, au moins à une époque donnée des temps patristlques. D'ail­ leurs les limites nécessaires de cet article nous obligent à nous borner à quelques noms célèbres ct des plus anciens, soit pour prouver qu’on a eu tort de les oppo­ ser à la thèse commune des théologiens, soit pour montrer que celle-ci n’est pas sans fondement dans l’ancienne tradition. Nous entendrons : 1® saint Jus­ tin; 2· Clément d’Alexandrie; 3e Origène; 4e saint Irénée. Ie Saint Justin. — 1. Appui qu'il donne à la thèse commune. — Dans son Dialogue avec le juif Tryphon, 11 pose en principe que Dieu est le Dieu de tous les hommes, qu’il les destine tous au même héritage céleste. I ct leur demande à tous comme moyen nécessaire pour arriver ù cette fin une même justice, laquelle ne con­ siste pas dans les observances mosaïques, mais, du moins partiellement, dans la joi ù la révélation, telle que fut la foi d*Abraham (foi stricte); ct il faut noter que notre apologiste ne sc préoccupe que des adultes ct de leur justice actuelle, qui consiste en des actes vertueux. Or des principes aussi universels excluent absolument cette hypothèse qu’une partie dre adultes puisse arriver exceptionnellement au salut par un autre moyen que l'acte de foi stricte : car alors tous n’auraient pas la même justice actuelle. Justin rejette donc ccs exceptions, cc qui caractérise la thèse com­ mune. Voici quelques-uns des textes où il pose ccs principes. Si l’on pretend que la loi mosaïque est un moyen nécessaire au salut de tous, · il faudra, dit-il, tomber dans l’absurde ct admettre, ou bien que Dieu n’est pas le même Dieu que du temps d’Hénoch ct de tant d’autres qui n’ont pas eu la circoncision. le sab­ bat ct autres institutions de la loi mosaïque,ou bien i qu’il n’a pas toujours demandé à tout le genre humain la même espèce de justice, cc qui est ridicule et insensé. Abraham, lui-même encore incirconcis, a été Justifie par la foi avec laquelle il a cru à la parole de Dieu, comme 1*affirme 1* Écriture. » Dia/. cum Tryph., n. 23, P. G., t. vi, col. 525. « Les païens qui ont cru au Christ, ct qui ont fait pénitence de leurs péchés partage­ ront l’héritage des patriarches des prophètes et des justes nés de Jacob, bien qu’ils n’observent pas le sabbat ni la circoncision ni les fêtes Judaïques; ils entreront tout ù fait dans le saint héritage de Dieu. » Ibid., n. 26, col. 532. Les cérémonies judaïques n’ont ! été instituées que pour préserver les juifs de l’idolà1 trie où ils tombaient si facilement : < autrement il j faudra dire que Dieu n’a pas donné à tous les hommes 1807 INFIDÈLES h même justice à connaître ct à pratiquer » (justice actuelle). Ibid., n. 94, col. 696. On peut ajouter que, lorsqu’il parle aux païens eux-mêmes, Justin leur représente la foi comme si nécessaire, que l’enfer attend « ceux qui ne croient pas cc que Dieu a enseigné par le Christ » Apol., 1% n. 19, col. 357. On voit qu’en parlant de la nécessité de la foi, il a en vue la foi stricte, celle qui croit cc que Dieu a enseigné par une révélation surnaturelle comme fut celle du Christ. 2. Objection. — Justin a été cité comme adversaire de la thèse commune des théologiens. Dans un passage célèbre il touche à la question des infidèles négatifs avant la venue du Christ, comme à une difficulté que lui feront quelques païens; ct pour la résoudre, il semble ne faire appel qu’à la foi large,à la raison natu­ relle qu’avalent ces infidèles. N’csl-cc pas dire que la foi stricte n’était pas nécessaire à leur salut? Voici le texte : · On objectera que les hommes qui ont vécu avant (le Christ) ne sont pas coupables. > Et il répond : « Lc Christ est le premier-né de Dieu, son Verbe, auquel tous les hommes participent.. Ceux qui ont vécu selon le Verbe sont chrétiens, eussent-ils passé pour athées comme chez les Grecs Socrate, J léraclite et leurs semblables, ct chez les barbares Abraham, Ananias, Azarias, Misaêl, Éile ct tant d’autres dont il serait trop long de citer ici les actions ct les noms. Et aussi, ceux qui ont vécu contrairement au Verbe ont été vicieux, ennemis du Christ, meurtriers des disciples i du Verbe. Au contraire, ceux qui ont vécu ou qui vivent selon le Verbe sont chrétiens, ct intrépides, et sans peur. » Apol., 1% n. 46, P. G., t. vi, col. 397; trad. Pautigny, Justin, Apologies, Paris, 1904, p. 95. Cette solution très brève, ct par là-même obscure, appelle deux éclaircissements préliminaires. a) En quel sens est-il dit que tout homme participe au Verbe ou Logos? - - Quand saint Jean, l’inspira­ teur de Justin, dit du < Verbe », qu’il « éclaire tout homme, » Joa., ï, 9, il faut entendre tout d'abord la éoélailon naturelle, appartenant à l’ordre de la créa­ tion : le Verbe < par qui tout a été fait », ibid., 3, révèle Dieu à tout homme par le fait qu’il crée en lui la nature raisonnable et la conscience, ct qu’il lui donne le spectacle de la création pour éveiller sa rai­ son et pour la conduire par la vue des effets jusqu’à a première cause. Mais il faut encore entendre ici la révélation surnaturelle ct proprement dite donnée aux hommes dès l’origine (révélation primitive), déve­ loppée ensuite par d’autres révélations, surtout celles de Moïsect des prophètes, enfin portée à son plus haut point par le Verbe fait chair (révélation chrétienne). Saint Jean vire nettement celte révélation surnatu­ relle ct positive, quand il ajoute : « La loi a été donnée par Moire, la grâce ct la vérité sont venues par JésusChrist... Lc Fils unique, qui est dans le sein du Père, c’est luiquiafaitconnaitrcDicu»./àid.,17,18.Ccsdcux révélations, l’une naturelle, l’autre positive, ne s’ex­ cluent pas, mais sc complètent ; la seconde présuppose la première; puisque la foi divine, que la révélation positive tend à obtenir, suppose nécessairement la connaissance naturelle des préambules de la foi, c’cstà-dirc la révélation naturelle. Voir Foi, t. vi, col. 17Gsq. 183 sq. L’infidcle de bonne foi qui n’a que ccttc révé­ lation naturelle, est déjà, quolqu’à un degré inférieur, participant du Verbe; ct cc qu’il possède de lumière morale ct religieuse, s’il ne l’éteint pas ct s’il y con­ forme sa vie, l’achemine d’ailleurs vers une révélation plus haute. En ce sens · la semence du Verbe est innée dans tout le genre humain. » Apol.. Il·, n. 8, trad, franç., p. 165. Et ces deux révélations, vraiment con­ nexes, Justin pouvait d’autant plus facilement les unir et les prendre comme une seule illumination du Verbe,qu*alors on ne connaissait guère les distinctions de nature et de grâce, de naturel ct de surnaturel. Sur 1808 la doctrine johannlquc du Logos, voir Jules Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, 4· édition entiè­ rement refondue, Paris, 1919, p. 450 sq. Cf. p. 496 sq., 591 sq. b) En quel sens saint Justin a-t-il pu appeler · chré­ tiens » cTanciens philosophes, comme Socrate ct Héra· dite? — Cc n’est pas au sens strict du mot, puisqu’il oppose clairement ailleurs ces anciens aux chrétiens, et note l’immense infériorité de leur philosophie par rapport à la doctrine révélée. « Ces enseignements, dit-il, que nous avons reçus du Christ ct des prophètes scs prédécesseurs, sont seuls vrais, ct plus anciens que ceux de vos écrivains. » Apol., I·, n. 23, trad, franç., p. 47. « Notre doctrine, dit-il encore, surpasse toute doctrine humaine, parce que nous avons tout le Verbe dans le Christ qui a paru pour nous, corps, verbe ct âme. Tous les principes justes que les philosophes ct les législateurs ont découverts ct exprimes, ils les doivent à cc qu’ils ont trouvé ct contemplé partiel· lement du Verbe. C’est pour n’avoir pas connu tout le Verbe, qui est le Christ, qu’ils sc sont souvent con­ tredits eux-mêmes. » Apol., 11%n. 10,p. 169. Et enfin: * Chacun d’eux a vu du Verbe divin disséminé dans le monde cc qui était en rapport avec sa nature, et a pu exprimer ainsi une vérité partielle; mais, en sc contredisant eux-mêmes dans des points essentiels, ils montrent qu’ils n’ont pas une science supérieure et une connaissance irréfutable... Ces écrivains ont pu voir indistinctement la vérité, grâce à la semence du Verbe qui a été déposée en eux. Mais autre chose est de posséder une semence ct une ressemblance propor­ tionnée à ses facultés, autre chose l’objet même dont la participation ct l’imitation procèdent de la grâce qui vient de lui. » Ibid., n. 13, p. 177, 179. Ainsi, dans la doctrine révélée il existe une inerrance absolue, qui vient soit de l’infaillibilité divine, soit de la grâce d* assistance donnée par le Verbe à son organe humain ; au contraire, dans l’enseignement des philosophes il y a des contradictions, des vérités mêlées d’erreurs. Si Justin les nomme « chrétiens », c’est donc dans un sens large, autorisé toutefois par les points de contact que voici avec les véritables chrétiens, a. « Tout cc qu’ils ont enseigné de bon nous appartient, à nous chré­ tiens. » Ibid., C’est donc en quelque sorte un fragment de christianisme, puisque nous possédons la pleine vérité dont ils ont reproduit quelques traits. — b. Ces philosophes ont été monothéistes, malgré les erreurs polythéistes de leur milieu. « Socrate, dit-il, chassa de sa république les mauvais démons et les divinités qui commettaient les crimes racontés par les poètes...; et il en détournait les hommes ct les exhortait à cher­ cher à connaître parla raison le Dieu qu’ils ignoraient.» Apol., IIs, n. 10, p. 171. Or le monothéisme est une vérité de telle Importance, ct si réservée au christia­ nisme, surtout dans ces temps-là, qu’elle donnait presque droit au nom de < chrétien ». De là chez nos apologistes du n· siècle, tout occupés à lutter contre le polythéisme gréco-romain, la tendance à prendre, au sens large, le nom de · chrétien » comme synonyme de « monothéiste », mot qui n’était pas alors en usage. Par exemple, Tcrtullicn, observant chez les païens certaines exclamations populaires où la divinité était nommée nu singulière! non au pluriel, comme : « Grand Dlcul Bon Dieu! Plaise à Dieu. . », entendait là le cri de la nature, y voyait le témoignage spontané · d’une âme naturellement chrét ienne », c’est-à-dire naturelle­ ment monothéiste. Il corrige, pourtant, nu debut de son livre De testimonio anlnue, l’excès de son expression qui semble faire sortir le christianisme de la nature humaine : il note que l’âme ne naît pas chrétienne, mais le devient; alor il prend le nom de < chrétien » au sens propre. Pour les textes, voir K d’Alès, La théologie de Tcrtullicn, Paris, 1905, p. 1-3, 33-11. CL 1809 INFIDÈLES Études, t. cxv, p. 33, 34. Justin a de même appelé Socrate · chrétien », parce que monothéiste. Quant à Héraelite, la raison de le citer est qu’il a été le premier des philosophes grecs à ébaucher une théorie du logos. Voir J. Lebreton, op. cit., p. 41-43. — c. Un autre point de contact avec les chrétiens, alors plein d’actualité, consiste en ce que Socrate, comme les chrétiens du π· siècle, avait été traité d’impie ct d* < athée », parce qu’il méprisait la mythologie du paganisme, ct fut comme eux persécuté ct mis à mort. Apol., Ix, n. 5, p. 11 ; Apol., Il·, n. 10, p. 169. Héraelite passait pour avoir subi une persécution du même genre. Que le nom de «chrétien» donné au sens large à ces philo­ sophes par Justin vienne aussi d’une persécution à cause du vrai Dieu, courageusement supportée, nous pouvons le conclure du texte objecté; aux noms de Socrate ct d’I léraclite « ayant passé pour athées > sont accolés de préférence les noms d’ «. Abraham », exilé de son pays idolâtre pour pouvoir servir le vrai Dieu, d*«Éllc», persécuté par des rois d’Israël déserteurs du vrai Dieu et sectateurs de Baal, enfin des trois jeunes gens jetés dans la fournaise pour avoir refusé d’adorer une statue, eux dont l’image est si souvent reproduite dans les peintures des catacombes, comme le type des persécutés ct des martyrs. De là aussi ccttc conclusion du même texte, unissant au nom de « chrétien » l’idée d'intrépidité : « Ceux qui ont vécu autrefois, avant le Christ ou qui vivent maintenant (les chrétiens pro­ prement dits) selon le Verbe, participant au Verbe à des degrés divers, sont chrétiens, intrépides ct sans peur». Apol., I·, n. 46. — d. Enfin ces philosophes sont Ici appelés chrétiens à un autre titre encore, parce que dans la pensée de Justin ils connaissaient l’ancienne révélation positive, prélude du christianisme ct reconnue par lui comme vraie révélation; mais nous reviendrons là-dessus. Les diverses raisons que nous venons de développer, ct qui permettaient d’étendre jusqu’à ces philosophes le nom de < chrétien » sont déjà indiquées pur dom Maran, éditeur des œuvres de Justin, dans sa Préface, part. II, c. vn, n. 5, P. G., t. vi, col. 59,60. Cf. Llcsc,Der heilsnotivendige Glaube, Fribourg-cn-Brisgau, 1902, p. 78 sq. 3. Réponse à Vobjection que Ton a voulu tirer du passage allégué ci-dessus contre la thèse commune. « Justin, nous dit-on, y suppose que la foi stricte n’est pas absolument nécessaire au salut ; car a J il n’en parle pas (argument négatif) ;b) il semble admettre ailleurs le salut de Socrate, etc. — Nous répondons : a) Dans le passage allégué, qui traite des infidèles avant le Christ, Justin nese propose pas d’expliquercommcntils pouvaient arriver au salut, question plus compliquée, mais comment il pouvait y en avoir de coupables. Car il pose lui-même ainsi l’objection que peuvent lui faire les païens : « On objectera que les hommes qui ont vécu avant lui ne sont pas eau fiables. *Apol., Ι·. n. 46, trad, franç., p. 95. Or la difficulté étant ainsi posée, il n’était pas même nécessaire d’aborder, pour la résou­ dre, la question de la nécessité de la foi stricte. 11 suffit à Justin de remarquer que, déjà avant la venue du Christen cc monde,tous les hommes participaient au Logos nu moins par leur raison, par la loi naturelle qu’ils n’ignoraient point. S’il en cite qui ont vécu conformément à ces lumières, il cite aussi des gens « vicieux » malheureusement trop nombreux au témoi­ gnage de l’histoire. Cette réponse suffit pleinement à expliquer ce qui était en question, comment il y a eu des coupables avant le Christ, malgré la bonne loi avec laquelle on ignorait alors scs futurs enseigne­ ments. C’est la remarque de Maran, loc. clé., col. 58. Sur la loi naturelle connue de tous, cf. Dialogue avec Tryphon, n. 93, col. 698. b) Quand Justin, sinon dans cc passage, du moins ailleurs, admettrait le salut de Socrate ou d’autres 1810 sages pareillement distingués par leur vie ct leur mort, il n’y aurait rien là contre la thèse commune, puisque ces hommes ont pu recevoir, par exemple, au moment de la mort, une révélation avec la grâce de la fol. Et même sans leur supposer cette révélation immédiate, Justin a pu leur supposer la fol stricte en vertu d'une révélation médiate, parvenue jusqu’à eux. Rappelonsnous en effet une de scs idées favorites, c’est que les principaux philosophes de la Grèce connaissaient la Bible, ct y avaient pulsé plusieurs dogmes, entre autres ceux dont la connaissance est le plus nécessaire au salut. 11 ne craint pas d*affirmer aux païens cette théorie sur l’histoire religieuse, bien qu’elle mette leurs grands philosophes dans un état d’infériorité et de dépendance. « Platon ... a emprunté cette parole au prophète MoBe, car Moïse est plus ancien que tous les écrivains grecs. Tout ce que les philosophes et les poètes ont dit de l’immortalité de l’âme, des châti­ ments qui suivent la mort, de la contemplation des choses célestes, ct des autres dogmes semblables, ils en ont reçu les principes des prophètes, ct c’est ainsi qu’ils ont pu les concevoir ct les énoncer. » Apol., Ix, n. 44, trad, franç., p. 91. Cette théorie remonte d’ail­ leurs bien plus haut que saint Justin, elle est due aux juifs hellénistes d’Alexandrie. Voir un fragment d’Arlstobuie dans Eusèbe, Préparation évangélique, 1. XIII, c. xii, P. G., t. xxî, col. 1097-1104; Philon en plusieurs de scs traités, Quis rerum divinarum lueres sit, édit. Mangey, t. i, p. 503; Quisquis vir­ tuti studet, ibid., t. n, p. 454; Demundi incorruptibili­ tate, ibid., t. ii, p. 490-491 ; Josèphc, Contra Apionem, 1.1,c. xxn, édit. Niese,Berlin, 1889, t.v,p.25 sq.; 1.11, c. xvi, ibid., p. 70 sq. Cf. Capéran, Le problème du salut des in fidèles, Essai historique.^. 55-59. Or, quelque sévère que soit le jugement que l’on porte aujourd’hui sur un tel système, saint Justin, lui, en était con­ vaincu, au point de l’affirmer devant les païens euxI mêmes, sans redouter de leur part un démenti qui eût ébranlé la valeur de l’apologie qu’il leur adressait. Puisque telle était sa pensée, il ne concevait donc pas Socrate ou Platon comme réduits à leur seule raison naturelle, mais comme aidés du secours de la révé’ lation prophétique; ct de ce qu’il a pu admettre leur salut, on ne peut donc conclure qu’il l’ait admis en dehors de toute foi stricte. Cf. Licsc, op. cit., n. 98, p. 86-88. J 2° Clément d'Alexandrie. — C’est l’écrivain ecclé­ siastique le plus allégué contre la thèse commune des théologiens, en faveur de celle de Ripalda. Les moder­ nistes ont même cherché à s’en servir, ainsi que de saint Justin, à l’appui de leur thèse hétérodoxe, que toute religion est vraie, que la révélation positive n’est nécessaire au salut de personne. Voir le Programma del i modernisé, Rome, 1908, p. 118. Clément mérite donc aussi une spéciale attention. 1. Observations préliminaires. — a) On λ voulu opposer son concept de la foi, comme extrêmement large, au concept traditionnel. Sans doute, quand il remonte en philosophe à l’idée générique de foi ou de • croyance », il donne du mot πίστις, existant déjà I chez les grecs de l’époque classique des definitions qui conviennent à la foi humaine ou à la croyance en général, aussi bien qu’à la foi divine. Les scolas­ tiques eux-mêmes en font tout autant à propos du mot fides; ct c’est un lieu commun chez les Pères de rapprocher sous un même nom, en ce qu’elles ont de commun, ct d’expliquer l’une par l’autre, la fol donnée à l’homme et la foi donnée à l ien Veh Foi, t. vi, col. 110 sq. Cf. Lugo, De fide, disp. i. n. 147, Paris, 1891, 1.1, p. 81. Tout cela ne contredit en rien le concept spécifique ct théologique de la foi salutaire. Comme les autres, quand il quitte la pure philosophie pour la théologie, quand il décrit la fol divine néces- 1811 INFIDÈLES «aire au salut. Clément fait assez voir qu’alors il ne se contente pas d’une foi large, mais exige une foi stricte ayant pour motif la Mrfafton proprement dite, le témoignage divin. Voir Clément d’Alexandrie, t. m, col. 189; For, t. vi.col. 110, 11 1. Cf. Le Nourry, Dis sectationes in Clementem Alexandr., diss. Il, c. xr, 2, P. G., t. îx, col. 118-1 sq.; Schwane, Histoire des dogmes, trad, franç., Parts, 1903, L I, § 17, p. 136 sq. ; Llese, op. cil., n. 110, p. 103 sq. b) Qu’il y ait une part d’exagération dans les éloges ct le rôle que donne à la philosophie antique cet érudit, si versé dans la philosophie ct la littérature des Grecs, soit; mais il est juste de faire à sa décharge les remar­ ques suivantes. — a. Clément met à scs éloges des restrictions trop souvent oubliées. « Nous n’acceptons pas en bloc tous les philosophes,dit-il, mais seulement cc petit nombre d’élus... dont parle Socrate dans Platon..., ceux, dit Socrate, qui ont une philosophie salncct droite.» Strom., I, c. xix, P.G., t, vin, col. 808. Même parmi ces élus, Clément fait encore un choix de doctrines. < Quand je parle dc la philosophie, dit-il, je n’entends pas celle des stoïciens, ni celle dc Platon, ou d’Épicurc, ou d’Aristote, mais tout cc qui a été dit de bon dans chacune dc ces écoles, tout cc qui enseigne la justice avec une science pieuse, tout cet ensemble éclectique, voilà ce que j’appelle la philo­ sophie, » Ibid., c. vu, col. 732. Large éclectisme, guidé par la raison etla foi. «La philosophie au sens que nous lui avons donné, dit-il d’autre part, c’est cc qu’on atteint dc vérité en philosophant, quand même ccttc vérité n’est que partielle. » Strom., VI, c. xvn, P. G., L ix, col. 392. Cf. ibid., c. vn. Vanter la haute mission que Dieu, dans le plan de sa providence, a donnée à la philosophie ainsi entendue, cc n’est pas dire que les philosophes grecs sc soient montrés à la hauteur dc leur lâche : au contraire, Clément ne craint pas d’aflir­ mer qu’ils ont manqué le but. Voir Frcppcl, Clément (ΓAlexandrie, vi· leçon, Paris, 18G5, p. 160-162. b. Ceux qui sc sont scandalisés dc la mission que cc Père reconnaît à la philosophie comme préparatrice de la foi, comme auxiliaire de l’apologétique ctdcla théologie, nous les trouvons surtout parmi les sectaires qui s’imaginaient la raison humaine détruite par le péché originel, du moins sur le terrain moral ct reli­ gieux : protestants dc la vieille école, ou jansénistes, suivis par quelques catholiques fldéislcs. L’Église enseignante rejette le fidéisme. Elle approuve les vues originales dc Clément sur les rapports dc la phi­ losophie ct dc la fol; Léon XIII en cite les formules mêmes : que la philosophie est « une institution pré­ paratoire à la foi chrétienne. ■ Slrom., I, c. xvi; cf. VIII, c. ni; qu’elle est « le pédagogue qui conduit à l’Évangile. t Strom., ί, c. v. Voir l’encyclique Æternt Patris, dans Leonis XIJI acta, Home, 1881, t. i, p. 258. —e. La < gnose » que Clément veut voir surafouler à td fol par ceux qui en sonlcapablcs, comme un complément ct un dernier perfectionnement, n’est pas la philosophie, mais la théologie, laquelle part des vérités mêmes de la fol comme de principes inébran­ lables. A la philosophie il indique le rôle dc servante dc la théologie ou < sagesse », de même que la gram­ maire cl les arts libéraux, la géométrie ct d’autres sciences servent À la philosophie qui les domine à son tour. Strom., I, c. v, P. G., t. vm,col. 721. 2. Textes et idées de Clément que Con a objectés contre la nécessité absolue de la fol stricte." a) La philosophie est par lui attribuée au Verbe. On veut en conclure qu’il la regarde comme l’égale dc la révélation. — Réponse. — Clément ne fait que reproduire la théorie de saint Justin sur la participation de tout homme au Verbe. Voir col. 1808. Comme Justin, Il n’accorde à la raison naturelle et à la philosophie qu’une participa­ tion d’urdre inférieur. « Les Grecs, dit-il, ayant reçu 1812 quelques étincelles du Verbe divin, ont dit quelques parcelles dc vérité. Par là ils témoignent de la puis sance du Verbe, cl en même temps accusent leur faiblesse, puisqu’ils ont manqué le but. » Prolreplicus c. vn, P. G., t. vm, col. 184. b) Il semble mettre la philosophie, résultat du travail rationnel, sur la même ligne que les livres Ins­ pirés dc l’Ancien Testament: «La philosophie, comme un pédagogue, conduisait le monde grec vers le Christ, dc même que la Loi conduisait vers lui les I lébrcux (d’après Gai., in, 21). · Slrom., I, c. v, P. G., t. vm, col. 717. On veut en éonclurc que, comme la révélation dc (’Ancien Testament, par la foi qu’on y avait, ct les autres dispositions que cette fol faisait naître, condui­ sait à la justification ct au salut, ainsi la philosophie d’après Clément, aurait suffi également à y conduire. Réponse. — Il n’établit pas l’égalité entre ces deux pédagogues, et ne concède pas à la philosophie comme telle dc suffire au salut. Car à cet endroit même il fait observer que, si la philosophie vient dc Dieu, c’cst dans un tout autre sens que la révélation biblique : « Dieu est cause de tousles biens;mais II produit les uns principalement, tels (’Ancien Testament ct le nou­ veau, les autres indirectement comme un accessoire, telle la philosophie. · Loc. cit. Et quand il dit que la philosophie < préparait les voies au Christ », rappelonsnous que ce mot vague de préparation ou de dispo· sition recouvre bien des choses de nature et de valeur très différentes : ne distingue-t-on pas la disposition purement négative, qui ne fait qu’écarter l’obstacle, ct la disposition positive, telle que la fol stricte ct sur­ naturelle qui introduit déjà dans l’ordre même de la Justification ct proportionne le sujet à la recevoir? La philosophie, pour Clément, n’est qu’une disposition négative à l’enseignement du Christ : elle < écarte les sophistes. » Loc. cil. c) « Avant la venue du Seigneur, dit-il encore, la philosophie était nécessaire aux grecs pour la jus­ tice; maintenant elle reste utile à la religion, étant une propédcullquc à l’usage de ceux qui reçoivent la foi par démonstration. » Loc. cit. Ne semble-t-il pas que, dans sa pensée, la philosophie donnait alors la « jus­ tice » ct par conséquent le salut, sans qu’il fût néces­ saire d’y ajouter la grâce du Christ ct la foi proprement dite? — Réponse. — Un peu plus bas, Clément s’explique, ct limite beaucoup le rôle de la philosophie. Ce n’est qu’une < coopératricc ·, pour la · recherche dc la vérité. » Loc. cit. « Bien des choses concourent à la recherche dc la vérité, mais on ne peut la trouver sans le secours du Fils. » Strom., I, c. xx, P. G., t. vm, col. 813. « Il n’y a qu’une vérité proprement dite, celle que nous enseigne le Fils de Dieu... A trouver ccttc vérité,la philosophie neconcourt quedefoin,πόρρωϋεν. C’est Dieu qui nous enseigne nu moyen de livres vrai­ ment sacrés que nous recevons dc son Fils (révélation surnaturelle ct foi stricte) : l’enseignement dc la phi­ losophie ne prend pas les âmes dc la même manière. » Ibid., col. 81G. Quand il dit que « la philosophie, par elle-même, a parfois rendu fustes les grecs», il remarque lui-même qu’il ne se s’agit pas * dc la justice supé­ rieure ct entière. » A celle-ci la philosophie pouvait contribuer seulement « comme le premier ct le second escalier conduisent à l’étage supérieur dc la maison, comme le grammairien prépare le philosophe. » Loc. cit. D’ailleurs cette préparation philosophique à la fol ct à la justification proprement dites n’est pas pro­ prement nécessaire aux croyants, ct le plus souvent leur manque. < Presque tous les fidèles, dit-il, sc sont passés dc renseignement classique dc la philosophie grecque ct des lettres, quand, sous l’influence d’une philosophie divine ct étrangère à la Grèce, aidés dc la puissance (divine), enseignés par une sagesse libre­ ment agissante. Ils ont reçu avec fol la parole de Dieu. 1813 INFIDELES 1814 Loc. cit. ■ La vérité donnée par la foi, ajoute-t-il, pelle d’abord que « à ceux qui étalent justes selon est nécessaire à la vie dc l’àmc comme le pain à la vie la philosophie il fallait encore non seulement la foi du corps; la préparation philosophique n’est qu’un au Seigneur, mais aussi le rejet dc l’idolâtrie. · Strom., VI, c. vi, P. G., L îx, col. 265. Les < Justes assaisonnement ct une friandise. » Ibid., col. 817. d) Mais n’a-t-il pas dit : « De même que Dieu a voulu selon la philosophie » sont ceux qui conforment leur sauver les Juifs en leur donnant des prophètes, de vie à la règle dc la raison ct de la loi naturelle. même il n distingué du vulgaire les plus vertueux des ' Mais comment ces âmes droites ct exerçant des ver grecs, les· constituant prophètes dans leur propre tus naturelles, pouvaient-elles parvenir à cc qui leur langue, suivant qu’ils étaient capables dc participer au manquait encore? C’est le nœud de la difficulté. bienfait céleste. •Slrom., VI,c. v, P. G., Lix, col.261, Notre apologiste en a déjà indiqué une solution au 26 L Le parallélisme peut-il être plus complet? Dans moins partielle, pour ceux des anciens qui, au sein du sa pensée la philosophie sauve donc aussi bien que la paganisme, ont pu connaître la révélation proprement révélation. - - Réponse. — Chinent ne parle pas dans dite, ou primitive ou mosaïque, pour ceux encore ccttc phrase de la philosophie seulement, ni même qui ont reçu une révélation immédiate : ils ont pu principalement. Il cite comme exemples < la Sibylle ct faire ainsi, avec le secours de la grâce, un acte dc foi Hystaspe ·, c’cst-à-dirc non pas des philosophes, mais I stricte, fondement dc leur justification. Mais si large des païens qui auraient reçu dc véritables révélations que soit la part faite par lui à ces moyens providen­ surnaturelles ct immédiates comme les prophètes tiels de distribuer la vraie révélation dans le monde juifs, des révélations que les philosophes pouvaient paient Clément ne parait pas pleinement satisfait dc connaître et qui pouvaient servir de base à la fol la solution. C’est alors que dans une conviction pro­ stricte, que notre apologiste suppose donc, loin de fonde de la nécessité de la foi stricte, notre apologiste l’exclure. Sans doute il se fie trop, comme l’avait a recours à une hypothèse célèbre, que nous devons déjà fait saint Justin avant lui, soit aux affirmations exposer avec quelque développement 4. Son hypothèse d'une conversion ά la foi par Γévan­ des juifs hellénistes d'Alexandrie, soit à des écrits apocryphes comme la < Prédication dc saint Pierre. » gélisation aux enfers. — L’âme du Christ, après la Mais cc que nous avons à examiner ici, c’cst sa pré­ mort sur la croix, est descendue · aux enfers. » Sur les tendue négation dc la nécessité dc la foi, ct pas autre fondements dc ce dogme chrétien, voir Dcsœnte de chose. Par l’autorité des mêmes juifs d’Alexandrie il Jésus aux enfers, t. iv, col. 567 sq. Sur le sens tra­ est également convaincu, comme Justin, que les phi­ ditionnel de ce dogme défiguré par les protestants, losophes grecs ont fait dc nombreux emprunts à la défendu contre eux dans son vrai sens par Bellarmin, Bible; Aristobulc ct Philon sont cités par lui, Strom., Suarez ct Petau, voir ibid., col. 582 sq. Citons aussi I, c. xv, P. G., t. vm, col. 781 ; c. xxji, col. 893; V, une étude de théologie positive plus voisine de notre c. xiv, t. îx, col. 145. Avec plus dc vérité historique, temps, celle que Mamachi, O. P., se proposait d’ajouter il observe que les grands philosophes grecs, quand il en appendice à son livre célébré sur les antiquités s’agit des choses divines, ne s'appuyaient pas seule­ chrétiennes ct que, vu l’abondance des matières, il a ment sur la raison, mais parfois sur d’anciennes tra­ publiée séparément en deux volumes, De animabus ditions; il cite un passage où Platon dit que Dieu, justorum ante Christi mortem expertibus visionis Det, « comme l’atteste la parole antique », contient le prin­ Home, 17G6. D’après la doctrine traditionnelle, la cipe, le milieu ct la fin dc toutes choses, Strom., II, descente du Christ a eu pour cfTct principal la déli­ c. xxi, t. vm, col. 1081. Cette « parole antique » citée vrance des âmes justes de la prison où elles étaient par Platon, c’cst pour Clément quelque passage dc la renfermées jusqu’à l'accomplissement dc la rédemp­ Bible. Voir Frcppcl, Clément d'Alexandrie, p. 14G- tion; par une suite du premier péché, elles devaient attendre jusque-là pour recevoir leur récompense, la 148. 3. Textes ct idées dc Clément pour la nécessité absolue vision de Dieu, ct entrer au ciel avec leur libérateur. Mais la descente de Jésus aux enfers n’a-t-elle pas de la foi stricte, - a) 11 affirme ccttc nécessité, ct l’insuffisance dc la philosophie pour le salut : « Le Sei­ produit d’autres effets, et sur des âmes en moins bon gneur a dit : Je suis la porte par où entrent les brebis. état? Ici nous entrons sur un terrain plus discuté, où Joa., x, 7. Il faut donc avoir appris la vérité par l’inter­ les Pères n’ont pas toujours été d’accord. Clément médiaire du Christ pour être sauvé, quand même on d’Alexandrie a le premier soutenu ex professo qu’une aurait déjà la philosophie. Car cc qui était inconnu conversion a été produite dans l’iladès par la parole aux générations précédentes vient d’être révélé aux du Christ II importe de préciser sa pensée, ct d’en enfants des hommes, m Strom., V, c. xm, P. G., t. îx. examiner la valeur. Slrom., VI, c. vi, P. G., t. îx, col. 128. Il s’agit clairement ici dc la fol stricte, fondée col. 265 sq. — a) Clément admet-il cc qu’aujourd’hui sur la révélation positive et surnaturelle. Les derniers certains protestants lui prêtent pour étayer de son mots. Il est vrai, semblent restreindre la portée du autorité leur propre théorie sur le salut universel ct la texte aux temps qui suivent la venue du Christ. Mais restauration finale des damnés : à savoir, que le Christ un autre texte, qui envisage directement les temps aux enfers ait converti tous les damnés? Nullement. Il antérieure, vient compléter celui-là : < Abraham n’a est même très douteux qu’il parle dc la conversion pas été Justifié par les œuvres, mais parla fol.»Boni., d’un scélérat quelconque. Lui-même, en effet, prend iv; Gai . ht. « Inutile donc aux philosophes grecs soin d’expliquer qu’il n'a en vue que les meilleurs d’avoir eu ici-bas les bonnes œuvres, s’ils n’ont eu la observateurs dc la loi naturelle, ceux auxquels il foi. C’est pourquoi les Écritures furent traduites en n’avait manqué sur terre que la grâce dc la révélation grec, pour qu'ils n’eussent pas même le prétexte dc positive pour obtenir d'eux la fol ct le repentir : « A leur ignorance, étant à même dc connaître nos Livres ceux qui étaient justes selon la philosophie, 11 fallait saints s’ils Je voulaient. » Strom., I, c. vn, P. G., t. vm, encore la fol nu Seigneur, avec le rejet dc l’idolâtrie. Dc tels hommes, dès que la vérité leur a été révélée, col. 733. - b) Pour expliquer la nature dc la fol, Clément cite Heb., xi, 1 ; pour expliquer sa nécessité, regrettent leur passé. C’est pourquoi le Christ a évan­ Heb., xi, G. Or, le sens dc cc passage est clairement en gélisé aussi ceux qui étaient dans l’IIadés. · l.oc. cit. faveur dc la nécessité absolue dc la fol stricte. Voir Cette liaison : « c’cst pourquoi », et ces paroles qui col. 1798 sq. — c) Une théorie singulière dc Clément servent d’introduction à la thèse dc la conversion sur le salut des infidèles avant le Christ révèle aussi dans l’Hadès, font assez voir quelle sorte d’âmes, le fond de sa pensée, qui est que la foi stricte n tou­ d’après Julien bénéficie. Et plus loin, il les désigne jours été d’une absolue nécessité dc moyen. Il rap- ainsi : « ceux qui ont plus excellé dans la justice ct 1815 INFIDÈLES mieux vécu, et qui sc repentent de leurs fautes, bien que cc repentir n’ait lieu que dans l’autre inonde. » Ibid., col. 268. — b) Parle-t-il des païens? — Scs paroles, que nous venons de citer, le disent clairement, ct ne perdent rien de leur clarté, quand il hésite ensuite surcc point secondaire, si peut-être le Christ n’a évan­ gélisé en personne que les âmes juives, réservant les autres pour scs apôtres, qui à leur tour descendraient dans Γ Ha dès ct achèveraient son œuvre : tout cela à cause d’un passage du Pasteur d’Hcrmas, d’ailleurs ambigu, ct sans véritable autorité, sur lequel il veut appuyer sa thèse. Sur cc passage voir Descente de Jésus aux enfers, t. iv, col. 579. — c) Inefficacité des preuves accumulées par Clément. Son argument capital est un passage (reconnu par tous lesinterprèles comme très obscur) de la première Épltrc de saint Pierre, ni, 19. Dans ccttc «bonne parole» apportée par le Christ aux esprits détenus en prison, Clement voit une prédication de missionnaire, destinée à donner à certaines âmes la toi qu’elles n’auralcnt pas eue encore. Loc. cit. Mais on peut très bien n’y voir que la bonne nouvelle de leur prochaine entrée au ciel, apportée par le Christ aux justes. La < proclamation » de leur délivrance trouve son expression très propre dans le mot έκήρυξε, que nptre Vulgate traduit par prie· dicavit. Sur cc texte de saint Pierre, voir Descente de Jésus aux enfers, col. 590-592. Voir un com­ mentaire encore plus détaillé et discutant spéciale­ ment l’interprétation de Clément dans Stentrup, Prælectiones de Verbo incarnato, part. II, Soteriologia, frispruck, 1889, t. ï, p. 606-622. Enfin les raisons théologiques où Clément s’attarde avec complaisance ne sont pa> efficaces.. Il part de principes généraux admis par tous les catholiques, mais qui sont aussi bien sauvegardés par d’autres solutions dont nous aurons à parler, que par celle qu’il préconise. La jus ticc de Dieu, dit-il, doit mettre une différence entre bons ct méchants, ct ne peut les envelopper tous dans une même condamnation. Strom., VI, c. vî, col. 268. Sans doute! Mais cela ne prouve pas qu’une conver­ sion ait dû sc faire dans les enfers; il y a d’autres manières de vérifier cc grand principe. Nous en dirons autant de ces» autres principes invoqués, que Dieu n’est pas le Dieu des seuls juifs, mais de tous les hommes, ct que le Christ est assez puissant pour les sauver tous, ibid., col. 269; que l’ignorance de la révé­ lation excuse le défaut de foi; que Dieu a donné à tous des moyens de salut, même avant le Christ, col. 272; que la Providence s’étend à tous, ct n’exclut aucune race, col. 273. — d) Inconvénients de celte hypothèse. — D’abord, ce n’est pas une solution adé­ quate du problème du salut des infidèles. « Elle ne s’applique, observe Frcppel, qu’aux païens morts avant l’incarnation. Mais que penser de ceux qui ont vécu depuis cette époque-là, ct qui sc sont trouvés dans l’impossibilité de connaître l’Evangile? Faudra-til que le Sauveur descende de nouveau dans les enfers pour y prêcher la foi? » Clément d*Alexandrie, p. 172. Mais surtout son hypothèse a contre elle cette grande doctrine scripturaire ct patristique, que l’épreuve du libre arbitre s’arrête à la mort; que dans l’autre vie on ne peut par son repentir faire son salut, en acquérantla justice surnaturelledont on aurait étédépourvu au moment de la mort ; que ceux-là seuls sont sauvés, qui meurent en état de grâce; que le dernier instant de celte vie temporelle est d’une suprême importance, ct décisif pour notre éternité. Voir Mort, Persévé RANCE FINALE. Malgré tout, celte théorie de Clément a l’avantage de nous n vêler à fond sa pensée sur la nécessité de l’acte de fol stricte, fondé sur la révélation positive. Il est si persuadé du caractère absolu de ccttc nécessité, que, plutôt que d’y admettre des exceptions, quand il 1816 s’agit de concilier ccttc nécessité avec un autre prin­ cipe vrai qui lui est cher, à savoir la sérieuse volonté qu’a Dieu de sauver tous les hommes, il ne craint pas de recourir Λ un biais singulier et difficile ù défendre, faute de trouver mieux. Pour occuper dans les limbes, comme il l’a fait, l’âme du Christ lui-même, ou-les âmes de ses apôtres, ù obtenir des païens honnêtes un acte de foi stricte qu’innocemmcnt ils n’avaient Jamais pu faire, il fallait être bien convaincu de l'absolue nécessité de cet acte; sans cette conviction profonde, une hypothèse beaucoup plus simple l’eût emporté, celle d’admettre des exceptions à cette néces­ sité dans les cas d'ignorance invincible. 3° Origine. — 1. Il afllrme la nécessité de la joi stricte. — « L’apôtre, dit-il, déclare que la promesse (du salut) n’est pas faite ù ceux qui s’inspirent seulement de la loi naturelle, mais à ceux qui auront ajouté à la loi naturelle cette foi qu’a eue Abraham notre père. Il n’a pas en vue deux groupements d’hommes, l’un selon la foi, l'autre selon la loi, mais un seul groupe qui plaise à Dieu non seulement par la loi naturelle à l’usage de tous les hommes, mais encore par la foi dont Abraham a été le modèle : afin de faire voir que, lorsqu’on aurait pour soi tout cc qu’enseigne la loi naturelle sans être accusé en rien par sa conscience, si pourtant l’on n’a pas la grâce de la foi, on ne peut être justifié../n Nom., 1. IV, n. 5, P. G., t. xiv, col. 976, 977. Il s’agit bien a) de l’acte de foi stricte, comme celui que fit Abraham quand il crut à la révélation, à la promesse divine, et b) des païens eux-mêmes, e Même panni les païens, dit-il ailleurs, quelques-uns ont cultivé les vertus de l’âme, ct la philosophie a eu chez eux quelques bons résultats; mais Dieu ne veut pas que cela lui soit offert en prémices. Quels sont ceux dont il veut recevoir les bonnes œuvres? Ceux dont l’âme voit Dieu, ct qui lui ont étéconsacrés par la foi. » In Num., hom. xi, n. 7, P. G., t. xn, col. 652. 2. Sa pensée sur l'évangélisation aux enfers. — Il était naturel qu’Origène empruntât à Clément son maître l’idée de la conversion des païens â la foi par la descente du Christ; d’autant plus que, par l’effet d’autres influences, surtout par suite de l’idée pla­ tonicienne de la préexistence des âmes, Origine est allé bien plus loin que son maître dans les rêve ries d’épreuves successives ct de conversions après la mort. Contre Celsc, il affirme nettement des conver­ sions dans i’Hadès : « L’âme du Christ, dit-il, une fois séparée de son corps, a conversé avec les âmes également séparées, convertissant à soi celles qui en avaient le désir, ou celles qu’en vertu de sa propre science il voyait mieux disposées. · Coni. Celsum, 1. II, n. 43, P. G., t. xi, col. 8G5. Voir Descente aux enfers, col. 580. 3. Son influence pour répandre l'hypothèse des con versions dans l'IIadès. — Sur cc point comme sur quelques autres questions connexes, le grand nom d’Origènc, qui n’était pas encore condamné par l’Églisc, a influencé quelques docteurs du iv· siècle, surtout en Orient.Mais certains protestants modernes, tout ù fait origénistes,augmentent indûment le nombre de ces Pères ou docteurs. — a) Saint Épiphanc, par exemple, est revendiqué par eux pour une phrase plutôt obscure en sa brièveté : « Le Christ est venu I pour (Adam) ct tous ses descendants ; aux anciens qui l’avaient reconnu ct ne s’étalent pas éloignés de sa divinité, mais qui,pourquclquesfautes. étalent détenus I dans l’IIadès, il est venu donner la grâce de l'amnistie. a Ihrr., xlvî, c. xv, P. G., t. XU, coL 844. Or ces pro testants origénistes entendent qu’il a retiré même les plus scélérats, tandis qu’Épiphnnc ne parle que des âmes religieuses et justes, d’autant plus qu’il ajoute aussitôt : « Λ ceux qui sont en cc monde, (le pardon est I donné) à cause de leur pénitence, de leur conversion. “is + 2« 1817 f ' t Z INFIDÈLES μετανοίας : à ceux qui étalent dans l’IIadès il fut donné par miséricorde. » C’est dire, à l’encontre de Clément cl d’Origènc, qu’il n’y a en l’autre vie ni pénitence, ni conversion, ni justification, pour faire passerait ciel ceux qui sc sont perdus en cc monde. Ccttc amnistie dans l’IIadès, dont parle Épiphanc, doit donc s’entendre pour des fautes légères, comme l’indique son mot grec σφάλματα. Plusieurs des anciens justes avaient à leur mort des fautes vénielles non pardonnées en cc monde, et des peines temporelles a subir; 1* « Ilndès » était le séjour de tous les morts avant la passion du Christ, ct comprenait diverses catégories d'âmes séparées les unes des autres. Voir Enfer, L v, col. 29. Il devait donc renfermer un pur­ gatoire, ont conclu les théologiens. Que i’âmc du Sauveur soit cllc-nième descendue ou non dans cc pur­ gatoire, elle pouvait également y délivrer des âmes par sa pure miséricorde ; ct telle doit être Γ « amnistie > des « fautes légères » dont parle Épiphanc. Quand même ce Père entendrait une libération générale de toutes ces âmes du purgatoire, il n’y aurait pas grand incon­ vénient : c’était une occasion exceptionnelle ct unique, qui ne tirait pas à conséquence, le Christ, venant apporter aux âmes justes la vision de Dieu ct les emmener dans son royaume, pouvait sans inconvé­ nient faire un don de joyeux avènement, une indul­ gence plénière, à toutes celles que le purgatoire obli­ geait encore; aussi quelques scolastiques l’ont admis, ‘ ct après eux le vénérable Louis du Pont. Cependant les théologiens, en général, préfèrent limiter ccttc gra­ cieuse concession à des âmes d’élite, à la suite de saint Thomas interprétant saint Augustin. Sum. theol., 111% q. ui, a. 8, ad lum. Voir Stentrup, op. cit.; thèse LI, p. 678 sq.; Descente aux enfers, L iv, col. 615-617.— b) Saint Athanase a été faussement cité en faveur de l’hypothèse origénistc : il ne fait que redire le texte de la Iw Épître de saint Pierre, ni, 19, sans autre explication. Ad Epictetum, n. 5,6, P. G., t. xxvi, col. 1060. — c) Saint Cyrille de Jérusalem ne parle point de prédication aux infidèles ni de conversion dans l’IIadès, mais seulement de la délivrance des justes par le Christ, ct de son triomphe sur la mort ct les démons, ces « portiers des enfers » frappés d’épou­ vante. Cal., xiv, n. 19, P. G., t. χχχτπ, col. 818-849. Cf. Capcran, op. cil., p. 84. — d) Saint Jean Chryso· stome rejette positivement l'hypothèse alexandrine. « Quand on affirme, dit-il, que le Christ a brisé les portes de l’enfer..., cela signifie qu’il a détruit la puis­ sance de la mort, ct non pas qu’il ait remis leurs péchés à ceux qui étalent morts avant sa venue. » In Matth., hom. xxxvt, n. 3, P. G.; L lvh, col. 416. Il énonce la principale raison de rejeter les conversions posthumes. < La vie présente, dit-il, est le temps de mettre ordre à scs affaires, après la mort, il n’y a plus que le juge­ ment, ct la punition. » Jfud.,Cf.Capéran, p.85. Du reste nous retrouverons Chrysostomc, quand nous signa­ lerons la meilleure solution du problème du salut des infidèles, qui l’a beaucoup préoccupé. — c) En Occi­ dent, l’hypothèse de la conversion dans l’IIadès est plus sévèrement jugée qu’en Orient Au iv· siècle, saint Philastre, évêque de Brescia, regarde comme une hérésie de dire < que le Seigneur, descendu aux enfers, y a prêché à tous pour obtenir d’eux une con­ fession (de fol, ou de leurs péchés?) ct les sauver. » Ifæres., P. L., t. xn, col. 1250. — /) Saint Augus­ tin, après avoir hésité dans des ouvrages précédents, voir Augustin, t. ï, col. 2451; cf. Capéran, op. cil., p. 106-110, écrit vers la fin de sa vie : < Une autre (hérésie) dit qu’à la descente du Christ aux enfers les incrédules ont cru, ct les regarde tous comme déli­ vrés. > De hirresibus, P. L., t. xi.n, col. 45. — g) Saint Grégoire le Grand, écrivant à deux membres du clergé de Constantinople, qui dans un séjour à Rome avaient 1818 soutenu le salut de fous dans l’IIadès, moyennant la confession de fol au Christ-Dieu, leur cite Philastre et Augustin, ct ajoute : « Ne tenez que ce qu’enseigne la vraie foi par Γ Église catholique, c’est-à-dire que Je Seigneur, descendu aux enfers, a délivré de prison ceux-là seuls qui, vivant encore dans leur chair, avaient été conservés par sa grâce dans la foi ct les bannes oeuvres. » Epist., 1. VII, cplsL xv, P. L., L Lxxvn, coi. 870. Cf. Jiomil. in Evangeha, 1. II, hom. xxn, n. 6, P. L., t. lxxvi, col. 1177. Voir Descente aux enfers, L xv, col. 599, 602. — h) Saint Bède le Véné­ rable dit aussi : « Il est de /oi catholique qu’à la descente du Christ aux enfers cc ne sont pas des incrédules qu’il est venu convertir, mais seulement scs fideles qu’il a retirés ct conduits au royaume céleste. > P. L., t. xcm, col. 59. 4® Saint Irénée. — Chronologiquement, nous aurions dû le faire passer avant Origéne, mais nous n’avons pas voulu diviser les deux alexandrins, premiers tenants de l’hypothèse d’une conversion aux enfers. 1. Pcut-on lui attribuer cette hypothèse?—Non. On a objecté un passage où Irénéc rapporte cc que lui avait dit un presbytre qui avait recueilli l’enseignement des disciples immédiats des apôtres : < que le Seigneur est descendu dans les lieux souterrains pour annoncer, là aussi, la bonne nouvelle de son avènement; car il existe une rémission des péchés pour ceux qui croient en lui. Ont cru en lui tous ceux qui espéraient en lui, c’est-à-dire qui ont prédit son avènement ct send scs desseins, les justes, les prophètes ct les patriarches ; il leur a remis les péchés comme à nous ; il ne faut donc pas les leur imputer, cc serait mépriser la grâce de Dieu. » Cont. hær., 1. IV, c. xxvn, n. 2, P. G., L vn, col. 1058. La < rémission des péchés > mentionnée ici par Γévêque de Lyon est celle qui a lieu sur la terre, non pas dans CHadès. En eflet, comme on le voit par tout le contexte, Irénéc réfute les gnostiques, ennemis de l’AncienTcstamcnt, de scs Écritures, de sessaints.ct surtout de son Dieu, qu’ils disaient différent du Dieu du Nouveau Testament. Tantôt ils reprochaient au Dieu de la Bible d’y avoir fait enregistrer tant de crimes sans les blâmer, tantôt ils reprochaient à des prophètes ct à des justes, par exemple David, leurs péchés comme s’ils ne leur avaient pas été pardonnés. Irénéc leur prouve que le Dieu de la Bible n’est pas distinct de celui de Γ Évangile, comme le prouvent les livres mêmes du Nouveau Testament admis par eux; que Dieu a pardonné à David, ct le lui n fait savoir par son prophète Nathan (il s’agit donc bien pour Irénéc de la rémission des péchés en cette vie); que Dieu a suffisamment blâmé les crimes des juifs et les a fait écrire dans la Bible pour notre instruction; que nous ne devons pas reprocher aux saints leurs pèches pardonnés, de même qu’ils ne nous reprochent pas les nôtres, une fois effacés; que le Christ, dont sc récla­ ment les gnostiques, est venu sauver tous les hommes, mémo ces anciens juifs qu’ils détestent; que comme le premier homme a exercé son influence fatale sur toutes les générations suivantes, ainsi le Christ, bien que venu dans les derniers temps, a purifié ct vivifié par anticipation tous ceux qui depuis le commence­ ment du monde ont réuni pour cela les conditions né­ cessaires, cf. ibid.,v. xxn,col. 1046,1047 ;ccqu’ila fait voir notamment quand il est descendu dans l’Hadès, pour y annoncer la bonne nouvelle de son avènement et de la délivrance. Par tout cc contexte, nous com­ prenons le passage objecté, ct nous voyons que l’hypo­ thèse alexandrine n’y est pas affirmée; nous coinpre nous aussi pourquoi le gnostlquc Marcîon, ennemi du Dieu de l’Ancien Testament, ct par là même ami de tous ses ennemis, est allé jusqu’à dirc.au témoignage de saint Irénéc : « Le Seigneur est descendu dans TIadès pour sauver Caln, Coré, Dathan ct Ablron, 1819 INFIDÈLES 1820 Ésaû ct toutes les nations qui ignoraient le Dieu des infidèles une lumière surnaturelle subjective, c’est-àjuifs; il y a laissé Abel, Henoch, Noé, Abraham, Isaac, dire l'élévation intérieure de la faculté naturelle par la Jacob, Moïse, David ct Salomon... Leur crime est grâce, voilà dans quel sens il parle Ici de « lumière infuse, mais non pas une lumière surnaturelle objec d’avoir reconnu le dieu des juifs, fabricatcur du monde, ct d’avoir suivi scs lois, au lieu dc sc vouer au live, c’est-à-dire la révélation proprement dite, objet Dieu invisible. » Con/. ter., 1.111, c. xui, n. 4, P. G., t. vu, de la fol stricte qu’il ne leur juge pas absolument col. 700. Dans sa Démonstration de la prédication apos­ nécessaire. De fide, disp. XVII, n. 70, édit. Vivès, tolique, n. 78, trad, latine dc S. Weber, Fribourg-cn- t. vu, p. 361 ; ct n. 164, p. 389. — Réponse. — La Brisgau, 1917, p. 103, saint Irénée, citant un texte mineure du syllogisme, au lieu de suivre fidèlement apocryphe dc Jérémie, que saint Justin a cité aussi, le texte dc saint Paul, l’arrange ù sa façon. En réa Dial, cam Tryph., n. 72, P. G., L vi, col. 644 sq., res­ lité, d’après l'apôtre, pourquoi les païens sont-ils inex­ treint aux seuls saints Israélites la rédemption des cusables? — Parce quoa. Dieu leur avait manifesté morts, que devait produire la descente du Sauveur aux très visiblement, par le spectacle dc l’univers créé, tel enfers. qu’il apparaît à la raison, quelques-uns dc ses attri­ 2. Sa pensée sur la nécessité de ta fol. — a) Après buts, Rom., i, 19, 20; c’est en citant cc dernier verset avolt dit que « l’olivier sauvage n’est pas reçu dans que le concile du Vatican a défini que * la lumière le paradis dc Dieu », Irénée développe ainsi la compa­ naturelle dc la raison peut connaître Dieu avec cer­ raison :* Comme un olivier sauvage, si on le greffe, titude » Denzinger-Bannwart, n. 1785; cf. n. 1806. ne perd pas l’essence dc son bois, mais seulement Parce que bj ayant par la raison une connaissance change la qualité dc ses fruits, ct prend le nom d’olivier (confuse) de Dieu, cum cognovissent Deum, ils n’ont fructifère, ainsi l’homme greffé par la foi, ct recevant pas cherché une connaissance meilleure, et ne l’ont l’Esprit de Dieu, ne perd pas la substance dc sa chair, pas < glorifié comme Dieu, ni remercie de ses bienfaits, mais change la qualité dc scs œuvres, et reçoit un mais ont déraisonné ct obscurci leur cœur, » J21. autre nom, qui signifie la précieuse transformation Parce que c. ils ont accepté, contre la raison elleopérée en lui:on ne l’appelle plus chair ct sang,mais même, une grossière idolâtrie, ÿ 22, 23. Enfin d. parce homme spirituel. Et d’autre part, comme un olivier qu’ils sc sont dès lors abandonnés ù leurs passions ct sauvage, s’il n’est pas greffé, demeure inutile ù son jetés dans les crimes contre la loi naturelle, y 24-31, maître, ct par suite est coupé ct jeté au feu, ainsi ct que, < connaissant très bien le jugement de Dieu, à l’homme qui ne prend point par la foi la greffe spiri­ savoir, que ceux qui commettent ces crimes sont tuelle continue d’étre cc qu’il était; chair ct sang, il dignes dc mort, non seulement ils les font, mais encore ne peut posséder l’héritage du royaume de Dieu. » ils approuvent ceux qui les font, > ÿ 32, imparfai­ Cont. hær., 1. V, c. x, P. G., t. vu, col. 1148. Tout con­ tement traduit dans la Vulgate. Voir F. Prat, La théo­ court ici à montrer la nécessité absolue de la fol pour logie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 266-268. Mais la justification ct le salut : la mention expresse dc la où trouve-t-on, dans le texte, que les Infidèles soient foi comme cause nécessaire dc la greffe spirituelle, la < inexcusables » parce qu’ils ont une < lumière infuse » nature même dc la comparaison employée, où il n’y a consistant dans une élévation de leur faculté? Et pas d'exception possible, enfin le caractère universel ct quand même on accorderait à Ripalda cette élévation absolu dc l’affirmation. qu’il imagine chez eux, longtemps avant toute con­ b) Par le mot ·■ foi p saint Irénée entend-il la fol naissance dc la révélation, cc n’est pas celte grâce stricte, basée sur la révélation positive, telle qu’une élevante qui pourrait les rendre « inexcusables i dans promesse divine? Nous lo voyons plus clairement par leurs actes mauvais, parce que dc sa nature elle ne cet autre passage où, après avoir cité Gai., ni. 5 sq., tombe pas sous 1<\ conscience, ct qu’ils ne peuvent il dit qu’Abroham a été appelé par l’apôtre non seu savoir qu’ils l’ont, ni pécher en cc qu’ils ne l’ont pas. lenient prophète dc la foi, mais »< père des croyants n..., SI Ripalda veut dire que, lors même qu’ils ne la recon­ parce que sa fol ct la nôtre sont une seule ct même naissent pas comme telle, cette grâce élevante change fol : il a cru à des événements ù venir comme s’ils leur connaissance naturelle de Dieu ct leur vœu impli­ étaient déjà accomplis, ù cause dc la promesse dc cite de la foi en actes surnaturels par lesquels fis Dieu; et il en est de même quand nous contemplons obtiennent la justification ct le salut, ct que saint par la foi le royaume qui est notre héritage. > Op. cit., Paul dit qu’ils sont inexcusables de ne pas se sauver, 1. IV, c. xxi, col. 101I. puisqu’ils en ont le moyen facile, alors nous répon­ Les limites de cet article nous contraignent à arrêter dons : ce n’est pas dans cc sens que l’apôtre prend le Ici notre travail sur les Pères, comme nous l’avons mot < inexcusable ». Voyons, en effet, le contexte. 11 dit en le commençant. traite dc la « colère de Dieu » qui punira « l’impiété ct F. réponse AUX objections. — C’est le complé­ l’injustice dc ccs hommes qui retiennent la vérité cap­ ment nécessaire dc nos preuves. Les objections, comme tive i : si la colère divine les frappe, « fis n’auront on le sait, sont de deux espèces. Les unes s’attaquent pas d’excuse » inexcusabiles, 118-20. Saint Paul ne se aux preuves d’une thèse, veulent montrer qu’elle n’est propose pas de résoudre, du moins ici, notre problème, pas prouvée; besogne négative; à celles-là nous avons si compliqué, ni d’expliquer les moyens de salut qui largement répondu. Les autres, qui nous restent à sont offerts aux infidèles dc bonne fol ct la marche voir pour la plupart, sont les arguments de l’adver­ de leur conversion. Ripalda veut s’appuyer sur les saire en faveur de la thèse contradictoire; à celles-ci versets 14-17, où l’apôtre dit qu’il est débiteur dc la nous allons répondre, prenant la besogne négative ù prédication dc l’Évangile aux gens dc toute race, ct notre tour. L’adversaire allègue la sainte Écriture, la que l’Évangile est une force divine pour le salut de tradition, la raison théologique. tous ceux qui le croient. Nous répondons que l’Évan \· Écriture.— a) Rom.,i, 18sq. Ripalda argumente gile, comme chacun sait, est une révélation propre­ ainsi : D’après saint Paul, les philosophes ct les païens ment dite, objet de foi stricte ; où l’adversaire voit fi sont inexcusables. Or nous expliquons bien cc mot en dans saint Paul, qu’on peut en «lire autant d’une révé­ remarquant que Dieu sc manifeste à eux non seule­ lation improprement dite, et d’une foi large? Enfin ment par leur raison naturelle, mais encore par une quelques Pères, dont Ripalda cherche à s’étayer, pro lumière surnaturelle infuse, qui les rend capables clament à propos dc cc texte le principe certain, mais d'atteindre la justification ctlc salut. C’est toutcc que vague, que les moyens dc salut ne manquent à per nous demandons. Rappelons que dans son système, sonne; nous devrons expliquer comment, c’est notre voir coL 1764. Ripalda exige absolument chez les problème; mais saint Paul ici ne l’aborde pas, et donc 1821 S INFIDELES ne peut fournir de preuve pour la manière dont Ripalda Je résout. b) Rem., n, 13-16. « Cc ne sont pas ceux qui entendent une loi (divine), qui sont justes devant Dieu; mais ceux qui la mettent en pratique seront Justifiés. » Saint Paul pose cc principe à propos des juifsqul « ont péché ayant une loi (mosaïque), ct seront jugés par elle. » (n. 12.) 11 ne leur servira dc rien d’avoir possédé ccttc Loi dont ils sont fiers, s’ils ne la pratiquent pas. Cf. î 17-21. Paul applique ensuite aux in fidèles cc prindpcque l’on sera Jugé sur la loi que l’on connaît, répondant à ccttc objection tacite que ceux-ci ncconnalssvntpas la Loi ; «Quand les gentils, qui n’ont pas dc loi (divine écrite), font naturellement cc qu’or­ donne la Loi, n’ayant pas de loi ils sont à eux-mêmes une loi : car fis montrent l’œuvre dc la Loi (l’œuvre que le decalogue ordonne) écrite dans leurs cœurs; leur conscience en rend témoignage, leurs pensées les accusant ou les excusant réciproquement au jour cù Dieu jugera le fond caché des cœurs humains > etc., VoirPrat, ibid., p. 270-272. Dc cc texte Ripalda propose quelques interpréta­ tions dc détail que nous admettons absolument. D’abord, contre les pclagicns qui en abusaient pour attribuer le salut aux œuvres purement naturelles sans aucune grâce intérieure, il observe que le mot φύσει, naturaliter, marque la naturalité du moyen de connaître (qui est la raison humaine), sans toute­ fois réduire le gentil aux seules forces dc la nature, car il n’exclut pas toute grâce qui l’aide à bien faire. Ensuite, notre théologien fait observer que les · gen­ tils » dont parle ici l’apôtre d’après son contexte, sont bien des Infidèles restant païens, ct non pas des infi­ dèles déjà convertis à la foi chrétienne, comme l’a dit ù tort saint Augustin, ct d’autres après lui. Ripalda cite avec raison nombre dc Pères, d’exégètes ct dc grands théologiens qui sc sont écartés ici dc saint Au­ gustin, lequel d’ailleurs n’est pas toujours affirmatif lâ-dcssus. 11 rappelle que les papes ont condamné la 22· proposition dc Baius, traitant de pèlaglens ceux qui voient dans ce passage les gentils encore infidèles ct non convertis. Denzinger-Bannwart, n. 1022. « Que (saint Paul) parle des païens ct non des chrétiens venus dc la gentilité, dit le P. Prat, cela ne souffre pas dc doute ct, sans les controverses pélaglennes, saint Augustin n’aurait jamais imaginé le contraire. > Ibid. Tout ceci accepté, venons ù Γ argument dc Ripalda pour sa thèse. Saint Paul, dit-fi, attribue à l’observa­ tion dc la loi naturelle par les païens le pouvoir dc les justifier; ct il s’agit bien dc la justification devant Dieu, justi apud Deum, faetores legis justificabuntur, f 13. Donc les païens, non seulement ù l’aide d’une grâce élevante, s’ils sont dc bonne foi, font des actes salu­ taires ct surnaturels sur des objets présentés par la raison humaine, tels que la loi naturelle, mais encore fis arrivent par des actes dc cet ordre ù la justification devant Dieu, sans passer par la révélation proprement dite ct l’acte de fol stricte. De fide, disp. XV11, n. 75, p. 362;etn. 164, p. 389. Réponse. — Cette «justification devant Dieu >, que saint Paul attribue ù l’observation dc la loi naturelle par les païens en dehors dc toute loi révélée ct dc toute fol stricte, n’est pas, si nous étudions son contexte, la justification intérieure ct toute miséricordieuse par la grâce sanctifiante, dont s’occupent les théologiens, voir Justification, mais une justification extérieure, judi­ ciaire, ct toute dc justice, par laquelle Dieu après la mort, en son jugement soit particulier, soit général, reconnaîtra comme moralement bonnes ct non dignes dc peine beaucoup d’actions où les païens sc sont con­ formés à la loi naturelle, et ne reprochera pas aux infi­ dèles négatijs leur manque dc foi stricte, excusés qu’ils font par leur ignorance invincible de la révélation. 1822 Voir Pcsch, Prrtecf/ones, t. v, n. 139, p. 76. Et cela, soit que plus tard, à l'aide dc la foi enfin obtenue, ils aient coopéré à leur Justification intérieure ct à leur salut; soit que, par dc graves ct libres péchés contre la loi naturelle, ils aient fait obstacle aux bienfaits ultérieurs; du reste l’apôtre ne sc propose pas ici d’expliquer toute s ccs diffirenccs, ni l’économie com­ plete des moyens dc salut pour les infidèles. Que saint Paul ne parle ici que d’une Justification judiciaire appartenant nu jugement après la mort, cela ressort de tout Je contexte du chapitre, avant ct après le verset 13 en question. Voir surtout les versets 2 (le jugement dc Dieu s’exerce selon la vérité contre les criminels), 3 (c’est un jugement qu’ils ne peuvent fuir), 5 (le juste jugement de Dieu sera manifesté dans le dies ira- ), G (alors Dieu rendra à chacun selon ses œuvres), 11 (alors pas d’ < acception dc personnes ·, cc qui est blâmable dans les juges), 12 (Dieu jugera d’après la loi, comme tout juge), 15 (il y aura accusa­ tion ct défense, comme dans tout jugement), 16 (au jour du jugement, Dieu sondera les cœurs). Ce ne sera plus alors le temps de la miséricorde, mais celui de la justice; Dieu ne donnera point, comme ici-bas, sa grâce sanctifiante au pécheur qui ne l’aura pas acquise en ccttc vie, mais il pèsera exactement toutes les actions et déclarera selon Injustice celles qui sont pas­ sibles de peine ct celles qui ne le sont pas, a la manière d’un juge dans un tribunal. Ripalda raisonne mal : dc cc que saint Paul ne parle pas d’une justification décernée par l’opinion des hommes, apud homines, mais par Dieu lui-même, apudDeum, il conclut que les païens ayant obscrxé cc qu’ils connaissent dc la loi naturelle sont, avec la grâce élevante qu’il leur sup­ pose, intérieurement justifiés sans la révélation par cer­ tains actes surnaturels. Mais les mots qu’emploie l’apôtre, apudJDeum, sont en eux-mêmes susceptibles de deux sens bien différents : celui de la justification intérieure que Dieu, sous des conditions à determiner, produit dans l’âme du pécheur en cette rie, et celui dc la justification extérieure ct * forensique >, comme disent lec protestants dans leur controverse avec nous; c’est bien la seconde qui sc produira après tu mort au tribunal de Dieu, et le contexte dc l’apôtre montre évidemment qu’il en parle. Ripalda est tombé ici dans l’excès do quelques théologiens catholiques, qui trop facilement, quand ils Usent dans l’Écriture les mots justificatio, justificari a Deo, entendent la jus tification intérieure et, par une réaction immodérée contre l’erreur protestante, n’aiment pas à recon­ naître la justification forensique où elle est, parce que les protestants allant à l’autre extrémité en voient partout, ennemis qu’ils sont de la justification inté ricurc et dc la grâce Sanctifiante. 2° Tradition. — 1. Les Pères. — a. Ceux que l’on allègue surtout, c’est saint Justin, c’est Clément d’Alexandrie, suividc son disciple Origène, avec leurs I théories du Logos, du salut des grecs par la philo Sophie, etc. — Réponse. — En invoquant ccs mêmes Pères en faveur de notre thèse, nous avons longuement expliqué déjà les passages ct théories que Ton nous objecte; ct d'autres anciens Pères ont été passés en revue ù cette occasion. Voir coL 1805 sq. b. On objecte saint Jean Clirysostome, en un long passage où il s’est proposé dc réfuter « les dires dc quelques-uns » sur l’évangélisation aux enfers. HomiL in Matthaeum, homil xxxvi, n. 2, P. G., t. lvii, col. 415 sq. · Vous voulezdonc, leur dit-il,que le Christ, I si l’on n’admet pascettcévangélisation.suivic de con­ versions ù la foi chrétienne, ait traité injustement ceux qui avaient vécu avant son avènement? Non, puisque ceux-ci avaient vu sur terre la possibilité de se sauver, même sans reconnaître ct confesser le Christ par un i acte de foi explicite en lui. Car alors on ne leur deman- 1823 INFIDÈLES riait pas cela, mais seulement dc ne pas adorer les Idoles, et de connaître le vrai Dieu. » Et il cite le Deutéronome, vî, 4, l'exemple des trois enfants dans la fournaise, des Macchabées, etc. Ibid., n. 3, col. -ilG, 417. De là, on argumente contre nous comme si le saint docteur disait que les païens pouvaient sc sauver avec la connaissance de Dieu par la raison naturelle et philosophique seulement. — Réponse. — Chrysostomc ne parle pas directement des païens comme on le suppose, en évitant de citer son contexte, mais des juifs, puisqu'il renvoie au Deutéronome, aux exemples des Macchabées, etc. Et pour les juifs, Il ne faut pas considérer seulement leurs prophètes, auxquels Chrysostoinc a reconnu plus haut la connaissance explicite du Christ, dont Ils ont prédiL la passion avec maint détail, etc. Λ côté de quelques prophètes, Il y avait nombre dc juifs comprenant mal ces révélations mêlées d'énigmes; aussi Dieu s’adaptant à l’ignorance excusable delà multitude ne faisait pas de la iqî expli­ cite au Christ une condition essentielle dc salut. Dès lors 11 n’y avait point, pour cette multitude, r l’injus­ tice » objectée par les partisans de l’évangélisation aux enfers, ni aucune nécessité que le Christ, pour remédier à cette prétendue < injustice » vint réclamer de ccttc multitude une conversion, après la mort, à la fol explicite en lui, puisque dans leur vie elle ne leur avait pas été demandée pour être sauvés. Donc, dans toutson raisonnement si Juste contre cette hypo­ thèse de l’évangélisation aux enfers, le saint docteur ne nie pas la nécessité dc connaître par la foi stricte Dieu rémunérateur, comme le connaissaient les Juifs dont 11 s'occupe directement, mais seulement la nécessité de la foi explicite au Christ pour le salut des âmes avant sa venue, même chez les juifs, ct, comme on peut le conclure a fortiori, chez les païens également. Et 11 parle de la nécessité dc moyen, non pas simplement dc précepte : car celle-ci serait excusée par l'ignorance invincible sans qu’il soit besoin dc lantdc raisonnements. Nous avons cité ailleurs le con­ cept très net qu’a Jean Chrysostome de la foi stricte ct de son motif, par contraste avec la vision, la science, la recherche curieuse du comment. Voir Foi, t. vî, col. 110, 113,111. Rappelons la souveraine importance qu’il donne à ccttc loi, et qui en suppose la néces­ site absolue. Ibid., col. 280. c. Saint Augustin, parfois obscur en cette difficile question comme en plusieurs autres, est aussi allégué, et doit s'entendre à peu près comme saint Jean Chry­ sostome. Comme lui, il a un concept très net dc la foi stricte, basée sur la simple autorité du témoignage divin, ct continuellement il oppose « croire »ct «savoir », la foi ct la « raison » philosophique; la foi perd son mérite, ne peut même garder son nom, si vous la rédui­ sez à la vision, à l’expérience; et ces affirmations péremptoires prennent une forme si générale, qu’elles doivent s'appliquer aux païens, non pas seulement aux chrétiens» voir Foi, t. vî, col. 78, mais surtout col. 111, 112. Comme Jean Chrysostome, il reconnaît la souveraine importance de la foi. Ibid., col. 280,342. H proclame la foi absolument nécessaire, comme pre­ mier principe de salut : « D’après la doctrine catho­ lique, cc qui discerne les justes de ceux qui ne sont pas justifiés, ce ne sont pas les œuvres, mais la fol >; ct l’on voit par l’universalité dc ccttc assertion, et plus encore par les explications ajoutées, qu’il étend aux infidèles eux-mêmes ccttc nécessité dc la fol stricte. Contra duas epist. Pelag., L 111, n. 14, P. L., t. xuv, col. 598. Comme Jean Chrysostome enfin, s’il a des passages où l’on a cru voir le contraire, il ne nie pas dans ccs textespour les Infidèles la nécessité dc toute foi stricte, mais seulement celle dc la fot explicite au Christ. «Ainsi s’expliquent tous scs textes, sans contradic­ tion et sans en omettre aucun. · Liesc, Der he ils nota?en- 1824 dige Glaube, Fribourg-cn-Brisgau, 1902, n. 169. Et quand au contraire Augustin exige absolument dc tous « la foi du Christ » fides Christi, par là il entend alors non pas la foi explicite au Christ, ayant le Christ pour objet, mais la foi stricte ct surnaturelle que le Christ a méritée ct donnée; lui-même l’explique : « Ces deux choses, la foi ct la justice à laquelle elle conduit, sont nôtres (c’cst-à-dirc en nous), mais elles sont dites de Dieu ct du Christ, parce qu’il nous les donne dans sa bonté. · De spiritu cl littera, n. 15, ibid., col. 209. Et encore : • Par ccttc foi de Jésus-Christ, c'cst-à-dirc celle que le Christ nous a conférée, etc. » Ibid., n. 18, col. 211. Cf. Liesc, op. cit., n. 158. Ou bien, si Augustin affirme la nécessité dc croire explicitement nuChrlstpourccux qui vivaient avant lui, ccttc affirmation ne porte pas sur chaque individu, mais sur la communauté, où la fol au futur rédempteur a toujours été représentée dans la personne dc quelques âmes d’élite, par les soins dc la Providence; ct la nécessité dont alors il parle ne regarde que l’infaillible accomplissement dc ccttc loi providentielle, ou encore une nécessité dc précepte pour ccttc élite, ct non une nécessité dc moyen. Liesc, ibid., n. 155, 156. Enfin, Augustin exige la foi stricte pour la justification des païens jusqu’à recourir pour eux à une révélation immédiate, au besoin. 2. Les documents ecclésiastiques. Quelques par­ tisans dc Ripalda ou dc Gutbcrlet ont invoqué ccs paroles d’une encyclique dc Ple IX aux évêques d’Italie: « Ceux qui ont le malheur d’ignorer invinci­ blement notre sainte religion, ct qui, observateurs empressés de la loi naturelle ct dc scs préceptes divi­ nement gravés'dans tous les cœurs, ct prêts à obéir à Dieu, mènent une vie honnête ct bonne, ceux-là, Nous le savons ct Vous le savez aussi, Fils aimés ct Vénérables Frères, peuvent par l’opération de la lumière divine ct de la grâce parvenir à la vie éter­ nelle; Dieu en eilct, qui voit à découvert ct connaît à fond les esprits, les intentions, les pensées ct les dis­ positions habituelles de tous, ne soutire point, dans sa souveraine clémence ct bonté, que personne soit puni des supplices éternels sans une culpabilité bien volontaire. » 10 août 1863. Dcnzingcr-Bannwart, n. 1677. Et l’on veut tircr dc ce texte que les infidèles négatifs, s’ils observent la loi naturelle avec la grâce surnaturelle élevant leurs facultés pour ccs bonnes actions, et avec le ferme propos d’obéir à Dieu en tout grave commandement fides in voto implicito, peuvent être sauvés sans aucune intervention dc la révélation ct de la foi stricte. Réponse. Il est vrai que dans ce passage Pic IX ne fait pas une mention expresse dc la fol stricte comme condition essentielle du salut étemel. Mais a. taire une chose n'est pas la nier; le silence, même complet, n'équivaut pas nécessairement ct toujours à une néga­ tion; ct l’argument a silentio ne vaut rien, quand on peut y répliquer en assignant une bonne raison qu'avait l’écrivain pour s’abstenir dc mentionner un détail bien qu’il l’admit. Or Pie IX avait ici un excel­ lent motif dc sc taire sur la nécessité dc la foi stricte; c'est qu'il ne pouvait expliquer ici dans tous scs détails le processus compliqué du salut des adultes en dehors dc l’Église. Et pourquoi? parce que sa phrase citée plus haut n’est qu’une réserve faite en passant, une sorte dc parenthèse; les parenthèses doivent être courtes, ct ne peuvent s’attarder sur tant de détails Le but de Pic IX, le sujet qu’il traite directement, c’cst dc < blâmer la grave aberration dc quelques catholiques, » lesquels espéraient le salut dc tous ceux « qui vivent en diverses erreurs (ou religions fausses), étranger à ’a vraie foi ct à l'unité catho­ lique. » Voir la inCmc aberration relevée l'année sui­ vante dans ]c Syllabus, n. 16 ct 17. Denzlngcr-Bann! wart, u. 1716» 2 717. Mais ccs laxistes auraient pu, INFIDÈLES 1825 1826 regimbant contre le pontife, le traiter à son tour de ’ être invoqué pour le syitème de Ripalda, en voici rigoriste rendant le salut impossible A des hommes bien une nouvelle preuve. Cc qu’il dit dans cette paren excusables : aussi fait-il Ici une réserve, pour ne pas thèse que l’on objecte, Il le donne comme étant avoir l’air de condamner en bloc l'ignorance ou erreur une doctrine assez commune dans l’Église pour qu’il Invincible avec l’ignorance ou erreur coupable, les puisse la supposer connue et acceptée par les Infidèles négati/s avec les Infidèles posit i/s, comme évêques d'Italie: Notum Nobis Vobisque est, eos, etc. l’ont fait les jansénistes après les calvinistes, ct Or cc serait tout le contraire, si cette parenthèse d’envoyer comme eux en enfer tous ceux qui Ignorent contenait, comme on l’a prétendu, le système de notre religion, ou même dc prétendre avec ces héré- Ripalda; cc système est opposé A la pensée commune tiques que toutes les actions des Infidèles sont de graves des catholiques, c’cst un fait notoire, reconnu par transgressions de la loi naturelle. Pie IX fait ccttc Ripalda lui-même. Voir col. 1767. Pie IX ne peut donc réserve prudente dans la phrase ci-dessus que l’on prendre l'invention d’un théologien Isolé pour une nous oppose, puis il revient A son sujet, c’est-ù-dire doctrine commune A laquelle il suffit de renvoyer l'attaque contre l’IndifièrentIsme, en ccs termes : l’épiscopat italien. Enfin il est A noter que Gutbcrlet < Mais cc qui est encore plus connu, c’est cc dogme : lui-même n’a pas osé alléguer cette encyclique en hors de l’Église catholique point de salut, en cc sens faveur dc son système, analogue A celui de Ripalda. qu’ils ne peuvent être spuvés, ceux qui, avec contu­ Voir Fr. Schmid, Die auucrordentlichen Heitswege, mace, contumaciter, rejettent l’autorité de l’Église, scs Brixen, 1899, n. 72-75, p. 68 sq. définitions, ct restent séparés avec obstination, per­ 3® Baisons théologtques. — La raison fondamentale tinaciter, de l’unité dc l’Église ct du successeur dc que donne Ripalda, et qu’il retourne de diverses Pierre, le pontife romain « A qui la garde dc la vigne manières, s’appuie sur les points suivants : a. L'infi­ a été confiée parle Sauveur » (concile dc Chalcédoinc). dèle de bonne fol, connaissant par la lumière dc la Ibid. On sait que la « contumace », en style ecclésias­ raison quelqu’une des perfections de Dieu propres tique, signifie le mépris dc l’autorité dc l’Église, la A exciter l’amour envers lui, peut l’aimer comme révolte contre cette autorité, cc qui suppose qu’on en l'enfant aime ses parents ct A bien plus juste titre, et connaît suffisamment les droits, ct la loi qu’elle impose. alors produire un acte d'amour de Dieu « pour luiVoir Contumace, t. ni, col. 1718. La pertinacia même », c’cst-à-dirc A cause dc sa perfection, et qui ne désigne une révolte pareille, mais seulement quand II soit pas exclusivement intéressé. Cc premier point s’agit des hérétiques et du péché d’hérésie, dont la nie par quelques théologiens, est admis par d’autres, pertinacia est une note caractéristique. Elle con­ comme saint François dc Sales, Traité de Γamour de siste A émettre, sciemment et volontairement, c’est-à- Dieu, 1. I,c. xv, χνι, xvm ; Œuvres, édiL de la Visita­ dire en connaissant suffisamment l’Église comme régie tion d’Annecy, t. iv,p. 7 1,78,81. — b. Cct acte d’amour de la /oi, un jugement opposé à l’une dc scs · défini­ de Dieu, poursuit Ripalda, peut être < surnaturel » tions », que l’on connati comme telle, ct A laquelle on subjectivement ct par son entité, quoad substantiam. Car Dieu peut élever la faculté pour aimer surnaturellerefuse dc se soumettre. Voir Hérésie, t. vî, col. 2222. C’est l’élément essentiel par où l’hérétique propre­ ment un objet naturel, c’est-à-dire présenté par la ment dit, l’hérétique formel, sc distingue de l’héré­ raison, philosophique ou vulgaire, ct non par la fol tique dc bonne fol ou matériel; celui-ci ignore in vinci stricte. Ce point est très discuté; mais on peut hiement ou le droit dc l’Église A régler la foi, ou le l’admettre. Voircol. 1765.- -c.Celamour peut en même /ait qu'elle a défini cc qu’il nie. Ibid., col. 2220. — temps être « efficace », aimant Dieu par dessus tout, b. Le contexte que nous venons d'expliquer montre une c’est-à-dire prêt à toujours lui obéir, au moins en ses remarquable différence entre la position dc Ripalda commandements graves et à tout lui sacrifier, du ou de Gutbcrlet (dont le système vise le salut des moins par un ferme propos général et abstrait qui païens) et la position du pontife dans ce document, qui suffit, sans envisager au concret les répugnances s’occupe plutôt des baptisés, hérétiques ou schisma­ particulières; en d’autres termes, prêt A renoncer tiques, sans doute parce que les évêques d’Italie, aux­ pour Dieu A tout amour humain gravement illicite, quels il s’adresse, n’avaient pas de païens dans leurs qui détruirait en nous l’amour dc Dieu en nous ren diocèses, et que la forme d'indifférentisme qu’il com­ dant son ennemi. Que l’on puisse avoir une telle bat concernait les hérétiques, pénétrant alors en affection ou résolution sans la fol stricte ut re, ce point Italie. Placé sur cc terrain spécial, Pie IX avait une est très discuté; plusieurs théologiens l’admettent nouvelle raison pour omettre le problème du salut des cependant. — Conclusion.— Un acte ayant les trois païens, et pour (aire l’absolue nécessité dc connaître conditions ci-dessus, n’est-ce pas un acte de « charité ct dc croire le peu de vérités révélées qui sont de parfaite »? Et la charité parfaite n’cst-elle pas liée A la nécessite de moyen : car ccs éléments dc salut ne justification? Donc, dit Ripalda. « il n’est pas impos­ manquent pas aux hérétiques ou schismatiques dc sible qu’un infidèle dans l’ignorance Invincible de la bonne foi, tandis qu’ils manquent, ou semblent man révélation fasse un acte dc charité par/aite et soit fusquer, aux païens de bonne fol; c’cst seulement A pro­ lifte sans la foi stricte in re, mais avec la foi stricte pos de ccs païens, que la question dc io révélation • m voto, car son acte dc charité (par le ferme propos ct dc la fol stricte, une fois admise leur absolue néccs general dont nous avons parle) contient le vœu impli­ slté, est angoissante. c. Du reste. Ple IX, s’il ne cite de l’acte de fol stricte, qui est ordonné à tous par fait pas mention expresse de l’acte de foi stricte, ne un grave commandement divin. Dc ftde div., disp. signale pas davantage l’acte de charité, ni même XVII, sect, xn, n. 172-190, p. 391 sq. Sur plu­ la justification que tous s’accordent A reconnaître sieurs des détails ici Indiqués, voir Charité, t. n, comme absolument nécessaires au salut des infidèles. col. 2219-2225, 2236, 2251; GRACE, t. vî, col 1559, — Solution expéditive, mais dure col 2217-2219. ct spécialement déplaisante aujourd’hui. On reproche IV. Solutions orthodoxes du problème. - En cc système à quelques auteurs catholiques; nous cite établissant par des preuves très solides, fondées sur la rons les plus connus, avec leurs affirmations les plus révélation, la thèse commune dc la nécessité absolue caractérisées ct la critique qu’on en fait. C'est de la fol stricte pour le salut dc tous les hommes, Estius, Sylvius, quelques auteurs plus anciens ct même des infidèles négatifs, nous avions cons­ innommes, réfutés par Suarez (peut-être Grégoire dc cience de nous rendre par là plus difficile encore la Rimini, qui n’est pas clair), enfin Gonet ct un petit solution d’un difficile problème, c'est-à-dire la réponse nombre d’autres thomistes. à cette autre question : « Comment expliquer que tous 1· Estius fut docteur dc Louvain, haut dignitaire les infidèles aient à l'égard dc leur salut une possibilité dc l’université dc Douai, théologien scolastique, mais véritable et pratique, en d'autres termes, que la volonté surtout célèbre, comme exégète, par ses excellents divine dc les sauver tous affirmée par saint Paul, commentaires dc saint Paul. Malheureusement, I Tlm , u, 4, soit pour tous sérieuse et sincère, qu’elle comme le remarquent tous les critiques ct historiens leur fournisse à tous, par conséquent, des moyens suffi­ catholiques, Estius sc ressent, sur la prédestination sant! pour arriver à cc grand but? Si nous faisons et la grâce, des erreurs de Balus ct de Jean Hcsscls, appel aux données de l'expérience, si nous jetons les dont il avait été le disciple à Louvain. Voir Estius, yeux sur une carte du globe et sur les statistiques les t. v, coL 871 sq Sa principale déviation concerne pré- 1829 INFIDÈLES clsémcnt notre problème du salut des Infidèles, ct l’un des principes que doit respecter toute solution ortho­ doxe, celui-ci : < Dieu a une sérieuse volonté du salut dc tous les hommes, ct donne à tous une vraie possi­ bilité dc salut. » Parcourons cc qu’Estius dit là-dessus dans scs divers ouvrages. 1. Dans son ouvrage dogmatique, il a un paragraphe intitulé : « Dans quel sens l’Écriturc dit-elle que Dieu vçpt que tous les hommes soient sauvés? » In IV Sent., Paris, 1680, 1. I, dist. XLVI, § 4, p. 197. 11 y mentionne d’abord l’explication donnée pur l’Ambrosiaster, admettant une volonté sérieuse, mais condi­ tionnelle, du salut dc tous, car < Dieu ne veut pas sauver les hommes malgré eux, mais à la condition qu’ils le veuillent, eux aussi. > P. L., t. xvn, col. 466. Cc que d'autres expriment en ces termes : · Dieu ofTre sa grâce à tous, mais ils ne l’acceptent pas tous. t> Cette explication, Estius la rejette. D’abord, parce qu' « elle ne convient pas aux enfants » qui meurent avant l’âge de raison. Cela va dc sol, mais on ne la donne que pour les adultes. Ensuite, parce que les « Pères l’ont désapprouvée », même si l’on prend les seuls adultes. Or, en fait dc Pères, Il ne cite qu*Augus­ tin, avec deux disciples, Prosper ct Fulgencc. Exaininons-lcs. — Préoccupé de défendre contre les pélagiens ou scmipêlaglcns la prédestination ct la grâce efficace, deux choses très certaines qui supposent en Dieu la volonté absolue ct infaillible d’atteindre un but, volonté qui s'accomplit toujours, mais qui n’est pas universelle, Augustin nie parfois l'existence de ccttc volonté divine qui n’aurait pas toujours son accomplis­ sement. Voir Augustin (Saint), t. i, col. 23992101, 2107, 2108, ct Capéran, Problème, etc., p. 128. Quant à scs deux disciples, saint Prosper d’Aqui­ taine, contemporain du maître, est plus modéré que lui en élaguant scs formules excessives. Voir Augustinisme, 1.1, col. 2525 .< Sans rien abandonner dc la doctrine du maître, dit M. Capéran, il la pré­ sente sous un jour meilleur..., en remettant en lumière une thèse que les scmi-pélagicns voulaient à bon droit maintenir ct qu’ils croyaient mise en péril par le sys­ tème augustinien : à savoir, la volonté divine du salut universel, s’affirmant par la concession à tous les hommes des secours nécessaires ct su (lisants pour sc sauver. « 11 faut croire ct professer, dit Prosper, que Dieu veut très sincèrement que tous les hommes soient sauvés. > Le pro blême du salut des infidèles, Essai histo­ rique, p. 135. Et Prosper ajoute: «Parmi ces hommes, si beaucoup périssent, c’est qu’ils l’ont mérité par leur faute; si beaucoup sont sauvés, c’est par un don du Sauveur. » Pro Aug. Resp ad cap. object. Vincent., c. n, P. L., L u, col. 179. Ailleurs, il dit : < Dieu donc a soin de tous les hommes, ct il n’est personne qui ne trouve, ou dans la prédication dc l’Évangilc, ou dans le témoignage dc la Loi (mosaïque), ou dans la nature elle-même, une invitation. Mais l’in fidélité des uns, utribuons-la aux hommes eux-mêmes, ct la fol des autres, à un don dc Dieu. » Pro Aug. Resp. ad cap. Gallorum, c. vm, ibid., col. 164. Ccqul ne l’empêche pas de rappeler partout le mystère insondable des faveurs delà prédestination, et de la distribution inégale des secours, par où il s’oppose ù bon droit aux scmi-pèlagicns. Voir ci-dessus, col. 1743. Estius ne peut sc récla­ mer de Prosper.— SaintFulgencc, évêquedcRuspo en Afrique, au commencement du vi· siècle, mérite sans . doute bien des éloges. Voir Fulobnce, t. vi,col.968sq. Mais sur cc point dc doctrine mieux traité par Prosper, Il excède. Sans parler du penchant naturel des Afri­ cains pour le rigorisme ct l’outrance, les circonstances extérieures l’ont fâcheusement Influencé dans notre question. C'est toute une curieuse série dc réactions exagérées des uns contre les autres. Réagissant contre les scmi-pélagicns de la Gaule, le prêtre gaulois Lucidus 1630 exagère la doctrine de saint Augustin sur la prédesti­ nation, ct ose dire « que Dieu prédestine au mal et Λ l’enfer tout comme au bien ct à la gloire, que. notam ment, aucun des gentils morts avant le Christ ne s’était sauvé, ct donc, que le Christ n’était pas mort pour eux. ■ Capéran, op. cit., p. 144. Fauste, évêque de Riez, fait condamner Lucidus au concile d’Arles (475) ct, dans un livre écrit sur la demande du concile, il dit non sans raison que < l’Églisc catholique a en hor­ reur cette assertion que le Christ n’est pas mort pour tous. > De gratia Del et libero arbjlrio, 1. I, c. xvi ; P. L., t. i.viii, col. 808. Et 11 traite d’ignorance énorme, dc déraison ct d’impiété l’opinion que la connaissance dc Dieu ait manqué aux gentils avant la venue du Sauveur. Ibid., 1. II, c. ix, col. 829. Mais Fauste exa­ gère à son tour, ct sa réaction contre leprédestinatlanlsmc est gâtée par des emprunta aux idées scml-pélaglcnncs. Capéran, p. 145, 146. λ’οΐΓ Fauste de Riez, t. v, col. 2101 sq. Alors les moines scythes, brouil­ lons ct querelleurs soit par leurs écrits, soit par leur présence ct leurs intrigues à Constantinople et à Rome, attaquent, parmi d'autres questions, le livre de Fauste ct cherchent ù le faire condamner par le pape Hormisdas. Le pape refuse ccttc condamnation, dans une lettre à Possessor, son Intermédiaire à Constantinople. Tout en louant les ouvrages d’Augustin contre les scmi-pélagicns, ct en constatant que ceux de Fauste n’ont pas d’autorité dans l’Églisc, ct ne peuvent être lus qu’avec une prudente réserve, il s'en tient, comme document ecclésiastique sur la question de la grâce, aux capitula gardés dans les « archives romaines », De gratia indiculus, Denzinger-Bannwart, n. 129. Cetto lettre à Possessor est alors Injurieusement réfutée par Maxcnce, abbé des moines scythes qui, rebutés par le pape, sc tournent vers Fulgcnce ct les autres évêques d’Afrique. Voir Hohmisdas, L vu, col. 173, 174; Augustin (Saint), 1.1, coL 2165; Augustinisme, ibid., col. 2521. Fulgencc, pour condescendre aux Instances des moines scythes, ct venger son maître, écrit en 523 son livre < dc la vérité dc la prédestination ct dc la grâce », où il réagit vivement contre Fauste de Riez, ct se montre parfois excessif, particulièrement sur le sujet qui nous occupe. « Fulgencc... garde les obscu­ rités (de son maître) sur la volonté divine dc sauver tous les hommes ct sur la distribution dc la grâce. C'est cc point principal où il u été victime des formules vio­ lentes d’Augustin ». Augustinisme, loc. cit. Pour la prédestination, il la soutient avec modération ct exactitude. Mais II voit trop exclusivement cette volonté absolue ct Infaillible, qui est la prédestina­ tion; ct faute dc reconnaître cette autre volonté, antérieure à la prédestination dans l’ordre logique, ct non pas absolue comme elle, mais conditionnelle, par laquelle Dieu voudrait sincèrement sauver tous les hommes ct leur donner tous les moyens nécessaires pour obtenir le salut, si la liberté humaine n’y mettait pas d’obstacle, faute de voir dans cette volonté antérieure le vrai sens du texte dc saint Paul : Vultomnes hommes salvos fieri. ., Fulgcnce, comme son maître, en est réduit à une explication forcée du mot omnes, qu’il développe avec plus dc chaleur que dc bonheur, De ventate prédestinâtionis et gratiæ, 1. III, n. 11-20, P. L., L lxv, col. 659-662. Estius avoue que l’explication du texte par une volonté divine antécédente du salut dc tous est non seu lenient donnée clairement par saint Jean Damascènc, mais suggérée par saint Augustin, De spiritu ct littera, n. 58, P. L., t. xuv, col. 238, saint Jérôme ct saint Bernard, ct préférée par saint Thomas. Mais, pas plus que saint Fulgcnce, il ne veut l’admettre. Cependant, à cause du contexte, I Tim.,n, 1,5, le grand exégète ne veut pas non plus dc ccs interprétations hasardées par Augustin ct suivies par Fulgencc, où l’on détourne 1831 INFIDÈLES arbitrairement le terme omnes de son sens naturel, cl contre son contexte. Eslius choisit donc, comme • très probables et préférable^ à tout le reste » l’une ou l’autre de ces deux exposions qui dans sa liste portent les n. 6 et 7 : «6*;Dicuc$l dit eteensé «vouloir » le salut de tous, absolument tous les hommes, non pas qu'il le veuille lui-même, mais parce qu’il fait en sorte que les âmes pieuses le veuillent ou le désirent, au moins en cc sens qu’elles ne doivent exclure aucun homme de leurs prières, parce qu’en cette vie elle ne sont certaines de la réprobation d’aucun. Car il est bien des choses que Dieu nous fait vouloir, sans qu’il les veuille lui-même à proprement parler. » On hii en attribue la volonté par une figure de style; c’est encore une des interprétations données par Augustin, Estius le cite. Puis vient la 7· : < Dieu est dit vouloir le salut de tous en cc sens, qu’il a voulu donner nu genre humain en général, et h beaucoup d’individus en par­ ticulier certains moyens et secours extérieurs, qui peuvent conduire les hommes au salut, comme sont (après la chute)... la lumière naturelle de la raison, la loi naturelle gravée dans tous les cœurs, la prédication (au sens figuré) du ciel et de tous les éléments, la mis­ sion des apôtres dans tout l’univers, le bienfait de la rédemption du Christ oflert â tous, en ce sens que l’Église n’a reçu aucun précepte qui lui défende de prêcher à telle nation ni à telle personne, mais doit plutôt, autant qu’il est en elle, amener tout le monde au salut par Jésus-Chrlst. D’après cette interprétation, la phrase « Dieu veut le salut de tous » peut signifier : Dieu a disposé des moyens pour cette fin, des causes pour cet effet, quand même reflet ne suit pas en réa­ lité. Volonté apparente, voluntas signi, parce que, chez Ici hommes, une telle préparation (extérieure) de moyens et de causes es' d’ordinaire accompagnée de la volonté (intérieure) de la fin et de l’effet, et la signi­ fie; mais aussi, d’une certaine manière, volonté réelle, voluntas beneplaciti, non pas réelle quant à V effet lui-même, rniûs quant aux moyens qui pour leur part, per se, conduisent à cet effet. » In IV Sent., loc. cit., p. 198, 199. On peut noter qu’Estius, ù dessein, parle de moyens extérieurs, et ne signale aucune véritable grâce intérieure donnée ù tous, même aux infidèles. C’est ébaucher en quelque sorte l’erreur que nous avons relevée dans Quesncl cl Jansénius, col 1736 sq. 2. Dans sa grande œuvre exégéltque, quand il arrive verset Deus omnes homines vult salvos fleri, Estius rappelle que dans son livre sur les Sentences il l’adéjà expliqué < largement et avec soin » : il ne donnera donc qu’un résumé. In D. Pauli Epistolas commentarii, 1 Tlm., n, 3; édit. Vlvés, 1892, t. n, p. 633 sq. Cc ruecourci demande souvent à s’éclairer par l’autre ouvrage, mais parfois fait mieux saisir la pensée d’Estius, laquelle d’ailleurs n’a pas varié sensiblement. 3. Un produit secondaire de l’exégèse d’Estius. cc sont les Annotationes in praecipua ac difficiliora S. Scripturæ loca. Dans la partie consacrée au IV· Évangile, on trouve des explication» qui défigurent le sens du texte sacré, comme celle-ci « Jésus-Christ n’a prié que pour ses élus, ceux qui à la foi Joindront la charité et la persévérance. » Joa., xvn, 9, 20. Et celte aulrc : « Le Christ n’est mort que pour le salut de sel élus. · ô propos de Joa., x, 15; cf. 28; mais quarante ans après qu’Estius eut quitté la vie, cette thèse, reprise par Jansénius, fut déclarée hérétique dans la condamnation de la 5· proposition. Dcnzlngcr Bannwart, n. 1096. On ne peut cependant attribuer avec certitude une pareille idée Λ Estius, à cause du genre de composition de cet ouvrage, où scs élèves avalent une grande part, et qui fut colligé sans révision du maître et publié après sa mort par l’un d’eux. Mais au χνιη* siècle, quand le jansénisme en pleine révolte contre Borne voulut abuser de l’autorité d*Estius 1832 et de Sylvius, en prenant pied dans l’université de Douai où ccs maîtres avaient brillamment enseigné, une déclaration de ccttc université vint constater d’une part quelques regrettables erreurs de leurs ouvrages, d’autre part leur piété et leur attachement au siège apostolique, dont ils reconnaissaient hautement l’auto­ rité et rinfaillibilité, bien loin d’intriguer contre lui ou de lui résister ouvertement, à la façon des jansé­ nistes et des « appelants » d’alors. Voir sur tout cela Estius, t. v, col. 871, 875. 2° Sylvius (t 1619), successeur immédiat d’Estius dans la chaire de théologie de Douai, produisit divers ouvrages, mais surtout un célébré commentaire de saint Thomas. Toujours attaché au Saint-Siège, il honora les deux dernières années de sa vie par une lutte digne et ferme contre les théologiens de Louvain qui, alors déjà, tâchaient de gagner l’université de Douai au jansénisme. Cependant il est répréhensible sur la question du salut des infidèles et de la volonté que Dieu en a, question où il suit point par point, en les résumant, les idées d’Estius auquel il renvoie. — 1. Il pose la question et y répond encore plus nettement peut-être:* Esl-cc que l’acte exprimé par ccs mots, vou­ loir le salut de tous, est en Dieu au sens propre, ou par métaphore ?» Il développe alors, plus qu’Estius. l’exemple classique en théologie : quand le commcr çanl menacé de naufrage sc résigne à jeter ù la mer, pour alléger le bateau, ses précieuses marchandises, il voudrait bien les sauver, mais il veut les jeter ù l’eau. Celle seconde volonté, prédominante et définitive, que les théologiens appellent velle simpliciter, n’em­ pêche pas la première, velle secundum quid, d’être très réelle dans l’intérieur de l’âinc, sans aucun trope. Faut-il en dire autant de Dieu, quand il « veut que tous soient sauvés? » Sylvius répond : « Il en est qui le pensent; parce que, si l’on ne met pas en Dieu, au sens propre, cette volonté (antécédente), ce désir du salut des hommes, l’Écriture semblera contenir des paroles simulatrices, plutôt que de vraies déclara­ tions de l’amour divin envers le genre humain... Et ils ajoutent que saint Thomas l’indique par sa compa­ raison : Un Juste Juge, dit-il, par sa volonté définitive (simpliciter) condamne ù mort un homicide; mais par une volonté antécédente (secundum quid) il voudrait lui sauver la vie, en tant qu’il le considère simplement comme un homme. » Sum. theol., I», q. xix, a. 6, ad lum. • Toutefois, continue Sylvius, il parait plus probable que cette volonté antécédente n’est pas en Dieu au sens propre. » Et la raison qu’il en donne, c’est qu’elle semble indigne de lui ; saint Thomas, au même endroit, i ne 1* appelle-t-il pas < une velléité plutôt qu’une volonté absolue? » — Sans doute, ce n’est pas une volonté absolue; et ce n’est pas tant volo que vellem, d’où cc mot de oellcitas qui en latin n’a pas nécessairement le sens péjoratif. S’il l’a toujours dans nos langues modernes, c’est que l’usage a prévalu de le réserver, par manière de blâme, aux hommes sans caractère, qui n’ont qu’un simulacre de volonté, quand ils devraient avoir une volonté ferme et efficace. Cc n’est pas le cas du « juste juge », pour nous en tenir à l’exemple de « volonté antécédente ·> donné ici par saint Thomas : il tient ferme ù son devoir de Justice, mais cela ne l’empêche pas d’aimer vraiment scs sem­ blables et de leur désirer la vie à tous, même à celui qu’il juge. — Mais, objecte Sylvius, l’Écriture fait souvent des métaphores. — Oui, seulement H faut, sur tout dans une question aussi grave, prouver toujours le sens métaphorique, et vous ne le prouvez pas suffisant ment, même en ajoutant que « Dieu est tout-puissant, et donc que nulle liberté créée ncpcutrcmpèchcrd’nccomplir cc qu’il veut. Cc qu’il veut d’une volonté absolue, soit; et cela suffit pour qu’il ait la toute-puissance : car il ne tient qu’à lui d’avoir une volonté semblable 1833 INFIDÈLES pour une chose quelconque (railleurs bonne en sol, s* il lui platt de la vouloir absolument. Mais s’il préfère une volonté seulement conditionnelle, par exemple, pour laisser à notre liberté plus de jeu et nous donner plus de mérite, alors notre liberté pourra faire obstacle à cc qu’il désire, et il l’aura laissée faire, quitte à montrer sa puissance par la punition du coupable, cc qui donne ù Dieu le dernier mot. De spiritu et littera, n. 58, 7*. L., t. xuv, col. 238. Voir col. 1835. Les autres raisons, moins spécieuses, alléguées ici par Sylvius n’ont pas plus de valeur. In 7«on partem Thomie Aqui­ natis, t. i, q. xix, a. G, q. n, Anvers (et Paris), 1714, p. 15G. Voir Volonté salvjfique. 2. Comme Estius, il pose ensuite cette question : « Dans quel sens faut-il ‘donc entendre le texte de saint Paul : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés? » 11 énonce, presque dans le même ordre, les sept interprétations qu’a énumérées son prédécesseur, et choisit, comme lui, la septième : · Dieu est censé vouloir le salut de tous parce qu’il nous le fait désirer, nous ordonne d’y travailler, et de prier à cette fin pour tous, sans exclure personne, » Mais 11 penche aussi pour la quatrième (la G· d’Eslius). Cette interpréta­ tion a du moins l’avantage de laisser à Dieu (qu’Estius et Sylvius dépouillent de la volonté réelle de cette fin à l’égard de tous) une bienveillance apparente par le don réel de certains moyens. Mais Sylvius est plus bref et plus rude : < Dieu, dit-il, est censé vouloir sauver tous les hommes, parce qu’il a établi et proposé à tout le genre humain certains moyens et secours généraux par lesquels on peut » (d’une possibilité incomplète) « être amené au salut, bien qu’ils ne suffisent nullement à l’obtenir sans des moyens et secours spéciaux » qui ne sont pas donnés à tous, les grâces intérieures. Voici des exemples de ccs moyens généraux : la créa­ tion de l’homme pour la béatitude, la loi naturelle impri­ mée dans tous les cœurs, la prédication de l’évangile et la mission des apôtres dans tout l’univers, le prix du sang du Christ, très suffisant à racheter tous les hommes » (par lui-même, mais il faut des moyens spé­ ciaux qui l’appliqucnt),< enfin les sacrements. > J bid., q. m, p. 157. Notons d'ailleurs que parmi ccs · secours généraux » il en est, comme la prédication de l’évan­ gile, qui sont empêchés de parvenir à beaucoup d’hommes par des circonstances indépendantes de leur volonté. 3® On pourrait, avec plus de générosité qu’Estius et Sylvius, admettre que Dieu, voulant réellement sauver tous les hommes, leur prépare des secours non seulement extérieurs mais intérieurs, non seulement généraux mais spéciaux : seulement ccs secours, par un défaut des causes secondes, n’arriveraient pas à destination. D’après cette conception, Dieu agirait simplement en seigneur suprême, en gouverneur uni­ versel du monde. 11 a choisi un ordre physique bon en sol, bien que nécessairement imparfait quand il s’agit du bien de tous les individus, toujours quelques-uns en souffriront; il n’est pas tenu de faire des miracles pour corriger ccs imperfections et ces Inconvénients accidentels d’un ordre bon en général ; il n’est d’ailleurs pas tenu au plus parfait, Il peut donc permettre, tolé­ rer que certains infidèles, à cause de circonstances physiques qui ne les favorisent pas, comme leur extrême éloignement du centre de la prédication évangélique, ou la difficulté insurmontable des corn rnunlcatlons, restent, sans faute de leur part, dans l’ignorance totale de la vraie révélation, et donc dans l’incapacité absolue de faire un acte de foi stricte, pour nécessaire qu’il soit à leur justification et à leur salut. Si l’on répugne à admettre que ccs causes pure­ ment physiques puissent ainsi prévaloir sur le salut de plusieurs, on peut les remplacer par des causes morales produisant le même effet accidentel. Dieu a voulu que 1834 les moyens nécessaires de salut soient communiqués â chacun par le ministère à* autres hommes ; fl arriver· que plusieurs de ccs hommes s’acquitteront avec négli gcncc de leurs devoirs, ou bien que ccs messagers de salut seront arrêtés aux frontières des peuples par les gouvernants, excusables ou non,qui rendront compte à Dieu de cette fâcheuse Intervention, comme les autres de leur négligence. Voilà des libertés humaines, des causes morales, qui peuvent priver beaucoup d’infidèles des moyens de salut que Dieu leur avait soigneusement préparés, et que le Christ avait payés de son sang. Pour remédier au déficit de ccs causes secondes, physiques ou morales, Dieu est-il tenu de faire de l’extraordinaire, du miraculeux? Non; s’il arrête là scs dons, Il ne commet aucune Injustice, d’autant plus que le péché originel rend les Infidèles Indignes de la vie éternelle. Ainsi ont pensé quelques auteurs catholiques. Suarez, sans attribuer ce système à des noms déterminés et bien sûrs, l’expose et briè­ vement le réfute, De gratia actuali, I. IV, c. xi, n. 101G, édit. Vivès, 1857, t. vm, p. 31G, 317. Cette œuvre de Suarez n’a paru pour la première fols qu’en 1651, trente-quatre ans après sa mort, et dans une édition très fautive. Voir la préface de cc volume, édit, citée. Dans cette opinion qu’il rapporte, et que nous allons , critiquer, nous distinguerons quelques assertions vraies de celles qui sont fausses et contraires à la i pensée traditionnelle et commune. 1. Si l’on considère seulement le souverain domaine de Dieu, il pourrait agir ainsi. Soit. Mais cette consi­ dération abstraite doit en théologie se compléter par des faits, que la révélation nous apprend; et ccs catho­ liques le sentent eux-mêmes, puisqu’ils font appel au « péché originel », un fait de l’ordre présent. Ce péché atteint tous les hommes; et Dieu aurait pu les y laisser sans aucune rédemption, et donc privés de béatitude en l’autre vie. Voir col. 1741. Ou bien II aurait pu, à son gré et sans Injustice, décréter une redemption pour quelques-uns seulement; à cela revient un texte de saint Augustin qu’on nous oppose, De dono perseveranliir, n. 16, P. L., t. xlv, col. 1002. Mais il faut tenir compte aussi d’un autre fait révélé, la redemption par le Christ, avec son universalité. 11 est mort pour tous, pour les délivrer de tous leurs péchés et avant tout du péché originel, et pour leur rendre, non pas I leur destination première à la fin surnaturelle,qu’ils axaient gardée même dans l’état de chute, mais les moyens d’y arriver. Voir col. 1715. Le péché originel ne saurait donc être pour Dieu une raison d’abandonner, sans aucun accès aux moyens spéciaux de salut, et avec les seuls moyens généraux et insuffisants, une partie du genre humain, les Infidèles Isolés des secours suffi­ sants soit par la nature des lieux qu’ils habitent soit par la faute des autres hommes. S’il les abandonnait, comme on le prétend, à cause du péché originel. Il manquerait de fidélité à sa promesse, faite à tous même après le péché d’Adam et ù cause du Christ rédempteur. Voir col. 1728. 2. L’argument principal des adversaires est tiré des enfants morts avant l’âge de raison, et sans bap­ tême. Il est évident que Dieu n’a pas recours à un miracle pour faire donner le baptême aux enfants, chaque fols que des causes physiques, ou morales, s’opposent à l’administration de ce sacrement, bien que pour leur salut le baptême soit de nécessité de moyen in re, c’est-à-dire aussi nécessaire pour eux que la fol stricte pour les adultes; la Providence peut donc sc contenter alors d’avoir préparé cc que le défaut des causes secondes l'empêche de mettre ù exécution. Et cependant, on admet que Dieu a une volonté sérieuse du salut de tous les enfants, aussi bien que de tous les adultes; c’est la thèse quasi commune en théologie. Concluons, disent-ils, que l’on doit pareillement 1835 INFIDÈLES regarder la volonté salvifiquc de Dieu comme sérieuse pour les adultes, quand par l’obstacle des causes secondes physiques ou morales, ils sont rnis dans l’impossibilité dc recevoir la révélation évangélique que Dieu leur avait préparée, avec la grâce intérieure, pour faire Pacte de foi stricte, fondement pour eux dc toute justification. Et Dieu n’est pas tenu davantage de recourir ù l’extraordinaire ct au miraculeux pour sauver les uns que pour sauver les autres. On ajoute , même que cct âge tendre, ne laissant place ù aucun péché personnel ct actuel, est moins indigne dc la bien­ I veillance divine, suivant la remarque dc saint Augus­ tin, que les adultes, qui au péché originel ont ajouté d’autres délits. Réponse. — SI des adultes étaient traités comme le prétend ici l'opinion adverse, peut-être pourrait-on parler encore d’une «volonté sérieuse >que Dieu aurait de leur salut, tant ccs tenues gardent quelque chose de vague ct d’imprécis; ct le texte dc saint Paul pris tout seul pourrait, à la rigueur, s’interpréter ainsi ct s’appliquer aux adultes dans le sens où on l’applique aux enfants; voilà cc qu’on peut concéder à ccttc opi­ nion. Mais la sainte Ecriture ne sc suffit pas sans la tradition qui l’explique ct la précise. Or comment les Pères, suivis par la doctrine très commune des théolo­ giens, expliquent-ils pour les adultes l'obstacle qui empêche Dieu dc réaliser sa promesse conditionnelle de Justification ct de salut? Cet obstacle, cc ne sont Jamais les seules causes extérieures à l’homme, phy­ siques ou morales : c’cst toujours, d’une manière ou d’une autre, la libre laute, la faute sans excuse, dc cet homme lui-même, qui se prive des secours de la révé­ lation et dc la grâce Intérieure, ou bien n’y consent pas. Les Pères qui soutiennent ce principe, parmi les latins, ce n’est pas seulement Γ Ambrosias ter, cité plus haut, col. 1829, avec saint Prosper, ibid. C’est J déjà saint Ambroise, en ces termes : < Ce soleil mysz tique dc Justice est né pour tous, n souffert pour tous, est ressuscité pour tous.... Si quelqu’un ne croit pas au Christ, Il se prive lui-même (ipse se fraudai) d’un bienfait commun â tous;dc même qu’en fermant scs fenêtres on exclut la lumière du soleil, etc. s In ps. CXF///,serm. vm,n.57,P.L., t. xv, col. 1318. —C’est saint Augustin, qui sur ccs mots « Nul ne peut sc cacher dc sa chaleur >, dit ; « Quand le Verbe s’est fait chair, Il n’a permis à aucun des mortels dc s'excuser I s’il reste à l’ombre dc la mort; car la chaleur du Verbe | a pénétré ccttc ombre même. > In ps. xvt//, n. 7, P. L., t. xxxvi, col. 155. Et non seulement avant la contro­ verse pêlagienne (cf. De Genesi co ni. manirlucos, 1. I, c. in, P. L·., t. xxxiv, col. 176), mais encore depuis, Augustin soutient cc principe. Sans doute, Il maintient la priorité dc la grâce dans la foi. < La volonté même de croire, on ne peut dire que l'homme l’a en lui sans l’avoir reçue; car c’cst la vocation divine qui la fait surgir du libre arbitre, reçu dans la création. Mais, ajoute-t-il, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et viennent à la connaissanccdc la vérité, sans toutefois leur enlever le libre arbitre, dont Ils sc ser­ vent bien ou mal.ee qui sera l’objet d’un très Juste juge­ ment dc Dieu. SI les In fidèles ne croient pas à son évan­ gile, (à la révélation qui leur est ou donnée, ou offerte,) c’cst contre sa volonté; ct ils ne sont pas alors les vain­ queurs dc ccttc volonté divine; mais ils se privent euxmêmes d’un grand et souverain bien, ct s’enchaînent aux peines futures, où Ils éprouveront la puissance dc celui dont Ils auront méprisé les dons et la miséricorde... Quiconque, au contraire, aura cru, ct sc sera confié à Dieu pour être dégagé par lui de tous scs péchés ct I guéri dc toutes scs mauvaises habitudes, pour être enflammé ct Illuminé de sa chaleur ct dc sa lumière, aura par sa grâce les bonnes œuvres qui le conduiront 1 l'incorruptibilité même du corps, à la couronne, à ces 1836 biens éternels qui satisferont tous nos désirs ct dépas­ sent ici-bas notre intelligence. » De spinlu et litt., n. 58, P. L., t. xuv, col. 238, 239. — Un disciple d’Augustin, l’auteur inconnu des beaux livres Dc vocatione omnium gentium, nous dit. : « L'ineffable bonté de Dieu, comme nous l’avons abondamment prouvé, a eu toujours ct a encore un tel soin dc Γuniversalité des hommes, que d’une part aucun de ceux qui périssent éternellement ne peut s'excuser en disant que la lumière de la vérité lui a été refusée, et que d’autre part personne n’a le droit de sc glori fier de sa j ustice ; car pour les uns c’cst leur propre malice qui les plonge dans les peines éter­ nelles, pour les autres c’est la grâce dc Dieu qui les conduit â la gloire. » De voc. gent., 1. II, c. xxix, P. L., Lu, col. 715. Parmi les Pères grecs, qui affirment cc principe si Important dans la question des Infidèles, citons saint Irénéc. Après avoir insisté sur le libre arbitre que Dieu a donné à l’homme, il montre d’autre part l’œuvre dc la grâce. C’cst Dieu qui façonne sa créa turc pour « l’immortalité », pour « être mise en partici­ pation dc sa propre gloire... Puisque tu es l’ouvrage dc Dieu, attends la main dc l’ouvrier qui fait tout avec opportunité... Si tu lui donnes ce qui est ù toi, c’cst-à dire la foi en lui ct la soumission, tu seras son œuvre parfaite. Mais si tu ne crois pas à sa parole, si tu fuis les mains dc l’artiste divin, la cause du mal devra être cherchée en toi, qui n’auras pas obéi, ct non en lui, qui t’a donné la vocation, qui vocauit. Il a envoyé Inviter tout le monde aux noces; mais ceux qui n’ont pas obéi ù l’appel se sont privés eux-mêmes du festin royal. Cc n’est donc pas l’art dc Dieu, qui est en défaut; il peut des pierres mêmes susciter des fils d’Abraham; mais celui qui n’obtient pas en soi l’effet dc cet art, est lui-même cause dc sa misère. La lumière ne s'affaiblit pas parce qu’on s'est aveuglé soi-même. Elle demeure cc qu’elle est; mais qui s'est aveuglé reste par sa faute établi dans les ténèbres... Dieu, d’ail­ leurs, a préparé aux uns ct aux autres l’habitation qui leur convient : ù ceux qui cherchent la lumière dc l’incorruptibilité, il donne avec bonté la lumière qu’ils désirent; ù ceux qui la méprisent, ou s’en détournent ct la fuient, et pour ainsi dire s’aveuglent eux-mêmes, il a préparé les ténèbres; aux insoumis, le châtiment qui leur convient. Mais comme en Dieu sont tous les biens, ceux qui par leur propre sentence sc détournent dc lui, se privent eux-mêmes dc tous les biens..., ct en conséquence tomberont sous le Juste jugement dc Dieu. » Cont. hier., 1. IV, c. xxxix, n. 2-1, P. G., t. vu, col. 1110, 1111. Irénéc rappelle ensuite le jugement dernier, Matth., xxv, où il y a deux sentences seule­ ment : ou le ciel, ou le feu éternel; nouvelle preuve dc cc fait, qu’il entend bien parler dc Vuniversalité des hommes, ctdes infidèles même négatifs, dc tous ceux dont la raison a été suffisamment développée. - Saint Grégoire dc Nysse, dans sa Grande catéchèse, où 11 parle du malaise qui trouble certains esprits en face dc l’œuvre du Christ : « Une autre de leurs difficultés, dit-il, vient dc cc que la foi n’a pas envahi tous les hommes... Tandis que plusieurs ont adhéré ù la parole dc Dieu, pourquoi un si grand nombre a-t-il été laissé en arrière, soit quc Dieu n’ait pas voulu donner ù son bienfait abondance et plénitude, soit qu’il ne l’ait pas pu? Dans l’un ou l’autre cas, c’cst pour lui un défaut... Si ia fol est un bien, pourquoi la grâce de la fol ne dcsccnd-cllc pas sur tous? » Grégoire répond : < On aurait quelque raison de faire ccttc critique au mystère que nous prêchons, si selon nous le plan divin dc la distribution de la fol aux hommes était d’en appeler quelques-uns, ct de laisser les autres en dehors dc tout appel Mais si la vocation divine fait le même honneur à tous, ct n’admet pas de distinction dc dignité, d’âge, de nation, ce qui a été symbolisé par la 1837 INI IDELES toute première prédication, au jour dc la Pentecôte, quand les apôtre* sous l’inspiration divine furent entendus ct compris dc chacun dans sa langue, sans exclusion de personne, comment peut-on raisonnable­ ment mettre Dieu en cause, parce que son Verbe ne s’est pas assujetti tous les hommes? Celui qui a tout en sa puissance a voulu, par un excès d’honneur pour l’homme, laisser en notre pouvoir une chose dont chacun est seul maître. (L’est la volonté dc préférence, qui ne peut être réduite en esclavage, qui garde son Indépendance dans la liberté dc l'àmc. Quant A ceux qui n’ont pas été agrégés à la foi, c’cst donc sur eux que tomberait plus justement V accusation, ct non point sur celui qui les a invités ù donner leur consen­ tement. » Oratio catechctlca magna, c. xxx, P. G., t.xuv, col. 76, 77. — Saint Basile a un texte très décisif, que nous citerons plus loin. Voir col. 1817. — Saint Chrysostomc n’est pas moins clair : « Si le Verbe Illumine tout homme venant en cc monde, comment tant d’hommes restent-ils sans être illuminés? car tous ne reconnaissent pas le culte du Christ ; comment donc éclaire-t-il Lous les hommes? Autant qu’il est en lui. Mais ceux qui volontairement ferment les yeux dc leur intelligence pour ne pas recevoir scs rayons, leurs ténèbres ne viennent pas dc la nature dc la’lumière mais de leurs ouvres mauvaises, par lesquelles ils sc privent librement de cc don. > Jfomil. in Joa., homIL vin, n. 1, P. G., t. ux, col. 65. Nous retrouverons cc principe dans saint Thomas et les autres docteurs scolastiques. Voir col. 1852. Concluons que, si pour l’enfant qui meurt avant l’âge dc raison il ne peut être question dc consulter sa propre liberté, Dieu a voulu de fait consulter la liberté humaine chez ceux où elle est en exercice, c’est-à-dire chez les adultes. Quelles fins s’cst-il proposées en la consultant? Lui seul pourrait nous en donner une com­ plète Idée. Du moins nous ne risquons rien en attri­ buant ce fait à sa grande miséricorde, ct en ajoutant cette remarque. Les enfants morts sans baptême, d’après la thèse aujourd’hui commune, n’ont pas à souffrir de peines positives: Ils ont un sort moyen entre ces peines cl la vraie béatitude. Voir col. 1745 sq. Au contraire, pour les adultes dont la raison est sufilsainincnt développée ct la liberté morale en exercice, la tradition n’admet pas dc sort moyen entre le ciel ct les peines éternelles dc l’enfer, comme nous aurons occasion de l’expliquer plus loin. Cette différence demandait pour tout adulte en telle situation une providence plus attentive et allant jusqu’à l’emploi dc moyens extraordinaires, si cet adulte est excusé par sa bonne fol ct son honnêteté relative, si l’on ne peut pas dire de lui qu'il ait librement fermé les yeux aux rayons du soleil divin. Gilles de Home assignait déjà celte différence, voir col. 1851. 3. On nous objecte des textes de saint Augustin ct dc ses disciples, disant que la grâce n’est pas donnée à tous, puisqu’il y a des peuples qui n'ont pas encore reçu la prédication de l'évangile. Donnons un exemple où cc raisonnement est un peu plus développé. La lettre synodale des évêques africains exilés en Sar daigne le rend ainsi : «Celui-là n’apprécie pas digne­ ment la grâce, qui la croit distribuée à tous les hommes, car non seulement la fol (intérieure, l’acte dc foi) n’est pas donnée à tous, mais on trouve encore plu­ sieurs nations où la prédication dc la foi (extérieure, c’cst-à-diro de la révélation à croire) n’est point par­ venue. Comment, dit saint Paul, croira-t-on en celui dont on n’a pas entendu parler? El comment en enten­ dra-t-on parler s’il n’y u pas du prédicateur?.., La grâce n’est donc pas donnée à tous, puisqu’elle n’est pas 1e partage do ceux qui ne sont pas fidèles (c’est-àdire qui ne croient pas), ctque ceux là ne peuvent pus croire, auxquels l’audition même dc la foi n’est point 1838 parvenue. Et à ceux auxquels la grâce est donnée, elle n’est pas donnée également. » Epist. de gratta et humano arbitrio,n. 10, P. L., t. ixv, coL 438, 439. - Réponse. — Ces Pères réservent par excellence le nom dc < grâce » à la grâce (surnaturelle quoad substantiam) qui mène prochainement à la justifica­ tion; c’cst en premier lieu la grdee de la foi, laquelle est donnée, normalement, quand la révélation à croire a été proposée par la prédication. A la prédi­ cation il pourrait y avoir une suppléance extraordi­ naire ct anormale. Voir col. 1847. Mais ces évêques, n’entrent pas dans un détail aussi compliqué : ils n’expliquent pas tout, pas plus que saint Paul dans le texte allégué par eux. Leur seul but est dc réfuter les scmi-pêlagiens, ennemis des faveurs de la prédesti­ nation, qui non seulement voulaient donner à tous la grâce menant prochainement à la justification, mais la voulaient donner également, toujours par un prin­ cipe dc justice mal appliqué. Augustin, du reste, admet lui-même, pour certains Infidèles privés dc la prédication, des suppléances extraordinaires. Voir col. 1848. Ces considerations nous amènent à préciser ccttc expression thcologiquc dc « grâce suffisante », et à la subdiviser, comme le font communément les théolo gicns, en secours éloigné (du but dc la justification), remote sufficiens, qui est donné à tous, et en secours rapproché (dc la justification), proxime sufficiens, qui n’est pas donné à tous. Et il faut admettre entre les deux secours une telle liaison, que si le libre arbitre profite du premier, il arrivera infailliblement (mais sans mérite dc sa part) au second. Ceci est nécessaire pour que se Vérifie l’assertion si commune des Pères, que ceux-là seuls périssent, qui auront ferme les yeux à la lumière, que leur perle vient dc leur faute, etc. 4e Quelques thomistes dc l’école bannèzicnne. On cite surtout Gonet, O. P. (t 1681). Sans partager les erreurs j ansénistes, U fut, avec deux autres professeurs dc l’université dc Bordeaux, poursuivi par la Sor bonne ct par Louis XIV pour trop d’indulgence à l’égard des Provinciales dc Pascal. Voir Gonet, t. vi, col. 1487 sq. 1. Examinons sa pensée sur le salut des Infidèles. Pour n’etre pas en contradiction avec les Pères que nous venons dc citer il devrait dire que, si à beaucoup d’infidèles n’est pas donné, conféré le secours d’espèce Supérieure, proxime sufficiens, à tous cependant il est offert, en ce sens, qu’ils reçoivent au moins le secours moindre, remote sufficiens, ct qu’il y a une liaison infaillible entre ccs secours inférieurs, si le libre arbitre les accepte, ct ceux dc l’espèce supérieure, plus rap­ proches dc la justification, ct qu’ainsi il ne tient qu’aux hommes d’accepter les premiers ct dc recevoir les seconds tôt ou tard. OrnJ loin dc soutenir ccttc thèse, il la représente comme étant celle de scs adversaires. Clgpcus theologix thomisllax, De Dca uno, disp. V, De reprobatione, n. 179, édit, Vlvès, 1875, t. n. p. 405. - b) « Dieu par sa volonté antécédente, dit-il en inter prêtant saint Thomas, offre ou prépare à tous les hommes des secours ou remèdes suffisants pour le ♦ alut, en cc sens que pour tous il a Institué les sacre meats dc l’Église, que pour tous II a envoyé le Christ ct décrété scs mérites, qui sont en soi suffisants pour le salut du monde entier. » Ibid., n. 210, p. 411. El nous voilà revenus aux moyens purement < extérieurs et généraux » d’Estius et de Sylvius. Gonet veut pour­ tant admettre une « volonté antécédente > du salut de tous : c’est un certain progrès sur les théologiens de Louvain et dc Douai. —· c) Cette liaison infaillible affirmée par scs adversaires. Il l’attaque par cct argu­ ment : L’état de péché qui existe dans tout Infidèle, au moins à cause du péché d’Adam, souvent aussi à j cause d’un ou plusieurs péchés mortels personnels, 1S39 INFIDELES « wt un état de mort de Vdme ». Nous croyons comme lui ccttc vérité révélée; mais nous rejetons la singu­ lière deduction qu’il veut en tirer; la voici : « Comme un cadavre n'exige pas les principes des mouvements ct des actes vitaux dc Yordre naturel, ainsi l’âme en état dc péché, dc mort, n'a aucun droit aux secours de la grâce, qui sont les principes des mouvements et des actes vitaux de l'ordre surnaturel. » Nous concédons qu’elle n’y a aucun droit par elle-même. « Elle merite, continue Gonct, d’en être privée en punition du péché précédent; ct si Dieu en agit autrement dans sa misé­ ricorde ct donne ces grâces au pécheur, alors dans cet ordre surnaturel c’cst une dérogation, prêter ordinem, -> un miracle; ct il renvoie à saint Thomas, Coni. gentes, L III, c. clxi, puis conclut : « Si Dieu agit prater ordinem (miraculeusement) toutes les fois qu’il donne la grâce à un homme en état dc péché, où est donc cette toi Imaginée par nos adversaires dc donner infail liblement la grâce, du moins la grâce suffisante, à l’homme qui fait le bien moral par les forces de lu nature? » Ibid., n. 201, p. 109. Observons, en passant, que nous ne prenons pas les « forces de la nature » seules ct sans aucune grâce, même surnaturelle quoad modum voir col. 1789; et recueillons l’autre argument que Gonct donne â cet endroit, ct qui complète sa pensée : « Si l’essence du péché mortel consiste â faire tourner le dos à la fin dernière surnaturelle (aversio a Deo, opposée â conversio ad Drum se tourner vers Dieu), cc péché doit a fortiori, autant qu’il est en lui, faire tourner le dos aux moyens par où l’on peut se retourner vers ccttc On; qui n’a pas droit à la fin, a encore moins droit aux moyens, parmi lesquels on compte principalement la grâce. Donc, par le péché mortel, on se met dans la nécessité dc manquer dc tous les moyens dc salut. » Ibid., n. 200. Il ne faudra donc pas s’étonner que beaucoup d’infidèles manquent dc tout accès aux moyens Intérieurs et surnaturels. — Les S aimanticenses sont à bon droit sévères pour cc double argument de Gonct ; «S’il prouvait quelque 1 chose, disent-ils, il prouverait, contre Gonct lui-même, que les secours surnaturels ne sont donnés â aucun pécheur, même fidèle; et même, qu’ils ne sont pas offerts â tous, que le Christ n’est pas mort pour tous, ni les sacrements préparés pour tous, puisque d’après lui tout péché mortel s’oppose par un démérite à toute grâce (actuelle, tant extérieure qu’intérieure) cl, en détournant dc la fui dernière, détourné l’homme de tous les moyens dc salut. Or ces assertions sont si absurdes, que cc n’est pas la peine dc s’y attarder. En deux mots, nous concédons que le péché mortel suf­ firait à meriter le refus dc tous ces bienfaits, ct même Γanéantissement de la personne... Mais il ne mérite pas cette peine effectivement, parce que Dieu n’a pas , décrété ni taxé pour le péché mortel une telle puni ' tion; ct celle peine du refus dc tous les bienfaits sur­ naturels, il l’a réservée pour l’autre vie dans la per­ sonne des damnés. De même, le péché d’Adam aurait pu suffire pour que Dieu refusât au genre humain les iccours surnaturels même généraux: ct toutefois Dieu, même après la chute, veut que tous les hommes soient sauvés, cl pour cela x envoyé son Christ, institué les sacrements, ordonné q ac l'évangile fût prêché à tous. El cela, non pas que l’homme déchu l'érige, mais grâce a une providence ct miséricorde dc Dieu qui nous est révélée dans l’Écriture ct les Pères... Et bien que ces secours de la grâce, ct la justification à laquelle ils conduisent, puissent être appelés extra­ ordinaires, à l’égard d’un pécheur, prêtter ordinem, tout considéré cc n’est pas un miracle, parce que, sup­ posé la tin surnaturelle ct la volonté salvltique uni­ verselle, une loi générale dc l’ordre surnaturel présent destine ces secours à tous les adultes, comme le dit tsset clairement le saint docteur, Sum. theol., II*-11®, 184Ü q. cxnr, a. 10. » Salmanticenses. O. C. Cursus theolo­ gicus, De gratia, disp. VI, n. 93, édit. Palmé, 1878, t. IX, p. 778, 779. 2. Du reste, ccttc controverse entre bannéslcns est rendue confuse par le mélange d’une nuire question qui aurait dû sc traiter séparément. Les deux questions sont proposées ensemble par les Salmanticenses sous cc titre : « Dieu confère-1-il réellement, effectivement, â tous ct Λ chacun des adultes les secours dc la grûcc surnaturelle suffisants pour le salut? » Ibid., n. 58, p. 759. Ils entendent « surnaturelle » quoad substan­ tiam, ct constatent que sur la question ainsi posée les thomistes sc divisent; qu’elle est fort difficile, ct que les deux réponses opposées, l’affirmative et la négative, ont des preuves sérieuses; que pour eux, ils préfèrent l’affirmative, avec Médina, O. P., Alvarez, O. P., etc. Ibid., n. 60,Gl, p. 760. Ils énumèrent comme étant leurs adversaires Battez lui-même, Godoy, Gonct, etc. Ibid., n. 90, p. 77G.— a) Battez, plus ancien et moins développé, nous semble plus modéré que les autres. Sur la question dc la volonté antécédente du salut dc tous les hommes, dans sa lre ct sa 2· conclusion il juge « probable » l’opinion qui y voit une volonté formelle et proprement dite, et en trouve les preuves · assez fortes pour qu’on doive mettre en Dieu cette volonté, sinon formellement, au moins éminemment; ■ il regarde cependant comme « bien plus probable » l'opinion qu’il suffit de la mettre en Dieu « éminemment ». Ccttc expression est modérée; car eminenter dit plus que metaphorice. Voir I’oii.meli.ement, t. vi, col. 593. La raison qui lui fait préférer la 2e opinion c’cst « l'imper­ fection Intrinsèque > qu’il y a d’après saint Thomas dans celte volonté ou velléité, ù savoir « l’inefficacité d’une volontéqui ne peut faire ccqu’cllc désire, comme le marchand qui voudrait bien sauver ses marchan­ dises, mais qui les jette à la mer parce qu’il ne peut les sauver en même temps que sa vie. > Du reste, comme il le remarque lui-même, la opinion entend bien aussi qu'on ne mette pas en Dieu celte Imper­ fection ct ccttc impuissance, cc qui fait peu dc diffé­ rence entre les deux. In b* partem D. Thomtc, q. xix, a. 6, Venise, 1587, col. 688-691. En terminant le com­ mentaire de cet article, Battez cherche la meilleure explication de I Tim., n, 4, et préfère celle-ci : « Dieu veut et fait, par l’opération du Saint-Esprit, que les justes (y compris saint Paul, ct le Christ lui-même) veuillent ct désirent le salut dc tous les hommes. » Ibid., col. G92. Sur la question plus compliquée des secours de la grâce donnés ou non à tous les adultes, il cherche sans parti pris ù s’orienter dans ce dédale. Parmi les anciens théologiens ou interprètes dc saint Thomas, il ne va pas chercher les plus rigoristes, un Bradwardin, un Grégoire de Bimini, etc. Il cite un thomiste large ct libéral envers les pécheurs même endurcis, ct les infidèles, Dominique Solo, De naturact gratia, I. I, c. xvm, qui ne pense pas que Dieu punisse un homme dc péchés précédents en lui retirant défini­ tivement tout secours, mais le laisse agir selon sa volonté propre, toujours prêt à lui tendre la main, qu’il ne tient qu’â l’homme d'accepter. · Ibid., q. xxm, a. 3, dub. ni, col. 786. Battez plus loin semble approuver Soto, tout en réservant les droits de la prédestination, col. 801; mais la prédestination regarde les grâces efficaces, plutôt que des grâces suffisantes dont il est ici question. 11 attaque un ancien théologien plutôt rigoriste, Adrien, quand il refuse â tout infidèle le bénéfice dc l’ignorance Invin­ cible, voir col. 1753, ct cite dc lui à ccpropos une doc trine large : « Si Fin fidèle par les forces dc la nature, faisait ce qui est en son pouvoir. Dieu l’illuminerait surnaturellcment. > Seulement, il blâme, ct à bon droit, cet auteur, s’il suppose que la nature seule com­ mence, et qu’a la bonne action naturelle lu grâce sur­ 1841 INFIDÈLES naturelle devra succéder aussitôt; 11 lui oppose les canons du concile d'Orange, ct réclame que la bonne action qui conduira à la justification sc fasse sous une «inspiration surnaturelle. » J bld., col. 788, 789. Enfin Battez pose lui-même celte 9· conclusion : « Toutefois il est vrai de dire que Dieu est prêt à donner Λ tous les hommes, tant qu’ils sont en ccttc vie, le secours qui leur donne la puissance dc sc convertir, et même le secours plus spécial qui les convertira s’ils le veulent » Ibid., col. 79 1. « Cette conclusion, ajoute-t-il, est frês fréquente chez les théologiens, niais quelques-uns l'entendent mal, » c’est-à-dire d'une manière scmi-pélagicnnc,qu’il explique. Et il cite le beau texte dc saint Thomas, Cont. Gentes, 1. III. c. eux. Sur cette ques­ tion si ardue de la distribution de la grâce, la marche dc Battez a pourtant une certaine confusion qui, jointe Λ sa brièveté, le rend parfois obscur. Scs disciples auront le mérite de descendre dans plus de détails, avec plus d’ordre, ct dc préciser davantage. La plu­ part seront plus rigides que le maître ; il en est au con­ traire qui l'abandonneront ici, comme les Salmanttcenses, pour être plus larges que lui envers les infi­ dèles. — b) Godoy (t 1687), O. P., professeur à Sala­ manque, ensuite évêque d’Osma, propose déjà quel­ ques-uns des arguments fâcheux dc Gonct (qui s'est servi de ses manuscrits avant leur publication), mais pas tous. Plus pondéré 11 n'est pas, comme lui, hanté par le molinisme à combattre; il est d'ailleurs plus grand théologien. Voir Godoy, t. vi, col. 1472. Pour­ tant dans notre question il laisse, comme Gonct, une impression pénible de rigorisme; par exemple : < La volonté générale du salut de tous est une volonté antécédente, ct non pas conséquente. Son effet, quant aux remèdes suffisants, n’est pas de les conférer tous à tous les hommes, mais dc les offrir à tous, et d’en con­ férer à tous quelques-uns, c’est-à-dire les remèdes extrinsèques institués pour tous, comme sont les sacre­ ments, la passion ct la mort du Christ, mais non pas les intrinsèques. Et de même que les tenants de l'opi­ nion contraire, nonobstant la volonté divine de sauver tous les hommes, avouent qu’à tous ne sont pas donnés les secours qui suffiraient prochainement pour la fol (ct la justification), mais seulement les secours éloi­ gnés, dc mémo, nonobstant celle volonté divine, nous disons que plusieurs ne reçoivent pas de secours suffi­ sants intrinsèques, ni prochah s,m éloignes, mais seu­ lement les extrinsèques. » Opéra theologica, t. î, Dis­ putationes in D™ partem D. 'Jhonuv, q. xxin.disp. lxx, n. 51, Venise, 1686, p. 377. Les Salmanticenses oppo­ sent à ce passage de Godoy l’explication « commune », que donnent les Pères, du texte, I Tim., n, 4 : « Cc n’est pas le secours divin qui manque, si tous les adultes n’arrivent pas au salut surnaturel, mais c’est la faute des hommes eux-mêmes, ne coopérant pas avec Dieu qui a ccttc intention de les sauver tous, s Loc. eiL, n. G7, p. 761. Ils allèguent Augustin et Chrysostome; nous en avons cité d’autres plus haut, col. 1835 sq. Ils concluent contre Godoy qu’étant donnée la néces­ sité des grâces intérieures pour arriver à la fin surna­ turelle, il faut que chacun les reçoive, sous forme dc secours sinon prochain, du moins éloigné qui conduise à l’autre, si l’homme veut sc servir du premier. « Des secours préparés en général, «disent-Ils, fort juste­ ment, « mais que plusieurs n’ont à leur disposition ni proxime ni renude, sont pour eux comme s’ils n’exis­ taient pas. Dans cette opinion, leur défaut de ten­ dance à la fin surnaturelle ne retomberait donc pas sur eux, mais sur Dieu; cc qui est contraire à la doc­ trine des Pères.» Ils ajoutent que cc don fait à tous dc secours suffisants convient singulièrement, d’une part à la bonté divine, et ne nuit pas, d'autre part, au dogme dc la prédestination; car, pour sauver cc dogme, même en supposant les secours suffisants 1842 donnés à tous, c’est assez que les secours efficaces ne soient pas distribués à tous, ctquc par sa volonté con séquente, à laquelle appartient la prédestination, Dieu les confère à ceux qu’il lui plaît de favoriser, ce que nous admettons très volontiers. Ibtd., n. 68, p 765.— c) Seulement les Salmanticenses exagèrent, quand Ils prétendent que Dieu donne effectivement à tous les hommes une partie des secours surnaturels quoad substantiam. Sur cc point, Godoy ct Gonct, qui le suit, vont reprendre l’avantage ; ct cela prouve ce que nous disions, que dans celte controverse entre bannéslcns, unique en apparence, Il y a en réalité deux ques­ tions enchevêtrées; l’une, bien résolue par un des partis; l’autre, par le parti opposé. D’ailleurs cette controverse est fort Instructive en vue du problème des infidèles. Voyons donc maintenant le déficit des Salmanticenses, prouvé par leurs concurrents. La controverse va se transporter sur des sujets que nous avons déjà traités, cc qui nous permettra d’abréger. 3. Est-ce la meilleure opinion, comme le disent les Salmanticenses ct d'autres, que tous les hommes parti­ cipent de fait aux secours « surnaturels quoad subs­ tantiam », ou « surnaturels » tout court, qui élèvent la faculté pour lui faire produire un acte salutaire, un acte d’ordre divin; ct que les infidèles négatifs reçoi vent ce genre dc secours, ct longtemps avant toute connaissance dc la révélation? Godoy attaque cette opinion sans nommer aucun adversaire. Après un pre­ mier argument moins heureux, H pose cc principe meilleur : « Le premier acte dans l’ordre surnaturel est l’acte dc foi. » Il en conclut que « le premier secours suffisant d'ordre surnaturel est le secours qui suffit h croire; ictque «ceux qui manquent d'une telle grûcc manquent dc tout secours surnaturel. » Loc. cd., n. 40, p. 375. Il prouve son principe par les paroles du concile de Trente que nous avons étudiées ; « La fol est le commencement du fcalut dc l’homme, le fondement ct la racine dc toute justification. » Voir coL 1776 sq. llajoute des textes augustlnîcnsqul rendent la même Idée. Puis Il rapporte la réponse que font les adversaires à cette preuve : « Le concile dc Trente ct Augustin veulent dire que p arm/les dispositions nécessaires à la justl fication la fol tient la primauté d'ordre » c’est-à-dire qu’elle vient la première dans l’ordre des temps : « mais ils ne nient point que d’autres oeuvres surnatu­ relles, sans cire requises comme la fol, puissent être des dispositions imparfaites et éloignées, à la justifica­ tion. > A cette uponse, Godoy fait une première réplique : * S’il était permis d'esquiver par ccttc vehap patoirc les paroles de Trente, il serait également permis d'esquiver dc même les paroles des conciles, celui d'Orange, par exemple, ct des Pères, quand Ils affir­ ment que la grâce a le rôle initial dans la justification; il serait permis dc dire : les conciles ct les Pères parlent ainsi, parce que la grâce est absolument nécessaire, mais ils ne nient point que dans certains cas le libre arbitre commence, cl avec scs mérites, (du moins Impar­ faits.) bien qu’ils ne soient pas nécessaires, précède la grâce. O ceci est absurde. » C’est le semi-pélagianisme de Casslen, rejeté par tous les catholiques. « Donc pareillement l'interprétation qu’on veut nous donner du concile de Trente est Inadmissible. » Ibid., n 42, p. 376. Nous résumons ainsi la dernière réplique dc Godoy, très suggestive et très profonde ; Ces œuvres « surnaturelles », que vous introduisez avant l’acte dc fol, par le fait même que vous les sunposez non seu­ lement libres ct moralement bonnes mais surnaturelles. doivent être aussi supposées méritoires (imparfaite ment) ou du moins impétratoires pour obtenir la fol absolument nécessaire à la justification. Or, dans celte supposition, c'est la première dc ces œuvres, et non la fol, qui doit devenir le vrai · commencement du salut, » 1843 INFIDÈLES le premier de la série des actes salutaires. Dans votre supposition, l’acte de foi perd donc sa primauté d’ordre et passe au rang d’acte intermédiaire; heureux s’il aboutit enfin Λ la suprême disposition â laquelle est Immédiatement attachée la justification : charité ct contrition parfaite, ou attrition avec le sacrement de baptême ou de pénitence. Mais ce rabaissement que vous infligez â Pacte de foi est clairement opposé au concile de Trente, à saint Augustin. Voilà Λ quel grave Inconvénient vous arrivez en voulant distri­ buer trop largement les secours proprement < sur­ naturels », surnaturels quoad substantiam. Ibid., η. 43, p. 376. II n’en serait pas de même, si l’on sc contentait d’assigner aux infidèles, dans leurs spéciales diffi­ cultés ct tentations, des secours « surnaturels quoad modum »,que Ton appelle aussi «préternaturels», sou­ vent même (chez les anciens théologiens) « naturels » parce que la bonne action, ou prière, qu’ils aident à faire sans élever la faculté pour autant, reste pure­ ment naturelle. Voir sur ces secours, col. 1736,ct 1788 sq. Godoy, du reste, n’a pas la dureté de refuser, comme Jansénius, celte espèce Inférieure de grdee suffisante aux infidèles. Parlant plus loin de la « grâce spéciale » sans laquelle, d’après plusieurs auteurs, dont il fait partie, l’homme déchu, non encore régénéré, ne peut jamais faire un acte d’amour de Dieu efficace, c’est-ùdire d’amour de Dieu par-dessus tout, tandis que d’autres amours ne voient pas d’impossibilité à ce qu'un tel acte, malgré sa difficulté, procède parfois des seules forces de la nature — Il relate une objec- ( tion qui lui reproche de se contredire par lâ, et de donner à un Infidèle négatif la grâce surnaturelle Il répond «que la grâce spéciale » nécessaire pour que cet homme déchu produise cet acte d’amour < n’est pas surnaturelle mais naturelle. Or nous ne nions pits qu’une grâce spéciale, entitativement naturelle, soit donnée Λ tous : nous le nions seulement d’un secours surnaturel (entitativement, ou quoad substantium.) » Il n’y a donc pas contradiction. J bid., n. 99, cf. 97, p. 372. Sur cette difficile controverse de la nécessité d’une grâce pour miner Dieu par-dessus toutes choses, voir G hack, t. vi, col. 1585-1588. Gonet admet éga­ lement, dans tout adulte ù l'âge de raison, un auxilium speciale ordinis naturalis Clypeus, traite de la prédes­ tination, disp. I, n. 234 sq., édit. Vivès, t. n,p.415. 4. Voyons comment les Salmanticcnses répondent à ccs adversaires. A propos de l’extrême difficulté ou impossibilité morale qu’ont les infidèles, comme les autres ct plus qu’eux, de résister aux tentations, ct du genre de secours qui leur vient en aide alors de fait, Ils ne sont pas contents de cette « grâce spéciale, entitativement naturelle » ou préternaturelle. La raison qu’ils apportent est que < les mots auxilium diuinæ grutier, dont se servent les Pères, ont coutume de signifier la grâce surnaturelle quoad substantiam. » /bid., η. 78, p. 770. Cette raison n’est pas forte. Admet­ tons que le plus souvent, quand les Pères parlent de la < grâce », ils entendent celle de la plus haute espèce. Ce n’est pas toujours; ct 11 faut voir la matière dont il s'agit. Ici, il s’agit de résister aux tentations contre la 1 loi naturelle, de manière ù éviter le péché mortel, i obstacle possible à des secours meilleurs : une espèce Inférieure de grâce est suffisante pour cet objet néga- j tif. Voir col. 1791, Mais voyons surtout leur réponse à la principale difficulté qui les presse : c’est l’argument de Godoy, tire des assertions du concile de Trente sur le rôle initial de l’acte de foi dans la genèse de la jus­ tification. Ils y répondent de trois manières : — a) Vous nous reprochez d’admettre des actes entitative­ ment surnaturels avant l’acte de fol. Mais tout le inonde doit en admettrc.et en admet! L’acte de fol propre­ ment dit, acte intellectuel, < suppose avant lui la volonté de croire, acte entitativement surnaturel d'après tous 1844 les théologiens. Bien plus, cet acte de vouloir libre, comme tout acte délibéré, suppose avant lut un acte Indélibéré, pieuse affection, d’ordre surnaturel aussi bien que lui; Il doit en outre avoir été précédé et dirigé par un jugement pratique de la prudence, également surnaturel. Enfin le tout doit avoir été précédé par une première grâce excitante du même ordre, au jugement du concile de Trente, sess. VI. c. v, vi, » Ibid., n. 82, 83, p. 773. — Itépliquc. — Cela revient précisément Λ la P· objection du P. Desjardins, ù laquelle nous avons répondu, col. 1783, cf. 2e objection, ibid. Ajou­ tons deux mots. Quand nous nions avec saint Augus tin ct Je concile de Trente le caractère entitativement surnaturel des bonnes actions faites avant la fol, notre négation n’atteint pas et respecte toujours ccs actes préliminaires, liés par leur fin immédiate à l’acte intellectuel de croire,ct qui font partie intégrante de l’acte de fol si on le considère complètement. A ceuxci la surnaturalité, oui; leur cas n’est point le même que celui des bonnes actions dont il s’agit, lesquelles par leur objet spécifique sont totalement distinctes de l’actc de fol, ct peuvent le précéder de fort loin. Celleslà n’ont aucune raison d’être l’œuvre d’une grâce surnaturelle ct une excellente raison de ne l’être pas. — b) Appuyés sur la base fragile que nous venons d’examiner, les Salmanticcnses recomman­ dent comme « très digne d’attention si l’on veut répondre aux arguments de leurs adversaires i la dis tinction des deux sens que peut prendre ce terme de joi surnaturelle. « Au sens strict, disent-ils, c’est l’assen­ timent que nous donnons ά un objet, ù une vérité inévidente, d cause du témoignage de Dieu qui la ré vêle; au sens large, c’cst toute illumination ct connaissance surnaturelle qui nous dispose à la fol stricte et nous fait tendre à l’objet de celle-ci, bien que d’une manière diverse et sous un motij diderent, (autre que le témoi­ gnage divin ou révélation.) Sans doute, la fol au sens strict est tellement nécessaire pour obtenir la pre­ mière justification..., que personne n’est justifié sans elle.... Malgré tout, elle n’est pas tellement néces­ saire pour commencer l'affaire de la justification,qu’elle doive précéder tous les autres actes surnaturels : nous en avons montré quelques-uns, avec leurs secours du même ordre, qui la précèdent. Au contraire, la foi large ct surnaturelle est tellement nécessaire aux adultes pour commencer l’affaire du salut, qu’elle pré cède tous les actes surnaturels distincts d’clle-mêmc : car on n’en trouve pas qui ne présuppose quelque illu­ mination surnaturelle (fol large) puisqu’il suppose, comme nous l’avons montré par le concile de Trente, une grâce excitante, qui est le secours destiné ù la pro duire. » Ibid., n. 86, p. 774. Voilà qui surprend. Les Idées de Blpalda, jadis professeur de Salamanque en renom, y avaient donc partiellement pénétré jusque dans l’école bannéslenne, si différente de la sienne! On lui empruntait la fameuse distinction, inventée par lui, entre la foi stricte ct la fol large surnaturelle. Voir col. 1759,1793. LesSalmanticcnses,qui noie citent pas ici, l'avaient nommé plus haut parmi les défenseurs de leur thèse donnant des secours surnaturels ù tous les infidèles. Ibid., n. Gl. p. 761. bélicitons-lcs, toutefois, d’avoir maintenu, contre son hypothèse aventureuse, l’absolue nécessité de la fol stricte, comme nous venons de le voir. Seulement. Ils prétendent que la fol large a sur la stricte l’avantage initial, « parce qu’elle précède tous les actes surnaturels distincts d'ellemême. » Mais, d’une part, on peut en dire autant de la foi stricte : clic précède tous les actes surnaturels dis tincts d’clle-même; car les seuls qu’on puisse faire valoir ct qui. ù première vue, semblent la précéder, en réalité font bloc avec elle ct sc rapportent à elle comme ses parties intégrantes. Et, d’autre part, l’autorité expresse du concile de Trente, sans parler de saint 1845 INFIDELES 1846 Augustin, nous force de conserver à la fol stricte son convenu d’appeler révélation < médiate » celle qui, faite rôle Initial. Disons donc simplement avec le concile autrefois par Jésus ou ses apôtres, ou même par des qu’elle est, non seulement un fondement de toute envoyés de Dltu plus anciens, qu'ils nous ont garantis, justification ct un fondement nécessaire, fides sine qua a été transmise depuis l’âge apostolique par une série nulli unquam contigit justificatio comme le recon­ ^intermédiaires humains, soit qu’on les considère naissent les carmes de Salamanque, mais encore . historiquement comme purement humains ct d’après les humaner salutis initium, Denzinger-Bannwart, n. 801; seules règles de la critique des témoignages, soit qu’on cf. 799, plutôt que de les suivre dans leur conclusion les envisage théologiquement comme aidés, pour con­ finale, singulièrement embrouillée ct certainement server la révélation,par une assistance de Dieu toute étrangère à la pensée du concile : « Quand on définit spéciale, tel le témoignage de l’Église nous proposant que la foi est le commencement ct la racine de toute larévélatlon antique, et en cela Infaillible dans certaines Justification, on considère la w fol > dans son double conditions déterminées. Par opposition, on appelle sens, utroque modo: en sorte que la fol prise au sens révélation < immediate » non seulement celle que Dieu large, en tant qu’elle implique une connaissance sur­ fait à l’âme par son action exclusive ct directe (immé­ naturelle, soit absolument le commencement de la diate par excellence), mais encore celle qu’il lui fait Justification, la première dans l’ordre de génération par le ministère de scs anges. Dans ce dernier cas, 11 y ou de genèse, ordre qui va de l’imparfait au plus par­ a sans doute entre Dieu ct l’âme un intermédiaire. fait, puisqu’elle est présupposée aux autres actes mais non humain; un intermédiaire uni à Dieu par la salutaires sans exception; et que la fol prise au sens vision intuitive, toujours Infaillible, et sachant per­ strict soit un commencement relatif, ct la première suader l’âme de l’origine divine de la révélation qu’il dans l’ordre de perfection, puisqu’elle a la préémi­ transmet: aussi assimile-t-on cette révélation angélique nence parmi les connaissances qui concourent à la Jus­ à celle qui est immédiate par excellence,parce qu’elle tification. * Ibid., n. 86, p. 775.— c) Résumons enfin est pratiquement, pour qui la reçoit, de la même une preuve accessoire empruntée aussi à Ripalda par valeur. Voir Foi, t. vr, col. 135. — Des hétérodoxes les Salmanticcnses. Ibid., n. 85, p. 771. Les conciles et ont abusé de l’idée de la révélation immédiate; ils les Pères,ct surtout saint Augustin,prennent souvent en ont fait le moyen choisi par la providence pour le mot caritas dans un sens large, pour toute espèce parler Λ tous les hommes, ou plutôt à tous les élus dont d’affection envers les autres. Donc il est pareillement naturellement ils étaient, les autres étant laissés possible qu’ils aient pris au sens large le mot fides.— sans moyen de salut. Tantôt à la révélation médiate Ils substituaient purement ct simplement l’immé­ Réponse.—C’est possible en plusieurs cas; mais quand leur contexte, ou l’ensemble des circonstances, déter­ diate : exemple, les anabaptistes d’Allemagne, qui mine clairement le sens strict, il ne vous est pas pos­ méprisaient la Bible ct la remplaçaient par les fausses sible, dans leur interprétation, de prendre le sens large, lueurs et les commandements détestables que Dieu était ou les deux sens à la fois, cc qui est plus forL Or cette censé leur donner. Tantôt, chose à peine moins dange­ determination par le contexte, pour le mot fides, sc reuse en pratique, ils ajoutaient à la révélation mediate rencontre dans Augustin souvent, et dans les passages des Écritures leur prétendue révélation Immédiate, se servant de celle-ci pour interpréter celles-là. Voir du concile de Trente que nous venons d*étudier. Godoy Foi, col. 113. Il faut soutenir contre ces hérétiques que sans nommer Ripalda ni les S aimanticenses, rejette ce recours « ù un sens large de la foi. prise pour une illu­ Dieu ne distribue pus les révélations Immédiates avec mination surnaturelle quelconque. » 11 lui oppose le une telle profusion et si peu de preuves de leur réa­ passage où le concile de Trente donne d’abord la défi­ lité; mais cela n’empêcherait pas d’admettre, comme nition très complète de la « foi » avant d’en parler une explication de sa volonté sérieuse du salut de tous, comme disposition nécessaire à la Justification ct qu’il les donne aux Infidèles négatifs qui en ont rigou­ reusement besoin pour leur justification et leur salut, commencement du salut; définition où l’on ne peut au moins s’ils n’y mettent pas d’obstacle volontaire. voir autre chose que la foi stricte ct théologale, sess. V I, c. vi. Denzinger-Bannwart, n. 798. Godoy sc réclame D’autant plus que le contenu d’une telle révélation aussi de la pensée commune des théologiens, ct de n’est pas grand, ni composé d’étrangetés capables de troubler la socK té ou du moins le cerveau des hommes l’interprétation qu’elle donne de Hcb., xt, 6, sur la nature de la < foi > nécessaire à la Justification. sans’culture, comme dans l’exemple des fanatiques, mais comporte seulement un très petit nombre de Loc. cil.,n. 4 I, ct 45, p. 376. rnotsif.xn: btstLme: Les Infidèles négatifs peuvent vérités chrétiennes, celles qui sont < de nécessité arriver à la foi par une révélation immédiate. — Au sys­ de moyen ». D’ailleurs la < révélation > quand cc mot signifie le témoignage divin ayant pour but d’obtenir tème précédent nous avons oppose cc principe des l’acte de foi, n’exige pas essentiellement du neuf, de Pères, col. 1835 sq, que si un adulte ne reçoit pas la l’inédit, dans son contenu; mais une vérité bien con lumière de la révélation ct de la fol conduisant au salut’c’est par sa faute, parce qu’il ferme vulontahc- nue dans le inonde chrétien, ct depuis longtemps révélée, peut l’être un million de fois encore au bénéfice ment les yeux Λ la lumière ct s’en prive ». D’autre part, c’est un fait, objecté parles défenseurs du système pré­ des pauvres Infidèles. Ibid., col. 121. —b) D’autres cédent que bien des adultes se trouvent placés dans de hétérodoxes confondent la révélation publique, base telles circonstances de lieu, de mauvaise volonté des nécessaire de notre foi, avec la révélation privée, qui hommes etp., que, forcément ct sans leur faute, ils restent est loin d’avoir la même nécessité, tellement que ceux privés du moyen nécessaire de la prédication» établi par au moins à qui elle n’est pus Immédiatement faite leChrist: lesprédicatcursdclarévélatlon n’arrivent pas peuvent, sans nuire A leur salut, s’abstenir de l’étudier jusqu’à eux. On concilierait le principe avec le fait, ct ou de chercher ù la croire. Ibid., col. 115 sq. Mais dans avec la nécessité de la fol stricte, si Ton admettait que la solution orthodoxe du problème des Infidèles, qu’en l’infidèle, privé du moyen normal de la prédication cc moment nous examinons il ne peut y avoir aucune sans en être cause par sa liberté, recevrait une sup­ confusion avec la révélation proprement privée, puis­ pléance qui le conduirait à la foi stricte, et à la Justi­ que l’oâ/rf.que cette solution suppose révélé immédia­ tement à l’infidèle, se compose des vérités les plus néces­ fication s’il le veut. Cette suppléance de la prédication, saires ù la justification ct au.snlut de tous les hommes, c’est la révélation immédiate. 1· Définitions et explications préliminaires. — Il donc appartenant par excellence à la révélation caglt,b)cn entendu, de la révélation proprement dite, publique; tandis que la révélation privée aurait pnur surnaturelle au moins dans son mode. — a) On est I objet, par exemple, l’assurance du salut de la per­ 1847 I INFIDÈLES 1848 sonne â qui clic est fciitc.cc qui n'intéresse pas la révé­ î hierarehia, c. iv, P. G., t. ni, col. 180. < Le divin mys tére de l’amour de Jésus pour les hommes a été révélé lation publique. Ibid. 2· Principaux défenseur* de celle so lui Ion. — d'abord aux anges, puis par eux à nous. » Et 11 cite les 1. Pires grecs.— σ) Saint Basile parle de ces Infidèles apparitions de Gabriel à Zacharie, à Marie, 1rs anges (négatifs) «qui sc servent blendes mouvements natu­ de la nuit de Noël ; celui qui apparut souvent à Joseph, rels » ct dit : « S’ils accomplissent vraiment ct sincè­ gardien du divin Enfant; Jésus lui-même fortifié par rement le bien qu'ils peuvent connaître ct faire, Dieu un ange dans son agonie. Ibid., col. 181. Plus loin il leur donne cc qu’il a donné à Corneille, (favorisé de In passe au rôle des anges chez les infidèles. Il montre par vision d'un ange.) ct ne leur reproche point leur passé l’Écriturcque non seulement les Juifs, mais toutes les comme une coupable négligence (du précepte de la nations avaient leur ange protecteur du pays; ainsi les foi.) puisque cela n'est pas arrivé par leur faute. » illuminations divines ne leur manquaient pas.«L'éga Regulor breviores, interrog. 224, P. G., t. xxxt, col. rement Idolàtrique n'est pas venu de leur délaissement, 1231. Un docteur célébré de la Sorbonne, familiarise mais de leur libre volonté, de leur égoïsme, de leur avec les Pères grecs, Isaac Habert, cite cc texte, ct opiniâtreté dans un culte absurde. > Souvent les Juifs dit < que les théologiens, A la suite de saint Thomas, en ont fait autant ; mais ils ont eu plus de secours. « Les ont de quoi confirmer par IA cc qu’ils déclarent si sou- diverses nations avaient toutes pour premier principe vcnt,qu’àun Infidèle qui vivrait honnêtement Dieu ou le même Dieu, auquel les anges, préposés à chaque bien enverrait un ange, etc. » Theologia græcorum Pa­ nation, ramenaient ceux qui voulaient les écouter. > trum de gratia, 1. I, c. xxiv, n. 6, Würzbourg, 1863, Dieu n’a point partagé le règne du inonde avec les faux p. 126. Saint Basile suppose que Corneille était encore dieux, gardant pour lui les seuls Juifs : A ceux-ci il a Infidèle, quand il eut ccttc apparition; cc point, nié préposé l’archange Michel, aux autres nations d’autres par d’autres, est Ici d'importance secondaire pour la i anges. Ibid., c. ix, col. 260, 261. Cf. Daniel, x, 13-21. pensée générale de cc Père. — b) Saint Jean Chrysos­ ! 2. Pères latins. — a) Saint Augustin a déjà des con­ tome, qui fait la même supposition sur Corneille, dit sidérations semblables à celles que devait développer de lui: < Parce qu'il avait fait avec soin tout ce qui plus tard le pseudo-Denys. De civitate Dei, 1. VII, dépendait de lui, Dieu a ajouté le reste. » C’est déjà c. χχχιι; 1. XVIII, c. xi.vi, P. L., t. xi.i, col. 221, 609. l’axiome célèbre en théologie, dont nous reparlerons, Voir Capéran, Problème des infidèles, p. 130. Ailleurs, Facienti quod in se est, etc. Le saint docteur l’applique parlant des anciens philosophes qui, ayant connu à tous les infidèles, cc qui est d’ailleurs conforme à cc Dieu par ses ouvrages, ne l’ont pas glorifié comme ou’il a dit sur Joa., i, 9, à savoir, que tout homme est Dieu, Rom., i, 21 : · Ils n’ont pas été jugés dignes, dit< clairé par le Christ, à moins que par scs œuvres mau­ il, de recevoir l’annonce de ces dogmes par les saints vaises il sc prive librement dcccdon. Voir col. 1837. 11 anges, soit extérieurement par les sens du corps soit par s’adresse ensuite A ceux qui osent rejeter la faute sur des révélations à l’intérieur de l’âme, comme en ont la Providence, ct que l’on entend dire : « Comment reçu nos pères (lespatriarchcs, tels qu'Abraham) doués Dieu a-t-il laissé en dehors de la foi tel païen probe ct d’une vraie piété. » De Trinitate, 1. IV, c. xvn, ibid., sincère? » — < Ne dites pas cela, leur répond Jean Chry­ t. xui, col. 903. C’est indiquer que ces philosophes, au sostome, car d’abord cette sincérité,celui-là seul peut besoin, auraient eu de ces révélations extraordinaires, en être certain, qui sonde les cœurs qu’il a créés; et s’ils n’en avalent pas été indignes par toute leur vie, puis, il peut bien arriver que cet homme, qui ne néglige décrite par l’apôtre au chapitre cité. Ailleurs encore, à pas scs intérêts matériels ni les choses de ce monde, propos des révélations immédiates qui n’ont pas cessé donne peu de soin à scs Intérêts spirituels et aux choses de sc faire dès l’origine du genre humain », il dit : de la conscience... Ce soin est obligatoire pour tous. » < Quand on voit participer à ce don mystérieux, sacra­ Ifomll. in Rom., homil. xxvi, n. 3, P. G., t. lx, col. mentum, au témoignage même des saints Livres 641. — c) Peu après, au v· siècle, le moine saint Nil, hébraïques, tels hommes qui n’étalent ni de la racc très consulté pour sa science scripturaire ct théolo­ d’Abraham, ni du peuple d’Israël, ni agrégés à cc gique, répondait à Maximien : · En toute nation, qui­ peuple (Job, par exemple) pourquoi ne croirait-on conque craint Dieu ct pratique la justice, lui est pas que dans les autres nations dispersées sur la terre agréable. Act., x, 35. Oui sûrement, il sera agréé du il y ait eu des cas semblables, bien qu'on ne lise rien Seigneur,ct non pus repoussé, celui qui en tempsoppor- là-dessus dans les auteurs juifs? » Epist., ai, ad Deotun se réfugledans l’honncurqu'il rend à la très sainte gratias, n. 15, P. L., t. xxxm, col. 376. Enfin, peu >cicncc de Dieu (en lui demandant de l’instruire). Dieu avant sa mort ct réfutant les scmi-pélagiens, il soutient ne le laissera pas mourir dans l’ignorance, mais l’ache­ toujours les révélations immédiates, faites aux infi­ minera vers la vérité, ct l’illuminera de la lumière de sa dèles per ipsum Deum vcl per angelos, nullo sibi homine science, comme il a fait pour Corneille, à propos duquel prædlcante : on ne peut être plus clair. Mais il les le bienheureux Pierre a prononcé les paroles susdites. » estime < très peu nombreuses.... relativement à la mul­ Epist., I. 1, epist. cuv, P. G., t. i.xxix, col. 115. Et la titude de ceux qui croient à la parole de Dieu par un révélation immédiate ou vision qui amena ces paroles intermédiaire humain », multis... donatum ul Deo per sur les lèvres de l’apôtre complétait celle du ccn homines credant. De dono perseverantia·, n. 48, P. L., turion. — d) Enfin le grand mystique et théologien t. xi.v, coi. 1023. — b) L’auteur du De vocatione omnium grec, qui s’est caché sous le nom de Denys i’Aréopa gentium sc demande pourquoi Dieu a permis que la gilc, nous explique l’élément angélique dans les révé­ prédication de l’Évangile ne fût pas donnée aussitôt lations Immédiates. · Les anges, dit-il, reçoivent pre­ « à toutes les nations, et même en n positivement exclu mièrement en eux l'illumination divine ct, comme ou plutôt retardé telle ct telle pour un temps. Matth., l'indique leur nom d'e/HOtfàr, nous transmettent les x, 5, Act. xvi, G, 7. Au « mystère Insondable » des iné­ révélations que nous recevons. · Ainsi la loi mosaïque, galités de la prédestination appartiennent « ces retards souvent présentée dans la Bible comme la parole de des illuminations (de la foi), qui font rester beaucoup Dieu à Moïse en taisant tout intermédiaire, « a été d’hommes dans l'infidélité, non seulement chez les transmise par les anges. Gai., ni, 19; Act., vu, 53; peuples lointains, mais encore dans les villes où il y a ct avant comme depuis le don de la loi, on a vu les des fideles, ct où l’on voit des gens attaquer la fol chré­ anges diriger l’homme dans ses actions, h· ramener tienne, qui plus tard deviendront chrétiens : pour­ de l'erreur ou de la vie profane au droit chemin, ct quoi Dieu laisse-t-il si longtemps dans l'erreur ceux manifester (aux prophètes) les mystères surhumains, qu'à la fin il convertira vieillards? » etc. — Dans les Ici visions each cto, les predictions divines. » De arlesti siècles avant Jésus-Christ < cette mime grâce n’a pas 1849 INFIDELES 1850 manqué nu monde, Le peuple d* Israël était l’objet de [ faute d’avoir connu la révélation de ce mystère. Mais soins spéciaux... Mais l’éternelle bonté du Créateur une telle damnation n’est pas juste, et on le prouve : n'abandonnait pas h s autres, et ne laisssait pas de les Personne ne pèche en une chose qu’il ne peut éviter, avertir par des signes... En comparaison du peuple ainsi dans le cas de l’ignorance Invincible. Or Ils choisi et des plus favorisés, ils paraissent avoir été avalent l’ignorance invincible de cc mystère, soit parce rejetés, mais non, jamais ils n’ont été destitués des qu’ils ne pouvaient pas le déduire des principes de la bienfaits manifestes ou occultes. » Et après avoir cité raison naturelle; soit parce que la révélation du mys­ tel., xiv, 14 sq., il parle de l’admirable beauté du tère n’était pas à leur portée. Donc ils n’ont pas péché nondc créé, ct des autres bienfaits qui s’y rattachent, dans ccttc ignorance; ct l’on en dira autant des autres par lesquels Dieu donnait aux cœurs humains comme païens avant le Christ.» Il répond,ad 1“: « S’il s’agit es tables de la loi éternelle. » Puis il conclut : « Cc des philosophes dont parle saint Paul, Rom , i, 21, ju'en Israel faisaient la constitution de la loi mosaï­ 22, des philosophes coupables, aveuglés parce qu’lis que ct les oracles des prophètes, le témoignage univer­ : usurpaient la gloire qui revient à Dieu, À ceux-là le sel de la création ct les miracles de la bonté de Dieu mystère n’a pas été révélé; car l’cnfiure de l’orgueil l’ont toujours fait dans toutes les nations. » 1. 11, est l’obstacle de la vérité, comme dit saint Grégoire. c. ni, iv, P. L., t. u, col. 689-601. 11 continue : « Mais Quant aux bons philo soph es. je crois que la révélation puisque dans le peuple juif personne n’a été justifié leur a été procurée, soit par la sainte Écriture qui exis­ que par la grâce nu moyen de 1*esprit de joi, ces hommes tait chez les Juifs,soit par une prophétie ou une inspi­ qui dans toute autre nation ct à quelque date que ce ration intérieure, comme cela a eu lieu pour Job et ses soit ont réussi â plaire à Dieu,peut-on douter que cc amis; car Dieu résiste aux orgueilleux, et 11 accorde même esprit (de foi) ccttc même grâce de Dieu, les ait sa grâce aux humbles. Jac., îv, 6. On peut en dire distingués(dcceuxqul restaient dans l’infidélité)? Cette autant des autres païens, peu instruits. » Puis il rap­ grâce moins abondante ctplus cachée, occultior, n’a été pelle d’après Pierre Lombard, Sent., 1. HI,dist. XXV, refusée â aucun siècle, une dans sa vertu, diverse dans que même chez les Juifs, la multitude des « simples » sa quantité.* lbid.,c. v, col. 691. Enfin:· Cette assistance ♦ n’était pas tenue d’avoir la fol explicite à l’incarna­ divine, opitulatio, s’exerçant d’innombrables manières, tion. Sum. theol., IIP, q. i.xix, x 3, $ Sequitur 2* pars, manifestes ou occultes, est offerte à tous. Que beaucoup Venise, 1575, fol. 302. Cette affirmation du Lombard la refusent, cela vient de leur malice; que beaucoup ct de plusieurs de ses commentateurs est fondée sur l’accueillent, cela vient de la grâce divine ct de la saint Augustin lui-même, bien compris. b) Albert le Grand, voir t. i, coL 666 sq., rapporte volonté humaine. » Ibid., c. xxxvi, col. 711. Une remarque sur cc mot « occulte », occultior (modus), une objection semblable : · Supposons, avant Jésusplusieurs fois répété dans ces passages : il doit s’appli­ Christ, un homme à qui aucune révélation n’a été quer, au moins partiellement, à ces révélations immé­ faite et qui observe cc que lui dicte le droit naturel : il diates ct personnelles, qui sont cachées, que le public sera certainement sauve, d’après l’apôtre. Rom., π, Ignore. Et c’est bien en cc sens que le mot occultior 27. La fol du médiateur n’est donc pas nécessaire. » 11 y répond : « Les théologiens disent communément apparaît clairement dans saint Augustin, dont cet auteur était évidemment le disciple. < Depuis le com­ qu’il est impossible qu’un homme ail fait suffisamment mencement du genre humain.» dit le grand docteur, ce qui était en lui pour se preparer, ct qu’il ne reçoive parlant des païens comme des patriarches et de la pas soit une révélation de Dieu (immédiate), soit un race choisie, < tantôt d’une manière plus cachée, occul­ enseignement venant des hommes Inspirés (révélation tius, tantôt d’une manière plus manifeste, evidentius, médiate), soit quelque signe du médiateur. Et Je pense suivant qu’il convenait aux circonstances, au temps, que cela est vrai, ù cause de Ια providence de Dieu la prophétie (la révélation) n’a pas cessé de sc faire, préparant également ses bienfaits pour tous ct les ct les croyants ne lui ont pas manqué. » Epist. ad présentant à tous, pourvu que nous soyons prêts Deogratias (ou S ex quastiones contra paganos), loc. cit. à les recevoir. » In IV Sent., 1. HI, dist. XXV, — c) Saint Grégoire le Grand explique dans Daniel, a. 2, ad 6», édit. Vivès, 1894, L xxvni, p. 477, x, 13-21, comment les anges tutélaires des diverses — L’apôtre, à l’endroit cité par l’auteur de Vobjecnations, malgré leur sainteté ct leur céleste béatitude tion, dit que l’infidèle, s’il observe la Loi. c’est-à-dire sont représentes comme en guerre, les uns avec les ce qu’il connaît du Décalogue par la lumière de sa autres, quand Ils ne font que débattre pacifiquement raison, jugera le Juif qui ne l’observe pas, c’est-à-dire entre eux les intérêts surtout spirituels de leurs; le fera condamner, au dernier jugement de Dieu. clients respectifs, tant que la décision divine sur les» Mais saint Paul ne sc propose pas d’expliquer toutes événements en jeu ne leur est pas communiquée; cc les conditions nécessaires du salut des infidèles, et ne qui rend très probable que ces puissants défenseursi dit pas que l’observation de la loi naturelle y suffise. des intérêts spirituels dans les pays même païens Voir col. 1821, 1822 sq. c) Saint Bonaventure, voir t. n. col. 962 sq., pose à fassent nu moins à quelques-uns de leurs clients la revelation si nécessaire au salut. Moral., 1. XVII, peu près la même objection ù propos de l’époque dite n. 17; P. L., t. lxxvi, col. 19, 20. Sur ces anges tuté­ < de la loi de nature », qui a précédé la loi mosaïque ct laires des nations, voir la savante dissertation de les révélations explicites ct publiques des prophètes sur le médiateur ù venir. « Au temps de la loi de nature,dit Petau, Dogmata, De angelis, I. Il, c. vm, Barde-Duc, l’objection, les hommes ne pouvaient trouver par eux1868, t. îv, p. 140 sq. 3. Docteurs scolastiques du moyen âge, avant saint mêmes la connaissance du médiateur, il n’y avait per­ Thomas ou de son temps. — Avant de concentrer notre sonne pour les en instruire extérieurement, ct les révé­ attention sur saint Thomas cl pour le mieux com­ lations prophétiques n’avaient pas encore commencé. t prendre, nous étudierons son époque en citant quel­ Il semble donc qu’alors on n’était pas tenu de croire ques célèbres docteurs qui l’ont précédéouquiont vécu au médiateur, ct qu’on pouvait sc sauver sans ccttc de son temps, chez lesquels on trouve plus ou moins foi.» In IV Sent., 1. Ill, disL XXV, a. 1. q ai, obj. 6·. clairement exprimé cc moyen d’une révélation immé­ Quaracchl, c, ni. p. 540, « Tous n'étalent pas obligés diate pour expliquer la foi ct le salut de certains infi­ absolument à la fol explicite de cc mystère, répond le dèles. — a) Alexandre de Halés, voir t.x, col. 772 sq., grand docteur franciscain Toutefois 11 est indubitable pose cette objection : « Si la fol Λ l’incarnation (ou au que l’on pouvait avoir du médiateur une certaine con­ médiateur) est nécessaire au salut, il semble que tous naissance en rapport avec les besoins du temps. » les anciens philosophes sont universellement damnés, i Et voici la preuve qu’il en donne : « La grâce divine 1851 INFIDÈLES était offerte ά tous; la nature humaine pouvait, par la consideration nu'me de sa misère ct de sa mauvaise Inclination, curvitatis, suggérer l’idée (de la chute ct) d’un Sauveur Λ venir;.. on pouvait recevoir un certain enseignement général des hommes renommés poin­ teur culte de lâ divinité. » Enfin l’auteur fait entrevoir un autre secours, la révélation Immediate, en ces termes : · l’inspiration de Dieu, qui s’offre ù tous ceux qui le cherchent humblement.» Ibid., ad 6, p. 541, d) Gilles de Rome, voir t. vi, col. 1358 sq., pose la question d’une manière plus générale pour toutes les époques du monde. « Les damnes peuvent-ils sc plain­ dre de Dieu? Non, répond-il; car sans parler des enfants, parce qu’ils ont un sort différent,n’ayant pas la peine du sens, (nous l’avons prouvé» en traitant du péché originel, cl montré par là qu’ils n’ont pas à se plaindre de la Providence, mais plutôt à s’en louer), ct en parlant donc des seuls adultes, où reste la difficulté, nous pouvons soutenir, qu’ils n’ont pas Λ sc plaindre, de Dieu... En effet,et nous devons pieusement le croire, si un adulte quelconque faisait tout son possible, Dieu lui montrerait le chemin de la vérité, lui ferait misé­ ricorde, ct il serait sauvé. Les damnés doivent reconnaltrcquc Dieu leur a souvent inspiré le bien, mais que toujours, hommes à la tête dure, Ils sc sont détournés de lui. Qu’ils sc plaignent donc d’eux-mêmes, ct non pas de lui. » Et il c|tc Matth., xxn, 37. Comment. In Epist. ad Horn., Rome, 1555, c. ix, lect. xxxi, n. 9, fol. 63. 4. Saint Thomas emprunte à ceux qui l’ont précédé, | Pères de l’Église ct docteurs scolastiques, plusieurs faits généraux ct principes féconds qu’il développe, au bénéfice de la question du salut des Infidèles, ct notam­ ment :a) le fait d’une révélation Immédiate aux infi­ dèles, dans certaines conditions; b) le principe du Facienti quod in sc est; c) le principe des majores ct des minores, qui regarde la nécessité de précepte. a) Révélation immédiate. —· 11 pose avant tout le principe de la nécessité de la révélation ct de la fol stricte, établi plus haut contre le premier système. . Voir col. 1828. «Lo détail explicite de cc que l’on doit i croire, explicatio credendorum, dit-il, est donné par la révélation divine : car les objets de fol, credibilia, dépassent la raison naturelle. Or la révélation, suivant un certain ordre, descend des supérieurs aux inférieurs, par exemple, des anges aux hommes, ct des anges supérieurs aux anges inb rieurs, comme le montre Denys dans la Hiérarchie céleste, c. iv ct vn. Sum. theol, I h 11», q. n, n. 6. Et dans l’article suivant, notre docteur rapporte ccttc objection : « Beaucoup de gen­ tils ont obtenu le salut par le ministère des anges, comme l’affirme Denys au c. ix (cf. iv). Or les gentils n’ont pas eu la foi au Christ, explicite ou implicite, car aucune révélation ne leur en n été faite, semble-t-il. Donc la foi à l’incarnation du Christ, (surtout) expli­ cite, ne semble pas avoir été nécessaire À tous pour le •aluL » Saint Thomas, dans sa réponse, se garde bien de concéder que dans ce « ministère des anges » auprès des païens, dont parle Denys, la révélation immédiate n’ait eu aucune part. Au contraire, H allègue des faits scripturaires, ou admis par diverses traditions, qui témoignent de révélations ct de prédictions adressées aux païens : « Beaucoup de gentils, dit-il, ont montré par leurs prédictions les révélations qui leur avaient été faites sur le Christ. Ainsi Job sur le Rédempteur, xix, 25. La Sibylle elle-même n prédit certains détails sur le Christ, nu témoignage d’Augustin, Cont. Faus­ tum, 1. XIII, c. xv, etc.» Ibid., art. 7, ad 3um. — Mais ce n’est pa* seulement avant Jésus-Christ, que saint Thomas admet des révélations Immédiates faites aux infidèles. C’est encore après, et dans n’importe quel pays. Après avoir parlé des enfants ct des faibles d’esprit, qui n’ayant pas l’usage de la raison ni du I 1852 libre arbitre,parviennent au salut par le baptême sans aucun acte de foi, il dit : « Quiconque a l’usage du libre arbitre... doit pour son salut produire des actes des vertus. Or tous les actes des vertus dépendent de l’acte de fol... Et la foi ne peut produire son acte qu’en connaissant d’une manière déterminée et explicite une vérité de fol... Donc pour tout homme ayant l’usage du libre arbitre, avoir la foi explicite de quelque chose est de nécessité de salut... En cc qui est nécessaire au salut, jamais Dieu ne manque ou n’a manqué à celui qui cherche à sc sauver, s’il n’y a pas de sa faute. Con­ clusion de tout cela : le détail explicite des articles qui sont de nécessité de salut sera fourni à l’homme par la providence divine, soit au moyen d’un prédicateur de la foi, comme pour Corneille, Act., x, soit au moyen d’une révélation (immédiate), laquelle étant supposée 11 est au pouvoir du libre arbitre d’arriver à l’acte de foi. > In / V Sent., 1. Ill, dist. XXV, q. 2, a. 1, sol. 1, ct ad Λ une objection qui disait ensuite: « Personne n’est damné pour cc qu’il ne peut éviter; or quelqu’un né dans les forêts, ou parmi les infidèles, ne peut avoir une connaissance distincte d’aucun article de foi ; il n’a personne pour l’enseigner, ct n’a jamais entendu parler de foi ; il n’est donc pas damné, et cependant n’a aucune foi explicite; clic n’est donc pas nécessaire. » Le saint docteur répond : « S’il faisait son possible, faceret quod in se est, pour chercher son salut, Dieu y pourvoirait d’une des manières susdites.^ Ibid.,0(12^. Pjus tard il répondra avec plus d’énergie encore à une objection semblable : « C’est à la divine Providence de fournir à qui que cc soit les moyens nécessaires de salut, pourvu qu'il n'y mette pas obstacle, SI donc cet homme suivait comme guide la raison naturelle pour chercher le bien ct éviter le mal, on doit tenir pour très certain que Dieu lui révélerait par une inspiration intérieure les choses qu’il est nécessaire de croire, ou dirigerait vers lui quelque prédicateur de la fol, comme il a envoyé Pierre à Corneille, Act., x. » Quivst. disput. de veritate, q. xiv, a. 11, ad l,im. Remarquons dans ces passages cc grand principe des Pères, que l’adulte ne peut être privé des moyens nécessaires de salut si cc n’est « par lui-même », par sa propre faute, par l'obstacle qu’il y met. Voir col. 1835 sq. — Remarquons encore, dans le dernier passage, que le mot d’inspiration intérieure, bien qu’assez vague par lui-même, est pris par saint Tho­ mas dans le sens précis d*unc révélation des choses qu’il est nécessaire de croire. Une telle Inspiration ou révé­ lation, sollicitant un acte de foi, acte dont le motif essentiel est l’autorité du témoignage divin reconnu comme tel, exige d’avoir un caractère miraculeux d’une manière ou d’une autre : car le miracle est le seul signe qui puisse faire reconnaître avec certitude que Dieu lui-même atteste à l’homme telle vérité, et qu’il faut la croire sur son témoignage. Nous ne saurions donc souscrire à l’explication que M. Capéran donne de Γ « inspiration Intérieure > telle que l’expose cc passage de saint Thomas. Lc problème du salut des infidèles, essai théologique, Paris, 1912, p. 95 sq. Il rejette d’abord, comme < invraisemblable » ou « inutile », l’intervention d’un ange. S’il admet les bonnes Inspirations de l’ange gardien, c’est en suppo sant que l’homme n’en n jamais conscience, commole montre le tcxtcdcsalntThomas^nonçuZcumçueiffum/ naturabangelo, cognoscit se ab angelo illuminari, Sum. theol., b, q. exi, η. 1, ad 3*®. — Or saint Thomas ne dit pas que l’homme ne sait /(i/nufsqu’ilcstilluminéparun ange ; Il dit qu’il ne le sait pas toujours,ce qui est fort dif férent. Il ne nie donc pas le cas miruculcuxoù l’homme saurait, avec une certitude Inéluctable qui est ellemême un signe, qu’un être supérieur parle Intérieure­ ment à son âme, ct lui transmet le témoignage de Dieu sur telle ou telle vérité. Et peu importe que les vérités de 1853 INFIDÈLES nécessité de moyen comprennent la Trinité et Γ Incarna­ tion, ou non : quand il ne s’agirait que de · l'existence de Dieu rémunérateur surnaturel » Ibid., p. 96, encore faudrait-il savoir, par un signe miraculeux, que c'est Dieu qui parle, par un ange ou sans un ange, ct qui nous fait la promesse d'une telle rémunération, bien differente de celle que pourrait entrevoir la raison phi­ losophique ou vulgaire. AJoutez-y la Trinité ct Γ Incar­ nation, ce n’est qu’une question de plus ou de moins dans l’objet révélé, ct l'on ne voit pas sur quoi s'appuie M. Capéran pour dire : « S’il s'agit d'initier l'infidèle à la sublimité des principaux mystères chrétiens, nous ne voyous plus commenlune simple illumination inté­ rieure y suffirait » Ibid. La puissance divine ne peutelle en dire autant à l'intérieur de l'âme qu’en dirait & l'oreille la voix d'un catéchiste? Ayant ainsi traité l'inspiration intérieure d’une ou plusieurs vérités de foi, notre auteur se montre encore plus sévère pour les < angélophanics > : < L’apparition d'un ange, dit-il, est un grand miracle et qui serait à renouveler fré­ quemment. 3 Un miracle! Mais de toute manière 11 en faut un. comme signe ct motif de crédibilité, miracle Intérieur ou extérieur, petit ou grand miracle, pour arriver raisonnablement ct prudemment à l'actc de foi. Voir Foi, t. vi, col. 111, 142; 171 sq.; 183 sq.; 189 sq. Ce n’est pas d'ailleurs que nous tenions à l'apparition d’un ange aux sens extérieurs plus qu'à un autre miracle ou à tout autre mode de révélation. Quant à la fréquence des miracles vu le grand nombre des infidèles qui n'ont pas de prédicateur, nous répon­ dons plus loin à cette objection. Voir col 1862 sq.— Mais les anges, ajoutc-t-on, n’ont pas le droit de faire concurrence à l’Église. < L’Église est seule appelée à porter à toutes les âmes rachetées le message évangé­ lique. »— Normalement, oui;cc qui n’empêche pas une suppléance extranormale. La distinction est de M. Capé­ ran lui-même, p. 86 sq.— Remarquons enfin, sur le même passage du De veritate, qucVonne peut traiter le cas de cc sauvage dans les forêts de < cas chimérique », ni prétendre que cet homme < créerait lui-même sa religion.» Ibld., p. 95,97. Car on suppose avec saint Thomas, Ici ou dans les passages correspondants, des secours qui aident la raison naturelle, d'abord à con­ cevoir l'existence de Dieu ct quelque chose de la loi morale, ct enfin, si cet homme utilise les premiers secours avec bonne volonté, une révélation des vérités de nécessité de moyen, avec signes de crédibilité suffi­ sants. C'est, si l’on veut, un cas extrême, pour montrer jusqu’où va la volonté salviflque de Dieu et la réali­ sation certaine de sa promesse : mais cc n’est pas un cas chimérique ni impossible ; ct ce sauvage ne créerait pa» lui-même sa religion; il la recevrait. — D'ailleurs M. Capéran commente très à propos un autre article du grand docteur, sur la foi du premier homme. Ibid., p. 101, 105. Saint Thomas oppose à la < parole exté­ rieure de Dieu par les prédicateurs » la « parole inté­ rieure où il nous parle par l'inspiration interne. » A ccttc double locutio répond < un double auditus, par lequel la foi naît dans les cœurs »; ainsi la fol reste toujours ex auditu, Hom., x, 17. Audition extérieure •chez les fidèles qui reçoivent la prédication des autres hommes »; audition · Intérieure chez ceux qui ont les premiers reçu ct enseigné la fol (la révélation), comme les prophètes, cf. Ps. lxxxiv, 9, Audiam quid loquatur tn me Dominus... Or Adam 1c premier a cu la fol, et a entendu Dieu l'en instruire; ct c’est donc par la parole intérieure qu'il a dû avoir en lui la foi. » Quuxt. de verit., q. xvm, n. 3. b) Lc principe du « Facient I quod in sc est... ». — Nous venons de le trouver sous la plume de saint Thomas, avec la distinction impliquée par ce prin­ cipe entre le secours éloigné, remote sufficiens ct le secours prochain, proxime sufficiens, ct la liaison 1854 Infaillible supposée entre les deux. Voir col. 1852. Λ un infidèle qui sc conduit bien suivant la lumière de la « raison naturelle » (secours élolgn· ) la lumière < de la révélation ct de la fol » (secours prochain) · sera fournie très certainement.* De veritate, q. xiv, a. 11, ad 1^; cf. ad 2^”*. Déjà le maître de saint Thomas, Albert le Grand présentait le principe en question comme la pensée < commune > des théologiens. Voir col. 1850. Et plusieurs Pères l’avalent nettement exprimé, comme saint Basile, saint Jean Chrysostome· Voir col. 1847. Ailleurs, le docteur angélique ajoute crtte Idée, qu'en acceptant le premier secours on sc prépare nu second · « Par la raison naturelle on peut se préparer même à avoir la foi ; de là cet adage : si quelqu'un, né parmi les nations barbares, fait quod In se est. Dieu lui révé­ lera cc qui est nécessaire au salut par l'inspiration qu'il lui donnera, ou par le docteur qu’il lui enverra.» In IV Sent., 1. II, dist. XXVIII, q. 1, a. 4, ad 4*». Cet acte de < se préparer à la foi (divine) par la raison naturelle », c’est cc que les modernes appellent une disposition négative, sans influence méritoire ni meme proprement causale, enlevant seulement un obstacle. Observons d'ailleurs, qu'il y a en cet endroit du com­ mentaire sur les Sentences, des phrases qui pourraient sembler scmi-pélagicnnes, si l’on ne remarquait dans la conclusion finale quelle est la théorie que saint Thomas a uniquement en vue d'attaquer : « Il ne faut donc pas, conclut-il, que Vhabltus fidel précède la préparation à la grâce qui nous rend agréables à Dieu (la grâce sanctifiante); mais l’homme peut (sans élévation sur­ naturelle de ses facultés) sc préparer en même temps à avoir la foi ct les autres vertus ct la grâce (sancti­ fiante) » Ibid. Nous avons donc le droit de ne voir lù qu'une préparation négative. Elle sc fait < par la raison naturelle, par le libre arbitre. > D’ailleurs elle n'exclut pas une grâce d'ordre naturel, par exemple celle appclécplus tard surnaturelle quoad modum, pour aider les infidèles contre les difficultés. Notre docteur, dans le corps de l'article, constate «deux sens du mot grâce:* d’abord «un don habituel reçu dans Fame» (exemple la grâce sancti liante,ou Vhabltus fidei) ; puis une exci­ tation providentielle quelconque, quodeumque exci­ tati vum voluntatis exhibitum homini ab Ipsa divina providentia..., quidquid hominem excitaverit ad con­ vertendum se...; une intervention (probablement extraordinaire ct miraculeuse) de Dieu en nous, pour produire l’acte libre qui nous préparc, Ipse actus liberi arbitrii, quem Deus in nobis facit, quo... prie paramur. Il fait observer qu’un tel acte, n’étant pas méritoire, n’a pas besoin de « dépasser la nature humaine », comme la dépassent les actes salutaires, surnaturels quoad substantiam. Ccttc doctrine de la disposition négative par un acte naturel, quelques-uns ont pré­ tendu que saint Thomas l'avait rétractée dans la Somme., 1»— Ilir, q. αχ, n. 6, ad 2^», ct q. cxn, a. 3, où il entend le Facienti quod tn se est d'une dis­ position positive, l'homme agissant sous l’action de la grâce surnaturelle quoad substantiam. Mais cc n'est pas une rétractation, parce que saint Thomas traite là un sujet différent. Il y parie d’une disposition à la • grâce » non plus actuelle, mais habituelle, ct certes pour la grâce habituelle tout le monde exige comme lui une disposition positive, et dépassant les forces de la nature, C'est la remarque de Suarez, De gratia, 1. IV, c. xv,n 4, édit. Vivês, t. νιπ,ρ. 329. c) Le principe des majores ct des minores, selon lequel il suffit dans une certaine mesure aux moins Instruits de partager Implicitement la fol des plus Ins­ truits, quant à son objet. — En soutenant que tous peuvent ct doivent croire explicitement quelque chose qui est « de nécessité de salut », saint Thomas ne sou tient pas, nous venons de le voir, qu'il en soit de même à l’égard d'autres vérités, dont sans doute la fol expll 1S55 INFIDÈLES 1856 cite est obligatoire pour les chrétiens plus instruits et été sauvés sans aucune fol au médiateur; car, bien surtout pour les pasteurs des âmes, mais qu’il peut suf­ qu’ils n’aient pas eu (en lui) la foi explicite, ils l’ont eu implicite dans (la foi .à) la divine providence (nous fire à plusieurs de croire implicitement. Cc principe avait été énoncé par le Maître des Sentences, à l’endroit savons déjà cc qu’il entend par cc mol, ct nous allons le voir encore), croyant que Dieu est le libérateur des commenté plus haut par saint Thomas, I. III, dist. XXV, § De fide simplicium : « Même dans l’Église, hommes selon les modes qui lui ont plu (or le mode dit le Lombard, il y a des gens d’une faible capacité principal qu’il lui a plu dc choisir, c’est le Christ média qui ne peuvent distinguer ni assigner les divers articles tour), ct selon cc que VEsprit avait révélé à quelquesdu symbole, mais pourtant croient tout cc que le sym­ uns qui connaissaient la vérité. · Sum. theol., II® II», bole contient; car ils croient cc qu’ils ignorent, ayant q. Π, a. 7, ad 3«·. On a abusé de ces endroits dc la Somme art. 5 ct 7, une foi voilée dans le mystère (une foi implicite). Ils croient tout ce que croit TÉglise. » Et il en était de comme s’ils affirmaient le salut des païens par la seule même, continue-t-il, dans l'Ancicn Testament : < On fol implicite. Non; saint Thomas tient expressément adhérait humblement à la foi des plus grands » c’est-à- i à cc que tout homme « croie quelque chose explici­ dire des patriarches ct des prophètes. Celte répartition 1 tement. » Pour lui, la « foi implicite » ne dispense pas des croyants en majores ct minores suivant leur con­ les minores dc connaître ct dc croire explicitement, cc naissance distincte ou confuse de la plupart des art icles qui est d*absolue nécessité de moyen. Elle ne fait que de fol, les uns étant chargés de garder et d’enseigner les dispenser de croire explicitement beaucoup dc la foi, les autres de les suivre, fut dès lors adoptée par dogmes révélés qui sont seulement dc nécessité de la scolastique. Saint Thomas l’explique ainsi:< Quand précepte, ct que d’autres doivent croire en détail. Celte un certain nombre de vérités sont contenues virtuel­ foi implicite dont il parle, n’est qu’une prœparaiio lement dans une seule, on dit qu’elles y sont implici­ animi, art. 5, une disposition sincère, une bonne tement, comme les conclusions dans leurs principes. volonté dc croire tout le donné révélé, sans le Ainsi, celui qui connaît quelques principes généraux a connaître. Dire que cette bonne volonté suffit pour le une connaissance implicite dc toutes les conclusions salut des infidèles, c’cst dire avec Ripalda que pour particulières (qui en peuvent sortir); mais de celui qui eux la foi stricte est nécessaire seulement in voto, considère actuellement ces diverses conclusions, on dit hypothèse déjà réfutée dans notre thèse fondamen­ qu’il en a une connaissance explicite, □ De même, | tale. Λ l’occasion des textes précédents surgit cette ques­ poursuit-il, on dira que nous croyons implicitement des articles de foi, < quand nous donnons notre adhésion tion. Depuis la venue de Jésus-Christ, la foi explicite à certains principes généraux qui les contiennent : par au Christ est-elle dc nécessité absolue dc moyen, aux exemple, celui qui croit que la fol de l’Église est vraie, yeux du saint docteur? Plusieurs répondent affirmati­ par là même croit implicitement chacune des vérités vement. Il y a là une difficile ct double controverse, ct qui forment le contenu de cette foi de l’Église... Il est sur la chose en elle-même, ct sur la pensée dc saint possible à quelqu’un en ccttc vie dc connaître explici­ Thomas étudiée dans tous scs textes, ccllc-ci d’autant tement tout ce qui est proposé, dans l’état actuel, au plus difficile, qu’il n’emploie pas le terme dc nécessité genre humain en guise de rudiments par lesquels il de moyen, ni les autres précisions qui sont venues soit à même de sc diriger vers sa fin (dernière et surna­ depuis. Saint Augustin, dont il dépend étroitement, turelle); ct l’on dit de la foi de celui-là, qu’elle est par­ exige souvent la foi au Christ chez fous depuis le Nou­ faite quant à son détail explicite, explicationem. Mais veau Testament, mais sa terminologie est obscure non cette perfection ne peut appartenir à tous; aussi des seulement pour la même raison, mais encore parce degrés sont-ils établis dans l’Église, en sorte que les que cc mot, fides Christi est pris par lui dans un sens uns sont au-dessus des autres pour les instruire dans particulier qu’il explique lui-même. Voir col. 1821. Le la foi. Cc ne sont donc pas tous les hommes, qui sont résultat est que les théologiens sont divisés, ct que tenus dc croire explicitement tout cc qui est dogme de ccttc difficile controverse reste libre, bien qu’en pra­ foi, mais seulement ceux qui sont institués comme ins­ tique il faille prendre le parti le plus sûr, cf. Dcnzingcrtructeurs des autres, tels les prélats ct ceux qui ont le Bannwart, n. 121-1. — Mais la solution dc ccttc con­ soin des âmes. » Quast. de Verit., q. xiv, a. 11. Saint 1 troverse n’est heureusement pas requise pour la soli­ Thomas ajoute une remarque importante sur les pays dité de notre Thèse fondamentale, qui a établi la néces­ Infidèles, qu’à cet endroit il considère avant Jésus- sité de moyen absolute in re, non in solo voto, dc la foi Christ : « Chez eux, pas d’instructeurs établis pour stricte à quelques vérités révélées principales, mais enseigner la fol divine : aussi, quelle que fût leur sans déterminer avec la dernière précision leur nombre, sagesse dans les choses temporelles, Il faut les mettre c’est-à-dire s’il y en a seulement deux, exprimées par tous au nombre des minores. Il leur suffisait donc (pour l’apôtre, Ilebr., xî, 6, ou s’il faut y ajouter, depuis le le salut) d’avoir implicitement la fol au Rédempteur Christ, Γ Incarnation ctmêrne la Trinité. Saint Thomas ou bien dans la foi des prophètes (ils pouvaient savoir la soutient-il? On ne peut guère en douter. Avouons qu’ils avaient révélé, ct adhérer implicitement à ces qu’il n’emploie pas le terme de « nécessité de moyen > révélations), ou bien dans la divine providence elle- et autres précisions plus récentes; mais si vraiment même.» Ibid., ad 5um. Pour comprendre ces derniers sa pensée était celle dc Ripalda, il répondrait d’une mots, rappelons-nous que, plus haut, dans le corps dc manière tout autre et beaucoup plus simple aux l’article, l’auteur a dit :< Tout fidèle doit croire cxplici- | objections qu’il sc pose comme celles que nous venons lemenl quelque chose, cc sont les deux points si­ de lire dans ses divers ouvrages; ct sa miséricorde gnales par l’apôtre, I Icbr., xi, 6. Donc tout homme, bien constatée envers les infidèles négatifs trouverait à quelque temps qu’il appartienne, est tenu dc dans la « foi large » une facile explication, qu’il ne croire explicitement que Dieu existe, ct qu’il a la donne pas. Une seule de ses réponses, IR-II®, q. n, providence des choses humaines. * On le voit, ce der­ a. 7, ad 3^, contient un membre dc phrase un peu nier objet dc foi équivaut, pour saint Thomas, au équivoque, sous forme dubitative : < Si quelques-uns remunerator de saint Paul. Enfin dans la Somme ont été sauvés sans qu’une révélation leur ait été apres avoir mentionné quelques exemples, historique­ faite »... < Donc, conclura-t-on, il admet du moins ment plus ou moins probables, dc révélations Immé­ pour quelques infidèles ct comme hypothèse probable diates faites aux gentils sur le Christ : · Si quelques- | le salut sans aucune révélation, le salut par la foi uns cependant, dit le saint docteur, ont été sauvés large. » Cette conclusion est fautive; car saint Thomas uns qu'une révélation leur ait été faite, ils n’ont pas ne dit pus : < sans aucune révélation, ni immédiate ni INFIDÈLES 1857 médiale», ce qui serait la fol large. H dit : « sans qu’une révélation leur ait été faite, à eux », par conséquent une révélation Immédiate. Et tout son contexte déter­ mine ce sens du mot « révélation ». Son contexte anti· rident : Il vient de parler des révélations immédiates laites aux gentils explicitement sur le Christ ct d’en donner des exemples. Son contexte subséquent : il dit quo si quelques-uns parmi eux, moins favorisés du côté dc la révélation du Christ, ont été sauvés (cc qui est le principal); ils ne l’ont pas été sans aucune foi au I Médiateur : car ils ont eu ccttc fol Implicitement, en croyant · au Dieu libérateur des hommes » selon Ilcbr., xi, 6, ayant eu une révélation immédiate ou médiate dc cette vérité qui rappelle plus vaguement le Christ, mais dont l’acceptation est plus essentielle. Ajoutons que le patronage donné par saint Thomas à la thèse fondamentale est confirmé par l'interpré­ tation commune que les théologiens des diverses écoles donnent dc sa pensée ΙΛ-dcssus. Enfin citons dc lui cc texte si clair : Vita Infidelium non potest esse sine peccato, cum peccata sine fide non tollantur. Sum. theol,, I b II·, q. x, a. 4, ad 1“». «Enlever les péchés », c’cst procurer la justification : or d’après lui celle-ci ne peut sc faire sans la « foi », ct il s’agit bien de la foi stricte, puisque le nom même d’ « infidèles » sc réfère à cette foi, ct en signifie la privation. Saint Thomas nie donc pour eux la possibilité dc la justifi­ cation tant qu’ils n’ont par la foi stricte; leur âme reste perpétuellement souillée par le péché; ct c’est une des deux explications qu’il donne làdc cette parole dc saint Prosper : Omnis infidelium vita est peccatum;la première, ct la meilleure. Voir aussi, In Paulum, Horn. x, 18, led. in. 3· Objections contre remploi de la révélation immé­ diate pour expliquer le salut d'un infidèle. — Voici les principales, tirées: l.dc l’Écriturc, 2. dc la tradition, 3. dc la raison théologiqu 1. L'Écriture.— On objecte Rom., x, 13, 14. Certai­ nement ce passage, avec son contexte,concerne la jus­ tification et le salut des infidèles, et mérite toute notre attention. L’apôtre y résume, les précédents cha­ pitres ni ct iv. Il réfute le particularisme ct le léga­ lisme des juifs qui mettaient leur confiance exclusive dans les « œuvres dc la Loi. » Voir Foi, t. vi, col. 70 sq Par des textes des prophètes, l’apôtre montre que des gentils, qui n’avaient ni justice ni vraie religion, ont obtenu la justice, non pas celle dc ces » œuvres dc la Loi », mais celle qui est reçue parla • fol », la seule justice qui compte devant Dieu ct qui mène au salut; Israël nu contraire, en cherchant mal, n’est pas arrivé à la vraie justice. Rom., ix, 30-32; x, 3. La justice par la foi, ct le salut, sont offerts à tous, îx, 33, x. 4, 9-11. Λ cet égard « il n’y a pas dc distinction entre le juif ct le gentil. » Ibid., 12, 13. Alors saint Paul affirme l’enchaînement nécessaire dc la vraie religion, « invocation dc Dieu, » avec la fol, dc la fol avec la connaissance de la révélation divine, dc cette connaissance avec la prédication : < Comment Invoquera-t-on celui que l’on n’a pas cru? Comment croira-t-on celui qu’on n’a pas entendu? » Comment l*cntendra-t-on sans prédicateur? > Ibid., 14. — Écou­ tons maintenant l’objection : « Saint Paul regarde ( l’intervention du « prédicateur » comme nécessaire à la « foi », qui est elle-même nécessaire à la vraie religion ct au salut. 11 ne peut donc admettre dans un infidèle la révélation immédiate, qui ôterait ccttc nécessité du prédicateur. Pour lui, c’cst chose impossible : Quomodo credent sine prirdicantc? » Réponse. — Saint Paul ne pouvait taire ici la con­ j nexion nécessaire dc la révélation ct dc la « foi », dont Il s’occupe, avec les prédicateurs ou plutôt les < hérauts qui la promulguent «κηρύσσοντες, dont 11 a déjà parlé, versets. Ces « hérauts»,ces « promulgatcurs », c’étaient D1CT. DE TliàOL. CATIIOL 1858 les apôtres, chargés par le Christ du rôle capital d'implanter la foi dans le monde; cc qui était la grande nécessité du moment; et nous savons avec quelle insistance, en scs diverses épltres, Paul défend son apostolat contre ses détracteurs. Il reviendra aux apôtres, verset 18, en leur appliquant ce mot d’un psaume : « leur parole est allée à toute la terre. » Mais saint Paul ne dit pas que le genre humain, dans tous ceux qui le composent, ait entendu ou doive entendre la voix dc ces promulgatcurs, même en y comprenant la voix dc leurs auxiliaires; c’est évidem­ ment faux; ct cependant, c’cst pour tous qu’il affirme, à plusieurs reprises, la possibilité de la foi, dc la jus­ tice ct du saluL 11 faut donc conclure dc tout cela, qu’il voit dans la prédication, surtout celle des apôtres, un moyen nécessaire, fondamental et normal, mais sans exclure, pour ceux qui ne peuvent entrer en contact avec cette prédication, une suppléance, s’ils n’y mettent pas obstacle; suppléance que l’apôtre n’avait pas ici pour but d’expliquer, ct qui parfois, vu les circonstances, ne peut être que la révélation Immédiate.—Cette explication du texte a été indiquée depuis longtemps par un éminent exégète de cette épltre, le cardinal ToleL Après avoir montré qu’il s’agit ici des adultes ct de l'acte de foi : « L’apôtre, dit-il, parle dc la manière ordinaire de recevoir la foi ct de croire : car quelquefois Dieu révèle (immédiate ment) les choses qu’il faut croire, ct alors on croit malgré qu’on ne les entende pas extérieurement, mais Intérieurement par une révélation divine. Laissant ces cas exceptionnels, saint Paul traite de l’audition extérieure ct dc la prédication faite par les hommes, parce que c’cst le moyen ordinaire (communis modus) d’arriver à la foi. » In epistolam ad Rom., x, 14, Mayence, 1603, p. 462. b) — On peut pousser plus loin l’objection : · Cc sorite, où chacune des propositions enchaînées, com­ mençant par Quomodo, affirme une impossibilité, sup­ pose que l’espèce d'impossibilité demeure la même dans tous les anneaux de la chaîne. Or l’impossibilité d’ « Invoquer » le vrai Dieu, c’est-à-dire de lui rendre un culte, si l’on ne croit pas son existence, ou celle d’avoir la foi sans la révélation, est une impossibilité rigoureuse et absolue. Donc telle doit être aussi l’impos­ sibilité de croire sans entendre l’intermédiaire humain chargé dc prêcher la révélation divine; on n’a donc pas le droit de donner à celte Impossibilité un sens qui n’a rien dc rigoureux ni d’absolu, en admettant des exceptions, même assez nombreuses, au rôle du prédi­ cateur. » Réponse. —Dans cette chaîne, Il serait plus élégant que l’espèce d’impossibilité fût la même partout, nous pouvons le concéder; mais celte ressemblance par­ faite dans tous les anneaux dc la chaîne n’est pas essen­ tielle à celte manière dc raisonner. Et certainement saint Paul n’a pas observé ici la condition que l’on nous réclame. On pourra s’en convaincre en comparant les deux premiers anneaux, sur lesquels on s'appuie, avec le tout dernier. Quomodo prirdicabunt, nisi mit­ tantur? Ibid., 15. L’impossibilité dc prêcher la foi sans une mission (de Dieu ou dc l'Église) n’est pas la même Impossibilité, ni aussi absolue, que les premières. Cette mission ou autorisation de prêcher est nécessaire seu­ lement pour la licéité; c’est la remarque de Tolct : « celui qui prêche sans être envoyé, prêche tout de même; pncdicat, sed male faclt. » Ibid.» note 7, p. 464. Ainsi un ministre hérétique, prêchant sans véritable mission, ct même s’en doutant, peut faire connaître à des Infidèles dc bonne fol les vérités qui sont de nécessité dc moyen, ct concourir à leur fol ct à leur salut, d’une manière irrégulière ct illicite, mais avec un bon résultat pour eux; dc même qu’il peut les bap­ tiser vahdement. C’est encore là un principe qu’il VII — 59 1S59 INFIDÈLES I860 faudra le rappeler pour une solution complète de notre I logiens, par exemple, de Suarez : « Pourquoi Dieu serait-il obligé, dit-il, de leur donner sa lumière surna problème. Voir 6· système, 2·, col. 191 I ,sq. 2. Tradition. — a) Saint Augustin. — Il insiste fort turelle aussitôt qu’avant la foi Ils commencent à bien iur les dispositions de la Providence qui favorisent les faire? Cette particularité (de temps) ne nous a pas été uns et non pas les autres, et qui ne peuvent s’expliquer révélée, ni ne peut so déduire logiquement de la volonté par leurs mérites ct démérites respectifs, comme le salvi fique universelle : car la promesse (de moyens prochains de salut) que, par suite de la rédemption du voulaient les pélagiens, mais qui restent pour nous un mystère, o altitudo! il dit à ce propos : < Voici un I Christ, Dieu n faite à tous, il peut l’accomplir (ou non) homme (en pays infidèle) mieux réglé que d’autres dés Λ tout instant donné de la vie, pourvu que la mort ne •on enfance, plus judicieux, plus tempérant, vain­ soit pas imminente (car alors il ne peut retarder queur de scs passions pour une grande part, ennemi de • davantage). Autre considération : la bonne action l’avarice, détestant la luxure, plus apte ct plus exercé (naturelle) d’un infidèle, quand il fait ce qui est en son aux différentes vertus : d’où vient pourtant qu’il soit pouvoir, n’est pas la dernière disposition à la grâce tellement placé sur la terre, que la grâce du christia­ excitante (surnaturelle), ni même une disposition, nisme ne puisse lui être prêchée? Comment croira-t-il mais seulement l’éloignement d’un obstacle : comment à celui qu’il n’entend pas? Et comment l’entcndra-t-il donc aurait-elle avec cette grâce une connexion neces­ saire (ct Intrinsèque)? Quant nu lien accidentel ct sans prédicateur, Rom., x, 11? D’où vient que cet extrinsèque qui résulte d’une promesse, la promesse autre, d’esprit plus lourd, adonné à ses convoitises mauvaises, tout couvert de crimes honteux ou auda­ n’a pas été faite avec cette précision (pour le temps). cieux, soit gouverné si heureusement (par la Provi­ De là une grande ct remarquable différence entre h grâce habituelle et la grâce actuelle, ct entre les deux dence) qu’il entende une prédication, fasse l’acte de foi, •oit baptisé, puis soustrait (à la rechute par une mort sens donnés Λ l’axiomcjFocfc/iff, etc., suivant qu’on opportune) ou bien, s’il est laissé sur la terre, y vive l’entend de l’une ou de l’autre (l’usage predominant, d’une manière louable? Expliqucz-mol donc par le et meilleur, est de le réserver Λ la grâce actuelle). La grâce habituelle demande une dernière disposition mérite ct le démérite de ces deux hommes, Je ne dis pas l’acte de fol produit par un seul des deux, car cette déterminée, avec laquelle elle a non seulement unecondifférence pourrait provenir de la volonté personnelle, nexion Infaillible, mais encore une succession soudaine: mais ccttc circonstance indépendante du pouvoir aussitôt que l’homme, prévenu par le secours surna­ humain, que le second entende prêcher la foi tandis turel, s’est ainsi disposé, la grâce (sanctifiante) existe que le premier ne l'entend pasl » De peccatorum meritis en lui infailliblement (il est justifié). Mais la première et remissione, 1. I, η. 31, Ρ. L.,1. xuv,col.l26.— De grâce excitante (celle qui excite à l’acte de foi, dispo­ sition éloignée à la justification) n’exige point ellecc passage on tire, contre les révélations Immédiates, l’objection suivante : « En les admettant, vous détrui­ même une disposition préalable, ct ne peut avoir été sez cc mystère des faveurs providentielles, affirmé par précédée par une vraie disposition, mais tout au plus par le manque d’obstacle, lequel n’est pas lié infailli­ le grand docteur. Le païen vertueux aura toujours un traitement meilleur que le païen criminel : car, bien blement avec l’action divine conférant ccttc grâce. » que placé dans un endroit où la prédication ne peut De gratta, 1. IV, c. xvi, n. 17, édit. Vivès, t. vm, p. 318. l’atteindre, Il s’en tirera par une révélation Immé­ Suarez conclut : « Pour le temps ct la manière de dis­ diate, ct avantageusement. L’équilibre sera rétabli; tribuer le secours surnaturel prochain, proxime suffi­ plus de mystère. > ciens, nous ne pouvons donc rien affirmer avec préci­ Réponse. — Nous-mêmes pouvons dire : o altitudo, sion ct certitude, mais Dieu a réservé cela à sa libre et admettre ces faveurs providentielles. Nous tenons disposition.... Il est plus probable que Dieu ne le donne avec saint Augustin qu’un scélérat, par un de ces dons ' pas à tous, ni dès le commencement, même à ceux qui bien Immérités, peut entendre la parole d’un prédi­ font leur possible, afin de n’avoir pas l’air de donenr cateur, sc convertir ct mourir en saint; il y en a eu un secours si gratuit à cause de la valeur de l’acte beaucoup comme cela, à commencer pur le bon larron. (naturel), ct d’acquitter une dette. De même que,pour Il sc peut aussi qu’après sa conversion il vive long­ faire briller (la puissance et la gratuité de) sa grâce; temps, dans une grande abondance de lumières ct de Dieu la donne parfois aux grands pécheurs (abondante mérites,· jusqu’à une sainte mort. Quant à l’autre Infi­ Jusqu’à les convertir), ct non pas à des gens moins dèle, orné de tant de vertus naturelles, nous ne lui coupables, de même peut-être pour beaucoup (d’infi­ promettons pas nécessairement une révélation immé­ dèles), auant qu’ils fassent leur possible, il les prévient diate, mms nous disons que s’il continue à faire son pur ccttc grâce d’ordre surnaturel, ct écarte d’eux Je possible, Il aura Infailliblement la connaissance des péché; pour d’autres, peut-être, il commence par leur vérités révélées les pms nécessaires, avant sa mort, donner un secours d’ordre naturel (surnaturel quoad soit grâce à un prédicateur qu’il finira par rencontrer, modum), ct dès qu'ils agissent bien, il les illumine soit au besoin par une révélation Immédiate, peut-être (par la révélation ct la foi); à d’autres enfin, quand ù sa dernière heure. En cc cas, puisqu’il n’y a Jamais de même ils font preuve de bonne volonté dans l’observa­ mérite pour fc ciel avant la Justification, il ne sera pas tion de la loi naturelle, pareillement (ou même davan­ favorisé du tout pour la quantité des mérites, malgré tage), Il retarde la vocation surnaturelle ct la renvoie sa longue honnêteté naturelle qui semblait demander nu temps qu’il a fixé : non qu’il attende d’eux, pour la mieux. L’ < équilibre ■ ne sera donc guère rétabli en sa donner, un mérite ou une disposition proprement dite, faveur, ct il aura eu contre lui, pendant de longues mais parce qu’il lui plait de ne conférer ccttc grâce années, le mot de l’apôtre, cité par Augustin : < Com­ d’ordre supérieur que dans un moment de plus grand ment croire sans un prédicateur? > Envoyé plus tôt, besoin, ou plus convenable aux outres fins de sa pro< le prédicateur lui aurait fait un bien immense : le vidcnce... Et certains faits que nous lisons sur les infi­ mystère subsiste. Ainsi le raisonnement du docteur de dèles (dans les vies des saints ou les récits des missions) la grâce, tout en restant solide ct péremptoire contre montrent que Dieu en a gardé quelques-uns jusqu’à les pélagiens, n’est pas contraire aux révélations immé­ la vieillesse, ct leur a enfin procuré, par une provi­ diates, que saint Augustin admettait d’ailleurs, comme dence toute spéciale, le moyen d’entendre parler de la révélation, qu’ils n’avaient reçue Jusque-là ni exté­ nous l’avons vu par des textes positifs. Voir col. 18 (8. Cc que nous venons de dire des délais toujours pos­ rieurement ni intérieurement. » Ibid,, n. 19. b) Le concile du Vatican. Il a été utilisé par les sibles de la Providence à l’égard d’infidèles qui font 1 de leur mieux, s’appuie de l’autorité de graves théo- ·• récents adversaires de l’emploi, comme moyen de 1861 Ï862 par lequel · Dieu se fait reconnaître directement à salut, de In révélation Immédiate. Leur objection prend In double forme de l'argument négatif ct de l’âme », a l'avantage de la simplification : < Au lieu d'atteindre la parole de Dieu (pu l’existence du miracle l’argument positif. n. Argument négatif: «Le concile, qui parle longue­ qui la prouve) A travers une longue série de témoins, ment de la révélation ct de la foi, devrait mentionner on la perçoit immédiatement dans sa propre con­ In révélation immédiate comme moyen de salut, s’il science. » Le miracle et ses suppléances, Paris, 1914, l’admettait. Or il sc tait absolument sur un pareil p. 11. Pour la révélation immédiate, dont le plus par­ moyen : donc il ne l'admet pas. » - Réponse. — a) fait spédmen est la prophétie proprement dite, consi­ A la majeure du syllogisme : Rien n'obligeait le con­ dérée dans le prophète, il note que « cette illumination cile à parler d’un moyen de salut qui est plutôt intellectuelle que reçoit l’esprit du prophète s'accom­ extraordinaire et anormal.’ Le concile ne visait que pagne toujours de la conscience claire et explicite de son origine surnaturelle. » Ibid., p. 12. Et il cite ces les principales erreurs modernes A éviter; ct même en restant sur cc terrain, il a sacri fié bien des ques­ mots de saint Thomas : « Le prophète a la plus grande certitude des vérités qu’il connaît expressément par tions traitées dans le schéma trop touffu de Franzelln. —β)Λ la mineure: Le silence des pères du Vatican n’est ! l’esprit de prophétie, ct il tient pour certain qu'elles pas absolu ; car aux « arguments externes, miracles ct lui sont divinement révélées... Un signe de cette cer­ prophéties », qui sont « des signes très certains de la titude prophétique nous est donné dans la personne révélation divine, ct pouvant servir A l'intelligence de d*Abraham qui, averti dans une vision prophétique, tous », le concile joint « les secours internes du Saint- I sc prépara A Immoler son fils unique; ce qu’il n'eût Esprit. » Sess. 111, c. ni, Denzinger-Bannwart, n. 1790. Jamais fait, s’il n’avait été très certain de la révélation Analysons cette dernière expression, très générale et divine. » Sum. theol., II· II®, q. clxxî, a. 5. Enfin, très ample. Elle comprend en premier lieu les grâces dans ces révélations privées qui appartiennent A la mystique des saints, le P. de Poulpiquct retrouve la qui élèvent les facultés pour tous les actes salutaires, même certitude absolue que Dieu produit dans l’àme. pour toutes les dispositions A la justification, dont la Ibid., p. 15. Il cite sainte Thérèse, Vie, c. xvin; Châ­ première est l’acte de foi. Le concile oppose cette sorte de grâces aux < signes très certains de la révéla­ teau de l'âme, V· demeure, c. 1; VI· demeure, c. 1. — Voir Crédibilité, t. ni, col. 2222. tion divine », parce qu’en dépit de leur surnaturalité si b. Argument positif.— < La révélation Immédiat· haute, elles ne sont pas assez reconnaissables comme intervention du Dieu infaillible, pour constituer une peut aussi s’appeler expérience interne, inspiration preuve certaine qu'il révèle ou qu'il n révélé. De ccttc privée. » Soit, dirons-nous, c Or Je concile du Vatican condamne la doctrine qui donne comme moyen d’arri­ sorte de grâce le concile reparle bientôt après, en disant que < l'acte de foi est un acte sain taire 9 opus ad salutem ver A la foi l'expérience interne, ou inspiration privée. 11 condamne donc tout emploi de la révélation Immé­ pertinens, ct en rappelant la nécessité de la grâce pour de tels actes. Ibid., n. 1791. Mais l'expression générale diate comme moyen de foi ct, par suite, de justifica­ Réponse. — Voici la condamna­ que nous analysons ici, « les secours internes du Saint- tion ct de salut. ■ Esprit », parait comprendre en second Heu, cette sorte tion que l'on a en vue : « Si quelqu'un dit que la révéla­ de miracle intérieur qui n'est pas plus difficile A tion divine ne peut pas être rendue croyable, par les admettre que les autres, et qui peut suppléer les signes extérieurs, ct par conséquent, que les hommes » miracles (extérieurs) ct prophéties » comme preuve doivent cire amenés A la foi uniquement par l’expé­ certaine de la révélation ancienne ct médiate, avec celte rience interne de chacun, sola interna cujusque expe­ différence, pourtant, que cette extraordinaire lumière rientia,ou par l'inspiration privée, qu'il soft anathème, s Sess. Ill, cnn. 3 de fide, Denzinger-Bannwart, n. 1812. Intérieure qui accompagne, par exemple, la lecture de l’évangile, est un signe moins normal, ct qui a l’incon­ 1 L'adversaire supprime dans le document le mot sola, vénient de ne servir de preuve certaine qu’à la seule ct par cette suppression fait condamner au concile ce qu’il ne condamne pas. Cc qu'il condamne, c*c«t Intelligence où il sc passe : de cc côté-là, les miracles extérieurs de l’apologétique traditionnelle ont l’avan­ l'crrcurdc beaucoup de protestants, surtout modernes. En admettant plus ou moins les signes extérieurs de la tage sur lui. Enfin, en troisième lieu, l’expression du concile parait contenir, dans sa grande amplitude, le révélation, par exemple les miracles du Christ gué­ rissant, ressuscitant, etc., en les tenant même peutcas de suppléance totale où une révélation immédiate, s’imposant comme divine A l’intelligence avec une être pour objets de notre foi, ils leur enlèvent d'autre certitude dont on n'arrive pas A douter (ce qui est part toute valeur apologétique, toute aptitude A déjà une sorte de miracle intérieur), remplace non seu­ prouver la vérité de la religion chrétienne ainsi que l’obligation d'y adhérer; ct c’est vers · l'expérience lement les « motifs de crédibilité » mais encore la Interne, l'inspiration personnelle » qu'ils sc rejettent •révélation » médiale elle-même. C'est dans tous ces sens A la fois, que Vacant Inter­ soit pour y chercher des signes, des motifs de crédi­ bilité, les seuls valables selon eux. soit pour y chercher prète la phrase que nous venons d’analyser : « Les pères du Vatican, assure-t-il, « ne disent pas que des la révélation elle-même, celle qui est le seul moyen de fol ct de salut. En deux mots, si « l’expérience interne », motifs de crédibilité purement internes ne suffisent jamais pour la fol; car Dieu a le pouvoir de mettre si « l’inspiration privée ct personnelle » a été anathésurnnturclhment nu fond d’une âme la preuve Indu­ matîsée nu Vatican, c'est, dit le P. de Poulpiquct, « en tant qu'elle se donne comme la voie universelle et bitable qu’il est l’auteur de telle ou telle révélation. De même, en effet, qu'il n produit dans le monde exté­ nécessaire pour arriver A la fol, ct en tant qu’elle est rieur des miracles qui sont des garants certains de la exclusive des signes extérieurs. » Loc. cit., p. 11. Son universalité l'étendrait ct l'imposerait aux fidèles euxdivinité de la doctrine chrétienne, do même peut-il éclairer directement notre intelligence par des illumi­ mêmes comme moyen général de salut; c’est ce que nations dont l'origine divine sera manifeste. Ainsi nous ne disons pas, mais nous en faisons un moyen a-t-il fait souvent pour ses prophètes et pour les particulier de salut, A l’usage des infidèles qui n’en ont hommes privilégies, auxquels Ils communiquait immé­ pas d'autre, ct qui ont d'ailleurs fait leur possible diatement ses révélations. 9 Études (héoluglques sur les suivant l'honnêteté naturelle; quant A l'exclusion des constitutions du concile du Vatican d'après les actes signes extérieurs, elle détruirait l'apologétique tradi­ tionnelle, celle des Pères ct des docteurs de l’Églisc. du concile, 1895,1.11, n. 570, p. 37, 38. — La pensée de 3. Raisons théologiques alléguées contre le J· système. Vacant a été citée ct commentée par le P. de Poulpi­ La principale est celle-ci : « On ne doit pas admettre quct. O. P. 11 fuit observer que le miracle Intérieur, 1863 INFIDÈLES 1864 des miracles extrêmement multipliés. Or ce système i article entier lui est consacré: « 11 est Impossible,dit-il, en suppose : donc on ne doit pas l’admettre. > — qu’en l’âinc humaine le péché véniel se rencontre avec Réponse. — Le principe dc la majeure est vrai des le seul péché originel. En voici le pourquoi.— Avant « miracles » comme on les entend d’ordinaire, rr//- que l’homme ait atteint l’âge de discrétion, cette insuf­ rtturs, publics, les seuls qui puissent fonder une apolo­ fisance de développement mettant obstacle ù l’usage gétique reconnue de tous les fidèles ct commune à dc la raison, l’homme est excusé de péché mortel; ct tous. Dc ces miracles-là une extrême multiplication ù plus forte raison de péché véniel, s’il lui arrive de troublerait le cours régulier du monde extérieur, commettre quelque action peccamincu.se en matière déconcerterait sans cesse les prévisions humaines, légère. Mais dès qu’a commencé pour lui l’usage de la rendant la science inutile; même du point dc vue sur­ raison, l’homme n’échappe plus à la responsabilité du naturel, le miracle trop éclatant, trop envahissant, péché véniel ct mortel. Car, ù ce moment, la première ne laisserait pas à notre fol assez d’obscurité, dc [ question pratique qui se présente à son esprit, est celle liberté ct dc mérite. Mais ccs Inconvénients très de délibérer sur sa destinée. S’il s’oriente vers la fin sérieux ne sont nullement à craindre des miracles | qui lui est assignée, il obtient, avec la grâce, la rémis· intérieurs et cachés, qui n’ont pour témoin que l’âme s‘on du péché originel. Si au contraire il n’adhère pas, où ils sc passent, ct que l’on ne suppose pas ù la I d’intention, ù ccttc fin, par une volonté proportionnée légère ct urns preuves. Or, dans le système en question, au degré dc discernement dont il est capable ù cet il s’agit dc miracles intérieurs, Invisibles ct cachés au âge, il péchera mortellement, ne faisant pas tout ce public, admis du reste par dc graves théologiens ct des qu’il peut. Dés lors, on ne trouvera plus en lui le péché Pères de l’Églisc pour certaines circonstances déter­ véniel sans le péché mortel, sauf après une première ré­ minées, c’est-à-dire quand l’âme, ignorant invinci­ mission dc tous scs péchés par la grâce.»Sum. theol., blement les vérités dc nécessité de moyen, ne peut les l I* II», q. Lxxxix,a. 6; trad. fr. du P. Hugucny, O. P., recevoir par la prédication ou autres moyens ana­ Revue thomiste, novembre 1905, t. χπι,ρ. 509, 510. Cet logues, et d’ailleurs n’a pas mis par une vie coupable auteur signale les deux points difficiles dc la théorie, un obstacle à l’action divine : Dieu alors, pour être ù savoir, que Kenfant ne puisse jamais devancer, par fidèle à sa promesse des moyens de salut, en vertu dc un péché véniel, son premier péché mortel, ct qu’il sa volonté sérieuse dc sauver tous les hommes, se doit I soit dès le commencement dc l’usage dc la raison dans À lui-même dc donner la révélation immédiate, qui l’alternative ou d’être justifié ou de pécher mortelle­ ment; il les signale quand il ajoute : « Ainsi donc, pas n’est donc pas supposée sans preuve. Suarez a même avancé, en passant, que les révéla­ de péché véniel là où il n’y a que le seul péché originel, tions immédiates exigées comme moyen dc salut, ont parce que 1’hommc, en son premier acte moral, quelque raison de ne pas être appelées · miracles > obtient avec la grâce la rémission du péché originel, scion toute la propriété dc cc terme : < Quiconque s’il n’est pas encore baptisé, ou commet un péché n’aura pas mis d’obstacle, dit-il ù propos des infidèles, mortel. Voilà un « parce que » plus intéressant, mais recevra la lumière ou vocation (prochaine à la foi), tout aussi controversé, que la conclusion qu’il appuie. Est-il bien vrai que l’homme puisse et doive, dès le soit extérieurement par l’intermédiaire des hommes, Dieu ayant disposé les événements pour obtenir ce début dc sa vie raisonnable, choisir entre Dieu ct le résultat sans aucun miracle par un autre genre de bien créé, poser un acte d’amour qui le justifie, ou providence gratuite, soit en l’illuminant intérieure­ d’aversion qui le condamne? » 1-bid. — Puis il donne, ment par le ministère des anges, ce qui n’est pas tout d’après les Salmanticenses, les autres endroits où saint d /ait miraculeux, mais appartient à la providence Thomas fait usage dc ccttc théorie : < In II Sent., surnaturelle. » De pnrdestinatione et reprobatione, disk XXVIII, q. i, a. 3, ad 5, et dist. XLII, q. i, a. 5, ad 7; In Z V,dist. XLV, q. i, a. 3, ad G; De malo, L IV, c. m, n. 19, édit. Vivès, 1.1, p. 495. 4· Conclusion finale. — 1. Partie favorable. Les deux q. v, a. 2, ad 8; q. vu, a. 10, ad 8; De veritate, q. xxiv, précédents systèmes ayant été écartés comme gra a. 12, ad 2; q. xxvm, a. 3, ad 4. Salmanticenses, t. vin, vernent défectueux, celui-ci s’impose dans certaines p. 491. D’après eux aussi, fi énumère les adversaires, circonstances, pour que la volonté salvi flque univer­ p. 511,512. selle de Dieu soit vraiment ce qu’elle doit être à Nous donnerons sur cc système : Ie Les principales l’égard de tous les adultes. De plus, il a pour lui un interprétations ou critiques qui en ont été faites, avec remarquable ensemble d'autorités sérieuses : plusieurs l’appréciation de chacune; 2°Une conclusion finale. anciens Pères, ct parmi eux de grands docteurs dc Ie Principales Interprétations ou critiques du système l’Églisc; saint Thomas, et d’autres docteurs dc l’âge avec notre appréciation. — 1. Interprétation de Ripalda d’or dc la scolostiquc; dc grands théologiens après ou plutôt dc scs partisans plus modernes, ct dc quelques le concile de Trente. précurseurs plus anciens que signale Melchior Cano; 2. Partie restrictive. Toutefois cc n’est qu’une solu­ Ripalda lui-même, quand il cherche à appuyer son tion partielle du problème. Pour ne pas multiplier système de la fol qui justifie sur l’autorité de saint outre mesure ct arbitrairement les révélations immé­ Thomas, ne cite jamais les textes qui ont rapport à diates, il nous faudra, ù la lin dc cet article, donner cette théorie de l’enfant. < Λ l’âge dc raison, dit un tableau plus complet des moyens suffisants d’arri­ cette interprétation, si l’enfant oriente vers sa fin son ver à la foi et au salut, moyens certains ou probables, Intelligence et sa volonté,prévenues ct élevées par une que peut rencontrer un Infidèle, sans que Dieu ait grâce surnaturelle mais sans la révélation, dont le saint recours à ccs révélations. docteur ne parle pas, alors le péché originel lui est (WATPdïME 8Y8TÈUP..— Théorie de saint Thomas remis par la justification, à laquelle suffisent, comme sur l'enfant qui vient à l'dge de raison. — Cette théorie, préparation, ces actes surnaturels de fol large ct aussi difficile que célèbre, ct que par brièveté nous d’amour. » — Réponse. — Saint Thomas a montré appellerons la théorie de l’enfant, est mise à ccttc ailleurs qu'il tenait pour l'impossibilité absolue dc la place ù cause de sa liaison avec celle des révélations justification sans la fol stricte, même chez les infidèles. immédiates, dont nous venons dc parler; on a cherché Voir ce que nous avons dit dc lui à propos du 3· sys­ tème, col. 1857. Cc point étant acquis, ct le rejet de la aussi ù en tirer parti en faveur du premier système, ou à l’accommoder avec le deuxième. Le saint docteur fol large dc Ripalda étant commandé par la thèse commune des théologiens ct la force dc scs preuves. Il utilise en plusieurs occasions cette théorie qu’il avait faudra chercher une autre interprétation plus accep­ trouvée chez certains maîtres dc l’université dc Paris. table parmi les nombreuses qui existent; ct si l’on Prenons surtout cc qu’il en dit dans la Somme, où un 1865 INI- 1DÈLES 1866 n’cn trouvait pas, ce qui est difficile ù admettre, si les 3* concl., Œuvres, t. vi, p. 341. Π cite contre cette textes du saint docteur ne pouvaient sc concilier entre conclusion une objection de Durand, qui part de l’hy­ eux, alors il vaudrait encore mieux s’en tenir à cc qu’il pothèse d'un enfant venant à l'âge dc raison avec le dit d’accord avec le grand courant de la tradition, ct péché originel ct mourant bientôt avec un péché véniel sacrifier cette théorie dc l’enfant, moins Importante seulement. « On dira peut-être, ajoute Durand, que en cllomûme, plus obscure ct très diversement inter­ l’enfant venant à Tâge où 11 peut pécher, ne commence prétée, abandonnée par de grands théologiens ou du jamais par un péché véniel, mais par un péché mortel. moins réduite par eux à une plus ou moins grande Mais c’est manifestement faux, qu'il s'agisse d’enfant probabilité, comme nous le verrons. — Il importait baptisé ou non baptisé. Car avant qu’on puisse juger qu’ils ont péché mortellement. Il y a beaucoup de d'écarter tout d'abord ccttc interprétation. 2. Interprétations et jugements de récote dominicaine délits enfantins que l’on regarde comme véniels. > Ibid., a. 2, obj. 2, p. 341. Que répond Capréolus? — a) Capreolus (t 1 144). Dans son ouvrage pour la défense de saint Thomas, Il ne mentionne que deux fois Après avoir cité sur h théorie dc l'enfant plusieurs la théorie de l'enfant. Voir au mot Puer la table textes où saint Thomas la donne, Il ajoute simplement : « Quand (Durand) dit que ces assertions sont mani­ générale de l'édition dc scs Œuvres par les pères domlnicains,Tours, 1908, t. vit, p.435; ctlcs deux fois,c’est festement fausses, nous le nions. C’est sa preuve, à lui, en passant et à propos d'autre chose. —n.— D'abord qui est manifestement fausse : car Ils font un faux λ propos dc la doctrine plus probable dc saint Thomas, jugement, ceux qui attribuent des péchés véniels aux que tout acte du juste est méritoire pour le ciel, s’il enfants avant qu’ils aient l'usage de la raison, qui rend n’est pas péché. In II Sentent., dist. XL, q. î, a. 1, possible un péché mortel. Avant l'usage dc la raison, 2a conclusio, Œuvres, t. iv, p. 455. Scot attaquait ils peuvent faire des choses qui selon leur espèce, sont ccttc doctrine plus consolante, en distinguant trois des péchés véniels, oui : mais en eux ce ne sont pas des manières seulement dont le juste peut rapporter à péchés, ct l’on en doit dire autant des péchés mortels Dieu scs actes : par une intention actuelle, ou virtuelle en pareil cas. » Ibid., a. 3, ad 2, p. 2M4, 345. Ainsi (au sens où la théologie morale prend aujourd'hui Capréolus s’insurge contre le mot dc Durand, que cette ce mot, par exemple dans le ministre du sacrement), théorie est < manifestement fausse » ct 11 détruit l’argu­ ou habituelle, c'est-à-dire que tout acte capable d'étre ment par lequel celui-ci prétend le montrer; mais il en rapporté ù Dieu (tel n'est pas le péché, même véniel) reste là, sans expliquer ni prouver les différentes par­ est censé être rapporté habituellement à Dieu par le ties dc la théorie elle-même, cc qu’il ferait là ou ailleurs, seul fait qu’il voisine dans l’Ame avec la vertu Infuse s'il y attachait beaucoup d’importance. b) Cajétan (f 1534). — Dans le seul endroit où 11 dc charité, qui est le principium referendi (le principe capable dc rapporter les actes du juste Λ sa fin surna­ examine directement la théorie dc l’enfant, c’est-à-dire turelle). L'intention habituelle, dc l'aveu dc tous, ne dans son commentaire sur l'article dc la Somme cité suffit pas pour que l’acte devienne méritoire. Donc, plus haut, Il s’étend d'abord beaucoup sur des diffi­ conclut Scot, bien des actes restent « IndiiTércnts entre cultés secondaires, Jusqu’à ces mots qui touchent au le mérite ct le démérite », tout en étant moralement fond dc la question : < Si (l’enfant arrivé à l'âge dc bons, « parce qu'on n’est pas tenu dc rapporter à Dieu, raison) juge qu'il doit désirer le bien honnête (bien actuellement ou virtuellement, chacune de scs moral), confusément conçu comme on le fait ù cet actions. » In IV Sentent., 1. 11, dist. XLI, q. i ; Œuvres, âge, alors il aura fait une bonne délibération sur luimême, prenant pour sa fin la vraie béatitude, quoique édit. Vi’.· 1893, t. îv, p. 435. L’opinion de Scot est probable. Capréolus défend contre lui celle dc saint d’une manière Imparfaite, ct initiale; d’un enfant on Thomas en montrant que le saint docteur ne s’appuie n'exige rien de plus. S’il ne le fait pas, Il est coupable pas sur la seule présence dc la vertu dc charité, ni sur d’omission, comme dit notre texte, ad 2.> Edit, léo­ un acte qui n précédé dc peu, mais sur la puissance nine dc saint Thomas, Rome» 1892, t νπ, I· II·, qu’aurait l'acte dc charité dc rapporter ù Dieu toutes q. lxxxix, a. 6, n. 7, p. 147. Évidemment le commen­ les actions suivantes, tant qu'il n’est pas rétracté. tateur est sage, en n’exigeant pas d’un enfant l’impos­ Cette influence, qui les rend toutes méritoires, est une sible. Cc qu'il dit du bien honnête, comme contenant Influence virtuelle en un sens particulier, difièrent dc une tendance Imparfaite à Djcu fin dernière, il l'ex­ celui de Scot. Op. cit., t. îv, p. 459, 460. Ceci peut plique mieux ailleurs en réfutant cette erreur dc Gré­ s’appliquer ù la théorie dc l’enfant, si l’on exige de lui goire de Bimini, que les Infidèles pèchent dans toutes dès l’âge dc raison un acte dc charité parfaite; ct leurs actions, ct cela parce qu'ils ne tendent jamais à c’est bien ainsi que Cnpréolus entend ccttc théorie Dieu fin dernière de l'homme. De même, dit Cajetan, dans saint Thomas. Car, discutant avec Durand sur qu'au-desspus du chef dc l’État 11 peut y avoir un la même < 2· conclusion », pour défendre cette Influence général en chef, dc même au-dessous dc la fin dernière d’un premier acte dc charité sur la suite des actions, dc tout l'univers, finis ultimus simpliciter, Il peut y avoir quelque chose qui soit fin dernière dans tel H arrive à dire : < 11 s’agit, ou d'un adulte, ou d’un enfant. Or l'adulte pécheur, quand il est justifié, aime genre, finis ultimus in hoc genere. Sans doute, on ne peut pas aimer une chose pareille d’un amour absolu­ Dieu par-dessus tout, ct dirige vers lui tout ce qui lui appartient, omnia sua; l’enfant,quand vient le temps ment suprême, cc serait la mettre à la place de Dieu : mais on peut l'aimer comme suprême en son genre; où il peut sc servir dc sa parfaite raison, rapporte ù Dieu tout son être, se cl sua, ou bien 11 pèche mortelle­ ainsi, parmi nos biens humains, nous aimons la vertu, ment, fuxta imaginationem sancti Thomte. > Ibid., parmi les vertus la charité, etc. Et parce que le pré­ a. 3, § 2, p. 462. Nous ne traduirons pas : « suivant une cepte d’aimer Dieu explicitement comme la fin suprême ' imagination de saint Thomas » cc serait trop peu res­ dc l'univers (précepte dc charité) est un précepte pectueux pour le Maître. Peut-être Capréolus veut-il affirmatif, positif, donc n’obligeant pas l’homme pour chacune de ses actions. Usera souvent permis à la créa­ dire : < suivant une conception. » Il reste pourtant que ture d’arrêter sa pensée ct son amour à un objet qui est cette mention dc la théorie dc l'enfant est bien sèche, une fin dernière en son genre. Alors on aimera Dieu en une petite phrase, sans un mot d'explication ou implicitement, par le double fait qu’on ne l’exclut pas d'approbation. ct qu’on aime l’objet (bien honnête, vertu, etc.) tel b. — Capréolus mentionne la même théorie à propos qu'il est en lui-même (suivant la nature dc la volonté, d’une autre opinion dc saint Thomas, qu’aucun péché qui sc porte aux objets tels qu’ils sont en eux-mêmes). véniel ne peut être pardonné à une Ame en état de Car chaque chose en son degré faisant partie d'un péché mortel. In IV Sentent., dist. XVI, q. i, a. 1, ÎSb7 INFIDÈLES ensemble bien ordonné, et tendant à cet ordre uni­ versel, et par lui Λ Dieu qui est routeur et la fin de ces ordre, si on l’aime telle qu’elle est constituée dans son degré, on tend Implicitement à cet ordre universel, et à Dieu en dernière analyse, même sans penser à lui. Quant aux Infidèles, ils peuvent par la raison natu­ relle et philosophique connaître Dieu comme auteur et fin de l’univers; et dans le cas où ils ne le connaî­ traient pas, 11 leur suffit, pour éviter te péché dans beau­ coup de leurs actes, de tendre à Dieu et de l’aimer implicitement, en tendant aux objets (honnêtes) tels qu’ils sont en eux-mêmes : mais cela ne suffit pas pour le salut éternel, ni pour éviter tous les péchés. > Aimer Dieu explicitement, ajoute-t-il, ils ne le peuvent si vite que cela. « Ils n’y sont tenus que lorsqu’ils peuvent Je connaître, cc qui leur demande bien du temps, par­ tant naturellement » c’est-à-dirc en dehors des moyens surnaturels, que Dieu peut employer mais n’emploie pas toujours. Comment. in 11·«* //», q. x, a. 4; édit, léonine, t. vnr, p. 83. C’est à la lumière de cet article | écrit plus tard, qu’il faut expliquer et corriger la théorie de l’enfant telle que l’expose le commentaire de la 1· 11*. Sans cela, celui-ci plus ancien et très impar­ fait, tout en contenant des passages d’un grand rigo­ risme, laisserait croire en d’autres endroits que l’au­ teur admet, par un étrange laxisme, dans l’enfant Infidèle et non baptisé, la justification grâce au simple amour naturel du bien honnête, et dans l’enfant chrétien baptisé, arrivant à l’âge de raison, un premier acte de charité parfaite appuyé seulement sur la foi large, avant qu’il ait été catéchisé et qu’il ait connu la révélation. Heureusement les choses sont à peu près remises au point parce qucl’autcurdit sur l'article de la H* II», en y ajoutant des passages de ses commentaires sur l’Écriture sainte où il exige nette­ ment la foi stricte pour toute justification d’adulte, suivant la remarque de Melchior Cano. Comment. In llebr., c. xi, et In Rom., c. ni. On peut observer | aussi la différence avec le précédent sur la manière de comprendre la théorie de l’enfant. Dans cet acte que saint Thomas exige dès l’âge de raison pour éviter un péché mortel, Capréolus entendait pour tous l’acte de charité parfaite; Cajétan y voit, du moins pour l’infidèle, un acte très inférieur mais suffisant pour Je moment. c) Dominique Soto (f 15G0). — a. — Dans un ouvrage dédié aux Pères du concile, Solo ne regarde pas comme certaine, malgré l’autorité de saint Thomas, cette grave obligation de sc tourner vers sa fin der­ nière des l’âge de raison, de quelque façon qu’on l’explique. · Supposons, dit-il, un homme arrivé à l’âge légitime avec le seul péché originel, et que Dieu i attire à lui. Il n’y a pas à avoir d’anxiété sur ce point, si l’on est tenu de sc tourner vers Dieu dès qu’on arrive à l’usage de la raison, comme le veut saint Thomas, ou s’il est possible de rester un certain temps avec la seule tache originelle, ce que les autres approuvent plutôt. * Mais Solo exige dans cet adulte, pour être justifié, la loi (stricte) avant tout, et, sous la loi évangélique, la fol explicite au Christ; de là il passe aux dispositions qui suivent la foi, et que l’on doit soutenir contre Luther. De natura el gratia, 1. II, c. xn; edit, revue par l’auteur, Salamanque, 1561, p. 127. b. — Ailleurs, il a affaire avec des théologiens qu’embarrasse le précepte spécial et positi/ de l’acte Intérieur de charité, d’amour de Dieu, parce qu’ils ne savent comment déterminer les moments où il oblige, et qui préfèrent le nier. Voir sur cette question Ciiaiutè. t. n, coi. 2202, 2253. D’une part, pensaient avec raison ccs auteurs, il est ridicule de dire, étant donné le rôle souverain de la charité, que cc précepte n’obligerait qu’une seule fols dans la vie, c’est-à-dire a l'article de la mort; et un soldat, dès qu’il donne 18G8 son nom pour sc consacrer ou service d’un prince, ne fait-il pas acte d’amitié pour lui? D’autre part, si vous dites que cc précepte oblige dès que briffe la lumière de la raison, voilà qui n’est connu que de très peu d’hommes, et jamais personne ne s’est confessé d’y avoir alors manqué. Soto répond : « SI vous en croyez saint Thomas, dès l’âge de raison on est obligé de sc rapporter à Dieu ; non pas, dis-je, au moment même, mais quand l’homme commence à délibérer pleinement, et connaît un seul Dieu, auteur de toutes choses. Et cette opinion n’est pas sans fondement... 11 convient tout à fait que, par amour de Dieu, l’homme prenne alors la résolution d’éviter le mal et de faire le bien, cc qui est aimer Dieu par-dessus tout; aussi, avec son secours spécial, l’homme rece­ vrait alors la foi, et la grâce par laquelle il serait purifié du péché originel. Quoi qu’il en soit de cette opinion, je pense que quand l’adulte, ayant bien sa raison, va recevoir le baptême, il doit rapporter à Dieu sa vie; et de même qu*alors, par le précepte de la foi, il est tenu de croire, de même il doit espérer cc qu’il croit, et aimer celui en qui il espère. . Alors vaut la comparaison de celui qui donne son nom nu prince pour la milice. » De justitia et jure, 1. II, q. ni, a. 10; édit. d’Anvers, 1567, fol. 44, au verso. Aujourd’hui, les théologiens trouveraient Soto trop sévère; la foi et l’attrition efficace avec l’espérance du pardon, mais sans la chat i té, peuvent suffire, disent-ils, comme dispositions de l’adulte au baptême. Voir Charité, t.n, coi. 2251. d) Melchior Cano (f 15G0). —Dans une dissertation sur les sacrements, il a toute une partie sur la nécessité de la fol au Christ pour le salut et la justification des adultes. Relcctio de sacramentis in genere, part. Il; Œuvres, Venise, 1776, p. 333-344. Voici la question qu’il pose : Utrum sine fide Christi possit homo a culpa sanari; sans la fol au Christ, l’homme peut-il être justifié? Dans cette seconde section de la IIe partie, Cano établit trois « conclusions », ou thèses, qui ren ferment sa doctrine sur la foi dans la justification. — a. — « 11 est erroné et peut-être hérétique, d’affirmer la justification d’un adulte quelconque pur la seule connaissance naturelle sans l’acte de foi, » p. 337 sq. Son jugement n’est pas trop sévère : ce qui est jugé en ces termes, c’est un pur naturalisme, sans aucun des correctifs que Ripalda devait y apporter un jour dans son système. — b. — « Pour la rémission du pêché soit originel, soit mortel, la foi au Christ est nécessaire, explicite ou implicite. » Ibid., p. 310. La première conclusion de Cano affirmait la nécessité de la foi sur­ naturelle et stricte, sans énoncer aucun objet maté­ riel; toutefois, par le fait qu’elle s’appuyait sur llebr., xi, 6, elle indiquait comme objet minimum requis l’existence d’un Dieu rémunérateur. La deuxième énonce un autre objet, le Christ; mais, à cause du dernier mot < ou implicite » elle diffère peu, au fond, de la première : car la fol implicite au Christ ne diffère que par l’énoncé, plus ou moins clair, de la foi en Dieu rémunérateur. Voir col. 1754. Aussi, parce que cc n’est qu’une affaire d’énoncé, Cano insiste peu. c. « Pour la rémission du péché originel ou actuel, avant le baptême, la fol explicite à l’évangile n’est pas nécessaire même aujourd’hui. Corneille était justifie avant de recevoir la foi du Christ., d’après Saint Thomas, II* ff«r q. x, a. 4 ad 3*“», et 11 h, q. exix, a. 4 ad 2*un. m Ibid., p. 341. Cette dernière question est plus difficile, surtout à cause de plusieurs textes de saint Augustin et de saint Thomas, voir col. 1856; Cano donne ici la solution la plus bénigne, en la soumettant au juge­ ment de l’Eglise. Aujourd’hui celte solution bénigne est bien plus répandue que de son temps ; et l’Église a toujours laissé la liberté de la soutenir. — Après 18G9 INFIDÈLES avoir développé rcnchü!ncmcnt de ses trois conclu­ sions, Cano revient à ia première, la plus importante de toutes, pour répondre aux objections des adver saires qu’il avait énoncées dès le début. * La pre­ mière objection, venue sans doute de quelque tho­ miste, posait en principe la théorie de l’enfant, I· II», q. lxxxîx, a. 6. Sur ce texte elle raisonnait ainsi : « Il sc peut que l’enfant, arrivé à l’ûgc de raison ignore le Christ et même Dieu, élevé qu’il est chez des barbares sans aucune religion. Pour faire ce qui est en lui, il suffit à celui-là de se tourner vers la fin honnête comprise par la raison naturelle. Mais alors Il ne pèche pas mortellement, faisant le bien suivant son âge, et vu l’éducation qu'il a; et il ne peut rester dans le seul péché originel, comme nous le savons par l’autorité de saint Thomas. Il obtiendra donc la grâce (qui justifie) sans connaissance de Dieu, et par consé­ quent sans aucune foi au Christ. > Ibid., p. 337. — Réponse de Cano: < Quand on nous oppose en premier lieu l’autorité de saint Thomas, nous soutenons que cette erreur nouvelle (la justification sans la connais­ sance de Dieu et sans la foi) ne peut ni ne doit lui être attribuée. Car ce docteur a enseigné le contraire en maint endroit, comme 1* II»,q. cxin, a. 4 ; II* II», q. x, a. 4, ad3Qm; Rom., c. x, lect. 3; Jn llebr., c. x, lect. 4, et c. xi, lect. 1. — Quant à l’opinion que tient saint Thomas dans la Is II®, q. lxxxîx, a. 6, elle est probable. Qu’un adulte, en eflet, meure avec le seul péché originel, cela semble heurter un senti­ ment commun des fidèles, qui admettent des limbes pour les enfants, et non pas pour les adultes. Mais cependant cette opinion du saint docteur n’est pas tellement certaine, qu’il ne soit pas tout naturel de lui donner le dessous, quand on vous l’apporte contre une vérité certaine et ferme. Déplus l'argu­ ment. dont saint Thomas sc sert pour inviter à (suadere) cette opinion, n’est pas une preuve démons­ trative,’mais de convenance; ccs preuves de conve­ nance, si l’on y tranche dans le vif, sont souvent trouvées faibles. Aussi saint Thomas lui-même ne prend pas comme sûr cet antécédent : A celui qui fait son possible par les forces naturelles, Dieu donne au même instant la grâce sancti flante, par laquelle l'homme est justifié. On pourrait avec vraisemblance dire comme Durand, In IV, dist. IV.q.vn, qu’il n’est pas nécessaire que l’enfant soit justifié aussitôt qu’il suit la voix de la raison naturelle; que c'est bien assez qu’il le soit bientôt après, ou même après un certain délai, au gré de la divine providence; dans l’inter­ valle, il pourra parfaitement être instruit des choses surnaturelles, et les tenir par la fol. > Ibid., p. 312. — Voilà l’appréciation mesurée et sage de Melchior Cano: plût à Dieu que des thomistes plus récents ne s’en fussent pas écartés, et parfois à l’extrême! Ils ne mentionnent guère la dissertation de cet auteur que pour lui reprocher cc qu’il dit avant la partie que nous avons soigneusement analysée. Et c’est vrai que dans ccs premières pages (333-336) 11 a une Idée blâmable : impressionné surtout par certains textes dinielles de saint Augustin et de saint Thomas. Il réclame abso­ lument, pour le salut depuis Jn promulgation de i'Évangile la fol explicite nu Christ, celle qu’ensuitc, comme nous l'avons vu, il ne réclame pas pour la justification. C’est cc qui Γη engagé à traiter de la nécessité de la fol explicite au Christ en deux endroits de sa dissertation, ce qui l'allonge inutilement, et en embrouille fâcheusement la marche; mais surtout, en exigeant de l’homme déjà justifié une nouvelle condi­ tion de nécessité de moyen pour être sauvé. Il mécon­ naît celle vérité, que quand un homme est justifié, s’il vient à mourir en cet état, il est sauvé, sans avoir rien eu à ajouter qui fût de vraie et absolue nécessité de moyen. Voir col. 1751. · Melchior Cano, dit le 1870 P. Hugueny, essaie de concilier les deux enseigne­ ments de saint Thomas en expliquant comment, depuis la prédication de l’Évangile, l'acte de foi élé­ mentaire en Dieu providence (ou rémunérateur) suffit encore à 1a justification, quoiqu’il ne suffise plus à assurer l’entrée au ciel et le salut sans un acte de fol explicite à la sainte Trinité et à l’incarnation.... Il y aurait donc des justifiés auxquels la grâce de justifica­ tion n’apporterait pas tout ce qu’il faut pour le salut, contrairement aux déclarations du condle de Trente, sess. VI, c. xvî, Denzinger-Bannwart, n. 309. Cc n’est point admissible. » Revue thom., t. χτπ, p. 513. — Mais cette erreur de Cano n’infirme pas cc qu’il dit de la foi explicite au Chri>t comme n'étant pas, aujourd’hui même, d'absolue nécessité de moyen pour la justifica­ tion. Elle n'infirme pas davantage ce que dit Cane de la théorie de l'enfant chez saint Thomas. e) Barthélemy de Medina (t 1581). — Apropos de l'article où saint Thomas, brièvement résumé par lui, donne la théorie de l’enfant, Médina commence en ccs termes : < Sur cet article s'élèvent de graves et Innom­ brables questions, et la doctrine de cet article a été une occasion d'erreur pour des hommes très savants et très subtils; en l’expliquant...,ils sont tombés dans des opinions condamnées, par exemple, que l’on pourra obtenir la grâce et la rémission du péché sans la lumière surnaturelle de la foi; que l’homme peut sc disposer à la grâce et aux dons surnaturels sans aucune connaissance de Dieu. » Expositio in Π», q. lxxxîx, a. 6, Venise, 1590, p. 470. Sa marche ensuite est un peu confuse, surtout parce qu’ayant, d’après l’usage du temps, commencé par exposer les objections des adversaires de la théorie de saint Thomas, il en adopte au moins deux et ne répondra aux autres qu’à là fin de son long commentaire de l'article. Voici les principales objections : a. — Cette grave obligation de l’enfant arrivant à l’âge de raison n'est mentionnée par aucun théologien, excepté saint Thomas.— Il répondra, p. 473, que « les défen­ seurs sont peu nombreux et les preuves aussi, mais qu’elles sont sérieuses et graves. > — b. — Cc pré­ cepte n’a pas d’argument certain tiré de l’Écriture ou de la tradition. < C’est vrai, dira-t-il, mais 11 sc prouve par la lumière de la raison naturelle. > — c. — Personne, même des plus timorés ne sc confesse de l’avoir transgressé dans son enfance; et pourtant personne ne sc souvient de l’avoir observé. — Réponse : « Les bons chrétiens s’en confessent, quand ils s’accusent en général de leurs pêchés douteux; et Cajétan dll quo cela suffit et qu’il ne faut pas se tourmenter de scrupules. « Médina serait un peu plus sévère, mais aujourd'hui on trouverait la réponse de Cajétan bien suffisante. — d. — Personne ne peut savoir avec certitude le moment où il arrive à la raison : donc personne ne sait quand cc précepte oblige; c’est un signe qu’il n’existe pas. — Réponse : < On peut savoir le moment par conjectures, comme on connaît le temps où pour la première fois le précepte de la confession, ou de la communion, oblige. * — c. — Arrivé à l’usage de la raison, on ne peut alors connaître Dieu avec certitude, il faut trop de temps pour cela; —f. — pour connaître une loi obligeant en conscience, un préambule nécessaire est de connaître Dieu comme législateur, cc qui demande encore plus de temps; on ne peut donc savoir, alors, qu’on est tenu de se tourner vers Dieu. — A ccs deux objections, Médina concédera tout ; mais, dit-il, cela prouve seulement que la solution de Cajétan pour interpréter cet article de saint Thomas vaut mieux que celle de Caprêolus. Voir col. 1866. Après sa liste d’objec­ tions, il établit deux propositions ou conclusions : Première proposition. — · Arrivé à l’usage de la raison, on n’est pas tenu de se tourner vers Dieu 1871 INFIDÈLES explicitement, » C’est la pensée dc Cajétan, qu’il cite ct résumé.Voir col. 1867. Il ne craint pas dc faire aussi quelques emprunts aux objections des adversaires, qu’il vient dc citer : < Nul n’est tenu à l’impossible, dit-il avec eux; or 11 est impossible naturellement d’arriver si vile, soit à la connaissance dc Dieu, soit surtout à celle d’un tel précepte (dc sc tourner vers Dieu explicitement). D’ailleurs, pour établir ce pré­ cepte, les sources positives font défaut; il serait donc téméraire dc l'affirmer. On ne peut sc servir do cc texte : Convertimini ad me et ego convertar ad aos, Zach., i, 3, qu'on retrouve dans Jérémie, Osée, Ezéchiel ct Joël, ct autres prophètes... Cc précepte, Convertimini ad me, s’adresse aux seuls pécheurs cou­ pables de péchés mortels actuels, ct attachés au péché, comme on le voit par le contexte. Et c’cst toujours pour les exhorter expressément Λ la pénitence. Mais le précepte dc la pénitence, selon le sentiment commun des théologiens, n’oblige pas le pécheur Λ sc convertir tout de suite. » Ibid., p. 471. Comment donc l’enfant I non baptisé, qui n’a encore que le péché originel sans aucune faute actuelle, serait-il obligé par ccs paroles des prophètes à sc tourner, convertere, vers Dieu, bien plus, à le faire tout dc suite, dès le premier instant dc l’usage dc la raison? On ne peut qu’approuver l’exé­ gèse de Médina et son raisonnement. — Médina est surtout préoccupé d’empêcher qu'on ne tire de ccttc théorie, comme plusieurs l’ont fait bien â tort, l’erreur si grave d’attribuer la Justification dc l'infidèle à un acte purement naturel et sans la foi. Cependant il ne goûte ni l’interprétation de Capréolus, qui veut que l’acte exigé par saint Thomas dans l’enfant arrivé ù l'âge de raison soit un acte surnaturel dc charité par­ faite, ni les arguments que les partisans dc Capréolus proposent en sa faveur; ct même il les réfute. Ibid., p. 471, 472. C’est en les réfutant, qu’il trouve l’occa­ sion dc compléter l'interprétation dc Cajétan sur la question capitale dc la justification dc l’enfant. Médina, expliquant (ad 2^) un principe que les parti­ sans dc Capréolus avaient mis en avant, le grand prin­ cipe du Facienti quod In se est, le développe ct Tap- I plique ainsi : < Si l’enfant, au premier instant de l’usage de la raison, délibère bien sur son salut (meme sans connaître explicitement Dieu ct le salut, ct comme Cajétan l’explique), Dieu lui donnera aussitôt une lumière surnaturelle ct Infuse de foi, par laquelle 11 connaîtra (pur révélation) cc premier principe de notre religion, l’existence d’un Dieu rémunérateur. Et ccttc Illumination ne sera pas miraculeuse, parce qu’elle appartient â la règle posée par la divine Providence, qui se doit ù elle-même dc ne laisser personne sans le remède suffisant, sans le secours nécessaire au salut. Si vous objectez que la connaissance de Dieu n’arrive aux hommes (aux infidèles, dont il s’agit surtout) qu’après un temps assez long ct dc longues recherches, Je l’accorde, si vous parlez de la connaissance acquise par les forces humaines; mais pas n’est besoin dc temps (ni dc recherches) pour la connaissance surna­ turelle où Dieu enseigne l’homme, car Dieu peut à l’instant enseigner ù tout homme la doctrine néces­ saire au salut. Ajoutons ce que disent dc doctes théo­ logiens, Durand, In IV, dist. IV, q. vu, le savant Victoria dans sa dissertation De veniente ad usurn ratio­ nis, et le sage Cano dans sa leçon De sacramentis : il n'est pas nécessaire que, l’enfant ayant bien délibéré sur lui-même. Dieu lui donne aussitôt celte lumière surnaturelle et le justifie par sa grâce ; mais c’est assez qu’il soit justifié bientôt après, ou même avec un certain retard, selon le gouvernement dc la divine pro­ vidence; dans cct intervalle, il pourra être convenable­ ment instruit des choses surnaturelles, ct les tenir par la fof. — Mais, dira un théologien, il pourra aussi dans cet intervalle pécher vénicllcment, cc que réprouve 1872 saint Thomas dans son article. — Il faut répondre qu’il appartient à la providence de Dieu dc le garder alors de tout péché véniel, de même qu’elle préservait Adam, avant sa chute mortelle, dc tout péché véniel, i comme nous l’avons expliqué (dans la même question de saint Thomas, n. 3). » Ibid., p. 472. Seconde proposition. — « Celui qui arrive à l'usage dc la raison est tenu dc sc tourner vers Dieu dc la manière qu'il peut selon la connaissance qu’il a. S’il connaît Dieu, cc Λ quoi l’éducation peut beaucoup servir, il est tenu d'avoir cct acte : je veux honorer Dieu, Je prends la résolution dc garder sa loi. S’il ne le connaît pas, il suffit qu’il sc décide à vi vrc suivant la dictée dc la droite raison, ainsi : je veux mener une vie honnête; je ne veux pas faire le mal; saint Thomas, en termes exprès, accepte que cela suffise pour com­ mencer, De verit., q. xiv, a. 11, ad 1. Ainsi expliquée, continue Médina, l’opinion dc saint Thomas sur l’enfant arrivé à l’âge de raison est vraisemblable, ct très probable. Voici des arguments qui en suggèrent la vraisemblance.—a.—Dès que la loi ct la foi au Christ sont suffisamment promulguées à quelqu’un, fl est tenu dc les recevoir par une ferme résolution comme celle-ci : je veux vivre sous sa loi ct lui rendre un culte, ct il ne peut pas remettre cette résolution à plus tard. Donc, pareillement, dès que la loi naturelle lui est promulguée, tout individu est tenu de la recevoir; or il ne la reçoit que par le ferme propos dc l'observer; il est donc tenu d’avoir ce propos. La parité semble claire : car la loi naturelle n'oblige pas moins que la loi chrétienne, étant également divine ; ct la promulgation s’en fait, quand l’on arrive aux années dc discrétion, quand l’on sait qu’il faut vivre conformément ù la droite raison, qu’il ne faut pas nuire nu prochain. — b. — C’est alors le moment urgent dc s'occuper de son salut, plus ou moins vaguement considéré suivant la connaissance que l’on a ; ct c'est une très grave négli­ gence, de ne pas alors disposer dc sa manière dc vivre, d’où dépend Je salut ou la perte ;ct comme alors on a tout de suite ù agir bien ou mal, il semble qu’il y aurait très grave négligence àne pas disposer avant tout dc Γensemble dc sa vie, de summa vite, > Ibid., p. 472. Médina tourne cette preuve dc diverses manières, ct enfin passe à un argument donné par saint Thomas, le seul qu'ait retenu Melchior Cano, comme nous avons vu.—c.—· ■ Si l’enfant n’était pas tenu aussitôt ù ce ferme propos, il pourrait arriver qu’avant dc l’avoiril fit un péché véniel (ou plusieurs); alors, s’il avait encore le péché originel, n'étant point baptisé, le péché véniel sc trouverait en lui avec le seul péché originel, cc qui semble un inconvénient (s’il venait à mourir en cct état), parce qu’il n’y a pas d’endroit pour punir cc péché véniel : ni les limbes, où l'on ne souffre pas, au moins de la peine du sens, ni le purgatoire. cjul est un acheminement à la gloire céleste (refusée au péché ori­ ginel), ni l’enfer des damnés, où ceux-là seuls sont punis qui sont en état dc péché mortel. » Ibid., p. 473. L’argument n’est pas péremptoire, Dieu pouvant, ou dans sa providence empêcher la mort en cet état, ou dans sa miséricorde pardonner cc péché véniel ct sa peine, ou même dans sa toute-puissance, trouver pour cette espèce très particulière dc pécheurs un autre Heu de punition qu’il n'a pas Jugé a propos dc nous révéler. — En finissant, Médina rappelle que les païens euxmêmes ont entrevu ccttc décision générale que l’on doit prendre en arrivant à l’âge dc raison, comme dans la fable d’Hercule enfant, ayant à choisir entre deux voies et deux invitations opposées, celle dc la Volupté et celle de la Vertu. i) Buffer. (t 1604). traite notre question ex pro/esso, ct l’ajoute en appendice dans les Scholastica commentaria in 11*» 11^ Angelici docloris, q. x, a. 1; édit, de Douai, 1615, p. 213. 11 énonce brièvement 1873 INFIDÈLES trois propositions générales ou conclusions : /'♦ con­ clusion, Sur ccttc théorie dc l’enfant, « on ne peut rien avoir dc certain, ni des saintes Écritures, ni des doc­ teurs. Quelque position que Γοη choisisse, on en voit découler des conséquences fâcheuses, inconvenientia, ct Γοη n peine ù résoudre les objections. » 2· con­ clusion, « Ceux qui arrivent à l’usage dc la raison ne sont pas tous tenus de se tourner vers Dieu explicite­ ment, distinctement et formellement... Bien moins encore est-on tenu par la raison naturelle de sc tourner alors vers Dieu de la manière surnaturelle qui est nécessaire pour la justification : car cela présuppo­ serait une connaissance de Dieu toute surnaturelle, que de fait tous n’ont pas aussitôt, quand ils arrivent à l’usage de leur raison m 3· conclusion. « Tout enfant venant à l’usage dc sa raison est tenu d’avoir un acte par lequel il sc tourne vers le bien moral pour le chercher selon la raison ; ct c’cst là sc tourner vers Dieu, soit implicitement soit explicitement connu. Ccttc conclusion est très probable, bien que cc soit une opinion particulière dc saint Thomas. » J bld,, p. 245. Battez, qui n’a pas insisté sur les deux premières conclusions, va prouver celle-ci assez longuement. « V* preuve. Si l’homme n’est pas obligé dc sc tour­ ner vers le bien honnête ù cct Instant, par la même raison il ne le sera jamais. Car le début de la vie est le moment le plus nécessaire pour cela, puisqu’aiors 11 y a le plus grand danger dc prendre une fausse direction ; et l'erreur qui au début semble petite, à la fin devient grande, selon l’adage. Quant à dire que l’homme n’est tenu de se tourner vers Dieu ou vers le' bien qu’une fois dans sa vie, c’est une absurdité. SI donc cet être raisonnable ne s'est point par avance fixé comme but de son existence le bien qui est sa fin dernière, nécessairement dans la suite dc sa vie rationnelle il ira d'égarement en égarement. » — 2· preuve. S’il n’avait pas ccttc obligation à cc moment, il pourrait arriver que l’homme mourût avec les péchés véniel ct originel seuls, ct il n’y aurait point d’endroit pour le punir, cc qui est un incon­ vénient, comme le remarque saint Thomas. — J· preuve. « Ce premier moment dc l'usage de la raison est celui de la promulgation dc la loi naturelle en général : il faut faire le bien selon la règle de la raison. Donc l’enfant est tenu d’accepter alors ccttc loi, ct dc se proposer de l’observer. Ccttc conséquence se prouve par la comparaison avec la promulgation dc la loi évangélique » (argument dc Médina). — « <· preuve enfin, qui est de saint Thomas, ct la meilleure de toutes. La première chose qui sc présente à celui qui vient à l’usage dc sa raison, c’cst dc penser à sol· même : car l’enfant sc connaît ct s’aime plus que les objets qui l’entourent, ct rapporte naturellement le reste Λ sol... Mais lui, ne doit-il se soumettre à per­ sonne? Par le libre arbitre, il se sent maître dc ses actions; mais ne doit-il pas les bien gouverner, ct particulièrement le premier de ses actes? N’cst-ce pas un grave désordre, s’il établit en lui-même sa fin dernière? si dans ccttc première action humaine, dont il sc sent le maître libre ct responsable, il ne recon­ naît pas de lin au-dessus de lui. averti qu’il est cependant par la voix de sa conscience. S’il ne suit pas ccttc règle de la conscience, il gouverne mal scs actes; Il est comme un usurpateur qui ne reconnaît pas l’empire d’un supérieur.. 11 sera déjà puni par le remords dc sa conscience, qui préside en lui à la place dc Dieu... Et quand même il ne connaîtrait pas dis­ tinctement l’existence de Dieu, c’cst assez pour lui Imposer l’obligation, qu’il connaisse évidemment en lui-même une certaine présidence dc la conscience, qui lui dicte d’agir scion la règle naturellement Inscrite dans son esprit... Dc même qu’il y a. parmi les citoyens d’un État, des gens simples qui ne connaissent 1874 pas le roi ct ne savent même pas qu’il y en a un, et qui pourtant sont tenus d’obéir au préfet de la ville, qu’ils savent par expérience présider à tous ceux de leur région, de même, arrivé à l’usage de la raison, l’enfant fait aussitôt l’expérience Intérieure du dictamen dc la conscience, qui lui ordonne avec un certain empire de vivre suivant cette règle. Et bien qu’il ne connaisse pas Dieu distinctement, il n’ignorc pas ccttc voix qui le représente au dedans dc lui. S’il sc soumet, c’cst Implicitement se tourner vers Dieu et le prendre pour fin. SI au contraire, par un acte positif dc mauvais amour de sol. Il cherche sa propre excellence en ne se soumettant pas au dictamen de la conscience, il pèche gravement, ct suivant la meilleure explication c’cst un péché d'orgueil, dans le genre de celui des anges révoltés. Si, malgré cc dictamen, il i suspend l’acte d’obéissance exigé, c’est un péché grave d'omission, qui peut selon mol sc ramener à l’orgueil, commencement dc tout péché. Si d’ailleurs c'est à cause d’un bien temporel particulier, qu’il omet de se tourner vers Dieu, son péché sera spécifié par le terme (plus ou moins mauvais) qu’il poursuit, mais toujours avec la circonstance (grave) du péché d'omission. » Ibid,, p. 245, 246. C’est ainsi que Battez résout hardi­ ment la difficulté capitale faite à l’explication de Cajétan, et que Médina n'avait pas ose aborder : « Pour pécher gravement, il faut d’abord connaître l’obligation, mais pour connaître l’obligation, Il faut d’abord connaître Dieu, ct Dieu législateur. > La pre­ mière de ccs propositions, niée depuis par les jansé­ nistes, est généralement reconnue par les théologiens catholiques : mais ils sont divisés sur la seconde; nous y reviendrons. Enfin notre auteur répond aux objections contre la théorie de saint Thomas. A la Jr· objection, d’ailleurs moins Importante. Buttez place une bonne explication : il note que. la raison humaine ayant besoin de temps pour délibérer, le primum Instans rationis a une cer­ taine latitude, ct peut s’entendre, ou du commence­ ment de la deliberation, ou dc son terme. Le « premier Instant du commencement c’cst quand devant l’idée dc son propre bien (ou bonheur) la volonté, qui n’est pas libre sur un tel objet, le désire naturellement par un acte où il n’y a ni mérite ni démérite, avant dc passer au choix des moyens pour y arriver; alors aussi Γintelligence adhère naturellement (nécessai­ rement) Λ un principe pratique très général (comme : 11 faut faire le bien) : c’cst la promulgation dc la loi naturelle, prise eu général; reste à la volonté d’y donner son libre consentement : c’est là-dessus que l’homme se met à délibérer. Le premier instant du terme, c’cst quand la délibération prend fin; si l’homme alors sc subordonne à cc dictamen general dc la conscience, il accomplit le précepte dc sc tourner vers Dieu, connu au moins implicitement, comme vers sa fin dernière; et alors il est censé facere quod in se est. Entre ccs deux instants, l’un qui Inaugure ct l’autre qui conclut la délibération, il s’écoule un temps plus ou moins court suivant la vitesse ou la lenteur de l’esprit; dc là vient également que les uns arrivent plus vite que les autres à Γ usage dc la raison. Par là on voit aussi l’importance dc l’éducation, même avant ce premier instant : bien qu’ils n’aient pas encore Γusage de la raison et de la liberté, les enfants sont déjà susceptibles dc recevoir dc leurs parents, par l'imagination, des Impressions ct des inclinations qui peuvent beaucoup servir ou nuire quand viendra la première deliberation et l’élection qui la termine, w Ibid,, p. 246. — La objection retourne de diverses manières cette Idée que l’igncrancc invincible de Dieu, où l’enfant sc trouvera sou­ vent à l’âge de raison, lui enlèvera alors toute possi­ bilité de pécher. Elle finit en ccs termes : « Celte con- 1875 INFIDÈLES sequence est bonne : pas de Dieu, donc pas de péché. Or cet enfant Ignore invinciblement s’il y a un Dieu, ou s’il n’y en a pas : donc il ignore invinciblement si Je péché existe ou non (ct partant, ne peut pas le com­ mettre). > Datiez traite cc raisonnement dc sophisme. < Dans toute h dialectique, dit-il, vous ne trouverez pas ccttc régie, que si l’antécédent est Invinciblement ignoré, le conséquent doit l’être aussi. » 11 renverse la prétendue règle par un exemple contraire : La terre (à tel moment) sc trouve interposée entre Je soleil ct la lune, donc il y a éclipse dc lune. Un paysan Ignore absolument l’antécédent; ct pourtant il n’ignore pas le conséquent, qui lui est manifeste par l’expérience. Dc même en notre cas : l’homme constate par expérience qu’il est lié par le didamen naturel dc la conscience, bien qu’il n’ait pas aussitôt la connais­ sance d’un Dieu législateur, qui est l’auteur de cette obligation et l’a Imprimée dans les âmes des hommes. » Ibid., p. 246. Bâtiez suppose cc fait, que la marche de la conna/ssancc humaine peut parfois être à Vinverse dc la genèse réelle des choses, sans nuire cependant à la vérité de la connaissance; chez nous l'ordre logique ne suit pas toujours l’ordre ontologique. — 3· objection : Un précepte affirmatif n’oblige pas pro semper, mais pour des actes espacés avec une certaine liberté. Pour­ quoi donc le vôtre oblige-t-il nécessairement à ce moment-là, ct si rigoureusement? Pourquoi l’enfant ne peut-il alors, sous peine dc péché mortel, exercer sa liberté sur une bonne action particulière qui sc pré­ sente à lui, ct lui semble même nécessaire?—Réponse. « Parce qu’il s’expose à un péril manifeste de s’égarer, s’il commence son voyage en délibérant sur lui-même sans la règle qu’il peut naturellement connaître. Et c’est le principal argument pour l’opinion de saint Tho­ mas. > Ibid. L’objection est-elle pleinement résolue? L’enfant ne pourrait-il connaître ct appliquer la règle de sa conscience d’abord à une action particulière, puis à une autre, etc.? Sans doute, l’adhésion uni­ verselle ct réfléchie A la règle, ct qui porterait sur lout l'avenir dés le premier usage dc la liberté, aurait de grands avantages; mais c’est un acte bien difficile pour un enfant, ct plus à la portée d’un philosophe : com­ ment peut-on garantir que tout enfant aura infailli­ blement ccttc pensée, et n’est-ce pas bien rigoureux de dire que, s’il ne donne pas à la règle des mœurs cette adhésion spécialement difficile, il pèche mortellement? SI les documents positifs de la révélation disaient que tout enfant a vraiment cette obligation, et la connaît, alors on serait autorisé à supposer une lumière spéciale dc Dieu pour la lui faire connaître ; mais les documents se taisent là-dessus, comme l’admettent les thomistes eux-mêmes.— l* objection. Elle part des principes que Datiez venait d’établir avec saint Thomas, dans l’article auquel il a adjoint comme appendice la discussion de la théorie de l’enfant, ct les tourne contre lui. < SI nous parlons dc la foi en tant que nécessaire à la justification, avait-il dit, beaucoup d’infidèles sont excusés du péché d’infidélité. Dieu, en effet, n’oblige personne à l’impossible. Or 11 est impossible que l’homme connaisse par la lumière naturelle qu’il est enfant de colère à cause du péché originel, et que Dieu a résolu dc justifier le pécheur. Ce sont là des choses que l’on tient par la foi seule. Avant donc que ccs ventes aient été révélées surnaturellemcnt à l’homme et présentées, soit par un prédicateur tel qu’il le faut, tandis que la grâce au dedans aide surnaturellemcnt l’auditeur, soit par Dieu lui-même manifestant inté­ rieurement les vérités nécessaires à la justification (révélation immédiate), jamais l’homme ne commet­ tra le pèche d’infidélité : il en sera excusé par l’igno­ j rance Invincible dc la révélation. » In Z/*» II®, q x, a. 1, dub. t, 2* conclus., p. 212. Partant de ces principes minus, l’adversaire de la théorie dc l’enfant 1876 pose ce dilemme : « Le précepte do se tourner vers Dieu à l’âge de raison, que vous affirmez, est un précepte ou surnaturel (c’est-à-dire le précepte de hi Jol ct des autres vertus théologales), ou naturel. Surnaturel? Un tel précepte n’est pas connu ordinairement dès l’âge dc raison; ct si, avec Cnpréolus, on soutient qu’il l’est toujours, tout enfant qui y manquerait commet­ trait dès lors le péché mortel d’infidélité, en ne sc tournant pas vers Dieu par des actes de foi, d’espé­ rance ct de charité, il n’y aurait donc point d’infidèles négatifs, excusés par l’ignorance Invincible, cc qui serait contre les principes dc saint Thomas. En ferezvous un précepte naturel? Un précepte naturel ne peut s’étendre à ce qui est Impossible à faire par les forces dc la nature. Or dans notre état actuel de nature corrompue, nui ne peut par les forces de la nature se tourner efficacement vers Dieu, c’est-à-dire prendre, comme vous le voulez, une résolution géné­ rale ct sérieuse d’accomplir la loi naturelle pendant toute une longue vie, cct objet étant au-dessus des forces dc la nature : autrement il faudrait dire que l’homme par les forces de la nature peut accomplir toute la loi naturelle, ce qui est pélagicn. » lbid.9 dub. 2 p. 214. — Réponse de Bâtiez : « Tout homme est tenu dc se tourner vers Dieu, ct par un précepte naturel, et par un précepte surnaturel : avec ccttc différence, que personne n’est excusé du précepte naturel, parce qu’il lui est naturellement intimé... dès l’usage dc la raison; tandis que celui ù qui le précepte surnaturel n’a pas été promulgué en est excusé, ct donc ne pèche pas contre la foi, l’espérance ct la charité. Le précepte naturel ne s’étend pas à cc qui est absolument impos­ sible aux forces de la nature, c’est vrai; mais un homme dans l’état de nature corrompue, surtout s’il ignore sa faiblesse, peut désirer vivre suivant la droite raison toute sa vie, ct en prendre la résolution. Cc désir et cette résolution seront inefficaces; car sans le secours divin l’homme ne tiendra pas toute sa vie ni très longtemps sur toute la ligne du bien moral. Mais si dans cette première délibération il a fait vraiment cc qui était en lui, c’est une pieuse croyance qu’il sera illuminé ct justifié par la grâce dc Dieu; ainsi paraît l’enseigner saint Thomas, I* II®, q. lxxxix, a. G. i S’il s’agit dc l’illuminer aussitôt par une révélation immédiate, suivie dc la justification sans retard, ce n’est en effet qu’une < pieuse croyance > : Dieu est libre dc différer, comme l’admet Médina ct plus Lard Suarez. Voir col. 1871 et I860. Remarques. -a.— On aura noté que Bâtiez exige, j our la justification, la connaissance de la révélation et qu’il ne saurait sc contenter, comme plus tard Ripalda, dc la « foi large ». Dc là ccttc conclusion qu’il développe très bien dans un autre article : « La con­ naissance naturelle de Dieu n’a jamais été la jol impli­ cite en un mystère, par exemple en Dieu justificateur ct rémunérateur... La fol implicite ct la foi explicite, dans le vrai sens de ccs expressions, ne diffèrent pas spécifiquement,l’obfet en est le même, plus ou moins enveloppé. Au contraire, la connaissance naturelle de Dieu est d’un autre ordre que la connaissance surna­ turelle dc la foi ; celle-ci ne peut donc y être contenue Implicitement, pas plus que l’homme dans la graine d’une plante... On objecte : SI l’on sait naturellement que Dieu existe, et qu’il a une providence, on a impli­ citement, dans l’idée naturelle dc son existence, toute! ses perfections nécessaires et éternelles (y compris la Trinité) ct dans l’idée de sa providence, tout cc que Dieu a de fait disposé dans le temps pour conduire l’homme à la béatitude, (y compris l’incarnation, la grâce, la vision béatifique). C’est donc la foi Implicite aux mystères eux-mêmes. » Bâtiez répond que, si dès maintenant nous connaissions Dieu slcutl est, 1 Joan., m, 2. notre connaissance de Dieu embrasserait tout 1877 I } i INFIDÈLES cdn; mais notre connaissance, telle que nous l'avons naturellement en celte vie, n’atteint des perfections divines et des dispositions de la providence que ce que nous pouvons tin r du spectacle du monde créé. Et H ajoute : · Saint Thomas, II* II*, q. 1, n. 7, ne dit pas que tout cc qui est en Dieu est implicitement dans notre connaissance naturelle de son existe ncc ct de sa provi­ dence; il dit que tous les articles de fol sont contenus Implicitement in primis credibilibus, Ilcbr., xi, C, c’est-à-dire dans les deux principaux articles indiqués par saint Paul comme nécessaires à la justification, * Comment, in 1 lm II*, q. n, a. 8, dub. 2, 1* conclus., p. 191, 192. b —AinsiBafteznous met sagement en garde contre l’abus de cette formule : < Ceci est contenu implici­ tement dans cela. » Malheur· usement il n’a pas évité le même écueil dans l’explication qu’il donne, après Cajétan, dc la difficile théorie dc saint Thomas sur l'enfant arrivé à l’âge dc raison. Et lui qui a pris soin d'affirmer, comme nous l’avons vm, que < Dieu n’oblige personne à l’impossible, » que · i’ignorancc invincible excuse l’infidèle du précepte divin qu’il ignore >, le voilà qui accuse l’être le plus excusable du monde, un enfant élevé parmi les infidèles dans l’ignorance dc Dieu, qui l’accuse, dis-je, d’un péché mortel formel, c’est-à-dire d’un libre outrage fait en pleine connais­ sance de cause à l’autorité du divin Législateur, sous prétexte qu'entendant pour la première fois la voix dc sa conscience, « il atteint implicitement Dieu lui-même» ct que omettre d’accomplir le précepte dc sc tourner alors vers le bien moral comme règle de toute sa vie équivaut à un mépris complet dc l’autorité de Dieu, à une révolte, à un outrage digne de l’enfer. N*cst-cc pas là jouer sur le mot « implicitement » qui a deux sens très divers? Voici un adulte ayant acquis déjà la connaissance distincte dc Dieu souverain Légis­ lateur, et du péché mortel qui l’outrage : mis soudain en face d'un péché mortel à commettre, il sc souvient rapidement, et par là même un peu confusément, de Dieu qu’il va offenser; on pourra dire en un sens qu’en lui la pensée de Dieu est alors implicite, à cause de son mode subjectivement confus; cl l’on soutiendra avec raison qu’un tri regard implicite jeté sur Dieu peut suffire à faire commettre un péché mortel. Mais c’est dans un autre sens que l’on dit de l’enfant dont nous venons de parler, qu’il atteint Dieu implicitement, et sa situation d’esprit est toute autre. Théoriquement il pourrait, en parlant de cc qu’il volt avec l'usage dc sa raison, découvrir le souverain Législateur ct la malice du péché mortel : mais en pratique, c’est pour lui une longue chaîne de raisonnements difficiles, qui lui demande du temps. 11 n’est donc pas, comme cet homme, dans Varie dc saisir rapidement ct confusé­ ment des choses dont il a la connaissance habituelle : il est seulement en puissance de découvrir dc grandes ct terribles vérités; et il n’a pas même cette puissance prochaine de connaître Dieu Législateur, ct la malice du péché mortel, qu'a un homme qui les connaît expli­ citement, et qui est, pour le moment, endormi. Tout considéré, force nous est donc de revenir à l’idée dc Médina, qu’un certain délai est souvent nécessaire à l’enfant pour arriver à celle connaissance explicite de Dieu, qui le rende capable de péché mortel. c. — En supposant au fait dc l’obligation une évidence immédiate, ct en partant dc là pour prouver l’existence dc Dieu Législateur, voir col. 1874, Battez est le pré­ curseur dc ces auteurs catholiques dc nos jours qui ont admis la valeur de « l’argument moral » pour prouver l’existence de Dieu. Voir Dieu, son existence, t. iv, col. 917 ; où sont cités, parmi ccs auteurs, Mgr d'I lulst, l’abbé de Broglie, le P. Sertillanges, O. P., les PP. Schiffini ct Hontheim, S. J. — D’autres cependant goûtent peu cct argument, pour d’assez bonnes raisons. Psy­ 1878 · chologiquement, comment l’obligation peut-elle être atteinte par la raison humaine avec « évidence a ct c Immédiatement »? qu’est-cc que cette « expé­ rience » d'une chose parc die? Moralement, comment peut-on être obligé, absolument obligé, et sous peine de péché mortel, avant dc savoir ou même de soupçonner qu'il y a un souverain Législateur ct que cette règle intérieure vient dc lui ct que notre conscience est son « vicaire > comme dit Battez? La difficulté augmente quand il s’agit d'un enfant arrivé à l’usage de sa raison ; et le raisonnement abstrait qu’on lui suppose facile conviendrait beaucoup plus à un philosophe qu'à un enfant, surtout s’il n’est pas aidé par l’éducation, ce qui est un cas fréquent, ct même ordinaire chez les infideles. — Depuis que nous écrivions ces lignes, le cardinal Billot a donné une réfutation dc » l’argu­ ment moral > qui semble convaincante. Études, 5 sept· 1922, p. 523 à 531, g) Les dominicains des siècles suivants. — Naturel­ lement ils ne s’écartent guère de l'un ou l’autre de ces grands ancêtres dans les explications qu’ils donnent de la théorie dc l’cnfanL Citons quelques noms princi­ paux. a. Jean dc Saint-Thomas (f 1641) affirme avant tout l’absolue nécessité dc moyen, pour la justification de l'adulte, d'un acte de fol stricte ct complètement sur­ naturelle. Cursus theologicus, De fide, disp. IV, a. 1, η. 1 ; édit. Vivès, 1886, t. vu, p. 91. — L'objet de cet acte doit être déterminé ct explicite, au moins celui qui est indiqué par l'apôtre, Hcbr., xi, 6. Ibid., n. 4, p. 92. Depuis la Nouvelle Loi, il est très probable qu’en outre » la /ol explicite au Christ est d’absolue nécessité dc moyen. Il reste néanmoins probable qu’en des cas exceptionnels elle peut être remplacée par V implicite; » sage concession faite à cause des objections difficiles que notre auteur va s’efforcer de résoudre. Ibid., n. 10, p. 95, et n. 15, p. 97. Une de ces objections est tirée dc la théorie dc l’enfant : comment peut-il en un seul instant connaître tant d'articles dc fol et leur donner son assentiment? Dieu n’a pas promis dc Paidcr d'une façon qui dépasse le mode dc l'intelligence humaine. Ibid., n. 17, p. 98.— Réponse. «L'enfant perçoit successivement les articles de foi. mode qui convient à la nature discursive de notre pensée; c’est pourquoi les thomistes donnent à cc premier usage dc la raison un commencement ct un terme, séparés par un temps intermédiaire. Au commencement, le précepte dc se tourner vers Dieu n'oblige pas encore, mais seulement commence à se manifester. Au terme, il oblige; mais alors déjà l'enfant a pu être suffisamment Instruit de quelques articles de foi, grâce à Dieu. » Ibid., n. 22, p. 99. S’il s’agit d'un enfant élevé dans un milieu chrétien, on conçoit plus facilement l'instruction que la Providence peut lui ménager en temps opportun, entre l’instant du commencement ct celui du terme. Mais l’auteur prétend répondre ici pour fous les enfants, meme élevés panni les sauvages infidèles, cl au moment dc l'usage complet dc la raison il veut les amener tous à la possi­ bilité pratique dc la justification, laquelle d’après scs principes présuppose l’acte dc fol stricte (ct l'acte de charité parfaite, là où manque le baptême) : il doit donc supposer qu’une révélation immédiate leur est faite, cc qui n'est pas le mode propre dc la raison humaine pour acquérir l'instruction. Mais dans sa trop courte réponse il ne s'explique pas là-dcssus, ct ajoute : < Entre ccs deux Instants, l'initial et le final, le poché véniel peut-il coexister avec le seul originel, c’est une autre controverse, distincte dc la première. Pour la résoudre nous dirons : si la diversion que fait l’enfant vers un pêché, véniel en lui-même, porte avec clic le danger dc le distraire dc la fin dernière qui lui est alors proposée ct vers laquelle il est obligé de se 1S79 INFIDÈLES tourner, cc péché, Λ raison du danger adjoint, devien­ dra mortel, au moins pour l’instant final, où il l'em­ pêche de so tourner vers Dieu ; auparavant, l’usage dc la raison n’étant pas encore consommé, le péché ne le sera pas non plus. Si cc péché n’ofTrc pas ce danger, il pourra avoir lieu comme péché véniel h l’inst ant final, mais alors il sc trouvera en compagnie ou dc la grâce sanctifiante, ou d’un péché mortel (par lequel l’enfant refuserait la foi, ou la charité Justifiante), tandis qu’auparavant cc n’est pas un péché véniel consommé (formel), parce que l’usage dc la raison n’est pas assez achevé pour cela. > Ibid., n. 22, p. 99, 100, L'cxplicatlon dc Jean de Saint-Thomas résumé nettement cellede Cajétan et dc Battez. b. Gonct (f 1681) attaque sans les nommer certains thomistes,lesquels ont concédé qu’une suppléance en certains cas (per accidens) à la foi explicite au Christ est < probable >. Ainsi donc, s'écrie-t-il, cet objet dc fol ne serait pas plus nécessaire < que le sacrement de baptême pour les adultes ou celui de pénitence, il serait nécessaire seulement in re vel in voto? > Il vise Battez, et Jean dc Saint-Thomas que nous avons cités. Clypeus theol. thomisticrr, tr. De virt. theol., disp.VI, o. 5, n. 88; édit. Vivès, 1876, t. v, p. 273, 274. Il ne s’accorde pas d’ailleurs avec lui-même, car auparavant, parlant de l’opinion dc Battez qui au besoin se con­ tente des deux articles énumérés. Hebr., xi, 6, Gonet la trouve < assez probable » ; De vitiis et peccatis, disp. IX, a. 8, n. 225; t. xv, p. 444; c’est l’endroit où 11 traite la théorie de Ven/ant. On peut y faire quelques remarques Intéressantes : a) Les références que donne Gonct sur les théologiens anciens ct modernes qui ont traité dc ccttc théorie, c’est aux Salmanticenses qu'il les emprunte, ct c’est à eux qu’il renvoie, n. 178, p. 131. Les carmes de Salamanque ont fait le dépouillement des auteurs pour ct contre; ct en général ils ont mis dans leur cours de théologie une ampleur de docu­ mentation, ct un zèle à défendre saint Thomas, qui leur ont conquis une grande influence sur les domini­ cains eux-mêmes, «4 partir dc Gonet. — β) Celui-ci est le premier dans son ordre qui sc soit écarté du juge­ ment modéré que les anciens dominicains portaient sur cette théorie particulière de saint Thomas, depuis Capréolus jusqu’à Battez inclusivement, comme nous l’avons montré. Écoutons Gonct : < Le saint docteur parle si clair ct si ferme, ct inculque si souvent ccttc opinion, que d’après mol ct à bon droit celui qui s’en sera écarté doit être rayé du nombre des thomistes. » Ibid., n. 178. Ceci est un autre emprunt aux Salmanti­ censes, en propres termes, Dc vitiis ct pec., disp. XX, η. 1 ; édit. Palmé, 1877, t. vm, p. 490. —γ) En expli­ quant cette théorie de saint Thomas, Gonet suit plutôt Cajétan qu’il cite, et dont il donne l'explication comme étant « commune chez les thomistes a ct Médina qu’il ne cite pas, d’où lui viennent quelques arguments, sans parler des détails littéraires sur Hercule enfant et sur Pythagorc; il ne lui emprunte pas, malheureu­ sement, sa juste critique dc la preuve scripturaire par le Convertimini ad me, et persiste à invoquer cc texte. Voir col. 1871.— 8) Il ajoute à scs prédécesseurs, une citation dc Tamburini S. J. (t 1675), In Decalo­ gum, L II, c. iti, § 2, η. 1. Là cet auteur dc théologie morale recense les divers moments dc la vie où, suivant les divers théologiens, l'acte de charité parfaite semble absolument nécessaire. Gonet parcourt ces différentes opinions, ct conclut, avec des preuves tirées de Battez, que le début dc la vie morale est encore le moment où cet acte est le plus impérieusement réclamé. C’est un bon argument pour la théorie dc saint Thomas. Clypeas, (bid.,n. 185,188sq.,p. 433-136. — c) Pour Unir, Il traite plus brièvement le célèbre corollaire de cette théorie, à savoir, qu'il est impossible dc rencontrer le péché véniel avec le seul originel. 11 montre ccttc imposai- 1880 bilité avecCajétan ct Battez, résumés par Jean dc SaintThomas que nous avons cité. Enfin, répondant aux objections : « J’ajoute avec les Salmanticenses, dlt-11 que dans cet Instant moral, (ct non mathématique, parco qu’il dure uncertain temps) l’auteur de la nature, par un dlc(amen spécial qu’il produit alors dans l’intellect dc l’enfant, lui intime l’obligation d'nccomplirun tel pré­ cepte, ct par ccttc connaissance le presse de délibérer aussitôt sur lui-même ct dc sc tourner vers sa fln. Cccl supposé, l’enfant ne peut aucunement, ou du moins ne peut qu’en y mettant une mauvaise volonté qui le rend gravement responsable, tourner le dos à ccttc Intimation pour s’occuper d’autre chose. Donc toute diversion vers un mensonge, ou un autre acte véniel en soi qui retarderait celte délibération, ne serait pas condamnée seulement comme péché véniel, ainsi qu’il arrive à une faute dc surprise ou dont l’advcrtancc est incomplète; mais, à cause de sa pleine déter­ mination, une telle désobéissance serait imputée comme mortelle. » Ibid., n. 221, p. 443. Les Salmanti­ censes sont un peu moins précis, Dc vit Us ct pecc., disp. XX, n. 61, p. 516. Gonet réfute bien l’objection et renforce la thèse, si par cc < dictamen spécial » qui n’est donc pas la voix ordinaire de la conscience, Il entend une grâce dc Dieu préternaturelle et quasi miraculeuse, à supposer non pas dans tous les cas, mais au moins dans certaines circonstances plus diffi­ ciles. Seulement il ne s’explique pas là-dessus. c. Billuart (f 1757), bien que disciple dc Gonct, sait garder son indépendance : par exemple dans la ques­ tion où nous avons réfuté le rigorisme de Gonct. \’olr 2· syst., 4·, col. 1838. Là, Billuart soutient contre lui, avec les « très doctes Salmanticenses » cL beaucoup dc dominicains célèbres < auxquels ont souscrit récem­ ment Goudin et Bancel, » que Dieu en vertu dc sa volonté salviflque < non seulement préparc en général mais encore confère en particulier à tous et à chacun des hommes ayant une vie morale des secours suflisants pour leur salut, en sorte que, s’ils n’arrivent pas à la foi ou à la pénitence, la faute n’en est pas à Dieu mais à l’homme... > Cursus theol., tr. De Dca, diss. vu, a. S, § 2, Paris, 1827, t. u, p. 95. D’après Billuart, la prétention dc Gonet, que dans son système tous les hommes gardent un véritable pouvoir dc sc sauver, < est contraire à la raison ct au sens commun > ct cc que Gonet dit contre les jansénistes le réfute lui-même et montre son incohérence. Ibid., p. 103, 101. Sur la théorie dc l’enfant, Billuart définit ainsi les termes : • Par usage de la raison nous entendons un usage non pas quelconque de cet le faculté, mais plein ct par/ail, qui suffise à délibérer sur des choses graves, à choisir entre le bien ct le mal moral, à se constituer une fin dernière dc la vie, etc. Cet usage parfait dc la raison ne s’acquiert pas d’un coup, mais successive­ ment, au témoignage de l’expérience. La raison, d’abord toute plongée dans la chair ct les sens, émerge peu à peu; combien de temps faut-il pour ccttc évo­ lution, une semaine, un mois, un an ou davantage, on ne saurait le dire avec certitude; vous trouverez des enfants dc cinq ans, ou de six, ayant quelque chose de l’usago dc la raison, mais vous hésiterez à en recon­ naître l’usage par/ait avant sept ou huit ans; il arrive plus vite à ceux dont les organes ct l’imagination sont mieux disposés par la nature ou l’éducation. Cc que dit le docteur angélique n’a donc rien d’étonnant ni de dur. Quoi d’étonnant à ce qu’un enfant... après un usage impar/ait dc la raison peut-être assez long, pen­ dant lequel il a déjà pu connaître imparfaitement Dieu ou (tout au moins) le bien de la vertu, arrive enfin à un I’ plein usage où il soit tenu d’aimer Dieu ou ce then, ct dc le prendre pour fin dernière? » Ibid., tr. De peccatis, diss. VIII. a. 7, § 1 ;t. vm,p. 379. Billuart ajoute avec iι Cajétan et Battez, que \9 instant où l’enfant arrive à cc 1881 inf i υ Files plein usage n’est pas physique mais moral, comprenant plusieurs instants physiques, malgré sa brièveté; ct que l’on distingue deux manières dc · sc tourner vers Dieu, > Y explicite ct V implicite, suivant que l’on se tourne vers Dieu distinctement, ou vers le bien hon­ nête. — Tout cela supposé, l’auteur établit sa thèse : • L’homme, au premier instant moral dc l’usage par­ iait do sa raison, est tenu sous peine dc péché mortel de sc tourner vers Dieu, explicitement ou Implicite­ ment selon l’état dc sa connaissance actuelle, ct selon le discernement dont cet âge est capable. » Ibid., p.380. Ses preuves résument brièvement celles que nous avons trouvées chez Cajétan, Medina, Battez et Gonct. — Dans la réfutation des objections, Billuart invoque notamment cc principe, que l’enfant, au moment où Dieu pour la première fois lui propose pratiquement par l’intermédiaire dc sa conscience la loi naturelle avec l’obligation dc la reconnaître ct dc la choisir, ne peut ignorer invinciblement cette obligation, vu surtout que les passions ne troublent pas encore son jugement ni sa volonté. S’il laisse passer par sa faute ce moment solennel où Dieu lui intime la loi naturelle, il faudra plus tard y revenir par des raisonnements souvent obscurcis par les passions ct les doutes; aussi, parmi les savants eux-mêmes, il en est qui nient ou ignorent le précepte que ne peut ignorer cet enfant, le précepte dont parle saint Thomas. La vertu Infuse dc charité aide aussi, en telle occurrence, les enfants baptisés; il est donc très faux dc dire qu’il en est à peine quelquesuns qui puissent faire ce que nous disons, ct que nous condamnons presque tous les enfants baptisés à perdre la grâce baptismale quand ils arrivent à l’usage de la raison. — Quant aux infidèles, ils reçoivent tous à cet instant un secours suffisant dc la grâce actuelle. Dc la nature dc cc secours on tirait une objection que Gonct avait trouvée très difficile ct longuement tâché dc résoudre, sans succès; la voici : < Cc secours, donné d’après vous aux Infidèles, sera ou naturel ou surna­ turel. Dire qu’il est naturel, c’est dire que l’homme par les seuls éléments naturels peut sc préparer à la foi ct à la grâce, cc qui est l’erreur de Pelage. Dire qu’il est surnaturel, c’est supposer que ces « infidèles » ont la foi (contradiction dans les termes), car avant l’acte dc foi, il n’y a rien dc surnaturel dans l’adulte, d’après saint Augustin, etc., voir col. 1788; ce serait dire aussi qu’aucun infidèle n’a l’ignorance invincible de la révé­ lation, ct par suite, qu’il n’existe pas d’infidèles néga­ tifs, cc qui est faux. Dc toute manière donc, cc secours vous accule à une erreur. » — Réponse dc Billuart : • On peut dire l’un ou l’autre. On peut dire que ce secours est naturel par son entité, mais en même temps surnaturel quoad modum, obtenu par les mérites du Christ qui sont au-dessus des exigences de la nature, ct surtout de la nature déchue : donc cc n’est point par le seul mouvement de son libre arbitre sans aucune grâce du Christ, que l’homme peut se disposer à la grûcc. On peut dire aussi qu’il est surnaturel par son entité (entltalivc, ou quoad substantiam) sans qu’il suive de là qu’il n’y ait point d’infidèles négatifs.... *Ibld., object., 2, p. 383. Billuart renvoie ensuite Λ un autre traité où il dit plus amplement la même chose, cl que cc sont lù deux opinions de théologiens sur la nature dc cc secours, les deux plus probables. Pour nous la première, avec le secours surnaturel quoad modum, ne fait pas de réelle difficulté, voir col. 1789 sq. L’autre n’est pas sans inconvénients; voici comment Billuart s’efforce de la soutenir : « L’infidèle, avec un tel secours demeure un infidèle négatif, parce que, malgré ccttc Illumination surnaturelle sur les premiers objets dc foi, à savoir l’existence dc Dieu ct sa providence géné­ rale du salut des hommes, Hebr., xi, 6, il peut garder l’ignorance invincible tant dc la révélation des autres articles dc fol (par exemple, sur le Christ) que dc 1882 l’obligation dc les croire ; soit qu’fis ne lui aient pas été du tout proposés explicitement comme révélés, soient qu’ils l'aient été avec une certaine crédibilité, mais insuffisante pour que l’homme soit tenu d’y donner aussitôt son assentiment. » En somme Billuart s’en tire en supposant l’absolue nécessité dc la fol explicite au Christ pour la Justification : cela supposé, l’infidèle qui manque dc cette foi ne peut être justifié, et demeure un Infidèle négatif parce qu’il ignore sans faute de sa part, Invinciblement, l’obligation de croire cet objet, qui serait pourtant absolument requis pour la justification. « Dans les deux opinions, conclut Bil­ luart, supposé que l’infidèle consente à ce premier secours, Il sera justifié ou bien aussitôt, si Dieu veut par une révélation intérieure l’instruire alors explici­ tement dc cc qu’il est nécessaire de croire, e* lui donne une grâce efficace de conversion parfaite..., ou plu· tard, selon qu’il plaira à Dieu dc pourvoir à tel ou tel moment cet homme des grâces qui lui manquent... SI vous objectez que dans le second cas l’infidèle peut mourir, ou pécher, avant d’être purifié de la tache ori gincllc, on répondra qu’ayant satisfait au précepte de se tourner vers Dieu, Il appartient à la divine provi­ dence de le préserver dc ces inconvénients et d’achever l’œuvre commencée, non pas À cause d’un mérite ou d’une connexion essentielle entre la coopération au premier secours ct la foi ct la grâce sanctifiante, mais en vertu dc la promesse faite, qu’à celui qui fait son possible par les forces de la grâce première Dieu ne refusera pas la grâce ultérieure. · De Deo, diss. VII, a. 8, object. 5 de infidelibus, insL 2; t. n, p. 124, 125. Mais le point faible de la seconde des réponses approu­ vées par Billuart, c’est l’exigence absolue, et sens exception possible, dc la fol explicite au Christ. A l’encontre, nous avons cité Battez, Jean de SaintThomas, ct Gonet lui-même par endroits. Le P. Hugueny va plus loin encore : « Après Battez et Soto, dit-il, les théologiens de Salamanque, tout en main­ tenant en principe la nécessité dc la foi aux mystères (Incarnation, Trinité) comme nécessité de moyen# l’entendent d’une nécessité qui souffre des exceptions. C’est lù, croyons-nous, une vérité qu’il faut tenir pour indispensable, à la solution du problème relatif au premier acte moral (dc l’enfant). » Demie thomiste, ’ t. xiii, p. 514. Et plus loin:·La foi explicite auChrist, nécessaire de nécessité de moyen, ne l’est pas telle­ ment que le salut soit impossible sans elle... à ceux que la prédication évangélique n’atteint pas. Cette opi­ nion, commune aujourd’hui, n’est pas nouvelle, puisque la théologie de Salamanque cite déjà nombre de théologiens qui l’avaient professée à ccttc époque. » Ibid., p. 662. Cf. Salmanticenses, t. xi,Dc fide, disp.VI, n. 77, p. 328. Us citent entre autres Suarez, qui traite à fond cette question, surtout dans le De fide, disp. X11, sect, iv, n. 10 sq., édit. Vivès, t. xn, p. 353 sq.; ct Lugo, remarquable aussi. De fide, disp. XII, n. 91 sq., édit. Vivès, 1.1, p. 521 sq. — Quant â cette partie de la théorie de saint Thomas, que « le pêché véniel ne peut coexister avec le seul originel », Billuart, à l’imi­ tation dc Gonct et autres, la traite ù la fin ct briève­ ment, ct même avec un moindre degré d’affirmation que cc qui précède. · Il est probable, dit-ll, que le péché véniel ne peut sc trouver en quelqu’un avec le seul originel. » 11 concède que les objections contre ce point paraissent embarrassantes de prime abord, et dans sa dernière solution promet, sans certitude, que la Providence, en tel cas difficile où l’instruction ne peut venir assez tôt, préservera l’enfant du péché véniel. Dc peccatis, diss. VIII, a. 7, § 2, p. 387. Le P. Hugueny dit avec raison dc ccttc préservation du péché véniel : « Supposition arbitraire, imaginée pour le besoin dc la cause. » Revue thomiste, t. xm, p. 656. d. Le P Hugueny, plusieurs fois cité déjà, donne un 1883 INFIDÈLES Intéressant tableau du développement Intellectuel ct moral de l’enfant en général, d’après saint Thomas, et aussi d’après quelques psychologues modernes. Revue thomiste* t- xih» P· 509 sq., puis 11 applique le mime genre d’étude à l’enfant qui reçoit une bonne éducation chrétienne. Ibid., p. 646 sq. Nous ne nous arrêterons pas à cc cas, le plus facile de tous, ni même au cas des hérétiques, ct autres semblables, qui peuvent transmettre à leurs enfants les vérités d’absolue nécessité de moyen avec assez d’exactitude pour que ceux-ci puissent, dc bonne foi, faire sur cette révélation à eux transmise un acte dc fol stricte ct surnaturelle, et arriver à la justification soit par le baptême soit par l’acte dc charité· Ibid., p. 657 sq. Nous nous bornons à la question où la théorie du docteur angélique présente le plus dc difficulté, celle dc l'enfant qui ne reçoit aucune éducation tant soit peu chrétienne, ct n’est pas baptisé. Le P, Ilugucny n’hésite pas : « Il faut dire avec saint Thomas que tout Infidèle peut poser au premier Instant dc sa vie morale, avec un acte dc fol, un acte dc vraie charité qui le justifie Immédiatement » Ibid., p. 656. Phrase éton­ nante! Cc n’est plus seulement Billuart qui est rejeté (comme déjà p. 513), c’cst en réalité Cajétan lui-même, qui donne la < conversion vers le bien honnête » comme suffisant A observer le précepte dont parle saint Tho­ mas pour le premier Instant de la vie morale, mais non pas à « Justifier » l'infidèle; Cajétan, qui demande bien du temps pour que l’infidèle puisse dc là par­ venir à la foi, à la charité, à la justification. Voir col 1867. Avec Cajétan c’cst d’autres qu’on parait abandonner : Cano, Médina, Baftez, et autres grands chefs thomistes qui dépendent dc Cajétan et qui réfutent Capréolus, auquel le P. Hugueny, sans le dire, semble revenir. — A part cette phrase dite en passant, que l’on aurait tort peut-être de trop presser, nous souscrivons volontiers aux explications données par cet auteur sur le cas difficile dc l’infldêlc. Que le païen puisse arriver par la conscience ct la raison natu­ relle à connaître non seulement l’honnêteté dc certains actes, mais encore l’obligation de les accomplir Imposée par la volonté souveraine dc la divinité « dont Il peut tout ignorer saut l’autorité juste ct bonne » — que l’on puisse ou doive dire qu’avant cette connais­ sance du péché théolog que < il n’y a pas vraiment usage de la raison > c’est-à-dire l’usage que nous entendons, parfait ct suffisant A la « vie morale * Ibid., p. 525,526, nous l’avons tout à l’heure expliqué nous-même à propos de Baficz. Que les païens puissent assez facilement acquérir une connaissance dc Dieu plus complHe, comprenant par exemple l’unité divine • - soit écho d’une révélation primitive, soit puissance de la raison à l’entrevoir, même quand elle ne la démontre pas — les Pères l’ont affirmé. Voir Dieu, t. xv, col. 879, 880. Le P. Ilugucny, après avoir cité parmi eux Tertullicn disant aux nalcns que < l’ûmc humaine est naturellement chrétienne ·· c’est-à-dire monothéiste, fait d'ailleurs observer que cc concept plus ou moins parfait, auquel peut arriver l’infidèle, n’est pas exigé dès le début dc sa vie morale : < Cette affirmation d’un pouvoir divin unique ct souverain.., dit-11, bien que sc retrouvant dans les traditions reli­ gieuses dc tous les peuples ct si naturelle à l’homme, ne s’impose pas à lu raison qui s’éveille ct encore moins ù la volonté qu'elle doit régir. * 11 continue en donnant une explication plus claire que beaucoup d’autres sur le point difficile dc la question : < La première intima­ tion dc l’obligation morale apparaît chez l’infidèle en des conditions Incomparablement plus défavorables que chez l’enfant chrétien ; elle donne à l’homme, avec le sentiment dc sa liberté, le sentiment non moins vif des limites que le devoir mettra à scs joies présentes, ct des peines attachées à la pratique dc lu vertu ; ct ce 1884 n’est point sans des grâces spéciales, surnaturelles quant au mode, que la volonté s’inclinera devant l’autorité mystéricusc*qui réclame son premier hom­ mage. Ces grâces sont accordées à tous suffisantes, mais ne sont point pour tous efficaces. Si le non baptisé les accueille, si non seulement il... donne l’assentiment de son esprit, mais marque par un pre­ mier sacrifice sa volonté sincère de se confier à Dieu ct d’observer sa loi autant qu’il la connaît.., Dieu ne lui manquera pas. Facienti quod in se est Deus non denegat gratiam, ct à défaut d’un enseignement exté­ rieur qui, pour des circonstances Indépendantes de sa volonté, ne peut encore l’atteindre, la révélation inté­ rieure de l’esprit... transformera la notion naturelle qu’il avait jusque-là dc Dieu en cette foi élémentaire.., sans laquelle il n’est pas dc vie surnaturelle. L’amour qui s’épanouit en son cœur à la suite dc ce premier don de lui-même devient aussitôt charité, la grâce efface le péché originel. » Revue thomiste, t. xm, p. 666, 667. Il ne faut pas multiplier sans raison les révélations Intérieures; mais c’est bien ici, ou jamais, le cas d’y avoir recours. Quant à la rapidité avec laquelle l’infi­ dèle passera de la < première intimation de l’obliga­ tion momie » à la justification, nous maintenons nos réserves. « C’est dès le premier Instant de sa vie rai­ sonnable, ajoute le P. Hugueny, que le non baptisé peut trouver le salut. » Cela peut arriver; mais Dieu ne l’a pas promis ; le contraire peut donc aussi arriver, même sans la faute de l’homme, ct alors, grâce au délai plus ou moins long, la < révélation intérieure » peut se remplacer par Γ < enseignement extérieur »; alterna­ tive de secours providentiels qui répond encore mieux au texte de saint Thomas qu’on nous cite, De veritate, q. xiv, a. 11, ad L 3. Interprétations et jugements de plusieurs théo­ logiens d*autres écoles. — a) École bénédictine. — a. Le cardinal d’Aguirre, (f 1699), donne seulement par manière d'objection à scs thèses la théorie dc l’enfant (infidèle). Il concède l’opinion dc saint Thomas, qu’il cite d'ailleurs très souvent. Mais notant la multiple diversité des Interprétations dans l’école thomiste,Il en choisit deux qui lui paraissent plus d’accord avec le texte du saint docteur; ou bien du premier coup Il se produit une < illumination surnaturelle » qui intime à l’enfant l’obligation d'aimer Dieu « comme sa fin surnaturelle ct par-dessus tout », avec la grâce suffisante pour que sa volonté le fasse immédiate­ ment; ou bien l’enfant reçoit d’abord une grâce natu­ relle quant à son entité, mais surnaturelle quant à son mode ct due aux mérites du Christ, laquelle lui montre Dieu seulement comme lin naturelle dc la création, ct demande pour lui un acte d’amour par­ dessus tout : si l’enfant fait cct acte, alors, d’après le principe du Facienti quod in se est, il reçoit in/ailllblement la révélation surnaturelle qui le mène par la foi à la justification; il la reçoit même aussitôt. SaneU Anselmi theologia commentariis et disputationi­ bus illustrata, Home, 1688-1690, t.i, disp. VI, sect.iv, n 40-14, p. 145, 146. Ailleurs le cardinal rappelle l’appréciation dc Soto. De natura et gratia, 1. I, a. 22 « que ccttc opinion dc saint Thomas ne manque pas dc probabilité » ct Hntcrprètc comme cidessus. Ibid.,l. m, disp. CXX, sect, vi, n. 72 sq., p. 425 sq. Cf. disp. CXXVI1I, p. 549, 550.— Nous avons déjà donné notre pensée sur ces deux explications, surtout à propos du P. Hugueny. b. En Allemagne, une véritable école thomiste exis­ tait au xvu· ct xvnx· siècles dans l’ordre dc saint Benoît. — La principale théologie sortie de cette école est celle de Paul Mezger (t 1702), professeur de théo­ logie puis chancelier à l’université bénédictine dc Salzbourg. « Dès l’âge de raison, dlt-ll, l’homme... commence à être obligé par les préceptes même sur- 1885 INFIDÈLES 1886 naturels : sc tourner vers Dieu comme vers sa fin sur- , de même par Bucccroni, dans son opuscule intitulé Commentarius de auxilio sufficienti infidelibus dato, naturelle est le premier de ccs préceptes. Dieu donc, qui ne fuit pas défaut dans les choses nécessaires, sc I Louvain, 1881, § 2, η. 4, ρ. 3. b) Ermites de saint Augustin. — Cct ordre est bien manifeste par une lumière surnaturelle à tout enfant venant à l'usage de la raison, à l'un plus distinctement représenté par Pierre d’Aragon (t début du x vu· siècle) à l'autre plus confusément, selon la diversité dc leur professeur à l'université dc Salamanque; son commen­ esprit, de leur capacité et de leur instruction. Aussi taire dc saint Thomas sur la question particulière dc l'enfant né parmi les catholiques, à portée d’une bonne la foi, de l’espérance ct dc la charité, Salamanque, 1584, a eu dc nombreuses éditions. Après avoir prouvé éducation et instruction, aurait l’obligation dc sc tourner vers Dieu comme Trinité, Créateur et Bédemp- que l’acte surnaturel de foi est absolument nécessaire tcur, parce qu'il connaîtrait suffisamment ccs mys­ à la justl Beat ion dc l'adulte, il sc pose des objections tères; un nuire, dont la connaissance distincte s’arrête dont la première s’appuie sur l’autorité du saint doc­ teur el sa théorie dc l’enfant. < Pour répondre à cette aux premiers articles les plus nécessaires sera obligé de tendre àDleu ainsi considéré; un autre enfin, élevé difficulté, dit-il, il faut supposer ccd avant tout : saint Thomas tient par ailleurs cette vraie ct catholique parmi les barbares ct n’ayant la connaissance d'aucun mystère en particulier, sera oblige au moins dc sc pro­ I doctrine.., que la justification exige une connaissance poser de vivre suivant la règle d’un gouverneur du surnaturelle, il l’affirme, I* II®, q. cxiii, n. 4, ad 2. Jo suppose en outre, comme très probable, qu'au premier monde, supérieur aux hommes et à toute la nature, lequel sc ferait comprendre de lui par la grâce passa­ instant dc l’usage de la raison Dieu ordonne de se gère d'une lumière surnaturelle, avec l'obligation dc tourner vers lui, ct donne des secours spéciaux d'intel­ ligence ct dc volonté qui tendent de près ou de loin lui obéir; ct en cela consiste l’fonnéteté surnaturelle, à la Justification du non baptisé. Tout cela supposé, confusément perçue. Quand donc cc dernier arrive à a. — on répond à celte objection que Dieu au premier l'usage dc la raison..., il reçoit cette lumière, qui lui Indique subitement l’existence d’une règle directrice Instant de l'usage dc la raison donne à tous la grâce de de notre raison ct dc nos œuvres, supérieure au monde fol surnaturelle ; on n’est donc pas justifié sans elle. Ou bien b. — on répond:celui qui alors se tourne vers et à la nature, et qu’il est obligatoire dc suivre; puis sa volonté est poussée à l'accepter : telle est la pre­ Dieu autant qu'il le peut par la nature, n’est pas jus­ tifié aussitôt, mais seulement lorsque, selon la dispo­ mière grâce suffisante éloignée. Si l’enfant y consent, s’il prend une sérieuse et ferme résolution dc vivre sition divine, il aura reçu une lumière plus haute et honnêtement et conformément à cette règle, il aura surnaturelle. Si l’on objecte à la 2· réponse que dans le temps intermédiaire il pourra pécher véniellement, fait son possible, et Dieu, en lui révélant alors les ct avoir ainsi des péchés seulement véniels avec lo articles dont la foi explicite est nécessaire, le conduira jusqu’à la grâce de la justification et dc la rémission péché originel cc qui est impossible selon saint Thomas, du péché originel. S’il ne consent pas, il péchera mor­ il faut répondre que l’opinion du docteur angélique est tellement, mais restera pourtant infidèle négatif, car seulement pro ba ble sur le fait particulier de cette Impos­ par la force dc cette lumière passagère les articles sibilité; peut-être même le contraire est-il plus pro­ bable. Pour mol, conclut-il. Je répondrai ou bien en dont la foi est nécessaire, dc nécessité de moyen absolue, ne lui ont pas été proposés assez distinctement... pour concédant l’objection (c’est-à-dire, que des péchés véniels sc trouveront avec le seul originel, malgré la lui en faire perdre l’ignorance invincible. ► Theologia scholastica secundum uiam ct doctrinam D. Thomer, théorie de saint Thomas sur cc point) ou bien en Augsbourg, 1719, t. ni, De gratia, disp. V, a. n, n. 10, disant (avec Médina) qu'il appartient à la divine Pro­ p. 51. — Critique. — Cette interprétation est ingé­ vidence dc faire que dans cct intervalle il n’y ait pas nieuse, et sauve les principes du Facienti... et dc la des péchés véniels seulement avec l’originel, en pro­ tégeant l’enfant dc tout péché véniel jusqu’à cc qu’il grâce suffisante donnée à tous, ainsi que dc la nécessité ait été justifié, ou qu’il ail commis un péché mortel, de la fol stricte. Mais elle suppose que la Trinité ct la Rédemption sont des articles dc nécessité de moyen à cause dc la raison assignée par saint Thomas, h 11®, absolue,cc qui est moins probable, voir col. 1882 ; elle sup­ q. lxxxix. a. 6. » Petri dc Aragon, O. Ercm. S. A., pose que tous les enfants, au début de leur vie morale Commentaria in 11^ II*...de fide,spe et caritate, q.n, ct consciente, reçoivent une révélât lonlntéricureet sur­ n. 3, ad 1«®; édit, de Venise, 1625, p. 79. — Critique, naturelle, plus ou moins riche de contenu selon leur Aragon concilie la fidelité à saint Thomas avec une juste liberté. Dans lu théorie de l’enfant. Il distingue capacité, ou selon qu’ils ont librement accepté, ou non, deux parties d’inégale valeur : la principale, qui lui un premier degré dc cette grace. Mais un phénomènes! semble très probable;cl Vaccessolre, sur l’impossibilité extraordinaire ct si universel devrait laisser des traces dans la mémoire au moins d’un grand nombre, et être de la coexistence du véniel avec le seul originel, qu'il raconté par beaucoup : or on n’en a pas conscience estime probable seulement, comme le fera plus tard pour soi-même, et on ne l'entend jamais mentionner Billuart, ct qu’il abandonnerait au besoin, non sans par d’autres; ce prétendu fuit est donc démenti par chercher à la conserver. La principale, c’cst qu’il faut nu début dc la vie morale « se tourner vers Dieu. » l’expérience. Suarez disait déjà, contre une opinion Là-dessus sa largeur d’esprit lui fait reconnaître la qui prétendait que tout infidèle était illuminé surnuturcllcment une fois dans sa vie, cl recevait même la probabilité des célèbres Interprétations opposées, celle vocation prochaine à l’acte dc fol : < C’est un fuit de Capréolus ct celle dc Cajétan : celle qui veut aussitôt d’expérience que beaucoup n’en sont pas là. Et l'on ou la justification ou le péché mortel, et celle qui admet ne peut dire qu’ils reçoivent une semblable révélation un delai pour connaître la révélation par une voie bien qu’cnsultc ils l’ignorent absolument. L’homme moins extraordinaire, ct pour prendre en pleine con­ peut ignorer s’il agit d’une manière naturelle ou d’une naissance dc cause la grande décision. Il lient surtout, avec Medina et autres, à ce que l’on ne tire pas dc manière surnaturelle. Mais il ne peut ignorer les objets qui lui sont proposés cl qu’il perçoit, au moins quand cette théorie une erreur très opposée à la pensée du saint docteur, celle d'admettre la justification sans Ils lui sont actuellement proposés, il peut donc aussi révélation et sans foi stricte. en garder le souvenir. Autrement une telle révélation c) Carmes dc Salamanque fSalmanticcnses). — serait Inutile, et surtout ne pourrait engendrer d'obli­ Pour la question du salut des infidèles, tout en sauvant gation. > De pnrdest., 1. IV, c. ni, n. 16; édit. Vlvès, la nécessité de la foi stricte. Ils penchent avec raison 1.1, p. 491. Tout cela vaut,et a fortiori, contre l'hy­ pothèse de Mezger. L'opinion do Mezger est rejetée I vers l’abondance des secours et réfutent vivement la 1887 INFIDÈLES parcimonie rigoriste de Gonet. Voir col. 1839 sq. Ils vont même plutôt à l'exagération, quand ils affirment que tout adulte reçoit de lait les secours surnaturels (quoad substantiam )So\r col. 1812 sq. Pour la théorie de reniant. Ils ne font guère de distinction d'importance entre ses deux parties. Quoi qu’en pensent < les étrangers à l’école de saint Thomas, disent-ils, ses disciples et scs fidèles interprètes se soumettent volon­ tiers ù l’une ct Λ l’autre..., ct iis jugent qu’à bon droit 11 faut exclure de la classe des thomistes quiconque en cela sc sera écarté des pas du saint docteur. > De vittis et peccatis, disp. XX, η. 1; édit Palmé, t. nn, p. 490. Sévérité qui a fait école, mais que l’on ne peut s’empêcher de trouver exagérée, surtout quand on les voit citer ensuite parmi les fervents défenseurs de cette théorie Soto, De Justitia et Jure, qui en prenait ct en laissait. Voir col. 1867 sq. lbld.,n. 2, p. 491. Parcourons cc qu’ils disent de la première partie de la théorie, À savoir l’obligation pour l’enfant de sc tourner vers Dieu. a. — iTcuve d*Écriture : Convertimini ad me, Nous avons donné la sage critique de Médina sur la preuve tirée de cc texte. « On dira, écrivent les Salmanticcnses, que cc texte s’entend de la conver­ sion du pécheur qui revient de ses fautes person­ nelles par la pénitence... Mais peu importe : car un texte scripturaire admet plusieurs sens litté­ raux... Au reste, pour prouver que cc sens est légi­ time, c’est bien assez que le docteur angélique l’ait donné, nul autre Père ne réclamant ni ne contredisant. Car on ne doit pas moins estimer l’autorité de saint Thomas quant à l'intelligence de la sainte Écriture, que celle d'Augustin, de Jérôme, de Grégoire, etc., puisqu’il faut croire qu’il a tiré son interprétation de leurs œuvres plutôt que de sa propre Invention... Par saint Thomas, Jérôme avec Augustin, Ambroise ct les autres Pères de l’Église nous parlent plus ouvertement etplusformcllcmont(qucpar eux-mêmes). > Ibid,, n.3. —b. — Preuves de raison théologique. Ici les Salmantlcenses donnent un bon développement aux preuves de l’école dominicaine, surtout à celles de Banez. Comme ils entendent la conversio ad Dcum d’un acte d’amour de Dieu explicitement connu, ct aimé effica­ cement c'est-à-dire par-dessus tout, ils trouvent contre cette conception le dilemme:· Ou cet amour procède des seules forces de la nature, ou de celles de la grâce » difficulté que Banez avait brièvement résolue. Voir col. 1876. Ils donnent Ici, avec une discussion très approfondie, les diverses réponses ù cette objection qui ont été proposées. lbid.,n. 17-39, p. 198-509. Nous avons cité avec le P. Hugueny leur sentiment mo­ déré sur le genre de nécessité de la foi explicite à la Trinité ct à l'incarnation. Voir col. 1882. d) Compagnie de Jésus. — a. Suarez (f 1617). De son temps régnait encore une certaine liberté sur cette théorie particulière de saint Thomas. Il la divise déjà en deux parties; ni l’une ni l’autre ne lui parait suffi­ samment prouvée. — Première partie : nécessité de se tourner vers Dieu dès le premier Instant de l’usage de la raison. 11 définit ce < premier Instant · avec Vic­ toria ct Banez : le moment où la liberté est complète, et où s'achève la première délibération. De vilils et peccatis, disp. II, sect, vin, η. 1 ct 2; Œuvres, édit. Vivès, t. iv, p. 539. Il réfute les deux interprétations que donnent de la pensée de saint Thomas Capréolus, ct Cajétnn. « La première (Capréolus) n contre elle, dit Suarez, les autres thomistes ct le reste des théo­ logiens, parce qu’il n’est pas croyable que Dieu ait obligé l’homme dès le premier usage de sa raison à accomplir d’emblée, sans autre acte intermédiaire de sa volonté libre, le plus grand ct le plus difficile des commandements, celui de la charité parfaite; de plus, la connaissance de Dieu (naturelle, ct telle qu’elle est requise avant la fol qui précède l’acte de charité) 1888 est bien difficile surtout pour les enfants qui sont élevés parmi les infidèles. » Ibid., n. 3, p. 510. Suarez passe à la seconde interprétation, opposée à Capréolus par Cajétan ct autres : se tourner vers Dieu confusément, en sc tournant vers le bien honnête en général. « Cette interprétation, répond Suarez, n’est pas plus probable ' pour moi que la précédente. L'homme, ù l’ordinaire, (perse), est tenu seulement d’aimer les biens honnêtes particuliers, ordinairement nécessaires comme objets voulus à la rectitude de ses opérations ; il n’est tenu d’aimer ccs objets généraux (bien honnête en général, loi divine en bloc) que dans ces deux occasions : la première, quand il doit faire un acte de contrition, car cet acte réclame un ferme propos général de vivre honnêtement; la seconde, quand l’homme veut ou doit délibérer s’il gardera la loi à l’avenir. En dehors de ccs deux rencontres, on ne peut suffisamment prouver que l’homme soit tenu de faire un acte sur ccs objets vagues ct généraux : ni par les documents écrits, ni par la raison naturelle... Or au premier Instant de l’usage de la raison il n’y a certainement aucune néces­ sité de contrition, puisque l’enfant n’a commis aucun péché mortel; ct il n’est pas tenu alors à l’amour de Dieu par-dessus toute chose, nous l’avons montré contre Capréolus. La seconde occasion n’intervient pas non plus, parce que délibérer ct déterminer en général la manière de vivre que l’on veut suivre à l’avenir, est affaire de grand conseil ct jugement : il n’est donc pas pratique que l’enfant dans sa première volonté libre soit obligé à une telle élection. De plus, dans cc premier acte moral, cc n’est pas la pensée de statuer sur son avenir, qui se présente la première à l’enfant. Saint Thomas semble le dire expressément (dans l’endroit même cité par les adversaires que réfute ici Suarez, c’cst-à-dircDe verit., q. χιν,η. 11,ad. lu®, SI ductum naturalis rationis sequitur, etc.). Comment la raison naturelle guidc-t-elle les enfants dans leurs pre­ mières pensées? En partant des choses sensibles. Ils pensent donc d’abord à cc qui se présente à leurs sens, à des actions particulières à faire ou à éviter... Ils n’ont pas l’idée de choisir l’honnête en général, comme le disent les adversaires... On ne trouve personne qui ait eu conscience d’une telle obligation. De là une nou­ velle confirmation de notre opinion : car si un tel précepte existe, il n’est personne qui ne l’ait Ignoré invinciblement à cet instant-là, puisque cc précepte ne venait pas à son esprit, ct que rien ne pouvait en procurer la connaissance : un tel précepte est donc superflu. » Ibid., n. 5, p. 510. — Par cc qui précède, Suarez a déjà répondu en partie aux arguments de Cajétan ct de scs partisans, signalés par lui au n. 4, p. 510 : facilité de sc tourner vers le bien honnête, même pour un enfant; nécessité de cette orientation première vers l’honnête en général, pour bien faire toutes les œuvres par la suite. Reste un dernier argu ment : à cc premier instant de la vie morale, la loi naturelle est promulguée par la conscience; l’enfant doit donc aussitôt, l’accepter en général. Suarez nie cette promulgation, ct cette obligation de délibérer alors sur l’ensemble de cette loi ct de l’accepter. « Mais il n’est pas niable, dit-il,que l’homme soit tenu de ne pas différer cette délibération ct cette acceptation jusqu’à la fin de sa vie, ni pendant longtemps; soit parce que l’amour de Dieu par-dessus tout, qui im­ plique l’acceptation de toute sa loi, lui est tout à fait dû, soit parce que cette délibération d’ensemble avec cette ferme détermination est moralement nécessaire à la rectitude de la vie. Quand cette délibération conunencc-t-clle à obliger, on ne peut le définir d’une manière certaine; mais il me semble qu’elle n’oblige pas, en pratique, avant que l’homme n’y pense ct n’y réfléchisse, ct n’aperçoive de quelque manière ccttc I obligation, ct alors même, pas dans l’instant, mais INFIDÈLES 1889 dans un court espace de temps, à déterminer humaine­ ment ct prudemment. » Ibid., n. 6, p. 511. Seconde partie : impossibilité pour l’enfant ayant le péché originel de commencer scs défaillances par un péché véniel. Suarez établit brièvement trois propo­ sitions. — proposition. * L’homme, selon sa liberté, peut commencer par un péché mortel ou véniel. » 11 en donne deux preuves. — a. · Il n’y a pas d’ordre nécessaire entre ccs deux genres de péché , ct le premier objet qui se présente peut n’êtrc qu’une matière légère : donc si l’on pêche sur un pareil objet, on pèche véniellcment. — Objection. — Le premier acte (libre) s’exerce toujours en vertu d’un premier acte naturel (non libre) par lequel on veut être heureux. Si donc dans le premier acte libre on consent à un objet mora­ lement mauvais, même en matière légère, on veut vir­ tuellement trouver son bonhmr dans le mal. Or c’est là mettre dans le mal sa /in dernière (cc qui est grave). — Réponse. — ... D’abord un tel acte (sur le bonheur en gênerai) ne précède pas toujours et nécessairement ’actelibre... Et s’il le précédait toujours, cela nesuffirait pas ù faire que le péché en matière légère fût mortel; autrement tous les péchés véniels seraient mortels, parce que dans tous est virtuellement con­ tenu l’appétit naturel du bonheur... De plus, personne ne met sa fin dernière dans l’objet d’un péché véniel ù moins qu’il n’ait la volonté expresse de l’y mettre, ou que, comme, moyen d’arriver à cc même objet, il ne transgresse un grave précepte : or ni l’un ni l’autre ne sc rencontre dans le cas donné, p—β. < La première action libre de l’homme, pendant qu’il sc trouve dans sa première délibération (qui dure un certain temps) pourrait être un mouvement qui ne serait pas délibéré (du moins pleinement), ct à cc titre serait un péché véniel ; donc... Cette preuve est valable même en supposant le précepte que suppose saint Thomas dans la première partie de sa théorie. Et on peut la renfor­ cer en considérant, d’abord, que ce précepte peut être (au moins parfois) l’objet d’une ignorance invin­ cible; ensuite, que l’exécution de cc précepte exigeant du temps, comme on l’accorde en général, il n’est pas nécessaire de se presser le plus possible de l’exécuter; si donc dans l’intervalle on disait par exemple des paroles oiseuses, on ne pécherait pas mortellement ]x)ur cela; ct lorsque Cajétan soutient le contraire, 11 n’a plus la probabilité pour lui : car II n’est pas de précepte dans l’exécution duquel ne puisse se glisser une légère négligence. — Enfin, étant donné ce pré­ cepte de saint Thomas ct son observation (telle que l’entend Cajétan avec la grande majorité des tho­ mistes, contre Capréolus), il ne semble pas necessaire que l’homme soit justifié aussitôt, car il peut continuer à agir honnêtement suivant la raison naturelle, nu moins pendant un temps qui ne soit pas très·long, ct il n’est pas nécessaire que la justification suive immédia­ tement, comme nous le dirons en son lieu; elle peut donc bien venir ensuite. » Voir le passage de Suarez déjà cite, col. I860. — 2· proposition. « Il arrive souvent que l’on commence par pécher véniellcment, ct non pas mortellement. On a,en effet, le pouvoir de pécher des deux façons ; et il est plus facile de pêcher véniellcment soit parce qu’il y faut une moindre délibération, cl que l’enfant est facilement impressionné par n’importe quelle passion ou affection, soit aussi parce que les objets qui alors s’oifrent à lui, ont plus souvent une matière légère, ils donneront donc lieu très facilement au péché véniel. —J· proposition. · Le péché véniel peut sc rencontrer avec le seul originel. C’est la con­ clusion de tout cc que nous venons de dire. » Ibid., n. 8-10, p. 541. Cf. De gratia, 1. IV, c. xv, n. 5 sq. ; édit. Vivès, t. vin. p. 330 sq b. Le cardinal de Lugo (t 1660). — A cette objec­ tion : · De nombreux Infidèles, sont si barbares et si PICT. DE TliflOL CATHOL. 1890 incultes, qu’ils passent leur vie dans une perpétuelle ct invincible Ignorance de Dieu : donc ils ne pèchent jamais mortellement ct ne méritent pas le feu de l'enfer, · de Lugo répondait en plant que l’ignorance invincible de Dieu, même chez ceux-là, put durer longtemps. Mais on riposte qu’elle peut au moins durer un temps assez court ;ct tel de ccs infidèles peut mourir alors, sans péché mortel d’après vous, ayant donc le péché originel ct des p/chés qui ne méritent pas l’enfer, qu’il doit pourtant expier, et qu’il ne peut expier ni en enfer, ni au purgatoire, ni aux limbes; ou trouverez-vous un quatrième endroit pour cria? C’est une difficulté semblable a celle que la théorie de l’enfant entreprend de résoudre. « Je réponds facile­ ment, dit Lugo, que de même que dans l’opinion com­ mune, il appartient à la prosidence de Dieu d’empê­ cher la mort, avec péché véniel seulement, d’un infi­ dèle non baptisé, et de lui ménager le temps ou de pécher mortellement, ou bien, s’il observe cc qu’il voit commandé, de recevoir une plus grande lumière pour atteindre les objets de fol ; de même dans notre cas il appartient à la même providence divine d’empêcher qu’aucun Infidèle adulte ne meure avant que, ou bien il arrive à connaître Dieu avec certitude, ou bien il doute au moins ct soupçonne son existence avec une coupable omission de chercher la vérité, ou enfin il commette, dans cc doute, d’autres péchés graves, lesquels seront certainement mortels, puisqu’en les commettant il s’expose au danger d’offenser son créa­ teur, dont l’existence est pour lui l’objet d’un doute (dont il ne cherche nullement à sortir.) » De incarna­ tione, disp. V, sect, vi, n. 108; édit. Vivès, t. n, p. 425. Dans celte réponse trop brève, non seulement Lugo n'attaque pas la théorie de l’enfant, mais encore il la traite d’« opinion commune » en la concevant comme la conçoivent la plupart de scs défenseurs que nous avons cités ; ct 11 en applique les principes à la question parti­ culière qu’il Imite lui-même. Le cardinal de Lugo semble donc devoir être rangé plutôt parmi les dé­ fenseurs de cette théorie de saint Thomas. c. Schlffini (pour citer aussi un jésuite de nos jours) bien qu’en général très attaché au saint docteur, s’exprime ainsi sur celte théorie de l’enfant, b II·, q. Exxxix, a. 6 : · 11 y a trois points extrêmement difficiles à comprendre dans cette doctrine. — Le premier est cette loi ou précepte, qui oblige dès l’usage de la raison à s’ordonner à la fin dernière... Car il n’y a aucun précepte qui demande de s’ordonner à cette fin, smon celui de la chanté, comme J’enseigne le docteur angélique. In II Sentent., dist. XL. q. i, a. 5, ad G. Or il n’est pas croyable que Dieu ait oblige l’homme, dès qu’il arrive à l’âge de discrétion, d’accompllr aussitôt le plus difficile des préceptes, l’amour de Dieu par-dessus toutes choses, d’autant plus que la connaissance de Dieu, requise pour un tel amour, ne peut s’acquérir qu’avec une assez grande instruction, surtout pour ceux qui vivent parmi les infidèles. Dire avec Cajétan que l’on satisfait à cette obligation par une certaine conversion vers le bien honnête en général, dans laquelle on se propose de passer toute sa vie selon la droite raison, cc n’est pas résoudre lu difficulté, mais la déplacer. On ne voit pas que l’on soit tenu à un tel propos général. Il n’est pas néces­ saire per sc à la rectitude de l’acte humain, puisque l’homme peut parfois agir honnêtement sans avoir pris celte résolution générale. Il n’est tenu per se qu’a aimer les objets honnêtes particuliers...— Le deuxième point difficile, même en admettant l’obligation dont parle saint Thomas, et quelle que soit celle de ccs deux interpretations que l’on préfère, c’est de comprendre pourquoi dans l’accomplissement de cette obligation H ne peut se glisser une négligence légèrement cou­ pable, bien que par l’âge on soit déjà capable de . VIL— 60 1891 INFIDÈLES péché mortel; surtout que l’exécution de cc précepte demande un certain temps, principalement parmi les infidèles, ct que d’autre part on ne peut être tenu d’y mettre une diligence souveraine. — La troisième grande difficulté se trouve dans ces mots du saint docteur : < S’il s’ordonne à la fin voulue, il parviendra par la grâce (sanctifiante) à la rémission du péché originel. » Car la fol proprement dite, ct explicite en un Dieu rémunérateur, est nécessaire de nécessité de moyen pour la justification des adultes infidèles. Or qxii peut prouver qu’d tous les enfants infidèles, arrivés â l’âge de raison ct évitant le péché mortel, la lumière de la divine révélation apparaisse aussitôt, pour qu’ils puissent faire l’acte de foi? Bafiez affirme qu’on peut pieusement le croire, mais de quel droit? Voir les paroles de Bafiez, col. 1876. — Voilà les trois points qui pour moi furent toujours ct sont encore obscurs dans l’interprétation de ccttc doctrine de saint Thomas : je les laisse expliquer Λ de plus savants que moi. > De gratia dlvina, disp. V, sect, v, n. 315; édit. Herder, Γ»Ή. p. 518, note. d. Le cal dînai Billot dans une solution du problème du salut des infidèles, dont nous devrons nous occu­ per, touche à la question présente. — a) Il donne des précisions utiles sur le sens du mot « adulte ». D’abord, ct cela va sans dire, il y a des personnes qui sont « adultes quant à l’âge, quant au développement phy­ sique » sans être « adultes quant nu développement de l’esprit, de la raison. » Mais surtout < il y a dans la raison elle-même... la raison inférieure, qui s’exerce sur les choses temporelles, arts, industrie, sciences n’intéressant que la vie d’ici-bas; ct la raison supé­ rieure qui s’ouvre sur les choses divines, transcen­ dantes, éternelles, ct tout particulièrement sur Dieu ct sur sa loi en tant que règle obligatoire des actions humaines. Ccttc distinction... qu’il ne faut pas en­ tendre comme de deux facultés diverses, mais seu­ lement comme de deux fondions diverses d’une seule et même faculté, est prise de saint Augustin..., passée ensuite au vocabulaire commun des théologiens. » Et le cardinal donne la définition de saint Augustin : Ratio superior est quæ intendit œlernis conspiciendis, aut consulendis. De Trinit., 1. XII, c. vu, avec la glose de saint Thomas : conspiciendis quidem, secundam quod ea in seipsls speculatur; consulendis oero, secundum quod ex eis accipit regulas agendorum, Sum. theol., I·, q. lxxix, a. 9. Les choses éternelles sont donc pour la raison supérieure ou un objet spéculatif de contem­ plation, ou un objet que l’on consulte pour en recevoir les règles pratiques de cc qu’il faut faire. Enfin la raison inferieure est celle quæ intendit temporalibus rebus. De là une distinction utile entre les adultes « au sens profane ct vulgaire du mot » scion la raison infé­ rieure, ct les adultes «au sens moral ct thcologlquc» ou « dans l’ordre spirituel » suivant la raison supé­ rieure. Études, 20 août 1920, p. 387, 388. β) Ces définitions posées, viennent des raisonne­ ments qui aboutissent à ccttc conclusion :« Il n’est pas d’adulte nu spirituel, pas de vraie notion du bien ct du mal, pas de conscience possible de l’obligation ct de la responsabilité morale, tant que la raison en son développement n’est pas arrivée à la connaissance du Dieu vrai ct vivant, notre Créateur ct notre Maître, premier auteur de notre être ct fin dernière de toute la vie humaine. Et. sur cc point du moins, la pensée des anciens théologiens est aussi nette que possible. Elle s’affirme catégoriquement partout où ils résument les conditions de l’adulte spirituel dans cc qu’ils appellent Tusus rationis. » Études, 20 décembre 1920, p. 515.— Critique de celte conclusion. — Qu’Il n’y ait pas de « vraie notion du bien ct du mal » tant que la raison n’est pas arrivée à une connaissance aussi explicite de Dieu ct de sa loi, nous ferons nos réserves sur cc 1892 point. Voir col. 1909 sq. Que sur la connaissance de Dieu requise pour l’obligation, il n’y ait qu'une pensée des anciens théologiens, ct « aussi nette que possible » ct qu’ « clic s’affirme catégoriquement partout où ils résument les qualités de l’adulte spirituel » à propos de l’nsus rationis, nous ferons observer que le cardinal n’a pas apporté leurs textes, cl qu’en les citant tout au long nous avons constaté chez eux beaucoup d’hési­ tations, de conclusions données comme probables,ct même une all creation très claire entre eux sur l’ustlf rationis et ses conditions. La plupart des anciens tho­ mistes, à la suite de Cajétan, entendent par Γηια> rationis le moment où l’on peut déjà ct, où l’on doit d’après saint Thomas, s’ordonner à Dieu, mais impli· cilcmcnl, c’est-à-dire en se tournant vers le bien honnête; quelques-uns, à la suite de Capréohis, pensent que le saint docteur exige d’emblée une con­ naissance explicite de Dieu, ct même un acte de cha­ rité parfaite. La conscience de l’obligation, dont la souveraine importance pour la vie morale est à bon droit proclamée par le cardinal, implique ct présup­ pose, nous le croyons avec lui (voir col. 175G), une connaissance explicite de la loi de Dieu, ct de Dieu lui-même. Cependant quelques-uns, comme Bafiez, pensent que la première conscience de l’obligation ne suppose pas encore Dieu explicitement connu; mais plutôt, par une marche inverse, ils vont de la con­ science de l’obligation à la connaissance explicite de Dieu, ct c’est cc qu’on appelle Γ « argument moral », qui prouverait l’exlstcnco de Dieu. Voir col. 1877. Quant au mot « adulte > ou « adulte spirituel » on est libre de l’employer comme on veut, à condition d’avertir, mais on ne peut pas prouver qu’ainsi l’ait entendu saint Thomas, ou ses disciples d’un commun accord, et surtout dans la question de l’asus rationis. De même pour la « raison supérieure > définie par saint Thomas, mais avec une certaine latitude qui laisse encore place à des divergences. γ) Le cardinal est amené ici à traiter, en passant, la théorie du saint docteur sur l’impossibilité de la coexistence du péché véniel avec le seul originel, ct il en rappelle la raison fondamentale. : A peine devenu adulte, dit-il avec saint Thomas, cum primum adultus esse incipit, à peine mis par l’éveil de la raison supé­ rieure, ct la pleine possession de son libre arbitre, en mesure de disposer de lui-même, cam primo suie mentis est compos, stalim cum usam liberi arbitrii acceperit, l’homme est strictement tenu de s’ordonner à Dieu comme à sa fin dernière; c’est-à-dire de sc tourner vers lui par un acte d’amour au-dessus de toutes choses, qui constitue chez les non baptisés le baptême du désir. D’où il s’ensuit que, si le sujet en question satisfait à cette grave obligation, il reçoit aussitôt la grâce sanctifiante, ct il est purifié du péché originel; sinon, il pèche mortellement... Le cas d’un adulte en qui le péché originel ne serait accompagné d’aucun autre péché mortel, est donc un cas fictif, imaginaire. » Études, ibid., p. 51 G. — Le cardinal s'abs­ tient de donner son adhésion à la théorie du docteur angélique ainsi entendue par lui. Il veut toutefois en tirer une confirmation pour sa propre théorie: «Si rien ne force à adopter cette manière de voir de saint Thomas, rien non plus ne pourra nous empêcher d’y trouver une confirmation a fortiori de la mesure minima à laquelle nous nous sommes prudemment tenu. » Et en cfïct le docteur angélique exige pour concéder à une créature humaine la dignité d’adulte spirituel non seulement la connaissance de Dieu, fin dernière de toute la vie humaine mais encore une conscience entièrement formée sur l’obligation de s’oi donner à lui par un acte de charité parfaite. « Dès lors, continue le cardinal, n’y aurait-il pas, en l’état actuel ct historique de l’humanité, une 1893 INFIDÈLES multitude considerable d’infidèles qui du commence­ ment à la fin de leur existence, seraient restés ou resteraient encore dans une invincible ignorance du vrai Dieu et de sa loi, ù classer par conséquent parmi les non-adultes, auxquels la vie future réserve ce Heu mitoyen entre le ciel et l’enfer, connu dans la tradition chrétienne ôous Je nom de Umbo des enfants. » Ibid., p. 517, 518. Critique. Occupé encore à la célèbre théorie de saint Thomas, nous devons remettre Λ plus tardl’exa· mon complet du système du cardinal. Un mot seule­ ment sur la confirmation qui lui serait donnée par le docteur angélique. Nous avons peine à voir comment, par sa théorie de l’enfant arrivant à l’ustu rationis, saint Thomas peut conférer une garantie ù un système dont la base est si différente de la sienne. Prenons les Quast, disp, de Verit., q. xiv, a. 11, ad 1. Le docteur angélique y pose comme ailleurs le grand principe du Facienti quod in se est: « 11 appartient à la divine Providence de pourvoir qui que cc soit des moyens nécessaires de salut, pourvu que de son côté l'attribu­ taire n'empêche pas ccttc Providence par le mauvais usage de sa liberté. > Cf. col. 1853. On objecte au saint docteur < un homme nourri dans les forêts, au milieu des loups : celui-là ne peut rien connaître explicite­ ment de la foi. » Voilà certes un type d’infidèle aban­ donné, privé de toute instruction. Mais il a la raison naturelle, dont saint Thomas ne désespère pas. < Si quelqu’un en de telles conditions, dit-il, suivait comme guide la raison naturelle (et il ne dit nullement que cette hypothèse soit impossible), s’il cherchait le bien et évitait le mal », etc. 11 n’est donc pas question de faire aussitôt un acte de charité parfaite; dès lors cc texte favorise singulièrement l’interprétation de Cajétan, à l’encontre de celle de Capréolus suivie par le cardinal; on ne peut donc attribuer avec quelque certitude à saint Thomas le fait d’avoir été « beaucoup plus loin » que le cardinal · dans l’assignation des con­ ditions de l’adulte spirituel », en allant < jusqu’à admettre comme requise (parmi ces conditions) une conscience déjà formée sur l'obligation de s’ordonner à Dieu, ct dès le premier instant, par un acte de charité parfaite. » Du même coup s’écroule la «confirma­ tion a fortiori » dont on se réclamait. 2® Conclusion finale. — 1. 11 est hors de doute que saint Thomas a vraiment tenu cc système relatif à l’enfant arrivant à l’âge de raison, malgré quelques traces d'hésitation comme dans Quirst. disp, de malo, q. v, a. 2, ad 8, ct que la grande autorité du saint doc­ teur donne à ce système, qui n’a d’ailleurs jamais été critiqué par l’Église, une telle valeur extrinsèque,qu'on peut le suivre avec sécurité, sans crainte de se trouver en contradiction avec les règles de la foi. 2. Quant à la valeur intrinsèque, elle ne semble pas prouvée avec certitude. — Parmi les plus célèbres théologiens dominicains, plusieurs ont considéré comme seulement probable ou le système tout entier, ou du moins l’une de scs parties. Suarez apporte contre cette valeur intrinsèque plusieurs bonnes raisons, auxquelles on ne volt pas qu’on ait suffisamment répondu. 3. Il est un cas tout spécial, remarqué déjà par Suarez,/oc. cit., n. 10, p. 542, où la théorie de saint Thomas nous semble sortir de la simple probabilité pour entrer dans la certitude intrinsèque, parce que les preuves qu’il donne acquièrent alors une pleine efficacité. C'est lorsqu’aux circonstances générales de l’éveil moral ct du facere quod in se est, auxquelles le saint docteur attache soit la première obligation de sc tourner vers Dieu, soit la promesse divine d’une Justification toute prochaine, vient s’ajouter ccttc autre circonstance très particulière, que la mort soit toute prochaine, elle aussi. Alors la volonté salvi tique 1894 exige aussitôt une révélation Immediate, avec les grâces surnaturelles qui donnent au mourant, s'il le veut, de faire les actes de foi et de charité. Alors il n’y a pour lui que justification ou péché mortel, ciel ou enfer. — Il nous reste donc la consolation de suivre la théorie de saint Thomas dans une certaine mesure, si restreinte qu’elle soit. CtSQOiZMF. srsTfiMZ. — Admission de nombreux infidèles de tout âge dans le limbe des enfants. — Sous ce titre général sc rangent deux conceptions très diverses, suivant que l’on suppose ou non, dans ces infidèles, l’existence d'actes moraux. 1· Admission de ces infidèles aux limbes pour recevoir la récompense de leurs actions morales, naturellement bonnes. — Cette idée, avec des variantes, apparaît à diverses reprises, ct dès le début du xm· siècle, La découverte récente de l’Amérique avait rendu le pro­ blème des Infidèles plus aigu, ct l'humanisme rendait les esprits plus aventureux. 1. Donc au début du xvi· siècle un allemand, l’abbé Trithème (t 1516), ct un Jurisconsulte français, con­ seiller de Louis XII ct entré tard dans les ordres, Claude de Seysscl, mort archevêque de Turin (t 1520), expriment ccttc solution, dans un latin d’humaI nlstcs. — a) En réponse à une question de l’empereur Maximilien, ct tout en maintenant avec force la néces­ sité de la fol, ct même de la foi explicite au Christ, pour le salut des infidèles, Trithème Indique le premier un peu vaguement cette solution. « Parmi ceux qui n’ont jamais entendu parler du Christ, dit-il, s’il en est qui aient vécu selon la loi naturelle sans péché Jusqu'à la mort, je ne pense pas qu’ils aient donné Heu de croire qu’ils seront condamnés à la peine du sens, bien qu’ils soient éternellement privés de la vision de Dieu, cc que les théologiens appellent la peine du dam. > Voir Capéran, Essai hist., etc., p. 220-222. b) Seysscl développe beaucoup plus cc système, dans sou traité De divina providentia, Paris, 1518, part. 11, a. 2. 11 part de cc fait : « Il y a des pays où la révélation évangélique n’a pu arriver par aucune voie. » El 11 prend parmi les habitants de ces pays «ceux qui, suivant les lumières de leur raison, ont re­ connu leur Auteur ct lui ont rendu un culte, ont observé la loi naturelle, et ont fait pénitence de leurs fautes.» H distingue deux classes parmi eux. D’abord, ceux qui ont vraiment fait tout leur possible pour connaître la vérité religieuse. « A ceux-là, Dieu fera entendre son appel comme à A braham ct les dirigera dans le chemin de la vérité » sans doute par la révélation immédiate, qui les dirigera vers le ciel. Ensuite < ceux qui ont montré moins de zèle pour les choses divines, tout en observant, à la lumière de la raison, la religion envers Dieu ct la justice envers le prochain· Ceux-là n’iront ni au ciel ni en enfer, mais dans un lieu Intermédiaire : où est-il, l’Écriture n’en dit rien; et je pense que nous l’ignorons, bien qu’on parle de limbes pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité de pêcher... Pour les infidèles dont je parle,dit encore Seysscl, comme pour ceux qui n’ont pu commettre aucun péché actuel, un lieu a été assigné où sans aucun tourment Ils restent relégués.. Maisquel que soit l’en droit où les troupes de ces esprits innocents passent leur vie Immortelle, je pense qu’ils remercient vivement la divine bonté, qu’ils sc regar­ dent comme heureux en comparaison des damnés, ct n’envient pas la félicitédcsbicnheureux mais acceptent paisiblement leur sort. » Voir Capéran, ibid., p. 222221. — Un docteur milanais du collège ambrosien, François Collius (t 1610), assez averti sur les Pères, les conciles et les opinions plus ou moins communes en théologie, s’en est servi pour réfuter Seysscl avec assez de Justesse, bien qu’avec cette rhétorique des humanistes, qui donne à l’expression d’un blâme une couleur exagérée, et qui surtout, en cachant la marche 1S95 INFIDÈLES de la pensée, déroute le lecteur. Nous résumerons scs longues critiques du système de Seysscl, en y joignant de courtes observations. De animabus paganorum, Milan, t. r, 1622, I. I, c. xi-xxv, p. 36-90. L'ouvrage traite d’ailleurs de beaucoup de questions secondaires et a scs petits côtés, qu'a relevés AL Capéran, ibid., p. 286 sq. a. Collius allègue d'abord la théorie de l’enfant. Saint Thomas, ct tant de grands théologiens après lui, nient qu’arrivé à l’âge de raison on puisse mourir avec le péché originel, ct un véniel seulement; ct pourquoi? Parce qu’il n’y aurait pas de séjour où cet enfant puisse aller, ni aux limbes, ni ailleurs. Et vous mettez aux limbes des païens qui, malgré les actes vertueux que vous leur supposez, ont tout au moins beaucoup de péchés véniels? De animabus, etc., c. xn, xin sq. — b. — Il allègue la thèse commune des théologiens sur l’impossibilité morale ou très grande difficulté de garder pendant longtemps, sans la grâce, tous les pré­ ceptes de la loi naturelle, bien que l’on puisse sans trop de difficulté en observer quelques-uns ; de là une sorte de nécessité de tomber dans quelque péché mortel, si l’on n’est pas aidé par la grâce. — Mais cc secours de la grâce (actuelle) ne serait-il pas donné à l'infidèle? — Pas avant sa justification, répond une opinion théolo­ gique, qui, sans être commune, est assez répandue (S. Thomas, Suarez, etc.) : en ce sens la grâce sancti­ fiante est nécessaire pour vaincfc cette sorte d’impos­ sibilité. Il a donc assez probablement commis quelque péché mortel dans sa longue vie, cc païen, que vous supposez mourir sans la justification ct ne pas aller au cicL Ibid., c. xi» ctxiv,--c. — Seysscl, pour couper court à ces difficultés, recourait à une autre supposi­ tion, comme nous l’avons vu. Il supposait que ces païens de bonnb foi pouvaient, à la lumière de la raison ct par les forces naturelles du libre arbitre, « faire pénitence » de leurs péchés, même mortels, ct en obtenir le pardon ;d c’est ainsi qu’il met dans les . limbes < cette multitude d’esprits innocents. » — Mais, remarque Collius, il leur faudrait, pour obtenir le pardon, l’acte de contrition (parfaite), qui renferme celui de charité parfaite. Ibid., c. xv. Or cet acte est Impossible aux forces de la nature, au moins tel qu’il | le faut pour arriver à cc résultat d'effacer les péchés mortels, ct c’est ce qu’il va montrer au long. Il s’arrête d’abord à cette grande controverse entre théologiens, si la nature peut produire un acte d’amour de Dieu pour lui-même ct par-dessus tout. Voir Grace, t. vi, col. 1586 sq. Il donne les arguments et autorités pour ct contre; puis 11 préfère l’opinion plus large de Scot ct autres, que cet acte est possible à la nature; ' il l’est donc aux païens, bien que difficile ct rare chez eux. Ibid., c. xvm. Et il réfute les objections contre cette opinion, c. xix. Seulement, ajoute-t-il, cet amour naturel pour Dieu ne doit pas être regardé comme un mérite, même de congruo, ni comme une infaillible disposition, autrement l’on aurait contre sol le magis­ tère de l’Église, qui refuse ces prérogatives aux actes de la nature, quels qu’ils soient, ct qui distingue deux amours de Dieu, l’un qui est , l’autre qui ne l’est pas (II· concile d'Orange, can. 25; cone, de Trente, sess. VI, can 3; bulle contre Baïus, prop. 34; Dcnzlnger-Bannwart, n. 198, 199,813,1034). Ibid.,c. xvm. Conclusion.—a.—Lc principal reproche que nous ferons à Seysscl, c’est de n’avoir pas poussé assez loin la confiance en la miséricorde de Dieu, qui appelle tous les hommes au salut ;et par suite d’avoir envoyé aux limbes des païens que l’on pouvait envoyer au ciel. Qui sont-ils, d’après lui? « Ceux qui ont observé la religion envers Dieu ct la justice envers le prochain, maii ont eu moins de soin, de zèle pour les choses 1896 divines. » /V ceux-là, saint Thomas ct les théologiens cités assurent tout de même le moyen d’arriver au ciel. Suarez le soutient, soit parce qu’aux yeux de Dieu le facere quod In sc est existe encore avec un « moindre soin > des choses divines, et même encore, probable­ ment, avec quelque péché grave commis contre la loi naturelle nu cours d’une tentation qui mettrait l’homme sans la grâce dans un état d’impuissance morale à résister; soit, plus probablement, parce que le païen lui-même reçoit, pour résister au péché mortel, des secours non pas entitativement surnaturels, mais préternaturels ou providentiels, suffisants pour ce but. Voir Suarez, De gratia, 1. IV, c. xvi, n. 7, et n. 12-15; édit. Vivès, t. vm, p. 315-347. 11 faut tenir compte aussi de l’ignorance invincible qui les excuse de voir le péché mortel en bien des actes où la révélation nous dit qu’il y en a un, et donc les excuse de le commettre. —b. -Seysscl a tort aussi d’admettre qu’une pénitence purement naturelle puisse effacer les péchés; Collius, c. xxm, p. 81. — c. — Ajoutons, avec Melchior Cano, que mettre des adultes aux limbes est contre le senti­ ment commun des fidèles. Voir col. 1869. 2. Au début du xix* siècle, plusieurs apologistes célèbres ont donné une certaine félicité naturelle aux païens qui « se sont conformés aux préceptes naturels > avec l’ignorance invincible de la révélation. — En 1802, c’est Mgr de la Luzerne, évêque de Langrcs; H évite pourtant toute mention des limbes. Voir la citation dans Capéran, op. cil., p. 434. En 1805, Mgr Duvoisin, évêque de Nantes, indique les limbes, mais discrètement : « Pourquoi ne pas étendre aux infidèles vertueux cc que des théologiens très ortho­ doxes enseignent du sort des enfants morts sans bap­ tême? » Ibid., p. 435. — En 1806, M. Emery, soutenant ces deux évêques contre les réclamations d’un jansé­ niste qui voulait mettre tous les païens en enfer, note quclcspalcns, à cause des grâces qu’ils reçoivent,peu­ vent éviter tout péché mortel ; quant aux fautes vénielles (question plus embarrassante) on peut conjecturer qu’ils les expieraient par des peines préalables, ou par < quelque diminution des biens que leur état (final) comporte. > Ibid., p. 43G. En 1825, Frayssinous, dans scs Conférences sur la religion: « Je ne placerai pas, dit-il, cet infidèle (qui a ignoré invinciblement la révé­ lation) dans le royaume de la béatitude céleste; mais, suivant sa conduite, il sera plus ou moins rapproché, dans sa destinée, des enfants morts sans baptême. » IMd.,p.437. Appréciation. Elle sera presque la même que pour Seysscl. Pourquoi ces illustres personnages ecclésiastiques n’ouvrcnt-lls pas à ces < in fidèles ver­ tueux » le chemin du ciel? Parce qu’ils n'osent jamais leur supposer une révélation immédiate. Et pourquoi cela? Parce que Rousseau, dans son Émile, s’était moqué de ce moyen de salut, ct que le public à con­ vertir ne jurait alors que par Jean-Jacques. Peut-être aussi gardait-on quelque chose du rigorisme jansé­ niste, et ne comprenait-on pas assez la grâce suffisante donnée à tous. Muzzarelli, d’une plus saine théologie, écrit alors un opuscule sur le salut des païens : « il n’est pas de ceux qui s’interdiront, devant les sommations de Rousseau, de recourir même à des moyens miracu­ leux, » — à ces « députations d’anges, discréditées par le Vicaire savoyard. > Ibid., p. 440. 3. Dans tout le courant du xix· siècle, on sc ressent parfois encore de ces débuts malheureux, ct parfois on s’exprime encore plus mal. — a) Aligne, ou plutôt l’auteur qu’il emploie dans la conclusion ou «révision· des Démonstrations évangéliques, combine assez peu logiquement, comme l’observe M. Capéran, les deux systèmes de la connaissance d’une révélation, possible aux païens, ct du bonheur naturel dans les limbes Ibid., p. 478. Voir aussi Aligne, J· encyclopédie théo 1897 INFIDELES logique, laquelle contient plusieurs dictionnaires faits ou adaptés pur l'abbé Lenoir, grand partisan du limbe des adultes. En maint endroit, il oppose au « salut surnaturel » un < salut naturel >; nu · ciel de JésusChrist » un « ciel nature*! » avec le · purgatoire naturel » correspondant. C'est l'affirmation de deux béatitudes pour l'homme, dans toute sa crudité. Ibid., p. 480482. Voir col. 1745. — b) L’abbé Doney, éditeur ct annotateur d’une traduction française du Catéchisme du concile de Trente, veut que les « l>ons infidèles » n’aient pas « un sort plus malheureux que les enfants morts sans baptême. » Ibid., p. 479. — c) L’abbé Martinet, dans La science de la ule, 1850, admet du moins, qu’à l'aide d'une < inspiration individuelle bon nombre de païens»arrivent à · l’éternelle cou­ ronne. » Mais tous n’obéissent pas à ces appels de la grâce; pour plusieurs, la négligence n’est pas bien coupable. Il en est dont la vie < généralement bonne et naturellement vertueuse, sera récompensée par une existence naturellement heureuse. » J bld, p. 485. — d) L’abbé de Broglie, dans scs Conférences sur la vie surnaturelle (lf· édit., 1878), la première année de scs conférences, enseigne qu’un homme faisant son possible serait infailliblement éclairé d'une lumière surnatu­ relle, ct il ajoute : · Ainsi disparaît l'hypothèse de l'âme pleinement vertueuse qui serait exclue du bonheur surnaturel, faute d’un appel de Dieu, ct qui aurait droit à une récompense de l’ordre naturel. Cette hypothèse disparaît, non parce que Dieu refuse ccttc récompense, mais parce qu'il lui substitue le don gratuit du ciel, qui est infiniment préférable. » Mais l’année suivante, Γ hypo thèse de la récompense natu­ relle dans les limbes reparaît chez le conférencier. « Elle n’est contraire, dit-il, à aucun principe théolo­ gique, ct peut être admise comme l’une des meilleures solutions du problème. » 11 ajoute que la « majorité des théologiens » n’est pas de cet avis Mais enfin, dit-il, on conçoit les limbes pour · les païens qui sc conduisent d’une manière moins absolument ct héroïquement vertueuse ». Pourtant, dirons-nous, la formule théologique facere quod in se est n’a jamais été comprise ainsi: se conduire d’une manière absolument cl héroïquement vertueusel La miséricorde divine n’en demande pas tant pour donner infailliblement les se­ cours prochains ct surnaturels du salut. Dans son cours (Γhistoire des religions, 5· ct G· leçons, l’abbé de Broglie recourt encore à la solution des limbes. Capéran, p. 486, 487. Malgré le grand talent du professeur, les fluctua­ tions de sa pensée la rendaient nécessairement obscure, ce qui excita une controverse dans les revues. — e) Mgr d’Hulst, peut-être au souvenir de cette discussion qui avait laissé les adversaires sur leurs positions respectives, cherche un terrain de conciliation. 11 pré­ fère, quand à lui, ne pas recourir ù l'hypothèse de l'admission de ces adultes aux limbes : « Outre qu’elle est généralement regardée comme au moins témé­ raire, elle semble peu coiuiliable avec la doctrine qui place tous les hommes, du moins tous les adultes, dans l'inévitable alternative du ciel ct de l’enfer. » Conférences, carême de 1892, note 13, p. 443. Mais il flotte lui aussi : plus loin, il trouve · facile » cette conciliation. Il suffira de dire que l’admission aux limbes « sera une certaine forme de la damnation, puisqu’il y aura privation de la vision intuitive : seu­ lement cette damnation ne sera que peu ou point pénale, ct cela en vertu de la justice même de Dieu. » Ibid., note 20, p. 465. Mais ccttc conciliation n'en est pas une. C'est, pour la vie future, V assimilation pure et simple de ces adultes, humainement vertueux, aux enfants morts sans baptême. Car ceux-ci sont « dam­ nés » d'après les conciles, cl ils ont la peine du dam (cc qui est pénal),bien qu'ils n’en souffrent que peu ou point (ce que sans doute l’auteur veut dire). Or 1898 l'ensemble des théologiens n'admettra jamais cette assimilation, pour les raisons déjà données contre Scyssel ct ceux qui l’ont suivi. Voir Capéran, Essai historique, p. 489, 490, 2· Admission de grandes masses d'infidèles dans le limbe des enfants, au titre de non-adultes. — C’est la solution proposée par le cardinal Billot, et déjà expliquée d'après lui-même. Voir col. 1891. Λ cc titre de non-adulte, au sens moral du mot, les théologiens admettent communément aux limbes les aliénés per­ pétuels, en comprenant avec la folie proprement dite la débilité mentale, également perpétuelle jusqp’à la mort. Déjà au xvm· siècle, quelques apologistes, contre Voltaire ct Rousseau, se sont demandé si l’on pourrait assimiler aux enfants morts sans baptême ct aux < imbéciles » certains sauvages < assez abrutis pour être incapables de s’élever par eux-mêmes à la connaissance de Dieu ct des principes de la loi natu­ relle. » Bergier le · présume ». Feller a quelque répu­ gnance à l'admettre. Voir Capéran, Essai hisL·, p. 430, 431. Puis, au xix· siècle, Balmès se demande si · aux divers degrés d’imbécillité » on ne pourrait pas com­ parer · l’état de stupidité où vivent le plus grand nombre des sauvages. » Peuvent-Ils commettre un péché grave? « Que fera Dieu à leur égard? » Balmès hésite entre la solution d’une illumination extraordi­ naire ct celle des limbes. Il pense enfin que « la fol catholique... s’abstient de dire cc qu’il fera, laissant le champ libre aux conjectures des théologiens. » Ibid., p. 483, 484. Voir aussi enfeu, t. v, col. 98, 3·. Voilà quelques précédents, mais moins hardis, à l’hypothèse présentée par le cardinal. Nous exami­ nerons cc que donnent sur la question : 1. L'Écriture, 2. le tradition ancienne, 3. certaines notions de théo­ logie morale considérées communément comme très sûres. 1. Écriture. — Lc cardinal n’oublie pas que la ques­ tion présente est une question de fait. Quel est, de fait, l'état des païens dans l’ordre de providence où est le £cnre humain depuis la chute ct la promesse du rédempteur? Peuvent-ils connaître Dieu et la loi naturelle? Sont-ils excusables de l’ignorer? PèchentIls, ct seront-ils Jugés? Les deux premiers chapitres de l’épltre aux Romains répondent à cette question de fait. Nous les avons déjà expliques en partie à l'occasion d'un système contre lequel nous avions le cardinal avec nous, celui de Ripalda. Voir col. 18191822. Dans ces deux chapitres, une division se présente naturellement d’après les objets traités. Deux parties consécutives : l’une sur la connaissance de Dieu, l'autre sur la connaissance de la loi naturelle. — Pre­ mière partie : connaissance de Dieu. — Lisons l'ana­ lyse qu'en fait le cardinal. Dans « les deux premiers chapitres de Pépltre aux Romains, parlant du fuste jugement de Dieu, n, 5..., saint Paul met en scène ceux qui auront à compa­ raître devant cc redoutable tribunal, pour y rendre un compte exact de leurs actions. Ils appartiennent à deux catégories differentes, les juifs ct les païens... Et tout le discours de l'apôtre va à montrer combien justement ils seront cités à comparaître, les uns aussi bien que les autres, sans privilège qui tienne pour les premiers, sans excuse qui vaille pour les seconds. · Études, 20 août 1920, p. 397. < Allant droit nu fait, (saint Paul) declare que dans les païens aussi, dans ceux du moins dont il parle, s’étaient vérifiées les deux conditions requises (connaissance de Dieu, con­ naissance de ses commandements). Ils avalent connu Dieu, non pas, il est vrai, comme les juifs, par la révélation de l’Ancien Testament, mais dans le livre de la nature, par la lumière naturelle de leur raison. Car cc qui se peut connaître de Dieu (par la seule raison), 1S99 INFIDÈLES 1900 Dieu le leur a manifesté... par le moyen de ses oeuvres. F le mal, sur le Juif premièrement, puis sur le grec. Gloire, honneur ct paix pour quiconque fait le bien, Ils sont donc inexcusables puisque, ayant connu Dieu, pour le Juif premièrement, puis pour le grec; car ils ne Pont pas glorifié comme Dieu, · i, 19-21. Ibid., p. 399. — Mais, de quels païens parle l’apôtrc? C’est Dieu ne fait pas acception de personnes. » n,9-11. Or la grande question. Des ennemis de la thèse du car­ dans ccttc importante conclusion, il n’y a pas un mot dinal, qui voulaient supprimer radicalement « l’exis­ qui restreigne la pensée dc l’apôtre aux « savants », tence dc cos masses que le défaut dc lumières suffi­ aux < philosophes », aux · intellectuels. » — Nous santes aurait excusées du péché » ont soutenu, paraît- avons donc quelque droit de dire avec le P. Prat : • La distinction imir' ;ée par quelques exégètes entre il, que < saint Paul..., parlant des anciens païens , les condamne tous en bloc..., ct englobe dans une répro­ les philosophes ct le vulgaire est sans fondement, Paul parle des païens en général... Les philosophes bation générale l’entière gcnlililé idolâtre. » Études, 5 mai 1921, p. 272. A l’encontre le cardinal soutient sont plus coupables, parce qu’ils ont péché davantage que, dans cc monde païen, l’apôtre parle seulement des contre la lumière, niais ils ne sont pas les seuls cou­ savants ct des philosophes, ce qui permet d’excuser pables. Restreindre à eux seuls l’argumentation dc de toute faute actuelle les < masses » en question. l’apôtrc, c’est perdre do vue sa thèse ct énerver son Voilà deux positions en présence. N’y a-t-il pas place raisonnement. » La théologie dc S. Paul, 1908, P· partie 1. Ill, c. n, n. 2, p. 266. pour une troisième? Laissons ces outrancicrs qui Seconde partie : connaissance dc la loi naturelle. — < condamnent en bloc > tous les anciens païens; une position moyenne rendrait mieux compte du texte < Ce ne sont pas ceux qui entendent (connaissent) dc saint Paul : la voici. Si dans ce morceau les philo- i une loi.·, mais ceux qui la mettent en pratique, qui sophes sont principalement visés, en tout cas ils ne seront justifiés » (au tribunal dc Dieu), n, 13. Dans ces paroles, bien qu’il pose un principe universel, saint le sont pas uniquement, comme le voudrait le cardinal Voyons ses preuves. — a) Le verset 22, lui semble Paul vise plus spécialement ici les juifs, fiers de leur Loi, mais qui ne l’observent pas, comme s’il suffisait < plus que suffisant pour déterminer le sens ». Cc verset n’est applicable qu’aux philosophes : Dicentes à leur salut d’avoir reçu la Loi, par la révélation dc se esse sapientes, stulti facti sunt. Éludes, 5 décem­ Moïse destinée à eux seuls, n, 17 sq. Et c’cst encore à bre 1920, p. 527. — Mais cc n’est pas le fait des seuls leur adresse qu’il montre ensuite les gentils connais­ philosophes de < sc dire sages »; cela arrive à bien des sant, eux aussi, une loi divine, la loi naturelle écrite Imbéciles. Et la sottise dont parle ici l’auteur sacré, dans les cœurs, ct même sc conformant, quand ils la qui est d’avoir accepté l'idolâtrie, i, 23, n’était pas suivent, aux exigences dc la Loi mosaïque considérée non plus le fait des seuls philosophes, ni n’avait dans sa principale partie, comme loi morale, comme commencé par eux. Enfin l’immoralité contre nature, décaloguc, n, 1 1, 15. Ce but particulier, d’humilicr dont saint Paul fait ensuite un affreux tableau, r, 21 sq. salutairement les juifs, est atteint, quand même les n’était malheureusement pas restreinte aux seuls gentils transgressent le plus souvent ce qu’ils con­ philosophes, si l’on en croit l’histoire ct les traits naissent de la loi naturelle, cc qui d’aillcurs rentre dans le but général dc l’apôtre, énoncé au commencement mêmes Indiqués par l’apôtre (feminee, t 26); ni non plus l’énumération qui vient après, de toute espèce ct à la fin de tout le développement : < 11 n’y a que dc vices et dc manquements aux divers devoirs. — l’Évangilc qui ait la puissance de sauver : en dehors b) < Le verset 18, nous dit-on,· est bien plus signifi­ dc là, tous les hommes ont péché, ct ont besoin du secours dc Dieu. »i, 16;m,9sq., 23.Cf. Prat, ibid.,n. 1, catif » encore : « La colère de Dieu éclate du haut du Thèse de Péptlrc, p. 262. Et le cardinal le reconnaît : ciel contre l’impiété ct l’injustice des hommes qui, par leur injustice, retiennent la vérité dc Dieu cap­ « Tel était bien le but dc l’apôtrc, nous n’y contre­ tive ». Ibid., p. 528. < Quels étaient parmi les gentils, disons certes pas. » Éludes, 5 mai 1921, p. 273. Mais si c’cst là le but dc l’apôtrc, on va contre saint Paul s’écrie le cardinal, ceux qui, Injustes détenteurs, retenaient la vérité de Dieu captive? qui la connais­ en admettant, à côté d’une infime minorité de phi­ saient ct la gardaient pour eux, sans la communiquer losophes coupables, qui n’est relativement rien, une aux autres? qui la tenaient au secret, sous les verrous, multitude immense dc païens qui, faute d’être des dans de petits cercles d’initiés, sans la prêcher ouver­ « adultes spirituels », n’auraient absolument aucun tement et publiquement, comme Ils auraient dû le péché personnel, en sorte que le Omnes peccaverunt, faire?... De toute évidence, ct du premier mot jusqu'au qui résume la thèse dc l’apôtrc, deviendrait simple­ dernier, il ne s’agit, dans le texte dc saint Paul, que ment faux pour les païens. — Mais ccttc foule immense dc la classe dirigeante, des sages, des philosophes, des de païens non adultes, n’a qu’une < innocence pure­ savants. » Ibid., p. 528. ment négative », dit le cardinal. Ibid., p. 275. — Sans Réponse. — On peut, avec la plupart des inter­ doute; mais cette innocence négative étendue à dc prètes, ct des Pères grecs, qui connaissaient leur telles masses n’en renverse pas moins le Omnes pecca· langue, entendre le mot κατεχόντων dans un tout veru nt. Tous, c’est-à-dire presque personne. En vain autre sens : c’est le fait dc retenir la vérité, morale dira-t-on, cc qui est vrai, que l’universalité dc cet ou religieuse, dans une connaissance stérile, de l’em­ Omncs n’est pas absolue ni mathématique, qu’elle pêcher dc passer dans nos actions, dans la pratique souffre des exceptions. Des exceptions, oui : on en dc la vie. Défaut clairement reproché ensuite par doit admettre pour les cas dc démence perpétuelle, l’apôtre aux païens, i, 21 ; cf. n, 13. Defaut très humain ou dc perpétuelle imbécillité. Mais dans le système du ct très général, qui n’est pas le monopole dc la < classe cardinal, c’cst l’innocence des païens qui devient la dirigeante. » Du reste les philosophes, dans le monde règle; le péché n’est qu’une faible exception, dans une minorité négligeable. Alors comment saint Paul a-t-il païen, n’étalent pas même, à proprement parler, » la classe dirigeante » ct n’avaient guère d’influence sur pu dire des gentils, aussi bien que des juifs : Omnes les multitudes. Ajoutons qu’on lit ensuite dans saint peccaverunt? — Pourtant saint Paul, réplique le car­ Paul un développement que le cardinal n'examine dinal, quand il parle des païens ct d’eux seulement « sc sert d’une expression restrictive n’embrassant pas, ct qui est très Important, étant la conclusion dc tout cc qui précède. L’apôtre y montre clairement le pas la collectivité entière » ct nous avertit ainsi « qu’il dies trie, le < juste Jugement dc Dieu, qui rendra à s’en prend à la classe cultivée et laisse l’autre dans chacun selon scs œuvres, aux uns... la vie éternelle, l’ombre... Quand des païens, dit-il, qui n’ont pas la aux autres... la colère ct l’indignation », n, 5-8. < Tri­ Loi (écrite), accomplissent naturellement cc que la Lol comm indc, ils montrent que cc que la Loi ordonne bulation et angoisse, dit-il, sur tout homme qui fait 1901 INFIDÈLES est écrit claris leurs consciences, n, 14. 11 dit, des païens, et non pas les païens : έθνη.., ct non τά £0ζη .. Et par cette façon de parler., ne laisserait-il pas supposer, chez les gentils, l'existence d’une classe plus ou moins nombreuse, demeurée, quant à la loi dc Dieu, vierge dc toute connaissance suffisante, et comme à l'état de table rase où rien encore n'aurait été écrit? » IMd., p. 275, 276. Réponse. — Saint Paul met ici : < quand des païens accomplissent cc que la Loi commande » etc., tout simplement parce que la très grande majorité refuse librement dc l’accomplir ct pèche à un moment ou à un autre; ct c’cst précisément ccttc très grande majorité qui lui fera dire plus loin : Omnes pecca­ verunt.., en négligeant, outre quelques inconscients, la quantité relativement faible dc ceux qui sc mon­ trent constamment bons, ct qui par là nous montrent la loi écrite dans leurs coeurs : cc qui, d’ailleurs, n'empêche pas que les autres, les pécheurs, quand Ils agissent comme si la loi naturelle n'existait pas, ne la sentent au dedans dc leurs consciences,— ou qu’iis ne puissent avoir, par la suite, un moyen dc salut dans l’Évangilc. Ccttc façon dc parler : « des païens » cadre donc avec l’opinion commune des théologiens. Quant à y voir un rappel de la division des gentils en philosophes ct en gens qui ne le sont point, pas un mot du contexte ne nous y autorise, ct cc serait détruire le Omnes peccaverunt, que d’y songer. — L’autre endroit dc l’épltrc invoqué en passant, v, 14, est généralement entendu des seuls enfants, morts avant tout péché personnel, qui suffisent amplement pour que vaille le raisonnement dc l’apôtre. Le car­ dinal lui-même < ne prétend pas y trouver (pour son opinion) un argument positif. » Ibid., p. 276, 277. Dans le dernier article dc lui, qui ait paru à cc moment-ci, le cardinal prend une attitude nouvelle. « Que l’on fouille les Écritures, dit-il, que l’on compulse les monuments dc la tradition divine, que l’on par­ coure la longue liste des décisions de l’Église, on n'y trouvera » sur « le cas des infidèles négatifs.., privés dc tout contact avec les prédicateurs dc l’Évangilc.., ni renseignements précis, ni informations particu­ lières; ce qui, du’reste, ne sera pas pour nous sur· prendre. A qui, en effet, ces informations auralcntellcs profite? Non certes aux intéressés eux-mêmes · qui les auraient ignorées. « A nous alors, exclusive­ ment ? Mais, si elles ne nous concernaient pas..., où était V utilité de nous les fournir? La révélation avait à nous instruire dc la vie éternelle à laquelle Dieu nous convie, des moyens disposés par lui pour nous y donner accès.., dc la damnation étemelle à éviter. Elle n'avait pas à nous renseigner sur des choses qui... ne nous regardent et ne nous touchent, curiosité mise à part, ni dc près ni de loin, ni directement, ni indirec­ tement. » Et après une citation de Bossuet tranquil­ lisant dans une lettre la sœur Cornuau « qui, trou­ blée du problème de la providence salviflque dc Dieu sur la généralité des hommes, s'embrouillait «ans, en pouvoir sortir », le cardinal ajoute : « En vérité exactement de même » pour nous tous; contenlonsnous dc savoir que Dieu est bon et juste . « 11 a bien quelques droits à ce que nous lui fassions crédit jus­ qu'au jour des révélations suprêmes.. La question de savoir... s’il ne sc trouverait pas chez eux (les infidèles négatifs) des multitudes considérables dont le sort serait de n'êtrc ni dans la béatitude des élus dc Dieu ni dans les peines non plus de l'éternelle géhenne... est, par rapport à l’objet propre dc la révé­ lation divine, une question d'd côté; une question qui n'entre pas, pour employer la formule consacrée par le concile de Trente, dans le cadre des choses de la foi et des moeurs ayant trait d l'édification de la doctrine chrétienne. » Études, 20 nov. 1921, p. 386-389. I 1902 Critique. — Deux questions sont ici en cause. — D’abord, question de fait. Qu'on scrute les Écritures, ct en général les sources de la révélation, on ne trouve rien de précis sur l'état moral des multitudes païennes, ni par consequent sur leur sort étemel. — Mais les textes dc saint Paul, que nous venons d'étudier? Permettent-ils d’admettre ces < multitudes considé­ rai) les » de grands enfants non baptisés, qui dans toute leur vie ne font pas le moindre péché, ct donc ne peuvent être mis ni au ciel ni en enfer? Non, iis ne le permettent pas. Il y a donc, sur le fait, un · ren­ seignement précis » dans les Écritures. — Ensuite, question dc droit. La révélation n'avait pas à nous en parler. — Mais c’est toujours une question délicate pour un théologien, de décider a priori qu'une vérité est inutile, qu’elle ne doit pas être dans la révélation, ou que si par hasard elle y est, clic reste en dehors dc l’objet propre, en dehors de cc qu’on est tenu de croire. Plusieurs ont abusé dc ces déterminations a priori ct arbitraires pour minimiser à tort la doc­ trine révélée; le cardinal le soit mieux que personne. Du reste la sœur Cornuau avait tort de sc tourmenter, c’est entendu; ct la révélation n’est faite ni pour satisfaire uniquement la curiosité, ni pour troubler les bonnes âmes. Mais au-dessus des simples fidèles, il y a l’Église : d’elle on ne peut pas dire, que l’état ct le sort des infidèles « ne la concernent pas ». Elle a besoin de trouver quelque chose là-dessus dans la révélation, soit pour ajuster scs formules dogmatiques, soit pour réfuter les objections ct juger les theories des adversaires dc la foi, soit pour diriger son minis­ tère ct sa discipline. On ne peut la confiner dans le seul souci du salut de scs fidèles ; clic doit aussi diriger avec rectitude son ministère auprès des infidèles Si l’on admettait chez les infidèles négatifs ces « mul­ titudes considérables > qui ne seraient pas menacées de l’enfer, si ccttc hypothèse devenait le sentiment commun des théologiens, ne s’ensuivrait-il pas peutêtre que, dans une- plus grande disette dc prêtres et de missionnaires résolus à s’expatrier, l’Église n’enverrait plus scs hommes apostoliques dans les régions lointaines où abondent les infidèles négatifs, mais ailleurs plutôt, au plus pressé, là où la damnation du grand nombre est à craindre? — Il était donc très utile ct en quelque sorte nécessaire que Dieu, surtout dans la révélation du Nouveau Testament, préparât sur cc point une lumière pour son Église; et c’était plus nécessaire au sujet des adultes, qu’au sujet des enfants prématurément enlevés, dont il ne dit rien. 2. Tradition ancienne. — Le cardinal admet que l’on pourrait citer contre son système beaucoup de Pères dc l’Église, beaucoup d’anciens théologiens comme saint Thomas, qui donnent une solution opposée à la sienne. 11 préfère, dans l’espèce, récuser l’autorité de ces juges vénérés. Dc cette attitude, qui pourrait sembler insolite, 11 donne deux raisons: les ignorances géographiques des Pères ct des théolo­ giens. d’une part; ct de l’autre, leur défaut dc critique historique. a) « Jusqu’à la fin du moyen âge » on ne possédait pas < les principales données du problème. Naturelle­ ment, les théologiens ne pouvaient que partager les idées de leur temps sur l'étendue du monde habité.. Dc là, chez eux, une conception des conditions du monde, tant avant qu’après l’Évangilc, qui leur per­ mettait de résoudre la question du salut des infidèles d’une façon fort satisfaisante » en apparence, < ...Insuf. Osante du reste... dès que l'on se met en face de la réalité des choses, telle que nous la connaissons aujourd’hui ». A leurs yeux, le · monde dc la gentilité était considérablement réduit, vu qu'on en était tou­ jours, en fait de connaissances géographiques et ethnographiques, à très peu dc chose près du moins, 1903 INFIDÈLES 1904 aux données de Polybe ct de Strabon. A l’occident, I du monde, l’Évangilc sera prêché de telle sorte que tes colonnes d’Hercule; à l’orient, l’extrémité de la toute nation l’ait entendue. » Il ajoute : « On ne dit chaîne des monts Taurus; au sud, le littoral médi­ pas que l’Évangilc ait été prêché à toutes les tribus terranéen de l’Afrique; au nord, une ligne allant des de l’Éthiopie, surtout à celles qui sont au delà du pays Scandinaves à la mer Caspienne, telles étaient fleuve. D’ailleurs ni les Sèrcs, ni d’autres peuples de les bornes de la terre habitée, au delà desquelles il (’Orient n’ont entendu parler du Christ. Et que dire n’y avait plus rien >. Ibid., p. 391, 392. — Ouvrons des Bretons ct des Germains qui bordent l’Océan, ou l'Atlas antiquus du D'Wilhelm Sieglin, Gotha, Perthes, des Daces, des Sammies et des Scythes, dont un 1893. Dans la première carte, Orbis terrarum secundum grand nombre n’ont pas entendu la parole évangé­ illustrissimos Veterum géographes, on nous montre lique? · In Mattha um commentarii, c. xxiv, 14; JA G., d’après Hérodote, v· siècle avant J.-C., le périple des t. xm, col. 1654, 1655. Saint Augustin lui-même sait Phéniciens, qui, passant par la mer Rouge, côtoyèrent qu’il y a encore des nations qui n’ont pas été évan­ 1c continent africain tout entier, ct après trois ans de gélisées; et il sc sert de ce fait, pour prouver ccttc circumnavigation, rentrés dans la Méditerranée par inégalité de faveurs divines dans l’ordre du salut, tes Colonnes d’Hercule, revinrent au logis. Donc, on qu’est la prédestination à la grâce. Sur son disciple Prosper, voir col. 1713. connaissait déjà, de l’Afrique, plus que son littoral méditerranéen. Puis nous voyons le monde d’après Voilà pour les Pères. Quant à saint Thomas ct aux Strabon, né 63 ans avant l’èrc chrétienne. Il n’arrète théologiens jusqu’à la lin du moyen âge, ce qui leur pas l’Asie à l’extrémité de la chaîne du Taurus, mais a donné une assez vraie conception du monde habité, décrit, comme de Juste, l’empire d’Alexandre jus­ cc qui les a amenés à concevoir un assez grand nombre qu’aux Indes; la limite extrême du monde de Strabon d’infidèles délaissés, c’est d’abord l’influence des vers J’Est renferme, du Sud au Nord, l’Ile de Tapro Arabes. Sans parler de leurs remarquables voyageurs banc (Ceylan) ct les Sèrcs (Chinois). Mais le commerce ct des descriptions qu’ils écrivirent, un de leurs fit de grands progrès, ct l’œuvre de Strabon fut dé­ khalifes flt traduire en arabe les œuvres de Ptolémée, passée et effacée par celle de Ptoléméc, vers 150 après que leurs astronomes corrigèrent même, par une déter­ J.-C. — · Cet astronome alexandrin, dit la Grande mination plus exacte des latitudes et des longitudes. Encyclopédie, eut la bonne fortune que son livre fut « Le principal mérite des géographes arabes, dit la pendant douze siècles le fond de la géographie, ct n’est Grande Encyclopédie, fut d’être des intermédiaires devenu inutile qu’au xvni·... Par delà l’Inde, il connaît entre la science grecque ct ΓOccident, auquel ils en la Chcrsonèsc d’Or (presqu’île de Malacca)..., nomme transmirent le dépôt. Albert le Grand, Roger Bacon la place commerciale de Catligara (Sumatra)... Il ct Vincent de Beauvais furent en Europe les réno­ sait également la route de mer et la route de terre vateurs de la géographie. » Ibid., p. 789. Vincent de pour aller en Chine, soit chez les Sinœ (Chine méri­ Beauvais, par exemple, un des premiers dominicains, dionale), soit chez les Sères (Chine septentrionale)... mort eu 1264, avant saint Thomas, donne quelques En zKfriquc il place assez exactement les lacs maréca­ notions justes sur la géographie générale de la terre : geux d’où sort le Nil... Il couvre le Sahara de noms à côté d’écrivains latins comme Pline, Macrobe, etc., de tribus inconnues des auteurs antérieurs. » Article il utilise des Arabes comme Avicenne et le livre De Géographie, p. 787, 788. Cf. Atlas antiquus, loco cit. — naturis rerum, où des passages d’autres auteurs arabes Sans doute, occupés à d’autres soins, les Pères de sont transcrits. On y prouve la fonne sphérique de la l’Église n’étaient pas de grands géographes. Cepen­ terre, le climat des différentes zones, on discute les dant ils n’ignoraient pas. du moins les plus érudits, endroits habitables. Speculum mafus, t. ï. Spéculum les données les plus curieuses de la science géogra­ naturale, 1. VI, c. n, sq., édit, des bénédictins, Douai, phique de leur temps; par exemple, plusieurs d’entre 1624, col. 370 sq. — Ajoutez surtout « les voyages eux ont partagé cette vague idée qu’avait l’antiquité politiques ou commerciaux accomplis au xiu· siècle d’un continent de l’autre côté de l’Atlantique. C’est le (par les européens eux-mêmes) dans l’Asie centrale premier de tous les Pères, Clément de Rome, qui nous et orientale où régnaient alors les souverains mongols; dit : < L’Océan infranchissable aux hommes, et les ces voyages procurèrent aux Européens une connais­ mondes qui sont au delà, sont gouvernés par les mêmes sance de l'Asie presque égale à celle des Arabes ». Les dispositions de la providence de Dieu. » ï Cor., c. xx; résultats de ces voyages ont certainement été connus P. G., 1.1, col. 219,252. On peut voir dans cette édi­ de saint Thomas, qui ne commence à enseigner tout tion en des notes très copieuses les interprétations jeune les livres des Sentences qu’en 1251, à Paris, ct soutenues par divers commentateurs de l’épltre. La n’achève la Ir· ct la IIe partie de la Somme théologique, meilleure semble bien celle qui voit dans ces «momies qu’en 1269, en Italie, ct meurt en 1274. « Des négo­ au delà de l’Océan » de vastes pays nu delà de l’Atlan­ ciants vénitiens, favorisés par les Turcs ou Mongols, tique, Ibid., col. 251, note. Ce passage de Clément parcourent toute l’Asie. Les Polo., (entre autres) romain a été cité par Clement d’Alexandrie, Origènc passent au Nord de la Caspienne, de l’Aral, gagnent ct saint Jérôme; voir les références dans Capéran, I Bokhara, puis la Chine (1254-1269)... Ils repartent p. 219, note. Il ne faut pas se laisser tromper par cette de Venise en 1271, avec le jeune Marco Polo, qui expression vague des Pères, empruntée d’ailleurs à devait écrire une admirable relation, base de la géosaint Paul, que la foi du Christ a été annoncée « dans I graphie de l’Asie pendant plusieurs siècles · Ibid., le monde entier » in universo mundo. Sous celte for p. 789, 790. Ainsi les renseignements géographiques mule hyperbolique ct sonore on entendait l’empire n’ont pas manqué à salut Thomas, ni à scs succès* romain, ou même seulement sa partie la plus connue. I seurs du xm· et du xiv· siècle, pour se faire une assez Saint Irénée énumère 1rs pays où le christianisme juste idée de la grandeur des régions lointaines du existe; il signale déjà, en dehors de l’empire, quelques monde habité, et par conséquent du nombre Immense égll^s fondées chez les barbares limitrophes; ce que des infidèles négatifs. S’ils n’ont pas eu recours à la fait Tcrtulhcn avec plus d’abondance et de précision. solution qui met tant d’hommes aux limbes des Voir Capéran, ibid., p 33, 34. Mais l’hyperbole de enfants, c’est donc un effet, non pas de leur ignorance ccttc formule n’empêchait pas les Pères de savoir en matière profane, mais plutôt, semble l 11, de leur qu’il y avait dans l’évungéhsation des lacunes énormes. science sacrée, qui leur interdisait de songer à une Origêne affirme que « beaucoup de nations, non seule­ telle solution. b) Le cardinal récuse encore, dans l’espèce, le juge­ ment chez les barbares, mais même dans l’empire, ment des Pères, de saint Thomas ct des théologiens n'ont pas entendu la parole chrétienne. Mais à la fin 1905 INFIDÈLES 1906 du moyen Age A cause de leur défaut considérable de t venit (prædicatio) utpote si fuerunt in silvis enutriti. > critique historique. G*cit *1« faut qui leur aurait fait J Ibid., p. 393-394. — Et il cite en passant un autre supposer, parmi ces Infidèles éloignés et délaissés, texte t du saint docteur déjà étudié par nous A propos dont leur géographie réduisait déjà singulièrement le . Ibid., p. 392. — l’apôtre parle au passé (Numquid non audierunt?), Réponse. Nous avons noté à cc propos l’étrange exa­ l’évangélisation apostolique n’était pas encore accom­ gération de saint Justin, empruntée aux plus fameux plie, mais qu’il en prévoyait l’accomplissement; et à juifs hellénistes. Voir col. 1810. Mais les écrits de cause do la certitude de la prédestination divine, Paul Justin ne firent pas école, notamment pour ce détail, met le passé pour le futur, comme le psalmiste dont parmi les Pères venus plus tard, surtout les Pères il emprunte les paroles : Jn omnem terram exivit sonus latins; saint Thomas et les théologiens du moyen Age eorum. Et, ajoute saint Thomas, Augustin fait cette ne se ressentent pas non plus de cette influence. remarque parce qu’il atteste lui-même que, de son L’erreur de Justin consiste à prétendre que les grands temps encore, il y avait en Afrique des nations aux­ philosophes grecs auraient tiré du livre de Moïse* tout quelles la foi du Christ n’avait pas été prêchée. > Ce ce qu’ils ont dit de l’immortalité de l’ûme, des châti- i qui embarrasse pourtant le docteur angélique, c’est inerts qui suivent la mort, de la contemplation des que Jean Chrysostome dit le contraire, dans son choses célestes ct autres dogmes semblables. » Ibid. commentaire sur Matth., xxiv, 14 : < Il faut que l’évan­ Tout en rejetant ccttc erreur, il semble néanmoins qu’il gile soit prêché dans le monde entier...et alors viendra faille admettre de façon générale une influence salu­ la fin. > Jean Chrysostome entend cette fin de la des­ taire des juifs pour faire des prosélytes parmi les païens, truction de Jérusalem, ce qui précipiterait beaucoup la ou du moins pour transmettre à beaucoup d’infidèles le prédication apostolique dans Je monde entier. Mais, très petit nombre de dogmes nécessaires ù la foi et au pour concilier autant que possible Jean Chrysostome salut. Et c’est avec raison que saint Augustin a consi­ ct Augustin, saint Thomas dit que « l’affinnation de déré les successives dispersions des juifs à travers les chacun d’eux a quelque chose de vrai, aliqualiter nations, ct la traduction des Septantcfccommc des évé­ verum. > Ici se placent les lignes citées par le cardinal : nements providentiels pour le salut de bien des païens, i < du temps des apôtres, à toutes les nations, même De civil. Del, I. VII, c. xxxn, P. L., t. xu, col. 221; jusqu’aux extrémités de la terre, est parvenue quelque cf. I. XVHI, c. xui. — b. — Pour les temps avant rumeur de la prédication des apôtres, ou de leurs dis­ J.-C., les Pères ct saint Thomas ont admis que les gen­ ciples... Et c’est ce que veut dire Jean Chrysostome. tils avaient reçu des révélations immédiates, et même Mais l’Église nes’est pas établie encore dans toutes les < avaient eu, eux aussi, leurs prophètes particuliers., nations,ce qui doit avoir lieu avant la tin du monde, comme les Sibylles surtout, dont les oracles passaient d’après Augustin. > Et si Γοη n des raisons de préférer pour avoir annoncé, ct dans les termes les plus clairs l’exposition de Jean Chrysostome, « il ne faut pas du monde, le Christ rédempteur. · lbid.,p. 392,393. l’entendre en cc sens que la rumeur de la predication — Réponse. Que des révélations divines aient été apostolique soit parvenue à chacun des hommes, bien faites à des païens pour leur communiquer les vérités qu’elle soit parvenue à toutes les nations. » Puis saint absolument nécessaires, il n’y a rien là d’impossible, Thomas pose une question (§ 3) : · Ceux à qui elle c’est même un postulat de la volonté salvi lique uni­ n’est point parvenue, si par exemple il s’agit d’homme verselle, du moins si l’infidèle ne met pas lui-même ayant grandi dans les forêts — (c’est pour lui un obstacle à ce don. Voir 3e système. Qu’au lieu de mul­ exemple, utpote st, ct non pas le seul cas possible, tiplier les révélations immédiates à chaque intéressé, d’ignorance invincible, comme s’il y fallait < des la Providence ait usé pur'o’s d’un intermédiaire pris circonstances tout à fait extraordinaires »)—sont-ils parmi les gentils eux-mêmes ct caoablc de fal-c excusés du péché d’infidélité? Je réponds que. suivant accepter d’eux sa mission, il n’y a là rien de déraison­ la parole du Seigneur, Joa., xv, 22, ceux qui n’ont nable, quoi qu’il faille penser du cas particulier des pas entendu la parole du Christ ni par lui-même ni Sibylles. Le fait d’ailleurs que les Pères de l’Églisc par ses disciples sont excusés du péché d’infidélité; aient été dupes de la supercherie littéraire que cons­ mais cela n’entraîne pas la grâce de la justification, titue la fabrication des Livres sibyllins, n’est pas une de la rémission de leurs autres péchés, ou contractés raison suffisante pour que l’on puisse rejeter complè­ en naissant (péché originel), ou surajoutes en vivant tement leur autorité dans la question du salut des mal, pour lesquels ils sont justement condamnés infidèles. — c. — Pour les temns après J.-C., le car­ (cf. Sum. theol.. Π* II·, q. x, a. 1 ct 4). Si pourtant dinal nous donne l’occasion d’étudier un très remar­ quelques-uns d’entre eux avaient fait leur possible, quable passage de saint Thomas sur le salut des infi­ quod in sc est, Dieu selon sa miséricorde aurait pourvu dèles, omis par nous jusou’ici. 11 y volt, lui, une à leur justification eu leur envoyant < par des moyens preuve encore plus forte de l’ignorance que l’on avait, préternaturels » un prédicateur de la fol, comme il a au moyen Age, des < véridiques dépositions de l’his­ envoyé Pierre à Corneille. Act.,x, ct Paul aux Macé­ toire. » Et il le cite ainsi : « Tempore apostolorum, écrit doniens, Act., xvn Mais cependant ce fait même d’ac­ saint Thomas en propres termes, ad omnes gentes, complir leur possible, en sc tournant vers Dieu, vient etiam usque ad fines mundi, pervenit aliqua /ama de de Dieu même qui meut leurs cœurs vers le bien, pricdlcalionc apostolorum per ipsos apostolos vel disci· suivant ccttc parole : Converte hos, Domine, ad le, et putus eorum : si bien (pic dans sa pensée, comme aussi convertemur, Thren., v. 21. > Le cardinal ajoute : dans celle do ses contemporains, à sc trouver loin de • C’est ccttc réponse qui contient le dernier mot de la tout contact, médiat ou immédiat, avec la révélation grande théologie du moyen Age touchant la question évangélique, ne seraient plus restés que ceux que des présente (du sort des infidèles); ct au surplus, nous circonstances tout à fait extraordinaires auraient n’avons nulle intention d’en contester ici la receva­ séparés du consortium humain, à savoir, quelques bilité. Nous disons seulement que cc serait bien à tort rares sauvages ayant d’aventure grandi nu fond des que l’on voudrait y voir une solution de portée géné­ forêts et n’en étant jamais sortis : ad quos non per- I rale, satisfaisante en tout état de cause... Si au Heu 19u7 INFIDÈLES 1908 dont dépendent l’ordre Ct la marche du monde. · Il du Robinson perdu au milieu des loups, que saint proteste qu'il n’entend pas le < moins du monde Thomas avait devant les yeux, s'étalent présentées à rejeter le sentiment des saints Pères, qui ont toujours sa consideration ces masses énormes répandues sur regardé celte idée quasi-innée, comme une première tant dc plages où n’avait encore pénétré aucun écho de la prédication apostolique, il n’aurait certaine­ assise posée au fond de l’âme naturellement chré­ tienne. » Éludes, 5 déc. 1920, p. 522. C’est ce que les ment pas cru satisfaire aux exigences de l’immense problème, par le seul recours aux deux moyens mira­ théologiens appellent la connaissance obscuro de Dieu, destinée à faire place à une idée claire, bien que culeux qu’il assigne ». Ibid., p. 394. Ces deux moyens confuse encore : claire, parce qu’elle suffit à le dis­ sont : l’envoi préternaturel d’un missionnaire; ct tinguer dc tout autre être. Voir dieu (son existence), l’inspiration intérieure ou révélation immédiate, ù t. îv, col. 870 sq. Pour pouvoir offenser Dieu, dit le laquelle le cardinal essaie d’opposer Rom., x, 14. cardinal, il faut non seulement une idée claire qui Voir col. 1857 sq. Du reste, quand saint Thomas parle le désigne, mais encore la connaissance dc certains de < toutes les nations, jusqu’aux extrémités de la attributs divins, qui est nécessaire à la connaissance terre » comme recevant un écho dc la prédication apostolique, il prend ces formules, comme saint Paul du pécht. Voici comment il la décrit : «C’est la notion, bien déterminée déjà, d’un Dieu personnel, distinct lui-même et les Pères après lui, avec l’hyperbole con­ du monde qu’il a créé ct qu’il gouverne; d'un Dieu sacrée par l’usage, par la rhétorique de l’antiquité, cc n’est qu’une partie, plus en vue, des nations. Et il unique, souverainement bon, souverainement parfait, dont la loi, qui n’est autre que la raison ou volonté n’est pas sans intérêt de remarquer qu’il prend soin dc distinguer entre une « nation > ct les individus qui divine ordonnant de garder l’ordre naturel et défen­ dant de le violer, s’impose à la conscience. Car telle la composent, dont beaucoup n’ont rien entendu. Il est bien la notion requise en l’adulte spirituel, sans savait assez dc géographie pour soupçonner des laquelle., toutes les conditions de la vie morale font • masses énormes » et bien des « plages où n’avait encore pénétré aucun écho dc la prédication aposto­ defaut. C’est donc sur cette notion, ainsi définie, que lique » ct d’autres où le premier écho s’était perdu porte la discussion présente ». Et ailleurs : « Nous comme s’il n’eût jamais existé, parce que l’Église, qui sommes loin dc prétendre que, pour être capable de aurait pu le conserver, n’était pas et « n’est pas encore péché, il soit nécessaire d’avoir dc Dieu une idée aussi établie » dans ccs plages et ccs nations-là. A toutes précise ct aussi nette que celle qu’en a le chrétien ces multitudes, quels moyens de salut? Parmi les bien instruit dc sa religion.., ou qu’elle doive être moyens prochains, admis par saint Thomas, il en est absolument épurée de toute erreur... Nous disons un * l’inspiration intérieure » qui peut largement sc seulement qu’elle doit être assez déterminée déjà multiplier, surtout à l’heure dc la mort. Enfin, parmi pour représenter Dieu à l’esprit comme distinct du ces infidèles négatifs, quelles foules immenses, par monde ct de chacune de scs parties .; qu’il y faut la leur libre faute, ne profilent pas du moyen éloigné, notion de cette perfection transcendante qui cons­ du /acere quod in se est avec la lumière naturelle dc titue Dieu fin et législateur de l’ordre inoral.., dc ccttc la raison ct avec l’aide d’une grâce qui les invite et les raison ct volonté souverainement droite, règle su­ forllficl Λ ceux-là, Dieu peut refuser le moyen pro­ prême dc toute rectitude ct dc toute justice » Études, chain; alors, comme vient de le dire le saint docteur, 5 mai 1921, p. 270. Il faut encore qu’on n’invoque pas Ils seront très justement condamnés, non pour un la divinité pour les seuls < intérêts de l’ordre temporel » refus de croire (ou « péché d’in fidelité ») mais pour comme le faisaient souvent les païens, ct « nu dire dc d’autres espèces de graves délits. Car avec saint beaucoup dc missionnaires, tant dc pauvres idolâtres Thomas, nous n’entendons pas sauver tous les fidèles dont l’ignorance ne voit, dans le culte dc la divinité, en dépit de leur liberté, ct encore moins tous les infi­ rien autre chose que le moyen d’ecarlcr d’eux les dèles. Speramus in Deum, qui est salvator omnium accidents malheureux, etc. » Ibid., p. 271. « il n’est hominum, maxime fidelium. I Tim., îv, 10. pas d'adulte au spirituel, c’est-à-dire pas dc vraie Conclusion. — On ne semble pas autorisé à dire notion du bien et du mal, pas dc conscience possible • que la solution des grands docteurs du moyen âge... de l'obligation ct de la responsabilité morale, tant devait finir par apparaître... de tous points déficiente » que la raison en son développement n’est pas arrivée dès que les découvertes géographiques < curent changé, à la connaissance du Dieu vrai ct vivant, notre créateur du tout au tout, l’idée que s’étaient faite des conditions ct notre maître, premier auteur dc notre être, et fin de la population du globe les âges antérieurs ». Ibid., dernière de toute la vie humaine, » 20 août 1920, p. 396. p. 395. Les decouvertes géographiques n’ont fait I — Critique Voilà bien des concepts exigés pour la qu’élargir encore cette idée, qui était déjà suffisam­ plus modeste vie morale. Tous les chrétiens mêmes ment large en réalité pour laisser entrevoir dc grandes les ont-ils? Ils ne seraient donc pas des adultes spi­ masses d’infidèles sans secours ordinaires. rituels? Ne suflll-il pas dc la notion dc suprême Légis­ 3 Notions de théologie murale unanimement consi­ lateur, ordonnant dc garder l’ordre naturel, imposant dérées comme certaines : a) sur le degré de connais­ une loi, une règle obligatoire à la conscience? Le péché sance de Dieu nécessaire pour pouvoir l’oiTcnscr; sc conçoit surtout par l'opposition à une telle règle : b) sur quelques préceptes de la loi naturelle connus magis est dc ratione peccati proscrire regulam ordinis, dc tous les hommes. quam etiam deficere ab actionis fine, dit suint Thomas, a) Quelle connaissance de Dieu faut-il avoir pour De malo, q. n, a. 1. La notion dc fin et surtout dc « fin pouvoir l'offenser, — Cette question compliquée sc dernière de la vie humaine » n’est donc pas nécessaire pose ici nécessairement, puisque le cardinal estime à tout péché; le péché véniel n’est pas opposé à la fin que des multitudes immenses d’infidèles, par défaut dernière Quant au concept dc «créateur », il a manqué dc ccttc connaissance, ne sont capables d’aucune aux plus grands philosophes grecs : faudra-t-il les offense de Dieu, même vénielle et a fortiori mortelle. regarder, eux aussi avec tout le reste des païens C’est qu’il exige, pour pouvoir pécher, une plénitude comme non-adultes? On ne voit pas non plus pour­ et une pureté dc connaissance de Dieu, que le senti­ quoi le concept difficile dc « souverainement parfait » ment commun des théologiens ne demande pas. — ou d’infinie perfection serait nécessaire à pouvoir a. Plénitude de cette connaissance. — il ne refuse pécher; ni pourquoi il ne suffirait pas de connaître Dieu d’une manière plus générale comme « distinct pas aux païens une « idée première ct quasi innée du monde > sans le connaître en plus comme « distinct de la divinité, partout reçue ct partout répandue,» qu'il réduit à l’idée « vague d’une cause supérieure I de chacune de scs parties » — ou dc le connaître 1909 INFIDÈLES 1910 comme < législateur dc l'ordre moral » sans le con­ du traditionalisme, la plus mitigée, que le concile du Vatican n'a pas voulu condamner, sans l'approu­ naître comme « tin · dc cet ordre. On peut avoir, d'ailleurs, la connaissance dc Dieu requise pour le ver pour cela : c’est celle qui affirme la nécessité péché, ct d’autre part dans l'exercice dc la prière absolue de renseignement, familial ou autre, pour arriver à la connaissance naturelle de Dieu. Voir ne solliciter dc lui que des biens temporels. Cc défaut Dieu {connaissance naturelle de), t. rv, col. 835. De ne sc trouve pas chez les seuls païens. Et parmi les attributs assignés comme nécessaires, que signifie ccttc espèce dc traditionalisme s’approche le cardinal précisément « le Dieu vrai et vivant? > Enfin l'en­ quand il pose l’enseignement naturel comme une semble des théologiens, très certainement, n'en de­ condition sine qua non de la connaissance dc Dieu mande pas tant pour considérer un homme comme en ce qui regarde le vulgaire, p. 266.A scs yeux,excep­ tion faite des philosophes, l’instruction première adulte au sens moral ct capable dc pécher : comment décide absolument par avance si l’on aura ou non, prouve-t-on qu’ils ont tort? b. Pureté de cette connaissance. — Sur cet autre dans tout le courant dc la vie, le développement terrain l’exagération ne manque pas non plus : on moral dc la raison, par suite la capacité dc p Études, n. du 5 dé­ dont les nations païennes nous offrent le tableau, où cembre 1920, p. 529. Sans parler si bien qu’Aristote, les disparaît entièrement l’enseignement dc la vérité de hommes du vulgaire pouvaient saisir la différence entre Dieu, pour faire place à la contre-éducation que l'on ces dieux inférieurs et le Dieu suprême qu’atteignait sait ; où les lois, les mœurs, les institutions publiques, le culte officiel,l’exemple des dirigeants, la tradition obscurément leur âme < naturellement chrétienne », des ancêtres... ne mettent plus devant les yeux que comme dit le cardinal avec Tertullicn. Du reste la des divinités de contrebande, n’ayant rien à voir assu­ raison leur était donnée pour arriver, s’ils voulaient s’en servir, à développer la notion si importante dc rément avec des obligations quelconques imposées ce Dieu suprême, pour rattacher à lui le remords à la conscience.., dans ces conditions, au sein même qu’ils éprouvaient d’une faute, la joie d’une bonne des civilisations les plus brillantes.. Borne, Athènes, action et d’autres faits du même ordre moral, ct Babylone, etc., il n’y avait plus, pour la grande masse, possibilité aucune d’arriver à la notion du vrai Dieu arriver ainsi ù le connaître comme auteur de la loi naturelle. Nous ne disons pas qu’ils y parvinssent et de sa lot.j 5 déc. 1920, p. 535 b) De quelques préceptes de la toi naturelle connus aussi vite que les chrétiens; pourtant des grâces de tous les hommes. — Saint Thomas, dissertant lon­ d’ordre Inférieur leur facilitaient cc travail, qui du guement sur cette question « si cette loi est une chez reste pouvait sc faire sans étude ct sans livre, et comme spontanément. Voir roi, t. m, coi. 319. Le tous », arrive enfin à cette assertion : « La loi naturelle, cardinal, répondant à des objections, dit qu’on lui dans ses premiers principes généraux, est identique, chez tous les hommes, soit quant ù la rectitude de a reproché des principes menant au traditionalisme. Il n’n pas de peine à montrer la distance entre scs ccs principes, soit quant à la connaissance qu’on en a. Il en est dc même, mais seulement à l’ordinaire, ut in principes et le traditionalisme condamné au concile pluribus, dc certains principes plus particuliers, qui du Vatican, c’est-à-dire « le fidéisme aveugle » qui détruit la foi elle-même < dans ce qu’elle a dc raison­ sont comme les conclusions des plus généraux... Par­ fois cependant, ut in paucioribus, pour ccs principes nable ct de prudent », qui affirme «la nécessité absolue d’une révélation ■ pour connaître quelque chose de plus particuliers, des obstacles spéciaux empêchent Dieu, ainsi que « les vérités qui sont à la base de la ccttc uniformité dc connaissance... Ainsi le vol, bien qu’expressément contre la loi naturelle, n’était pas vie morale > ct fait par là « du bienfait gratuit dc la révélation une chose due à la nature > Lui, au con­ réputé injuste chez les Germains, au rapport dc traire, en ce qui regarde les « philosophes », admet Jules César, Guerre des Gaules, 1. VL » Sum. theol., I* II·, q. xav, a. I. Plus loin il se demande < si la que leur raison peut « s'élever par ses propres lumières loi naturelle, écrite au cœur de l’homme» peut en être à la connaissance certaine dc Dieu... ; ct en cc qui regarde le vulgaire..., à la place dc la nécessité d'une effacée ». Et il répond : « Nous avons dit qu’à la loi naturelle appartiennent en premier Heu certains pré­ révélation », ii met « la nécessité dc renseignement..., ceptes très généraux, qui sont connus de tous; ct en l’enseignement des petits par les grands, des enfants par leurs parents, des ignorants par leurs maîtres.., second lieu certains préceptes secondaires plus parti­ culiers, qui sont comme les proches conclusions d’un ’enseignement d'ordre purement naturel. »5 mai 1921, p. 264-267. Mais à côté du fidéisme, il y a une forme principe. Quant aux premiers, la loi naturelle ne peut 1911 INFIDÈLES Aucunement être effacée des cœurs des hommes, pour ce qui est du principe universel lui-même. , bien que dans l'application du principe général à une action particulière..., la passion puisse obscurcir le principe. Quant aux préceptes secondaires, la loi naturelle peut s'effacer des cœurs des hommes, à cause de mauvaises persuasions... ou d'habitudes corrompues. » Ibid. n. 6. Et il cite l'exemple du vol, ct · même des vices contre nature », en renvoyant à l'apôtre, Born., i, 26 sq. — Sur ccs affirmations du saint docteur, devenues depuis longtemps communes en théologie, nous raisonnons comme il suit : La connaissance d’un « précepte » de la loi naturelle ne sc conçoit pas sans la connaissance dc l’obligation, ct du suprême Législateur qui oblige, comme nous le rappelle souvent le cardinal, à propos d'une condamnation ayant trait au < péché philoso­ phique. » Or tous les hommes en général, à part de rares exceptions faites pour les déments perpétuels, et autres semblables, connaissent (question de fait) quelques premiers préceptes dc la loi naturelle, si maigre qu'en soit la catégorie : c'est la doctrine commune ct certaine. Donc certainement les païens en général connaissent Dieu ct sa loi assez pour avoir une vie morale, pour être capables de quelques péchés, ou dc quelques actions naturellement bonnes. Donc on ne peut supposer ccs multitudes immenses qui, sans aucune faute dc leur part, sont absolument incapables dc vie morale De plus, l'argument étant fondé sur l'autorité dc la doctrine des théologiens, commune depuis plusieurs siècles, il est inexact dédire que sur le point de fait qui nous occupe < la tradition théologique est Imaginaire ct dc tout point inexistante » 20 nov. 1921, p. 402. Dccc que les théologiens ont préféré telle ou telle solution du problème si complexe que nous traitons, il ne s’en sont pas moins accordés entre eux et avec saint Thomas pour rendre impossible d'avance la nouvelle solution que l'on nous propose. — On trouvera des exemples, très plausibles, de préceptes généraux connus dc tous, puis de précepte secon­ daires facilement connus, qui en sont comme les con­ clusions prochaines, enfin de conclusions éloignées qu’il est facile aux infidèles d'ignorer invinciblement, dans Suarez, De [ide, disp. XVII, sect, n, n. 7;Vivès, t. xn, p. 431. Mais naturellement, les précisions que donne cet oubur sont moins certaines, comme auto­ rité, que la thèse plus indéterminée que nous venons de soutenir avec saint Thomas ct l'ensemble des théo­ logiens. 4. Conclusion. — a) Dans un louable sentiment de confiance en la miséricorde divine, ct de compassion envers des multitudes d'infidèles qui lui semblaient absolument délaissées, le cardinal a cherché une solulion qui leur épargnât les peines dc l'enfer, ct qui les mit pour l'éternité dans un sort relativement heureux. — b) Toutefois ccs multitudes ne lui auraient point paru aussi délaissées, si d'abord il avait posé des con­ ditions moins exagérées à la moralité ct à l'obligation, surtout du côté dc la connaissance dc Dieu requise pour sc voir obligé par un précepte dc la loi naturelle; si ensuite 11 avait admis avec plus d'étendue, même chez les simples, les forces dc la raison naturelle, et pour fortifier encore ccttc raison ct ccttc volonté libre, admis des grâces providentielles ou préterna­ turelles, ct par tout cela, établi solidement le principe du Facienti qund in se est.., si.de plus, il avait fait un meilleur accueil aux revelations immédiates, par les­ quelles Dieu peut communiquer, à ceux que la révé­ lation antique ct historique n'atteint pas, la foi ct h justification, au moins quand lis ont fait leur pos­ sible; si, enfin. Il avait tenu compte d'autres supplé­ ances dc la prédication, dont nous allons parler. — c) Après une étude attentive du nouveau système, nous n’arrivons pas à le concilier avec les textes de 1912 saint Paul sur les païens, avec la tradition des Pères ct l'autorité de saint Thomas, dont on ne parvient pa» à diminuer la valeur en la question présente, enfin avec des notions de théologie morale unanime­ ment reçues. sixième ET dehxieii système. — Suppléances providentielles, au moins probables, de la prédication catholique. — Par la « prédication catholique » nous entendons l'action des missionnaires, qui vont cher­ cher les infidèles dans leurs pays éloignés. C’est, pour leur salut, le moyen normal établi par le Christ : Euntes docete omnes gentes; moyen principal en tant qu'il est normal, mais laissant place à bien d'autres secours Un grand nombre d’infidèles est privé, encore aujourd’hui, de cc moyen régulier de salut; ct c’est la grosse difficulté du problème, La dernière solution qu'on peut y donner consiste à additionner, plus ou moins complètement, les diverses suppléances pro­ videntielles à cette prédication, celles qui olirent au moins une sérieuse probabilité; soit qu’elles portent un caractère extraordinaire ct quasi miraculeux, soit qu’elles rentrent dans l'ordinaire. Pour plus dc clarté, nous les divisons en trois groupes. Le premier con­ tient les suppléances où sc fait encore sentir l'influence directe dc l’Églisc catholique. Le second, celles où Dieu emploie les sectes des schismatiques ct des héré­ tiques, et même des juifs ct des musulmans. Le troi­ sième, celles qui viennent des vestiges de la révéla­ tion primitive conservés dans le paganisme. 1· Suppléances providentielles avec influence directe de la véritable Église. — Nous disons directe : car dans l’autre cas, dont nous parlerons ensuite, où les héré­ tiques, etc., servent à la conversion des païens, l'Église catholique n’est pas sans une Influence indirecte sur ccttc conversion, parce qu'à elle seule appartiennent légitimement les Livres saints, les vraies révélations ct le baptême employés alors par nos frères séparés. 1. Interventions plus ou moins extraordinaires qui aident les missionnaires catholiques, loin de les rem­ placer. Parfois Dieu inspire ù l'infidèle la bonne pensée d’aller chercher lui-même la vraie religion ct ses mandataires, au lieu d’attendre qu’elle vienne le chercher. Ainsi Justin, né païen, va chercher la vérité morale ct religieuse d'abord à travers les philoso­ phies païennes, jusqu’à cc qu’il rencontre cc vieillard mystérieux qui dirige vers la vraie foi le futur apo­ logiste et martyr. Parfois, au rebours, c'est le mission­ naire qui est dirigé par une inspiration singulière jusqu’à l'infidèle qui a fait son possible, ct qui a besoin de lui avant de mourir. D'autres fois les deux inspirations, celle du missionnaire ct celle de l’infidèle, , sc rencontrent pour le résultat final; témoin cct eunuque africain, trésorier de la reine d’Éthiopie, qui poussé par la grâce était venu chercher la vérité chez les Juifs; après une visite à Jérusalem, il s’en retournait sur son char, lisant le prophète Isaïe; un ange avait dirigé à sa rencontre le diacre Philippe, qui reçut l’inspiration dc lui adresser la parole, de l'instruire, puis de le baptiser. Act., vin, 26 sq. Pour l'antiquité chrétienne, bornons-nous à deux traits de la vie de saint Columba (f 597), prêtre irlandais, fondateur dc monastères en Irlande, puis apôtre dc l'Écossc avec douze de scs disciples : < Demeurant quelques jours dans une lie d*Écosse, il frappa dc son bâton un coin dc terre voisin de la mer, ct dit à ses compagnons : O merveille, mes enfants I Aujourd'hui, sur. cc coin de terre, un païen très Agé qui a observé i toute sa vie la loi naturelle sera baptisé, mourra ct sera enseveli. Environ une heure après, un navire arrive à ce port; à la proue sc tenait un vieillard ' décrépit, ancien chef de soldats, nommé Géone; deux Jeunes gens le descendent du bateau, et le déposent devant notre bienheureux apôtre. Il entend par inter· 1913 INFIDÈLES prête l’instruction du saint, fait l’acte dc foi ct reçoit dc lui le baptême; les cérémonies achevées, il meurt suivant la prédiction. On l’ensevelit au même en- ■ droit, ct on élève sur sa tombe un monceau dc pierres qui sc volt encore aujourd’hui sur le bord dc la incr; et la rivière qui sc Jette là, dans laquelle il avait reçu le baptême, porte encore son nom ·. Adaman, abbé d’un monastère d'Écossc au siècle suivant (f 704), Vila S. Columbx, 1. I, n. 19, P. L., t. lxxxviii, col. 737. « Une autre fois, dit le même historien, l’homme dc Dieu, subitement inspiré du Saint-Esprit, dit à ses frères qui marchaient avec lui près dc la rivière Nisa ct dc son lac : Hâtons-nous au-devant des saints Anges qui, envoyés du haut du ciel vers l’âme d’un païen pour l’y transporter, attendent là-bas notre arrivée pour que nous baptisions à temps, avant qu’il meure, cet homme qui a gardé la loi naturelle pen­ dant toute sa vie jusqu’à une extrême vieillesse. Et le saint vieillard, à ces mots, sc mit à devancer scs com­ pagnons dc toutes scs forces, tant qu’enfin il trouva celui qu’il cherchait. Enichatus, c’était son nom, entendit la prédication du saint, ct, croyant, fut bap­ tisé. » Ibid., 1. 111, n. 18, col. 765. Cf. Capéran, Pro­ blème, etc., p. 199, note. 2. Apostolat des laïques qui /ont partie de la véritable Église —Où le clergé ne pénétrait pas, souvent des laïques, suffisamment zélés ct Instruits, lui ont pré­ paré la voie, en même temps qu’ils donnaient d*jà aux païens, par une sorte de catéchisme qu’ils leur faisaient,un moyen Immédiat dc fol ctde justification. On cite des marchands catholiques, hardis explora­ teurs de régions à peine connues, où Ils ont semé le bon grain. Ailleurs cc sont des prisonniers, emmenés au loin par les païens, ct qui commencent panni eux une chrétienté; tels, au iv* siècle, Frumcncc avec son frère, deux chrétiens d’origine phénicienne, qui emmenés captifs à la cour du roi d’Éthiopie, gagnent la faveur du prince et font des adeptes au christia­ nisme, qui leur doit son Introduction dans ccttc région reculée. Voir Éthiopie (Église cl’), t. v, col. 923. Parfois, chose plus remarquable, c’est un païen providentiellement converti qui sc fait apô’rc dc son pays, et de régions encore plus lointaines. En voici quelques exemples, tirés dc la vie du P. Jean de Smet, S. J., < l’apôtre des Montagnes Rocheuses > au xix· siècle, cl qui n établi une sorte de Paraguay dans les tribus indiennes campées nu cœur dc ccs montagnes peu accessibles (f 1873). Avant son arri­ vée (1840), une surprenante évangélisation y avait eu lieu entre les années 1812 ct 1820, œuvre d’une bande d*Iroquois du Canada, descendants dc ccttc tribu féroce qui au xvn· siècle avait si cruellement martyrisé les missionnaires. Pourquoi, quittant leur résidence catholique établie près dc Montréal, sc diri­ gèrent-ils vers les lointains pays dc l’Oucst? < Peutêtre faisaient-ils partie d’une compagnie dc trappeurs canadiens, à la recherche des fourrures. Cc qui est certain, c’est qu’à leur Insu ils servaient les desseins delà Providence. Le chef du groupe s’nopclalt Ignace.., jadis baptisé ct marié par les jésuites. > Lax’cillc, Le P. de Smet, Liège, 1913, p. 130 sq. Après un immense et difficile voyage ils arrivèrent aux Montagnes Ro­ cheuses chez les Têtcs-Platcs, tribu distinguée entre toute par son observation dc la loi naturelle. Ignace intelligent ct zélé «leur parlait souvent dc la religion cal holique ct dc scs croyances, de ses prières, dc scs céré­ monies... Les sauvages apprirent ainsi les principaux mystères de la fol, les grands préceptes du christianisme, l’oraison dominicale... Us priaient matin et soir sanc­ tifiaient le dimanche, baptisaient les moribonds... Tous désiraient ardemment les robes noires... Ignace rassemble le conseil dc la tribu, ct propose d’aller à Saint-Louis chercher des missionnaires (là depuis 191'» peu). * après un premier envoi infructueux, Ignace part avec ses deux fils en 1835; malgré d’incroyables fatigues, Il ne peut obtenir de prêtres, si peu nombreux Ils étalent. Il y retourne en 1837, est massacré en che­ min avec scs compagnons par la peuplade desSloux, Une nouvelle tentative de la tribu en 1839 obtient en fin le P, de Smet, qui raconte sa touchante rencontre avec scs nouveaux enfants, si bien disposés. En 18-11, 11 part à la recherche des Kallspcls. « Ils le reçoivent avec des transports dc joie. Quelle n’est pas sa sur­ prise.. d’apprendre que la peuplade est déjà presque convertie!... L'année précédente, les Kallspcls avaient envoyé chez les Têtcs-Platcs un jeune homme fort Intelligent ct doué d’une excellente mémoire. Il avait appris les prières, les cantiques ct les principales vé­ rités dc la religion. Au retour il s’était fait l’apôtre de la tribu. » En 1842, le P. de Smet rencontre une tribu « qui n’avait jamais xm dc prêtre; mais, écrit-il, un Iroquois qui, depuis trente ans, vit au milieu d’eux leur a appris les principaux articles de la religion. » Ibid., p. 193. Dc là 11 atteint < la tribu des Cœursd* Alêne, jadis une des plus barbares ct des plus dégra­ dées des montagnes... Les premiers éléments du chris­ tianisme leur furent apportés V’ers 1830, sans doute par un Iroquois catholique. Peu après, un terrible fléau s'abattait sur la tribu. Au plus fort de l’épidémie, un moribond entend une voix qui lui dit : « Quitte tes idoles, adore Jésus-Christ ct tu guériras ». Le malade obéit, ct il est délivré de son mal. Il fait alors le tour du camp, ct invite les autres malades à suixTe son exemple. Tous le font, ct sont guéris » p. 194. Le P. de Smet les visite en 1842, les Instru’t, ct dit que < nulle part II n’a vu des preuves aussi évidentes d’une véritable conversion. » — Voilà, pris sur le vif, ct cer­ tifié par des témoignages sérieux dont le volume donne les références, le jeu des principaux moyens providen­ tiels : païens observant la loi naturelle avec l’aide de Dieu, apostolat laïque leur transmettant les premières vérités ct pratiques de la religion catholique sans le prêtre, ou en attendant le prêtre, que l’on va chercher au loin à travers mille dangers; pour une conversion plus difficile de tribu plus dégradée, x’oix céleste ct grands miracles de nombreuses guérisons. Cc qui s’est passé dans une seule partie du monde ct à une seule époque du dernier siècle, ne pouvons-nous pas le conjecturer avec probabilité pour bien d’autres con­ trées ct d’autres temps, surtout plus anciens, où les témoignages ne sont pas à notre portée? — Men­ tionnons, en terminant, les livres catholiques sur la religion, dc quelque manière qu’ils arrivent aux païens. 2· Interventions providentielles par le moyen d*hommes qui n'appartiennent pas au corps de l'Église, c’est-àdire à la société visible reconnaissable par scs notes comme véritable Église dc Dieu. Voir éouse, t. iv, col. 2114-2135. Les hommes que nous avons en xmc, moins éloignés dc la vérité révélée que les païens en général, forment diverses catégories : les schisma­ tiques, les hérétiques, les juifs, les musulmans. 1. Schismatiques : au sens strict ceux qui, sans aucune hérésie doctrinale, font bande à part ct ne reconnaissent plus le gouvernement dc la véritable Église; par extension, ceux qui ajoutent à ccttc révolte la négation d’un ou deux dogmes. Ainsi dans le schisme de Photius; comme la fol aux dogmes rejetés par lui n’est sûrement pas de nécessité dc moyen, ccs · orthodoxes » sont certainement capables d’instruire de la X’raic révélation, en ce qui est abso­ lument nécessaire au salut, les païens avec lesquels Ils sont en contact. Telle l’Églisc russe dans les vastes régions où elle a pu étendre son action; sans parler des autres Églises < orthodoxes · Indépendantes les unes des autres. 1915 INFIDÈLES 1916 2 Hérétiques — Bornons-nous Λ examiner deux fut fondée en 1801, surtout par des ministres non-conformlstcs et des laïques. Le but que dès lors elle s'est grandes hérésies, dont l’influence s’est fait sentir au proposé est « d’encourager une plus vaste circulation loin, et longtemps : l’arianisme et le protestantisme. a) L'arianisme, après avoir sévi Λ Alexandrie et de la Bible, publiée sans notes et sans commentaire. » dans le monde gréco-romain, infesta aussi les races Voir sur les sociétés bibliques l’article très docu­ germaniques, et principalement les Goths établis non menté Bible Societies, dans la Catholic Encyclopedia, loin de Constantinople avant de sc répandre sur le New-York, t. n, p. 544-546. Quoi qu’il faille penser reste de l'empire. Le fondateur de cet arianisme des intentions poursuivies par ces sociétés,intentions germanique a été Ulphilas, descendant d’une de ccs qui Justifient amplement les sévères condamnations familles chrétiennes de Cappadoce que les Goths portées contre elles par l'Église romaine, H reste néan­ encore païens avaient emmenées en captivité, et qui moins que ccs bibles et surtout ccs Nouveaux Testa­ furent alors parmi eux, en Scythic, le premier noyau ments (car ces sociétés en publient à part), rencontrés du christianisme, nouvel exemple de l’apostolat par par les païens dans leur langue maternelle, ont pu les captifs, dont nous avons parlé. Voir Arianisme, donner a beaucoup d’entre eux, simples d’esprit et t. i, col. 1849 sq. Ulphilas prolongea ainsi, sous une cherchant la vérité par la grâce de Dieu, la connais­ forme populaire et assez peu raisonnée, l’hérésie sance de la vraie révélation. Nous ne voyons même pas de difficulté à cc qu’un arienne après que les races grecques et latines s’en furent débarrassées. A cc malheur Π y eut une cer­ païen de l’Inde, d’abord très hostile aux prêcheurs taine compensation : le christianisme got h pouvait protestants et brûlant leur Bible en haine du Christ, encore garder les vérités nécessaires au salut, si la puis tenté de suicide, ait obtenu une apparition de fol à la Trinité et à ΓIncarnation n’est pas de néces­ Jésus qui l’ait bouleversé à peu près comme Paul sur le sité de moyen absolue,comme i) paraît plus probable; chemin de Damas, en lui laissant une paix durable voir col. 1856,1882. 11 exerça d'ailleurs une direction et un amour profond pour Celui qu’il avait détesté; utile sur les mœurs et les idées non seulement des que, baptisé ensuite par les anglicans, cc Sundar, Goths, mais encore des autres races germaniques qui aujourd’hui célèbre bien que Jeune encore, ait entre­ subirent leur influence, et qui comme eux envahirent pris aussitôt avec grand succès une vie de mission­ naire zélé et pauvre, portant avec lui son Nouveau J’empirc romain dans l’Occidcnt presque entier et au nord de l’Afrique, et y fondèrent de nouvelles nations. Testament, auquel devait bientôt se Joindre le livre Les Francs curent mieux, c'est-à-dire le catholicisme; de VImitation de Jésus-Christ, et prêchant aux païens et de là leur spéciale mission. Ibid., col. 1858. son divin maître, sous un costume de solitaire, qui à) Le protestantisme a longtemps gardé un certain est partout respecté des Hindous; qu’il ait affronté nombre de dogmes et garde aujourd’hui, dans sa seul les dangers d’un voyage au Thibet, la persécu­ minorité plus conservatrice, les dogmes de la Trinité et tion et les supplices les plus atroces, soufferts avec oie pour le Christ; que, miraculeusement délivré de de l’incarnation. La pratique du baptême, dont le Christ, pour le salut d’un plus grand nombre, a voulu a mort, Il ait été gratifié d’un don extraordinaire de confler même aux hérétiques l’administration valide, contemplation mystique. Voir les attestations résu­ a été en général suffisamment conservée chez les pro­ mées par le P. de Grandmaison, Recherches de science testants, surtout citez les anglicans. Voir Baptême religieuse, Janvier 1922, p. 1-29. Notons que ce pre­ dans Γ Église anglicane et les seeks protestantes, t. n, dicant est providentiellement amené à distribuer aux col. 328-341. Nous savons que l’axiome < Hors de païens l'essentiel pour la Justification. Il fait baptiser scs l'Église point de salut » n’ôte pas aux hérétiques convertis. 11 parle beaucoup des fins dernières notam­ et schismatiques de bonne fol la possibilité de se ment · du ciel >; Il n'omet point la Trinité, l’incar­ sauver. Voir Église, t. iv, col. 2169, Foi, t. vi, nation, le Rédemption. Des erreurs protestantes con­ oo1. 165, 166. — Quant aux rapports des nations servées de bonne foi, qui lui viennent de scs maîtres protestantes avec les païens, l’histoire nous montre presbytériens, méthodistes, anglicans, ne l’empêchent les Anglais, les Hollandais et les Scandinaves éta­ donc pas d’être un instrument utile entre les mains de blissant de bonne heure, avec des races très loin­ la Providence, en attendant qu’il voie, comme nous taines, des relations commerciales qui ont pu être l’espérons, la pleine vérité catholique. Le P. de Grandl'occasion du salut de quelques-uns. Mais lo protes­ maison termine par une étude intéressante sur la tantisme a laissé passer près de deux siècles avant de possibilité, chez les hérétiques et les schismatiques, songer sérieusement à des missions chez les infidèles. de grâces intérieures extraordinaires, et même de C'est la grande réaction contre l’apathie religieuse et miracles extérieurs obtenus par eux, pourvu que < le l’incrédulité du xvin· siècle en Angleterre, qui a amené miracle ne soit pas appelé en témoignage d’une erreur les Anglais à fonder aussi de nombreuses sociétés de ou d’une lacune, mais d’une vérité positive, comme missionnaires, lesquelles à travers le xix· siècle ont la divinité du Christ ». Ibid., p. 21. On trouvera sur eu un progrès constant Jusqu’à cc jour. Elles choisis ces cas exceptionnels, dans cet article, des citations sent et forment, assez convenablement, leurs recrues remarquables de saint Irénée, de saint Thomas, de dans des séminaires spéciaux. D'autres peuples pro­ Benoit XIV, de plusieurs théologiens catholiques, et testants ont imité cc genre de fondation. Si leur œuvre des Bollandlstcs, à propos des · saints russes », p.20-28. parmi les païens a été trop superficielle, et a visé trop 3. Juifs. — Si les livres de V Ancien Testament, souvent à contrecarrer les missions catholiques autre­ surtout les Prophètes et les Psaumes, peuvent être ment sérieuses, ccs sociétés de missionnaires ont pu salutaires aux païens par la grande et Juste Idée donner au moins l’instruction sommaire qui est abso­ qu’ils donnent du vrai Dieu, de sa providence, de la foi lument nécessaire pour la foi et le salut, et adminis­ et de l’amour qu’il commande, de ses pardons misé­ trer le baptême, à un grand nombre d'infidèles En ricordieux, de scs châtiments, du néant des Idoles, etc., cc sens, c'est un réel secours ménagé par la Prov.dcncc il faut en conclure que les juifs dispersés dans le monde aux païens, surtout en des contrées immenses dont peuvent concourir au salut des infidèles en propageant la population païenne est devenue Incomparablement leurs livres sacrés, ou en donnant en substance, par des explications orales, les principales révélations plus dense qu’elle ne l'était autrefois. A la suite des sociétés démissionnaires sont venues qu’ils contiennent, ainsi que les grands miracles qui les sociétés bibliques, institution bien différente et leur servent de motifs de crédibilité. Ils peuvent de d'une utilité bien plus contestable. La plus Impor­ même faire leur propre salut,s’ils sont de bonne fol tante de toutes, la British and Foreign Bible Society, | quand Ils rejet eut le Sauveur avec la Synagogue, et 1917 INFIDÈLES si lu foi explicite du Christ n'est pas de nécessité de moyen. Le cardinal de Lugo, après avoir parlé des hérétiques excusés de leurs erreurs parce qu’ils sont de bonne foi, et qui croient les dogmes essentiels avec une fol surnaturelle, d’où ils peuvent arriver à l’acte de contrition parfaite qui les justifiera, ajoute : • H faut en dire nutant des juifs dont l’erreur sur la religion chrétienne serait invincible. Ils peuvent avoir sur Dieu et sur d’autres articles une fol surnaturelle fondée sur les saints Livres qu’ils admettent, et de cette foi passer à la contrition qui les justifierait et les sauverait, si la foi explicite nu Christ n’est pas de nécessité de moyen. » De /î) : car ils ne croient pas à ce Dieu par la seule raison partant du monde créé, mais par manière de dogme qu’ils tiennent de la tradition, tradition pro­ cédant de la véritable Église et arrivée jusqu’à eux, bien que des erreurs y aient été ajoutées dans leur secte. Ainsi, comme ils ont sur ce vrai dogme des moti/s de crédibilité suffisants selon leur portée, on ne volt pas pourquoi, si par ailleurs ils ne pèchent pas contre la foi, ils ne pourraient exercer sur ce dogme une vraie fol surnaturelle, et de là passer à un acte de contrition parfaite. » Ibid., n. 51. — On sc rappellera que le Coran, nonobstant scs erreurs, cite explicite­ ment de vraies révélations faites par Moïse et autres envoyés divins, même par Jésus, que Mahomet révère comme un grand prophète sans l’admettre comme Dieu. Le Coran, à ceux d’entre eux qui le lisent ou l’entendent lire, peut donc servir à transmettre en partie la vérité religieuse. Une ancienne chronique, où des témoignages précieux sont mêlés de légendes, ne sert-elle pas ù l’histoire dont la science discerne cc qui a du prix et ce qui est sans valeur? Si les hommes dont nous parlons ne peuvent pas faire ce triage, la grâce le fait pour eux. Toujours ils s'efforcent de croire à un livre qu’ils vénèrent comme sacré : mais quand ils tâchent de croire les légendes et les fausses révélations, leur acte bien qu’honnête, reste purement naturel; quand, au contraire, il porte sur de vraies révélations de Dieu, il peut, par la grâce qui Inter­ vient alors, être le véritable acte surnaturel de fol. Voir Foi. t. vi, col. 231-234. 3e Vestiges de la révélation primitive conservés dans le paganisme. — Voici en quoi consiste cette dernière suppléance de la prédication catholique. De même que les dogmes absolument nécessaires à croire pour le salut sont transmis, avec plus ou moins de proba­ bilité ou de certitude, dans les sectes qui, pour oppo­ sées qu’elles soient à la véritable Église du Christ, ont gardé de la sainte Écriture nu moins ccs dogmes-là, de même, en remontant à une source de révélation encore plus ancienne que la Bible, ou pourrait trouver chez les païens eux-mêmes d’anciennes traditions et d’anciennes révélations, remontant à l’origine du genre humain, et soutenir qu’en utilisant celte révé­ lation primitive les païens ont pu, et peuvent encore du moins en certains peuples, faire l’acte de foi requis pour la Justi fleat ion et le salut. Les grands docteurs du moyen âge ont déjà admis ce moyen de fol et do salut, sans le développer. Sur saint Bonaventure, par exemple, voir Église, t. iv, col. 2173. L’apologétique a fait grand usage de cette espèce de suppléance au 1918 xix· siècle. Nous entendrons d’abord les apologistes traditionalistes, parce qu'ils ont été alcrs les premiers â y faire appel; ensuite, les apologistes non tradi­ tionalistes. 1. Apologistes traditionalistes. — a) Lamennais, dans son Essai sur l'indifférence (1823), affirme en style magninquc, plutôt qu’il ne prouve, l’existence dans tous les siècles et tous les peuples, grâce à la tradition du genre humain, de la fol à un certain nombre de dogmes venus de la révélation primitive. Il énumère en divers endroits : un Dieu unique et éternel, l’existence d’une loi divlne.de l’immortalité de l’âme, l’éternité des peines et des récompenses, l’exis­ tance des anges, bons et mauvais, la chute et h cor­ ruption de la nature humaine, La nécessité d’une expiation et l’attente d'un Médiateur. « Qu’elle est belle cette tradition qui commence avec le monde et qui, malgré d’innombrables erreurs, se perpétue sans interruption chez tous les peuples! Qu’elle est imposante cette parole que Dieu a prononcée à l’origine des siècles, et que tous les siècles redisent avec un saint respect! » Pour les références, voir Capèran, Problème.., p. 415. Une seule religion existait dès lors sur la terre, « l’idolâtrie n’étant que la transgres­ sion du premier précepte de cette religion divine. » De là une solution facile du problème des infidèles. L’homme a toujours trouvé autour de lui « ce qui lui était nécessaire pour vivre de la vie de l’âme, afin que, s’il lui arrivait de s’égarer loin de la voie qu! conduit nu séjour des biens étemels, il ne pût accuser que lui-même et sa volonté pervertie... Ce qui est indispensable pour le salut » s’est toujours trouvé à la portée de tous. « Que les impies ne demandent donc plus comment tels ou tels hommes, avant JésusChrist, ont pu connaître certains dogmes; car, s’ils n’ont pas pu les connaître, ils n’étaient pas néces­ saires à leur salut, et ils les ont crus, suffisamment (implicitement)en croyant les vérités qu’ils connafcsalcnt. > De même aujourd’hui pour « les nations, s’il en existait, à qui le christianisme complet n’aurait pas encore été annoncé.! Voir W qu’il oppose à la raison Individuelle qui, d’après lui, est sans valeur. Ainsi le consentement du genre humain envahit, ou même dé­ trône, le motif essentiel de la foi divine. Et la consé­ quence pratique est considérable : pourvu que l’on affirme un des dogmes énumérés, que ce soit par le motif du consentement des hommes, ou de la lumière de sa propre raison, et même en niant le fait de la révélation divine, Lamennais ne s’inquiète pas du motif jiour lequel on a adhéré à ccs vérités. « A l’en­ tendre, dit Vacant, qu’on fût philosophe ou croyant, on les admettait sur la même autorité du témoignage du genre humain, qui sc confondait avec l’autorité de Dieu. ■ Études théologiques, t. n, n. 680, p. 137. La théorie de Lamennais a donc · trois graves défauts.» Elle confond les données de la raison générale avec celles de la révélation, comme nous venons de le voir. Elle présente toutes les religions comme infaillibles à conserver traditionnellement la révélation primi­ tive, en de nombreux dogmes (énumérés ci-dessus) : c’est donc essentiellement la même infaillibilité que celle dont les catholiques font une prérogative de la seule véritable Église. Elle regarde en conséquence toutes tes religions comme bonnes, et ne voit entre elles 1919 INFIDÈLES que des différences de développement. « Les préceptes et les dogmes (dc l’Église), dit Lamennais cité par Vacant, ne sont qu’un développement des dogmes ct des préceptes qui forment la croyance générale du genre humain. Tout homme que des circonstances quelconques mettraient dans l’impossibilité dc con­ naître la société spirituelle développée et perfectionnée (l’Église), ne serait tenu d’obéir qu’à l’autorité connue de lui (dans sa secte), ou à l’autorité du genre humain. » Essai sur Γindifférence, t. ir, ch. xx, p. 204. C’cst cc qu’il ébauchait déjà en affirmant une seule religion sur la terre. < Delà à penser que la véritable religion., n’a pas d’autres droits que les fausses, il n’y avait qu’un pas » ajoute Vacant. < Cc pas, Lamennais l’a fait sans hésitation. Le traditionalisme s’est ainsi uni au libéralisme catholique (le plus accentué), ct tous deux ont été également condamnés par l’Église. » Ibid., n. 679, p. 137. Enfin, on peut reprocher secondairement b Lamennais sa détermination très arbitraire des dogmes < indispensables au salut » qu’il multiplie outre mesure; ct dc plus l’arbitraire et l’insuffisance dc plusieurs preuves historiques et citations alléguées pour montrer la conservation dc la révélation primitive dans les religions anciennes. b) Auguste Nicolas (t 1888), traditionaliste mo­ déré, dans un ouvrage dont les innombrables édi­ tions commencent en 1842,parcourt les traditions des peuples anciens pour y recueillir la révélation primi­ tive, ct en vient à une < Élude sur les sacrifices ». Les sacrifices païens peuvent en effet être regardés comme un vestige dc ccttc révélation chez tous les peuples; Joseph dc Maistre l’avait déjà montré par son Éclair­ cissement sur les sacrifices qui fait suite à ses Soirées. Auguste Nicolas, entre autres citations intéressantes, allègue le bon Rollin, qui dans son Traité des Études, à propos dc la lecture d'Homère, veut qu’on fasse observer aux Jeunes gens cet accord des anciens peuples à faire consister le fond du culte public dans le sacrifice : accord qui ne s’explique, selon Rollin, que par l’origine unique du genre humain ct la révé­ lation primitive. Éludes philosophiques sur le chris­ tianisme, part. I, liv. II, c. xn, § 2; t. n, 1845, p. 33. Nicolas fait d’ailleurs les réserves nécessaires, ct montre que l’idée fondamentale des sacrifices, « l’idée du Rédempteur, future victime promise au salut du genre humain », fut obscurcie parce que « le signe prit peu à peu la place dc la chose; la figure, dc la réalité; la lettre, de l’esprit ». Et comme l’idolâtrie défigurait le culte dc Dieu, ses infâmes divinités curent dc détes­ tables sacrifices. Ibid., p. 84-86. Mais venons à l’en­ droit où il traite le problème du salut des païens; on y trouve ces lignes : « Si vous upposez un homme (ct je crois qu’il y en n eu, grâce à Dieu, beaucoup), quelque perdu qu’il ait été dans les ténèbres de la gentilité, qui en toute bonne foi pratiquant tout le bien que sa conscience lui Indiquait, ait honoré la Divinité selon les rites de son pays; comme dans ccs rites se trouvait, quelque obscurcie ct défigurée qu’on la suppose, la fol en un Dieu sauveur, libérateur, médiateur, cet homme n été sauvé par son adhésion implicite au grand, au seul médiateur, Jésus-Christ. » /ôid.,part. Il,c. xiv, §3,n. 2, lf· édit., t.m,p. 404, 405. M. Capcran relève ccttc phrase, qui va trop loin Problème..., p 452. Sans doute. Dieu ne laissera pas périr cct homme de bonne foi, pratiquant tout le bien que sa conscience lui indique. Mais, sans lui Imputer à mal un rite dont 11 ignore invinciblement le caractère illicite, Dieu lui fournira un autre moyen de faire un acte de foi ct d’amour, pour être Justifié ct sauvé. Cc n’est pas non plus la loi naturelle qui peut lui tenir lieu dc révélation pour faire l’acte dc fol, comme on le suppose en disant que l’homme reçoit tout cc qu’il a dans l'esprit, par l’instruction 1920 • dc la société, laquelle a dû le recevoir nécessairement dc son auteur, de Dieu ; qu’ainsi cc que nous sommes convenus d'appeler la loi naturelle n’est telle que par rapport à la seconde révélation, mais qu’en elle-même clic est une loi primitivement révélée également. · Ibid., p. 403. Il faut ajouter, pour mieux juger Auguste Nicolas, qu’il ne s’en tient pas à cette solution, ct va chercher lui-même d'autres réponses plus satisfai­ santes, par exemple quand il dit d’après saint Thomas que la foi explicite au Médiateur n’étnlt pas absolu­ ment nécessaire au salut avant Jésus-Christ, ct ajoute qu’elle peut ne l’être pas, meme aujourd’hui, ibid., p. 400, 401 ; ou quand, avec saint Thomas encore, il a recours à une révélation Immédiate en faveur dc cc païen qui fait vraiment son possible; cc qui lui donne l’occasion de citer aussi Leibnitz disant dans sa Théodicée : · Savons-nous toutes les voies extra­ ordinaires dont Dieu se peut servir pour éclairer les âmes, ct particulièrement cc qui s’y passe à l’article dc la mort? » Ibid., p. 410. c) Le célèbre P. Ventura (t 1861) apporte quel­ ques adoucissements nu traditionalisme; il admet surtout qu’une fois acquises au moyen de la révéla­ tion primitive et dc sa tradition universelle, les vérités indispensables au salut, Dieu, l’immortalité de l’âme, les principes de la morale, peuvent ensuite être dé­ montrées, défendues ct développées par la raison indi­ viduelle. Cette doctrine a l’avantage d’empêcher la confusion des deux moyens dc connaître, la raison et la révélation, la raison ct la fol, dont le motif propre, est bien différent Voir Vacant, Op. cit., t. i, n. 114, p. 143.— Mais Ventura exagère aussi l’effet des rites des gentils. C’est encore M. Capcran qui signale le pas­ sage excessif, Problème.., p. 453. Les conferences qu’il donna en 1851, dans une église dc Paris, Ventura les publia, augmentées dc notes; un appendice après la xvm· conférence est un petit traité sur · les sacre­ ments avant le Christ, » où 11 est dit des infidèles : « Pour ccs gens, pour ces peuples qui ne trempaient pas dans Γ apostasie du culte des idoles, ct le nombre en était bien plus grand qu’on ne pense, les sacrifices ct tous les rites religieux, qu’ils avaient appris à l’école des traditions, n’étalent que dc vraies protes­ tations dc leur foi dans la passion du Christ; ct par conséquent des moyens dc justification, ct par consé­ quent encore, dc vrais sacrements. » Il cite à l'appui saint Thomas, mais qui parle des sacrements des juifs, ct avant l’èrc chrétienne, que l’on peut appeler « dc vrais sacrements » encore qu’inférieurs aux nôtres. Le saint docteur ajoute bien un article sur les sacrements ct sacrifices qui, avant le paganisme ou en dehors dc lui, ont précédé la loi mosaïque, Sum. theol., 1» II», q. an, a. 1 ; mais il parle ou bien dc l’origine du monde, ou bien d’Abrahnm ct de sa race choisie. La raison philosophique cl la raison catholique, 3· édit., 1855, /Append. I aux conférences xvn ct xvm, § 3; t. ni, p. 237, 238. Remarquons toutefois que Ventura, dans cc qui précède, reconnaît avec tous les théologiens ct saint Thomas, ibid., a. 3, que « les anciens sacre­ ments différaient des sacrements chrétiens en tant que ceux-ci produisent la grâce par eux-mêmes · ibid., § 2, p 227. D’ailleurs c’cst sous réserve, ct < en soumettant ccttc opinion au Jugement dc l’Église > qu’il hasarde sa théorie d* « un effet rétroactif » des sacrements chrétiens, en cc sens qu’ils « produisaient déjà la grâce par les anciens sacrements qui en étaient la figure» » p. 233. A l’en croire ■ les pieux et fidèles juifs, en mangeant l'agneau pascal... avec le cœur pur, la foi vive.., partageaient d’avance les effets de notre communion eucharistique, » p. 234 ; « sous la même réserve, on peut dire que ccs mêmes sacrements du Christ étaient connus par les gentils, et produisaient les même» effets que chez les Hébreux... Tous les INFIDÈLES 1C21 gentils n’étaient pas des païens. L’idolâtrie a été moins ancienne et moins répandue qu’on le pense... Même dans les derniers temps, où elle était arrivée au comble dc son dévergondage ct de scs sacrilèges », il y avail, Plutarque nous l’apprend, des pères dc famille « qui sc gardaient bien d’envoyer leurs filles ct leurs enfants dans les temples des dieux, où ils n’auraient trouvé que des sujets d’impiété et dc débauche. Or rien ne nous empêche dc croire que ces bonnes gens, avec les rites dc l’idolâtrie, en rejetaient les dogmes... ct qu’avec la pureté des mœurs Ils avalent conservé la pureté des croyances de la révé­ lation primitive. » Ibid., p. 236. 2. Apologistes non-traditionalistes. — Nous verrons d’abord un précurseur dc l’appel aux révélations primitives parmi les théologiens du xvn· siècle, en la personne de Lugo; ensuite, les apologistes du XIX· siècle. a) Le cardinal de Lugo, apres avoir parlé de l’acte dc foi possible aux mahométans, voir plus haut, col. 1917, ajoute : «Je pense qu’on peut en dire autant des philosophes dc l’antiquité, s’il y en a eu qui aient cru au vrai Dieu par un assentiment souverainement ferme : car eux-mêmes n’ont pas ignoré l’origine de ccttc croyance à un Dieu unique, qui leur provenait ou des Écritures ou de la tradition dc père en fils; et ils ont pu accepter eux-mêmes ccttc croyance, comme les enfants acceptent la tradition transmise par leurs parents. » Lugo signale donc une double origine pos­ sible dc leur croyance. Ou bien les Écritures, si l’on admet chez eux une connaissance des livres sacrés des juifs, idée soutenue jusqu’au paradoxe par saint Justin, voir col. 1810, mais qui reste vraisemblable quand il n’est question que de certains emprunts faits par quelques érudits, soit à la recherche d’an­ ciens écrits, soit en rapports nécessaires avec les juifs, comme les philosophes d’Alexandrie. Ou bien des traditions immémoriales, pouvant remonter soit à la révélation absolument primitive, soit à des révé­ lations faites à des gentils, primitives à leur manière pour leur postérité. Ainsi Platon cite pour Dieu ct la vie future · d’anciennes traditions. » Lugo répond ensuite tacitement à l’objection que l’on pourrait faire, que ccs philosophes ont dû tirer ccs vérités uniquement de leur raison. · La connaissance d’un seul Dieu, dit-il, qu'ils pouvaient atteindre par le raisonnement philosophique, n’a jamais été en eux assez efficace, pour qu’ils pussent donner à cette con­ clusion un assentiment souverainement ferme. Si quelques-uns ont eu une douleur souveraine dc leurs pêchés ct une vraie contrition, cc n’est donc pas en vertu de cet assentiment obtenu par le discours lo­ gique, mais en vertu dc cct autre assentiment qu’ils ont pu avoir sur Dieu par la vraie foi, dc la manière que nous avons dite. >De fide, disp. XII, n. 51, édit. Vivès, t.i.p. 508. b) Au xix· siècle, panni les apologistes non-tradi­ tionalistes, on peut distinguer deux manières succes­ sives. D’abord, c’cst un enthousiasme presque sem­ blable à celui des traditionalistes, pour expliquer le salut des infidèles par les traditions dc la révélation primitive, sans négliger les autres solutions : nous prendrons comme exemple Hettinger. Ensuite, l’his­ toire des religions étant mieux étudiée, on perd de cct enthousiasme pour les traditions primitives, sans négliger toutefois cette solution; l’abbé de Broglie ct M. Vacant représenteront pour nous cette seconde manière. a. — Hettinger (t 1890), écrivait en 1863 dans sa célèbre Apologie des Christenthums : « Plus nous nous enfonçons dans l'antiquité, plus les filons dc la révé­ lation primitive sc montrent riches ct intacts... Le sacrifice est partout dans le monde, ct dans le sacrifice D1CT DE TII&OL CATHOL 1922 seul sont déjà compris les principes fondamentaux du christianisme, la fol en Dieu, souverain Seigneur ct rémunérateur, la conscience du péché, la fol au Hédempteur. » Mais il ajoute ces sages opinions théo­ logiques : « La Providence a donné à chaque homme la possibilité d’une connaissance naturelle ct impar­ faite dc Dieu, laquelle, secondée dc la grâce, le pré­ pare à une autre connaissance, surnaturelle ct par­ faite. La connaissance surnaturelle de Dieu nécessaire nu salut, la foi dans le sens propre du mot, n’exige pas (d'être) la fol explicite au mystère dc la Trinité ct de l'incarnation. » A]»ol<>git du christianisme, 3· édiL franç., Paris, s. d.r t. v, ch. xxn, p. 448-450. Et plus loin : « La question Λ résoudre était celle-ci : Dieu a-t-il dans tous les temps ménagé à l'homme dts moyens suffisants pour parvenir à la vérité? Nous avons trouvé la solution. Le christianisme est aussi ancien que le monde, le christianisme est partout dans le monde... Le Verbe étemel., la lumière qui éclaire tout homme venant en cc monde, a éclairé l'humanité par la révélation de la conscience, par la révélation dc la création visible, par la révélation parlée et écrite depuis Adam jusqu’à Jésus-Christ.M Conscience, nature, histoire, Dieu a tout utilisé. · Ibid., p. 452, 453. Puis, prenant l'infidèle le plus délaissé en apparence : s’il fait ce qu’il peut suivant sa raison et sa conscience, dit-il, « la divine Providence suppléera le reste en lui envoyant visiblement un prédicateur dc la foi.., ou en répandant invisiblement dans son âme sa lumière intérieure, comme elle faisait pour les prophètes. » Et il cite des passages dc saint Thomas ct dc Suarez. Ibid., p. 453,454. On voit comment Hettinger a su éviter l’écueil du traditionalisme, en affirmant la < connaissance natu­ relle dc Dieu t par la « raison » contemplant la « créa­ tion visible »ct par la « conscience »,puis en la distin­ guant dc la · connaissance surnaturelle > dc fol stricte, dont elle n’est que le nécessaire préambule ; ct com­ ment avec les Pères il entend la lumière du Verbe « éclairant tout homme » Joa., i, 9, d’abord dc h lumière naturelle dc la raison donnée à tous (révéla­ tion nu sens large), puis de la révélation nu sens strict « parlée ct écrite > c’est-à-dire transmise par la tradition orale ct par l’Écriture sainte. C’est cc qui distingue netlement son apologétique, d'ailleurs plus complète, dc celle des traditionalistes. M. Capéran a bien remarqué ccttc supériorité d’Hettinger et d'autres du même temps, seulement il ajoute : < Peu à peu cependant, la confiance accordée aux traditions des peuples, comme véhicules des vérités dc la fol, s’est affaiblie; elle n’est plus aujourd’hui ni aussi générale, ni aussi absolue, ni aussi enthousiaste... Mais l’apo­ logétique peut trouver, en regardant vers la révéla­ tion primitive, une raison dc plus dc ne pas déses­ pérer du salut des infidèles.» Problème.., p. 456, < On affirme (aujourd’hui), dit-il, le fait primordial de cette révélation, mais, nu sujet dc sa conservation univer­ selle, on aime mieux formuler une hypothèse accep­ table, que d'entrer en des démonstrations positives vouées à l'insuccès. Bien n’oblige de conclure, sc bor­ nait à dire Mgr d’Hulst,que la tradition primitive ne soit pas Je véhicule convenable dc la révélation néces­ saire à tous les hommes pour atteindre leur fin. » Confèrences de Notre-Dame, Carême 1892, notes, p. 440. Cité par Capéran, ibid., p. 459. b. — L’abbé de Broglie (f 1895). Son attitude est ainsi caractérisée par cc dernier : « En contrôlant par les faits (ccttc hypothèse d’une conservation univer­ selle dc la révélation primitive) ct en la dégageant de toute hyperbole,il ne la dédaigne pas.» Ibid., p. 456. Voici un exemple de l’un ct de l’autre dans son meil­ leur ouvrage, où il traite à fond la question. « On ne trouve pas selon nous dans les anciens documents, VII. — 61 1923 INFIDÈLES 1924 Lc christianisme, vis-à-vis des religions d’origine hu­ dit-ll, dc preuve affirmative certaine dc l'existence, maine, a des rapports dc différence ct de ressemblance. aux époques très reculées, de l’idée messianique ni des Ce n’est point par ses ressemblances avec elles que mystères chrétiens (Trinité ct Incarnation). Mais il l’on doit décider la question de son origine, comme faut observer que l’on ne trouve non plus aucune veulent le faire ceux de ses adversaires qui exploitent preuve que ces dogmes n’aient pas existé à l’origine, contre lui l’histoire des religions ; c’est par sa différence ni même qu’ils ne sc soient pas conservés. La rareté essentielle d’avec elles toutes, et comme dit l’abbé de nos documents ne nous permet de tirer aucun argu­ de Broglie, parson absolue transcendance. La démons­ ment dc leur silence ou de l’ambiguïté de leur sens. » tration dc cc fait est fournie par l’apologétique tra­ Problèmes et conclusions dc P histoire des religions, ditionnelle de l’Églisc. Restent à expliquer pourtant 2· édit, 1886, c. n, n. 3, p. 58. L’hypothèse reste tou­ les ressemblances qui se remarquent entre le chris­ jours possible, que des documents plus décisifs aient disparu dans la suite des temps. — Après avoir tianisme ct les autres religions. Les emprunts du christianisme à des religions païennes, dont certains magistralement engagé la réfutation des diverses rationalistes ont fait grand bruit, n’interviennent que objections faites à l’origine divine du christianisme rarement, plus tardivement, et pour des symboles par les rationalistes ou naturalistes, qui les ont tirées, en grande partie, dc ressemblances curieuses et trou­ artistiques ou des cérémonies dc peu d’importance; blantes entre cc dernier et les autres religions consi­ souvent ces « plagiats > sont purement imaginaires; quelquefois c’est un paganisme plus récent, comme dérées par les chrétiens eux-mêmes comme fausses ct le bouddhisme du Tibet, qui a copié le christianisme. d’origine humaine, l’abbé de Broglie arrive aux explications proposées par les apologistes catholiques ■ Où 11 n’y a pas d’emprunt, et c’est le cas ordinaire, l’abbé de Broglie propose d’expliquer les plus curieuses sur ces ressemblances. < Celle que les apologistes ressemblances < par une fin ct une destination iden­ modernes adoptent généralement, dit-il, consiste à voir dans ces ressemblances un effet dc l’identité tiques. > Dc même, dit-il, qu’il y a nécessairement des primitive dc toutes les religions à l’origine dc l'huma­ ressemblances assez frappantes entre des édifices dc nité... S’il est vrai que l’humanité toute entière sort même destination, quand même les architectes ne sc sont pas copiés, de même il doit y en avoir entre d’un premier couple humain, que toutes les nations toutes < les religions, institutions destinées à satis­ ont une même origine primitive.., ne serait-ce pas la faire certains besoins spéciaux du cœur humain... La clef dc toutes ces ressemblances? Telle est la solution... dcl’école traditionaliste. Partant dc l’idée que la reli­ religion divine... repose comme les autres sur une base Identique, la nature religieuse de l’homme..; la grâce gion primitive a été révélée.., ils ont admis que cct couronne ct complète la nature, mais ne la détruit pas. > ensemble dc faits ct dc doctrines semblables ύ ceux delà vraie religion représentait la religion primitive Aussi les théologiens ct apologistes, comme les philo­ sophes, partent d’une « définition générale de la reli­ dc l’humanité.., que ccttc religion primitive s’était conservée longtemps dans l’univers entier.., et qu’elle gion » commune à toutes. Et il y aura des rcsssemblanccs plus étroites entre les religions des peuples commençait seulement Λ sc corrompre à l’époque où arrivés à un tel degré de culture morale, intellec­ Dieu choisit la postérité d’Abraham pour lui confier le tuelle et artistique, que leurs instincts religieux en dépôt des vérités révélées. > Ibid., p. 263-265. — < Pour apprécier cc système, poursuit-il, H Importe dc seront plus affinés. Ainsi · la religion divine ct vraie doit être très différente des religions fausses, mais en reconnaître d’abord la part de vérité qu’il contient. Qu’il y ait eu une révélation primitive.., c’est une même temps elle doit leur être très ressemblante » vérité que tout chrétien doit admettre ct qui est, surtout à quelques-unes. Et · la vraie religion a pu ne comme nous l’avons vu, susceptible d’être confirmée, paraître dans l’histoire qu’après les ébauches que au moins d’une manière probable, par la science pro­ l’homme avait faites pour combler les vides de son fane... Que la religion primitive soit, dans son essence, cœur et les défaillances de sa nature ». Ibid., p. 269Identique au christianisme (un seul Dieu créateur.., la 274. Sans doute ccttc explication nouvelle, en faisant même béatitude surnaturelle à laquelle nous aspi­ rons;.. entre Dieu ct l’homme, des rapports sem­ concurrence à celle des traditionalistes, diminue la blables de prière et dc pardon); qu’elle ait contenu prétendue certitude et la prétendue universalité dc le souvenir dc la chute ct un vague espoir dc répara­ l’influence qu’aurait, d’après ceux-ci, la révélation pri­ tion· germe dc la croyance au Messie, que le rite mitive sur les ressemblances entre religions, ct sur primordial du sacrifice ait été dès l’origine la figure le salut des Infidèles. Mais elle ne détruit pas la pro­ obscure de l’expiation accomplie sur la croix, aucun babilité dc ccttc double in fluence en bien des cas. «Les chrétien ne saurait le contester, ct sur ces points deux explications, dit l’abbé de Broglle, se com­ encore la science ne dément pas la foi, ct lui apporte plètent l’une l’autre et s’accordent parfaitement. La souvent de remarquables confirmations >. Ibid.,p. 266. ressemblance ct l’espèce de parenté qui existe entre — Vient ensuite le départ de cc qu’il y a d’exagéré les religions païennes et le christianisme peut très dans les thèses dc l’école traditionaliste : Elle attribue bien avoir un double fondement. Elle peut résulter à la religion primitive bien d’autres de nos dogmes ct à la fols dc l’identité essentielle de la religion primi­ dc nos rites ct comme déjà bien compris dans ces temps tive dont le paganisme est l’altération, ct dc l’identité reculés ; en cela Ibid., p. 267. P r là aussi elle est en­ doivent nécessairement s’adapter. Ln religion est un traînée à des luttes souvent mu heureuses contre les lien entre Dieu ct l’humanité. C’est Dieu qui s’est le explicatione naturalistes. < C’est ainsi que les fêtes de premier rapproché dc l’homme par la révélation pri­ la mort ct do a résurrection d’Adonis, d’Osiris, d’Atys, mitive, qui a contracté par la révélation chrétienne s’expliquent bien mieux par l’idée, qu’on a voulu une nouvelle alliance avec lui. Mais l’homme, de son figurer et célébrer la mort apparente dc la nature en côté, après avoir perdu la vraie notion dc Dieu, a dû hiver et sa résurrection au printemps, que par l’hypo­ créer, tant avec le souvenir dc ses croyances passées thèse étrange que la mort ct ki résurrection du Sau­ qu’avec les instincts de son cœur, des cultes ct des veur du monde, connues des premiers hommes, doctrines Imparfaites ct mêlées d’erreur... > Ibid., seraient devenues l’objet d’un culte qui se serait con­ p. 283, 284. — Et quant nux infidèles négatifs, « ceux qui par l’effet de leur éducation, ou, d’une manière servé à travers les siècles. ■ IbhL„ p. 269. Cf. p. 279. A i’apulogétique traditionaliste, l’abbé de Broglie plus générale, par l’effet des causes secondes de toute en lubstltue une autre que nous résumons brièvement. I nature, sc trouvent en dehors de sa lumière » l’Église I 1925 INFIDELES n'cnscignc pas · qu’ils doivent être punis pour cc fait seul, ni que tout espoir dc salut leur soit enlevé... Ainsi, avec lu bonne loi, qui est toujours possible, ct par l'effet dc lu grûcc, qui n'est refusée à personne, une lumière imparfaite, telle qu'elle peut exister par l'effet des anciennes traditions ou du témoignage dc la conscience en dehors des limites dc la vraie religion, peut tenir lieu dc la lumière totale. > Ibid., c. xi, n. 4, p. 371, 375. Critique dc ccttc intervention des < instincts reli­ gieux » du cœur humain. Son rôle principal est bien celui que l'abbé dc Broglic lui a largement ct heureu­ sement assigné : rendre compte de la plupart des ressemblances du christianisme avec les fausses reli­ gions, résoudre ainsi plus complètement les objec­ tions des diverses écoles nationalistes; fournir même une preuve accessoire de la divinité du christianisme catholique par la manière merveilleuse dont il a pu, incomparablement mieux que toute religion même savante, mobiliser «tous les bons Instincts de l'huma­ nité >, les mettre d’accord entre eux, les discipliner, les diriger vers le plus haut idéal, p. 297 sq. Son rôle secondaire est dc faire mieux ressortir les Insuffisances et les exagérations dc l'école traditionaliste, tout en conservant dans une juste mesure l’influence réelle des « anciennes traditions » et de la < révélation primi­ tive » sur la formation des religions païennes, ct con­ séquemment sur le salut dc plusieurs Individus perdus au milieu dc ces religions. Par là ccttc expli­ cation nouvelle, duc à l'abbé de Broglic, touche à notre problème, sans préciser d'ailleurs ce qui doit se passer dans l’âme dc ces infidèles pour arriver par cette voie à l'acte dc foi ct à la justification. Sur cette dernière précision, nous allons interroger le vénéré fondateur de cc dictionnaire. c. M. Vacant (t 1901) parle du livre que nous venons d'analyscr, en traitant de l'acte dc foi stricte, néces­ saire au salut, ct comment les infidèles, grûcc à la révélation primitive, peuvent arriver à faire cet acte. 11 est donc soucieux avant tout de conserver le carac­ tère essentiel d'un véritable acte de foi, ct il faut pour cela que ces païens adhèrent nux vérités trans­ mises par le canal d’anciennes traditions, non pour un motif quelconque mais parce que Dieu les a révélées. Dc cc point dc vue, il a raison dc ne donner aux « Instincts religieux et aspirations du cœur > qu’un rôle secondaire. < M. l'abbé dc Broglic, dans ses Pro­ blèmes et conclusions de l'histoire des religions, dit-ll, explique la conservation dc ces croyances... par leur conformité avec les aspirations dc la nature humaine. Cette manière de voir sc concilie sans peine avec les principes dc la théologie... Si les aspirations de la nature humaine ont gardé ces traditions, elles ne les ont pas créées. Le souvenir d'un évènement qui a comblé nos désirs sc conserve mieux dans notre mé­ moire que celui d'un fait indifférent; mais cet événe­ ment heureux n’est pas pour cela le produit dc nos désirs ct dc notre Imagination. Les lumières ct les aspirations dc la raison ont pu, dc même, être des aide-memoire qui ont empêché les traditions uni verselles dc sc perdre dans la nuit d'un complet oubli. La philosophie (aussi) a pu contribuer, dans une cer­ taine mesure, à les raviver en divers lieux : mais cc n'est pas la raison, ni la philosophie (ni les « bons InsIl nets dc la nature humaine ») qui leur ont donné naissance ; elles remontent Jusqu'à une véritable révé­ lation. » Études (hMogiques sur tes constitutions du concile du Vatican, 1895, t. n, n.688, p. 114.— Et H faut que le croyant lui-même regarde, au moins con­ fusément, ces vérités comme révélées, comme venant du ciel. Au reste ccd n’étalt guère difficile aux païens, ct Vacant l'a remarqué : < Un point capital semble établi, dit-il, c'est que toutes les religions se donnent, 1926 non point pour des productions du génie humain mais pour des institutions établies par la divinité. La religion naturelle n’a été professée par aucun peuple, on ne rencontre dans le monde que des rellfldons posi­ tives. Cet croyances admises dans les faux cultes sont mélangées d'erreurs souvent très grossières. . > Jbtd., p. 142. Mais si les croyants regardaient comme révé­ lées les parties erronées de leur religion, cette erreur excusable ne les empêchait pas de faire un véritable acte dc foi sur cc qu'ils croyaient révélé et qui l’était en effet : un objet vrai ct vraiment révélé et admis comme tel, voilà l’objet propre ct nécessaire de l'acte de fol. Vacant répond ensuite à une objection : « La fol n'exlgc-t-clle pas qu'on ait la certitude de la révélation des vérités qu’on croit T Or comment cette certitude pourrait-elle sc trouver dans les fausses religions? · p. 144. La réponse est que cette certitude du fait de la révélation, présupposée par l’acte de fol, est une cer­ titude morale, et relative, fondée sur des motifs de crédibilité d'une valeur relative. « Ainsi les enfants ct les ignorants, qui ne sont pas en état de discuter ce qu'on leur affirme, connaîtraient suffisamment la révélation sur le témoignage de leurs parents ou des autres hommes auxquels ils doivent se fier, » p. 145. 11 cite pour cette excellente opinion Lugo et d’autres. Voir Foi, L vi, p. 219 sq. — « Ajoutons, poursult-U, que les vérités d'ordre moral sont d’autant plus faciles à admettre, qu'on a contre elles moins de préjugés; aussi sont-elles plus accessibles aux âmes bien dis­ posées qu'aux hommes dc science... Ainsi, au milieu des ténèbres de l’idolâtrie et dc l’erreur, les âmes les meilleures et les plus droites seront aussi celles à qui la révélation dc ces dogmes sera le mieux manifestée. » Ici interviennent dc nouveau « les meilleures aspira­ tions du cœur humain, les instincts religieux » dont parle l’abbé dc Broglic. — Enfin, ■ avec le secours de la grâce ces Ames seront amenées, ou au moins préparées, à dégager les vérités nécessaires au salut des altérations qu’elles ont subies dans les fausses religions... Cette grâce consiste dans des lumières et des mouvements qui dirigent et fortifient l'intel­ ligence et la volonté. C’est la grâce qui arrache la Jeune fille du sein d'une famille Incrédule et mondaine, pour la mener dans un cloître. On ne parle à cette enfant que d’intérêts terrestres, de plaisirs profanes; et nu fond dc son cœur elle éprouve un attrait que personne ne lui a suggéré, mais qui revient et qui grandit sans cesse... pour l’abnégation ct le sacrifice. Malgré toutes les sollicitations du monde et les efforts de scs parents désolés, c'est là qu'elle va s’enfermer pour toujours. Sa vocation, inexplicable pour les hommes, est l’œuvre dc la grâce dc Dieu. Pourquoi la même grâce n’appclleralt-clle pas l’attention du pauvre infidèle sur ces vérités obscurcies... auxquelles personne ne prend garde autour de lui, et qui pourtant lui sont présentées comme des révélations divines au milieu d’une foule dc traditions disparates? Pour­ quoi la mémo grûcc ne lui ferait-elle pas sentir qu’il doit exister un Dieu supérieur au monde, ben, Juste, miséricordieux, prêt à pardonner le pêché et à récom­ penser la vertu après la mort? Pourquoi ne lui mon­ trerait-elle pas que, parmi les traditions de sa race, il n’en est point qui soient plus dignes de venir de ce Dieu? » Vacant montre ensuite qu'une telle grâce ne doit pas être confondue avec une ■ révélation person­ nelle. » C’est donc une solution entièrement distincte du système des « révélations Immédiates. > Voir col. 1845 sq. En terminant notre analyse dc ce bel exposé auquel nous ne craignons pas de souscrire, notons qu’il renvoie aux textes, cités plus haut, du cardinal dc Lugo sur la conservation au moins pro­ bable des vérités indispensables au salut par les Juifs, 1927 INFIDÈLES 1928 les ma ho mé Uns, et même plusieurs anciens philo­ mlèrc qui laisse la bonne action dans l’ordre naturel, et qui n'est pas nécessaire pour tout acte bon, la sophes du paganisme. Voir col. 1917. Mais comme on seconde qui élève la faculté pour agir surnaturellele fait remarquer, Logo ne bénéficiait pas dc l’apport ment ct salutairement, ct qui est absolument néces­ plus récent dc la Science des religions. «Nous sommes saire pour l’acte dc fol ct autres < dispositions » pro­ en mesure dc nous poser au sujet du bouddhisme, prement dites qui conduisent à la justification. Voir du brahmanisme ct du fétichisme la question que le col. 1787-1791, et 1813, 1884. La liaison des deux cardinal de Lugo sc posait au sujet du judaïsme, du espèces dc secours ne tiro pas son infaillibilité de cc mahométisme ct du paganisme gréco-romain. » Ibid.t que les bonnes actions naturelles faites avec le premier p. 142. seraient une cause, et une cause infaillible, qui pro­ 4e Appréciation générale du dernier système (Sup­ duirait ou mériterait le second, mais uniquement de pléances providenttelles).—cr) Si on le prenait à l’exclu­ sion dc toute autre solution donnée par des auteurs la promesse que Dieu a bien voulu en faire par suite catholiques, certainement il ne suffirait pas. Pris dc sa libre mais sincère volonté antécédente de sauver tous les hommes. « Faire son possible ■ n’a pas avec ions une prétention aussi généralement exclusive, il Je 3don de la grâce élevante un rapport causal;dcccl’nacte ’est constitue un estimable appoint pour la solution du ’ 11 faut maintenir la nécessité absolue pas même une condition sine qua non, puisque des problème, surtout si l’on énumère les diverses espèces dc fol stricte pour la justification : nous souvent, l’avons lon ­ hommes qui ne l ’ont pas fait reçoivent par dc suppléances aussi complètement que nous l’avons guement prouvé dans la thèselafondamentale, 1758 la prédication ou autrement, grâce de la foicol. ct dc h fait. — Z>) En ce qui concerne les plus anciens paga­ sq., ct c ’ est pourquoi nous avons rejeté le 1·» système nismes, la révélation primitive a été un moyen de énuméré justification. Voir col. 1860. (Bipalda, etc.), col. 1828. salut d’autant plus efficace, que l’on était moins 4 · Les quatre autres systèmes qui restent, longuement éloigné des origines. Sans aller aux exagérations de l’école traditionaliste, on peut admettre que pendant examinés plus haut, contiennent tous une certaine part dc vérité plus ou moins grande. Aucun ne suffit exclu­ des siècles, dont il est impossible de déterminer le sivement. En réunissant tout cc qu’ils ont devrai, on nombre, la révélation primitive s’est conservée suffi­ croyons-nous, la meilleure solution possible. samment dans bien des milieux, du moins quant aux aura, a) Le système des limbes par assimilation des adultes dogmes indispensables au salut. — c) Après la disper­ païens aux enfants (5· système, part, n) est vrai en sion des races, la vie difficile et presque sauvage, ceci, que beaucoup de sujets païens « l’éveil qu’ont dû mener les premiers occupants dc la plupart moral » ouchez éveil dc la raison supérieure » est fort des régions, a pu nuire à la conservation suffisante retardé par « les extérieures, en sorte des traditions primitives. Les derniers auteurs cités, qu’un bon nombrecirconstances à divers âges sans y être de Broglie, Vacant, ne touchent pas à la science arrivés. Il en seraitmeurent ainsi chez des hommes préhistorique, développée surtout depuis leur temps. ayant à lutter pour surtout vie contre d’excessives diffi­ Celle-ci proposerait à la théologie dc nouveaux et cultés. Tels, peut-être,la ccs chasseurs dc bêtes mons­ redoutables problèmes. Quels pouvaient être les se­ trueuses dc l’époque paléolithique; telles, dans les cours religieux offerts à l’homme chclléen ou mous- temps modernes, ces tribus sauvages où aurait régné téricn? Quels sont les rapports dc la race dc Néan- une ignorance religieuse absolue, à en croire certains dcrthal avec l’humanité primitive, avec la nôtre? La récits; sans parler des aliénés et des faibles d’esprit théologie doit at tendre, pour sc poser le difficile pro­ que généralement les théologiens mettent dans les blème du salut dc ces infidèles, que la préhistoire ait limbes. Nous n’avons critiqué dans la solution du précisé beaucoup dc scs hypothèses présentes. — d; Si Billot que l’excès, consistant à traiter ainsi l’on envisage le paganisme gréco-romain à l’époque cardinal « les grandes masses, les multitudes païennes » à où il sc dégradait dc plus en plus, on peut dire que l'exception · des phlïosop hes, des lettrés, dc la la révélation mosaïque avec les dispersions des juifs classe dirigeante Voir col. 1898-1912. Avec celui-ci et leur prosélytisme, puis surtout l’action du chris­ d’ailleurs (Éludes,». 20 nov. 1921), nous avons rejeté tianisme sc multipliant dans l’empire, furent dc puis­ comme absolument condamnable l’emploi des limbes sants secours oflerts aux païens dc bonne volonté.— comme d’un · ciel naturel pour les Infidèles ver­ e) Les siècles depuis lors jusqu’à nos jours sont spécia­ tueux. » Voir col. 1894 sq. lement riches en suppléances variées dc la Providence b) Parmi les autres systèmes qui restent, ct qui à l’égard des Infidèles, en dehors dc la vaste prédi­ font arriver la partie la plus considérable des hommes, cation catholique ; nous en avons donné des exemples. même sans instruction, ou à la béatitude surnaturelle CONCLUSION FINALE DE CES DIVERS SYSTEMES. à l’enfer, nous rencontrons d’abord la célèbre opi­ 1· Il faut avant tout maintenir la volonté salvi- ou nion dc saint Thomas sur le puer veniens ad usiun flque universelle dc Dieu, ct son corollaire, la grâce rationis; 4· système, col. 1863 sq. — L’autorité extrin­ vraiment suffisante promise à tous, l’une ct l’autre sèque du saint docteur lui donne une sérieuse pro­ attaquées par les hérétlqu . voir col. 1730-1736, et mais, sous la critique dc Suarez, les preuves compromises par les explications rigoristes de cer­ babilité; Intrinsèques ne nous ont point paru décisives, à part tains catholiques, Estius, Gonet, etc. Voir 2'système, le cas particulier où cct enfant devenant adulte au coL 1828 sq., 1833 sq., 1838 sq. sens moral est d Γarticle de la mort; alors la promesse 2· Comme conséquence nécessaire 11 faut maintenir divine dc salut lui procurera une révélation comme a) le principe patristlquc qu’un adulte n’est damné moyen, s’il n’en est pas d’autre; la part dc vérité du que par sa faute, voir col. 1835-1837; b) l’axiome système est surtout là. Voir col. 1887 sq., 1893. déjà donné par plusieurs Pères, puis par les théolo­ c) Les diverses suppléances de la prédication catho­ giens du moyen âge : Facienti quod in se est Deus lique, qui nous ont occupé en dernier lieu (6· système), non denegat gratiam, avec la distinction qu’il implique surgissent dc bien des côtés, et forment un vaste entre le secours éloigné, remote sufficiens, ct le secours ensemble où beaucoup d’infidèles ont été sauvés, ou prochain, proxime sufficiens, ct la liaison infaillible du moins ont pu l'être s’ils l’ont voulu. Nous y avons entre le bon usage du premier ct le don du second. examiné 1 influence dc la révélation médiate sous Voir coL 1811, 1847, 1850, 1852, 1851. La querelle toutes ic formes, c’est-à-dlrc la révélation primitive, qui divise les théologiens, dc savoir si dans cct axiome il faut entendre facienti viribus notarié ou facienti viribus gratior, n’a pas l’importance que plu­ sieurs lui attribuent, ct sc résout par la distinction de deux espèces dc grâces qui se succèdent, la pre- I 1929 INFIDÈLES — INFIDÉLITÉ 1930 lu révélation mosaïque ct prophétique, la révélation coi. 1835; Jn Ps. XXXI, n. 4, P. L., t. xxxvi, col. 239; chrétienne. Cette Influence reste la plus importante Serm., cccxux, n. 1, t. xxxrx, col. 1529. Voir ci-dessus, col. 1784. Sur la nécessité de la fol stricte. Cord, duos epht. pour le salut des Infidèles, ct le moyen normal. d) Enfin la révélation Immédiate faite à des Infidèles, Pelag.,1. III,n. 14, P. L.,t. xuv,col. 598. Voir d-dessuscol. 1823. Sur les révélations immédiates, Epist. ad Deo gra­ au moins à ceux qui, sans obstacle dc leur part, n’ont tias, loc. cil., col. 376; De dono perseverantler, η. 48, P. L., pu en aucune façon bénéficier de la révélation médiale, t. xlv, col. 1023. Voir cl- dont l’espoir aurait les plus lus, voir col. 1865 et de Cajétan, voir col. 1866. A la seconde graves Inconvénients pour l’épreuve de ccttc vie, ct se rattachent la plupart, comme Médina, voir col. 1870 sq.; que la tradition chrétienne réprouve. Mais avant la Baûez, col. 1874 ct 1876; Gonet, col. 1879.Billuart, 1881.— Les anciens thomistes donnent cette théorie dc saint Tho­ mort, on a encore le droit dc décider dc son sort étemel, ct c’cst là qu’une lumière divine est bien placée, sur­ mas comme probable et non pas certaine : ainsi Capréolus, voir col. 1865; Soto, col. 1867; Cano, col. I860; Médina, tout pour l’infidèle qui, ayant fait son possible, n’a col. 1871, où â la suite de Durand, de Victoria et de Cano pu encore, par défaut de révélation, faire l’acte de il admet qu'à l’enfant ayant fait son possible. Dieu peut foi, ni celui de charité parfaite. Dieu sc montrerait à différer la grûcc de la foi.ee que Suarez développe, col. 1860; lui comme un Père, en sollicitant un acte d’amour ct Baâez : « On ne peut rien avoir de certain » col. 1873; Aguirre, col. 1884 ; Aragon, col. 1886. A partir des Salmanttde repentir. censcs, col. 1S79 ct de Gonet, Ibid., les thomistes plus 1. Pères. — 1· Salut des Infidèles avant Jésus-Christ, — récents soutiennent la théorie comme certaine, dans ses 1. Clément d'Alexandrie, Strom., I. I, c. v, P. G., t. vin, deux parties, excepté Billuart, col. 1S82. Suarez en a cri­ col. 717, 721 ; c. vu, ibid., col. 732, 733; c. xv. col. 781; tiqué les deux parties, col. 1887 sq. ; Lugo semble l’admettre, c. Xix, col. 808; c. xx, col. 813-817; 1. V, c. xm. P. G., col. 1890; Scbifflni ne peut sc l'expliquer, Ibid., Avec t. ix, col. 128; ProtrcpUcus, c. vu, P. G., t. vm, col. 18-1. Voir cl-dessus, col. 1810-1816. 2. S. Augustin: Sur le retard do lu venue du Christ : Epht. ad Dcogratlas, q. 2, P. L., t. ΧΧΧΧΠ, col. 373 sq.; Liber de diversis question., SJ, η. 1I. t. XL, col. 28;De]cfoit· Del, I. X, c. xxxii, P. L., t. xu. col. 312 sq.; De preedeslln. sanctorum, c. ι x, x, P.L.. t. xuv, col. 973 sq. — Sur les vertus des païens : Cant. Julian., 1. IV, n. 16-33, P. L., t. xuv, col. 744-755; De spiritu ct littera, n. 48, Ibid., coL 230. Voir ci-dessus, col. 1741, 1742. — Sur les révélatfons’faites aux Infidèles : De civit, Det, 1. XVIII, c. XLVU, P· L„ t. xu, col. 609; De trinitate, I. IV, c. xvn, P. L·., t. xm, col. 903. Voir ci-dessus, col 18-18,1819. 3. L’auteur du De vocatione gentium montre qu’en dehors d'Israël les autres nations n'étnicnt pas abandonnées, I. II, c. ni, iv, P. L.. t. IJ, col. 689sq· Bien des infidèles arrivaient à être justifiés par la fol et la grâce, qui n’a été refusée à aucun siècle, (bid., c. v, col. 691. Elle est offerte à tous, d-dessus, col. 1836, 1818. 2· Salut des infidèles après Jésus-Christ, ou d'une manière générale,— l.Sur lu connaissance naturelle de Dieu,possible aux païens ; Tcrtulllcn, De testimonio animer, surtout c. n. P. L., 1.1, col. 612; S. Augustin, De civit. Dei, 1. X, c. i-vn, P. L., t. xu, col. 277 sq. 2. Sur les grâces surnaturelles offertes aux païens : S. Jean Chn sostorne, Homil. (n loa., homil. vm, n. 1, P· G., t. ux, col. 65; Homil. tn Horn., homil. xxvi, n. 3, P. G., t. lx, col. 641. Voir d-dessus, col. 1837,1847 sq. — S. Augustin, De spiritu ct litl., n. 58, P. L.,t. xuv, col.238; Jn Ps.XVHl, enarratio, n. 7, P. L, t. xxxvi, col. 155. Voir ci-dessus 1 Sunrez, col. 1893, nous ne la tenons que dans un cas, où elle est certaine, savoir, si l’enfant est à l’article dc la mort, voir f bld. III. Écrivains modeanks. — Janvier Bucccroni. S. J^ Commentarius de auxilio sufficienti infidelibus data, etc., In-12 do 74 pages, Louvain, 1S84 ; Antoine Fischer (depuis, cardinal-archevêque de Cologne), De salute Infidelium co/nmentalio, ad theologiam apologctlcam pertinens, ίη-8·, de 76 pages, Essen, 1886; Louis Capéran, Le problème du salut des infidèles, essai historique, in-8· de 550 pages, Paris, 1912; Le problème du salut des Infidèles, essai thèclogique, in-8· dc 112 pages, Paris, 1912. On trouvera dans ccs deux ouvrages une copieuse bibliographe surtout des ouvrage plus récents. S. I Ιαπγ.ντ, S J. INFIDÉLITÉ — I. Définition. Π. Formes. III. Causes. IV. Gravité. V. Conséquences. I. Définition. — Toute faute contre la foi n’est pas nécessairement un péché d'inlidvhtè. Les imprudences, telle la lecture des livres hérétiques, qui mettent la fol en danger, les paresses, les négligences, les ignorances voulues qui entravent son activité ct son développe­ ment, les lâches ct hypocrites silences, qui la dissi­ mulent alors qu’on devrait la manifester fièrement, peuvent être des péchés graves d’action ou d’omis­ sion. Voir Foi, t.vi.col. 313sq. Cependant directement ct par eux-mêmes ccs actes ne détruisent pas la fol. 1931 INFIDELITE Or, Ππfidélité est caractérisée par V absence ou la destruction de la vertu infuse de foi (habitus fidei). II. Formes. — L’infidélité peut donc sc rencontrer avant ou après la possession de la foi. Avant, elle est matérielle ou formelle, selon que son absence est duc à une ignorance invincible, infidelitas mere negativa,voir col. 1727, ou à une ignorance volontaire ct coupable, infidelitas privativa. — Après, elle est un reniement de la croyance, infidelitas positiva. Ie L’infidélité purement négative, matérielle, anté­ cédente est celle des païens, à qui le Christ n’a pas été prêché, ou qui n’en ont entendu parler que d’une manière insuffisante ou inexacte. Elle n’iin· plique aucune mauvaise volonté, elle n’est donc pas coupable. Voilà pourquoi l’Église a condamné la 68· proposition de Baius disant : « L’infidélité pure­ ment négative est un péché dans ceux ù qui le Christ n’a pas été prêché », proposition condamnée par saint Pic V, le 1* octoorc 1567, Cf. DcnzingcrBannwart, n. 1068; voir Baius, t. n, col. 97-99. — 2» L’infidélité antécédente et formelle, ditex/éfie tente ou privative, au sens latin du mot privativa qui Indique l’absence d’une qualité qu’on devrait posséder, est constituée par le refus conscient ct volontaire d’adhé­ rer aux vérités révélées ou même de s’enquérir d’elles, bien que l’on reconnaisse avoir l'obligation certaine de s’en préoccuper. Elle procède d’une opposition systématique, qui avant examen dresse en l’esprit une fin de non-recevoir devant toute pénétration de la fol : soit qu’elle nie la possibilité d’une révélation ! divine, comme il arrive aux adeptes du matérialisme, du positivisme, du déisme, du monisme et de toutes les manières d’incrédulité ou d’irréligion; — soit | qu’elle repousse seulement le fait ct le droit de la révé­ lation chrétienne, et c’est le cas des païens, des juifs, des mahométans. Elle peut encore provenir de la nonchalance, de la paresse, de la frivolité, des pas- t sions qui, détournant l’homme de l’cllort nécessaire j pour connaître la révélation ct en étudier les preuves, I le laissent volontairement dans les ténèbres de son ignorance. Certes, une telle Ignorance, vu sa malice, serait gravement coupable. Elle le serait moins sans doute que l’opposition systématique, dont nous avons parlé dans le premier cas. Elle peut coexister en effet avec l’intention vague ct générale d’admettre la vérité, si | quelque jour celle-ci apparaissait avec une clarté suf­ fisante. A cause de cela de Lugo, De fide, disp. XX, | sect, vi, n. 175, sc refuse à la noter d’infidélité. Cepen­ dant par le fait de sa mauvaise volonté l’homme, qui se refuse de la sorte à ouvrir les yeux à la lumière, demeure privé de la fol : il est donc réellement un Infi­ dèle ct d’une infidélité antécédente ct formelle. 3· Enfin 1’infidélité positive, à la différence des pré­ cédentes, qui sont antérieures à la réception de la ver­ tu Infuse de fol, détruit cette dernière quand elle existe. Elle Implique donc de la part d’un baptisé une aposta­ sie plus ou moins complète. Voir Li, col. 1602. Cc mode d’infidélité comporte divers degrés, qui sont comme les espèces d’un même genre: 1. La fol reçue au baptême peut sc perdre d’abord par la négation volontaire des motifs de crédibilité, négation qui sape par la base toutes les croyances. Une telle incrédulité est le fruit de l’athéisme, quand elle ose nier l’existence même de Dieu; elle découle du monisme matérialiste ou idéa­ liste, quand elle identifie Dieu avec le monde; elle est la conséquence du rationalisme ou du déisme, quand elle déclare que Dieu ne peut pas ou ne veut pas communiquer avec les hommes ct leur enseigner des vérités surnaturelles. — 2. La fol peut encore être anéantie dans une âme par le refus d’admettre le souverain motif de notre croyance, c’est-à-dire l’auto­ rité de Dieu, le droit du témoin divin d’être cru sur 1932 parole. Ccttc impiété est le fait de toutes les sectes imprégnées de manichéisme. Leur dualisme en effet attribue la révélation au < mauvais Principe », étemel et nécessaire de 1*Ancien Testament, comme au « bon Principe > du Nouveau Testament. Bien plus, tout l’enseignement, sur lequel reposent l'Église ct les sacrements, serait, ù les entendre, l’œuvre de · l'au­ teur du péché ». — On retrouve la même erreur mons­ trueuse dans l’absurde doctrine calviniste des < men­ songes divins », corollaire de la prédestination ante prœvisa mérita. — 3. La négation, destructive de la vertu infuse de foi, porte en d’autres cas sur l'objet à croire. Négation totale chez le chrétien qui aban­ donne 1 Église ct adhère complètement à une fausse religion, par exemple, en sc faisant bouddhiste; — négation partielle chez celui qui, blasphémant la divi­ nité du Christ, s’attache à la doctrine des mahomé­ tans ct même des spirites. On tombe dans ccttc infidélité doctrinale en rejetant l’une quelconque des vérités contenues dans l’Écriture ct la tradition ou définies par l’Église.— I. Enfin, on peut s’attaquer à ta règle même de la croyance instituée par Dieu, c’està-dire à l’Église enseignante. Nier son autorité ct sc dresser contre clic par une désobéissance formelle ct volontaire à ses définitions infaillibles en matière de fol est une infidélité, qui porte le nom d9hérésie. Voir ce mot, t. vi, col. 2208 sq. III. Causes. — Outre les causes déjà Indiquées, aveuglement volontaire, paresse, frivolité, etc., la sainte Écriture en note beaucoup d’autres. En void quelques-unes : le luxe ct Vavarice des mauvais riches, Luc., xvi, 27-31, la peur de la lumière chez ceux dont les œuvres sont mauvaises, Joa., n, 19,l’ignorance ct V aveuglement de l’esprit, conséquences de la corrup­ tion du cœur, Eph ,iv, 18, en un mot, tous les vices des païens. I Tim., i, 19. A son tour saint Thomas signale l'orgueil, qui refuse de s’incliner devant la régie de fol, ct la vainc gloire, qui provoque les innova­ tions présomptueuses, Sum.theol., IIB-II®, q.x, a. l,ad 3um, la cupidité, q. xi, a. 1., ad 2um, les Ivresses de Γ imagination qui s’attache opiniàtrément à scs fan­ tômes, ibid.,ad 3um, tandis que les vices de gourmandise et de luxure absorbent ù tel point la sollicitude de leurs victimes, qu’elles en demeurent hébétées en face de la vérité : c’cst l’aveuglement de l’esprit, qui joint à l’en­ têtement de la vanité conduit aux pires erreurs contre la foi, q. xv, a. 1 et 3 ; ct tout cela résulte plus ou moins directement de la haine de Dieu, q. xxxiv, a. 2. ad 2«®. Bref, l’infidélité est d’ordinaire l’aboutissant et le triste couronnement de tous les autres péchés. IV. Gravité.— Voilà pourquoi le péché d’infidélité apparaît à saint Thomas comme le plus grave de tous les péchés, si l'on excepte la haine directe de Dieu, car « un péché est d’autant plus grave qu’il nous sépare davantage de Dieu. Or, l'infidélité nous en éloigne autant qu’il est possible, » Ibid., q. x, a. 3. Il a pour effet de détruire le fondement même sur lequel repose toute justification, q. uxn, a. 7, ad 3um, de sorte que la conversion de l’infidèle (qui l’est vo­ lontairement) devient extrêmement difficile. Cependant le péché d’infidélité comporte divers degrés de malice. Ceux-ci varient suivant le point de vue, d'où on le considère : 1· Au point do vue de l'extension, c’est-à-dire du nombre des vérités ab­ sentes ou niées ct des erreurs professées, l’in fidélité dos païens, nous dit saint Thomas, est plus vaste que celle des juifs, et l’infidélité des juifs est plus vaste que celle des hérétiques. Mais ajoute-t-il, q. x, a. G, la culpabilité ne mit pas la même progression. En effet, chez les Infidèles, qui n’ont en aucune manière été évangélisés, la foi est simplement absente : c’est un dommage pour eux, cc n’est pas une faute. Le païen n’affirme et ne nie rien au sujet des vérités révélées. 1933 INFIDELITE — INGU IMBERT 1934 Il les Ignore. Il ne peut donc porter sur elles un Juge­ cher les chairs corrompues ct chasser de la bergerie ment. Or, la négation constitutive de toute infidélité les brebis galeuses, de crainte que la maison entière, réelle ct formelle, donc coupable, revêt toujours la forme l'ensemble, le corps, les troupeaux ne soient Infectés, d’un jugement. Voir! lÉRÉsiE.II.PnoBLfeME moral, l.vx, gâtés, gangrenés ct en périssent. Arius en Alexan­ col. 2215. · SI Ton s* abstenu t df adhérer A un point de foi, drie ne fut qu’une étincelle; mais, parce qu’on ne l’a non par refus de croire ni par doute, mais par fatigue pas étouffée aussitôt, l’univers entier a été ravagé intellectuelle, par frivolité, par crainte des conséquen­ par sa flamme. » Les troubles interminables suscités ces pratiques, l’on ne jugerait ct ne nierait pas; l'on par l'arianisme sont un exemple du danger social ne pécherait pas contre la fol, mais contre quelque de l’infidélité. Pour conjurer un tel péril et protéger les chrétiens autre vertu; l'on ne serait formellement ct intellec­ tuellement ni hérétique, ni infidèle. » J. Dldiot, Vertus contre les sévices des mécréants, continue saint Thomas, théologales, p. 250. Ceci nu point de vue théorique, car Il fut donc juste de prêcher des croisades, « non pour cet état de pure abstention est pratiquement difficile contraindre les In fidèles à croire, puisque si les chrétiens à tenir ;en fait, Il sc complique d’ordinaire d’un doute étaient victorieux ct ramenaient leurs ennemis en cap­ conscient ct positif. Lorsqu’au regard des propositions tivité, Ils leur laissaient la liberté de croire, si cela de foi l’on affirme : » ceci est probable seulement » leur plaisait, mais pour contraindre les infidèles à ne pas faire obstacle à la fol. » Ibid., q. x, a. 8. Enfin, ou « ceci est douteux ■ ou « ceci est faux », on contredit à la certitude objective que possède nécessairement c’est par une semblable mesure de protection et de un témoignage divin, ainsi qu’à la certitude subjec­ prudence que l’Église interdit à scs enfants de demeu­ tive requise pour un acte de foi : on devient dès lors rer en relation avec les hérétiques et les écarté de coupable d’infidélité, à l’un quelconque de scs degrés. sa société par l’excommunication. Ibid., a. 9. 2· Conséquences (Tordre pratique. — 1. Pour Γ in­ 2· Au point de vue de V intensité, c’cst-A-dirc de fidèle : sa situation canonique est ou sera définie la résolution consciente et opiniâtrement voulue de rejeter le dogme divin, l’hérétique détruisant en son aux mots Apostasie, Hérésie, Mariage. — 2. Pour âme la vertu de foi, qu’il a reçue au baptême, pèche le baptême de ses enfants. Voir Baptême des infi­ plus gravement que le juif. Celui-ci, ù son tour, ayant dèles, L n, col. 341-355. 11 est utile de citer sans connu dans l’Ancien Testament la figure de l’Évan- commentaires les articles du nouveau Code de droit gile, mais ayant corrompu en scs commentaires er­ Canonique, qui concernent cc point. ronés le sens de cette première révélation, est plus Can. 750. fl. Infant infide­ 5 I. Tl est licite de baptiser coupable que le païen, qui n’a en aucune manière lium etiam Invitis parenti­ un enfant d'infidèle, même reçu la bonne nouvelle de la foi. C’est pour cela que bus, licite baptbatur, cum in malgré scs parents, lorsqu'il saint Thomas conclut : l’hérésie est la pire des infidéli­ co versatur vita? discrimine sc trouve en un tel péril de tés, simpliciter loquendo infidelitas hnreticorum est ut prudenter pnr videatur mort, que l'on prévoie en moriturus nntequam usum toute prudence qu’il mourra pessima. 11*-II®, q. x, a. 6. rationis attingat. avant d'avoir l'usage de sa V. Conséquences. — Ie Sous ses diverses formes raiwo. l’infidélité entraîne des conséquences funestes pour les 12. Extra periculum mon­ $ 2. Hors le cas de péril de individus et pour les nations. th, dummodo catholica· e|us mort, A condition d'avoir Elle inspire ù scs adeptes le mépris des vérités educationi cautum sit, licite pourvu A son éducation ca­ tholique, Il est permis de surnaturelles, leur Inocule un satanique esprit de ré­ baptizatur : baptiser un enfant d'infidè­ volte contre l’autorité divine ct par suite contre toute les : autorité légitime. Elle est source de blasphèmes ct d’i­ 1· SI parentes vel tutores, 1· Si scs parents ou tu­ dolâtries païennes; elle conduit aux superstitions ju­ aut saltem unus eorum, con­ teurs, ou du moins l'un d’en­ daïques et autres; elle prive les chrétiens de la grâce sentiant. tre eux, y consentent. des sacrements; bien plus elle favorise ou prêche ou­ 2· SI scs parents, c’est-à2· SI parentes. Id est pater, vertement le dévergondage des mœurs, comme en mater, avus, avia vel tutores dire son père, sa mère, son desint, aut lus In cum omi­ grand-père. sa grnnd'mèrc témoigne l’histoire des hérésies. D’autre part, Il est arrivé maintes fois aux Infidèles serint vcl Illud exercere nullo ou scs tuteurs n’existent plus, ou s'ils ont perdu tout droit de toute catégorie de troubler la paix sociale. Ani­ pacto queant. sur lui, ou s’ils ne peuvent més d’un zèle malsain, ils veulent entraver la propa­ plu« en aucune manière exer­ gation de la fol chrétienne ou en détourner les hommes. cer leur droit. Sum. thcol., II* 11®, q. x, a. 3. Ils tentent de les scan­ La même regie vaut pour les enfants des hérétiques daliser par leurs blasphèmes, leurs mensonges, leurs calomnies, de les séduire par tous moyens de persua­ Can. 751. Circa baptismum Par rapport au baptême sion justes ou injustes, de les terroriser par des persé­ Infantium duorum hæ re Ileo­ des enfants de deux héréti­ cutions violentes. J bid., a. 8. lis sèment la discorde au rum nut schismaticorum, ques ou schismatiques, ou de sein des nations. Ibid.,q. xn, n. 1, ad 2um. Si l’aveugle­ nut duorum catholicorum, deux catholiques, qui se­ qui In npostasinm vcl hærc- raient toinbZsdnns l’apostament de leur esprit a été la suite logique de la corrup­ sim schisma prolapsi ilc ou l’hérésie ou le schisme, tion de leur cœur, Ibid., q. xv, a. 1-3, leurs suggestions sint, vcl generntim serventur on observera,d’une manière ct enseignements en retour, libérant les passions du norms? in superiore canone générale, 1rs règles établies frein religieux, déchaînent les égoïsmes qui ébranlent constituta·. dans le canon précédent. la société jusque dans ses fondements. Toutes ces S. Thomas, Sum. theol.. Il» P’·, q. x-xxxiv De Lugo, choses se vérifient de nos Jours comme au moyen Disput. scholast. de fide, dbp. XVIII; BouqulHon, Tract, âge. de virtutibus theologicis. 1. I. De fide, part. Ill; J. Dldiot, On comprendra donc qu'en un Etat chrétien les Vertus théologales, théorèmes. xun-Lxv ; Lchinkuhl, Theolo­ pouvoirs publies, qui ont conscience de leur res­ gia moralis, 1910, t. I, n. 413, 414; Billot, De virtutibus ponsabilité, interviennent. Il est plus grave en effet tn/usls, t. i, thés. xxm. E. Tamîry. et plus préjudiciable au bien général du peuple < de INGU IM BERT(dom Malachlo d'),de l'ordre de corrompre la fol que d’altérer les monnaies, » dit saint Thomas. f5/d.,q.xi,n.3. SI donc les faussaireset autres Clteaux, évêque de Carpentrus, où il naquit le 26 août 1683, ct mourut le 6 septembre 1757. Après avoir malfaiteurs sont punis A juste titre, les princes ont le devoir ct le droit de punir les hérétiques. C’est une terminé scs études chez les jésuites de sa ville natale, question d’hygiène sociale. El saint Thomas allègue Joseph-Dominique d’Inguimbert entra en 1698 dam le passage suivant de saint Jérôme : « 11 faut retran­ l’ordre des frères prêcheurs. Quatre ans plus tard, il 1935 INGUIMBERT (DOM MALACHIE D’) — INJURE était â Paris ou couvent de la rue Saint-Jacques ct obtenait de scs supérieurs l'autorisation de sc consa­ crer aux missions de l'Amérique; mais, nu moment de s'embarquer, il tomba gravement malade. Force lui fut donc de revenir Λ Paris où il fut ordonné prêtre. PeuoprèsilfutcnvoyéaucouvcntdcCarpcntrasd'oùil alla à Rome, puis â Florence,où le grand-duede Toscane lui confia la chaire de théologie dogmatique Λ l’uni­ versité de Pise. Cc fut alors qu’il sc décida Λ embrasser une vie religieuse plus austère ct sc retira Λ la trappe de Buon-Solazzo. Benoît XIII donna son consente­ ment ù cc changement, ct Joseph-Dominique d'Ingulmbcrt fit profession de la règle cistercienne, le 2 août 1715, recevant alors le nom de dom Malachie. 11 fut bientôt maître des novices, professeur de théolo­ gie ;puis on Pwnvoyaporterlaréionneù l’abbayodcCasamari. Mais il ne tarda pas à rentrer à son premier monastère. De 1719 à 1721,11 enseigna la théologie au lycée de Florence ct ensuite devint supérieur du séminaire de Pistole. En 1723 le cardinal Albani lo ht venir à Rome, le chargeant d’écrire la vie de Clé­ ment XI, son oncle. Dom .Malachie, dès l'année sui­ vante, sc brouilla avec son protecteur qui l’accusait ù tort d’avoir communiqué à la cour de France ct au Père Quesnci divers documents sur la bulle Unigenitus. Cependant le pape lui ordonna de rester ù Rome ct lui accorda quelques bénéfices. Le cardinal Corsini le choisit alors comme son théologien ct son bibliothé­ caire. Devenu pape sous le nom de Clément XII, il combla dom Malachie de faveurs, le nomma abbé cistercien, consultcur du Salnt-Olllcc et archevêque titulaire de Théodoslc. En 1735 enfin il le choisit pour évêque de Carpentras. Aussitôt après cette nomina­ tion, dom Malachie d’Inguimbert, malgré les Ins­ tances du pape, se mit en route pour son évêché qu’il gouverna avec la plus grande sollicitude. Il fit con­ struire dans sa ville épiscopale un grand hôpital, et l’enrichit d’une magnifique bibliothèque. Pendant son séjour en Italie, il publia divers ouvrages parmi les­ quels nous mentionnerons : Specimen catholica verilatis, cui alhert, pscudopolitici, circa quamcumque seciam indi/Jcrenles, religionis contemptores, dubia fidei et critica intemperantiores auditores velamina prxlendere nituntur, exhibitum a Fr. Malachiad’ In­ guimbert, M. O. C., regite celsitudinis Cosmi III magni Etruria: ducis theologo, atque primum in uni­ versitate Pisana, tum in bjca o Florentino theologice pro­ fessore, ln-4®, Pistole, 1722; Genuinus character reve­ rendi admodum in Christo Patris I). Armandi Johannls Butlilieril Rancat abbatis monasterii B. Maria Domus Del de Trappa; ibique primigeniispirilusordinis Clsterciensis restitutoris et pristinorum usuum cultoris indefessi; expressus ex variis, qua animum ipsius pri­ mum mundo, tum Deo servientis optime ostendunt,ïn-A9, Rome, 1718; Vita dl Arm. Giov. Le Boulhillier di Hanse, abate regolare e rifonnatore del monastero della Trappa, della stretta osservanza cisterclense, corrctta, ampliata e ridotta in miglior forma da F. Malachia Inguimbert, in-l°, Rome, 1725 : dans ces deux ouvra­ ges l’auteur s'applique à défendre l’abbé de Rancé contre ceux qui l'accusaient d'avoir pactisé avec les jansénistes ct de s'être montré l’ennemi des droits du Saint-Siège; il traduisit en outre en italien le com­ mentaire sur la règle de saint Benoit ct le traité de la sainteté ct des devoirs de la vie monastique du célèbre réformateur de la Trappe : La regola di san Benedetto tradotta e splegata seconda il suo vero spirilo, 3 in-4·, Rome, 1722; La teologia del chlostro, overo la santlta c le obllgazlone della vita monastica, 2 in-4°, Rome, 1731 ; Septimani^ historia: libri vili, in-8°, Rome, 1734, réimpression de l'histoire de 1’abbayo de Septimo avec préface; notes ct observations de dom Malachie d’lnguimbcrt; Trattato tcologico dclTautonta ed tnfalli- 1936 bilita del papa, Γη-fol., Rome. 1731, traduction faite sur l'ordre du pape de l'ouvrage du bénédictin dom Petit-Didier, auquel il ajouta une longue dissertation sur les caractères de Terreur dans les défenseurs de Jansénius et de Quesnel; Ven. servi Dei D. Burlholoma i a Martyribus opera omnia, 2 in-fol., Rome, 1735. Barth. Aug. Magy, S. J., Oraison funèbre de mess Ire dom Malachie d*Inguini berI, archevêque cl évêque de Carpenlns, hi-12. Avignon. 1704 ; M. Seguin do Pazzlt, Eloge en forme de notice historique de M. d'Inguimbert, ln-8·, Cnrpcntnu, 1805; H. d'Olivier-Vitnlls, Notice historique sur la vie de M. d9Inguimbert, ln-1·, Carpentras, 1812; Fabre de Salnt, Véran, Mémoire sur la vie et les écrits de M. d9Inguimbert, ln-18, Carpentras, 1800; nbbé Ricard, Histoire de Mgr d9In­ gutmbert, in-8·, Cavnillon, 1807; dom Bércngler, Vie de dom Malachie d9Inguimbert de Tordre de Cttcaux,archevêqueévêque de Carpentras, in-8·, Avignon, 1888. B. Heurtedizb. IN INGER Frédéric, philosophe ct théologien allemand, naquit ù Munich le 20 septembre 1640, fut admis le 5 octobre 165G dans la Compagnie de Jésus, enseigna successivement la grammaire, les humanités et la philosophie ù Munich, puis ù l'uni­ versité d* Ingolstadt, et fut demandé ensuite au scolasticat de Dillingen comme professeur de théologie. Il a laissé un grand nombre de thèses largement développées en vue des soutenances publiques : De visione Dei, Inspruck, 1696; De causis humanœ fustlficationis, ibid., 1679; De dominio ejusque speciebus Dillingen, 1680; De restitutione, ibid., 1680; De (nfuriis et de restitutione in specie, ibid., 1681 ; De sacramentis in genere, ibid., 1682. 11 allait publier divers traités théologiques et vraisemblablement son traité sur la physique d’Aristote» lorsqu'il fut chargé de gouverner les collèges de Constance ct de Dillingen, puis la pro­ vince de l’Allemagne du Nord, de 1693 à 1695. Visi­ teur de la province d’Autriche, en 1695, il succomba à la tâche et mourut à Varasdin le 25 mars 1696. Sommcrvogcl, Bibliothèque de la CP de Jêsm, t. iv, col. 615-617; Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1910, t. iv. col. 1011. P. Bebnahd. INJURE. — 1° Notion, exemples, malice. — En latin, ce n’est pas le terme injuria dont la signi­ fication est plus étendue, mais contumelia qui désigne la même chose que notre mot français < injure ». L’injure est une atteinte injuste portée ouverte­ ment ù l’honneur ou au respect dus au prochain. A la différence de la détraction qui dénigre autrui, en son absence, l’injure l’attaque en face; la calomnie ct la médisance ruinent dans les esprits la bonne opinion qu’on en a, l’injure va à l’encontre des té­ moignages extérieurs d’estime sur lesquels sa dignité ou son mérite lui permettent de compter. Celui qui essuie quelque outrage est supposé tout entendre, tout voir; puisqu’il est dans la nature de l’injure qu’elle soit jetée à la face. Même absent coqjorcllcmcnt, il est encore censé présent d’une présence morale, si l’insulte atteint en quelque sorte les choses, images ou personnes qui le représentent. 11 en est de même quand une Injure proférée devant d’autres doit Immanquablement venir ù sa connaissance. Faut-il conserver le nom d’injures Λ des conversations, ù des articles de Journaux pleins de mépris pour quelqu’un, lorsqu’on estime qu’ils seront toujours ignorés de lui? On peut en douter théoriquement; d’ordinaire et en pratique on les regarde comme de véritables insultes. L’Injure est tantôt un outrage positif, tantôt le refus d’une marque d honneur qui s’impose. On la profère en paroles et par tous les netes significatifs du mépris. Propos blessants, Invectives, allusion à quelque dlflormité physique, ù son Indigence, ù des fautes comml.ics, opprobre jeté sur sa famille, rail- 1937 INJURE lcric ct persiflage, qui dira toutes les Inventions d’un cœur méchant, propres à rendre quelqu’un ridicule, à le faire rougir devant Ica autres ou ù le remplir d'amertume? « Homme du diable », criait Sémél à David, en lui jetant des pierres. II Beg., χνι, 5, G, 7. < Ami des publicalns ct des pécheurs, buveur de vin, Samaritain, possédé du démon », allaient répétant les Juifs qui Insultaient Jésus. Luc., vu, 34; Joa., vin, 18. Tels sont quelques exemples d’injures tirés des saints Livres. Toute Injure blesse évidemment ct en premier lieu la charité envers le prochain. Dieu sait la peine cuisante que des propos Injurieux ou des actes de mépris peuvent lui causer. < Les coups de fouet, dit la sainte Écriture, meurtrissent, mais les coups de langue brisent les os. > Eccli., xxvin, 21. L’Injure viole en outre la vertu de justice; car chacun peut prétendre aux témoignages d’estime ou de respect qu’on accorde aux gens de sa condition ou de son mérite, chacun a le droit tout au moins de n’êtrc pas méprisé. Et tel est le prix de l’honneur qu’on le regarde dans les milieux honnêtes comme préférable aux biens de la fortune. Maligne dans scs effets, l’in­ jure l’est autant dans sa source. Saint Thomas nous dit qu’elle procède immédiatement de la colère. L’orgueil, enclin à s’élever au-dessus des autres, porte naturellement à les mépriser et se répand aisément en injures contre eux; mais c’est la colère pourtant qui y recourt comme au moyen de vengeance qui s’offre d’abord : nulla enim vindicta est Irato magis in promptu quam in/erre contumeliam. Sum. theol., II*-II®, q. i.xxn, a. 4. 2° Gravité. — L’injure est un péché grave de sa nature, ex genere suo. Qui dixerit /rutri suo ; Fatue, reus erit gehcnmc ignis. Matth., v, 22. Elie constitue donc une faute mortelle quand, proférée avec ré­ flexion, elle blesse notablement quelqu'un dans son honneur. On juge du fait non seulement en pesant les propos ct les faits injurieux, mais encore en tenant compte de la qualité des personnes, d’une part l'offensé de l’autre l’insultcur. L'injure revêt une malice toute spéciale ct devient aisément grave, si elle atteint les parents, les maîtres, les supérieurs, toute personne, en un mot, envers qui la piété oblige. L’injure simple admet cependant une légèreté de matière. On regarde comme vénielles les injures qu'é­ changent entre eux dans la langue verte des hommes ou des femmes de bas étage, ou parce que ceux qui les profèrent n’ont pas au fond tant de mépris, ou parce que ceux qui les entendent les attribuent à l’emportement ou Λ une mauvaise éducation. On excuse aussi de faute mortelle les parents ou les maîtres qui qualifient leurs enfants ou leurs élèves en tenues irrespectueux, blessants; on les excuse même de tout péché, si par là, Ils sc proposent uniquement de corriger leurs défauts, bien que ce ne soit pas là un système d’éducation recommandable. Sont rarement graves des paroles Injurieuses dites en l'absence de ceux qu’elles visent, ù moins qu'on ne veuille qu'elles soient rapportées ou qu'on ne prévoie qu’elles le seront certainement. Innocent tout Λ fait est l’amusement qui consiste ù plaisanter quelqu’un de scs légers défauts ou travers, mais sans aucune arrière-pensée de mépris, sans danger non plus qu'il s’en irrite, en conçoive une peine sérieuse, dût-il en rougir un peu. Pratiqué entre amis, dans le seul but de sc récréer, cc peut être un acte de la vertu d’cutrapéllc. 11 est vrai que la charité ct la prudence demandent qu'on ne pousse pas ce jeu trop loin. S'P arrive que quelqu’un sc fAclie ou s’affecte beau­ coup d'une plaisanterie plutôt inoffensive, cc sera Je fait uniquement de son caractère pointilleux, étroitesse d’esprit de sa part; ct la faute du taquin 1938 qui a provoqué, si faute 11 y a, ne pourra assurément être dite mortelle. 3e Support. — Saint Thomas pose en principe la nécessité de la patience vis-à-vis du mal non seu­ lement qu'on nous fait, mais encore qu’on dit contre nous. Et il cite à propos la parole des Psaumes : · Et moi, je suis comme un sourd, je n’entends pas; je suis comme un muet qui n’ouvre pas la bouche. > Ps. xxxvii, 14. Il montre ensuite que le devoir du support consiste avant tout dans une attitude à garder dans son âme, præcepta patienti* sunt tn praeparatione animi habenda. Nous devons être tou­ jours prêts à faire au besoin ce que le Seigneur a pres­ crit : « Si quelqu’un vous frappe sur la Joue droite, présentez-lui encore l’autre. » Matth., v, 39. Mais si la disposition intérieure s’impose sans exception possible, on ne peut en dire autant du fait extérieur de présenter l’autre joue, non tamen (homo) hoc semper tenetur /acere adu. Et la réponse vaut, que nous soyons en butte à des actes de violence ou à des paroles outrageantes. Nous devons nous tenir constamment prêts ù supporter les injures qu'on profère contre nous, si c’est expédient. C'est une loi. mais qui souffre des exceptions. Il est nécessaire de repousser une insulte, en deux circonstances tout particulière­ ment, quand rtntêrêt de l’insultcur exige qu'on arrête son audace, qu’on lui enlève le désir de récidi­ ver, ct lorsque, en tolérant une attaque personnelle, nous compromet trions le bien du grand nombre. Obligés de maintenir l'audace d'agresseurs, nous devons cependant user de beaucoup de moderation, agir par un motif de chanté vraie ct non pour venger notre honneur blessé, propter officium charitatis, non propter cupiditatem privati honoris. Enfin, après ces réserves, saint Thomas conclut par un éloge du si­ lence, non d’un silence méprisant ct plutôt provoca­ teur, mais d'un silence patient qui ne tient pas tête À l'homme en colère : si aliquis taceat, volens dare locum irir, hoc est laudabile. Sum theol., IIs II», q. Lxxn, a. 3. 4e Réparation. — Celui dont l'injure a fait perdre au prochain son honneur, a le devoir de le lui rendre ct de réparer tous autres dommages qui ont résulté et qu’il avait prévus au moins confusément. Répa­ rant, on devra tenir compte de la nature de l’insulte ct de la qualité de la personne offensée. Il y a obli­ gation grave de faire réparation d'honneur si l'injure fut notable, ct publiquement lorsqu'elle fut publique Quant à la manière de la faire disparaître, elle diffère selon qu’il s’agit d’un inférieur, d'un égal ou d’un supérieur. D’une manière générale, on l'efface par des témoignages non équivoques d’estime ou de respect, appropriés Λ la condition des personnes. Les moralistes ont noté divers moyens employés pour donner satisfaction aux gens atteints dans leur honneur : les saluer amicalement, en les prévenant même, les entretenir avec cordialité, les visiter chez eux, les inviter ù sa table, leur présenter des excuses par un tiers ou leur demander soi-même pardon. Une demande de pardon est une réparation d'honneur recevable dans tous les cas; elle n'est obligatoire que si la partie lésée l'exige à l’exclusion de toute autre pour une injure grave. Cependant on n’est pas en droit de l’attendre de supérieur^ ou de maîtres vis-à-vis de leurs sujets, serviteurs ou élèves, ceuxci devront se contenter de marques d'une particu­ lière bienveillance. Généralement on est exempt de l'obligation de faire amende honorable, lorsque l'offensé tient quitte de tout, s’il a eu recours à l’ac­ tion des tribunaux, s'il a tiré personnellement ven­ geance, ou dans le cas où les injures furent réci­ proques. S. Thomas, Sum. theol. Il* H», q Lxxn, n. 1-4 i S. Al­ phonse de Liguori. Theol. moralis, 1. Ill, η. 966, U84- 1939 INJURE INNOCENT Ier 990; Q Marc, Institutiones morales alphonsiana·, t. , parti II, tr. VIII, c. rn, n. 1210-1216, Home, 1885; Gury-Ballerinl, Compendium theol. moralis, t. t, De prixeeptls Decalogi, pe. VIII. c. m, η. 162-464, Home, 1887; LehmkuhJ. Theologia moralis, t. i, part. I, L II, n. 11881190, 1195, Fribourg-cn-Brisgnu, 1890; Tanqucrcy, Sy­ nopsis theologia· moralis, t. Ill, part. I, c. if, n. 397400, Paris, 1907; Noldln, Summa thcol. moralis, t. n, De pr/rceplls, part. II, 1. VII, n. 662-665, Inspruck. 1911; Scbastianl, Summarium thcol. moralis, I. II, lit. vin, c. n, D. 348. Turin. 1918. (SAINTj) 1940 ct la justice du premier homme nous aient été desti­ nées, c'est un point de foi défini : « Anathème à qui prétend qu’il a perdu pour lui seul, ct non aussi pour nous, la saintetéet Injustice reçues de Dieu, > «déclaré le concile de Trente, sess. V, can. 2. Que le genre humain n’ait connu la mort ct les autres peines du corps que par suite de la désobéissance d’Adam, c’est une vérité que le saint concile tient aussi pour incontestable et concédée par les hérétiques euxmême. Si quis asserit... inquinatum ilium per inoA. Thouvenin. bedientiæ peccatum, mortem et poenas corporis tan­ INNOCENCE (Etat d’). — 1° Ce qu'il fut dans tum in omne genus humanum transfudisse, non au­ le premier homme.—L’état d’innoccnccétait celui de tem ct peccatum, quod mors est anima, A. S. D’une nos premiers parents avant la chute. Entendons par là manière générale, la prévarication d’Adam l’a tout plus et mieux qu’une simple exemption de faute. Sor­ entier, coqjs ct âme, fait déchoir, totumque Adam, tant des mains du créateur, quelque condition que Dieu per illam prœvaricaiionis offensam, secundum corpus lui ait faite, l’homme ne pouvait être coupable. ct animam in deterius commutatum, sess. V, can. 1; Son état comportait, en outre, la justice surnaturelle la même cause nous rend esclaves du péché, du ou la grâce sanctifiante ct le don d’une nature par­ démon ct de la mort, serai erani peccati et sub potes­ faitement Intègre, toute une somme de dispositions tate diaboli ac mortis, sess. V 1, c. ι ; nous n’avons pas ct de secours propres Λ le maintenir dans la félicité perdu tout libre arbitre, mais celui-ci demeure affai­ de l’innocence première. On indique cet ensemble, bli ct lncliné(au ηυ.ύ), tametsi in eis Uberium arbitrium sans équivoque possible, par une autre désignation minime exstinctum esset, viribus licet attenuatum et incli­ assez commune : état d’innocence ct de sainteté. natum. Ibid. Ilya par conséquent parité dans la con­ Le premier homme fut-il élevé à l’état surnaturel, dition du premier homme ct celle de ses enfants, soit et la grâce sanctifiante avec son cortège de vertus, avant, soit après le péché : nous héritons de son lui fut-elle octroyée dès l’instant de sa création? malheureux sort, comme nous étions appelés à Lc concile de Trente s’est défendu de trancher cette partager scs prérogatives, ct l’étendue des ruines question discutée entre théologiens. Cependant qu’a entraînées sa faute nous permet de mesurer les l’opinion de saint Thomas a depuis longtemps pré­ biens que son obéissance nous eût assurés. valu, ct c’est une doctrine communément admise Cette perte de l’intégrité originelle, saint Thomas qu’il faut appliquer à Adam cc que saint Augustin à l’a nommée la blessure de la nature, vulneratio naturæ. écrit au sujet des anges : Drus simul erat in eis ct Sum. theol., I* II®, q. lxxxv, a. 3. Elle comporte condens naturam ct largiens gratiam. De ciuitalc Dei, plusieurs plaies particulières, notamment la plaie 1. XII, c. ix. Divers dons ensuite ct pour l’âme ct de l’ignorance. Il importe, si on veut ne pas exagérer pour le corps remédiaient aux défectuosités ct lacunes celle-ci,denepointattribucràla descendance d’Adam de la nature envisagée dans ses éléments essentiels le droit à toute la perfection intellectuelle de celui-ci. et nécessaires, ou dans sa condition présente. Nom­ La création du premier homme à l’âge adulte, sa mons l’exemption do l’ignorance ct de l’erreur, mission de père et d’éducateur du genre humain, la préservation de la convoitise, l’immunité vis-à-vis exigeaient qu’il eût une science infuse relativement de la douleur ct de la mort ct les pures joies du parfaite. Cette nécessité n’existe pas pour scs fils paradis terrestre. Ces prérogatives étaient un sur- i soumis aux lois de la croissance ct du progrès. C’était croit qui intégrait la nature humaine, faisait régner assez pour eux, d’une pénétration toute spéciale l’ordre ct l’harmonie entre scs puissances ct l’éle­ d’intelligence qui leur eût pennis, moyennant un vait à la condition du mieux être. Elles avaient, exercice normal de leurs facultés, de connaître aisé­ par conséquent, un caractère de grâce; sans faire ment ct sans danger d’erreur la vérité, surtout la atteindre l’homme à l’ordre divin, elles le portaient vérité d’ordre moral. bien au-dessus de sa sphère, d’où le nom de préter­ S. Thomas, Sum. thcol., I®, q. xciv-cn; I® Ilir, q. LXXXV, naturelles que les théologiens leur appliquent. Ccttc riche dotation était une sorte de trait d’union entre a. 2; Palmieri, Tractatus de Deo creante et elevante, part. Π, c.ii, n. ï. th. XLvni,Liv;n. 1. th. lxxviii, Boinc, 1878; la nature humaine ct la grâce élevante; clic procé­ Schccbcn. Dogmatique, trad. Bélct, th. TV, § 183, Paris, dait de celle-ci comme de sa cause ct lui servait 1882; Hurter, Theologia: dogmatica compendium, t. if. d’ornement ct de rempart. Bien qu’elle en fût sépa­ tr. VI. sect.n, c. in, a.3; c. iv, a. I. Inspruck, 1888; Marable en rigueur de terme, elle ne cessait d’accompagner zclla. De Deo creante et elevante, disp. IV, a. 3-66; disp. la grâce accordée au premier homme et ne disparut V, a. 7, Home. 1908; Peach, De Deo creante cl elevante, qu’avec clic par le péché. C’est sans doute cc qui a sect,iv, c. ï. n. 3, Fribourg-cn-Brisgnu, 1908; Tnnqucrcy, fait nommer aussi l’état d'innocence, surtout dans Synopsis lheologlæ dogmatico: specialis, t. ï, c. m, n. 2, § 2, 3; a. 3. § 2, Paris, 1911 ; LabauchO, Leçons de théologie les plus anciens documents, l'état d’intégrité. Voir dogmatique, t. iî, Γhomme, partie, c. n; II· partie, Adam. t. ï, col. 369-375. c. m, Paris. 1911. 2* Ce qu'il eût été dans sa descendance. — La A. Thouvenin. grâce ct les dons préternaturels en Adam forment 1. INNOCENT Ier (Saint), pape (401-417). cc que le II· concile d’Orange a qualifié de bonum Nous savons fort peu de choses sursa vie antérieure­ naturæ, Denzingcr-Bannwart, n. 199, non en cc sens ment à son élévation au pontificat. Lc Liber pontificalis qu’ils découlaient des principes de la nature, mais le fait naître à Allie, d’un p_rc nommé lui aussi Inno­ en tant qu’ils composaient à l’origine la dotation du cent. Saint Jérôme, par contre, note, Epist., exxx, genre humain ct de tous scs individus. En vertu c. IG. P. L., t. ΧΧΠ, col. 1120, qu’il fut apostollcæ d’une disposition positive de Dieu, ils devaient être cathcdræ et e/usdem AnastasiI successor ct filius, cl transmis à la façon d’un héritage avec la nature rien n’indique qu’il ne faille pas prendre le mot films même ct comme clic par voie de génération. Il y a au sens propre. Innocent serait donc le fils ct le suc­ donc lieu relativement à la postérité d’Adam de cesseur du pape Anastase (399-101). Étant donnée parler d’état d’innoccncc. l’époque, la chose n’a rien en sol d’invraisemblable Ce n’est point là pure hypothèse ou simple con­ (le pape Sllvèrc, 536, est le fils du pape Ilonnisdas, 514-523) On n interprété le renseignement de Jérôme ception théoiogique. Et d’abord, que la sainteté 1941 i en disant qu'innocent était lo fils spirituel d’Anastase; l’explication vaut cc qu’elle vaut. Toujour· est-il qu’à la mort d'Anastasc, Innocent fut unanimement élu pour succéder à celui-ci, ct consacré le 22 décem­ bre 401. Sur celte date, voir Duchesne, Le Liber pon­ tificale, t. ï, p. 21'». Lc pontificat d’innocent se place à l’une des époques les plus troublées de l’histoire romaine; de toutes parts les barbares envahissaient l'Occldcnt; ΓItalie mal défendue par le faible gouvernement d'Honorius était submergée la première; en 408, Alaric avec scs Goths venait camper sous les murs de Rome» qu’il bloquait étroitement. En proie ù une folle terreur, le parti païen, encore puissant dans la capitale, attribua cc déchaînement de calamités à l’abandon de la vieille religion nationale; ct demanda l’autorisation de faire des sacrifices publics. SI l'on en croit le païen Zosirnc, Νέα Ιστορία, v, 41, le pape Innocent aurait laissé s'accomplir ccttc violation flagrante de la loi de Théodose; d'ailleurs le chrétien Sozomène, //. E., ix, 6, semble bien dire que les sacri­ fices en question curent lieu. < L'issue, continue-t-il, montra bien que ce ne fut pas pour le bonheur de La ville. » Serrés de près, les Romains négocièrent une trêve avec Alaric; elle leur fut accordée à condition qu’une ambassade romaine se rendrait ù Ravcnnc, pour amener la conclusion d'une paix définitive entre l’empereur Honorius ct le chef barbare. Celul-cl ne désirait rien tant que d'être reconnu par le souverain comme le général des forces romaines cnOccidcnt. Le pape Innocent accepta de faire partie de cette délé­ gation. Arrivée ù Ravcnnc, celle-ci se heurta vile aux refus catégoriques du parti qui, à la cour, s’oppo­ sait à toute concession. Irrité de ces atermoiements, Alaric marche de nouveau sur Rome, qu’il prend et pille, 24 août 410. A ce moment, le pape était encore ù Ravenne, et il n'eut pas la douleur de voir aux mains des barbares la Ville étemelle. La Providence, dit Paul Orosc, Histor., vu, 39, avait pris soin de soustraire cc nouveau Lot à la destruction qui englo­ bait un peuple de pécheurs. Innocent ne put rentrer à Rome qu'en 412; 11 y mourut le 12 mars 417, suivant La donnée du martyrologe hléronymlcn préférable à celle du Liber pontificalis, qui le fait enterrer le 28 juillet de ccttc même année. Si le pape Innocent a pu voir les catastrophes qui préludaient en Occident à la destruction définitive do l’empire romain, si Rome eut à connaître, sous son règne, les pires vio­ lences, cc pontife a vu se former aussi les premiers linéaments de la monarchie pontificale qui allait remplacer l’empire romain; plus qu'aucun autre pape du v siècle, saint Léon excepté, 11 a contribué à l’éta­ blir. Du fait reconnu traditionnellement par toutes les Églises de la primauté romaine,!! a su tirer quelques principes très clairs relatifs au rôle que doit jouer l’Église de Rome. Au nom de ces principes, il s'est efforcé d'imposer, nu moins à l’Occldcnt, les directives générales qui régleraient pour longtemps, du point de vue romain, la vie catholique. Suivons son action en Occident ct en Orient. I. Son action DisaruNAinn en Occident. — En Gaulc.cn K Espagne, en Italie, Innocent s'efforce de tout son pouvoir d'établir l'uniformité des règles morales, canoniques, liturgiques. Pour cc faire; Il Impose par­ tout l’adoption des usages ct des règlements romains. Ces usages, il les déclare traditionnels, et dès lors pro­ clame leur droit ù s’imposer partout, ù l’encontre des coutumes .locales qui ne peuvent être, prétend-il, que des déformations de la tradition primitive. G'csl cc qui résulte très clairement des trois décrétales ù Victrice de Rouen, Jafïé, n. 286; à Exupèrc de Tou­ louse, Jnfié, n. 293; à Decentius de Gubblo, Jaffé, n. 311, comme aussi de sa réponse au premier concile. 1942 de Tolède célébré en 100, Jaffé, n. 292. Les trois, pre­ mières pièces ont pris place de très bonne heure dans les collections canoniques, dont elles ont constitué le premier noyau. Elles se ressemblent beaucoup, soit par leurs considérants, soit par leurs dispositifs; il y a intérêt à les étudier simultanément. Toutes sont des réponses à des consultations épis- ' copalcs. Des évêques ont été frappés de la divergence qui règne entre les usages ecclésiastiques, de la différence surtout qui existe entre ce qu’ils voient chez eux et cc qu’ils ont vu À Rome au cours d’un pèlerinage à la Ville éternelle. Λ ces scrupuleux, Innocent répond tout d'abord par des félicitations pour leur zèle à con­ sulter le Saint-Siège. Mieux vaut cette docilité, que le parti pris d’improviser des solutions. Lc grand souci de ces évêques devra donc être de faire prévaloir partout les préceptes apostoliques. Transmises direc­ tement par le prince des apôtres à l’Église romaine, religieusement conservées par elle, ces Instructions s'imposent à l'obéissance de tous : quod a principe apostolorum Petro romanx certes iœ (ruditum est, ac nunc usque custoditur, ab omnibus debet seroarL P. L., L xx, coL 552. Ceci est vrai tout spécialement quand Il s’agit des Églises d'Occident qui toutes sont des filles de l’Église romaine. C'est à Pierre ou à scs suc­ cesseurs que doivent leur origine les chrétientés d’Italie, de Gaule, d’Espagne, d’Afrique, de Sicile, des lies de la Méditerranée. L’Occident en effet n'a pas connu d’autre apôtre que Pierre; l'histoire est là pour le montrer; ct dès lors la nécessité s'impose à toutes ces Églises de suivre tout cc que garde l’Église romaine, d'où clics sont dérivées. Il leur faut donc revenir à l'uniformité romaine en matière de liturgie. Nonobstant La diversité des usages en Occident, le pape voudrait faire accepter partout la manière de faire usitée à Rome (place du baiser de paix, place du memento des vivants). Sans doute II est des usages romains, qui sont exclusivement réser­ vés à Rome. La coutume par exemple qu'ont les papes, quand Ils célèbrent dans la Ville, d’envoyer à chacun des titres une parcelle de pain consacré (fer· mentum), se justifie tout à fait dans la capitale; Il n’y a pas lieu de la transplanter dans les provinces, où les églises de campagne sont très distantes de la ville épiscopale. P. L., t. xx, col. 556. Mais cette apparente exception ne fuit que confirmer la règle générale : agir partout comme l’on fait à Rome. Cela est vrai surtout quand 11 s’agit de l’administration des sacrements. Trois de ces rites ont une mention spéciale dans la lettre à Decentius : la confirmation, la pénitence, l'extrême-onction. La confirmation ne peut être donnée que par l’évêque, à preuve la mission de Pierre ct de Jean en Samaric. Act., vin, 14-17. Les prêtres, quand Ils baptisent, font sans doute une onction avec le saint-chrême; mais non point sur le front, car ceci revient exclusivement ù l’évêque. 1-a réconciliation de ceux qui ont été admis à la péni­ tence sc fera régulièrement le jeudi saint. Mais si quelqu’un d’entre eux tombe malade et que son état soit désespéré, il faut l’absoudre (et est retaxandum) en dehors du temps de Pâque, de crainte qu’il ne meure hors de la communion de l’Église, ne de sœculo absque communione discedat. Les prescriptions d' Inno­ cent relatives à l’cxtrême-onction sont fort curieuses ct mériteraient une étude attentive. Après avoir rappelé le texte célèbre de saint Jacques, Jac., v, 24, le pape continue : < Il n’est donc pas douteux qu’il faut l'entendre des fidèles malades, lesquels peuvent être oints de l’huile d’onction (oteo chrismatis) préparée par l’évêque, ct dont l’usage n’est point réservé aux prêtres (sacerdotibus), mais est accessible à tous les chrétiens dans leurs maladies ou celles de leurs proches. D'ailleurs 11 semble superflu d’ajouter à cc sujet une 1943 INNOCENT K' (SAINT) question relative au droit des évêques. Il n'esl point douteux qu'ils ont les mêmes droits que les prêtres (presbyteri). Le texte scripturaire parle surtout des prêtres, parce que les évêques, empêchés par leurs autres occupations ne sc peuvent rendre chez tous les malades. Au reste, si l’évêque juge utile ou conve­ nable d'en aller voir quelqu’un, de le bénir, ct de l’oindre du chrême, il le peut faire sans aucun doute, lui qui prépare le chrême. Quant aux pénitents, ou ne peut leur conférer cette onction, car c'est une espèce de sacrement, quia genus est sacramenti. Ceux, en effet, à qui l'on refuse les autres sacrements, comment pour­ rait-on leur accorder celui-ci en particulier : quomodo unum genus putatur posse concedi? > P. L., coL 560- I 561. La question des personnes à admettre aux saints ordres s'est posée nombre dc fols à l’époque. Dans les I diverses consultations, ci-dessus mentionnées, dans d'autres encore, Innocent n fixé d’une manière qui sera à peu près définitive pour l'Occidcnt, les règles Λ suivre. Il ne fait guère d'ailleurs que renouveler les décisions prises par son anté-prédéccsscur le pape Sirice dans un concile romain de 387. Défense d’ad­ mettre aux ordres : ceux qui ont été mariés deux fois, même si le premier mariage a été contracté ct rompu par la mort avant le baptême; ceux qui ont épousé une veuve, ceux qui, après le baptême, sc sont faits soldats; ceux qui ont été magistrats ct ont jugé ou plaidé dans des causes capitales; ceux qui ont été curiales ou bien ont donné des jeux publics, ou exercé dessacerdoccs(paIens).Surlcprcmierpoint:lrrégularilé par bigamie successive, Innocent sc montre plus sévère que la grande majorité dc scs contempo­ rains. On admettait assez généralement qu'on pouvait ne pas tenir compte d’un premier mariage contracté ct dissous avant le baptême. Saint Jérôme, par exem­ ple,s’élève avec sa fougue habituelle contre les partisans de l'opinion ù laquelle s’est finalement rattaché Inno­ cent Pr. Epist., Lxix,od Oceanum, P. L., t. xxn, col. 653 sq. Ce dernier argumente très vivement, ct à diverses reprises, contre dc tels errements. Même con­ tracté avant le baptême, le mariage est un vrai mariage, ct il y a lieu d’en tenir compte pour ceux qui se présentent aux ordres. A un genre d’idées analogue sc rattachent les pre­ scriptions d'innocent relatives au célibat ecclésias­ tique. Ici non plus H n’innove pas, ne faisant que rappeler la prohibition portée par le pape Sirice. Celuici, en 387, généralisant une pratique déjà ancienne dans l’Église d’Occident, avait non seulement Interdit le mariage aux évêques, prêtres ct diacres, mais encore l’usage du mariage à ceux qui, antérieurement à leur ordination, auraient été engagés dans les liens matrimoniaux. Pour ne pas constituer une Innovation absolue, la défense de Sirice n'en avait pas moins jeté bien du trouble dans les habitudes du clergé. Elle avait dû être discutée; certains prétendaient ignorer l’existence même dc la loi. Innocent ne cessa d'en presser l'exécution et donna, pour en appuyer l’effi­ cacité, les raisons de droit ct de convenance qui sont restées classiques. Lettres à Victrice et ù Exupère; voir aussi Jaffé, n. 315. Il va de sol, continue-t-il, que la même interdiction do contracter mariage s’applique aux moines, qui désirent entrer même dans les ordres mineurs Enfin les vierges consacrées à Dieu par une profession solennelle, qui sc marieraient ou sc his­ seraient déflorer, ne pourront être reçues à lapénitence. tant que vivra celui à qui elles sc sont données; b peine serait plus légère s’il s’agissait seulement de vierges ayant promis de sc consacrer au Seigneur. TeDcs sont les principales dispositions par lesquelles Innocent s'efforça de garantir la pureté des mœurs dans le clergé. 1944 Qu'on y ajoute une décision relative à l’indissolu­ bilité absolue du mariage, même au cas où l’un des conjoints aurait été emmené comme esclave par les barbares, Jaffé, n. 313; une autre où le pape rappelle que l'adultère du mari est aussi grave que celui de la femme ct doit être puni des mêmes peines, P. L., Ibid., col. 499, ct l'on aura quelque idée dc l'inter­ vention d'innocent dans les questions d'ordre moral. Signalons au moins sa sollicitude à veiller sur h pureté des sources de l'enseignement ecclésiastique. Le canon des livres dc l'Ancien et du Nouveau Tes­ tament est rappelé : plusieurs livres apocryphes con­ damnés et proscrits. P. L., ibid., col. 501. Quant aux questions contentieuses, Innocent géné­ ralise les mesures déjà prises à Nicéc ou à Sardique, ct règle que dans les jugements des causes ecclésiastiques le concile provincial sera seul compétent, à l’exclusion dc toute autre juridiction, restant bien entendu d'ail­ leurs qu'un appel est toujours possible des décisions du concile à l’Église romaine; sine prœjudicio Romance Ecclesiæ cul in omnibus causis debet reverentia cus­ todiri. P. L., ibid., col. 172. Quant aux causes plus importantes,elles doivent,après jugement des évêques, être soumises au siège apostolique : si majores causæ in medium fuerint devolutae ad sedem apostolicam, post judicium episcopate, referantur. Par ces exemples l’on voit ù combien dc points du droit canonique en formation s’est étendue la vigilance d’innocent Ier. II. Son action en Orient. — Ccttc \lgihncc 11 l’exerce surtout en Occident, dans la région qui est le domaine propre du patriarcat romain. Ici il est vraiment le maître des Églises, pour toutes les rai­ sons que nous lui avons entendu développer. En Orient il n’en va plus tout à fait dc même; n’étant point les filles directes dc l’Église romaine, les Églises dc ccs pays sont, par rapport nu siège aposto­ lique, dans une dépendance moins étroite. Elles n'en relèvent pas moins de son autorité suprême; sans être du ressort dc l’archevêque dc Rome, patriarche dc l'Occidcnt, elles doivent cependant respect, et jusqu'à un certain point, obéissance au successeur dc Pierre. La nuance qu'il y a entre les deux degrés dc dépen­ dance est assez fugitive, elle ne laisse pas néanmoins que de sc remarquer. Depuis la mort dc Théodosc la séparation politique est complète, ct devient définitive, entre les deux grandes parties dc l'empire romain, l'Orlcnl ct l’OccIdent. La conséquence la plus grave nu point dc vue reli­ gieux dc cet événement politique, c'cst l'affermisse­ ment d'une tendance qui se marquait déjà auiv· siècle, ct qui pousse l’Orient chrétien à s'organiser sans plus tenir grand compte du fait romain traditionnel. Ixs potentats ecclésiastiques dc ces pays, les évêques d'Alexandrie, d’Antioche, bientôt celui dc Constan­ tinople, ne tarderont pas à trouver trop astreignant le lien, d’ailleurs assez lâche, qui les unit nu siège romain. Aussi les papes les plus Intelligents, les plus conscients dc leur responsabilité, n’ont jamais manqué l’occasion depuis le v· siècle, de rappeler les droits qu’ils tiennent de leur qualité de successeur dc Pierre. Innocent Ier l'a fait avec la même vigueur que plus tard Léon le Grand ou Homilsdas. Et tout d'abord dans cette région que l’on appelait le diocèse d'Illyricum. Zone dc transition entre les deux empires, où les langues latine ct grecque se mêlent, pour ne rien dire des populations, ΓIllyricum vient, après bien des changements de souveraineté, d'être définitivement attribué à l’empire d’Orient. Religieusement II ri que d'être entraîné dans l’orbite dc Constantinople, dont les évêques cherchent à étendre au maximum leur zone d'influence. Le pape Sirice Γην fit da part principale dans la reconnaissance d’innocent; l’Allemagne aurait ù jouer le premier rôle pour réta­ blir le pontife sur le trône de saint Pierre. La chose n’alla pas sans de graves difficultés. Les complications politiques où sc débattait Lothairc ne lui permirent pas dc réunir pour son expédition des moyens suffi­ sants. Entreprise en avril 1132, la campagne qui devait mener ù Rome le pape ct le roi aboutit à un succès fort relatif. En août 1133, l'année allemande arriva sous les murs dc Rome, après avoir rallié en Lombardie le pape qui y séjournait depuis le prin­ temps dc 1132. Un Instant Anaclet fut tenté dc négo­ cier; il proposait que le tribunal impérial discutât la double élection de 1130, avec l’arrièrc-pcnséc que cette juridiction proclamerait nécessaire le désiste­ ment des deux compétiteurs. Saint Norbert semble avoir amené Innocent ù sc prêter ù une transaction dc cc genre; mais les pourparlers n'aboutirent pas. C’est par la force qu’innocent entra dans Rome ct s’installa au Latran; c'est sous la protection des glaives allemands qu’il put procéder Je 4 juin 1133 au couronnement dc Lothairc dans la basilique constantlmennc. Anaclct, en eflet, scmalntenait toujours dans le Translévère, Saint-Pierre était inabordable. Et dès que le dentier allemand eut quitté Rome, Innocent no s’y sentit plus en sûreté. Dès septembre 11 avait do nouveau rallié Pisc. C'est 1Λ, ou dans les environs, qu’il séjournera pendant les années 1134 à 1136. En août 1136, Lothairc un peu plus rassuré sur l’état de l'Allemagne sc met en route, pour une nou­ velle expédition, avec des effectifs plus imposants. L’objectif, cette fois, est dc marcher directement sur Roger dc Sicile, le plus sûr appui d’Anaclet, et dc ne sc tourner contre Rome qu’après avoir fait tomber cet obstacle considérable à l’installation d’Innocent Le 1958 plan s’exécute tant bien que mal dans les premiers mois de 1137. Devant les forces considérables amenées par l'empereur, Roger avait pris la fuite et s'était réfugié en Sicile; il fut dès lors relativement facile dc soumettre, au moins en apparence, les États continentaux du roi fugitif. Mais rien dc définitif ne peut être obtenu; Λ peine le pape ct l’empereur sont-ils partis pour Rome que Roger débarque à Salerne. D'ailleurs, la bonne Intelligence entre Lothairc ct Innocent passait par une pénible crise· Au sujet du Mont-Cassin des dissentiments assez vifs s’étalent fait jour entre les deux alliés; des paroles 1res regrettables avalent été écliangécs, des deux côtés on s'était amèrement reproché les services que l’on s'était rendus. Sur d'autres points encore des frois­ sements curent lieu. Pape et empereur se séparèrent sans regret; ils ne devaient plus sc revoir. Lothairc mourut sur le chemin du retour, dans un pauvre vil­ lage des Alpes, automne dc 1137. Resté seul à Rome, Innocent s'efforça dc consolider sa situation en face d’Anaclet qui dominait toujours une partie dc la ville. Mais la situation de l'antipape, (il faut bien maintenant l'appeler ainsi) était beau­ coup moins favorable que quatre ans plas tôt. Son obédience s’était dc plus en plus restreinte; l'action dc saint Bernard en Aquitaine, à Milan, en Lombardie, dans l’Italie du sud, avait fini par détacher dc lui le plus grand nombre dc scs partisans. La plus précieuse conquête, faite par Bernard, avait été celle du car­ dinal Pierre dc Pisc, dont nous avons dit qu’il exer­ çait sur scs contemporains un ascendant considérable. Lui disparu du collège cardinalice d’Anaclet, il n’y restait plus guère que des personnages ou médiocres ou tarés; la noblesse romaine, elle-même, sc fatiguait dc son élu. Bref, les chances de reconnaissance d'Innoccnt allaient croissant, tandis que diminuaient celles dc Plerleonl. Une maladie rapidccmè/ortace dernier en . quelques jours au débu t de 1138 ; 11 mourut lc25 janvier. Sa mort aurait dû êtrela findu schisme; mais quelques irréductibles prétendirent donner un successeur à Anaclct dans la personne du cardinal Grégoire, qui prit le nom dc Victor IV. Cette fantaisie ne pouvait léusslr. A la Pentecôte suivante, cédant aux instances dc saint Bernard, le malheureux venait sc jeter aux pieds d’innocent en Implorant son pardon. Innocent II était désormais seul pape dc droit ct dc fait. Il s'en faut d'ailleurs qu'innocent ait retrouvé dès lors une parfaite tranquillité. Les documents, beau­ coup moins abondants sur les dernières années de son pontificat, nous laissent néanmoins entrevoir les nombreuses difficultés auxquelles il se heurta. A l’été dc 1139, au lendemain du concile de Latran, où l’excommunication avait été lancée contre Roger dc Sicile, toujours rebelle, le pape voulut presser luimême les armes à la main l’exécution dc la sentence. Fait prisonnier par son adversaire, le pape ne put sortir dc captivité que par une capitulation peu hono­ rable; il dut lever l'excommunication portée ct con­ firmer à Roger le titre dc roi de Sicile, de Rouille ct dc Capouc. 141 rentrée du pontife ù Rome ne fut pas un triomphe 11 fallut ensuite rétablir l’autorité ponti­ ficale dans les petites villes des États romains; la guerre avec Tivoli dura longtemps. Si elle sc termina par une paix honorable pour le pape, Il s’en faut que ccttc paix ait satisfait les Romains, qui voulaient la ruine définitive de la cité rebelle. Le mécontentement grandit d. L'attitude d'innocent II dans les questions dc droit civil ecclésiastique est naturellement dominée par les nécessités dc sa politique générale. Ayant le plus grand besoin dc l’appui du pouvoir civil, il a pu être entraîné à lui faire quelques concessions. A plu­ sieurs reprises, ù l’entrevue de Liège en 1131, plus tard lors du sacre dc Lothaire à Rome, il a été vive· mett sollicité par celui-ci de revenir sur la question des investitures telle que l’avait réglée le concordai de Worms, ct la transaction souscrite par Lothaire nu moment dc son élection. Voir Honorius II, col. 133. 11 n’est pas Impossible que, laissé ù lui-même, le pon­ tife n’en fût arrivé à céder â des instances, qui nous sont représentées comme ayant été très vives. Chaque fois, heureusement, le pape trouva auprès dc lui un conseiller énergique, saint Bernard à Liège, saint Norbert à Rome, qui lui Ht éviter une faute ct une erreur. Avec le roi d’Angleterre il fallut aussi user de ménagements; cf. lettre du 14 juillet 1132, Jaffé, n. 7586, demandant ù l'archevêque dc Rouen dc faire quelques concessions au monarque, dans des affaires dc nominations à diverses abbayes. Jamais pourtant Innocent n'abdiqua complètement son Indé­ pendance; on le vit bien lors des démêlés avec l-othaire relativement à l'abbaye du Mont-Cassin. On le verra mieux encore, quand ù partir de 1138 il pourra s’exprimer en toute liberté. Les Regesta signalent une lettre datée du 17 décembre 1138, enjoignant aux évêques dc Metz ct de Toul dc prendre la défense de l’abbaye de Remircmont contre les empiétements du duc Simon, ct excommuniant cc dernier. Jaffé, n. 7723. Le roi dc France, lui-même, ne sera pas épargné, s’il va contre les intérêts de l’Église. Inouïs le Jeune en sut quelque chose lors du différend qui éclata à propos de l’élection au siège archiépiscopal dc Bourges en 11 II. Pour avoir défendu à Pierre dc la Chaire, régulièrement élu ct sacré à Rome par le pape lui-même, de prendre possession dc son siège, le roi vil lancer l'interdit sur toutes les villes, villages ct châteaux où II séjournerait. La situation se complique encore nu cours dc l'année suivante, par suite d’intrigues singulièrement embrouillées dans le détail desquels il 19G1 INNOCENT II INNOCENT III 19G2 est Inutile d'entrer. Cette fols la diplomatie dc saint dc Célestin III, un ennemi de sa famille, rejette dans Bernard échoua· l'abbé dc Clairvaux ne put arriver l’ombre le Jeune cardinal. Des loisirs qui lui sont ù faire lever l'interdit qui pesait sur le roi. Quand faits, il profitera pour composer toute une série Innocent 11 mourut· la question n’était pas liquidée. d’ouvrage» dcthéologjemystique: De contempla mundi, En Espagne, le pape offrit sa médiation, qui fut sive de miseria conditionis humanae libri tres, médiocre acceptée, entre Alphonse dc Castille et Alphonse exploitation d’un thème bien rebattu; Mysteriorum Henriquez, qui prétendait faire du Portugal un legis ct sacramenti eucharistie libri sex, où viennent royaume indépendant. Finalement l’indépendance s'intercaler, au milieu dc l’explication symbolique des de la nouvelle souveraineté fut reconnue. Dc toute cérémonies dc la messe, dont a raffolé le moyen âge, manière donc, malgré la paralysie dont le schisme quelques courtes dissertations d’ordre plus théolodc Picrleoni|fut la cause, l’action d'Innocent II con­ gique;De quadripartita specie nuptiarum, qui met en tinue dans mesure du possible celle dc ses grands pré- I parallèle l’union de l’homme et dc la femme, du Christ déccsscurs dc la fin du xi· siècle ct des premières ct dc l’Église, de Dieu et de l’âme, du Verbe et de la nature humaine. Heureusement la mort de Celes­ années du xn·. tin III vient arracher Lothaire à ces occupations I. Sources. — Le* pièces émanées d'Innocent II dans littéraires qui risqueraient dc nous donner dc son Jaffé, Begeda pontificum romanorum, t. i. p. 840911 ; celles génie une idée plutôt fâcheuse. Le jour même des d'Annclct II sont A la suite, p. 911-919; la plupart des lettres sont dans P. L.,1. ci.xxix, col. 53-731. Quant aux funérailles du pontife défunt, 8 janvier 1198, le col­ documents relatifs nu pontificat, les plus importants ont lège cardinalice rassemble l’unanimité de ses voix été rassemblés dans Wattcrich, Pontificum romanorum sur le nom du cardinal des saints Sergius et Bacchus; nthr, Leipzig, 1862, t. n, p. 174-275. On trouvera la réfé­ , Lothaire Segnl est élu pape sous le nom d’Innocent 111, rence aux documents contemporains qui ne sc rencontre/ il n’avait pas trente-huit ans. Malgré un simulacre point ici dans les ouvrages dont il sera question tout A dc protestation, commandé par La coutume et le l'heure. La plus grande partie des pièces utilisables est décorum, il semble bien que sa jeunesse ait accepté dans Jaffé, Bibliotheca rerum (jerman(carum, Berlin, 1869, t. v. Les documents conciliaires dnns Mansl, t. xxx. sans hésitation, disons plus, avec allégresse, l’énorme Π. Travaux récents. — Sur l'élection dc 1130 deux fardeau qu’on lui imposaIL Pleinement conscient dc ouvrages capitaux : B. Zôpffel, Die Papstioahlen, Gert- i ses devoirs, comme dc scs droits, le nouveau pontife tinguc, 1871. p. 269-395 : Die strcillge Papstuxdd des Jahres 1130; E. Mühlbncher, Die strcillge Papstumhl des Jahres va mettre au service d’une ambition, immense sans doute, mais très sincère ct très pure, une infatigable 1130, Inspruck, 1876. Les deux ouvrages aboutissent activité, une fougue extraordinaire, une habileté sensiblement aux mémos conclusions, bien que Zôpffel peu commune dans le choix des moyens, une con­ se soit cru obligé de prendre violemment à parti Muhlbacher, dnns Gôttingische gelehrte Anzeigen, 1*' mars 1876, naissance approfondie des hommes ct des choses de p. 257-304 ; W. Bernhardi, Ixdhatr von Suppllnburg, Leipzig, son temps. Et cc seront dix-huit années d’un pon­ 1879; Konrad 111, Leipzig, 1883. C'est en s'appuyant sur tificat triomphal, le plus brillant qu’ait connu le ces trois ouvrages ct en utilisant les documents qu'ils moyen âge. ct qui réussira presque à faire passer des citent que M. Vacandard n traité la question dc l'élection textes morts dans la réalité vivante, la monarchie et de la reconnaissance d'Innocent II,dans r:\Beoue des ques· absolue du pouvoir spirituel, la suprématie définitive lions historiques, t. xi.in, Janvier 1888, p. 61-126; t. xlv. des idées religieuses dans le domaine temporel· Janvier 1889, p. 5-63. Ces articles sont passés, presque sans modification, dnns la Vie de saint Bernard, du même 1° L'action d'innocent en Italie. — Le plus pres­ auteur. Cet ouvrage donnera un aperçu fort sufiisant de sant était dc rétablir à Rome ct dans Γ Italie cen­ l'ensemble des questions soulevées durant le pontificat trale, l’autorité pontificale que la vieillesse de Celes­ d'Innocent II. Ilcfelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, tin III avait laissé prescrire. L’agitation communale t. v, p. 676-795, donnera les dernières indications biblio­ d’une part, d’autre part, la politique allemande menée graphiques. Y joindre encore: G. Wieczorek,Dos Verhàllnfs des Papstes Innocent 11 ( 1130·! 143) :u den Klôstem, par la robuste main d’Henri VI, avaient porté une grave atteinte aux droits traditionnels dc la papauté. Greifswald, 1914. Non sans luttes, non sans peines, non sans échecs E. A MANN. 3. INNOCENT Il I, pape (1198-1210).—1. Pon- parfois. Innocent III parvint ù restaurer d’une manière suffisante, à Rome, dans le Patrimoine, en tifleat· — IL Idées théologico-politiqucs. L Pontificat. — Lothaire, fils dc Thrasimond Ombric, dans les Marches l’autorité pontificale. comte dc Segni, ct dc Claricia dc la famille des Scotti, Continuant dans Γ Italie du Nord la politique naquit à Anagni, l’an 1160. Il appartenait,on le volt, d’Alexandre 111, 11 essaie d’y rétablir les fameuses Λ la haute noblesse romaine; dc bonne heure, tou­ ligues, si utiles contre les Allemands, mais si nuisibles tefois, il s'orienta vers la carrière ecclésiastique. en même temps aux tendances centralisatrices, que Jeune encore, Lothaire, comme tant dc clercs dc la papauté s’efforçait dc réaliser. C’est dims la Haute Italie que la politique d’Innocent 111 sera le plus cons­ l’époque, vient demander ù l’université dc Paris une tamment mise en échec; alors qu’il commande en solide formation théologique. Disciple de Pierre de Corbeil, qui lui enseigna l’exégèse du temps, il con­ souverain aux plus puissants monarques dc l’Europe, servera toute sa vie et dc son maître et de \' Alma le pape n’obtiendra des petites républiques lombardes nuder un souvenir affectueux ct reconnaissant. De ou toscanes qu’une obéissance précaire ct sans cesse Paris, il sc rend Λ Bologne, célèbre dans tout le monde discutée. Par contre il triomphe, au moins pour un d’alors par sa faculté dc Décret. C’est lâ surtout qu’il temps; dans la Basse Italie. C'était, depuis un siècle, se formera; là qu’il puisera, avec les connaissances la constante politique du Saint-Siège que d’empêcher Juridiques, la fermeté dc principes, la raideur dans la réunion à l’Allemagne du royaume de Sicile, les déductions dont il fera preuve dans son ponti­ que dc faire dc cct Etat un fief soumis ct obéis­ ficat. Quand il rentre à Rome, vers 1185, le jeune sant dc l’Église romaine. Dc cruelles conjonctures Lothaire est prêt à entrer dans la carrière qui mène | avalent empêché sous les pontificats précédents la réussite dc ces plans. A l’avènement d’innocent III aux honneurs ct au pouvoir. Sitôt reçus les ordres mineurs, il est fait chanoine dc Saint-Pierre. Sous- nu contraire tout semble la favoriser· L’empercur diacre en 1187, sous Grégoire VIII, il est créé par Henri VI vient dc mourir, alssant ù sa veuve l’impé­ ratrice Constance la tutelle du jeune Frédéric, qu’il Clément 111 (1187-1191) cardinal-diacre du titre des saints Sergius et Bacchus. C’est le moment, pour n couronné roi de Sicile, qu’il veut faire reconnaître Lothaire Segni, dc commencer â jouer un rôle dnns aussi comme empereur d’Allemagne. Abandonnée l’Églisc; mais bientôt l’arrivée au trône pontifical I dc tous les grands vassaux allemands, l’imncratrice 1963 INNOCENT III veuve ne trouve d’appui qu’auprès du pape. Sans vou­ loir reconnaître l’clection à l'empire du petit-fils de Barbcrou'se, Innocent prend l’enfant sous sa protec­ tion, en tant que roi de Sicile ; il profite de la situation pour faire proclamer, dans les formes légales, la papauté comme suzeraine du royaume, pour sc faire proclamer lui-même tuteur du jeune Frédéric, pour imposer à Constance un concordat qui supprime dans le royaume les privilèges arrachés au Saint-Siège et fait rentrer la Sicile dans le droit commun au point de vue ecclésiastique· Puis, quand Constance meurt le 27 novembre 1198, Innocent, prenant au sérieux son rôle de tuteur, reconquiert de haute lutte, en faveur de son pupille, sur les féodaux exotiques ou indigènes le pouvoir souverain. Cc sont dix années de luttes pénibles, enfin couronnées par le succès. D’aucune deses entreprises, Innocent III ne s’est plus glorifié que de celle-ci; et quand en 1215, il aura finalement dirigé sur son pupille Frédéric les suffrages de toute l'Allemagne, il s’imaginera avoir remporté l’un des triomphes les plus éclaiantsdontscsolt jamais glorifiée la papauté I Tant il est vrai que les plus clairvoyants des politiques sont parfois capables de faire douter de la sagesse des hommes! 2° Innocent et Γ Empire.— La plus grande des affaires où ait été impliqué Innocent III, c’est à coup sûr la compétition qui, en Allemagne, de 1198à 1215, mit aux prises les divers prétendants à l’empire. Ils sont deuxà sc disputer Je trône : Philippe de Souabe, frère de Henri VI l’empereur défunt, élu en mars 1198, par un groupe considérable des vassaux allemands, etOtton IV le Guelfe,élu en juin de la même année par une petite minorité de dissidents; sans compter le tout jeune Frédéric II, trop faible pour recueillir les fruits de la politique de son père. C’est entre les trois personnages que la papauté doit choisir. Les deux Hohenstnufcn, Philippe et Frédéric, représentent à ses yeux une politique qui depuis cinquante ans fait le malheur de l’Église, rappellent à son souvenir les plus cruels épisodes de la lutte du sacerdoce et de l’empire. Le Guelfe, on l’espère du moins, persévérera en des tra­ ditions moins dommageables à l’Église romaine; et de fait, à peine élu, il multiplie à l’égard de la papauté les protestations de dévouement, consent à Innocent tous les avantages que celui-ci réclame, renonce aux droits que 1*empire prétendait sur Γ Italie, abandonne , même au souverain pontife telles possessions, l’exar­ chat de Havenne, le duché de Spolète, encore occupées par des troupes allemandes. Fort au contraire de ce qu’il prétend être son bon droit, Philippe semble contester au Saint-Siège le pouvoir d’arbitrer le diffé­ rend au sujet de la couronne d'Allemagne· Dans ccs conjonctures il est donc tout naturel que les sympa­ thies d’innocent aillent tout d’abord vers le Guelfe. /\près en avoir longuement délibéré, le pape sc décide pour Otton, Je reconnaît comme roi d’Allemagne et futur empereur romain (mars 1201). Le cardinal Guy de Préneste, légat du pape en Allemagne depuis 1200, et qui a travaillé de toutes scs forces à rallier à Otton les grands seigneurs laïques et ecclésiastiques, excom­ munie dans une diète les adversaires du protégé d’Innocent III Quillet 1201). La cause semble ter­ minée. En réalité la lutte ne fait que commencer; son issue dépendra moins des sentences ecclésiastique·» que des événements politiques et surtout militaires. Au début la fortune des armes semble favoriser Otton ; puis viennent les revers; en 1204 et 1205 malgré les objurgations du pape, malgré ses menaces, un certain nombre des partisans du Guelfe passent du côté de Philippe. C’est au tour de cc dernier d’entrer avec le Saint-Siège en des négociations plus serrées. En juin 1206, il tente avec Innocent une véritable récon­ ciliation; les revers continuels d’Olton, le refus obstiné 1964 qu’il oppose aux légats qui lui demandent de sc sou­ mettre à l’arbitrage proposé par Philippe, contri­ buent à détacher du Guelfe les sympathies d’inno­ cent; à la finde 1207 tout allait à une reconnaissance officielle par Rome de l’élection du Hohenstaulfeo; un accord sc préparait entre celui-ci et le pape au sujet de l’Italie centrale, accord dans lequel la famille d’Innocent III n’était pas oubliée. Le meurtre de Philippe de Souabe par Otton de Wittelsbach (21 juin 1208) vint remettre une nouvelle fols en ques­ tion le sort de la couronne d’Allemagne. Du coup les chances d’Otton remontent. Innocent inonde l’Alle­ magne de lettres où il recommande aux princes laïques et ecclésiastiques de s’incliner devant le jugement de Dieu, et d’accepter la royauté guelfe; en aucun cas le souverain pontife ne reconnaîtrait la candida­ ture de Frédéric. Otton accepte alors de sc soumettre à une nouvelle élection qui, cette fols, est unanime (Helberstadt, 22 septembre 1208). Le 11 novembre suivant, la diète de Francfort rallie autour du Guelfe l’ensemble de l’Allemagne, et règle au mieux les questions pendantes entre les deux maisons rivales; il ne reste plus Λ Otton qu’à aller ceindre à Rome la couronne Impériale. C’est à cc moment qu’innocent, qui jusqu’alors s’est laissé mener par les événements plutôt qu’il ne les a dirigés, va reprendre tous ses avantages. Assez peu sûr de son droit, tant qu’il s’est agi d’arbitrer le différend entre les deux prétendants, il retrouve tous ses moyens quand il s’agit de conférer à l’élu de l’Allemagne la plénitude de ce pouvoir mi-spi­ rituel, mi-temporel que donne la cérémonie du sacre. Avant de convoquer Otton à Rome, Innocent lui fait prévoir les concessions qu’il exigera. Le Guelfe passe par tout cc qu’on demande ; la charte de Spire, 22 mars 1209, consigne solennellement ses promesses : il recon­ naît les frontières de l’Êtat pontifical, telles qu’inno­ cent 111 vient de les élargir; de concci t avec le pape, 11 travaillera à l’extirpation de l’hérésie ; surtout il renon-, ccra à tout droit d’influence sur les élections ecclésias­ tiques. Belles promessesI Mais du jour où il foulerait le sol de l’Italie, le Guelfe ne sc retrouverait-il pas Gibelin? C’est cc qui arriva. A l’été de 1209, Otton sc met en marche pour Rome à la tête d’une armée con­ sidérable. Le 4 octobre il est sacré à Saint-Pierre. A peine le nouvel empereur a-t-il ceint la couronne de Charlemagne, qu’il entre en conflit avec celui-là même qui vient de la lui imposer. C’est l’éternelle question de l'indépendance italienne devant le César germa­ nique, qui va mettre aux prises, une fols de plus, le sacerdoce et l’empire. Après de longues et pénibles négociations, qui réussissent seulement à mettre en relief l’égale obstination des deux partis, la lutte à main armée commence dans l’été de 1210. Le 18 no­ vembre de cette même année, Innocent III lance contre Otton l’anathème, puis, allant beaucoup plus loin, délie tous les sujets de l’empereur du serment de fidvlité.Bientôtlapapauté ne voltplus d’autre issue au conflit que de «substituerÀSaül désobéissant, un jeune David », que l’on espère devoir être plus soumis à la tutelle du sacerdoce. Le roi de Sicile, le Jeune Frédéric II, le fils du MohenstaufTen excommunié, va devenir cont ro le Guelfe le champion de la papauté! A l’appel d’Inno­ cent, les princes italiens et allemands, le roi de France Philippe-Auguste sc rangent du côté du petit-fils de Barberoussc. La diète de Nuremberg, en sep­ tembre 1211, offre à Frédéric la couronne d’Allemagne que celui-ci finit par accepter. Innocent, il est vrai, a mis une condition formelle à cette acceptation. Le nouvel élu renoncera à la couronne de Sicile, qui I reviendra à > on Jeune fils, jamais il n’y aura d’union politique entre la Sicile et l’empire. A ccs conditions Innocent permet à Frédéric de recevoir à Francfort la couronne d’Allemagne, le 5 décembre 1212. L’écra- 1963 sèment d'Otton A Bouvines par les soldats de PhillpncAuguste (27 juillet 1214), amènera par contrecoup le triomphe de Frédéric. Le concile de Latran en 1215 proclamera ce dernier empereur élu. Innocent 111 mour rait d’ailleurs assez tôt pour ne pas constater par luimême les imprudences de son choix. 3° Innocent et la France. — SI elle absorba durant tout son pontificat une bonne part de son attention, «l'affaire du Saint-Empire» n’empêcha pas Innocent III d’exercer sur les au 1res royautés del* Europe cc droit de regard dont les circonstances politiques avaient investi la papauté. Le plus puissant dessou verains de Γ époque, le roi de France, Philippe-Auguste sentit Λ plusieurs reprises s’abattre sur lui la main pontificale. C’est d’abord Λ l’occasion de scs démêlés conjugaux avec la reine Ingeburgc. Dès le lendemain de son mariage avec celle-ci,août 1193, lcroide France avait conçu pourson épouse une très vive aversion dont il est Impossible de préciser les causes. Un certain nombre de prélats fran­ çais, réunis à Compïègne, ont alors prononcé, ù la requête du roi, une sentence d’annulation, fondée sur l’cxLstencc d’une parenté lointaine et douteuse entre Ingeburgc et la première femme de Philippe, Élisabeth de Hainaut, décédée en 1190. De cette sentence trop complaisante, l’épouse répudiée a fait appel devant le pape Celestin 111, lequel a déclaré nulle la décision des évêques français. Nonobstant le jugemcntde Rome, Philippe n’en a pas moins considéré son mariage comme annulé, a épousé la bavaroise Agnès de Méranic, et n’a tenu aucun compte des protestations, d’ail­ leurs timides, du vieux pontife. Mais l’avènement d’Innocent III va donner à l’affaire une autre con­ clusion; dès le début de son pontificat le nouveau pape, confirme la sentence rendue par son prédéces­ seur,cten appuie) exécution par une menace d’interdit sur le royaume de France. Philippe essaie d’abord de résister; le pape passe de la menace à l’action ; l’inter­ dit général est lancé sur tous les domaines du Capé­ tien ; quelques évêques, il est vrai, refusent de D-'blicr et d’exécuter la sentence pontificale.-Tancés d’impor­ tance par le pape, menaces par lui de déposition, ils finissent par rentrer dans le devoir; l’interdit est finalement appliqué partout Le mécontentement du peuple contre le roi est tel que celui-ci doit céder A la pression populaire; il se soumet ù toutes les conditions qui lui sont imposées; l'interdit est levé le 8 sep­ tembre 1200. Mais s’il avait renvoyé Agnès de Mvranie, qui d’ailleurs mourut peu après, le roi s’obstinait A ne pas reprendre Ingeburgc, pour laquelle son aver­ sion était devenue telle que l’entourage royal l’attri­ buait à un maléfice. Étroitement gardée dans un couvent d’abord, ensuite dans un château qui était une writable prison, la malheureuse reine ne cessait d’importuner le pape de ses supplications, lui deman­ dant d’agir auprès du roi, pour que celui-ci la remit en Jouissance de scs droits d’épouse et de nine. Durant douze années le pape intervint régulièrement auprès de Philippe-Auguste pour amener la reconciliation complète entre les deux époux. Il faut reconnaître d’ailleurs qu’il ne mit pas dans son action auprès du roi toute sa vigueur ordinaire; sa politique européenne avait Intérêt A ménager le Capétien. Quand en 1213 Philippe-Auguste reprendra Ingeburgc il obéira, ce semble, plus A des motifs personnels, qu’à la crainte d’attirer sur sol la colère d’innocent. Celle affaire matrimoniale ne fut pas la seule qui amena quelque tension entre Rome et le roi de France. A plusieurs reprises la papauté voulut intervenir dans la lutte que, durant tout son règne, le Capétien mena pour reconquérir sur l’Angleterre les provinces con­ tinentales occupées par celle-ci. La politique des Plantagenets avait abouti en France A des résultats considérables, la Normandie, 1*Aquitaine, le Poitou, 1966 le Limousin, à l’avènement de Philippe-Auguste, reconnaissaient l'Anglais pour suzerain. Par séduc­ tion, par ruse, par violence Philippe finira par repren­ dre aux Plantcgcncts cc magnifique héritage. Assez peu scrupuleux sur le choix des moyens, il rencontrera plusieurs fols sur son chemin le pape Innocent III, s'efforçant de faire régner entre les princes chrétiens, la j uslice, la concorde, le respect des traites Dès 1108, le pape n manifesté son intention de se rendre person­ nellement dans les provinces continentales de Richard Cœur de Lion pour régler la querelle de celui-ci avec Philippe-Auguste. Potthast, n. 235. S’il n’exécute pas ce plan, du moins il réussit par scs légats à faire signer le 13 juin 1199 la trêve de Vernon, qui marque un temps d’arrêt dans la politique conquérante de Phi­ lippe-Auguste. Trois ans plus Lard, quand Jean Sans Terre, condamné par la cour royale de Paris pour toutes les violations du droit féodal dont il s’est rendu coupable, entend prononcer la confiscation de toutes les terres qu’il tient du roi de France, Innocent III essaie encore d'intervenir pour maintenir la paix. Son intervention, il c*>t vrai, est fort mal accueillie par Philippe; elle n’empêche pas celui-ci de procéder d’urgence A la conquête de la Normandie; et quand, au concile de Meaux en août 1204, les légats du pape I veulent contraindre le Capétien A la paix, il se trouve une majorité d’évêques français pour forcer les envoyés pontificaux à abandonner leur procédure. Quelques années plus tard les rôles vont changer. Maintenant c’est la papauté qui, en guerre ouverte avec Jean Sans Terre, veut lancer contre lui le roi de France. Rien ne pouvait être plus agréable à Philippe-Auguste, qu’une telle mission; depuis longtemps il caressait l’idée d’un débarquement en Angleterre; il n’y avait renoncé que sur les pressantes injonctions d’innocent; maintenant c'est le pape lui-même, qui le convie à cette expédition, qui l'y envoie comme A une croi­ sade. Quelle aubaine pour le Capétien I Mais ausSl quelle déception, quand la soumission inattendue de Jean Sans Terre amène le pape A rapporter scs ordres primitifs, A interdire positivement au roi de France la continuation de son entreprise! Après la Rochenux-Molncs, après Bouvines, Jean Sam Terre, qu est venu porter la guerre sur le continent, serait perdu si Innocent ne s'interposait encore pour empêcher son dépouillement compkl, et obliger les deux adver­ saires A la paix de Chlnon, 18 septembre 1214. Phi­ lippe ne sc risque plus A attaquer ouvertement le Plantegcnct, c’est son fils aîné Louis, qui continue la lutte, obscurément d’abord, puis A visière levée, jusqu'au jour où il force Innocent III A l'excommunier. Cette politique du pape ne semblera manquer de suite qu’A ceux qui ne voient en lui qu’un homme d’État ordinaire; nous essayerons plus loin d’en déga­ ger les lignes directrices, et l'on verra qu’elles ne manquent pas de quelque grandeur. 4° Innocent et Γ Angleterre. — Autant faut-il en dire de celle qu’il suit A l’égard des souverains anglais C’est ici surtout que sc manifeste son Intrépidité, sa constance A persévérer dans le chemin choisi, son mépris absolu de cc qui est grandeur et puissance terrestre. Les relations d'innocent III avec Richard Cœur de Lion ont été ce que nous avons dit plus haut. En defendant les possessions continentales de celui-ci, le pape a le sentiment qu’il protège le roi . chevaleresque, qui a étonné de scs prouesses l'Orient « musulman, et de l’absence de qui l'on a profité pour mettre au pillage son domaine d’Oeddent. Avec Jean Sans Terre les rapports seront tout autres. Do 1199 A 1213, H.semble que le roi félon sc soit appliqué â pousser A bout 1a patience d’innocent 111, A mul­ tiplier ccs atteintes aux droits de l'Église, si âprement ressentis par les papes de cette époque. luge- i ί·.η>7 INNOCENT HI Fences dans les élections des dignitaires ecclésias­ tiques, emphtements sur la justice d’Églisc» se sont multipliés jusqu’en 1208, ct voici qu’en cette année Γ élection à l’archevêché dc Cantorbéry va être le point de départ d une aventure terrible pour l’Angle­ terre. Trois concurrents sont en querelle pour la pos­ session du trône primatial; ils ont porté leur différend en cour de Rome. Sans chercher à débrouiller un tel Imbroglio, Innocent casse tout cc qui s’est fait, pro­ fite dc la réunion à Rome d’un nombre suffisant d’élec­ teurs ct fait élire en sa présence Étienne Langton. Fureur du roi Jean ; il refuse net d’accepter cette élec­ tion et menace meme dc faire schisme. · Après tout, écrit-il au pape, l’Angleterre possède assez d’arche­ vêques, d’évêques ct dc prélats instruits pour que nous puissions nous passer des étrangers que Rome nous impose. ® Fort de son droit, Innocent passe outre à ccttc protestation, Potthast» n. 3111, ct consacre Langton à Vltcrbc. Cette fois, la guerre est déclarée; elle durera sept ans. < On y épuisera d’une part tout l’arcnal des armes ct des châtiments d*Eglise, dc l’autre toutes les formes de persécution ct de spo­ liation qu’un despote pouvait imaginer. Dans cette guerre, si âprement soutenue, Innocent va jusqu’au bout dc la gamme ascendante des châtiments d’Églisc, mais 11 ne passera d’une note à l’autre qu’après avoir essayé tous les moyens d’entente ct constaté F impos­ sibilité d'un accommodement. Et il continue les négo­ ciations tout en sévissant avec un désir de conciliation dont la sincérité est hors de doute. » Luchaire, Les royautés vassales, p. 203. Nous n’entrerons pas dans le détail dc tous ces événements; qu’il nous suffise de marquer les principales étapes : d’abord l'interdit absolu lancé par les légats sur toutes les possessions de Jean; puis l'excommunication personnelle du roi. Puis, comme ces mesures n’ont pas produit l’effet attendu, Innocenta la fin dc 1211 délie tous les sujets de Jean dc leur serment dc fidélité; enfin, en 1212, le pape prononce la déposition du Plantagenet et le transfert dc sa couronne à un autre souverain. Phi­ lippe-Auguste est invité à se mettre en campagne pour ccttc nouvelle croisade, où 11 va plus joyeuse­ ment qu’à celle d’Orient. La flotte du Capétien est rassemblée à Boulogne; la descente en Angleterre te prépare. Mais, coup dc théâtre! le 13 mai 1213, devant cc péril imminent, Jean Sans Terre cède, s’humilie au delà dc tout ce qu’espérait Innocent. Toutes les lois dc proscription ct dc spoliation sont retirées; plus que cela, Jean résigne sa couronne entre les mains du légat; l'Angleterre devient le domaine dc saint Pierre; cette vassalité sc marquera par un tribut annuel de mille livres sterling, et par l'hommage féodal que le roi prête sur le champ entre les mains du légat. Et cc ne sont point là vaines formules ou simples manières dc parler. Innocent en veut faire une réalité : · Nous désirons, écrit-il, selon le devoir dc notre office, diriger en Angleterre non seulement le sacerdoce, mais la royauté. » Potthast, n. 4889. Le premier devoir d’un suzerain est dc défendre son vassal; c’est au nom du droit féodal qu’innocent va maintenant protéger Jean Sans Terre contre Phi­ lippe-Auguste. Le glaive que la papauté avait mis entre les mains du Capétien, il faut qu’il rentre main­ tenant au fourreau sur l’injonction de ccttc meme puissance. Et quand, au lendemain dc la Rochc-aux.Moincs, Jean Sans Terre se trouve en face d’un nouveau péril, la révolte des nobles anglais contre l’autorité despotique du roi. Innocent III interviendra de nou­ veau. La Grande Charte que les rebelles ont arrachée à la faiblesse royale, le 15 juin 1215, Innocent la déchire par une bulle du 21 août de la même année. Que lui importe que cet acte exaspère les insurgés, ct rende définitive leur rupture avec Rome? Protecteur 1068 dévoué de son vassal. Innocent, pour le défendre, anathématiscra les révoltes et tout spécialement cc même Langton qu’il n jadis élevé lui-même au siège dc Cantorbéry contre la volonté de Jean; ct Langton devra finalement sc soumettre Λ la .sentence dc dépo­ sition que confirmera le concile dc Latrari. 5° Innocent ct les autres royaumes. — Sans être aussi tragiques, les rapports d'innocent avec les autres souverains dc l'Europe témoignait d'une même application à faire triompher les règles de la morale ct du droit. Alphonse IX, roi de Léon, a épousé Bérengère fille du roi dc Castille, sa nièce Λ la mode de Bretagne. Innocent s’élève vivement contre cette union qu'il qualifie d’incestueuse; finalement l’interdit est lancé contre le royaume de Léon; il ne sera levé qu’en 1204 quand Bérengère sc sera défini­ tivement retirée dans sa famille. — Pierre 11 d’Aragon recherche en mariage Blanche de Navarre, sa parente; le pape s’oppose au mariage. Fils soumis dc l'Églisc, Pierre renonce au mariage projeté, et épouse Marie, fille dc Guillaume dc Montpellier; mais bien vite il sc lasse dc sa femme ct cherche à faire annuler son mariage sous le prétexte d'une vague parenté. Inno­ cent trouve les motifs insuffisants ct refuse l’annula­ tion demandée. Au cours d'un voyage à Rome, en 1204, à l’occasion de cc procès matrimonial, Pierre est amené à renouveler l’hommage dc son royaume au Saint-Siège et à recevoir des mains du souverain pon­ tife la couronne d’Aragon. Quand il meurt en 1213, c’est le pape, qui, au nom du droit féodal, prendra la tutelle dc Sanche Ier fils du roi défunt. — Dc même en Portugal, il prétend bien exercer les droits que lui confère la donation faite jadis au Saint-Siège par Alphonse Ier. Et comme le roi Sanche Ier fait quelques difficultés à reconnaître scs obligations dc vassal et dc censitaire du Saint-Siège, il s’ensuit entre lui ct le pape une crise qui est à l'état aigu entre 1208 ct 1211, Potthast, n. 4187, et qui ne sera résolue que par la maladie du roi. A la mort dc celui-ci. Innocent prend sous sa tutelle le jeune Alphonse 11; ct comme l’exécution du testament royal donne lieu à degraves difficultés,allant jusqu'à la guerre civile, c’est encore la justice romaine qui est chargée d’appointer les conflits portugais. La Hongrie, dc par scs origines memes, est encore plus largement ouverte à l'influence du Saint-Siège. Saint Étienne (t 1038), qui en a fait le royaume apos­ tolique, fut à la fois prince temporel ct légat du sou­ verain pontife. Rien d'étonnant doneque Rome reven­ dique la suzeraineté du royaume nouveau. A la fin du xn· siècle néanmoins, en Hongrie comme ailleurs, on voit commencer la lutte entre les principes natio­ nalistes et les traditions ecclésiastiques; mais Inno­ cent n'épargnera rien pour empêcher de laisser pres­ crire les droits de la papauté. C’est ainsi qu'il inter­ viendra dans la guerre civile qui met aux prises depuis 1197 les deux fils de Béla III, Emeri ct André. Fina­ lement vainqueur, grâce surtout à la protection d’innocent, Emeri se montrera disposé dans l'en­ semble à suivre les directions dc la papauté. Sur la demande du pontife, il intervient vigoureusement en Bosnie pour arrêter les progrès de l'hérésie bogo mile. — Ladislas, duc de. Pologne, s’est rendu fameux par son absolu mépris dc tous les droits ecclésias­ tiques. Le jour ou un compte rendu exact arrive à Rome dc cc qui s’est passé en celle terre lointaine, Innocent adresse au souverain un formidable réqui­ sitoire, qui le ramena pour quelque temps à dc meil­ leurs sentiments. Potthast, n. 2918-2960.— Ottokar, roi dc Bohème, est sollicité lui aussi dc reconnaître l'autorité spéciale du Saint-Siège sur son royaume ct reçoit la couronne à Mersebourg d’un légat du pape. — Ln Scandinavie malgré son éloignement n’échappe 1969 INNOCENT III pas davantage à l’attention du pontife ; ct les registres ! d’innocent ont conservé quelques traces d’interven­ tions en Danemark, en Suède,en Norvège, ct jusqu’en Islande. G0 Innocent et la question d* Orient. — Maintenir sous l’hégémonie pontificale la chrétienté d'Occident, qui reconnaissait le pape pour chef, cela ne suffisait pas encore à la très noble ambition d’Innocent III. Dans le prologue d’une de ses lettres, celui-ci com­ mente l’épisode de la pèche miraculeuse; sur l’ordre du Christ il a lancé le filet et les mailles s'en sont garnies, Λ rompre, de fidèles nouveaux qui aupara­ vant ne reconnaissaient point l’Églisc romaine, P. L., t. ccxv, col. 512; sans fausse modestie Innocent s’en attribue quelque gloire. Au fait, son pontificat a vu s’accroître, et pour de multiples raisons, le domaine de l’Église catholique. Ne parlons que pour mémoire des missions en Livonie ct en Esthonie, lesquelles fortement appuyées par les rois Scandinaves ont donné des résultats durables ct ont definitivement annexé à la chrétienté des territoires jusqu’alors demeurés païens. C’est surtout du côté de l’Oricnt qu* Innocent s’est efforcé dc reculer les limites de la zone d’influence romaine. Moins qu’aucun dc ses pré­ décesseurs, il ne s’est désintéressé du schisme, qui, depuis le xi· siècle, a définitivement séparé dc Rome, l'Eglisc de Constantinople ct les pays qui en dépendent au point dc vue religieux. Dès le début du pontificat d'actives négociations sc sont nouées entre Rome d'une part, ct dc l’autre le roi d’Arménie ct son catholicos; elles aboutissent à une véritable union dc l’Églisc arménienne et dc l’Églisc romaine. Le roi Léon reçoit du légat pon­ tifical la couronne royale, ct s’engage à faire appliquer dans scs États la législation romaine; le catholicossc reconnaît comme le subordonné du souverain pontife. Bref, l’accord semble complet; mais à partir de 120G des raisons d'ordre exclusivement politique amènent une brouille assez, vive entre Rome et l’Arménie, dont le roi finira par être excommunié. L’union des Églises survécut difficilement à ces conflits politiques. Plus proche de Rome, la Bulgarie, qui vient dc sc constituer en un grand royaume aspire à sc dégager dc la tutelle religieuse dc Constantinople; des négociations sont engagées entre le roi Johannitza (celui que les lettres d’innocent appellent Ralojean) et le SaintSiège. Dès 1202, elles étaient assez avancées pour qu’innocent crut le moment venu de faire rentrer la Bulgarie dans la mouvance dc l'Églisc romaine. L’archevêque dc Timovo reçoit du légat pontifical le pallium, avec le l itre dc primat ; et en novembre 1201, malgré les intrigues du roi dc Hongrie, le roi de Bul­ garie est couronné, après avoir jure fidélité au pape entre les mains du représentant pontificat Au même moment la Serbie, après des péripéties qu’il serait trop long dc raconter, rentrait dans l’obédience dc l’Église romaine, et l'archevêque d’An livari recevait dc Rome le pallium, signede sa Juridiction sur toute la terre serbe. 11 n'est pas jusqu'il la lointaine Russie à qui des avances ne soient faites, ct vers 1209 on voit s’esquisser l’ébauche d’une Église unialc ruthène. L.t t. ccxv, col. 1231. Cet encerclement progressif de Constantinople pré­ parait contre la capitale du schisme grec une offen­ sive, qui d’ailleurs réussit bien au delà des espérances d’innocent HL Non certes que cc pontife soit res­ ponsable du détournement de la quatrième croisade. S’il a songé ù une conquête de Constantinople, c'est ù une conquête toute pacifique, comme en témoigne la correspondance échangée dès 1198 entre le pape et le bosileus. Potthast, n. 319. Ce qu’innocent désire avant tout, c’est l'union dc tous les chrétiens pour reconquérir la Terre sainte, déjà plus qu’à moitié 1970 submergée, pour barrer la route il l'invasion musul­ mane qui reprend vers Γ Occident sa marche con­ quérante. Le bosileus devrait être, dans sa pensée, l’un des principaux auxiliaires de cette croisade que le pape a commencé de prêcher des les premières semaines de son pontificat, qu’il prêchera jusqu’à son dernier souffle. Quelle Illusion d’ailleurs, que de comp­ ter en la circonstance sur l'appui du byzantin ! Cepen­ dant la croisade est préchéc au cours de l’année 1199, avec un succès très relatif; les croisés se rassemblent à Venise au cours dc l'hiver 1201-1202, le départ est fixé au 21 juin; l'Égypte désignée comme objectif. On sait le reste, ct comment l’expédition, qui devait délivrer Jérusalem, dévia de sa route par les intrigues des Vénitiens et aboutit finalement à la prise de Cons­ tantinople et à la fondation de FEtnplre latin (avril 1204). Cc n’est point la faute d'innocent si la croisade a dégénéré en une aussi singulière aventure. Dès l’été dc 1202, alors que les croises,pour payer leur dette à Venise, s’attardent au siège dc Znraje pape les a vivement rappelés à leur devoir, les a menacés d'excommunication, finalement a réalisé ses menaces. 11 faut bien que les foudres ecclésiastiques aient perdu déjà de leur efficacité, puisqu’elles n’ont pas empêché les barons de persévérer dans leur dessein. Du jour où cclui-d sera complètement réalisé, Innocent n’aura plus qu’à s’incliner devantcc qu’il va désormais consi­ dérer comme un jugement de Dieu, comme un des coups les plus admirables dc la Providence. Au fait, la chute de l'empire byzantin, la déchéance dc l’Église schismatique, l’installation d’un patriarche latin dans Sainte-Sophie, un tel succès de la chrétienté latine et dc l'Églisc romaine, comment ne pas les saluer d’un grand cri d’allégresse? Ne faisons point un crime à Innocent Ill d’avoir poussé ce cri, d'avoir eu foi dans les destinées dc cet empire dont la constitution aug­ mentait d’autant le nombre des ffdélcs de l’Église romaine. Pouvait-il. avec sa mentalité de féodal, comprendre combien était instable l’établissement d’une féodalité sur les rives du Bosphore ct dans les pays qui dépendaient dc Byzance? Constantinople conquise, latinisée, l’œuvre de la croisade, il le pensa d’abord, était plus qu’à demi faite. Dc cette base d’opérations plus rapprochée ct plus sûre, les latins , pouvaient partir maintenant à la délivrance du Saint Sépulcre. Nouvelle illusioni Loin d’être dc quelque secours pour la conquête de la Terre sainte, l’empire latin est un poids mort qui entravera toute nouvelle tentative. Après quelques tâtonnements. Innocent III finira par s’apercevoir qu’il n’y a rien à faire du côté de Constantinople pour la délivrance dc Jéiusalem. Dès 1207 son parti est pris : il faut prêcher une nouvelle croisade ct l’organiser dc telle sorte que la direction en reste tout entière» cette fois, dans la main du pape. Diverses circonstances viennent retarder l’execution de ce grand dessein; c’est seulement après Bouvines ct le couronnement de Frédéric H à Aix-la-Chapelle que l’idée est vrai­ ment nu point. Le concile de Latran y met le dernière main; le depart est fixe au ltr juin 1217, Brindisi ct Messine assignés comme lieux de rassemblement. Le pape s’y rendra dc sa personne pour bénir les croisés et prendre, s’il est nécessaire, la direction même de l’entreprise. Innocent 111 avait le droit de rêver d’ajou­ ter à toutes scs gloires, celle de grand capitaine, il n'avait que cinquante-six ans. Cette gloire la Pro­ vidence la lui refusa; il mourait le IG juillet 1216, sans avoir pu réaliser le rêve de toute sa vie; la reprise aux infidèles du tombeau de Jésus-Christ. 7° Innocent et lu répression de l'hérésie. — Non moins redoutable que le péril extérieur que créait à la chrétienté l'avance conquérante de l’Islam, sc révélait nux yeux d'innocent III le danger intérieur 1971 dont h menaçait l'hérésie. Tant qu’il ne s’agit que d’aberrations doctrinales bénignes ct localisées, il est possible de garder à leur égard quelques ménage­ ments; ct Innocent se montre, à cc point de vue, autrement liberal que ses subordonnés. Son attitude à l’égard dc laïques messins, dont tout le crime con­ siste à s’assembler en dehors des réunions cultuelles, pour s’instruire les uns les autres, est plutôt bénigne si on la compare à celle dc l’évêque de Metz. Potlhast, n. 780,871,893. 11 ne craint pas dc r< concilier à l’Église ct d’utiliser ensuite pour la prédication un certain nombre de ccs Humiliés, Potlhast, n. 891, dc ces Pauvres catholiques. ibid., n. 3571, 369-1, Ills spiri­ tuels très authentiques des Pauvres de Lyon ct des Vaudols, si âprement poursuivis sous les pontificats précédents. Là même où lise trouve en présence d’héré­ sie déclarée, il veut que l’on procède d’abord avec douceur ct patience; que l’on observe en toute rigueur ct avec scrupule les règles du droit; c’est là un grand progrès quand l’on songe à tant d’exécutions sommaires d’hérétiques qui curent lieu avant lui. Mais quand Innocent rencontre une perversion du corps social tou w entier, surtout si celte perversion atteint des villes, des provinces, des États tout entiers, alors les considérations religieuses, qui tout à l’heure lui conseillaient la douceur, font place aux réflexions du politique, qui apercevant l’immense danger couru par la chrétienté, ne recule pas devant les plus grands remèdes pour couper court à de si grands maux. La grande hérésie du xip siècle, c’cst le néo-manichéisme sous des noms divers, catharisme, bogomlllsmc, albigéisme. Elle a gagné un terrain considérable dans l’Italie centrale, infestant le Patrimoine deSaint-Pierre ct les provinces voisines. Dans cette région qui dépend directement de lui, Innocent procède contre l’hérésie avec la dernière vigueur; ct il lui est relativement facile d'appliquer des mesures que l'on jugeait alors efficaces : l'expulsion des hérétiques déclarés, la punition sévère de tous ceux qui les aident ou les favorisent. Mais quand il s'agira d’obtenir des pou­ voirs publics du Midi de la France, beaucoup plus contaminé encore, l'application de semblables mesures pénales, Innocent va se heurter à une incroyable inertie qui cache mal une réelle complicité. Au fait, s’ils ne sont pas hérétiques, les grands seigneurs de Provence ct dc Languedoc, à commencer par Hay­ mond de Toulouse, s’accommodent volontiers de la présence en leurs États d’une Église cathare réguliè­ rement organisée, animée d’un prosélytisme ardent, ct dont les progrès sont de plus en plus sensibles. Les contraindre, au besoin par la force, à extirper Γhéré­ sie dc leurs domaines, tel est le but Inlassablement poursuivi par Innocent III. Et puisque la menace des peines spirituelles n’a plus guère dc prise sur eux, puisqu’ils en arrivent à transgresser leurs pro­ messes aussitôt qu’ils les ont faites, il faudra bien aller jusqu’au bout dans la vole dc la répression, les déclarer déchus de leurs droits souverains, leur subs­ tituer, au besoin par la violence, des princes plus dociles à l’Égllsc, ct donc signaler leurs domaines comme une proie, qui appartiendra à dc plus zélés, à de plus fidèles catholiques. C’est toute la pensée qui inspire la croisade des albigeois; et il reste bien entendu, dans la conscience du pape, que, du jour où les anciens souverains auront donné des preuves suffisantes dc leur repentir ct de leur bonne volonté à appliquer la législation dc l’Église, ils pourront rentrer en possession dc leurs terres ct de leurs droits. Mais quelle Illusion de croire que l’on pourra arrêter, au jour et à l’heure que l'on voudra, la formidable ruée qui déchaîne sur le Midi dc la France la noblesse brutale ct besogneuse du Nordl Cette illusion, Inno­ cent III l’a partagée, ct les faits sont venus lui donner 1972 dc cruels démentis. Il s’est trouve Incapable dc diriger les évé nements. Et si sa mémoire ne doit pas porter la responsabilité de toutes les horreurs qui marquèrent cette triste croisade, H n’en reste pas moins qu’il n’a pas su prévoir tous les inconvénients d’un système qui prétendait mettre les plus féroces passions humaines au service du droit, de la justice et de la vérité. Le concile de Latran, novembre 1215, marque l’npogéc du règne d’ Innocent III. C’est la liquidation du passé, surtout en ce qui concernait la croisade des albigeois; l’ensemble des actes de Simon de Montfort était approuvé, la déchéance de Raymond dc Tou­ louse sanctionnée. C’est aussi la préparation d’un avenir meilleur pour l’Église, par une réforme dont on parle déjà, mais qui ne viendra guère. C’est surtout la mise au point des plans grandioses d’Innocent III pour la récupération dc la Terre sainte. A tous égards celte date de 1215 marque donc le point culminant de la puissance pontificale au moyen âge, ct le IVe con­ cile dc Latran est le digne couronnement du grand pontificat que nous venons d’étudier. Voir l’article spécial. II. Idées théologico-politiques. — Rien qu’elle ait ι té dominée plus d’une fois par les événements, il s’en faut que l’action politique d’Innocent III soit l'aboutissement d’une improvisation de hasard. Tout au contraire, elle est la mise en œuvre systématique d’un plan très arreté, l’application aux contingences de l’histoire de vues très précises sur le rôle dc la papauté. Dès son avènement, Innocent III s’est fait une théorie très nette de ses droits et dc scs devoirs de pontife suprême. 11 n’est pas inutile dans un ouvrage comme celui-ci d’en synthétiser les principaux aspects. On arrivera ainsi à une théologie dc la primauté romaine ct des rapports dc l’Égllsc ct dc l'Étal, où il sera facile de distinguer, des parties devenues caduques, les vérités qui ont survécu. Il conviendra de remarquer, d'ailleurs, que ccttc théologie, Innocent III ne l’a pas improvisée dc son chef. Il en a trouvé les éléments dans le droit canonique dc son époque, tel qu’il l’avait étudié à Bologne, dans les actes dc scs prédécesseurs, dans la pratique dc la curie romaine, dans toutes les Idées dc son temps. Celte synthèse n’est donc pas seulement d’Innocent III, elle est dc toute son époque; mais cc pape a su lui donner une forme si nette, si personnelle, que c’est ici qu’il convient dc l’étudier. 1° Le pape ct Γ Église. — Le pape est sur la terre le vicaire dc Jésus-Christ, le représentant direct, immédiat de Dieu. On remarquera ccttc appellation de vicaire de Dieu; elle est nouvelle; les papes précé­ dents sc nommaient volontiers les vicaires dc Pierre; par une fiction, assez difficile à justifier en théologie, c’était l’apôtre qui était censé agir par eux ct parler par leur bouche; c’était l'apôtre qui était censé gou­ verner encore l’Église. Le titre dc vicaire dc Pierre ne se rencontre jamais dans le volumineux bullairc d* In­ nocent, au fait, il lui semble beaucoup plus conforme à la logique ct à Γhistoire de penser que les pouvoirs conférés à Pierre par Jésus sont passés à la mort de l'apôtre sur la tête de son successeur. Et si Pierre fut vraiment, après l’ascension, le représentant du Sau­ veur sur la terre, scs successeurs légitimes ont hérité dc la même prérogative. Il n’y a donc point à chicaner Innocent III pour avoir employé un vocable, plus logique après tout que celui dont usait scs prédéces­ seurs. Représentant dc Dieu sur la terre, le pape dispose donc d’une autorité absolue ct universelle sur l’Église dc Jésus-ChrlsL Aucune Église particulière, quclqu*ancienne qu’elle soit, ne saurait dès lois sc sous­ traire à cette puissance. Les négociations pour la réunion des Églises orientales ont amené Innocent III I’J/J INNOCENT III :i écrire à plusieurs reprises dc petits traités dc la primauté de ΓÉglise romaine. La lettre adressée nu I patriarche grec dc Constantinople le 12 novembre 1199. est la plus complète de ccs dissertations. P. L., t. ccxiv, col. 758 sq. On y trouvera les p cuves devenues clas­ siques de la primauté romaine; une exégèse suffi­ samment convaincante des textes consacrés : Tu es Petrus, ct Pasce oves meat, mais aussi de ces com­ mentaires allégoriques d’épisodes évangéliques sur lesquels le moyen âge élevait volontiers des preuves. Jésus, par exemple, a dit à Pierre : Tu t’appelleras Cephas, or Cephas => caput. Quand Pierre s’est jeté à la mer pour aller au-devant de Jésus, · il a exprimé par cc geste, le privilège du pontificat unique (pon­ tificii singularis), qui lui donnait le droit dc gouverner tout l’univers »; car la nier représente l’ensemble du monde ; pour aller au Christ,les autres apôtres n’ont que leur barque, figure des Églises particulières. Pierre au contraire a le monde tout entier. Dc même encore, quand il a marché sur les eaux de la mer, il a montré par là qu’il avait reçu pouvoir sur tous les peuples· Sans doute le Christ a dit à tous les apôtres rassemblés : « Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel »; mais il l’avait dit d’abord à Pierre tout seul, non tamen aliis sine ipso, sed ipsi sine aliis. A la question de l’apôtre: «Combien dc fols dois-je par­ donner à mon frère? * le Christ a répondu : < Soixantedix fois sept fois », cc qui signllle que le Christ lui permet à lui, ct à lui seul, d’accorder à tous sans exception la rémission dc tous leurs péchés, solus Petrus potest non solum omnia sed omnium crimina relaxare. En lui disant après sa résurrection : « Pour toi, suis-moi », Joa., xxi, 19, le Christ l’invitait bien moins à le suivre dans sa passion, que dans son triom­ phe glorieux. En fait, sitôt après l’ascension, Pierre exerce dans l’Égllsc naissante le pouvoir souverain; la vbion rapportée, Act , x, 9-16, Indique bien qu’il a reçu tout droit sur tous les hommes, car ccttc grande nappe qui descend du ciel, signifie le monde entier ct tout ce qu’il contient, l’ensemble des nations étant juives que païennes. Passant d’Antioche à Rome, l’apôtre y emporte avec lui son droit uc primauté : « Et quand il eut consacré l’Égllsc romaine par son sang (ou plus exactement c’est Notre-Sclgneur luimême qui a versé son sang à Rome, puisqu’il a dit à Pierre, dans la scène du Quo vadis .· < Je vais à Rome pour y être dc nouveau crucifié »), il a laissé ù son successeur la primauté de sa chaire, ct lui a transmis tout entière la plénitude de son pouvoir. » On remar­ quera l’allusion à l’épisode du Quo vadis; elle sc retrouve plusieurs fois dans des lettres aux Orientaux; ceux-ci se glorifient d’habiter la terre où le Seigneur a souliert, Rome peut tirer vanité, elle aussi, du sup­ plice dc Pierre, ou plus exactement du supplice du Christ qui y fut crucifié dans la personne dc son vicaire. Le patriarche byzantin goûta médiocrement toute ccttc exégèse, ct demanda avec quelque Impertinence, où l’Église romaine prenait le droit de s’appeler l’Église une et universelle; la réponse d'Innocent III ne va à rien moins qu’à confondre les deux vocables dc catholique ct dc romain. D’ailleurs, cinq ans plus lard, les barons latins sc chargeaient d’une manière plus efficace dc la démonstration. C’est à eux, quand ils se sont installes à Constantinople, qu’innocent adresse une petite homélie qui devait les persuader de la justice dc la cause latine. P. L.; L ccxv, coL 456 sq. Le pape, pour montrer la supériorité dc l’Égllsc romaine sur la grecque, utilise l’épisode évangélique qui montre Pierre cl Jean au matin de Pâques, courant ensemble au sépulcre. Joa., xx, 3 sq. Pierre représente l’Église latine, Jean, l’Égllsc grecque : « Le peuple latin, comme Pierre, a pénétre jusqu’au fond du 197* tombeau, c'est-à-dire jusqu’au plu* profond de* mys­ tères de Γ Ancien Testament; il a vu le» linges plié* ct le suaire mis à part, car il □ su distinguer entre le* mystères dc l’humanité ct ceux dc la divinité. 11 sait en Dieu ne point distinguer la nature, mais distinguer les personne*; inversement dans le Christ U ne dis­ tingue point la personne, mais sait distinguer les natures. Les grecs, eux, ne connaissent point très exac­ tement tout cela, aussi est-il dit dc Jean, leur repré­ sentant, < qu’il ne connaissait pas encore les Écritures. ■ Allusion aux erreurs dc l’Église grecque en ce qui concerne le double procession du Saint-Esprit· Suit une comparaison bien inattendue entre la sainte Tri­ nité où les deux personnes du Fils et de l’Esprit Saint procèdent du Père ct la descendance des latins et des grecs qui tous deux procèdent des juifs! Et cette extraordinaire conclusion : « Les latins représentent le Fils, car c’est à eux qu’a été donné le vicaire du Christ. Pour que toutes choses soient dans l’ordre, il faut que les grecs tiennent leur doctrine non seulement des juifs, mais encore des latins, dc même que le SaintEsprit tient son être, non seulement du Père, mais du Fils. » On volt par cc seul exemple en quel im­ broglio s’embarrassait parfois la théologie d’inno­ cent III; en Lut, sa thèse de la supériorité de l’Égllsc romaine valait beaucoup mieux que les preuves qu’il en prétendait administrer. Universelle, la juridiction du pape sur l’Église est encore immédiate. Nulle part Innocent n’a exprimé ccttc idée d’une manière absolument tranchée, mais toute son administration ecclésiastique semble dominée par cette idée que les évêques ne sont, par le monde, que ses représentants, ct pour tout dire scs délégués. En tout cas, c’cst dc toute manière qu’il intervient dans leurs afiaires. Dans leur élection d’abord. Sans doute, les règle-s canoniques qui ont confié aux cha­ pitres cathédraux la désignation dc l’évêque restent encore théoriquement en vigueur; mais dois la pra­ tique que d’exceptions à ces règles générales! On ne compte pas les cas où Innocent annule des élections, substitue un candidat dc son choix à l’élu du chapitre, nomme directement l’évêque (ci. surtout la nomina­ tion dc l’archevêque de Reims, Potthast, n. 22G0). Le cas d’Étienne Langton, étudié plus haut, est carac­ téristique ; la désignation dc Pierre dc Corbeü, l’ancien professeur dc Paris, comme archevêque de Sens, est non moins intéressante. Potthast, n. 1043,1196,1197. De droit, la confirmation dc l’évêque élu est encore réservée au métropolitain, lequel régulièrement doit demander au Saint-Siège sa propre confirmation. Mais la pratique pour les simples évêques dc demander à Rome leur confirmation s’est tellement généralisée à la fin du xu siècle, qu’elle est presque devenue la règle; en fait, bien peu d’évêques s’abstiennent dc la chercher à Rome. En tout cas, le métropolitain n’a aucun pouvoir pour autoriser la translation d’un évêque d’un siège ù un autre, pour accepter la démis­ sion d’un prélat que l’âge ou la maladie contraignent à résigner scs fonctions. Sur cc point, Innocent sc montre intraitable, ct considère comme une injure personnelle dc semblables actes, même s’ils émanent d’un patriarche. Pour justifier son point de vue, il i allègue le lien spirituel, analogue au lien matrimo­ nial, que crée entre un évêque ct son Église, la confir­ mation ct à plus forte raison le sacre : « Cc lien spi­ rituel. écrit-il à l’archevêque d’Apamée qui a été trans­ féré par le patriarche d’Antioche, étant plus fort que le lien charnel, on ne saurait douter que le Dieu toutpuissant ne se soit réservé le droit dc dissoudre le mariage spirituel qui existe entre l’évêque ct son Église, lui qui a réservé exclusivement à son tribunal la dissolution du mariage charnel. Cc n’est point en effet par une puissance humaine, mais par la puissance 1975 INNOCENT III divine qu’est dénoué cc lien spirituel, quand par trans­ lation. deposition ou démission, l’autorité du pontife romain, vicaire de Jésus-Christ, sépare un évêque de son Église. Dés lors ccs trois actes sont réserves exclu­ sivement nu pontife romain, moins par Je droit cano­ nique que de droit divin. De môme donc qu’un évêque consacré ne peut, sans la permission du pon­ tife romain, abandonner son Église, semblablement un évêque élu ct confirmé n’a point licence de quitter l’Église Λ laquelle il est attaché. Quelle que soit donc la déférence que nous professions pour nos collègues dans l’épiscopal, ct spécialement pour l’évêque d’An­ tioche, nous pourrions pour empêcher que l’on ne croie que le droit patriarcal donne à qui le possède le pouvoir d’opérer une translation, pour empêcher la création d’un précèdent, souverainement domma­ geable aux privilèges du siège apostolique que nous sommes tout d’abord tenus de sauvegarder, nous pourrions, dis-je, priver le patriarche du droit de con­ firmer ct de consacrer les évêques, ct vous suspendre vous-même de l’administration de Γoffice épiscopal. » P. L·, t. ccxiv, coL 462. Qu’on juge dès lors si le pape se réserve un droit de regard sur l’administration épiscopale; les exemples abondent dans les registres, d’évêques sommés de venir en cour de Rome se justifier d’accusations dont ils ont été l’objet, comme aussi d’enquêtes sur la conduitedcccrlains prélats confiées aux évêques voisins ct aux abbés de quelque monastère. En plus d’un cas, négligeant la juridiction théorique du métropolitain, le pape délègue à un simple évêque le soin d’enquêter sur un de scs collègues, ou même de prononcer la suspense contre son propre archevêque. Cf. surtout Potthast, n. 1737. Rien de plus intéressant ù ce point de vue que de suivre la procédure dirigée contre l’évêque Mathieu de Toul, un vrai brigand, il faut le dire. Potthast, n. 1G52, 2534, 2750, 2995, 3875. Le rétablissement du patriarcat latin de Constantinople, l’union des Églises d’Arménie, de Bulgarie, de Serbie, à l’Église romaine ne feront qu’accroître le domaine où se multiplient les interventions pontificales. Il semble d’ailleurs qu’innocent III, pas plus que scs contemporains, n’ait pu s’élever à l’idée d* Églises uniates, conservant l’ensemble de leurs coutumes liturgiques et disci­ plinaires, leur physionomie propre, tout en étant loyalement soumises à l’autorité du pape. Sa grande préoccupation, une fois Byzance conquise, semble être de latiniser la chrétienté grecque. Aux Bulgares, aux Arméniens 11 imposerait volontiers, s’il ne ren­ contrait une sérieuse résistance, les rites de l’ordina- 1 lion latine, allant jusqu’à demander, sans succès d’ail­ leurs, aux prêtres ct aux évêques antérieurement ordonnés, de sc soumettre au cérémonial de l’onction, cette onction étant considérée par lui comme de droit divin. P. L.,1. ccxv, col 281 sq. Ajoutons ù ccs inter­ ventions de tous genres, une dernière qui sc multiplie de plus en plus à l’époque d’ Innocent III, qui excite déjà de graves mécontentements, qui sera, par la suite, la cause des récriminai ions les plus amères contre la cour de Rome ; c’est la collation directe par le SaintSiège des bénéfices vacants dans les divers chapitres de la chrétienté. Elles abondent dans la correspon­ dance d’innocent les lettres recommandant tel clerc romain, tel employé de la chancellerie apostolique, tel personnage auquel le pape croit avoir des obli­ gations, au choix d’un chapitre, pour l’obtention d’un canonical, bien entendu avec dispense de résidence. Si, comme il arrive fréquemment, la demande n’est pas aussitôt accueillie, elle se transforme vile en un ordre impératif, invoquant le droit souverain du pon­ tife à disposer des biens d’Église. Cf. P. £., t. ccxiv, col. 77, etc. On le voit, les résistances du clergé aux interven­ 1976 tions incessantes de la curie romaine sc manifestent surtout quand celui-ci se sent menacé dans ses inté­ rêts matériels. D’autres velléités d’indépendance sc font jour aussi quand le pap c veut obliger les hauts dignitaires ecclésiastiques Λ suivre ses directions poli­ tiques. C’est vainement, par exemple, qu’apres la double élection allemande de 1198 le pape cherchera à détacher certains évêques allemands du parti de Philippe de Souabe pour les rallier ù O Itou. Mais dans les questions d’ordre strictement spirituel, en tout cc qui touche les questions dogmatiques, morales, disciplinaires, l’ensemble du clergé, de premier ou de second ordre, témoigne A l’autorité pontificale une absolue déférence. C’est le clergé lui-même qui sollicite à tout instant des réponses de Rome. Rien de plus curieux que d’étudier un certain nombre de cas de conscience soumis par la simplicité des clercs infé­ rieurs ou même des évêques, au jugement du pape. La plupart sont enfantins et tels qu’un séminariste moyen de nos jours les résoudrait sans peine. Le pape néanmoins les examine avec gravité et donne avec condescendance et bonne grâce la réponse demandée. Fréquemment il invoque en tète de sa réponse les spéciales prérogatives du siège romain : « Comme c’est dans le siège apostolique que réside la magistrature de toute la discipline ecclésiastique, il est juste que, chaque fois qu’il s’élève quelque doute sur une affaire quelconque, on recoure au jugement de celui, qui, par la disposition divine, a mérité d’obtenir Ια primauté parmi toutes les Églises. » Que l’on songe après cela aux difficultés des communications à cette époque; aux lenteurs qu’amène l’encombrement de la curie, au fait que la plupart des appels à Rome sont suspen­ sifs et l’on appréciera aisément les dangers qu’une telle centralisation pouvait faire ct a réellement fait courir à l’Eglise. 2° Le pape et les souverains temporels. — Non moindre se révèle le péril que créera bientôt l’ingé­ rence du Saint-Siège dans des questions d’ordre stric­ tement politique. De celte mainmise du pape sur les couronnes, Innocent III a formulé la théorie avec une raideur et une précision de juriste, avec le plus parfait mépris des contingences historiques. Repré­ sentant sur la terre du Christ qui est le roi des rois et le seigneur des seigneurs (cette formule revient plus de vingt fois dans les registres), le pape participe de toute évidence à la puissance universelle de Dieu, à son souverain domaine sur l’ensemble des hommes. S’il est question, A plusieurs reprises, dans la corres­ pondance d’innocent, de l’union du sacerdoce ct de l’empire, n’entendons point ceci de la collaboration amicale par laquelle les deux puissances chercheraient, chacune dans sa sphère, à assurer le bien de la société. Cette union esL bien plutôt celle du maître ct du serviteur que celle de l’époux ct de l’épouse. La supériorité du sacerdoce sur l’empire est affirmée à plusieurs reprises avec une netteté qui ne laisse rien ù désirer. Voir surtout la lettre à Philippe de Souabe, P. L., t. ccxvî, col. 1012 sq., ct celle ù l’empereur Alexis de Constantinople, ibid., col. 1182. Il vaut la peine de signaler les arguments théologiques apportés par Innocent à la défense de son point do vue; on verra en quelle étrange manière s’y mêlent les meil­ leures raisons et les preuves les plus contestables. C’est d’abord l’exemple de Melchisédcch qui est invoqué; «roict prêtre tout ensemble, il montre la concorde qui doit régner entre les deux pouvoirs; toutefois pour faire voir la prééminence que possède le sacerdoce sur le pouvoir royal, Il reçoit la dime d’Abraham ct Il le bénit. Rois et prêtres d’après la loi divine reçoivent Fonction ; mais les rois la reçoivent des prêtres, tandis que la réciproque n’est pas vraie. Et qui reçoit Fonc­ tion est moindre que celui qui la donne, de même 1977 INNOCENT HI 1973 que le Christ, en tant qu’oint, est moindre que son I positio, illam concepimus firmiter voluntatem, ut neque Père. Delà vient aussi que dans Γ Exode, xxn, 28, : mors, neque vita ab amplexu nos possit seu observatione le Seigneur appelle les prêtres des dieux, tandis que justitia revocare. P. L., L ccxtv, coi. 195. Cette autorité que le pape possède sur les souverains les rois sont seulement nommés des princes, car il est écrit : Diis non detrahes et principi populi tut non temporels, elle s’exerce tout d’abord dans les ques­ tions proprement spirituelles, ct nul, ici, ne s’avise maledices; de là aussi que le prophète Malachie, n, 7, appelle les prêtres des anges: Labia sacerdotis cus­ de la contester. Gardien de la morale chrétienne, le todient scientiam.., angelus enim Domini est. Le prêtre souverain pontife a le devoir d’en faire respecter les Jérémie « a été établi par Dieu sur les nations ct les règles, même par les têtes couronnées. Bien de plus royaumes, pour arracher ct pour abattre, pour ruiner légitime que son intervention dans les diverses ques­ ct pour détruire pour bâtir et pour planter,» Jer., i, tions matrimoniales que nous avons passées en revue. 10, ct le même pouvoir a été conféré â Pierre, quand C’est au nom du même principe que le pape sc croit le Seigneur lui a dit : « Tu es Pierre, etc. » Et d’ailleurs autorisé en certains cas à légitimer des naissances les princes n’ont reçu pouvoir que sur la terre, tandis irrégulières, ct â déclarer les bénéficiaires de ces que les piètres ont pouvoir aussi sur le ciel; les pre­ mesures aptes à la succession royale. Les enfants que miers ne l’ont que sur les corps, les seconds l’ont , Philippe-Auguste a eus de son mariage illégal avec aussi sur les fîmes. Autant donc l’âme dépasse le Agnès de Méranie sont déclarés capables de lui succé­ corps en dignité, autant le sacerdoce dépasse le pou­ der. Voir dans Potthast, n. 179 l,unc théorie complète voir royal. Quand Pierre, au livre des Actes, reçoit de ce droit pontifical Au nom du même principe l’ordre de tueret de manger cc qu’il aperçoit dans la encore, et comme gardien de la loi morale, le Saintgrande nappe descendue du ciel, AcL, x, 9-15, c’est Siège sc permet d’intervenir dans les questions moné­ taires; n'est-il pas de son office de veiller à cc que soit comme si Dieu lui disait : Immole les vices, mange les vertus; immole l’erreur,mange la vérité; en d’autres observée, par les rois comme par les sujets, la justice termes, « arrache ct détruis, édifie ct plante, » Jer., dans les transactions? Lettre au roi d’Aragon. Pot­ i, 10, ct cela dans tout l’univers; car il est bien vrai thast, n. 656. Mais, si l’on pousse à bout l’application de cette que chacun des seigneurs a sa province à gouverner, chacun des rois son empire ù régir, mais Pierre, lui, idée, qui ne manque ni de justesse ni de grandeur, les domine tous par la plénitude de son pouvoir et on en arrive à légitimer l’intervention du pape dans par son extension, car il est le vicaire de celui à qui des questions strictement politiques, car il n’en est appartient la terre et tout cc qu’elle contient, c Par guère qui ne relèvent, d’une manière ou de l’autre, de l'ancienneté encore le sacerdoce dépasse la royauté; la Ιοί morale. Qu’il s’agisse de contestations entre princes voisins, de différends entre un prince ct scs cela est vrai du peuple juif sans doute; ct si l’on objecte que chez les gentils il en fut autrement, que sujets, de competition entre deux prétendants, une Bélus, Sarug, Nemrod furent rois avant qu’il y eût question de bon droit ct de justice est toujours au des prêtres : nous répondrons qu ils fuient tous pré­ point de départ de semblables démêlés. Et voici le cédés par Noé, qui fuit rector area quasi sacerdos souverain pontife oblige par son principe, ù s’immis­ Ecclesia et qui d’ailleurs s’est révélé prêtre en offrant cer en des querelles qui ne regardent plus que de très l’holocauste après le déluge. Examinons d’ailleurs la loin les choses religieuses. Innocent III n’a pas reculé façon dont Dieu sc comporte avec le sacerdoce ct avec I devant celte conséquence; une lettre à Philippo la royauté. Contre le premier il n’autorise aucune Auguste, en date de 31 octobre 1203, explique au mieux révolte, contre la seconde au contraire il lui arrive cette doctrine du pouvoir indirect, qui deviendra de susciter des compétitions;David contre Saül, Jéro­ fameuse dans les siècles suivants. Le roi de France a cité le roi d’Angleterre, son vassal, à comparaître boam contre le tils de Salomon. » 11 ne fallait pas que les clercs du parti de Philippe devant la cour de Paris, pour repondre de scs nom­ fussent bien difficiles pour accepter sans sourciller une breux manquements à la loi féodale. La cour du roi a condamne par contumace Jean Sans Terre ù la con­ telle exégèse ctla doctrine qu’elle prétendait appuyer. fiscation de tous les fiefs qu’il tient du Capétien; et Λ Constantinople, on y mettait plus de façons, et le Philippe a procédé d’urgence à l’exécution de ta sen­ basileus objectait au souverain pontife les textes du Nouveau Testament qui établissent si nettement le par­ tence. Aussitôt le pape envole des légats pour rétablir la paix entre France et Angleterre; mais les envoyés tage des deux domaines, temporel ct spirituel. Innocent pontificaux ont été fort mal reçus; à leurs objurga­ n’est pas décontenancé par celle exégèse byzantine, tions, le conseil de roi, seigneursct évêques, a répondu : et après avoir discuté sommairement les textes ■ Il s’agit ici de droit féodal ct d’hommage (de jure allégués par l’empereur, il affirme avec une nouvelle force la valeur de son principal argument. Le Christ, jeudi elhominio ) ; on n’est pas tenu sur ce point d’obéir au commandement du siège apostolique. Le pape n’a prêtre selon l’ordre de Melchisêdech, roi des rois en même temps, a transmis ses pouvoirs dans leur Inté­ rien à voir dans les affaires qui sc discutent entre rois. » Cette réponse de la France a vivement ému le sou­ grité à Pierre son vicaire et à ses successeurs. Si l’on ajoute aux arguments déjà mentionnés, verain pontife; « il semblerait par là que le roi veuille ou puisse restreindre la juridiction du pape, Juri­ d’autres qui reviennent fréquemment ailleurs : les diction que non point l’homme, mais Dieu, ou plutôt deux glaives dont il est question dans l'Évangile, l’Homme-Dieu a tellement élargie, quand il s’agit les deux luminaires, dont le plus grand qui préside au jour est l’Église, 1’autrcqul préside ù la nuit repré­ de choses spirituelles, qu’elle ne peut l’être davantage, puisque la plenitude ne saurait recevoir aucun accrois­ sente le pouvoir temporel, on aura ù peu près l’en­ semble des textes qui reviennent indéfiniment dans sement. » Le pape ne veut pas discuter à fond les paroles ccs fastidieuses controverses. Jusqu’il quel point du roi, mais lut proposer un certain nombre de raisons Innocent croyait-il lui-même ù la valeur de ccs argu­ qui militent contre une opinion si hasardée : Le sou­ verain pontife d’abord est tenu par son office de pro­ ments scripturaires, c’est ce qu’il est difficile de dire. Pour justifier son action politique, il disposait d’ail­ curer partout la paix; d’autre part il est aussi de son devoir de juger des questions qui touchent au salut leurs d’une preuve autrement sérieuse : représentant ou à la damnation des âmes. Or n’est-ce point chose sur la terre de l’autorité divine, il a comme principal qui mérite la damnation étemelle ct qui éloigne du devoir de faire régner la vertu, la justice, la paix. Bien ne saurait l’empêcher de remplir celte grande tâche : salut, que d’entretenir la discorde, d’exposer un pays à Nos vero, quos ad regimen Ecclesia divina elegit distoutes les calamités, ù toutes les misères phvsioues 1979 1980 et morales de la guerre, dccontraindrc les gcnsd’Église i considère une telle situation comme l’idéal de la cons­ Λ prendre les armes dans la querelle du roi?N‘cst-ce titution politique d’un État. « Voici qu’à prisent, pas pour empêcher ces malheurs que suivant la parole écrit-on ù Jean Sans Terre, tu tiens le pouvoir d’une dite À Jérémie, le pape a été constitué sur les nations manière plus sublime ct plus solide que tu ne faisais ct les royaumes?Mais il y a plus, le Christ a dit posi­ auparavant, puisque la royauté est devenue sacerdo­ tivement : «Si ton frère a péché contre toi,etc., Matth., tale, ct que le sacerdoce est devenu royal; cum jam xvm, 15-19 ». Eh bien, c’est l’histoire du roi d’Angle­ sacerdotale regnum ct sacerdotium sit regale. » P. L., L ccxvi, col. 881. terre et de Philippe; le premier, après de multiples Il va sans dire qu’une telle politique ne rencontre remontrances, a fini par dire scs plaintes d Γ Eglise. Celle-ci aurait pu, dès lors, juger immédiatement pas dans la chrétienté que des approbations. Sans doute, quand ils ont besoin de l’appui du souverain c différend; le pape, tenant compte de son affection pour le roi, a préféré envoyer des légats, pour prendre pontifç. les princes séculiers multiplient à l’égard de connaissance de la question, < non nu point de vue celui-ci les protestations de déférence ct les marques du droit féodal, dont Philippe peut connaître, mais de subordination. Après la disparition de Philippe à raison du péché, dont, sans aucun doute, nous avons de Souabe, par exemple Otton s’intitulera roi des Bomains, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège; le droit de juger, ut super hoc de plano cognoscant, non ratione jeudi, cujus ad te spectat judicium, sed occa· 1 Frédéric, quand il s’agira d’acquérir la protection sione peccati, cujus ad nos pertinet sine dubitatione d’innocent, ne saura quelles promesses faire ùla papauté. Mais l’on saisit aussi des protestations éner­ censura. » Les Mércnccs au texte même dans Potthast, giques de souverains contre les empiètements de n. 2009. On voit jusqu’où cette doctrine du pouvoir indirect l’autorité religieuse. Nous avons entendu Philippepeut mener les interventions politiques de la papauté. Auguste contester à Innocent le droit de s’immiscer En fait, Innocent III a été conduit à trancher des dans sa querelle avec Jean Sans Terre. De même, différends absolument étrangers à la question reli­ Philippe de Souabe proteste cont re les agissements des gieuse; son attitude dans la compétition qui met aux légats dans l’affaire de son élection ù l’empire;il prises Philippe de Souabe ct Otton le Guelfe a été affirme avec netteté la séparation des deux pouvoirs, exclusivement dictée par des raisons de politique sécu­ proclamée par le Christ dans Γ Évangile, P. L., t. ccxvi, lière. Qu’on lise la fameuse délibération sur le fait de col. 1063; c’est aussi la thèse que soutiendra Otton l'empire, où Innocent examine successivement les quelques années plus tard, quand Usera entré en lutte droits et les chances de chacun des prétendants A la avec Innocent. Pour soutenir son point de vue, la couronne impériale, P. L., t. ccxvi,col. 1025 sq., on papauté sera obligée de recourir de plus en plus fré­ verra que les motifs pour lesquels le pape rejette fina­ quemment aux anncsspirituclles; les menaces d’inter­ lement Frédéric ct Philippe et reconnaît la légitimité dit personnel ou local, d’excommunication contre les d’Otton n’ont rien ù voir avec les intérêts immédiats souverains, se multiplient dans la correspondance de la religion. 11 est vrai que, dans les questions rela­ d’Innoeen t. On peu t ai firmer, j e crois, qu’il n’est aucun tives au Saint-Empire romain, le pape revendique des souverains de l’Europe qui, durant le pontificat, un droit de détermination tout particulier. 11 y insiste n’ait été atteint à un moment ou à l’autre par une ù plusieurs reprises : Cette affaire, dit-il, revient néces­ sentence de ce genre; cela donne la mesure de l’auto­ sairement au souverain pontife, principaliter ct fina· rité dont disposait le pape, ct cela permet de juger liter} principaliter, car c’est le siège apostolique qui un système qui ne peut se soutenir que par une vio­ a jadis transféré l’empire de l’Orient ù l’Occidcnt; lente coercition. Trop multipliées les foudres spiri­ flnatiler, parce que c’est le pape lui-même qui concède tuelles ont perdu de leur efficaci té; pour leur en rendre la couronne impériale. Mais même s’il s’agit d’autres tant soit peu, le pape est condamné à aller beaucoup monarchies, Innocent n’hésite pas davantage ù affir­ plus loin, à délier les sujets du serment de fidélité, mer le droit supérieur appartenant au Saint-Siège de ù prêcher la croisade contre les récalcitrants. Ce sont donner ct d’cnic ver les couronnes. La lettre ù Calojean, là moyens extrêmes qui ne pourront plus s’employer roi des Bulgares, est des plus caractéristiques ù cet du jour où le principe des nationalités particulières égard, P. L., t. ccxv, col. 277 sq. ; il ne s’agit plus ici l’aura définitivement emporté sur celui de la théo­ uc pouvoir indirect, mais de la domination suprême cratie médiévale. Juste un siècle après Innocent III, sur les peuples ct les rois dont est investi le vicaire Boniface VIII s’essaiera ù reprendre la politique de de Dieu sur la terre. « Héritier des droits conférés ù Lothalre Segni; il échouera lamentablement, ct sa Pierre, voulant pourvoir au bien spirituel et temporel défaite ne sera pas seulement l’échec des théories poli­ des Bulgares, nous fondant sur l’autorité par laquelle tiques d’innocent, ce sera aussi pour la papauté le Samuel a oint David comme roi, nous t’établissons roi point de départ d’un irréparable dommage. sur ccttc nation : regem te statuimus super cos. » Tout I. Soutiens.— Sur Innocent 111,11 existe une biographie compte fait, il me semble donc qu’ Innocent a professé contemporaine, anonyme ct incomplète, rédigée vers 1208 la théorie du pouvoir direct du spirituel sur le tem­ par un clerc romain ; c’est un panégyrique avec tous les porel. Quand il met en avant la doctrine du pouvoir inconvénients du genre. On la trouvera dans P. L·., t. ccxiv, indirect, c’est seulement qu’il craint de susciter de col. xvii-cgxxxvui. Uno autre biographie, encore plus incomplète est donnée dans Munitori, Scriptores rerum trop vives résistances. L’aboutissement dernier des théories pontificales, Halicarum, t.m.p. 480-486. Il faut tenir compte également chroniques contemporaines rassemblées dans les Afonuc’est la constitution de royautés vassales du Saint- des menta Germanlahistorlca, 1 e Recur i Ides h istorlens des Gaaies, Siège. Supposé un pays dont le souverain, pour une les Scriptores rerum Halicarum de Munitori ct (bins les raison quelconque, prête au pape l’hommage féodal, Rerum britannicarum medii croiseriptores{édïÜon du Maître voici du coup constituée une terre où le pouvoir direct des Rôles). On trouvera la référence exacte à ces diverses du sacerdoce sur les questions politiques s’exercera chroniques dans la RralencyclopAdle fur protestantische Theologicum! K trehr, 3· édit., Ι.ιχ,ρ.1 12. sans encombre, au nom du droit féodal aussi bien Mais la source principale est surtout constituée par les qu’au nom du droit divin. La supposition n’est pas écrits mêmes d* Innocent III, rassemblés tellement quellechimérique; outre l’Aragon, le Portugal, la Sicile, ment dans P. L ., t.ccxjv-ccxvn. Ces écrits comprennent la l’Angleterre elle même est rattachée directement au correspondance ct les ouvrages proprement» dits.Ces der­ Saint Siège en 1213 par l’hommage de Jean Sans niers comportent 80 sermons, dont la plupart ne sont que Terre. Il est aisé de saisir dans les pièces politiques des canevas, une demi-douzaine d’opuscules, dont les émanées de la chancellerie d’ Innocent IIIque Home deux derniers seuls ont quelque importance, enfin un com- 1981 INNOCENT 111 — INNOCENT IV 1981 men taire lur 1rs Psaume* de ln pénitence dont l'attribution [t que le cardinal Hugobn, a eu Slnibnld comme compa­ a Innocent r^t plu* que douteuse, le tout dan* P. L., gnon dans sa légation de Gènes, il a su apprécier sa t. ccxvu. Beaucoup plu» Importante est l'énorme corres­ fermeté. Dès la première promotion de cardinaux, sep­ pondance du pope. On en trouvera lo relevé (incomplet) tembre 1227, Sinlbald, qui depuis juillet fait déjà ct l'analyse sommaire dnns PotthRit, Regesta ponii ficum romanorum ab anno J JP A ad annum lAOt, t. x, p. 1-467, fonction de vicc-chancclhr de l’Église romaine, est nommé cardinal-prêtre du titre de Saint-Laurent in partiellement aussi dan» BÛhmer-Flcker, Regesta imperii, Lucina. De son action sous le pontificat agité de Gré­ t. v, Die Rtgcstcn de» Kalscrrcichs unter Philipp, Ollo IV, Ercldrlch il; t. xx b, Pdpsle und Reichssachrn, ct dans goire IX, nous savons peu de choses, sinon qu’il est Ihilllnrd-Brchollcn, H litor la diplomatica I rcderlcl JJ.t.x a. recteur de la marche d’Ancône entre 1235 ct 1240, Il s’en faut d'ailleurs que tous ces recueils donnent un situation difficile ct importante, ct qu’il a été un des dépouillement complet do toutes le* bulles actuellement électeurs du très éphtmére Celestin IV (25 octobreconnues. Une édition nouvelle des registres d’innocent III 10 novembre 1211). s’impose. — Le tcxlcxnfmc do» lettres pontIflcalcste trou­ La mort de Cékstln est le début d’une vacance qui vera le plus commodément dans J*. J.., t. ct.mv-c/xvt, qui durera plus de dix-huit mois. Les conjonctures sont reproduit l'édition de Baluze, ct pour ce qui concerne les pièces relatives A la Franco celle de Bréqulgny et I.a Porto tragiques. Frédéric H, qui, durant tout le règne de du Tlicil. Tout Insufihnnt qu’il soit pour un historien, ce Grégoire IX a tenu ta papauté en échec, intrigue de texte suffira largement à un théologien qui sc préoccupe toutes manières pour faire nommer un pontife à sa moins du détail que des ensembles. dévotion. Le collège cardinalice est divisé ct mutilé. II. Travaux. — Les diverses histoires générales con­ Deux des membres les plus influents, le cardinal de sacrent toutes des développements plus ou moins considé­ Préncste, ct le cardinal de Saint-Nicolas in carcere sont rables Λ Innocent III. Signalons seulement Hefelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. v b, p. 1179-1408, est loin d’avoir pour lui la majorité des princes séculiers cl des villes impériales qui, dans l’ensemble, restent fidèles au Hohcnstaufcn. D’ailleurs le prétendant meurt le 17 février 1247; le 3octobre 1247,1c jeune comte Guillaume dc Hollande, reçoit à son tour le titre de roi des Romains; le 1er novembre 1248, il sera sacré ù Aix-la-Chapelle ct représentera dés lors nu Nord des Alpes les prétentions politiques d* Innocent. C’cst autour dc ces prétendants successifs que sc groupent les forces militaires levées en Allemagne par les prédicateurs dc croisade. Dès le lendemain du concile dc Lyon, en effet, le pape s’est préoccupé de faire prêcher la guerre sainte contre Frédéric. Dc même que son modèle Innocent III avait armé quarante ans plus tôt, au nom de l’idée religieuse, la France du Nord contre celle du Midi, de même Innocent IV cherche à faire passer pour une expédi­ tion sainte la lutte contre l’empereur déposé. Com­ bien ccttc prédication nuisit au succès de la croisade dc Terre Sainte qu’entreprenait au même moment le chevaleresque roi de France, c’cst cc que nous aurons à dire plus tard. Malgré tant d’appels aux annes, les forces des divers prétendants suscités par Innocent restèrent toujours inégales à la grandeur dc l’entre­ prise. Ni Henri Raspe, ni Guillaume dc Hollande ne furent capables dc mener en Italie l’expédition que réclamaient Innocent IV ct les Lombards, C’était dans la péninsule même que la décision serait obtenue. Jusqu’en 1247, il est vrai, Frédéric y gardera Γavan­ tage ct parviendra Λ sc maintenir dans les États dc l’Eglise, tandis qu’en Lombardie Enzio, son bâtard, soutiendra brillamment ses affaires, que Venise ct la Savoie se rallieront ù la cause gibeline. La prise dc Parme par les guelfes, le 16 juin 1247, marque le début dc la décadence du Hohcnstaufcn. Enfermé dans la place, le légat pontifical Grégoire de Montelongo en organise solidement la défense. La plus grande partie des forces gibelines sc porte contre la ville qu’elle assiège vainement; le 18 février 1218 une brillante sortie exécutée par les Parmesans Inflige aux troupes Impériales la plus humiliante des défaites. La fortune de Frédéric dans la I laute Italie ne s’en relèvera plus. En même temps l’offensive était reprise par les pon­ tificaux dans l’Italie méridionale ct centrale; en Sicile d’abord, avril 1248, où Je succès fut médiocre; l’année suivante dans le duché dc Spolètc ct la Marche d’Ancône (les ordres relatifs à ccs opérations dans Potthast, n. 13 274 sq.). Ici les résultats furent meil­ leurs; le plus remarquable fut la capture d’Enzio, que les Bolonais ne lâcheront plus ct qui mourra dans sa prison après 23 ans dc captivité en 1272. Ce désastre n’abat point Frédéric; fiévreusement il fait au cours de l’année 1250 dc plus grands préparatifs ;dc nouveau l’Italie du Nord, ct celle du Centre revoient les redou­ tables bataillons sarrasins de Lucera. Le 13 décem­ bre 1250, la mort de Frédéric venait tout arrètcr.C’cst dans l’exultation de son âme qu’innocent, le 25 jan­ vier 1251, fait part de ccttc bonne nouvelle à ses divers représentants : Lit tentur csrli. Potthast, n. 14 163. PICT. DE IHÎOL. CATIIOU 2. Innocent en Italie. — Mais Frédéric disparu, le « nid de vipères »sl redoutable n’était pas détruitpour autant. Conrad en Allemagne, Manfred en Sicile demeuraient toujours une menace considérable. Il sembla néanmoins à Innocent qu’il lui fallait main­ tenant reprendre à Rome son poste de commande­ ment naturel. Des le petit printemps 1251, le pape prépare son départ de Lyon, où Guillaume de Hol­ lande est venu le trouver, pour arrêter avec lui les plans d’une nouvelle offensive en Allemagne. Le mercredi dc Pâques, 19 avril, il dit adieu à la cité qui lui a offert pendant six ans, une si généreuse hospita­ lité; par le Rhône, Marseille ct la Riviera, il gagne Gènes, où il séjournera cinq semaines; puis, après diverses excursions à Milan, Brescia, Mantoue, Bolo­ gne, il arrive au début de novembre à Pérouse qui sera sa residence jusqu’en avril 1253. Après un séjour dc quelques mois a Assise, il est enfin ù Rome, le 6 octobre 1233; ce ne sera pas pour longtemps. C’est qu’aussl bien la mort dc Frédéric n*a pas éclairci la question italienne aussi rapidement que l’avait espéré le pape. Dans le royaume dc Sicile, Manfred, bientôt soutenu par Conrad (automne de 1251 ), lui-même appuyé d’Otton de Bavière,continue à mener la vie dure aux pontificaux. Innocent songe alors ù donner la couronne de Sicile ù quelque cadet dc famille royale .Simultanément des offres sont faites en août 1252 au gouvernement français, en faveur de Charles d’Anjou, Potthast, n.14 682,et au roi d’Angle­ terre en faveur de son frère Richard de Cornouailles, Potthast, η. 11 680. Les pourparlers avec FAngleterre furent vite rompus; au contraire, dans les derniers mois dc 1252, alors que Conrad faisait dans l’Italie du Sud de redoutables progrès, Charles d’Anjou se met­ tait aux ordres du Saint-Siège. Des négociations ser­ rées sc nouent en juin 1253; le pape pose nettement ses conditions. Les unes sont d’ordre politique et con­ cernent l’hommage que le nouveau roi devra rendre au souverain pontife, comme ù son suzerain ; les autres d’ordre civil-ccclcsutstique. Avec une inquiétante minutie le pape énumère toutes les immunités ecclé­ siastiques que le souverain devra respecter : l’entière juridiction de l’Église sur les clercs ct les matières ecclésiastiques, l’exemption d’impôt reconnue au cler­ gé, la suppression absolue des droits de regale dans les églises vacantes. Cc texte est important, il montre l’idéal que la curie d’innocent IV s’efTorçait de faire prévaloir dans les relations dc l'Église cl dc l’État. Le texte dans E. Berger, Registres, n. 1819. Toutes ces conditions que l’on mettait découragèrent Charles d’Anjou ct surtout son entourage; la combinaison angevine en resta 1Λ pour l’instant, et ne sera reprise que dix ans plus tard. En attendant on revint à la combinaison anglaise, sous une autre forme d’ailleurs, puisque l’on appelait au trône Edmond l’un des fils d’Henri HL L’investiture allait être accordée au Plantagenet, Pott hast, n. 15 369, quand soudain l’on apprit ù la cour pontificale la mort de Conrad, 21 mal Cc fut alors dans la politique pontificale un vrai coup dc theatre. Renouvelant à cinquante ans dc dis­ tance le geste dc son nicul I leur! VI, le roi Conrad, en mourant, laissait son tils en bas âge, Conrndin, ù la tutelle de l’Église romaine. Comme Innocent III, son imitateur, en un accès imprévu dc générosité accepte de protéger l’un des derniers rejetons du < nid de vipères ». Le 27 septembre 1254 trois bulles parlaient d’Anagni; l’une confirmait au jeune Conradin la pos­ session du royaume de Sicile, dc celui dc Jérusalem, du duché dc Sounbe, de tout l’héritage en un mot dc Frédéric II, Berger, Registres, n. 8025; l’autre recon­ naissait à Manfred, le bâtard dc l’empereur, la posses­ sion des fiefs que son père lui avait jadis concédés VIL — 63 19S7 INNOCENT Berger, n. 8023, Potthast, n. 15 527; la troisième enfin confiait à ce même Manfred les fonctions de vicaire du Saint-Siège pour le royaume de Sicile, en d’autres termes lui accordait la régence durant la minorité de Con radin. Berger, n. 8024; Potthast, n. 15 528. Le 8 octobre Innocent sc met en route pour Naples, où il veut prendre effectivement possession du royaume de Sicile. Mats dès le début de novembre, la situation s’est aggravée. Mécontent de plusieurs manques d’égards, Manfred a rouvert les hostilités contre les troupes pontificales. Une lettre d’innocent au roi d’Angleterre demande Instamment du secours à celuici, 17 novembre, Potthast, n. 15558. Lc 2 décembre Manfred, avec scs Sarrasins, s’empare de Foggia. La nouvelle de cc désastre imprévu hâte les derniers moments du pape déjà malade; il meurt à Naples le 7 décembre 1254; dans le palais qui avait été celui de Pierre de la Vigne. Innocent IV disparaissait donc < sans avoir trouvé ni pour lui-même, ni pour son Église la paix qu’il devait désirer après les émotions ct les fatigues de son terrible pontificat» Quelles qu’aient été les incertitudes et les tribulations de scs derniers Jours, on peut dire néanmoins que l’œuvre de son règne était alors accomplie: Frédéric II n’existait plus, In maison de Souabc agonisait, la puissance de l’empire était brisée; le Saint-Siège étaitsorti d’une des crises les plus terribles qu’il eût jamais traversées grâce au sang-froid, à la décision, à l’incomparable ténacité de cc grand pontife. «Berger, Registres, t. n. Introduction, p. ccxc. 2e Innocent ct lu chrétienté. — Ainsi la lutte avec l’empire absorbe, toutes les forces du ponti­ ficat d’innocent, elle fournit toutes les directives de sa politique générale, elle explique la plus grande partie de scs démarches. C’est elle en particulier que l’empêchera de donner à l’idée de croisade, dont le roi de France est à ce moment le chevaleresque représentant, tout l’appui que celui-ci était en droit d’attendre du Saint-Siège. Λ partir de 1245, en effet, saint Louis est tout entier à son grand projet de la délivrance des Lieux saints, retombés depuis 1244 nu pouvoir des infidèles. La campagne qu’il veut entreprendre en Égypte* où il espère porter à l’isla­ misme un coup mortel, ne doit pas être seulement dans sa pensée une expedition française. C’est toute la chrétienté occidentale qu’il espère voir marcher der­ rière lui, pour le rétablissement de l'influence catho­ lique de Constantinople à Alexandrie. Lc concile de Lyon fait les plus belles promesses, le pape s’engage à faire prêcher partout la croisade; en réalité tout l’effort se borne à la France et aux Marches de l’Est, dépendant nominalement de l’Empire, mais déjà amplement ouvertes aux influences françaises. Dans l’Allemagne proprement dite, la prédication de la croi­ sade contre Frédéric fit à l’annonce de l’autre un tort considérable; les croisés trouvant les mêmes avan­ tages spirituels ct temporels à combattre en leur pays même, se soucièrent peu d’aller affronter les périls d’une expédition lointaine. Λ partir de Juillet 1246, le prédicateur officiel de la croisade, le cardinal Eudes de Chûteauroux, reçut même 1’ordre d’interrompre dans l’empire la prédication de la croisade en Terre Sainte. Berger, Registres, n· 2935. Mais II serait vrai­ ment Injuste de faire retomber sur le seul Inno­ cent IV la responsabilité de l'échec subi par saint Louis en Égypte. Mathieu Paris le fait; dans son habi­ tuelle hostilité contre la papauté, il dit les plaintes universelles qui s’élevèrent contre Innocent à la nou­ velle du désastre de la Mansourah. Chronica majora, édiL Luard, t. v, p. 172-173. Mais il oublie de dire que son souverain, le roi d’Angleterre, Henri III, a fait tout le possible pour empêcher le succès de la prédi­ cation de la croisade, a cherché tous les prétextes, IV 1988 tous les faux-fuyants pour excuser sa propre absten­ tion. 11 oublie de dire qu’en Norvège le roi 1 laakon IV multiplia les obstacles sous les pas de l’expédition sainte ct sut cacher sous le masque d’une profonde déférence pour Rome scs secrètes sympathies pour Frédéric; il oublie de dire que cc souverain Scandinave, dont la puissance était considérable dans l’Europe du Nord, une fois légitimé, couronné, pourvu de subsides, laissa le pape ct le roi de France à leur désillusion. En toute justice, on ne saurait rendre Innocent res­ ponsable de la tiédeur d’Henri III, de l’égoïste habi­ leté d*Haakon IV. Mais il faut dire que sa politique à l’égard de l’Empire amena l’abstention à peu près complète de l’Allemagne ct de l’Italie, ct fut partiel­ lement cause de l'échec de saint Louis. Resterait ensuite à déterminer si le triomphe de l’Église romaine sur les Hohenstaufen impoitait davantage au succès de la religion chrétienne que le triomphe de la croix sur l’Islam. La péninsule ibérique, par sa situation meme, échappait davantage aux conséquences de la lutte entre le pape et l’empereur. Innocent Illy avait soli­ dement affermi le pouvoir pontifical; Innocent IV n’aura qu’à maintenir ce qui a été fait avant lui. Sa correspondance témoigne de quelques différends sur­ venus entre le Saint-Siège ct Je roi d’Aragon, ct qui se terminèrent par la soumission de celui-ci· Potthast, n. 12 171, 12 277. Les choses prirent en Portugal une tournure plus grave. Le roi, don Sanche, se vit menace, pour ses nombreux empiétements dans le domaine cclésiastique, des peines les plus graves dont disposaitl’Église. Et comme il ne s'amende pas, il est finalement déposé par le pape ct remplacé par son frère Alphonse comte de Boulogne, Potthast, η. 11 603, 11 ?51, ceci malgré les plaintes du roi de Castille qui supporte les pénibles conséquences de ccttc révolution portugaise. Potthast, n. 12 177. Aux frontières extrêmes de la chrétienté, Innocent continue l'œuvre de ses prédécesseurs. En Prusse, en Livonie, en Esthonie, les chevaliers teutoniques achèvent de refouler les païens de ces régions bar­ bares; il était temps d’organiser en ces pays la hié­ rarchie ecclésiastique; quatre évêchés furent orga­ nisés, ceux de Ci.lrn, de Poméranie, d’Ermland, de Sameland. Albert, l’ancien archevêque d’Armagh, en Irlande, fut désigné par le pape comme archevêque de Prusse, Livonie ct Esthonie. Potthast. n. 12 030, 12 041, 12 093. Innocent le chargeait même de nouer des relations avec Daniel, roi de Russie, qui avait mis sa personne ct son royaume sous la sauvegarde de saint Pierre, Potthast, η. 12 091, 12 097. Plus au sud on sc trouvait dans les régions que venaient de dévas­ ter et d’occuper les Tartares. Ceux-ci constituaient le grand péril de l’heure présente pour la chrétienté. Lc pape n’hésita pas à leur envoyer une ambassade, qui essaierait parmi eux l’œuvre de leur conversion. Pot­ thast, n. 11 571-2. Lc succès en fut médiocre. Berger, Registres, n. 4682. Pendant quelques années encore la terrible menace continuera à planer sur l’Europe chré­ tienne. Désorganisées par l’invasion tartare, les royau­ tés balkaniques ont rompu le lien fragile qu’inno­ cent III avait essayé de nouer entre elles et Rome. Innocent IV s’efforce,sans grand succès, de les ramener à l’obédience romaine. Potthast, η. 11 606. Semblable­ ment devait échouer la tentative désespérée de renouer des relations pacifiques avec l’Église grecque de l’empire de Nicée. Berger, Registres, n. 4749, 4750, Ces effe rts n’en témoignent pas moins qu’au milieu des graves préoccupations que lui causait sa querelle avec Frederic, Innocent IV ne laissait pas de penser aux intérêt généraux de l’Église. De même encore, si les luttes cont inuelles où il a vécu ont donné à sa phy­ sionomie quelque chose de raide ct d’inflexible, Inno- 1989 INNOCENT IV cent IV n'en était pas moins animé de sentiments humains et vraiment liberaux, cjui font contraste avec la dureté générale de son époque. 11 a cherché à répri­ mer les redoutables abus qui dés cc moment se glis­ saient dans la répression do l’hérésie. Potthast, 11 083, 11 193. Les juifs brutalement persécutés dans le midi de la France recourent à lui, comme ils avaient recouru à ses prédécesseurs ct trouvent auprès de lui de la justice, de la bienveillance même, Les lettres par lesquelles Innocent prend la défense des juifs de Valréas, font le plus grand honneur à leur auteur. Berger, Registres, n. 2315, 2338. II. IbÉES THÔoLoaico-rouTiQUBs. — Comme pour Innocent III, il n’est pas Inutile, à ccttc place, de préciser les idées générales qui ont dirigé l’activité d’Innocent IV, de signaler les sources où il les a pui­ sées, de marquer les oppositions qu’elles ont suscitées ct qui finiront, tôt ou tard, par en réduire l’âpreté. Comme scs prédécesseurs Immédiats Innocent est avant tout un canoniste : ses actes, aussi bien que ses écrits sont le fidèle reflet de l’enseignement juridique qui depuis le xn· siècle se donnait à Bologne, qui s’était cristallisé dans le Décret de Gratien ct plus récemment dans les Décrétales de Grégoire IX. Λ ccttc édification du droit canonique, Innocent a apporté lui aussi sa contribution qui n’est pas sans importance. Mentionnons seulement pour mémoire son petit traité de exceptionibus qui est sans doute anterieur à son pontificat, mais le volumineux Apparatus in quinque libros decretalium. mérite de la part des canonistes une étude appro­ fondie. C'est un commentaire suivi des cinq livres des Décrétales publiés par le pape Grégoire IX, plein de remarques ingénieuses, d’idées générales, en même temps que d’applications extrêmement pratiques. Cet ouvrage publié à Lyon, peu de temps après le concile, était destiné, dans la pensée du pape, aussi bien aux praticiens de la jurisprudence qu’aux théoriciens du droit. L9 Apologeticus dont Ptolémée de Lucques fait également honneur à Innocent, avait un objectif plus restreint : il s’agissait d'affirmer le droit de l’Église dans les choses temporelles que commençaient à con­ tester les légistes de Frédéric II, et tout spécialement Pierre de la Vigne. L'ouvrage serait perdu, encore qu’une hypothèse assez Ingénieu e semble l’avoir retrouvé; on reviendra sur ccttc question. 1° Les theories anti-ccclésiastiqucs au Xllt* siècle. — Les idées d’ Innocent IV sur les rapports du spirituel ct du temporel, de l’Église ct de l'Etat, de la papauté ct de l’empire ne diffèrent pas sensiblement de celles que nous avons vues exposées par Innocent III. Mais tandis que cc dernier demeure en tranquille possession, jouit sans conteste de la suprématie qu’il revendique sur l’ensemble de la chrétienté, Sinlbald Ficsco sc heurte à une terrible opposition, qu’avaient seulement esquissée les timides remontrances de l'âge précédent. Lc grand adversaire de la papauté, Frédéric II, s’est nettement rendu compte que le duel entre pape ct empereur ne met pas en conflit uniquement des reven­ dications particulières ct de petites ambitions territo­ riales, qu’il s’agit bien plutôt de la lutte entre deux grandes conceptions du monde et de l’autorité, l’idéal théocratiquc dont les canonistes viennent de rédiger les formules, l’idéal séculier dont les légistes du sou­ verain sont justement en train de préciser les contours. Les théories ecclésiastiques vont à concentrer tout pouvoir,spirituel ct temporel,entre les mains du pape ; retournant aux traditions du droit romain, les légistes frédéricicns s’efforceront de justifier l’attribution ù l’empereur de l’ensemble de la souveraineté tant sécu­ lière qu’ecclésiastique. Lc plus remarquable de ces théoriciens impériaux est sans contredit Pierre de la Vigne, d'abord grand juge puis logothète du royaume 1990 de Sicile. Encore qu’il soit difficile de faire le départ dans la volumineuse correspondance qui lui est attri­ buée entre le certain, le douteux ct F inauthentique, il reste assez de pièces, qui sont incontestablement de lui, pour que l’on puisse, sans trop de fantaisie, recons­ truire l’ensemble de scs idées. Elles s'expriment au mieux dans les protestations rédigées par lui, au nom de son maître, après la déposition de celui-ci par le con­ cile de Lyon, pour être adressées aux divers sou­ verains de l’Europe. Celle qui est expédiée aux ba­ rons, aux nobles ct aux communes d’Angleterre est de beaucoup laplus importante ;c*cstunccritique en règle, très modérée dans la forme, infiniment pénétrante dans le fond de la sentence pontificale, deses attendusct de scs considérants. Ceux-ci, tout particuliérement, sont soumis à un examen qui n’en hisse rien subsister, car c’est la compétence même du juge qui est niée : il n’y a point de sentence là où un juge incompétent a pro­ noncé. Très habilement d’ailleurs le légiste prétend ne point nier la plenariam in omnibus potestatem de l’Église. Simple concession de forme, car il ajoute aussi­ tôt: · Quoi qu’il en soit, on ne lit nulle part qu’une loi divine ou humaine ait concédé à l’Église le droit de transférer le pouvoir à sa fantaisie, celui de punir les rois au temporel par la privation de leurs royaumes, celui de Juger les princes de la terre. Bien qu’en effet le droit ct la coutume concèocnt à celle-ci le droit de nous consacrer, elle n’a pas davantage le pouvoir de nous déposer que les divers prélats qui, dans les divers royaumes, consacrent ct oignent les rois, suivant les coutumes établies. » Comment d’ailleurs l’empereur pourrait-il être atteint par des hommes, lui qui ne relève que de Dieu? « L’empereur romain, gouverneur impérial ct seigneur de majesté, imperialis rector ei dominus majeslalis, on prétend le condamner comme coupable du crime de lèse-majestè. 11 est ridicule de prétendre soumettre à une loi, celui qui, par sa dignité impériale, est soustrait à toute loi, qui legibus omnibus imperialitcr esi solutus, de prétendre soumettre à des peines temporelles celui qui n’a point de supérieur temporel. Cela n’appartient qu’à Dieu. > Le texte dans llôfler, Albert von Beham,p. 79-85. Sans doute, le même document poursuit en décla­ rant que l’empereur reconnaît la légitimité des peines spirituelles, mais l'on sait de reste cc que pesaient, aux yeux du premierdes libres-penseurs modernes,les sen­ tences ccclésiastiqucs^quc les plus fervents de scs contcmporainsprenalcnt’déjà d’un cœur léger. 11 est inexact d’ailleurs de prétendre que Frédéric acceptât sans ambages ni restriction l’autorité spirituelle de l’Église. Μ. 1 Iutllard*Bréholles, encore que plusieurs de scs con­ clusions aient été contestées, semble avoir mis dans un Jour particulièrement heureux la pensée fonda­ mentale de Frédéric II ct de scs conseillers. Elle tend à absorber l’Église dans l’État, à conférer au souve­ rain politique une suprématie religieuse analogue à celles qu’exercent les monarques orientaux, grecs ou musulmans, avec lesquels Frédéric s’est trouvé en relations. Cc pouvoir, l'empereur investi d’une auto­ rité quasi-divine, en usera surtout pour opérer dans l’Église unb réforme qui s'impose. Lc mot magique qui retentira durant tout le xiv· ct le xv· siècle, ct qui amènera en 1517 la révolution que l’on sait, Frédéric un des premiers l'a prononcé, avec le sens que lui donneront les grands agitateurs religieux des siècles suivants. C’est lui, qui, l’un des premiers, déclare qu'il est grand temps de ramener l'établissement ecclésias­ tique à la pureté, à la simplicité, à la pauvreté de scs origines. Depuis qu’ils sc sont chargés des multiples soucis de la souveraineté séculière ct de la propriété temporelle, les héritiers ct successeurs des apôtres onpcrvertl le concept d’Églisc. Leurs pères, jadis,accomt plissaient des miracles ct convertissaient peuples ct 1991 INNOCENT IV rois; dans l’Églisc enrichie ct sécularisée, ka miracles ont disparu, ct c'est par la violence que l’on prétend dominer sur les cœurs. Par force ou par amour, l’empereur saura bien contraindre les gens d’Églisc à redevenir des saints.—Toutes ces idées ne sont pas nouvelles, elles s'agitaient déjà confusément dans les milieux illuminLstcs et mystiques du xn· siècle. Fré­ déric leur donne un corps, il leur prête l’incomparable appui de son pouvoir impérial. C’est dans son entou­ rage de légistes qu'elles s'affirment, sc précisent, s’appuient de preuves; c'est ici que les trouveront les hommes de l’âge suivant, les légistes de Philippe le Bel et les théologiens de Louis de Bavière, les) Pierre Dubois les Pierre Flotte, les Guillaume d’Occam et les «Alarsile de Padouc. En attendant, Frédéric ct son monde s’efforcent de les propager autour d'eux. Ce sont elles qui sc pro­ posent sous forme plus ou moins voilée selon les cor­ respondants à qui l’on s*adressc,dans la série de protes­ tations qui, à la suite de la sentence de Lyon, partent pour les diversÉtats de l’Europe. Et ces excitations ne restent pas sans résultat, d'autant que, depuis un siècle, les divers dépositaires de la souveraineté laïque sup­ portent avec impatience les continuelles Interventions derÉgllsedansccrtainsdomaincsqu*ilsprétendent,dc plus en plus, se réserver. 11 est deux terrains particu­ lièrement sur lesquels tendent à se multiplier les con­ flits entre gens d’Églisc ct souverains temporels. Par le jeu des circonstances,lise trouve que l’Églisc durant i Je haut moyen âge, s’est vu réserver un pouvoir judi­ ciaire qui dépasse de beaucoup son apparente compé­ tence. Ce pouvoir, elle prétend le maintenir au moment même où se réorganisent les cours séculières, lesquelles revendiquent maintenant une foule de causes attri­ buées jusque-là par Ja coutume ou le droit écrit aux tribunaux d’Églisc. De là proviennent, de multiples conflits entre officiers judiciaires, ecclésiastiques et laïques. D'autre part, l’excessif développement de la centralisation entraîne une extension correspondante de Ja fiscalité ecclésiastique. Sans cesse à court d’argent, la curie romaine multiplie en toute la chré­ tienté des taxations de plus en plus lourdes. Tondus d'un peu près par les agents pontificaux, les contri- ' buables, qu'ils soient gens d’Eglisc ou laïques, com­ mencent à protester. Ces deux causes de mécontente­ ment Frédéric sut les exploiter. C'est à son époque que Ton entend devenir particulièrement bruyantes les réclamations de certains pays, contre la fiscalité pontificale. L'Angleterre est la plus âpre en ce genre de protestations. En France c'est plutôt la question de la juridiction ecclésiastique qui prend un caractère aigu. Λ la veille du départde saint Louis pour la croi­ sade, on volt sc former une ligue des barons français, décidés à repousser les empiétements, réels ou sup­ posés, du clergé contre la juridiction séculière. Elle groupe, cette ligue, les plus puissants seigneurs du royaume avec, à leur tête, le duc de Bourgogne, les comtes de Bretagne, d’Angoulême, de Saint-Pol, les­ quels sont charges de défendre les droits de la noblesse ct d’appliquer à la défense commune la levée annuelle du centième de leur revenu que les ligueurs ont décidé de percevoir sur leurs propres biens. Texte du pacte dans Buillard Bréholles, L vn,p. 468. Durant l’absence du roi, la régente Blanche de Castille n’hésite pas à entrer personnellement en conflit avec des gens d’Églisc pour des questions analogues. Cf. Potthast, n. 12536, 13071, I l 135, 1 1921. Nous savons enfin par une bulle du 20 juin 1252,Potthast, n. 11644, qu’en France des grands, des barons ct autres possesseurs de pouvoirs séculiers Interdisaient à leurs sujets de donner aux églises ou couvents des terres, dimes ou revenus. Bref, nous assistons en France au premier rêve de cc qu’il faut bien appeler Γanticléricalisme. I 1992 ll serait exagéré d’attribuer à Frédéric tout seul h responsabilité d’un mouvement qui avait dans Je passé des racines profondes, mais il faut reconnaître aussi que l'infatigable propagande de l’empereur n’a pas peu contribué Λ rendre le mouvement plus orga­ nisé ct plus agissanL ■ ■ S ■ 1993 INNOCENT IV lions du pontife, bulles authentiques, etc.. Panni ces documents ligure, à la suite des deux appels de Fré­ déric Illos fdices et Etsl causa· nostnc jmlltiam, dont nous avons précédemment parlé, un petit traité qui est annoncé par la phrase : Per dominum papam lit(eris promissis (aliter est responsum et qui débute par ces mots JEgcr cui lenia. Or cette pièce ne ligure pas dans les registres officiels d’Innocent IV. Mais, comme nous l’avons déjà dit, le dominicain Ptoléméc do Lacques declare en propres termes : « Innocent fit un autre livre Intitule : de jurisdictione imperil et auctoritate pontificali, où il réfute les assertions pré­ somptueuses ct les prétentions exagérées du logothète de Frédéric, Pierre des Vignes.... Le pape voulut que cet opuscule fût appelé V Apologétique. » Historia ecclesiastica, dans Muratori,Scriptores, t. xi, p. 1146. M. Huillard-BréhoJes, Pierre de la Vigne, p. 146, a fait l'ingénieuse hypothèse que l'Apologelicus ne serait autre que le traité Æger cul lenia du registre d’Albert de Béham. li n'est pas douteux que l'opus­ cule ne réponde, point par point, à la fameuse ency­ clique écrite au nom de Frédéric II par Pierre de la Vigne après le concile de Lyon ; l'hypothèse en ques­ tion me paraît donc assez plausible. Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, quekipïéccÆgercuilenia soit l’opusculed’ In­ nocent IV, une composition personnelle d’Albert de Béham, ou un document émané d'un propagandiste au service de la curie romaine, elle reflète au mieux les sentiments que l’on avait à la cour pontificale sur les rapports de l’Église et de l’État. Il ne saurait être superflu de la signaler ù l’attention des historiens de la théologie. Après avoir résumé les attaques portées par Frédéric contre la sentence pontificale, l’auteur de l'opuscule établit dans les termes suivants l’autorité absolue de la papauté : < Nous exerçons donc sur la terre une délégation générale du roi des rois, qui a conféré au prince des apôtres, ct ù nous par le fait même, la plénitude du pouvoir de lier et de délier sur la terre non seulement tous les hommes, mais toutes les affaires : non solum quemcumque, sed quidcumque. Puisque saint Paul a dit « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? » si les choses spirituelles nous sont soumises,à combien plus forte raison les temporelles. · Si le sacerdoce de l’ancienne loi eut le pouvoir de transférer la royauté d’un sujet à un autre, à combien plus forte raison cc pouvoir existe-t-il dans les héri­ tiers du sacerdoce du Christ < 11 reste donc que le pon­ tife romain peut exercer au moins en certains cas, sal­ tem casualiter, sa juridiction pontificale sur n'importe quel chrétien, quelle que soit sa condition, ct surtout à raison du péché, maxime ratione peccati^ il peut dès lors déclarer qu’un pécheur, quel qu'il soit, après qu’il est tombé au fond de l’abîme du vice par son mépris, doit être tenu pour païen ct publicain, étranger au corps des fidèles, ct dès lors, au moins par voie do conséquence, privé de tout pouvoir temporel, s'il en possédait quelqu'un ; car sans aucun doute cc pou­ voir ne peut exister en dehors de l’Églisc, puisqu'on dehors d’cllc, là où tout travaille pour l'enfer, il n’y n point de puissance ordonnée par Dieu. >— Ici l’auteur rencontre l'objection que faisaient dès Jors les légistes Impériaux; le pouvoir du pape en matière temporelle remonte à une concession de l'empereur Constantin, concession que peuvent toujours révoquer les empe­ reurs germaniques, héritiers de la puissance romaine. A Dieu ne plaise, répond l’apologiste! Ce n’est point à Constantin, que remonte cc pouvoir temporel. 11 existait bien antérieurement chez les pontifes, natu­ rellement ct en puissance et naturaliter et polcntialiter. < Car Jésus-Christ» fils de Dieu, vrai roi ct vrai prêtre selon l'ordre de Mclchisédech o conféré au siège apos­ tolique non seulement Ja monarchie pontificale, mais la monarchie royale, non solum pontificalem sed et 1994 regalem constituit monarehatum; au bienheureux Pierre ct à ses successeurs, il a confié les rênes de l'empire céleste aussi bien que du terrestre. Devenu chrétien, Constantin a humblement résigné aux mains de l’Églisc cc pouvoir illégitime et désordonné, illam inordinatam tyrannidem dont il u «Cc droit de glaive matériel est donc imp licitement dans l’Église, il est explicité (c'est-à-dire mis en acte) par l’empereur qui le reçoit de celle-ci : per impera­ torem, qui eum (potestatem ) inde recipit explicatur. Dans le sein de l’Églisc 11 demeure à i’êtatpotcntiel ct inclus; il s'actualise quand 11 est conféré au prince. C’est cc qu'indique la cérémonie du sacre impérial : le sou­ verain pontife montre au César qu’il couronne le glaive contenu dans le fourreau; le prince le reçoit, le lire et le brandit, pour montrer qu'il vient de recevoir le droit de s'en servir. > Frédéric a signalé aux tètes couronnées le danger dont les menace l’intrusion de la papauté ; que ces puis­ sants ne s'en émeuvent pas, continue notre auteur. Ils ne dépendent point des prélats qui les sacrent commo dépend de nous l’empereur romain, car « celuici se lie au pontife romain, dont il reçoit l’honneur impérial avec le diadème, par un lien de fidélité et de soumission : fidelitatis et subjectionis vfnculo se astrin­ git. > Autre d’aillcurs est la condition des rois, lesquels sont des monarques héréditaires» autre celle de l’empereur < lequel est choisi par la libre élection des princes d’Allemagne. Or, nul ne le conteste, tout le monde le reconnaît» ce droit d'élire un roi des Domains que nous devons ensuite promouvoir ù la dignité Impériale, a été conférô aux électeurs par l'autorité apostolique qui jadis a transféré l'empire des Grecs aux Germains. > On remarquera ccttc distinction que l’auteur du document prétend établi rentre l’empire d’une part et la monarchie héréditaire. Toute de circonstance, elle est plus habile que loyale; Innocent III n’avait pas hésité â user de son droit souverain quand il s’agis­ sait de couronnes royales,et labullc l 'nam sanctam de I Boniface VI II, rappellera les mêmes principes au roi de France, Philippe le Bel. Et c'est encore à Boniface VIII que l’on songe Inévitablement quand on lit la con­ clusion de la pièceq u i nous analysons :< Ah! l’on trouve ridicule de condamner comme coupable de crime de lèsc-majestc l’empereur, le seigneur de majesté, de le soumettre aux lois portées contre les criminels de lèse-majcsté, lui que sité de Paris. Il y suivit probablement les leçons d’Albert le Grand et sc montra dès lors le digne disciple d’un tel maître. Bachelier en 1256, il lut ct expliqua les Sentences dc Pierre Lombard jusqu’en 1258. En 1259, il obtint le grade dc docteur, ct au mois de septembre dc cette année, il Inaugura scs leçons de maître, qu'il continua durant sept années Jusqu'à f. Sources. — Il existe deux biographies anciennes l’été dc 1267. Mandonnet, Des écrits authentiques de d'innocent IV, l’une anonyme : ex manuscrlpto Bernardi Guidants, dans Muratori, Scriptores rerum Halicarum, saint Thomas d'Aquin, 2· édit., Fribourg, 1910, t. m a, p. 589, l'autre de Nicolas do Curbio, chapelain du p. 126-127. Au mois dc juin 1269, ii prit part pape, que l'on trouvera également dans Muratori, (bld., avec divers maîtres en théologie au chapitre général p. 532. Une très courte notice dans le Liber pontificalis, dc Valenciennes, qui arrêta définitivement la règle édit. Duchesne, t. n, p. 454. Il faut tenir compte également des dominicains ct fixa en particulier le règlement des nombreuses chroniques contemporaines que l'on trou­ des études pour tous les collèges théologiques dc vera reproduites dans Muratori, Ibid.,dans Bouquet, Recueil des historiens des Gaules, et dans les Monumenta Germanta l'ordre. Déni île ct Chatelain, Chartularium Univer· historica. Voir les références exactes A ces diverses chro­ s Hat is Par is iens is, t. i, p. 385. Scs qualités distinguées niques dons RcalencgclopUdle fur protestantlsche Théologie, ct la confiance de scs confrères le portèrent à la 3· 6d., t. ix, p. 122. Une mention spéciale doit être faite des charge dc provincial de France, qu’il remplit dc Chronica majora do Mathieu Paris. Celui-ci écrit en Angle­ 1260 A 1267. Au mois d’octobre 1267, il redevint pro­ terre et du point de vue anglais; il est violemment anti­ fesseur à Saint-Jacques Jusqu’en 1269. Il fut réélu papiste, mais 11 a eu en main des documents intéressants et cette même année provincial de France. Mais en 1272, des renseignements dc première valeur.— Pour cc qui est Grégoire X, à la demande du clergé dc Lyon, le nom­ des écrits d'innocent lui-même: Γ Apparatus super quinque libros Decretalium a été Imprimé à Strasbourg en 1477, à ma au siège archiépiscopal dc cette ville, ct, l’année Venise en 1481,1491, 1495.1570, A Milan en 1501, A Lyon en suivante, il le créa cardinal-évêquc d’Ostie ct 1525. Les pièces émanées dc la chancellerie pontificale grand pénitencierdc l’Églisc romaine. Au II·concile sont recensées et analysées sommairement dans Potthast, Regesta pontificum romanorum, t. u p. 943-1285 ct 2110- œcuménique de Lyon, assemblé (1274) principale­ ment en vue dc porter secours aux chrétientés orien­ 2124 qui reste un guide précieux ct imlispcnsablc malgré tales ct d’amener la réunion des Grecs à l’Église ses lacunes; un bon nombre de celles qui sont relatives latine, Pierre tint une place éminente; il y prit A la querelle avec Frédéric II sont également analysées dans Bôhincr-Fickcr, Regesta imperii, t. v n et h. On trou­ plusieurs fois la parole avec une rare autorité, et c’est vera les pièces nu complet dans C. 1Ιόfier, AIbertuon Beham A lui qu'échut l’honneur dc prononcer l’oraison und Regcsten Pabst Innocent 1V, publié dans la Blbliothek funèbre de saint Bonaventure. Aussi, A la mort de des llterarlschen Vereins in Stuttgart, t. xvî b (1847), Grégoire X, survenue A Arezzo le 10 janvier 1276, il dans Rodenberg, Monumenta Germanite historica, Ιη-4·, Ephtol/e stecull XIII, t. u ctm; dans 1 luillard-Bréholles, fut élu, d’une voix unanime, pour lui succéder. Son Historia dlplomatica Feederici II, t. vi a et b. Aucun des élection eut lieu le 21 du même mois. Il prit le recueils précédents n’a pu utiliser les archives du Vatican. nom d’innocent V; c’était le premier dominicain Elles l’ont été par E. Berger, Les Registres (Γ Innocent IV; appelé A ceindre la tiare. 4 vol. ln-4·. Berger ne donne le texte complet que des Sur le trône pontifical, sa grande préoccupation, pièces importantes et seulement l’analyse des autres. comme celle dc son prédécesseur, fut d’assurer A l'ÉNombredcdocumcntscapitnux ont été insérés par Rnynnldi glisc la paix ct l’union A l’intérieur ct dc la protéger dan* le* Annales ecclesiastici. Sur une lettre de Guyuk, contre les ennemis du dehors, surtout contre les gran au clergé ct par laconccssion d’un décime Pnris, 1887 ; voir aussi les diverses histoires de saint Louis. dc guerre à prélever sons tarder sur les revenus ecclésiastique·', il soutint le zèle pour la croisade Pour les relations avec l’Angleterre, F. A. Gasquet, H nry the Third and the Church, a study of hts ecclesiastical nationale. D’autre part, il envoyait une ambassade poll eg and of the relations between England and Rome, solennelle A Michel Paléologue et A son fils Andronlc, Londres, 1905. E. Amann. ct ;i es ut <··:·. deux princes de réaliser pratiquement scs théologiens ont achevé de mettre au point la syn­ thèse dont Innocent III avait esquissé les grandes lignes. Synthèse grandiose, mais fragile; appuyée sur une exégèse sujette à caution, sur des considérations historiques douteuses, sur des précédents contes­ tables, elle se voit dès l’époque que nous étudions, ébranlée par les violents coups de bélier que lui portent les adversaires. En face d’elle, ceux-ci en édifient une autre, dont les légistes frédéricicns posent les premiers fondements. C’est l’intérêt du pontificat d'inno­ cent IV, pour le théologien dc l’Église, qu’il ait vu sc dresser l’une contre l’autre ccs théories rivales, dont la lutte ouverte allait commencer quelque quarante ans plus tard. 5. INNOCENT V, 1997 ct d’organiser dans tout leur empire l’union décrétée à Lyon ; et il poussait sa sollicitude jusqu'à leur proposer des formules d’ordonnances et dc règlements ù pro­ mulguer dans cc but. l’otthasl, Regesta pontificum romanorum, p. 1704-1708. Gf. Ilefcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1914, t. vi, p. 229-230. Malheureusement le temps lui manqua pour l’accomplissement dc ccs généreux projets. 11 mourut à Borne, le 22 juin 1276. 11 n’avait régné que cinq mois ct un jour. Comme écrivain, Innocent V, que scs contempo­ rains ont surnommé Doctor famosissimus, a laissé des œuvres dignes dc mention, notamment : 1e Com­ mentarius in quatuor libros Sentlent larum, publié seu­ lement en 1852, à Toulouse, en 3 in-fol. Ce n'est pas, comme on l’a répété ù tort, un abrégé du commen­ taire dc saint Thomas sur le même livre; Il renfer­ mait certaines opinions, sans doute discutables, qui semblent avoir fourni très anciennement matière à des polémiques oubliées aujourd’hui; 2· des notes ou «postules > super Pentateuchum, super Lucam, super Epistolas Pauli, etc. ; ces dernières, souvent citées par les exégètes postérieurs, ont été dc 1478 ù 1692 impri­ mées six fois sous lenomdc Nicolas deGorran(tl295); les éditions Imprimées ont été faites d’après des manuscrits Interpolés, cc qui a amené de bons cri­ tiques à douter dc leur véritable provenance; mais des manuscrits anciens, purs dc ccs interpolations, portent le nom dc Pierre dc Tarentaise. Aussi la P. Dcnifle n’a aucun doute sur leur authenticité. Die Abcndltindischcn Schriftauslegcr bis Luther ûber Jus­ titia Dci (Hum. J, 17) und Justificatio, Mayence, 1905, p. 144-152; 3e des questions quodlibétiques Inédites : De unitate formic, Dc materia cati, De a tern itate mundi, De intellectu ct voluntate, et quelques autres études manuscrites dont on trouvera les titres dans QuctlfEchard, Scriptores ordinis pro dicatorum, Paris, 1719. t.i,p.35O. Sur les manuscrits, les éditions, ct 1« extraits des deux principaux ouvrages dc Pierre de Tarentaise, voir la Bevue des sciences philosophiques ct théologlques, octobre 1902, p. 570-572; Munitori, Rerum Halicarum scrip­ tores, Florence, 1723-1751, t. ιΐΐ,ρ. 605, Vita Innocenta Pa­ pa· V ex ins, Bernardi Gutdonis: Touron, Histoire des hom­ mes illustres de Γordre dc Saint-Dominique, Paris. 1743, t. î, p. 644; P. Féret, Jxx faculté de théologie de Paris et ers docteurs les plus célébrés, moyen Age, t. n, p. 487-405; Mgr Turinaz, La patrie et la famille de Pierre de Tarentaise, X all­ ey, 1882; Cnrbonl-Laurcti, De Innocent io V romane ponti­ fice dissertatio, Rome, 1894; Vie du bienheureux Innocent V, par un religieux dû même ordre (le P. Mothon), Rome, 1896. J. Foiwet. 6. INNOCENT VI, pape (1352-1362). Étienne Aubert naquit nu village des Monts, paroisse de Beyssac (Corrèze). C’était un jurisconsulte de valeur, qui avait professé à l’univcrsiU de Toulouse ct avait géré les fonctions de juge-mage dans la sénéchaussée de Tou­ louse, G. Mollat, Lettres communes de Jean XX / /, t. vu, n. 42399 ct 12409.11 avait été archidiacre de Cambrai, de Brabant ct de Souvigny (Allier), archiprêtrc do Laurac ( Aude), chanoine prébendé de Clermont-Fer­ rand, de Bourges, de Langrcs, de Paris, d’Orense (Es­ pagne), chantre et chanoine dc Castelnaûdary (Aude), prieur dc Bouvignne (Hérault). A. Fayen, Lettres de Jean XXII, Paris, 1909-1912, n. 2266, 3406 et 3592; J.-M. Vidal, Lettres communes de Benoît X 7/, n. 2624, 4186, 1294, 4691,4736; U. Berlière, Les archidiacres de Liégeau Xlfsiiclc, Bruxelles, 1907, p.28. Il avait oc­ cupé les sièges épiscopaux de Noyon(23 janvier 1338) ct de Clermont (11 octobre 1340). Promu à la dignité cardinalice avec le titre des Saints-Jcan-ct-Paul (20 septembre 1352), il était devenu évêque d’Ostic ct Vellet ri (13 février 1352) ct enfin grand-pénitencier. 1998 Son élection fut marquée par des Incidents graves. Cédant à des tendances oligarchiques, désirant peutêtre endiguer le pouvoir pontifical qui prenait chaque jour une plus large extension, le Sacré-Collège rédigea un compromis que tousses membres jurèrent d’obser­ ver. les uns sans condition, 1rs au très—Étienne/Xubert était du nombre—en émettant cet te prudente restric­ tion : si et in quantum scriptura hujusmodi de jure pro­ ccdfret. Le pacte comprenait douze articles. 1® En aucun caslcnombrcdcscardlnauxnedevaitdépasscrlechiflre dc vingt. Le pape futur s’interdisait d’en créer dc nou­ veaux jusqu’à ccquc le nombre des survivants eût été réduit ù seize· 2° Il était obligé de prendre le consente­ ment dc tous 1rs cardinaux ou du moins des deux tiers, lors d'une promotion cardinalice. 3· 11 ne pouvait ni déposer ni faire emprisonner uncardinal sans le consen­ tement unanime dc sespairs. Leconscntcmen t des deux tiers était seulement requis, quand le pape sc propose­ rait d’excommunier un cardinal, ou de le frapper d’une censure crch siastique, ou dc le priver du droit dc vote, du droit d'assister aux consistoires, du droit dc porter le chapeau rouge, ou dc lui retirer scs bénéfices ou d’en saisir temporairement les revenus. 4° Défense était faite au pape de s’emparer des biens des cardinaux, dc leur vivant ou apres leur mort. 5° Toutes aliénations ou concessions dc provinces, cités, châteaux ct terres appartenant à l’Églisc romaine, sous forme de fiefs, d’emphytéose ct dc cens, étaient interdites, sinon pour des causes justes ct raisonnables et avec le consente­ ment des deux tiers des cardinaux. 6e Le Sacré-Collège percevrait la moitié de tous les fruits,revenus,récoltes, amendes, peines pécuniaires, cens, obvenus ct émo­ luments revenant à l’Églisc romaine dans toutes les provinces, terres ct lieux dépendant de cette mîme Eglise, conformément au privilège concédé par Ni­ colas IV. 7° La destitution ou la nomination des hauts fonctionnaires laïques, tant à la cour pontificale que dans les terres ct provinces dc l’Église romaine, n’au­ rait lieu qu’avec le consentement des deux tiers des car­ dinaux. 8° Jamais la charge dc maréchal dc la cour ou de recteur des terres ct provinces dc l’Église romaine ne passerait aux mains d’un parent ou d’un allié du pontife régnant. 9° L’approbation des deux tiers des cardinaux était encore necessaire quand le pape voulait concéder ù un roi, ù un prince ou à tout autre des dé­ cimes et des subsides, ou bien en prélever au profit de la Chambre apostolique. 10° Lorsque les cardinaux seraient sollicités dc donner leurs avis ou leurs appro­ bations, le souverain pontife leur laisserait la liberté dc parler. 11° Tous les cardinaux présents jureraient d’ob­ server le compromis inviolablement, au cas où ils ob­ tiendraient la tiarc. L’élu, quel qu’il fût,promettrait, le jour même dc son élection, de s’y soumettre ct dc le ra­ tifier. 12° S’il conçoit quelque doute ou s’il hésite, il consultera scs cardinaux ct se conformera à l’avis dc la majorité des deux tiers. Voir Cocquclincs» Butlarium romanum, Borne, 1741, t. ni 5, p. 316-318. Le Sacré-Collège sel rompait s* il pensait plier Étienne Aubert à ses volontés. Proclamé pape à Avignon le 18 décembre 1352 et couronné le 30, Innocent VI sc délia, le 6 juillet 1353, du serment conditionnel qu’il avait prêté lors du conclave. Il le déclara nul et sans effet comme attentatoire ù la plénitude du pouvoir con­ féré par le Christ nu pontife romain ct comme contraire aux décrétales Ubi periculum ct A’e Bornant, promul­ guées par Grégoire X et Clément V, qui interdisaient aux cardinaux, pendant la vacance du Saint-Siège, de s’occuper dc toute autre affaire que dc l’élection. Une légère compensation fut donnée aux cardinaux : le pape leur réserva certaines dignités, tant dans les églises ca­ thédrales que dans les collégiales, séculières ou régu­ lières. E. Dcprcz, Lettres closes, patentes et curiales d'in­ nocent VI, n. 267. 1999 INNOCENT VI Innocent VI fut un pape réformateur. H obligea les clercs à résider dans leurs bénéfices ct restreignit le train de sa maison. Baluze-Mollat, Vite paparum Avenionensium, Paris, 191 G, t. r, p. 329, 313, 317. Les or­ dres religieux furent rappelés à l’observation dc leur règle. Le pape aida puissamment le grand maître Si­ mon dc Langrcs à restaurer la discipline chez les frères prêcheurs. Mortier, Histoire des ma tires générauxde l'or­ dre des jrires prêcheurs, Paris, 1907, t. m, p. 295-142. 11 imposa des réformes très sévères aux hospitaliers de Saint-Jean dc Jérusalem. J. Delaville Le Roulx, Les hospitaliers à Rhodes, Paris, 1913, p. 116-139. 11 répri­ ma par le bûcher ou la prison les écarts de doctrine dc certains franciscains, qui avaient versé dans les erreurs des spirituels. C’est ainsi que frère Jean dc Roquetaillade, auteur du Vade mecum in tribulatione, fut condamnée la réclusion. Cependant Innocent VI ne prit pas contre les ordres mendiants les mesures in­ transigeantes que réclamait dc lui l'archevêque d’Armagh, Richard Fitz-Ralph, en novembre 1357, et qui consistaient à leur interdire les fonctions du saint ministère. Traité dc Fitz-Ralph, intitulé Defensorium curatorum contra eos qui privilegiatos se dicunt, dans E. Brown, Fasciculus rerum expetendarum et fugienda­ rum, Londres, 1690, L π, p. 466-486. Innocent VI défendit les droits du mariage chrétien contre Je roi de Castille, Pierre le Cruel. Sous la pres­ sion dc ce prince, les évêques de Salamanque ct d’Avila avaient cassé l’union qu’il avait validcmcnt contractée avec Blanche dc Bourbon, le 3 juin 1353. Les juges avaient invoqué des prétextes futiles. Au fond, ils crai­ gnaient leur roi, qui voulait sc marier avec dona Juana de Castro et qu’il épousa en effet avec leur permission. Bertrand, évêque de Sénez, fut envoyé en Castille. Il avait l’ordre de déclarer nul le mariage autorisé parles évêques dc Salamanque et d’Avila, d’instruircle pro­ cès des deux prélats et dc citer le roi Λ comparaître en cour d’Avignon. Le nonce ne parvint pas à obtenir le rappel dc Blanche dc Bourbon. 11 s’en retourna, apres avoir jeté l’interdit sur le royaume ct déclaré le roi ex­ communié (1354). D’autres nonces vinrent en Castille, i mais ne réussirent pas mieux dans leur mission. L’in­ fortunée princesse dc Bourbon mourut à Jerez, en 1361, sans avoir obtenu justice. G. Daurnet, Innocent VI et Blanche de Bourbon. Lettres du pape publiées d'après les registres du Vatican, Paris, 1899; J. B. Sltges, Las ma­ îtres del rcgdon Pedro 1 de Castilla, Madrid, 1910. Le pontificat d’Innocent VI fut marqué, dans l’Emplre, par un événement de haute importance: la publication de la Bulle d’or (13 janvier 1356). Cet édit fameux réservait entre autres choses le droit d’clcc- I lion au trône d’Allemagne à sept électeurs ct insti- I tuait, pendant la vacance de l’empire, le prince de Saxe comme vicaire impérial pour le nord et le comte palatin du Rhin pour le sud. Il passait I sous (silence les prétentions de la cour romaine I à approuver ct Λ confirmer l’élection du roi des Allemands, ainsi qu’à régir les fonctions impériales I en Italie pendunt la vacance de l’empire. K. Zeumcr a prétendu que Charles IV ne mentionna pas les pré­ tentions du Saint-Siège, afin de ne pas prendre posi­ tion contre lui ct dc laisser la difficulté en suspens. Die Goldene Bulle Kaiser Karl 1V, Weimar, 1908, p. 192194. A la suite des jurisconsultes du xvm· siècle, M. Scheffler a démontré récemment que Charles a abo­ li en fait les prétentions dc la curie, mais qu’il les a écar­ tées par prétérition, afin d’éviter un conflit avec In­ nocent VL La généralité des historiens rapportent que le pape protesta contre la Bulle d’or ct qu’à partir de la pu­ blication dc l’édit les rapports amicaux cessèrent entre le Saint-Siège ct le roi des Romains. M. Scheffler n'a pas eu de peine a prouver le contraire. 11 n’existe en effet 2000 aucune trace d’une protestation quelconque de la part du pape. Bien plus, après la diète de Metz, où la Bulle d’or fut promulguée ct à laquelle assista un nonce Androin de La Roche, Innocent adressa A Charles IV une lettre pleine de louanges. S’il sc crut offensé, il ca­ cha du moins son dépit. Son attitude n’a pas dc quoi surprendre. La Bulle d’orlégalisai ten Allemagne l’anar­ chie constitutionnelle ct transformait le pays en un vaste État confédéré. Elle affaiblissait par suite le pou­ voir impérial ct favorisait indirectement les vues delà papauté sur l’Italie. Elle détachait, en fait, la pénin­ sule de l’empire. D’autre part, Innocent VI n’avait pas intérêt Λ sc brouiller avec Charles IV en 1356;ilcomptait sur son appui pour seconder sa politique italienne, obtenir le concours financier du clergé allemand et re­ pousser les incursions des Grandes Compagnies dans le Comtat Venaissin. Au reste, les vrais sentiments du pape transpercent dans les décisions qu’il prit au sujet des deux constitutions par lesquelles Clément V avait réglé, de son chef, les rapports dc l’Église et de l’em­ pire, en 1313-1314. La décrétale Romani principes de cc dernier pon­ tife avait affirmé que les serments prêtés nu Saint-Siège par Henri VH, à l’occasion de son élection au trône d’Allemagne, constituaient de véritables serments de fidélité. D’après l’interprétation de la curie, ccs serments équivalaient à des serments de vassalité. La décrétale Pastoralis cura avait proclamé en outre la supériorité de l’Église sur l’empire.Vers le mois dc mal 1359, Charles IV demanda l’annulation ou du moins une nouvelle rédaction des deux constitutions. 11 ne les jugeait point comme attentatoires aux droits dc l’empire, mais comme une flétrissure à la mémoire de son grand-père. De plus, il n’ignorait pas que Guillaume d’Occam avait attaqué la validité de son élection en 1346, à l’aide d’un argument spécieux: d’après lui, Henri VII, s’étant mis en état de rébellion contre les constitutions pontificales lors de l’expé­ dition romaine, en 1310-1313, était entaché d’hérésie; par suite, ses descendants étaient incapables de toute dignité jusqu'à la troisième génération. Mû parces motifs, Charles IV adressa une demande à Innocent VI, par l'intermédiaire d’un ambassadeur, en vue de remédier à la réputation faite à son aïeul. Le pape répondit par une finde non-recevoir: il allégua la nécessité dc convoquer un consistoire (23 juillet 1353). .Monumenta Bohemia, Prague, 1907, t. ir, n. 995. Vers la fin du mois dc septembre 1360, Charles IV députa dc nouveaux ambassadeurs vers Innocent VI. Le momen t était propice. I .e pape aval t sollicité les sou­ verains européens d'intervenir en Italie contreBcmabô Visconti, qui menaçait dc prendre Bologne à l’Église. D’autre part l’entrée des compagnies en Provence remplissait le pontife d’alarmes. Innocent condesccndit au désir de Charles IV, afin dc l’attirer à son parti et d’obtenir son aide. Une bulle (11 février 1361) dé­ clara que, si 1 Icnri V11 avait agi inconsidérément contre le roi Robert dc Naples, en le déclarant coupable do lèse-majesté, il n’en avait pas moins été un sujet do­ cile dc l’Église. Clément V n’avait pas voulu flétrir sa mémoire en publiant les deux décrétales Romani prin­ cipes ct Pastoralis cura, niais seulement affirmer les droits dc l’Eglise. Innocent VI passa prudemment sous silence la doctrine dc la suprématie pontificale sur l'em­ pire, tout en ne reniant pas la teneur dus constitutions qu’il considérait au contraire comme décisives. F. M. Pelzel, Kaiser Karl IV, Konig in Rôhmen, Prague, 1781, t. n. n. 298; Willy Scheffler, Karl IV und Innoccnz VI.Bcitrügezur Geschtchte Hirer Bezirhungcn, 135$· 1360,Bct\\n, 1912, p. 85-107, 146-163. Innocent VI n’oublia pas qu’il avait professé. Il fonda à Toulouse, en 1359, le collège Saint-Martial ct à Bologne, en 1360, une faculté dc théologie P. Fournier, 2Ü01 INNOCENT VI — INNOCENT VIII Lcs statuts ct les privilèges des universités françaises, Paris, 1890, t. i, n. 012-655; Cocquclines, Bullarium ronianuni, t. m b, p. 323. Il mourut le 12 septembre 1362, en recommandant d'ensevelir ses restes dans l'église dc la chartreuse de Villeneuve, qu'il avait fondée en 1356. C. LeCoutculx, Annales ordinis Carlustcnsis, Montreuil, 1889, t. v, p. 512-514, 545-550. L Sources. — Et. Baluze, Vita? paparum Avcntonenslpm, Puris, 1693; nouvelle édition par G. Moliat, Paris, 1916,1.1, p. 309-348; G. Mo Hat, Étude critique sur les Vitre paparum Avcntancnslum d*Étienne Baluze, Paris, 1917; U. Berlière, Suppliques d'innocent VI (1352-1362), Textes ct analyses, Paris, 1911 ; E. Wemnsky, Excerpta c rcglstrls Clementis VI ct Innccentll VI historiam S, IL imperil sub rt g Imine Karoll IV Illustrantia (1352-1360), Inspnick, 1835; F. Novak. Acta Innocenta VI, Prague, 1907; E. Déprrz, Innocent VI, Lettres closes, pedentes et curiales se rapportant d Z< France, Paris, 1909; C. Cipolln, Innocenta Vie casa dl Saroia, dans Miscellanea dl storia tlallana, t. vu. 1902, p. 143-215; J.-M. Vidal, Dullaire de Γ Inquisition française au XI F·siècle, Paris, 1913, p. 329-345; E. Marlène et I). Durand, These n. rus novus amedotorum, Paris, 1717, t. n, p. 843-1072 (re­ gistre do lettres expédiées par la Chambre apostolique pen­ dunt lu neuvième année du pontificat, 1361-1362); M. Faucou. Prêts faits aux rots de France par Clément VI, Inno­ cent VI et le comte de IJcau/ort, dans bibliothèque de Γ École des chartes, 1879, t. XL, p. 570-578; E. Müntz, Inventaire des objets précieux vendus ά Avignon en 1353 par le pape Innocent VI,duns Itevue archéologique, 1882, t. xljii, p.217225; Johannis Porta dc Annonlaro, Liber de coronailene Karolt IV imperatoris, édit. R. Salomon, Hanovre, 1913 (concerne le couronnement de Charles IV sous Innocent VI); K. Burdnch et P. Piur, Prie/ivechsel des Cola dl Kienzo, 2 vol., Berlin, 1912 (a trait rux relations du pnpe avec Cola dl Rienzo). IL MONOGRAPlins. — G. Mollat, I^cs papes d'Avignon, 3* édit.. Paris, 1920; F. Kampers, Uebcr die Prophezclungcn des Johannes dc Itupescissa, dans llistorisches Jahrbuch, 1894, t. xv, p. 790-802; H. BOhlnu, Zur Chronologie der Angrlffe Klenkoth's wider den Sachsenspiegcl, dans Zelt· schrift der Sauigny Sti/tung, Gcrnu Abtheilung,\3S3, t.iv, p. 118-129 (action d’innocent VI contre le miroir saxon); J. Lulvês, Die Machtbestrebungen des Kardinalals bis zur Aufstellung der ersten ptipstlichen Wahlkapttulation, dans Qucllcn und Forschungen ans italienischen Archiven und Ütbliotckcn, 1910, t. xm, p. 73-102. Sur les guerres d’Italie, voir l’art. Albarnoz, dans le Dictionnaire d'histoire cl de géographie ecclésiastiques, Paris, 1Ό12, t. i.col. 1717-1723; E. Werunsky, Itallcnische Politik Papst Innocenz VI, Vienne, 1878. G. Mollat. 7. INNOCENT VII, pape (1401-1406). Corne Migliorato, originaire de Solmona, était,en 1379,chan­ celier de Capouc, et, en 1380, clerc dc la chambre du Sacré-Collège. On sait aussi qu’il fut prévôt de Valva, licncièen décrets, chapelain pontifical, collecteur apos­ tolique en Angleterre. 11 remplaça Pileo de Prata sur le siège de Ravennc (4 novembre 1387), puis fut nommé évêque dc Bologne (19 juin 1389). Le 18 décembre sui­ vant, Boniface IX le créa cardinal du titre dc SainteCroix dc Jérusalem. Le 9 mars 1390, il partit dc la curie comme légat en Lombardie et en Toscane, avec mission de réconcilier Galéas Visconti, d’une part, ct Florence et Bologne, de l’autre. Après le décès de Boniface IX, les cardinaux rédigèrent un compromis le 1 4 octobre 1404. Ils jurèrent, s’ils étaient élus papes, de terminer le grand schisme qui désolait l’Eglise ct dc renoncer à la tiare au cas où une abdication serait profitable. Élu le 17 octobre, couronné le 11 novembre, Innocent VII éluda constamment les promesses faites lors du con­ clave. Il refusa de s’aboucher avec Benoît XIII ct ne voulut Jamais consentir à abdiquer. Il sc contenta d'annonqcr la réunion d'un concile à Rome. Mais les cruautés dc son neveu, Louis Megliorato. lui aliénèrent les Romains. Innocent VII dut se réfugier à Vitcrbc. 11 mourut le G novembre 1406. Le pape brilla par son goût pour les sciences. Il 2002 réorganisa l'université dc Rome, Raynaldl, Annales ecclesiastici, ad annum 1406, § 2, ct y établit un pro­ fesseur de grec. L Sources. — K. Eubel, Da< Itinerar drr Papste zur Zetldrs grossen Schlsmas, dons Histarl.tches Jahrbuch,Lxvt, p. 559; II. l'inkc, Zum EonzlbprojcJde Innoccnz VU, dans Jïô/nüdie Quartatschrtjt, 1893, t. vn, p. 483-485; Thierry dc Nlem, De schismate librl 1res, édit. Erler, Leipzig, 1890. Π. Monographies. — N. Vntob, La France et le grand schisme d* Occident, Paris, 1901, t. ιπ; P. Brand, Inno· cenzo VU cd II dcllUo dl tua nipote Ludovico Miglforall, dans Studt e documenti dl slorla c dirilto, 1900, L xxi. G. Mollat. 8. INNOCENT VIII, pape (1484-1492.) JeanBaptiste Cibo, naquit à Gênes, en 1132, d’Arano Cibo, qui en 1455 sera membre du sénat de Rome, et dc Teodorina de’ Mari. Il passa sa jeunesse a la cour dc Naples, puis 11 alla étudier à Padoue ct à Rome. Dans ccttc dernière ville, il obtint la faveur du cardinal Calandrini, demi-frère dc Nicolas V. Paul II lui donna l'évêché de Savone, ct Sixte IV celui d’Amalfl. En 1473, Cibo fut créé cardinal-prêtre, du titre de Saintc-Balbinc; dans la sujte.il « changea ccttc église pour celle dc Sainte-Cécile. A la mort de Sixte IV (1484), il fut élu pape ct prit le nom d’in­ nocent V1IL Le choix des cardinaux était malheureux. Cibo avait eu des mœurs très libres. Une épi gramme dira dc lui, avec un jeu dc mots sur son nom de pape : Octo Nocens pueros genuit tolidcmquc puellas; Hunc merito poterit dicere Roma patrem. Sans doute, au lieu dc ccs seize enfants, l'histoire n’en peut citer que deux dc vraiment authentiques, Teodorina ct Franccschetto; et il les eut avant d'en­ trer dans les ordres. Mais ccttc famille pesa lourdement sur sa vie. Ainsi, nu mois de janvier 1488, Il mariait solennellement Franccschetto avec Madeleine, ülle dc Laurent le Magnifique ct sœur du futur Léon X. Les noces curent lieu au Vatican. C’était la première fois que l’on voyait ainsi le fils d’un pape reconnu en quelque sorte dc façon officielle, ct faisant à cc titre son entrée sur la scène politique. Cibo manquait donc de sens moral. Mais il n’y avait rien là pour détourner ses collègues dc felire comme pape. Par des choix très malheureux, notamment dans sa famille. Sixte IV avait mondanisé le collège des cardinaux; de là, plus tard, les choix d'Alexandre VI ct dc Jules II. Par contre, Innocent VIII avait les qualités faciles ct les défauts attrayants qui rendent populaire : il était accueillant, aimable ct allait même jusqu’à la bonté; il n'y n qu’une voix pour parler de sa faiblesse, de son laisser-aller ct dc son manque de caractère. Puis, il fut fortement appuyé par le car­ dinal Julien dc La Rovère, le futur Jules IL Des promesses tirent le reste : l’élection d'innocent fut entachée de simonie; à son entrée dans le conclave, il avait signé avec scs collègues un pacte électoral, ct, dans la suite, il dul même faire à plusieurs d'entre eux des promesses beaucoup plus précises. La cour d* Innocent ressembla Λ peu près Λ la cour des petits princes italiens de Γ époque· La plupart des car­ dinaux étaient de grands seigneurs mondains. Parmi ceux-là, les plus en vue étaient Ascagnc Sforza, Riario, Orsini, Sdafenatus, Jean de la Balue, Julien de La Rovère, Savelll et Rodrigue Borgia. Ils allaient à la chasse, jouaient gros jeu, sc livraient aux plaisirs dc la table, donnaient des fêtes d'un luxe exlravagant, prenaient part aux amusements licencieux du carnaval, et sc permettaient des écarts scandaleux. La caisse pontificale était toujours à vide; le pape en vint à mettre sa tiare en gage. Il accentua donc lu vénalité des charges dc la curie. Les possesseurs dc ccs offices cherchèrent à s’indemniser aux dépens du | 1 J 2003 INNOCENT VIII public. Ces fonctionnaires, avides ct détestés en tous pays ne songeant qu’à leur intérêt personnel, toujours à In recherche dc nouveaux expédients pour exploiter les églises étaient naturellement opposés à toute me­ sure reforma triée. Delà, la plainte montante qu’à Home tout s’obtenait à prix d’argent 11 sc fonda même une véritable association pour vendre des bulles fausses. Manque dc caractère chez le pape, puissance ct rivalité des cardinaux, vénalité des fonctionnaires, tout explique que, sous cc pontificat, Borne ct les États dc l’Eglisc furent dans un état voisin dc l’anar­ chie; pillages, assassinats, violences y étaient des faits quotidiens. Au mois dc mars 1192, Laurent le Magnifique écrivait à son fils, le jeune cardinal Jean, plus Lard Léon X, que Rome était devenue « le rendezvous dc tous les vices ». Innocent protégea les lettres ct les arts. Sans attein­ dre sur ce terrain au mécénat d’un Sixte IV, d’un Jules II ou d’un Léon X, il sc place toutefois dans leur lignée. A Rome, il fit restaurer plusieurs églises ct reconstruisit Santa Maria in via lata. Près du Vatican, il fit construire le fameux Belvédère, que Jules II entreprit de relier au Vatican ; ct à cinq milles dc Rome la villa Magliana. A Rome travaillaient alors Antonio Pollajuolo, le Pinturicchio, Andrea Mantegna, Filippino Lippi ct le Pérugin. Innocent VIII essaya dc grouper la chrétienté dans une croisade contre les infidèles, ct notamment contre le Croissant. Mais en 1489 il finit par conclure un traité avec Bajazet II; le pape devait garder étroitement à Rome le fameux prince Djem, concur­ rent dc Bajazet; à cette fin, le sultan lui verserait annuellement 45 000 ducats. A Naples, sous l’influence dc Julien dc La Rovère, Innocent prit parti pour les barons contre le roi Ferrant. Finalement, le 11 septembre 1489, il l’excom­ munia, le dêposact réunit ses États à ceux dc l’Église; mais, en 1492, le pape et le roi se réconcilièrent. Dans trois bulles de 1486, Innocent déclara qu’Henri VII, dc la maison des Tudor, était le vrai roi d’Angleterre, par triple droit dc conquête, d’héri­ tage et de choix national; et il approuva son mariage avec Élisabeth, fille d’Édouard IV. C’est à la fin de cc pontificat qu’eut lieu la prise dc Grenade (2 janvier 1492), après quoi les Maures furent chassés d’Espagne. A Rome, cet événement fut l’objet dc grandes réjouissances. A cette occasion, Innocent donna à Ferdinand ct à scs successeurs le litre de Rot catholique. Mais cc qui doit ici nous arrêter davantage, c’est l’activité doctrinale d’innocent VI il. Dès 1484, il s’occupa à enrayer les agissements des juifs d’Espagne ou Maranos; les années suivantes, le prosélytisme des hussites et plus encore des vaudols. Mais deux actes touchant ù la doctrine sont surtout restés célèbres : la bulle contre la sorcellerie et la condamnation de Pic dc La Mirandole. Jusqu’au milieu du xiv· siècle, l'Églisc semble s’être peu occupée de la sorcellerie; on était plutôt porté à y voir une supercherie, et non un commerce véritable avec le diable. Aujourd’hui, dc graves théologiens, comme Hurter, ne croient pas à un art de la magic, c’est-à-dire à la faculté, posé certains signes, dc pro­ duire infailliblement des eflets extraordinaires, avec l’aide du démon. Au xiv« siècle, le pape Jean XXII accorda à la magic ct aux pratiques d’envoûtement plus d’attention qu’il n’eût sans doute été convenable. Le xv· siècle vit de retentissants procès dc magic, notamment celui de Gilles dc Rais. Pour la croyance aux sorciers, aux fées, aux apparitions, en un mot à tout un surnaturel frisant la contrefaçon, l’Allemagne a toujours été au premier rang. Dans cc pays, plus encore qu*ailleurs, les 2004 pratiques dc sorcellerie s'étaient alors fort malencon­ treusement développées. C’est contre ces pratiques que, le 5 décembre 1484, Innocent VIII lançait la bulle Summis desiderantes. 11 commence par y constater l'extension considérable que les crimes dits de sorcellerie ont prise en plusieurs parties dc l’Allemagne. « D’après ce qui est parvenu récemment à notre connaissance, dit-il,... beaucoup ’ de gens des deux sexes, oublieux dc leur salut, ct dé­ viant dc la foi catholique, ont de mauvais commerces avec les démons Incubes ct succubes. Par leurs incannations, charmes, conjurations ct autres superstitions sacrilèges, par des excès, crimes ct délits de sortilèges, ils font dépérir ct mourir enfants, petits des animaux, récoltes, raisins, fruits des arbres, hommes, femmes, troupeaux, bétail ct autres animaux, vignes, ver­ gers, prés, pâturages, blés, froments ct autres produc­ tions dc la terre. Par d’horribles soulTranccs tant internes qu’externes, Ils atteignent ct torturent hommes ct femmes, bêtes de somme, troupeaux, bé­ tail ct autres animaux. Ils empêchent la procréation des enfants... La foi même qu’ils ont reçue au baptême, ces gens la renient d’une bouche sacrilège; à l’insti­ gation de l'ennemi du genre humain, ils ne craignent pas dc commettre une foule d’autres forfaits, excès ct crimes, au péril de leurs âmes ct au mépris dc la majesté divine, donnant ainsi de mauvais exemples en foule. » Puis le pape s’adresse aux deux Inquisiteurs Henri Institoris ct Jacques Sprenger, dc l’ordre dc saint Dominique; il leur confère, sur la Haute Alle­ magne ct sur plusieurs autres parties dc ce pays, tout pouvoir pour poursuivre, emprisonner ct punir tous coupables, quelle que soit leur condition. C’est alors que ces deux inquisiteurs firent paraître leur livre devenu si fameux, le Malleus maleficarum, ou Maillet des sorcières (Cologne, 1486). Ce livre contient des récits extraordinaires. On y voit, par exemple, comment on produit la grêle ct la pluie : on fait un petit trou, on y verse dc l’eau ct on remue avec le doigt. Sprenger a connu une vieille femme qui, par ce procédé, avait détruit toutes les moissons ct autres récoltes, sur un mille de terrain, à vingt-huit milles de Salzbourg. Part. II, q. i, c. xv. Quand on lit cet ouvrage, on se convainc sans peine que c’était Institoris ct Sprenger qui avaient « fait parvenir à la connaissance > d* Innocent V III les faits indiqués dans la bulle de 1484; il les connaissait < par ouï-dire ». « Dans toute cette bulle, il n’y a pas trace de décision dogmatique au sujet de la sorcellerie. L’idée fonda­ mentale dc cc document est, l’auteur ne s'en cache pas, l’hypothèse, dc tout temps fermement soutenue par l’Églisc, de la possibilité d’une influence du démon sur l’humanité. » Pour les faits indiqués, le pape, per­ sonnellement, n pu être convaincu qu’ils étaient réels, ce point importe peu. Ici, son opinion n’a que la va­ leur d’une décision pontificale sur une question étrangère au dogme, comme serait, par exemple, une contestation au sujet dc la possession d’un bénéfice. Enfin, sur la sorcellerie elle-même, la bulle ne contient aucune prescription absolument nouvelle. L. Pastor, Geschichte der Pupste, 4« édit., 1899, t. m, p. 2G8; trad, franç., par Furcy-Renaud, 1898, t. v, p. 338-339. En I486 vint à Rome le fameux Pic de La Mirandole. Agé dc vingt-trois ans, il venait avec neuf cents thèses « sur la dialectique, la morale, la physique, la mathémathlquc, la métaphysique, la théologie, la magic ct la cabale. » Ces tlu ws fiaient en partie dc son inven­ tion, en partie empruntée » «aux monuments des sages chaldêcns, arabes, hébreux, grecs,égyptiens ct latins.» Il s’oflrait à une · outcnancc publique, sc soumettant du reste ui Jugement de l’Église. Des théologiens jugè­ rent certaines dc ces thèses suspectes d’hérésie; sur 2005 INNOCENT VIII — INNOCENT XI leur avis, Innocent refusa d’autoriser la soutenance; ! puis, par un bref du 4 août 1486, H condamna en bloc toutes les propositions. A ce moment, l’affaire s’obscurcit. Daté du 4 août» le bref ne fut publié qu’au mois de décembre. Dans l'inter­ valle Pic écrivit rapidement une défense dc scs thèses, ct, si Ton en croit ses ennemis, 11 l’antidata: par là, il semblait ne pas répondre au bref. Finalement, il sc retira dans une villa près dc Florence, ct s'y adonna à la prière; en 1491, il mourut tout jeune encore, au moment où, sous l’influence dc Savonarolc, il allait sc faire dominicain. On a prétendu que par un bref dc 1493 Alexandre VI avait abrogé la condamnation d’Innocent VIII. Le bref existe, mais 11 ne semble pas qu’il faille l'interpréter en cc sens. Du moins est-il que certaines thèses dc Pic étalent Inconciliables avec le dogme catholique: cc n'était pas réellement que . le Christ était descendu aux enfers; limité dans le temps, un péché mortel ne pouvait être puni dc peines éternelles; aucune science n'était plus capable que la magic ct la cabale dc démontrer la divinité dc Jésus-Christ. Voir l’article spécial. MuratorJ, Rerum Halicarum scriplores, 1734, L mb, p. 1079 sq.; t. xxiii, p. 87 sq.; Annali d'Italia, Milan, 1820, t. xn, p. 611 sq. ; Rnynnldl, Annales reel., an. 14841492; J. Burchnrdi, Diarium Innocenta VIII, édit. Gennarclli, 1854; édit. Thunsne, 1883. Par ailleurs, on trou­ vera une abondante bibliographie dans L. Pastor, Geschichte der Pdpslc seit dem Ausgang des M Htelaters, 1895, t. m, p. 167-268; trad. Furey-Raynaud, 1898, t. v, p. 225-360. Pour ce pape ct les suivants, on trouvera une bibliographie plus abondante dans les notices de la Rcalcncyklopddte fur protestantischc Théologie und Klrehe, 1901, par Benrnth. J. Paquier. 9. INNOCENT IX, pape (du 29 octobre au 30 décembre 1591). Giovanni Antonio Fachinctti, 1519-1591, avait étudié le droit à Bologne sa ville natale. A Borne, il s’attacha au cardinal Alexandre Farnèse, qui l’envoya en Avignon, comme son représentant ou vicaire. Pie IV lui donna l’évêché de Nicastro en Calabre. Puis Fachincttiprit part au concile dc Trente (1561), fut nonce à Venise (1566), ct sous Grégoire XIII eut à Rome des charges t rès importantes ; le 12 décembre 1583 il devint cardinal-prêtrc du titre des QuatreCouronnés ou Santiquaftro. Sous Grégoire XIV, tou­ jours malade, cc fut surtout lui qui eut la direction dc l’Église. A la mort dc Grégoire, il fut élu pape, favorisé par l’Espagne. Innocent IX était très habile administrateur; Il avait des mœurs pures et un noble caractère. Il gou­ verna sagement scs États, ct allégea aux Romains les suites d’une mauvaise récolte. Il favorisa la Ligue et l’Espagne contre Henri IV protestant. Très pru­ dent, il ne faisait rien sans prendre conseil. Il a laissé plusieurs écrits, mais qui n’ont pas été publiés. ClnconhiR. VHic ct res gestee pontificum romanorum, é*”t. Oldotnus. de 1677, t. iv, p. 235 sq.; Λ. CicnrcUn, conti­ nuateur de Bartholomæui Sncchl de Platina, De vitis ponti· ficum romanorum, Cologne, 1626, p.500sq.; L. dc Rrinke, Die rtmlschen Pdpsle In den letzten vlcr Jahrhundcrtcn, dans Œuvres complètes, Leipzig, 1881-1890, t. xxx vin, p. 149-150; trad. J. B. Hniber, Histoire de la papauté, 2· édit., 1848, t. n. p. 336-337. J. PaqüîeR. 10. INNOCENT X, pape (du 15 septembre 1644 nu 5 janvier 1655.) Giovanni Battista Pam fili, naquit Λ Rome le G mal 1574, d’une famille d’an­ cienne noblesse. 11 étudia le droit, fut auditeur dc la Rote sous Clément VIII ct nonce à Naples sous Grégoire XV; Urbain VIII l’employa dans plusieurs postes ou affaires d’importance; en 1629, il le créa cardinal-prêtre du titre dc Saint-Eusèbe. A la mort d’Urbain VIII, il devint pape. Trois traits marquèrent le gouvernement dc ses 1 2006 États : des poursuites contre les Barberini, neveux d’Urbain VIII ct protégés de Mazarin;l'influence persistantede labclle-sœurdu pape Olimpia Maidalchîna; des préoccupations pécuniaires dans l’administration de la justice. Les Barberini, ct panni eux le cardi­ nal Antoine, furent accusés dc concussion, ct finale­ ment dépouillés dc leurs biens. Toutefois la protec­ tion dc la France obligea le pape à les leur rendre. Olimpia Maidalchîna, homme plutôt que femme, exerça sur le pape son beau-frère une domination fâcheuse; toutes les affaires, ct surtout les faveurs, devaient passer par scs mains; et elle se faisait remarquer par la soif de l’or. Pour expliquer ccttc faveur, on a parlé dc relations coupables; aujour­ d’hui, à la suite de Ranke, on écarte généralement cette supposition. Par suite surtout des convoitises d’Olimpla, la caisse pontificale était constamment à vide; pour remédier à ccttc pénurie, on permettait à ceux qui avaient encouru des condamnations de sc racheter à prix d’argent. Cette faiblesse entravait toutes mesures pour le rétablissement dc l’ordre dans les Étals dc l'Eglisc. Ainsi, bien qu'innocent X fût aimable ct affable, bien qu’il parût avoir des inten­ tions droites, le gouvernement dc scs Étals fut en général malheureux. Cc pape favorisa les arts. Malheureusement aussi, cc n’était pas un Bramante, c’était un Bcrnln qu'il avait sous la main. Le Bcrnln détériora l’intérieur dc Saint-Pierre; toutefois il se racheta quelque peu par la belle ordonnance dc la place Saint-Pierre, qui est son œuvre propre. Urbain VIII avait été favorable à la France; Inno­ cent X fut pour les Habsbourg. Il promut des cardi­ naux en cc sens; il refusa dc reconnaître l’indépen­ dance du Portugal, alors en guerre avec l’Espagne. Au contraire, dans scs poursuites contre les Barberini, dans les difficultés de Mazarin ct dc la cour dc France avec le cardinal dc Retz ct la Fronde, il fut loin dc chercher à être agréable à la France. En Italie, il eut des difficultés avec le duc dc Panne, Rainucc II, ct avec la République dc Venise, dans les deux cas sur­ tout à cause de la nomination aux évêchés. En 1648, la paix de Wcstphalic sc conclut à peu près en dehors du pape, contrairement à la pratique du moyen Age. Innocent protesta par la bulle Zelus domus mete, du 26 novembre 1648. Mais ccttc bulle eut peu de retentissement. Le grand acte doctrinal d’Innocent X fut la con­ damnation du jansénisme ct des cinq fameuses pro positions, par la bulle Cum occasione, du 31 mai 1653. Voir Jansénisme. Ciaconius,édit, de 1677, t. iv, p. 641 sq.; Palotius. Gesta pontificum Romanorum. 1688. t. xv, p. 571 sq.; Gunldus (pseudonyme de Gregorio Leti), Vita dc donna Olimpia Maidalchîna, 1666 (peu véridique); L. Ranke, op. clL, Λ la bibliographie d’innocent IX. Un utilisé plusieurs sources manuscrites dont une entre autres n été publiée depuis lors : Rclazion l degll Statl Europci idle al senate dagll ambasclatori Veneti nel secolo J[ VU, rnccolte rd annotate da Nie. Barozzl c Guglielmo Berchet, Série 11 f, Italia, Rela· ilonl d( Rama, Venise, 1878, t. il. J. Paquier. 11. INNOCENT XI, pape (du 21 septem­ bre 1676 au 12 août 1689). Benedetto Odescalchi, était né à Côme, le 16 mai 1611; sa famille s'était enrichie dans le commerce. 11 fit ses humanités dans sa ville natale, sous la direction des jésuites; puis il étudia le droit à Rome ct à Naples, ct il entra à la curie sous Urbain VIII. Il fut protonotaire, président dc la Chambre apostolique, eut des missions à l’étran­ ger, ct en 1645, fut créé par Innocent X cardinal-diacre du titre des Saints-Côme-et-Damien; peu après, 11 devint cardinal-prêtre du titre de Saint-Onuphre. Simple, pieux et vertueux, avec un grand sens du 2007 INNOCENT XI devoir, désintéressé, dévoué aux pauvres, 1! avait l’estime générale. Le 21 septembre 1676, malgré l’opposition de Louis XIV, le conclave le choisit pour succéder à Clément X. Dans l'administration des États de l'Église, il fit une série de réformes fort sages : il sc déclara contre le népotisme, abolit les sinécures, ferma les maisons de jeu, introduisit partout l'économie. A son avènement les finances étaient dans un état déplorable; par ces mesures, il eut bientôt fait d’y rétablir l’ordre. En 1663,il réagit énergiquement contrôles modes incon­ venantes. Dans l’administration générale de l’Église, il rappela les religieux â la stricte observance de leurs vœux et prit grand soin des choix â faire pour les dignités ecclésiastiques. 11 recommanda renseignement du catéchisme, une prédication vraiment chrétienne et de la dignité dans le service divin. Dans le gouvernement de l’Église, plusieurs grandes affaires remplirent son pontificat : trois sont plutôt d'ordre administratif: la lutte contre les Turcs; la révolution de 1688 en Angleterre, des difllcultés avec la France; trois sont d’ordre doctrinal : la condamna­ tion du gallicanisme, qui sc rattache â ses difllcultés avec la France; celle de propositions d’une morale facile, à laquelle se rattache la lutte contre le pro­ babilisme; enfin, celle du quiétisme. Au lendemain même de son élection, en notifiant son avènement aux princes chrétiens, il les suppliait de faire la paix, et de sc tourner contre les Turcs. En 1678, survint le traité de Nimègue; malheureusement, Louis XIV et les Habsbourg ne purent s’entendre pour faire front contre les Turcs. Mais Jean Sobieski, roi de Pologne, vint au secours de Léopold I»r; le 12 septembre 1683, il sert la messe, communie, et bat les Turcs sous les murs de Vienne. L’empereur ne lui en eut pas de reconnaissance; dans la suite, il ne l’aîda pas à repousser l’invasion des Tortares. Mais la chrétienté était sauvée. La bataille de Vienne mar­ qua le commencement du déclin de la puissance otto­ mane; on a comparé cette victoire à celles de Poitiers, de Navas de Tolosa et de Lépante. Depuis le retour des Stuarts (1661), la GrandeBretagne ne cessait de vivre dans l'inquiétude. Le passé de Charles II, son mariage avec une princesse catholique, tout avait fait espérer que cc prince proté­ gerait les catholiques. Mais il fut à la fois l’un des rois les plus débauchés de son temps, et l'un des plus tracassiers en matière de religion (1661-1685). Et depuis 1672, les catholiques furent tout particulièrement visés. Depuis plusieurs années, son frère et successeur Jacques II était publiquement catholique. Innocent XI lui conseilla la prudence dans la protection du catholicisme et le respect des libertés parlementaires. Louis XIV, au contraire, le poussait aux mesures de réaction religieuse et à l'établissement du pouvoir absolu. Ce fut Louis XIV qui fut écouté. Le méconten­ tement alla grandissant. Enfin, le 5 novembre 1688, Guillaume d’Orange débarquait en Angleterre, à la tête d’une armée de 16 000 hommes, avec un drapeau sur lequel était écrit : · Pour la religion et pour la liberté ». La nation le suivit, et Jacques II sc retira en France. Guillaume avait fait dire à Innocent XI qu’il pre­ nait les armes pour la défense de la religion et de l’Empire contre Louis XIV. A ces allégations, Inno­ cent ne prêta qu’une oreille distraite. Mais il n’alla pas jusqu’à protester contre l’entreprise : la tension de •es relations avec la France, les maladresses de Jac­ ques Il aident à faire comprendre cette attitude. La fin du moyen âge avait proclamé le pouvoir direct du pape sur les puissances temporelles. Les siècle· suivants marquèrent une réaction, qui; natu­ 2008 rellement, alla trop loin. C’est à cette réaction qu’appartiennent les démêlés de Louis XIV avec Innocent XL Le point de départ en fut « le droit de régale ·. On appelait ainsi le droit que s’attribuait le roi de France, pendant la vacance d’un évéché, d’on per­ cevoir les revenus, et de nommer aux bénéfices qui en dépendaient, jusqu’à ce que le nouveau titulaire eût prêté serment de fidélité. Il y avait donc là une régale temporelle, la perception des revenus, et une régale spirituelle, la nomination aux bénéfices vacants. La régale spirituelle était évidemment inadmissible, et du reste Louis XIV finit par l’abandonner. La question de la régale temporelle était plus complexe. Dans le haut moyen âge, lorsqu’il était à craindre que la vacance d'un siège n’cntratnât le pillage des biens de l'Église, le prince temporel se chargeait du maintien de l’ordre; en compensation, la coutume s’étaitétablie qu’il perçût le revenu des biens. En 1274, le II· concile de Lyon défendit sévèrement Vextension du droit de régale temporelle, et exhorta ceux qui étaient en possession de ce droit à ne pas en abuser. Or, le 10 février 1673, une ordonnance royale étendait le droit de régale à tous les diocèses de France. Les évêques des diocèses exempts de la régale étaient requis de faire enregistrer, dans, le délai de deux mois, leur serment de fidélité à la Chambre des comptes; fau tede quoi larégalese rai t ouverte dansleurs diocèses. Deux évêques protestèrent : François Pavillon, évêque d’Alct, et François Caulct, évêque de Panders. C’étaient deux prélats d’une piété et d’une austérité exemplaires. Pavillon et même peut-être Caulct avaient fini par adhérer au jansénisme. Innocent XI les sou­ tint. Mais Pavillon mourut en 1G77 et Caulct en 1680. Le gallicanisme parut partout triomphant : au par­ lement et à la Sorbonne; à l’assemblée du clergé de France, du mois de juillet 1680; à Rome même où le duc de Créqui Imposait ses conditions à la cour pon­ tificale. Mais, à cc moment même, Louis XIV fait un nouvel acte d’autorité; il fait établir par scs légistes qu’il a le droit de nommer les abbesses aussi bien que les évêques et les abbés. De 1677 à 1681, il s’enfonce en un conflit violent avec le pape au sujet de la nomi­ nation de l’abbesse du monastère de Charonne. Il en arrive à craindre l’excommunication. Dans ces con­ jonctures, Il résolut de mettre le clergé de France entre le pape et lui. De là la fameuse assemblée et les quatre articles de 1682. L’archevêque de Paris, Harlay, en fut l'âme; il était intelligent, bon théologien, mais de mœurs légères et de peu de caractère. Louis XIV voulut que Bossuet fît partie de l’assemblée; il en fut le modérateur. On s'occupa d’abord de la régale. On décida que les bénéficiers à charge d’âmes nommes par le roi devraient obtenir l’autorisation canonique; c’était à peu près abolir la régale spirituelle. Par contre, on étendit à tous les évêchés le droit de régale temporelle. Mais c’est la tendance française, et c’était notam­ ment celle de Louis XIV, de vouloir étayer sa conduite sur des principes généraux, clairement établis. On entreprit donc un débat sur le fond même de toutes les questions agitées, c'est-à-dire sur l'autorité du pape. Quelle est l’étendue de cette autorité? Quelles en sont les limitations? Certains évêques, Harlay, archevêque de Paris, Le Tellier, archevêque de Reims, Choiseul-Praslin, évêque de Tournai, étaient très opposés au pape en faveur du roi. Bossuet fit adopter des solutions plus modérées. 11 rédigea les quatre fameux articles de 1682; le plus important était le dernier, qui niait rinfaillibilité doctrinale du pape. Voir Bossuet et Declaration de 1682. Innocent ne condamna pas directement les quatre ». £ . · · /; 2009 I articles; mais H refusa les bulles d'institution â tout i membre de rassemblée que le roi nommait aux évêchés. Et comme Louis XIV ne présentait que ccux-ΐά. Il s’ensuivit qu'au mois de janvier 1G88, trente-cinq sièges étaient vacants. A cette époque, un nouvel Incident vint aigrir les rapports entre la papauté et la France. Peu à peu les ambassadeurs catholiques résidant à Borne avaient étendu ù tout leur quartier le droit d'asile et de fran­ chise dont jouissait leur hôtel. De là, pour la justice romaine, l'impossibilité d’atteindre quantité de cri­ minels. Sur la demande d’innocent, la plupart des États étrangers renoncèrent à cet abus. Louis XIV s’y refusa. Son nouvel ambassadeur, le marquis de Lavardin, entra dans Borne avec200 hommes armés, pour occuper le quartier Farnese. Innocent l’excommunia. Le roi fit saisir Avignon; et le 2 1 septembre 1688, en présence du père de La Chaise, son confesseur, jet de M. de Harlay, archevêque de Paris, il donna ordre au procureur général d’interjeter appel au futur concile de toutes les procédures faites ou à faire par le pape à son endroit. Le 12 août 1689, Innocent XI mourut. Alexan­ dre VIII, son successeur, continua et accentua même son attitude. La réconciliation se fit sous le successeur d’Alexandre, Innocent XII. Le pape donna des bulles aux évêques nommés qui déclarèrent sc repentir de ce qu’ils avaient fait en 1682, et le roi écrivit au pape qu’il renonçait à son édit de cette année-là (1693). Innocent XI lutta pour une morale rigoureuse, et 11 témoigna même de quelque bienveillance pour les jansénistes. On a dit qu’il pensa nommer Antoine Arnauld cardinal; il aurait posé comme seule condi­ tion qu’Arnauld sc détachât des gallicans. Mais cc bruit vient d’une interprétation trop favorable d’une lettre que Cibo, le cardinal secrétaire d’Ètat, écrivit à Arnauld au nom d’Innocent (2janvier 1677), Œuvres d’Amauld, 1775,1. 1, p. 772.Par contre, Innocent fut constamment en lutte avec les jésuites.En 1676,11 les exclut des missions du Tonkin et de la Cochlnchinc, et il leur défendit de recevoir des novices. Les jansé­ nistes voulurent donnerlc change sur les condamna­ tions qui les avalent frappés; en 1677, deux de leurs amis, Pierre de Montgaillard, évêque de Saint-Pons, et Guido de Rochechounrt,évêque d’Arras, déférèrent à Rome des propositions d’une morale relâchée. On dit qu’elles étalent tirées d’Escobar, Suarez, Busenbaum, et autres théologiens jésuites. Le 2 mars 1679, le pape condamna 65 propositions de cc genre. Den­ zinger-Bannwart, n. 1151-1215. Dans le même temps, le pape entrait en lutte contre le probabilisme. Vers 1673, le jésuite espagnol Thyrse Gonzalès avait composé un ouvrage. Fundamentumtheologùvmoralis* où il attaquait fortement le probabilisme. Les révi­ seurs de l’ordre et le général Jean-Paul Oliva (vicaire, général, puis général de la Compagnie, de 1661 à 1681) lui refusèrent l'autorisation de le publier. Gonzalès fit monter ses doléances jusqu’au pape, etcclul-d en saisit In congrégation du Saint-Office. Innocent et le Saint-Office prirent position contre le probabilisme; Je 26 juin 1680, ils portèrent un décret en ce sens. Cc décret comprend deux parties. La première contient des encouragements nu P. Gonzalès ù conti­ nuer dans la vole où il était entré; le cardinal secré­ taire d’État devait le lui faire savoir au nom du pape. De la seconde partie, nous avons trois rédactions différentes. La première a été transmise par le SaintOfilcc, en 1G93, au P. Gonzalès, devenu général de son ordre, et publiée par lui la même année : les pères de la Compagnie, y lit-on, doivent avoir la liberté d’écrire en faveur du probabiliorismc et de combattre le pro- 2010 babillsme; les universités, ou écoles théologiquel des jésuites, doivent être averties de cette liberté. Des deux autres formes du décret, l’une a été publiée en 1734, par Ballcrinl, prêtre séculier grand adversaire du probabilisme, l’autre en 1745, par le P. Gagna, jésuite. Elles ne diffèrent entre elles que par des nuances, et c'est celle de 1745 qui doit être préférée. Plus Incisive que la version publiée en 1693, cette seconde forme du décret défend aux jésuites d’écrire en faveur du probabilisme et de combattre le probabiliorismc. De la version de 1693 ou de celle de 1745, quelle est celle qui a été transmise au P. Oliva en 1680? Vraisemblablement celle de 1693; l'autre forme, qui du reste sc trouve certainement dans les archives du Saint-Office, aurait été un premier projet Des doubles de cc genre ne sont pas rares. Que fit Oliva? 11 ne publia pas le décret (cc à quoi du reste II ne semble pas avoir été strictement obligé), et jusqu’en 1693 cc décret resta complètement ignoré. Il se boma à en écrire à la Compagnie, et dans des termes assez va­ gues (10 août 1680). Il défendait · d'affaiblir par des doctrines trop molles la rigueur de la discipline chré­ tienne », mais aussitôt 11 ajoutait : « Ce n’est pas toute­ fois que nous soyons contraints, en toute question controversée, de rejeter les opinions plus bénignes. » Innocent fut mécontent de 1^ conduite d’Oliva; en 1687, à la mort du général Charles de Nov elle, il pesa sur la Compagnie et lui fit donner pour succes­ seur Thyrse Gonzalès lui-même qui fut général jus­ qu’en 1705. La condamnation de Michel de Molinos et du quiéI tlsmc est l’une des condamnations doctrinales les plus Importantes de l'histoire de l’Eglise. Mais elle est encore entourée de quelque mystère. En 1910-1911, j'al essayé de l’éclairer, par la consultation des archives du Saint-Office. Mais je me suis heurté à des refus répétés. Précédemment, pour scs études sur le xm· siè­ cle, L. Pastor n’avait pas été plus heureux. Voir Jïfs(orisches Jahrbuch, 1912, t. xxxm, p. 479-482. Pour quelle raison ces archives restent-elles encore fermées, alors que désormais toutes les autres archives ponti­ ficales sont publiques? A cause de la nature très déli­ cate des documents qu’elles renferment, par exemple, enquêtes sur la doctrine et la conduite des évêques? Plus simplement, m’ont dit certains, parce qu’elles attendent un classement et des catalogues. La condamnation de Molinos est très importante, non seulement au point de vue doctrinal, mais â cause de l’antagonisme qui s’y accentua entre Louis XIV et les jésuites d’un côté, Innocent XI et Molinos de l’autre. En France cl un peu partout, on insiste beau­ coup trop sur le quiétisme de Mme Guyon et de Fénelon, qui n’est qu'un demi-quiétisme; il faudrait s’attarder davantage û celui de Molinos. A l’article Molinos, on trouvera des développements sur l’histoiro et le fond de ce quiétisme. Ici; Il est sans doute bon de présenter déjà quelques remarques sur le rôle personnel d’Innocent XI dans cette affaire. Cc rôle n’est pas encore complètement éclairci. Mais Innocent fut évidemment favorable ù Molinos. On a dit qu’il avait songé à le créer cardinal. En 1680, le jésuite Paul Segneri, soutenu par son général Jean-Paul Oliva, attaque la nouvelle méthode de spiritualité. Alors cc fut la tempête. Le 26 novembre 168t, l’ou­ vrage de Segneri est condamné par le Saint-Office. Quelques mois auparavant ( 14 avril 1681), Innocent XI avait nommé évêque d’Iesl l’oratoricn Pierre Matthieu Petrucci, ami intime de Molinos. Les années suivantes, des ouvrages antiquiétistes sont condamnés; le mou­ vement quiétlste en est accentué. Tout à coup, la scène change; le 16 juillet 1685. Molinos est mis en prison. Il devait y rester jusqu’à sa mort. Le 17 août suivant, Louis XIV écrivait ù son II ii 2011 INNOCENT NI homme dc confiance à Home, le cardinal d’Estrées : « L’emprisonnement du docteur Molinos ct les égare­ ments dc sa doctrine font bien voir que le pape ne donne pas moins de créance à une dévotion apparente qu’à une véritable, ct il serait à souhaiter que cet événement pût détromper Sa Sainteté de toutes les fausses impressions qu’il a reçues dc semblables gens. Je serai bien aise de savoir quelle sera la suite de ccttc procédure. > Et le 1er octobre 1687, après la condam­ nation dc Molinos : « Si le pape voulait faire réflexion sur la confiance qu’il a accordée à Molinos, à Pétrucci ct à d’autres, il avouerait de bonne foi qu’il ne doit pas condamner ceux qui ne conviennent pas dc son infaillibilité, ct que cc ne doit pas être une raison qui l’cmpèchc d’accorder les bulles à ceux que j’ai nom­ més. » E. Michaud, Louis XIV ct Innocent, XI, 1883, t. jv, 458, 466. Non, rinfaillibilité du pape, telle qu’elle est mainte­ nant définie par le concile du Vatican, n’était nulle­ ment engagée par la faveur d’innocent pour Molinos et Pétrucci : le pape était loin d’avoir imposé officiel­ lement comme un dogme la doctrine dc ccs deux hommes. Aujourd’hui encore, les théologiens s’ac­ cordent à dire que, comme homme privé, le pape pourrait même devenir vraiment hérétique. En 1310, Clément V n’a-t-ll pas consenti à introduire officiellcment un procès d'hérésie contre son prédécesseur Boniface VIII? Mais au xvn· siècle, et dans l’ardeur d’une lutte passionnée, on comprend qu’un roi, un laïque, n’ait pas fait ces distinctions; dans toute l’aiTairc dc Molinos, Louis XIV eut à cœur dc mon­ trer que des deux antagonistes, lui ct Innocent XI, le vrai chrétien c’était lui. D’après la rumeur publique, c’était le cardinal d’Estrées qui avait dénoncé Molinos; au nom dc Louis XIV, Il aurait reproché à Innocent sa conduite : alors que le roi faisait tous scs efforts pour éteindre l’hérésie dans scs États, il s’étonnait étrangement que le pape protégeât un hérétique dans sa propre capitale. Le pape, disait-on, avait été mécontent dc cette dé­ nonciation, mais il n’avait pu sembler l’ignorer et U avait transmis l’aiTairc au tribunal du Saint-Office. Dans une lettre du 11 septembre 1685, d’Estrées se défend d’avoir pris ccttc initiative. P. Dudon, Le qulélisle espagnol Michel Molinos (1628-1696), Paris, 1921, p. 168. Puis, on reste près dc deux ans sans voir avancer le procès de Molinos ct des qulétlstes. Mais au mois dc février 1687, les poursuites contre eux reprennent, ct avec une grande activité : · En moins d’un mois, près dc deux cents personnes furent mises à l’inquisition. Tout le monde avait peur pour soi, et l’on ne croyait pas qu’il y eût dc voie sûre que de dire Amen à tous les sentiments des jésuites. Qui aurait pu sc croire à couvert de tout soupçon, puisque le pape ne put s’en garantir ct qu’on le fit passer pour un des fauteurs dc la nouvelle hérésie; en conséquence dc quoi l’inqui­ sition lui envoya des députés, pour l’examiner làdessus, non en qualité dc souverain pontife, de vicaire de Jésus-Christ, dc successeur de saint Pierre; mais en qualité de Benedetto Adcscalchi, ou de simple particulier. » Recueil..,. 1688, p. 311. Comme on l’a vu, la distinction apportée Ici est fon­ dée en théologie. Mais, en fait, cc bruit ne paraît pas reposer sur des données très sérieuses. Peut-être sim­ plement une députation fut-elle envoyée à Innocent pour lui représenter la nécessité d’en finir avec Molinos. A partir du mois dc février 1687, le procès fut acti­ vement poursuivi. Par contre, à cette époque, CaralTn, Ciceri ct Pétrucci, trois amis dc Molinos, furent créés cardinaux : promus le 2 septembre 1686, ils reçurent le chapeau le 22 mal 1687. Par ccttc dignité, Pétrucci, le plus lié avec Molinos, devait éviter plus facilement 2012 les poursuites dc l’inquisition. On lut alors sur le torse dc Pasquin : Crimine sunt similes, verum impare sorte : Ostrum Petrucius, vincla Molinos habet. Enfin, le 28 août, ΓInquisition jmrta son jugement: clic condamna G8 propositions dc Molinos. DenzingcrBannwart, n. 1221 sq, Lui-même dut faire une abju. ration publique (3 septembre 1687), ct fut condamné à la prison perpétuelle. Quelque temps après, Petrucci fut jugé à son tour. Jusqu’à ces dernières années, tout ce qui concernait son procès était resté dans la plus grande obscurité. Mais les PP. Hilgers ct Dudon ont publié le bref de sa condamnation, ct cc bref nous renseigne sur toute la suite dc la procédure. J. Hilgers. Der Index, 1904, p. 563-573; P. Dudon, Le quiéliste espagnol Michel Molinos, 1921, p. 299-306. Des ouvrages dc Pctrucdjc tribunal avait tiré 34 propositions condamnables. La rétractation eut lieulc 15 décembre 1687,dans le palais du cardinal Clbo, en présence dc ce cardinal, du com­ missaire général dc l’inquisition ct dc deux témoins. Puis Pétrucci fut maintenu dans toutes ses dignités, ct défense fut faite dc l’inquiéter à l’avenir au sujet dc scs erreurs. Mais le 5 février 1688, en conséquence du jugement porté, ses ouvrages furent condamnés par le Saint-Office. Dans l’Index de L^on XIH, de 1900, Pétrucci est le seul cardinal dont on trouve des ouvrages condamnés pendant le cardinalat ; là encore, la querelle du quiétisme devait être dans l’Églisc une particularité unique. Pour expliquer la faveur dont Innocent XI entoura les quiétistes, on a mis en avant une insuffisance dc formation théologique. D’abord ihie s’était pas destiné à l’état ecclésiastique; les mauvaises langues préten­ daient même qu’il ne savait pas le latin; dans le conclave où il fut élu, un cardinal sc serait écrié : « Donnez-nous du moins un pape qui entende le latin du bréviaire ct du missel, n M. Je Vassor, Histoire du régne dc Louis XIII (œuvre très protestante), 3· édit., Amsterdam, 1711, t. iv, p. 70. Il faut surtout ajouter qu’il n’était pas aisé dc voir le danger dc la direction spirituelle dc Molinos. Le quiétisme répondait aux tendances de l’époque; 11 a été Γ hérésie spécifique de la fin du xvn· siècle. En outre, on a fait très justement remorquer qu’assez souvent les écrits dangereux sont susceptibles de plusieurs sens, et que, pris dc certains côtés, on peut les entendre en un sens orthodoxe; c’est spécialement le cas pour les écrits dc Molinos. Des jésuites dc renom, comme Martin d’Esparza, donnè­ rent dans le quiétisme ; ct dans les années qui suivirent la condamnation dc Molinos, on mit à V Index des ouvrages dc spiritualité qui circulaient dans l’Églisc depuis le commencement du siècle. J. Paquier, Qu'est· ce que le quiétisme, 1910, p. 12. Dans les dernières années dc son pontificat, la piété d’innocent XI alla encore en s’accentuant. Quelques instants avant sa mort, un ambassadeur lui ayant dit que son maître prendrait sous sa protection la famille du pape, les Odcscalchi, Innocent répondit : «Je n’ai ni maison, ni famille; ce n’est pas pour l'avantage dc mes parents que Dieu m’a prêté la dignité pontificale, mais pour celui dc l’Églisc ct dc son peuple. > Il laissait une telle réputation dc sainteté qu’ aussitôt l’on s’occupa dc recueillir les informations en vue de le canoniser. L’enquête juridique fut achevée en 1692, ct la cause fut introduite par Clément XI, le 16 juin 1714. Le décret sur Γ absence de culte (de non cultu) fut rendu le 15 octobre 1714, celui sur la réputation de sainteté en général (dr fama sanctitatis in genere), le 22 janvier 1724. On commença alors le procès sur les vertus et le miracles; en 1736, la S. C. de» Rites constata la validité dc toutes ces procédures. Mais 2013 INNOCENT XI — INNOCENT XII dans son Dictionnaire, Bayle avait accusé Innocent d’ambition et autres défauts. Pour examiner ces accu­ sations, Clément XJ 11 institua une congrégation par­ ticulière dc cardinaux. Benoit XIV voulut la prési­ der lui-même; le poAulatcur de la cause répondit à toutes les objections du promoteur dc la foi, et le pape décida dans le même sens. Pourtant, ù cc moment, tout s’arrête; depuis plus de 150 ans la cause n’a plus fait un pas; il n’y a plus dc postuiatcur pour s’en oc­ cuper, faire les instances nécessaires ct sc procurer les fondsàcctcffct. Or, disait lecardinal Mermillod, «Rome ne crée pas, clic confirme.» Ce qui veut dire que, dans l’espèce, il est Λ présumer qu’elle ne prendra pas les devants; à moins d’une initiative privée, le procès ne sera pas continué, et les choses resteront en l’état présent. Léon XI11 a cherché à intéresser Λ la cause la famille Odescalchi, mais sans effet. Battandlcr, Annuaire pontifical, 1901, p. 525 : liste des causes en suspens devant la S. C. des Rites. Analecta juris pontificii. It· série (1872), p. 271-327; 20· série (1881 ), p. 35-37, 1132-1131; documents sur Inno­ cent XI, ct surtout actes dc son procès de canonisation (documents importants ct peu connus). Il y n plusieurs Vics d’Innocent XI; voir Palatins, Gesta pontificumroma· norum, Venise, 1690, p. 1 sq.; Guamnccius, VILr et rrs gestie pontificum romanorum, Rome, 1751, t. r, p 105 sq.; les publications dc G.Bcrthier, Rome, 1889-189o; Immisch, Papst Innocent XI, Berlin, 1900. Sur les relations avec la France : Gérin, Recherches his­ toriques sur rassemblée de 1652, Paris, 1869; L*ambassade de Lavardin et la séquestration du cardinal-nonce Ranuzzi, dans la Revue des questions historiques, octobre 1871; Le pape Innocent XI ct la révolution anglaise de 16SS, tbid., octobre 1876; J-e pape Innocent XI et la révocation de l'édit de Nantes, tbid., octobre 1878; Michaud, ImuIs XIV et Inno­ cent XI, 4 vol., 1882 sq.; J. dc Récaldc (pseudonyme). Le message du .Sacré-Cœur d Louis XIV cl le P. de Im Chaise, Paris, 1920. Sur les querelles avec les jésuites, ct notamment sur le probabilisme : J. Dœllingcr ct H. Reusch, Geschichte der Moralstreitigkcilcn in der romisch-kalholischen Kirche, 1889,1.1 ct n; surtout les articles du P. Brucker, dans les Études, mars 1901-novembre 1903, ct du P. Mundonnct, dnns la Revue thomiste, septembre 1901-janvier 1903; tirage A part, Paris, 1903; voir aussi Franz ter Haar, Dos Dekrct des Papsles Innocens XI liber den Probabilismus, Paderborn, 190-1; J. Brucker, La Compagnie de Jésus, 1S21-177J, 1919, p. 524 sq. Sur le quiétisme : G. Burnet (évêque anglican), Voyage de Suisse, d'Italie ct de quelques endroits d'Allemagne ct de France, fait és années IGS5 ct IG36, Rotterdam, 1687; (Protestant anonyme). Trois lettres concernant l'etal présent dc Γ Italie, écrites en 1637, [four servir de supplément aux lettres du D· Burnet, Cologne, 1688; (Protestant nnnoyme), Recueil dc diverses pièces concernant le quiétisme ct les quielistes; ou Molinos, ses sentiments cl ses disciples, Amsterdam, 1688; C. E. Scluirling, Michael Molinos, trad. all. du danois, dnns Zeitschrift fur historicité Théologie, 1854; IL IIcppc, Geschichte der quietischen Mystik in der kathotischen Kirche, 1875, (médiocre); Marccllino Menendez Pclnyo, Historia dc las hétérodoxes espanoles, s. d. (1880?) t. u; Bigelow, Molinos the Quletlst, New- York. 1882 (doit être médiocre); E. Michaud, Louts XIV et Innocent XI, 4 vol., 1882 sq.; J. Hilgers, Der Index der uerbotenen Bûcher, 1904; J. Va­ quiez, Qu* est-ce que le quiétisme? 1910; P. Dudon, divers articles dans les Recherches de science religieuse, juillet 1911-août 1920; dans la Revue d'ascétique ct de mystique, janvier 1919-août 1920; ct surtout Le qulélisle espagnol Michel Molinus, 162S-16DG, Paris, 1921. J. Paquikk. 12. INNOCENT XII, pape (du 12 juillet 1691 au25septembre 1700). Antonio Pignatclll (IG 15-1700), appartenait Λ une vieille famille dc Naples. Il fit ses études h Rome, chez les jésuites. Il fut succes­ sivement vice-légat d’Urbin, gouverneur de Pérouse, nonce h Florence, en Pologne et à Vienne. En 1681, Innocent XI le créa cardinal ct, en 1687, archevêque de Naples. Λ la mort d’Alexandre VIII, successeur d'innocent XI, il fut élu pape (12 juillet 1691); par 2014 admiration ct reconnaissance po»r Innocent XI, il prit lui aussi le nom d’innocent. Comme Innocent XI,ct contrairement aux pratiques dc son prédécesseur Alexandre VIII, il ne voulut pas que sa famille profitât dc son élévation au souverain pontificat. Par la bulle Romanum deed pontificem (22 Juin 1692), Il condamna même officiellement le népotisme. Ixs papes, décrète-t-il, ne pourront nommer qu’un seul neveu cardinal; sous aucun prétexte, un pape n’a le droit de donner aux siens de l’argent, des biens ou des charges; sont-ils absolument sans res­ sources, le pape peut alors lessecounr comme des pau­ vres ordinaires. Si, ù cause dc ses mérites, un parent du pape devient cardinal, scs émoluments ne dépas­ seront pas 12 000 écus romains. Tous les cardinaux, présents ct futurs, devaient jurer d’observer cette cons­ titution. Innocent interdit aussi Invente des charges et des dignités ecclésiastiques; à ceux qui avalent acheté leurs charges il fit rendre l’argent; de sages économies lui permirent de sc procurer les sommes que demanda ccttc mesure. Innocent prit d’autres mesures pour le bon ordre ct la stricte administration de la justice dans ses États. .Membres dc la noblesse bravant les lois, femmes cc livrant à des jeux de hasard connurent également la prison. Il défendit aux juges dc recevoir des pré­ sents. Pour faciliter l'administration de la justice, il fit achever ct aménager la Curia Innocentiana, maintenant Chambre des députés. Pour restaurer la discipline monastique, il créa la Congrégation pour la discipline cl la réforme des réguliers. Bref Debitum pastoralis o/Jlcii, du 4 août 1698. Innocent XIl fut très bon pour les pauvres; il les appelait scs neveux. Un jour qu'il revenait dc voyage, Ils allèrent à sa rencontre à deux milles dc Rome et l’acclamèrent en criant : « Voici le père des pauvres, b lis enlevèrent aux porteurs la chaise où était le pape, ct ILs la portèrent jusqu’à Rome. Λ l’extérieur, Il termina les différends de Louis XIV avec la cour dc Rome. Voir Innocent XL Dans l’aiTairc dc la succession d’Espagne, il (ut constamment favorable à la France. Il clutngca ainsi une longue orientation dc la politique pontificale : depuis Ur­ bain VIII, tous les papes avaient été favorables aux 1 labsbourg. Le pontificat d’innocent XII fut agité par trois querelles doctrinales : la continuation du jansénisme, la lutte dc Bossuet contre Sfondratc sur des questions concernant la grâce; le quiétisme dc .M·· Guyon ct dc Fénelon. Dans les Pays-Pas, des prêtres, sur le simple soupçon de Jansénisme, avaient été dépossédés dc leurs charges : ils en appelèrent au souverain pontife. Comme le soupçon était immérité, Innocent sc mit dc leur côté; en 1694, par un bref à l’archevêque dc Malines, il lui recommanda de n’inquiéter personne sur des accusa­ tions vagues, mais uniquement après la constatation juridique d’nttachcment à des erreurs condamnées. Les Jansénistes en reprirent courage; mais Inno­ cent X11 déclara que le formulaire d’Alexandre VU, dc 1665, qui condamnait les cinq propositions dc Jansénius, devait être signé in sensu obvio. Les jansé­ nistes virent là un adoucissement aux mesures précé­ dentes, ct ils en conclurent dc plus en plus qu* Innocent leur était favorable. Mais, en 1696, le pape dissipa toutes ccs espérances; il déclara que rien n’était plus loin dc sa pensée que dc retirer ou dc modifier les ordonnances dc ses prédécesseurs sur l’hérésie jansé­ niste. L’affaire de Sfondratc se rattache aux discussions sur le jansénisme. Le cardinal Célestln Sfondratc était mort le 4 septembre 1696; ù la fin dc la même année parut de lui le Nodus pricdcstinationis... dissolutus. 2015 INNOCENT XII — INQUISITION Il y réfutait les protestants ct les jansénistes, ct s’y déclarait notamment contre la condamnation à l’enfer des enfants morts sans baptême, part. I, § 1, n. 2; édit de Cologne, 1698, p. 20. C’était aller non seule­ ment contre les hérétiques, mais contre une opinion de saint Augustin. Par ailleurs, Sfondrate avait été très opposé à l’assemblée de 1682. Le 23 février 1697, Le Tellier, archevêque de Reims, Nouilles, archevêque de Paris, Bosiuct, Rochechouart, évêque d’Arras, et Feydeau de Brou, évêque d’Amiens, dénoncèrent son ouvrage ù Innocent XII. C’était Bossuet qui avait rédigé la lettre on y accusait Sfondrate de tomber dans le pélagianisme ou du moins le semi-pélagianisme. Innocent répondit par un bref du G mai 1697. Il y disait aux cinq évêques qu’il avait nommé une com­ mission pour examiner le livre de Sfondrate, afin que, tout étant pesé mûrement, il pût ensuite prendre une décision, sans autre considération que celle de rem­ plir le ministère que Dieu lui avait confié. Survint l’assemblée du clergé de France, de 1700. Le Tellier voulut y faire condamner Sfondrate. Mais les esprits modérés firent comprendre que la condamnation d’un cardinal par une assemblée de cc genre serait un fait considérable, que le livre étant déféré au Saint-Siège, une censure anticipée ne manquerait pas de paraître intempestive ct de mécontenter la cour de Rome. Le majorité goûta ces raisons, ct on retira le projet de condamnation. Après mûr examen, la commission nommée par le pape déclara que dans l’ouvrage incriminé rien ne lui avait paru digne de censure. Pour Je quiétisme, voir les articles Bossuet, Fé­ nelon ct Guyon. Guamaccius, Vitre ct res gcxttre pontificum mmanorum, 1751, t.i, p. 389 iq.;Sandlnu$, l'ïür pontificum romanor uni. Ferrure. 1763. part· II, p. 689 sq.; Barozzl ct Berchet, Reladonl degit Stati europci Idle alsenato daglt ambaclatort Vendit série III, Italia, Relation l dl Rom a, Venise, 1878, t. u, p. 433 sq. J. Paqujer. 13. INNOCENT XIII pape, (du 8 mai 1721 au 7 mars 1721). Michele Angelo Conti, était fils de Charles II Conti, duc de Poli, d’une famille qui avait donné plusieurs papes, dont Innocent III. Il naquit à Rome le 13 mai 1655. De bonne heure, il s’attacha ù la curie. En 1695, il fut nonce en Suisse, et de 1697 à 1710, en Portugal. C’est sans doute à cette époque que remonte sa profonde aversion contre les jésuites. Clément XI le fit cardinal (1707), ct évêque d’Oslmo, puis de Viterbe. Le o mai 1721, après un conclave agité, il succéda à Clément XI. Un de ses premiers actes fut de donner à l’empe­ reur Charles VI l’investiture du royaume de Naples (1722). Par contre, lorsque Charles VI donna à don Carlos l’investiture de Parme ct de Plaisance, Inno­ cent protesta : ces deux duchés relevaient du SaintSiège (1723). On craignit d’abord qu’il ne revint aux pratiques du népotisme : il s’empressa d’élever au cardinalat son frère Bernard Marie Conti, évêque de Terracine (voir, ci-dessus, la bulle d’Innocent XII). Mais ce cardinal ne reçut pas de traitement favorisé. A l’extérieur, il reconnut le prétendant Stuart, Jacques III, et lui promit 100.000 ducats au cas d’une lutte contre la royauté établie; Jacques III avait promis d’être favorable à l’Église catholique. Innocent resta très mal disposé pour les jésuites, surtout à cause de leur attitude à l’endroit des rites chinois. Au commencement de 1724, il en arriva, comme naguère Innocent XI, à leur défendre de recc voir des novices. Il songeait même à supprimer l’ordre ; mais la mort l’en empêcha (7 mars 1724). Mal disposé pour les jésuites, Innocent allait peut- 2016 être sc tourner du côté des jansénistes ct révoquer la constitution Unigenitus! Cardinal, il avait témoigné son étonnement que Clément XI eût publié cette bulle sans l’assentiment du Sacré-Collège. Le 9 juin 1721, sept évêques français lui écrivirent donc pour lui en demander la suppression. Mais Innocent fit condamner leur lettre par le Saint-Office (8 janvier 1722), et exigea l’acceptation pure ct simple de cette constitution. Comme empereur ct souverain des Pays-Bas, Charles VI avait défendu de frapper de peines spirituelles les ecclésiastiques ou les laïques qui refuseraient d’y adherer. Mais peu à peu il revint sur cette décision, sans doute en partie pour avoir reçu l’investiture du royaume de Naples; enfin, en 1723, fi écrivit à l’évêque de Gand qui rien no s’opposaitaux procédures contre les contempteurs de la constitution. Gunmaccius, Vitre ct res gesta· pontificum romanorum, Rome, 17514.1, p. 137 sq., 381 sq.;Snndlnus,V tt«pont(/lcum Tomanorum, Ferraro, 1763, part. II, p. 706 sq. J. Paquieh. INQUISITION. — I. Les origines. II. Le tri­ bunal. HL Les justiciables. IV. La procédure. V. Ixs pénalités. VI. Jugement sur l’inquisition. LLesoiugines.—L’Inquisition (du latin inquirere,· enquête) tire son nom du mode de procédure inauguré par les papes Lucius III ct Innocent III et par le IV· concile de Latran. Jusqu’à cette époque la procédure criminelle en usage dans les tribunaux ecclésiastiques était la procédure accusatrice romaine, où le juge n’agissait pas de lui-même» mais devait être saisi par un accusateur responsable, qid était soumis à la peine du talion quand il ne parvenait pas â faire la preuve. Dans ce système «l'affaire criminelle sc débat entre deux particuliers comme une affaire civile. L’accu­ sateur joue le rôle de demandeur; c'est lui qui recherche ct produit les moyens de preuves destinés à convaincre le juge ct ù entraîner la condamnation, d Fournier, Les officialités au moyen âge, p. 235. Abandonnée de la sorte à l’initiative privée, la répression des crimes n’était guère assurée. Aussi, dans leur désir de relever le niveau de la justice, Lucius 111 ct Innocent 111 c fu­ rent amenés à rendre la poursuite des crimes plus rapide en la débarrassant de tous préliminaires ct en la confiant aux supérieurs ecclésiastiques... La procé­ dure d’office qu’ils instituèrent consiste essentielle­ ment en une enquête faite par le juge, contradictoire­ ment avec le prévenu, enquête à la suite de laquelle le juge rend sa sentence. On l'appelle généralement inquisition. □ Ibid., p. 267-268. C’est cc genre d’enquête qui fut appliqué A l'hérésie, dans des conditions que nous aurons à déterminer ct qui constituent l’inquisition proprement dite. Cf. E. Jordan. La responsabilité de Γ Église dans la répression de l'hérésie au moyen âge, p. 6-38. Nous ne considérerons que l’inquisition, telle qu'elle fonctionna jusqu’au xv· siècle contre les cathares, les vaudols, les sorciers, etc. L’Inquisition espagnole, instituée en 1478 par Ferdinand le Ca­ tholique ct Isabelle, avec l'approbation de Sixte IV ct dirigée spécialement contre les Juifs relaps, les Maures et les Morisques, n’est pas en cause; nous lais­ serons pareillement de côté la S. C. du Saint-Office ou de l’inquisition, que Paul III établit par sa consti­ tution Licet du 21 juillet 1542 et ù laquelle Sixte V donna la dernière main. Const. Immensa, du 25 jan­ vier 1587 ou 1588. Voir t. in, col. 1111-1112. La répression de l’hérésie a été, à partir du xn· siècle, la grande préoccupation de l’Église ct de l’État. Les ravages causés spécialement dans le nord de l’Italie et le midi de la France par les cathares ou manichéens, dont la doctrine était destructive de la société aussi bien que de la foi, épouvantaient les chefs de la chré­ tienté. A plusieurs reprises ct en maints endroits le 2017 IN’QU ISITION peuple cl les princes sc firent d’abord justice, par des condamnations cl des exécutions sommaires : expul­ sion ou mise à mort des coupables (affaires d'Orléans et condamnation des hérétiques par le roi Robert, Mansi, Concil., t. xix, col. 373-386; affaire de Liège, dans Frédéricq, Corpus, 1.i, p. 28-32; affaire de Solssons dans Bouquet, Historiens des Gaula, t. xn, p. 2G6). L’Église répugna longtemps à ccs mesures de rigueur. Parmi scs représentants, h-s uns ne sc recon­ naissaient pas le droit de châtier l'hérésie comme un crime, et sc bornaient à la combattre par la discus­ sion : Capiantur non armis, sed argumentis, disait saint Bernard, Jn Cant., semi. i.xiv;cL Wazon, évêque de Liège, Epist., diuv> Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. vn, p. 227; d’autres ne voulaient em­ ployer contre elle que des peines spirituelles telles que l’excommunication, destinée à préserver les fidèles de toute contamination. Cf. conciles de Reims, 5 octobre 1019, et de Toulouse, 13 septembre 1056, dans Mans!· Concit., t. xix, col. 737 et 819; d’autres enfin, tout en prononçant des peines temporelles contre les hérétiques, n'usaient que faiblement ct à contre cœur de ccs moyens extrêmes : la peine de mort restait en tout cas exclue de tout système de répression : quod leges tam ecclesiastics quam sœcu~ lares effusionem humani sanguinis prohibent, écrivait le pape Alexandre II à l’archevêque de Narbonne. Mansi, Concil., t. xix, col. 980. Cependant l’extension que prenait l’hérésie amena une recrudescence de sévérité. En 1162, le roi de France, Louis VII, signalait au pape Alexandre III les méfaits des manichéens dans les Flandres : < Que votre sagesse donne une attention toute particulière ù celle peste, disait-il, ct qu’elle la supprime avant qu’elle puisse grandir. Je vous en supplie pour l’hon­ neur de la foi chrétienne, donnez toute liberté dans cette affaire à l’archevêque (de Reims); il détruira ceux qui s'élèvent ainsi contre Dieu ; sa juste sévérité sera louée par tous ceux qui, dans ce pays, sont animés d’une vraie piété. SI vous agissiez autrement les mur­ mures ne s’apaiseraient pas facilement ct vous dé­ chaîneriez contre l’Église romaine les violents repro­ ches de l’opinion. « En lisant ccs lignes, il est facile de voir qu’Alexandre III répugnait à la violence. Dans sa réponse, en date du 11 janvier 1163, Il promit, du moins, de ne rien décider, dans la question des héré­ tiques de Flandre, sans l’avis de l’archevêque de Reims. Marlène, Amplissima collectio, t.n, p. 683-681. Cet échange de lettres explique la décision du concile qui sc tint ù Tours, en cette même année 1163, sous la présidence d*Alexandre III. Des mesures de rigueur y furent prises contre l’hérésie manichéenne qui · comme un chancre, s’était étendue à travers toute la Gascogne et dans d’autres provinces. » Le concile ordonnait à tous les évêques ct ù tous les prêtres de la surveiller; par leurs soins, les hérétiques devaient cire chassés de tous les pays où on les dé­ couvrirait; les princes étalent même invités ù les emprisonner; enfin on devait les dépister cl recher­ cher avec soin leurs assemblées secrètes. Mansi,Concil., I. xxi, col. 1178. C’était déjà une ébauche de l’inqui­ sition, prise nu sens large. Au concile de Latran de 1179, Alexandre 111. tout en rappelant, après saint IxSon le Grand, que le clergé wile avec soin l'effusion du sang, cruentas effugiant ultiones, demande à la puissance séculière des sanc­ tions pénales « contre les cathares, les publicant ou patareni, qui, en Gascogne, dans l’Albigcois ct le comté de Toulouse, ne sc contentaient pas de pro­ fesser leur erreur en secret, mais la manifestaient publiquement. » Il lance l’anathème contre eux et contre tous les fauteurs; il appello meme les princes cl les peuples aux armes, et pour la première fois on mer r>r. Tiifioî.. cathol. 2018 voit une croisade ordonnée non plus contre des inft dèles, mais contre des hérétiques. Six ans plus tard (1184), Lucius III réunissait à Vérone, dans une sorte de concile, non seulement des patriarches, des archevêques ct des évêques, mais encore l’empereur Frédéric Barberousse ct un grand nombre de princes venus de. tous les points de l’empire. Avec leur concours ct plus précisément avec le con­ cours de l’empereur, Frederici illustris Romanorum im pcratorls, semper Augusti, présentla pariter et vigore suffulti, le pape promulguait une constitution < contre les cathares, les patarins, ceux qui s’appelaient faus­ sement les humiliés et les pauvres de Lyon, les passaginl, les fosephini, les arnaldistæ. » Cette mesure attei­ gnait tous les hérétiques, parfaits ou simples croyants, clercs ou laïques. Les coupables, surtout les relaps, seraient livrés au bras séculier, qui leur appliquerait Vanimadversio debita. Tout archevêque ou évêque devait inspecter soigneusement, en personne ou par son archidiacre ou par des gens de confiance, une ou deux fois l’an, les paroisses suspectes, ct se faire si­ gnaler sous serment par les habitants, les hérétiques, avoués ou cachés. Ceux-ci étaient invités à se purger par sonnent du soupçon d’hérésie et se montrer dé­ sormais bons catholiques ; s'ils refusaient de prêter ser­ ment ou retombaient de nouveau dans l’erreur, Ils seraient punis par l’évêque. Les comtes, barons, recteurs, conseils des villes ct autres lieux, devaient prêter serment d'aider l’Église dans cette œuvre de répression, sous peine de perdre leurs charges; d’être excommuniés ct de voir l’interdit lancé sur leurs terres ; les villes qui résisteraient sur ce point aux ordres des évêques seraient mises au ban de toutes les autres; aucune ne pourrait commercer avec elles. Enfin les évêques ct archevêques devaient avoir toute juridic­ tion en matière d’hérésie ct cire considérés comme délégués apostoliques par ceux qui, jouissant du priI vilège de l’exemption, étaient placés sous la juridic lion immédiate du Saint-Siège. Comme on l’a remarqué, cet édit (qui fut inséré dans tes Décrétales, 1. V, tit. vn, De h&rellcis, c. 9) était le plus sévère qui eût encore été fulminé contre Γ hérésie. > Lea, Histoire de Γ Inquisition, t. x, p. 131 (116). En effet, on ne sc contentait pas de frapper les hérétiques ct leurs fauteurs ou recéicurs; on les recherchait; ct cette recherche était organisée ct confiée au zèle des évêques, qui en étaient responsables. Les évêques s’acquittant plus ou moins exactement de leur mission, Rome se crut obligée de suppléer à l’insuffisance de leur zèle. Les papes confièrent à des légats le soin d’agir contre l’hérésie, de concert avec les évêques un à côté d’eux, et l’on vit, dès le xn* siècle, fonctionner simultanément deux inquisitions : l’in qui si tion episcopale, exercée par les ordinaires dans leurs diocèses respectifs, et l’inquisition légat me, exercée par les légats, dans toute l’étendue d’une juridiction déterminée. Dès 1178 le pape Alexandre III avait envoyé le cardinal de Saint-Chrysogonc comme légat en Languedoc avec pleins pouvoirs pour répn mer l’hérésie : en vertu de cette délégation, le légat ct les cisterciens qui l’accompagnaient firent pro­ mettre par serment à l’évêque de Toulouse, à une partie du clergé, aux consuls et ù tous les citoyens dont la foi n'était pas suspecte de leur signaler par écrit tous les hérétiques et leurs fauteurs. Vaisselle, Histoire générale du Languedoc, t. vi, p. 79. En 1198, Innocent III donna pareillement tous pouvoirs aux religieux cisterciens qu’il envoyait dans le comté de Toulouse comme légats apostoliques. Les princes avaient ordre de sc mettre à leur disposition : < Nous enjoignons aussi à tous les peuples de s’armer contre les hérétiques, lorsque frère Raynicr ct frère Gui Jugeront à propos de le leur ordonner. » Potthast, VII,- 64 2019 INQUISITION Regesta, η. 95, Saint Dominique, dont on a voulu faire le premier inquisiteur, n'agit d’abord qu’en sous-ordre; s'il rendit des services à i’Inquisition, ce fut en vertu d’une délégation qu’il tenait dc la léga­ tion cistercienne dirigée par Amauld de Citeaux et Pierre dc Castelnau. Acta sanctorum, augusti, t. i, p. 410-411; cf. Douais, L'Inquisition, scs origines, sa procedure, p. 25-26. L’Inquisition proprement dite n'était pas encore née. Du pontificat de Lucius III à celui de Grégoire IX, la législation inquisitoriale ne fit guère dc progrès. Grégoire IX, au début dc son ministère, usa de Γ In­ quisition légat inc comme avaient fait scs prédéces­ seurs. En 1227, commissions particulières à deux dominicains, l’une pour Florence, l’autre pour l’Alle­ magne. Lanci, Lezione dl antichita Toscana, 11· partie, p. 493; Lettre à Conrad dc Mnrbourg, Ripoll, Butta· rium, t. i, p. 20. .Mais bientôt il transforma sa mé­ thode, Ct. sa constitution dc février 1231, Auvray, Registres dc Grégoire IX, n. 539. Sans nous arrêter aux missions un peu vagues, comme celles qui furent confiées au prieur des dominicains de Besançon ct aux dominicains d’Aragon, Ripoll, op. cit., 1.1, p. 3642, nous arrivons aux documents décisifs du 13, 20 ct 22 avril 1133 où la pensée du pontife sc déclare tout entière. Porcin, Monumenta concentus Tolosani, t. iv, p. 92; Ripoll, t. i, p. 47. Le 13 et le 20 avril, Grégoire IX annonce à tous les prélats dc France qu’il a choisi, pour combattre l'hérésie, les frères prêcheurs, qui sc sont, dans l'humilité d’une pau­ vreté volontaire, dévoués à cette tâche. S’il confie à des religieux les fonctions d’inquisiteurs, cc n’est pas qu’il veuille priver les évêques du droit dc poursuivre eux-mêmes les hérétiques, mais c’est qu’il se propose de les soulager ct de les relever en quelque sorte dc cc soin, parce que < les soucis dc leurs multiples occu­ pations leur permettent à peine dc respirer. » Le texte mérite d’etre cité: Nos considerantes quod vos diversis occupationum turbinibus agitati vix valetis inter inun­ dantium sollicitudinum angustias respirare, ac per hoc dignum ducentes ut onera vestra cum aliis dividantur, dictos Fratres prædicatorcs contra hæreticos in regnum Franciæ et circumlucentes provincias duximus desti­ nandos, mandantes quatenus ipsos benigne recipientes el honeste tractantes in luis cl aliis consilium, auxilium et favorem taliter impendatis, quod ipsi commissum sibi officium exsequi valeant. Lc 22 du meme mois, Grégoire complétait ccs instructions, en chargeant le provin­ cial dominicain de Toulouse d’envoyer dans le pays quelques-uns de ses frères, choisis par lui, pour pro­ céder contre les hérétiques, conformément à la ré­ cente constitution qu’il avait publiée contre eux en 1231. Rlpoll, op. cit., 1.1, p. 47. Ces bulles qui répondaient à un besoin signalé par le concile de Toulouse du 12 novembre 1229, Mansi, Concit., L xxm, col. 191-198, sont, dit un historien, < très remarquables par l’ensemble des instructions qu’elles contiennent. Il ne s'agit plus Ici de recomman­ dations générales nux membres du nouvel ordre pour la prédication contre les hérétiques, mais dc véritables pourvut tes à exercer, dese n tences à rendre par les j uges délégués de l’exercice, en un mot, d’un véritable pouvoir judiciaire. Enfin ct c’est là le point capital de cette Intervention de l’autorité pontificale, il s’agit avant tout de substituer nux évêques,pour la répres­ sion dc l’hérésie, non plus des légats, choisis spécia­ lement par la papauté pour des missions temporaires, mais un institut nouveau qui reçoit le mandat défi­ nitif de pourvoir, par tous ses membres, sur le simple choix d’un provincial, à l’exercice dans un diocèse d’une juridiction que les prélats sont déclarés impuis­ sants u garder. Les ministres ou gardiens dc l’ordre ouvnit pour la juridiction exclusive dc l’inquisiteur. B déci­ échapper ù son influence; El Puera real, code promul­ dait que l’ordinaire ne j>ouvaii pus procéder dans les gué par Alphonse Je Sage en 1255, ct Las side Partidas matières commises aux frères, parce que Je pape les dc 1265 reproduisent les prescriptions insérées contre avait reprises el que, dès lors, La juridiction de l’hérésie dans les Décrétales de Grégoire IX ct celles l'évêque cessait. 11 appuyait cette proposition sur la qui, édictées par scs successeurs, figurèrent plus tard règle de droit commun que Je juge délégué était supé­ dans le Sixte de Boniface VIII. Cf. El Euero real, iv, 1 ; rieur au juge ordinaire, quel qu’il fût» dans l’affaire Side Partidas, i, 6, 58; vm, 24, 7 ; mi, 25. qui lui était confiée. Quant., i. dans Doat, t. xxxvi, C’était Γ Italie du nord qui avait déversé sur le midi , fol. 207-268. Mais lorsqu'il fut devenu pape, sous le dc la France les manichéens ou cathares mais elles en nom de Clément IV (1265), Il ne persévéra pas dans nourrissait encore en son sein un très grand nombre. cette doctrine qui portait une si grave atteinte à la Aussi dés 1221 I lonorius 111 avait chargé les évêques juridiction épiscopale. Aussi (en réalité) le pouvoir dc Brescia, dc Modène ct de Rimini dc poursuivre les juridictionnel des évêques sur les hérétiques ne leur hérétiques dc leurs diocèses. En 1228, le légat du a-t-il jamais été enlevé, même dans la période la plus Saint-Siège, Geoffroy, ordonnait dc livrer au bras active de l'inquisition monastique. Dans la lettre du 13 décembre 1255, par laquelle Alexandre IV donne séculier les hérétiques obstinés ou relaps du Milanais. Suivant la méthode qu’il avait adoptée, Grégoire IX aux provinciaux des dominicains ct des franciscains nomma le dominicain Albéric, inquisiteur en Lom­ une delegation générale pour la désignation de leur bardie (1232), le dominicain Pierre dc Vérone (saint frères, la double qualité en laquelle les évêques peu Pierre martyr) inquisiteur à Milan (1233), les domini­ vent agir, soit comme juges ordinaires, soit en vertu cains Aldobrandini Cava Iconic et Ruggieri Calcagni, d’une commission spéciale, est formellement réservée, inquisiteurs ù Florence, le premier en 1230, le second Ripoll, op. cit., t. I. p. 292; et cette réserve est repro­ vers 1211. Cf. Lea, op. cit., t. n, p. 237-254; Jordan, duite encore dans une lettre de Gregoire X, de 1273, Ripoll, t. 1, p. 512, aux inquisiteurs du royaume, et La responsabilité dc Γ Église, p. 26-27. En Sicile, l’empereur Frédéric II seconda de tout dans le canon du Serfe, 1. V. tit. n, c. 17. de Boniface son pouvoir l’œuvre inquisitoriale des légats dc Gré­ V111, de 1298. » Tanon, op. cit., p. 176 et 180. En fait, l’inquisiteur demeurait au moins indépen­ goire IX, tout en faisant tourner à son profit les confis­ cat ions qu’amenait la poursuite des hérétiques. Dc dant de l'ordinaire dans l’exercice de ses fonctions. 1220 à 1231 il promulgua plusieurs constitutions · Et dc la sorte, il possède un pouvoir sans limites. qui déclaraient l’hérésie crime de Jèsc-nuijesté, passible « Par privilège, il cumule des attributions que dans de la peine de mort, ct ordonnaient la recherche des la justice ordinaire l’on trouve reparties entre plusieurs coupables. Sur l’œuvre inquisitoriale de Frédéric II, personnes. Il accuse, il instruit, il juge, il condamne. voir surtout E. Jordan, Lu responsabilité de Γ Église Cc n’est pas qu’il lui soit défendu de commettre à dans la répression de Γhérésie au moyen âge, p. 28-37. d’autres les actes de la procedure dont il ne peut sc Un edit daté dc Ravenne en 1232 étendit Λ tout charger personnellement. Il est libre dc s’adjoindre l’empire l’application dc cette législation : cl c’cst cc des vicaires, des lieutenants, des commissaires dont que répétèrent les ordonnances ultérieures du 1 I mal il fixera lui-même les pouvoirs et qu’il révoquera â 1238, du 26 juin 1238, du 22 février 1239. Pertz, Mo­ son grc. > Vidal, Lc tribunal d*Inquisition dt Pamirrs, numenta Germanite, Leges, t. η, p. 196, 281 sq. En p. 91. Cf. Tanon. op. cit., p. 188-195. Mais c’cst dans Allemagne, Conrad de Mnrbourg fut chargé d’appli­ sa personne que se centralise ct s’incarne la juridic quer les ordonnances impériales et les bulles ponti­ lion inquisitoriale. ficales. Une lettre dc Grégoire IX endatedu 11 octobre Des abus dc pouvoir étaient à craindre. Ils écla 1231, lui indiquait par le menu la procédure ù suivre, terent, dès les origines mêmes; témoin ceux qu’on Potthast, n.8860;cf. Auvrav, Jlegistrrsde Grégoire 1 Xt reprocha ù Gonrad de Marbourg et à Robert le Bougre a. 539. (on sait que ce dernier finit par être suspendu dc D’Allemagne, l’inquisition s’étendit en Bohême, son oflice, puis condamné ù une réclusion perpétuelle. en Hongrie, dans les pays slaves et Scandinaves; elle Cf. Tanon. op.cit.,p. 111-116; Frcdvricq, op. cit ). s’établit jusque dans le royaume de Jérusalem. Bref, La force des choses amena une réaction. Les inqul en dehors de ΓAngleterre, elle couvrit la chrétienté sitcurs et les évêques comprirent les avantages cl la latine à peu près tout entière. Cf. Lea, op. cit., t. I, nécessité d'agir dc concert. Avant même qu'elle fût p. 352-356; \\ al tenbach, U ber dic Inquisitionem gegen érigée en règle, l’entente du juge ordinaire ct du juge die Waldenser Pommern und der Mark Brandenburg, délégué se trouva réalisée dans plusieurs diocèses. Berlin, 1886, etc. Citons simplement comme exemple, le cas de Bernard 1L— Le Tiuncs al.— 1 ·Les juges.— Les Inqulslteurs de Cas t a n c t, é vè q u e d’A I b i ( 1275-1308), i nsi ru ment an l sont essentiellement des juges délégués de la papauté. avec les inquisiteurs de Carcassonne. CL Vidal, BulEt c’est de cette qualité que dérive le principe de leurs taire deT Inquisition française, p. 11. note. pouvoirs. Lors même qu’ils sont, comme nous l’avons Lc2 mars 1304, Benoit X1 recommande ccttc union mi, désignés par leurs provinciaux, à la demande du nux inquisiteurs dc Lombardie. Grandjean, Registres 2023 INQUISITION 2024 de Benoit XI, Paris, 1883, n. 420. Un peu plus tard I et ad exsequendum officium heretiac pravitatis, el cum Clément V donna ordre aux cardinaux Taillcfcr de la eisdem procedere hinc ct inde, etiam ad romanarn cu Chapelle et Bérenger Frédal de l’imposer aux évêques riam, dit Eymerlc. Directorium, part. Ill, q. x, p. 551. L’inquisiteur avait, ce semble, d’autrçs conseillers ct aux inquisiteurs des provinces méridionales. Douais, ' Documents, t. h, p. 308. Il est vrai que le 12 août 1308, I que son socius. C’étaient des Jurisconsultes, clercs ou laïques, aux lumières desquels il avait recours pour Je pontife révoqua ccttc mesure. Vidal, Bullaire, p. 16. Mais le principe dc l’entente était posé ct le concile suppléer ù l’insuffisance de ses connaissances en ma dc Vienne, en 1312, l’introduisit dans le droit. Cle­ tière de droit. On remarque, surtout nu xiv· siècle, la présence dc ces auxiliaires dans les tribunaux de mentines, I. V, lit. in, c. 1, Multorum querela. Cc décret célèbre donnait a l’évêque les mêmes l’inquisition. Leur collaboration est attestée par les pouvoirs qu'à l’inquisiteur. Ils pouvaient, indépendam­ archives du tribunal dc Pamiers (1318-1325). Vidal, ment l’un dc l'autre, citer ct incarcérer les hérétiques Le tribunal (Γ Inquisition de Pamiers, p. 99-100. Zanchlni, dont la science juridique est si remarquable, ou les suspects. Mais ils ne devaient les enfermer au mur étroit, les soumettre à la torture ct prononcer assistait en qualitêde conseiller l’inquisiteur de Bimini. leur sentence que de concert. La surveillance des Cf. son ouvrage De lurrcticis, préface de l’édition de prisons appartenait également à l’un et Λ l’autre ct Campcgius. Un acte de 1371 mentionne pareillement des conseillers qui entouraient l’inquisiteur dc Car­ chacun d’eux l’exerçait par un gardien assermenté. La promulgation dc celle loi souleva les protesta­ cassonne. Dont, t. xxxv, fol. 136; cf. Tanon, op. cit., tions des inquisiteurs dc Toulouse ct de Carcassonne, p.195. 3e Notaires. — Après-lc lieutenant de l’inquisiteur, qui prétendirent que, si on l'appliquait Λ la lettre, les procédures subiraient des retards préjudiciables ù la c’cst le greffier qui tient la première place dans un défense dc la foi. Histoire du Languedoc, édit. Privât, r tribunal d’inquisition. Il peut être choisi parmi les t. îx, p. 331-337. Bernard Gui émit l’espoir de voir notaires publics. On voit parfois, dans les actes, des officiers désignés sous le titre de publicus auctoritate révoquer une décrétale aussi gênante. Practica, édit. Douais, p. 188. Mais ces reclamations furent vaines, aposlolica officii inquisitionis notarius. Cc sont des et les documents nous montrent les Inquisiteurs notaires spéciaux dc l'inquisition, créés soit directe­ n’agissant jamais qu’avec le concours du juge diocé­ ment, soit Indirectement, par la chancellerie aposlo sain ou de scs délégués. Cf. Douais, Documents, lique. Quelle que fût l’origine de leur charge, les no­ p. cvin-cxxvni. Le tribunal d*Inquisitiondc Pamiers taires juraient dc remplir fidèlement leurs fonctions nous offre, sous l’épiscopat dc Jacques Fournier ct d’en garder le secret. Cf. Bernard Gui, Practica, (1318 1326), le futur Benoit XII (1334-1343), le type p. 61. Ils devenaient d'ailleurs dc véritables officiers réalisé du tribunal monastico-diocésain tel que dc l’inquisition ct jouissaient dc tous les privilèges l’avaient conçu les Pères du concile dc Vienne. Vidal, attachés ù ce titre. Le tribunal cT Inquisition de Pamiers, p. 73 sq. Les fonctions du notaire étaient très importantes. 2· Les auxiliaires de ΓInquisiteur : vicaires, lieute­ C’cst hd qui < recueillait par écrit les interrogatoires nants, conseillers, le socius.— Les inquisiteurs avaient, des accusés ct les dépositions des témoins, ainsi que de droit commun, la faculté dc sc donner un vicaire les autres actes dc la procédure ct dressait tous les eu délégué. Mais â l’origine celui-ci ne pouvait obtenir registres, originaux ct copies. Il assistait Λ la question, une délégation pleine ct entière. Sa fonction était constatait la manière dont elle était administrée ct uniquement dc faire comparaître les personnes sus­ recueillait la confirmation de leurs aveux, lorsqu’ils pectes d’hérésie, dc procéder à leur interrogatoire, les renouvelaient après avoir été déliés de la torture. d’entendre les témoins, en un mot, d'instruire leur Cf. Eymerlc, part. III, Instructio accuratissima circa procès. Le jugement proprement dit, la sentence de quæstiones reorum, p. 481. Il avait parfois un rôle plus important ct pouvait être appelé à suppléer momen­ condamnation étaient toujours réservés ù l’inquisiteur. tanément le juge. » Tanon, op. cit.,p. 198. Nous voyons Lettres d’Alexandre IV, d’Urbain IV, de Clément IV et dc Nicolas IV, Bipoll, op. cit., 1.1, p. 328- 417, 460, un notaire de l’Inquisition dc Carcassonne, Mcnet de 466; t. n, p. 24, Cf. Tanon, op. cit., p. 188-189. Plus Bobécouri, à qui l’inquisiteur délègue le pouvoir • d’entendre ct d’écrire en son absence ct en l'absence tard, comme les canons Multorum querela ct Xolentes des Clémentines, 1. V, tlt. ni, c. 1 ct 2, parlaient d’une dc scs lieutenants, par manière d’information provi­ manière générale cl sans aucune réserve, des substi­ soire, les aveux ct les dépositions en matière dc foi. > tuts ct commissaires que les inquisiteurs avalent le Germain, Une consultation inquisitoriale au XIV* siècle, droit dc se donner, on en conclut que tous les pou­ dans Mémoires dc la Sociétéarchéologiquedc Montpellier, t. iv, p. 336. Il est vrai que, si l’on en juge par les mé voirs pouvaient être commis ù ces officiers subalternes, y compris le jugement ct le prononcé de la sen­ faits dc cet officier, les notaires n’auraient guère été tence. Telle est en particulier l’opinion du célèbre capables dc remplir une fonction aussi délicate, canoniste Eymerlc, dans son Directorium, part. III, Cf. Vidal, Mcnet dc Bobécourt, commissaire de ΓIn­ De institutione vicarii. Pourtant, en pratique, on ne quisition de Carcassonne (1320-1340), dans le Moyen voit pas que le vicarius, le vices gerens, le locum tenens âge, 1903. 4e Jurés, agents, geôliers. — Au-dessous des notaires, inquisitoris, ait entrepris ct mené seul à terme un divers officiers sont attachés nu tribunal d’inquisi­ procès inquisitorial tion soit dc façon permanente, soit à litre provisoire. Le soctus n’est pas un co-inqulslleur comme on Il semble qu’on les désigne par le qualificatif général pourrait le croire d’après son titre. Ce n’est même pas un suppléant normal de l’inquisiteur dans l’exercice de jurati, < assermentés ». Les sergents d'armes (ser­ de ses fonctions judiciaires : son rôle est purement vientes), les messagers (nuntii), les espions (explora­ tores) ct les geôliers (carcerarii) sont des jurati, car moral ct spirituel. C’est un religieux de l’ordre, soit tous ont prêté le serment général. dominicain, soit franciscain, que l’inquisiteur s’est Les sergents ou hommes d*armes étaient chargés choisi ou qui lui a été donné pour compagnon, pen dant qu’il est lui-même séparé dc scs frères, pour de­ de la capture cl de la garde des hérétiques, en même meurer avec lui, l’assister dans sa vie intérieure et au temps qu’ils constituaient l’escorte de l'inquisiteur. besoin lui servir dc conseil dans l’accomplissement de Les Inquisiteurs de France s’entouraient dc sergents ta mission. Un trait caractéristique du socius est 1 ou familiers < quoi qu’il semble que cc soit en Italie qu’il accompagne l’inquisiteur à Borne, pour les que ces servants dc Γ Inquisition sc soient surtout affaires de l’office : ad se associandum, commorandum multiples. Innocent IV, dans une lettre aux Inqul 2025 INQUISITION sitcurs du midi (14 mnl 1239), Cum a quibusdam, sc plaint de leur nombre excessif ainsi que de celui des scribes de l'olYlco et des exactions qu’ils commet· talent. Une lettre adressée par l’archevêque d’Embrun en qualité de nonce apostolique Λ l’inquisiteur dc Florence, nous donne une Idée approximative du nombre normal d'ofllcicrs dc tout ordre que compor­ tait une circonscription inquisitoriale de moyenne étendue. Il lui accorde deux notaires, deux geôliers, et douze autres auxiliaires, tant oiïlclcrs que familiers, duodecim alios inter of]iciules et familiares ct non ultra. Lettre du 2 mai 1282, dans Dont, Appendice, t. i, р. 572. Clément V recommandait aux inquisiteurs, au concile dc Vienne dc 1311, Clementines, I. V, tlt. m, с. 2, Nolentes, dc ne pas abuser de leur droit d’accor der le port d’armes et dc n’avoir que les officiers qui leur seraient nécessaires. » Tanon, op. cit., p. 199-200, Pour débusquer les hérétiques réfugiés en terre étrangère ou dans un autre juridiction territoriale, les Inquisiteurs employaient volontiers des espions. On pourrait citer un certain nombre dc ces oillclcrs subalternes. « Le modèle du genre, c’cst le limier Arnaud Sicrct, d’Ax, qui sc met au service du tribunal de Pamiers et fouille la moitié de l’Espagne dans l’espoir d’y saisir des cathares fugitifs. Lorsqu’il a trouvé une bonne piste, il retourne à Pamiers, se fait délivrer un mandat régulier par Jacques Fournier, reçoit dc l’argent et, cc qui est plus grave, l’autorisation dc passer pour un « croyant » des hérétiques ct de fré quenter leurs couventicules. Il ne tarde pas à sc rendre maître du (cathare) Guillem Bélibarte ct dc presque toute sa bande. Quand son œuvre est terminée, il reçoit les félicitations chaleureuses des trois inquisi­ teurs Bernard Gui, Jean dc IL aune ct Jacques Four­ nier. » Vidal, Le tribunal d'inquisition de Pamiers, p. 151-152, avec les références. Les geôliers < taient des personnages dont la respon­ sabilité s’aggravait suivant l’importance des murs ou prisons dont ils avalent la garde. A Pamiers, le mur des Allemands était surveillé par un geôlier en chef, < ustos mûri, qui avait sous ses ordres plusieurs gar­ diens, carcerarii, ct leurs femmes, c Celles-ci concou­ raient avec leurs maris à la garde des détenus et plus spécialement sans doute à celle des prisonnières. On les voit assister, en outre, comme témoins aux diffé­ rentes formalités judiciaires dont la prison peut être le théâtre. » Tanon, op. c//.,p.200; Cf. MoUn!cr»JÉ7udes, p. 123 ct note 7; Vidal, Le tribunal d'inquisition de Pamiers, p. 110-111. En raison dc leurs relations constantes avec les prisonniers, les geôliers avalent dc grandes facilites pour adoucir ou aggraver, dans les détails de la vie quotidienne, le sort des condamnés. Les faveurs qu’ils leur accordaient étaient parfois une source illicite do profits. De là un grand relâchement dans le régime Intérieur des prisons. C’est un état contre lequel pro­ teste une lettre de Jean Galnnd, inquisiteur do Car­ cassonne en 1282. Dont, t. xxxu, fol. 125; Douais, Documents, t. i, p. ct.xxxix; cf. Γenquête faite par les cardinaux Bérenger de Frédtil ct Taillcfcr dc lu Chapelle, Douais, Documents, t. n, p. 301-319. Dans son règlement sur l’entente ct la collaboration dc l’ordinaire et dc l’inquisiteur délégué, Clément V essaie dc prévenir ces abus, en autorisant l’établissement de deux geôliers indépendants pour chaque mur, l’un A la nomination dc l’inquisiteur, l'autre A la nomina­ tion de l’évêque, Clémentines, 1. V, lit. in, c. 1-2. Mais, s’il faut eu croire Eymerlc, Directorium, part. Ill, q. i.ix, p. 587, ces prescriptions, qui présentaient des difficultés dans la pratique» ne furent guère observées. III. Li s justiciauixs. — Ie Les néo-manichéens ou cathares. — L’hérésie particulière contre laquelle ΓInquisition fut primitivement Instituée parait sc l I ! I j , 2026 rattacher au manichéisme oriental par les paulicicns et les bogomilcs, qui professaient sur l’origine des êtres la théorie dualiste. Au x· siècle, l’impératrice Theodora, voulant sc débarrasser des paulicicns, en avait fait massacrer une centaine de mille, Cf. Doellin­ ger, De tirage, 1.1, p. 13. L'empereur Alexis Commène (vers 1118) persécuta pareillement les bogomilcs (ou uniih dc Dieu). Voir t.iî,cnl. W7-030. M.u> t ■ ·■ r< des membres des deux sectes prirent, par la Bulgarie, la route dc l'Occidcnt, on ils trouvèrent un r< fuge ct firent souche. Cf. Dœllinger, Beitràge, t. i,p. 51-55. Au xn· siècle, on les trouve un pcu partout en Lom hardie ct en France. En 11G7, ils tinrent un concile à Saint-Félix dc Caraman, dans le voisinage dcToulouse, sous la présidence d’un dc leurs chefs, le pape ou tout simplement l’évêque Nikéta ou Niquintn, venu dc Constantinople. D’autres évêques delà secte siégèrent auprès dc lui : Marc chargé de toutes les églises de Lombardie, de Toscane ct dc la Marche dc Tni vise; Robert dc Speronc, qui dirigeait une église du Nord; Slcard Ccllcricr, évêque dc l’église d’Albl. On pourvut dc chefs quelques outres communautés : Bernard Raymond fut nommé évêque de Toulouse, Guiraud Mercier, évêque dc Carcassonne, ct Haymond dc Casalis, évêque du Val d’Aran, nu diocèse dc Com­ minges. Une telle organisation marque un développe­ ment considérable dc la secte en Occident. Historiens des Gaules, t. xiv, p. 4 18. Aux environs de l’an 1200, scs progrès sont plus effrayants encore. Un évêque cathare converti, Bonacursus, écrivait vers 1190 : «Ne voyons-nous pas les villes, les bourgs, les châteaux remplis dc ces faux prophètes? » Manifestatio lurresis catharorum, P. L., t. cciv, col. 778. Et d’après Ccsaire d*Heisterbach. Dialogi, Anvers, 1604, p. 289, le catharisme comptait un peu plus tard des partisans dans près d’un millier de villes plus spécialement dans le nord dc l’Italie ct dans le midi dc In France. En Languedoc, le nombre des < parfaits » s’élevait à sept ou huit cents, et il fau­ drait, semble-t-il, Dœllinger, Beitrûge, 1.1, p. 212-213» multiplier cc chiffre par vingt ou même plus, pour obtenir approximativement le nombre des membres dc la secte ou simples « croyants ». En Italie, ils portent différents noms : concorèziens ct bagnolais, etc., du nom des villes qu’ils occupent ; à Milan, on les confond avec les patarins; de là ces patareni que signalent les constitutions dc Frédéric 11 ; enfin dans les speronistes il est facile dc reconnaître les disciples dc l’évêque cathare Speronc. En France, bien qu’il semble que le centre du catharisme ait été Toulouse, ct non Albl, on les appela communément albigeois, voir Albigeois, ou encore bulgares, à cause dc leur provenance : d’où boulgrcs, bougres, quulift cation qui fut étendue à tous les hérétiques du xille siècle. M. Vernet, voir Cathares t. n, col. 1993 sq. n’a donné qu’une indication très sommaire dc leur doc trine. Pour plus de details, il conviendrait dc lire Jean Guiraud. La morale des albigeois ct le « Consolamentum ·οη initiation cathare, dans Questions d'histoire et d'archéologie chrétiennes, Paris, 1996, ou Vacandard J.' hérésie cathare, Γ Inquisition, 5e édit., Paris, 1914. Si l’on veut comprendre le zèle ct l’outrance avec lesquels l’Église et l’Étut poursuivirent la secte, il importe de connaître scs pratiques ù la fols antireli­ gieuses et antisociales. Cf. Tanon, op. cit., p. 229-230. Nous Insisterons surtout sur leur théorie antimatri­ moniale ct sur leur Initiation à l’état de · parfaits ». Le commerce dc l’homme avec la femme est chose damnable, disaient-ils, c’cst en cela que consistait la faute de nos premiers parents. Le fruit qui leur fut défendu, enseignait à Toulouse Pierre (iarsias, cc fut tout simplement le plaisir dc la chair. Dœllinger, Bel· 2U27 INQUISITION frdgc, 1.I, Dokumente, p. 31 ; cf. p. 88 et G12. Aussi le mariage cst-il une abomination. L’un de ses effeta n’est-il pas h procréation des enfants? Or la propa­ gation de l’espèce humaine, par le moyen des corps, constitue une œuvre diabolique. Une femme enceinte est une femme qui a le diable au corps. < Priez Dieu, disait une « parfaite » ά la femme d’un marchand de bois do Toulouse; qu’il vous délivre du démon que vous avez dans le ventre. » Dœllingcr, ibid., p. 35. Cf. ms. 609 de la bibliothèque de Toulouse, fol. 230. Lc plus grand malheur qui pouvait arriver Λ une femme était de mourir enceinte : les hérétiques décla­ raient nettement quodsi decederet pnegnans^non posset saloarl, parce qu’elle mourait sous la puissance de Satan. Dont, t. xxn, p. 57. Lc mariage, qui rend pos­ sible un tel étal, doit être réprouvé, et il n’y a pas de terme assez fort pour marquer cette réprobation : • Lc mariage est un concubinat légal » Matrimonium est mcrclrleium : matrimonium est lupanar. Dœllingcr, ibid., p. 40, 156; ms. 609 de Toulouse, fol. 4 1 et 61 ; cf. Bernard Gui, Pradica, édit. Douais, p. 130. Dans leur aversion pour le mariage les cathares vont Jus­ qu’à lui préférer le libertinage déclaré. < Avoir un com­ merce avec une épouse, disaient-ils, est pire que de l’avoir avec une autre femme. > Et pour Justifier cc paradoxe, ils faisaient remarquer qu’il était facile de rompre avec une étrangère, tandis que le mariage semblait lier l’un à l’autre l’époux ct l'épouse ct les autorisait Λ commettre le péché sans honte ni vergogne quia magis publice cl sine verecundia peccatum flebat. Dœllingcr, ibid., t.n, p. 23;cf. p. 156. Il faut reconnaître pourtant que les cathares n’ap­ pliquaient pas avec une égale rigueur leur théorie à tous les membres de la secte. Ifs distinguaient entre les simples « croyants »ct les « parfaits ». Les «croyants qui ét lient initiés par la < convenenza », n’étaient pas astreints absolument nu célibat. Mais lorsqu’ils avaient reçu le consolamentum, force leur était de renoncer aux œuvres du mariage. Lc consolamentum était le vrai baptême spirituel des cathares. On en peut voir les rites dans Clédat. Le Nouveau Testament traduit au XIil· siècle en langue provençale, suivi d'un rituel cathare. Paris, 1888, p. xi sq. Un Ancien impo sait les mains au candidat ct disait : « Père saint, rece­ vez votre serviteur dans votre justice ct envoyez votre grâce ct votre esprit sur lui. » Lc candidat s’en­ gageait à suivre exactement les prescriptions morales de la secte : « Je promets de me rendre Λ Dieu ct Λ l’Évangile.dc ne jamais mentir ni faire de serment, de ne plus toucher à une femme, de ne tuer aucun animal ct de ne manger ni viande, ni œufs, ni laitage, de ne me nourrir que de végétaux ct de poissons; de ne rien faire sans dire l’oraison dominicale, de ne voyager ni passer la nuit sans compagnon; ct si je tombe entre les mains de mes ennemis ct suis sépare de mon frère, de m'abstenir au moins trois jours de nourriture, de ne Jamais dormir que vêtu, enfin de ne Jamais trahir ma foi devant n’importe quelle menace de mort. » Sacconl, Summa de catharis, dans Marlène ct Durand, Thesaurus novus anccdolorum, t. v, p. 1776 sq. Ces engagements étaient si rigoureux que peu d’hommes étaient capables de les tenir. Les «croyants» qui demandaient le consolamentum au cours d’une maladie, étaient généralement suspects de les violer s’ils venaient à guérir. Aussi, pour prévenir toute rechute, les engageait-on fortement à assurer leur salut par V endura. L'endura était un suicide volontaire. On en connaît deux formes appliquées aux malades, l’asphyxie ct le jeûne; le candidat à la mort est inter­ rogé sur le titre qu'il préfère, celui de martyr ou celui de confesseur. Lorsqu’il choisit le martyre, on lui pose un mouchoir ou un coussin sur la bouche jusqu’à cc que rctouiTement s’ensuive. Si l’état de confesseur 2028 lui semble préférable, on sc borne à lui supprima toute nourriture, afin qu’il meure de faim. Dœllingcr, op. cit., t. n, p. 373 (cc texte est emprunté à la Summa de. catharis de Succoni); cf. p. 271,370. Voir des excm pics duns Vacandard, L'Inquisition, p. 166-117. Lors­ que, vers le milieu du xm· siècle, la coutume s’intro­ duisit de «consoler » ou «hcrctiquer» même les enfants les sectaires eurent souvent la barbarie . 219. On leur a reproché leur hypocrisie et on a prétendu Thesaurus novus anccdotorum, t. v, col. 1779, dit avec raison que leur première ct fondamentale hérésie qu’â certaine date au moins, ils sc réunissaient dans consiste dans le mépris de la puissance de l’Église. A des synagogues ct se livraient à la débauche. Mais l’origine leur hiérarchie était constituée par l’évêque, cette accusation ne repose sur aucun document digne le prêtre ct le diacre qui remplissaient les fonctions de fol. CL Jean Marx, op. cil., p. 24-27. En réalité, ecclésiastiques. L’évêquc ou < majorai » exerçait le sauf sur 1rs points de doctrine qui les faisaient verser pouvoir des apôtres, en dépit du pape. Plus tard, cc dans l’hérésie ct la révolte contre l’Eglise, Mss’adon fut le « barbe » (mot usitc avec le sens d’oncte dans noient a la pratique des vertus chrétiennes. C’est avec tout le nord de Γ Italie ct qui est devenu pour les mis­ une grande conviction que les vaudois du Dauphiné sionnaires vaudois un prédicat d’honneur, avec le sens déclaraient encore à la fin du xv· siècle (1488): « Nous d’homme vénérable, cf. Comba, Histoire des vaudois, sommes de fidèles serviteurs du roi ct de véritables Paris ct Florence, 1901, p. 585), cc fut le · barbe · qui chrétiens. Nous ne voulons pas Imiter ceux qui fou­ devint le missionnaire et le ministre par excellence lent aux pieds l’Evangile ct ont abandonné les tradi­ de la Vaudoisie. Dans ce système, l’autorité du pape tions apostoliques... Ce que nous recherchons, c’est est nulle. Aussi bien l’Église romaine est devenue une la pauvreté et Γinnocence qui ont présidé à l’établis­ Babylone nouvelle. Les prêtres ont cessé d’observer sement ct aux premiers développements de la fol la vérité de l’Evangile ct la pauvreté apostolique· lis orthodoxe. » Jules Chevalier, Mémoire historique sur ont perdu leur autorité parce qu’ils ont perdu leur les hérésies en Dauphiné avant le JF/' siècle, Valence, sainteté. C’est par la sainteté de leur vie que le « ma­ 1890, p. 85. Tout n’est pas faux dans ces déclarations. jorai > ct le « barbe » sont puissants. C’est parmi eux Mais les sectaires oubliaient de révéler les articles qu’il faut chercher l’Église de Dieu, puisqu’ils mènent secrets de leur croyance qyi les rendaient justiciables la vie des apôtres. Ils ont toute puissance de lier cl de de l’inquisition. Pour une bibliographie plus complète délier, car la puissance du confesseur est en raison de du sujet, voir Jean Marx, op. cil., p. xvm-xxm. 3° Les Juifs, tes apostats d les excommuniés* — Les sa sainteté. Étienne de Bourbon, Anecdotes historiques, p. 297; Bernard Gui, Pradica, p. 247. Ni les foudres, Juifs, comme tels, ne relevaient pas de l’inquisition. ni les censures de l’Église romaine ne sont donc & L’Observation de leurs rites était autorisée par l’Église. craindre. Dieu seul a le pouvoir d’excommunier ct Cf. Eymcric, Directorium, part. II, q. xlvî, p. 355. Mais il leur était interdit de faire du prosélytisme. Dieu n’excommunie pas ses saints. Les vaudois attaquent avec une particulière vio­ Les chrétiens qu’ils auraient amenés au judaïsme lence la doctrine catholique du purgatoire ct les pra­ tombaient nécessairement sous la juridiction des In­ tiques qui en dérivent. Les messes pour les défunts quisiteurs. Serfe, 1. V, tlt. n, c. 13. Les juifs convertis sont inutiles; inutile aussi l’intercession des saints. qui apostasiaient ct retournaient à la loi de Moïse Toute une partie du culte catholique se trouve dès subissaient la même règle. Divers papes du xm* siècle. lors sans objet. C’est Dieu qu’il faut prier ct non les Clément IV, Grv.oire N. Nicolas III et Nicolas IV, saints, ni meme la Merge, car ils n’entendent pas nos soumirent celte nouvelle catégorie de coupables à oraisons, ct ne sauraient nous aider : les chants reli­ Γ Inquisition. Potthast, Regesta, n. 20 081, 20 082, gieux sont superflus, les églises n’ont pas de raison 20 095,20 720,20 721. 20 798; Dont, t. xxxvn, fol. 191; d’être : on peut aussi bien prier dans une étable. Langlois. Registres de Nicolas IV, n. 322. Et les papes Étienne de Bourbon, Anecdotes historiques, p. 296-297 ; du xiv· Imitèrent leurs prédécesseurs : Benoit NII, Jean Marx, L’Inquisition en Dauphiné, p. 20-22. Ce­ par exemple, pourvoit de sa recommandation les pendant, dans la pratique, les vaudois sc mêlaient émissaires de l’Impilsitcur de Proxencc chargés de volontiers aux fidèles ct suivaient leurs exercices reli­ débusquer un apostat jud.üsant, en Savoie ct en Dau­ phiné, Vidal, Rullatrc de Γ Inquisition française au gieux. de peur d’être traités en hérétiques. Bien qu’ils considérassent le serment comme un «I/r· siècle, p. 258, n. 171 bis; Innocent VI (1359) péché, ils y avaient recours en cas de danger grave, donne des lettres du même genre à un Inquisiteur qui pour ne pas faire suspecter leur religion : jura, perjura, va rechercher des coupables de celte espèce jusque secretum prodere noli. Ils s’élevaient contre la justice dans l’Aragon ct la Castille. Ibid., n. 224-229. Voir séculière qui exigeait le serment ct édictait la peine de d’autres exemples cités par Vidal, ibid., p. xuv. Cependant la juridiction contre les juifs demeura mort ; ils réprouvaient également la guerre et les croi­ sades, en vertu des principes de l’Evangile. Dénoncer souvent indécise, dans la pratique,entre les inquisiteurs aux tribunaux un des maîtres de la secte et Γ exposer ct les évêques ou même les juges civils. Au xm· siècle, ainsi ?» une condamnation capitale, c’était commettre aussi bien qu’au xiv·, tous ces juges paraissent avoir un crime et un péché contre le Saint-Esprit.Étienne exercé une action concurrente en matière de judaïsme. CL Tanon, op. cil., p. 24 i-215. Certaines formules de de Bourbon, loc. ci/.; Bernard Gul, Pradica, p. 215; la Pradica de Bernard Gui font penser que, si un inqui­ Jean Marx, op. cit., p. 22. La monde des vaudois s’achève en quelques autres siteur citait les Juifs à son tribunal, c’était en vertu préceptes ; mal faire ct causer du tort ù son prochain d’une commission spéciale. Nos talis, inquisitor hare est un pèche; on doit respecter le mariage ct éviter t tiCK pravitatis ac perfidiae judieorum in regno Francia: le faux témoignage. Bernard Gui, Pradica, p. 246-217. per sednn apostolicam deputatus. Formules, 1, 4, 13, Les sacrements d’eueharistiç ct de pénitence sont de la II· partie de la Prudica; et. Tanon; op. Cil., appropries à l’usage de la secte. Les vaudois ne nient p. 215-216. Cc privilège fut même ôté aux tribunaux pas In transsubstantiation, mais ils estiment que la d’inquisition par Clément VIL Les juifs des provinces consécration peut être opérée par tout homme juste de Sens, de llrims, de Rouen ct de Lyon, s’étant qui prononce les paroles rituelles. I.es fidèles sc confes­ ulaints des mauvais traitements que les inquisiteurs sent aux évêques ct aux prêtres, plus tard aux barbes, cur faisaient subir, le pape décida que les causes des Une autre remarque s’impose : si le nombre des condamnations â mort des sorciers a été si conside­ rable au xv· siècle ct plus tard, c’est aux tribunaux séculiers et non aux inquisiteurs qu’il faut attribuer ccttc sévérité. De ces exécutions, l’inquisition n’est pas, à proprement parler, responsable G® Criminels de droit commun. — A x rai dire, l’inqui­ sition fut aussi chargée d’instruire des procès sur des crimes de droit commun. Les gens de Marteau, dont l’obstination avait provoqué, nous l’avons vu, la sé­ vérité de Benoit XIII, s’étalent rendus coupables d’adultère, d’inceste, de concubinage, pour lesquels Ils so vantaient d’avoir l’impunité; le pontife voulut que l’inquisiteur cl l’official réprimassent ces desor (1res. L’inquisiteur fut ainsi amené ù s’occuper de délits qui n’étaient pas de sa compétence ordinaire. Vidal, Bultaire de Γ Inquisition française, n. 329, p. 469. Pons Fougeyron reçut pareillement d’Alexandre V un surcroit de, facultés débordant la compétence ordinaire de l'inquisition, contre des criminels de droit commun, notamment contre les usuriers, X idal, Ibid., n. 338, p. 487; cf. bulle de Grégoire XJ,de 1375, ibid., n. 300, p. 427. Au reste, Nicolas V remettra plus tard à Hugues Nègrc(.Vigri), inquisiteur en Languedoc et en Gascogne, le droit de punir non seulement le blasphème ct la sorcellerie, mais encore les actes sa crilègcs et les crimes contre nature. Bipoll, op. cit., Ι.ιπ,ρ. 301. < Les vrais hérétiques manquant, remarque un historien. Γ Inquisition se rabattait sur les criminels qui pouvaient leur être assimilés. » Vidal, Bullairedc Γ Inquisition française, p. xi.vm. 2035 INQ UISITION IV. Procédure. La mission de Γ Inquisiteur est ainsi expliquée dans un lettre que Grégoire IX adresse, le 11 octobre 12319 â Conrad de Marbourg : « Lorsque sous arriverez dans une ville, vous convoquerez les prélats, le clergé et le peuple et vous ferez une solen­ nelle prédication; puis \ous vous adjoindrez quelques discrètes personnes et ferez avec un soin diligent votre enquête sur les hérétiques et les suspects. Ceux qui, après examen, seront reconnus coupables ou suspects d’hérésie devront promettre d’obéir absolument aux ordres de l'Église; sinon vous aurez à procéder contre eux suivant les statuts que nous avons récem­ ment promulgués contre les hérétiques· » Kûchenbccker, Analecta Hassiaca, t. ni, p. 73. Nous avons là toute la procédure inquisitoriale : 1° tournée inqui­ sitoriale; 2° prédication et temps de grâce; 3° enquête, qui comprend la dénonciation et la citation des sus­ pects; -1° examen ou interrogatoire des accusés; 5° audition des témoins; 6° l’avocat; 7° la vexation qui comprend l'internement et 8° à partir d'Innocent IV, la torture; 9° la sentence publique dans un scrmo generalis ou autodafé; 10° subsidiairement nous examinerons la question de rappel au pape. Ie Tournées inquisitoriales. — A l’origine, les inqui­ siteurs entreprenaient des tournées dans les villes et villages où ils avaient quelque espoir de saisir des héré­ tiques et des suspects. Mais ccs déplacements étaient extrêmement périlleux. Les hérétiques recouraient parfois à la violence pour échapper à la poursuite de leurs juges. Dans la nuit du 28 au 29 mai 1242, par exemple, l'inquisiteur Guillaume Arnault et le frère mineur Étienne de Saint-Tibéri furent assassinés au château d’Xvignonet, avec leur notaire et leurs clercs. A partir de celte date, les tournées inquisitoriales se firent plus rares. Le concile de Narbonne de 1216 et Innocent IV, en 1217, autorisèrent les inquisiteurs à citer les suspects hors de leur résidence, dans des lieux qui paraîtraient commodes et sûrs, Rlpoll, op. cit., t. i, p. 779; consultation de l'évêquc de Narbonne, dans Tanon, op. ci/., p. 329. note 3. Les tournées in­ quisitoriales restèrent cependant l’une des formes normales de l'exercice de l'olllcc. Nous en avons la preuve dans les formules mêmes que donne Eymeric pour le sermon général qui inaugurait les poursuites. Directorium, part. Ill, p. 408; cf. Martènc et Durand, Thésaurus, t. v, coL 1811. I 2° Prédication et temps de grâce. — Le premier de­ voir de l’inquisiteur était d’inviter, dans un sermon public, ceux qui sc sentaient coupables d’hérésie, si légère que fût leur faute, à se présenter devant lui spontanément, dans un délai fixe, qui allait de quinze joursàun mois. Cf. Processus inquisitionis, dans Vacandard, L’Inquisition, p. 311. Le temps ainsi des­ tiné aux confessions volontaires, prenait le nom de « temps de grâce », tempus gratia: sivc indulgcntiic. Cf. ibid., p. 315. Ceux qui en profitaient et dont la faute était demeurée jusque-là cachée, étaient dis­ pensés de toute peine ou ne recevaient qu'une péni­ tence secrète très légère; ceux dont l'hérésie s’était manifestée au dehors étaient exonérés de la peine de mort et de la prison perpétuelle et ne pouvaient être condamnés qu'à un court pèlerinage ou aux autres pénitences canoniques habituelles. Consultation du i cardinal-évêque d’Albano, Pierre de Colmieu, ancien archevêque de Rouen, dans Doat, t. xxxi, fol. 5; cf. Tanon, op. cit., p. 114-115 et 329, note 4. A l’édit de grâce était joint un « édit de fol », qui ordonnait, sous peine d'excommunication, â quiconque connaîtrait soit un hérétique notoire, soit une per­ sonne suspecte d’hérésie de les dénoncer à l’inquisiteur. Eymeric, Directorium, part. III, n. 52, 53, 56. 3* Délation et citation. — Le tribunal d’inquisition ne poursuivait pas seulement les hérétiques avérés; 2036 il étendait sa compétence aux suspects. En principe la diffamatio ou infamia désignait ces justiciables; mais en réalité le plus léger soupçon, la dénonciation la plus vague faisait ouvrir des poursuites contre celui qui en était l’objet. Cf. lettres des consuls de Nar­ bonne à ceux de Nîmes, dans Ménard, Histoire de .\fmes, t. i, p. 74, et KcgUtrcs d’inquisiteurs, cités par Tanon, op. cit., p. 333, note 4. Les hérétiques et les suspects qui ne sc présentaient pas d’eux-mêmes étaient convoqués par une citation en règle, citation quelquefois verbale, le plus souvent écrite. Habituellement cette citation se faisait par l’intermédiaire du curé du lieu dans lequel demeurait le prévenu. Cf. Bernard Gui, Pradica, part. I, form, 1, p.3. La première citation était péremptoire; le refus d’y obtempérer exposait les inculpés à une poursuite pour contumace. Néanmoins, quand il le jugeait à propos, l’inquisiteur pouvait, par faveur spéciale, essayer d’une deuxième sommation. Cf. Bernard Gui, ibid., p. 21, n. 24 : Forma sccundœ citationis quando inquisitori visum fuerit amplius facienda. « Lorsque l’accusé néglige de se présenter ou prend la fuite, on procède à son arrestation. Λ l’origine, nous l’avons dit, la capture des hérétiques n’était pas sans danger. Les populations, les magistrats, les nobles étaient manifestement hostiles. L’inquisiteur était souvent obligé de payer de sa personne. Il s’en allait, avec une escorte, à la recherche des suspects et les arrêtait lui-même. Cf. Molinler, L*Inquisition dans le midi de la France, p. 318-319. Lorsque, après de longs cfTorts, l’inquisition eut brisé toute résistance et gagné l'appui des grands, elle en usa plus commodé­ ment. Officiers civils, balles, châtelains, sergents d'armes furent requis, sous peine d’excommunica tion, de prêter main forte aux messagers inquisitoriaux porteurs de mandats d’arrêt. Bernard Gui, Pradica, n. 4-8, p. 5-7; Cf. 5cx/c,l. V, tit. n,c.6. Les gens furent recherchés, capturés et conduits par les agents de l'autorité laïque. » Vidal, Le tribunal d'Inquisition de Pamiers, p. 150. S’agissait-il de débusquer un héré tique réfugié sur le territoire d’une autre juridiction inquisitoriale, on trouvait des émissaires qui sc char geaient volontiers, moyennant récompense, de celte besogne délicate. Voir des exemples dans Vidal, ibid., p. 151 sq. 4° Examen ou interrogatoire des accusés. ·— Une fois arrêté, l’accusé comparaissait devant le tribunal de l’inquisition et recevait communication des charges relevées contre lui. Il avait à y répondre. Et pour qu’il n’eût pas la tentation de trahir la vérité, on l’invitait à prêter sur les quatre Évangiles serment de dire la vérité tam de sc ut principalis, quam de aliis vivis cl mortuis, ut testis. Cf. Décrétales, 1. V, tit. i, c. 17, et textes de conciles ou de registres dans Tanon, op. cil., p. 348, notes; Vidal, Le tribunal de Γ Inquisition de Pamiers, p. 156 sq. Après cette formalité, la parole est à l’accusé qui la garde autant qu’il le désire. De loin en loin, le juge provoque des explications. Des questionnaires furent rédigés de bonne heure à l’usage des inquisiteurs. Un cathare ne doit pas être interrogé comme un vaudois ou un béguin. De là l'utilité des modèles spéciaux d’interrogatoires; 1 ntcrrogaloria ad credentes de secla manichivorum. Interrogatoria specialia ad illos de secta valdensium. — Interrogatoria ad bequinos moderni temporis. — Interrogatoria spe­ cialia ad examinandam pseudo-apostolos. Bernard Gui, Pradica, part. V, p. 242-256, 263, 277, 282; cf. Eymeric, Directorium, part. Ill, p. 421 : Modus interrogandi ream accusatum, p. 429, Observanda ab inquisitoribus in examinatione hxrelicorurn. Pour obtenir la vérité, l’inquisiteur est parfois obligé d’user d’artifice. Certains accusés masquent avec une 2037 INQI ISITION si merveilleuse habileté leurs croyances! Cf. Bernard Gui, Practice!, pari. V, p. 253-254 : De sophismatibus d duplicitatibus verborum ipsorum; De astuciis d fai laciis quibus sr contingunt in respond/ndo. En pareil cas, Eymeric est d’avis de ruser avec eux. On les leurrera pur de douces paroles et des promesses d’indul· gcnce; on leur accordera des faveurs dans la nourri­ ture et le logement; on leur dépêchera des complices dont on est sùr et qui, bien que convertis, feindront d’être toujours de la secte; on amorcera ainsi des conversations où les coupables sc trahiront par des confidences; on aura soin de poster des témoins aux écoutes, voire un notaire qui ne manquera pas de consigner sur scs tablettes cc qu’il aura entendu; on obtiendra ainsi des aveux que les moyens ordinaires n’auraient pu arracher. Ey aerie, part. III, Cautela inquisitorum contra hardtco ram cavillationes et jraudes, CL Tanon, op. cit., p. 354-358. 5° Accusateurs d témoins. — Les accusateurs des hérétiques étaient plutôt des dénonciateurs propre­ ment dits. En droit strict, l’accusateur était obligé de faire la preuve des faits qu’il dénonçait; sinon il encourait la peine qu’aurait subie l’accusé qu’il pour­ suivait. A vrai dire, s’il succombait dims son action, il n’était pas nécessairement et dans tous les cas, puni de la peine du talion, qui avait été établie surtout pour prévenir les accusations calomnieuses : une accusation simplement téméraire pouvait être excusée. Mais l’accusation était en soi fort périlleusect entraînait des formalités très compliquées, propres à décourager les meilleures volontés : discussion des exceptions, sentence incerlocutoire sur la recevabilité ou le rejet de l’action, litiscontestation, procédure de preuve avec enquête et production de témoins, discussion contradictoire des avocats et des parties, sentence définitive sur le fond. Or l'Eglise avait à cœur de sim­ plifier la procédure dirigée contre les hérétiques. C’est pourquoi, dans le droit inquisitorial, l’accusa­ tion légale fut abandonnée. Cf. sur tout ceci, Tanon, op. cit., p. 255-263. On s’en tint à la simple dénoncia­ tion et à l’audition de.s témoins. En principe, l’inquisiteur ne devait sc fier qu’à des personnes discrètes. Et l’Eglise avait longtemps admis que la déposition d’un hérétique, d’un excommunié, d’un homicide, d’un voleur, d’un sorcier, d’un devin, d’un faux témoin, n’était pas recevable en procédure criminelle. Gratien, Decretum, part. 11, eaux VI. q. I, c. 1-5. Mais son horreur de l’hérésie lui fit adopter une exception dans les matières qui touchaient à la fol. Déjà, au xu· siècle, Gratien fait observer que le témoignage d’un hérétique ou d’un infâme était acceptable quand il s’agissait d’hérésie. Decretum. part. Il,cans. 11, q. vit, c. 22; cans. \ 1, q. t, c. 19. Les édits de Frédéric 11 déniaient aux sectaires le droit d’ester en justice, mais cette incapacité fut levée dans la constitution dcKavenncdu 22 février 1232: Adjicl· mus quod hic retiens convinci per turreticum possit. Cf. Historia diplomatica Frederlci II, t.iv,p. 299-300. Dans les premiers temps, les inquisiteurs hésitèrent parfois à tenir compte des témoignages ainsi obtenus. Mais.cn 1261, Alexandre IV rassura leur conscience. Bulle Consuluit du 23 janvier 1261, dans Eymeric, Directorium, Appendix, p. 40. Il fut dès lors admis que la déposition d’un hérétique devait être retenue. Il appartenait à l’inquisiteur de la contrôler. Ce prin­ cipe fut généralement accepté. Incorporé dans le droit canonique, Sexi., I. V, lit. n. c. 5, In fidei favorem, Eymeric, Directorium, p. 105, et confirmé par une pratique constante. On peut même dire que les prin cipaux et ordinaires témoins qui comparaissaient devant les tribunaux d* Inquisition étaient des hérétiques. On sc rappelle (pic. dans le serment qu’ils prononçaient, les accusés promettaient de dire 2038 la vérité tam de se ut principalis, quam de aliis... ut testis. Cf. Vidal, Le tribunal de ΓInquisition, p. 156. La police et la Justice Inquisitoriales étaient fondées sur une vaste délation érigée en système et imposée à tous comme un devoir (à la réserve du secret de la confession, cf. Pegna, sur Eymeric, Directorium. part. II, comm. 25, p. 228). Aucun lien d’amitié ou de parenté n’en dispensait : le père et la mère devaient accuser leurs enfants; le mari sa femme, et réciproquement. Dans sa lettre du 12 avril 1233 à Robert le Bougre, Grégoire IX félicite l'inquisiteur d’avoir Inspiré une si salutaire terreur, quod pater filio vd uxori, filius ipse patri, uxor propriis filiis aut marito vd consortibus ejusdem criminis, in hac parte sibi aliquatenus non parcebant. Bulle Gaudemus, dans Ripoll, op. cit., 1.1, p. 56. L’âge requis pour la validité du témoignage était, d’apres le concile de Toulouse de 1229, can. 12, dans I îardouin, t. vu, col. 178, quatorze ans pour les homme et douze seulement pour les femmes. On voit cepen­ dant, dans un acte reçu après la prise de Montségur, un enfant de dix ans admis à déposer contre son père, sa sœur et un grand nombre de personnes. Doat, L xxn, fol. 237 sq. Deux témoins suffisaient, conformément au droit commun, pour ont rainer, à défaut de l'aveu, la condam nation de l’accusé : quia regulare est quod in ore duo­ rum vel trium testium stet omne verbum. Matth., xvm, 16. Cf. Eymeric,Directorium, part. Ill, q. lxxi, p. 614. Gui Foucois, le futur Clément IV, fut le premier cano­ niste (vers 1265) qui conseilla de ne pas s’en tenir à ce nombre, lorsqu'il s’agissait de condamner un homme de bonne renommée : .Von crederem tutum cd vocem duorum testium hominem bona opinionis damnare, licd videar contra jus dicere* q. xiv et xv. L’avis et la pratique des inquisiteurs furent dès lors assez varia­ bles. Eymeric, le juge aragonais, dont l’autorité était si grande, soutint l’opinion de Gui Foucois, en la pré­ cisant : Non vidftur tutum ad vocem duorum testium hominem bonx famæ, de tanto crimine condemnare : secus si juerit malar jamx. Loc. cd.,p.615. Mais comme, en fait, la plupart des accusés étaient malæ jamx, la I distinction ne devait profiter qu’à un petit nombre de justiciables. Pegna jugera plus tard que l’opinion d’Eymeric est bénigne et déclarera que le mieux est de laisser les inquisiteur*» libres de se contenter ou non du témoignage de deux personnes honorables : Hoc non possumus diffiteri liberum esse judicibus fidei, et ob communem sententiam et ob jura, duos solum testes idoneos in quavis causa postulantia d ob communem etiam usum sacri tribunalis Inquisitionis, ad vocem duorum testium idoneorum reos hujus criminis condem nare. Comment, du Directorium, loc. cil. On peut donc dire qu’en règle générale, ob communem usum sacri tribunalis Inquisitionis, si deux témoins estimés dignes de foi par l’inquisiteur s’accordaient à charger l’in­ culpé, son sort était inévitablement réglé; qu’il s’avouât ou non coupable, il était déclaré hérétique. Cf. Tanon, op. cit., p. 387-388. Le plus souvent, à la vérité, le nombre des témoins s’élevait à trois, quatre, six, huit, dix et même plus. Cf. Vidal, Le tribunal de ΓInquisition de Damiers, p. 140. L’accusé n’était jamais — l’exception qu’on peut citer, Tanon, ibid., p. 395, confirme la règle — con­ fronté axée les témoins qui déposaient contre lui. Le nom de ces témoins ne lui était même pas communiqué. Dans la procedure de droit commun, a les noms des témoins étaient portés à la connaissance de l’accusé qui assistait à leur prestation de serment et pouvait ainsi faire valoir contre eux, dès le début de l’enquête, toutes scs causes de recusation. » Ces règles protec­ trices de la défense, que Grégoire IX recommandait encore le 18 novembre 1231 à l’archevêque de Vienne, 2039 INQUISITION 2040 Auvray, Registres de Gregoire IX, η. 2218, furent ritur, pro sua sudtrahvxt voluntate. Auvray, Regis­ bientôt supprimées. < Le peril que la divulgation de tres de Grégoire IX, n. 2218. Mais bientôt l’assistance leurs noms faisait courir aux témoins, les représailles Judiciaire fut refusée aux justiciables de l’inquisition. qu’elle pouvait attirer sur leur télé ct dont on avait En 1248, les évêques assembles à Valence sous la eu, Λ l’origine, d'assez nombreux exemples, amenèrent présidence des légats du pape, les cardinaux d’Albano celte interdiction. · Tanon, op. cil., p 389-390. ct de Sainte-Sabine, édictèrent la règle suivante : Item, ne Inquisitionis negotium per advocatorum stre­ CL Vacan dard, L'Inquisition, p. 152, note 1. D’après un petit manuel inquisitorial des environs de 1211, pitum retardetur, providendo statuimus quod ab inqulsi l’usage de taire les noms des accusateurs fut confirmé (oribus XON admittantur /.v processi dvs advocati. d’abord par Grégoire IX ct ensuite par Innocent IV Circa vero advocatos lurreiicorum, fautores et defensores, et Alexandre IV. Processus Inquisitionis, dans Vacanconst itutioncmdelucrcticisjma ripimusobscrvari.Can.U, dxird, L'Inquisition, p. 317; bulle Cum negotium Ilardouin, Concilia, t. vn, coi. 426. Or on salt que d’ Innocent IV, Kipoll, op. cit., 1.ï, p. 211 ; Layettes du d’après la constitution. 67 adversus, Decretales, 1. V, Trésor des Chartes, n. 4112, 4221 ; ci. conciles Vidal, loc. cit., formule sc retrouve dans les deux procès quo nous p. 191-195. Ct. Molinicr, L'Inquisition dans le .Midi, connaissons. Or celte formule est caractéristique, et p. 310-358; Tanon, op. cil., p. 306-101. On voit com­ il faut l’entcmlre. L’n des accusés, celui que cite bien la constitution de Boniface était sage. M. Vidal, s’adresse à deux jurisconsultes de l’amicrs, 5· L'avocat. — De doit commun, tout accusé pouvait Jacques Camel et Hugues d’Abclhès. Tous deux lui requérir un avocat. Le 18 novembre 1234, Grégoire IX déclarent qu’ils ne prendront sa défense que sur l'ordre formel de l’évêque (l’mqulsilcur). Celui-ci désigne préconise encore celte règle dans une lettre qu’il adresse à l’archevêque de Vienne au sujet d’un procès i Jacques Camel, qui s’engagea aussitôt à prêter scs Inquisitorial : Quidam ad inquirendum super dicto cri- services · selon I > coutume et la manière de scs pareils, mine procedentes, juris ordine pratermisso, testes super quand Ils défend» nt des personnes suspectes d’hérésie, hoc recipiunt in occulto et, nominibus vel didis testi fl­ obstinée s à J t ni» r. · 11 conseillera donc à l’accusé, eanthim minime publicatis, omnem defensionis copiam modo cl forma pro dii lis... quod recognosceret veritatem. et advocatorim rurprag/UM eis contra quos inqul· | \UM,luc.cil.,p. 199. 2041 INQUISITION Avouer Ja vérité, cela veut dire : reconnaître le bienfondé des accusations, en d'autres termes» reconnaître sa culpabilité· C’est A forcer cet aveu que sc réduisait à peu près l'office de l’avocat. Pegna le dira plus tard nettement dans son commentaire du Directorium (passage cité : comment. 28) : Advocati parles erunt admonrre reum ut veritatem confiteatur..., pir.nitenliam petat pro culpa, st quam habet. De la sorte, comme on i’a remarque, le défenseur était plutôt l’avocat du tri­ bunal epic celui de l’accusé, Vidal, loc. cit.; cc qu’il recherchait uniquement, c’était le triomphe de la justice. Λ vrai dire, si son client n’était pas coupable, il pouvait l’aider A faire éclater son Innocence. Mais l’accusé dont la conscience n’était pas nette, n’avait rien A attendre de son avocat, 'fout au plus, par l’aveu que celui-ci lui conseillait, pouvait-il obtenir une sen­ tence plus bénigne, un adoucissement de sa peine. A tout prendre, l’avocat des tribunaux de l’inqui­ sition ne fut Jamais à proprement parler qu’un avocat conseil. Cf. Vidal, toc. cit., p. 196-203. En aucun cas, il ne paraissait A l’audience. Son rôle sc bornait A conseiller l’accusé dans l’élaboration de Ja cédule de défense. Douais. La procédure inquisitoriale, p. 18-19. 7· La vexatio ou contrainte. — Si l’accusé, en face des témoignages Tanon, op. cit., p. 437 438; Eymcric, op. cil., De appellatione, part. Ill, p. 353-356. Telle est la théorie. Dans la pratique, les inquisi­ teurs ne sc montraient guère disposés à recevoir les appels, même des sentences interlocutoires. Cf. Tanon, op. cit., p. 439. Cependant on a remarqué que Rome . acceptait le recours non seulement des simples pré­ venus, mais encore, quoique plus rarement, des condamnés. On en signale, au xiv· siècle, un certain nombre dc cas : « ils sont, en comptant les recours pour recusation ct les évocations de causes provo quées par des recours, au nombre de dix-huit, dont trois ont suivi la sentence de condamnation. > Vidal, Bullairc de Γ Inquisition française, p. lxxh-lxxviii. Citons, comme exemple, l’appel du sire dc Partenay, qui, condamné pour sorcellerie par l’inquisiteur de Tours, fut acquitté par le tribunal de Jean XXII. Cf. Vidal, i M/., p. 80-83. « Il ne faut pas confondre avec les appels les adou­ cissements qui sont parfois apportés par le pape aux 2048 peines prononcées par les inquisiteurs sur la de­ mande des condamnés. Cc sont lé de simples com­ mutations dc peines que le pape accorde, soit direc­ tement, soit le plus souvent en renvoyant les con­ damnés aux Inquisiteurs eux-mêmes pour la déter­ mination des peines ù substituer à celles dont ils font la remise. Telles sont, Histoire du Languedoc, édit. Privat, t. vi, p. 800, les consultations, d’ailleurs si mal reçues par les inquisiteurs, qui furent accordées â quelques habitants de Limaux, en 1248. » Tanon, op. cil., p. 440. V. Pénalités. — < La pénalité inquisitoriale est surtout curieuse à étudier comme la conception d’un système très particulier, dans lequel on s’est efforcé de concilier la répression la plus sévère avec les pria cipcsde la pénalité ct dc la discipline cccléslosllques, à l’aide de fictions qui attribuaient un caractère pure­ ment pénitentiel à toutes les peines autres que la mort, même à l’emprisonnement perpétuel. » Tanon, op. cit., avant-propos, p. ni. Dc la sorte, toutes les peines pro­ noncées par le tribunal dc l’inquisition, y compris les incapacités (sur les incapacités, voir Tanon, op. cit., p. 539-544), étaient médicinales, seule, la peine de mort aurait eu un caractère vindicatif. Et nous verrons que l’Églisc ne prit jamais la responsabilité de la peine de mort, infligée aux hérétiques. 1° La peine de mort était, avec l’emprisonnement perpétuel ct la confiscation, le plus terrible châtiment de l’hérésie. On peut sc demander comment elle fut rangée parmi les pénalités de l’inquisition. Au xi· ct au Xu® siècles, c’est-à-dire dans les siècles qui précédèrent immédiatement l’institution du tri­ bunal inquisitorial, on voit dc tous côtés des princes, des évêques ct des fidèles, tuer, pendre ou brûler les hérétiques, à mesure qu’on découvrait leurs convcnticules. Les passions populaires ont une grande part dans les exécutions. Cf. Vacandard, L9 Inquisition, p.39-44. Mais l’influence du droit romain n’y est peutêtre pas tout à fait étrangère. Anselme dc Lucqucs et la Panormie, attribuée à Yves dc Chartres, avaient reproduit textuellement sous la rubrique : De edicto imperatorum in dampnationem hœrcticorum, la loi 5 du titre De hæreticis du code dc Justinien. Cf. Tanon, op. cit., p. 453-454. Or ccttc loi, qui prononce la peine dc mort contre les manichéens, a pu paraître rigou­ reusement applicable aux cathares qu’on regardait alors comme les héritiers directs du manichéisme. Gratien, dans son Decretum, part. II, caus. XXIII, q. iv, vi, vu, préconise, il est vrai les théories dc saint Augustin, sur les peines ù Infliger aux hérétiques, à savoir : l’cxü ct les amendes. Mais quelques-uns dc scs commentateurs, notamment Rufin, Jean le Teutonique ct un anonyme dont la glose est insérée dans la grande Somme du Décret d’Huguccio, n’hésitent pas à déclarer que les hérétiques impénitents peuvent ou même doivent être punis dc mort. Cf. Vacandard, op. cit., p. 76, note 4; Tanon, op. cit., p. 455-157. Ces divers ouvrages parurent avant le concile dc Latran dc 1215. Ils reflètent les pensées qui flottaient dans les esprits. Et il est possible que l’archevêque dc Reims, le comte dc Flandre, Philippe-Auguste, Ray­ mond dc Toulouse ct Pierre d’Aragon, qui aulorisabnt l’application dc la peine du feu aux hérétiques, aient cru imiter en cela les premiers empereurs chrétiens. 11 faut pourtant reconnaître qu’il n’y a dans leurs actes, voire dans leurs écrits, aucune allusion directe à la législation impériale. Vraisemblablement ils su­ bissaient l’influence de l’usage plus encore que celle dc la loi écrite. Au fond, Gratien, qui propose sous le couvert dc saint Augustin, pour le châtiment dc l’hérésie, des pénalités inférieures à la peine de mort, devait être suivi pendant quelque temps encore. Nous relevons, 2049 INQUISITION 2050 en effet, dans la Somme du Décret de Bencncasa, ccttc ville dc Borne. Il promulgua, probablement en fé­ Indication que l'usage est de punir les hérétiques, non vrier 1231, une loi dans laquelle il ordonnait que les de la mort, mais de l’exil ct de la perte des biens. Va­ hérétiques condamnés par l’Église fussent abandonnés candard, op. cit., p. 78, note. Les conciles dc Tours ct â la justice séculière, pour recevoir le châtiment qu’ils de Latran, aux environs de l’an 1175, préconisent la méritaient, animadversio debita. Un règlement muni­ confiscation, mais ά l’exil ils substituent la prison, cipal, publié en même temps par Je sénateur dc Borne, genre dc châtiment que ne connaissait pas le droit Annibaldi, fixa pour la ville étemelle la jurisprudence romain. A partir de Lucius III, sous l’influence des nouvelle. Bochmer, Acta imperii selecta, p. xm, 378 légistes, le régime du bannissement ct de la con Itera­ ct 665. La peine à appliquer n’est pas spécifiée. Mais tion des biens prévalut. La décrétale Ad abolendum le genre dc supplice était suffisamment indiqué par du concile dc Vérone dc 1164, disait bien : Hirreticus la constitution de l’empereur qu’on venait de transcrire relinquatur arbitrio potestatis animadversione debita sur les registres dc la chancellerie pontificale. Dc fait, puniendus, ct V animadversio romaine était la peine dès le mois de février 1231, on arrêta dans Borne un de mort. Mais Frédéric Barberousse,dans l’édit répon­ certain nombre dc pat an ns; ceux qui refusèrent de sc'convertir furent condamnés à être brûlés vifs, les dant à ccttc décrétale, ne parle que du ban impérial : imperiali banno subjecit. Cf. textes dans Vacandard, autres envoyés au Mont-Cossin ct â Cava pour y faire op. cit,, p. G7, notes. Il semble donc que V animadversio pénitence. Monumenta Germanite, Scriptores, t. xixt réclamée par le pont ifcn’cntrainait pas nécessairement p. 363. Les actes montrèrent ainsi d’une façon écla­ la peine capitale. Aux environs de l’an 1200, Alain de tante en quel sens il fallait interpréter les documents. Lille pouvait encore écrire dans son traité Contra Sur tout ceci, voir Vacandard, L’Inquisition,p. 129-134. Les théologiens ct les canonistes sc chargèrent de luvreticos, 1. I, c. xxn : Hærctici propter haresim non sunt occidendi. Et on l’a justement remarqué, c dans justifier ccttc pratique ct ccttc législation. Saint Tho­ mas, par exemple, s’exprime ainsi : « Il faut considérer la législation d’innocent 111, comme dans scs lettres, il n’est nullement question dc la mort pour les héré­ le crime d'hérésie, d’abord en lui-même, ensuite par tiques. Il n’a jamais demandé que leur bannissement rapport à l’Églisc. A considérer le crime en lui-même, ct la confiscat ion de leurs biens. S’il parle de recourir au les hérétiques méritent non seulement d’ètrc exclus dc l’Église par l’excommunication, mate encore d’être bras séculier, virtute materialis gladii coerceri, Epist., i, 81, du lrf avril 1198, à l’archevêque d’Auch, il n’en­ retranchés du monde par la mort. Car il est beaucoup tend par lâ que l’emploi de la force nécessaire aux plus grave de corrompre la foi, qui est la vie de l’âme, mesures d’expulsion ct d’expatriation édictées par que de falsifier la monnaie qui est un moyen dc sub­ son code pénal. » Luchaire, Innocent 111 et les albi­ venir â la vie temporelle. Si donc les faux monnayeun geois, p. 57-58. Ficker, Die grsctzliche Einjûhrung ou autres malfaiteurs sont justement mis à mort par der Todcslrajc file Krtzcrci, p. 177-226,430-431, Julien les princes séculiers, à plus forte raison les hérétiques, Havct, L*hérésie ct le bras séculier, p. 165, note 3, Lea. dès qu’ils sont convaincus d’hérésie, peuvent-ils être op. cit., 1.1, p. 220-222, partagent cc sentiment. Contre non seulement excommunies, mais encore justement cc sentiment, Tanon, op. cit., p. 442 sq.; voir Vacan­ tués. Quant à l’Églisc. comme clic est miséricordieuse dard, op. cit., p. 69-75, où tous ces textes sont critiqués. ct cherche laconwrsion des coupables, elle ne condam ne Il est vrai qu’innocent III Invoqua des raisons qui pas immédiatement l’hérétique, mais elle l'exhorte une devaient plus tard servir à aggraver le châtiment des première et une seconde fois â la repentance; que s’il hérétiques : « D’après la loi civile, dit le pontife, les demeure obstiné et si elle désespère de sa conversion, criminels dc lésc-majcsté sont punis de la peine clic pourvoit nu salut des autres en le séparant d’elle capitale et leurs biens sont confisqués, c’est même par l’excommunication et l’abandonne au juge sécu­ uniquement par pitié qu’on épargne la vie de leurs lier pour qu’il l'extermine du monde par la mort. » enfants. A combien plus forte raison ceux qui, déser­ Sum. theol., 11» 11*, q. xi, a. 3. Saint Thomas ne parle que de peine dc mort, sans tant la foi, offensent Jésus, le Fils du Seigneur Dieu, doivent-ils être retranchés de la communion chrétienne i indiquer le genre dc supplice. Les glossateurs qui et dépouillés dc leurs biens, car il est in Animent plus vinrent après lui précisèrent davantage. La debita grave d’offenser la majesté divine que de léser la animadversio, dit Henri dc Susc (Hostienste, f 1291), majesté humaine, » cum longe sit gravius aternam dans sa glose dc la bulle Ad abolendum, est la peine du feu : ignis crematio. Dans Eymeric, Directorium, quam temporalem lœderc majestatem. Epist., u, 1. Cette remarque adressée aux magistrats de Viterbe, part. II, p. 149-150. Et il justifie ccttc interprétation le 25 mars 1199, ne sera pas perdue. Frédéric II so par la parole du Sauveur : « Si quelqu’un ne demeure chargera de tirer les conséquences qu’elle renferme. pas en mol, il sera jeté dehors comme le sarment ct La constitution qu’il promulgua le 22 novembre 1220 Il séchera, ct on le recueillera ct on le mettra au feu pour tout l’empire rappelle expressément, c. vi, la et il brûlera : in ignem mittent el ardel. » Joa., xv, G. phrase d’Innocent III, Monumenta Germanite, Leges, Jean d’André (t 1348), dont la glose n’eut pas moins d’autorité au moyen âge que celle d’Hostiensis, in­ sect, iv, t. ii, p. 107-109. Dans la constitution dc 1224, pour la Lombardie, la peine de mort est décrét éc cont rc voque le même passage dc saint Jean pour l’appliquer les manichéens, ct, comme la législation antique édicte aux hérétiques. Eymeric, loc. cil., p. 170-171, Cf. d’au­ contre eux la peine du feu, c’est nu bûcher que Fré­ tres exemples dans Zilctli, Consilia selecta, 1577, t. i, déric 11 condamne les hérétiques. En 1230, le dominicain p. 8. Voir Tanon, op. cit., p. 174-478. Étaient livrés au bras séculier, pour être mis à mort Guala, devenu évêque de Brescia, fit l’applica­ tion dc ccttc loi terrible dans sa ville épiscopale. par le feu, les hérétiques impénitents ct les relaps. La sentence qui frappait l’impénitent portait que Ficker, Die gesetzlichc Einjdhrung der Todestraje für l’Église étant désarmée en face de lui, puisque tout Kelzertl, p. 199-201. Le pape Grégoire IX, qui était en relations fré­ espoir dc l’amender était perdu, n’en avait que faire quentes avec Guala, adopta sa manière de voir. La et l’abandonnait au juge séculier : Cum Ecclesia ultra constitution Impériale de 1221 fut Inscrite, soit â la non habeat quod facial pro suis meritis contra cum, fin dc 1230, soit au commencement de 1231, sur le re­ relinquimus brachio ct judicio curite sarcularis. Bernard gistre des lettres pontificales, où elle figure sous le Gul, Practice, part. Ill, p. 144. Cette formule laisse n. 203 dc la quatrième année de Grégoire. Auvray, entendre qu’il dépendait toujours du coupable d’é­ Registre de Grégoire IX, n. 535. Le pape s’occupa chapper au supplice. Pour cela il n’avait qu’à abjurer, ensuite de la mettre en vigueur, Λ commencer par la même au pied de l’échafaud, Cf. Limborch, Historia VIL — 05 D1CT. PE THÉOL. CATII QU 2051 INQI ISITION Inquisitionis, p. 993, sentence de Pierre Au tier; Tanon, op. cil., p. 166-169. Les relaps pénitents n’étaient pas toujours, à l’origine, condamnés ù mort. Sur la variation dc la discipline à cet égard, voir Lca, op.cit., 1.i, p. 543-546. Mais bientôt la coutume prévalut de les abandonner au bras séculier malgré leur conversion. Cf. S. Thomas, Sum. Ihcol., II* Hæ, q. ix, a. 4,srd contra. Celle-ci ne leur procurait d’autre avantage que la faculté dc re­ cevoir les derniers sacre nents. CL concile dc Nar­ bonne de 1214, can. 11 ; P emard Gui, Practica, part. 111, p. 127. Dans le style des sentences dc condamnation, l’hérétique impénitent ct le relaps étaient non pas livrés, mais abandonnés au bras, au juge séculier : relinquimus. Cf. Limborrh, op. cit., p. 91 ; Bernard Gui, texte cité plus haut. C’était là une formule calculée de langage pour exprimer que l’Église sc détournait du coupable ct qu’elle laissait au juge laïque la respon­ sabilité du traitement qui devait lui être infligé. Nota quod Ecclesia RELINQUIT judici sœculari puniendos, tradere autem non debet, dit Alain, dans sa glose sur les Décrétales. Cf. Tanon, op. cit., p. 472, note 3. Les mêmes sentences portaient que le bras séculier devait épargner au coupable la mutilation ct la mort; c’était une prière que l’Églisc adressait instamment nu juge : afjecluose rogantes ut dira mortem et mem­ brorum mulilalioncm suum judicium moderetur. Ber­ nard Gui Praclica, part. III, p. 144. Cf. Limborch, op. cil., p. 255 et passim. Mais cette clause ne pouvait être qu’illusoire. Le juge séculier savait à quoi s’en tenir. Celui qui l’aurait prise à la lettre ct aurait fait au condamné grâce dc la vie, aurait encouru l’excom­ munication ct sc serait exposé Λ toutes les peines ré­ servées aux fauteurs de l’hérésie. Sexi., I. V, tit. n, c. 18, dans Eymeric, Directorium, part. II, p. 110; cf. ibid., p. xlvu, 360-361. On a donc peine à com­ prendre une pareille formule. Elle ne s’explique que par une sorte dc transmission automatique. Employée d’abord pour des cas autres que l’hérésie, par exemple, pour le droit d’asile, Paul Viollet, Institutions poli­ tiques de Γ ancienne France, t. i, p. 403; cf. Décrétales, 1. V, tit. x, c. 27, Novimus, et 1. II, tit. i, c. 10, Cum ab homine, elle a été ensuite conservée dans les juge­ ments inquisitoriaux par la seule force dc la tradition. • Elle palliait la contradiction trop flagrante qui existait entre le fait ct l’enseignement évangélique, ct rendait un hommage apparent à la doctrine dc saint Augustin et des premiers Pères de l’Église. Mais elle avait aussi un autre but : elle fournissait au juge ecclésiastique un moyen... d’éluder, par une déclara­ tion dc pure forme, la défense faite aux clercs dc prendre part aux sentences de nature à entraîner la mutilation ou la mort et d’éviter l’irrégularité résultant de ccttc participation. Ce fut là sans doute le motif principal, sinon de son introduction primitive, du moins dc son maintien dans les sentences de condamnation..., on ne la trouve pas dans la formule d’abandon au bras séculier, du plus ancien de nos manuels inquisitoriaux, cf. Vacandard, L* Inquisition, p. 320, mais clic figure dans toutes les sentences dc Bernard Gui. · Tanon, op. cit., p. 473-474. 2® La prison. — Après la peine de mort, la pénalité la plus grave du tribunal de l'Inquisition était la prison ou le < mur », murus. < Suivant la doctrine inquisitoriale, la prison n’était pas en réalité une punition (une peine vindicative), mais un moyen pour le pénitent d’obtenir, au régime du pain ct de l’eau, le pardon de ses crimes : en même temps une surveillance atten­ tive le maintenait dans le droit chemin et l’empêchait dc contaminer le reste du troupeau. » Lea, op. cit., Lî, p. 4M. La prison était temporaire pour les hérétiques qui 2052 faisaient l’aveu dc leur faute durant « le temps dc grâce »; ceux qui ne sc convertissaient que sous la pression de la torture ct par crainte de la mort étaient « emmurés » à vie. Ce fut aussi le sort réservé en général aux relaps pénitents, pendant une bonne partie du xm* siècle. Du moins, Bernard dc Caux (1244-1248) ne leur applique pas d’autre pénalité. Cf. Tanon, op. cit., p. 471, note 4. « Il y avait deux régimes pour les prisonniers : le régime strict, murus strictus, durus, arctus et même -strictissimus, et le régime adouci, murus largus. La captif était enfermé dans une cellule ct ne pouvait communiquer avec personne.- Toutefois ccttc règle ne fut pas sévèrement appliquée, car, vers 1306, Gcoflroi d’Ablis signale comme un abus les visites faites aux prisonniers par des clercs et des laïcs des deux sexes. Déjà en 1282, Jean (inland avait interdit au geôlier de la prison de Carcassonne dc manger et dc jouer avec les prisonniers ou de les laisser jouer. Dont, t. xxxn, fol. 125. On permettait aux conjointsdc se voir s’ils étaient emprisonnés l’un et l’autre ou si l’un des deux seulement était en prison. Vers la fin du XIVe siècle, Eymeric accorde que les catholiques zélés peuvent être autorisés à visiter les prisonniers, mais 11 interdit ces visites aux femmes ct aux gens simples; car, ajoute-t-il, les convertis sont très dispose aux rechutes, très aptes à infecter les autres, ct géné­ ralement ils finissent sur le bûcher. Directorium, part. III, p. 507. • Les personnes soumises au régime plus doux du murus largus pouvaient, si elles se conduisaient bien, prendre un peu d’excrclcc dans les corridors, où clics avaient la facilité d’échanger quelques paroles ct dc reprendre contact avec le dehors. Les cardinaux qui visitèrent la prison de Carcassonne ct prescrivirent des mesures pour en atténuer les rigueurs ordonnèrent que cc privilège fût accordé aux captifs âgés ct in Armes. • Le condamné au murus strictus était jeté, les pieds enchaînés, dans une cellule étroite ct obscure », parfois il était enchaîné au mur. Ccttc pénitence était infligée à ceux dont les offenses avaient été scandaleuses ou qui s’étaient parjurés par des confessions incomplètes, le tout à la discrétion de l’inquisiteur. • Lorsque les coupables appartenaient à un ordre religieux, la punition était généralement tenue secrète, ct le condamné était emprisonné dans un couvent dc son ordre. Les couvents étaient d’ordinaire pourvue dc cellules à cet eflet, où.le régime n’était pas meilleur que dans les prisons épiscopales... La nourriture était passée au prisonnier à travers une ouverture ménagée à cet effet. C’est la tombe des vivants, connue sous le nom d’in pace ». Lca, op. cil., 1.1, p. 486, avec références. Dans ces geôles misérables, la nourriture était par­ cimonieusement servie. Cependant, « bien que le régime normal des prisonniers fût le pain ct l’eau, l’inquisition permettait aux siens de recevoir d’autres aliments, du vin, dc l’argent; il est si souvent fait allusion à cette tolérance qu’on peut la regarder comme un usage établi. » Lea, op. cil., 1.1, p. 491. Le nombre des hérétiques à qui la peine dc la prison, voire de la prison perpétuelle, fut infligée est relati­ vement considérable. Le registre dc l'inquisiteur de Toulouse, Bernard dc Caux, contient, pour les années 1244-1216, cinquante-deux sentences dont vingt-sept portent la prine de prison perpétuelle. Et encore faut-il noter que plusieurs d’entre elles comprennent dc nombreuses condamnations; la seconde, par exemple, atteint trente-lrois personnes, dont douze assujetties à la prison perpétuelle; la quatrième dix-huit personnes toutes frappéi de la prison à vie. 11 est vrai que le rcglst re ne Ignab· pas, même pour les relaps, dc remise au bi v béuilier. Douais, Documents, t. i, p. ceux- 2053 INQUISITION t. n, p. 1-89. Bernard Gul, qui remplit Λ Tou­ louse les fonctions d'inquisiteur pendant dix-sept ans (de 1308 ù 1323) eut niTnlrc à neuf cent trente coupa­ bles. Cf. Douais, Documents, t. 1, p. ccv; Vacandard, L*Inquisition, tableau, p. 322. Le nombre dc ceux qu’il condamne Λ la prison, soit temporaire, soit per­ pétuelle, s’élève à trois cent sept, c’est-à-dire au tiers environ du chiffre total des hérétiques traduits devant son tribunal. Même proportion, à peu près, de condam­ nations à la prison perpétuelle dans l'inquisition appaméenne pendant les années 1318-1324. Cf. Vacandard, loc. cit., p. 233; Vidal, Le tribunal dc ΓInqui­ sition de Pamiers, p. 227 sq. Nous avons dit que la condamnation au « mur » comportait certains adoucissements, ou même des commutations de peines. La prison à vie était quel­ quefois changée en prison ù temps, l'une et l'autre en pèlerinages ou port dc croix. Vingt emmurés de l'inquisition dc Pamiers reçoivent la croix en échange de leur prison. Vidal, ibid., p. 242. Cette Indulgence n'était pas particulière nu tribunal appaméen.Enl328, par une seule sentence, vingt-trois prisonniers dc Car­ cassonne furent relâchés, quitte à subir d'autres pénitences moindres. Dans le registre des Sentences dc Bernard Gui, on trouve cent dix-neuf cas dc mise en liberté, avec l'obligation de porter des croix : dc ces cent dix-neuf libérés, cinquante cl un furent par la suite exemptés du port des croix. Lca, op. cit., 1.1, p. 495. Les prisonniers obtenaient quelquefois des « congés » réguliers pour cause dc maladie — les femmes pour cause d'accouchement — ou pour subvenir aux besoins dc leur famille. Le terrible Bernard dc Caux trouva ainsi le moyen d'adoucir la rigueur de l'une dc scs * sentences. En 1246, il condamna Bernard Sabbaticr, hérétique relaps, ù la prison perpétuelle, mais 11 ajouta que le père du coupable étant un bon catholique, vieux ct malade, son fils pourrait rester auprès dc lui, sa vie durant, pour le nourrir. Lea, op. cit., 1.1, p. 486. 3° Les croix et autres signes d*infamie, — Les croix étaient une peine infamante, confusibilis; elles parta­ geaient cc caractère avec la peine du < mur » ou prison. Cf. Bernard Gui, Praclica, part. II, p. 48. « Elles de­ vaient être portées sur les vêtements d'une manière très apparente, comme la roue des juifs. Mais il y avait entre ccs deux marques une différence essentielle. C'est que la roue n'avait par elle-même aucun carac­ tère pénal et qu’elle était portée par tous les juifs comme un signe distinctif de la race ct dc la religion, tandis que la croix n'était imposée aux hérétiques que comme une peine ct portée par ceux-là seuls contre lesquels cette peine était prononcée. • La première mention d'imposition dc croix à laquelle nous puissions assigner une date certaine, est c?llc dc Pacte de 1206, dans lequel saint Dominique impose à l’hérétique Koger Pons, en même temps qu’une pénitence publique, le port d’un habit spécial sur lequel devaient être cousues deux petites croix dc chaque côté dc la poitrine. Marlène, Thesaurus anecdotorum, t. i, col. 802. Ces deux petites croix de­ vinrent par la suite les deux grandes croix de feutre jaune de la justice inquisitoriale. Concile de Toulouse de 1229, can. 10, llardouin, Concilia, t. vn, col. 177. On les plaça d'abord par devant, de chaque côté dc la poitrine, puis l’une par devant au milieu de la poi­ trine, cl l’autre par derrière entre les épaules. Leurs dimensions, comme leur place, furent rigoureusement déterminées. Le grand bras devait avoir deux palmes ct demie dc long, ct trois doigts dc large, ct le bras transversal trois doigts de large ct deux palmes dc long. Concile dc Narbonne dc 1246, can. 26, llardouin, Concilia, t. vn, p. 420; Limborch, Hist. Inquisitionis, p. 13. Ces croix étaient cousues sur chaque vêlement cclxi; 2054 de dessus, de manière à ce que l'hérétique en fût tou­ jours revêtu, soit au dehors, soit à l'intérieur de la maison. Elles devaient être refaites ou réparées dés qu'elles étalent déchirées ou effacées par l'usure. » Tanon, op. cit., p. 491-492. Il y avait aussi des croix doubles. Limborch, loc. cit., p. 13, Bernard Gui, Praclica, part. III, p. 98, réser­ vées particulièrement à ceux qui s’étaient parjurés en cachant la vérité aux Inquisiteurs. Elles étaient for­ mées comme la croix simple, à laquelle on ajoutait un second bras transversal, d’une palme environ. Concile de Narbonne, can. 26, loc. cil. Certains inquisiteurs appliquaient fréquemment la peine des croix. Dans les sentences de Bernard Gui, par exemple, c’est la peine la plus usit éc après la prison; elle est prononcée cont rc cent quarante-trois condamnés sur neuf cent trente. Cf. Vacandard. L*Inquisition, p. 322. D’autres Impositions dc croix résultent des commutations de peines accordées aux « emmurés ». Cf. Limborch, op. cit., p. 7, 9, 40, 100, 185, 213. Les croix étaient un châtiment très redouté, parce qu'elles exposaient les condamnés aux Injures et aux vexations des fidèles. Les conciles ct les Inquisiteurs curent beau protester contre ces pratiques odieuses, cf. Tanon, op. cit., p. 495, leurs prescriptions demeu­ rèrent le plus souvent Impuissantes. En 1329, l’arche­ vêque dc Narbonne en était réduit à menacer ceux qui molesteraient les porteurs dc croix de s’en voir imposer à eux-mêmes dc semblables. Doat, t. xxvn, fol. 107. Pour échapper aux vexations ct à la honte, les condamnés sollicitaient volontiers une commutation dc peine qui leur était quelquefois accordée. De 1308 à 1323, Bernard Gui signale cent trente-deux commu­ tations de ccttc sorte. Cf. Vacandard, op. cit., p. 322. • La remise était parfois temporaire, comme celle qui a été faite à un condamné, pour un voyage, Registre de Carcassonne, part. I, fol. 6, ou comme l'exemption générale accordée par les évêques du concile de Bé­ ziers dc 1246, can. 26, loc. cit.. à ceux qui iraient en Palestine combattre les Infidèles.. « L’imposition des croix très fréquente pendant toute la période active de l'inquisition monastique, parait avoir été beaucoup moins usitée, ou même avoir à peu près disparu, dans les temps qui ont suivi. » Tanon, op. cit., p. 497-498. D'autres signes d'infamie figurèrent dans le code Inquisitorial pour châtier certaines fautes spéciales; Ils avaient.comme les croix, un caractère symbolique. C'étaient des langues, des marteaux, des vases, des figures dc cire, une hostie, une lettre. Voir pour les détails,Tanon. op. cit., p. 499-500. Deux hosties, l'une par devant, l'autre par derrière, étalent imposées à ceux qui avaient profané le sacrement dc l'eucharistie; les langues à ceux qui avalent accusé faussement quelque personne d'hérésie. Les langues étaient de drap rouge et devaient être cousues sur les vêtements, deux par devant la poitrine, deux par derrière entre les épaules. Les calomniateurs devaient subir en outre la prison perpétuelle et l'exposition publique. Revêtus de leurs langues d’infamie, Ils étaient exhibés au sommet d’une échelle, à l'angle d'une rue, au coin d’un marché, ou sur le parvis d’une église, les jours de grand concours populaire, notamment le dimanche. Cette peine était le prologue de leur emprisonnement. Limborch, op. cit., p. 90, 97; Bernard Gui, Praclica, part. III, p. 105 Douais, Zxi formule Communicato, p. 22, 27. 4° Pèlerinages et flagellations. — Le pèlerinage ex­ piatoire et la flagellation publique n’apparaissent qu* assez tard dans la discipline ecclésiastique. Cf. Ta­ non. op. cit., p. 501-502. Le pèlerinage en Terre Sainte était considéré comme le plus méritoire. Les premier· Inquisiteurs l'imposèrent ù un grand nombre d'héré­ 2055 INQUISITION tiques, sous le nom de passage (Γoutre-mer. G. Pclhissc, Chronique, p. 91. Douze habitants dc la ville d'Albl y furent condamnés à la fois. Ibid., p. 96. Le sénéchal du ro! condamna lui-même en 1237 les habitants dc Narbonne à aller combattre les Infidèles, les uns outre­ mer, les autres en Espagne, pour avoir participé A une émeute soulevée contre les dominicains. Histoire du Languedoc, édit. Privat, t. vi, p. 687; t. vin, col. 1005; cf. Tanon, op. cil., p. 503, note 2. Tel fut le nombre dc ces croisés d’un nouveau genre qu’on finit par craindre que, mal convertis ct sc trou­ vant réunis en masse dans les Lieux Saints, ils ne missent la foi en péril, au lieu de la défendre. Et le concile dc Narbonne de 1244, can. 2, Hardouin, t. vn, col. 251, interdit d’en envoyer dorénavant. Mais cette mesure ne fut que temporaire. Le concile dc Béziers dc 1246, can. 26 ct 29, recommanda de nouveau le passage d’ouire-mer. < En 1217 ct 1248, Innocent IV, A la prière du comte Raymond, autorisa lui-même l’archevêque d’Auch cl l’évêque d’Agen A substituer ce passage A des condamnations A la prison ct aux croix, Histoire du Languedoc, t. vm,col. 1240 ct 1243; ct le registre de l’inquisition de Carcassonne (an. 1254-1258) nous offre, pour les années suivantes, dc nombreux exemples dc ce pèlerinage. > Tanon, op. cil., p. 503. Il devient cependant d’un usage dc moins en moins fréquent à partir dc l’échec des croisades. Bernard Gui, qui l’applique une fois,voirsesScn/enccs, dans Llmborch, op. cil., p. 283, n’en parle pas dans fia PracUca. Les pèlerinages ordinaires sont ceux du continent. Ils sc divisaient en majeurs ct en mineurs, comme on le volt par une sentence des Inquisiteurs dc Carcas­ sonne dc 1251. Tanon, op. cil., p. 505, note 1. Les pèlerinages majeurs étaient ceux qui se faisaient hors du royaume. Les principaux étaient, d’après la plus ancienne pratique dc l’inquisition du midi, ceux de Rome, dc Saint-Jacques de Compostclle, dc SaintThomas de Cantorbéry ct des Trois-Rols de Cologne. Bernard Gui, PracUca, part. III, p. 97. Les pèlerinages mineurs étaient situés en France : citons, pour le midi, Notre-Dame de Roc-Amadour, Notre-Dame du l’uy, Saint-Gilles en Provence, SainteMarthe de Tarascon, Sainte-Marie-Madeleine dc SaintMaximin, Saint-Léonard en Limousin, etc., cL Ber­ nard Gul, (bid.: pour le nord, Notre-Dame dcChartres, Saint-Denis, Notre-Dame dc Boulogne, etc. Bernard Gui, ibid.· Histoire du Languedoc, t. vin, col. 986. Les condamnés étaient tenus dc rapporter, des lieux fixés pour leurs pèlerinages, une lettre ou des lettres attestant qu’ils avalent bien accompli leur pénitence. Bernard Gui, PracUca, part. II, p. 38. Tous les pèlerinages, celui de la Terre Sainte comme les autres, faisaient i’objet de remises ou de commuta­ tions en œuvres pics, lorsque les condamnés étaient dans l’impossibilité matérielle ou monde de les exécu­ ter; par exemple, les vieillards, les Infirmes, les femmes enceintes, les jeunes époux ou les jeunes filles, pour lesquels on avait à craindre les périls dc la séparation ou du voyage. Bernard Gui, PracUca, part. ΙΙΙ,ρ. 98. Les visites aux églises avec flagellation et autres pénitences ont le même caractère que les pèlerinages. La flagellation était prescrite A titre principal, ou plus habituellement A litre accessoire. Nous avons un pre­ mier exemple de l’application dc ccttc pénitence aux hérétiques, dans la sentence prononcée par saint Dominique contre Roger Pons en 1206. Marlène ct Durand, Thésaurus anredotorum, t. i, col. 802. Le comte de Toulouse, Raymond VI, subit lui-même cette humiliation, des mains du légat Milon, en 1209, dans l’église dc Saint-Gilles, comme fauteur dc l’hé­ résie, Histoire du Languedoc, t. vin, p. 277-279. Sur Γapplication de cette peine, voir concile dc Narbonne 2056 dc 1214, can. 1, Hardouin, Concilia, t. vn, col. 251, et Bernard Gui, PracUca, part. HI, p. 165, Pour quelque motif que la fustigation fût appliquée, à titre principal ou accessoire, la cérémonie était toujours ta même. < Le pénitent sc rendait à l’église nu-pieds, en chemise ct en braies, in camisia cl braccls, ms. Clermont 126, part. I, fol. 25, portant un cierge dans une main ct dans l’autre les verges avec lesquelles Il devait être fustigé. LA il entendait la messe, A une place bien en évidence; puis il s’avançait vers l’autel après le sermon, l’évangile ou l’oflertoire, y déposait son cierge, offrait des verges à l’olllriant, se mettait A genoux ct recevait la discipline. Bernard Gui, Frac· lieu, part. III, p. 165. il suivait les processions dans le même appareil après les prêtres et les clercs, et il était fustigé A la dernière station. Ibid., part. Il, p. 38. Il proclamait à haute voix, aussitôt après avoir subi ccttc correction, ibid., part. III, p. 165, qu’elle lui était infligée pour les fautes qu’il avait commises envers les inquisiteurs ct i’ofïlce. · Tanon, op. cil., р. 512. 5° Peines pécuniaires. — Les anciens pénitenlicls consacrent le principe du rachat de la pénitence par l’aumône. Il était donc naturel que les peines pécu­ niaires eussent une place dans la pénalité inquisitoriale. En 1251, elles furent autorisées, d’une manière géné­ rale, par Innocent IV pour les cas où aucune autre pénitence salutaire ne pourrait être imposée. Bulle du 17 juin, dans Ripoll, op. cil., 1.1, p. 194. Un canoniste fait remarquer que ccttc peine était tout indiquée contre les riches avares qui seraient ainsi frappés ù l’endroit le plus .sensible de leur cœur. Zanchini, op. cil., c. xv, p. 134. Clément V, au concile de Vienne, demande seulement que celte mesure ne serve pas dc prétexte aux exactions abusives. Clementines, De hæreticis, c. 2, Nolentes. Les peines pécuniaires furent dès lors infligées régulièrement aux hérétiques, sous la réserve qu’elles seraient imposées ct reçues pour des œuvres pics ct pour les besoins dc Γ Office. Cf. Gui Faucois et Eymcric, cités par Tanon, op. cit., p. 511-515; Bernard Gui, PracUca, pari. III, p. 161 et 165. 6° Confiscations. — · G ration, dans la question su de la cause XXIII du Décret établit la confiscation du bien des hérétiques sur l’autorité de saint Augustin, qui la fonde lul-mvmc sur la loi romaine. Les Inter­ prètes, cf. Summa Rotandi, édit. Thancr, Inspruck, 1874, p. 96, la rapportent unanimement A cette loi, qui est sa veritable source. Le pape ct l’empereur la proclamèrent au concile dc Vérone dc 1164, comme l’avaient déjà fait en France les conciles provinciaux de Reims, dc 1157, et dc Tours, de 1163. Innocent III la consacre dans une lettre adressée, la seconde année dc son pontificat, au consul et au peuple dc Vitcrbe, et dans le concile dc Latran dc 1215; et tous les papes ct les conciles qui ont suivi la présentent comme l’une des armes les plus puissantes pour combattre l'hérésie· Elle était suspendue, comme une menace, sur la tète dc tous les hérétiques et dc leurs fauteurs, bulles d’Innocent IV, 12 mars 1252, Cum fratres, ct 13 mars 1252, Cum vos, dans Ripoll, op. cit., t. i, p. 208, ct même sur celle des princes, des seigneurs ct des offi­ ciers laïques, qui encouraient, avec la perte dc leurs dignités, celle dc leurs terres ct dc tous leurs biens, lorsqu’il ne prêtaient pas A l’ofTicc le concours qui était exigé d’eux, b Decretales, LV, lit. vn,c. \ Excommuni­ camus, sect. Moneantur /concile dc Toulouse dc 1229, can. 4 ct 7, dans Hardouin, Concilia, t. vn, col. 177-178. • La législation ecclésiastique aggrave ici la confis­ cation du droit romain... Dans le dernier état du droit romain, les biens de l’hérétique passaient A scs fils orthodoxe i ct même à scs agnats et cognnts, 4 ct 19, с. De luvr ticis, l V, v, Manichæos ct Cognovimus. Dans 2057 INQI 'ISITION 2058 le droit ecclésiastique, au contraire, la confiscation est L vn, col. 178, qui fut renouvelée par l’archevêque de absolue; elle a lieu ù l’égard dc tous ct même lorsque ' Narbonne en 1234, Histoire du Languedoc, t. vrn, l'hérétique laisse des enfants orthodoxes. C’cst ce qu’é­ col. 982, ct par le concile d’Albl dc 1251, can. 6, Har­ tablit Innocent iII, dans la décrétale Vergentis; cf. douin, ibid., col. 458. Le comte de Toulouse lui-même Décrétales, c. 10, Dc hu relicts, en Invoquant, avec le Inséra un article à ce sujet dans 1rs statuts pris par lui, jugement divin qui punit le crime du père sur les en­ en exécution du traité dc 1229. Histoire du Languedoc, fants, les dispositions de la loi romaine sur le crime t. vni, col. 964. Une bulle d’innocent IV. du 15 mal dc lèsc-inajesté. » Tanon, op. cit., p. 521-525. 11 n’y 1252, reprenant ccs dispositions, les aggrava encore avait qu’un seul cas ou les fils héritaient de leur père en ordonnant do démolir, av< c les m usons souillées hérétique, c’élail lorsqu’ils avaient, les premiers et par le recel d’un hérétique, celles qui lui étalent spontanément, dénoncé son hérésie. Cf. la loi dc Fré­ contiguës, lorsqu’elles appartenaient au même pro­ déric 11. Commissi nobis, incorporée dans la décrétale priétaire. Mais ces presc riptions parurent trop rigou­ d’innocent IV, du 31 octobre 1213, Ripoll, op. cil., reuses cl furent bientôt modifiées par une bulle interprétalixe d’Alexandre 1\ , Frltci. recordanonis, t.i, p. 126. La confiscation frappait, à l’origine, tous les héré­ 6 mars 1257, dans Ripoll, op. ci/., t. I, p. 330. Prises tiques. Mais on en dispensa de bonne heure ceux qui dans leur ensemble, ccs dispositions prescrivaient sc présentaient spontanément devant 1rs inquisiteurs, la démolition des maisons des hérétiques ct dc leurs durant le · temps de grâce ». Bernard Gui estime, du fauteurs, dc celles où les hérétiques auraient été recélés reste, que le fisc ne perdait rien ù celte mesure d’excep­ ct enfin de celles dans lesquelles sc seraient accomplis la tion. Ceux qui venaient ainsi à résipiscence devaient cérémonie dc l'affiliation d’un hérétique à sa secte révéler les noms de leurs complices, et cette révélation ou même quelque acte de prédication, du consente­ amenait la découverte ct la capture dc nouveaux ment du maître dc la maison· > Tanon, op. cil., p. 520hérétiques, c’est-à-dire par conséquent dc nouvelles 521. confiscations : ainsi ce qui était perdu sur les uns était Une telle pénalité offrait un double inconvénient; si récupéré sur les autres avec usure. Bernard Gui, Prac­ clic avait été rigoureusement appliquée, elle aurait, tice, part. III, p. 185. d’une part, diminué sensiblement le produit des Dans la pratique, la confiscation n’at teignait donc confiscations, ct, d’autre part, clic aurait fait dc que trois ou quatre catégories dc coupables : les hé­ certains bourgs ct de certaines villes de véritables rétiques impénitents abandonnés au bras séculier, les déserts. Aussi y cut-il des accommodements avec la pénitents condamnés a la prison perpétuelle, les dé­ législation. 11 semble, d’après les formules de Bernard funts qui, condamnés après leur mort, auraient été Gui, Practica, p. 59 ct 159, ct les sentences dc Limfrappés de la même peine, les contumaces. Bernard borch, p. 5 et 81, que ccttc pénalité ne fut régulière­ Gui, ibid., pari. II, p. 64. Pour plus dc détails, voir ment appliquée, par 1* Inquisition du midi, qu’aux maisons dans lesquelles avait été accompli l’acte d’hé­ Tanon, op, cil., p. 527-532. « Les confiscations étaient une source trop considé­ résie le plus grave, l’hérétication cathare par l’impo­ rable dc profits pour que leur attribution ne fût pas sition des mains. Pourtant la formule que donne disputée par tous ceux qui pouvaient avoir quelque Eymcric est plus compréhensive; clic regarde en titre à y prendre part· Ccttc attribution n'a pas été outre les maisons dans lesquelles ont eu lieu des réu­ nions d’hérétiques ct des prédications. Cf. Tanon, faite d’une manière uniforme, dans tous les pays ct dans tous les temps... Les premières décrétales attri­ op. cil., p. 522. 8° Exhumation des morts. — L’exhumation était buèrent aux seigneurs temporels les biens confisqués des laïques, en ne laissant à l’Église que ceux des prescrite par les canons de l’Église, non seulement clercs.Decretales, 1. V, til. vn, c.9, Ad aboiendam,c. 10, pour les hérétiques, mais encore pour tous les excom­ Vergentis,c. 13, Excommunicamus. Des décrétales posté­ muniés, afin que leurs restes ne profanassent pas rieures, bulle d’Innocent IV,du 15mai 1252, d’Alexan­ la terre sainte. Sext., 1. V, lit. n, c. 2, Quicumque; dre IV, du 30 novembre 1259, dc Clément IV, du cf. Decretales, 1. Ill, tit. x.\vm, Dc sepulturis, c. 12, 3 novembre 1265 : Ad extirpanda, dans Ripoll, op. cil., Sacris. Cf. Jordan, op. cit., p. 43-41. Lorsque, sur un Indice quelconque, un défunt était t. i, j). 211, 381 ct 465, firent,pour les villes d’Italie, une division dc ces biens en trois parts, une pour la soupçonné d'hérésie, on instruisait son procès contra­ ville ou le lieu dans lequel la condamnation était pro­ dictoirement avec scs héritiers. Bernard Gui, Practica, noncée, une autre pour les officiers laïques et la troi­ p. 124; Llmborch, op. cit., p. 33; cf. Tanon. op. cit., sième pour les besoins dc l’office. » Tanon, op. cit., p. 410. En 1205, les consuls dc Toulouse s'efforcèrent p. 533. Sur la pari du roi, en Espagne ct en France, dc limiter ces actions en décidant qu’elles ne pour­ raient avoir lieu que lorsqu’elles auraient été com­ Voir ibid., p. 531-536. 7° Destruction dc maisons. — La destruction des mencées du vivant de l’accusé, ou que celui-ci se maisons des condamnes n’est pas une pénalité d’in­ serait fait hérétique durant sa dernière maladie. Vaisselle, Histoire du Languedoc, l. vin col. 511. Mais vention Inquisitoriale. Mais l’inquisition l’adopta comme mesure à la fois symbolique et Infamante. Il les inquisiteurs refusèrent de se plier à un pareil rè­ ne fallait pas que rien dc ce qui avait appartenu à un glement. Tout mort qui, de son vivant, aurait été, hérétique fût considéré comme innocent. Dans sa lettre pour crime d’hérésie, abandonné au bras séculier ou du 23 septembre 1207, P. L., t. CCXV, col. 1226, simplement condamné à la prison perpétuelle, était Innocent III décida que toutes les maisons, passible de la peine dc l’exhumation, et scs biens étalent qui auront servi de refuge aux hérétiques, devront confisqués. être del mites de fond en comble. « Confirmée par Les poursuites contre les défunts étaient impres­ la législation impériale (Othon IV, en 1210, Mu- criptibles. La confiscation seule sc prescrivait dans ratori, Antiquit, ital., t. iv, p. 90; Frédéric II, 22 fé­ un délai qui, d’après l’opinion commune, était porté vrier 1232, 1 luillard-Bréollcs, Historia diplomatica à quarante ans. Mais le procès contre la mémoire, Fredrricl II, t. n, p. 299), cette pénalité reçut surtout suivi dc l’exhumation ct de l’incinération, avait son dans le midi dc la France son application légale, après cours, quel que fût le temps écoulé depuis la mort la conclusion du traité dc paix conclu, Je 12 avril Cf. Pcgna, sur Eymeric, Directorium, part. III, q. lxiu, 1229, entre Je roi ct le comte dc Toulouse. Le concile comm. 92, p. 570. dc Toulouse, de Ja fin dc ccttc année, la sanctionna L’usage dc brûler les corps ou les ossements fut par une disposition formelle, can. 6 I lardouin, Concilia, établi par la coutume ct se généralisa surtout dans le 2059 INQUISITION midi de In France : De combustioni· (ossium) habet usus ct cursus Inquisitionis in partibus Tolosanis, etc., dit Bernard Gui, op, cit., p. 126. Ces exécutions posthumes sc faisaient avec l’appareil le plus propre â frapper les Imaginations. Les os ou mémo les ca­ davres en décomposition étaient traînés â travers les rues, nu milieu de la foule, par la troupe des exécu­ teurs précédés d’un cricur public qui publiait les noms Λ son de trompe, en menaçant les vivants d'un sort semblable : qui aytal /ara, aytal périra. Ct, G. Pclhissc, Chronique, p. 110. Celte démonstration Im­ pressionnante était suivie de l'incinération des ca­ davres. VI. Jugement sun i.’Inquisition. — Cc n'est pas le lieu de signaler les abus qui sc sont glissés, par la faute des hommes, dans l’application du système Inquisitorial. Ccs abus, d’où qu'ils viennent, ct quel qu’en soit le nombre historiquement démontrable, doivent être l’objet d’une inexorable ct universelle réprobation. Personne ne s’avisera, par exemple, de défendre la mémoire de Cauclion, le juge Inique de Jeanne d’Arc. Ne sont pas davantage excusables les Inquisiteurs, un Conrad de Marbourg, un Robert le Bougre, cl quelques autres, voir B. Kaltncr, Konrad von Marburg und die Inquisition in Deutschland, Prague, 1882; Frédéricq, Robert le Bougre, Liège, 1892, qui, comme lui, ont fait servir l'autorité dont ils disposaient pour frapper ù tort ou sans mesure les suspects déférés Λ leur tribunal. Mais c’est l’institution elle-même qui veut être jugée Ici, d’après l’idée que nous pouvons nous faire d’une justice sociale supérieure, tout en tenant compte des principes qui gouvernent les esprits au moyen âge. La tonne de la procédure Inquisitoriale nous parait, en soi, inférieure â la procédure accusatoire dans laquelle l’accusateur assumait la charge de faire la preuve de son dire. Que cc dernier mode ait été diffici­ lement applicable dans les procès d'hérésie, on lu conçoit : lu peine du talion qui attendait régulièrement l’accusateur pris en défaut devait refroidir le zèle de bien dos catholiques, disposés à poursuivre les sectaires. Mais au moins il faut reconnaître que Vaccusatio offrait en droit criminel plus de garanties de Justice que Γ inquisitio. Les dénonciateurs ct les témoins ne furent pourtant pas à l'abri des représailles ou, mieux, d’un châtiment s’ils venaient à trahir la vérité. Quand on démas­ quait un faux témoin, remarque I.ca, op. cit., t. i, p. 441-112, on le traitait avec autant de sévérité qu’un hérétique. Après toutes sortes de cérémonies humi­ liantes, · Il était généralement jeté en prison pour lo reste de sa vie... Les quatre faussaires de Narbonne, en 1328, furent considérés comme particulièrement coupables, parce qu'ib avaient été subornés par des ennemis personnels de l’accusé; on les condamna ù l’emprisonnement perpétuel, au pain et ù l’eau, avec des chaînes aux mains et aux pieds. L'assemblée d’ex­ perts tenue à Panders, lors de l’autodafé de janvier 1329, dérida que les faux témoins devraient non seu­ lement subir la prison, mais réparer les dommages qu'ils avaient causés aux accusés. » C'était, ou peu s’en faut, la peine du talion. La procédure une fols engagée, nous avons vu que l’inquisition refusait de livrer les noms des dénon­ ciateurs ct des témoins ù charge ct de confronter l’accusateur avec l’accusé. Grégoire IX lui-même n blâmé cet usage ct Boniface VIII le modifia dans la mesure du possible. Il était même de règle que les noms fussent com­ muniqué i ainsi que le dossier aux experts, pcritl, qui siégeaient avec les Juges, au tribunal de ΓInquisition. Douais cite, L*Inquisition, p. 252 ct passim, des jugemerits qui ont été ainsi rendus en présence de vingt* 20(X) cinq, de (rcntc*^cux, de quarante-cinq ct même de cinquante ct un experts. Ccs conseillers formaient une sorte de jury qui fonctionnait ù peu près comme celui de nos jours et sc prononçait, comme lui, sur la cul­ pabilité ct l'application de la peine. A cet égard, la procédure inquisitoriale, par ailleurs si dure, était beaucoup plus libérale que la procédure civile cl ecclésiastique du temps. Gf. Douais, La formule « Communicato bonorum utrorum consilio » des sentences inquisitoriales. 11 est vrai qu'à l'origine de l’Inquisition l'accusé n'était pas assisté d’un avocat. Lorsque plus tard un avocat lui fut accordé, ce défenseur ne joua guère que le rôle de conseiller. On ne concevait pas qu’un honnête homme pût entreprendre la défense propre­ ment dite d’un hérétique : si l'inculpé était innocent, il n’avait nul besoin qu'on le defendit ; s’il était cou­ pable, il n’avait qu’à avouer sa faute et ù subir la pénitence qui lui serait justement imposée. Dans ce système la liberté du jujte peut paraître excessive. Tout ce qu’on peut et doit dire Λ la décharge et même à l'honneur des pontifes romains, c’est que le principe de l'inquisition une fois admis, Ils travail­ lèrent à en prévenir les inconvénients et ù en réprimer les abus. Ils exigèrent chez les inquisiteurs des qua­ lités morales exceptionnelles : Alexandre IV(1255), Urbain IV (1262),Clément IV (1265),Grégoire X (1273), Nicolas IV (1290) ont Insisté sur les qualités d'esprit, la pureté des mœurs, l’honnêteté scrupuleuse qui devaient distinguer ces juges redoutables, Potthast, n. 16 132, 16 611, 18 387,19 372,19924,20 720,20 724, 23 297, 23 298. Clément V, confirmant une décision déjà prise par ses prédécesseurs, décide par manière de garantie contre toute légèreté possible, que nul ne pourra exercer les fonctions Inquisitoriales avant l’âge de quarante ans. Clémentines, L V, ni,2. On peut voir dans Bernard Gui, Practiea, part. VI, p. 232-233, le portrait de l’inquisiteur modèle : · 11 doit être dili­ gent ct fervent dans son zèle pour la vérité religieuse, pour le salut des âmes et pour l’extirpation de l’hé­ résie· Parmi les difficultés et les incidents contraires, il doit rester calme, ne jamais céder à la colère ni â l’indignation. Il doit être intrépide, braver le danger Jusqu’A la mort, mais, tout en ne reculant pas devant le péril, ne point le précipiter par une audace Irré­ fléchie. Il doit être Insensible aux prières ct aux avances de ceux qui essaient de le gagner; cependant il ne doit pas endurcir son cœur au point de refuser des délais ou des adoucissements de peine suivant les circonstances et les lieux... Dans les questions dou­ teuses, Il doit être circonspect, ne pas donner facile­ ment créance à ce qui parait probable ct souvent n’est pas vrai; il ne doit pas non plus rejeter obstiné­ ment l'opinion contraire, carcc qui parait improbable finit souvent par être la vérité. Il doit écouter, dis­ cuter ct examiner avec tout son zèle, afin d'arriver patiemment à la lumière... Que l'amour de la vérité et la pitié, (pil doivent toujours résider dans le cœur d’un juge, brillent dans scs regards, afin que scs déci­ sions ne puissent jamais paraître dictées par la convoi­ tise et In cruauté. » Eymcric, dans son Directorium, part. III, q. i, De conditione inquisitoris, trace de l'inquisiteur un portrait semblable. Il est permis de croire que cet idéal du juge, à In fois sévère ct Juste, équitable ct bon, fut souvent réalisé dans les procès de Γ Inquisition. Mais l'idéal de Justice te I que le concevait le moyen âge n'est pan, Il faut le dire, tout à fait le nôtre. Et cela sc remarque notamment dans les moyens d'instruction — prl on préventive et torture — qu'employait la ' justice Inquisitoriale. I a pi « ncxcntlvc peut avoir sans doute sa raison 1 d’itv · M d i » manière dont I appliquaient les intjul- 2061 INQUISITION sltcurs est vraiment abusive. Personne n’oserait approuver aujourd'hui le supplice du career durus par lequel ils essayaient d’obtenir les aveux des pré­ venus. Celle mesure était d'autant plus odieuse qu’on en prolongeait arbitrairement les angoisses : Ddinendus per annos plurimos, ut ociatio del intellectum, disait Bernard Gui, Peut lieu, part. V, formule 13, p. 302. Cf. Leu, <>p. < il., I. I, ρ. 4 1 '·- 120. La torturo proprement dite trouvera encore moins facilement gi.icc aux N< ux des criminalistes épris do justice. SI l’on s’en était tenu à In flagellation, telle, dit saint Augustin, qu’on l’administrait en famille, dans les écoles ou même dans les tribunaux épiscopaux des premiers Ages, telle encore que la préconise le concile d’Agde de 506, ou que rappliquaient les moines bénédictins (S. Augustin, Epist,, cxxxni, n. 2; cf. clxxxv, n. 23; concile d’Agde, can. 28; S. Benoit, Ilegula, c. xxvn; cf. \ acandârd, // Inquisition, p. 38, note 3), il n’y aurait pas Heu de s’en scandaliser. 11 conviendrait d’y voir une pratique en quelque sorte domestique et paternelle, un peu dure sans doute, mais conforme aux idées qu’on sc faisait alors de la bonté.Mais le chevalet, l’estrapade ct les torches allu­ mées sont des inventions particuliérement inhumaines. Cf. S. Augustin, Epist,, cxxxin, n. 2. Tant qu’on les employa contre les chrétiens des premiers siècles, on s’accorda ù les regarder comme des restes de la bar­ barie ou comme des inventions du diable. Ils ne chan­ gèrent pas de caractère pour être employés par Γ Inqui­ sition contre les hérétiques. Et malgré l’appel d’inno­ cent IV ù la modération : citra membri diminutionem et mortis periculum, il est fâcheux qu’on ait pu établir une comparaison entre la brutalité des tribunaux païens cl celle des tribunaux ecclésiastiques. Le pape Nicolas I** a porté sur la torture considérée comme moyen d’information Judiciaire un jugement qui doit rester : · De tels procédés, dit-il, sont contraires à la loi divine ct à la loi humaine, car l’aveu doit être spon­ tané et non forcé; il doit être fait volontairement ct non arraché par la violence. L’accusé peut endurer tous les tourment s que vous lui Infligez sans rien avouer, ct alors quelle honte pour le juge et quelle preuve de son inhumanité? Si, au contraire, vaincu par la douleur, l’inculpé s’avoue coupable d’un crime qu’il n’a pas commis, sur qui retombe l'énormité de cette Impiété, si cc n’est sur celui qui a contraint le malheu­ reux à mentir? » Itezponsa ad consulta bulgarorum, c. r.xxxvr, dans 1 fardouln, Concilia, t. v, col. 380. Innocent IV, en recommandant l’usage de la torture, Ignorait sans doute cc texte. Son excuse est qu’il n’n fait que so conformer aux mœurs de son temps cl suivre l’exemple des Juridictions laïques. Parmi les pénalités que les tribunaux d’inquisition appliquaient aux hérétiques nous relèverons surtout la confiscation et la peine de mort, qui offrent un caractère nettement vindicatif. Un historien a marqué la gravité des confiscations Inquisitoriales. « Elles Infligeaient, dil-ll, les horreurs de la misère x*i des milliers do femmes et d’enfants Inno­ cents, car, suspects, Ils auraient été poursuivis, ct elles paralysaient les relations Journalières à un degré qu’il est dllllclle de concevoir. Il n’y avait, en effet, guère de sécurité dans les affaires, puisque les marchés passés par un hérétique latent étaient radicalement mils, ct qu’ils pou valent être rescindés dès qu’on venait ù découvrir sa culpabilité, soit de son vivant, soit même après sa mort. ■ En présence d’un tel sys­ tème de pénalité, on s’explique que Lca soit allé Jusqu’à écrire : · Quelque horribles qu’aient été les cachots encombrés où l’Inquisition entassait ses pénitents, elle a fait régner encore plus de terreur ct de désespoir par la perpétuelle menace de spoliation qu’elle tenait suspendue sur les têtes. » Op, cit., t. i, 2062 p. 480. Et l’on se prend A regretter que l’Inquisition ne s’en soit pas tenue A la rigueur du droit romain, qui, dans son dernier état, décidait que les biens de l'hérétique pouvaient passer à scs fils orthodoxes et même ù scs agnnts ct à scs cognais. Quant à la peine de mort, il convient de définir exactement la mesure dans laquelle les Inquisiteurs sont responsables de l’application qui en fut faite aux hérétiques. D'abord, le nombre des hérétiques obstinés et des relaps qu’lis ont livrés au bras séculier n’est pas aussi considérable qu’on pourrait le croire. Une statistique générale nous manque. Mais nous possédons quelques registres de sentences intéressants Λ étudier; par exemple, les sentences de Pointera de 1318 A 1324, et celles de Toulouse de 1308 Λ 1323. Sur neuf «sermons» ou autodafés tenus par le tribunal de Pondéra ct por­ tant condamnation de soixante-quatre personnes, cinq hérétiques seulement ont été livrés nu bras séculier. Vidal, Le tribunal de Γ Inquisition de Pamiers,p,235, A Toulouse, Bernard Gui présida dix-huit autodafés ct porta neu/ cent trente condamnations; de ce nombre quarante-deux seulement sont marquées du signe redoutable : relidi curia s« eulan. Cf. Douais, Docu­ ments, 1.1, p. ccv, ct Vacandard, L'Inquisition, p. 322. La proportion de ccs condamnations était donc, dans le tribunal de Panders, d'un pour treize; dans le tri­ bunal de Toulouse d'un pour vingt-deux ou oingt-trois. Bien qu’effrayante encore, celle statistique est loin des fantômes plus effrayants qu’évoque volontiers la plume grossissante des pamphlétaires mal Informés. A tout prendre, on peut penser que l'institut ion ct le fonctionnement des tribunaux d* Inquisition réalisaient un véritable progrès dans les mœurs; non seulement Ils avaient fermé l’ère des exécutions sommaires, mais encore Ils avalent diminué considérablement les condamnations qui aboutissaient A la peine de mort. Et Lca qu’on ne saurait taxer d’indulgence excessive pour l’Église, a pu écrire en toute vérité, op, cit., t. i, p. 480 ; · Ιό bûcher (de l'inquisition) n’a fait compa­ rativement que peu de victimes. » Encore faut-il observer que parmi tes sectaires qui tombèrent sous tes coups du bras séculier, beaucoup avaient, par des crimes de droit commun, mérité la mort. Telle secte antisociale, qui se renfermait dans son mystère, mais qui gangrenait les populations, comme celle des cathares (cl les vnudols, les fratricvltes, les lollards n’étaient guère moins dangereux, cf. Jean Guiraud, La répression de l'hérésie au moyen âge, dans Questions d'histoire d d*archéologie chrétienne, p. 24 sq.), appelait Inévitablement sur elle, et sans commettre d'autre crime que celui de vivre ct d’agir, les ven­ geances de la société ct le glaive de l’Etat, llostes generis humani qui humanum genus nitantur aboleri, dit Ebrard en parlant des albigeois. Liber anlilueresis, cité par Alphandéry, Les idées morales chez les hétéro­ doxes latins au début du x///· siècle, «Quelque horreur que puissent nous Inspirer les moyens employés pour la combat Ire (celle secte), écrit Lea, op. cit., 1.1, p. 106, quelque pitié que nous devions ressentir pour ceux qui moururent victimes de leurs convictions, nous reconnaissons sans hésiter que, dans ccs circonstances, la cause de l'orthodoxie n’était autre que celle de la civilisation ct du progrès. Si le catharisme était de­ venu dominant ou même seulement l’égal du catholi­ cisme, Il n’est pas douteux que son influence n’eût été désastreuse. L'ascétisme dont 11 faisait profession, en ce Ils les entou­ rent d’une telle vénération que, depuis si longtemps qu’ils existent, personne n’a encore osé y ajouter, en enlever ou y changer quoi que cc soit. On leur a inculqué, dès le berceau, de croire que ces livres con­ tiennent des commandements de Dieu, de telle sorte qu’ils s’attachent à eux et savent mourir pour eux, si c’est necessaire. Cont. Apionem, ï, 8. Or, ces vingtdeux livres sont ceux que contenait la Bible hébraïque. Ils comprenaient, en effet, les cinq livres de Moïse, treize livres prophétiques, parmi lesquels les livres historiques, rédigés par des prophètes, ct quatre autres, qui contenaient des hymnes à Dieu ct des préceptes moraux pour les hommes. Depuis Artaxerxès, d’autres livres avaient été composés (c’étaient les deutérocanoniques de l’Ancien Testament), mais ils n’avalent pas la meme autorité que les autres, parce que la succession des prophètes n’était pas exacte­ ment assurée. Josèphc att ribuait donc Λ des prophètes, c’est-à-dire à des hommes inspirés, l’origine des livres, auxquels ses coreligionnaires portaient une vénération spéciale, parce qu’ils contenaient la parole de Dieu et des règles de vie morale. Voir t. m, col. 1571. 7° Les juifs croyants ont jusqu’à nos jours con­ servé la foi de leurs pères en l’inspiration des Livres saints, quelle qu’ait été l’opinion de leurs docteurs sur la nature de cette inspiration. A’oir t. m, col. 1569. Nous n’exposerons pas leur sentiment, qui est celui que Jésus-Christ ct ses apôtres ont emprunté à leurs coreligionnaires ct ont transmis à l’Église chrétienne. //. enoYAxe/: 2) ES chr£t/£XS. — 1° Manifestée dans le Nouveau Testament. — Cette manifestation s’est produite de deux manières différentes : d’une manière implicite, par l’usage que Notrc-Seignvur ct ses apôtres ont fait des livres de l’Ancien Testament comme Écriture, c’cst-à-dirc comme livres inspirés, et d’une manière explicite par l’affirmation formelle de l’inspiration des livres de 1* Ancien Testament. 1. Usage que Jésus ct scs apôtres ont /ait de Γ Ancien Testament comme Écriture. - a ) Ils ont emprunté aux juifs une collection de Livres saints, qu’ils désignent par les noms de ses principales classes : la Loi ou le Pentateuquc, Joa., x, 34; xn, 34; xv, 25; Rom., ni, 19; I Cor., xiv, 21; la Loi et les Prophètes, Matth., v, 17;vu, 12; Luc., xxn,40; xvi, 16;Acl.,xn, 13; Rom., 2074 ni, 21; ou Moïse et les Prophètes, Luc., xvr, 29, 31; xxiv, 27. Même une fois, Luc., xxrv, 44, les trois classes de la Bible hébraïque sont signalées, la Loi, les Prophètes ct les Psaumes, le psautier, qui est en tête des Ketoiibtm, étant la partie prise pour Je tout. La Bible hébraïque tout entière était donc admise par NotreScigneur ct ses apôtres. Bien plus, on a signalé dans les livres du Nouveau Testament des allusions à plu­ sieurs des livres deutérocanoniques, qui avaient cours au moins chez les juifs hellénistes. Voir L ni, col. 1571. — b) Or, Jésus ct ses apôtres citaient ces livres comme Écriture, comme parole de Dieu. Notre-Selgneur le fait à diverses reprises. Matth., xxn, 29-31 ; xxvi, 54, 56; Marc., xn, 24, 26; Luc., xx, 37. Il en appelait aux Écritures qui rendent témoignage de lui. Joa., v, 39. Il dit que Moïse a écrit de lui, Joa., v, 46, que David a appelé le Messie son seigneur έν πνεύματι, Matth., xxn, 43, 44 ;év τω πνεύματι τω άγ(ω, Marc., xn, 36, ct il cite le Ps. clx, tel qu’il sc lisait dans la Bible hébraïque. Il invitait les juifs à scruter les Écritures (celles qu’ils recevaient), qui lui rendaient témoignage, Joa., x, 37-39; elles, dont le contenu devait se réaliser Jusqu’au dernier iota, Matth., v, 18, ct dont la vérité ne pouvait être éludée. Joa., x, 35. Il a Invoqué leur témoignage sur d’autres sujets. Matth., xv, 7 ; xxiv, 15. Il les a citées, en employant la forme consacrée pour énoncer le caractère scripturaire ct ins­ piré d’une assertion : γέγραπται. Matth·, iv, 4, 7; Luc., iv, 4, 8. Les apôtres ont partagé la foi du Maître en l’inspi­ ration des Écritures. Philippe connaît des prophéties messianiques, écrites par Moïse. Joa., ï, 45. Saint Matthieu sc complaît à signaler la realisation des prophéties messianiques,!, 22; iv, 14; xn, 17; xm,35; xxi, 4. Saint Pierre, Act., m, 22, cite une parole de Moïse, le plus ancien des prophètes, 21, antérieur à Samuel, 24. Les chrétiens de Jérusalem reproduisent le début du Ps.n, comme ayant été dit par le SaintEsprit, par la bouche de David. Act.,rv,25. Saint Paul prêchait Jésus d’après la Loi de Moïse et les prophètes. Act. xxvni, 23, ct 11 rapportait notamment la parole que le Saint-Esprit avait dite par Isaïe, 25. Dans ses Epitres, il cite plus de quatre-vingts fols les Écritures, qu’il appelle explicitement les oracles divins dont Israël a reçu le dépôt. Rom., ni, 2. Cf. ix, 4. Voir F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 35-44. Les autres apôtres font de même dans leurs lettres. Or les formules de citations qu’ils emploient sont les suivantes : ή γραφή, Marc., xn, 10; xv, 28; Joa., xm, 18; xix, 24, 36, 37; Rom., ix, 17; x. 11; xi, 2; Gai., m, 8; 1 Tim., v, 18; Jac., I, 8, 23; iv, 5; al γραφαί, Matth., xxi, 42, expressions qui dési­ gnent 1*Écriture par excellence, laquelle diffère des ouvrages profanes ct a Dieu pour auteur. Les Écri­ tures des juifs sont saintes. Rom., ï, 1, en raison de leur origine. D’autres citations sont Introduites par les formules : γέγραπται, Matth., n, 5; iv, I; Marc., i,2; vin, 6; Luc., il, 23;m, 4; καθώς γέγραπται, Rom., 1, 17; 1 Cor.. ï, 37; γέγραττται γάρ, Gal., ni, 10, 13; iv, 22. 27; έστι γεγραμμένον, Joa., n, 17; vi, 31, 45; χιι, 14 ; Act., ι,20; vu,42, qui annoncent une parole de Dieu écrite. Quand les noms des écrivains sacrés sont mentionnés, leurs paroles sont expressément rap­ portées comme des paroles divines, parce qu’ils n’étaient eux-mêmes que des organes du Saint-Esprit. Saint Pierre, Act., ï. 20, dit que le Saint-Esprit a prédit le sort de Judas par la bouche de David. Dans leur prière, les chrétiens de Jerusalem rappellent à Dieu qu’il a parlé par la bouche de leur père, David. Act.,iv, 25. Saint Paul affirme que le Saint-Esprit a parlé par le prophète Isaïe. Act., xxvni, 25, 26. Le verset 8 du Ps. xciv est une parole du Saint-Esprit, Ileb., iv, 7, aussi bien que le verset 33 du c. xxxx de 2075 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 207G Jérémie. Hcb., x, 15-18. La manière de produire ces ture entière, que les juifs recevaient, ct il fait dériver citations, l’autorité qui leur est attribuée montrent ces utilités de leur divine inspiration. Elle n'a préci­ que les apôtres tenaient l’Ancicn Testament comme sément cette utilité que parce qu'elle a été inspirée la parole de Dieu écrite par l'intermédiaire des écri­ par Dieu. b) Affirmation de saint Pierre. — S’adressant ù des vains sacrés. Cf. Éd. Reuss, Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, 3· édit., Strasbourg, juifs convertis au christianisme, le prince des apôtres les exhorte à demeurer fermes dans la fol. Elle est 1864, t. i, p. 410-421; Histoire du canon des saintes Écritures dans ΓÉglise chrétienne, 2· édit., Strasbourg, solide, en effet, la foi chrétienne (pii repose sur un double témoignage divin. C'est d’abord celui que le 1864, p. 13-15. 2. Affirmations explicites de l'inspiration des Écri­ Père a rendu Λ son Fils au jour de la transfiguration et que Pierre lui-même a entendu. 11 Pet., i, 16-18. Mais tures juives. — Nous en possédons deux, une de saint nous avons un témoignage plus ferme, celui des Paul ct une de saint Pierre. a) Affirmation de saint Paul.—Écrivant à son disciple paroles des prophètes, auquel il faut faire attention, Timothée, l’apôtre lui recommande de persévérer I bien qu'il soit obscur, 19. Son obscurité n’enlève donc rien à sa crédibilité; mais pour bien le comprendre, il dans l’enseignement qu’il a reçu ct qui lui a été confié, ne faut pas l'interpréter dans son sens personne); pour ayant étudié, dés son berceau, Ιερά γράμματα, qui le faire, on a besoin d’une lumière spirituelle, d'ôtre sont capables de lui donner la science du salut par la éclairé, au milieu de ces ténèbres, par la lumière de foi en Notre-Scigncur Jésus-Christ. Il Tim., ni, 15. Et la raison qui donne aux saintes Lettres cette efll- celui qui a fourni ce témoignage prophétique, 20. cacité est celle-ci : πάσα γραφή θεόπνευστος καί ωφέ­ Et la raison en est la suivante : ού γάρ Οελήματι αν­ λιμος πράς διδασκαλίαν, πρδς έλεγμόν, πρύς έπανόρ- θρώπου ήνέχθη προφητεία ποτέ, αλλά ύπδ πνεύματος άγιου φερόμενοι ελαλησαν άπδ θεού άνθρωποι, 21. Οωσιν, πρδς παιδείαν τήν b/ δικαιοσύνη, etc. Le sujet de la proposition, πάσα γραφή, pourrait, La prophétie n'est donc pas un témoignage humain; absolument parlant, désigner la collection entière de elle ne provient pas de l'homme; seuls, les faux pro­ phètes parlaient d’eux-mêmes ct par leur propre ins­ l’Écriture, reçue par les juifs ct étudiée par Timothée. piration. Jcr., ΧΧΠΙ, 2G. Les vrais prophètes, qui Mais l’absence d’article oblige plutôt à l’entendre dans un sens distributif, soit de tout passage de l’Écriture, étaient des hommes de Dieu, ont parlé, dans l'ancienne si γραφή a le sens qui lui est donné, Act., vin, 36, loi, poussés par le Saint-Esprit; c’était cet Esprit qui les poussait à parler, ils étaient donc Inspirés par lui. soit plutôt de toute partie du recueil scripturaire des juifs, dont γραφή est le nom caractéristique, de ces Bien que cet argument vise directement la prophétie Ιερά γράμματα, que Timothée, dont la mère était ad loquendum, nous pouvons cependant, et nous juive, a étudiés dès son enfance. Dans la plupart des devons même, pour expliquer la pensée de saint Pierre, manuscrits grecs, l'adjcctif θεόπνευστος est attribut l’appliquer aux Écritures prophétiques. Les lecteurs et il est joint à ωφέλιμος par la conjonction καί. Si, de saint Pierre, en effet, n’avaient pas entendu la dans la Vulgate latine, Il est en apposition au sujet, parole prophétique ct inspirée des hommes de Dieu le sens n’en est pas changé, puisque c'est, parce qu'elle de l’Ancicn Testament; mais ils la lisaient dans leurs est divinement inspirée, que l’Écriture est utile à I livres, ct c'était pour comprendre parfaitement πάσα l’enseignement. Quant à la signification de cet adjec­ προφητεία γραφής, c’est-ù-dire toute l’Écriture pro­ tif, si, au seul point de vue de la grammaire, elle peut phétique, que l’interprétation propre ne suffisait pas être active ct signifier : respirant Dieu, animée de son ct qu’il était nécessaire d’avoir une lumière divine, esprit, comme le prétend II. Crerncr, art. Inspiration, celle de l’Esprit inspirateur des prophètes qui avaient dans Healencyklopadie fùr protestantische Théologie annoncé le Messie. Saint Pierre affirme donc expres­ und Kirche, t. ix, p. 181-185, (sous prétexte que cet sément l’inspiration de tout l’Ancicn Testament, adjectif composé, employé ici peut-être pour la pre­ qui était l’œuvre des prophètes d’Israël. C’est donc mière fois, a un sens actif comme ωφέλιμος, qui suit), ù tort que M. Lolsy a vu dans le discours prophé­ clic est plutôt passive ct signi lie : inspirée par Dieu. tique, ainsi recommandé, non pas les prophètes de La plupart, en effet, des adjectifs dans lesquels θεός l’Ancicn Testament qui n’avaient pas besoin de ccttc entre en composition, tels que Οεόγνωστος, Οεόδοτος, recommandation, mais · une révélation concernant Οεοκίνητης, θεόπεμπτος etc., ont un sens passif. Cet la parousie, la fin des choses, le sort éternel des élus adjectif a de plus, en dehors de ce passage, le sens ct des réprouvés; cc doit être simplement l’Apoca­ passif. Plutarque, De placitis philosophorum, v, 2, lypse de Pierre, avec laquelle notre épltrc est appa­ l'emploie au sujet de songes θεοπνεύστους, envoyés rentée dans sa rédaction ». Les épitres attribuées d Paul par Dieu. Le pscudo-Phocyllde, Ποίημα νουΟετικόν, et les épitres catholiques, dans la Revue d'histoire et de 121, parle aussi de la sagesse Οεόπνευστον, inspirée par littérature religieuses, septembre 1921, p. 330. Le rédac­ Dieu. Les Oracles sibyllins, 1. V, 308, édit. Gelfcken, teur de l’Épltrc parle expressément de toutes les pro­ p. 119, mentionnent des sources chaudes qui sont θεό­ phéties de ΓÉcriture, ct rien n'indique qu’il vise l’Apo­ πνευστοι, ct 406, p. 121, désignent par le même terme calypse apocryphe de Pierre. 11 ajoute qu’il y a eu de les hommes, qui ont reçu de Dieu leur âme avec la vie. faux prophètes, n, 1, comme Balaam, n, 15. C’est Enfin les Pères grecs, qui connaissaient leur langue, pourquoi il excite scs lecteurs à sc souvenir de cc qu’il ont donné ù cet attribut le sens passif d’inspiré de leur a dit, dans sa première lettre, d’après les saints pro­ Dieu. Ainsi Origène, De principiis, îv, 1, P. G., phètes ct leurs apôtres, ni, 1, 2. Il sait que des igno­ t. xi, col. 312; ln Jcr., homil. xxi, n. 2, t. xm, rants dépravent les Épitres de Paul, dans lesquelles col. 526; S. At h an asc, Epist. ad Marcellinum, n. 1, H y a des choses difficiles ù comprendre, comme Ils P. G., t. xxvn, col. 11 ; S. Grégoire de Nazianze, dépravent les autres Écritures, m, 15-17, qui sont Contra Eunomium, Ί, P. G., t. xlv, coL 744; obscures, elles aussi, t, 19, ct il leur recommande de S. Cyrille d’Alexandrie, In Is., 1. Ill, P. G., t. lxx, rester fermes, ni, 17, en s’appuyant sur le ferme témoi­ gnage des prophéties, i, 19. il a donc en vue les pro­ coL 655. Les Pères latins lui ont donné le même sens à la suite de la Vulgate, par exemple, saint Ambroise, phéties de l’Ancicn Testament ct non renseignement De Spiritu Sancto, in, 16, P. L., t. xvi, col. 803. La des prophètes de la nouvelle alliance, ct c’cst d’eux qu’il affirme qu’ils ont parlé sous l’impulsion du SaintPeschito a traduit cc terme dans le même sens. Bien ■ que le but principal de saint Paul soit d’exposer les Esprit. 3. Affirmation d^ C Inspiration de quelques livres du multiples utilités de l’Écriture inspirée, il affirme néanmoins très explicitement l’inspiration de l’Écri­ Nouu au T* dament, — Aucun écrivain du Nouveau K 2077 -Z INSPIRATION DE L’ÉCRITURE Testament n* affirme sa propre inspiration, si l’on excepte l'auteur de l’Apocalypse. Celui-ci, en eflet, déclare, dès Je titre de son livre, que l’Apocalypse lui a été donnée par Dieu; il rapportera donc la parole de Dieu ct le témoignage de Jésus-Christ ct tout cc qu’il a vu. 1 leureux par suite seront les lecteurs ct les audi­ teurs de sa prophétie, ainsi que ceux qui observeront cc qui y est écrit, x, 1-3. 11 a reçu plusieurs fols l'ordre d’écrire scs visions. En terminant, il confirme la vérité de son livre prophétique, et il menace des fléaux divins quiconque oserait y ajouter ou en retrancher quelque chose, xxn, 18, 19. Deux autres écrivains témoignent de l’inspiration d’ouvrages du Nouveau Testament différents des leurs. Saint Paul, 1 Tim., v, 8, cite comme Écriture un passage du Pcntalcuque, Deut., xiv, 4; cf. I Cor., ix, 9, et un passage de l'Evangile de saint Luc, x, 7. Saint Pierre, II Pet.» ni, 15, 16, met les Épitres de son très cher frére Paul au rang des Écritures, en disant qu'elles contiennent · quelques passages difficiles à comprendre, que les gens ignorants ct mal affermis détournent de leur sens comme les autres Écritures. * 2° Mani/estte dans la tradition catholique. — 1. Les Pères apostoliques sont encore dans la période de la foi simple; ils manifestent, à l'occasion, leur croyance à l'inspiration des Livres saints, sans 1’afllrmer ex pro· /esso, ni la Justifier. Ils se bornent à citer ct ώ employer les écrits des deux Testaments, surtout de l’Ancicn, comme Écriture, ct ils introduisent souvent leurs cita­ tions par la formule γέγραπται, ou d'autres analogues. La Didaché, qui s’inspire souvent de l’Ancicn Testa­ ment, voir 1.1, col. 1682, ct qui traite longuement, xixiii, des prophètes de la nouvelle alliance, n'emploie que deux fois une formule d’introduction : x, 6, περί τούτου 8έ εϊρηται, pour un passage de la Bible qu’il est impossible d'identifier. Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. x, p. 6; xvi, 7, ώς έρρέθη, p. 36, pour Zach., xxv, 5, immédiatement suivi d’une allusion à Matth., xxvi, 64. Du Nouveau Ί estament, elle ne cite que l’Évangile du Seigneur d’après saint Matthieu. Voir 1.1, col. 1086-1087. Son auteur plaçait donc cet Évangllesur le inèmerangqueleslivrcsderAncicnTcstament. La lettre de pseudo-Barnabé prouve l'abro­ gation de l’ancienne loi par des paroles que le Seigneur a dites par tous les prophètes, i, 4-xxi, 5. Funk, ibid., 1.x, p. 40-44. Elle cite Hénoch comme Écriture, xv, 3, puis le prophète Daniel, xv, 1, 5,enfin J’Exode ct le Deuté­ ronome comme Écriture, îv, 7, 8, encore Isufe, xv, 12, cl saint Matthieu, xv, 14, p. 48, par la formule ώς γέγραπται. Cet Évangile est donc pour lui une Écriture. Les citations suivantes sont tirées de ΓAn­ cien Testament. Voir t. n, col. 420-421. Saint Clément de Rome cite l’Ancicn Testament par les formules suivantes : γέγραπται. 7* Cor., îv, 1 ; xxv,4 ; xvn, 3; xxix, 2; xxxn,3; xxxix, 3;xlvx, 2,3; L, 4, 6; λέγει ή γραφή, xxni, 3; χχχιν, 6; xxxv, 712; xiji, 5; λέγει τδ γραφεΐον, χχνχιχ, 2; φησί ό άγιος λόγος, i.νι, 3-15; λέγει τδ πνεύμα τδ άγιον, χηι,Ι, 2; χνι, 2-16; τδ γεγραμμένον, χιι, 1.11 affirme plus expli­ citement l'inspiration scripturaire, quand il écrit : Ένκεκύφατε είς τάς Ιεράς γραφάς, τάς άληθεΐς, τάς διά του πνεύματος τού αγίου. 11 n’y a d’écrit en elles rien d’injuste ni de mauvais, xx.v, 2, 3. Funk, op. cit., t. i. p. 156. Prêchant l'union aux Corinthiens, Clément leur rappelle que le bienheureux apôtre Paul leur a écrit au début de l’Évangile. Έπ άληΟείας πνευματικός έπέστειλεν ύμΐν, xlvii, 3, p. 160. L’évêque de Rome admet donc l’inspiration de saint Paul dans ses lettres aux Corinthiens. La 77· ad Corinthios, faussement attribuée ù saint Clément de Rome, cite successivement comme γραφή, ou parole «l’Écriture, un passage de Jérémie, vu, 11, ct un de la Genèse, x, 27. Or, aux livres des prophètes 2078 qui parlent de l’Église, elle joint les apôtres, xxv, 1, 2, Punk, t. i, p. 200, 202, comme ayant la même auto­ rité. Après avoir cité Isafe, uv, 1, en employant tiois fois la formule d’introduction, εϊπεν, elle rapporte une parole de Notrc-Scigneur, citée dans les trois Synoptiques, en la faisant précéder des mots : Έτέρα δέ γραφή λέγει, n, 1-4, p. 186. La parole du Christ, écrite dans les Évangiles, est donc un passage de l’Écriture aussi bien qu’une parole de Jérémie. A la lecture des Écritures, dans lesquelles on entend Dieu, l'auteur ajoute une exhortation, qui attirera l’attention des lecteurs sur ce qui est écrit, χτχ, 1, p. 208. Saint Ignace, dans scs lettres, ne cite que deux pas­ sages de l’Ancicn Testament avec les formules : γέγραπται γάρ, Ad P ph., v, 3, Funk, 1.1, p. 218; ώς γέγραπται, Ad Magn., xn. p. 240. Mais il dit queoiteiÔTXToi προφήται ont vécu selon le Christ et qu’ils ont souffert, ένπνεόμενοι ύπδ της χάριτος αύτού, afin de certifier aux incrédules qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Ad Magn., vin, 2, p. 236. Si les Philadelphiens doivent se reporter ά l’Évangile comme au Christ présent corporellement et aux apôtres comme au presbyterium de l'Église, Ils doivent cependant aimer les prophètes qui ont annoncé l’Évangile, espéré au Christ ct attendu sa venue. Ad Philad.,\\ 1, 2, p. 266,268. Plus loin, ix, 2, p. 273, il leur recommande encore d’aimer l’Évangile ct les prophètes. Dans ces passages, il s'agit bien de l’Évangile écrit, car cet Évangile est mis sur le même rang que la loi de Moïse et les prophètes. Ad Smyrn., v, 1, p. 278. Saint Polycarpe recommande aux Philippiens de servir le Christ, comme lui-même l’a ordonné, ainsi que les apôtres qui ont annoncé l’Évangile et les pro­ phètes qui ont prédit la venue de Notre-Seigneur. Ad Phil., vx, 2, p. 304. Sa lettre est remplie des paroles de Jésus, telles qu’elles sont rapportées dans l’Évangile de saint Matthieu, de pensées ct d’expressions des Épitres de saint Paul. Aussi ne peut-on nier qu’il ait lu ces écrits ct qu’il soit rempli de leur doctrine. Il a confiance que ses correspondants sont eux-mêmes bien exercés έν Ιεραΐς γραφαΐς, et il cite, xn. 1, p. 310, καθώς ίνταΐς γραφαΐς εϊρηται, une parole, qui est repro­ duite à la fois dans le Ps. xv, 5, ct Eph., xv, 26. Il leur rappelle l’enseignement de saint Paul, en citant I Cor., m, 2, de Paul, qui leur a écrit et s’est glorifié en eux, xi, 2, 3, p. 308; de Paul qui leur a prêché la vérité ct qui leur a adresse une lettre capable de les édifier dans la fol qu'il leur a donnée, m, 2, p. 300, 302. Voir t. vu, col. 702-703. Sur les Pères apostoliques ct le Nouveau Testament, voir t. i, coi. 1636-1637 ; t. n, col. 1583. Les anciens, que saint Irénéc a eus comme maîtres, lui ont appris que l’Apocalypse de saint Jean était une Écriture. Cont. tuer., J. X, c. xxx, 36, P. G., t. vu, col. 1205, 1222. 2. Les Pères apologistes ont passé de la fol simple, qui s'affirme, â la foi, qui se justifie, ils sont les pre­ miers chrétiens qui ont prouvé l’origine divine de l’Écriture qu’ils citaient aux païens et aux juifs pour démontrer la mission divine de Jésus-Christ. Ils ne sc sont donc pas bornés comme leurs prédécesseurs â affirmer, ù l’occasion, leur foi en l’inspiration divine des livres de l’Ancicn cl du Nouveau Testament; Ils ont justifié leur fol, à leur manière. Leur démonstra­ tion reposait sur deux arguments principaux : a) l’accord admirable des écrivains sacrés dans la doc­ trine, accord mis en opposition avec le désaccord des philosophes; b) Γaccomplissement des prophéties, contenues dans les livres de l’Ancicn Testament. C'est la méthode qu’a suivie saint Justin. Voir t. n, col. 1559. Les prophètes étaient remplis du SaintEsprit, cl leurs écrits nous restent pour notre instruc­ tion. Dial, cum Tryphone, Ί, P. G., t. vx, col. 491. 2079 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE L’Esprit des prophètes est le Saint-Esprit, Apol., I, 13, 61, col. 347, 422. Les prophètes ont mis par écrit tout ce qui concerne Jésus-Christ, et ils étaient, dans leurs oracles, inspirés par Dieu, Οεοφοροΰνται. Ibid., 33, col. 382. Les chrétiens ne croient donc pas à de vaincs fables, mais aux paroles du Saint-Esprit, pleines de force et de grâce. Dial. cum Tryphone, 9, col. 49I. Les paroles, contenues dans l’Écriture ont été dites par le Saint-Esprit, comme celle du psalmiste, Ps.cix, l,ct beaucoup d’autres sur le Christ, qu'on Ht dans la Loi, les psaumes et les prophètes et qui sont non des paroles humaines, mais des oracles du SaintEsprit. Ibid., 33, 36, 38, etc., col. 546, 554, 558, etc. Les prophètes n’ont pas parlé par leur propre inspi­ ration, mais par le Verbe de Dieu qui les poussait. Apol., I, 36, col. 386. Les livres prophétiques de l’Anclen Testament, auxquels saint Justin attribue l’inspiration divine, ne sont pas les seuls écrits des prophètes proprement dits. Il cite le psalmiste et il déclare que le Verbe a parlé pnr Salomon. Dial., Gl, 62, col. 616, 617, 620. Il cite encore nos Évangiles canoniques, qu’il désigne expressément par le nom de Mémoires des apôtres, Apol., 1,66, col. 429, et il vise non pas l’Évangilc oral, mais l’Évangilc écrit. Dial., 100, col.700. Or il les tient comme inspirés, puisqu’il rapporte qu’ils étaient lus, le dimanche, dans les assemblées chrétiennes, aussi bien que les écrits des prophètes. A po/., 1,67,col. 429. Il prouve que Satan est le prince des démons tant par les écrits de l’Anclen Testament que par les paroles du Christ, rapportées < dans nos livres ». Ibid., 28, col. 372; Dial., 103, col. 717. Les apôtres ont prêché la parole de Dieu aussi bien que les prophètes. Dial., 119, col. 754 ; Apol., I, 39, col. 387. La Cohortatio ad Græcos, qu’on a attribuée long­ temps ù saint Justin, présente sur l'inspiration des Livres saints la même doctrine que celui-ci. Son auteur oppose aux philosophes grecs les prophètes d’Israël, qui sont plus anciens, qui s’accordent entre eux pour enseigner la science qu’ils ont reçue de Dieu. Cette science divine ne vient ni de la nature ni de l’esprit humain, mais d’un don, que ces saints hommes rece­ vaient. Ils se livraient eux-mêmes à l’action du SaintEsprit. Leur accord doctrinal provenait de cette action divine. Moïse a été le premier d’entre eux, 8-11, 28, col. 255-264, 293. Aussi son histoire est-elle divine, 33, 34, col. 301. Le troisième livre des Rois a été composé par un prophète, 31, col. 300, et les écrits historiques ont été écrits sous l’inspiration prophé­ tique, 35, col. 304. Tatlcn, disciple de saint Justin, suit la même mé­ thode que son maître pour prouver la divinité des Écritures. Voir t. n, col. 1559-1560. Écrivant contre les Grecs, Il ne cite que le Ps. vm,6,Oratio ado. Gr/rcos, 15, P. G., t. vi, col. 840, mais il appelle les Écri­ tures θειστάτας ερμηνείας διά γραφής έξεληλεγμένας et θείας έκφωνησεως λόγους, 12, col. 832. 11 cite deux passages de l’Évangilc de saint Jean, l’un sans formule d’introduction, 19, col. 849, l’autre, précédé de ces mots : καί τουτό έστι τδ είρημένον, 13, col. 833. Son Διά τεσσάρων était composé du texte combiné des quatre Évangiles canoniques, les seuls qu’il recevait donc comme l’Église catholique. On peut même conclure de la Doctrine cTAddai que Tatien joignait â la Loi, aux Prophètes et ù l’Évangilc les Actes des apôtres et les Épi très de saint Paul et qu’il les avait transmis â l’Église syrienne. Cf. Th. Zahn, GeschichtedesNeutestamentliehenKanons,Erlan­ gen, 1880,1.1, p. 423-424 ; A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 58, 61. Devenu gnostlque, Tatlcn aurait mis l’Anclen et le Nouveau Testament en opposition entre eux. S. Irénée Cont. hxr., 1, 28, P. G., I. vu, col 691; S. Hippolyte, 2080 Philosophoumena, 1. X, 18, P. G., t. xvr, col. 3435. Athénagorc oppose aussi la doctrine chrétienne à celle des poètes et des philosophes, qui sont en désac­ cord, tandis que les prophètes ont été inspirés par Dieu. Voir t. n, col. 1560. 11 cite donc les prophètes Moïse, Isaïe, Jérémie et les autres. 11 allègue le livre des Proverbes comme parole de l’esprit prophétique. Legatio pro christ ianis, c. x. xu, P. G., t. vi, col. 909, 925. Il cite aussi l’Évangilc de saint Matthieu comme Écriture, c. xu, xxxn, xxxin, col. 913, 916, 946, 968. Il invoque une fois le témoignage de saint Paul, De resurrectione mortuorum, c. xvm, col. 1012, sans dire explicitement qu’il est scripturaire. Saint Théophile d’Antioche presse Autolycus Jcsc convertir afin de ne pas encourir les peines éternelles, prédites par les prophètes, car toutes leurs prédictions sc réaliseront. AdAul., 1. I,c. xiv, P. G., t. vi,col. 1045 Les oracles des prophètes sont vrais, parce qu’ils s’accordent entre eux, 1. III, c. xvn, col. 1144-1145. Les philosophes et les poètes, inspires par le démon, sont en désaccord et mêlent le faux au vrai, 1. Il, c. vin ; 1. 111, c. in, col. 1060, 1061,1124. Mùs tous par le même esprit, qui est l’Esprit de Dieu, les prophètes annoncent la vérité sans mélange d’erreur, 1. II, c. ix, xxxv, col. 1064, 1109. Voir t. n, col. 1560. Moïse a écrit le récit de la création sous l’inspiration du SaintEsprit, 1. 11, c. xxiii, col. 1155. C’était plutôt le SaintEsprit que Moïse, car aucun prophète n’assistait ù la création, et Moïse n’a été qu’un instrument du SaintEsprit, 1. II, c. x, col. 1063 sq. Théophile désigne la collection de la Bible par le nom de γραφαί άγιαι, 1. II, c. xxn, col. 1088, et les auteurs de ccs livres, il les dit πνευματοφόρους, 1. H, c. ix, col. 1064. Les Évan­ giles sont d’accord avec les livres prophétiques sur la justice, commandée par la loi, parce qu’ils parlent tous sous l’inspiration du même Esprit de Dieu, 1. III, c. xn, col. 1138. Il cite le début du IV· Évangile comme Écriture et saint Jean son auteur, comme «inspiré, 1. II, c. xxn, col. 1088. Il cite comme Écriture la P® Épitre de saint Paul à Timothée et l’Épitrc aux Romains, 1. II, c. xiv, col. 1141. Au rapport d’Eusèbe, J/. E., iv, 24, P. G., t. xx, col. 389, Théophile citait l’Apocalypse dans son livre Πρδς τήν αίρεσιν Έρμογένους. 3. Les premiers Pères, qui curent à écrire contre les hérétiques, durent soutenir contre les gnosliques, qui prétendaient que les Écritures étalent en désac­ cord, l’accord des livres inspirés. Voir t. n, col. 15601561. Après avoir décrit la tactique différente que les gnostlques avaient à l’égard des Écritures, saint Irénée se demande s’il vaut mieux croire à leurs doc­ trines qu’aux disciples du Seigneur, à Moïse et aux prophètes, Cont. hier., I. II, c. u, P. G., t. vu, col. 715, et il répond qu’il faut croire aux Écritures comme à Dieu même, puisqu’elles sont parfaites, ayant été dites par le Verbe de Dieu et son Esprit. L. II, xxvin, n. 2, 3, col. 804-806. Cf. Demonstratio apostolica: priedicationis, 5, trad. lat. de S. Weber, Frlbourg-cnBrisgau, 1917, p. 31. Leur obscurité ne doit pas détruire notre foi, car, s’il y a des mystères dans les créa­ tures, est-ll étonnant qu’il s'en trouve dans les Écri­ tures, qui sont toutes des Écritures pneumatiques. Ibid., n. 3, col. 806. Saint Irénée sc propose donc de réfuter par les Écritures apostoliques les hérétiques, dont il aexposé les erreurs,!. II, c. xxxv, n. 4; 1. III, præf., col. 841, 843, en prouvant par elles qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Λ la fois Dieu des juifs et des chré­ tiens, et un seul Seigneur Jésus-Christ. Or, c’est aux écrits du Nouveau Testament qu’il emprunte scs preuves, aux Évangiles d’abord, dont l’Église ne reçoit que quatre h Verbe nous ayant donné τετρά> 1 συνεχόμενον. I . Ill c. xi, n 8, col. 885. L’Evangilc de saint Jean 2081 INSPIRATION DE L’ÉCRITLRE 2082 est un don de Dieu, c. xi, n. 8, col. 887. Saint Irénée llgence et leur découvrait la vérité pour l’instruction cite ensuite, c. xu, 1-xm, 3, col. 892-912, Je témoi­ des autres. De Antichristo, 2, ibid., p. 4. Ils propo­ gnage des apôtres, que Luc rapporte dans les quinze saient non leurs conceptions personnelles, mais les premiers chapitres des Actes, puis les passages du pensées et les Images que Dieu même mettait dans mémo livre où l’auteur parle ù la première personne leur esprit. Ibid., 2, p. 5. Dieu qui les a éclairés garan­ du pluriel. 11 prouve sa simplicité et sa véracité, tit la véracité de leurs oracles, dont 11 procure infail­ quand il parle de lui-même,et ilia compare ù celle de liblement l’accomplissement. In Dan., iv, 6, p. 198. saint Paul, c. xiv, 1, col. 913, dans son discours à Leur inspiration est une grâce de sagesse et d’intelli­ Milet, reproduit pur Luc lui-même. M. O. Reilly, Le gence. Ibid., m, 19; iv, 27, 29, 30, 36, 39, p. 160, 256, canon du Nouveau Testament et le critère de la canoni- 262, 280, 286. Ainsi éclairés, les prophètes étaient les cité, dans la Revue biblique, 1·' avril 1921, p. 20, pré­ hérauts de Dieu, qui parlait par leur bouche. In tend que le livre des Actes n’était cité par saint Irénée Cantic., dans N.Bonwetsch, Texteund Vntersuehungen, que comme une source de renseignements historiques, Leipzig, 1902, t.xxm, fuse. 2 c, p. 20 22. Si Hippolyte qui apprenait ce qu’ont enseigné les apôtres et leurs cite l'AncicnTestament, qui comprend la Loi et les Pro­ disciples, sans rien dire de son inspiration. Cc critique phètes, par les formules : ή γραγη λέγει, ou quelque­ n’a pas remarqué qu’Irénée, c. xu, 5, col. 897, cite fois al Ocîat γραφαί, ou al άγιοι γραφαί, et celles comme Écriture le passage des Actes, iv, 22, qui du Nouveau par celles-ci : ο κύριος λέγει pour les indique l’âge du boiteux guéri par saint Pierre, détail Évangiles et ό απόστολος λέγει, avec ou sans le nom qui n’a aucun rapport avec l’enseignement aposto­ de l’apôtre pour les Épllrcs, il ne fait aucune diffé­ lique et ciue l’évêque de Lyon tient cependant pour rence dans l’autorité qu’il leur reconnaît et dans la parole d’Ecriture. Les autres arguments de Μ. O. Reil­ vénération qu’il leur porte. Il cite et commente lar­ ly, qui lui paraissent < exclure l’action de l’Esprit dans gement l’Apocalypse sous le nom de saint Jean, et il la la compositipn du Nouveau Testament », n’ont pas comprend dans l’Écriture, qui contient les prophètes, plus de valeur. En effet, cet Esprit est cité à côté les paroles du Seigneur et les écrits des apôtres. De des apôtres et des prophètes, au lieu du Seigneur Antichristo, 58, édit. Bonwctsch, p. 38. Voir A. d’Alés, Jésus, 1. HI, c. vi, 1 ; c. xix, 2; 1. IV, c. I, 4, col. 860, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 110-116. 910, 97G. Pour Irénée, les Écritures sont aussi bien Cf. t. vi, col. 2509. apostoliques que prophétiques, et les livres du Nouveau Le prêtre romain Caius disait des hérétiques, qui Testament sont Écritures au même titre que ceux avaient falsifié les Écritures : « Ou bien ils ne croient de l’Anclen. D’ailleurs, l’Esprit-Saint a parlé par pas que les saintes Écritures ont été dictées par le Matthieu, 1. Ill, c. xvn, 2, col. 921. Saint Paul a été Saint-Esprit, et ils sont des infidèles, ou bien ils inspiré par le Saint-Esprit, 1. IV, c. vin, 1, col. 993. s’estiment plus sages que le Saint-Esprit, et Ils sont Les apôtres étaient inspirés dans leurs écrits autant des démoniaque^. » Eusèbe, H. E., v, 28, P. G., t. xx, que dans leurs paroles, 1. Ill, c. i, col. 841. L’Apoca­ coL 547. lypse était l’œuvre du Saint-Esprit, 1. V, c. xxv, 4, 4. L’école catéchétiquc d’Alexandrie, qu’Eusèbe col. 1207. Cf. A. Camcrlynck, Saint Irénée et le canon appelle διδασκαλείων τών Ιερών λόγων, Η. Ε., ν. 10, du Nouveau Testament, Louvain, 1906; J. Hoh, Die P. G., t. xx, col. 453, prouvait par les mêmes argu­ Lehre des hl. Ircnâus Qber dasNeue Testament, Muns- ments que les Pères apologistes la divinité des Écri­ ter-cn-Westphalle, 1919, p. G2-75, 90-109; E. Mange- tures. Pour Clément d’Alexandrie et Origène, voir t. n, col. 1560-1562. Cf. A. Zollig, Die Inspirationslehre not, Le témoignage de saint Irénée sur le livre des Actes et son auteur, dans la Revue des sciences religieuses, des Origenes, Fribourg-cn-Brisgau, 1902, p. 7-15; P. Prat, Origène, le théologien et Γ exégète, Paris, 1907, Paris, 1921, p. 97. Les rationalistes eux-mêmes reconnaissent que la majeure partie des livres du Nou­ р. 115-118; F. Leitner, Die Prophetische Inspiration, Fribourg-en-Brisgau. 1896, p. 139-147. 11 serait donc veau Testament était tenue pour canonique par saint Irénée et ils en concluent que l’évêque de Lyon admet­ superflu de relever dans les œuvres de ccs docteurs les tait leur inspiration. Cf. A. Harnack, Die Entstehung Innombrables passages de l’Écriture qu’lis citent et des Ne tien Testaments und die uuchtigen Folgen der qu’ils attribuent au Saint-Esprit, Inspirateur des écri­ neuen Schôp/ttng, Leipzig, 1911, p. 4G, 47; A. Loisy, vains sacrés. Ajoutons seulement que, pour Clément, son péda­ Les Actes des apôtres, Paris, 1920, p. 7. Tertullien réfuta Mardon, qui rejetait l’Anclen gogue, qui est Je Verbe Incarné, a été le magister du Testament, œuvre du mauvais principe, et n’accep­ peuple juif par Moïse et celui du peuple chrétien par lui-même. Malgré leurs différences, les deux Testa­ tait qu’une partie du Nouveau. Voir t. n, col. 15G0. Dans son Apologétique, il démontre aux païens l’auto­ ments ont donc été donnés par le même Verbe. Psedarité de l’Écriture par son antiquité,l'accomplissement gogus, I. 1, c. vu, P. G., t. vin, col. 320-321. L’Esprit· des prophéties qu’elle contient et par l'inspiration • Saint, qui est l’esprit des prophètes, ibid., 1. I, c. v, col. 264, a parlé par les prophètes et par tous les prophétique do ses auteurs. Ibid. L’Église romaine auteurs des Livres saints, même par l’apôtre Paul dans mêle la Loi et les prophètes aux lettres évangéliques et apostoliques et en abreuve la fol. De pra-scriptIo­ scs lettres aux Ephésiens et aux Corinthiens, 1. I, nibus, 36, P. L., t. n, col. 19-50. Cf. Adv. Praxeam, с. v, vi, col. 269, 308.< Si Dieu est l'auteur de tous les dons, il ne l’est pas de tous au même titre : des uns, n, col. 1G7; Adv. Hermogenem, 19, 20, col. 211, 216; l’Évangilc est le supplement de l’Ancien Testament. comme de l’Ancien et du Nouveau Testament, il l’est Le Nouveau Testament a été écrit sous la meme inspi­ principalement; des autres, comme de la philosophie, ration que l'Ancicn. Adv. Marcioncm, L IV, c. xxn, par simple conséquence, » Strom., 1,5, col. 717, puisque col. 414. L*Esprit-Saint parle en saint Paul, 1. V, la philosophie vient de Dieu et non du diable. Voir c. vu, col. 485; De virginibus velandis, 4, col. 894; t. m, col. 116, 147. Clément admet l'inspiration du De monogamia, 12, col. 947; De pudicitia, 10, col. 1012. Nouveau Testament aussi bien que celle de l’Ancien. Cf. A. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, Voir t. m, col. 163-165. Cf. Dausch, Der ncutestamenp. 221-222. tliche Schri/tcanon und Clemens von Alexandrien, Saint Hippolyte admettait l’inspiration des pro­ Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 47-56. phètes. La grâce divine descendait du ciel sur eux et Dans ses commentaires des Livres saints, qui nous Ils étaient toujours Instruits par le Saint-Esprit, In sont parvenus, Origène enseigne sur l’inspiration la Daniel, m, 2, Hyppolytus W’erke, édit. Bonwctch, même doctrine que dans son llcpl αρχών et dans ses Leipzig, 1897, p. 118, qui leur communiquait l’Intel- livres contre Celse. Il applique à l’Écriture entière D1CT. DK TKÊOL. CATHOU VII. — 66 Ï0S3 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE •20*4 l’affirmation que saint Paul avait donnée dc l’inspira- | 352, 355. Les avertissements divins d’accomplir les tion dc l’Ancien Testament. In Joa., i, n, 8, P. G., œuvres dc miséricorde n’ont jamais cessé. On les t. xiv, col. 33,36; In lib. Jesu Nave,homil. xx, t. xn, trouve dans les Écritures anciennes ct nouvelles, col. 920. La parole divine sc trouve dans la Loi et les exhortante Spiritu Sancto. Dr opere et eleemosyna, prophètes, dans l’Évangile ct dans les apôtres. In 4, t. i, p. 375. Aussi saint Cyprien cite dc nombreux Jer., homil. x, t. xm, col. 357. L’Églisc lit tous les passages dc l’Écriture comme paroles dc Dieu et II écrits des deux Testaments. Ibid,, homil. îv, n. 6, répète que le Saint-Esprit a parlé dans l’Écriture et coL 293 Cf. In Matth., torn, x, n. 15, col. 872, 873; que les écrivains sacrés ont parlé dans le Saint-Esprit. 11 n’affirme pas seulement ainsi l’inspiration des pro­ In Léo., homil. χτπ, n. 4, t. xn, col. 518. Origène réfute Apelle, qui prétendait que les écrits dc Moïse n’étaient phètes, mais encore celle des psahnistes, dc Salomon pas l'œuvre du Saint-Esprit, et il assure que l’Esprit de ct de l’apôtre saint Paul. Novation dit que Dieu a écrit la Loi ct a Instruit les Dieu énonce dc grands mystères par Moïse et par saint Paul, in Gen., homil. n, n. 2, 5, t. xn, col. 165, . prophètes par son esprit. De Trinitate, c. vm, P. L, 171. Il affirme contre Marclon que les quatre Évangiles t. in, col. 899. Dieu a donc parlé par les prophètes. ont été écrits par la même puissance ct sont égale­ Ibid., c. m, col. 891. C’est le même Esprit, qui a parlé ment vrais. In Joa., torn, n, n. 4, t. xrv, col. 193. Cc par les prophètes et par les apôtres. C. xxix, col. 943. sont les seuls que l’Église reçoit. In Luc., homil. i, Les deux Testaments prouvent la divinité du Christ, ct l’autorité des deux est la même. C. xvn, col. 918. t. xm, col. 1802-1803; In Matth., torn, i, col. 829. Leurs auteurs ont été poussés à écrire par le SaintViclorin dc Pet tau affirme que l’Ancien et le Nou­ Esprit. Scholia In Lucam, P. G., t. xvn, col. 312. Les veau Testament procèdent de la bouche de Dieu. affirmations dc l’inspiration dc chacun des livres des L'Église catholique les admet tous deux; les héré­ deux Testaments se multiplient sous la plume d’Ori- tiques rejettent les prophètes, ct les juifs ne reçoivent gène et sc lisent presque à chaque page dc scs com­ pas la prédication du Nouveau. In Apec., P. L., t. v, mentaires. Voir F. Prat, Origine, Paris, 1907, col. 315, 326. L’Esprit septiforme a annoncé l’avenir p. 115-120. par les prophètes, ct saint Jean dans l’Apocalypse Saint Denys d'Alexandrie, disciple d’Orlgènc, faisait parle par sa voix. Ibid., col. 332-333. Cet Esprit a profession dc croire avec l'Église en un seul Dieu Père, parlé par David, ibid., col. 319, dans l’Évangile, qui nous a donné la Loi, les prophètes ct les Évangiles, col. 326. ct en un seul Saint-Esprit, qui a revivifié les saints Commodicn, dit que Dieu lui-même a donné sa de l’Ancien ct du Nouveau Testament. Epist. ad Alex., loi à son peuple, qu’il ne s’est pas contenté d’un pro­ 12, P. G., t. xvm, col. 565, 568. 11 avait la même doc- i phète, mais qu’il a multiplié les témoins de sa divinité. trine que son maître sur l'inspiration. Voir t. îv, Moïse ct les prophètes ont prédit le Christ, ou plutôt col. 427. Selon lui, l’Apocalypse avait été composée c’est le Seigneur lui-même cjui s’annonçait d’avance par un saint, inspiré dc Dieu ct nommé Jean, qui était par leur bouche. Salomon, inspiré par lui, l’a prophé­ autre toutefois que l’apôtre saint Jean. Ibid., col. 426. tisé. Ces prophéties sc sont réalisées en Jésus. Aussi Saint Grégoire le Thaumaturge, dans son pané­ Il suffit dc dire aux juifs : Scriptum sic crat, modo gyrique d’Orlgènc, affirme l’inspiration dc tous les credere fas est. Carmen apologeticum, 32. Corpus de prophètes, qnl est un don divin ct qui leur fait trans­ Vienne. 1887, t. xv, p. 119, 127, 129, 137, 139, 146, mettre aux hommes les paroles dc Dieu, n. 15. P. G., 1 19, 161. t. x, col. 1095,1096. Les chrétiens ne croient qu’en un Λ la même époque, si tant est qu’il soit possible seul Dieu, qui est à la fois Je Dieu dc la Loi ct dc dc situer Commodicn, Lactancc prouve l’inspiration l’Évangile. Fidet expositio, col. 1117. Les Écritures des prophètes qu’il oppose aux philosophes. Voir t. n, inspirées par Dieu nous donnent le trésor des sciences col. 1562. Or, tous le écrivains de l’Ancien Testament divines. Le Paraclct nous l’a expliqué, ct cc trésor nous sont, pour lui, des prophètes, David, Institutiones, Vient dc la loi, des prophètes, des évangélistes, ct des 1. IV, c. vm, xm, xvî, P. L., t. v, col. 468, 185, 497; apôtres. Notre-Seigneur a parlé par la langue des Salomon, c. vm, col. 468, et Esdras, c. xi, col. 476. prophètes ct des apôtres. In Annuntiationem, homil. n, L’Ancien Testament comprend la Loi ct les Prophètes, col. 1161. que les Juifs acceptent; les chrétiens ont, en outre, Le martyr saint Pamphile, dans son Apologie les écrits du Nouveau Testament. Les deux Testa­ (TOrigène, c. I, P. G., t. xvn, col. 552, dit que le Dieu ments ne diffèrent pas, car le Nouveau accomplit juste et bon, Père de Jésus-Christ, nous a donné lui- l’Ancien ct le Christ témoigne dans les deux, c. xx.col. même la Loi, les Prophètes et les Évangiles; 11 est j 514-515. Les Évangiles sont « des lettres sacrées », aussi le Dieu des apôtres, le Dieu dc l’Ancien ct du , c. xv, col. 494. Nouveau Testament. Le rhéteur Arnobe ne parle pas dc l’Ancien Tes­ Saint Pierre d’Alexandrie appelle les prophètes tament, ct il prouve seulement aux païens la vérité πνευματοφόρους, Dc libero arbitrio, P. G., L xvm, des Évangiles. Comme Lactancc, il résout l’objection col. 241, ct 11 dit que Notre-Seigneur nous reprend que les païens tiraient du langage trivial ct du style par le prophète. Fragm., 5, col. 516. simple des évangélistes. Adversus gentes, 1. 1, c. LViii, 5. Les Pères latins du in· siècle admettent, comme P.L.,t. v, col. 796. les Pères grecs dc la même époque, l’inspiration des Marins Victorious recommande dc lire les Écritures Lh saints. sans contention ni commentaire humain. Saint Pierre Saint Cyprien, évêque dc Carthage, dans la préface a dit que toute l’Écriture, inspirée par l’Esprit dc Dieu, dc scs livres des Témoignages, présente à Quirinius avait besoin d’interprétation. Quand la divine Écri­ les dioina magisteria, gui bus nos Deus per Scripturas ture a parlé, Il ne faut pas penser comme les philo­ erudire et instruere dignatusest, ct auxquels H est néces­ sophes. Moïse, Salomon, ct tous les autres écrivains saire d’obéir. Édit. I iartcl, Vienne, 1868, t. i, p. 35. sacrés étalent prophètes. Pourquoi ne croirions-nous Des Écritures anciennes ct nouvelles, dc tous les pas aux prophètes? Que pourrions-nous discuter, volumes des livres spirituels, dc ces sources divines il quand Ils ont affirme une chose? De verbis Scriptuner a tiré les arguments dc son livre Adversus Judeos, Factum est, P. L., t. vin, col. 1009 sq.;De generatione irai., édit. 1 Iartcl,t.m,p. 133. Les Écritures sont des divina Verbi, 1. roi. 1019. Quidquid enim scriptum paroles divines, dans lesquelles nous entendons Dieu est, a dlvtro S iir'fu dictum credendum est. De physicis, parler, nous instruire ct nous admonester par sa voix 27, coi. divine. Liber ad Demetrianum, 1, 3, 0, t. i, p. 351, | 6. cc x u?r grecs du ιν· siècle reprennent a 2085 INSPIRATION DE L'ÉCRITURE 208« démonstration dc la divinité des Livres saints. Eusèbe ή Γραφή, ώς του πνεύσαντος αυτήν αγίου πνεύματος dc Césaréc suit la méthode des premiers apologistes. θεού καθεστώτος, et il part dc là pour prouver Voir t. n, col. 1502. Or, quand il emprunte aux pro­ la divinité du Saint-Esprit contre les macédoniens phètes hébreux des arguments pour prouver la vérité qui en faisaient une créature. De Trinitate, LU, dc l’Évangile, Π affirme constamment leur inspiration. c. x, P. G., t. xxxix, col. 641, 615. Contre les héré­ Ainsi i’Esprit-Salnt a parlé par Moïse, qui lui-même tiques qui niaient la divinité dc l’Ancien Testament, prévoyait en esprit.Dem. eu.,1. Ill, c. n; 1. IV, c. xrv, il montre que les deux Testaments sont l’œuvre du xvî, P. G., t. xxn, col. 176, 300, 308. Isaïe fut un même Dieu, créateur du monde ct père du Sauveur. grand prophète, qui annonça cc que l’Esprit divin In Aelus apostolorum, îv, 24, col. 1664. Cf. De Spiritu lui apprenait merveilleusement. L. I, C. x; 1. VII, Sancio, n. 45, col. 1072. Leur origine divine ressort c.1, col. 92, 189, 517. Le même Esprit divin inspirait dc la comparaison faite dc ccs deux Testaments. Habacuc. L. VI, c. xv, col. 444. David était prophète In EplsL i ad Cor., mi, 7, col. 1708. C’est le même ct le Saint-Esprit lui faisait voir d’avance ce qu’il Esprit qui a été dans les prophètes ct dans les apôtres. prédisait. L. 1, c. x;l. IV, c. x; 1. V, c.m;l. VI, c. vm; De Spiritu Sancio, η. 3, col. 1034-1035; De Trinitate, L X, col. 89, 296, 361, 425, 736. C’est sous l’inspira­ 1. Ill, c.i, n. 44,col. 894. Aussi Didymemultiplie-t-il tion de l’Esprit divin qu*Asaph a composé les psaumes les affirmations que l’Écriture est divine, divinement qui lui sont attribués. L. X, col. 720. Dans tous scs inspirée, ct que les écrivains sacrés ont été inspirés écrits dogmatiques, exégétiqueset historiques, Eusèbe par le Saint-Esprit. Voir G. Bardy, Didyme Γ Aveugle, expose la même doctrine. Les juifs ct les chrétiens Paris, 1910, p. 179-180. Didyme prouve en particulier ont en commun la foi aux livres inspirés des pro­ l'inspiration d’Isaïe ct dc David par le témoignage de phètes. Eclogæprophetarum, 1. I, c. n, t. xxn, col. 1022. saint Paul. De Spiritu Sancio, n 29, coL 1059-1060; Λ l’occasion, fauteur afllrmc explicitement l’inspira­ De Trinitate, 1. Ill, c. xxxin, col. 960; In ps., proœm., tion de presque tous ccs livres en particulier. Le Saint- col. 1156-1157. 11 affirme aussi l'inspiration des Évan­ Esprit parlait par eux, //. E., 1. I, c. n, t. xx, col. 53, giles, puisque ceux qui les reçoivent possèdent la était leur langue. In ps. XLIV, t. xxm,col.396. Eusèbe révélation donnée par le Saint-Esprit. in Epist. I afllrmc fréquemment l’inspiration dc tous les psal- Pel.,i, 14, coL 1759. L’évangéliste parle θεοφράστφ mislcs. Salomon a été prophète, et le livre des Pro­ γλώττη.Εβ Trinitate, 1. I, c. xxvi, col. 592. Saint Paul verbes est une prophétie, Cont. Marcellum, 1. I, a été instruit par l’Esprit Saint, ibid., L 1, c. vn, xxi, L xxiv, col. 74, car la Sagesse parlait d’efic-mêmc par col. 272, 913, et rempli par lui, L III, c. iv, coL 837. la bouche de cc roi. 11. E., 1. I, c. n, t. xx, col. 61. On a déjà dit, t. n,col. 1562, commentsaint Cyrille Il appelle les Évangiles Οείαν γραφήν. Ibid., 1. I, d’Alexandrie prouvait l’autorité divine de la sainte c. xi, col. 113. Saint Paul était Inspiré, quand il écri­ Écriture. Presque à chaque page de ses ouvrages il vait à Timothée. Ibid., 1. II, c. xxn, col. 198. nomme l’Écriture Οείαν et θεόπνευστου et les écri­ Saint Alexandre d’Alexandrie, dans sa profession vains sacrés des deux Testaments θείους, Οεσπεσίους dc fol, conforme aux divines Écritures, dit du Saint- ct πνευματοφόρους. Le même Esprit a dicté les deux Esprit : Έν Πνεύμα άγιον όμολογουμεν τδ καίνισαν 1 Testaments, in Luc., P. G., t. lxxii, coL 681. L'Écriτούς τε της Παλαίας Διαθήκης άγίους ανθρώπους, καί I turc tout entière ne forme qu’un seul livre, composé τούς της χρηματιζούσης Καινής παιδευτάς θείους. et scellé par le Saint-Esprit. In ls.,ui, t. lxx, col. 656. Epist. ad AÏexandrium, n. 12, P. G., t. xvm, col. 568. Moïse, les prophètes, les apôtres ct les évangélistes Saint Athanase, voulant exposer la foi du Christ, in sont pour nous les sources du salut, parce qu’ils nous tirera des Écritures : Αύτάρχεις μέν γάρ είσιν al communiquent la parole dc Dieu. Cont. Julianum, άγιαι καί Οεόπνευσται γραφαί πρδς τήν της άλη- 1. V111, t. i.xxvi, col. 885,889. Les prophètes, instruits Οείας απαγγελίαν. Oratio contra gentes, n. 1, P. G., par le Saint-Esprit, ont prévu l’avenir et l’ont annoncé. t. xxv, col. 4. Il cite donc souvent l’Écriture, notam­ Or, David ct les autres psalmistes ont eu l’esprit pro­ ment Ecclc., vu, 30, comme dit par le Saint-Esprit, phétique. Les évangélistes ont été inspirés. Comme n. 7, col. 16. Toute l’Écriture, d’ailleurs, est, pour lui, Jean, De recta fide ad Theodosium, n. 40, t. lxxvi, divinement inspirée, n. 46, col. 92. 11 prouve par col. 1191, Paul est rangé parmi les πνευματοφόρους. De l’Ancien Testament Pincamation du Verbe, afin dc incarnatione Unigeniti, t. lxxv, col. 1245. 7. L’école exégétiquo d'zkntioche, qui recherchait convaincre les juifs par leurs Écritures, car tous leurs livres ont été écrits sous l’inspiration divine. Orat. dc principalement dans l’Écriture le sens littéral, avait incarnatione Verbi, n. 33, col. 152-153. Dans ses dis­ sur l’inspiration la même foi que l’école d’Alexan­ cussions avec les ariens, Il argumente par l’Écriture, drie, qui abusait des sens allégoriques. De saint qu’il préfère aux syllogismes de ces hérétiques. Orat., Lucien, fondateur de ccttc école, et de ses premiers i, contra arianos, n. 35, t< xxn, col. 85. La fol véri­ disciples, il ne nous est rien resté dc précis. Diodore de table ct droite nous est connue ct enseignée par les Tarse disait que Dieu, pour enivrer dc science l’esprit Ecritures divines. Epist. ad Jovianum, n. 1, col. 816. humain avait répandu la pluie spirituelle du matin Athanase croit au Saint-Esprit, τδ λαλήσαν έν νόμψ dans l’Ancien Testament ct celle du soir dans le καί έν προφήταις καί έν εύαγγέλιοις. Interpretatio Nouveau. Or les gouttes dc cette pluie sont al των in symbolum, t. xxvi, col. 1232. Le Saint-Esprit θεόπνευστων γραφών λέξεις καί νοήματα. In ps. a donné la même grâce d’inspiration à tous les livres LXIV, 10, 11, P. G., L xxxm, col. 1599. Pour lui, Moïse dc l’Ancien Testament, quel que soit leur sujet, pro­ est un prophète. In Deut., i, 5, col. 1585-1586. Il cite phétie, législation, histoire, hymne, Epist. ad Marcel- des passages des psaumes et dc Job comme des paroles linum, n.9, t. xxvn, col. 17. Le Saint-Esprit a parlé dc l’Esprit divin, in ps.LXXXVtti, 11, col. 1620, et il dans les psaumes ct par tous les prophètes. Salomon tient le ps. lxxxii comme une prophétie de l’avenir. fut un prophète, Sermo major de fide, n. 36, t. xxvi, in ps. lxxiiï, 18, col. 1615. col. 128 9, ct le livre des Proverbes est une Écriture Bien que Théodore dc Mopsueste ait eu, sur les dif­ divinement inspirée. Ibid., n. 21, col. 1273. Le Sei­ férents modes de l'inspiration, une opinion que nous gneur a parlé dans l'Ecclésiastique. Fragmenta in exposerons plus loin ct qui est restée isolée dans son Cantica, n. 2, t. xxvn, col. 1352, ct l’Esprit témoigne école, il admettait le fait dc l'inspiration. En eflet, il dans l’Ecclésiastc. Orat. contra gentes, n. 7, t. xxv, disait que l’Ancien ct le Nouveau Testaments prove­ col. 16. Voir ici t. i, col. 2176. naient du même Dieu unique et créateur, in Jonum. Didyme l’Aveugle dit que, d’après saint Paul, proœm., P. G., t. lxvi, col. 317. Les auteurs sacrés 11 Tim., m, 16, κέκληται δέ καί θεόπνευστος καί θεία ont été gratifiés dc la même grâce du Saint-Esprit, 2087 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE les tindens aussi bien que les récents qui donnèrent leurs soins aux mystères du Nouveau Testament. In Nahum, ι, 1, col. 401. Son canon biblique toutefois n'ètait pas complet ct il en excluait en plus des livres deutérocanoniques quelques autres livres des deux Testaments. L. Pirot, L'oeuvre exégrtique de Théodore de J/opsuesfe, Rome, 1913, p. 157-158; Kihn, Theodor von Mops lies lia und J unilias Africanus, Fribourg-enBrisgau, 18m», p. 67. Interprétant II Tim., ni. 16, Théodoret reconnaît que l'apôtre distingue des écrits de la sagesse humaine γραφήν τήν πνευματικήν. ct la raison qu’il en donne est celle-ci : Ή γάρ τού θείου πνεύματος χάρις διά τών προφητών καί τών αποστόλων έφΟέξατο. Puis de cc que l’Écriture dc l’Esprit est θεόπνευστος, il conclut que l’Esprit Saint est Dieu. Interpret. Epist. II ad Tim., P. G., t. lxxxh, col. 819. L’Écriture est donc του θείου πνεύματος διδασκαλία. In loca diflicilia Script. sac., Quast, in Gen., i, q. xi, t. lxxx, col. 92. Saint Paul, qui appelle < saintes > les Écritures dc l’Ancicn Testament, Bom., i, 2, nous apprend à les reconnaître comme divines ct divinement inspirées. In Epist. ad Horn., i, 2, t. lxxxh, col. 49. C’est l’Esprit qui a montré d’avance aux prophètes ce qui s’est accompli plusieurs siècles plus tard, en sorte qu’ils ont pu dire, non pas : Nous avons entendu, mais : Nous avons vu. In Isaiam, lui, 2, t. lxxxi, col. 441. Théodoret reconnaît donc l’inspiration des prophètes. Or, David, dans scs psaumes, était prophète, ainsi que les autres psalmis tes qui sont nommés dans les livres des psaumes. Il prouve l’inspiration du Cantique. In Cantic., præf., 29, 32. Les apôtres ont été inspirés comme les prophètes. Dialogus, in, t. lxxxiii, col. 1721. Les épilres de saint Paul ont été écrites par l’opéra­ tion divine du Saint-Esprit comme les psaumes de David, In Epist. Pauli, præf., t. lxxxh, col. 37, car le même Esprit a parlé par David ct par Paul. In 11** ad Cor., v, 13, col. 404. Interprétant Je texte dc saint Paul, Il Tim., ni, 16,saint JeanChrysostoinci'cntendcncescnsquctoutc l’Écriture, dont l’apôtre parle, dont Timothée avait été instruit dès l’enfance, donc tout l’Ancicn Testa­ ment, πάσαούν ή τοιαυτή θεό πνευστός. In Epist. II ad Tim., homil. ix, n. 1, P. G., t. lxîi, col. 649. Les Écritures sont donc τά θεία λόγια. In parabolam decem millium talentorum, n. 1, t. ij, coi. 18. Elles ont été écrites par Dieu, le maître dc toutes choses. In Epist. ad Gai., i, 7, t. lxi, col. 624. Ce ne sont pas seu­ lement les livres prophétiques que Chrysostome tient pour Inspirés; ce sont aussi les livres historiques. Ce n’est pas sans raison que les histoires de la Genèse ont été écrites pur le Saint-Esprit. In Gen., homil. lvh, t. uv, col. 494. Les Évangiles, qui reproduisent les paroles du roi Très-Haut, sont les premières des Écritures divinement inspirées. De angusta porta homil., n. 1, t. u, col. 41. Saint Matthieu a écrit son Évangile, étant του Πνεύματος έμπλησθείς. In Matth., homil. i, 1, 8, t. lvii, col. 15, 24. Le livre des zVctes a été écrit par saint Luc, mais avec la participation du Saint-Esprit. In inscript, altaris, homll. i, 3 ; n, 3, t. L, col. 71,72,83 ; In Actaaposl., ho­ mll. i, 1,2, t. LX, col. 15-17. Saint Paul était τό στόμα του Χρίστου, ή λύρα του 11 νεύματος. De Lazaro.fconc.vi, n. 9, t. XLViii, col. 1041. Voir. S. I laidachcr, Die Lehre des hl. Joannes Chrysostomus ûber die Schriftinspira(ton, Salzbourg, 1897. 8. Saint Cyrille dc Jérusalem applique en exégèse les principes de l'école d’Antioche. Or, Il tire les dix principaux dogmes dc l’Église des Écritures divine­ ment inspirées dc l’Ancicn ct du Nouveau Testament, et 11 en donne cette raison : Εϊςγάρ έστιν ό τών δύο Διαθηκών θεός, ό τύν έν τη Καινή φανέντα Χριστόν, L·/ τη Παλαιά προκαταγγείλας, ό διά νόμου καί προφη­ 2088 τών είς Χριστόν παιδαγωγήσας. Cal., ιν, η. 33, P. G., L χχχπι, col. 493, 496. Les mystères de la fol ne peuvent être prouvés que par les divines Écri­ tures. Ibid., n. 17, col. 476-477. Les catéchumènes, s’ils veulent connaître Dieu, doivent croire aux Écritures, Cat., n, 4; m, 16, col. 388, 448, ct accep­ ter la démonstration qui en est tirée, n, 7, col. 413. Cette démonstration est tirée autant dc l’Ancicn Testament que du Nouveau. Cal., xvni, n. 33, col. 1056. C'est le Saint-Esprit qui atteste les dogmes dans l’Écriture. Cal., xi, n. 13, col. 705. Saint Cyrille de Jérusalem parie spécialement de l'inspiration des prophètes. 11 appelle Ézéchiel πνευματοφόρον. Cat., π, n. 4, coL 388. Le psahniste est un prophète. Cal., xiv, n. 8; xvi, n. 28, col. 832, 957. Le Saint-Esprit a parlé par les prophètes ct par les apôtres. Cal., xvi, n. 2-4, col. 920-921. Pour réfuter les manichéens, qui rejetaient l'Ancien Testament, saint Épiphanc montre l'accord détaillé des doctrines qui sont exposées dans les livres des deux alliances, et la raison théologique qu’il donne de cet accord, c’est que le même Esprit n parlé dans la Loi, les Prophètes ct les Évangiles. Ilær., lxvi, n. 7275, 80-84, P. G., t. xlii, col. 144-149, 15G-168. Aussi, à l’occasion, il affirme l’inspiration des écrivains sacrés. Moïse a écrit sous le souille du Saint-Esprit, Ilær., xxvi, n. 3; xxxm, n. 9, t. xu, col. 337, 372, ct les paroles de la Genèse sont un θειος λόγος. liar., lxvi, η. 18, t. xlii, col. 56. David a vu l’avenir long­ temps à l’avance par l’œuvre du Saint-Esprit. User., lxi, n. 71, t. xli, col. 1193. Le Saint-Esprit parlait par les prophètes. Ancoratus, n. 10, t. xlhi, col. 24. Daniel était rempli du Saint-Esprit. Ibid., n. 25, col. 61. Les évangélistes étaient inspirés dans le choix de cc qu’ils racontaient dc façon ù rester d’accord, cc qui montrait qu’ils puisaient à la même source, ct si chacun d'eux a omis quelques faits, c’est que le Saint-Esprit leur apprenait en particulier ce qu’ils devaient dire pour leur compte. Ainsi cc que saint Jean a écrit sous la direction du Saint-Esprit est digne de foi et vrai. Ilær., li, n. 5-31, t. xu, col. 897 944. Épiphanc répondait ainsi aux aloges, qui n’acceptaient pas le quatrième Évangile. Après avoir réfuté les objections que ces p< rsonnes soulevaient contre l’Apocalypse, il concluait que cc livre est une prophétie et qu’il est l’œuvre du Saint-Esprit, Ibid., n. 32, 33, col. 944-949. Les Épilres du même apôtre sont, comme l'Évangilc et l'Apocalypse, d’un homme inspiré. Hier., lxiv, n. 68, col. 1189. Paul était πνευματοφόρος, Hier., lxix, n. 73, t. xlh, col. 324, et il était Πνεύματι άγ(ω φερόμενος, quand 11 écrivait I Cor., xv, 21, 35. liar., lxiv, n. 78, t. xij, col. 1189. Cet apôtre parlait par le même esprit, qui avait parlé dans l’Ancicn ct le Nouveau Testament, quand, Rom., xi, 23, il exprimait la même idée que le psalmiste. IIter., Lxxiii, n. 7, t. xlii, col. 413, 416. L’Esprit Saint décrivait la corruption des gnostiques dans l’ÉpItrc catholique dc Judc. Jlar., xxvi, n. 11, l. xu, col. 348. Philon, évêque dc Carpasia cl ami dc saint Épiphanc, affirme métaphoriquement ct expressément l’unité des deux Testaments, qui nous donnent le breuvage ct le lait spirituels qui viennent du SaintEsprit. Enarrat, in Canticum, P. G., t. xl, col. 36, 44-15. Dans la loi ct les prophètes nous parle le Sei­ gneur, col. 72, qui a placé dans l’Églisc le quadrige évangélique, qui nous conduit au ciel sur un char dc feu, lequel es tie Saint-Esprit, col. 121. Lenezde l'époux du C antique, c’est saint Paul, qui a donné à l'Eglise la respiration des deux Testaments, lesquels nous pré­ parent la vie éternelle par un seul Esprit divin, comme la vie humaine dérive des deux ouvertures de notre nez, col. 125, 128. 2089 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE I lésychius, prêtre de Jérusalem, nu v· siècle (?), range l’Ecclésiastc au nombre des livres prophétiques. Les prophètes, dont les noms étaient Inscrits en tète de leurs livres, n’ont pas été les seuls prophètes. Pro­ phètes aussi étaient les hommes, inspirés de l’esprit prophétique dont les paroles sont rapportées dans les livres historiques dc l’Écriture inspirée, tels Samuel. Élic ct Éiisée, comme ceux qui ont écrit les livres prophétiques, sous le souille du Saint-Esprit, tels les douze petits prophètes et les grands, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel. In duodecim prophetas minores, P. G., t. xcm, col. 1311,1344. Les psalmistes aussi étaient prophètes, et David a été la κιθάρα του πνεύματος. Semi., iv, col. 14CO. Les divergences des évangélistes viennent du Saint-Esprit; chacun d’eux a écrit sous la motion du Saint-Esprit, cc qui man­ quait dans les autres. Quast., difl, 28, 32, col. 1417, 1420. 9. Les Pères Cappadoclens établissaient aussi l’ins­ piration des Livres saints. Saint-Basile appelle maintes fois les Écritures τά λόγια του Πνεύματος, Homil., ινin Hexameron, P. G., t. xxix, col. 80; Homil., xn, in principium Proverbiorum, t. xxxi, col. 385; διδα­ σκαλίαν τού H νεύματος, Ado. Eunomium, I. II, n, 7, t. xxix, col. 584, μαρτυρία του Πνεύματος (bld., η. 15, col. 601, τάς άγίας καί Οεοπνεύστους γραφάς. Epist., clas. ι, epist. xu, t. xxxn, col. 345. Toute l’Écriture est Inspirée ct utile, parce qu’elle a été écrite parle Saint-Esprit. Homil. in ps./, η. 1, t. xxix, col. 209. L’Esprit qui a parlé par les apôtres ct les prophètes ct dont l’Écriture est inspirée, est évidem­ ment Dieu. Ado. Eunomium, I. V, col. 721. Les his­ toires, narrées dans les Écritures, sont Inspirées. In ps. Ltx, η. 1, col. 460. Le psalmlste David a eu plu­ sieurs manières d’enseigner παρά του ένεργούντος bj αύτώ Πνεύματος. Homil. Quod Deus non est auctor malorum, t. xxxi, col. 329. Saint Jean l'évangéliste a été Inspiré par le Saint-Esprit, Ado. Eunomium, 1. 11, n. 27, t. xxix, col. 633, aussi bien que saint Paul. Ibid., n. 19, col. 612. Saint Grégoire dc Nazianzc appelle les Écritures Οεοπνεύστους μύθους. Poemata dogmat., xxxv, P. G., t. xxxvii, col. 517-518. Il a dressé le catalogue τών Οεοπνεύστων βιβλίων. Poema ad Seleucum, col. 15941598. L’Esprit a fait du pâtre David un psalmlste ct un prophète, comme il lit plus tard d’Amos. Oral., xu, n. 14, t. xxxvi, col. 448. Les évangélistes ont écrit différemment selon l’utilité dc leurs lecteurs ct aussi selon qu’ils étalent informés ct instruits par le Saint-Esprit, qui était en eux. Orat., xun, in laudem Basilii Magni, n. 79, col. 589. Saint Césairc, frère dc saint Grégoire, désigne l’Écriturc par les expressions τδ θειον γράμμα, Dial., Ill, q. cxl; IV, q. clxxxv, P. G., t. xxxvm, col. 11201161, τηνΟείαν πτυκτήν, Dial., Ill, q. cxv, cxl; IV, q. clxxxvhi, col. 997, 1049, 1165, et il nomme les écrivains sacrés θείους ct Οεσπεσίους. Dial., I, q. il, )χχχν, xxxvm; II, q. en; III, q. cxvm, col. 857, 900, 904,969, 1005. David fut δ τών θείων μέλοδος. Dial. I, q. xiv, col. 872. Saint Grégoire dc Nyssc nomme très souvent les Écritures θείους λόγους. Οεόπνευστον γραφήν ou δια­ θήκην ou λόγον ou μαρτυρίαν ou διδασκαλίαν. Il les définit en ces termes : ΊΙ θεόπνευστος γραφή, καθώς ό θείος ’Απόστολος αύτήν όνομάζει, του αγίου πνεύ1 ματός έστι γραφή.., όσα ή θεία γραφή λέγει του πνεύ­ ματός είσι τού αγίου φωναί. Cont. Eunomium, 1. VII, P. G., t. xlv, col. 741, 74 i. Moïse a écrit sur la créa tion du monde κατά Οείαν έπίπνοιαν. In Hexaemeron, proœm., t. xlvi, col. 61. Dieu a parlé par les pro­ phètes. In Cantic., homll. i, t. xuv, col. 861. Le pro­ phète Amos était donc Οεσπέσιος. Cont. usurarios, t. xlvi, col. 445. Saint Grégoire appelle le Psautier 2090 θεόπνευστου διδασκαλίαν, In psal., tr. Π. t. xuv, col. 488; προφητείαν ct Οείαν γραφήν, tr. I, proœm., ct c. i, col. 433, ct le psalmlste προφήτην, In Cant., homil. m, iv, col. 828. 841, à qui l’Esprit suggère tout. De beatttudinibus, orat. n, col. 1212. Le sage Salomon pariait, ούκ έν πειθοις σοφίας λόγοις, άλλ’ έν διδακτοις πνεύματος αγίου σοφισθείς. In verba : Faciamus homtnem, orat, n, coi. 277. L’Ecclésiaste est donc γραφή ύψηλή καί θεόπνευστος. In Ecclesiasten, homll. ι, col. 617. L’Évangile est divin et la voix de Paul céleste. De vita Moysis, col. 344. Paul a révélé les secrets des mystères έν τή δυνάμει τού πνεύματος. Cont. Eunomium, 1. XII, t. xlv, col. 1060. 10, Les écrivains dc l’Églisc syrienne admettent aussi l’inspiration de l’Écriture. Aphraatc, le Sage Persan, ne voulait parler que d’après l’Écriture.Dem., xxn,26. Il la vénérait comme divinement inspirée ct écrite par Dieu, Dem., xv, 10; vin, 3; xv, 8; comme dictée par le Saint-Esprit qui a parlé par les prophètes ct les écrivains sacrés. Dem., vu, 10; vin, 25. 11 en distingue deux groupes : les premières ct les postérieures, Dem., xxn, 26, c’est-àdire l’Ancicn ct le Nouveau Testament, ct il cite la plupart d’entre eux. J. Parisot, dans Pairologla syriaca, Paris, 1894,1.1, p. xu-xun. Le diacre d'Édessc, saint Éphrcm, n’a jamais traité ex professo dc l’inspiration. < Mais les noms qu’il donne à l’Écriture, les formules qu’il emploie pour la citer, l’usage constant qu'il en fait, la manière dont il en recommande la lecture ct la méditation, le soin qu’il apporte à expliquer chaque mot et â recher­ cher le sens mystique des moindres détails, montrent, ù ne pouvoir s’y tromper, qu’il rapportait les Livres saints ù Dieu comme À leur auteur principal ct qu’il les regardait comme divinement Inspirés aussi bien dans les narrations historiques que dans les choses dc la foi. > D’abord, Π donne à l’Ecriture les noms de Livres divins, Livres de Dieu, Écriture, Écriture sainte. Les formules qu’il emploie le plus souvent, en la citant, sont : Il est écrit. Dieu a dit, CÈvangile dit, CApôtre a dit, ΓÉcriture dit, le Proph te a prédit. En citant une fois Ézéchiel, 11 dit : « Comme parle l’Esprit Saint.» En parlant des livres dc Moïse, il dit : « Moïse a écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint, qui parlait en lui. » Le Dieu juste n’a pas dédaigné d’écrire dans la Genèse les choses d’en haut, le mystère de la créa­ tion, ct les choses d’en bas, telles que l’aiïairc des baguettes ct des mandragores. · L’auteur dc ces récits sincères les a fait écrire par l’Esprit Saint ct placer dans l’arche. » Adv. scrutatores, hym. un, Opera syr. lat., t. m, p. 98-99, Les deux Testaments sont dc Dieu ct d’accoid entre eux. Ibid., t. ni, p. 107-108.Éphrcm lisait les livres dc l’Esprit, qui sont écrits par l’Esprit Saint. Ibid., t. n, p. 236. Cf. Th. Lamy, L'exégèse en Orient au J F·siècle ou les commentaires de saint Éphrem, dans la Ilevue biblique, 1893, L n, p. 10-12. Or, quoi qu’on ait dit ù l’encontre, saint Éphrcm rangeait parmi les livres de Dieu les deutérocanoniques de l’Ancicn Testament. Ibid., p. 12-17. Bien que dans les Of>era syro-latina, j’ai relevé des témoignages, donnés en passant, qui affirment l’inspi­ ration dc Moïse, des prophètes ct des psalmistes. Moïse n écrit la Genèse sous la dictée dc Dieu. In Gen. col­ lectanea, Rome, 1737, t. I, p. 115. Les prophètes ont été Inspirés par le même Esprit que Moïse, in Amos, t. n, p. 256. Dieu a parlé par tous, à des époques dif­ férentes. In Oseam, p. 217; In Joclem, p. 251. David chantait, Inspiré par l’Esprit divin, Necrosima, can. 7, 33, t.in, p. 233, 273, ct les psaumes ont été composés par l’inspiration de l'Esprit divin ct sont dc cet Esprit. Can. 16, 17, p. 257, 263. Saint Éphrcm ne parle pas explicitement dc l’inspiration des livres du Nouveau Testament, mais il défend à l’encontre des hérétiques, 2091 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE l’inspiration des deux Testaments. Ado. hier., scrm. n, t n, p. 441-442; Adv. scrutatores, scrm. xxï, t. in, p 38-39. Saint Jean fut inspiré, puisque le SaintEsprit n dépeint par lui le Verbe de Dieu. Adv. scru­ tatores, scrm. xxxm, p. 59. 11. En Occident, au rv· ct au v* siècles, la fol Λ l’inspiration scripturaire était aussi vive qu’en Orient. Saint Hilaire de Poitiers appelle les Écritures Del eloquia, arltslia eloquia, ou dicta. Trad, in ps. CXXXV, P. L., t. tx, col. 768. Le corps des Écritures qui com­ prend la Loi ct les Prophètes, a été écrit par la main des hommes; il n’est pas cependant une œuvre hu­ maine, car l’Esprit de Dieu, qui sait toutes choses, ins pirait les saints hommes de l’ancienne loi. Episl. sen libellus, t. x, col. 733, 753-751. La pensée qu’expri­ maient les prophètes ne venait donc pas de leur esprit propre; clic était fournie à leur intelligence par l’Esprit de Dieu qui s’était emparé d’eux. Trad, in ps. cxrni, t. ix, col. 639-610. Les ariens mettaient plu­ sieurs prophéties en contradiction avec les évangé­ listes ct les apôtres. L’évêque de Poitiers les réfutait, en montrant l’accord des deux Testaments, qui ont le même Dieu ct le même Esprit. De Trinitate, 111,32, t. x, col. 73. Saint Hilaire, dans ses traités sur les psaumes, affirme l’inspiration des prophètes et du psalmlstc David, qui était prophète. L’auteur des Proverbes était aussi un prophète, par qui l’Esprit parlait. Tract, in ps. CXXXV, n. 4, t. ix, col. 770. Les évangélistes étaient inspirés par le même Esprit que les prophètes. De Trinitate, XH, 3, t. x, col. 435. Les paroles de Paul sont des paroles divines, ibid., ï, 15, col. 34; il a parlé aux Corinthiens, étant rempli de l’Esprit Saint, Fragmenta, ï, n. 1, col. 627, ct le SaintEsprit parlait dans scs Épltres. Tract, in ps. Lxv, n. 19, t. ix, col. 431, Voir t. vî, col. 2414. Selon saint Ambroise, l’Ancien et le Nouveau Tes­ tament sont verbum ct eloquia Dei. In ps. CXVlll, scrm. xxn, 20, P. L., t. xv, col. 1517. Les écrivains sacrés n’ont pas écrit selon l’art humain, mais par une grâce qui est supérieure ù l’art tout cc que le SaintEsprit leur faisait dire. Epist., clas. i, epist. vm, n. 1, t. xvi, col. 912. De cc que toute Écriture, que le SaintEsprit a dite, est θεόπνευστος. le saint docteur sait, que le Saint-Esprit est Dieu. De Spiritu Sancto, 1. 111, n. '112, col. 803. Les écrivains sacrés, Moïse, les pro­ phètes, étaient donc inspirés. L’auteur du livre de Tobic était un prophète, De Tobia, c. ï, η. 1 ; c. n, n. 6, t. .xiv, col. 759, 761. L'esprit prophétique a infusé ù Job ce que celui-ci devait dire. De interpre­ tatione Job et David, 1. 1, c. vu, n. 23, 25; vm, n. 26, col. 807, 808. L’Esprit parle dans le Cantique, De virginitate, c. x, n. 54, t. ccvi, col. 280; in ps. ex vm, serm. xvi, n. 23, t. xv, col. 1192, et Salomon était inspiré pour l’écrire, Epist., clas. ï, episl. xi.v, n. 4, t. xvf, col. 1142. L’auteur de la Sagesse était un pro­ phète, pour qui le Saint-Esprit parlait. De virginibus, 1. L c. vu, n. 35, col. 199. David aussi était prophète, et il écrivait cc que le Saint-Esprit lui révélait. Jn ps. cxvm, serm. χχι,η. 6, t. xv, col. 1504. Plusieurs ont essayé d’écrire l’Évangilc, qui étaient destitués de la grâce; Matthieu, Marc, Jean ct Luc n’ont pas eu d'efforts à faire. Luc ne s’y est pas mis de sa seule volonté, mais selon qu’il a plu au Christ qui parlait dans son Évangile. In Lucam, 1. I, n. 1-3, 10. 11, col. 1533-1534, 1538. Saint Paul avait reçu par infu­ sion du Saint-Esprit, ct non de son Jugement propre, ce qu’il enseigne de la femme veuve. De viduis, c. ï, n. 2, t. XVI, col. 235. Selon Rufin, voici cc que l’Église croit du SaintEsprit : Hic igitur Spiritus Sanctus est. qui in Veterl Testamento Legem d Prophetas, in Novo Euangelia ct Apostolos inspiravit Les volumes de l’Ancien et du Nouveau Testament sont ceux que, selon la tradition 2092 des anciens, on croit Inspirés par le Saint-Esprit lui même ct qui ont été remis aux Églises du Christ. Jn symbolum apostolorum, η. 36, P. L., t. xxï, col. 373. Saint Jérôme nomme les Livres saints Spiritus eloquia, Epist., evi, η. 1. P. L., t. xxn, col. 837, ver­ bum Del quo pascimur et potamus, In Ecclesiasten, t. xxm, col. 1039, Del sermo (qui) de Spiritu fluit. In Epist. ad Titum, t. xxvi, col. 552. Toutes les Ecri­ tures appartiennent au Saint-Esprit ct ne forment qu’un seul livre. In Isaiam, 1. IX, c. xxxîx, t. xxiv, col. 332. Le saint docteur parle spécialement de l’ins­ piration des prophètes. Leurs livres ont été écrits instinctu Spiritus Sancti, In Ose., prol., t. xxv, col. 815. En réponse à ses détracteurs, qui lui repro­ chaient de corriger le texte des Évangiles, il disait : Non adeo me hebetis fuisse cordis et turn crassæ rustl citatis quam illi solam pro sanctitate habeant, pisca­ torum se discipulos asserentes, quas i idcirco sancti sint, si nihil scierint, ut aliquid de dominicis verbis aut cor­ rigendum putaverim aut NOX Dl VINITO3 INSPIRATUM. Epist., xxvii, n. 1, t. xxn, coi. 431. Il ne trouvait dans l’Épitrc ά Phuémon rien qui fut indigne de l’Esprit qui a suggéré tout ce qui y est écrit. In Epist. ad Philem., prol., t. xxvi, col. 599-602. Quand saint Paul semble parler en son nom propre, Il n’est pas privé du SaintEsprit. In Episl. ad Gal., 1. Ill, col. 403. Voir L. San­ ders, Études sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris, 1903, p. 121-127; L. Schade, Die Inspirationslehre des helligen Hieronymus, dans Biblische Sludien, Fribourgcn-Brisgau, 1910, t. xv, fasc. 4 ct 5, p. 5-12. Voulant énoncer la doctrine de saint Jérôme < sur la dignité divine » de T Écriture, Benoît XV, dans l’encyclique Spiritus Paraclilus, du 15septembre 1920, a déclaré que si < l’on parcourt à cet égard les écrits du grand docteur, pas une seule page qui n’en témoigne à l’évidence, il a fermement et invariablement affirmé avec l’Église catholique tout entière, que les saints Livres ont été écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, qu’ils ont Dieu pour auteur et que c’est comme tels que l’Église les a reçus (Cone. Vat., sess. 111, const. De fide catholica, c. η). Les livres de la sainte Écriture ont été composés, affirme-t-il, sous l’inspiration, ou la sug­ gestion, ou l'insinuation, ou même la dictée de l’Esprit Saint; bien plus, c’est cet Esprit Ιψΐ-même qui les a rédigés ct publiés. Saint Jérôme ne doute nullement, par ailleurs, que tous les auteurs de ces Livres n’aient, chacun conformément à son caractère ct à son génie, prêté librement leur concours à l’inspiration divine.· Acta aposlolica· sedis, 1920, t. xn, p. 389. Cf. F. Va­ lente, 5. Girolamo e I'cncyclica Spiritus Paraclilus del S. Ponteflee Benedetto XV sulla sacra Scrittura, Rome, s. d. (1921), p. 27-28. Saint Augustin a affirmé l’inspiration de Γ Écriture non seulement par les noms qu’il lui donnait cl qui marquent expressément son origine divine, mais encore par des assertions explicites. Legimus, dit-il, digito Del scriptam esse Legem et datam per Moysen sanctum servum ejus : quem digitum Dei mulli intelli gunt Spiritum Sanctum. Quapropter, sl digitos Del eosdem ipsos ministros Spiritu Sancto repletos propter ipsum Spiritum qui in eis operatur, recte accepimus, quoniam per eosdem nobis omnis divina Scriptura con­ fecta est, convenienter inlelligimus hoc loco (Ps. vm, 4), cados dictos libros utriusque Testamenti. Enar. in ps. exi v, n. 3, P. L., t. xxxvii, coi. 1483. Pour prouver que ces livres ont été donnés aux hommes par l’Esprit divin, Augustin fait appel à sa propre expérience. Alors ((u’il avait constaté le désaccord des nombreux philosophes dont il .lit lu les ouvrages, il a conclu qu’il était uéccs oir·· de croire à l’autorité des saintes Lettres. Confes., i. VI, c v, n. 7, 8, t. xxxn, col. 723. L’inipj dion d< prophètes résulte, en effet, de l'acco u i · · eu? de leurs prédictions. De consensu 2093 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2094 evangelistarum, 1. Ill, c. ill, η. 30, t. xxxiv,col. 1175- j’nl exposées, t. n, coi. 1563. Pour Dum Scot, voir 1176. D’autre part, U prouvait contre Fauste le mani­ aussi t. m, col. 1873. chéen que Dieu était l’auteur des deux Testaments, 2e Dès le XVD siècle, dans la controverse avec les pro­ les prophètes n’ayant pas reçu un autre Esprit que les testants. — Comme les protagonistes du protestan­ apôtres. Jn Joa., tr. XXX 111, n.6, t. xxxv,col. 1645· Cf. tisme ne niaient pas l'inspiration de l’Écriture, mais Contra Faustum man icturum, t. xui, col. 207-604. Les qu’ils en proposaient seulement des critères nouveaux, différences des deux Testaments n’excluent pas leur les premiers controverslstes catholiques sc bornèrent commune origine divine. De itera religione, c. xvni, Λ discuter la valeur de ces critères, qu’ils jugeaient n. 31, t xxMV, col. 13G. Saint Augustin affirme aussi insuffisants à prouver l’origine divine des Livres saints. l'inspiration de chacun des livres de Ja Bible, depuis La controverse aboutit progressivement à cet excel­ la Genèse jusqu’à l’Apocalypse. Voir t. i, col. 2342. lent résultat de ne considérer les critères Internes que David était prophète ct tous les psaumes ont été comme de simple· motifs de crédibilité et à ne retenir écrits sous la dictée de l’Esprit de Dieu. In ps. I.XII, comme motif de foi de la divinité de l’Écritu.e que η. 1, t. xxxv!, col. 718. Le livre des Proverbes est l’autorité de l’Église, qui la déclare, sans la constituer, une sainte Écriture. Serin., χχχνι, η. 1, t. xxxvni, ct la définit simplement. Voir t. n, col. 1563-1564. col. 215. C’est par une providence spéciale de l’Esprit Dès lors, les thèses par lesquelles les théologiens Saint que Marc et Luc ont écrit l’Évangilc,quoiqu’ils catholiques prouvent l’inspiration des Livres saints, se ne fussent pas apôtres comme Matthieu ct Jean. De déroulent conformément au plan suivi dans les pages consensu euangelistarum, 1. I, c. ï, n. 1, 2, t. xxxiv, précédentes : ils trouvent dans la Bible elle-même, col. 1041-1013. Tous les livres des apôtres sont divins, considérée seulement comme livre historique, l’attes­ puisque la parole de Dieu a été donnée par les apôtres tation de la foi de Ja Synagogue ct de l’Églisc pri­ aussi bien que par Ja Loi, les Prophètes ct les Psaumes. mitive en l’inspiration divine de l’Écriture; Ils cons­ De unitate Ecclesiæ, n. 29, t. xlui, col. 411. tatent la persistance de cette croyance dans l’étude Nous ne signalerons plus que le témoignage de Juni- de la tradition catholique ct ils couronnent leur lius. Bien qu’il ait été Africain d’origine, Junilius avait démonstration, en exposant,ce qui nous reste à faire, suivi les leçons de Paul le Persan ou Paul de Nisibc, les décisions officielles de l’Église qui, en vertu de son nestorien, ct, dans ses Instituta regularia divinic legis, autorité infaillible, définit l’origine divine des deux au νι· siècle, tout en reproduisant la doctrine de Théo­ Testaments ct l’inspiration de l’Écriture entière. dore de Mopsucstc sur les trois degrés d’inspiration, IV. DÉCISIONS officielles. — Tant qu’une doc­ il maintenait l’inspiration de l’Écriture ct il en faisait trine est en paisible possession dans l’Églisc, le magis­ même Ja démonstration d’après son contenu. Voir tère ecclésiastique n’a qu’à veiller à sa conserxation t. n, col. 1563. Intégrale ct il n’intervient, d’ordinaire, pour la délinir Conclusion. — Il serait superflu de poursuivre cette que si clic est discutée ou niée ct dans la mesure où enquête patristique. H en résulte clairement que clic est discutée ou niée. Les gnostiques et les marclol’Église catholique, durant les cinq premiers siècles nlstes, nous l’avons vu, niaient, de diverses manières de son existence, a enseigné par scs docteurs que les l’origine également Inspirée des deux Testaments ct Écritures des deux Testaments avalent été inspirées leur provenance du même Esprit inspirateur. Voir par Dieu, et par appropriation, par le Saint-Esprit, ct Antinomisme, t. ï, col. 1393-1398, ct Antilogies que tous les écrivains sacrés avalent eux-mêmes écrit bibliques, col. 1382-1383. Le magistère ordinaire de leurs livres sous cette inspiration divine. Ccttc fol, l’Église n’est intervenu contre ces négations que par l’Églisc catholique l’a toujours conservée, ct scs doc­ la voix des Pères, qui affirmaient l’origine divine des teurs ont continué sans interruption à l’affirmer. Leurs deux Testaments ct réfutaient les objections des affirmations sont de même nature que celles des Pères, gnostiques ct des marclonistcs. qui les ont précédés. Elles se produisent toujours par Ie Contre les manichéens ct les sectes issues du mani­ les épithètes sainte, divine, divinement inspirée, etc., chéisme. — Mais au m® siècle, Manès, qui prétendait qu’ils joignent au nom d*Écriture, ct par les formules établir une troisième économie, celle du Saint-Esprit, qu’introduisent leurs citations des textes sacrés. Ces succédant à celle du Père, qui avait institué le moformules varices se résument dans l’attribution directe saïsme, ct à celle du Fils, qui était le christianisme, à Dieu ou au Saint-Esprit des paroles scripturaires, attribuait la loi de Moïse au mauvais principe ct met­ ou dans leur attribution aux écrivains sacrés, qui les tait en désaccord les livres de l’Ancien Testament ont écrites par l’inspirât ion du Saint-Esprit. Les témoi­ avec ceux du Nouveau. Voir Archelaus, Acta dis­ gnages des auteurs ecclésiastiques du vî® siècle au putationis cum Manete, n. 10, P. G., t. x, col. 14451 148; S. Épiphanc, IIær., lxvi, n. 42, 74, P. G., moyen fige en faveur de l’inspiration de l’Écriture sont réunis dans les ouvrages suivants, où on pourra les t. xlii, col. 92, 145; Titc de Bostra, Adversus lire : P. Dausch,/he Scliri/tinspiration. Fine biblisch- manichstos, 1. Ill, pr.vf., P. G., t. xvni, col. 1209. geschichtliche Studie, Fribourg-cn-Brisgau, 1891, p. 85- Λ rencontre des premiers manichéens, les Pères, 102; C. lîolzhcy, Die Inspiration der ht. Schnjt in comme nous l’avons vu, afllnnèrcnt que les deux der Anschauung des Mittelalters von Karl dem Grosse Testaments étalent du vrai, du bon, de l’unique Dieu, bis :um Kan: il von Trient, Munich, 1895; Rohnert, Père de Notrc-Seigneur Jvsus-Christ, cl réfutèrent les Die Inspiration der heiligen Schri/l und ihre Bestreiter, arguments contraires. Voir t. 1. col. 1398, 1399, 1384. Leipzig, 1889, p. 85-134 ; Chr. Pesch, De inspiratione Le magistère officiel de l’Église n’intervint pas encore. sacra* Scriptura, Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 93- Dans la formule définitive du symbole de Nlcée, 98, 129-1 10. Sur la doctrine de Hugues de Saint- adoptée en 351, au Ier concile œcuménique de Cons­ tantinople, les catholiques croient nu Saint-Esprit, Victor, voir t. V n, col. 272. ///. dEmosst/iat/ox des théologiens catho­ τδ λαλήσαν 8ιχ τών προφητών. Denzinger-Bannwart, liques. 1° Au moyen âge, — L’inspiration de Enchiridion, 13® édit., 1921, η. 86. l’Écriture n’étant niée complètement par personne, Mais, bien qu’elle ait été vivement combattue, les théologiens du moyen âge ne sentaient pas le l’hérésie manichéenne persévéra, ct scs principes besoin de prouver son existence pas plus qu’ils ne spé­ passèrent dans l’enseignement de diverses sectes, plus culaient longuement sur sa nature. Les seuls essais de ou moins directement dépendantes d’elle. Voir t. ï, démonstration que j’aie rencontrés dans mes recher­ col. 1884. ches sont celles de Baudoin, archevêque de Cantor1.1.e priscillianlsme, qui contamina l’Espagne et la béry, de Duns Scot ct de Raymond de Sébondc, que Gaule, du xv· nu vi· siècle, voir Künstlc, Anlipriscil- 2095 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE liana, Fribourg-cn-Brisgnu, 1908, p. 1-24; A. Dufourcq, De manichtcismo apud Latinos quinto sarculo, Paris, 1000, p. 50-61, niait aussi Punit* d’origine des deux Testaments. Or, ccttc unité fut solennellement affirmée dnns deux anathérnatismes, que, depuis Ifcfele, Conciliengeschichte, t. n, p. 308 sq.; trad. Leclercq, t. n, p. 486, on attribuait au concile dc Tolède, tenu en 447, mais que dom Morin, Pastor cl Syagrius, deux écrivains perdus du F· siècle, dans la Revue bénédictine, 1893, t. x, p. 385-390, a démontré être l’œuvre privée de Pastor, évêque de Galice, en 133. Ccs anathérnatismes sont portés contre celui qui dirait ou croirait qu’il y a deux Dieux, l’un dc l’an­ cienne loi, l’autre des évangiles, et qu’onpeut recevoir ct vénérer d’autres Écritures que celles que l’Église catholique reçoit. Kùnstle, Antipriscilliana, p. 45. Dans son Liber de fide, K fins tic, op. cit., p. 86, 16; P. L., t. xx, col. 1033, contre Prlscillicn, le moine Bachiarius met en tête dc sa profession de foi cc ! Dcnzingcr-Bannwart, n. 318. Sur le concile dc Lombcrs (1165), la profession de foi imposée aux vaudois par Innocent III, en 1210, et la confession dc fol, pro­ posée A Michel Paléologue en 1267, ct souscrite par cct empereur au II· concile œcuménique dc Lyon, en 1274, voir t.i, coi. 1381-1385. 3. Parce que les Arméniens catholiques avaient, dès le vi· siècle, une profession dc foi, Indépendante dc celle dc Nicéc et dans laquelle ils professaient que le Saint-Esprit « a parlé dans la loi ct les prophètes ct les Évangiles », voir t. i, col. 1946, Eugène IV, dans le décret d’union aux Arméniens, promulgué au concile de Florence le 22 novembre 1439 ne leur imposa rien à cc sujet. Mais dans le décret d’union proposé aux Jacobites d’Éthiopie ct publié, le 4 février 1441, au même concile, il énonça la foi de l’Églisc romaine, « qui croit très fermement, professe ct enseigne que l’unique ct même Dieu est l’auteur dc l’Ancien ct du Nouveau Testament, c’est-à-dire de la loi ct des pro­ phètes ct dc l’Évangilc, parce que les saints dc l’un ct dc l’autre Testament ont parlé sous l’inspiration du même Saint-Esprit, » Denzingcr-Bannwart, n. 706, et pour montrer qu’il s’agit bien de l’inspiration des Livres saints des deux alliances, le pape Joint A ccttc déclaration le catalogue dc ccs livres. Or, Eugène IV visait encore l’erreur manichéenne, car, plus loin, dans le même décret, il condamne, parmi les heresies anciennes, la folle des manichéens, qui ont admis deux principes, l’un des choses visibles ct l’autre des invisibles, et qui ont prétendu qu’autre était le Dieu du Nouveau Testament, autre le Dieu dc l’Ancien. Dcnzlngrr-Bannwarl, n. 707. Voir t. i, col. 1385. L’objet direct dc la définition du pape Eugène IV est 2096 donc que Dieu est fauteur des livres des deux Testa­ ments, ct la raison de celte définition est le fait dc l’inspiration divine des écrivains sacrés des deux Tes­ taments. L’inspiration des Livres saints n’est donc pas directement definie. 2e Contre les protestants Les premiers protes­ tants ne niaient pas l’inspiration dc l’Ecriturc, puisque l’Écriturc était pour eux l’unique règle dc la foi; mais quelques-uns d’entre eux ne rangeaient pas dans l’Écriturc les livres deutérocanoniipies de ΓAncien ct i du Nouveau Testament. Le concile dc Trente, réuni pour condamner leurs erreurs, n’eut done pas, dès ses premières sessions, A se prononcer sur l’inspiration des Livres saints. En fait, il traita des sources dc la révélation : les Écritures sacrées ct les traditions divines, mais il fit entrer les deutérocanoniipies dans son catalogue des livres sacrés ct canoniques, que l’Église catholique recevait. Son décret est intitulé : De h bris canonicis. Voir t. n, col. 1593-1603. Ce décret ne définit donc pas, comme on le dit souvent, l’inspi­ ration des Livres saints; il définit seulement, direc­ tement ct explicitement, leur canonici té. Mais comme la canonicilé n’est que la reconnaissance officielle de l’origine divine ct de l’inspiration des Livres saints, voir t.n,col. 1554-1555, le concile dc Trente a défini indirectement et implicitement, l’inspiration de tous les livres sacrés ct canoniques, y compris les deutérocanonlqucs dc l’Ancien ct du Nouveau Testament. 3° Contre les critiques rationalistes. — Dans la seconde moitié du xvni· siècle ct la première du xix·, les rationalistes nièrent l’inspiration divine des saintes Écritures, qui ne furent plus à leurs yeux que des œuvres humaines, rédigées selon les ressources ordi­ naires, par les écrivains dc l’antiquité hébraïque ou les premiers écrivains du christianisme naissant. C’étaient les premiers négateurs directs dc toute Inspi­ ration scripturaire. Beaucoup dc protestants libéraux nient aussi l’inspiration dc l’Ecriturc. L’autorité ecclé­ siastique ne condamna le rationalisme biblique qu’au concile du Vatican, le premier concile œcuménique qui ait été réuni depuis l’apparition de celle erreur. Or qu'a fait, ù ce sujet, le concile du Vatican? Il a d’abord renouvelé en le complétant le décret du concile dc Trente, en affirmant que l’Écriturc sainte est une des sources dc la révélation, puis en déterminant quels livres ct parties delivres forment le corps des Écritures. Voir t. π, col. 1604-1605. Mais, par là, il n’avait pas assez nettement établi l’autorité divine dc la Bible ni défini explicitement l’inspiration, niée par les ratio­ nalistes ct certains protestants. En effet, en déclarant que l’Écriturc renferme des vérités révélées, il la pla­ çait seulement sur le même rang que la tradition divine, qui n’a pas été écrite sous l’inspiration du Saint-Esprit, ct en décidant que tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties telles qu’elles sont dans l’ancienne Vulgate, étaient · sacrés ct canoniques », Il ne dépassait pas, pour l’objet direct de la définition, sinon en précisant son étendue, le décret de Trente. Pour condamner explicitement les négateurs modernes dc l’inspiration, il devait définir expressément l’existence de ccttc inspiration. 11 l’a fait, en ajoutant au canon 4, pro­ mulgué. le 27 avril 1870, À sa III* session, les mots : aut eos (les Livres sacres ct canoniques) divinitus in­ spiratos esse negaverit, anathema sit. Denzingcr-Bann­ wart, u. 1809 Dans le projet dc schéma dc la constitution dogma­ tique De doctrina catholica, qui avait été rédigé par Franzclin, professeur au Collège romain, et qui fut présenté aux Pères du concile, au mois de décem­ bre 1869, au < iV, De divime revelationis fontibus in S. Scriptura d traditione on renouvelait les décisions de Trente sur les sources delà foi et sur la canonicité 2097 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE des Livres saints, niais on y ajoutait des déclarations qui précisaient la notion dc l’inspiration ct qui justi­ fiaient cette définition : Quarc hæreticum esse, decla· ramus et damnamus sententiam, st quis divinitus in­ spiratum esse negaverit aliquem vel integrum vel ex parte librum de lus, quos Ί rident i na synodus integros cum omnibus suis partibus, prout in Ecclesia eatha lieu legi consueverunt, et in veteri vulgata editlonehabcn tur, pro sacris ct canonicis suscipiendos esse definivit. Collectio Lacensis. Fribourg-cn-Brisgau, 1890, t, vn, coi. 508. Une note, qui accompagnait ce projet, expliquait qu’on ne voulait que renouveler le décret du concile dc Trente De canonicis Scripturis, mais que les erreurs récentes sur l’Écriturc sainte exigeaient qu’on fît unedéclaration plus claire dc la nature derinspiration, Cette déclaration énonçait positivement le sens exact du dogme qui tient les Livres saints pour sacrés et canoniques. Or la raison intrinsèque, pour laquelle l’Églisc tient ces livres pour sacrés et par suite pour canoniques, est ex divina origine seu scriptione ipso­ rum librorum. Suivait une explication dc la nature dc ccttc origine divine, que nous exposerons plus loin, ct qui découle dc l’enseignement des Pères et des docu­ ments ecclésiastiques, que nous avons rapportés, notamment ceux des conciles dc Florence ct de Trente. Ibid., coL 522, 523. Cc schéma fut retouché par un délégué, Mgr Martin et le nouveau texte fut présenté ù la Députation dc la fol le 1er mars 1870. Or, la notion dc l’inspiration, qui expliquait le décret de Trente, rentrait comme une simple déclaration dans le c. n. De revelatione, ct l’existence dc l'inspiration était l’objet d’une défini­ tion formelle dans le canon, alors numéroté 5, De revelatione, ct ainsi libellé : Si quis libros, quos Tri· dentina synodus recensuit, pro sacris ct canonicis non susceperit, cosquc aut aliquem eorum divinitus inspi­ ratum esse negaverit, anathema sit. Ibid., col. 16291631. Le G mars, ce texte fut adopté par la Députation de la foi, sans observation sur le point que nous étu­ dions. Ibid., col. 1655-1656. Le 11 mars, le schéma réformé fut présenté aux Pères du concile. On y avait joint des observations dc nature ù en expliquer le sens. Or celle qui portait sur le c. n, § 4, notait que le projet exposait, sur l'inspiration, la doctrine des con­ ciles de Florence ct de Trente, qui déclaraient Dieu auteur des Livres saints, parce qu’il avait inspiré les écrivains sacrés. Ibid., col. 79. Dans son rapport, Mgr Simor nota que ccs observations montraient que le schéma ne disait rien de nouveau sur l’inspiration ct que la Députation assurément n’avait voulu rien dire dc nouveau. Ibid., col. 86. Parmi les amende­ ments proposés par les Pères du concile, le §l,f con­ cernait la foi dc l’Églisc en 1*inspiration des Écritures, ct l’auteur proposait d’ajouter des preuves dc ccttc foi. Ibid., col. 123. Dans son rapport sur le §3· du c. n, Mgr Gasser, au nom dc la Députation de la fol, fit remarquer qu’il s’agissait des sources dc la révéla­ tion ct qu’au sujet dc l’Écriturc sainte en particulier, on Indiquait d’abord quels sont les livres sacrés ou canoniques. Or un livre canonique est un livre sacré ou Inspiré. Mais comme quelques Pères semblaient admettre une distinction entre livre canonique ct livre Inspiré, l’évêque dc Brixen exposa que cette distinc­ tion paraissait être tout à fait étrangère ù la doctrine catholique, ct il le prouva en remontant jusqu’au 111· concile dc Carthage (les Statuta Ecclesiæ antiqua dc Césalrc d’Arles). Il nota, comme nous l’avons fait nous-même, qu’en raison dc la croyance des protes­ tants en Finspiration des Écritures, le concile de Trente avait à peine dit sur l'inspiration quelque chose dc plus que le concile dc Florence. 11 n’avait pas dc raison dc le faire ct il avait simplement confirmé le 2098 décret du concile précédent. Mais les erreurs des pro­ testants lui avalent fourni l’occasion dc préciser la canonicité dc tous les Livres saints. Le concile dc Trente a donc identifié livre sacré (ou inspiré) avec livre canonique. Ibtd., coi. 138-139. On proposait donc aux Pères dc définir explicitement l’inspiration, qui avait été affirmée implicitement par les conciles de Florence ct de Trente Le texte du schéma, remanié par la Députation de la foi, avait ajouté au c. u un 4· canon, le 5·, pré­ cédemment cité, mais remanié, qui définissait en ces termes la canonicité et l’inspiration des Livres saints : St quis sacræ Scripturæ libros integros cum omnibus suis parti bus, prout illos sancta Triderdlna synodus recensuit, pro sacris et canonicis non susceperit, aut cos divinitus inspiratos esse negaverit, anathema sit. Ibld., coi. 115. Ce texte ne subit aucune retouche et fut voté en session solennelle, le 24 avril 1870. Ibid., col. 255; Denzingcr-Bannwart, n. 1809. Cf. A. Vacant, Études thMogiques sur les constitutions du concile du Vatican d'après les Actes du concile, Paris, 1895, L i, p. 380-385. Ainsi, les Pères du Vatican renouvelaient la détinL tion de ceux dc Trente sur la canonicité des Livres saints dans leur intégrité avec toutes leur» parties, ct bien que leur canonicité entraînât implicitement leur origine divine ou leur inspiration, parce que les Incré­ dules ct beaucoup dc protestants modernes niaient ccttc inspiration, les Pères ajoutèrent une définition expresse de cc point de foi. Les livres canoniques, qui avaient une autorité Irréfragable, celle même dc Dieu, la tiennent donc dc leur inspiration ou dc leur origine divine. 11 y a donc dans la nouvelle definition un progrès sur les précédentes; elle exprime explicite­ ment cc que les autres contenaient implicitement. Cette définition sera complétée par la déclaration du concile sur la nature de l’inspiration. Dans son encyclique Providentissimus Deus, publiée le 18 novembre 1893, Léon XIII, sur l’existence de l’inspiration divine des Écritures n’a fait que rap­ peler l’enseignement des conciles de Florence, de Trente ct du Vatican, Denzingcr-Bannwart, n.1952; voir t. n, 1605; mais, nous le verrons, il a éclairci et développé la doctrine catholique sur la nature dc l’inspiration soripturaire. Voir A. Vacant, op. cit., t. î, p. 389-390. 111. Nature. — L’Écriturc sainte elle-même ct les Pères apostoliques, qui sont encore dans la période dc la foi simple, n’ont rien dit dc la nature dc l’inspi­ ration des écrivains sacrés. Les Pères postérieurs ù l’âge apostolique ont, les premiers, ébauché une doc­ trine sur la nature de l’inspiration, que les théologiens devaient développer ct le concile du Vatican adopter. /. CHEZ LES PÈRES. — 1° Les Pères apologistes, qui avaient Λ exposer et à défendre la foi catholique contre les païens ct les hérétiques, ont eu à déterminer quelle était l’action du Saint-Esprit sur les écrivains sacres. Saint Justin a nettement distingué cc qui, dans les Écritures, est du Saint-Esprit ct ce qui est des auteurs inspirés. L’Esprit pariait par les prophètes, de telle sorte que les Écritures sont ù la fois la parole dc Dieu ct celle de l’écrivain sacré. Dial., 16, P. G., L vt, col. 509, 512. CL 22, 25, 34, col. 521, 529, 518. Bien qu’il signale le plus souvent l’action du Saint-Esprit, il n’omet pas d’indiquer directement, par l’emploi des prépositions υπό ct διά, celle des prophètes ct des écri­ vains sacrés. Ainsi les paroles bibliques qu’il cite, Il ne les invente pas, άλλά τούτους Δαβίδ μέν έψαλλευ, Ήσαΐας δέ εύηγελλίζετο, Ζαχαρίας δε έκήρυςε, Μωύσης δέ άνέγραψε. Dial., 29, col. 537. Έστι δέ ψαλμδς I του Δαβίδ ουτος, 36, col. 553. Il importe dc noter que, pour saint Justin, les pro­ phètes ct les auteurs Inspirés n’étaient pas des instru­ 2099 INSPIRATION DE L’ÉCRITl RE ments passifs sous Taction du Saint-Esprit ct qu’ils i gardaient leur activité propre. Si d’ailleurs la Cohor- I (atio était bien authentiquement de Justin, cct ηρο- i logislc serait le premier théoricien de l’inspiration. | • Pour lui, l’inspiration est plus qu’une illumination dc l’esprit humain par l’Esprit dc Dieu. C’est une I vraie dictée, ct la passivité des écrivains sacrés est | absolue : les*prophètes — car Justin parle exclusive­ ment des prophètes—sont un instrument dont Dieu sc sert pour révéler aux hommes les mystères de la vérité. Dieu les choisit comme il lui plaît, là où il lui plaît ct poui Cire choisi, pas n’est besoin de talent ou de science, c’est un don dc Dieu. > E. Rabaud, Histoire de ta doctrine de Γ inspiration des saintes Écriuns', cte , Paris* 1883*p. 11-1 Tout en reconnaissait que la Cohortatio n’est pas dc saint Justin, M. O’Reilly a trouvé dans les écrits les plus authentiques du philosophe convex li, des passages, < d’après lesquels la part d’activité du pro­ phète dans la composition dc scs discours ou de scs livres est réduite presque à rien. ■ Les deux premiers textes, empruntés à la P· Apologie, ne prouvent rien. Le plus clair,celui du Dialogue,!, col. 490, dit seule­ ment que les prophètes < parlaient par l’Esprit > ct que < remplis du Saint-Esprit, ils disaient ce qu’ils avaient vu et entendu. » Sans doute, dans la Jre Apo­ logie, 36, coL 389, il est dit que, quand les prophètes parlent en leur propre nom, cc ne sont pas eux qui parlent, < mais le Verbe divin qui les meut. » Toutes leurs prédictions sont donc rapportées au Verbe, qui, comme un écrivain humain, qui rédige son livre tout entier, met en scène des interlocuteurs dillércnts. Les textes du Dialogue, cités plus haut, montrent que le Verbe parle et écrit par les prophètes; il n’a donc pas toute l’activité, les hommes inspirés gardent la leur. Saint Justin n'a donc pas eu « cc concept exagéré d’après lequel les prophètes étaient dans une passi- i vité trop absolue. » L'inspiration de ΓAncien Testa­ ment chez saint Irénée, dans la Demie biblique, juil­ let ct octobre 1917, p. 494-495. L’action du Logos n’cxclut pas l’activité des prophètes qui n’étaient pas de simples transcriptcurs d’une dictée, niais des rédac­ teurs intelligents de cc qu’ils avaient vu ct entendu. Cf. F. Leitner, Die Prophetische Inspiration, Fribourgcn-Brisgau, 1896, p. 113-114. Si la Cohortatio n’est pas dc saint Justin, elle énonce l’opinion dc l’époque. Or, elle dit : · Le plectre divin descend du ciel, sc servant des hommes justes comme d’une guitare ou d’une lyre, Il nous révèle la connaissance des choses divines, o 8, P. G., t. vî, col. 256-257. La même comparaison est employée par Athénagore. Les prophètes ont parlé dc Dieu ct des choses divines par l’Esprit divin, qui se servait dc leurs bouches comme d’organes. Ils parlaient κατ’ {κστασίν, κίνήσαντος αυτούς του θειου ττ/εύματος. Et comment l’Esprit agissait-il sur eux? Συγχρησαμένου του πνεύματος ώσεί καί αύλητής αύλύν έμζυευσαι. Legatio pro Christianis, 7,9, P. G., t. vu, col. 903,907. Au sentiment de Reuss, Histoire du canon des saintes Écritures, 2· édit., Strasbourg, 1861, p. 50-51, ct do J. Delitzsch* De Inspiratione Scripturæ sacres quid statuerint Patres apostolici ct apologetic secundi su ­ culi, Leipzig, 1872, p. 45, Justin et Athénagore compaiaient l’inspiration des prophetes ù la mantique païenne, ct ils avaient emprunté à Philon hi comparai­ son de la lyre, vibrant sous Γ archet céleste. M. O’Reilly adopte cette explication. Loc, cit., p. 494. Or, l'auteur de la Cohortatio, tout en admettant l’extase des pro­ phètes quand ils vaticinaient, sinon quand ils écri­ vaient, les distingue cependant de la Sibylle ct des devins païens qui, eux, ne comprenaient rien de cc qu’ils diraient durant leur extase ct qui ne se souve­ naient plus, l’inspiration ayant cessé, de leurs oracles, 2100 37, col. 308-309. Les prophètes d’Israel ne parlaient pas d’eux-mèmes sans doute, mais par un don dc Dieu ; toutefois, ils enseignaient cc qu’ils avaient appris de Dieu, 10, col. 261; ils s’en souvenaient donc, quand ils prononçaient les oracles divins ct quand ils les écri­ vaient Or, ils les écrivaient sous l’inspiration du SaintEsprit, 12, col. 264, et c’est cette inspiration qui est comparée ή l’action d’un archet sur un instrument dc musique. L’archet était céleste et divin; la lyre ou la cithare étaient-elles des instruments purement passifs comme la Sybille et les devins païen-? Non. Il faut se souvenir que toute comparaison cloche ct par suite ne pas trop presser la comparaison des écrivains sacrés à des instruments de musique, cùt-elle été empruntée à Philon, Quis rerum dinin., 53 (cc qui n’est pas prouvé, d’autant que Philon disait que le prophète n’avait pas conscience des oracles qu’il pro­ férait, De monarchia, 3). 11 faut tenir compte de la diiTércncc des deux termes de la comparaison. Dc leur nature, une lyre, une guitare sont des Instru­ ments muets et privés de raison; les prophètes étaient doués d’intelligence ct du langage. Si l’artiste fait vibrer la lyre ct en tire un son harmonieux, l’Esprit Saint, en agissant sur les prophètes ct les écrivains sacrés, les poussait à parler ct à écrire ct, quand Ils écrivaient, Il se servait dc leurs facultés naturelles, dc leur intelligence, pour qu’ils exprimassent, sous son Inspiration céleste, ce qu’il voulait révéler aux hommes des choses divines par le moyen dc ces instruments Intelligents, qui n’étaient pas purement passifs sous son action, mais qui y coopéraient pour écrire ce que l’Esprit leur avait suggéré ou révélé. Du reste, la comparaison des écrivains sacrés à des instruments de musique n’est pas exclusivement propre ù ces deux écrivains du n° siècle; elle a été répétée dans les siècles suivants, sans que les écrivains ecclésiastiques qui l’employaient, l’aient pressée outre mesure ct lui aient donné le sens dc purc passivité qu’y voient certains historiens modernes dc l’inspira · tion. Saint Théophile d’Antioche fait des prophètes des βργανα θεού. Ad A ut., L II, c. x, P. G., t. vî* col. 1065. Il ne les considère pas comme des instru­ ments purement passifs, puisque, selon lui, ils reçoi­ vent la récompense de leur coopération, en compre­ nant la sagesse dc l’Esprit. C. ix, col. 1064. Saint Hip­ polyte compare la façon dont le Verbe de Dieu, avant son incarnation* se nmn-festait aux prophètes de l’ancienne loi & l'action d’un musicien sur un instru­ ment dc musique : les prophètes étaient comme les cordes d’un tel Instrument* ct le Verbe était l’archet, qui les faisait mouvoir et les poussait à annoncer aux autres les volontés divines. De Christo ct Antichristo, 2, édit. Achelis, Leipzig, 1897, p. 4. Mais il explique longuement la naturelle ccttc motion divine : d’abord, le A’erbe leur donnait la sagesse, puis il leur enseignait l’avenir par des visions; ainsi instruits* Ils disaient ce que Dieu leur avait révélé ct qui était caché aux autres. Les prophètes ne disaient donc que cc qu’ils avaient vu en esprit, cl c’est pourquoi ils étaient appelés < voyants ». Si Dieu leur enlève la liberté, c’est seulement celle de se taire, car 11 les oblige par l’Esprit Saint ù parler, et ceux qui ont reçu l’inspi­ ration dc l’Esprit du Père annoncent le dessein ct la volonté du Père. Contra luvresim Noeti, 11, P. G., t. x, col. 820. Clément d’Alexandrie appelle encore les prophètes βργανα θείας φωνής. Strom , \ l, c. xvni, P. G., t. vni, col. 401. 11 n'admt I ins pour autant que leurs paroles étaient formé· s 1 ‘icu dans leur bouche, car il reproche aux !i< rét qut ■> dc s’en tenir aux mots bruts dc l’Écriture poui ■ ■ chercher VÏI* c. x\i, col. 533. Saint Jean Chrysostome, lui-même, reprend ù son 2101 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2102 les différents modes dc la révélation divine, ct en cela compte In comparaison dc In lyre, ct il l’applique non scs facultés naturelles, avaient un autre rôle que celui plus aux prophète s de Γ ancienne alliance, mais bien aux écrivains inspirés duNouveauTestament.· Lalangucdc dc la simple mémoire. D’ailleurs, M. O’Reilly reconnaît que saint Irénée saint Jean parlait par le mouvement dc la grâce divine, ct son âme était comme une lyre quo le Saint-Esprit a nettement distingué, dans les écrits du Nouveau touchait. » In Joa., homil. i, η. 1, 2, P. G;, t. ux, Testament, la révélation, qui venait dc Jésus-Christ, col. 25,26, Saint Paul était τδ στόμα του Χριστού, ή | dc l’inspiration des apôtres, qui prêchaient et met- · λύρα τού 1 Ινεύματος. De Lazaro, cone, vi,n. 9, t. χι.νιπ, talent par écrit cette révélation. Par la volonté de col. 1011. Sa voix était ή σάλπιγς έκτων ουρανών, ήλύρα Dieu, Matthieu ct Jean ont rédigé l’Évangile qu’ils avaient prêché. Marc a consigné la prédication de ή πνευματική. Ad populum Antiochenum, homil. i, n. 1, t. xux, coi. 18. La comparaison perd sa signifl- Pierre, et Luc celle de Paul. ibid.,L 111,c.ï,coL844sq., cation passive et prend une allure active qu’elle a en y ajoutant cc qu’ il avait appris des autres apôtres. L. III,c. xn,n.2,col.232;cf. 1. IV,præf.,n. 3,coL 974. encore sous la plume de Théodore!, quand H dit que saint Paul a été Γβργανον de la grâce du Saint-Esprit, Le livre des Actes est une Écriture. L. III, c. xn, n. 5, coL 897. Saint Luc, son auteur, a rapporté la In Epist. ad Horn., xn, 3, P. G., t. exxxii, col. 188, ct quand il appelle l’apôtre μεγάλη του Πνεύματος σάλ- ι doctrine des apôtres Pierre ct Paul, de leurs disciples πιγξ. Dial., Ill, t. εχχχιιι, cot 256. On n’a donc pas ct dc l’Église primitive, niais il a aussi narré ce qu’il attendu le xx· siècle pour donner à cette comparaison avait vu et entendu. L. III, c. xv, n. l,col. 917. Or, aucun des écrivains du Nouveau Testament, une signification très juste,comme le dit M. O'Reilly, ' p. 495-496. De cet ensemble je suis porté à conclure hormis l’auteur de l'Apocalypse, n’était prophète. Ils n’avaient donc pas appns par révélation ce qu’ils que, dans son emploi primitif, la comparaison avait un sens très acceptable ct ne présentait pas l’inspira­ écrivaient, ct cependant ils étaient Inspirés, en écri­ tion prophétique comme une action < mécanique □ de vant. Sous l’action inspiratrice, ils jouissaient dc leurs facultés naturelles ct ils les mettaient en exercice l’Esprit Saint sur les prophètes, ct que, quand elle était appliquée aux écrivains sacrés, elle marquait Aussi saint Paul fait-il dans ses Épltres, beaucoup exactement le double rôle de l’Esprit ct des inspirés, d’hyperbates, à la fois propter velocitatem sermonum le premier étant initiateur ct révélateur, le second suorum ct propter impetum qui in ipso est Spiritus. convenant à des collaborateurs intelligents ct soumis. L. III, c. vi, n. 2, coi. 863. Quant à l’extase prophétique, telle que l’admet­ Bref, elle exprimait, en tonnes imagés, ce que saint Thomas d’Aquin dira au xin· siècle, sans métaphore taient les premiers théologiens, elle fut bientôt formel­ lement exclue par leurs successeurs, à cause des et en termes scolastiques très expressifs : Spiritus est auctor principalis sacra: Scripturæ, homo inspiratus excès des montanistes. Ccs hérétiques annonçaient est instrumentum. Quodlib., Vil, a. 16; Dc potenita, une nouvelle économie, différente de celle du Père sous l’ancienne loi et de celle du Fils sous la nou­ q. iv, a. 4, n. 8; Sum. Theol., I·, q. i, a. 10. 2· L’auteur de la Cohortatio et Athénagore avaient velle loi, l’économie du Saint-Esprit. Or, la nouvelle économie avait, comme les précédentes, ses prophètes dit que les prophètes étaient en extase au moins quand ils recevaient les communications divines. Cette expli­• I ct même ses prophétesscs. L’Esprit s’emparait subi­ tement du nouveau prophète, le ravissait en extase, cation, empruntée à Philon, n’a pas été universelle au ct le prophète, hors dc lui,avait des visions ct publiait n· siècle. Saint Irénée n’en parle pas, en traitant de l’inspiration prophétique. Puisque l’Esprit de Dieui I cc qu’il avait vu. Saint Épiphanc a transcrit les paroles de Montan qu! décrivait cet état extatique : annonçait l’avenir par les prophètes, il était nécessaire ’Ιδού άνθρωπος ώσεί λύρχ κάγώ ίπταμαι ώσεί πλήκque ceux-ci vissent Dieu, sinon face à face, du moins dans une image de sa gloire. Cont. tuer., 1. IV, c. xx,, τρον. Ό άνθρωπος κοιμάται, κάγώ γρηγορώ. ’Ιδού n. 8, P. G., t. vu, col. 1037. Mais quand ils avaient Κύριός έστιν ο έκστάνων καρδίας ανθρώπων, καί διδούς vu Dieu, comment agissaient-ils? Ils annonçaient καρδίας ά νθρωποις. Ilær., xlvœ, n. 4, P. G., t. xu, l'avenir dc différentes manières, non seulement par col. 861. C’était la doctrine primitive sur l’inspiration la parole, mais encore par la vision ct par la conver­ extatique. Tertullicn, devenu montaniste, distinguait sation ct par leurs actions, secundum id quod sugge· bien les divers modes des colloques divins du Christ avec les prophètes : la vision, le songe, le miroir ct rebat Spiritus. Or, quand iis annonçaient le Christ, l’énigme, Ado. Praxcam.c. xvn ;P. L., t. n, col. 174quæ quidem videnda erant visibiliter videntes, quæ 175, mais il admettait l’état extatique des prophètes. vero audienda erant, sermone pneconantes, quæ vero Il définissait l’extase Spiritus vim, prophetic operaagenda erant, operatione perficientes, universa vero• prophetice annuntiantes. Et l’évêque de Lyon tire dej tricem, De anima, c, xi, xxi, coL 665, 684; excesl’Écriture des exemples dc ces diverses manières dcj sum mentis ct amentias instar. 11 disait qu’ex/asts prédire l’avenir, col. 1037-1043. En tout cela, les pro­ animae accessit adversus quietem. C’était une folie, qui nec exterminât, sed avocat mentem, ct qui agite. phètes avaient une part d’activité. Quant à leur état Ibid., c. xev, col. 724, 726. L’âme, cum vaticinatur, au moment dc la révélation que Dieu leur faisait cum furit, ab alto movetur c. vî, col. 695. Comme Pierre dc l’avenir, s’ils avaient été en extase lors de leurs au moment de la transfiguration de Jésus, l’homme, visions des choses célestes, revenus à eux-mêmes, ils saisi par l’Esprit, ne savait pas cc qu'il disait ; il avait se souvenaient de ce qu’ils avalent vu ct entendu ct ils nécessairement perdu le sentiment et il était couvert l’annonçaient aux autres. L. 11, c. xxxm, n.3, col. 832. par l’ombre dc la vertu divine. Adv. Aiarcionem, Ils n’étaient donc pas hors d’eux comme les devins 1. IV, c. xxïi, col 413. Les véritables prophètes étaient païens, puisqu’ils gardaient l’usage dc la mémoire. SI, pour Irénée, les Écritures sont de l’Esprit, si elles sont I pour lui dans le même état extatique que Montan et que scs prophétesscs. les paroles du Christ, 1. IV, c. n, n. 3, col. 1001, elles L'inspiration désordonnée cl excentrique des pro­ sont aussi 1rs paroles dc Moïse et des prophètes. La phètes montanistes amena les docteurs chrétiens à pensée d* Irénée n’a donc pas toute la portée que lui attribuo M O’Reilly, . e/L, p. 196-499, 506-507. distinguer l'inspiration des anciens prophètes d’Israël et des écrivains sacrés, dc celle des nouveaux pro­ La distinction entre révélation ct inspiration dans phètes. Le rhéteur Miltiade avait composé un traité l’Anclen Testament n’est pas inconnue dc saint Irénée, Intitulé : Περί τού μή δείν προφήτην έν έκστάσει bien qu’il ne l’énonce pas explicitement. Il faudrait λαλεΐν. Les catholiques exclurent de la véritable prodire au moins (pie le prophète hébreu écrivait sous l’inspiration du Saint-Esprit ce qu’il avait appris par . phétie ct de l’inspiration divine l’extase ou la priva- 2103 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2104 Il est vrai, simulaient la fureur divine ct l’élan pro­ tion du sentiment et de l'intelligence, ct la folie phétique pour vendre facilement leurs mensonges. furieuse. Ils enseignèrent que les prophètes ct les auteurs inspirés savaient cc qu'ils disaient ct compre­ Mais quelle qu’ait été d’ailleurs la manière de leur naient cc qu’ils écrivaient. L’action inspiratrice de imposture, ils étaient agités par l’esprit diabolique l’Esprit Saint ne les ravissait pas hors d’eux-mêmes ct qui a cessé d'agir après la naissance du Christ, comme leur laissait, au contraire, le libre usage de leurs l’esprit prophétique lui-même a ccsséchcz les I lébrcux, puisque le Christ a été la fin de la loi et des prophètes. facultés naturelles. Cf. Leitner, op. cit., p. 114-132. 3· Les docteurs de l’école d’Alexandrie expliquaient Mais tous les anciens prophètes juifs furent saints et par la prophétie la nature de l’inspiration scripturaire connurent l’avenir par une connaissance que Dieu leur et bien qu’ils aient adopté la théorie de Philon sur communiqua par le Saint-Esprit, ct c’est ainsi qu’ils l’extase des prophètes, ils maintenaient qu’elle n’enle­ proclamèrent les mystères du Christ. Après la venue vait pas aux auteurs inspirés l’exercice continuel de du Christ, la grAcc de l’ancienne prophétie a cessé sans leurs facultés intérieures. Clément avait écrit un traité doute,cependant maintenant encore Dieu inspire aux Περί προφητείας, qui est perdu et qui nous aurait fait saints laconnaissancedel’avcnirquand 111e veut; Julien connaître toute sa pensée sur ce sujet. 11 attribue au ne peut donc pas dire que l’Esprit a fait défaut, car Saint-Esprit tout cc que les prophètes ont dit : c’est j nousavons reçu une nouvelle grâce. L. III, col. 673. lui qui parle, qui prédit, qui porte des défenses, qui Dans ses autres ouvrages, saint Cyrille a abondam­ rend témoignage, etc.» par les prophètes. ment décrit l’action du Saint-Esprit sur les vrais pro Origènc décrit l’action de l’Esprit inspirateur sur les phètes d’Israël. Recevoir une prophétie, c’est recevoir prophètes par les expressions de ceux-ci pour Indiquer la parole de Dieu. Les prophètes recevaient, en effet, leur inspiration. L’Esprit de Dieu est tombé sur eux; la connaissance de l’avenir par le Saint-Esprit ; ils ne la parole de Dieu leur a été adressée, ils ont eu des la prenaient pas de leur propre cœur, qui peut-être visions; ils ont reçu la parole de Dieu. In Num.Jiomll. aurait réprouvé cc qu’ils annonçaient; mais ils ne xvt n. 1, P. G., L xn, col. 684. Ils avaient des visions disaient rien de faux, ne manifestant que ce que Dieu ou des songes. Dans la vision, leur intelligence, éclairée leur avait appris. Leurs discours étaient sincères ct par le Saint-Espilt, pensait ct saisissait les similitudes sans reproche./n Malachiam, torn, i, P. G., t. lxxi. des choses, les signes des vérités, puisqu’une finie, unie col. 280. Les paroles qu’ils proféraient, ils les enten­ à un corps, ne peut rien voir plus clairement. Selecta daient (le Saint-Esprit les leur révélait) ; ils les voyaient in Ezech., x, t. xm, col. 801. En songe, les vérités même, car Dieu les leur manifestait ct les leur ren­ divines ou l’avenir leur étaient manifestées clairement dait, pour ainsi dire, présentes, de sorte qu’ils voyaient ou obscurément, parce que, dans le sommeil, l'intelll- avant sa réalisation cc qu’ils annonçaient. In Amos, gcncc seule perçoit, Co/if. Celsum, L I, n. 48, t. xi, loin, i, 11 ; tom.nr, iv; In M icturam, t. lxxi, col. 409, col. 748-749. La vision reçue, le prophète devait pré­ 544,561,600; In Isaiam, L I, t. lxx, col. 13. Les faux dire par l’esprit ce qu’il avait vu. In Ezcch., homil. n, prophètes parlaient d’eux-mêmes et ils ne disaient pas t. xni, col. 682. Son état prophétique était donc autre cc qu’ils avaient entendu de la bouche de Dieu, et que celui de la Pythie. Celle-ci, chaque fois qu’elle ils osaient feindre d’avoir reçu le don de prophétie. croit rendre des oracles sous l’inspiration d’Apollon, In Sophoniam, t. lxxi, col. 993; In Joa., 1. I, t. lxxiii, accomplit des actions honteuses. Elle est hors d’elle- col. 133. Ils mentaient donc contre la vérité, ct la même ct en fureur au point qu’elle ne peut pas se non-réalisation de leurs oracles en démontrait la fans tenir. Cela ne peut pas être l’œuvre du Saint-Esprit. seté. De adoratione in spiritu et veritate, 1 VI, t. lxviîi, Celui qui est inspiré par le Saint-Esprit est plus perspl- | col. 429, 432. Les prophètes étaient Inspirés, même, cacc que les plus doctes, quand la divinité est avec pour écrire les histoires. In Isaiam, I. I, t. lxx, lui. Aussi les prophètes des juifs, éclairés par le Saint- col. 192. Quand Ils rédigeaient les révélations qu’ils Esprit, ont eu, par le contact de cet Esprit, l’esprit avalent reçues de Dieu, ils avaient leur part d’activité. le plus perspicace ct l’âme la plus splendide. SI, en La parole par laquelle ils exprimaient cc qu’ils avaient vaticinant, la Pythie est hors d’elle-même, Il faut en vu ct entendu sortait de leur bouche, ct ils avaient conclure que c’est l’esprit de ténèbres qui l’anime. coutume de la voiler de quelque obscurité. In Isaiam, Cont. Celsum, 1. Vil, n. 3, t. ix, col. 1425. Les pro­ L III, t. lxx, col. 609; In Amos, n. 75, t. lxxi, phètes comprenaient donc tout ce qu’ils disaient. CL col. 552. L’Écriture, en effet, est un livre scellé par Leitner,op, cit., p. 139-147 ; E.Prat, Origène, p. 120-121. Dieu. In Isaiam, 1. III, t. lxx, col. 656, 657. Doué de Pour Didyme, l’annonce de l’avenir n’est qu’un la grâce prophétique, l’auteur du ps. xxxix a proféré des modes dont quelques hommes divinement inspirés scs bonnes paroles comme si clics sortaient du bon ont prédit les mystères du Christ. In Actus apostolo· trésor de son cœur, de telle sorte toutefois qu’elles rum, in, 21, P. G., t. xxxix, col. 1GG1. Quant à l’état ne fussent pas étrangères à la personne du Fils unique des prophètes, tandis qu’ils annoncent l’avenir, de Dieu. In ps. xxxix, t. lxix, col. 988. De même, Didyme réfute l’erreur des montanistes, qui préten­ bien que saint Jean ct saint Paul aient été inspirés dent que les prophètes, agités par le Saint-Esprit, ne par le Saint-Esprit, saint Cyrille loue la prudence et comprennent pas ce qu’ils disent, tant que dure la perspicacité de l’esprit du quatrième évangéliste ù l'impulsion prophétique. Le mot έκστασις a plu­ exposer la doctrine du Verbe, In Joa., 1. I, c. n, ix, x, sieurs sens : il signifie ou bien la stupeur produite par t. lxxiii, col. 32, 148, 176; il lui attribue d’expliquer l'admiration, ou bien la privation de l’usage des sens ce qu’il avait d’abord Indiqué sommairement, 1. 1, pour s’appliquer aux choses spirituelles, ou bien même c. x, col. 134; de ne prendre aucune précaution dans encore le délire, qu'il n’est pas permis d’attribuer aux son récit, 1. V, c. i, col. 745; de s’étonner de cc que prophètes. Tous comprenaient cc qu’ils annonçaient ! Jésus ait pleuré,!. VII ct VIH, fragm., t. lxxiv, aux autres; c’étaient des sages, qui savaient cc qu’ils 1 col. 56. Jean a écrit l’Évangiîe, 1. XII, col. 745. Saint disaient. Ibid., x, 10, col. 1677; In Epist. II ad Cor., Paul a été prolixe. In Epist. ad Horn., col. 813. Il manque h la constructi n de sa phrase quelque chose col. 1704-1705. i i i pensée. Ibid., col. 817. Julien Γ Apostat comparait les prophéties del* Ancien qui exprimerait plelnen Testament aux divinations païennes qui portaient sur i Ailleurs, saint Cyrille admire la bonté de l’apôtre qui rédige si bien le ρ σοί: que Dieu nous dispense. Ibid., peu de points ct avaient cessé chez les Hébreux et les col. 848. L’Insptr itlon et même la révélation n’empê­ Égyptiens. Saint Cyrille d’Alexandrie, qui nous chaient donc m les Écrivains sacrés ni les prophètes l’apprend, Cont. Julianum, 1. II, P. G., t. xxvï, d’avoir leur j *rt pcî cnncllc dans la rédaction de col 508, réfute cette comparaison. Les faux devins, 2105 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE leurs écrits prophétiques ou Inspirés. Pour saint Cyrille, les Livres saints n'étaient donc pas rédigés sous la dictée du Saint-Esprit. 4· L’école exégétique d’Antioche, qui recherchait, avant tout, dans l’Écriturc le sens littéral, a eu aussi une doctrine propre sur la nature de l'inspiration scripturaire. Il est nécessaire toutefois de séparer celle de Théodore de Mopsueste, le plus ancien de scs repré­ sentants dont les écrits nous soient parvenus, de celle des autres membres de cette école. 1. Tout en admettant que les livres de ΓAncien ct du Nouveau Testament provenaient du même Dieu, du Dieu unique, créateur de toutes choses, In Jonam, proœm., P. G., t. lxvi, col. 317, Théodore cependant rejetait hors du canon biblique Job, le Cantique, les Paralipomènes, Esdras ct Néhémic, Esther, Tobie, Judith, la Sagesse, les deux livres des Macchabées, l'Épltrc de saint Jacques, la 11· de saint Pierre, la II· et la III® de saint Jean, celle de Judo et l’Apoca­ lypse. Jn Nahum. i, 1, col. 401. S’il tient comme in­ spirés tous les autres livres bibliques qu’il garde dans son canon, il ne leur attribue pas le même degré d’ins­ piration. L’Esprit inspirateur, qui communiquait tout aux écrivains sacrés, ne le faisait pas pour tous de la même manière; il aidait diversement leurs facultés selon l’importance de l’ouvrage qu’il leur faisait rédiger. Cela résulte de I Cor., xn, 6, 8, 11. Le verset 8 fournit le catalogue χαρισμάτων ct permet de distinguer le discours de sagesse ct le discours de science. Ibid. En composant de lui-même ct pour l'utilité des autres les Proverbes ct l’Eccléslaste, Salomon n’a pas reçu la grâce de prophétie, mais seu­ lement celle de prudence. Voir le 65· fragment de Théodore, lu au V® concile œcuménique, 11· de Cons­ tantinople, en 553. qui énonce cette distinction. Mansi, Concil., t. ix, col. 223; P. G., t. lxvi, col. 697. (Il faut remplacer Ecclesiastica du texte par Eccle­ siastes, leçon de nombreux manuscrits.) Cette distinction établie, Théodore a exposé, non pas a priori, mais d’après les multiples indices qu’il a relevés dans les écrits des prophètes, une théorie complète de la prophétie. Il range Moïse ct David au nombre des prophètes, ct on a compté que l’épithète de prophète est jointe 200 fois au nom de Moïse ct 128 fols ù celui de David. Le Pcntatcuquc est l'œuvre du Saint-Esprit, ct Moïscn’a pas écrit la Genèse comme il l’a voulu, mais comme le Saint-Esprit le renseignait. Cf. Kihn, Theodor uon Mopsueslia, p. 94. Les psaumes de David ont été composés par lui, son intelligence ayant reçu une illumination céleste ct sa volonté un avertissement spirituel. In Oseam, i, 1, col. 123. Or, les prophètes ont connu leurs prédictions par une révélation divine. Ils désignent eux-mêmes dans leurs écrits l’action du Saint-Esprit sur eux indifféremment par les termes : parole de Dieu, vision ou audition. Ces mots ont, en effet, le même sens. Et en voici la raison : Λόγον γάρ του Κυρίου τήν ένέργειαν όνομάζει του θεού, καΟ’.ήν τη πνευματική χάριτι τάς άποκαλύψεις οί προφήται τώνέσομένων έδέχοντο · καί όρασιν, τδ αύτδ δή τούτο καλεΐ τήν άποκάλυψιν την θείαν, καθ’ ήν έγένετο αύτοΐς των άδηλων δέχεσΟαι την γνώσίν* έπειδη γάρ καί θεωρίας τινάς άπορρήτωςδιάτης πνευ­ ματικής ένεργεί ας έπΐ τής ψυχής έδέχοντο της οίκείας οί προφήται, καί τήν διδασκαλίαν των εσομένων ώς παρά τίνος λαλούντος ύπηκουον, κατά τήν έγγινομένην αύτοΐς ένέργειαν ύ πδτοΰ II νεύματος’τοΰ αγίου· διά τούτο καί όρασιν αύτδ καί Λόγον Κυρίου καλεΐ ·καΙ ακοήν δέ ώς είκδς,... ώσπερ άκοή τινι δεχομένων τήν γνώσιν. In A bd tarn, i, 1, col. 308. La révélation divine, faite aux prophètes, n’était pas un don permanent, elle ne leur était accordée qu’aux temps divers, auxquels ils recevaient la con­ naissance de l’avenir ct donnaient leurs oracles. In ( 2106 Oseam, i, 1; ni, 1, coL 125, 14 L Mais il est croyable que tous recevaient dans l’extase la connaissance des choses les plus sublimes. Il fallait, en effet, que leurs intelligences fussent éloignées de la nature présente, pour qu’elles pussent s'appliquer à la révélation qui leur était faite de l’avenir. L'intelligence humaine n'est pas capable de bien s’occuper en même temps de plu­ sieurs choses. Théodore compare cette extase au som­ meil, durant lequel sc forment les songes; l’intelli­ gence des prophètes émigre loin des choses de la terre, et placée sous la grâce du Saint-Esprit, elle contemple les choses qui lui sont présentées. Or, il arrivait par­ fois que, pendant l’extase, les prophètes étaient Instruits par la grâce du Saint-Esprit de telle sorte qu’il leur semblait entendre quelqu’un leur parler ct les renseigner, ct ainsi ils étaient mis au courant des choses qu’ils avaient besoin de connaître. Parfois aussi, après une vision, ils entendaient réellement une voix qui leur parlait. D’autres fois, le prophète croyait voir quelque chose, précisément cc qu'il avait besoin d’apprendre par cette voie. La puissance de l’Esprit inspirateur était dite < la main du Seigneur · par laquelle Dieu atteignait, pour ainsi dire, l'intelli­ gence du prophète ct lui livrait la doctrine nécessaire. Lamanièrcdontccltcpuissances’exercccstditcλήμμα. Parfois, en effet. Dieu tournait subitement l'intelli­ gence des prophètes sur ce qu’il voulait leur montrer, et ainsi ils recevaient avec un grand respect la science de l’avenir. La grâce du Saint-Esprit les avait saisis soudain ct avait dirigé leur intelligence à la contempla­ tion de cc que Dieu voulait leur montrer. In Nahum, i, 1, coL 404. Théodore de Mopsueste expose cette doctrine presque à chaque page de ses commentaires sur les prophètes. S'il exigeait l’extase dans la commu­ nication prophétique, il la ramenait au simple repos des sens extérieurs pendant que l'intelligence écoutait Dieu ou recevait scs communications. Mais tous les livres inspirés n'avaient pas été écrits avec le don de l’inspiration prophétique. Salomon n’avait rédigé les Proverbes ct l’Ecclésiastc qu’avec le don de sagesse ou de prudence; il n'était pas pro­ phète, mais un sage que le Saint-Esprit inspirait Sa sagesse était surnaturelle, elle consistait en une illu­ mination de l’Esprit. Elle ne lui donnait pas de scruter l’avenir; elle lui servait seulement à instruire ses con­ temporains. Elle était donc notablement inférieure à l’inspiration prophétique. Cf. IL Kihn, Theodor oon Mopsueslia, etc., Fribourg-cn-Brisgau, 1880, p. 93115; Leitner, op. cit., p. 154-159; L. Pirot, L'auvre exégétique de Théodore de Mopsueste, p. 159-175. Les autres membres de l’école d’Antioche, nous le dirons bientôt, n’ont pas adopté l’enseignement de Théodore de Mopsueste sur les divers modes d’inspi­ ration. Cet enseignement s'est conservé seulement, dans une certaine mesure, chez les nestoriens de Nisibe. Le persan Paul, qui avait enseigné dans cette ville, le livra, au vi· siècle, à Junilius Africanus, qui était, non pas évêque, mais simplement maître des offices ou questeur du sacré palais ù Constantinople. Junilius l’énonça dans ses Instituta regularia divirue legis. 11 distinguait dans l’Écriturc quatre manières de dire : l’histoire, la prophétie, le proverbe ct le simple enseignement. L'histoire était le récit des choses passées ou présentes. Quand Moïse rapporte des pro­ phéties, des révélations de l’Esprit et des paroles divines, il le fait comme historien. La prophétie est rerum latentium praeteritarum aut priesentium aut /uturarum ex divina inspiratione manifestatio, C’est la manifestation de choses qui sont cachées en tout temps. Pour être scripturaire, la prophétie doit être faite par Dieu. Tout ce que les livres prophétiques contiennent n’est pas prophétie; on y trouve des faits racontés pour prouver la prophétie, et aussi des pro 2107 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE verbes et dc simples enseignements. Les Proverbes ct les livres de simple enseignement contiennent aussi, mais non principalement, d’autres manières dc parler. Quant aux Livres saints, les seuls livres d’autorité parfaite dans ccs quatre manières de parler, sont les livres protocanoniques dc ΓAncien ct du Nouveau Testament. Les dcutérocanoniques, ajoutés par quelques-uns, sont dc moyenne autorité. Cc ne sont que des livres delà religion catholique.Si nous igno­ rons absolument les auteurs de quelques-uns dc ccs livres, c’est par une dispensation dc Dieu, u/ alil quoque divini libri non auctorum merito, sed Sancti Spiritus gratia tantun culmen auctoritatis obtinuisse noscantur. L. I, c. iv-vm, P. L., L lxvhi, coi. 15-20; Kihn, Theodor von Mopsueslia und Junilius A/ricanus ais Exegelen, p. 473-181. 2. La plupart des autres représentants dc l’école d’Antioche n’ont pas accepté l’opinion dc Théodore dc Mopsueste, sur les divers degrés dc l’inspiration. Ils l’ont réfutée directement. Théodorct, évêque dc Cyr, lient le Cantique pour inspiré, quoiqu’il refuse de décider s’il a été écrit prophétiquement. In Cant., præf., P. G., t. lxxxî, col. 29, 32. Peu lui importe dc connaître ou d’ignorer les auteurs des Psaumes, puisque ces hymnes ont été divinement inspirés. In psalmos, præf., t. lxxx, col. 861. Cependant, quand 1) sait par le titre qu’un psaume est de David, il parle couramment du prophète David. Il conserve la théo­ rie dc Théodore de Mopsueste sur la prophétie, révé­ lation extérieure qui exige l’extase du prophète. Dieu sc sert de la langue du prophète comme d’un organe. In Abdiam, 1, t. lxxxî, col. 1712. Le prophète ne parle pas dc son propre mouvement, sa langue est au service d’un autre, et clic a la même action que le calame, dont le scribe est la grâce du Saint-Esprit. In ps. XUV, 2, t. lxxx, col. 1188; In ps. cm, 1, col. 1693. La prophétie est une vision, un λήμμα; les voyants voient en songe ou en veille, les autres parlent ct annoncent l’avenir par le Saint-Esprit qui agit par eux. Quasi. in 1F Peg., q. xxxi, col. 768. La vision sc faisait, non par les yeux du corps, mais par ceux de l’esprit. Quast. in I Peg., q. xvn, col. 549; In Ezech., i, 2; iv, 23, 21; vm, 3; xxxvn, 1, t. lxxxî, col. 820, 852-853, 881, 1189. Lc Saint-Esprit éclairait l’intelligence du prophète, In Exech., XL, 2, col. 1220, ct dc même que les yeux du corps, quand ils sont sains, voient cc qui est placé devant eux, ainsi l’intel­ ligence du prophète, éclairée par la grâce du SaintEsprit, voyait les choses absentes comme si elles étaient présentes. In Isaiam, i, 1, col. 217. Λ certains pro­ phetes l’Esprit faisait entendre un son, pour qu’ils crussent entendre un homme leur parler, il inspirait d’autres du souille prophétique pour que leur langue dit cc qu’il voulait leur faire dirc. La grâce prophé­ tique saisissait soudain leur intelligence ct les éloi­ gnait de toutes les choses humaines, pour qu’ils don­ nassent toute leur attention aux paroles prophétiques qu’ils devaient prononcer. Cc ravissement dc l’intel­ ligence était appelé un λήμμα de l’Esprit. In Nahum, i, 1, col. 1789; In Hubacuc, i, 1, col. 1812. Lc repos du prophète le rendait apte à contempler les choses divines, quand son intelligence, délivrée de tout souci extérieur, n’était distraite par rien ct pouvait mieux percevoir les choses divines. In Ezech., 1. II, col. 852. La grâce dc la prophétie n’était accordée qu’à ceux qui en étaient dignes. Dêbora la reçut, parce qu’aucun homme dc son temps n’en était digne. Quœst. in Jud., q, xn, t. lxxx, col. 497. Saül, qui en était indigne, ne prophétisa pas comme les autres, QuxetL in 1 Peg., q. L, col. 513, ct il fut agité par le démon comme les faux prophètes ct les Corybantes. Quast. in I Peg., q XLVi, col. 569. Les faux prophètes disaient des mensonges, parce qu’ils ne participaient pas à 2108 l’Esprit dc Dieu. In Jer., v, 13, L lxxxî, col. 537. Saint Jean Chrysostome ne s’occupe guère non plus que de la prophétie. Les prophètes ne proféraient pas leurs oracles d’un seul coup, mais nux moments diffé­ rents dc leur inspiration, In Isaiam, n, 1, P. G., t. lvi, col.27, selon que l’Esprit les faisait parler. Dieu n’cxcitait pas perpétuellement leur âme, la grâce du SaintEsprit n’agissait pas constamment en eux; l’Esprit se taisait parfois ct il n’avait pas coutume d’inspirer des hommes impurs· In illud : Vidi Dominum,homil. v, t. LVI, col. 29. Lc prophète, délivré dc scs péchés, recevait la grâce du Saint-Esprit ct proférait une bonne parole. Pour montrer que ce qu’il disait ne venait pas dc l’étude, mais de l’inspiration divine qui l’incitait, le psalmiste nommait son poème une pro­ phétie. L’Esprit-Saint mouvait l’intelligence du pro­ phète qui ainsi différait des devins. Quand le démon envahit une âme, il la prive d’intelligence et il obscur­ cit sa pensée et sa raison, ct le devin ne comprend rien de cc qu’il dit, comme si une flûte inanimée parlait. Le Saint-Esprit n’agit pas dc la sorte, il permet que le cœur du prophète comprenne ce qu’il dit. Aussi le psalmiste dit de nouveau que cc qu’il chante n’a pas été pensé ni composé par l’homme, mais qu’il provient de la grâce divine ct que lui-même ne prête que sa langue. Sa plume écrit ce qu’ordonne la main qui le tient lui-même. Il n’éprouve ni ignorance ni hési­ tation, car la grâce du Saint-Esprit, comme une eau impétueuse, marche avec une grande célérité ct rend son œuvre facile, égale ct prompte. In ps. XL, n. 1, 2, t. lv, col. 183-185. Cf. In ps. cxlv, n. 2, col. 520. Le psalmiste n’a besoin ni dc considération personnelle, ni dc méditation, ni dc travail. In ps. cxlv, n. 2, col. 521. Si le devin perd l’esprit, souffre vio­ lence et entre comme en furie, le prophète n’est pas dans cct état : son intelligence veille, ct sait tout cc qu’elle dit. In ad Cor., homil. xxix, n. 1, t. lxï, col. 241. Celui qui parle par le Saint-Esprit, n’a pas à travailler, il diffère donc du savant qui disserte sur cc que le savoir humain lui a appris.Ibid., homil. xxxn, col. 265. Cependant le prophète pense dans son esprit aux merveilles que Dieu a opérées, pour s’en réjouir. In ps. CXIX, n. 6, t. lv, col. 337. Il ordonne sagement son discours pour amener les hommes à la connais­ sance dc Dieu. In ps.iv, n. G, col. 48. Aussi saint Chry­ sostomc admire-t-il à l’occasion, la sagesse dc Moïse autant que la doctrine de l’Esprit, sa diligence, son exactitude à raconter, par exemple, la formation dc la première femme. In Gen., homil. xu, n. 1 ; vu, n. 4; xx, n. 4, t. lui, col. 99, 65, 85. 11 admire aussi la pru­ dence dc saint Paul dans sa diction. De verbis apos­ toli lUlinam, etc., n. 4, t. Li, col. 304; In illud : In /aciem, n. 11, col. 381. Les prophètes et les écrivains sacrés avaient donc leur part d’activité dans l’élocu­ tion ct la rédaction des choses que l’Esprit leur inspi­ rait. Cf. Leitner, op. cit., p. 160-165. 5· Les écrivains ecclésiastiques dc la Palestine n'avaient pas une doctrine différente. Selon Eusèbe dc Césaréc, quand la grâce du Saint-Esprit s’éloignait des psalmistcs pour un temps très court et que les instruments de musique sc taisaient, ccs psalmistcs écrivaient διάψαλμα. In psalmos, P. G., t. xxin, col. 76. Les saints prophètes n’écrivaient pas tout cc qu’ils disaient, mais .seulement les discours que le dnt-Esprit leur II ps. col. 1033· Pour énoncer sa doctrine, le prophète était mû par l’Esprit divin. In ps. l, col. 1223 Rempli dc cct Esprit, il prophétisait. In ps. Lxxxjv, col. 1021. L’Esprit était ion maître divin. In ps. Lxui, col. 617; | LXXXV, col. 1029. David demandait l’esprit prophé­ tique pour chanter un psaume selon sa coutume. Sa prière . yant èt< ex nicéc, il remarquait la présence du Saint-Esprit en lui ct il s’excitait à remplir son 2109 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2110 ministère prophétique; 11 prenait dans scs mains scs psalmiste par un souffle véhément, /n ps. XLtv, homil., Instruments accoutumés pour chanter, en les maniant, n. 9, col. 405, Pour lui, le songe est une des diverses ce (pie l’Esprit lui suggérerait. Ainsi éclairé par la sortes de la prophétie. Lc don prophétique n’a pu être présence de l’Esprit cl mis dans le plein jour de la accordé qu’à des Ames expurgées de toute faute, une lumière divine, il était prêt A prophétiser et 11 sc don- : Ame, préoccupée des soins séculiers, ne peut recevoir naît tout entier à l'action de l’Esprit. C’est ainsi que l'illumination du Saint-Esprit, et saint Basile en con­ l’Esprit sc sert du prophète comme d’un instrument clut que tousles songes ne sont pas des prophéties. pour annoncer le bien ct parler à toutes les nations, Epiai., clas. n, epist. ccx, n. 6, t. xxxn, col. 777. (Le en sorte que le Saint-Esprit annonce lui-même tout pseudo-Basile déclare que les prophètes étaient empor­ cc que le psalmiste dit. in ps. LVI, n. 8. col. 513, 516. tés par la fureur et la folie ct que leur intelligence Nous sommes loin de l’instrument inerte et de l’inspi­ était absorbée par Je Saint-Esprit. In Isaiam, n. 5, ration mécanique. Leitner, op. cil., p, 165-166. 254, t. xxx, col. 125», 565, 568)» Saint Cyrille de Jérusalem comparait les prophètes Saint Grégoire de Nazianze dit des évangélistes A un homme qui, plongé «l’abord au milieu des ténè- , qu'ils ont écrit pour l'uLilité de leurs lecteurs et selon bres, reçoit soudain dans l’χ)μ.α est la cessation ou le repos, Saint Épiphane décrit aussi l’état des prophètes qui intervenait soudain pendant la psalmodie a fin que tandis qu’ils prophétisent ct il le différencie de celui le psalmiste reçut la lumière divinement communiquée, des fausses prophélcsscs des montanistes. Tous les prophètes savaient ce qu’ils disaient et ils parlaient ou, pour mieux dire, la doctrine inspirée secrètement avec Intelligence, aussi les événements se sont-ils à son intelligence par le Saint-Esprit, durant l’inter­ accomplis comme ils les avaient prédits. Maximilla ruption dc la mélodie, interruption rendue nécessaire avait prétendu que tout cc qu’elle avait prédit sc réa­ pour qu’il entendit l’instruction divine. Ce silence a liserait après sa mort ; or, nous ne voyons la réalisation donné à plusieurs l’occasion de penser que le prophète d’aucune dc scs prédictions. En outre, clic n’est pas était alors privé dc la vertu du Saint-Esprit. Mais toujours d’accord avec elle-même, tandis que les véri­ comme quelques-uns, à la place de διά·}ζχλμα, mettent άεί, < toujours », ccttc substitution nous apprend que tables prophètes étaient constants avec eux-mêmes dans leurs discours. Lc vrai prophète, en effet, était la doctrine communiquée par le Saint-Esprit a tou­ jours été donnée, mais que le discours qui nous trans­ sut compos ct il comprenait cc qu’il disait, quand 11 met, le sens divinement imprimé dans l’âme du psalannonçait l’avenir. 11 rapportait au peuple juif ce mistc n’a pas toujours continué. D’aillcurs, le pro­ qu’il avait entendu du Seigneur, ct son intelligence n'éprouvait nlors aucun trouble. Quand les monta­ phète énonçait une partie du temps ce qu’il avait appris et une autre partie il l’apprenait. Quand il énon­ nistes sc vantaient dc prophétiser, ils ne l’annonçaient çait les connaissances que Dieu lui avait données. Il pas avec fermeté ct ils ne comprenaient pas cc qu'ils disaient. Aussi leurs paroles étaient-elles obliques cl à n’interrompait pas sa mélodie; mais quand il appli­ quait son esprit à écouter les choses divines, Il s’y double sens, ct ils n’énonçaient absolument rien dc adonnait tout entier ct cessait son chant. Le Saintjuste. L’oraclc de Montan, que saint Épiphane cite, Esprit était donc en lui, même tandis que celui-ci sc est d’un homme furieux, qui ne sait cc qu’il dit. ct il taisait, mais le prophète ne parlait et ne chantait, présente un autre aspect que l’aspect qu’ont les pro­ phéties du Saint-Esprit. Les montanistes veulent jus­ que par intervalles. In psalmos, tr. II, c. x, t. xuv, col. 536. Saint Grégoire a remarqué une autre espèce tifier leur extase par des passages dc l’Écriture qu’ils de διάψαλμα au ps. x, 1. Dans ce cas, l’illumination allèguent mal Λ propos. Cc mot a dans les pages divines différents sens. Quand on lit que les prophètes parlent dc rintclllgcnce ct la manifestation des pensées divi­ έν έκστάσει, Il ne faut pas l’entendre en ce sens qu’ils nement reçues sont simultanées. Le Saint-Esprit sc ont perdu l'usage dc la raison; tout prophète dc servait alors du prophète comme d’un Instrument au­ quel il aurait été adhérent ct dont 11 aurait mu à son l'Andcn ct du Nouveau Testament a eu l’intelligence gré les organes, dc telle sorte que le cantique ne dc cc qu’il disait. Hier., lxvui. n. 1-10, t. xu, col. 856869. ί cessait pas et que la communication de la doctrine 6° Les Pères Cappadoclens n'ont pas négligé la n’était pas empêchée par Je chant. Cette communica­ tion dc Ια doctrine dc l’Esprit est alors appelée mélodie. question. Saint Basile ne fait guère qu’insinuer une réponse. Il affirme seulement que l'apôtre saint Jean Ibid., col. 541. Il en résulte donc clairement que τα τής a été élevé par l’Esprit aux choses les plus divines, προφητείας νοήματα sont inspirés à David par l’illu­ Advenus Eunomtum, 1. II, n. 15, P. G., t. xxjx, mination dc son intelligence produite par le Saintcol. 601 : que l’Esprit a révélé des choses cachées au . Esprit. L’action dc cct Esprit sc fait sentir aussi dans 2111 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE Pénonciâtion des pensées inspirées ct dons leur élocu­ tion. Saint Grégoire de Nysse en trouve la preuve dans le fait que le διάψαλμχ est répété dans le titre de certains psaumes. Ibid., c. xv, col. 589, 592. Ayant constaté que l’ordre des psaumes n'était pas chro­ nologique, il en conclut que le Saint-Esprit, notre doc­ teur et notre maître, ne s’est pas occupé de l’ordre chronologique, parce qu’il inspirait les psaumes, non pas pour nous apprendre l’histoire elle-même, mais pour former nos âmes à la vertu. Ibid., c. n, xi, col. 489,541,544; cf. c. xin,col. 561. Voir Leitner, op. cit.,p. 149-153. 7· Si nous passons â l’Église latine, saint Hilaire de Poitiers,constatant que,dans 1’Écriture elle-même, le psalm.stc dit de la façon dont il a prononcé son cantique Eructavit cor meum verbum bonum, Ps. xuv, 2, en tire cette conclusion sur la différence qui existe entre la parole des hommes ordinaires ct celle des prophètes : Omnis autem sermo hominum ex sensu cogitationis enititur ac motu, ubi ad aliquid enuntian­ dum mota mens nostra, idquod ina/fectumsibl insiderit, per verba declarat. At vero ubi extra humante mentis instinctum, non ad anima sententiam lingua famulatur, sed per ineuntem spiritum officio oris nostri divini sen­ sus sermo diffunditur, illic eructatum videtur esse quod dicitur : cum non ante cognitione moluque percepto id ad quod impulsa sit mens loquatur, sed Ignorante sensu spiritus vocem in verba distinguat. Tract, in ps. arm, lit. Tau, n. 2, P. L., t. ix, col. 639-640. Lo Saint-Esprit inspire donc aux psalmistcs, non seule­ ment les pensées, que leur intelligence ne leur fournit pas, mais encore les mots qui expriment ces pensées. Mais le psalmiste comprend cc qu’il dit ainsi par l’inspiration divine. Saint 11 ilaire dit aussi que l’apôtre Paul a appris tout cc qu’il a enseigné, par révélation du Christ, De Trinitate, 1. V, n. 33, t. x, col. 152, et, par suite, toutes scs paroles sont des paroles divines. Ibid.,1.1, n. 15, col. 34. Selon saint Ambroise, Moïse n’a été instruit sur l’origine du monde ni en vision ni en songe, mais 11 a parlé â Dieu de bouche à bouche, ct sous l’inspiration de l’Esprit divin il n réfuté les erreurs des hommes qu’il prévoyait. Ilexameron, J. I, c. u, P. L., L xiv, col. 124125. Il a justement distingué Dieu du monde, car il n’écrivait pas scs pensées, mais celles qui lu! avaient été Infusées ct révélées. Epist., clas. ï, epist. xuv, n. 1, t. xvi, col. 1136. Les prophètes juifs prophéti­ saient avec l’infusion du Saint-Esprit. In Luc., 1. I, n. 1, t. xv, col. 1533. Remplis de l’Esprit de Dieu ct ravis hors d’eux-mêmes, ils paraissaient à quelquesuns être insensés. In ps. xxxix, n. 5, t. xiv, coi. 1059. Le Saint-Esprit les remplissait d’ardeur comme en leur versant du vin; ils étaient échauffés ct on les regardait comme des hommes ivres. In Luc., 1. IX, n. 24, t. xv, col. 1799. David prévoyait en esprit tout cc qu’il chantait, De interpretatione Job ct David, 1. 11, c. vin, n. 29-31 ; c. ix, n. 32, L xiv, col. 824, 825, ct le Verbe parlait par sa bouche. In ps. I, n. 52, col. 950. 11 écrivait des vers par la révélation du Saint-Esprit. In ps. cxrt/f,scm. x, n. 20, t. xv, col. 1337. Quid igitur psalmus nisi virtutum est organum, quod Sancti Spiritus plectro banoens propheta venerabilis, cxlestis sonitus fecit in terris dulcedinem resultare. Ibid., serm. xxi, n. 6, coi. 1604. Nous voici revenus à la métaphore des Pères apologistes. Pour saint Ambroise, tous les écrivains de ΓAncien Testament, même l’au­ teur du livre de Tobie, sont des prophètes. Pour Tobic, De Tabla, c. ï, η. 1 ; c. n, n. 6, t. xiv, col. 759, 761. Leur inspiration est donc une révélation prophétique. j Or, les prophètes ne prophétisaient que quand ! l’Esprit leur Infusait la grâce de prophétiser. In ps. CXVIl/,sem\. xn, n 18, t. xv, col. 1366. On les appelait voyants, parce qu’ils voyaient en esprit par la révé­ 2112 lation les choses cachées. Ibid., scrm. xi, n. 8, col. 1351. Leur extase était fréquente. Excedit enim mens pro­ pheta: velut fines quosdam humante prudentia, quando repletur Deo. Et ante evacuat se cogitationibus ct dis­ ceptationibus steculi hujus; ut adveniente gratia spiri­ tali purum se et exinanitum prabeat; superveniens (n eum Spiritus Sanctus magna sc vi infundens, ita ut mens hominis subito turbatur... Cognoscimus ergo quia quando venit gratia Dei super propheticam mentem subito irruit; ct inde Incubuisse ct cecidisse super pro­ phetas Spiritum Sanctum legimus; quia excessum patitur ct turbatur ct timet et quibusdam ignorantiie et Imprudentia: tenebris offunditur. De Abraham, 1. 11, n. 61, t. xiv, coi. 481. Nous sommes ainsi encore ramenés presque Λ l’idée que les Pères apologistes se faisaient de l’extase prophétique. Voir Leitner, op. Cit.,p. 166-170. Saint Jérôme a beaucoup Insisté sur l’inspiration des prophètes. L’Écriture lui a appris qu’ils ne par­ laient pas de leur propre mouvement, mais par la volonté de Dieu, surtout quand ils annonçaient l’avcnit dont la connaissance est à Dieu seul. In Jcr., 1. V, P. L., t. xxiv, col. 855. En répétant : litre dicit Domi­ nus, ils avertissent que les discours qu’ils tiennent sont de Dieu. Ibid., 1. IV, col. 826. Ils diffèrent ainsi des faux prophètes, qui ne prophétisent jamais par l’inspiration divine, mais de leur propre cœur. In Ezcch., 1. IV, t. xxv, col. 109. Leurs livres ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit. In Ose., pro!., col. 815. Jonas savait de que le Saint-Esprit lui avait suggéré. In Jon., col. 1121. Avant de dire par l’Esprit les mystères du Christ, le psalmiste dut préparer sa langue comme un stylet ct un calame pour que le Saint-Esprit écrivît par clic dans les oreilles ct dans les cœurs ct qu’il exprimât ses pensées quasi per orga­ num. Par suite, de même que la Loi fut écrite par le doigt de Dieu, ainsi Γ Évangile fut écrit par le SaintEsprit par le moyen de la langue de David. Epist., i.xv, n. 5, 7, t. xxn, col. 626, 627. La parole de Dieu n’était pas continue chez les prophètes, In Ezcch., 1. XI, t. xxv, col. 333, mais seulement autant que le Saint-Esprit la leur donnait en leur révélant cc qu’ils devaient dire. Ibid., 1. VI, col. 167. Il le leur révélait par vision ct par parole Intérieure ct non extérieure, In Ilabac., 1. I, col. 1289. Γ Écriture appelle donc la prophétie une vision et les prophètes des voyants. In Ose., 1. III, col. 928. Ils voyaient par les yeux de l'intelligence cc que d’ordinaire on entend par les oreilles. In Abdiam, col. 1100. Zacharie, ne sachant ce qu’il voyait, interroge l’ange qui parle en lui, sen­ sum videticetaDco illuminatum. In Zach., 1.1, col. 1442. Les prophètes ne parlaient pas en extase, au point, comme Montan l’a rêvé avec scs femmes folles, de ne savoir cc qu’ils disaient et d'ignorer cc qu’ils ensei­ gnaient aux autres. S’ils étaient sages, ce que personne ne peut nier, comment auraient-ils, comme des brutes, ignoré cc qu’ils disaient? Quand ils parlaient, ils avaient le pouvoir de sc taire. Si donc ils comprenaient cc qu’ils disaient, toutes leurs paroles sont pleines de sagesse ct de raison. La parole de Dieu ne leur par venait pas, poussée à leurs oreilles ; Dieu parlait à leur âme. In Is., prol., t. xxiv, col. 19-20. Cf. In Epist. ad Eph., 1. Il, t. xxvi, col. 479-180. Lc Seigneur tou tefois leur ordonnait d’écrire, non qu’ils Ignorassent qu’ils devaient le faire, mais pour qu’ils écrivissent avec plus de certitude. In Habac., I. I, t. x · · .. ol. 1290. Saint Jérôme &’c tdoncoccupésurtoutdcrinsplratlon prophétique ad loquendum. C’est à clic qu’il rapporte la révélation divine en vision ct en parole Intérieure; c’est d’elle qu’il t exclu l’extase montnnlste, qui entraînait l’ignor ince et Γ incompréhension des oracles prononcé .. 11 n’a (Ht de l'inspiration ad scribendum des prophètes qu’une seule chose : Λ savoir que la 2113 INSPIRATION UE L’ÉCRITURE rédaction des prophéties avait été ordonnée par Dieu lui-même aux prophètes. La révélation a donc pré­ cédé la rédaction de leurs prophéties; elle n’est pas concomitante, elle a été antécédente à ccttc rédac­ tion. Cf. Leitner, op. cit., p. 170-179. Cependant saint Jérôme parle ailleurs de l’inspi­ ration proprement dite. Il attribue à l’inspiration divine la rédaction des quatre Évangiles canoniques. Si quelques écrivains ont essayé, sine spiritu ct gratia Dei, d’ordonner leurs récits plutôt que d’établir la vérité historique de l’Évanglle, l’Église n’accepte que les quatre Évangiles, qui sont l’arche du Nouveau Testament. Or, l’auteur de l’un d’eux, Jean, saturé de révélation après avoir jeûné, a produit un pro­ logue qui vient du ciel. In Matth., prol., t. xxvi, col. 17-19. C’est comme prophète que Jean a écrit l’Apocalypse. Ado. Jovinianum, 1. 1, n. 2G, t. xxm, col. 217. Saint Paul a publié dans l’Épllrc aux Ephéslcns une partie des mystères que le Christ hii a révélés. In Epist. ad Eph., 1. 11, t. xxm, col. -178. Même quand cet apôtre parle selon son conseil, I Cor., vn, 25, en conseillant aux vierges de ne pas sc marier, il ajoute qu’il croit cependant avoir l’esprit de Dieu, 40. Epist., xlvui, c. vm, t. xxv, col. 499. Même quand il dit aux Galates : Ecce ego Paulus dico vobis, v,2, il ne faut pas prendre ces paroles comme si elles étaient de Paul seul, mais comme étant du Seigneur. In Epist. ad Gal., 1. III, t. XXVI, col. 394. Quand il leur parle de leur retour à la vérité, v, 10, cc n’est pas pure conjec­ ture, comme quelques-uns le pensent, mais il est rempli de la grâce prophétique; il prévoit en esprit ct il a confiance en Dieu qu’il prophétise l’avenir qu’il connaît. Ibid., col. 403. Dans tout ce que Paul a dit, le Christ parlait en lui. Aussi les raisons que quelquesuns croyaient avoir de ne pas attribuer Λ Paul l’Épllrc ù Philémon, comme s’il était indigne du Saint-Esprit de s’occuper des nécessités corporelles, ne paraissent pas valables à saint Jérôme. En accusant cette Épltrc de simplicité, ils montrent, dit-il, leur impéritie; ils ne comprennent pas la vertu ct la sagesse, cachées dans chacune des paroles, ct il s’ingénie à montrer que tout le contenu de la lettre a été écrit sous la sugges­ tion du Saint-Esprit. In Epis'. ad Phile., prol., col. 599-G02; 4 sq., col. 609. Ces derniers passages ne semblent pas exiger une révélation préalable, opérée par le Saint-Esprit. L’Esprit Saint suggère, inspire, si l’on veut, il ne révèle pas. Que le Christ parle en l’apôtre, cela sc signifie pas nécessairement une révélation des paroles prononcées ou écrites; saint Paul, en les disant, en les écrivant, parle ct écrit selon l’esprit du Christ, ct non d’après son sentiment per­ sonnel. Ces passages établissent donc, ù mon avis, une différence entre 1'inspiration des prophètes ct celle de saint Paul. Si cet apôtre a énoncé aux Éphésiens quelques-uns des mystères qui lui avaient été révélés, tout le contenu de 1* Épltrc qu’il leur adressait, ne lui a pas été révélé au moment où il écrivait. Si saint Jean a reçu révélation du contenu du prologue de son Évangile, il ne s’en suit pas que tout le reste lui a été révélé. Saint Jérôme dit, il est vrai, que le Saint-Esprit a dicté ù saint Paul l’Epître aux Romains et que, par suite, l’interprète a besoin des lumières de cet Esprit, pour expliquer les passages difficiles de la lettre. Epist., exx, ad Jlcdibiam, c. IX, t. xxn, col. 927. Faut-il prendre littéralement l’expression • dicter » ct l’entendre expressément d’une révélation directe des mots eux-mêmes? 11 ne semble pas, puisque saint Jérôme remarque souvent l’activité propre des écrivains sacrés dans l’énonciation des pensées divines. Voir plus loin. En conséquence, je n’admets pas sans restriction la conclusion, de M. Schade, Die Inspirationslehre des heiligen Hiero­ nymus, p. 27, que pour le saint docteur, toute l’ÉcriD1CT. DE TIIÙOI.. CATHOL. 2114 turc est un produit de la révélation directe de DieuCola est vrai de l’annonce de l’avenir, faite par les prophètes, qui, en écrivant si souvent : Htec dicit Dominus, rapportaient les paroles divines qu’ils avaient entendues et dont ils se souvenaient, In Jer., xxm, 23, 24, t. xxiv, col. 826. Cela n’est pas expres­ sément affirmé de tous les hagiographes par saint Jérôme lui-même, qui emploie les expressions de « suggérer », d* < inspirer », qui, sous sa plume, ne sont pas toujours synonymes de « révéler.» Cf. L. Sanders. Études sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris, 190?. p. 97-121 (Schade, op. cil., p. 21-41). On a vu plus haut, col. 2092, que Benoit XV, dans l’encyclique Spiritus Parachtus,du 15 septembre 1920, reconnaît que saint Jérôme a affirmé la composition des Livres saints sous l’inspiration, ou la suggestion, ou l’insinuation, ou même sous la dictée de l’Esprit Saint, ct en même temps que chacun des écrivains sacrés, conformément à son caractère et à son génie, a prêté librement son concours à l’inspiration divine. Ainsi le saint docteur, continue Je souverain pontife, « n’affirme pas seulement sans réserve ce qui est l’élé­ ment commun des écrivains sacres, à savoir que leur plume était guidée par l’Esprit de Dieu, au point que Dieu doit être tenu pour la cause principale de cha­ cune des pensées ct des expressions de î’Écriture, il discerne encore avec soin ce qui est particulier à chacun d’eux, à de multiples points de vue : ordon­ nance des matériaux, vocabulaire, qualités et forme du style, il montre que chacun a mis à profit ses facul­ tés et forces personnelles; il arrive ainsi à fixer et à dépeindre le caractère particulier, les notes, pourraiton dire, ct la physionomie propre de chacun d’eux, surtout pour les prophètes ct l’apôtre saint Paul. Pour mieux expliquer ccttc collaboration de Dieu ct de l’homme à la même œuvre, Jerôme donne l’exemple de l’ouvrier qui emploie à la confection de quelque objet un instrument ou un outil; en effet, tout cc que disent les écrivains sacrés · constitue les paroles de Dieu, non leurs paroles ù eux, et en parlant par leur bouche, le Seigneur s’en est servi comme d’un instru­ ment. » (Tract, de ps. Lxxxrnt, G. Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1903, t. m c, p. 53.) Si main­ tenant nous cherchons comment il faut entendre cette influence de Dieu sur l’écrivain sacré ct son action comme cause principale, nous verrons aussitôt que le sentiment de saint Jérôme est en parfaite harmonie avec la doctrine commune de l’Église catholique en matière d’inspiration : Dieu, affirme-t-ll, par un don de sa grâce, illumine l’esprit de l’écrivain pour ce qui touche à la vérité que celui-ci doit transmettre aux hommes ex persona Dei; il meut ensuite sa volonté et la détermine à écrire; Il lui donne enfin assistance spéciale et continue Jusqu’à l’achèvement du livre. C’est principalement sur cc concours divin que le très saint homme fonde l’excellence et la dignité Incom­ parable des Écritures, dont II assimile la science · au riche trésor, > (In Matth., xm, 44, P. L., t. xxm, col. 94; Tract, in ps. txxvn, G. Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1897, t. ni b, p. 62) et < ù la noble pierre précieuse; > (In Matth., xm, 45 sq., ibid.,) dont il assure qu’elles recèlent les richesses du Christ (Quirst. in Gcn., præf., P. L., t. xxm, col. 93G) ct « l’argent qui orne la maison de Dieu. ■ 1 (In Agg.,11, 1 sq., P. L., t. xxv, col. 1404. Cf. In Gai., n, 10, t. xxvi, col. 338, etc. Acta aposto Hex sedis, I 1920, t. xn, p. 889-890. Cf. F. Valente, S. Girolamo e Fencyclica Spiritus Paraclitus, p. 27-30. Saint Augustin a, sur la nature de l’inspiration, une doctrine plus souple et plus variée que celle de saint Jérôme. Selon lui, la volonté divine poussait les pro­ phètes à parler. Mais Dieu leur communiquait les choses qu’il voulait leur faire dire, par trois sortes de VIL — 67 2115 INSPIRATION DE L’ECRITURE vidons: vision corporelle qui affectait les sens exté­ rieurs, vision spirituelle, qui donnait par la mémoire ct rimagination l’image d’un corps absent, non placé sous les yeux, vision intellectuelle, produite dans rintclligcnce ct par l’intelligence. Cette troisième sorte de vision était une révélation, une connaissance, une prophétie, une doctrine. La vision corporelle se apportait à la vision intellectuelle, ct celle-ci Λ la spirituelle· En effet, quand les yeux voient un objet, une Image de cet objet est aussitôt produite dans l’esprit, mais cette image n’est saisie par l’esprit, que quand les yeux sont détournés de l’objet perçu. Elle devient alors pour un esprit raisonnable un signe de la chose ct l'intelligence perçoit aussitôt ou cherche le sens du signe. C’est de la sorte que le Saint-Esprit, en illuminant l’intelligence du prophète, lui donnait de saisir l’image des choses corporelles imprimée dans son esprit. Au prophète, destitué de l’usage de scs sens, il donnait une vision ou il proférait des paroles. Ayant repris l’usage de scs sens, le prophète conservait le souvenir de cc qu’il avait vu ou entendu, il le voyait parla pensée, ct son intelligence, aidée par un secours divin, comprenait ce qui lui avait été montré par les signes donnés. Ainsi l’Esprit Saint fait de véritables prophètes, qui voient et disent ce qu’ils ont vu, tandis que le mauvais esprit fait des démoniaques, des exaltés et des faux prophètes. Il y a deux sortes de rapt de l'âme : l’un est joint à la vision intellectuelle, l’autre à la vision spirituelle. Moïse a vu Dieu de la première manière, saint Paul a été ravi au troisième ciel de la seconde manière. Dans la vision intellec­ tuelle, 11 faut distinguer les choses vues de la lumière qül les éclaire pour que toutes soient vues ct com­ prises. Cette lumière, c’est Dieu lui-même. D’où saint Paul fut certain d’avoir vu le troisième ciel, mais demeura incertain de la manière dont il l’avait vu, soit hors de son corps soit dans son corps. Son âme toutefois était ravie pour avoir cru entendre des choses ineffables. De Genesi ad litteram, 1. XII, c. i-v; P. £., t. xxxiv, col. ‘153-458. Cf. c. vi-x, xi, xn, xix, XXIV, xxm-xxviii, XXXI, col. 458-461, 462. 464, 470, 474-475,476-478,479-480. Ailleurs, l’évêque d’Hippone dit que le Saint-Esprit n’agit pas sur tous les prophètes de la même manière. II informe l’esprit des uns, en leur fournissant les images des choses; il fait en sorte que l’intelligence d’autres comprenne ; il agit sur d’autres par ces deux sortes d’inspiration; il en laisse même d’autres dans l’ignorance. Mais 11 informe l’esprit de deux manières : par songe ou par démonstration durant l’extase, qui est l’aliénation hors des sens corporels, afin que l’esprit du prophète, saisi par l’Esprit divin, s’occupe à com­ prendre ct ù voir les Images qui lui sont fournies. L’in­ telligence n’est amenée Λ comprendre que d’une seule manière, quand le sens des images qui lui sont mon­ trées, lui est révélé. De diversis qunslionibusad Simplicianum, I. II, q. ι.η. 1, t, xl, col. 129. Dans l’extase, il faut distinguer Teffroi ct l’application aux choses supérieures telle que le souvenir des choses inférieures soit en quelque sorte perdu. Or, tous les saints, à qui les secrets de Dieu qui surpassent cc monde ont été révélés, ont eu cette extase. In ps. XTX, enar. n, n. 2, t. xxxvi, col. 230. Telle est, pour saint Augustin, l’inspiration ad loquendum des prophètes. Quant ù l’inspiration ad scribendum, qui a été voulue par Dieu, In ps. XXXII, n. 17, t. xxxvi, col. 317, elle a été aussi opérée par lui qui, par l’action du Saint-Esprit, a écrit les Écri­ tures à l’aide de ministres. In ps. VIII, n. 7,8, col. 111112; De utilitate credendi, c. vi, t. xm, col. 75. Ces ministres sont Moïse, lps prophètes ct tous les écri­ vains sacrés. Or, le Verbe a proféré les paroles que Moïse rapporte dans la Genèse avec une vérité inté- 2116 ΐ rieurs, qu’aucun œil n’a vue nî aucune oreille n’a entendue, mais que l’Esprit du Verbe révélait à l'écri­ vain. De Genesi ad liltcram, 1. VIII, c. ni, n. 6; I. IX, c. xm, t. xxxiv, col. 375, 402. MoLse a connu ct annoncé ce qui lui était révélé par l’Esprit de Dieu, De civitate Del, I. XI, c. îv, n. 1, t. xm, col. 319; Confess., 1. XII, c. xvn, n. 24, t. xxxn, col. 834, ct tandis qu’il écrivait, l'Esprit agissait par lui. De civitate Dei, I. XV, c. vm, t. xu, col. 4 16. Pour saint Augustin, les titres des psaumes sont do l’Esprit Saint. In ps. LXXXlil, n. 1, t. xx.xvii, col. 1055-1056. Le SaintEsprit nous a donné le psautier par le ministère de David. Serm., xxi, n. 3, t. xxxvni, col. 197. Les psaumes ont été dits ct écrits, Spiritu Del dictante. In ps. LXlt, n. 1, t. xxxvi, col. 543. Le Saint-Esprit a donné, dans les lettres divines, par Salomon, beaucoup de saints préceptes, d’avis salutaires ct de secrets divins. In ps. cxxvi, n. 2, col. 1667, 1668. Les actes racontés dans le livre de Job n’ont pu être indiqués aux hommes dans les Écritures, nisi Spiritu Sancio revelante. Serm., xn, c. vi, t. xxxvin, col. 103. Quelle différence y a-t-il entre les livres canoniques et les livres non canoniques? Les auteurs de ces derniers rapportent cc que le Saint-Esprit a révélé, sicut homines, historica diligentia; ceux des premier;: ont pu écrire, sicut prophétie inspiratione divina. De civitate Del, 1. XII, c. xxxvni, t. xu, coi. 598. Saint Jean n’aurait pas écrit le prologue du quatrième Évangile, s’il n’avait pas été Inspiré. In Joa., tr. CXXIV, c. i, n. 1, t. xxxv, col. 1969. Saint Augustin n’explique pas plus explicitement l’inspiration des écrivains sacrés. Toutefois, il dit Λ propos de l’inspiration des évangélistes : Quia ipsi homines erant qui scripserunt Scripturas, non de sc lucebant, sed ille erat lumen verum, qui illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. In Joa., tr. I, n. 46, t. xxxv, coi. 1382. SI les évangélistes avaient, pour écrire l’Évangile, leurs souvenirs personnels, ils n’en usaient néan­ moins que sicut cis ministrabat Spiritus recordationis rerum quos scriberent. Ils ont donc écrit des choses différentes, mais sans erreur ni fausseté, quia unus Spiritus inomnibus futt. Serm., ccxlvi, n. 1, t. xxxvni, col. 1153. Le Saint-Esprit ne leur donnait pas une révélation; il gouvernait seulement leur Intelligence. De consensu euangelistarum, L 111, c. vu, η. 30, t. χχχνι, col. 1176. Saint Augustin, d’autre part, sait très bien reconnaître les particularités propres à chacun des évangélistes. Voir t. i, col. 2342. Cf. Leitner, op. cit., p. 179-185. 8e Les écrivains postérieurs, tant grecs que latins, de l’ère patristique, ne disent rien de nouveau sur l'action inspiratrice du Saint-Esprit. Ils continuent à exposer les différentes manières dont Dieu révélait aux prophètes les choses futures ct scs volontés; ils accordent aux prophètes la connaissance des vérités que Dieu leur manifestait en visions ct en songes, ct dont Ils so souvenaient pour les transmettre aux hommes par la parole; ils distinguent ainsi les vrais prophètes, des devins ctdes faux prophètes. Ils traitent de la sorte presque toujours de la seule Inspiration ad loquendum. Ainsi Cassiodorc. La plupart cependant, en citant des textes scripturaires, affirment, en pas­ sant, l’inspiration ad scribendum, mais sans rien dire de sa nature propre. Ceux qui en traitent, le font en des sens différents. Ainsi l’évêque de Carthage Llcîanus, & prop< Igneur qu'on disait tombées du ciel à Home en l'honneur de saint Pierre, écrit à l’évêque Vincent que Jésus-Christ n’avait pas envoyé du ciel des lettres Λ scs apôtres, It · mpU leurs cœur. du Saini I prit. Seul, lo 1 uc n .cm· ' écrit sur des table*, do pierre. Des lettres n’ont H6 envoyées du ciel prophètes et des apôtres. Epist., 2117 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2118 ni, P. L., t. lxxïi, col. 700. Le pape saint Grégoire le Cf. Leitner, op. cit., p. 185-190; K. Holzhey, Die Grand, au contraire, est resté dans la ligne de Γan­ Inspiration der hl. Sehrift in der Anschauung des Mittelalters, von Karl dem Grossen bis zum Konztl von cienne tradition. Les Écritures, rédigées par des Trient, Munich, 1895, p. 1-78. hommes saints, ont été éditées par le Saint-Esprit. Conclusion. — Durant l’èrc pat ris tique, les écri­ Jn 1 Ueg.91. Ill, c. v, n. 3, P. L., t. i.xxix, col. 216217. L’histoire des Rols, parce qu’elle a été composée vains ecclésiastiques, orientaux ct occidentaux, ont par le même Esprit que les autres Écritures, n’a pas donc étudié surtout l’inspiration ad loquendum. Beau­ une autorité moindre qu’elles, car tous ceux qui l’ont coup lui ont assimilé l'inspiration ad scribendum ct par suite ils ont regardé celle-ci comme une révélation écrite sont réputés prophètes. Ibid., proœin., n. 4, col. 20. Cf. 1. V, c. i, η. 1, col. 313. Elle n été écrite divine, accordée aux auteurs Inspirés dans la rédac­ tout entière par l’inspiration du Saint-Esprit. L. III, tion même de leurs ouvrages. Quelques-uns cependant, c. îv, n. 5, col. 184. Job a écrit ce que le Saint-Esprit tout en maintenant la révélation directe, au moins lui dictait; aussi a-t-il pu parler de lui-méme comme antécédente, aux prophètes de l’ancienne alliance, d’un autre, parce que l’Esprit inspirait son œuvre. ont présenté l’inspiration des autres hagiographes comme une simple inspiration de l’Esprit Saint, une Tous les autres écrivains sacrés ont fait de même, notamment Moïse, parce qu’ils agissaient sous l’impul­ suggestion, une motion ou instigation à écrire, une sion du Saint-Esprit. Saint Grégoire en conclut que, illumination intérieure de l'intelligence et une direc­ puisque les Écritures sont de celui qui les inspirait, tion dans la rédaction de leurs ouvrages. Cette expli­ H n’est pas nécessaire de connaître les hommes inspi­ cation devait devenir prédominante chez les théolo­ giens des âges postérieurs. Dans les temps intermé­ rés, étant donné que l’Esprit Saint parlai t par eux tous. Moral., præf., c. I, n. 2, 3, P. L., t. lxxv, col. 517- diaires, il y a eu plutôt décadence que progrès dans l'enseignement catholique sur la nature de l’inspira­ 518. Cf. Horn, in Etech., 1. I, homil. n, n. 8, t. lxxvi, tion divine des Écritures. col. 799. Saint Grégoire place donc au premier plan n. chez les thEolooiess.— 1e Chez les précur­ l'action de l’Esprit inspirateur, ct au second plan, à un rang bien inférieur, celle des écrivains inspirés. seurs de la scolastique. — Abélard attribue à Moïse et aux prophètes de l’Ancicn Testament une révélation Saint Isidore de Séville, après avoir énuméré les écrivains sacrés, affirme leur inspiration divine. Mate du Saint-Esprit, qui aboutit à une dictée de leurs livres. Mais il reconnaît qu’à la parole extérieure se selon la foi, l’auteur principal des Écritures, est le Saint-Esprit. C’est lui-même qui a écrit, en dictant joignait, pour eux, la parole Intérieure du Saintà ses prophètes cc qu’ils devaient écrire. De eccl. offi­ Esprit, qui leur faisait comprendre cc qu’ils écrivaient. ciis, 1. I, c. xn, n. 13, P. L., t. lxxxiii, col. 750. Cf. Et ccttc intelligence les distingue des démoniaques, Etym.,1. VI, c. n, n. 50, t. lxxxii, col. 235. Saint Isi­ à qui le démon.en les tourmentant, ne communique, dans leur folie, que les mots seulement qu’ils pro­ dore distingue trois genres de prophétie : la vision corporelle, la vision spirituelle et la vision intellec­ noncent, ct non pas le sens des paroles prononcées. Le Saint-Esprit, quand il parle aux hommes de son tuelle. D’autres en comptent sept genres. Etym., 1. V11, choix, les illumine d’abord intérieurement, avant de c. vm, η. 1, 33-40, col. 283, 286. 11 résume donc scs leur faire dire aux autres par des paroles extérieures prédécesseurs. cc qu’il leur communique. La voix du prophète Le Vénérable Bède dit que les prophètes ct les apôtres ont écrit par l’inspiration du Saint-Esprit. s’ajoute donc à la voix divine pour manifester au dehors les choses inspirées. Toutefois, le Saint-Esprit Epist., n, P. L., t. xciv, col. G67. SI saint Luc a écrit cc qu’il lui a paru bon d’écrire, lia voulu dire que cc ne fut ne faisait pas nécessairement comprendre aux pro­ pas comme de lui-même, mais Λ l’instigation du Saint- phètes tous les sens que comportaient scs paroles ; il leur Esprit. ln Luc., 1. I, procem., t. xen, col. 307-308. en communiquait un ou plusieurs, mais non pas tous. Le Saint-Esprit dirigeait sa plume. Super Acta apost., C’est pourquoi les commentateurs peuvent expliquer ad Accam epist., col. 938. Jean, instruit par une révé­ diversement une prophétie, sans que les prophètes aient perçu ces divers sens, mais le Saint-Esprit les lation céleste ct enivré de la grâce du Saint-Esprit, a prévus et voulus. Serm., xix, P. L., t. cxxxvin, a réfuté tous les hérétiques. In S. Joa. Ευ. expositio, c. i, col. 637 : Homil., 1 I, homil. vm, t. xav, col. 49. col. 514. Cf. Serm., xx, col. 516. La révélation; faite Alcuin explique l’origine céleste des deux Testa­ aux prophètes par le Salnl-Esprit, était donc l'illu­ ments, parce que les saints ont écrit sous la dictée mination divine par laquelle leur intelligence perce­ de Dieu, parce que le Saint-Esprit, qui est Dieu, les vait les choses qu’ils devaient proférer extérieurement a dictés lui-même. Inscriptiones sacri codicis, P. L., par leurs paroles. L’Esprit Saint a inspiré à saint t. a, col. 727-735. Paul l’Épîtrc aux Romains. Le scribe, auquel l’apôtre Pour l’abbé Smaragde, saint Paul ne parlait pas la dictait, sc nommait Tertius, ct cc nom n’était peutd’après son Intelligence propre ct il ne dispensait pas être pas sans présage : il indiquait que le notaire était une doctrine qu’il avait trouvée par son génie, mais tertius in operatione. Spiritus quippe Sanctus inspi­ c'était l'Esprit-Saint, qui la lui suggérait. Cotleciiones rabat quæ Apostolus dictabat seu proferebat, quæ iste, inEpid. et Ευ., P. L., t. eu, col. 28. qui Tertius dicitur, sua manu scribebat. Comment, Sedulius Scot us dit que Luc n’a écrit son Évangile super Epist. ad Hom., 1. V, c. xvi, coi. 976. Abélard attribue aux philosophes la même Inspi­ qu'à l’instigation du Saint-Esprit. Expositiunculæ ct ar­ gumenta secundum Lucam, P. L., t. an, col. 287, 288. ration divine qu’aux prophètes de l’Ancicn TestamentMarc apprit l'histoire de Notrc-Scigncur de la bouche C’est par elle qu’ils ont annoncé aux gentils la Trinité de son maître, saint Pierre, mais il l’écouta, prout quo les prophètes prêchaient aux juifs. Introductio Spiritus Sanctus ejus intellectum gubernabat. Exposit ad theologiam, I. I, n. 12, col. 998. Les mêmes philo­ et arg. sec. Marcum, col. 281. Paul avait reçu des sophes ont décrit aussi diligemment que les saints révélations, ct il était prophète. Collectiones in I ad les vertus morales, la justice, la force, etc., quasi Cor., c. xv, col. 157; in Epist. ad Gai., c. i, col. 182; et ipso Spiritu eodem locutos fuisse non ambigant. Theo­ logia Christiana,II,col. 1174-1175. Parccttccompa­ in Epist. ad Phil., c. i, col. 213. Haban Maur compile les anciens Pères; dont II raison, Abélard diminue étrangement l'idée de la reproduit les témoignages. Walafrld Strabon confond révélation faite aux prophètes ct de l'inspiration des Inspiration ct révélation, ainsi qucllaymon d’Halber- écrivains sacrés. Il diminuait aussi le rôle de la foi, stadt,qui parle aussi de dictée. Ce dernier explique en exaltant celui de la raison. encore les différentes espèces de visions prophétiques. Pierre Lombard emprunte aux anciens docteurs 2119 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 21'20 et spécialement â Cassiodorc les termes par lesquelsi I connaître dc Dieu par la raison. Sum. theol., I·, tr. I, il afllrme que tous les prophètes ont parlé par la révé­. q. v, m. m. Albert expose ensuite les différents modes lation du Saint-Esprit, ct il appelle David la flûte du dc révélation : par l’intermédiaire des anges, ou en Saint-Esprit. In psalmos, præf., P. £., t. exa, col. 55. figures ct en imaginations. Mais Je Saint-Esprit a En expliquant le ps. xav, il dit que l’intelligence du parié à David par lui-même. Comment? Cordl psaimistc, remplie des célestes aliments, crucial ver­ ejus infundens sincerissimam veritatem, ct ipsum mo­ bum, ct que David, veluti calamus Spiritus Sancti, vens ad ea eloquendum in exaltatione oris et operis, écrit rapidement ct sans cflort cc qu’il dit. In ps. quæ interius inspirabat,.. Aperte ei loquebatur Spiritus XLir, col. 437,438. et sine nubilo figurarum. Dans le prologue dc son com­ mentaire sur l’Évangilc de saint Jean, il distinguo les Au milieu dc scs erreurs sur le canon des Écritures, voir Ici col. 272, Hugues de Saint-Victor introduit visions corporelles ou sensibles, les visions dans l’ima­ une distinction féconde que saint Thomas d’Aquin gination et les simples visions intellectuelles ct il adoptera sous une autre forme. Il appelle prophètes «de déclare que l’apôtre bien-aimé a joui dc toutes cc$ grâce » ceux à qui 1 )leu per internam mspiruitonem dabat sortes de vision. Le Saint-Esprit mouvait David, qui notitiam rerum, quam nec natura nec disciplina habere était mû. In psalmos, præf. David est donc le plus poterat, sed sola gratia, sicut David et Daniel et Job. grand des prophètes quant au mode dc son Inspira­ Leurs livres, bien qu’ils contiennent des prophéties, tion : Audiebat enim quid loquebatur in co Dominus sont cependant ranges parmi les hagiographes. 11 les Deus; aliis autem loquebatur per visiones ct angelos distingue ainsi des propages · dc mission ct d’élec­ et ænigmata. In I V Sent., 1. I, dist. 11, a. 23. David a tion », qui étaient les prophètes proprement dits. De deerit le mode propre de son inspiration dans le Scripturis et scriptoribus, c.xti, P. L., t. ci.xxv,col. 19 ; ps. xliv : la parole qu’il chante ne vient pas dc lui, De sacramentis, I. J, prol., c. vu, t. clxxvi, col. 43. mais dc Dieu; il est mû lui-même par le Saint-Esprit, L’inspiration des hagiographes diffère donc de la et il ne rencontre point d’obstacle. Bien plus, sa langue révélation, faite aux prophètes de mission ct d’office. est le calame du scribe, calame qui ne fait rien dc luiA ccttc époque, les commentateurs des Livres saints même, car elle est mue par le Saint-Esprit. Ccttc demeurent fideles à la doctrine de la revelation ct de façon d’ecrire est l’illumination du cœur, qui fait com­ la dictée. Voir Rupert de Deutz, Jn Abdium, P. L., prendre cc qui est dit. Cette illumination est subite, t. cxlvhi, col. 377-379; Hervé de Bvurguicu, In ct la prophétie n’impose pas d’effort au psaimistc ni Isatam, 1. I, P. L., t. clxxx; col. 18; Richard de dc pensée personnelle; c’cst une irradiation divine. Saint-Victor, In Apoc., L 1, c. i, P. L., t. exevi, col. In ps. XLtr. Pas plus que scs devanciers, saint Thomas d’Aquin 686-688. 2· Les théologiens scolastiques. — Alexandre dc n’a traité ex professo de l’inspiration dc l’Écriturc. Il Halés prouve que l’Écriturc vient de Dieu, comme les en a parié en passant, à l’occasion d’autres questions autres sciences, mais non de la même manière, car théologiques, il a notamment résumé, à plusieurs re­ elle contient le vrai ct le bien, qui proviennent du prises, les données traditionnelles sur le rôle respectif Saint-Esprit. Sum. theol., I·, q. i, m. n. De plus, quant dc Dieu ct dc l’homme dans la rédaction des Livres à la manière dc connaître le vrai ct le bien, elle est plus saints par cette formule lapidaire, que l’on trouve certaine que les autres sciences, puisque son contenu fréquemment citée : Deus est a udor principalis Scrip­ est connu par Inspiration, par le témoignage de turae, homo autem instrumentum. Mais il n’en a déduit l’Esprit cl par goût. Ibid., m. iv, a. 2. Or, la manière aucune théorie sur la nature dc l’inspiration scrip­ d’enseigner du Saint-Esprit a été multiple et diffé­ turaire. 11 a longuement étudié la prophetic en paroles ct en actes synwoliques, et il a exposé son essence, scs rente, a. 3. Guillaume d’Auvergne attribue À la révélation causes, la manière dont sc produit la connaissance divine les connaissances prophétiques. De anima, prop.iétique ct les diverses sortes de prophet les. Sum. part. VIL Cette révélation s’est faite par des irradia­ tneol., Il· H®, q. clxxi-clxxiv. Tout renseignement tions de l’Esprit. Dc universo, part. 1, c. xlvi. Ccs traditionnel y est condensé, expliqué, précisé ct déveirradiations se sont produites durant l’extase; clics , loppé à la manière propre au docteur angélique. Il y est question des diverses sortes de visions : imagi­ ont été faites dans l’esprit des prophètes et leur ont rendu présentes les choses sublimes, cachées st spiri­ natives, intellectuelles ct spirituelles, ct dc l’extase, que saint Thomas attribue aux prophètes dc 1*Ancien tuelles. La clarté prophétique est une vision bien plus sublime ct plus noble que les connaissances et les Testament. Or, au sujet du mode dc connaissance sciences philosophiques. C’cst une irradiation dc la prophétique, saint Thomas aborde cc que nous appe­ lumière divine, ou une illumination, ou même une lons aujourd’hui la psychologie du prophète. révélation des choses cachées ct secrètes, qui ne peu­ Comme son maître Albert le Grand, il distingue vent être connues ni par l’intelligence ni par les sens l’inspiration, dc la révélation. Voulant prouver que de l’homme. De anima, part. XXXI. Guillaume définit la prophétie consiste premièrement ct principalement ensuite l’extase qui exalte la puissance dc connaître, dans la connaissance, il sc pose cette objection : Sicut part. CXX H, et il la distingue du ravlsscment,[part. revelatio pertinet ad intellectum, ita inspiratio videtur pertinere ad affectum, eo quod importet motionem quam­ XXXIV, Albert le Grand distingue la science théologique de dam. Sed prophetia dicitur esse inspiratio vel revelatio, toutes les autres sciences humaines. Celles-ci sont des secundum Cassiodorum (in Prolog.super PsalL,cap.I ). sciences acquises, la science divine vient dc la révé­ Ergo videtur quod prophetia non magis pertineat ad lation. Elle ne provient donc pas de Dieu dc la même intellectum quam ad affectum. 11 y répond : In pro­ phetia requiritur quod intentio mentis elevetur ad permanière que les autres, puisque Dieu l’a révélée, ct il l’a révélée, non pas comme la philosophie, qui a été cipenda divina... H.'C autem elevatio intenuonis fit Spi­ révélée par lu lumière générale de la raison, mais par ritu Sancto movenft.... Postquam autem intentio mentis la lumière surnaturelle, puisque l’Écriturc a été Ins­ elevata est ad superna, percipit divina... Sic igitur pirée par le Saint-Esprit, par le moyen d’une lumière ad prophetiam requiritur inspiratio quantum ad mentis elevationem, revelatio autem quantum ad ipsam per­ surnaturelle, qui découle dc cet Esprit, comme du premier principe. Sum. theol., Is, tr. 1, q. iv. Cf. In ceptionem divinorum, in quo perficitur prophetia, et IV Sent., 1. I, dist. 11, a. 5. Tout cc que contient l’Écri­ I per ipsam rcmovcbir obscuritatis et ignorantia: vela­ men . Sum theol , ID-11% q. clxxi, a. 1, ad ture n’a pas été révélé au sens propre du mot, ainsi C’cst ai i qu*e t introduite la motion ou le mouvement Thlstoire, les paraboles.la morale ct toutcc qu’on peut 2121 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE du Saint-Esprit dans la notion dc l’inspiration : elle n’est qu’une impulsion Λ écouter la parole dc l’Es­ prit, justi lice par la parole dite Λ Ézéchlel, il, 1, une élévation dc l'intelligence, qui n’est pas encore mise en activité, mais qui sera élevée, forti fiée, agran­ die. De la sorte, son attention étant éveillée, elle com­ prendra mieux les vérités divines qui lui seront propo­ sées, mais elle ne le pourra sans une certaine lumière. Sous cc rapport, bien que l’inspirât ion diilèrc dc la révélation, elle rentre cependant dans le genre dc la révélation. Elle est une touche de Dieu. Or, lorsque Dieu agit sur une créature raisonnable, Il s’adresse à son intelligence, ct toute action dc Dieu sur l’intelli­ gence donne à celle-ci des clartés. Aucune révélation proprement dite ne s’en suit peut-être; l’objet qui sc présente à l’intelligence lui est au moins plus clai­ rement manifesté, et cela appartient encore au genre delà révélation. Saint Thomas établit la distinction entre révélation et inspiration, même dans le prophète. Sc demandant si le prophète discerne toujours cc qu’il dit par son esprit proprcctcc qu’il dit par l’esprit dc prophétie, il répond que l’intelligence du prophète peut être instruite par Dieu dc deux façons; ou par une révé­ lation expresse, ou par un certain instinct très occulte, que les intelligences humaines subissent sans le savoir, selon Je mot dc saint Augustin. Dans le cas dc la révé­ lation expresse, l’homme ne peut douter ni que c’cst Dieu qui lui parie ni que ce qu’il dit est vrai. Mais dans le cas de 1’instinctus, ou dc l’inclination secrète venue du dehors, l’homme reçoit de Dieu une con­ naissance vraie, sans qu’il sache qu’elle lui vient dc Dieu, ct sans que l’objet connu ait reçu une sorte d’évidence ou de crédibilité divine. Cela sc produit dans le cas dc la simple inspiration. Sum. theol., 11* II·, q. clxxi, a. 5. Dans l’acte même dc la connaissance, Il y a une diiïérencc entre la révélation ct l’inspiration. La con­ naissance dans l’intelligence humaine comporte deux choses : Vacceptio seu repræsentatio rcrum ct le judi­ cium dc rebus représentât is. Dans la prophétie, le judicium dc acceptis est le principal, quia judicium est completivum cognitionis. En effet, l’homme qui a reçu la révélation, soit par l’imprcssioud’cspèccs fournies par des formes extérieures ct sensibles, soit par des espèces Intelligibles, imprimées parfois directement par Dieu, n’est prophète que si son Intelligence est éclairée pour juger dc la vérité des choses représentées. Or, pour porter cc jugement, l’intelligence du pro­ phète agit sous l’influence dc la lumière divine. Il en résulte donc que la révélation prophétique sc fait parfois par celte seule Influence, tandis que d’autres fois elle a lieu per spectes dc nova impressas vel aliter ordinatas. Sum. theol., 11*-II”, q. clxxiii, n. 2; De ventate, q. xn, a. 7; Dc potentia, q. iv, a. 2, ad 27^m; Contra gentes, 1. II, c. ciav. Or, à ce point de vue, les prophètes proprement dits sc distinguent des simples hagiographes,ct saint Thomas explique la manière dif­ férente, dont les uns ct les autres reçoivent la lumière surnaturelle. Quandoque igitur in prophetis non est aliqua super­ naturalis acceptio, sed judicium tantum supernaturalc, ct sic solus intellectus illustratur sine aliqua imaginaria visione. Et (alis /orte fuit inspiratus Salomon, in quan­ tum de moribus hominum ct naturis rerum, quæ natu4 raliter accepimus, divino instinctu ceteris certius'indi­ cavit. Specialiter prophetic nuncupantur, qui secundum imaginarias visiones prophetiam habuerunt..., Ilagiographi autem dicuntur, qui supernalurulilcr solum visiones intellectuales habuerunt,sive quantum ad judi­ cium tantum, sive quantum ad judicium et acceptionem simul. De veritate, q. xn, a. 12, ad 1UUI«. C’est sous une autre forme, la distinction que Hugues dc Saint-Victor 2122 avait faite entre les prophètes « de mission · et les prophètes « de grâce ». Dans la Somme théologique, saint Thomas emprunte h saint Jérôme, In IV Reg., prol., la distinction entre prophètes ct hagiographes· Les prophètes, Isaïe, Jérémie ct les autres, ont eu des visions dans leur ima­ gination ct leur intelligence; les hagiographes, sicut ex inspiratione Spiritus Sancti scribentes (sicut Job, David, Salomon et hujusmodi), n’ont eu que des visions intellectuelles. Les premiers sont donc plus proprement des prophètes que les second*. Pour résoudre ccttc objection (la 3· de la q. clxxiv, a. 2, de la II*-H·), le saint docteur explique la distinction entre les prophètes ct les hagiographes. Les premiers reçoivent parfois la connaissance d’une vérité surna­ turelle par une vision, produite dans leur imagination ou dans leur intelligence. Parfois, la lumière intellec­ tuelle est donnée à l’un d’eux, non pour connaître des vérités surnaturelles, mais pour juger de vérités rationellcs selon la certitude dc la vérité divine. Les prophètes d’ofllce ont eu des visions qui leur faisaient connaître des vérités surnaturelles. Unde ex persona Domini loquebantur, dicentes ad populum : Hæc dicit Dominus, quod non jaciebant illi qui hagiographa conscripserunt; quorum plures loquebantur frequentius dc his quæ humana ratione cognosci possunt, non quasi ex persona Dei, sed ex persona propria, cum adjutorio tamen luminis divini. Sum. theol., 11* II·, q. clxxiv, a. 2, ad 3«®. En d’autres termes, V acceptio rerum, ou la révéla­ tion, qui n’a pas toujours lieu, même pour les pro­ phètes d’ofllce ou prophètes proprement dits, qui ne se rencontre pas d’ordinaire chez les hagiographes, n’est pas de l’essence dc l’inspiration. Pour être Ins­ pirés, il suflit aux prophètes eux-mêmes d’avoir reçu dans leur intelligence la lumière divine pour juger dc la vérité divine des choses qu’ils avaient vues, ct aux simples hagiographes d’écrire des vérités rationnelles à l’aide dc la lumière divine, de telle sorte que leu· Intelligence soit éclairée par Dieu pour les écrire* Cependant l’inspiration rentre dans le genre de la prophétie, mais elle est seulement quiddam imper­ fectum in genere jirophetiæ. Sum. theol.. Ht 11·, q. clxxi, a. 5. Cf. Holzhcy, op. cit., p. 89-93; J. La­ grange, Inspiration des Livres saints, dans la Revue biblique, 1896, p. 206-210; cf. ibid.. p. 499-505; C. Chauvin, L’inspiration des divines Écritures, Paris, s. d. (1896), p. 25-39. M. Chauvin a justement inter­ prété saint Thomas; mais le P. Lagrange et l’inter­ prétation « thomiste » moderne s’éloignent de l’ange de l’école, quand ils excluent la révélation de la no­ tion d’inspiration ou bien n’en font qu’un antécé­ dent de celle-ci. D’après le dçctcur angélique, en effet, Vacceptio rerum, qui est le propre de la pro­ phétie strictement dite, peut être accordée même aux hagiographes, puisque des visions intellectuelles leur sont données quantum ad judicium et acceptionem simul. Pour Duns Scot, les prophètes qui avaient connu par révélation divine les choses qu’ils annonçaient, ne pouvaient douter dc leur certitude ni ne pas leur donner leur assentiment. Leur certitude toutefois n’avait pas l’évidence de la chose, qui serait en con­ tradiction avec la foi. Elle était néanmoins ferme autant que la certitude dc la science, produite par les principes connus ou l’évidence des termes, quoiqu’elle provint d’ailleurs. In /V Sent., 1. HI, dist. XXIV, n. 17. Henri dc Gand distingue, dans les œuvres d’art, l’artiste, qui dirige l’œuvre, et l’ouvrier, qui applique les règles tracées par l’artiste. Celui-ci assurément est l’auteur du chef-d’œuvre. 11 en est dc même dans toutes les sciences : le créateur dc chacune d’elles en 2123 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE est fauteur principal, ct non celui qui la décrit. Or Dieu seul connaît parlui-mème la science surnaturelle et aucune créature ne peut y atteindre par clic-même, mais seulement par l’inspiration divine. C’est donc par les raisons que Dieu leur avait inspirées que les prophètes ct les apôtres ont écrit ct ont pu écrire la science surnaturelle. Comme ils ont parfaitement compris la sagesse qu’ils avaient contemplée, ils ne sont pas seulement des organes ou des canaux, par où les paroles de cette science ont passé, ils doivent plutôt être dits les auteurs, quoique secondaires,des écrits où ils ontfa't passcrle trésor d’art qui leur avait été Infusé. La vérité de celte science acquise par l’inspiration de l’autorité, divine ne dépend pas seu­ lement dc cc que ceux qui l’ont écrite par inspiration ont compris la pensée qu’ils écrivaient; clic dépend aussi dc la qualité ct dc la forme dc leurs paroles, puisque la prophétie n’est pasécrilccn des termeset un modedeloculionautrcsqueceuxdontusentleshonnnes en parlantctautrcsqueccuxcn quoi les ouvragesséculicrs sont composés.. Et véritablement laparolcdesprophètes était ou bien celle qu’ils avaient entendue ou bien celle que le Saint-Esprit; qui parlait en eux, voulait leur faire exprimer. Dc même qu’ils ne pou­ vaient toujours avoir l’Espritni prophétiser l’avenir, les prophètes ne pouvaient pas enseigner cc qu’ils voulaient,mais ils enseignaient ce qu’ils avaient appris du Saint-Esprit, en sorte que, en cela, l’homme peut être dit l’auteur secondaire ct ministériel. De cc que Dieu est l’auteur principal dc l’Écriturc, celle-ci peut être dite de la Trinité entière ou de chacune des trois personnes, mais par appropriation, à des titres diffé­ rents. Summa, a. 9, q. n. Selon saint Bonaventure, l’Écriturc sainte a la plus haute autorité, parce que non per humanam investi­ gationem est tradita, sed per revelationem divinam. Le Saint-Esprit est son auteur très parfait. Breviloquium, procem., § 6. Or il a illuminé diversement les prophètes et ceux qui ont écrit l’Écriturc, en faisant des révé­ lations à leurs cœurs. Ibid., § 5. La sainte Écriture ne procède pas par raisonnements, définitions ct divisions, comme les autres sciences, mais, comme elle procède dc la lumière surnaturelle, clic enseigne des vérités supérieures aux choses dc cc monde. Le pro­ phète n’accepte pas ce qu’il prédit, propter se, sed propter veritatem ipsum illuminantem ct erudientem. Prophetia non requirit rationem molivi in prophetatis, sed totam rationem suic cognitionis sumit ab inspirante. In IV Sent., 1. H, dist. XXIV, a. l,q. n,ad5^n. Saint Bonaventure distinguait deux sortes dc prophéties: le soliloquium, qui sc produit, comme en David, sans aucune aide extérieure donnée aux prophètes, mais par l’instinct de l’Esprit Saint seul, ct le signiloquium, qui se fait par un signe : paroles, actes, songes ou visions. In Psalterium, præf. Les écrivains sacrés n’étaient pas hors d’eux-mèmes, comme l’ont prétendu quelques hérétiques anciens. L’Esprit Saint ne rend pas déments ceux qu’il inspire ; ceux-ci ont donc parfaitement compris cc qu’ils ont écrit, quoique, comme l’a dit saint Augustin, tous ne l’ont pas compris au degré suprême que Moïse a atteint. Ibid., a. 13, q. ix. Comme la vérité de l’Écriturc dépend dc sa divine inspiration, on a donc bien dit, au Jugement dc Gilles dc Home, que Dieu, créateur de toutes choses, est la cause efficiente principale dc toute l’Écriturc inspirée. In I V Sent., 1. I, prol. Les docteurs du xiv· siècle n’ont pas sur l’inspira­ tion une doctrine différente dc ceux du xm·. Nicolas de Lyre, qui fut un exégète, voit l’excellence dc l'Écri­ ture en ce qu'elle n’est pas l’œuvre dc l’investigation humaine. Les prophètes ct les apôtres qui nous l’ont transmise, l’ont reçue par révélation divine. Le Saint- 2124 Esprit, qui l’a révélée, nous n fait connaître toutes les vérités nécessaires au salut. Les prophètes n’ont pas vu l’essence dc Dieu, ils ont lu seulement dans le livre dc la prescience divine. Us voyaient la vérité, qui dérivait dc Dieu en eux par révélation, par des espèces divinement imprimées dans leurs intelligences ct par la lumière prophétique. Postillæ. Proh 1, De comnundatione sacræ Scripturæ in generali. Non seulement David est prophète, il est encore le plus grand des prophètes. Nicolas de Lyre part delà, pour exposer quelle est la cause efficiente du psautier et la nature de la prophétie. Quant à la cause effi­ ciente, il en distingue une principale et l’autre instru­ mentale. Principalis est ipse Deus revelans mysteria in hoc libro descripta. Instrumentons autem est ipse David (l’auteur dc la plupart des psaumes), cui,secun­ dum Augustinum, omnia contenta it* hoc libro fuerunt revelata ct ab eo descripta. David fut prophète. Ad ac­ tum enim prophetandi concurrit Deus mentem pro­ phetic tangens seu elevans ad supernaluralem cogni­ tionem, et mens prophetic hoc modo tacta seu illuminata; oportet enim quod simul sint movens actu ct res mota. Afin de prouver que David est le plus grand des pro­ phètes, Nicolas dc Lyre traite dc la révélation pro­ phétique, des degrés dc la prophétie ct des manières différentes dont l’Esprit Saint touche l’intelligence des prophètes. La prophétie, connaissance des choses cachées, quel que soit son objet, naturellement con­ naissable ou non, sc fait par l’inspiration du SaintEsprit. Mais la connaissance intellective est néces­ saire pour constituer la prophétie proprement dite. A son défaut, il ne peut y avoir prophétie qu’au sens large du mot ; ce qui sc produit de trois façons : quand une vision, une parole ou une action symbolique n’ont lieu que par l’instinct du Saint-Esprit. Les degrés de la véritable prophétie ne s’établissent donc que par les degrés de l’intelligence de la chose prophétisée. Le premier a lieu quand à une vision sc joint l’intelli­ gence dc son objet. Le second consiste dans l’audition d’une parole, car les mots sont des signes dc la vérité plus importants que les figures vues en vision. Le troisième degré comporte l’apparition dc la personne qui parle, et cette personne peut être un saint, un ange ou une figure représentant Dieu lui-même. Enfin ces apparitions peuvent avoir lieu durant le sommeil ou à l’état de veille. Or ccs dernières visions à l’état de veille sont plus excellentes, parce qu’une llluinlnationdc l'intclligcnccplusgrande que durant le sommcilestnéccssairc pour écarter les distractions qu’ap­ porterait la vue des choses sensibles. C’est pourquoi le ravissement est alors nécessaire. Mais le quatrième degré, supérieur aux précédents, est celui dc la pro­ phétie faite par révélation divine, ct c’est celui auquel David a été élevé. Son intelligence a été divinement illuminée dc façon à saisir les vérités Intelligibles sans aucun signe possible. Quant au tact du Saint-Esprit sur l’intelligence du prophète; il porte sur le passé, le présent ou l’avenir, distincts les uns des autres, ou sur le présent ct l’avenir simultanément, ou sur le présent, le passé ct l'avenir en même temps. L’Esprit Saint, en effet, agit sur les intelligences humaines comme il veut, et par conséquent des diverses manières signalées précédemment, et d’autres manières encore. Toutefois, les contacts les plus parfaits sont ceux qui font connaître d< > vérités plus éloignées des choses sensibles. Cela étant, le prophète David n’a pas surpassé les prophètes du Nouveau Testament, c’est-à-dire les apôtres, qui ont reçu, sur les secrets divins, des lumières supérb . r< i aux siennes et la grâce du Sainti Esprit dans une plénitude plus grande. Il n’est pas non plu l< plv .uni prophète dc l’Ancien Testament, I puisque, d’npx * s ünt Thomas, Moïse est le premier 2125 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE lui qui, en ccttc vie, n vu l’essence divine. Mais, si les degrés de la prophétie dépendent dc la clarté reçue, David, sous ce rapport, a été supérieur même à Moise, puisqu’il a annoncé plus clairement un plus grand nombre dc mystères du Christ· Du reste, la vision dc Dieu, qui exclut l’acte de prophétiser, n’est pas une prophétie, ct ainsi Moïse n’est pas supérieur A David, car il a reçu le rayon dc la lumière divine sans signes sensibles, tandis que Moïse ne l’a pas reçu aussi sou­ vent ni si communément. Super Psalterium, præf. Le Saint-Esprit a été aussi l'agent principal du ps. xuv, lui qui remplissait dc sa plénitude le cœur du prophète qui chanta ce cantique. 11 était cc scribe rapide, qui, pour enseigner, n’a besoin d'aucun Inter­ valle dc temps. Jn ps, X//F. Les livres sapientiaux ont eu aussi une double cause efficiente : l'une, prin­ cipale, qui est Dieu révélant la sagesse contenue dans ces livres, l’autre, instrumentale, Salomon lui-méme, qui eut cette sagesse divinement infuse ct l'écrivit, sous la dictée du Saint-Esprit, dans les Proverbes, i'Ecclésiastc ct le Cantique. Super libros Salomonis, præf. Nicolas dc Lyre Insinue seulement l’inspiration des évangélistes, quand il dit que saint Matthieu fut le premier, qui fut donné par Dieu pour écrire l'Évangile en vue de l’instruction dc tous les fidèles. Expositio in prologum Al atthat evangelistic. 11 affirme celle dc saint Paul en ces termes : Licet Paulus fuit scriptor hujus doctrina*..., hoc tamen fuit ministerial iter; Chris­ tus autem principaliter. Lc Christ la lui révélait ct la lui dictait; Paul aurait donc A dire du Christ cc que Baruch disait dc Jérémie : Ex ore suo loquebatur ad me quasi legens in libro, distincte ct aperte mihi revelando, et ego scribebam secundum ejus revelationem in volu­ mine atramento. Jn Epist. beati Pauli, proœm.L’Apo­ calypse est un livre prophétique comme ceux de l’Ancien Testament. Jn Apoc., præf. Selon l’enseignement dc Durand dc Saint-Pourçain, Dieu nous a révélé sur lui-même, dans la sainte Écri­ ture, beaucoup dc choses que nous n'aurions pas pu connaître par la raison, ct aussi d'autres vérités qui nous portent à faire notre salut. La première excel­ lence dc l’Écriturc, qui lui fait suqiasscr toutes les autres sciences, en hauteur, en dignité ct en autorité, vient dc son origine, puisqu’elle a été inspirée immé­ diatement par Dieu; elle est une vraie émanation de la clarté dc Dieu. JnJV Sent., præf. Gilles dc Rome déclare que, quoique toute vérité vienne dc Dieu, specialiter tamen veritas tradita in Scriptura sacra dicitur esse a Deo sive a Spiritu Sancio, quia hujus veritatem non possumus investigare per naturalem causam, sed oportet ut habeamus eam per divinam inspirationem ... Jdeo bene dictum est, quod totius Scripturæ sacræ, quœ dlvinæ inspirationi inni­ titur, Deus creator omnium est causa efficiens princi­ palis. Jn J V nt. J. 1, prot Richard Fitzralph, archevêque d’Armagh, dit que dans tout écrit, il faut rechercher le sens dc l’auteur. C'est pourquoi, dans l’Écriturc, il recherche le sens, quem Scripturæ conditor sive auctor, non dico scriptor, intellegit, quia /orte auctor ipse non scripsit, sed alius ab ipso instructus, qui /orte non omnia sic intellexit ut auctor sive editor, sicut habes, quod Baruch scripsit ex ore Jeremiæ omnes sermones Domini. Summa de quæsliombus Armenorum, 1. 1, 1. Les prophètes qui reproduisent les paroles dc Dieu, en disant : Dominus dixtl, ne sont pas les auteurs dc leurs prophéties; ils affirment seulement que Dieu a parlé. C’est Dieu qui en est l’auteur, puisque c'est lui qui affirme ct qui compose; le prophète n’est que son notaire pour écrire. J bid., I. 1,3. Toute l’Écriturc prophétique, affir­ mée par un prophète, est aussi Inspirée par le SaintEsprit ct affirmée par lui. Lc sens littéral ct histo­ 2126 rique de l'Écriture est donc celui dc l’auteur immé­ diat, mais c'est aussi le sens du prophète, qui ne fut que V assertor ou 1'editor dc l’Écriturc, ct c’est le même que celui qu’a eu le Saint-Esprit, l'auteur premier de la prophétie. Ibid., 1. I, 4. En passant à la solution des difficultés, qu'on peut soulever contre chacun des livres de l'Écriture, Richard répond à celui qui l’interroge : Tibi curandum non est quis homo libri cujusquam auctor fuerit, dum tamen constet Deum istius libri esse auctorem, quo­ niam sic libri auctoritas quam scire satagis claret. Par suite, il prouve l’inspiration de l’Ancien Testament par le Nouveau et par la fol des juifs, ibid., 1. XVIll, 1-6, et celle du Nouveau par la doctrine de l’Église, 8. Les variantes ct les fautes des versions de l’Ecriture n'empêchent pas dc croire à l'infaillibilité et à la vérité de l'Ecriture primitive, en vertu dc la foi qua creditur Spiritum Sanctum locutum fuissl· per prophetas et per Cluistl apostolos atque discipulos, qui etiam erant pro­ phetic. Ibid., 1. XIX, 19. Richard d*Armagh confond donc encore l’inspiration avec la révélation. 3· Théologiens et exégètes du XF· siècle.— Dans son Epistola ad novos JJebræos, voulant déterminer quel est le sens littéral de l’Écriture, Pierre d’Ailly, encore simple bachelier, dit que c'est celui que l’auteur avait dans l'cspriL Mais, avec Richard d’Armagh, il distingue d’abord 1’autcur ou conditor du scriptor, en citant l'exemple de Baruch; puis il signale trois slgnl fi cations du mot auctor, suivant la manière commune dc parler. L’auteur d’un écrit est ou bien son editor seu compilator, ou bien son assertor, ou bien 1’editor ct V assertor à la fois. Mais la seconde signification, quoique usitée, est très impropre, car il en résulterait que Moïse, les évangélistes ct tous les compilateurs des Livres saints, en assurant seulement que les paroles qu'ils rapportent ont été dites, diraient des mensonges, comme si Moïse était l’auteur responsable de la parole du serpent à Èvc : Neque moriemini. Moïse n’est que 1’assertor que celte parole a été prononcée. De même, Isaïe, Jérémie, Osée ct tous les prophètes, qui rap­ portent les paroles dc Dieu, n’en sont pas les auteurs ni les assertores de leurs prophéties; ils assurent seu­ lement que Dieu a prononcé ccs paroles. Talis autem Scripturæ Deus auctor est qui illam asserit et composuit, et propheta non est nisi notarius Del In scribendo. Les prophètes ne sont donc pas responsables des men­ songes ct des erreurs qu'ils rapportent avoir été dits. Toutefois un fidèle doit savoir que toute parole dite par le prophète, en tant que notaire dc Dieu, est vraie. Epistola ad novos Jlebræos, c. n, dans L. Salembier, Une page inédite de Γ histoire de la Vulgate, Amiens, 1890, p. 19-22. Pierre d’Ailly tient l’autorité dc l'Évangile ou dc l’Écriture sainte, bien que celle-ci ait été écrite et promulguée par des hommes, non comme humaine, mais comme divine, parce qu'elle a été inspirée par Dieu. 11 en dit autant de celle dc l’Églisc chrétienne qui est divine et non humaine. Toutefois il place celle dc l’Écriturc au-dessus dc celle de l’Églisc, ct bien que toutes les Écritures canoniques aient été révélées par la même autorité infaillible, c’est-à-dire par Dieu, Il établit entre elles une différence d’autorité. En cfiet, quoique l’Ancien et le Nouveau Testament soient principaliter du même auteur. Dieu, le Nouveau a cependant chez les catholiques plus d'autorité que l’Ancien, parce que, tout en tenant les deux Testa­ ments d'une fol ferme, l'autorité dc l’Ancien est tenue par les catholiques principalement A cause dc l'auto­ rité du Nouveau. En outre, entre les Écritures de. deux Testaments, les unes ont une plus grande auto­ rité que les autres. J bid., c. ni, p. 31-34. Traitant ensuite de la canonicité des Livres saints, d’Ailly déclare qu’on ne peut recevoir comme cano- 2127 INSPIRATION D E L’ÉCRI Γ U R E niques que les Écritures reçues, approuvées et con­ servées parl'Église catholique, à savoir, tous les livres des deux Testaments. Mais, en raison d’une décrétale du pape Gélase, il se demande si les quatre grands conciles approuvés par l'Église et les opuscules des saints, que l'Église reçoit comme authentiques et approuve, ne doivent pas être joints à l’Écriture. Il répond parccttc distinction :rÉgliscreçoitct approuve les Écritures comme authentiques et comme divines et révélées par l'inspiration divine, tandis qu’elle n'accepte les autres Écritures que comme des œuvres d’invention humaine;elle accorde plus d'autorité aux premières qu'aux secondes. Ibid., c. iv, p. 41-43. Dans cet écrit de jeunesse, Pierre d'Ailly confondait donc encore l'inspiration de l’Écriture avec la révélation directe faite par Dieu. Comme son maître, Pierre d’Ailly, Gerson déclare que le sens littéral de l’Écriture est le sens qu’a affirmé son auteur, le Saint-Esprit. Scriptura sacra in sût pri- 1 maria expositione habuit homines eruditos non solum humana ratiocinatione vel studio, sed divina revela­ tione vel inspiratione Spiritus Sancti. Gerson Je prouve par les textes déjà cités du Nouveau Testament. Contra hxresim de communione laicorum sub utraque specie. Traitant des vérités qu’il faut croire de néces- j sité de moyen, il les trouve dans l’Écriture. Constat j autem quod canon Bibliie lex est Dei per revelationem habita, cujus assertiones litterales innituntur huic unico litterali principio : omne revelatum a Deo est verum, et quod Scriptura sacra divinitus est a Deo revelata, sic quod In omni sua parte est verbum Dei, quod transire non potest. Seul, le sens littéral de l’Écriture peut fournir un argument : Est enim sensus litteralis vere et proprie dictus ille, quem Spiritus Sanctus princi­ paliter intendebat. Declaratio veritatum, quæ credendie sunt de necessitate salutis. La sixième règle, fixée par Gerson pour déterminer le sens littéral de l’Écriture, prend pour point de départ la révélation qui en fut faite par le Christ et les apôtres. De sensu tilterall sacræ Scriptures. L’inspiration est donc, pour lui encore, une révélation divine. Un juif converti, Paul, devenu évêque de Burgos, déclare aussi qu’il faut interpréter l’Écriture dans le sens littéral, c'est-à-dire dans le sens voulu par son auteur qui est Dieu. Le sens littéral de n'importe quel écrit est le sens que l’auteur a voulu exprimer. Additio uper prol. 1 et II Lyrani. Ailleurs, 11 expose deux pré­ éminences des apôtres sur les prophètes de l’Ancien Testament. La première est que les prophètes u’ont eu le don de prophétie qu’en acte, et non en habitude. Pour chacune de leurs prophéties leurs Intelligences avalent besoin d’une nouvelle révélation. Ils n’avaient donc pas Vhabitus de la prophétie, car il est de la nature de Vhabitus d’en pouvoir user quand on veut. Il semble, au contraire, que le don de prophétie fut conféré aux apôtres habitualiter. En effet, ils n’avaient pas besoin, en chaque cas particulier, d'une nouvelle effusion du Saint-Esprit, parce que dans l'abondante effusion, du jour de la Pentecôte, ils avalent été Ins­ truits d'un seul coup de tout ce qui concernait la doc­ trine surnaturelle. Ils avaient comme une illumination habituelle per modum formée permanentis, dont ils usaient quand ils voulaient» La seconde prééminence de la prophétie des apôtres sur celle des prophètes de l’Ancien Testament est que le don prophétique de ces derniers ne fut qu’une grâce gratis data, tandis que le don prophétique des apôtres fut une grâce gratum laciens, ou une grâce qui dérivait toujours de la grâce sanctifiante. On pense, en effet, communément, qu’après avoir été confirmés en grâce, les apôtres ont conservé tous les dons charismatiques, donc le don de prophétie. Additio 2* in prologum Lyrani super Psal­ terium 2128 Ludolphe le Chartreux pensait aussi que les apôtres étaient inspirés dans toutes leurs paroles, qui ne pro­ cédaient pas de leur génie seulement, mais de la grâce du Saint-Esprit, car l’Esprit du Père parlait en eux, et, de même que des instruments de musique rendent les mélodies que veut celui qui les touche, ainsi le bien que le prédicateur de l’Évangilc énonçait, était selon la volonté du Père qui l’inspirait. De la sorte Dieu a, donné la dignité 1 proposition; c’est la désavouer 2141 INSPIRATION DE L'ÉCRITURE 2102 tacitement» en Jn changeant ouvertement. Or, il ne et Π fait servir ccttc différence elle-même aux vues s’agit pas de l'infaillible vérité, mais de l'autorité ct ct aux desseins de sa sagesse. L'auteur du II· livre des de la dignité de ΓÉcriture. Une parole humaine, même Macchabées ne s’excuse pas des erreurs, qu'il aurait non mélangée d'erreur ne deviendra Jamais parole de commises, mais seulement de son style, proportionné Dieu, Dieu ne l’ayant ni dite ni dictée; elle n'aura A sa faible capacité. En parlant du travail des évan­ jamais la même excellence que la parole divine. Cc gélistes, saint Ambroise parle de leurs efforts humains, n’est donc pas une simple question de mots. La com­ il ne nie pas la grâce particulière que Dieu leur a paraison avec les édits des rois ne prouve rien, car il accordée pour l’exécution de leur travail. Les auteurs ncs’agit pas d’un livre, approuvé par un roi, mais d'un des essais, dont parle saint Luc» n’ont pas abouti, livre composé par un roi tel que ceux de Salomon. faute de la rosée de la grâce. Les trois propositions de Lessius leur avaient paru Les conciles généraux pourraient avoir la même auto­ rité que les livres ainsi approuvés. En recevant les se rapprocher de près des erreurs des anoméens ct d’Érasme. Instruits par Bellarmin, qui a parlé clai­ quatre premiers comme les quatre Évangiles, saint rement des anoméens et qui a approuvé leur censure Grégoire ne leur a pas reconnu la mémo dignité ni la même excellence. La canoniclté d’un livre diflére de la 3· proposition, ils maintiennent le rapproche­ de son approbation. Les llvics historiques, mentionnés ment, bien que Lessius ne reconnaisse pas d’erreur dans les Paralipomèncs, ne sont pas au canon biblique, dans l’Ecriture ni lapsus de mémoire de la part du parce qu’ils n’étaient pas Inspirés. Prétendre qu’il ne Saint-Esprit, parce que les anoméens ont reproché A faut pas prendre la proposition dans un sens absolu, saint Paul un travail ct une application trop humains. niaiicomme une simple hypothèse, cc n’est pas donner En somme l’explication des docteurs de Louvain était une bonne réponse, car, dans l’hypothèse» les livres une sorte de rétractation. Annales de la Société approuvés n’ont pas la même autorité que les Livres des soi-disant jésudes, 1.1, p. 294-306. Lessius rédigea promptement une Réponse, qu i) saints. Le IIe livre des Macchabées étant un livre canonique, il faut supprimer la parenthèse; autre­ adressa au nonce apostolique, des le 17 octobre. Cette Réponse fut envoyée û Rome par le nonce avec la ment, on pourrait suspecter l’inspiration de tous les Justification. Or lessius y montrait, que l’état de la dcutérocaniqucs de l’Ancien Testament. Quant aux deux autres propositions, l’Apologie, cuiestion n’avait pas été bien posé par les docteurs de Louvain. Ils avaient réuni les trois propositions adressée à la faculté de Louvain, les disait certaines; en une pour que toutes soient rejetées avec celle qui l’Apologie adressée A la faculté de Douai, ne les Cbt la moins probable. On ne peut approuver cc pro­ présente que comme probables. Les écrivains sacrés n’ont pas eu besoin d’une inspiration et d’une révé­ cédé ct chacune d’elles doit être considérée à part. De plus· on lui fait dire cc qu’il ne dit pas. Aussi lation nouvelle pour leur rappeler en détail ce qu’ils avaient A écrire, puisqu’ils étaient suffisamment ins­ reprend-il en détail scs trois propositions, les prècisc-t11, avant de répondre aux nouveaux arguments des truits; tels, les apôtres Mathieu ct Jean, qui avaient vu ct entendu une partie des actions ct des paroles de lovanistes. Jésus, rapportées dans leurs Évangiles. Mais l’assis­ Prima ,^oposi(\a. Ut nliqoidslt Scriptura sacra, non est tance du Saint-Esprit ne s’est pas bornée à exciter necessarium e ingu fa cju> torba Inspimtn esse a Spiritu une fois pour toutes leur volonté à écrirc, ct à diriger Sancio, scilicet ea inspiratione qua Spiritus Sanctus singula veri» materialia in mente scriptoris formet. simplement leur intelligence pour qu’ilne leur échappât Secunda propositio. Non est ncccssarAun ut bingula rien de contraire à la vérité. Pour rendre présentes Λ veritates et senteniiæ quales sunt : Lucos est metum solus, leur esprit les choses qu’ils savaient, ils ont eu besoin Trophimiun reliqui infirmum, sint immediate n Spiritu d’une inspiration continuelle ct particulière qui les Sancto ipsi scriptori inspirata?, scilicet ea inspiratione quod rappelât à leur mémoire. Ils ont fait un choix des singularum sententiarum veritas novo modo cognoscat paroles ct des actes de Jésus^ct ils n’ont pas été, pour quando eas antea ratione naturali aut experientia certo cc choix, abandonnés à leurs lumières ct à leur façon cognoscebat» quamvis opus fuerit excitatione ct directione personnelle d’envisager les événements. Leur Inspi­ ct infallibili assistentia ad scribendum. Trrtia propositio. Si aliquod opus vel sententia humana, ration a été spéciale ct immédiate, même, apparem­ industria sine illa infallibili Spiritus SançJLi absistentia ment du moins, dans leur manière d’écrire. Il n’a pas scripta, n Spiritu Sancio postea approbetur tanquam vera suffi de leur inspirer la première volonté ct la première ct salutaris, efficietur Scriptum sacra.nempe quoad infalli­ intention d'écrire, il a fallu que l’Esprit Saint con­ bilem auctoritatem indcpcndenlmi n SVriptura sacra. Ubi notandum, opus iflud continere debere materiam Deo duisit l'écrivain qui, abandonné, A lui-même, eût pu s’écarter de la vérité. Un auteur profane pourrait, dignam,nec excluditur excitatio Spiritus Sancti ad illud scri­ avec Γassistance divine, éviter toute erreur; il ne bendum. sed solum infallibilis assistentia. Ilie tamen modus in nulla Scriptura parte reperitur, sed non implicat. serait pas inspiré au jugement de saint Paul. 11 faut Dans Schnecmann, op. c(f.,p. 374-375. donc rejeter la distinction que Lessius établit entre En abordant la discussion, Lessius observe que les deux genres d’inspiration. L’inspiration comprend ct lovanistes semblaient avoir admis les deux premières les choses écrites ct l’écrit lui-même. propositions» sur lesquelles II n’y avait plus lieu de Elle n’exclut pas le soin de sc préparer A écrire, pas discuter, puisque, le 16 juin 1588, ils avaient déclaré, plus que la prière ct le jeûne. Les écrivains sacrés devant le nonce, que toute la controverse roulait sur doivent méditer, réfléchir, étudier; mais le Saintla 3·. 11 leur plaît maintenant d’attaquer les deux pre­ Esprit doit leur donner l’ordre et la méthode de leurs mières. Pour refuter leurs arguments, Lessius dis­ écrits, Il le faisait même pour les prophètes nu moment tingue entre les choses que les écrivains sacrés con­ où ils écrivaient. Il guidait ceux-ci dans le choix ct naissaient au préalable par la raison naturelle, l’expé­ l’ordonnance de leurs révélations antérieures. Le rience ou quelque autre moyen, et celles qu’ils ne con­ Saint-Esprit ne choisiCpas un homme capable d’écrire, parce qu’il est capable; il Je rend capable. 11 lui pres­ naissaient pas. Or, pour écrire les premières, ils n’ont pas eu besoin d’une nouvelle révélation ni d’une crit l’ordre, la place do chaque partie du discours, le lumière surnaturelle. Quand le Saint-Esprit leur langage lui-même ct les paroles appropriées. Mais si faisait une révélation per internum locutionem, simu Dieu est. libéral dans scs dons, Il ne les prodigue pas sans nécessité. Π laisse aux prophètes leur talent etiam in mente eorum formabantur verba quibus ea natural, quand ils écrivent les révélations secrètes exprimerentur. quicquid enim concipimus sub certis qu’ils avaient reçues; témoin Isaïe ct Amos. Le Saint- verbis alicujus Imgiiic concipimus; ut autem ea seri' Esprit se proportionne A la condition des personnes berentur, opus esset infallibili assistentia Spiritus 2143 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE Sancti et continua directione, ut possent ea exprimere iicuii ipsis erant revelata; non tamen egebant una nova revelatione, quasi iterum deberet illis revelari quod jam ante revelatum erat, sicut objiciunt. C’cst cc qu’il avait voulu dire dans son Apologie. Quant aux choses que les écrivains sacrés connaissaient déjà, ils n’ont pas eu besoin d’une nouvelle révélation; leur con­ naissance antérieure leur suffisait avec l’assistance infaillible du Saint-Esprit, tandis qu’ils écrivaient, ct son excitation à écrire ct en même temps une direction pour qu’ils ne se trompent nulle part. Il n’était pas non plus besoin que le Saint-Esprit inspire chaque mot à leur esprit; mais comme ils avaient été excités à écrire cc qu’ils connaissaient, ccttc excitation les portait aussi à sc servir des mots par lesquels ils les concevaient par Industrie humaine, sous cette excita­ tion. Par suite, les mots n’étaient pas formés dans leur esprit dc ccttc manière nouvelle dont ils étaient formés dans l’esprit des prophètes, tandis que Dieu leur parlait intérieurement ct leur révélait des choses obscures. Dieu cependant les dirigeait en chaque chose, pour qu’ils n’écrivissent pas d’autres choses ou autre­ ment que cc qu’ils avaient vu, mais cela se faisait sans révélation ou nouveau mode dc connaissance. On voit aussi comment l’auteur du II· livre des .Macchabées a pu lui-même être dit le calame du Saint-Esprit ct comment il a pu ne l’être pas dit Toutes les autres objections dc V Anlapologie peuvent être résolues dc la même manière. Lessius fait observer toutefois que, dans les deux premières propositions, il n’a pas dit autre chose, sinon que, ad rationem Scripturæsacræ, il n’était pas nécessaire que tous les mots matériels fussent inspirés par le Saint-Esprit, ni que chacune des pensées fût inspirée, c’est-à-dire révélée dc façon que l’écrivain la connût d’une manière nouvelle. La notion d’Écriturc sainte n’inclut pas Intrinsèquement que tous les mots maté­ riels soient dictés par le Saint-Esprit. Ccttc dictée n’a été qu’un accident, pour l’ornement dc l’Écriture. D’ailleurs, si les exemplaires hébreux ct grecs avaient disparu, l’Église n’aurait plus l’Écriture sainte. Bien plus, l’Église latine ne la posséderait plus, de fait, car la version latine ne serait plus l’Écriture sainte. La conséquence serait absurde. L’essentiel de l’Écriture est dans la pensée, en quelque langue qu’elle soit expri­ mée cela lui confère l’autorité immédiate ct infaillible dc la vérité première. Lessius ne dit pas que quelques paroles ou quelques sentences n’aient pas été inspirées dc la sorte, quoiqu’il pense, pour les raisons données dans son Apologie, que cela ne soit pas nécessaire, surtout parce que l’auteur du IIe livre des Maccha­ bées, ct non pas le Saint-Esprit, s’excuse dc son style, sachant bien que la structure des mots dépendait de l’industrie humaine. Cano, Banez, Sixte dc Sienne ct Bellannin sont dc cct avis. La 3* proposition a été suffisamment expliquée dans Y Apologie. Dans la conjecture sur le II· livre des Macchabées, Lessius n’a pas exposé son sentiment, mais celui dc Sixte de Sienne qui croyait que l’auteur était un païen, dont le livre avait reçu des apôtres ct de l’Église son autorité divine. Pour lui, fauteur de cet écrit était un pieux fidèle, comme il convient que soit un hngiographe. Il y a donc lieu dc s’étonner que les docteurs dc Louvain pn tendent que, dans sa première Apologie, Lessius ait eu des doutes contre la canonicité de ce livre, puisqu’ils ne pouvaient ignorer que dans scs leçons publiques, il avait prouvé très abondamment l’autorité canonique des deux livres des Macchabées, non seulement pour l’instruction morale, comme le dit Cajélan, mais encore pour réta­ blissement des dogmes. Relativement à la proposition conditionnelle, Les­ sius a toujours pensé qu’aucun livre dc l’Écriture 2144 n’avait été ainsi approuvé après coup par le SaintEsprit; il a pensé seulement que Dieu aurait pu employer cc procédé. Il n’a pas voulu montrer uni­ quement que l’essence de l’Ecriture consistait en ce que la souveraine autorité dc la vérité première pou­ vait être appliquée à une pensée dc l’une dc ccs trois manières : ou par révélation surnaturelle, ou par excitation à écrire, ou par approbation subséquente. Les deux premiers modes sc rencontrent réellement dans les Écritures, le troisième n’implique pas con­ tradiction. Toutefois, il faudrait que la matière fût digne dc Dieu, qu’elle fût approuvée comme très vraie dans toutes scs parties ct qu’ainsi Dieu la tint pour sa parole, comme les princes tiennent pour leurs les lettres écrites par leurs secrétaires. Les lovanistes objectent à cette comparaison, que les princes n’indiquent à leurs secrétaires que le som­ maire dc la lettre ct que leurs lettres elles-mêmes n’ont que l’autorité royale ct non pas nécessairement la sagesse. Lessius répond à la première dc ccs objec­ tions que le sommaire du fond aurait pu être indiqué par révélation divine à l’auteur ct que même si le prince n’a pas indiqué le sommaire dc la lettre, sa souscription donne à celle-ci la même autorité. Quant à la seconde objection, il n’est pas dc l’essence de l’Écriture sainte que sa matière surpasse toujours la capacité de la raison humaine, car l’Écriture contient beaucoup de choses qui ont pu être connues par la raison. Donc, il ne faut pas tant considérer en elle la sagesse divine du contenu que l’autorité, qui est souveraine en toutes scs parties ct qui surpasse dans chacune d’elles toute autorité créée. Lessius répète enfin ce qu’il a écrit dans son Apo­ logie pour confirmer sa 3e proposition. Il approuve d’ailleurs le sentiment dc saint Augustin, que, dans les choses qui auraient été révélées par Dieu, mais qui auraient été consignées par écrit Λ l’aide de la seule diligence humaine, quelque légère erreur ou quelque lapsus de mémoire aurait pu être commis, ct qu’ainsi rédigéesccschoses n’auraient pas une autorité égale à celle dc l’Écriture. Toutefois, si plus tard Dieu les avait approuvées comme étant sa parole, il lui parait qu’elles auraient une autorité pareille à celle dc l’Écriture, quoiqu'il leur manquât une certaine dignité extérieure dc l’Écriture. Son opinion diffère dc celle des anoméens ct d’Aétius. Responsio ad Antapologiam, dans Schncemann, op. ciï.j p. 386-390. Lessius avait expliqué déjà sa pensée dans une lettre à Bcllarmin et dans d’autres pièces, conservées aux archives du Vatican, au dire du Père Klcutgcn, Lessii de inspiratione doctrina, dans Schncemann, op. cit., p. 472, 475-476. Sur l’histoire dc cette controverse, voir Histoire ecclesiastique pour servir de continuation d celle de M. l'abbé lleunj, 1. CLXVIII, n. 15-31, Paris, 1738, t. xxxvi, p. 148-178; sur les Apologies dc Lessius, R. Simon, Nouvelles recherches sur le texte ct les ver­ sions du N. T., part. 1, c. iv, Paris, 1695, p. 74-91; sur les éditions des écrits pour ct contre Lessius, C. Sommervogel, bibliothèque de la C1· de Jésus, t. iv, col. 1726-1729. Dès que le nonce pontifical dc Cologne eut interdit la discussion dc ces questions aux deux parties, la | controverse cessa. La doctrine de Lessius devint domi­ nante, au moins au sujet des deux premières proposi­ tions. Elle était ex xte. sinon dans les termes mêmes des assertions, du moins dans les explications que ' l’auteur donna dc sa pensée. Si l’on avait pris à la lettre les deux propositions, elles auraient signifié que toutes les pensées exprimées dans l’Écriture n’étalent pas Jn pir e; Lc dus entendait dire seulement qu’i n’avnicnl été toutes révélées immédlaI tement par D su. 11 reconnaissait la révélation immé- 2145 INSPIRAI ION DE L’ÉCRlTl HE dlate des pensées et même des mots dans toutes les prophéties. Voir Klcutgeri, dans Schncemann, op. cit., p. 177-178. Bellannin enseignait la même doctrine. Dans ses Controverses, De verbo Dei, 1. J, c xv, ayant à répondre à l’objection de Calvin contre la canoniclté du 1 P livre des Macchabées, dont l’auteur avouait un labeur per­ sonnel incompatible avec la révélation divine, faite aux prophètes, il disait que Dieu est l’auteur dc tous les Livres saints, mais qu’il ne l’est pas dc tous dc la même manière. Aux prophètes il révélait l’avenir ct en même temps il les assistait pour qu’aucune erreur ne s’introduisit dans leurs lettres. Dc lu sorte, ’es pro­ phètes n’avaient d’autre travail qu’à écrire eux-mêmes ou à dicter, comme Jérémie à Baruch. Aux autres écrivains sacrés, aux historiens notamment, Dieu ne révélait pas toujours cc qu’ils avaient à écrire, mais il les excitait à écrire cc qu’ils avaient vu ct entendu, les choses dont ils sc souvenaient, ct en même temps il les assistait pour qu’ils n’écrivissent rien dc faux. Ccttc assistance n’excluait pas le labeur dc la pensée et de la rédaction. Saint Luc l’indique dans le prologue dc son Évangile. Quant au pardon que demandait l’auteur du J 1e livre des Macchabées, il ne portait pas sur les erreurs qu’il aurait commises, car il savait n’en avoir pas commise», mais sur son discours moins soigné, comme saint Paul disait aux Corinthiens qu’il était inhabile dans l’élocution. Voir J. de la Servièrc, La théologie dc Bellarrnin, Paris, 190S» p. 2-8; BelLAH.MIN, t. Il, col. 521. La 3· proposition dc Lessius ne satisfaisait pas complètement Bellannin; toutefois, telle qu’elle était modifiée et expliquée dans Γ Apologie, elle lui parut tolérable. Des explications données il résultait, en effet, qu’un livre, approuvé comme Lessius l’enten­ dait, avait l’autorité de l’Écriture, mais non pas qu’il était Écriture par son origine et sa dignité. Or, il est dc foi catholique que l’Ecriture est divine par son origine ct sa dignité. D’ailleurs, Lessius n’admettait pas qu’aucun livre, pas même le 11· des Macchabées, fût devenu Écriture sainte par cette approbation subséquente du Saint-Esprit. 11 ne proposait qu’une pure possibilité, ct il finit par déclarer à ses adversaires qu’un livre ainsi approuvé présenterait la même certi­ tude de foi que s’il était la parole même de Dieu. Aucun théologien n’a souscrit à cette hypothèse, sinon André Duval, et Bonfrèrc, comme nous le dirons plus loin. Ajoutons dès maintenant que l’hypothèse dc Les­ sius n’a pas été visée au concile du Vatican. Dans une congrégation générale, Mgr Gasser, évêque dcBrixen, au nom de la Députation de la foi, le déclara expres­ sément. Lo schéma, présenté aux Pères, niait qu’un livre profane pût devenir Écriture sainte par l’appro­ bation de l’Église; Lessius parlait dc l’approbation de Dieu même, et il n'envisageait qu’une pure possibilité. Bien que son opinion soit fausse. Dieu peut par son témoignage confirmer un livre déjà composé, dc telle sorte que cc livre ait une autorité divine, ct que Dieu lui-même apparaisse être comme son auteur, sans qu’il le soit réellement· Ibid,, p. 189-191 ; Collectio Lacensis, L vu, p. 1 (0-141. Opstrnct rapporte que. le 11 mars 1692, les trois propositions de Lessius furent soutenues par le P. Van Outers au col ègc des jésuites dc Louvain. Dc locis theologicis, Louvain, 1737, p. 78-80. 6° Théologiens du X vil· cl du xvn/9 siècles,— Lc xvir siècle est la grande époque, l’époque classique dc l’étude dc l'inspiration, Les théologiens catho’iques ont exposé de differentes manières leur sentiment touchant l’action de l’Esprit Inspirateur sur les écri­ vains sacrés. Leurs opinions sont complexes ct ne rentrent pas dans un cadre tout fait Je ne mention­ nerai pas les nombreux théologiens et exégètes, qui nict, ni: thêol. catiiol 2146 ont parlé de l'inspiration en termes généraux, sans prendre parti pour aucune opinion, ni ceux qui sc sont bornés à reproduire l’enseignement dc saint Thomas sur la prophétie ct ses différents modes. 1. Je ne ferai que nommer ceux qui ont admis la révélation Immediate faite par Dieu à tous 1rs écri­ vains sacrés sans exception, ct par suite l’inspiration verbale : au xvn· siècle en Espagne, Basile l’once, Qwest, exposit., q. u, c. n, Cursus completus Scriptures sacra, de Migne, 1.1, col. 10G6; les docteurs dc Sala­ manque, Cursus theologicus, De fide, disp. I, dub. v, § 3, n. 123-125, édit. Palmé, L xi, p. 164-165; cf. disp. III, dub. x, §3, n. 20, p. 196-197; en France, Philippe Gamache, Sum. theol., I·, q. i, c. xn; In Epist. 1 Pc ., x, 20,21 ; les jésuites Barradius, Comment, in concordiam et historiam euangelicam, L I,c. ι,χνπ; Octavian de Tufo, Comment, in Ecclesiasticum, prob; Jean Lorin, In Psalmos, præf., c. ni; Ps. xuv; Tirin, Comment, in Jcr., χχτπ, 31; In II Mac, xv, 31; Neesen, chanoine de Malines, Universa theologia, quæst. proam., vu, νπι ; Ange Bocal, In quatuor libros Regum annotatio, procem, i, sect, i; Rangolius, In I. I Reg. comment., præf.; Libert Fromond, In Epist. 11 ad Tim., in, 16; Jean de Sylveira, carmc, Opuscul., i, rcsol. I, q. i-νιπ (il réfute la 3· proposition de Les­ sius); Noel Alexandre, Expositio litteralis et moralis Ευ. J.-C. secundum quatuor euangelistas, Luc., I, p. 897-899; Comment, litteralis ct moralis in omnes S. Pauli aposloli Epistolas, etc., II Tim., in, 16, 17, t. n, p. 43; Arnault, Difficultés contre M Steyaert, 71e difficulté, p. 82 (avec les censures dc Louvain contre Lessius); — au xvni· siècle, Gaspar Jucnin, In­ stitutiones theologice, proie g,,disert. IV, c. ni,iv;Humbclot, Sacrorum Bibliorum notio generalis seu com­ pendium btbhcum, 1. I, c. i, q. in; Annat, Apparatus ad positivam theologiam, 1. II, a. 2, 4; Chérubin de Saint-Jo..cph, Summa critica sacra, disp. II, a. 3, 4, 1.1, p. 99-136 ; cf. 1.1 v, disp. 11, a. 1 ; disp. 111, a. 1-7 ; C. W> tasse, Tractatus de Deo ipsiusque proprietatibus, 1718, q. i, a 5; Opstrnct, théologien de Louvain, De locis theologicis decem dissertationes, 1737, dissert. I, q. n ; Thomas de Charmes, Theologia universa, Trad, de prolegomcnis, dissert. V, c. i, 3· édit., Nancy, 1759, t. i; Compendiosa institutiones theologiae ad usum seminarii Pictaviensis,2* édit., 1774, tr. De Scriptura, q. i; Paul de Lyon, Totius theoiogix spe­ cimen, 1723, tr. 1, Dc Dei verbo,c. i; Bllluart,Summa Summa S Thoma, Tractatus de regula fidei, 1758, dissert. I, a. 2; Rabaudy, Excreti. de Scriptura, sect, π, § 1, dans Zaccarin, Thesaurus theologicus, t. i; Institutiones theoiogix de Lyon, 1780, Tractatus de locis theologicis, dissert. I, c. i; Compendium insti­ tutionum theologicarum, 1781, 1.i, p. 39-42. 2 La nouvelle opinion, que le P. Pcsch dit « plus commune après le concile de Trente », De inspiratione sacra Scriptura, p. 283 (ce qui est vrai au moins chez les théologiens de la Compagnie de Jésus), a eu dc plus en plus de tenants, qui y ont apporté cepen­ dant quelques modifications ou perfectionnements. Ménochius reconnaissait dans les prophètes des scribes intelligents, à qui l’Esprit'Saint suggérait ct dictait ce qu’ils devaient écrire. Cependant, tout dans la Bible n’était pas dicté, cl les menus détails, que certains jugeaient Indignes du Saint-Esprit, étaient au moins écrits sous sa direction. Comment, (otius Scriptura·, proleg., c. iv; cf. In ps. xuv, 8, et in Epist. 11 Pct., i, 20, 21. Selon Tirin, le Saint-Esprit a laissé le plus souvent les écrivains sacres à leur science natu­ relle pour le style ct la manière d’écrire. D’où les uns sont plus éloquents que les autres, et l’auteur du 1 Ie livre des Macchabées a pu s’excuser dc ce que son style était moins poli, moins soigné, moins beau Comment, in 11 Mac., xv, 39. VIL — 68 2147 INSPIRATION DE L’ÉCRITl KE 2148 matériels, Duval entend les concepts formés dans Vincent Contcnson, Theologia mentis et cordis, 1687, I. V, diss. proœm., c. i, sect, n, n’adinettait la révé­ l'intelligence de l’écrivain ct correspondant aux mots lation Immédiate que pour les prophètes. Cette révé­ formels. 11 n’exclut pas l’assistance divine ou l’exci­ tation de l’Esprit Saint; il veut que cette assistance lation n’était pas nécessaire pour écarter l’erreur des écrits Inspirés. Marc avait appris de saint Pierre une ait été perpétuelle pour empêcher l’erreur ou le men­ partie de cc qu’il rapporte dans son Évangile ct Eue songe et aussi pour que les vérités exprimées soient tenait aussi des autres apôtres ct de la sainte Vierge exactement manifestées. Il exclut seulement la révé­ une partie de son récit. Mais tout cc qui est écrit dans lation faite d’une manière nouvelle par la dictée des l’Écriturc a été écrit par un instinct particulier de mots, quand il s’agit des vérités que l’écrivain sacré Dieu, par une inspiration, assistance, direction et connaissait déjà, quoique cet écrivain ne soit pas manutenentia. En toutes choses, les écrivains sacrés laissé à son caprice dans le choix des mots comme s’il ont eu, non une révélation, mais une assistance ct un dictait une lettre à un autre, puisqu’il doit se servir des mots que le Saint-Esprit forme dans son intelli­ secours pour ne pas se tromper. gence en lui communiquant les concepts particuliers Suarez avait laissé, dans la définition même de l’Écriturc, la dictée des mots : Esi Scriptura sacra, à exprimer. En fait, beaucoup de choses de l’Écriturc instinctu Spiritus Sancti scripta, dictantis non tantum ont été dictées verbalement par l’Esprit Saint, sur­ sensum, sed etiam verba. Quelques-uns doutent que tout dans les livres prophétiques dont c’est le propre, l’Écriturc doive être du Saint-Esprit, etiam quoad ct dans les autres livres où des choses tout à fait sur­ verba. Il paraît nécessaire à Suarez que les mots de naturelles sont contenues. Il est certain que le Saintl’Écriturc viennent du Saint-Esprit, pour distinguer Esprit a révélé expressément ct dicté toutes ccs choses. les livres canoniques des non canoniques et des défi­ C’est pourquoi les prophètes disent qu’ils ont vu en nitions des conciles. Mais on peut entendre en deux vision ce qu’ils rapportent, le Saint-Esprit ayant pro­ sens différents que les mots de l’Écriturc sont du duit dans leur intelligence certains concepts par ma­ Salnt-Espffl, ou bien par une motion antécédente ou nière de paroles ou de dictions. Duval repond aux objec­ bien seulement par une assistance ct, pour ainsi dire, tions, qu’on oppose à sa thèse et qui sont celles des par une garde ou préservation de l’erreur. Prior lovanistes dans leur censure de Lessius. Il reprend modus erit, quando Spiritus Sanctus vel imprimit con­ comme un cas possible, la troisième proposition de ceptum verbi per species infusas, saltem per accidens, Lessius, par exemple, pour l’Imitation de Jésus-Christ, vel peculiariter movenda et excitando species prirexis- mais il réprouve l’explication de Sixte de Sienne au (entes. Cesl la manière la plus propre et la plus par­ sujet des livres des Macchabées. Comment, in //*» faite, ct il est vraisemblable qu’elle a été employée Z J» S. Thomæ, Tract, de fide, q. n, a. 1-5. chaque fois qu’il a fallu écrire des mystères surnaturels, Corneille de la Pierre notait que le Saint-Esprit qui surpassent la capacité de la raison humaine. n’avait pas dicté toutes les lettres sacrées de la même Toutefois, il ne paraît pas nécessaire,comme quelques- façon : il avait révélé ct dicté mot à mot la loi à Moïse uns le prétendent (ct Suarez vise Basile Ponce), que ct les prophéties aux prophètes; mais les histoires et les mots aient toujours été dictés de cette manière les exhortations morales, que les hagiographes con­ particulière. Quand l’auteur sacré écrit des choses, naissaient de vue ou d’audition ou de lecture ou de humaines de leur nature ct sensibles, il paraît suffisant méditation, n’ont pas dû être révélées ct dictées par que le Saint-Esprit l’assiste spécialement ct le garde lui, puisqu’elles étaient bien connues de ces écrivains. de toute erreur ct fausseté et de toutes les paroles qui Le Saint-Esprit a seulement assisté ccs derniers pour ne conviendraient pas à l’Écriturc, en écartant par une qu’ils n’errent en aucun point, ct il les a excités, en providence spéciale tous les objets qui pourraient leur suggérant d’écrire telles choses plutôt que telles exciter le concept de paroles non convenables, ct autres. Il ne leur a donc pas donné les concepts ct Je en permettant, pour le reste, que l’écrivain sc serve de souvenir qu’ils avaient, mais il leur a inspiré d’exprimer sa mémoire, de scs Images ct de sa diligence, comme tel concept plutôt que tel autre, enfin, il a ordonné, saint Luc l’indique dans son prologue. Les mots de arrangé, dirigé tous leurs concepts, par exemple, en l’Écriturc peuvent donc provenir du Saint-Esprit de fixant l’ordre des Idées, car cette ordonnance est le l’une ou de l’autre de ccs manières, et il n’y a aucun propre de la composition d’un livre; en l’établissant, livre de l’Écriturc, dont les mots n’aient été le plus le Saint-Esprit a été l’auteur propre des Écritures. souvent inspirés de la première manière. De fide, Comment, in II*™ ad Timothæum, m, 16. disp. V, sect, in, n. 1-8. Antoine Perez recherche s’il est de l’essence de Le bénédictin, dom Jean Martianay, avait établi l’Écriturc que tous scs mots soient dictés par Dieu. la même distinction dans des thèses que scs élèves Après avoir discuté les raisons pour ct contre, il con­ devaient soutenir publiquement. Les saints prophètes, clut ainsi : Non est de ratione aut etiam intrinseca même sous l’action du Saint-Esprit, restaient maîtres conditione Scripturae sacrae, ut habeat scriptor ex imme­ d’eux-mêmes et avaient coutume de rédiger, l’âme diata revelatione et inspiratione divina scribendorum calme ct tranquille, les oracles divins, interim singulis omnium notitiam et cognitionem, neque diam ut in verbis a Spiritu Sancio dictatis πρδς λέξιν, alias ser­ scribendo libertate carcat, sed sufficit ut nihil scribat mone ipsis proprio industria naturali composito, sic nisi afflatus, motus et directus a Spiritu Sancto. Pen­ tamen ut afflatus ac inspiratae ipsæ res Spiritus Sancti tateuchum fidei. Cf. R. Simon, Lettres choisies, Paris, essent, verba prophetarum, sed movente et instigante 1703, t. m, p. 102-103. Spiritu Sancio prolatic. Opera S. Hieronymi, Paris, Sherloque dit que Salomon, inspiré par le Saint1706, appendix, t. v, coi. 1113, 1115. Esprit pour chanter scs noces, n’a pas eu besoin d’une Le sorbonnistc André Duval sc tient très étroite­ révélation immédiate; il affirme même qu’en certains ment dans la ligne de Suarez, tout en ayant sa manière cas, un écrivain sacré n’a pas besoin d’une révélation ni médiate ni Immédiate. Le Saint-Esprit l’assiste personnelle de traiter le sujet. L’essence de l’Écriturc pour qu’il ne sc trompe pas en quelque chose ct pour n’exige pas que tous les mots, formaliter sumpta, c’est-â-dlrc hébreux et grecs, aient été révélés ct dictés qu’il ne lui échappe aucune erreur de plume, l’écrivain par Dieu; autrement, la Bible latine ne serait pas écrit par un Im tlnctpartîculier de Dieu. Toutefois, avec l’Écriturc sainte. Il est probable que tous les mots Pereira, Sherloque pense qu’une révélation immédiate matériels de l’Écriturc n’ont pas été dictés, de fait et de Dleu a ét u*ce· *-aire Moïse pour rédiger la Genèse. >pris par r< v. latlon médiate ce qu’il en r< alité, ct que toutes les pensées même n’ont pas été Salomon .· d a écrit. In Salomonis Canticum, antilog, i, sect. vi. Immédiatement révélées par le Saint-Esprit. Par m o’» s 2109 INSPIRATION DE L’ÉCRITl BE Le jésuite Ferdinand de Escalante disait aussi que I Dieu n’avait pas révélé à certains écrivains sacrés cc qu’ils avaient à écrire; il les avait seulement excités I par une Impulsion et un instinct divins à écrire dans leur langue personnelle cc qu’ils avalent vu, lu, entendu et connu par révélation. Il le prouve par ce que saint Jérôme dit de Marcet de Luc, par la préface de ΓEcclésiastique ct par le témoignage du II· livre des Macchabées. 11 y joint quelques raisonnements. Dieu, conclut-il, n’a rien révélé ù ccs écrivains, qui ont suc ù publier leurs ouvrages. S’ils n’ont pas connu par révélation divine le sujet qu’ils traitaient, à plus forte raison n’ont-ils pas reçu les mots dont ils sc sont servis. La révélation des mots par suggestion intérieure n’a eu lieu que quand 11 y a eu révélation Immédiate de la matière. SI Dieu a daigné communiquer des mystères divins à quelqu’un, il ne lui a cependant pas fourni les mots pour les dire. Dans le cas où un écrivain est excité par un instinct divin à écrire cc qu’il a vu, entendu ou lu, le Saint-Esprit l’a assisté tandis qu’il écrivait, pour l’empêcher de commettre quelque erreur. Clypeus condonatorum, L I, c. iv, cité par B. Simon, Nouvelles observai ions sur le texte et les versions du Nouveau Testament, part. I, c. ni. Richard Simon, qui n’était pas théologien, a admis l’inspiration de la Bible et l’a démontrée à plusieurs reprises. Il a réfuté Grotius, Spinoza ct Jean Leclerc; mais sur la nature de l’inspiration, il a adopté l’opi­ nion de Lessius, sauf sa 3e proposition. Voir Histoire critique du texte du Nouveau Testament, Rotterdam, 1G89, c. xvm, p. 278-287 ; Nouvelles observations sur le texte ct les versions du Nouveau Testament, Paris, 1695, part. I, c. m, iv, p. 33-91 ; Lettres choisies, Paris, 1703, t. ni, p. 323-337; Critique de la bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, L II, c. X, Paris, 1730, L ni, p. 173-180. Finalement, R. Simon, comme Lessius, n’admettait la révélation Immédiate que pour les prophètes à l’égard des choses ct des mots. Les autres écrivains inspirés n’ont reçu du Saint-Esprit qu’une direction spéciale, par laquelle cet Esprit les excitait seulement à écrire ce qu’ils savaient déjà, Payant appris d’ailleurs ou Payant connu par leurs propres lumières. Il les assistait ct les dirigeait de telle manière qu’ils ne choisissent rien que de conforme à la vérité ct à la fin pour laquelle les Livres saints devaient être composés, à savoir, pour nous édifier dans la foi et la charité. Cette inspiration peut aussi avoir lieu au regard des mots, sur le choix desquels s’étendent l’assistance ct la direction divines. Elle est Immédiate, non par rapport aux choses, mais à l’égard des auteurs, < qu’elle meut, assiste ct dirige dans l’usage et dans l’arrangement des idées et des connaissances · qu’ils ont déjà. Ce qui est écrit par cette inspiration est vrai­ ment divin, ct Pon doit reconnaître que le Saint-Esprit en est l’auteur, car ce qui s’y trouve d’humain est revêtu de la direction spéciale du Saint-Esprit. Pour que Dieu soit l’auteur de toute P Écriture, pour qu’elle soit sa parole, il suffit « qu’il ait excité les écrivains sacrés à écrire, ct qu’il les ait toujours assistés, ou par une révélation immédiate, ou par une simple direction ct assistance spéciale. > Nouvelles observations, etc., p. 35-36. Un autre jésuite, Jacques Bonfrère, Introduisit une distinction nouvelle pour expliquer comment le SaintEsprit, auteur principal de l’Écriturc, a communiqué aux hagiographes, qui lui servaient de scribes, ce qu’il voulait leur faire écrire. Or, le Saint-Esprit a pu agir sur des écrivains de trois manières seulement : antecedenter, concomitanter ct consequenter. Antecedentes se habet Spiritus Sanctus, cum inspirat, revelat, demons­ trat quæ dicenda scribcndave sint, ita ut de suo marteve proprio nihil addat scriptor, sed ea dumtaxat scribat quæ a Spiritu Sancto inspirata revelataquc sunt, ad 2150 eum modum quo discipulus magistro dictante excipit quæ ab eo proferuntur. Cette révélation peut sc faire de trois façons : ou par une révélation imaginative ou intellectuelle durant l’extase, ou bien par une allocu­ tion ou une vision sensible et externe, ou enfin par une Inspiration intérieure à l’état de veille, pourvu tou­ tefois que les écrivains comprennent par une lumière surnaturelle qu’ils sont mûs par Dieu et disent les paroles de Dieu. Les prophètes reçurent cette révé­ lation qui a précédé leur rédaction. Concomitanter sese habet Spiritus Sanctus cum ad modum dictantis et inspirantis se habet, sed ad eum modum quo quis alterum scribentem oculo dirigeret ne in re quapiam erraret. L’Esprit Saint peut donner à l’écrivain inspiré cette direction,cum enim præsciat quid ille scripturus sit, ita ei adstetut sicubi videret eum erraturum, inspiratione sua illi esset adfuturus Lc Saint-Esprit semble avoir inspiré ainsi les rédacteurs des livres historiques, qui rapportaient cc que d’autres avaient dit et fait, ce qu’ils avaient vu eux-mêmes ou entendu dire par des hommes dignes de foi. Ainsi en fut-il des auteurs des Évangiles, des Actes des Apôtres, des livres des Macchabées, et des autres livres historiques, à moins que l’ancienneté du temps, ou l’éloignement des lieux, ou l’ignorance de ce qu’il fallait dire n’exigeassent une révélation, comme ce fut le cas de Moïse pour rédiger la Genèse. Dans ces deux modes, la liberté des écrivains sacrés est sauvegardée, quoique par des moyens différents, que Dieu a à sa disposition. Il y a aussi difference dans le labeur exigé des écrivains : dans le premier cas, un peu d’attention suffit à reproduire exactement la révélation reçue. Bonfrère note toutefois que, dans le second cas, l’écrivain a reçu, au début de son travail, une certaine Inspiration générale à écrire telle histoire ou telles sentences morales ou autre chose, et que cette inspiration a été presque intérieure et occulte. Une nouvelle révélation peut s’y joindre, si l’écrivain doit écrire quelque chose qu’il ne connaît pas. Enfin, l’Esprit Saint Intervient chaque fois que cela est nécessaire pour exciter l’attention, empêcher la négli­ gence ct écarter l’erreur. Consequenter se habere posset Spiritus Sanctus, st quid humano spiritu absque Spiritus Sancti ope, direc­ tione, assistentia, a quopiam scriptore esset conscriptum, postea tamen Spiritus Sanctus testaretur omnia quæ in eo scripta essent vera esse. Cet écrit serait alors tout entier la parole de Dieu ct aurait la même autorité infaillible qu’il aurait eue s’il avait été inspiré de l’une ou de l’autre des manières précédentes. Ce mode d’ins­ piration n’a pas été employé par le Saint-Esprit; mais, absolument parlant,rien n’empêche qu’il n’ait pu être employé, et même qu’il ne l’ait été dans ccs Écritures Inspirées, qui ont existé, mais qui sont main­ tenant perdues. Præloquia in sacram Scripturam, c. vm, dans le Cursus completus Scriplurx sacræ de Migne 1.1, col. 109-110. La distinction des trois modes d’agir du SaintEsprit, faite par Bonfrère, a été acceptée par le P. Antoine de Ezeobar, en vue d’expliquer la différence d’élégance de style qu’il constatait dans les Livres saints. Dans les passages, où le Saint-Esprit se haba concomitanter, c’est-à-dire dans presque tous les livres historiques, dans lesquels il ne dictait ct n’inspirait pas les mots, il laissait aux écrivains sacres le soin de former leur diction. Mais dans les passages, où le Saint-Esprit antccedenter se habet ct dans lesquels il a révélé les choses et Inspiré les mots, l'inégalité du style, qui existe dans les livres prophétiques, ne peut s’expliquer que parce que tout en dictant les mots aux prophètes, le Saint-Esprit s’accommodait à leur style ct à leur manière de dire et d’écrire. De sacræ Scriptune stylo et obscuritate, c. i, iv. 2151 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2152 Pour expliquer les citations d’auteurs profanes, • admettait, pour certains livres dc la Bible, la révéla· qui se lisent dans les livres inspirés, le P. Nieremberg tion immédiate, ct, pour d’autres, l’inspiration cl une reproduit textuellement la distinction proposée par assistance spéciale. Theologia scolastico-positiva, Pro­ Bonfrère. Et c’cst par le troisième mode d’action leg., De locis theologicis, 1713. Dans sa Dissertation sur Inspiratrice qu'il explique l'insertion des paroles des l'inspiration des Hures sacrés, dont Calmet exposait la amis dc Job dans Je livre de Job ct celle des vers deux opinions sans sc prononcer; Il penchait toutefois vers l'opinion nouvelle. Commentaire littéral, Paris, d'Arétas et d’ÉpIménide rapportés par saint Paul. 1724, t. vin,p. 137-111. Cf. le commentaire sur IITim., De origine sacræ Scriptura, J. IX, c. iv. La même distinction a été acceptée par Frassen, ni, 16, ct II Pet., i, 20, 21, ibid., p. 595, 810. Antoine Disquisitiones bibllcæ, Paris, 1682, 1. I, c I, §4, ct Boucat expliquait l'action concomitante du Saintpar Goldhagcn, Introductio ad sacram Scripturam, Esprit par u.ie motion ct une assistance spéciale, ctll Mayence, 1765, part. I, sect, i, q. n, au xvm· siècle. déclarait suivre l’opinion commune des théologiens. Theologia Patrum scholastico-dogmaticu, 1726, t. ix, Le P. Pcsch, De inspiratione sacra Scripturae, p. 323-325, la range parmi les opinions laxiores, parce Dc Scriptura sacra. Le jésuite Edmond Simonnet, que l’assistance concomitante du Saint-Esprit n’est professeur à Pont-à-Mousson, n'admettait pas la pas une inspiration, mais une simple direction, ct 3· proposition dc Lessius, mais il adoptait les deux parce que l’inspiration générale, admise au début du premières. Institutiones theologiae, 1725, Tractatui travail dc l’hagiographe, ne suffit pas à rendre Dieu de regulis fidei, disp. I, a. 9, 10, t. vî. Le P. Gabriel auteur d’un livre au sens propre. Antoine suivait la même voie ct employait presque les 11 est bien certain qu’aujourd’hui les théologiens mêmes termes que son confrère Simonnet. Theologia s’exprimeraient d’une manière plus précise et ils universa, 1736, De fide divina, sect, iv, c. i, a. 4,1.1. exigent une détermination plus positive à écrire de la Louis Habert est du même sentiment. Theologia part du Saint-Esprit; ils maintiennent cependant la dogmatica cl moralis, 2e édit., 1736, 1.1, Prolog., c. m, simple assistance durant la rédaction. § 1. Pierre Collet n’admet la révélation immédiate Avec le jésuite lorrain, Nicolas Sérier (Serarius), J dc Dieu que quand l’écrivain sacré doit parler des nous revenons à une doctrine plus sûre. Il reprend mystères. Institutiones theologica:, 1773, t. i, Prolog. celle dc saint Thomas, qu’il interprète de manière à Dans la Théologie de Würzbourg, le P. Henri Kilbcr reconnaître l’existence d’une lumière surnaturelle ne sc contentait pas d’une simple assistance du Saintpour les choses que connaissaient les écrivains sacrés Esprit; lorsqu’il n’y avait pas révélation immédiate, ct d’une assistance du Saint-Esprit sur leurs mains, il exigeait une inspiration des choses faite à l'intelli­ tandis que celles-ci écrivaient. La manière dont Dieu a gence de l’hagiographe. De principiis theologicis, dicté la Bible est déterminée d'après la lin qu’il se 1749, dissert, i, c. 1, a. 3, Paris, 1852, t. i, p. 15-25. proposait d’atteindre ct d’après la façon dont les L’abbé de Vcncc ne jugeait pas la révélation immé­ hommes dictent aux autres leurs pensées. Dieu a pris diate nécessaire, mais il exigeait une inspiration tous les moyens pour que tout ce qu’il a fait écrire soit immédiate. Analyses cl dissertations, Nancy, 1712, sa parole ct soit vrai ct digne de foi. Il a aflcctérintclt. i, dissert, préliminaire. Le P. Ignace Schunck, ligcncc, la volonté ct la main des hagiographes d'une jésuite, admettait la dictée verbale de beaucoup dc manière plus parfaite que ne le font les hommes, passages bibliques; le plus souvent toutefois, dans les quand ils dictent leurs pensées. Il a imprimé immé­ matières que les écrivains sacrés connaissaient par diatement dans leur intelligence cc qu’ils devaient expérience, le sommaire seul leur avait été révélé, ct écrire. Qu’il le fasse par les sers extérieurs ou inté- ; pour le reste l'assistance du Saint-Esprit avait suffi rieurs, il illumine leur intelligence d’une lumière tout pour empêcher l'erreur. Notio dogmatica sacræ Scrip­ à fait surnaturelle ou d’une lumière naturelle, surna- turæ, 1772, sect. vn. Jean-François Marchinl adopte turellemcnt donnée ou accrue. Ut hoc ad percipiendum l’explication de Corneille dc la Pierre. De divinitate tantum quod dictatur vel judicandum tantum; uct ct canonicitate sacrorum Bibitorum, Turin, part. I. ad utrumque. C’est une révélation. Le jugement porté a. 5. Enfin, saint Alphonse de Liguorl tient comme est théorique, quand l’hagiographe juge que les choses plus probable l’opinion d’après laquelle toutes les révélées sont vraies; il est pratique, quand 11 juge choses dcl’Écriture ont été révélées, mais non tous les qu’il doit les écrire dc telle ct telle manière. La lumière mots. Traité contre les hérétiques, § 5, dans Œuvres divine est proportionnée à la manière dont la vérité complètes, trad, franç., Paris, 1836, t. xix, p. 200-203. est révélée. Quand l'écrivain doit écrire des choses m. au cosctu; du Vatican.— 1° Opinions nou­ qu’il connaissait déjà, il suffît que Dieu l'aide dc velles émises au A/.v· siècle. — La doctrine catholique quelque façon pour que ses idées acquises brillent d’une sur la nature de l’inspiration continua à être enseignée certaine manière nouvelle et qu’il l’assiste pour qu’il au xix·* siècle, quoique les ouvrages qui traitent ccttc ne commette aucune erreur, en les assemblant ct en question aient été moins nombreux que durant les les exprimant. Dans l’hypothèse de la troisième propo­ siècles précédents. La caractéristique des études dc sition de Lessius, l’écrit ainsi approuve ne pourrait cette époque est la distinction nettement établie entre être à proprement parler parole dc Dieu; il ne pour­ ia révélation immédiate, ou la prophétie, et l'inspi­ rait être ainsi nommé que dans un sens impropre, ct ration scripturaire. Celle-ci n'entralne pas, générale­ comme éminemment, parce que le Saint-Esprit aurait ment parlant, une révélation directe du contenu dc attesté que cet écrit renfermait ce qu’il aurait pu l’Écriture. On l’a fait consister dans une motion Inspirer ct qu’il atteste, après coup, de son témoi­ divine, qui pousse ct détermine les hagiographes à gnage. La volonté dc l’écrivain est mue par Dieu à écrire, dans une illumination intérieure qui éclaire leur intelligence et leur manifeste cc qu’ils doivent écrire ct celte motion rend l'homme apte à son rôle, écrire, ct une assistance spéciale, durant le travail soit par un secours actuel dc Dieu, soit par un habitus, par exemple, dc vérité. Dieu assiste la main ct, pour dc la rédaction, pour canter dc leur esprit ct dc leur œuvre toute erreur. Tel est, avec des nuances, l'ensei­ ainsi dire, la tient pour qu’elle n’écrive aucune erreur. gnement élémentaire dc J. H. Janssens, Ilcrmeneu· Prolegomena btbllca, 1704, c. iv, q. i-xvm. , 1818, p. 40 (cf. Dausch, op. cil., Le rccollct, Henri dc Bukcntip, ne jugeait pas que lieu biblica I l’inspiration verbale fût nécessaire pour constituer p 161 !<■-). ’ · -fi bennann, hi.ddationes theologiae, 181'4, t i - ρ I L c. i, a. 1, §12; plus développé un livre saint. Tractatus de sensibus sacræ Scripturæ, c. l'i electiones theologicæ, Tractatus de Louvain, 1701, c. xiv, p. 99-103. Le P. Asscrinet, de J .Pc ii., Mayence, 1813, t. ix, p. 102, 103; qui rejetait la simple approbation du Saint-Esprit, 'locis 1 2153 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE de II. Denzlngcr, VierBûcher von der religibser Erkenntruss, 1857, t. n,p. 108-124 ; de J. B. Henrich, Lehrbuch der Dogmattk, t. r, p. 382 sq.; du cardinal Manning, La mission temporelle du Saint-Esprit, trad franç., Paris, 1807, p. 159-212; dc F. Kaulcn, Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868, p. 23-85; dc Schechen, Λα dogmatique, 1. I, c. ni, § 16, n. 223-252; trad, franç., Paris, 1877,1.i, p. 175-180. Cf. P. Dausch, DieSchri/t(nspiratton, p. 201 208. Cependant, Dcns, à Malines, admettait encore l’inspiration verbale, cl Rcithmayr ne distinguait pas l’inspiration ad scribendum dc l’inspiration ad loquendum, ct il attribuait aux pro­ phètes l’inspiration verbale ct aux apôtres l’infailli­ bilité résultant de leur apostolat. Introduction aux livres canoniques du Nouveau Testament, § 22, trad, franç., Paris, 1861, p. 202-226. Mais c’était là diverses opinions libres de renseignement catholique. Deux vues divergentes se manifestèrent toutefois qui furent condamnées par le concile du Vatican en 1870, ct clics fournirent au concile l’occasion dc dé­ clarer quel était le véritable sens dc l’inspiration biblique. 1. La première fut proposée par Jean Jahn, pro­ fesseur à Vienne (Autriche). Après avoir démontré que les livres de ΓAncien Testament contenaient la révélation divine, il ajouta que, pour qu’ils eussent une autorité divine, il était nécessaire ct il suffisait que leurs auteurs eussent été exemptés par Dicudc toute erreur. Or, ccttc exemption d’erreur constituait leur Inspiration. Jahn conservait ce nom, consacré par l’usage, quoique, dans sa signification propre, il désignât quelque secours positif dc Dieu, accordé aux écrivains sacrés, alors que l’absence d’erreur n’était qu’un élément purement négatif, qui n’entralnalt ni nouvelle manifestation dc la vérité ni enseignement direct, mais simple préservation d’erreur dans la manifestation dc la révélation divine. Einlcitung in die gàttlichen Bûcher des Allen Bandes, Vienne, 1802, part. I, § 1 1, 19, p. 91 sq., 107 sq.; 2® édiL; Vienne, 1814 (en latin); Ackermann a corrigé cc passage dans les éditions suivantes de I* Introductio de Jahn. L’ins­ piration n’était donc plus que l’exemption d’erreur. Si le mot était conservé, la chose elle-même, signifiée par le mot, était niée. 2. Daniel Hancberg fit consister l’inspiration dc l’Écriture dans l’approbation subséquente des Livres saints, non plus par le Saint Esprit, comme Lessius, mais par l’Eglise, dans un sens analogue à l’opinion de Sixte dc Sienne. Après avoir rappelé les trois atti­ tudes du Saint-Esprit relativement aux écrivains sacrés dans l’acte de l’inspiration, telles que Bonfrère les avait exposées, Hancberg, qui y voit trois sortes d’inspirations distinctes, ajoute qu’on pourrait diffi­ cilement les appliquer en particulier à tel ou tel livre, à tel ou tel verset dc la Bible. On pourrait dire tout au plus que les passages, qui sont rapportés directe­ ment à Dieu par la formule : Hæc dicil Dominas, auraient été l’objet d’une inspiration antécédente; les livres poétiques auraient été rédigés sous l’inspiration concomitante, c’est-à-dire par la seule assistance divine, qui excluait toute erreur, ct les livres histo­ riques par l’approbation subséquente dc l’Église, qui les reconnaît pour divins ct canoniques. Versuch cincr Geschichte der bibtischen Oflcnbarung, Itatisbonnc, 1850, p. 711; Histoire dc la révélation biblique, trad. Goschler, Paris, 1856, t. n, p. 469. Cette théorie, qui admettait que, de fait, une bonne partie de la Bible n’était devenue Écriture sainte que par l’approbation de l’Église et niait ainsi son inspiration, trouva, paraîtil, quelques partisans, bien qu’elle ait été modifiée dans la 3· édition, 1863, p. 817, par "adjonction d’une certaine direction de l’Esprit Saint. Elle disparut dc la 4e édition, corrigée par Welnhart, 1876, p. vin. 2154 d'après les ordres dc l’auteur, qui avait expressément rejeté son sentiment. 2. Leur condamnation par le concile du Vatican. — Dès 1860, le jésuite Franzelin, alors professeur à FUniversité Grégorienne, à Borne, livrait à tes élèves son traité au tographié : De divina traditione et Sertptura. Or, dans la jv· thèse de la H· partie, l’auteur, avant i d’exposer la véritable notion de l'inspiration, excluait les deux opinions dc Jahn et de Hancberg. Son traité fut imprimé pour la première fois à Home en 1870. Quand le concile du Vatican fut réuni, il se proposa d’établir la doctrine catholique sur la révélation ct scs sources. Le théologien Franzelin fut chargé de pré­ parer le projet dc constitution dogmatique, qui expo­ serait celte doctrine. Or, dans le Schema de cette constitution, comme dans son cours autographié ct imprimé, Franzelin excluait comme insuffisantes et erronées les opinions de Jahn ct de Haneberg sur la notion de l’inspiration scripturaire, Au c. in de ce Schema, présenté aux Pères du concile, elles étaient exclues en ccs termes : Sacri autem et canonici credendi sunt, non quod humana tantum ope scripti, auctorilate tamen Eccleshe in canonem SS. Scrip­ turarum relati sint; neque propterea solum, quod divinam revelationem sine errore contineant. Col­ lectio Laeensis, t. vn, coL 508. Dans les notes, ajoutées au Schema, l’auteur expliquait que les erreurs recenlioris ictatis, relativement à i’Écnturc sainte, exi­ geaient une explication plus claire dc la véritable notion de l’inspiration. Or, sous ce rapport, il declare avant tout quel est le sens non genuine du dogme de l’inspiration. Duplex nimirum error expresse desi­ gnatur. La première est celle qui affirmait des livres canoniques eos primitus scriptos esse tantum modo ingenio ct industria humana, sed propter res quas con­ tinent, ab Ecclesia sive jam mosaica sive Christiana inter libros canonicos recensitos esse, ct catenas haben­ dos esse ut sacros. Tum excluditur error alter, quo libri Scriptura: non ratione originis ipsorum librorum seu ratione scriptionis,sed solum ratione materier,quod sine errore continent veritates revelatas, sacri et divini esse dicuntur. Ibid., col. 522. Cc schema fut expliqué à la Députation dc la fol par son auteur qui était consultcur dc la commission théologique, pour répondre ù des difficultés soulevées par quelques membres de cette commission. Franzelin montra d’abord très clairement que l’Église n’a pas le pouvoirdc faire qu’un livre d’origine humainedevienne Écriture sainte, en le plaçant au canon des Livres saints; elle a seulement le droit de declarer infaillible­ ment qu’un livre d’origine divine doit prendre rang parmi les livres sacrés et canoniques. 11 ne suffit pas non plus pour qu’un livre soit Écriture sainte, c’cst à-dire divinement inspiré, qu’il contienne les vérités dc fol sans erreur. Un livre n’est pas Écriture sainte seule­ ment ratione materia:, mais il doit l’être rationeoriglnts. Ibid., col. 1621-1622. Le schéma, retouché par Mgr Martin, évêque de Paderborn, avec l’aide d’un théologien (Franzelin vrai­ semblablement), était ainsi libellé: Neque vero eos (les livres canoniques) Ecclesia pro sacris et canonicis habet, propterea quod sola licet humana industria com­ positi, auctoritate tamen sua approbati sint, nec propterca solum, quod revelationem contineant. Ibid., col. 1629. Ce texte fut remis aux Pères de la Dépu­ tation de la fol. le 1" mars 1870. Ibid., col. 1647-1648, et il fut approuvé, le G mars. Ibid., col. 1655. Quand 11 fut présenté aux Pères du concile, sa rédac­ tion, modifiée encore, ne changeait pas Je sens de la phrase : Eos vero Ecclesia non propterea pro sacris ct canonicis habet, quod auctorilate sua approbati sint, tied sola humana industria concinati; aut ideo dumtaxat, quod revelationem sine errore contineant. Ibid., coi. 72. 2155 INSPIRATION DE I/ECRITl KE Mgr Gasser, dans Jc rapport qu’il hit au nom de la Deputation de la foi, commence par expliquer le sens du projet. Le schéma dit ce qu’est un livre sacré ct canonique négativement d’abord, ct de deux façons. La première opinion qui est rejetée tendrait à dire qu’un livre est sacré ct canonique, parce que l’Église l’a approuvé par son autorité. Reapse liber talis nulla ralione inspiratus dici potest : nam Ecclesia librum non Inspiratum non potest auctoritate sua facere inspiratum. Ergo approbatio Ecclesia: ad librum sacrum constitu­ endum certe non sufficit. Mgr Gasser fait ensuite remar­ quer, comme nous l’avons dit plus haut, col. 2145, que l’opinion de Lessius n’est pas visée par là. Il s’agit ici de l’approbation de l’Église ct non pas de celle de ; Dieu. Ulterius etiam excluditur illa notio inspirationis ubi dicitur librum quemdam esse sacrum seu divinitus inspiratum eo quod revelationem sine errore contineat. Nam si hujusmodi libri essenl inspirati, omnes canones conciliorum libris sacris sunt adnumerandi. Ibid., coi. 110-141. Six amendements avaient été présenté», qui ne ten­ daient qu’à préciser davantage la rédaction du texte, laquelle avait paru ambiguë ou peu claire. Ibid., col. 123. La Députation de la foi adopta la rédaction qui avait été proposée dans le 30· amendement ct qui donnait satisfaction aux amendements 31· bis ct 32·; elle rejeta le texte trop long du 31· ct l’addition : sine ullo Del afflatu du 33·, qui fut jugée superflue. Ibid., col. 142. Ces propositions, présentées par son rap­ porteur, furent approuvées par tous les Pères. Ibid., col. 143. Lc texte, révisé en conséquence, n’a^ait donc reçu que des retouches de style. Le voici : Eos vero Ecclesia pro sacris et canonicis habet non ideo, quod sola humana Industria concinnati, sua deinde auctoritale sint appro­ bati; nec ideo dumtaxat, quod revelationem sine errore contineant. Ibid., col. 154, 218. Cette rédaction ne souleva plus aucune observation. Elle fut donc pro­ mulguée à la III· session, le 24 avril 1870. Const. Dei FlUus, c. n, ibid., col. 251. Les débats indiquent clairement le sens que le concile a donné à ccttc déclaration. Il est certain que les Livres saints contiennent la révélation divine sans mélange d’erreur; mais cela ne suffit pas pour affirmer qu’ils ont été inspirés : Il faut qu’ils soient d’origine divine. C’est pourquoi aussi l’approbation de l’Église ne peut faire que des livres d’origine humaine devien­ nent Inspirés. 3e Véritable notion de CInspiration. — Lc concile ne s’est pas borné à exclure deux erreurs sur la nature de l'inspiration. Il a donné une notion positive de l’action divine qui a rendu les Livres saints sacrés ct cano­ niques, ct par conséquent inspirés. Lcpremier schéma énonçait ccttc notion en ces termes : sed eo quod Spi­ ritu Sancio inspirante conscripti fuerunt, ideoque sunt Scriptura: divinitus inspiratu: (II Tim , m, 16), qme habent auctorem Deum atque ita continent vere ct proprie verbum Det scriptum. Quare haereticam esse declaramus et damnamus sententiam, si quis divinitus inspiratum esse negaverit aliquem vel integrum vel ex parte librum, l’un ou l’autre de ceux que le concile de Trente a définis être sacrés ct canoniques Ibid., col. 508. Dans les notes, qui accompagnaient ce projet, le sens de ce passage était ainsi expliqué : Sequitur deinde positiva declaratio doctrina: catholica, quo sensu omnes libri Scriptura et ob quam rationem eis intrinsecam fuerunt ab Ecclesia sacri declarati, ct jam hoc ipso in canonem relati. Ratio nimirum est ex divina origine seu scrip­ tione ipsorum librorum. Hac vero scriptio divina decla­ ratur, quod 1. libri conscripti sunt, inspirante Spiritu Sancto. Erat igitur su pernaturalis operatio Spiritus Sancti in homines ad ipsos libros scribendos. 2. Ex hoc ipso quod actio Spiritus Sancti referebatur ad scri­ 2156 bendos libros per homines ad hoc opus inspirator, ipd libri sunt et ab apostolis dicuntur Scriptum divinitus inspirata. 3. Denique actio illa inspirationis erat hujusmodi, ut Deus sit librorum auctor seu auctor scriptionis, ita ut ipsa rerum consignatio seu scriptio tribuenda sit principaliter operationi divinæ in homine cl per hominem agenti, ct proinde libri contineant scriptum verbum Dei. Hoc modo inspirationem Scriptura: in Ecclesia Del semper intellectam et intelligendam esse, demonstrat. 1. 55. Patrum consensus. Dicunt enim, Scripturas esse conscriptas per Spiritum Sanctum vel per operationem Spiritus Sancti, esse litteras Del ad homines missas, Scripturas esse a Deo didas, tsse a Deo vel operatione Dei datas vel conditas, homines in iis scribendis fuisse instrumenta sub operatione divini Spiritus. Et chacune de ces formules des Pères est appuyée en note par des références ù leurs ouvrages, reproduits dans les Patrologies de Aligne ou par Mansi, dans sa Collectio conciliorum. Quant ù la foi de l’Église en Dieu auctor librorum des deux Testaments, elle est énoncée dans les documents authentiques des papes ct des conciles, que nous avons cités précédemment, col. 209 1 sq. Ibid., col. 522-523. Cette rédaction souleva une difficulté : elle paraissait étendre l’inspiration à chacune des particules ct aux mots eux-mêmes des Livres divinement inspirés. Le P. Franzelin la résolut ainsi, dans son mémoire déjà cité : At primum notio inspirationis declaratur juxta formulam ecclesiasticam, ita ut Deus sit audor Scripturarum seu librorum sacrorum, cujus formula veritas satis demonstrata est in annotationibus sub­ jectis. Ad hoc autem ut Deus auctor sil, requiritur quidem supernaturalis divina actio in humani scriptoris inteb lectum ac voluntatem. Quivnam vero haec actio sil, hi striclim non definitur, sed relinquitur doctorum expli­ cationi. Certum est, in tradila notione inspirationis non revelationem rerum scriptori factam (si revelatio proprio sensu intclligulur) multoque minus dictationem singulorum verborum comprehendi vclut essentialem et necessariam ad inspirationis conceptum. Quud vero ad extensionem inspirationis spectat, diserta appella­ tione ad cone. Tridentinum significatur, eas paries credendas esse inspiratas, quas Tridentinum definivit esse sacras et canonicas. Quæstiones vero hactenus inter catholicos controversæ de sensu, quo partes librorum in Tridentino decreto intelligenda: sint, nec definiuntur nec attinguntur. Quoad extensionem ergo inspirationis nihil omnino definitioni tridentinæ superadditur. Ibid, col. 1621. Lc schéma réformé présentait, sur le point qui nous occupe, une rédaction plus courte ct plus condensée que la première : Sed ideo quod Spiritu S. inspirante conscripti Deum habent auctorem ejusque sunl vert et proprie verbum scriptum atque ut tale Ecclesia: ab apostolis traditi. Ibid., col. 1629 Ce texte fut encore remanié ct écourté par la Députation de la foi : Sed ideo quod Spiritu Sancto inspirante conscripti, Deum habent auctorem, atque ut tales Ecclesiae per apostolos Iraditi sunt. Ibid., col. 79. Sur cette rédactior, Mgr Simor dit, dans le rapport qu’il lut en congrégation générale : Patet nimirum quod in hoc schemate ru'iil novi de inspiratione dicatur et quod Deputatio plane nihil novi in specie dicere voluerit, sed liberum relu querit scholis disputare de modo inspirationis cl, ut scholic loquuntur, de extensione inspirationis. Ibid., col. 86. Des amendements avaient été proposés par des Pères. Le 31· exposait longuement la même doctrine; nous l’avons d< jà dit. il fut écarté ù cause de sa lon­ gueur. Lc 32· ct le 34· ne visaient que la tradition des Livres saint i à I · gllsc, par / . . coL 12 Dans son rapport, lu aussi en congrégation générale, Mgr Gasser expliqua le sens de la notion positive de l’inspi ;tor. qui était donnée : Et quidem quoad 2157 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE characterem Internum, scilicet quod Spiritu Sancto in­ spirante conscripti, Deum habent auctorem, ct deinde quoad characterem externum, quod tales Ecclesia per apostolos traditi sunt. Sur ce dernier point, qui ne va pas à notre sujet, la Députation de la fol admit par­ tiellement le 32· amendement, en supprimant les mots : per apostolos. Voir Th. Granderath, Histoire du conciledu Vatican, I. 11, c. x, trad franç., Bruxelles, 1911, t. no, p. 102. Elle modifia en conséquence la finale de la réduction en cette formule : atque ut tales ipsi (scilicet Eccles·'w) traditi sunt. Ibid., col. 142. Λ la discussion qui suivit, un seul amendement fut proposé au sujet de la véritable notion de l’inspiration. Les mots : Spiritu Sancto inspirante conscripti, qui font allusion à l’Épltre de saint Pierre, où il n’est question que des prophéties, ne plaisaient pas ù l'auteur de l'amendement. 11 préférerait les termes plus cano­ niques : divinitus inspirati, que saint Paul a employés en parlant de l’Écriturc entière. L'idée était de faire porter la définition sur le fait de l’inspiration, ct non pas sur son mode, ct cela afin d'infliger le minimum d’oflense aux théologiens catholiques. Ibid, col. 225. Lc 19 avril 1870, Mgr Gasscr répondit à ccttc obser­ vation. 11 fit observer que la phrase critiquée était empruntée au concile de Florcnce, qui a appliqué les paroles de saint P»crrc à tous les auteurs des livres des deux Testaments. Ibid., col. 239. La phrase fut donc conservée et promulguée à la IIIe session; seul, le dernier membre était ainsi libellé : atque ut talcs ipsi Eccles iœ traditi sunt. Ibid., col. 251. Puisque le concile du Vatican n’a rien voulu définir ct n’a rien défini sur le mode de l’inspiration scriptu­ raire, ni sur l’étendue de cette inspiration, nous ne tire­ rons rien de sa définition sur les deux points, laissés à la libre discussion des docteurs. Nous signalerons cepen­ dant le sens précis qu’il a donné ù la formule tradi­ tionnelle de la notion positive ct véritable de l’inspi­ ration : Spiritu Sancto inspirante conscripti, Deum habent auctorem. Il s’agit des livres sacrés ct cano­ niques eux-mêmes, et non pas de leurs auteurs. En l’employant ainsi, le concile n'a pas donné à l’expres­ sion auctor le sens de garant de la vérité de ces livres ou de leur cause efficiente au sens large, mais bien dans le sens d’agent principal de leur rédaction, Cette formule traditionnelle peut donc servir aux théolo­ giens de point de départ pour déterminer la part que Dieu a prise dans la rédaction des Livres eux-mêmes, qui ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, Cf. Th. Granderath, Histoire du concile du Vatican, trad. franç., 1 Bruxelles, 1911, t. n b, p. 152. IV. APRÈS LE CONCILE DU VATICAN.— Ie Théolo­ giens qui expliquent la nature de Γ inspiration d'après la notion définie de Dieu auteur des Livres saints. — Le Père Franzelin, dont nous connaissons le rôle au concile du Vatican et dont le traité De Scriptura avait foumklc cadre de la notion catholique de l'inspiration, était parti de celte notion pour déterminer le mode de l’inspiration des Livres saints. Dans son traité De divina traditione ct Scriptura, 3e édit., Home, 1882. il démontrait, lhes. n,que Dieu est l’auteur des Livres saints per suarn supernaturalem actionem in conscrip­ tores humanus, c’cst-à-dirc par l’inspiration du SaintEsprit sur ces écrivains. Au sens strict, ralione scrip­ tionis, quæ est efficienter a Deo per hominem, in quem operetur ad scribendum et in scribendo ita ut Deus ipse princeps auctor libri sensu proprio censeri debeat, p. 329. S’appuyant sur les témoignages des Pères ct des théologiens, Franzelin considérait Dieu comme la cause principale efficiente des Livres saints et les écri­ vains sacrés comme les instruments dont Dieu s’était servi. Dieu n’a pas écrit par lui-même, mais par des hommes; il est néanmoins l’auteur des Livres saints, 2158 parce qu'il a conçu toutes les choses contenues dans ces livres ct qu'il a voulu les y faire consigner. Dieu aurait pu révéler immédiatement ces choses aux hommes qu'il Inspirait. La révélation directe n’a été nécessaire que pour les choses qu'ignoraient les écri­ vains sacrés. Quant aux choses qu’ils connaissaient ou qu’ils pouvaient connaître par leur industrie propre, Dieu a seulement déterminé ces écrivains à les écrire, mettant ainsi dans leur intelligence les choses qu’il voulait leur faire dire. Cette Inspiration peut être regardée comme une révélation au sens large du mot. Or, les choses, ainsi rév< lées par Dieu tant par révé­ lation immédiate que par simple Inspiration, consti­ tuent V élément formel du livre; les mots et les paroles qui les expriment n’en sont que Γ élément matériel. Pour que Dieu soit l’auteur d’un livre, il suffit que l'élément formel du livre provienne de lui, et il n’est pas nécessaire que l'élément matériel lui soit propre; les mots ont donc pu être écrits par l'écrivain inspiré lui-même, à la condition toutefois qu’ils expriment Infailliblement l’élément formel, les choses ou vérités que Dieu voulait faire écrire par leurs plumes. Pour assurer ccttc infaillibilité de l’expression, Dieu, tout en laissant aux écrivains sacrés le libre choix des termes qu’ils employaient, les assistait, tandis qu’ils écrivaient, ct veillait ù cc qu’ils exprimassent exac­ tement les choses qu’il voulait exprimer par leur inter­ médiaire. L’inspiration verbale n’a donc pas été néces­ saire, ct, de fait, n'a pas eu lieu. Franzelin démontrait sa thèse par les témoignages patristiques, que nous connaissons. 11 n’innovait donc rien, ct, si nous ne nous trompons, il n'avait en propre que la distinction entre l'élément formel ct l’élément matériel du livre. Celte distinction, il ne l'établissait pas a priori, d’après la notion abstraite de ce que devait être un livre pour avoir Dieu comme auteur principal, mais d’après les données de l’enseignement traditionnel. La thèse de Franzelin a été adoptée par un grand nombre de théologiens, notamment de la Compagnie de Jésus, entre autres par IL Hurter. Theologiae dogmaticae compendium, 3· édit., Inspruck, 1880, t. ï, p. 144-154, C. Mazzclla, De virtutibus infusis, 4* édit., Rome, 1894, p. 523-546; Chr. Pcsch, Prælectioncs dogmatica, 2e édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1894, t. ï, p. 374 sq.; Tepe, Institutiones theologicæ, Paris, 1894, 1.1, n. 760; J. Brucker, Questions actuelles d*Écriture sainte, Paris, 1895, p. 24-53; Études, 5 jan­ vier 1897, t. lxx, p. 113-119; L'Église ct la critique biblique, Paris, s. d. (1908), p. 35-78; Knabcnbaucr, Stimmen ans Maria Laach, 1897, t. un, p. 76 sq.; De San, Tractatus de divina traditione et Scriptura, Bruges, 1903, p. 214-255; Schiffini, Divinitas Scrip­ turarum, Turin, 1909, p. 241-242, ct, en dehors de la Compagnie, par F. Schmid, De inspirationis Bibliorum vi ct ratione, Brixen, 1885, p. 38-60; G. J. Crois, De divina Bibliorum inspiratione dissertatio dogmatica, Louvain, 1886, p. 105-127. Sans parler de la distinction entre l'élément formel ct l'élément matériel d’un livre, le Père Kleutgcn dis­ tinguait l'inspiration de la révélation ct de l'assistance. C'était une impulsion divine qui poussait un homme â écrire, non pas de sa propre délibération, mais par un instinct divin. Or Dieu, quand il a donné cette Impulsion, ne laisse pas l'écrivain de son choix à scs lumières personnelles, il lui infuse une lumière spé­ ciale, par laquelle il lui révèle, s'il y alleu, des choses Inconnues et il éclaire celles des choses antérieurement connues qu'il veut lui faire écrire. Tout cc qu’écrit l'écrivain, ainsi inspiré par Dieu, devient pour les autres règle de foi, car Dieu a assisté cet homme pour qu’il ne tombe pas dans l’erreur. On pourrait donc comprendre sous le nom d’inspiration une impulsion antécédente à écrire, une assistance concomitante ct r 2159 INSPIRATION DE I/ÉCRITl RE 2100 une confirmation subséquente du contenu du livre; j indique par une lumière surnaturelle cc qui doit être mais les deux derniers actes ne suffiraient pas, à eux écrit et qu’il pousse l’écrivain â l’écrire en lui faisant seuls, car l’inspiration exige toujours une lumière juger, par un jugement pratique, qu’il doit l’écrire surnaturelle, même si aucune nouvelle révélation | ct n’écrire que cela. Le Saint-Esprit peut aussi pous­ n’intement, ct une impulsion surnaturelle à écrire. ser l’hagiographe â rechercher dans les sources his­ toriques ce qu’il doit écrire, en l’éclairant sur l’usage Ainsi en a-t-il été pour les livres sacrés ct canoniques, qu’il doit en faire ct sur le choix des vérités que qui, écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, ont eu celles-ci contiennent. Une motion divine ù écrire a Dieu pour auteur. Tout dans l’Écriture est inspiré. La seule discussion possible est de savoir si tous les dû précéder l’influx divin sur l’intelligence de l’hagiographe ct elle persévère efficacement tant que dure mots ont été écrits par une impulsion spéciale du la rédaction du livre. Les facultés naturelles de Saint Esprit. Parfois cependant il se peut qu’une lumière nouvelle n’ait pas été communiquée par l’écrivain restent normalement en jeu, mais elles sont élevées par Dieu en vue de leur faire exécuter con­ l’Esprit Saint à l’écrivain sacré; il faut toujours au moins que celui-ci ait reçu l’impulsion divine à écrire venablement leur acte propre. Le livre ainsi composé ct que Dieu l’ait assisté, tandis qu’il écrivait, pour est vraiment un livre d’origine divine, qui contient laparoledeDieuetqul jouit de l'autorité divine. Enfin, l’empêcher d’errer. Cette impulsion Λ écrire doit enfin être une motion spéciale, à laquelle s’ajoute au moins l’inspiration verbale, ou la dictée des mots, n’est pas l’assistance divine. De inspiratione, dans Schnccmann, nécessaire. 11 suffit que le Saint-Esprit ait influé sur op. cit., p. 473 sq. On le voit, le P. Kleutgen com­ le choix des mots de façon à cc que sa pensée soit bien plétait, en la corrigeant, l’opinion de Bonfrère ct déve­ rendue. loppait celle de Le&sius. Cette manière d’expliquer l’inspiration était repro­ François Schmid consacra un ouvrage spécial : duite dans tous les manuels de théologie ct d’intro­ De inspirationis Bibliorum vi cl ratione, Brixen, 1885, duction biblique. Elle semblait définitivement établie ù l’étude de l’inspiration biblique. Le 1. 11 traite du dans les écoles catholiques, lorsqu’elle céda la place concept de l'inspiration. Pour que Dieu soit l’auteur ù une nouvelle explication de la nature de l’inspiration. d’un livre, il faut de sa part une influence positive sur 2° Nouvelle explication, adoptée pur Léon XIII dans l’écrivain, telle que celui-ci veuille écrire ce que Dieu Γencyclique Providentissimus Deus. — En 1891, le veut lui faire écrire et conçoive lui-même ce que Dieu P. Comely, Jésuite allemand, professeur au Collège a conçu de lui faire écrire. Écrire un livre, c’est mettre romain, ajouta à son Compendium introductionis, par écrit scs pensées pour les faire connaître aux lec­ ct publia à part une courte dissertation De divina teurs. SI donc Dieu lui-même ne déterminait pas tout S. Scripturarum inspiratione, qui a été aussi tra­ cc qu’il veut faire écrire et communiquer aux lecteurs, duite en français, dans son Manuel infailliblement dans sa volonté à rédiger tout cc que Dans celte analyse de la notion de Dieu, auteur le Saint-Esprit veut lui faire consigner par écrit pour principal des Livres saints, le P. Comely abandon­ l’instruction des autres hommes, et rien que cela. Il nait la distinction de Franzelin entre l’élément formel faut encore une assistance ct une certaine onction du çt l’élément matériel d’un livre, et il aimait mieux < conserver l’ancienne manière de parler. » Ainsi, fl Saint-Esprit, qui préserve l’écrivain de toute erreur. En vertu de celte assistance, l’hagiographe choisit les étendait l’illumin itiondr. inc de l'esprit et la motion de mots aptes à exprimer les pensées que le Saint-Esprit la volonté à tousles faits et à toutes les idées des Livres veut lui faire exprimer. L’influx divin suri* intelligence saints; mais pour leur forme extérieure, il n’exigeait des écrivains sacrés peut, dans certains cas, avoir que I’assl ta: a cfHeac de Dieu pour veiller non seu­ pour eflet de révéler ou de rappeler à la mémoire cc lement â cc que rècdv un ne mêlât aucune Idée étran­ qui doit être écrit. Mais si l’hagiographe sait de gère t transmettre, qu’il n'en omît aucun , q · i exprimât aucune d’une manière science propre cc que le Saint-Esprit veut lui faire plu: ou > ronéo, mais aussi pour le diriger afin écrire, il suffit alors, mais il est nécessaire, que Dieu 2161 que, toujours ct partout, il choisit une forme bien appropriée cl convenable ù la parole divine, sans que pourtant elle fût la plus belle ct la plus parfaite. Dans l’encyclique ProvidentiMlmus brus sur les Écritures, du 18 novembre 1893, le souverain pontife Léon XIII, après avoir cité la déclaration du concile du Vatican, conclut, du fait que le Saint-Esprit est l’auteur principal de l’Écriture, qu’on ne pouvait prétendre que les écrivains sacrés, scs Instruments, auraient pu commettre des erreurs. La conclusion était fondée sur la notion de l’inspiration de ces écrivains eux-mêmes, < car, disait-il, Dieu les a tellement excités cl mus par sa vertu surnaturelle à écrire et il les a tellement assistes, quand Ils écrivaient, qu’ils ont d’abord conçu dans leur esprit, puis fidèle­ ment voulu rendre, en fin exprimé exactement et avec une Infaillible vérité, tout cc que Dieu leur ordonnait d’écrire, ni plus ni moins; autrement il ne serait pas lui-même l’auteur de la sainte Écriture. » Traduction de M. Dldiot, Truitt! des saintes Ecritures, Paris, Lille, 1891, p. 130. Pour le texte, voir Denzinger-Bannwart, Enchiridion, 13· édit., 1921, p. 1952; Cavalière, The­ saurus doctrinæcathûlicœ, Paris, 1920, n. 90. Cette analyse de la notion de l’inspiration ne part pas directe­ ment de la formule du concile du Vatican : · Dieu auteur des Livres saints »; elle aboutit seulement à cette conséquence qu'autrement Dieu ne serait pas leur auteur. Si elle n’a pas étéempruntée au Père Comely, elle expose les mêmes actes divins sur les écrivains sacrés,bien qu’ils soient un peu diversement ordonnés: une excitation et une mot ion à écrire ct une assistance spéciale qui fait concevoir aux écrivains sacrés tout le contenu des Écritures ct le leur fait exprimer exac­ tement et avec une infaillible vérité. Cette explication de la nature de l’inspiration était destinée à une fortune considérable. Les commenta­ teurs de l’encyclique ne pou valent manquer de faire res­ sortir les memes éléments de l’inspiration. Le chanoine Jules Dldiot les a considérés en Dieu, inspirateur des écrivains sacrés ct auteur principal des Livres saints,dans les écrivains inspirés eux-mêmes,auteurs secondaires des mêmes livres. L’action de Dieu a été une excitation ct une motion ù écrire, puis une assis· tancc qui donne aux hagiographes la conception juste de tout cc qu’ils doivent écrire, la volonté de l’écrire fidèlement ct la faculté d’exprimer exactement ct Infailliblement toute la pensée divine. A l’excitation divine correspond la conception humaine, à la motion divine la volonté humaine et ù l’assistance la rédaction humaine. Le rôle propre Λ chacun des auteurs de l’Écriture est ainsi fixé, et il n’y a pas essentiellement place pour la révélation, qui ne peut sc produire qu’accidentellement. Op. cit., p. 175-179. M. Vacant, qui commentait les décisions du concile du Val lean, a bien vu que, surin not ion de l’inspiration des Écritures, l’encyclique Providentissimus Deus les avait complétées et précisées. Aussi est-ce ù ccttc encyclique qu’il emprunte la notion de l’inspiration. 11 y reconnaît, après Léon XIII, de la part de Dieu, une motion prévenante (excitavit) et concomitante (movit ), qui a poussé les hagiographes ù écrire, puis une assistance qui les empêche de rien ajouter ou retrancher Λ ce que Dieu a voulu leur faire écrire, de façon à produire infailliblement un livre d’origine divine ct humaine ù la fois. Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, Lyon, 1895, t. 1, p. 458-460. Puis, après avoir exposé les erreurs condamnées par le concile de 1870, p. 460461, il expose, d’après le concile et le souverain pon­ tife, comment Dieu est l’auteur des Livres saints pour les avoir fait écrire, p. 464-468. 11 voit dans l’excita­ tion et la motion surnaturelles le caractère principal ct distinct de l’inspiration, celui dont les autres déri- 2162 vent. Par elles l'inspiration se distingue des autres secours surnaturels, qui l’accompagnent, mais peu­ vent s’en séparer comme sont la révélation et l’assis­ tance. Elles ont pour objectif la volonté de l’écrivain qui fait agir directement sa main. Mais cetle impul-' sion divine ne s’arrête pas Λ la volonté, dont les déterminations ne vont jamais sans un objet fourni par l’entendement. 11 faut donc que les données que Dieu veut faire entrer dans un livre, soient présentes â l’intelligence de l'écrivain. Aussi, pour mettre la volonté en exercice, Dieu donne dans l’intelligence la pensée du livre ct de son contenu. L’excitation de ces pensées est la préparation et le commencement indis­ pensable de l’impulsion à écrire. La resolution devient efficace par l’action de l’écrivain, mais cette action pour la composition du livre se fait par suite de l’impulsion divine. Celle-ci produit donc un triple effet : elle suggère à l'intelligence la pensée du livre et des vérités ù y consigner; elle détermine la volonté à écrire ce livre cL â y consigner toutes les vérités présentées par Dieu à l’intelligence; elle fait enfin com­ poser le livre de façon que l’écrivain exprime avec Justesse tout cc que Dieu a voulu lui faire écrire. Cette assistance divine dans la composition n’exnpcche pas seulement l’écrivain sacré de se servir de termes Impropres ou d’altérer la pensée divine ; elle fait écrire fidèlement tout cc que Dieu veut faire écrire. Son effet est donc à la fois positif ct négatif 3e Critique de Canaluse de la formule conciliaire et nouvelles explications de Γ inspiration. — Cependant, quelques années après l’encyclique Providentissimus Deux, on mit en question la justesse de la méthode de Franzelin. Les exégètes en commencèrent la cri­ tique; les théologiens thomistes la complétèrent ct proposèrent de nouvelles explications. 1. Critique des exégètes.— M. Levesque pensait «qu’il ne serait pas inutile de remettre à l'étude la nature meme de l’inspiration · et d* « aiguiller les recherches dans une voie nouvelle >. Car « on vit plus ou moins sur la théorie du cardinal Franzelin », qui confond secrètement l’inspiration et la revelation. Essai sur la nature de Γ inspiration des Livres saints, dans la Revue des facultés catholiques de Γ Ouest, dvccmbre 1895, p. 405, 406. M. Levesque refuse donc de faire de la révélation une partie constitutive de l’ins­ piration. Bien qu’elle précède ou accompagne quelque fols l’inspiration, elle n’est qu’un secours distinct, qui n’entre pas dans la notion de l’inspiration. Revue biblique, avril 1897, p. 926. Le P. Lagrange fit, d’un autre biais, la meme critique. Vu la difficulté de corn prendre comment Dieu est l’auteur de quelques livres de la Bible, qui ont l’apparence d’etre des livres écrits par les hommes, il faut concilier les exégètes qui constatent ces faits avec les théologiens, qui affirment, avvcles conciles de Florence, de Trente ct du Vatican, que Dieu est l’auteur des Livres saints, parce qu’ils ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit « 11 résulte clairement de ce processus que l’inspiration ne doit pas être expliquée par la formule : Dieu est raideur des Livres saints, mais au contraire que la formule « Dieu est l’auteur des Livres saints > repose sur la vérité de celte autre : les livres canoniques ont été écrits sous l’inspiration de l’Esprit Saint. La notion de l’inspiration devra donc être examinee en ellemême; mais elle devra cependant être conçue de manière Λ renfermer cette consequence : Dieu est l’auteur de ces livres. Cette formule étant rigoureuse ment vraie, quoiqu’elle ne doive pas nous servir de point de depart, elle devra nécessairement se trouver implicitement dans la notion de l'inspiration. * L'ins­ piration des Livres saints, dans la Revue biblique, avril 1896, p. 206. La méthode de Franzelin aboutit à cette idée : « Dieu composant son livre pour le δ Ml· ■ U 2163 INSPIRATION déposer tout fait, au moins quant aux pensées, dans l’esprit de l’auteur inspiré, ou du moins à des équi­ voques qu’on retrouve dans plusieurs auteurs. » M. Dick proposa une « meilleure methode ». Elle consisterait â amasser tous les faits qui rendent diffi­ cile à comprendre, à première vue du moins, que Dieu fût fauteur de la Bible. La question à résoudre est une question de fait : Comment a-t-il plu à Dieu d’ins­ pirer la Bible? » et non une question de possibilité : Comment a-t-il pu le faire? On ne peut dire a priori comment il l’a fait. Pour connaître ce comment, il faut examiner les Livres Inspirés sous toutes les faces, voir comment ils sont et ce qu'ils sont, avant de savoir comment ils ont été inspirés. 11 est donc nécessaire d’étudier leur contenu, les procédés et les méthodes suivant lesquels les auteurs les ont écrits, le but qu’ils se proposaient. De tous ces faits étudiés, rap­ prochés les uns des autres, on pourra conclure : Voilà comment ils sont inspires; voilà ce qu’est l’inspiration. L'inspiration des Livres saints, dans la Hevue biblique, octobre 1896, p. 488. C’est la methode a posteriori, opposée à toute méthode a priori, la mccnuue exégétique et critique opposée à la méthode théologique et philosophique. Le P. Lagrange repoussa avec quelque raison la méthode proposée. On ne peut faire dépendre les prin­ cipes de la foi et de la théologie d’une élude critique dont nul ne peut prévoir le terme. 11 faudrait assurer d’abord la pureté des textes bibliques, la critique litté­ raire devrail suivre la critique textuelle, avant d’édi fier une histoire d*Israël et du christianisme primitif. Le dogme de l'inspiration paraîtrait enfin comme une expression de la fol des juifs et des premiers chrétiens. Mais c’est supposer que, sur l’inspiration, nous n’avons qu’une source d’information : les livres inspirés euxmêmes. Or, l’Église est le seul interprète infaillible de l’Écriture; sa tradition contient d’utiles rensei­ gnements sur l’inspiration des Livres saints; scs théo­ logiens ont étudié ce dogme. Nous avons à tenir compte de tous.ccs renseignements pour faire l’analyse philo­ sophique de la notion d’inspiration scripturaire. L'ins­ piration et les exigences de la critique, ibid., p. 497498. Le P. Lagrange trouvait même ■ la réaction contre Franzclln légèrement exagérée ». Ibid., p. 499. 11 l’avait pourtant provoquée, en excluant toute révé­ lation de la notion d’inspiration, Hevue biblique, 1895, p. 149-150. 11 ne voulait pas dissocier l’une de l’autre les notions d’inspiration et de révélation qui sont connexes. Plus tard, le P. Prat trouvait, lui aussi, des désa­ vantages à partir de la formule : Deus est auctor Scriptune pour établir la nature de l’inspiration. Celte for­ mule était, à scs yeux : 1° équivoque. Auteur, en français, n’est pas équivalent du latin auctor, qui a le sens classique et Judiciaire de cause ou de garant. Le terme français signifie écrivain. En traduisent Deus auctor par Dieu auteur, on ôte au mol auctor son Indé­ termination, un peu aux dépens de l’exactitude; 2° la théorie qui en part, fait reposer une thèse capitale sur un sens figuré du mot auctor; 3° elle ne s’établit pas sans quelques artifices, comme celui de négliger, dans les textes des conciles, le mot principal (à savoir, c mot unum auctorem utriusque Testamenti, qu’on lit dans tous les documents conciliaires depuis le IV· con­ dic de Carthage, et qu’il faut suppléer (?) dans la définition du concile du Vatican). C’est pourquoi le Père Prat préférerait la formule : Scriptura est verbum Dei, pour les raisons suivantes : Ie Elle ressort si clai­ rement de l’Écriture et de la tradition que la démons­ tration en est presque superflue; 2° elle a l’avantage de ramener à une même notion toute inspiration, soit écrite, soit orale; 3° elle a pour corollaire Immédiat la garantie divine, par conséquent la causalité de la )E L’ECRITURE 2164 f parole divine, et son aptitude à servir de nonne; i 4° elle sc passe de figures, puisque Dieu parle, enseigne, Instruit, ordonne, au sens propre, dans l’Écriture, par l’organe de son ambassadeur. Décentes publications exégétiques, dans les Études, 20 mai 1903, t. xcv, p. 556-558. Cf. Les historiens inspirés et leurs sources, ibid., 20 février 1901, t. lxxxvi, p. 498-499. Le P. Félix Pignalaro réfuta solidement l'opinion du P. Prat, dans une note qu’il ajouta à ['Apparatus ad historiam coœvam doctrinœ inspirationis penes catho­ licos, p. 129-132, au sujet de la définition du concile du Vatican. 11 montra que ce concile n’avait pas visé les manichéens, qu’il avait pris le mot auctor dans le sens d'écrivain,voi r col. 2155 sq. et que ce mot a ce sens dans les classiques latins et qu’il l’a toujours eu dans la littérature ecclésiastique, quand il était appliqué à la composition des Livres saints. Le P. Bainvel a fait justement remarquer que l’Écriture n’est la parole de Dieu que parce qu’elle a été inspirée par Dieu. Si la parole de Dieu précède l’ins­ piration dans l’ordre de l’intention, elle ne la précède pas dans l’ordre de l’exécution. Π faut donc expliquer par l’inspiration la notion de parole de Dieu, et non pas l’inspiration par la notion de la parole de Dieu. De Scriptura sacra, p. 119-120. Les trois formules proposées sont traditionnelles et peuvent servir de point de départ à une analyse théo­ logique de la notion d’inspiralion. Mais aucune d’elles ne suffit, à elle seule, à fournir la base d’une analyse adequate de cette notion. Il faut tenir compte des enseignements de la tradition et de la théologie catho­ lique, et surtout des décisions officielles de l’Église, qui indiquent dans quel sens on a toujours entendu l’inspiration des Livres saints et qui ont plus de poids, que les déductions qu’un théologien pourrait tirer d’une unique formule de la tradition catholique. 2. Nouvelles explications proposées. — a) M. Leves­ que a ramené le mode d’action de l’Esprit inspirateur à trois operations essentielles : une impulsion donnée à la volonté, un secours guidant l’intelligence, une influence sur la rédaction par une assistance con­ tinue de telle sorte que Dieu, auteur principal des Écritures, a fait concevoir, vouloir et exécuter ce qu'il veut à l'écrivain inspiré. C’est par impulsion intérieure et efficace de la grâce que les écrivains sacrés se mettent à composer leurs livres. Ainsi, Dieu les fait vouloir. L’action divine sur l’intelligence de l’écrivain sacré n’est jamais une révélation, voir Hevue biblique, avril 1895, p. 421-422; c’est une direction de l'intelli­ gence qui se porte sur les vérités et les faits connus naturellement ou reçus par révélation antérieure pour ne choisir et ne transmettre que ce que Dieu veut. Sous celte direction, l’intelligence s’exerce active­ ment; elle porte son attention sur les vérités et les faits connus naturellement ou surnatureliement; elle les combine et les groupe de façon à atteindre le but, voulu à la fols par Dieu et par l’écrivain. Ainsi son jeu naturel et celui de toutes les facultés executives sont mus et dirigés par Dieu. L’écrivain est donc un Instrument intelligent et libre, qui recueille scs sou­ venirs, consulte des sources, écrites peut-être, dispose ses matériaux, les coordonne d’après un plan qu’il I s’est formé et qui lui est tout indiqué par son but. j II écrit cc que Dieu veut qu'il écrive et rien que cela. L’écrivain sacré n’est pas laissé à lui-même pour la rédaction du livre. Si Dieu ne lui dicte pas les mots, il y a comme une sorte de dictée des choses par Dieu, mais l’expression, le style, la disposition des détails sont l’œuvre de Γ écrivain Le verbum formale, la vérité, vient t n< érernent de Dieu; le verbum materiale, I Γexpression, c la < à l'initiative du secrétaire, mais à une inl ·.dive surveillée par Dieu, qui assiste l’écri­ vain cl' d ·. ce qu’il ne dénature pas sa pensée et ne 2165 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE tombe pas, par inadvertance, dans l’erreur. Ennui \ur la nature de Γinspiration des Hures saints, loc. cil., p. 206-213. L’influence de Franzclln sc fait encore sentir sur cet essai, notamment dans la distinction du verbum formule et du verbum materiale. En outre, la sorte de dictée des choses n’csl-clle pas une révéla­ tion intellectuelle, donnée m scribendo, telle que l’en­ tendaient les anciens scolastiques, alors qu’on exclut expressément de l’inspiration toute révélation? b) Le P. Brandi a expliqué les enseignements de l’encyclique pontificale sur la nature de l’inspiration en prenant pour point de départ la formule de saint Thomas : Deus est auctor, horno instrumentum. Dieu est plus que la cause première de l’Écriture; il en est la cause efficiente, non pas sans doute la cause unique, mais la cause principale qui .· c sert de la cooperation de l’homme comme cause sec ndairc et instrumentale. Mais l’écrivain sacré n’est pas un instrument entiè­ rement passif; il est actif, intelligent et libre; il parle comme messager divin. Le livre, effet de cette double activité, est donc tout entier à la fois de Dieu et de l’homme. Pour que Dieu ait la part principale, il a dû mouvoir la volonté des instruments raisonnables à écrire tout ce que Dieu voulait leur faire écrire et uni­ quement cela, la cause instrumentale n’agissant que par la motion de la cause principale. Il faut, en outre, que Dieu illumine l’esprit des écrivains sacrés, en leur révélant ou manifestant le sujet du livre, les matières à traiter, les vérités â proposer et les faits à raconter, autrement on ne pourrait attribuer à l’Esprivbaint tout cc que les auteurs secres ont écrit, et cet Esprit ne serait pas l’auteur premier des Livres saints. Cette révélation ne s’applique pus seulement à la manifes­ tation de quelque vérité each ce à l’erprit; elle s’étend à n’importe quel enseignement divin. Il ne s’agit pas toujours de la révélation divine nu sens strict, mais du moins de cette révélation au sens large. Les écri­ vains sacrés n’étant pas des instruments purement pas­ sifs, il est nécessaire que Dieu les assiste et les dirige pendant qu’ils écrivent, de telle sorte que, sans erreur, Ils écrivent tout ce que Dieu veut et seulement cc qu’il veut leur faire écrire. Sans cette assistance et cette direction, ils pourraient ajouter d’eux-mêmes quelque chose et y glisser, volontairement ou Involontaire­ ment quelque erreur, ou ne pas exprimer exactement la pensée divine. Ces trois ékments de l’inspiration décdulent donc de l’analyse de la formule : Deus est auctor sacrœ Scriptura:. La question biblique et Cency­ clique Providentissimus Deus, trad. Mazoyer, Paris, s. d. (1901), p. 23-21. La doctrine de saint Thomas sur la cause instrumentale, appliquée à l’inspiration, n’avait pas suffi à donner une explication complète de l’action divine sur les hagiographes; le Père Brandi avait dû recourir encore à l’Écriture, ù la tradition et aux décisions de l’Égliso. On allait tenter d’exploi­ ter surtout la doctrine thomiste de la cause instru­ mentale. c) Le P Pègucs, dominicains,a pris comme point de départ la formule de saint Thomas : Dieu est l’auteur principal de l’Écriture. l’homme en a été l’auteur instrumental, et bien que le docteur angélique ne soit pas parti de lâ pour expliquer l’inspiration, son dis­ ciple moderne applique à l’efficience de l’Écriture la doctrine du maître sur la cause principale et la cause Instrumentale. Sum. theol., III*, q. i.xu, a. 1. Dieu remplit donc le rôle de cause principale, il agit par sa vertu divine, et le produit de son action, l’Écriture, est tout entier de lui. Mais pour produire cet effet, la vertu propre de Dieu passe par les instruments qu’il a choisis et leur fait produire son effet: l’Écriture. Or l’instrument agit seulement par le mouvement dont le meut lo principal agent. L’inspiration sera donc, dans l’écrivain sacré, un mouvement, une participation 2166 à la vertu même de Dieu, une vertu surnaturelle qui, produite par Dieu, durera tant que les hommes Ins­ pirés feront office d’écrivains, et ne sc terminera que lorsque aura été exprimée la similitude parfaite de la pensée divine. L’Écriture est donc ainsi l’expression, non de l’homme, mais de Dieu, qui l’a faite par l’homme. Elle est donc totalement et Intégralement l’œuvre de Dieu et de l’homme; c’est le livre de Dieu, écrit par des hommes. Une pensée de saint Thomas sur l'inspiration scripturaire, dans la Ilevue thomiste, mars 1895, p. 97-103. Voir encore L. Jacomc, O. P., De natura inspirationis S. Scripturx, dans Divus Thomas, 1918, t. ni, p. 190-221. Celte Interprétation de saint Thomas, si clic est conforme à la doctrine thomiste sur les causes principale et Instrumentale, ne coïncide pas avec l’explication que le saint docteur a donnée lui-même de l’inspiration, dans son étude de la prophétie, explication que d’autres thomistes ont reprise. Elle rend, d’ailleurs, moins parfaitement compte de l’action des deux agents; c’est donc plutôt une régression qu’un progrès dans l’étude de la nature de J*inspiration. d) Le P. Lagrange, en effet, a demandé à saint Thomas les éclaircissements opportuns sur la notion de l’inspiration. Voir col. 2120.11 semble d’abord que, pour le docteur angélique, l’inspiration n’indique qu’un mouvement de la volonté, un souffle qui pousse et qui est attribué au Saint-Esprit, l’Amour. Saint Thomas distingue aussi l’inspiration de la révélation, quoique néanmoins il y ait entre les deux une certaine communauté de genre. L’inspiration est une touche de Dieu. Lorsque Dieu agit sur une créature raison­ nable, il s’adresse à son intelligence. Or toute action de Dieu sur l’intelligence donne à celle-ci des clartés. S’il n’y a pas révélation, l’objet présenté est, au moins, plus clairement manifesté. Alors, selon le cardinal Zigliara, Propxdeutica ad theologiam, 1. I, c. i, l’inspi­ ration instruit et éclaire l’intelligence per quemdam instinctum occultissimum. L’inspiré doit à Dieu une vraie connaissance, sans que la lumière divine soit connue pour telle et sans qu’elle communique à l’objet connu une sorte d’évidence ou de crédibilité divine. Selon saint Thomas, la connaissance suppose Γacceptio cognitorum et le judicium de acceptis. Elle n’est com­ plète que par le jugement. Or, le jugement suppose que son objet est présent à l’esprit. Mais cette pre­ sence se produit de differentes manières; Dieu, par exemple, manifeste à l’esprit un objet nouveau, sans communiquer toutefois aucune lumière pour en juger. Ainsi a-t-il donné à Pharaon unsonge,sansl’cxpliquer. Joseph a appris de Pharaon le songe que Dieu lui avait manifesté, mais il a reçu de Dieu la lumière pour en juger avec certitude. Dieu a produit en son esprit un jugement certain,sans révélation. Si Joseph eût reçu ù la fois de Dieu un songe et son interpré­ tation. c’eût été une révélation prophétique. Si donc l’inspiration est une élévation de l’âme pour percevoir la vérité, sans aucun mélange de révélation, elle sc trouve, conclut Zigliara. dans le jugement, sine acceptione cognitorum. Or, c’est cc qu’affirme saint Thomas, quand il distingue le charisme des prophètes de la grâce des hagiographes. Voir col.2122. 11 n’est pas nécessaire d'admettre ni que Dieu ait révélé,fourni, suggéré une seule idée, ni que l’écrivain sacré sache que c’est lui qui parle ù son intelligence et donne aux objets, connus au préalable, une certitude divine. Il suffit que cette certitude divine existe, en fait, dans le jugement de l’écrivain. Tout cc qu’il affirmera en vertu de la lumière divine, qui lui est communiquée, prendra son infaillibilité dans la vérité divine ellemême. Dieu est la cause du jugement certainement vrai; il l’a donc prononcé; il a donc parlé lui-même, I Il a enseigné. Cet enseignement doit être accepté 2167 INSPIRATION DE L’ECRITI RE 2168 comme Infailliblement vrai et par celui qui l’a reçu I coup, la pensée dc saint Thomas; il y a vraiment progrès dans l’analyse psychologique de l’inspirationdc et par celui â qui il a été transmis. Λ ccs considérations, empruntées à saint Thomas au J l’écrivain sacré. C’est une large interprétation dc la doctrine de saint Thomas. Celui-ci ne dit qu’un motdc sujet dc l'inspiration des écrivains sacres, le P. la motion du Saint-Esprit, qui devient ici un élément Lagrange ajoute des observations nouvelles, que lui très important. Il admet, pour les prophètes pro· fournit la doctrine dc l’Églisc sur les livres Inspirés. Il ne suffit pas toutefois que Dieu garantisse ainsi ; prement dits, la révélation immédiate avec ses trois différents modes. Enfin, il attribue aux simples haglorenseignement qu’il donne, il faut que le livre, qui contient cet enseignement, ait Dieu pour auteur. Or, j graphes le troisième mode de hi révélation, sinon une l’auteur d’un livre doit en avoir conçu toutes les . vision intellectuelle qui révélerait des choses incon­ pensées, sinon les paroles. 11 faut donc que les pensées nues, du moins une Illumination dc l’intelligence, qui du moins soient suggérées ù l’écrivain. S’il les pos­ fait porter un jugement infaillible sur chacune des sède dans son intelligence, l’inspiration les lui remé­ connaissances déjà acquises que ccs écrivains Insé­ reront dans leurs livres. more, et les lui suggère, sans révélation nouvelle, mais pourtant par une action spéciale dc Dieu. C’est e) Le néo-thomisme introduisit la prémotion phy­ ù cette condition seulement que les pensées dc l’écri­ sique dans la notion dc l’inspiration. AL l’abbé Chau­ vain seront les concepts dc Dieu. Cc raisonnemen t part vin, L* inspirai ion des divines Écritures d'après rensei­ donc dc la notion dc Dieu, auteur des Livres saints. gnement traditionnel et l'encyclique · Providcntissimus Pour expliquer la même chose par l’analyse dc l’ins­ Deus >, Essai théologique ct critique, Purls, s. d. (1896). piration, faut-il que la première pensée dc les écrire veut être un disciple fidèle de l’angélique docteur. soit venue dc Dieu, ou suffft-ll que l’écrivain se soit Or, au c. n, consacré A la psychologie de Γ inspiration, déterminé â écrire en vertu d’une action spéciale dc p. 21-55, il reconnaît dans l’inspiration un influx Dieu? Rien n’oblige à admettre ccttc proposition surnaturel, une vertu, une énergie divine, un souffle antécédente dc Dieu, soit par révélation, soit par une dc l’Esprit sur l’écrivain, et il attribue ù celte grâce mise spéciale en mouvement d’idées déjà acquises. 11 extraordinaire du Saint-Esprit un triple rôle sur la est nécessaire que dans toute son action l’écrivain volonté-d’abord, sur l’intelligence, l’imagination et la sacré soit mené par Dieu, tant dans la connaissance mémoire ensuite et sur les facultés executives enfin dc la vérité en elle-même, que quant ù l’opportunité des écrivains sacrés. La détermination dc la volonté qu’il y a à l’écrire, ct même quant à son expression. à écrire est une motion qui, d’après Aristote ct saint De ccttc manière tout est suggéré par Dieu comme Thomas, n’est pas une simple impulsion morale, mais devant être écrit. Mais si, par suggestion, on entend une réelle prémotion physique, qui entraîne la coopé­ une proposition spéciale ct antécédente des concepts ration libre ct méritoire de l’homme inspiré. Quant an à l’écrivain sacré, qui le dispense dc les chercher, il est rôle de l’inspiration sur Γintelligence, l’imagination possible que rien ne soit suggéré par Dieu. Lalumière et la mémoire des écrivains sacrés, ccs trois puissances donnée pour le Jugement spéculatif, en vertu de ont reçu immédiatement une lumière supérieure, la motion primitive, ne suffit-elle pas? Elle exerce, qui, tout en les fortifiant, les éclairait, les dirigeait ct en effet, une influence considérable sur le jugement dominait toutes leurs operations respectives. Agis­ pratique. Tout ce qui, grâce A elle, paraîtra incertain sant comme la lumière naturelle, ccttc lumière sur­ ou faux, sera éliminé. Son rayonnement s’étendra naturelle accroissait ct surélevait l’énergie vitale de aussi sur tout l’acte dc la composition. Elle fera aussi ccs trois puissances dc connaissance ct projetait en que l’écrivain percevra mieux non seulement la vérité même temps sur leurs objets respectifs une clarté qui elle-même, mais encore ses attaches avec d’autres les rendait saisissables ou les mettait davantage en vérités, son opportunité, son intérêt par rapport au relief. Elle communiquait A l’intelligence des concepts but poursuivi. 11 est donc inutile d’exiger, pour tous nouveaux (c’était alors une révélation avec acceptio les cas, une suggestion particulière au moyen d’es­ cognitorum), ou elle rendait plus nets des concepts pèces nouvelles, ou une mise en mouvement d’espèces obscurs ou oubliés (suggestion), ou enfin elle réunis­ anciennes. sait ou coordonnait des concepts préexistants (simple « Quant à l’action dc Dieu sur la volonté de l’écri­ manifestation ou Illumination). En même temps, l’in­ vain, elle est toujours dans un rapport étroit avec son tellect était pénétré par la lumière divine, qui le for­ action sur l’intelligence. L’écrivain n’écrira rien qu’il tifiait ct l’éclairait dc façon A lui faire porter judi­ ne l’ait connu dans une lumière supérieure. Cette cium dc acceptis, dont parle saint Thomas. Ainsi celte lumière sera cause que sa perception dc l’objet en faculté percevait mieux la vérité en elle-même, sai­ lui-même cl comme matière dc son livre sera tout sissait plus clairement ses attaches avec d’autres et autre que s’il avait été livré A lui-même. Dieu sera son opportunité à figurer avec clics dans l’écrit; d’où donc cause du double jugement théorique et pratique. elle les groupait comme Dieu le voulait ct l’cntendaiL L’écrivain n’écrira rien que ce que Dieu lui a fait con­ La composition était tout entière dc Dieu, auteur cevoir, et sa volonté mise en mouvement par Dieu sc principal, ct tout entière de l’homme, auteur secon­ portera librement sur tout cela. Il n’écrira que cc que daire. Dc l’intellect. Ια lumière divine rayonnait sur Dieu veut et rien dc plus, ct cependant Dieu ne lui l’imagination ct illuminait scs fantômes pour aider aura peut-être pas fourni une seule idée nouvelle, l’intelligence A élaborer scs pensées ct ses jugements, ni même excité, par une action spéciale préalable, cc qui explique les métaphores, les figures et le coloris celles qu’il possédait déjà. Cela suffit pour que Dieu du style dc l’Écriture, L’inspiration fut enfin une soit bien l’auteur du livre. » L'inspiration des Livres assistance divine sur la rédaction des Livres saints, saints, loc. cit., p. 206-212. Cf. ibid. p. 499-505. Ccs 1 pour que l’écrivain ne laissât échapper aucune inexae vues ont été adoptées ct résumées par le P. Sanders, tltudcet pour qu’il rendit fidèlement la pensée divine. études sur saint Jérôme, p. 102-108, ct elles lui ont ' Les écrivains sacn s avaient ordinairement conscience de leur inspiration, quoiqu’il* n’eussent pas néces­ servi A interpréter la doctrine de saint Jérôme. On voit combien cet exposé thomiste dc l’inspira­ sairement l'intelligence dc toutes les choses que le tion, si remarquable, diffère dc celui du P. Pègues, ! Saint-Esprit leur f d ait écrire. Cf. du même auteur. 1898. p. 58-62, quoi qu’il en soit des points dc contact que cc dernier Leçons (Tlniroductton générale, I a cru retrouver avec le sien. Voir A propos de Γ inspi­ Encore Γίη ; trotion biblique, dans la Science catho­ Œ| ration des Livres saints, dans la Revue biblique, jan­ lique, mars 1000, t. xiv, p. 301-314. f) Le P. Z » V i est allé bien plus loin. Au c. vn vier 1897, p. 75-82. Il dépasse,d’autre part,ct de beau- f 21G9 INSPIRATION DE L'ÉCRITURE dc sa Divina inspiratio sacrarum Scripturarum ad mentem S. Thonur Aquinatis, Rome, s. d.(189K), p. 93109, il critique les définitions de l’inspiration données par Patrizi, Marchini, Janssens, S. di Bartolo, Fran­ zelin, C. Pesch, E. Levesque ct C. Chauvin, qui pré­ sentent toutes des Inconvénients. 11 propose ensuite celle-ci : Inspiratio est in/luxus divinus physicus et supernatandis elevans ct movens /acuttalcs hominis, ut scripto consignentur Ecclesia , propter bonum et utili­ tatem ejus, ea qute Deus vult, et modo quo vult. La grande différence entre ccttc définition ct les autres est dans l’insertion des mots physicus ct movens. Par un engouement excessif, on introduit ainsi une opinion d’école dans la définit ion même de l’inspiration. Aussi, nu c. vm, p. 109-138, consacré à l’exposé dc l’élévation des facultés de l’écrivain sacré, on insiste spécialement, n. 91, p. 127-131, sur cet influx phy­ sique, surnaturel, ct immédiat dc Dieu, qui est vrai­ ment et proprement la physica prirmotio divina. Cf. c. xi, n. 126, p. 176-185. M. Chauvin, qui admet la prémotion physique, a eu le tort, ajoute t-on, de ne pas l’introduire dans la définition même de l’inspi­ ration. g) Le P. Calmes a exposé, lui aussi, la théorie de Γinspiration. 11 a suivi la méthode d’enseignement,ct non la méthode d’invention (proposée par M. Dick). L’inspiration, prise en soi, est une grâce gratis data, efficace et extraordinaire. Dans l’écrivain inspiré, l’inspiration s’exerce d’abord comme motion sur la volonté. Cette motion est intérieure, immédiate. Son premier effet est de déterminer à écrire l’auteur, qui a quelque idée dc son sujet. Dieu qui choisit des ins­ truments tout préparés, n’a qu’à les mettre en branle dans un sens déterminé. Il suffit pour cela de mouvoir la volonté vers l’objet qui doit faire le fond du livre, suggérer cet objet. Les connaissances que l’oubnir a acquises par sa raison naturelle et son travail sc réveillent naturellement dans son esprit. A cc moment la volonté, mue par l’action efficace dc Dieu, Axel* esprit dans la considération des vérités qui sont destinées à devenir la parole dc Dieu, ct lui fait émettre le juge ment pratique, qui doit préluder à la rédaction. Ainsi, la volonté occupe une place intermédiaire entre deux actes de connaissance; elle est précédée d’un jugement spéculatif ct suivie d’un jugement pratique. Sauf le cas où la révélation sc combine avec l’inspira­ tion, le jugement spéculatif est porté par les autres forces naturelles dc l’intelligence, tandis que le Juge­ ment pratique est toujours formé sous l’influence de la volonté mue ct fortifiée par Dieu. Ainsi la volonté n’entre en jeu qu’au moyen d’une connaissance préa­ lable qui la sollicite; mais sa determination infaillible a sa source formelle dans la motion divine. Dieu ne détermine pas la volonté par un commandement; un ordre est adressé à la volonté par l’intermédiaire de la connaissance. Les ordres d’écrire, mentionnés dans l’Écriture, ne se rapportent pas à l’inspiration scrip­ turaire. L’influence de l’inspiration sur la volonté est antécédente; c’est une prémotion ct une prédéter­ mination, la volonté étant déterminée à agir d’une manière infaillible. L’initiative du livre Inspiré venant de Dieu, Dieu prévient donc efficacement la volonté de Γécrivain. Cette prémotion enfin est physique : c’est une Impulsion initiale, agissant sur la volonté d’une manière physique. Bien qu’infailliblcment effi­ cace, la détermination de la volonté de l’écrivain est spontanée. Cela posé, quelle est l’influence de l'inspiration sur la conception, l’élaboration et la rédaction du livre? En bref, l’écrivain conçoit son œuvre, parce qu’il la veut telle, ct il la veut telle, parce que Dieu le fait vouloir. La composition proprement d!c est donc due à l’action divine. Il l’élabore dc mémo, dans l’ordre 2170 dc la spéculation, mais le jugement pratique définitif est formé sous l'influence de la volonté mue par l’action efficace dc Dieu. Quant à la rédaction, l’écri­ vain reçoit, en écrivant, le même concours divin qui l’a guidé dans le choix et l’élaboration de son sujet. L'action de Dieu sur lui s’est exercée de la même manière : en rédigeant, il est libre dans le choix des tenues et dans l’emploi de la syntaxe. Sa volonté Joue donc, ici encore, un rôle essentiel. Mais tout cc qu’il veut, Dieu le veut par lui. Donc tout cc qu’il écrit, Dieu l’écrit par lui. Dieu est donc, en définitive, l’auteur responsable, l’écrivain n'est que son instru­ ment. Tout le travail est de l’homme, ct ainsi le livre est de l’homme; mais tous les éléments, qui consti­ tuent l’écrit,ont étédéterminésparl’inspiration divine; le livre est donc de Dieu comme cause principale. Qu'est-ce que Γ Écriture sainte? Paris, 1899, p. 27-43. Dans cette théorie de l’inspiration, l’action dc la volonté a donc la principale part. Elle diffère dès lors de celle dc saint Thomas, pour qui, si l’inspiration n’est, dans le prophète, que l’élévation de l’intelligence ad percipienda divina, la prophétie elle-même ad cognitionem pertinet Sum throL, q. clxxi, a 1. h) Les Jésuites ne pouvaient laisser passer sans réclamation les critiques faites à la méthode dc Fran­ zelin ct à son explication de la nature de l’inspiration ni l’introduction de la prémotion physique dans cette notion. Le P. van Kasteren défendit cette méthode ct ccttc explication. Franzelin en Zanecchia, dans les Studien, Utrecht, 1902, t. lviii, p. 56-80. Zanecdüa riposta. Scriptor sacer sub divina inspiratione juxta sententiam cardinalis Franzelin. Desponsio ad Patrem van Kasteren S. J., Rome, 1903. Van Kasteren lit une réplique : Nochmaals Franzelin en Zanecchia, dans les Studien, 1903, t. lxi, p. 289 sq. Le P. Christian Pcsch, qui avait été attaqué par Zanecchia, défendit son sentiment personnel, conforme à celui de Franzelln, Theologische Zcit/ragcn, Ill*· série. Fribourg-cnBrisgau 1902, p. 90 sq.;trad. latine par F. Pignataro, Apparatus ad historiam coavam inspirationis, Rome, 1903, p. 96-99. Il Just i fia en fin la méthode de Franzelin, De inspiratione sacre Scripture?, p. 305-313. Dans ce dernier ouvrage (1906), il traita de nouveau la question de l’essence dc l’inspiration, part. Π, c. ii, p. 402-438. Après avoir écarté des questions étrangères, p. 402-405, il ramène le sujet à ceci : En quoi consiste cet influx inspirateur, par lequel Dieu est l’auteur des Livres saints? P. 405-106. Comme Dieu, auteur principal, se sert d’hommes inspirés pour rédiger les Livres saints, Pesch expose l’influence de la cause principale sur les agents secondaires : motion à écrire sur leur volonté, illumination spéciale de leur intelligence ct application de leurs facultés naturelles à la rédaction du livre, p. 406-410. Les explications insuffisantes exclues, p. 400-413, la révélation stric­ tement dite n’est pas requise, pas plus que la déter­ mination physique, p. 413-121. Dieu fait seulement, comme auteur principal, cc que les écrivains font pour composer un livre; il infuse donc dans l’intellect de l’inspiré une lumière surnaturelle qui fait jugerà celuici que Dieu veut qu’il écrive cc qu’il pense naturel­ lement, ct qu’il doit l’écrire dc la manière que Dieu veut, ordinairement avec conscience dc cette inspira­ tion, p. 421-127, Dieu influe sur la volonté de l’écri­ vain pour le déterminer à écrire, mais il n’est pas néces­ saire que cette motion divine soit une prémotion phy­ sique, il suffit qu’elle soit morale, p. 431-434; enfin, pour éviter que l’erreur ne se mele au travail de l’homme inspiré, il suffit que Dieu l’assiste durant tout le temps dc sa rédaction et lui fasse exprimer avec une vérité Infaillible tout cc qu’il a voulu lui faire écrire, j>. 434-436. L’ouvrage ainsi rédigé est transmis à l'Eglise comme la parole de Dieu écrite et 2171 INSPIRATION DE L’ÉCIUTl RE la règle de la fol, p. 436-13". D’où découle une défi­ nition adéquate de l'inspiration, p. 437-138. Ainsi, par la méthode de Franzclin, on aboutit à une notion exacte et complète dc l'inspiration des Livres saints. i) Un jésuite français, le P. Dutouquct, dans un Intéressant article des Études, mars 1900, t. lxxxv, p. 158-163, sur la Psychologie dc Γ inspiration, avait déjà admis la motion dc Dieu sur la volonté ct l’intel­ ligence des écrivains sacrés, comme le progrès accom­ pli depuis trente ans à cc sujet. Après avoir rappelé, d’une part, l’individualité propre à chaque auteur Inspiré, son style personnel, son originalité de con­ ception, enfin sa langue qui reflète le milieu ct l'époque où il a écrit, ct d’autre part, la personnalité dc ces écrivains dans la composition dc livres, qui répondent à des questions actuelles, qui satisfont à une nécessité du moment, qui travaillent laborieusement ct qui ne dissimulent pas les imperfections dc leurs œuvres, Il observe que ccttc activité littéraire est, dans l’ins­ piration, gouvernée par une influence surnaturelle, qu’il faut expliquer de façon que Dieu soit réellement l’auteur principal des Livres saints. Or, pour expli­ quer le rôle du Saint-Esprit, il faut plus qu’une assis­ tance qui confère Λ ces livres l’infaillibilité; il faut une motion imprimée par Dieu à l’homme qui lui sert d’instrument, soit pour lui faire rendre des oracles, soit pour l’employer à écrire sa parole. Ccttc motion s’exerce d’abord sur la volonté de l'inspiré, qui écrit tout cc que Dieu veut lui faire écrire ct cela seulement, ct ccttc action intérieure ct surnaturelle, qui n'exclut pas les motifs tirés du dehors ct naturels en soi, cons­ titue essentiellement l’inspiration. La motion divine agit aussi sur l'intelligence dc l’inspiré, qui présente à la volonté les motifs d’écrire. Celle Illumination est nécessaire. Scs conditions psychologiques sont diffé­ rentes selon les cas. Si les inspirés sont, comme les évangélistes par exemple, suffisamment renseignés, le Saint-Esprit mettra dans leur esprit l’idée du livre à écrire et celle d’écrire ce livre. L’idée du livre réveil­ lera leurs souvenirs ct leur tracera l'ordre systéma­ tique des matériaux. Durant le travail d’exécution, la lumière divine illumine le but à atteindre ct fait converger vers lui toutes les connaissances naturelle­ ment acquises ct guide le choix de celles qui doivent être consignées par écrit. Mais l'écrivain choisi peut n'avoir pas acquis naturellement toutes les idées que Dieu veut lui faire exprimer, soit qu’elles demeurent Inaccessibles à sa raison, soit qu’il n’ait pas lui-même été témoin des faits à narrer. Alors une révélation lui sera nécessaire, bit n qu'elle ne soit pas de l’essence uc l’inspiration : clic n’est pas requise ex ratione scrip­ tionis, sed materiæ scribendae. Enfin, le Saint-Esprit doit assister l’écrivain sacré tandis qu’il écrit, pour l’empêcher dc faillir dans l’expression à donner à la pensée divine. Ces trois éléments : motion de la volonté, illumination dc l'intelligence ct assistance pour que l’expression rende exactement la pensée ac Dieu, constituent l’inspiration et font du livre Inspiré la parole même de Dieu, exprimée parles auteurs sacrés. j) Le cardinal Billot, procède, quoique thomiste avéré, d’une autre manière. Après avoir justifié la méthode du cardinal Franzclin, et prouvé l’inspira­ tion totale des deux Testaments,De/nspirufione sacra· Scripturæ, Borne, 1903, part. 1, c. i, § 2, p. 21-33, il étudie la nature de l’inspiration, § 3, p. 3*1-38, en excluant la dictée des mots, ct en ne conservant qu’une sorte dc dictée plus élevée, qui est spécialement propre à Dieu, per interiorem motionem seu instinctum ad concipiendum mentatiter sententias et propositiones quas Deus ad nos per hagiographos dirigere ooluil, casque sic conceptas scripto consignandum. Comme dans l’édition de tout livre, il faut distinguer la compo­ sition du contexte, des pensées, autrement dit la 2172 conception mentale ct la formation du livre d’une part, ct la rédaction extérieure de l’autre. Or, les écri­ vains sacrés n’ont pas été dc simples transcripteun d’un livre qu’on leur dictait, ils eurent donc une part à la composition du livre ct à sa formation, non pas la part principale, mais une part comme Instru­ ments intelligents, c. n, p. 39-50. La connaissance des choses qui doivent entrer dans le livre est une condition préliminaire de l'inspiration ct elle ne fait pas partie de sa raison formelle. L'écrivain sacré l’acquiert dc deux manières : par révélation propre­ ment dite, selon les modes assignés par saint Thomas à propos dc la prophétie, quand les choses sont très éloignées dc la connaissance de l’hagiographe, ou bien par les moyens naturels sous l’assistance divine, comme serait ni la recherche des documents, la consultation des sources historiques et l’emploi dc tous les moyens propres à acquérir la science. Cette connais­ sance n'est qu’une condition antécédente à l’inspira­ tion. Celle-ci ne commence qu’à la dictée, laquelle est tout à fait distincte dc la révélation. L’inspiration est donnée pour la composition mentale ct pour la redaction extérieure du livre, mais elle consiste for­ mellement dans la motion divine que reçoit l’intelli­ gence dc l’hagiographe et qui est conférée d’abord pour former en elle le contexte des idées que Dieu veut faire écrire dans le livre, puis pour écrire maté­ riellement tout ce qui a été composé mentalement sous l’instinct ou le soufllc divin. Un livre ainsi écrit est vraiment un écrit de Dieu, quoiqu’il garde le caractère propre dc l’écrivain inspiré dans les modalités des concepts, le style ct l’art littéraire. Cc n’est donc pas de son propre mouvement, mais par une motion divine, que l’hagiographe conçoit dansson esprit les pensées qu’il doit former ct détermine les mots qui doivent les énoncer. Les pensées ainsi conçues, formées ct déterminées ne sont pas les pensées dc l’hagiographe, mais celles de Dieu qui meut son intelligence à les former ct à les détermi­ ner, ct elles ont la certitude et l’infaillibilité qui sont propres à Dieu. La motion divine s'étend à la rédaction extérieure du livre, en mouvant infaillible­ ment la volonté dc l’hagiographe à ordonner l'acte corporel de transcrire les idées divines. Par là, la trans­ cription des idées dans le livre matériel est encore de Dieu. Mais l'hagiographc étant un instrument intel­ ligent donne à la formation ct à la détermination des Idées dans son intelligence, sous la motion divine, son caractère personnel pour les modalités des concepts, le style ct la rédaction. L'instrument a sa propre opé­ ration, qui est seulement élevée par la motion de l’agent principal. Son opération sort, en effet, dc sa paissance ct elle en garde le mode. La motion divine ne change pas l’acte de cette puissance. Par consé­ quent, l’intelligence de l’hagiographe, cil concevant infailliblement les pensées divines, les conçoit et les exprime à sa manière propre. Quant à la motion divine, l’hagiographe la reçoit dans son intelligence. Elle peut néanmoins mouvoir la volonté, au moins quand il s’agit de l’acte d’écrire, qui a besoin d’etre commandé par la volonté. Mais cc n’est pas la motion commune et très générale, par laquelle Dieu pousse à l’action tous les agents créés. C’est une motion qui détermine la volonté à vouloir un acte déterminé plutôt qu’un autre que la puissance pourrait produire. Mais elle est reçue dans l'intelli­ gence, car la volonté n’est déterminée que moyennant la pensée d'agir dc telle façon, c'est-à-dire d’écrire. Le cardinal Billot part donc, comme Franzclin, dc la notion dc Dieu, lutcut des Livres saints par l’inter­ médiaire <’ >, et il expliqué l’action divine par t ne met ion, non pas.d« la volonté immé­ diatement, mais dc l’intelligence. En ce d(mlcr point 2173 11 sc rapproche de saint Thomas plus que les thomistes qui font porter la motion divine sur la volonté dc l’hagiographe, ct il recourt aussi constamment à la doctrine du docteur angélique sur la cause principale ct la cause instrumentale de l’Écriturc. AJ Le P. Bainvcl est plus sobre de développements ct plus précis. Il emprunte l’énoncé de sa thèse à l’encyclique Provident issimus Deus ; et dc la descrip­ tion, donnée par Léon XIIJ, 11 conclut que l’inspira­ tion comporte trois actes : une motion dc la volonté qui porte les écrivains sacrés ù écrire et qui les fait écrire; une illumination dc leur intelligence pour leur montrer ce que Dieu veut leur faire écrire; une assis­ tance (en vertu dc la motion), tandis qu’ils écrivent. La motion divine s’exerce sur l'intelligence des écri­ vains sacrés, avant d’agir sur leur volonté; en d’autres termes, l'illumination de l’intelligence précède la motion dc la volonté qui suppose nécessairement quelque lumière dc l’intelligence. Elle comporte deux actes : la compréhension des choses connues (ou une révélation des choses inconnues d<* l’écrivain, si Dieu veut en faire écrire), ct le jugement pratique sur les choses qui doivent être écrites. Y a-t-il simple assis­ tance ou influence positive dc Dieu dans l’exécution du livre? Il est difficile dc trancher la question, qui reste librement débattue, De Scriptura sacra, Paris, 1910, p. 12G-133. l) Le P. Méchineau oscille entre les explications du cardinal Franzclin ct celles du cardinal Billot. L'idée du livre inspiré. Histoire et analyse, Bruxelles, 1907, p. 105-12 L m) Le P. Durand a donné, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, art. Inspiration de la Bible, Paris, 1913, t. n col.900-90G,la notion orthodoxe de l’inspiration, dans laquelle il considère l’inspiration en Dieu qui la produit, dans l’hoinmc qui en est l’objet ct dans le texte sacre qui en est le terme. L’inspiration atteint la volonté, l’intelligence et les facultés exécu­ tives de l’écrivain sacré. Dieu donne ù la volonté une Impulsion Λ écrire, qu’on appelle motion. Elle atteint la volonté directement ou par l'intermédiaire dc l’intel­ ligence ct clic peut être morale ou physique. Dieu atteint aussi l’intelligence de l’hagiographe, mais ce n’est pas essentiellement par révélation. D’ailleurs, les connaissances dc l’hagiographe qu’elles soient révélées ou acquises naturellement, ne sont que des préliminaires à l’inspiration, qui n’a pas pour objet d’apprendre du nouveau, mais de faire écrire avec une autorité divine cc que l’écrivain sait déjà. Dieu sc subordonne toutes les facultés dc l’homme inspiré pour leur faire accomplir leurs diverses opérations, qui sc produisent normalement dans la composition d’un livre. Par l’in fluence dc l’inspiration sur son Intelligence, l’hagiographe porte un jugement certain, qui participe Λ l'autorité divine elle-même, sur les choses qu’il doit écrire. Cc jugement est ù la fois pra­ tique ct spéculatif, l’écrivain ayant apprécié la vérité objective de ces choses. Cette action divine sur l’intelligence dc l’hagiographe est une lumière, une Illumination, une motion, par laquelle il conçoit exac­ tement l’œuvre que le Saint-Esprit entend produire par son moyen. L’action inspiratrice s’étend aux facultés exécutives, à la mémoire, ù l’imagination, et même aux organes extérieurs, soit par action directe, soit par simple assistance. Le livre ainsi composé est destiné par Dieu, son auteur principal, A l’Église, qui doit le reconnaître comme la parole divine ct en faire sa règle dc foi. n) Ccttc notion nouvelle de l’inspiration, sauf de légères nuances d’expression, a pénétré même dans les manuels de théologie ct d’Écriture sainte. Elle est notamment exposée dans le Manuel biblique, 11· édit., par MM. Brassacct Ducher, Paris, 1907, t.!,p.41-47,et 2174 par M. Szydchki, professeur à l’université de Léopol, dans scs Prolegomena in theologiam sacram, Léopol, Varsovie, 1921, t n, p. 295-301. Elle a conquis droit dc cité dans la théologie catholique. 3. Exposé if ensemble. — L'inspiration dc Γ Écriture est donc, en substance, une motion spéciale du SaintEsprit, qui détermine la volonté dc Γ écrivain a écrire ct influe sur son intelligence ct sur ses facultés natu­ relles pour lui faire comprendre ct mettre exactement par écrit cc que Dieu veut qu’il écrive et rien que cela. Pour faire une analyse complète dc cette grâce surnaturelle, nous la considérerons successivement en Dieu qui l’accorde, dans l’écrivain sacré qui la reçoit, et dans les Lis res saints qui sont le terme ct le résultat permanent dc la collaboration de l’Esprit Inspirateur ct des auteurs inspirés. Nous faisons ici abstraction des divergences, constatées précédemment, chez les principaux théologiens contemporains. La spécula­ tion a souvent une part trop grande dans l’exposition d’une opération divine, mystérieuse, sur laquelle la révélation nous fournit peu de données positives. Faut-il imposer au Saint-Esprit un mode uniforme d’inspiration auquel il aurait dû s’astreindre, comme s’il ne pouvait pas adapter son action inspiratrice aux conditions individuelles, dans lesquelles sc trouvaient les écrivains inspires, scs instruments intelligents et libres? a) Considérée en Dieu qui raccorde, l’inspiration est une action dc Dieu ad extra, commune par conséquent aux trois personnes divines mais que, par appropria­ tion, voir ce mot, on attribue au Saint-Esprit, en raison de l’analogie qu’elle a avec le caractère person­ nel du Saint-Esprit, Inspiration, voir t. v, col. 7G2 sq., ct aussi parce qu’elle appartient à l’ordre de la grâce, spécialement rapporté â la troisième personne dc la sainte Trinité. Ccttc action se produit sur un agent intelligent ct libre, cause instrumentale du livre ins­ piré. Elle rentre dans le genre du concours divin ou de la coopération dc Dieu aux actes de ses créatures, voir t. in, col. 7031 sq., mais c’est un concours spécial, distinct de celui que Dieu accorde à toute cause seconde pour agir, une collaboration qui n’est pas exigée par l’activité humaine, et qui, par conséquent, est libre et gratuite. Elle n’a pas, en eflet, dc rapport nécessaire avec la sanctification dc celu: qui la reçoit; clic rentre dans l’ordre des grâces, dites gratis datæ, voir t. vi, col. 1558, qui sont données principalement pour l’utilité des autres. Mais cette grâce gratuite est une grâce extraordinaire, efficace par elle-même, qui ne rend pas seulement l’écrivain sacré, apte à écrire, mais qui le détermine infailliblement Λ le 'aire libre­ ment. Son efficacité, quoique principale n’est ni nécessitante ni unique, puisqu’elle agit sur une autre cause, secondaire ct instrumentale il est vrai, mais pourtant necessaire, l’agent inspiré, lequel concourt par toutes ses facultés naturelles, aidées cl suréle­ vées, à la rédaction du livre, de telle sorte que ce livre, tout en étant totalement ct intégralement l’œuvre de Dieu, est aussi totalement et intégralement l’œuvre de l’écrivain inspire. Cette action de Dieu sur l’écrivain inspiré n’est que transitoire ct ne dure que le temps nécessaire à la rédaction du livre; elle cesse dès que l’ouvrage, pour la composition duquel elle était accordée, est terminé. b) Considérée dans Γécrivain sacré, l’inspiration est l’efTet produit sur les facultés naturelles de l’ins­ pire par l’Esprit inspirateur. Son analyse psycholo­ gique est délicate ct difficile. Nous avons exposé les essais successifs qu’on en a tentés Au point où la dissection est parvenue aujourd’hui, cet inllux surnaturel doit être considéré en tant qu’il atteint la volonté, l’intelligence et les puissances exécutives dc l’écrivain sacré, quels que soient, d’ailleurs, les 2175 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE moments précis où il atteigne ccs diverses facultés. cr. Motion de la volonté. — L’inspiration est, tout d’abord, ct avant tout, une impulsion imprimée par Dieu à la volonté dc l’homme qu’il choisit pour collaborateur, afin de le déterminer Λ écrire tel livre. Cette impulsion a été nécessaire pour que Dieu ait eu l’initiative du livre ct en soit la cause principale. Elle a donc dû être prévenante ct antécédente pour mettre en branle la volonté et les autres facultés dc l’écrivain. Sans prendre parti pour aucune école théologique, on peut dire, dans un sens large, qu’elle . Influence sur Γ intelligence. — Après avoir décidé un homme à écrire, Dieu ne l’abandonne pas à luimême; il agit sur son intelligence pour lui faire écrire cc qu’il veut et rien que ce qu’il veut. Beaucoup dc théologiens ont identifié longtemps l’irtfluence divine sur rintclligencc des hagiographes avec une révélation proprement dite, ou au moins avec une révélation au sens large du moL On ne peut Jamais, en la matière, faire abstraction dc celte conception traditionnelle et plusieurs fois séculaire. Aujourd’hui, on est d’accord pour dircquclarévélat ion n’est pas l’élément nécessaire dc l’inspiration. Elle a été donnée, de fait, aux prophètes proprement dits, mais antécédcmmcnt à leur inspiration. Celle-ci suppose d'ordinaire les écrivains sacrés en possession des vérités qu’ils doivent insérer dans leurs livres, quelle que soit la manière dont ils les aient acquises au préalable, qu’elles leur aient été communiquées par révélation divine, ou qu’ils les aient acquises par des voies naturelles. Dieu n’inspire pas ordinairement un homme pour lui apprendre du nouveau; il intervient seulement pour lui faire écrire avec autorité divine cc qu’il sait déjà. 11 sc subordonne alors toutes les facultés dc connaissance de son instru­ ment intelligent ct il leur fait accomplir toutes les opérations de la composition normale d’un livre : conception du plan,ordonnance des matériaux, rédac­ tion. Son action ne dispense pas l’écrivain Inspiré des efforts nécessaires pour aboutir, pas plus qu’elle n’assure la perfection dc l’œuvre. L’instrument a bien pu être choisi apte à atteindre le but, voulu par Dieu, mais à l’heure dc l’exécution il reste cc qu’il était auparavant, avec ses qualités ct scs dispositions personnelles, qui sc manifestent dans son œuvre ct qui laissent en elle des traces de son imperfection native. Cependant Dieu aide et perfectionne les facultés naturelles dc l’hagiographc; il éclaire ct il illumine son intelligence. La lumière divine ainsi communiquée réveille dans l’esprit de l’hagiographc des souvenirs plus ou moins assoupis, les met dans un jour plus complet ct plus vif, fait ressortir les concepts préexis­ tants que Dieu veut faire siens, attire sur eux l’atten­ tion dc l’écrivain ct fixe son choix. Cc n’est pas une suggestion de la pensée, mais une simple mise en relief qui amène l’auteur à prendre parmi scs connaissances acquises, ou parmi scs souvenirs, ct les idées qui affluent dans son esprit suivant le jeu naturel des associations, tout ce qui doit entrer comme pensée divine dans la trame dc son ouvrage. Sous l’influence dc la lumière surnaturelle, l’hagiographc s’ingénie et travaille; fl recueille, s’il y a lieu, des documents, résume des ouvrages, comme fit l’auteur du II· livre des Macchabées, consulte des sources. Son intelligence, éclairée ct fortifiée par cc secours illuminatcur, per­ çoit mieux la vérité en elle-même, saisit plus clai­ rement scs attaches avec d’autres ct son opportunité à être produite avec les vérités connexes dans l’écrit biblique. L'écrivain porte sur elle un Jugement cer­ tain, qui, ainsi élaboré, participe à l’autorité divine, que cc jugement reste dans l’ordre pratique seulement,ou qu’il aille jusqu’à l’ordre spéculatif ct à la vérité ellemême. Ainsi tout cc qu’il écrit vient de lui ct porte la marque dc son esprit, mais en même temps il vient de Dieu, qui l’a fait écrire ct qui a mû l’écrivain à concevoir exactement les choses qu’il devait dire ct à les exprimer d’une manière convenable. c. Influence sur b puissances exécutives pour la réda< -Dlcuni borné à éclairer ainsi l' :i < ce des hagiograplv n leur laissant une libert, uuth'c pour le choix des expressions aptes à rendre les pr ruées divines. Son influence s’est exercée aussi : h 1 içul on des hagiogripb. ;, ■ ·. 1 vr mémoire, sur leur imagination, autant 2177 INSPIRATION DE L'ÉCRITURE 2178 quo ces facultés ont pu cl dû concourir fi faire surgir trouvait rien d’oiseux ni de superflu dans les paroles les pensées et Λ les revêtir d’une expression adéquate, inspirées par le Saint-Esprit. In Num., homil. xxvn, 1, ct même sur les organes qui contribuent directement P. G., L xii, col. 782. Cf. In Jer., homil. xxxix, à la composition du livre. Cette influence a-t-elle t. xïh, col. 544. Le Saint-Esprit a pris soin dc faire été positive ou seulement négative? Positive, elle écrire des détails minimes, au moins en raison du sens aurait aidé les écrivains sacrés à exprimer sous une spirituel, In Gen., homil. iv, n. 2, t. xn, col. 185; forme exacte, saisissante ct vivante, les concepts ainsi le nombre des Hébreux, In Num., homil. r, élaborés dans leur intelligence. Négative, clic les n. 1, col. 585; les noms des sages-femmes égyptiennes aurait seulement assistés, quand ils écrivaient, de telle In Exod., homil. n, n. 1, col. 306; le temps et l’heure sorte qu’ils ont dû, comme a dit Léon X11 J, · ct expo­ d’une vision prophétique, In Cant., 1. If, L xni, ser fidèlement ct exprimer avec une infaillible justesse col. 121-122; qu’il faut laisser les miettes aux chiens cc que Dieu voulait leur faire dire ct seulement ce qu’il in Matth., torn, xi, n. 17, t. xm, col. 064. Eusèbc do voulait. » Encyclique Prouidentissimus Deus. Césaréc dit que les saints n’ont pas écrit toutes leurs c) Considérée dans les Hures inspirés, l’inspiration paroles, mais seulement celles qu’ils ont dites sous la fait que ces livres, composés ainsi par la collaboration motion du Saint-Esprit. In ps. LXXXV, P. G., t. xxni, dc Dieu ct dc l’homme, sont tout à la fois l’œuvre dc col. 1033. Marius Victorious affirme expressément : Dieu ct celle dc l’hagiographc et qu’ils contiennent Quidquid enim scriptum est, a divino Spiritu dictum dans une langue humaine la parole écrite dc Dieu. credendum est. De physicis, 27, P. L., t. vm, col. 1310. La parole des prophètes n’est pas oiseuse, dit saint L’Écriturc, fruit ct résultat de l’inspiration, telle au Hilaire dc Poitiers. Si enim in uiris prudentibus exspec­ moins qu’elle est sortie des mains des auteurs inspirés et abstraction faite des altérations qu’elle a subies tari id maxime sold, ut ea, quæ loquuntur, gravitate dans sa transmission au cours des siècles est, pour les eorum doctrinaque digni sint,... quanto magis id de hommes qui reconnaissent son origine divine, attestée codestibus eloquiis opinandum est, ut, quidquid in par l’Églisc, une règle infaillible dc foi, exempte de his est, excelsum, divinum, rationabile et perfectum toute erreur. Voir plus loin. La collaboration des esse existimetur. Inps. cxxx v, n. 1, P. L., t. ix, coi. 768. écrivains sacrés a pu lui laisser quelques imperfections Saint Grégoire de Nazianze n’admet pas que quelque de forme et d’expression; elle n’a pas nul à son auto­ I chose ait été exposé témérairement ou pour le seul rité divine. Quoique énoncée en langage humain par la plaisir des oreilles dans les monuments des saintu plume d’un homme, toute assertion dc l’Écriture est Lettres; aussi recherche-t-il cc que l’Esprit a veillé d’y une assertion dc Dieu lui-même, parce qu’elle énonce mettre καί μεχρί της τυχούσης κεραίας καί γραμμής, la pensée dc l’Esprit Saint, qui Inspirait les hagio- et il ne concède pas que les actions, même les plus mi­ graphes. Elle fait partie dc la manifestation dc ses pen­ nimes, qui y sont racontées y aient été écrites et élabo­ sées, que Dieu a voulu communiquer aux hommes rées témérairement. Orat.il, n. 101,105, P. G., t. xxxv, par le moyen dc l’Écriturc inspirée, comme la suite col. 50-1-505. On ne peut néanmoins conclure que saint Grégoire dc Nazianze admettait l’inspiration verbale de notre étude le montrera. 111. Étendue. — Saint Paul a bien dit que « toute du fait qu’il cherchait του πνεύματος την ακρίβειαν Écriture est inspirée par Dieu », 11 Tim., ni, 16, ct que cl qu’il voulait trouver des admonitions ou des < tout ce qui est écrit (dans l’Ancien Testament) est règles morales dans les moindres circonstances des écrit pour notre instruction. » Item., xv, 4. On s’est i récits. Epist. a, t. xxxvn, coL 188-189. C’était demandé néanmoins si tous les passages des Livres l’idée qu'il cherchait sous la lettre. En interprétant saints ont été écrits sous l’inspiration divine, ont Dieu Gen., π, 20,saint Jean Chrysostome n’omettait pas la pour auteur ct sont garantis parson autorité infaillible, particule, ct ce n’était pas par curiosité inutile. C’était ou si quelques-uns n’ont pas échappé à l’action inspi­ pour expliquer soigneusement le passage à son peuple, ratrice, sont de l’écrivain sacré seul et ne jouissent pas de peur de passer un mot ou même une syllabe de dc l’autorité divine. On s’est demande aussi, nous l’Écriturc. Cc ne sont pas simplement des paroles, l'avons déjà dit, si les mots, dont se sont servis les cc sont les paroles du Saint-Esprit, et c’est pour· quoi on peut trouver un trésor même dans une hagiographes, ont subi l’in fluence divine, ct dans quelle mesure ils sont la parole de I lieu. En somme deux syllabe. Et il excitait l’attention de scs auditeurs, dont chacun devait entendre Dieu lui parler par la questions : l’inspiration des Livres saints s’étend-elle : langue des prophètes. In Gen.. homil. xv, 1, P. G., 1° à tout leur contenu ou ù une partie seulement; t. un, col. 119. Dans l’Écriturc, il n’y a rien d’écrit 2° aux mots eux-mêmes de la Bible. qui n’ait beaucoup dc richesses de sens. Les paroles 7. INSPIRATION DU CONTENU. — Pendant des siècles, des prophètes inspires, écrites par le Saint-Esprit, con­ les écrivains ecclésiastiques ont enseigné l’inspiration tiennent eu elles un grand trésor. Il n’y a dans l’Écritotale des choses contenues dans la Bible; mais, dans lurc ni une syllabe ni un accent, au fond duquel ne se ccs derniers temps, surtout depuis la reprise des études bibliques, quelques critiques et même des exégètes trouve quelque trésor. 11 faut donc aborder les paroles catholiques ont mis en doute ou nié l’inspiration totale divines, sous la conduite de la grâce divine et l’illu­ mination du Saint-Esprit. Ibid., homil. xx, n. 1, dc l’Écriturc. 10 Inspiration totale. — 1. Chez les Pères. — L’auteur col. 175. II y a des badauds qui. ayant pris en mains les de ia Cohortatio ad Grtrcos, 35, P. G., t. vi, col. 301, saints Livres et n’y trouvant que des chiffres d’années dit que, dans l’Écriturc, tout est d’accord, tant les ou des noms dc personnes, passent outre ct répondent choses que les hommes Inspires ont exprimées fidè­ à ceux qui leur en font reproche : Cc ne sont que des lement dépassaient la connaissance humaine ct leur noms, cela n’a pas d’utilité. Dieu parle, ct lu oses dire : Les paroles n’ont pas d’utilité. In Ulud : Vidi Domi­ étaient enseignées par Dieu. L’anonyme, qui n écrit contre Artémon, reprochait à ceux qui altéraient les num, homil. n. n. 2, t. lvi, col. 110. Expliquant les paroles : Use d’un peu dc vin, 1 Tint., v, 23, il en parle, Écritures de se croire plus sages que le Saint-Esprit, qui a dicté les Écritures, Eusèbc, 11. E., 1. V, 28, P. G., non pour étaler sa faconde, car ccs paroles ne sont t. xx, col. 515. Saint Irénéc déclarait que les Écritures pas les siennes, mais la grâce du Saint-Esprit les a étaient parfaites, parce qu’elles ont été dites par le inspirées pour que le prédicateur excite l’attention Verbe de Dieu ct par son Esprit. Quoiqu’elles soient dc scs auditeurs les plus paresseux ct qu’il leur expose diverses, elles sont d’accord ct forment une mélodie quel trésor il y a dans les Écritures et les avertisse que nous «levons chercher à comprendre. Cont. htrr., qu’il n’est pas sûr ni sans péril dc les passer; même les pensées qui paraissent petites. Elles sont, elles n. 28, n. 2, 3, P. G., t. vu, col. 801. 805. Orlgènc ne Vil. — 69 DUT. DE TIIÉOL. CATIIOU 2179 INSPIRATION DE L'ECRITURE aussi, de la grâce dc l’Esprit, grâce qui n’est Jamais petite ni vile, mais qui est grande ct merveilleuse ct digne dc celui qui l’a donne. Ad populum Antiochenum homil. i, n. 1, L lxvii, col. 17, sq. Jean Chrysostome ilt deux homélies sur les salutations qui terminent rÉpître aux Romains, pour montrer que, dans les Écritures, H n’y a rien d’inutile, fût-ce un iota, fût-ce un accent. Une simple salutation nous ouvre une grande mer dc pensées. Souvent, l’addition d’une lettre comme dans le nom d* Abraham, change le sens. Quelqu’un qui reçoit une lettre d’un ami, ne sc con­ tente pas d’en lire Je corps, il va jusqu’à la salutation mise à la tin, ct ici, c’est Paul qui écrit, ou plutôt c’est la grâce du Saint-Esprit, qui dicte la lettre à toute une ville ct à un si grand peuple ct par les Romains à l’univers entier. Penser que quelque chose de son contenu est Inutile ct vain, qu’on peut le passer tout uniment, n’cst-cc pas tout renverser? Pour saint Jérôme, la majesté de l’Esprit Saint brille jusque dans ce qui parait petit ct vil dans l’Écriture. Z/ι Ezech.,1. I, P. L., t. xxin, col. 25, 28. Il ne peut admettre que quelque chose dc la parole de Dieu ne soit pas Inspirée. Epist. xxvn, ad Marcellam, c. i, t. xxn, col. 431. Nous avons déjà montré, col. 2092, que le saint docteur regardait comme Inspiré tout cc que saint Paul avait écrit, même lorsqu’il exprimait scs sentiments personnels, même quand II rapportait les dicta aliorum. Il a spécialement défendu l’inspi­ ration dc l’Épîtrc à Philémon contre ceux qui ne vou­ laient pas la ranger au nombre des Épttrcs canoniques, parce qu’il ne paraissait pas qu’elle eût été écrite par Paul, Christo in se loquente, ou parce qu’elle ne conte­ nait rien qui put servir à notre édification.* Plusieurs anciens, ajoutaient-ils, l’avaient rejetée, car clic n’avait été écrite par l’apôtre que comme une simple recommandation, ct non pas pour notre Instruction. Mais plusieurs écrivains catholiques, remarque saint Jérôme ont défendu l’autorité dc cette lettre, qui a été reçue dans toutes les Églises du monde ct ont répondu que, si les objections contraires prouvaient quelque chose, elles prouveraient qu’il faudra!^rejeter la canonicité de la IIe Épitre à Timothée, ct la lettre aux Galatcs, puisque saint Paul y dit des choses qui semblent tenir dc la faiblesse humaine, comme Je manteau laissé à Troas chez Carpus, Il Tim., iv, 13, ct le souhait : « Plût à Dieu que ceux qui vous troublent soient privés de leurs virilité! > Gai., v, 12. D’autres passages des Épîtrcs aux Romains ct aux Corinthiens, disaient ces apologistes, sont écrits d’un style familier, qui ne dépasse pas la conversation ordinaire. Il en fau­ drait conclure que toutes ccs Épltrcs ne sont pas dc saint Paul ; mais, si on les reçoit, on a la même raison de recevoir la lettre à Philémon : In Epist. ad Philemonem, præf., t. xxvi, col. 529 sq. Selon saint Augustin, tout cc qu’on lit dans l’Ancicn Testament, est élevé ct divin ct la vérité y est com­ plète. Dc utilitate credendi, c. vi, n. 13, P. L., t. xxn, col. 74. L’inspiration s’étend même aux passages qui traitent des choses dc la nature, car le SaintEsprit assistait Moïse quand 11 écrivait sciemment que les oiseaux ont été produits des eaux. De Genest ad litteram, 1. Ill, c. vu, n. 9, t. xxxiv, col. 282. Bien que l’Esprit, qui parlait, par les écrivains sacrés, n’ait pas voulu enseigner aux hommes ces choses, qui n’étalent pas utiles au salut, ccs écrivains cependant on su que ce qu’ils disaient de la figure du ciel était vrai. En effet, cc que l’autorité divine dit est vrai plutôt que ce que l’infirmité humaine conjecture. Aussi faut-il juger d’apres les Écritures les opinions des hommes sur la figure du ciel. Ibid., J. Il, c. ix, n. 20, 21, col. 270, 271. 11 avait dit précédemment, 1. I, c. xxr, n. 41, col. 2G2 : «Montrons qu’il n’y a rien dc contraire à nos Lettres sacrées dans cc que les naturalistes auront pu démon­ 2180 trer par de véritables raisons touchant la nature des choses, et quant à cc qu’ils auront tiré de contraire à ccs mêmes Lettres, c’est-à-dire à la foi catholique, de n’importe lesquels dc leurs volumes, montrons si nous en avons quelque facilite que cela est très faux, ou du moins croyons-le tel sans aucune hesitation. » Ce n’est pas en vain que les actes des personnes privées ont été écrits sous l’inspiration du Saint Esprit, In Episl. | ad Gai., n. 10, t. xxxv, col. 2133. L’histoire, racontée dans l’Écriture est donc divine. In Joa., tr. lxi, n. 4, col. 1800. Quand saint Paul parlait en son nom, il avait l’Esprit Saint, par lequel II pouvait donner un conseil utile ct sage. C’est pourquoi il faut comprendre que cc que Notrc-Scigneur, n’a pas dit lui-même, mais que son serviteur Paul a dit sous son inspiration, a été persuadé par Jésus lui-même. L’apôtre donne donc un conseil selon Dieu dans le Saint-Esprit. De conjugiis adulterinis, c. xvin, n. 21, t. xl, col. 463. L’Esprit de Dieu, qui possédait Paul, le remplissait ct agissait sur lui, n’a pas cessé d’exhorter les fidèles par cet apôtre. De opere monachorum, c. χνπ,η. 19, col. 561. Pour saint Léon le Grand l’histoire sainte des Évan­ giles a une autorité indubitable, parce qu’elle a été inspirée par le Saint-Esprit. Serm. lu, c. i, P. L., t. uv, col. 314. Aussi, ab euangelica apostolicaque doctrina nemo quidem verbo liceat dissidere aut aliter de Scripturisdivinis saperequam beati apostoli ct patres nostri didicerunt atque docuerunt, Epist., lxxxh, n. 1, 1 coi. 918. Cosmos Indicoplcustes explique d’après l’Ecriture la figure du monde. En dehors d’elle, on n’a dit làdessus que des absurdités, ct des choses qui répugnent à la nature. Les hypothèses des Grecs sont donc très mensongères ct doivent être rejetées. Topographia Christiana, 1. I, P. G., t. lxxxvih, col. 65. On ne peut rien apprendre dc 1’arrogance humaine à ce sujet; Il faut une révélation divine, qui a été donnée aux I hommes Inspirés, les prophètes, les apôtres, ct qui sc trouve dans toute l’Écriture. Ibid., I. III, col. 177. Comme tous les écrivains sacrés sont d’accord sur la figure du monde, quel chrétien serait assez mauvais, assez fou ct ami de l’erreur pour adhérer aux asser­ tions courantes, nier la foi fondée sur le témoignage des saints ct ne pas croire à Dieu lui-même? L. Ill, col. 164. Qu’ils sont misérables ceux qui tiennent pour vraie la forme sphérique du ciel, ne croyant pas à la divine Écriture, ou plutôt la rejetantct tenant la vérité comme fables dc vieilles femmes. Ibid.,co\. 181. Le diacre alexandrin Olympiodorc enseignait que Salomon, ayant reçu de Dieu une connaissance cer tainc des choses, les a partagées en trois groupes, à savoir les choses morales, naturelles ct Intellectuelles. Il a exposé les premières dans les Proverbes, les secondes dans l’Ecclésiastc ct les troisièmes dans le Cantique. Ccttc division est faite a potlorl parte du contenu de chacun de ccs livres, ct des choses de trois groupes sont réparties dans les trois livres. In Ecclesiastem, prol., P. G., t. χαιι, col. 478, 480. Cassiodore enseigne expressément que l’Écriture tout entière est tout à fait vraie. C’est bien Interpréter l’Écriture que dc croire vrai cc qui est dit dans chacun dc ses passages. In ps. CIV, 18, P. L., t. lxx, col. 746. Telle est la vertu des Écritures que prnderita sine /aisitate describunt, pen sentia plus quam quod videntur, ostendunt... Ubique in cis veritas regnat, ubique divina virtus irradiat. De institutione divinarum litterarum, c. xvi, coi. 1131. Elles ne contiennent rien de vain ni d’oiseux, c. xxiv, col. 1139. Au sentiment d Jnt Grégoire le Grand, l’histoire • ■ .te sous rinspfratIon du Saint-Esprit, In I. III Hegum, c. iv, n. 5, P, L., t. Lxxjx, coL 18 ». Elle n’a donc pas moins dc mys. antic > Écritures Inspirées, elle ne leur est 2181 pas inférieure en autorité. In l. I Ilcg., prœm., n. 4, col. 20. Tout cc qui se lit dans l’Écriture est de Dieu. Aussi saint Grégoire blâme-t-il les lecteurs qui mépri­ sent les moindres ordres dc l’Écriture, il faut manger tout ce qu’il s’y trouve, car l’Écriture est notre nour­ riture ct notre boisson. In Ezech., J. 1, homil. x,n. 1,2, t. lxxvi, col. 886. Il a composé un livre be concordia quorun dam testimoniorum sacra? Scriptura'. Or, avant dc résoudre la iv· question, qui rouie sur l’apparente contradiction entre saint Paul, Rom·, ix, ll,et David, Ps. lxi, 11, il dit : Prophetam et apostolum eodem Spiritu locutos fuisse credamus. Contrarius enim sibi ipsi esse non poterat idem Spiritus, qui utrumque implebat. P. J.., t. lxxix, col. 6G1. A la question xxxiv· il met saint Paul d’accord avec lui-même, en montrant que, par le meme Esprit, il a prevu des choses différentes, col. 678. Saint Isidore de Séville est plus prudent que Cosmas Indicoplcustcs au sujet des questions scienti liques. Il dit seulement qu’il faut plutôt adhérer à l’opinion qui scrapproche le plus dc la sainte écriture, quoiqu’on puisse librement choisir ou laisser sans solution les diverses affirmations, auxquelles les Livres saints ne contredisent pas ct avec lesquelles, ils peuvent éga­ lement s’accorder. Dc ordine creaturarum, c. v, n. 11, P. L., t. i.xxxni, col. 925. Saint Julien, évêque de Tolède a écrit deux livres intitulés ’Αντικειμένων pour concilier les livres dc la Bible qui semblent se contredire. P. L., t. xevi, col. 599-704. Le vénérable Bède ne tenait pas seulement ΓÉcri­ ture comme la règle de la foi, elle réglait aussi des ques­ tions scientifiques. Quoique beaucoup affirment qu’il ne peut pas y avoir d’eau au-dessus du ciel sidéral, il ne doute pas, lui, qu’il n’y en ait, quelles qu’elles soient d’ailleurs et comment elles y soient. Major est quippe, dit-il, Scriptum luifus auctoritas quam omnis humant ingenii capacitas. In 1 lib. Moysis, c. i, P. L., t. xa, coi. 194. Raban Maur, après saint Jérôme, réfute ceux qui rejettent l’ÉpItrc de saint Paul Λ Philémon à cause de la simplicité de son contenu, et il prouve que ce contenu n’est pas indigne du Saint-Esprit. Enarrat, in Epist. Pauli, 1. XXVI, P. £., t. cxn, col. 695-696. Il conclut de 11 Tim., m, 16, que même les choses de peu d’impor tance, qui sont contenues dans le livre des Juges, sont inspirées. In lib. Jud., 1. I, c. xn, t. cvm, col. 1134. Quand on Ht ct qu’on médite les Écritures, il faut avoir soin dc ne rien ajouter ù cc qui est écrit, mais aussi dc ne rien enlever de ce que les écrivains sacrés y ont mis, il faut tenir avec la plus haute vénération ce qui s’y trouve. In Ecclesiasticum, I. IV, c. vu, t. αχ, col. 881. Raban Maur résout les questions scientifiques d’après l’Écriture, et il admet aussi l’existence d’eaux audessus du firmament. In Gen., J. I, c. ni, t. cvn, col. 449. En citant des paroles de poètes, saint Paul les cite comme véritables, ct ainsi il leur confère une autorité divine. In Num., L 111, c. n, t. cvm, col. 804. 2. Chez les théologiens. — Les théologiens n’ont pas eu un sentiment different de celui des Pères. Pierre Alphonse, Juif converti nu christianisme, dit, nu xn· siècle, que l’Écriture n’a pas placé un mot témé­ rairement. Dialogi, tit. xu, P. L., t. clvii, col. 653, 654, Rupert de Deutz déclare qu’on ne peut douter que tout cc qui est dans les Écritures canoniques n’ait une autorité divine. De glorificatione Trinitatis, I. IX. c. m, P. L., t. cxxix, col. 182. Toute Écriture est donc vraie ct véridique. De Trinitate; in Exod., 1. IV, c. i, t. clxvii, col. 697. Il faut que chacun de deux pas­ sages qui paraissent sc contredire soit vrai. Ibid., De Genest, I. I. c. xxvm, col. 223. Rupert cherche donc comment s’accordent les évangélistes, que personne, a moins d’être ennemi dc son âme, n’oserait dire con- L’ECRITURE 2182 traircs l’un h l’autre. In Joa., J. Il, t. clxix, col. 261. Philippe de I larveng aurait jugé le Cantique indigne du Saint-Esprit, s’il n’avait cru que cc livre avait été inspiré par le Saint-Esprit. Mais dès lors que nous croyons qu’il a été écrit sous la dictée du Saint-Esprit, nous croyons aussi que toutes les pensées qui s’y trouvent, ct chacune d’elles, sont inspirées. Moralitates in Cantica, proœm., P. L.,t. eau, coL 491. On trouve dans l’Écriture des choses si divergentes qu’elles paraissent se contredire, mais comme 11 n’est pas permis d’affirmer qu’il y ait en elle quelque contradiction, il ne reste, au prudent lecteur, pour qu’une chose ne soit pas convaincue de mensonges, qu’a rechercher, avec le secours dc la grâce, comment l’Écriture est en tout véridique ct d’accord avec ellemême, Epist., i, col. 1. Le lecteur doit savoir que tout cc qui est affirmé dans l’Écriture est vrai, quoique cela ne soit pas également saisi par tous. Epist., ii, col. 18. Cette science est la science des choses De scientia clericorum, col. 693, 708. Baudoin, archevêque dc Cantorbéry, prouve la vérité dc la fol, qui est fondée sur la vérité de l’Écriture. Qui, doutera que la sainte Écriture soit vraie, s’il est établi que la parole qui y est contenue est la parole dc Dieu, ou que ceux qui l’ont écrite ont parlé dans l’Esprit dc Dieu? C’est pourquoi 11 démontre que les saints prophètes n’ont pas dit une parole humaine, mais la parole dc Dieu, quand Ils ont écrit sous la révélation dc l’Esprit Saint. De commendatione fidei, P. Λ., t. cav, col. 619-628. Saint Thomas d’Aquin enseigne que, quoique les prophètes paraissent parler parfois ex seipsis, hoc tamen tenendum est quod quidquid in sacra Scriptura con tinetur verum est; alius, qui contra hoc sentiret, esset hærcticus. Quodlibet XII, q. xvi, a. 26. Les prophéties 1 peuvent porter sur les conclusions des sciences. Pro­ phetis non credimus nisi quatenus spiritu prophetice inspirantur, sed illis quæ sunt scripta in libris pro­ phetarum, oportet nos fidem adhibere, etiam si pertine­ ant ad conclusiones scientiarum, utpote quod dicitur psalmo cxxxiv, 6: Qui firmavit terram super aquas, vel qua sunt aha. De veritate, q. xu, a. 2. \’oir toutefois les précautions qu’il faut prendre quand il s’agit d’expli­ quer les passages de l’Écriture qui traitent de choses scientifiques. De potentia, q. iv, a. 1, n. 8. Sur ccs matières, du reste, l’hagiographc n’a énoncé que ce qui apparaît sensiblement. > Sum. theol., Is, q. lxx, a. 1, ad 2^. Un détail, dit en passant dans l’Écriture, appartient à la foi au moins indirectement, car si on le niait, il en résulterait quelque chose de contraire à la foi, stcul si quis diceret Samuelem non fuisse filium II clcia-, ex hoc enim sequitur Scripturam divinam esse falsam. Sum. theol., 1·, q. xxxn, a. 4. Voulant prouver que le paradis terrestre était un lieu corporel, et non pas un lieu spirituel, saint Thomas, après saint Augustin, De civitate Dei, 1. XIII. c. xxi, P. L., t. xij, col. 391, déclare que les sens spirituels relatifs à cc séjour peuvent cl réadmis Λ la condition que la vérité très fidèle des faits du récit historique soit conservée. Or, ce que l’Écriture dit du paradis est proposé per modum narrationis historic#, ct dans tous les récits semblables de l’Écriture, la veritas historia?, doit être retenue comme le fondement des sens spirituels. Le paradis terrestre est donc un lien corporel. Ibid., 1·, q. aï, a. 1. Pour le saint docteur, tous les récits historiques de la Bible sont donc historiquement vrais, parce qu’ils sont racontés dans l’Écriture Inspirée. Pour Alphonse Tostat, tous les livres canoniques sont d’une autorité si solide qu’on ne peut nier ou mettre en doute rien de cc qui y est écrit. Sous cc rapport, on ne peut faire aucune différence entre eux. Dc même qu’il n’est pas permis dc nier ou dc mettre en doute quelque chose qui est contenu 2183 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE dans les Évangiles de Jean ou de Matthieu» ainsi Îi n’est pas permis de nier ou de mettre en doute quelque chose qui est dans les livres de Josué et des Juges. Et de même qu’en niant quelque chose qui est dans le livre de Matthieu ou de Jean on est hérétique, ainsi en niant quelque chose qui est dans le livre des Juges ou de Josué, ou en doutant, on est hérétique. In librum Parallpomenon, præf., q. n. Parce que l’Eglisc est cer­ taine que les auteurs de ces livres ont été inspirés par le Saint-Esprit, on ne peut, au point de vue de la certi­ tude, établir aucune différence dans le contenu des Livres saints, de sorte que les choses dites en passant, qui n’ont aucun rapport direct avec le salut, sont cer­ taines, vraies, ct doivent être crues de foi. Ibid., q. vî. Puisque nous devons nécessairement croire aux jugements ct aux décrets de l’Églisc, dit Pic de la Mi ran dole, sequens est ut Veteri et Novo Testamento singulisque sententiis adlurreamus, quœ omnia Ecclesia ipsa universa recipit probavitque et credenda nobis observandaque mandavit. De fide et ordine credendi theoria, cité par Tôllncr,Z)Ze gottliche Umgebung der heillgen Schrifl, Leipzig, 1772, p. 40. Au nombre des hérésies qui sc sont produites au sujet des Livres saints,Bellarmin range celle qui a pré­ tendu que, dans les Épltres de saint Paul ct dans les autres livres sacrés, tout n’a pas été écrit sous la dictée du Saint-Esprit, mais que quelques choses par endroits venaient de la seule prudence ct raison hu­ maine. Ses fauteurs méprisaient l’Épitrc à Phiiémon tout entière parce qu’elle avait été écrite à la façon humaine. Érasme a renouvelé ccttc hérésie, en sou­ tenant que l'autorité de l’Écriture ne serait pas détruite parce que les évangélistes auraient erré en citant de mémoire des passages de l’Ancien Testa­ ment. Et Bellarmin réfute ccttc hérésie. De verbo Dei, 1. 1, c. M. Ménochius refuse d’écoutcr les anoméens qui, selon saint Épiphanc, User., lxxvi, attribuaient des erreurs de mémoire aux écrivains sacrés. Il refuse aussi d'écouter ceux qui, tout en reconnaissant que les écri­ vains sacrés ont toujours dit la vérité, ont prétendu que quelques passages de leurs écrits n’avaient pas été inspirés par le Saint-Esprit, tels que, par exemple, ceux qui traitent du manteau laissé par Paul à Troas, 11 Tim., iv, 13, du chien de Tobic qui remuait sa queue, Tob., xi, 9. S’il y a dans l’Écriture la moindre chose qui n’ait pas été écrite par le Saint-Esprit, on pourra douter aussi d'autres choses, et ainsi toute l'autorité des Écritures vacillera, ct par conséquent notre foi, comme l'a dit saint Augustin, De doctrina Christiana, 1. I, c. lxviji. Les choses qui paraissent les plus petites ont toutefois leur utilité, si elles sont jointes aux plus grandes, ct par suite on ne doit pas les tenir pour indignes de la majesté divine. Comment, totius Scriptura, Proleg., c. ιν. Le P. de Mendoza tenait pour certain qu’aucune parole, aucun fait de l’histoire sainte n’était superflu ou oiseux. L’Écriture, en effet, est, pour ceux qui la méditent profondément un trésor, dont il faut recueil­ lir même les plus petites pièces. Dans la supputation des années il n’y a pas de superfluité; dans les cata­ logues de noms et dans les étymologies, dans les généa­ logies, il y a une grande utilité et aucune répétition oiseuse. In IV Regum libros annotationes, annot. π, sect. ιν. Le P. de Celada sc demande s’il faut penser que le Saint Esprit a inspiré 1rs moindres choses dans les saintes Lettres, ct fl répond avec saint Chrysostome qu’on ne doit pas blâmer celui qui recherche le sens même d’une virgule. Jn Esther, proleg., n, § 7, n. 8. Suarez a réfute l’assertion de ceux qui prétendaient que les écrivains sacrés intercalaient parfois dans l’Écriture cc qui venait de leur esprit proore et disaient 2184 parfois des choses qui ne paraissent pas dignes du Saint-Esprit. Cette assertion ferait que l’Écriture ne serait pas la règle infaillible de la fol, car si elle est quelque part purement humaine, elle deviendrait tout entière incertaine. Les écrivains sacrés, en effet, n’ont rien écrit de leur esprit propre, mais en tout cc qu’ils ont écrit, ct en chacune des choses qu’ils ont rappor­ tées, Ils ont agi sous Ja direction du Saint-Esprit. Cela ressort de la notion même de l’Écriture inspirée. Autrement d’ailleurs, l’Écriture deviendrait Inccr taine ct pourrait contenir un mensonge. De fide, disp.V, sect, in, η. 2,1 I ; édit. Vivès, t. xn, p. 112, 117. Ainsi donc, jusqu’au xvn® siècle, les écrivains ecclé­ siastiques, les théologiens et les exégètes ont enseigné l’inspiration totale de l’Écriture. Nous avons cité ceux qui l’ont affirmé d’une façon positive. Ils en font un objet de fol. Un plus grand nombre encore, nous le verrons ù propos de l’incrrancc biblique, l’ont affirmé d’une manière négative, en repousssant énergique­ ment de la Bible la moindre erreur. Le même ensei­ gnement persista après que se furent manifestés les premiers sentiments divergents. 2° Inspiration restreinte. — 1. AuxXV II· etXVIII·siè­ cles.— a) I lenri I loldcn fut le premierû rest reindre l’ins­ piration proprement dite aux vérités purement révé­ lées ct à celles qui leur étaient connexes. Il définissait l’Écriture un écrit qui contient la doctrine révélée, ou qui du moins ne renferme rien qui lui soit opposé ou contraire, eten outre qui n’a rien de dissonant avec une vérité quelconque appartenantù la doctrine religieuse ou immédiatement révélée par le Saint-Esprit, ou pour la description de laquelle un secours divin spécial a été accordé. Pour qu’un écrit réponde à ccttc défi­ nition, il suffit donc qu’il contienne ou bien la même doctrine révélée que l’Églisc universelle croit, ct enseigne, ou bien qu’une autre vérité de nature quel­ conque ne s’y rencontre, qui détruise ccttc doctrine ou lui soit opposée, ou meme qui soit étrangère à quelque vérité divine ou humaine reconnue universellement par les hommes. En effet, un secours spécial de Dieu n’a été donné aux écrivains des livres que l’Église reçoit comme parole de Dieu que pour les choses qui sont pure­ ment doctrinales ou qui ont un rapport prochain ou nécessaire avec les doctrinales. Pour tout cc qui ne répondait pas au but de l’auteur ou qui sc rapportait à d’autres choses, Dieu n’a accordé à cet auteur d’autre secours que celui qui est commun aux autres écri­ vains très pieux. Un livre canonique contient donc la doctrine révélée ct rien qui soit en désaccord avec la vérité. On ne doit donc pas hésiter à croire, comme article de foi catholique, tout cc qui est Écriture mainte ou parole révélée de Dieu. Mais on n’a pas la même certitude relativement aux auteurs de tous les Livres saints et par conséquent ils n’ont pas tous la même autorité, comme le reconnaissent le plus grand nombre des exégètes. Il est de fol chrétienne que leurs livres contiennent la doctrine révélée. Il faut tenir comme très certain qu’en décrivant et en transmettant cette doctrine leurs auteurs n’y ont rien introduit de faux. Quoiqu’il ne soit pas permis d’accuser de faux le con­ tenu quel il soit des écrits sacrés, cependant cc qui ; n’a pas de rapport à la religion ne constitue nullement un article de foi catholique. On ne doit pas pourtant Improuvcr les vérités philosophiques par les seules paroles ou pensées de l’Écriture. Bien que l’Écriture ne renferme aucune erreur, sa manière de parler est toutefois le plus souvent vulgaire ct adaptée ù la portée commune des hommes plutôt qu’à la propriété du langage ct à la rigueur du discours. Diuinic fidei analysis, 1. I, c. v, sect. ï» Paris, 1052, p. 80 (ccttc partie de l’ouvrage de Holden n’est pas reproduite dans le Cursus theologia* completus dp Migne, t. vî). Cf. I card Manning, La mission temporelle du Saint-Esprit, 2185 INSPIRATION DE I/ÉCRIT ERE trad. Gondon, Paris, 1867, p. 185 187. Le sentiment ' de Holden fut condamné par la Sorbonne. D’après le P. Perrone, De locis theologicis, part. II, sect, r, c.n, Nicolai, dans Dissertatioproamialh, ï, Florence, 1756, 1.1 a, p. 10-20, aurait disculpé I loldcn de Ja doc- 1 trine qu’on lui reprochait au sujet de l’étendue de l’ins­ piration scripturaire. Charles du Plessis d'Argcntré réfuta l’opinion de Holden qui était < un paradoxe dans les écoles chré­ tiennes. » Dieu étant l’auteur principal de toute ΓÉcri­ ture, tout ce que cclic-cl contient est proprement la parole de Dieu. Au sentiment de I loldcn, une grande partie de l’Écriture ne serait pas la parole de Dieu, mais seulement la parole des hommes pieux, qui l’auraient écrite sans le secours spécial de Dieu. En outre, tous les faits historiques, qui n’ont pas de rap­ port nécessaire avec les dogmes de la foi, ne seraient pas de fol divine. Que d’embarras ct que de doutes en naîtraient! Bien plus, un grand nombre d’actions du Christ ne seraient pas objets de foi divine. Dans V Analysis fidei de Holden, Paris, 1782, p. 4G4 sq. (extrait des Varia: disputationes theologiae de Duples­ sis d’Argcntré, Paris, 1782.) Ellies du Pin, s’étant posé la question de savoir si généralement tout ce qui est raconté dans l’Écriture, les faits eux-mêmes ct les choses qui ne touchent pas à la religion, bien plus les points de philosophie, ont été inspirés par Dieu, après avoir cité les arguments de l’opinion négative (celle de Holden), enseigne comme plus sûr ct comme plus conforme à Ja tradition que l’Écriture tout entière u été écrite sous la direction spéciale du Saint-Esprit. Il en conclut que, dans aucun des Livres saints, on ne peut trouver ni erreur ni con­ tradiction. 11 réfute enfin les arguments opposés. Prolégomènes sur la Bible, 1. I, c. nt § 6-8. Le P. Chérubin de Saint-Joseph tient l’opinion de Holden pour peu sûre, si toutefois il la comprend bien. Qu’il y ait des livres canoniques non inspirés, ou qu’ils ne le soient pas parce que leurs auteurs n’auraient pas reçu le secours spécial de Dieu, cela lui paraît également suspect. Des livres purement his­ toriques, comme ceux de Judith, de Tobic, des Rois et des Paralipomènes ct d’autres encore, écrits sans le secours spécial de Dieu, ne seraient pas canoniques, ce qui serait contraire au décret du concile de Trente. Une autre conséquence absurde découlerait de l’opi­ nion de Holden, c’est que, dans les livres canoniques eux-mêmes, il y aurait des parties certaines, exemptes de toute erreur ct infaillibles ct d’autres qui n’auraient pas la même certitude ct ne jouiraient pas d’une si grande autorité. Summa criticae sacra*, 1721, t. rv, disput. IL a. 2-4. La doctrine de l’inspiration totale do l’Écriture n continué à être enseignée par les théologiens ct les exégètes catholiques. Nous citerons seulement Scrrarius (Serrier), Prolegomena biblica, c. iv, q. xx. b) Au xvni· siècle, le récollet Philippe Nérée Chris­ mann émit une opinion qui sc rapproche de celle de I loldcn. Il définit d’abord l’Écriture : la collection des livres, dans lesquels la doctrine du salut, ayant rap­ port d la religion, nous n été donnée par Dieu par l’intermédiaire des prophètes, des apôtres ct des évan­ gélistes. llcgula fidet catholica:, Augsbourg, s. d. (1792), §48. Il part de cette définition pour exposer cc qu’il faut croire de foi divine nu sujet de l’inspiration. Après un résumé, plus ou moins exact, des diverses opinions émises au cours des siècles par les hérétiques ct les catholiques, § 49, 50, il établit six canons, qui qui énoncent son sentiment personnel, § 51. L Les Livres saints contiennent la doctrine révélée par Dieu, ct c’est principalement on cc sens que l’Écriture est proprement la parole de Dieu, la vérité divine ct catho­ lique. 2. Il faut donc croire de toi divine cela seule 2186 ment qui, dans ces livies. est rapporté comme doctrine révélée. 3. 11 faut croire encore de fol divine des choses qui avaient été révélées, avant d’être écrites quoique les écrivains les donnent comme ayant été perçues par leurs sens ou rapportées par d’autres dignes de foi (ainsi dans les Évangiles, beaucoup d’actions ct de paroles du Christ). 4. Les livres histo­ riques eux mêmes sont remplis de l’Esprit de Dieu, puisqu’ils racontent des miracles, contiennent des préceptes moraux et présentent les faits sans lesquels la vérité des oracles divins ne saurait être constante. 5. Mais les faits, qui n’ont pas été révélés ni avant d’être écrits ni dans l’acte de leur rédaction (par exemple, que Pilate était procurateur de la Judée à l’époque de La passion) ne doivent pas être crus de foi divine. Les écrivains sacrés n’ont pas toujours eu la révélation, mais seulement l’inspiration qui consistait dans la présence du Saint-Esprit ou son assistance pour les empêcher de tomber dans l’erreur. 6. Cest pourquoi cc n’est pas un dogme, ce n’est ni certain ni nécessaire que chacune des vérités et des sentences de l’Écriture ait été immédiatement suggérée ou ins­ pirée par le Saint-Esprit. La seule inspiration, en vertu de laquelle le Saint-Esprit a dirigé les écrivains sacrés tandis qu’ils écrivaient pour les empêcher d’errer, suffit. Cursus thcologiæ complétas de Migne. L vi, col. 90~ 1 L’erreur de Chrismann me parait bien avoir trait à l’extension de l’inspiration, au moms quant à l’un de ses cflets qui consiste à faire rentrer tout le contenu de l’Écriture dans le trésor de la révélation chrétienne ct par conséquent en faire l’objet de la fol divine, plutôt qu’à la nature de l’inspiration, comme le pense le P. Chr. Pesch, De inspiratione sacres Scriptura, p. 321323. Aussi cette erreur n’est pas plus énoncée dans les canons 5 ct 6 que dans tout l’ensemble deΓexposé. Je la remarque des la définition de l’inspiration, où la doctrine de l’Écriture est déjà restreinte à cc qui a rapport à la religion. Elle est plus clairement exprimée dans le canon 2 par les mots, que j’ai soulignés plus haut ct qui restreignent explicitement l’inspiration à la doctrine révélée. Les canons 3 et 4 font bien rentrer dans la doctrine révélée les vérités qui avaient été révélées avant d’être écrites, ct même les faits historiques, qui ont un rapport avec la révélation. Mais les faits qui n’ont pas été révélés, les sexcenta 1 dia, joints aux exemples cités, quoique inspirés ct exempts d’erreur, en vertu de l’assistance du SaintEsprit, ne sont pas révélés ct ne doivent pas être crus de foi divine. Ainsi comprise, l’opinion de Chrismann sc rapproche, pour le fond, sinon dans les tonnes, de celle de Holden, qui restreignait l’inspiration aux choses doctrinales ct à celles qui ont un rapport immé­ diat ou nécessaire avec ces choses. Pour les choses étrangères à la doctrine, Holden ne réclamait que l’assistance donnée par Dieu aux écrivains pieux. Chrismann demande davantage, mais 11 se contente de l'assistance purement négative du Saint-Esprit, qui préserve les écrivains sacrés de tomber dans l’er­ reur. Or ccttc assistance, qui est la simple inspiration, diffère de la révélation Immédiate. Ccttc distinction sert uniquement à Chrismann d’argument pour exclure les passages bibliques simplement inspires, du contenu de la révélation ct de la fol divine. Les auteurs, dont Il sc recommande, exigeaient une assistance positive, une direction spéciale, dont il ne parie pas, ct ils n’excluaient pas de la révélation ct de la foi divine l’Écriture ainsi rédigée sous la direction du SaintEsprit. Le livre do Chrismann, réédité en 1841, en 1811, en 1816 ct en 1851, fut seulement mis à l’index, le 20 janvier 1869 voir t. ni, col. 2115, au moment où se préparait le concile du Vatican. Aussi il me semble que l’opinion de Chrismann a été réprouvé par cc 2187 INSPIRATION DE L’ÉCRITl RE concile, en môme temps que celle de Haneberg, voir col. 2154, comme restreignant l’autorité de foi divine au contenu de la Bible, qui appartenait Λ la religion ct qui avait été immédiatement révélé par Dieu ou qui avait avec la revelation un rapport immédiat ou necessaire. Seuls donc les objets, qui avaient été révélés immediate et propter sc devaient être crus de fol divine, et non pas ceux qui avaient été révélés propter aliud ou per accidens. Cf. KIcutgen, Théologie der Vorzeit, L i, n. 29-41, p. 50-72; Dausch, Die Schrijinspiration. . 2. Au XII· siècle. — a) Les partisans de Cinspl· ; ration restreinte. — Après le concile du Vatican, par suite des progrès réalisés dans Je domaine des sciences | naturelles ct des études historiques, plusieurs apo­ logistes ct savants, en vue d’écartcr tout conflit entre les sciences, l’histoire ct la Bible, en sont venus à distinguer dans les Livres saints une partie divine et inspirée, qui contient les leçons dogmatiques ct morales, l’autre humaine, qui renferme des énoncés sans rapport direct avec la religion ct parconséqucnt non nécessairement exemptes d’erreur. Cette distinc­ tion a été proposée de différentes manières. A. Rohling, Die Inspiration der Bibcl und Hire Bedeulung jûr die /rei Forschung, dans Natur und Offenbarung, Munster, 1872, n. 92 sq., soutint que l’inspiration ne s’étendait pas aux choses de la nature, traitées dans l’écriture, mais seulement aux enseigne­ ments sur la fol ct la morale. Dès lors s’établit un gros débat au sujet des questions scientifiques, touchées indirectement dans l’Écriturc, comment, et dans quelle mesure, elles sont affirmées par les écri­ vains sacrés ct par suite garanties par rinfaillibilité, effet de l’inspiration. Rcbbcrt répondit, dans la même revue, 1872, p. 337 sq., ct Franzelin, le fit plus longuement dans un appendice de la 2· édition de son traité De divinis Scripturis, 1879. Cf. Dausch, Die Schriltinspiration,p. 177. François Lcnormant, Les origines de Γ histoire d*après la Bible et les traditions des peuples orientaux, 2e édit., Paris, 1880, 1.1, préface, p. vin, pensait que les décisions doctrinales de l’Église touchant les livres Inspirés < n’étendent l'inspiration qu’à ce qui regarde la religion, touche à la foi ct aux mœurs, c’est-à-dire | seulement aux enseignements surnaturels contenus dans les Écritures. Pour les autres choses, le caractère humain des écrivains de la Bible sc retrouve tout entier... Au point de vue des sciences physiques, ils n’ont pas eu de lumières exceptionnelles; ils ont suivi les opinions communes ct même les préjugés de leur temps... L’Esprit Saint ne s’est pas préoccupé de révé­ ler des vérités scientifiques, non plus qu’une histoire universelle. » Tout dans la Bible est inspiré, tout n’est pas révélé. L’inspiration n’exclut aucunement l’emploi de documents humains, d’antiques traditions populaires; le secours surnaturel accordé aux écri­ vains sacrés sc volt dans l'esprit absolument nouveau, Je sens monothéiste qui anime leur narration. Ibid., p. X!X. Lcnormant appliquait son opinion aux pre­ miers chapitres de la Genèse, qui reproduisaient le fond des traditions mythiques de la Chaldée, mais expurgé des erreurs polythéistes qui les déparaient. Il pensait aussi que l'orthodoxie la plus scrupuleuse n'avait aucune raison de ne pas admettre dans la Bible des Inexactitudes, des erreurs, qui s’y rencon­ traient de fait, mais en très petit nombre. L’ouvrage de Lcnormant fut mis à l’index, le 19 décembre 1887. Le cardinal Newman, On the inspiration oj Scrip­ ture, dans The nineteenth century, février 1884, article traduit en français par l’abbé Bcurllcr ct publié dans Le Correspondant, 21 mai 1884. p. G82-69I, tenait comme un point de foi catholique que l’Écriturc est divinement Inspirée en tout cc qui sc rapporte à la fol 2188 ct aux mœurs, comme certain que l'inspiration s'étend aux faits historiques, parce que toute l'histoire biblique est Intimement liée à la révélation. Toutefois, il est Impossible que les livres canoniques soient Inspirés sous tout rapport, à moins de prétendre que nous sommes obligés de croire de foi divine que la terre est immobile, que le ciel est au-dessus de nos têtes et qu’il n’y a point d’antipodes. Il semble indigne delà majesté divine que Dieu, en se révélant à nous, prenne sur lui des fonctions toutes profanes ct sc fasse narrateur, historien, géographe, quand les matières historiques ct géographiques n’ont pas un rapport direct avec la vérité révélée. 11 peut donc se rencontrer, dans le récit des faits, des choses dites en passant, telles que la mention du manteau que saint Paul a laissé à Troas chczCarpus, ΠΤΙιη.,ιν, 13, ct l’assertion qucNabuchodonosor était roi de Ninive, Judith, i, 5, qui ne soient ni inspirés ni infaillibles. Les vues du cardinal Newman furent discutées par le P. J. Corluy, Y ad-il dans la Bible des propositions non inspirées? dans la Science catholique, mal 1893, p. 481-507, ct elles furent défendues par le P. MacNabt, O. P., Where believers may doubt, etc., Londres, 1903. Salvatore di Bartolo, 1 criteri teologici; trad, franç., Les critères théologiques, Paris, 1886, p. 243-258, dis­ tinguait trois degrés dans l’inspiration des Livres saints: celle-ci serait à un degré supérieur dans les pas­ sages qui traitent de la foi ct des mœurs ct dans les récits de faits en connexion essentielle avec le dogme ct la morale; dans tous les accessoires des faits ct dans les matières d’ordre extra-religieux, elle existerait à un degré inférieur qui ne garantirait pas l’infailli­ bilité des assertions qui s’y trouvent. Π pouvait donc y avoir des erreurs dans les parties de la Bible qui ne sc rapportent pas au dogme ou à la morale; L’ouvrage du chanoine di Bartolo a été mis à l’index, le 14 mal 1891. Dans une note ajoutée, p. 337-341, le traducteur français a exposé la doctrine complète du cardinal Newman sur l’inspiration afin de corriger celle de S. di Bartolo. Jules Dldiot, Logique surnaturelle subjective, Lille, 1891, p 103, n’osai tpasaffirmer que Dieu,qui, au double point de vue dogmatiquect moral a mis les écrivains sacrés dans l’heureuse impossibilité d’errer ou de nous faireerrer, ait poussé plus loin le soin de leur incrrancc ct de la nôtre, en les préservant de toute inexactitude en faitd’histoirc clvilcou naturelle. Une double consi­ dération, appuyée sur des faits, l’arrêtait : 1° la décla­ ration officielle de Γ Église qui affirme la Bible exempte de toute erreur touchant la foi ct les mœurs, mais qui n’étend pas au delà ce privilège surnaturel; 2° le droit que l’Église se reconnaît d’interpréter Infailliblement l’Écriturc dans les choses de foi ct de morale seulement, droit qui suppose que la Bible n’a pas une infaillibilité plus étendue. Dans un article sur La question biblique, publié dans Le Correspondant, 25 janvier 1893, Mgr d’Hulst, après avoir exposé l’opinion commune sur la nature de l’inspiration biblique sc demandait si Dieu, auteur principal ct responsable de la Bible était res­ ponsable de tout. Sur cc point, il distinguait, dans l’année des défenseurs de la Bible, une aile droite ct une aile gauche. A l’aile droite, il plaçait les théolo­ giens qui veulent que Dieu soit responsable de tout le contenu des Écritures, sans distinction. « A l’aile gauche se rangent ceux qui ne craignent pas d’admet­ tre des énoncés inexacts dans la Bible. Dieu alors n’en serait pas responsable, ct il serait cependant l’inspi­ rateur de tout l’ouvrage. Commcntcela? (L’est qu’autre chose est révéler, autre chose est inspirer. La révélation est un enseignent* nt divin qui ne peut porter que sur la vérité. L’ nqihation est une action motrice qui : détermine l’écris un sacré à écrire, le guide, le pousse, 2189 INSPIRATION DE L’ÉCRITLRÈ le surveille. Celte motion, selon l’hypothèse que j’expose, garantira l’ccrit de toute erreur dans les matières de foi et de morale; mais on admettrait que la preservation n’irait pas au delà; elle aurait alors les mêmes limites que rinfaillibilité de l’Église. La promesse d'inerrance n’a été faite à l’Église que pour nous proposer avec certitude l’objet de la croyance ct la règle des mœurs. Sans doute, la Bible n’est pas scu* lement infaillible comme l’Église, elles est inspirée. Mais si l’inspiration s’étend à tout, peut-être ne confère-t-clle pas l’infaillibilité à tous les dires de l’auteur inspiré, peut-être réserve-t-elle cc privilège aux dires qui intéressent la foPet les mœurs; peut-être les autres énoncés que l’inspiration ne garantirait pas, sont-ils là seulement pour servir de véhicules à un enseignement concernant la foi ct les mœurs; peutêtre le Dieu inspirateur, qui aurait pu redresser même en pareil cas, les erreurs matérielles de l’écrivain sacré, a-t-il jugé inutile de le faire. » Mgr d’Hulst exposait les raisons apportées en faveur de cette opi­ nion, dont il ne voulait être que le rapporteur. La ques­ tion biblique, tiré à part, Paris, 1893, p. 22-13. On a justement reproché à Mgr d’Hulst d’avoir fait de quelques tirailleurs avancés, qui luttaient séparé­ ment contre les rationalistes, ct se servaient d’ai mes différentes, l’aile gauche de l’armée catholique ct d’avoir créé un système flottant d’inspiration res­ treinte, qu’aucun d’eux n’aurait admis dans son ensemble. Cf. A. Loisy, Choses passées, Paris, 1913, p. 126-129. On a même transformé cette « aile gauche » en une < école large >, qui n’a jamais existé comme école. 11 n’y a eu là, répétons-le, qu’une tendance de quelques écrivains catholiques La publication de Mgr d’Hulst donna lieu à des polémiques. Le P. Brucker étudia La question biblique, dans les Études religieuses, mars 1893, p. 361-387; Encore quelques mots sur la question biblique, ibid., avril 1893, p. 653-667. llreçutdeMgrd’Hulstunclettre, qui fut publiée, ibid., mai 1893, p. 164-167. De son côté, M. Jaugey adressa à Mgr d’Hulst quelquesréflexionssur La question biblique, dans la Science catholique, février 1893, p 231-245. Le P. Savi ayant pris parti pour l’opi­ nion large, son article parut, ibid., mars 1893, p. 283301, mais M. Jaugeyy ajouta une réplique, p. 301-309. b) Condamnation de Γhypothèse de Γinspiration restreinte.- Comme Mgr d’Hulst avait examiné si «toute assertion des écrivains sacrés s’offre à nous sous la garantie de l’inspiration, avec le caractère d’un enseignement divin », pour résoudre le cas des erreurs défait dans la Bible ce fut de ce biais que Léon XI H, dans l’encyclique PromdentissimusDeusùu 18 novem­ bre 1893, exposa la doctrine catholique sur l’étendue de l’inspirai ion ct réprouva nettement toute restric­ tion de l’inspiration scripturaire. En traçant les règles de la défense des Livres saints contre les attaques des rationalistes, le souverain pontife a réfuté à peu près tous les arguments qui étaient invoqués pour limiter l’inspiration et l'autorité infaillible de l’Écriturc. Par­ lant d’abord des objections tirées des sciences natu­ relles contre la vérité des Livres saints, il rappelle qu’un désaccord ne pourrait exister entre savants ct théologiens, si les uns ct les autres sc renfermaient dans les limites propres de leurs disciplines, ct s’ils n’avançaient pas comme certain cc qui ne l’est pas; il ajoute qu’en cas de conflit une sage interpréta­ tion des phénomènes naturels décrits dans la Bible d’une manière métaphorique, selon le langage ordi­ naire qui est le plus souvent conforme aux apparences, suffit à Justifier le texte sacré contre les attaques dont il est l’objet. Quant aux passages historiques où on croit apercevoir une apparence d’erreur, il faut, pour les élucider, recourir soit à la critique textuelle, soit aux régies de l’herméneutique, « mais il ne sera jamais 2190 permis de restreindre Γinspiration à certaines parties de la sainte Écriture ou d’accorder que l’écrivain sacré a pu sc tromper. On ne peut pas davantage tolérer l’opinion de ceux qui sc tirent de ccs difficultés en n’hésitant pas à supposer que l’inspiration divine s’étend uniquement à ce qui touche à la foi ct aux mœurs parce que, prétendent-ils faussement, la vérité du sens doit être cherchée bien moins dans ce que Dieu a dit que dans le motif pour lequel 11 l’a dit. · Puis Léon XIII déclare que selon la fol de l’Église, tous les Livres saints nnt été inspirés par Dieu dans toutes leurs parties. < Or il est tellement impossible à l’erreur de sc glisser sous l’inspiration divine, que celle-ci, par elle-même, non seulement exclut toute erreur, mais l’exclut ct la repousse aussi nécessaire­ ment qu’il est nécessaire à Dieu, vérité suprême, de n’êtrc l’auteur d’absolument aucune erreur. Enfin, il n’importe absolument en rien que le Saint-Esprit ait employé des hommes comme ses instruments pour écrire, ct l’on n’en saurait conclure que si l’auteur principal n’a pu commettre aucune erreur, les écrivains inspires l’ont bien pu. » Qu’ils ne l’aient pu, cela résulte de la notion même de l’inspiration telle que le pape l’a exposée. Voir col. 2160. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1917,1950-1952; Cavallcra, Thesaurus, n. 86, 88-90. 3. Après Γ encyclique Provident iss imus Dais. — a) Chez les catholiques. — L’enscigement de Léon XIII sur l’étendue de l’inspiration à toute la Bible était trop formel pour que les catholiques n’y adhérassent pas. Au mois de decembre 1893, les professeurs de l’Institut catholique de Paris le firent expressément. Voir Brandi, La question biblique, trad, franç., p. 230. A cette adhésion qu’il avait signée, Mgr d’Hulst, que l’encyclique avait visé, joignit une lettre personnelle au Saint-Père, datée du 22 décembre 1893. Il y disait que, parmi les hypothèses qu’il avait présentées comme rapporteur dans son article du Correspondant, H en était une < que je considérais comme une opinion libre jusqu’à cc que le Saint-Siège sc fût prononcé, qui limite aux matières de foi ct de morale la garantie d’inerrance absolue résultant du fait de l’inspiration. Je reconnais volontiers que la dernière partie de l’encyclique ne me permet plus de penser ainsi. » Brandi, op. cit., p. 229; Mgr Baudrillart, Vie de MgreTHulst, Paris, 1914, t. iî, p. 174. M. Didiot qui, en 1891, avait hésité au sujet de la complète inerrance de la Bible, a résolument, après la publication de l’encyclique, reconnu que l’inspira­ tion ct l’incrrance des Livres saints s’étendent à tous les énoncés de ces livres. Mais il émit alors, en s’ap­ puyant sur l’encyclique elle-même, une opinion nou­ velle, d’après laquelle il n’y a de révélés, parmi les énoncés bibliques, que ceux que Dieu a voulu ensei­ gner. Or, il en est que Dieu n’a pas voulu enseigner notamment ceux d’ordre scienti tique et aussi les récits qui traitent de» l'histoire profane. Ces énoncés n’entrent pas dans la révélation, n’appartiennent fias nu dépôt de la foi confié à l’Église, ne sont pas objet de foi divine et ne pourraient devenir objet de foi catholique. Nous devons cependant leur accorder un assentiment surnaturel, inférieur à la foi. Traité de la sainte Écriture, 189 I. p. 231-248; L'objet de la foi, dans la Kevue de Lille, janvier 1895, p. 226 sq. Cette opi­ nion n été discutée cl rejetée par d’autres interprètes de l'encyclique Providentissimus Deus en particulier, par le P. Brucker, Questions actuelles d*Écriture sainte, Paris, 1895, p. 81-90, et par M. Vacant, Études thMogtques sur les constitutions du concile du Vatican, 1895, t. i. p. 507-516. Pour tous les théologiens catholiques, l’étendue de l’inspiration ù tout le contenu de la Bible résulte de la notion même de l'inspiration. Puisque l’inspiration 2191 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE est une motion divine qui pousse les écrivains sacrés à écrire tout cc que Dieu veut leur faire écrire, ct rien que cela, il en ressort qu’elle s’étend à toute la Bible, non seulement aux textes concernant la foi ct les mœurs, mais à tout cc que les hagiographes ont com­ pris, voulu écrire ct réellement écrit. Dans la com­ position des Livres saints, la causalité divine sc mani­ feste sous une forme humaine. Il y a donc, dans la Bible, un élément divin ct un élément humain, mais ccs deux éléments sc coinpénètrent ct forment une œuvre divino-humainc, dans laquelle on ne saurait faire deux parts, la part de Dieu ct la part des écri­ vains. Lc livre inspiré est tout entier à la fois l’œuvre de Dieu ct l’œuvre de l’homme, Dieu étant l’auteur principal, l’homme l'instrument dont Dieu s’est servi. Dire que Dieu est l’auteur du fond ou seulement des passages dogmatiques ct moraux, ct l’homme l’auteur de la forme, ou des passages historiques, ou simple­ ment des obiter dicta, c’est, comme le disait déjà M. Dausch, Die Schriflinspiration, p. 210-211, un an avant l’encyclique, pratiquer < la vivisection » des Livres saints. Dieu est l’auteur responsable dc tout, ct il ne peut laisser échapper une erreur; les écrivains sacrés sont responsables dc tout, mais, sous l’action Inspiratrice, tout en écrivant humano modo, ils n’ont pu errer. Cf. J. Bainvel, De Scriptura sacra, p. 121122, 140-112. b) Chez les modernistes. — M. Loisy, approuvait, avant l’encyclique, les conclusions précitées dc M. Dausch, étendait l’inspiration à toute la Bible et excluait même des erreurs de fait, sauf à interpréter les passages, où les rationalistes découvraient des erreurs, à peu près comme le voulait Lenormant, c’est-à-dire, non pas comme rigoureusement histo­ riques, mais seulement comme véhicules dc l’idée fon­ damentale que ccs passages exprimaient, Chronique, dans L*enseignement biblique, janvier-février 1892, p. 7-11. Études bibliques, Paris, 1901, p. 27-31. La question biblique était donc, pour lui, une question d’exégèse plutôt qu’une question dc théologie. Or, Mgr d’Hulst l’a placée sur le terrain théologique, ct c’cst le dogme dc l’inspiration qui a été débattu dans les journaux et les revues ct qui a été résolu par le pape dans le sens traditionnel. La question biblique est avant tout une question d’histoire ct dc critique historique. H ne s’agit pas de savoir si la Bible contient des erreurs, mais dc savoir cc qu’elle contient dc vérité, ce qu’elle vaut. Il y a donc à résoudre une série de problèmes soulevés par les critiques rationalistes. M. Loisy indique tout un programme d’études à faire, qu’il a lui-même abordées, avant dc juger la valeur historique des Livres saints ct en vue dc le faire d’une manière vraiment critique. Or, la théorie de l’inerrancc absolue dc la Bible est contredite par les faits déjà constatés. Elle n’est d’ailleurs ni un article de fol ni même une doctrine théologiquement certaine. NI Bible ni la tradition n’ont pu en donner une expli­ cation claire ct indiscutable. Cc qu’on appelle les erreurs dc la Bible n’est que le côté relatif ct imparfait d’un livre ancien, écrit par des hommes ct pour des hommes, dans des temps ct des milieux étrangers à cc que nous appelons la science. Les imperfections dc la Bible contribuent à la rendre vraie pour le temps où elle a paru. Cette vérité purement relative ne porte aucun préjudice à la valeur absolue des principes qui sont à la base dc l'enseignement biblique. On peut dire que les auteurs bibliques ne se sont pas trompés aux endroits, où nous les trouvons en défaut, parce qu’ils n’ont pas eu l’intention formelle d’enseigner comme vrai cc que nous trouvons erroné. L’Inspiration de l’Écriture est à concevoir comme un concours divin dont le but u été dc préparer à l’Église une sorte de répertoire pour renseignement religieux ct moral. 2192 Les vérités religieuses et morales, objet propre dc la révélation, apparaissent dans l’Écriture telles que les écrivains bibliques ont été capables de les concevoir. On n’imagine pas que tel élément du livre Inspiré soit demeuré en dehors de l’influence divine, qui ainsi a tout atteint, même en quelque manière les imperfec­ tions que l’on qualifie d'erreurs ct qui n'étaient point telles au jugement des écrivains sacrés el dc leurs pre miers lecteurs. De la sorte, M. Loisy gardait le nom d’inspiration ct même l’extension totale de l’inspira­ tion, mais il en détruisait l’idée, en la conciliant avec l'existence d’erreurs réelles, au moins pour nos temps. La question biblique ct Γinspiration des Écritures dans J.'enseignement biblique. Chronique, novembre-décem­ bre 1893, p. 1-1G ct dans Éludes bibliques, 1901, p. 50-59. Cf. Autour d*un petit Hure, Paris, 1903, Lettre à un cardi­ nal, p. 5G-59; Choses passées, Paris, 1913, p. 136-116. Cette opinion erronée a été notée dans la 11e propo­ sition du décret Lamentabili : Inspiratio divina non ita ad totam Scripturam sacram extenditur, ut omnes ct singulas ejus paries ab omni errore pruununial, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 2011. La condamnation a suggéré à M. Loisy la réflexion suivante : « Cette proposition est erronée en ce qu’elle suppose la Bible vraie presque partout, avec des flots d'erreur. La Bible n’est pas si vraie dans l’ensemble, ni si fausse dans le détail : livre ancien ct qui, par là-même, n’a pu s’empêcher de beaucoup vieillir. C’est son esprit, non les particularités dc sa rédaction ct dc son contenu, qui lui assure une valeur impéris­ sable. * Simples réflexions sur le décret du Saint-Ofllce Lamentabili sane exitu et sur l'encyclique Pascendi dominici gregis, Paris, 1908, p. 11-45. La réflexion résume l’erreur condamnée et justifie sa condamna­ tion par cela qu’elle s’écarte de l’enseignement de l’Église sur l’extension de la véritable inspiration dc la Bible. II. INSPIRATION VERBALE ET NON VERBALE. - La question est dc savoir si l’inspiration, qui s’étend à toutes les choses contenues dans l’Écriture, s’est étendue aussi aux mots eux-mêmes qui expriment les pensées divines, ou bien si les écrivains sacrés, connaissant cc que Dieu voulait leur faire écrire, ont eu le libre choix des expressions propres à rendre exactement ct fidèlement les pensées divines. 1° Du II· au XV siècle. - 1. Chez les Pères et les anciens écrivains ecclesiastiques. Les anciens n'ont pas discuté ccttc question. Ils ont dit ct répété, presque à toutes les pages dc leurs écrits, que Dieu ou le Saint-Esprit avait parlé par la bouche des pro­ phètes, des apôtres ct des évangélistes, que Dieu ou le Saint-Esprit avait dicté les Écritures ou que toutes les paroles des saints Livres avaient été dites, pro­ noncées ou dictées par eux. Mais ils attribuaient aussi les mêmes paroles aux écrivains sacrés, qu'ils considé­ raient toutefois comme les scribes ou les secrétaires du Saint-Esprit. Il serait superflu ct peu intéressant dc recueillir toutes les affirmations dc cc genre qui pullulent dans leurs écrits. 11 est plus important de rapporter quelques témoignages plus éxpllcitcs ct plus caractéristiques, afin de saisir leur véritable pensée ct dc constater si, oui ou non, ils entendaient parler de dictée proprement dite des mots, ou bien .si, sous leur plume, la dictée des expressions signifiait seulement que l’Écriture était la parole même de Dieu. L’auteur de la Cohortatio ad Griecos, 35, P. G., t. vr, col. 304, dit que les prophètes n’ont pas, comme les philosophes, recouru aux artifices d< mots, mais qu’ils ont employé I tout simplement les termes ct les noms tels qu’ils se présentaient à eux. Bien que les paroles des prophètes fussent les paroles du Saint Esprit, et lui ci m· 1rs leur I avait pas inspirées. il les laissait s’exprimer comme ils I voulaient. ■ 2193 INSPIRATION DE L'ÉCRITURE Clément d’Alexandrie, (Ut que le* paroles dites par i le Saint-Esprit, sont obscures. Strom., V i, c. xv, P. G., I t. ix, col. 310, cl (pie les piophétcs sont όργανα θείας φωνής, Ibid., c. χνιιι, col. 401. Π n’en faudrait i pas conclure que, pour Clément, les mots dc l’Écriture ont été proférés par le Saint-Esprit lui-même, car | il reproche aux hérétiques dc ne voir que les mots euxmêmes et d’en modifier le sens. Ibid., XII, c. xvr, col. 553. Lui-même se complaît ù rechercher le sens plus profond de l’Écriture, qui est caché sous les mots, par exemple, ibid., I, c. iv, t. vni, col. 720, 721; V, c. vi, t. ix, col. 56, ct c’cst un tort des hérétiques de prendre ù la lettre les allégories de l’Écriture. Ibid., ΠΙ, c. iv, t. vm, col. 111. Le sens allégorique, en effet, résulte des choses, exprimées par les mots, ct non des mots eux-mêmes. Origène, qui ullégorisc aussi à outrance l’Écriture, trouve enveloppées ct obscures presque toutes les paroles des prophètes. Lc Saint-Esprit l’a voulu pour que cc qu’il voulait faire écrire ne soit pas proféré ouvertement ct foulé sous les pieds des ignorants, mais il a pourvu à cc que, une fois publié, le secret dc ses paroles soit conservé. Jn Num., homil. xvm, n. 4, t. xu, col. 718. Le Saint-Esprit a publié toute l’Écriture inspirée μέχρι του τόχυντος γράμματος, ct c’cst pourquoi sans doute Notre Seigneur a dit qu’un iota ct un accent ne passeraient pas de la Loi sans être accomplis. Matth., v, 18. Dc même que le créateur a pris soin des plus petites choses, ainsi la providence divine a imprimé les vestiges dc sa sagesse έκάστω γράμματι de tous les livres inspirés. Selecta in psalmos, ps. i, n. 4, col. 1081. On ne doit donc rien changer dans l’Écriture, pas même corriger les solécismes. Jn Oseam, extrait de fa Philocalic, c. vm, t. xm, col. 825. Et cependant Origène déprime souvent la lettre de l’Écrilurc pour exalter le sens. Parfois il ne faut pas adherer à la lettre comme si elle était vraie, mais il faut cher­ cher le trésor qu’elle cache. Jn Gen., t. xu, col. 101. Lc sens historique est indigne du Saint-Esprit. Ibid., homil. vu, x, n. 2, col. 198, 216, C’est le sens, digne du Saint-Esprit, qu’il faut chercher sous la lettre. Jn Joa., torn, x, n. 24, t. xiv, col. 31. La lettre n’était donc pas voulue par le Saint-Esprit pour elle-même, mais seulement en tant qu’elle recelait un sens spirituel. SI l’on ne tenait compte que de quelques témoi­ gnages dc saint Athanasc, on prendrait le patriarche d’Alexandrie pour un partisan très résolu de l’inspira­ tion verbale de ΓÉcriture. Il affirme, en cfTct, είναι θεόπνευστα τά τής Γραφής βήματα, Dc decretis Nicœnæ sgnodi, n. 15, J\ G., t. xxv, coi. 451 ; des mots du Ps. XLix, 16, ct d’Eccli., xv, 9, il dit τά ύπδ του πνεύματος είρημένα, Epist. ad episcopos Ægypti, n. 3, col. 511; il appelle Eccli., x, 20, Οείαν φωνήν Apologia ad Constantium, n. 3, col. 600. Mais très sou­ vent le saint docteur distingue les ρήματα du sens de l’Écriture. Il ne considère les mots que pour en cher­ cher le sens, Orat., n, contra ananas, n. 55, t. x.xvi, col. 261; Oral., in, n. 1, col. 321; Epist., i, ad Sera­ pionem, n. 15, col. 5G5. etc . et ce sens, il l’explique, à l’encontre, des ariens, soit d’après les passages paral­ lèles, soit en considerant la personne dont il s’agit, soit le but de l’écrivain. Epist., 1 ad Serapionem, n. 21, col. 580-581; Epist., u, n. 8, 9, col. 620621; Epist., iv, n. 8, col. 618-649; Orat., n, cont. arianos, n. 1, 44, col. 148, 240; Orat., i. n. 54, col. 121. A l’exemple des autres docteurs d* \lexandric, il allégorise fréquemment; Il lient donc plus Λ l’esprit qu’à la lettre de l’Écriture.Bien phis.ù la suite d’Origène, il réprouve τδ γράμμα en beaucoup dc passages, ct il ne reçoit pas une leçon pour ne pas tomber dans le blasphème, Fragmenta in Matth., t. xxvu, col. 1384. Il en esL dc même de Didyme. S’il entend la voix dc l’Esprit Saint dans les Écritures, Dc Trinitate,]. Il, 2194 c. xn, P. G.,t. xxxix. coi. 673, s’il volt dans Ps. x, 3, une parole dite par le Saint-Esprit, In h. loc., col. 1208, si, pour lui, Dieu parle aux hommes par la voix des prophètes,De Trinitate,]. Il, c. x. col. 648-649, si les paroles dc Joa., vu, 39, ont été prononcées par le SaintEsprit, ibid., 1. IIÎ,c.xxxiv, col. 961, si saint Paul luimême atteste, Heb., ni, 7, que les dernières paroles de Ps. xavont été dites par le même Esprit, Jn ps. xciv, 8, col. 1505, cependant 11 distingue expressément la λέξιν de l’Éwoia, De Trinitate, 1. II, c. τπτ, n. 1, col. 620; il recherche le sens des mots dc l’Esprit, Jn ps. XX//, 5, col. 1293; il juge nécessaire, de compren­ dre, en psalmodiant, le sens des hymnes du psautier. Jn ps. XLVI, Ί, col. 1377. 11 veut qu’on comprenne les témoignages des Écritures sur Dieu d’une façon juste et digne de Dieu. De Trinitate, I. L c. xxvu, col. 397. Les hérétiques cherchent à prouver leurs erreurs par les Écritures, en contradiction avec le sens théolo­ gique, ibid., I. III, c. iv, col. 828; ils citent des βήματα, qui n’ont point dc rapport a Dieu et ils dépravent témérairement par leurs absurdes commentaires les justes έννοιας, 1. I, c. vu, n. 8, col. 581. Enfin, en outre du sens grammatical et historique, Didyme Inter­ prète l’Écriture d’après des pensées plus élevées et plus divines par l’allegorie. Jn ps. J, 3, col. 1208. Lc sens de l’Écriture importe donc plus que la lettre. Saint Cyrille d’Alexandrie attribue aux écrivains sacrés une part dans la redaction des choses que Dieu leur a révélées. La parole pour laquelle les prophètes ont exprime cc qu’ils avaient vu et entendu, procède de leur bouche. Ils ont coutume de la couvrir de quelque obscurité. Jn Is., 1. Ill, P. G., t. lxx, col. 609; Jn Amas, n. 75, t. lxxi, coL 552, parce que l’Écriture inspirée est un livre scelle par Dieu. Jn Is., L III, t. lxx, col. 656, 657. Saint Cyrille note donc la per­ sonnalité d’Isaïe, sa voix, sa vigilance. 1. II, col. 505 L’auteur du ps. xxxix, orné dc la grâce prophétique, profère comme du bon trésor de son cœur, ses bons discours de façon qu’ils ne soient pas étrangers a la personne du Elis unique dc Dieu. In ps. XXX/X. t. lxix, col. 988. De même, bien aue Γ Esori t dc Dieu ait parlé par les évangélistes ct par saint Paul, De recta fide ad Theodosium, n. 40, t. lxxvi. col. 1193; De incar· natione Unigeniti, L lxxv, coL 12-Î5, etc., saint Cyrille cependant fait ressortir leur personnalité. Il note la prudence ct la perspicacité dc saint Jean à exposer la doctrine du Verbe. In Joa., 1. I, c. il ix, x, t. lxxiii, col. 38, 1 18, 176. Il dit que cct évangéliste, se souve­ nant dc cc qu’il avait dit, a expliqué plus longuement cc qu’il avait indiqué d’abord sommairement, L L c. x, col. 184; qu’il a usé de beaucoup de pn cautions dans sa narration, 1. V, c. L col. 745, cl qu’il était dans l'étonnement, en racontant que Jésus avait pleuré, 1. Vil ct VIII, fragm . t. lxxiv, col. 56. il remarque que le discours de saint Paul est prolixe. In Epist. ad Dom.. col. 813; qu’il manque quelque chose à la cons­ truction de sa phrase pour que le sens soit pleinement exprimé, col. 817. Il admire la bénignité de l’apôtre, qui redige très bien les discours que Dieu nous dis­ pense, col. 818. Les mots des Évangiles ct des Épltrcs n’ont donc pas é té prononces par l’Esprit Saint. Saint Cyrille distingue aussi γράμμα dc « Que les ennemis de la verite disent comment il faut lire l’Écriturc, s’il faut adhérer à D lettre ou scruter le sens. S’ils disent qu’il faut scruter le sens, qu’ils apprennent à en faire autant dans leurs propositions et à rechercher la veritable intelligence des choses. S’ils disent que la lettre suffit pour connaître exactement la chose, j’attaquerai le sens de leurs propositions. · De Tri­ nitate, n. 11. t. lxxv, col. 1161. Il faut donc chercher le sens des paroles sacrées, spécialement en considé­ rant le but dc l’ouvrage, Apologelicus ad Theodosium, t. lxxvi, coL 473, et il a lui-même rejeté plusieurs fois 2195 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 219G il rappelle le contexte των Οεοπνεύστων λογιών afin un sens qui était contraire à cc but. Epist., L, t. lxxvh, col. 260. Saint Cyrille ne sc contentait pas du sens de saisir τάν νουν τού γράμματος, Adu. Apollinarem, littéral; il recherchait et recommandait le sens allégo­ t. xi.v, coi. 1233; Cont. Eunomium, I. XI, XII, rique dc l’Écriture, il sc préoccupait donc plus des coi. 869, 976, τά νοήματα, Di Ecclesiastcn, homil. vu, choses, exprimées par les mots, que des mots eux t. xuv, coi. 717, την τοϊς ρητοϊς έγκειμένην διάνοιαν (le sens allégorique). In Cant., proœm., homil. νι, mêmes. Si dc l’école d’Alexandrie qui allégorisait, nous pas­ vu, vin, col. 756-757, 888, 909, 944. Saint Grégoire sons à l’école d’Antioche, qui s'attachait davantage au dit même que les paroles qui sont attribuées à Dieu sms grammatical ct littéral, nous constaterons que I dans l’Écriture, n’ont pas été prononcées par lui ni en ses docteurs cherchaient le sens sous la lettre. Eus- hébreu ni en aucune autre langue, mais que tous les tathe d'Antlocho blâme Origène, qui a osé expliquer discours dc Dieu, écrits par Moïse ct par les prophètes, allégoriquement tous les mots dc l’Écriture ct n’a pas sont des indications et des expressions de la volonté eu horreur d’appeler μύθου; les récits de la créa­ divine, attribuées à Dieu. Cont. Eunomium, 1. XII, tion que Moïse a fidèlement racontés. Lui, qui a pré­ t. xi.v, col. 997. Cf. Fragmenta, t. xi.vi, col. 1115. tendu que les paroles dc la pythonissa d’Endor avaient | Si dc (’Orient, nous passons en Occident, nous cons­ été dictées par le Saint-Esprit, a travesti le sens des tatons la meme attitude. Saint Hilaire dc Poitiers divins oracles qui viennent de Moïse ct il ne voulait n’affirme l’autorité d’une syllabe de l’Écriture qu’en pas qu’on applique son esprit au sens littéral. Dc raison du sens qu’elle exprime et 11 reproche aux engastrimytho, n. 21, P. G., t. xvm, col. 656. ariens d’ajouter par fraude le pronom te à la parole J’ai déjà exposé, col 2108 sq. cc que pensaient saint d’Isaïe, i.xv, 16. Dc Trinitate, 1. V, n. 28, P. L., L x, Jean Chiysostorne ct saint Grégoire dc Nazianze. col. 147. 11 affirme que l’hérésie provient de l’Écriture Théodore dc Mopsueste rejetait expressément l’inspi­ mal comprise ct que les hérétiques l’interprètent ration verbale. Quand saint Paul parlait des : Écri­ autrement que la force des mots ne l’exige. L’hérésie tures saintes, Horn., i, 2, il ne voulait pas parler dc la provient dc l’interprétation de l’Écriture, ct non de lettre ou du caractère sacré, mais dc la prophetic elle- l’Écriture elle-même; c’cst le sens donné, ct non le même, qui était une révélation donnée par le Saint- discours, qu’il faut incriminer. Ibid., I. 11, n. 3, col. 51Esprit; Il a donc justement appelé « Écriture sainte · 52. 11 n’y a pas d’hérétique qui ne prétende menson­ cette prophétie. Il a dit dc même ailleurs, Il Tim., gèrement parler d’après l’Écriture; tous parlent de m. 16, que toute Écriture divinement inspirée est l’Écriture sans la comprendre; il ne suffit pas dc lire utile. In Epist. ad Rom., P. G., t. lxm, col. 787-788. l’Écriture, il faut la comprendre. Ad Constantium, Dc même, Théodoret, quoiqu’il dise que les paroles 1. II, n. 8, col. 570. Quoique la plupart ne voient dans du prophète sont des paroles du Saint-Esprit, il les Psaumes que le son des mots ct la lettre, l’évêque n’admet pas pour autant l'inspiration verbale. Il dc Poitiers y cherche le sens ct Notre-Scigncur Jésusoppose sagement aux anthropomorphites, qui ne Christ. In ps. Ltv, n. 9, l. ix, col. 352. Dans scs com­ connaissent rien que la lettre, d’autres paroles dc mentaires des Évangiles, il a coutume pour découvrir l’Écriture et il explique les mots par d’autres mots. le sens caché sous la lettre, dc considérer l’ordre des Quasi. tn Gen., q. xx, P. G., t. lxxx, col. 113. Mais faits, les propriétés des mots ct la raison des lieux, Il a appris par l’Écriture elle-même que les Écritures des temps et des personnes. In Eu. Matthæl admonitio, doivent être traitées, dc façon que les exégètes n’expli­ 6, col. 911. Cf. col. 924,954, etc. Les mots ne sont donc quent pas la lettre seule, mais qu’ils en découvrent pas tout pour lui. l’esprit ct le sens. In Cant., præf., t. lxxxi, col. 44. Bien que saint Ambroise attache beaucoup d’impor A première vue, saint Basile paraît avoir été par­ tance aux mots de l’Écriture, qui ont été employés tisan de l’inspiration verbale. Il dit, en effet, que les après un grand examen, qu’il admire, In ps. 1, n. 22. paroles de l’Écriture ont été données par le Saint- XXX F, n. 25, P. E., t. xiv, col. 931, 964, ct qu’il exa­ Esprit, Ado. Eunomium, 1. I, n. 18, P. G., t. xxix, mine lui-même attentivement pour en découvrir le col. 552; 1. II, n. 24, col. 625; il les appelle λόγους του sens, Il entend bien faire plus attention au poids des πνεύματος, 1. Il, η. 15, col. Gül. Il n’est pas néces­ choses qu’à la série des mots. In Luc., 1. VIII, n. 63, saire dc recueillir plusieurs paroles des Écritures ct t. xv, col. 1784. de connaître l’accord dc tous les Livres saints, puis­ Quoi qu’en pensent Dausch, Die Schriltinspiration, qu’une seule parole suffit aux croyants, qui ne doutent p. 72-74, Grütsmacher, Hieronymus, Berlin, 1906, pas dc la vérité dc cc qu’a dit le Seigneur. De fuie, n. 6, t. il, p. 124 sq., ct Sanders, Études sur saint Jérôme, t. xxxi, col. 692. Cependant saint Basile examine Paris, 1903, p. 127-137, il faut, avec Schade, Die souvent τά όήαατατης Γραφής pour trouver την έυ Inspirationstchre des heiligen Hieronymus, p. 133-140, τοϊς ρήμασι διάνοιαν. Homil., vin, in I femmenon, n. 8, et avec F. Valento, San Girolamo c l'encyclicaSpiritus t. xxîx, col. 184, et il n’ignore pas qu’il y a des tra­ Paraclitus, p. 67-72, tenir saint Jérôme pour un adver­ ducteurs qui ont mieux saisi Je sens des mots hébreux saire plutôt que pour un partisan dc l’inspiration ver­ que les Septante. Adv. Eunomium, I. II, n. 20, col. 616- bale. Sans doute, le saint docteur parle très souvent 617. de l’Écriture comme contenant verbum Dei, verba Au sentiment dc saint Grégoire dc Nyssc, l’illu­ divina; mais veut-il dire par là que les mots eux-mêmes mination dc l’intelligence du psalmiste ct l'élocution des Livres saints sont dc Dieu et par suite ont été ou manifestation des connaissances reçues étaient Inspirés? Prend-il ccs termes au sens matériel ou bien simultanées, ct elles étalent l’une ct l’autre l’œuvre ne considèrc-t-il pas plutôt les mots comme exprimant du Saint-Esprit. Aussi le psalmiste n’était-il que la pensée de Dieu? Or, que verba, sous sa plume ait le sens dc sententia, il le montre bien quand, Epist., l’organe du Saint-Esprit. In psalmos, tr. 11, c. x, P. G., t. xuv, col. 341. Pour lui, toutes les paroles dc l’Écri­ exxn, ad Rusticum, c. i, P. L., t. xxn, col. 1039-1040, ture sont τά θεόπνευστα ρήματα, In Cant., homil. I, après avoir cité les paroles d'Isaïe ct dc Jérémie, il col. 764, 773, et les chrétiens sont Instruits καθ’ έκασ­ ajoute qu’Ezéchicl parle indcm verbis, parce qu’il est τον γράμμα της Γραφής. De pauperibus amandis,1. χι.νι, Inspiré par le même Esprit que les deux autres pro­ phètes. Or, les trois passages cités ne sc ressemblent col. 464. Aucun mot de l’Écriture n’est redondant, que par l’idée exprimée, ct leurs termes sont diffé­ ni vain ni inutile. In verba : Faciamus, homil. i, t. xuv, col. 272. Toutefois si saint Grégoire de Nyssc rents Sans doute encore, il a dit que, dans l’Écriture, examine ainsi chaque mot dc l’Écriture, c’est pour et verborum ordo mysterium est, Epist., lvh, ad Pamma· chium. n. 5 col »71 mais il ajoute, n. G, col. 572 : Alii connattrc plus exactement le sens. Souvent, en effet, 2197 INSPIRATION DE L’ECRITURE 2198 syllabas nuncupentur ct litteras, tu quaeres sententias, pensée, a revendiqué audacieusement pour lui la ct η. 10» col. 577 : Obtrectatores mei quierant et intelUsagesse. In Epist. ad Eph., L IL t. xxvi, col. 478. gant nun verba in Scripturis, sed sensus. L^ns scs com­ Les principes que saint Jérôme a suivis en tradui­ mentaires, ii distingue souvent deux éléments dc sant le texte hébreu montrent qu’il n’était pas partisan l’Écriture, verba, sermo, littera, syllable, ct le sens. dc l'inspiration verbale. Bien qu’il ait serré l’original C’cst le sens qu’il faut chercher sous les mots. Expli­ dc plus prés qu'il ne l’avait fait en traduisant des quant ccs paroles dc saint Paul: Gerdes esse cohtrredes ouvrages grecs, il n’a pas toujours suivi l’ordre des ct concorporales et comparticipes promissionis, Eph., mots; il sc flatte toutefois d’avoir conscience de ni, 6, il remarque (pie, dans ces trois mots, l’appo­ n’avoir pas altéré le sens du texte hébreu, Epist., tvn, sition de la conjonction rend la phrase latine peu élé­ n.6, 10, t. xxn, col. 573-577; Corpus de Vienne» 1910, gante, mais parce qu’il en est ainsi dans le texte grec t.ijv.p,508-520. A la fidélité ila joint laclartéet une cer­ et parce que singuli sermones, syllable, apices puncta taine élégance. Il faudrait citer presque en entier cette m divinis Scripturis, plena sunt sensibus, propterea lettre i.vn à Pammachius De optimo genere (nierpremagis volumus in compasitic ne structuraque verborum tendi. Jérôme avait constaté que les Septante, tout en quam intelligentia periclitari. In Epist. ad Eph., 1. II, modifiant l’ordre des mots, avaient très bien rendu le t. xxvi, col. 481. Quand on discute sur l’Écriture, il sensdc l’original. In Eccle.,u, 15,16, t. xxin,coL 1031. Il blâme, au contraire. Aquila d'avoir traduit trop litté­ n'est pas si nécessaire dc citer les mots que de con ralement le texte hébreu, en en faisant un véritable naître le sens. Epist., xxix, n. 1, t. xxn, col. 436. Enfant dc l’Église, il recherche plus le sens que les décalque. Ibid., n. 11, t. xxn, col. 577-578. On a mots de l’Écriture. In Epist. ad Titum, t. xxvi, remarqué que la version dc saint Jérôme sc rap­ col. 595. Il ne pense pas que ΓÉvangile soit dans les proche plutôt dc la manière dc traduire de Symmaque. Sa méthode dc traduction ct ses jugements paroles, mais dans le sens : il n’est pas à la surface, mais dans la moelle; il n'est pas dans les feuilles des sur les autres versions se sont pas d’un partisan dc paroles, mais dans la racine de la raison. In Epist. ad l’inspiration verbale dc l’Écriture. Saint Augustin n appelé l’Écriture · le style véné­ Gal., 1. I, col. 322. L’Écriture ce n’est pas l’encre ni le rable du Saint-Esprit ». Conf., L VII, c. xx. n.26, P. L., parchemin, qui sont insensibles, c’est l’Esprit Saint et le sens caché sous la lettre, qui ont pu prédire l’ave­ t. xxxii, coL 747. Il a reconnu toutefois la sagesse et nir. Ibid., col. 353. Quicumque igitur aliter intelligil l’éloquence, propres à chacun des écrivains sacrés. De quam sensus Spiritus Sancti flagitat, quo conscripta est, doctrina Christiana, 1. IV, c. vî, vn, xx, t. xxxjv, licet de Ecclesia non recesserit, tamen hirrcticus appellari col. 92-98, 107-110. Mais il les attribue à un don dc Dieu, pour Moïse, Con/., L XII, c. xxvi, t. xxxii, potest. Ibid., LUI, col. 417. C’est dans le môme ordre d’idées que saint Jérôme col. 840-841, et au Saint-Esprit, qui n magniüquen’attribue pas le style dc l’Écriture au Saint-Esprit, ment ct salutairement modifié les Écritures, de façon mais aux écrivains inspirés. De Isaia sciendum quod Λ satisfaire la faim des lecteurs dans les passages clairs in sermone suo disertus sit, quippe ut vir nobilis et ct à écarter tout dégoût dans les passages obscurs. urbanæ eloquentia*, nec habens in eloquio suo aliquid De doctrina Christiana, 1. II, c. vn, n. 8, t. xxxiv, rusticitatis admissum. Unde accidit, ut prx caderis, col. 39. Le Saint-Esprit, en cflet. distribuait à chacun florem sermonis epis translatio non potuerit conservare. des écrivains sacrés son bien propre comme il le vou­ In Is , præf., t. xxvni, coi. 771. Jcremias sermone qui­ lait, ct afin de placer k-urs livres au comble de l’autodem apud Hebraos, Isaia et Osee ct quibusdam aliis I rité, il a permis, selon les merites des saints, à l’un prophetis videtur esse rusticior, sed sensibus par est, d'ordotmer son récit d’une manière, à l’autre d’une quippequi codemspiritu prophetaverit. Porro simplicitas autre, tout en les gouvernant, tandis qu’ils rappor­ taient les choses qu’ils devaient écrire. De consensu eloquii de loco ei in quo natus est accidit. Euii enim Anathotides, qui est usque hodie tribus ab Jerosolymis i euangelistarum, l. 11, c. xxi, n. 52, col. 1102. Voilà, distans millibus. In Jcr., prol., coi. 847. Il dit encore si je ne me montre, la simple direction du Saint-Esprit d'Ezéchlcl : Sïrmo ejus nee satis disertus nec admodum accordée aux évangélistes pour l’ordonnance de leurs rusticus est sed utroque medie temperatos. In Ezech., récits,Saint Augustin avait dit précédemment, 1. Il, præf., t. xxv, coi. 938. Anios ne possédait pas l’art dc c. xn, n. 28, qu’un évangéliste, nonobstant scs parler; il n’en était pas moins prophète puisqu'il était efforts, n'avait pas réussi ù reproduire les termes memes, du discours dc Noire-Seigneur ct qu’il avait dû animé du même esprit que les autres prophètes. In Amos, procem., col. 99. Saint Jérôme remarque que se contenter d’en donner le sens. On le voit, les principaux écrivains ecclésiastiques saint Luc connaissait mieux le grec que l’hébreu : n’ont pas été, comme on le dit généralement, parti­ dans ses deux livres, son style est plus soigné que celui sans de l’inspiration verbale. S’ils attribuaient au de saint Matthieu ct de saint Jean. In Is., 1. Ill, Saint-Esprit, une part dans la rédaction des Livres t. xxn , col. 98. Il ne faut pas s’étonner que saint Paul saints, ils ne négligeaient pas d’attribuer la leur aux ait écrit le grec comme on le parlait ù Tarse,sa patrie, puisque Virgile qui est, pour les Latins, un autre Ho­ écrivains sacrés, ct l’inspiration des mots dc l’Écriture n’était pas pour eux une dictée proprement dite. mère, n employé quelquefois le langage du lieu où il Dans la théorie même de la prophétie, les docteurs des était né. La plupart du temps, l’apôtre a mal écrit, deux écoles d’Alexandrie et d’Antioche remarquaient parce qu’il ne connaissait pas l’art de la grammaire. Epist., cxxi» ad -4 tgesiam, P. I.., t. xxn, col. 1030, c. x. j que Moïse seul avait parlé avec Dieu, bouche Λ bouche. Les prophètes avaient bien parfois entendu une parole, Les adversaires do Jérôme lui ont reproché d’avoir mais le plus souvent la révélation divine leur avait été inédit de Paul, en le faisant passer pour un homme, qui ne savait pas le grec. S’il a relevé des solécismes et faite en songes ou en visions soit corporelles, soit ima­ ginatives soit intellectuelles. Quand ils énonçaient en d’autres défauts semblables dans le style dans l’action vivante de l’Esprit inspirateur des Écritures. Die Schri/t inspiration, p. 240-211. M. Loisy avait adhéré à la pensée de M. Dausch, L'enseignement biblique, n. 2, mars-avril 1892, Chronique, p. 9. Un an plus tard, il déclarait au Père Semeria qu’il admettait l’inspiration verbale. 11 n’avait jamais pu comprendre comment les Livres saints étaient inspires pour le fond sans l’être pour la forme. 11 attribuait à l’auteur inspiré les idées elles-mêmes qui étaient devenues siennes, parce qu’il les avait exprimées. Mais il n’expli­ quait pas avec précision comment il entendait l’inspi­ ration verbale. L'enseignement biblique, n. 8, mars avril, 1893, Chronique, p. 20. Quand Léon XIII. en 1893, eut inséré la notion de « motion > dans la des cription de l’inspiration, il sc produisit, comme nous Pavons dit, col. 2162, une forte réaction contre l’opinion du cardinal Franzelin, qui distinguait Γι lement formel de l’élément materiel de Γ Écriture. Or, un des effets de cette reaction fut d’abandonner l’inspiration non verbale ct de reprendre l’opinion de l’inspiration ver­ bale, mais en la modifiant. Au sentiment nouveau.les mots de l’Écriturc n’ont pas été immédiatement révélés ou dictes par le Saint-Esprit; Us n’ont pas même été suggérés aux écrivains sacrés, qui connais soient la langue dont ils se servaient; mais ceux-ci ont employé ct écrit les mots sous l’influence de la motion Inspiratrice, qui les avait décidés à écrire ct qui agissait sur eux tout le temps qu’ils écrivaient. L’impulsion divine se faisait sentir dans tous les actes de la réduction du livre qu’ils rédigeaient, et ainsi pas un seul mot de leur œuvre ne fut écrit qu’en vertu de l’impulsion initiale du Saint-Esprit. L’extension de l’influence motrice du Saint-Esprit ù la rédaction du livre ne sc fit pas tout de suite. Bien qu’il admit la motion divine, le P. Corncly n’avait pas étendu son action jusqu’à la rédaction des Livres saints, ct, pour la détermination de la forme exté­ rieure, l’assistance divine lui paraissait suffisante, Manuel d'introduction, p. 492-494. C’était encore la pensée de Léon XIII : l’impulsion initiale était complétée par l’assistance divine, ct M. Vacant l’inter- 2203 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE prêtait ainsi. Études théologiques, etc., t. i, p. 407. C’est M. Levesque, prêtre de Saint-Sulpfcc, qui a émis le premier la nouvelle conception de l’inspira tlon verbale. Il a écarté Λ la fois la simple assistance négative pour le choix des mots ct la dictée. Il n’y a I pas plus de révélation ct de dictée pour les mots que pour les Idées. Dieu ne transmet pas par la plume des écrivains sacrés un livre tout fait; il le leur fait faire. ' L’action inspiratrice meut ct dirige toutes les facultés de l’auteur inspire, en leur laissant leur jeu naturel ct libre. Dieu fait concevoir vouloir, ct exécuter par l’écrivain sacré tout le livre. L’hagiographe exécute son travail comme un écrivain ordinaire qui choisit les expressions propres A rendre scs idées, les arrange, les dispose d’une façon personnelle. Ainsi, la rédaction est vraiment de lui tout entière, mais elle est pro­ duite sous l’in fluence de la motion divine initiale. Essai sur la nature de Γ inspiration des Livres saints, dans la Revue des Facultés catholiques de Γ Ouest, décembre 1894, Angers, t. v, p. 212-213. Quelques mois plus tard, ct par un autre procédé, Je P. Pégues, dominicain, tirait la même conclusion d’L’ne pensée de saint Thomas sur Γinspiration scrip­ turaire, dans la Revue thomiste, mars 1895, Paris, t. ni, p. 105-111. Cette pensée est que Dieu est la cause prin­ cipale ct les écrivains sacrés les causes instrumentales de l’Écriture. Or, dans la causalité, l’effet tout entier est de l’instrument autant qu’il l’est de l’agent prin­ cipal. Dans l’Écriture sainte, tout le livre inspiré est à t la fois de Dieu ct A la fois de l’homme. Il n’y a donc pas en elle un seul Iota ou un seul accent qui ne soit de Dieu, comme il n’y a pas une seule proposition qui n’ait passé par l’action propre de l’instrument humain. Tout cc que l’homme a produit dans l’effet, il l’a produit sous la motion de Dieu, l'agent principal. Cf. A propos de l'inspiration des Livres saints, dans la Revue biblique, janvier 1907, p. 76-79. Au mois de juillet 1895, M. Levesque revenait sur l’inspiration verbale dans un compte-rendu critique des Questions actuelles d*Écriture sainte du P. i Brucker, Paris, 1895, p. 40-53. Le jésuite combattait i l’inspiration verbale, qu’il considérait comme une sorte de révélation des mots. Mais la révélation, disait le critique, n’existe pas plus pour les mots que pour les idées. L’inspiration verbale s’allie parfaitement avec les variétés de style des écrivains sacrés, avec les divergences ct même les contradictions apparentes | qu’on constate entre eux dans la relation d’un même fait ou d’un même discours. Elle est, en outre, beau­ coup plus conforme à la manière de parler des Pères ct ù leur conception, qu’on a abandonnée, parce qu’on a considéré l’inspiration comme une dictée des mots. M. Levesque renouvelait son exposition de l’action Inspiratrice qui fait concevoir, vouloir ct exécuter par l’écrivain sacré cc que Dieu veut. Revue biblique, 1895, p. 422-123. Le P. Lagrange ayant demandé au P. Pégues un supplément de lumière sur l’action exercée par la motion divine sur les facultés de l’écrivain inspiré, Revue biblique, octobre 1895, p. 566, un de ses corres­ pondants s’étonna qu’il se fût rallié à la théorie de l’ins­ piration verbale. N*enlevait-il pas ainsi A l’écrivain sacré ce qui lui restait dans la composition des Écritures? Faut-Π donc le concevoir comme un scribe, écrivant, au sens propre du mot, sous la dictée du mettre? Le P. Lagrange répondit que si l’inspiration verbale s’entendait ainsi, il n’y fallait pas revenir. L’inspi­ ration doit être admise, qui ne gêne l’écrivain sacré ni dans le libre choix des expressions ni dans la formation libre de scs concepts. Pour expliquer sa pensée, le P. Lagrange ébaucha une théorie géné­ rale sur la nature de l’inspiration d’après saint Tho­ mas. Inspiration des Livres saints, dans la Revue 2204 biblique, avril 1896, p. 200. Quant Λ l’inspiration ver baie, 11 n'admettait, sauf dans des cas particuliers hors de cause, ni la dictée Λ l’oreille, ni même une révéla­ tion immédiate des mots au moyen d’images infuses. Mais il comprenait encore moins que l'expression de jugements dus à une lumière divine fût considérée comme une chose purement humaine, Dieu donnerait les pensées et laisserait trouver l’expression, se con­ tentant d’une assistance négative, tout prêt Λ Inter venir si l’écrivain trahissait par l'expression la vérité de la pensée. Cela parait un non-sens. Si même la pensée pouvait être présentée A l’écrivain toute prête A écrire, il est difficile de comprendre que ccttc pensée, préparée par Dieu, ne fût pas exprimée déjà en termes adéquats et que le choix de son expression fût aban­ donné A la liberté de l’homme inspiré. Il est plus logique de penser que l’action divine, qui a éclairé l'intelligence, qui a fait connaître la vérité, influe aussi sur le choix des mots. L’inspiration est donnée pour écrire un livre, on comprend qu’elle s’étende au livre entier ct A sa rédaction complète. Ibid., p. 211-215. Cc retour A l’inspiration verbale n’était pas une ten­ dance isolée; c’était tout un mouvement qui sc pro­ duisait. M. Chauvin suivit le mouvement et présenta l’opinion de l’inspiration verbale comme « 1res pro bable ». Il établit donc qu’il était « tout à fait conforme au langage de la Bible, A l’esprit de l’ancienne syna­ gogue, aux traditions des saints Pères, ct aux données de la psychologie, d’admettre que Dieu a inspiré dans l’Écriture les mots avec les pensées. · L'inspiration des divines Écritures, 1897, p. 172-204. « L’inspiration des mots suit l'inspiration des pensées, comme un corollaire réclamé par les lois de la psychologie. Cc qui serait extraordinaire, plutôt, c’est que les mots ne fussent pas inspirés avec les idées. Cc divorce demeu­ rerait philosophiquement inexplicable, » p. 180, note. Saint Thomas l’avait dit d’un mot : Modus significandi sequitur modum intclligendi. Sum. thcol., Is q. lv, a. 2, ad 2«». Cette fois, c’était une thèse complète, en règle ct en forme. Voir encore Chauvin, Leçons iTintro­ duction générale, Paris, 1898, p. 58-62; Encore rinspi­ ration biblique, dans la Science catholique, mars 1900, p. 163-171. Sans en faire une thèse spéciale de son traité, le P. Zanccchia fit découler l’inspiration verbale de la notion inspiratrice, exposée d’après la doctrine de saint Thomas, soit par mode de conclusion, soit en réponse A des objections. L’action de Dieu, l’agent principal, a dû s’étendre jusqu’aux expressions qui devaient être aptes A rendre la pensée divine; elle a laissé toutefois aux écrivains sacrés la liberté de choisir sous la prémotion divine, les mots convenables et exacts. Elle est une conséquence de la doctrine de saint Thomas sur la causalité divine ct sur la cause principale et la cause instrumentale. Divina inspiratio sacrarum Scripturarum (1906), p. 80, 167, 195, 196, 206, 209, 220. La théorie nouvelle rencontrait cependant des contradicteurs. Le P. Brucker ne trouvait pas suffi­ sante la formule de M. Levesque, que Dieu fait faire, ct il y substituait ccttc autre que Dieu laisse faire. Il en concluait que, dans l’Écriture, Dieu n’est pas cause de tout. Le style, les imperfections, les contradictions apparentes sont exclusivement de l’écrivain. Au P. Pègucs, le P. Brucker opposait ces conclusions que, dans son hypothèse, divins sont les solécismes des Épitres. divines les variantes des paroles de la consé­ cration. Ces conclurions ne rendent pas facile la tâche des exégètes. Enfin, l'inspiration des mots ne sort pas logiquement du principe de saint Thomas, qu’on invoquait. 11 trous ait cependant « très acceptable b l’explication que le P. Lagrange avait donnée du sentiment de saint Thomas. Questions scripturaires, 2205 INSPIRATION DE L’ECRITURE dans les Études, 5 janvier 189 I, p. 116-119. Cf. L'Église et la critique biblique, Paris, s. d. (1907), p. 44-45, Le P. Dutouquet exposa la nouvelle explication de l’inspiration verbale, ù laquelle il reconnut une vraie probabilité. Avec clic tombent toutes les objec­ tions justement soulevées contre l’intolérable dictée des mots: les expressions ne sont plus dictées ni révé­ lées par Dieu. L'argument tiré de la psychologie. établit une connexion naturelle entre les pensées ct les mots. Toutefois, la pensée cntralne-t-cllc nécessai­ rement tel mot qui l'exprime? S'il en était ainsi le choix du mot reviendrait encore ù fauteur inspiré. Mais ccttc liaison invariable n'existe pas, ct il y a diverses expressions adéquates de la meme pensée. La dis­ jonction entre l’idée et son expression apparaît mani­ feste. L’inspiration des idées peut donc suffire, ct les écrivains inspirés ont gardé le libre choix des mots qui rendaient exactement la pensée divine. Finale­ ment, la question est de savoir si la motion divine s'étend ù toutes les facultés de l'écrivain, ou seulement aux facultés supérieures. La psychologie de Γinspira­ tion, dans les Études, mars 1900, p. 164-171. Le futur cardinal Billot maintint le mot de dictée, mais en l'expliquant de manière à le distinguer de l’ancienne dictée ù l’oreille. Dieu a dicté par sugges­ tion, suggerendo dictavit, les Livres saints avec toutes leurs parties aux écrivains sacrés qui lui servaient d’instruments dans leur composition. La dictée ne doit pas s'entendre d'une dictée des mots, telle que serait la dictée d’un maître d'école à scs écoliers, ou même celle d’un pape ou d’un évêque Λ un secrétaire, car, dans ce dernier cas, seul le pape ou l’évêque est l'auteur de la lettre qu’il a dictée mot à mot et le secré­ taire n’est qu’un copiste. Mais, dans l’Écriture, si Dieu est fauteur principal,l’écrivain sacré est aussi l’auteur, secondaire il est vrai, mais auteur réel du livre. Or, pour sauvegarder celte collaboration, la dictée doit s’entendre, non d’une dictée matérielle, mais d’une dictée d’un ordre plus élevé, hoc est per interiorem motionem seu instinctum ad concipiendum mentaiiter sententias ct propositiones quas Deus ad nos per hagiographos dirigere voluit, casque sic conceptas scripto consignandum. Cette motion intérieure porte donc d’abord 1*hagiographe à concevoir mentalement tout ce qui doit entrer dans le livre dont Dieu lui a suggéré I*idée, puis sur la consignation par écrit de ces idées. Or, elle le porte ù écrire tout cc qu’il a conçu devoir entrer dans son livre. Mais ce livre présentera, pour les modalités de la conception ct du style, le caractère de l’homme inspiré, sa cause instrumentale, ct le P. Billot fait à la rédaction du livre inspiré l'appli­ cation de la doctrine de saint Thomas sur la double activité de la cause principale ct de la cause instru­ mentale. De ces thèses il tire enfin ce corollaire, que Dieu suggère ù l’hagiographe non pas les pensées seules in abstracto, mais tout le contexte in concrete et insé­ parablement les mots qui expriment les pensées. Aussi rejette-t-il, lui aussi, le « vivisection » qui, dans l'action de l’inspiration sépare les mots des idées. Il ne repousse pas même avec horreur la promotion physique, ct il admet que les Livres saints sont tout entiers dans leur composition, a Dco ut prermovenle hominem et ab homine ut moto a Dco. De inspiratione saine Scripturae, Home, 1903, passim. Les explications du P. Billot ont été pleinement adoptées par le P. Méchlncau, L'Idée du livre inspiré, Bruxelles, 1907, p. 118-120. Après avoir exposé la nouvelle opinion, présentée par les PP. Lagrange et Zanccchia ct dans The American ecclesiastical review, Janvier 1901, p. 3 sq., le Père Christian Pcsch déclara qu’elle était entièrement hors du sujet. Les partisans de l’inspiration non verbale admettent la motion de la volonté ct l’illumination de l'intelligence des écrivains sacrés, d'où partent les '2206 tenants do la nouvelle opinion, mois, au sujet de l'expression des pensées divines, ils sc contentent d’une direction ou de l'assistance de Dieu pour que les tonnes convenablement choisis rendent exactement les pensées, présentées par bleu ù f intelligence des écrivains inspirés. Les théologiens sont donc d'accord au sujet de l'action divine sur les auteurs sacres, ils ne différent, au sujet de la redaction des Livres saints, que par une question de mots. Mais la nouvelle manière de l'énoncer, qui n'est pas nécessaire, n'est pas heureuse; elle soulève des difficultés qu'elle ne résout pas. Scs partisans ne l'expliquent pas de la même manière cl ne sont pas d'accord entre eux. C’est une question qu'il est impossible de trancher défini­ tivement ct il n'y a pas Heu d'innover. Apparatus ad historiam cooroam doctrinæ inspirat.onis penes catho­ licos, trad, latine des Theologische Zeiljragen,uV série, Fribourg-cn-Brisgau. 1902, Home, 1903, p. 88-ΙΠ4. Comme le P. Pcsch avait discuté spécialement les arguments du P. Zanecchia, celui-ci riposta vigoureusement, résolut les difficultés proposées a son sentiment personnel, attaqua l’opinion de Franzelin, que Pcsch ct van Kastcrcn avaient défendue ct mon­ tra qu'entre les deux explications il y a plus qu’une question de mots ct qu’il y a une réelle divergence de fond : clics diffèrent non seulement dans les consé­ quences tirées des principes, mais dans les principes eux-mêmes, qui expliquent l’action de Dieu sur les écrivains sacrés. Scriptor sacer sub divina inspiratione, p. 83-109. Le P. Pcsch est revenu sur la question. Il a passé au crible d’une solide critique certains arguments de la nouvelle école, De inspiratione sacrer Scriptune, 1906, p. 476-482, sans aller cependant au fond du débat. 11 a exposé l'ancienne explication de l’inspiration non verbale, p. 482-485, pour conclure ainsi : Quoique psychologiquement 11 ne puisse se faire que le juge­ ment formé par un écrivain inspiré sur les choses qu’il doit écrire n'in flue pas sur l'élocution matérielle, aucun argument solide ne peut toutefois prouver que tous ct chacun des mots matériels de l’Écriture ont été déter­ minés par Dieu in individuo en vertu du charisme de l’inspiration; il y a plutôt des raisons qui persuadent qu il n’en a pas été ainsi. Pour lui, l’assistance néga­ tive suffit à empêcher l'écrivain sacré de mêler ses propres pensées ù celles de Dieu, p. 485-486. Le Père Brucker a distingué la révélation elle-même, ou mani­ festation d’une vérité nouvelle, de la dictée des mots proprement dite, ct il n'a pas admis que l’auteur ins­ piré · n’ait eu que la peine de mettre par écrit ce que le Saint-Esprit lui suggérait. > L’inspiration des pro­ phètes était précédée ct accompagnée de révélations proprement dites : « de même. Λ cause de leur impor­ tance particulière, certains enseignements ont pu être plus ou moins littéralement dictes par le Saint-Esprit.» Église et la critique biblique, Paris, s. d. (1907), p. 13-45. La notion de l'inspiration, telle que le P. Calmes l'a exposée, voir col. 2169, aboutit à étendre faction divine Λ l’exécution du livre, donc ù l’inspiration ver baie. Le P. Bainvcl. toujours modéré, a pris une posi­ tion mitoyenne. Pour exposer sa pensée, il suffira de transcrire l’énoncé nuancé de sa thèse ni· : 1) St nomine inspirationis verbalis intcltigitur aliqua quasi dictatio vcl suggestio ipsorum verborum a Deo (l'ancienne dictée ct non pas celle qu’expose le cardinal Billot), admitti inspiratio verbalis per totam Scripturam nequit, sicut neque revelatio aut suggestio conceptuum. 2) Sin intelilgitur motio specialis sacri scriptoris in elocutione, ita ut non minus verba quam conceptus dependeant ab injluxu illo speciali inspirationis, a) non putamus quidem vcl necessario nexu conjungi inspira- 2207 INSPIRATION DE L’ECRITURE tioncm „‘crbalem aim inspiratione conceptuum, vel salvam non esse nilo modo rationem libri inspirati si quis neget inspirationem verbalem (donc, l’inspiration non verbale peut sc soutenir au point dc vue théolo­ gique) ; b) eam (amen admittimus, ut probabiliorem et magis aihœrentcm psychologice explicationem, contra quam nihil of]cri possit quod valeat. De Scriptura sacra, Paris, 1910, p. 133-131. Cf. p. 131-140. Pour mon compte, je me suis borné ά exposer avec sympathie la nouvelle opinion et à lui reconnaître une certaine probabilité. Art. Inspiration, dans le Dictionnaire de la Bible dc M. Vigoureux, Paris, 1903, t. ni, col. 909-910. Le P. Durand a fait dc même, sans sc prononcer au point dc vue apologétique. Art. Inspiration de la Bible, dans le Dictionnaire apolo­ gétique de la foi catholique de d’Alès, Paris, 1913, t. n, col. 900-908. La nouvelle opinion a pénétré dans dc récents manuels dc théologie et d’Écriture sainte.Cf. A. Tanqucrcy, Synopsis théologie dogmaticæ funda­ mentalis, 15· édit., 1911, t. i, p. 675; J. Duchcr, Manuel biblique, 14· édit., Paris, 1917, t. i, p. 54-56. A mon sens, non seulement elle a reçu droit dc cité dans la théologie catholique, mais, dc plus, si elle ne s’impose pas, au point dc rendre improbable l’opinion qui laisse aux écrivains sacrés le libre choix des expres­ sions qui rendent bien, sous l’assistance du SaintEsprit, les pensées de Dieu, elle me paraît être un pro­ grès au point dc vue dc la psychologie dc l’inspiration. Mes conclusions sont donc à peu près identiques à celles du P. Bainvcl, ct je ne recours pas plus que lui à une suggestion des mots. IV. Effet principal, l’inerrance. — Dès lors que l’Écriturc sainte est la parole dc Dieu écrite sous l’inspiration du Saint-Esprit, les Pères de l’Église et tous les théologiens catholiques en ont conclu que, Dieu ne pouvant sc tromper ni nous tromper, sa parole écrite est Infailliblement vraie, qu’elle ne con tient aucune erreur ct qu’elle ne peut meme en con­ tenir aucune. Ccttc exemption d’erreur dc fait ct dc droit, qui est une conséquence ct un effet dc l’inspi­ ration biblique, a reçu le nom d’inerrance. Mais, si l’Écriture est divine dans son origine première, elle est aussi, sous un autre rapport, une œuvre humaine, puisqu’elle a été rédigée par des hommes qui, tout en écrivant sous la motion divine, ont donné à la pensée de Dieu qu’ils exprimaient leur cachet personnel, leur style propre, leur manière de présenter la vérité con­ formément au genre littéraire dc leurs écrits, aux cir­ constances de leur temps ct dc leur milieu. 11 en résulte que la vérité divine n’est pas absolument parfaite dans son expression, soit que les écrivains sacrés aient eu leur part personnelle dans la rédaction des Livres saints, soit que la motion divine ait laissé aux instru­ ments qu’elle mettait en œuvre leurs imperfections natives. La vérité infaillible dc l’Écriturc est donc mêlée à des Imperfections de cette nature, dont il faut tenir compte pour la bien comprendre ct la bien exposer. Or, cc double effet dc vérité infaillible du côté dc Dieu et d’imperfections d’exposition dc la part de l’homme a été, au cours des siècles, plus ou moins nettement envisagé. Dans le passé, l’aspect divin a été principalement envisagé, tandis qu’aux époques, plus rapprochées dc nous, de science rationnelle ct de critique, les imperfections humaines de l’Écriture ont apparu davantage ct ont été parfois taxées d’erreurs dc fait. 11 faudrait donc étudier l’inerrancc dc la Bible tant au point de vue de l’inerrancc dc droit que dc l’inerrancc dc fait. L’inerrancc de fait est plutôt l'objet direct dc l’apologétique ou dc l’exégèse; l’inerrancc de droit, est spécialement du ressort de la théologie. C’cst donc elle qui sera surtout considérée Ici. Toutefois, en la traitant, on ne négli­ gera pas, à l’occasion, de noter à l’aide de quels 2208 principes les Pères et les théologiens ont résolu les problèmes que soulèvent les erreurs apparentes des Livres saints. L’inerrancc biblique, en effet, n’est pas affirmée par l’Écriturc elle-même. Les paroles dc Notrc-Sd gneur ct des apôtres, qui attestent l'accomplissement des prophéties messianiques, Matth., v, 18; Joa., x, 35; Luc., xxiv, 44 ; Act., i, 16, ne visent qu’indireclcmcnt l’infaillibilité des écrits dc J’Ancien Testament. Mais cette inerrancc, sans avoir été encore directement cl explicitement définie par l’Église, a toujours été crue ct affirmée résolument par l’enseignement des écri­ vains ccclésiasiqucs ct des théologiens catholiques comme une conséquence rigoureuse du dogme de 1’inspiratlon. Suivant notre méthode précédente, nous en suivrons la manifestation telle qu’elle s’est pro duitc au cours des siècles. /. CHEZ LES PÈRES ET LES ÉCRIVAINS ECCLÉSIAS­ TIQUES. — Dès la fin du n· siècle, saint Irénéc dit â scs lecteurs, dc ne pas s’étonner s’ils ne comprennent pas absolument tout cc que renferme l’Écriture. Ils doivent céder Λ l’autorité du créateur, parce que les Écritures sont parfaites, ayant été dites par le Verbe dc Dieu ct son Esprit. Leur science est inférieure à celle du Verbe ct dc l’Esprit. S’il y a donc des choses créées, dont la connaissance est naturelle, ct des mystères qui sont enseignés par les Écritures, il faut croire à leur accord, parce que toute l’Écriture a été donnée par Dieu. Cont. hœr., 1. II, c. xxxvm, n. 2, 3, P. G., t. vu, col. 804-805. Saint Hippolyte dit : < Sachons que l’Écriturc ne peut nous tromper en aucune chose, a In Daniel., i, 28, Hippolytus Werke, édit. Bonwetsch, p. 41. « L’Écri­ ture ne ment pas du tout ct l’Esprit Saint n’a pas trompé ses serviteurs les prophètes, par qui il lui a plu d’annoncer aux hommes la volonté dc Dieu, pour qu’en voyant leur accomplissement nous ne soyons pas trompés. » Ibid., m, 8, p. 136. Clément d’Alexandrie déduit la vérité ct la certi­ tude dc l’Écriture de son inspiration. Il dit, en effet, que les hommes inspirés par Dieu ne donnent pas dc fausses raisons ct ne tendent pas dc pièges pareils à ceux que la plupart des sophistes tendent aux jeunes gens. Slrom., Il, c. n, P. G., t. vin, col. 937. Celui qui croit fermement aux divines Écritures; reçoit une démonstration, à laquelle personne ne peut contredire, celle dc Dieu même qui a donné les Ecritures. Ibid., col. 941. Cf. c. TV, xi, col. 91 1,98 I. Origène fait remarquer que les évangélistes ne mentent pas et ne sc sont pas trompés, quand Ils ont raconté diversement les mêmes faits, fn Joa., Lvr,n. 18, P. G., t. xiv, col. 25 7. Dans les exemplaires des Évan­ giles il y a des erreurs dc noms, comme dans les manus­ crits des Grecs ct des livres de ΓAncien Testament; mais 11 n’y a pas de mensonges. Ibid., n. 24, col. 269, 272. Origène recourt au sens spirituel ct anagogique pour expliquer les divergences apparentes des récits évangéliques, car si ces divergences n’étaient pas expliquées, il faudrait cesser dc croire aux Évangiles comme s’ils n’étaient pas vrais ni écrits par l’Espritdc Dieu. Ibid., torn, x, n. 2, col. 309, 312. Cf. n. 15, col. 345. SI vraiment nous croyons que les Évangiles ont été écrits par le Saint-Esprit, nous devons croire que ces écrivains ne se sont pas trompés dans leurs récits. In Matth., tom. xvi, n. 12, t. xm, col. 1409. En Matth., xxvn, 9, cependant Origène reconnaît une errorem scripturir, col. 1769. L’entend-il d’une erreur dc l’hagiographe, ou d’une erreur dc copistes? Le doute est d’autant plus fondé que nous ne possé­ dons de son ouvrage que la traduction latine dc Butin, qui < u souvent fautive. L’attribution d’une erreur ά l’hagiographe ne cadre pas avec la pensée d’Origènc, expressément énoncée dans le même coin- 220‘) INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2210 t. lxxv, col. 1189, mais leur fausse interprétation men taire. Enfin, la traduction elle-même peut s'entendre d’une » erreur «l’écriture », c'est-ù-dire ne nuit pas à la vérité dc l’Écriturc. In Joa., procrm., t. Lxxiii, col. 13. Les évangélistes ayant été inspirés d'une faute de copiste. Il n'y n rien de faux dans l’Écriture, parce que le Saint-Esprit n’est pas men- ' par le Saint-Esprit, personne n'osera prétendre qu’ils tcur. Jn Joa., coin, xx, n. 23, t. xiv, col. 611; com. sont en désaccord, car si l’on veut appliquer soigneu xxvm, η. I l, col. 720. Celui donc qui lit l’Écriturc ct sèment son intelllgenc3 à la force dc leurs paroles, on l'entend autrement qu’elle n'est écrite, sc trompe. constatera qu’elles sont d'accord. In Joa., 1. XIL Celui qui l'écoule ct qui (’interprète comme II faut col. 685. l'entendre vraiment, celui-là voit la vérité. In Ezech., Saint Jean Chrysostome a constaté que tout ce que les homil. n, n. 5, t. xm, col. 986. Cf. homil. vî, n. 11, prophètes ont prédit au sujet des Juifs ct du Christ col. 719; homil. vn, η. 1. 2, col. 720. Que personne ne s'est réalisé oomme il* l’avaient annoncé. Les événe pense que les Écritures sont erronées ou contiennent ment s ont donc prouvé l’origine divine de l’Écriturc. quelque chose dc mauvais ct que nul ne craigne d’y Or, si l’Écriturc est divine, tout cc qu’elle dit de Dieu trouver des erreurs, elles ont en elles-mêmes les paroles est vrai. In ps. /r, 11, P. G., t. tv, col. 57. Les deux ct les raisons de la vérité. Jn Luc., homil. xrx, t. xm, Testaments sont d’accord sur la doctrine, et les apôtres ont Je même enseignement que les prophètes. col. 1850. En preuve de la doctrine chrétienne, saint Cyprien In dictum Pauli: Note vos ignorare, homil., n. 2, 3, citait avec confiance ΓAncien ct le Nouveau Testa­ t. u, col. 214, 217. Cela provient nécessairement de ment, parce que celui qui craint le Seigneur sait que cc que Je même Esprit a mû la langue dc David ct a les choses prédites par les paroles de Dieu sont créées agi dans l'âme de Paul. De verbis apostoli : Habentes et que l’Écriture ne peut mentir, De opere ct eleemosy­ eumdem Spiritum, homil., n. 2, coL 291; In ps. exr, nis, 8, P. L,, t. iv, col. 608, ct parce que la Vérité est n. 2, t. lv, coi. 321. L'Écriture ne ment pas, Ad popu­ proférée par un prophète sous l'inspiration de l’Es- lum Antiochenum, homil. π, η. 7, L xux, col. 4 1, ct clic ne peut pas sc contredire puisqu'elle a prit de Dieu. Ad Dcmctrianum, 11, col. 552. Saint Dcnys d’Alexandrie enseignait que personne été écrite par un seul ct même Esprit. Aussi le saint ne peut contredire les paroles de l’Écriturc. In Eccle- docteur expliquc-t-H les passages qu’on lui opposait siasten, dans Titra, Spicilegium Sotesmense, 1.1, p. 18. I ct dans lesquels David affirmait l’existence de plu­ Pour le martyr saint Pamphile, la vérité se trouve sieurs deux, tandis que Moïse ne parlait que d’un dans l’Écriturc inspirée, Apologia, c. u, P. G., t. xvu, seul ciel In Gen., homil. iv.n. 3.4, L un, col. 42-43. Les col. 552, ct celui qui la contredit est hérétique, récits divergents des évangélistes sont différents, col. 553-55 1, 555. mais ne sc contredisent pas le moins du monde. In Selon Eusèbc de Césaréc. les prophètes avaient la ps. XLJV,p. 8, t. lv, col. 194. Cet accord des récits connaissance vraie ct exacte, non seulement des choses ' divergents démontre fortement la vérité des Évangiles. La diversité en dc petites choses ct dans les circons­ présentes, mais aussi des futures, car ces hommes inspirés ne parlaient pas à la manière des hommes, tances des faits ne nuit pas à la vérité des récits. Les mais sous l’inspiration du Saint-Esprit ils enseignaient évangélistes n'ont pas tous raconté les mêmes miracles, sans ambiguïté ce qu’il faut croire, sans dire jamais chacun en a rapporté de particuliers; toutefois tout aucune chose qui fût contraire à la vertu ct à la cc qu'ils ont écrit n’est pas nouveau ni différent, vérité. Dcmonst. evangel., 1. V, proœm., P. G., t. xxn, plusieurs ont rapporté beaucoup de choses communes. Ils différent sans se contredire, parce que la vertu col. 318. Parce qu’elle est inspirée, l’Écriturc est très vraie, Eclogœ prophetarum, 1. 1, c. vm, col. 1048, ct clic divine opérait tout en eux tous. In Matth.. homil. il, ne peut contenir aucune erreur. C’cst un crime auda­ n. 2, 4. t. i-vii, col. 16, 18; De Lazaro, conc. 1, n. 6, cieux et téméraire dc prétendre que l’Écriturc s’est I t. xi.vin, col. 970. Leur accord résulte dc cc que le trompée. Jn ps. ΧΧΧΠΙ, t. xxm,col. 289. Cf. de Mont- même Esprit les mouvait tous. In Joa., homiL iv, η. 1, t. ijx, col. 4; in guatriduanum I.azarum, t. î.. faucon, Prieliminaria, c. v, 1, col. 25-26. Pour Didymc l’Avcugle, toutes les Lettres divines col. 641; In paralyticum, t. i.i, col. 51. Aussi saint sont des sources salutaires, In ps. XLI, 2, P. G., t. xxx, Ghrysostomc a soin de montrer que les contradictions col. 1357, et parce qu'elles viennent de l’Esprit de des Évangiles ne sont qu'apparentes. In Matth., vérité, elles ne peuvent aucunement mentir. De Tri· homil. xxvm, n. 1, 2, t. lviî, col. 349-352; In Joa., homil. xxm. n. 2, t. Lix, coL 139; homil. xui, n. 1, nitate, 1. 111, c. n, col. 785. Saint Cyrille «l'Alexandrie, tient les hommes Inspirés col. 218; De cruce ct latrone, homil. n, n. 2, t. xux, par l’Esprit comme dignes dc foi et il enseigne qu'il col. 411; In paralyticum, n. 4, t. ij, col. 51, etc. Les faut ajouter foi aux paroles des saints. Aussi serait-ce quatre Évangiles ne forment donc qu’un Évangile, une extrême folie d'y contredire, ct d’accuser dc men­ car ils disent les mêmes clioses; Ils ne diffèrent pas songe, les discours du Saint-Esprit, car les hommes I διά τήν των προσώπων διαφοράν, mais ils sont un διά Inspirés par cet Esprit ont prouvé par la probité de την των είρημένων συμφωνίαν. In Epist. ad Gal.,c.i. leur vie ct leurs miracles qu’ils étaient saints, dignes ; n. 6, t. l-χι, col. 622. Polychronlus, frère dc Théodore dc Mopsucstc. de foi et des fils de la vérité. Cont. Julianum, L VIII, I regardait l'exemption dc toute erreur comme une con /*, G,, t. j xxv!, col. 913, 936. Ceux qui parlent au nom (le Dieu ne peuvent pas ne pas très bien parler séquence nécessaire dc l’inspirai ion de l’Écriture, car il expliquait et conciliait les passages du livre de et ne pas dire la vérité, puisqu'ils ont en eux la vérité. In Mieh., t. i.xxi, col. 088. Leur parole est toujours i Daniel, qui paraissaient se contredire. Cf. O. Bardenhewer, Polychronlus, Ilruder Theodors von Mopamie de la vérité, parce que l'Esprit de vérité, celui du Christ, parle toujours en eux. In Is., 1. V. t. lxx, sues!ta und Bischof von Apamea, I’ribourg-cn-Brisgau, col. 1313. Comparant les livres hébreux, écrits en lan­ 1879, p. 15, 3G, 37; P. Dausch, Die Schrl/tinspira· gage vulgaire, aux ouvrages des Grecs, au style orné tion, p. G7. Selon Théodoret, tous les prophètes ont reçu le ct choisi, mais destitués de vérité, saint Cyrille dit que les Écritures, quoique moms soignées, ont l'éclat même Esprit ; aussi ne se sont-ils pas contredits, car l’Esprit-Suint est un esprit de vérité. In E:ech., xxvi, dc la vérité, ct que les chrétiens, tout en admirant les G . t. i \ wi. col. 1073 charmes littéraires dc la littérature grecque, lui pré­ 21. Saint Basile disait que, si le Seigneur est fidèle fèrent les Écritures, qui enseignent la vertu. Ibid., I. VII, col. 8G0. Les hérétiques détournent ù leurs dans toutes scs paroles, tous ses commandements, erreurs la pensée véritable de l’Écriturc, Dc Trinitate, I faits dans la vérité et l’équité, sont aussi fidèles, et VU. 70 PICT DE THÉOL. CATHOU 2211 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE fl en condxuiit que c’est une détection manifeste de la fol et un crime d’orgueil de réprouver quelque chose du contenu de l’Écriture, ou d’y introduire quelque chose qui n’y est pas écrit. De fide, n. 1, P. G., I. xxxi, col. 679· Saint Grégoire de Nysse prouve la vérité de tous les oracles de l’Écriture par l’accomplissement de quel­ ques-uns d’entre eux, qui sc sont réalisés comme ils avaient été prédits. Si tous sont vrais, l’annonce de la résurrection des morts doit être tenue pour con­ forme à la vérité. De hominis opifico, c. xxv, P, G., t. xuv, col. 213 sq. On ne peut opposer à la vérité de l’Écriture qu’elle ail parié des fables qu’admettent les gentils. Si Job a nommé sa troisième fille Cornu Amalthea·, xui, 13, il n'a pas cru cc qu’on raconte d’Anialthéc, mais cc nom témoigne que la troisième fille de Job était très désireuse de tous les biens de la vertu, In Cant,, homil. ix, t. xuv, col. 973,976. Saint Epiphane a constaté que les évangélistes avaient raconté certains faits dans des récits con­ cordants, montrant ainsi qu’ils puisaient à la même source, mais l’un d’eux a raconté cc que les autres avaient omis, parce que le Saint-Esprit le lui avait accordé en particulier. C’est le cas pour saint Jean, et tout cc qu’il a dit sous la direction du Saint-Esprit est pleinement vrai et digne de foi. C’est d’après cc principe que saint Épiphanc explique toutes les divergences des Évangiles, pour que personne ne soup­ çonne qu’une erreur puisse s’y trouver. Hier,, u, n. 5-31, P, G., t. xu, col. 897-911. D’ailleurs, selon lui, il faut croire absolument que nulle part les paroles de l’Écriture ne sont contraires les unes aux autres, quoiqu’elles paraissent sc contredire pour ceux dont la foi n’est pas saine ou dont l’intelligence est trop faible. Hær., lxxhi, n. 31, t. xui, col. 46. L’Écriture, en cflct, qui ne s’écarte jamais de la vérité, ne sc combat pas le moins du monde, mais en elle tout est dans un parfait accord. Hier., lxjx, n. 73, col. 321. Les saintes Lettres nous montrent donc très certaine­ ment la vole de la vérité. Hier., lvih, n. 10, t. xu, col. 1009, car tout cc que l’apôtre et toutes les saintes Écritures disent est vrai. Expositio fidei, η. 18, t. xui, col. 820. Cf. col. 885; Ancoratus, n. 63, t. xliii, col. 129. La raison, c’est que la vérité elle-même rend témoi­ gnage par les Écritures, Hier., lvh, n. 111, t. xu, col. 1000, et que le Seigneur ne peut mentir. Hier., lxix, n. H. t. xin.col.272 Saint Hilaire de Poitiers exalte l’importance des I paroles de Dieu. Elles ne sont pas vaincs ni terrestres ni légères. Tout cc qu’elles contiennent est vrai et pariait et purgé de toute contagion des vices. Elles sont toutes vraies et elles ne sont ni oiseuses ni inu­ tiles. Inps.cxvtlt, lit.xvm, n. 5, P L.,t. ix, col. 622. C’est un sacrilège des infidèles de penser que les paroles de l’Écriture manquent de doctrine parfaite, mais le saint docteur estime qu’il n’y a aucune des paroles célestes qui ne soit parfaite. Ibid., lit. vi, η. 1, col. 513. Pour saint Ambroise, de cc que la divine Écriture a été inspirée par l’Esprit de vérité, qui ne ment pas, De Spiritu Sancto, 1. Ill, c. xix, n. 11, P. L., t. xvi, coL 811, il résulte qu’elle n’erre pas meme dans les plus petites choses et qu’elle ne peut sc contredire. De Noe et area, c. xxxi, n, 119, t. xiv, col. 113. On ne peut pas croire que les saints hommes de Dieu aient pu dire des choses qui sc contredisent; aussi le saint docteur met-il tous scs soins à le démontrer. In Luram, 1. Ill,n. 1, L xv,col. 1589:1. X,n.22,col. 1809, 1810. Celui donc qui suit les Écritures ne peut se | tromper. Ibid., 1. Il, n. 12, col. 1556. Aussi, au concile d’Aquilèc, l’évêque Ambroise dit : Anathema UH qui divinis Scripturis addit aliquid, aut minuit. Gesta, n. 36, L xvi, coL 927. On n’y trouve rien qu’on puisse 2212 reprendre, quoiqu’on ne le comprenne pas. De para diso, c. n, n. 7, t. xiv, col. 277. il n’y faut rien passer, il n’y a rien d’inutile. De Xoe et area, c. xv, n, 25 ; c. xvi, n. 57, col. 385, 387. 11 faut recueillir la vérité de Dieu dans les oracles des prophètes, qui sont comme des nuées qui cachent les mystères de lacon naissance divine. In ps. xxxv, n. 18, col. 961.Saint Ambroise juge donc de la substance et de la qualité du ciel et de la terre d’après les Écritures. 11 rejette donc l’opinion des philosophes qui font des cicux et des astres une substance incorruptible (il vise ainsi Aristote), puisque l’Écriture dit que les deux périront. Itexameron, 1. J, c. vi, n. 21, 22, 24, col. 385, 387. L’Écriture lui apprend qu’il y a plusieurs deux. Ibid., 1. Il, c. iv, n. 15, col. 152. Quoique Moïse fut instruit dans la sagesse des Égyptiens, parce qu’il avait reçu le Saint-Esprit, il n’a pas tenu compte de la vainc doctrine des philosophes, mais il nous a accommodé ce qu’il a vu en esprit. 11 faut donc adhérer à scs paroles et ne pas mépriser comme vil ce qui nous a été dit par le Saint-Esprit. Ibid., 1. VI, c. n, n. 8; c. m, n. 9, col. 215. Saint Jerome a posé nettement le principe de l’infail­ libilité des écrivains sacrés. Un prophète, dit-il, dès là qu’il est prophète, qu’il est envoyé par la divinité et qu’il parle au nom de Dieu, annonce la vérité. In Alich., 1. I, P. L.. t. xxv, col. 1171. Les paroles de Nahum sont donc sacrées, et il n’est pas permis de prétendre que l’Écriture ment. In Xahum, 1. I, col. 1238. Celui qui veut croire à la parole de Dieu doit d’abord tenir pour vrai ce que les saints ont écrit. In Epist. ad Philem, t. xxvj, col. 609. Pour le saint docteur, tout donc est vrai dans la sainte Écriture; aussi s’attache-t-il à montrer qu’il n’y a aucune con­ tradiction entre les deux Testaments ni entre aucune de leurs parties. Son souci continuel est d’écarter même l’apparence d’une erreur dans la Bible, telle qu’elle est sortie des mains des écrivains sacrés. Cf. L. Schade, Die Inspirationslehre des heiligcn Hiero­ nymus, p. 48-65. N. Peters, dans la Theologizehe Ilcvue, Munster-cnWcstphalic, 1910, col. 332-333, a prétendu que saint Jérôme avait reconnu des erreurs dans l’Ecriture, mais les passages cités n’ont pas la signification qui leur a été donnée. Dans le premier, en cflct, le saint docteur a seulement reproduit le sentiment d'autrui. Ayant fait observer que saint Matthieu, n, 6, avait cité Michéc, v, 2, comme les scribes le citaient, afin de montrer leur négligence dans les citations de l’Écriture, il rapporte que des personnes affirment que presque toutes les citations de l’Ancien Testament, faites dans les Évangiles, sont erronées. In Mich., I. 11, t. xxv. col. 1197. Dans le deuxième passage, il ne parle que d’une erreur de copiste, scriptoris errorem, genre d’erreur qui peut être Invoqué dans certains autres cas, comme dans les chiffres des années des rois de Juda et d’Israël et dans quelques passages obscurs de l’Écriture. Epist., lxxii, n. 5, t. xxn, col. 676. Le troisième passage est emprunté à la célèbre lettre lvh· à Pammachius, De optimo genere interpretandi, dans laquelle saint Jérôme répond aux adversaires qui lui reprochaient d’avoir mal traduit la lettre de saint Épiphanc à Jean de Jérusalem. Cf. J. Brochet, Saint Jérôme et ses ennemis, Paris, 1906, p. 121-126. Si sa version n’est pas littérale, elle rend néanmoins le sens de l'original. Les Septante, les évan­ gélistes et les apôtres ont traduit de même l’Anclen Testament. C’est à cc sujet qu’il cite, n. 7, Matlh. xxvii, 9, où une erreur de sens serait jointe à une erreur de mémoire · L’cvangi liste rapporte, sous le nom de Jén mie, un passage de Zacharie, dont le texte diffère de ceux de la Bible hébraïque et de la version des Septante. Le fait constaté, saint Jérôme répond 2213 INSPIRATION DE 1/ECRITURE 2214 énergiquement : Accusent apostolum fabulatis quod t. xxxiv, col. 1174-1176. L'Écriture, d'ailleurs, ne née cum hcbræo ruo cum Septuaginta congruat trans- | loue pas les mauvaises actions qu’elle rapporte ; latoribus, et guod bis malus est, erret in nomine, pro elle se borne à les raconter avec véracité. Cont. Paus­ Zacharla quippe J/icrcmian posuit. Sed absit hoc de iam, 1. ΧΧΠ, c. Lx-Lxvn, t. xtn, col. 437-443; QusesL pedissequo Christi dicere, cui curte /mi non verba et m Heptateuchum, 1. VII, q. xux, t. xxxiv, col. 813, syllabas aucupari, sed sententias dogmatum ponere. 815. Voir A. \V. Dicckoff, Die Inspiration und Irr Corpus de Vienne, 1910, t. i.iv, p. 512. L'évangéliste thurnstostgkcit der heiligen Schri/t, Leipzig, 1891. n’a donc pas commis d'erreur de fond, puisqu'il a p. 11-31. rendu Je sen.·» de la parole de Zacharie. J.a citation de Le pape saint Léon Ier déclare que, même si le sens Zacharie est, pour le sens dans Malachic. In Matlh., caché de l’Écriture n’est pis encore connu claire­ t. xxvi, col. 205. Dans sa lettre à Pammachius, après ment, les catholiques doivent néanmoins croire très avoir rapporté d'autres exemples, dans lesquels les fermement qu'il n’y a aucun mensonge dans les Livres évangélistes ont cité l’Ancien Testament quant au divins. Serm., i.xvi, c, i, P. L., t. uv, coL 364. sens, sinon quant ù la lettre, il conclut : Hoc replico Pour saint Fulgencc de Buspe, l'autorité de ΓÉcri­ non ut evangelistas arguam /visitatis, hoc quippe ture est véridique. Epist., vin, c. in, n. 4, P. L., t. lxv, impiorum est Celsi, Porphyrii, Juliani, sed ul reprehen col. 362, 363. Les deux Écritures, en effet, sont vraies, sores meos arguam imperitia· et impetrem ab eis veniam, saintes, Inspirées par Dieu; c'est pourquoi 11 faut les ul concedant mihi in simplici epistola quod in Scrip­ conserver avec vénération, les écouter et les recevoir turis sanctis, velint nolint, apostolis concesssuri sunt, sans le moindre doute. Ni Paul ni les évangélistes n. 9, Corpus, p. 517. Au début du η. 10, il signale n'ont aucunement menti De veritate praedestinationis, encore les différences que le discours de saint Étienne, 1. Ill, c. xi, 18; χπ, 19; xiv, 23; col. 661, 663. Parce rapporté par saint Luc, Act., vu, présente avec la qu'elles nous ont été données par Dieu pour notre Genèse, mais il ajoute : Diflero solutionem et istius instruction et qu’elles sont divines, les Écritures sont quæstiunculœ, ul obtrectatores mei quœrant et intelli­ vraies. De fide, c. n, n. 8, col. 676. gent non verba in Scripturis consideranda sed sensus. Cassiodorc déclare que celui qui croit que la vérité Ibid., ρ 521-522. Cette quaestiuncula a été résolue dans est dite dans tous les passages des Écritures divines, le Liber hebraicarum quæstionum in Genesim, P. L. celui-là les comprend bien, et il en conclut que le t. xxîiî, col. 1001-1002, par l'emploi que saint Luc a psaume αν et la Genèse ont dit vrai au sujet de l'in­ fait de la version des Septante. Voir dom Sanders, carcération de Joseph, parce que l’Esprit Saint ayant dans la Revue biblique, 1905, p. 284-287. SI donc omis quelques détails dans la première relation, la Jérome avait reconnu dans les Écritures des «inexac relation subséquente répare l’omission, quand, tout titudes matérielles », comme on le prétend, alors qu’il en gardant la vérité, elle ajoute quelque chose de déclare seulement que les évangélistes ont cité l'Ancien nouveau. In ps. CIV. 13. P. £., t. lxx, col. 746. Pour Testament quant au sens seulement, il reconnaîtrait faire ressortir la force du texte sacre, il admire l’ordre qu'il aurait pu lui-même commettre de pareilles des mots : Pricierila sine /aisitate describunt,pnrsentia • inexactitudes » dans sa traduction de la lettre de plus quam quod videntur, ostendunt. Γ bique in eis saint Épiphanc. Cc serait, de sa part, une singulière veritas regnat ubique divina virtus, irradiat. De insti­ apologie. 11 tenait toute inexactitude, même matérielle, tutione divinarum litterarum, c. xvi, col. 1131. II n*y comme incompatible avec l'inerrance biblique. n rien d'inutile ni d'oiseux dans les saintes Lettres. Ibid., c. xxiv, col. 1139. Les copistes de manuscrits Aussi, dans l'encyclique Spiritus Paraclilus, Bc noît XV a déclaré : « Saint Jérôme enseigne que Tins ne doivent donc pas violer le moins du monde les piration divine des Livres saints et leur souveraine Écritures. Si toutefois ils rencontrent dts mots autorité comportent, comme conséquence nécessaire, absurdes ils doivent les corriger intrépidement. Et il la préservation et l'absence de toute erreur et trom­ en donne celte raison : Audiat Spiritus Sanctus sin­ cerissima qiue donavit; recipiat ille beata quir contulit. perie », et il a cité un certain nombre de témoignages Ibid., c. xv, col. 1129. Par suite, un passage de l’Écri du saint docteur, qui mettait tous scs soins à résoudre les difficultés, sauf à s’y reprendre à plusieurs fois. turc est un indice de vérité. In ps. cv, 35, col. 763. Dans les Livres Carolins, il est dit que les récits des Acta apostolicœ sedis, 1920, t. xu, p. 391-393. Il con­ clut que saint Augustin partageait sur ce point, le Écritures ont été publiés sous la direction du Saint-Es prit, et on en conclut que la divine Écriture est vérace, sentiment de son correspondant de Bethléem : l'un et chaste, très pure, 1. 11, c. x.xx, P. L., t. xcvni, col. 1105, l’autre n’admettent aucune erreur dans les écrits des 1106. En eux, Il n’y n rien de vicieux, d’inconvenant, prophètes et des apôtres. Epist. cxvi, n. 3, t. xxn, d’impur, de faux, 1. III. c. xxni, col. 116L L’Écriture col. 937. rejette toutes les erreurs, I. I. c. ix, col. 1028. Sur le « biblicisme strict » de saint Augustin, voir Le Vénérable Bède affirme que saint Luc écrivant t. i, col. 2342. On y trouvera la substance du témoi­ gnage d'inerrance, donné dans sa lettre à saint sous l’inspiration du Saint-Esprit, n'a pu écrire rien Jérôme et rappelé par Benoit XV. Au sujet de lu de faux. Super Acta apostolorum, ad Accam epist., P. L., t. χαι, col. 938. Saint Jean, instruit par une substitution du nom de Jerémie Λ celui de Zacharie dans Mal th., χχνπ, 9, saint Augustin va jusqu’à révélation céleste et enivré de la grâce du Suint-Esprit a chassé toutes les ténèbres des lure tiques, la lumière dire : Quid ergo intetligendum est nisi, hoc actum esse secretiore consitio providentiel· Dei, qua mentes de la vérité lui ayant été manifestée subitement. In euangelistarum sunt gubernata*? Potuit enim peri ut S. Joa. Ev. expositio, 1.1, col. 637 ; Homil., 1. L homil. vin, t. xav, col. 19. Les autres évangélistes n’ont rien animo Malthet Evangelium conscribentis pro Zacharia J eremias occurreret, ul peri solet, quod tamen, sine rapporté de contraire saint Jean, mais ils ont omis ulla dubitatione emendaret, saltem ab aliis admoni­ le premier séjour du Christ en Galilée après son bap­ tus, qui adhuc in carne viventes hoc legere potuerunt, tême. InMatth., 1. L c.iv, t. xen,col. 21. Cf. In Marc., nisi cogitaret recordationi suie. qiue Sancto Spiritu 1. I, c. i, col. I 10. Soient enim evangelistic singuli sic regebatur, non frustra occurrisse aliud pro alio nomen onultcre quadam, quir vH ab aliis commemorata viderint propheta·, nisi quia ita Dominus hac scribi constituit. vel ab aliis commemoranda in spiritu pra*vider ini, ut Et cette raison était de montrer l’admirable accord continuata siuv narrationis serie quasi nulla pnrterdes prophètes entre eux, au point que ce que l’un mtssisse videantur. In Lue., 1. 1, c. n, coi. 348. Aucun avait dit pouvait être attribué à un autre. De con­ d’eux n'a pu écrire rien de faux. Ibid., 1. II, c. vi, sensu euangelistarum, 1. Ill, c. vu, n. 29, 30, P. L., | col. 393. En citant des prophètes au début de son 2215 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE Évangile, saint Marc montrait la vérité de ce qu’il écrivait, puisque cela avait été prédit par les prophètes remplis du Saint-Esprit. Toutefois, il ne nomme qu*Isaïe, quoique le second oracle qu’il cite soit de Mnlachie. A’ec (amen falli aut fallere putandus est ata/igelista, qui hoc scriptum dicat quod Isaias non scripserit, sed potius intclligendum quod, etsi non Aac verba qiuc de Malachia fxjsmt inveniuntur in Jsaia, sensus tamen eorum invenitur in Jsaia. Bède répété ensuite textuellement l’explication que saint Augustin a supposée possible. Jn Mare., 1. I. c. i, col. 131-136. Cf. Jn Matth., 1. IV, c. xxvu, col. 120-121. Haban Maur, pour résoudre la question si les men­ songes des sages-femmes Égyptiennes sont approuvées par l’autorité divine, parce que l’Écriture dit que Dieu les a récompensées, répond que leur œuvre de misé­ ricorde, ct non leur mensonge a été digne de récom­ pense. Jn Exod., 1. I, c. n, P. L., t. cviii, col. 13-11. Les imprécations des saints contre les méchants, qu’on lit dans l’Écriturc, ne sont pas des malédic­ tions, puisqu’elles n’ont pas été prononcées par malice, mais par esprit prophétique. Le Saint-Esprit faisait prédire ce qu’il prévoyait devoir arriver par un juste jugement. Jn l. Judith, c. ix, t. αχ, col. 564. Walafrid Strabon déclare que l’autorité des livres Inspirés est telle que tout cc qu’ils contiennent doit être fermement tenu pour vrai, et que tout ce qu’on en conclut manifestement doit jouir de la même vérité, parce qu’ils ont été faits par révélation divine, en laquelle il n’y a rien de faux. Glossa ordinaria, prolcg., P, L., t. cxm, col. 19-21. Pour Haymon, évêque d’Halberstadt, la verge du calame, Apoc., xi, 1, signifie la rectitude dc l’Écriture inspirée, dans laquelle il n’y a aucun mensonge, aucune erreur, comme il y en a dans les livres des philospohcs, des Juifs ct des hérétiques, dont la doctrine est pleine de mensonges. L’Écriture est droite en tout et elle est donc justement comparée à une verge. In Apoc ,1. Ill, c. xi, J*. L., t. cxvn, col. 1067-1068. L’Ancien ct Je Ntuveau Testament, sont donc admirablement d’accord. JJomil. de. tempore, homil. xvi, t. cxviii, col. 119. Bien que l’Écriturc soit la parole de l’Esprit Saint, elle parle cependant ά la manière humaine. Jn Epist. ad Hcb., c. x, t. cxvii, col. 899; JJomil. de tem­ pore, homil., cxîi, cxm, t. Cxvin, col. 605-606. Des calomniateurs prétendaient que presque toutes les citations de l’Ancien Testament qui sont faites dans les Évangiles sont erronées : l’ordre des mots y est changé, ou bien le sens, au point que parfois il parait différent. Les apôtres ou les évangélistes, disent-ils, ne les ont pas tirées des livres eux-mêmes, mais se liant à leur mémoire qui sc trompe parfois, ils les ont faites quelquefois ù faux. Paschase Badbert répond à celte calomnie : Les apôtres et les évangé­ listes n’ont pas agi d’eux-mêmes, ils ont agi par la grâce du Saint-Esprit, auteur des anciennes Ecritures cl ainsi ils n’ont pas cité le contraire dc ces Écritures mais cc qui leur paraissait opportun d’insérer des paroles divines. Jn Matth., 1. II, P. t. exx, col. 126. Beaucoup aussi ont accusé les évangélistes d’erreur, parce qu’ils ne citaient l’Ancien Testament ni d’après le texte hébreu ni d’après la version des Septante ct, cc qui est pire, qu’ils sc trompaient dc nom, en nom mant Jérémie pour Zacharie. Paschase Badbert repousse l’accusation avec énergie. Sed absit fidelibus, de Christi euangelista aliud tcslimare dixisse quam quod in Spiritu J)ei legebat et dicebat Eeclestæ Christi filiis! Avec saint Jérôme, il dit que l’évangéliste avait soin dc citer le sens plutôt que les mots. Aussi explique-t-il Matth., xxvu, 9, dc manière à garder fermement son texte, sans vouloir le corriger, ct il emprunte sa réponse à saint Augustin. Jn Matth., 1. XII, col. 932934. Il admet aussi l’accord parfait des évangélistes. 2216 Aucun d’eux n’a rien imaginé de faux sur le Christ, comme beaucoup dc Juifs le prétendent calomnieuse­ ment, ni n’a rien dit qui ne soit vrai, comme certains païens l’ont affirmé mensongèrement, ni n’a contredit pour le sens un autre, bien que ses paroles soient dlffc rentes; Badbert réfute ainsi le sentiment de très nom breux ennemis dc la vérité, puisqu’un seul Esprit a inspiré tous les évangélistes, ils ont eu uno science unique ct parfaite et la meme foi touchant le Christ. Pour une démonstration plus ample, Badbert renvoie scs lecteurs nu J)c consensu euangelistarum de saint Augustin, ita ut ex co quod variant, divinior sensus inteiligatiir inesse illis et affluentia Spiritus Sancti uberior. Jbid., 1. X, prol. coi. 735-738. Les Écritures d’ailleurs, ne peuvent être convaincues dc faus­ seté, ct leurs seules paroles suffisent à fournir une preuve. Ibid., 1, II, col. 100. Leurs auteurs parlent ordinairement d’eux-mêmes comme s’ils parlaient d’un autre. C’est l’Esprit Saint qui parle d’eux ct qui dit la vérité sans la décolorer, quand eux-mêmes sc cachent par humilité. Jbid,, 1. V, col. 3G9. //. CHEZ LES THEOLOGIENS. - Au XIIe Siècle, le Juif converti, Pierre Alphonse, déclare que l’Écriturc ne ment pas ct en conséquence, que de deux pro phètes, qui paraissent se contredire, aucun n’a menti. Dialog., tit. vm, P. L., t. ci.vn, col. 618-619. Saint Anselme tient certainement pour vrai, et non pour faux ce que le Saint-Esprit a dit par la bouche de son ami, le psahniste. Epist., vm, P. L., t. clvui col. 1072. Il pense que les Septante ne se sont pas trompés en insérant Caïnan dans la liste des patriarches postdiluviens : ils ont dit ce qu’ils savaient être vrai ct ils ont suppléé à cc que Moïse avait omis. 11 ne faudrait pas conclure qu*Anselme admettait l’inspi­ ration des Septante; ce qu’il dit est pour sauvegar der celle dc saint Luc : Neque enim Spiritus Sanctus hoc in Euangelio posuisset, nisi uerum omnino esset. Homil., vm,col. 635. L’Écriturc ne trompe pas. Med il., xvi, col. 792. Aussi si quelqu’un Vst en contradiction avec la sainte Écriture, Anselme est certain qu’il est dans l’erreur, ct il refuse d’admettre ce qu’il constate être contraire à l’Écriture. CurDcus homo. 1. I, c. xvni, col. 388. Yves de Chartres reproduit les paroles de saint Augustin, qui affirment qu’il n’y a dans l’Écriture ni erreurs ni mensonges. J’anormia, 1. 11, c. exix, cxxi, P. t. clxi, col. 1111-1112. Personne n’ignore que l’Écriture canonique tout entière surpasse toutes les lettres postérieures des évêques, ita ut de ilia omnino dubitari ct disceptari non possit, utrum verum vel utrum rectum sit quidquid in ea scriptum consti­ terit esse. Decretum, pari. IV, c. 227, coi. 313. Dans le prologue du Sic cj non, Abélard expose son but : il veut comparer les écrits des Pères avec les Écri turcs. Il admet dans les deux séries d’ouvrages des alterations dues aux écrivains et aux copistes, mais si quelque chose lui parait étranger à la vérité, il estime pieux, conforme à l’humihlé et dû ù la charité de croire que le passage dc l’Écriture n’a pas été bien compris ou qu’il est corrompu ou qu’il ne le comprend pas. D’ailleurs, on peut trouver l’erreur et la fausseté dans les écrits des Pères comme dans les paroles des prophètes. Il est certain, en effet, que les prophètes ont parfois manqué dc la grace de la prophétie ct qu’en prophétisant, parce qu’ils croyaient avoir l’esprit pro­ phétique, ils ont prononcé cpiehpics faussetés par leur esprit propre, ct ccla a été permis pour leur faire garder l’humilité, afin qu’ils connussent mieux cc qu’ils étaient par l’Esprit dc Dieu ct cc qu’ils étaient d’eux-mèmvs. Bi< n plus, quand cet Esprit leur était donné, de même qu’il ne conférait pas tous les dons à un seul, d n’éclaiiait pas non plus sur toutes choses ■ d< celui qu’Ü rcmj lit, maie il lui révélait taniàt ceci tantôt cela, ct quand il manifes 2217 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE tait une chose, il en cachait une autre. II ne faut donc pas s’étonner si les prophète· ct les apôtres n’ont pits été complètement exempts d’erreur, si des · erreurs sont constatées dans les nombreux écrits des Pères. .Mais il ne convient pas d’accuser les saints dc mensonge, parce qu’ils n’ont pas toujours dit la vérité; ils l’ont fait, non par duplicité, mais par ignorance. Autrement, il faudrait accuser de mensonge saint Paul, qui a suivi son .sentiment plutôt que la vérité, en énonçant son projet d’aller en Espagne, Rom., xv, 28. Autre chose est mentir, autre errer en parole ct s’écarter dc la vérité par erreur ct non par malice. On peut donc lire les écrits des Pères, sans être obligé d’y croire, mais en ayant la liberté dc les juger. Cependant, l’autorité des livres canoniques est plus grande. Si quelque chose parait absurde en eux, il n’est pas permis dc dire : L’auteur de OC livre ne tient pas la vérité, mais il faut dire ou que le manuscrit est fau tif, ou que le traducteur s’est trompé, ou que nous ne comprenons pas. Saint Augustin a dit que c’était une hérésie d’afllrmer que dans les livres canoniques quel­ que chose s’écarte de la venté. Si l’on ne doit pas pré­ juger l'opinion d’un docteur ct s’il faut peser la raison dc sa doctrine, cela a été dit des commentateurs, mais non des Écritures canoniques, auxquelles il faut ajou­ ter une fol indubitable. Abélard recommande le doute méthodique. Le doute est nécessaire à J’inves ligation, par laquelle on parvient à la vérité. Et il faut appliquer cette méthode à l’Écriture : plus on le fait, plus on reconnaît l’autorité dc l’Ecriture. Sic cl non, Prolog., P. L., t. ci.xxvin, col. 1339-1319. Ainsi donc, dès les Prolégomènes dc son livre, Abélard applique sa méthode dc dire le pour ct le contre sur une question, sans rien conclure, voir 1.i, col. 40, dc sorte qu’après avoir exposé l'opinion que les prophètes avaient commis des erreurs, il rapporte, dans les termes mômes de saint Augustin, renseignement tra­ ditionnel sur l’inerrance de l’Écriturc. 11 accorde à l’Évangile dc saint Matthieu une plus grande autorité qu’à celui de saint Luc. L’un a écrit cc qu’il a vu, l’autre ce qu’il a entendu; Matthieu a bu à la source même, Luc à un petit ruisseau de la source. C’est pourquoi Abélard préfère le texte dc l’oraison domi­ nicale du premier à celui du second, sans toutefois accuser cc dernier de mensonge. Epiât., x. col. 336. Un des adversaires d’Abélard, Guillaume de SaintThierry, place, en théologie, l’autorité avant la raison. Il recourt donc à la sagesse qui s’appuie sur les paroles du Saint-Esprit, Ilac duce vera dc Deo novit, qui vtre credit. Argumentum mihi est, quod impulsione nulla nutare potest quidquid veritas dicit in propheta, in Euangelio, in Apostolo. Disputatio altera adv. Abœlardum, L II, P. 7.., t. clxxx, coi. *297, 298. La foi cer­ taine est fondée sur l'autorité des Écritures cano­ niques. .Enigma fidei. col. 398. 11 faut donc croire à ccttc sublime autorité, qui ne trompe pas, ibid., col. 100, à laquelle il n’est pas permis de contredire, col. 408. Un autre adversaire d’Abélard, saint Bernard déclare que la vérité dc Dieu sc trouve dans l’Écriture ct que ceux (pii ne l’acceptent pas saintement détien­ nent la vérité dc Dieu dans le mensonge. In ps.CX, præf., P. L., t. ci.xxxni, col. 18G. Ego enim, ut verum fatear, jam otim mihi persuasi, in sacri pretiosique eloquii textu nec modicam vacare particulam. In Cant., serm. Ι.ΧΧΠ, n. 6, coi. 1131. Pour I lervé de Bourgdieu, parce que le Saint-Esprit qui ne peut ni sc tromper ni mentir, parle dans l’Écriturc. In Epist. ad IIeb , P. L., t. ci.xxxi, col. 1555, l’Écriturc est sainte ct divine, c’est-à-dire clic ne prêche pas l’erreur, mais clic est remplie de vérité. Au contraire, les livres des païen·, bien qu'ils aient des témoignages de la vérité, disent cependant des 2218 erreurs et ne sont pas saints. In Epist. ad /torn., col. 600. Le feu du Saint-Esprit a éclairé ct enflammé les pro­ phètes; d’où ce qu'ils ont annoncé par le Saint-Esprit ne doit pas être tenu pour faux, mais doit être cru vrai. In Epist. I ad Thess., col. 1384. Hervé définit la fol, cc par quoi nous croyons tout ce que les saintes Écritures nous Intiment. In Epist. I ad Car., col. 958. Philippe de I larvcn constate que, dans les Écritures, on trouve des choses si di (Terentes qu’elles paraissent se contredire, mais, ajoute-t-il, parce qu’il n’est pas permis d’afllrmer rien qui soit contraire a l’Écriture, pour qu’on ne puisse la convaincre de mensonge si elle se contredisait, il reste à la reconnaître vraie en tout ct d’accord avec elle-même. Aussi un prudent lecteur avec l’aide dc la grâce le comprendra. Epist., t, P. L , t. cxm, col. 1. Le lecteur, en effet, doit savoir que tout ce que l’Écriture canonique affirme est vrai, quoique cela ne soit pas compris de la même manière par tous. Epist., n, col. 18. Aelred observe que, pour discerner avec certitude de la relation du Saint-Esprit, l’erreur des hommes ou la suggestion des démons, on a la règle de la foi, les promesses dc l'espérance et le préceptes de la charité, de telle sorte que toute pensée qui vient à l'esprit et qui ne s’y accorde pas, doit être attribuée sans aucune hésitation ou à la tromperie des démons ou à l’erreur humaine, mais tout ce qui est convenablement énoncé dans les pages sacrées est un enseignement dc foi ou un encouragement à l’espérance ou un aliment dc la chanté; aussi on ne peut douter ni que ceîa n’ait été inséré dans les saintes Lettres par le Saint-Esprit ni que cela ait été révélé par lui. De oneribus, senn. n, P. L., L cxcv, col. 363-365. Baudoin, archevêque dc Cantorlx ry, reconnaît que, dans la série des livres de l’Écriturc, nous avons les paroles que Dieu a prononcées lui-même ou par le ministère des anges ct des hommes. Les preuves de notre foi se ramènent donc à l’autorité de l’Écriture. Si celle-ci est vraie, vrais sont les témoins de notre foi, et par conséquent vraie est notre fol. Qui douterait que l’Ecriturc n’est pas vraie, s’il est certain que la parole qu’elle contient est la parole de Dieu? Qui ne croira pas tout ce que Dieu a dit, s’il est clair que le · Seigneur a parle? Cela prouxè, on croira à la parole dc Dieu, inspirée par le Saint-Esprit. C’est pourquoi Baudoin prouve l’inspiration de la sainte Écriture. Or, au cours de sa démonstration, il affirme que la sainteté , non pas seulement parce qu’elles niques avait etc édite sans l'Esprit de Dieu. Mais les sont pures dc toute erreur ct qu’elles sancti lient leurs évangélistes sc seraient abstenus d’inventer n’im­ lecteurs, nuits aussi parce qu'elles sont fermes et ont porte quoi par crainte des Juifs. Si dans leurs discours, une force perpétuelle. L’apôtre les appelle aussi « pa­ il y a erreur, clic est de Dieu, ct non pas d'eux. L’É roles de Dieu >; les paroles dc Dieu sont pures ct sin­ vangîle plus que la loi dc Moïse a été écrit sous le souffle cères, elles ne sont pas mélangées d'erreur ni de men­ de l'Esprit. de telle sorte qu’en lui il n'y a pas un mot, songe ni dc tromperie, comme ont coutume d'être les pas un accent, qui ne soit dc lui. L'opinion des adver­ paroles des hommes. Les écrivains sacrés lorsqu’ils saires est donc erronée, elle diminue la force dc l’Écrlécrivaient, étaient conduits par Je Saint-Esprit dc turc. Tout cc que l’Écriturc contient, que cc soit de telle façon qu’ils ne disaient jamais dc mensonge, n’é­ grandes ou de petites choses, a été écrit sous le souffle tant pas livrés à eux-mêmes. C'est un caractère qui du Saint-Esprit. De locis theologicis, 1. I, c. χγι. χνιι. 2227 INSPIRATION Quant aux erreurs, qu’on attribue aux évangélistes, Cano les repousse, en interprétant les passages ob­ jectes. Les erreurs du discours de saint Etienne, Act., vil, il les attribue au diacre auteur du discours, ct non pas à saint Luc qui. en fidèle historien, n’a pas changé un iota eta reproduit le discours tclqu’Éticnne l’avait prononcé. Le diacre, quoique rempli du SaintEsprit n’a pas parle comme les prophètes, les apôtres ct les évangélistes, il n’avait pas leur privilège de ne pas se tromper. Les écrivains sacrés ont le droit de rapporter les erreurs des autres. Ibid., c. xvni. Bellarmin enseignait qu’un livre canonique est in­ failliblement vrai. ChcniniUn eu tort de prétendre que certains livres canoniques ne sont pas infailliblement vrais, parce qu’ils sont une règle proportionnée à notre infirmité comme tous les autres livres humains. Comment sont-ils une régie s’ils ne sont pas infailli­ blement vrais! Du temps de saint Augustin, les livres proto-canoniques qui étaient reçus par tous pouvaient avoir une plus grande autorité que les deutéro-canoniques qui n'étalent pas reçus par tous. Mais mainte­ nant, après la définition des conciles généraux, nous sommes également certains de l’autorité de tous les livres canoniques ct nous ne devons pas préférer l’un à l’autre. L’Eglise n’a fait qu’attester leur autorité; elle n’a pu la leur conférer. Tous ont donc la même au torité, Calvin objectait que l'auteur du II· livre des Macchabées, qui demande pardon de scs erreurs, ne peut être regardé comme l’auteur d’un livre canonique Les auteurs sacrés n’ecrivaicnt pas de leur propre gé­ nie et par leur travail, mais par la révélation du Saint- | Esprit, comme il résulte de l’exemple de Jérémie, dictant scs oracles à Baruch. Bellarmin répond que Dieu est l’auteur de toutes les Écritures, mais qu'il ne l’a pas été de la même manière pour chacune. Aux prophètes il a révélé Γ avenir ct il les a simplement assistés pour qu'ils ne mêlassent pas d'erreur à ses oracles, en les écrivant; aussi les prophètes n*a\aientils d'autre travail à accomplir qu’à écrire ou à dicter. Mais Dieu n'a pas révélé aux autres écrivains, surtout aux historiens, tout ce qu’ils avaient à écrire, Il les a excités à écrire ce qu'ils avaient vu et entendu, cc dont ils scsouvenaient,eten même tempsll les assistait pour qu’ils n’écrivissent rien de faux. Cette assistance n'em­ pêchait pas qu’ils n’eussent à travailler en pensant ct en cherchant cc qu’ils allaient écrire ct comment ils récriraient. Ainsi a fait saint Luc. L’auteur du Ildivrc des Macchabées ne demandait pas pardon des erreurs qu’il aurait commises comme s’il ne savait rien, il s’excusait de son style peu poli, comme saint Paul avouait son inhabileté dans l’art d’écrire. De verbo Dei, 1. I, c. x, xv. Les théologiens ct les exégètes qui, au XW, au xvn· et nu xvni· siècle, demeurèrent fidèles à l’an­ cienne opinion de la révélation Immédiate du SaintEsprit, enseignèrent, on le comprend, plus encore que les partisans de la nouvelle opinion, l'exemption com­ plète d’erreur dans les Livres saints. Pour Martin Bccan, le vrai sens de l’Écriture est celui qui a été entendu par le Saint-Esprit. Mais les écrivains sacres n'ont pas toujours connu, et par conséquent, n’ont pas entendu tout ce que le SaintEsprit signifiait par leurs paroles. Par suite, si quelque sens n’a pas été compris par l'écrivain sacre, mais a été entendu par le Saint-Esprit, un autre haglographe peut le connaître ct le citer. D’ou Becan conclut qu’un auteur canonique ne cite Jamais un de ses prédéces­ seurs en un sens accommodatice, mais en un sens voulu par le Saint-Esprit. Le sens littéral de ΓÉcri­ ture est donc Infailliblement vrai et il ne peut expri­ mer rien de faux, parce qu’il a été voulu par le SaintEsprit, qui ne peut rien dire de faux, puisqu’il est La vérité première, ct, dès lors. Il est infiniment sage DE L’ÉCRITURE 2228 ct vérace. Quand l'écrivain sacré reproduit ta paroles d’autrui, il n’est pas nécessaire qu'elles soient vraies, car il affirme seulement qu’elles ont été pro noncécs, ce qui est infailliblement certain. Summa theologica scholastica, proœm., q. vu, a., 4, 5. Dans, Γ Index controversiarum fidei, qui suit scs Commentaires, Tirin conclut de la révélation faite par Dieu aux prophètes epic les choses qui viennent i de Dieu, la vérité première et infaillible, sont unes et uniformes, exemptes d’erreur et de vice. L’accord des paroles prophétiques résulte de ce qu’elles ont été inspirées par le môme auteur. Les docteurs de Salamanque prouvent qu’il y aurait contradiction à admettre que Dieu pût enseigner L faux immédiatement ct par lui-même, ct ils en dédui sent que Dieu ne peut pas le faire non plus mediak ment et par ses ministres. Ceux-ci ne disent, Λ cc titre, que ce que Dieu leur a immédiatement révélé. Dans cc cas, il est impossible que leurs paroles soient fausses à moins que Dieu ne leur ait immédiatement révélé quelque chose de faux. D’ailleurs, s’il ne répugnait pas que Dieu pût dire le faux par ses ministres, toute la certitude de notre foi péricliterait. Cursus theologicus, De fide, disp. Il, dub. ï, § 1, n. 35, édit. Palmé, t. xi, p. 13-11. Un écrivain sacré n’a donc pas écrit la pa role de Dieu sans n’avoir pas la possibilité d’erreur, car autrement l’infaillible autorité de l’Écriture chat) collerait. De soi, un écrivain sacié n’a pas l’impuis­ sance de ne pas écrire de fausseté; mais si on suppose d’autres conditions, des secours efficaces qui le pous­ sent à écrire la vérité, il écrira infailliblement la vérité. L’Écriture est donc infaillible, sans qu’il soit neces­ saire d’enlever à l’écrivain sacré la puissance d’errer. 11 suffit pour rendre l’Écriture infaillible qu’elle pro­ vienne d’un écrivain qu’une prémotion efficace porte à écrire qu’il ait d’ailleurs, de soi, ou qu’il n’ait pas le pouvoir d’errer. Qu’on ne dise pas qu’il faut accor­ der à l’écrivain sacré autant qu’à l’écrivain profane, qui ne se trompe pas souvent, il faut lui accorder non pas seulement de n’avoir jamais erré, mais encore de n’avoir pas pu errer. La principale différence entre un écrivain sacré ct un écrivain profane n’est pas celle qu’on dit, mais elle consiste en ce que l’un écrit les paroles de Dieu et l’autre scs propres concepts. Si meme l’écrivain profane n’avait pas la liberté d’or rcr, il ne serait pas pour cela un écrivain sacré, parce qu’il n'aurait pas eu les secours pour écrire Infailli­ blement sans défaut, secours qui ont été accordes à l’écrivain sacré. Qu’on ne dise pas non plus que l’in­ faillibilité de l’Écriture exige que l'écrivain sacré n’ait pas le pouvoir «l’écrire le faux ct de mentir. S’il est de la nature de l’Écriture non seulement de dire la vérité, mais même de ne pouvoir rien dire de faux, cela provient de cc que Dieu, qui ne peut rien dire de faux est son auteur principal. Or, il suffit que cet auteur· donne à son intermédiaire humain le secours efficace, en vertu duquel il est tellement porté à dire le vrai, qu’il n’y mêle rien de faux. Dans ccttc hypothèse, l’Écriture est divine, ct «lès là qu’elle est divine, elle sera tellement vraie qu’il répugnera que la fausseté s’y mêle. Il est chimérique «l’imaginer pour l’Écriture la liberté d’errer qui reste à l’vcrivaln sacré. Peu lin porte qu'en écris ant celui-ci garde le pouvoir prochain d’errer, puisque Dieu, par le moyen «le secours efficaces fait qu'un organe faillible parle ct écrive infaillible ment ct dise la vérité infaillible, comme le salut d’un prédestiné est infaillible, quoique ce prédestiné ait le pouvoir prochain de pécher et d’être condamné. Ibid., disp. IV, dub. î, § 3, n. 18, 19, p. 258-259. Louis Abcllv traitant des livres canoniques, fait remarquer qu H n'y a rien dans l’Écriture qu’on ne doive tenir de foi divine, de telle sorte qu'on ne trouve en eux aucune erreur, même légère, ni aucun lapsus 2229 inspiration de l’écriture de mémoire, comme Érasme l’a prétendu. Medulla theologica, t. I, c. n, sect. ι. Le jésuite Pierre Wittfel sc demande si les livres divins sont vents en quelque endroit d'après l’esprit humain, ct il repond qu'ils sont partout écrits par l’Esprit Saint. Theologia catholica, 1. 1, De fide, disp. Ill, InsL ï, q. ni | Tobic Lnhncr range l’infaillibilité parmi les pro­ priétés de l’Écriture. ct son principal argument est l'infinie véracité de Dieu, son auteur. Institutiones quintuplicis theologia, 1.1,1. J, tit. v. Philippe Gamache distingue l’infaillibilité de l'Écrllurc de celle des conciles generaux. Ceux-ci n’ont qu'une assistance divine, qui les empcchc d’errer dans leurs définitions de loi. Les écrivains sacrés ont un mode d'inspiration tr< » spécial ct extraordinaire en vertu duquel ils sont ii faillibles sans exception en tout ce qu’ils écrivent, quel qu’en soit l’objet, jusqu’aux syllabes ct aux minuties. C'est pourquoi les évangélistes ont été dits pleins d’yeux, parce que toutes et chacune des choses qui sont dans leurs livres sont très exactes ct très soignées jusqu’aux plus minu­ tieux accents et parce qu’ils étaient dirigéspar le SaintEsprit, qui voit tout ct chaque chose très distincte­ ment et très parfaitement. La motion efficace du Saint-Esprit a pour cfTct que l’écrivain sacré ne puisse errer ni se tromper en écrivant, mais tout ce qu'il écrit est nécessairement vrai, quoique lui-même ne le comprenne pas parfois ct n’en saisisse pas le sens. L’é­ crivain ne paraît donc être qu’un pur instrument de Dieu, car s’il a le pouvoir physique d’écrire, il n’a pas celui d'écrire infailliblement, sans aucune erreur, surtout lorsqu'il s’agit des mystères surnaturels, des choses de la foi les plus obscures ou de l'avenir. Comme cause seconde, bien plus même avec la motion du Saint-Esprit, l’écrivain sacre ne peut, de soi, concourir avec infaillibilité. 11 y faut quelque qualité existant vraiment dans la cause seconde, ct telle qu’elle con­ courra activement ù l’opération à produire ct soit du même ordre que l'action, par exemple, un habitus de science par lequel l’écrivain concoure ù écrire infail liblement. Or, cette science n'existe pas ordinaire­ ment; le plus souvent meme, l’écrivain ignore ce qu’il écrit ct n’en sait pas le sens, ct par suite, il ne peut pas savoir que c’est vrai ou conforme ù la raison. Sum. theol., I», q. ï, c. xn. Basile Ponce, qui admettait aussi l’inspiration ver­ bale, enseignait qu’à aucun titre un catholique ne pouvait admettre l’erreur dans un livre, dicté par le Saint-Esprit. il n’admettait que des erreurs de co­ pistes dans les manuscrits. Quirst. expositio, c.iv, dans Cursus completus sacrtc Scripturae de Migne, L ï, coL 1130. Ménochius disait seulement que, par le fait que les Écritures sont la parole de Dieu, qui est la vérité souveraine et qui ne peut mentir, tout leur contenu est très vrai. Comment, totius Scriptura, proleg. c. vi. Selon Benoit Pereira, on ne peut douter de la vérité de la sainte Écriture, dont Dieu est l’auteur principal. Toutes scs paroles ont clé dictées par Dieu. Par consé­ quent on ne peut soupçonner de la part des écrivains sacrés, aucune fausseté, provenant soit du désir de mentir, soit d’un oubli ou d’une absence de penser. L’Écriture étant divine en tout, ne respire que le divin et le celeste ct elle est très pure de toute tache de fausseté ou de turpitude. Comment, in Daniel. præf. ad Antonium Caraffam. Le P. Mendoza fait ressortir l'incorruptible vérité de l’histoire sainte du fait qu’elle ncsvcontredit jamais. Tandis qu’on ne constate aucun accord dans la science humaine, on ne voit aucun désaccord dans la doctrine sacrée. Le Dieu de paix ct de vérité, qui est son au­ teur, n’a pas soullcrl qu'il y eût rien de dissonant 2230 dans son œuvre. Innombrables sont les mots qui dînèrent de son, le sens en est unique; c’est un consen­ sus. L'Écriture est uniquement la parole de Dieu, un seul livre. Il faut avoir la même foi aux deux Tes­ taments. L'histoire sainte est Inexpugnable de vérité; bien qu'attaquée par toute sorte de machines, elle n'est pas renversée; elle est plus ferme que les deux. in IV Peg., annot, proœm. n, sect. in. Pour Barradius, il est plus facile au témoignage de saint Paul, de trouver une erreur dans la bouche d’un ange que dans l’Évangilc ou dans les Écritures; autrement, ce serait trouver l’erreur dans la bouche même de Dieu, puisque la vérité de l’Écriture s’ap­ puie sur la vérité première ct souveraine de Dieu. Comment, in concordiam et historiam eoangelicam, L I, c, xvn. Selon le P. Adam Contzen, jésuite, les quatre évangiles sont des parties de l’Écriture dictée par le Saint-Esprit, qui ne sc trompe jamais. Il faut le croire de foi catholique. Il réfute l’opinion d’Érasme sur le lapsus de mémoire des apôtres. On ne peut jamais ad­ mettre, pas meme pour un seul cas, qu’un écrivain sacré ait commis un lapsus de langue ou de mémoire. Cc serait reporter à Dieu la honte d’un mensonge. SI on mêle à la vérité divine les erreurs de la fragilité humaine, nous ne pouvons plus croire à l’authenticité de l’écrit, qui contiendrait de telles erreurs, ù moins qu’il ne soit prouvé que cc qui était sincèrement di­ vin nu commencement a été altère par les hommes. Les écrits apostoliques ne sont pas mensongers, parce que la vérité parle en eux. Les apôtres pouvaient men tir, mais quand ils perlaient sous l’action du SaintEsprit, ils ne pouvaient ni tromper ni être trompés. Quant aux fautes des manuscrits, elles ne sont attri buablcs ni au Saint-Esprit ri aux apôtres, et on peut les corriger facilement d’après d’autres exemplaires. Comment, in IV Euangelia., proœm. q. in, c. il. q. ix, c. x.vii, 9, 10, q. i. Libère Fromond déclarait que, si on admettait que dans une épttre de saint Paul un seul verset eût été écrit par l’esprit humain, qui peut sc tromper, on ne pourrait plus prouver que Γépttre entière n’a pas été écrite par le même esprit In Epist. ad Philem.,pnL Jean de Sylveira laisse de côté l’opinion impie d’É­ rasme ct de ceux qui assuraient avec impiété que les écrivains sacrés avaient mêlé à l’Écriture beaucoup d'erreurs. Si on l'admettait, toute l’autorité ct toute la foi ducs ù l’Écriture périraient car, si on reconnaît l’erreur en un point, tout sera repute faux. La foi catholique tient pourtant que tout le contenu de l’Écrilure est d’une vérité Indubitable, puisqu’il a été im médiatement inspire par le Saint-Esprit. Opusculum I resol. ï, q. v. Sylveira a traité la question des dicta ulio rum, relatés dans l’Écriture. Il lient que le vers du poète Épiménide, cité par saint Paul, TiL, j, 12, ct l’action de grâces des premiers chrétiens, Act xv, 28, n’ont pas, par eux-mêmes, d'autorité canonique, mais qu'ils en acquièrent par le fait de leur citation faite par un écrivain inspiré. Les extraits du livre de Jason de Cyréne. que l’auteur du 11· livre des Maccha­ bées a faits sous l'inspiration du Saint-Esprit, sont vrais, sacrés, ct canoniques, non pas en tant qu'ils sont de Jason, mais en tant qu’ils ont été transcrits par un écrivain inspiré. Et quoique le livre de Jason ait pu contenir des erreurs, les extraits de son ouvrage sont très \ rais et très certains, aussi bien que la cita­ tion qu’a faite l’apôtre Jude du livre apocryphe d’Hénoch. La parole du serpent à Èvc, Gcn.m, 4, a été vraiment prononcée telle qu'elle est rapportée, Ibid., q. vu. Ayant prouvé l’inspiiation divine de l’Écriture. Suarez en conclut qu'il est de foi que 1 Écriture est la règle infaillible de la foi. SI elle est, en eflet» la 2231 INSPIRATION DE I/ÉCRITURE parole de Dieu écrite, il est nécessaire qu’elle soit la régie de la vérité, car il n’y a pas de régie plus certaine que l’autorité de Dieu, contenue dans sa parole. Il n'y a donc dans l’Écriturc rien de mensonger, car Dieu qui ne peut mentir lui-même, ne le peut non plus par un autre; autrement toute l’autorité de l’Écriturc périraiL Aussi l'Écriturc a-t-elle la même autorité dans les plus petites choses que dans les plus grandes. De fide, disp.V, sect, m. n. H, Ed.Vivês, l. χπ,ρ. 1 17 Pour Andre Duval, l’Écriturc n'aurait pas la vérité Infaillible dans toutes ct chacune de scs parties jus­ qu’au moindre accent, si Dieu, qui ne peut mentir même de puissance extraordinaire, n’était pas son auteur. Tout autre qu’un écrivain inspiré, même un ange, peut sc tromper et tromper. L’Écriture est sainte, parce qu’elle n’admet en elle ni erreur ni men­ songe. pas même dans les plus petites choses; si on en admettait un seul, toute sa certitude périrait. De Scrip· tura, q. i, a. L Mariana s’est demandé si les I.ivres saints conte­ naient quelque chose qui ait été écrit par l’esprit humain ct qui par conséquent ait pu être erroné. 11 n’est pas permis de douter, répond-il, de la vérité des livres dont Dieu est l’auteur, lui qui ne peut mentir. Assurément, les Livres saints rapportent les mensonges des autres, mais ils ne les approuvent pas. On peut discuter seulement au sujet des lois reproduites et des citations faites. Beaucoup de lois promulguées par Moïse ct les apôtres ne sont pas sorties de la bouche même de Dieu, mais ont été portées par leurs auteurs en vertu des pouvoirs qu’ils avaient reçus de Dieu. Bien n’empêche de reconnaître comme paroles du Saint-Esprit les paroles de ccs hommes inspirés. Si, d’ailleurs, on admetqucquelques choses ont été écrites par l’esprit humain, il sera nécessaire d’admettre qu'elles ont été sujettes à l’erreur, puisque tous les hommes et toutes les choses humaines sont trom­ peurs. Mais il n’est pas permis d’admettre l’erreur dans la confection des lois, car en cela même Moïse ct les apôtres étaient dirigés par le Saint-Esprit. Les citations ne sont faites que pour le sens, ct non pour les mots. L’esprit sc refuse à admettre cc que d'aucuns prétendent, que les apôtres, par erreur de mémoire, ont parfois cité un auteur pour un autre. Que serait-ce, sinon calomnier les divines Écritures? 1 Mariana ne veut pas imiter la liberté que saint Jé­ rôme, Euthymius et Théophylactc ont prise de le dire, ni attribuer un mensonge à ceux que le Saint-Esprit ! inspirait. Pro editione Vulgatæ* c. vi, dans le Cursus i completus Scripturæ sacra· de Migne, t. i. col. 755. Frassen tirait la preuve de la vérité complète de l’Écriturc de sa définition même. Dès là qu’elle est la parole écrite de Dieu, un homme de cœur ne peut douter que tout son contenu ne soit très vrai. D’ail­ leurs, la vérité de la parole de Dieu est affirmée très expressément Ps. xxxn, 4, Joa., xvn, 17 et toute obliquité en est exclue. Enfin puisque l’Écriturc a été établie par Dieu, pour notre salut, ct comme Dieu est immuable ct très véridique, qu’il est la vérité même, il est nécessaire que, dans l’Écriturc inspirée par lui, il n’y ait rien de dissonant, rien de faux, car la vérité seule peut procéder de la souveraine vérité. Disquisitiones bibliar, Paris, 1G62, 1. Ill, c. in, § 1. Ailleurs, Frassen a déclaré qu’aucune erreur, aucune contradiction ne peuvent sc trouver dans (’Écriture, dont tous les livres ont été inspirés par le Saint-Esprit, Conciliatorium biblicum dans le Cursus completus Scripluræ sacra de Migne, t. n, col. 917, EJlics Dupin enseigne l'infaillibilité de l’Écriturc, par là même que celle-ci csL la parole de Dieu qui ne peut sc tromper ni tromper. Prolégomènes sur la Bible, L I, c. it, § 1. Les livres des deux Testaments, en effet, ont été écrits par l’inspiration du Saint-Esprit 2232 , qui a tellement conduit 1rs pensées ct la plume de ceux qui les ont écrits, qu’ils ne sont tombés dans nu cune erreur touchant la religion, la fol, les bonnei mœurs ct les faits historiques sur lesquels la religion est établie, de sorte que tout chrétien est obligé de croire ce qu'ils contiennent ct qu'il n’est pas libre d* nier ou de douter d'aucune des vérités de cette nature qui y sont établies. Ibid., § 5. Bernard Lamy prouvait l’autorité des Livres saints d’après leur contenu, qui, étant hors de tout doute, exige que ceux qui l’ont consigné par écrit aient été véridiques ct aient été poussés à écrire par Dieu qui ne peut ni sc tromper ni tromper. Apparatui biblicus, 1. III, c. v. Au début du xvm0 siècle, Gaspard Juénin tenait pour fausse, l’opinion d’Érasme et de tous ceux qui niaient l'inspiration totale de la Bible. Son argument était que, si on pouvait douter que quelque partie de l’Écriturc. si minime qu'elle soit, ait été écrite sous la dictée du Saint-Esprit, il n’y aura aucun cha­ pitre de la Bible au sujet duquel pareil doute ne pût se produire. Institutiones theologicœ, proleg., dissert. IV. c. ni. Nicolas Serarius procède autrement. Il prouve l’ins­ piration divine de la sainte Écriture par la sincérité des écrivains sacrés. Comme ils étaient bons ct saints, ils n’ont pu attribuer à Dieu cc qui n’était pas de lui, mais ils ont écrit simplement et sincèrement cc qu'ils avaient appris de Dieu. Eux, qui détestaient le men­ songe, n'ont pas menti en disant : IIæc dicit Dominus, ct ils n’ont pas non plus été induits en erreur, puis­ qu’ils disaient sérieusement ce qu’ils n’avaient pas constaté. Prolegomena biblica, c. iv, 9. n. D*ailleurs, les écrivains sacrés, tandis qu’ils écrivaient étaient assistéspar Dieu, qui tenait, pour ainsi dire, leur main, pour qu’ils n’écrivissent pas une chose pour une autre, un petit mot pour un autre petit mot, une lettre pour une lettre. Et cette assistance était nécessaire pour tout, même pour les choses supérieures, afin d'écarter d’eux toute absence d’at‘enlion, toute négligence ct toute erreur. Ainsi Dieu a voulu assurer la certitude des Écritures, Ibid., q. xvn. Serarius réfute donc Érasme et quelques protestants, qui restreignaient l'inspira tion. Ibid., q. xx. Pour lui, la vérité de la Bible est telle que rien ne peut être plus vrai qu’elle ct qu’elle est elle-même bien plus vraie que toutes les autres sciences. Ibid., q. xxi. L’autorité de la Bible est donc très certaine; elle est exempte de toute fausseté, de toute erreur, de tout soupçon et de toute crainte d’erreur, et par suite elle est infaillible, Dieu, son auteur lui a très certainement donné la plus grande certitude. Ibid. c. vu. Nicolas Lhcrminler conclut de ce que l'Écrilure est la parole de Dieu, qu’on doit poser comme fonde ment que tout son contenu est très vrai et doit être tenu de foi certaine de sorte qu’on ne reconnaisse pas en elle le plus léger mensonge, la moindre contra diction, la moindre parole oiseuse ou superflue. Les œuvres de Dieu en effet, sont très parfaites. Sttnjna theologia, 3* édit., Paris, 1719, proleg. t. i, p. 51. Charles Duplessis d’Argent ré entend l’inspiration en cc sens que Dieu assistait les écrivains sacrés de telle Forte qu'en écrivant ils ne furent sujets, à aucune erreur. Au»si, selon la doctrine commune de l’Église l’autorité de l’Écriturc inspirée est souveraine. Ele­ menta theologia*, c. ïv, a. 1. Les tenants de la révélation immédiate et de l’ins­ piration verbale admettaient la vérité absolue de l'Écriture. Humbelot prouvait même l’inspiration par le fait que l’Écriturc ne contenait aucune contradic tion apparut '. qui ne puisse s’expliquer, par le fait au i qu’il n'y a en elle rien d'oiseux ni de superflu, ni rien de pernicieux. Sacrorum Bibliorum notio » 2233 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE generalis, uni compendium biblicum, 1. I, c. i, q. m. Le canne Chérubin de Saint-Joseph exposait dix | Indices do l’autorité des Livres saints, entre autres leur accord sans aucune contradiction. Summa en tlcx sacra*, disp. V. a. G, 1.i, p. 463 sq. Au t. iv de cet ouvrage, il expote ct discute très longuement les dl· verses opinions. qui ont été émises sur l’inspiration biblique. Il réfute celle d’Erasme, en citant les témoi­ gnages contraires des Pères et en montrant les très graves cl absurdes conclusions qui résultent de cette opinion, puis celle qui admet des erreurs légères, en expliquant les passages où on remarque ct en prou­ vant que saint Jérôme n’en était pas partisan. Dissert. II, n. L L 5. Pour son compte. Il admet la révélation ou l’inspiration spéciale de l’Écriturc entière, ct par suite l’absence de toute erreur. H n’admet pas toute­ fois l’inspiration de tous les mots, car. autrement, Il faudrait attribuer au Saint-Esprit les solécismes, les barbarismes, les hyperboles, ct les autres erreurs de cc genre, ct encore les mots obscurs ou moins aptes à rendre la pcnréc, ce qui serait un blasphème. 11 ne suffît pas de dire que le Saint-Esprit s’est accom­ modé au génie de scs instruments; il a déterminé ct inspire les mots qui convenaient à exprimer ses pen­ sées. Disp. Ill, a. 1 sq. Pour le P. Paul, capucin de Lyon, l’Écriturc sur­ passe tout en autorité ct elle est la régie infaillible de la fol, puisqu’elle est la parole de Dieu, sortie im­ médiatement de sa bouche. 11 enseigne donc que la plus légère erreur ne peut s’y rencontrer ct que l’ins­ piration spéciale s’est étendue ù tout, même aux paroles ct aux accents. Totius theologiæ specimen, t. i, De verbo Del, c. ii-îv. Charles Wilasse a la même doctrine, sauf qu’il laisse au lecteur le choix au sujet de l’inspiration verbale. Tractatus de Deo ipsiusque proprietatibus, q. i a. 5. Le P. Henri de Bukentop, récollet, admettait qu’absolument parlant, un hagiographe, tout en écri­ vant sous l’inspiration du Saint-Esprit, aurait pu en­ tendre un sens faux, ou impie ou étranger au sens que le Saint-Esprit voulait exprimer par les mêmes mots, ct avoir l’intention de l’écrire. Le sens de l’Écrilure n’est pas tant le sens de l’hagiographc que celui du Saint-Esprit. Il n’y a pas de disparité apparente entre l.i parole de Dieu écrite ct cette parole, proférée seule­ ment de bouche. Or, Caïphe a parlé dans un sens diffé­ rent de ce que Dieu voulait lui faire dire. Joa. xi, 50, 51. Isaïe nu sujet de la mort d’Ezéchias ct Jonas sur la ruine de Ninive ont agi de même. Si Dieu l’avait voulu, la même chose aurait pu sc produire dans l’Écriture. Saint Augustin dit même que cria s’est pro­ duit pour Matth., xxvn, 9. En fait, les théologiens s’ac­ cordent ù reconnaître vraisemblable que les écrivains sacrés ont toujours conservé au moins un sens que le Saint-Esprit entendait, bien qu’ils ignorassent qu’ils écrivaient sous l’inspiration divine, comme l’auteur du II· livre des Macchabées. Mais il est plus convenable que les écrivains sacrés aient exprime ce sens en le sachant voulu par le Saint-Esprit. Il est croyable ct 1res vraisemblable, quoique non absolument certain, que les phis pieux hagiographes, Moïse, David.Isnic, saint Jean, connaissaient tous les sens littéraux que le Si·Int Esprit axait l’intention d’exprimer. C’est le sentiment de saint Hilaire, de saint Augustin ct de saint Thomas. Les raisons contraires ne prouvent rien. Toutefois, ù dire vrai, il ruillsait que le prophète comprit quelque chose de cc qu’il écrivait. Les sens, cachés ù l’hagiographc, mais voulus par Dieu, ont dû être révélés ù d’autres. Tractatus de sensibus sacra: Scriplunr, Louvain, 1701, c. xiv, p. 1-18, p. 99-103. Les tenants de l’opinion nouvelle enseignaient tous que l’assistanccdu Saint-Esprit préservait les écrivains sacrés de toute erreur. Aind, Boucat, pour les livres 2230 historiques. Theologia Patrum seholastico-dogmatica, 1726, t. IX, De Scriptura, proœm. Le P. Edmond Simonct admettait l’illumination cl la direction des écrivains sacrés par le Saint-Esprit dans les moindres choses pour qu’ils ne pussent tomber dans l’erreur. Ins­ titutiones theologia, 1723, tr. De regulis fidei, disp. I, a. 9, 10, t. vi. Pierre Collet, qui reconnaissait non pas la révélation mais l’inspiration immédiate de chacun des mots, en concluait qu’on ne pouvait admettre dans l’Écriturc la plus légère erreur ni aucun lapsus de mémoire; autrement, toute son autorité croulerait. Institutiones theologicae, 1773, L i, prolcg. Pour le jésuite Ignace Schunck, il était nécessaire que l’écri­ vain sacré écrivit avec la certitude de la vérité divine ct sans aucun danger d’erreur ou d’imprudence. Si le Saint-Esprit ne dictait pas tous les mots, il assistait cependant les hagiographes pour qu’ils décrivissent rien de faux ou de contraire aux bonnes mœurs, à condition que cette assistance fut la suite d’une im­ pulsion interne. Notio dogmatica sacra Scriptura, 1772, quest proœm. sect. m. Pour March ini, l’Écri turc entière a été inspirée de telle sorte qu’elle ne contient aucune erreur, meme minime, ni aucun lap­ sus de mémoire. De diüinitale et canonicitate sancto rum librorum, part. L a. 5. Ainsi, jusqu’à la fin du xvm* siècle, tous les théolo giens, à quelque école qu’ils appartinssent, qu’ils admissent une révélation Immédiate ou seulement une direction ct assistance du Saint-Esprit, ont conclu de l’action de cet Esprit sur les écrivains sacres que le contenu de leurs livres était tout entier certain ct vrai et qu’il participait à la certitude ct à la vérité Infaillible de son auteur principal. Le point de départ de leur affirmation variait. La plupart usaient du procédé théologique ct déduisaient cette consequence de la nature même de l’inspiration divine. Quelquesuns toutefois le concluaient de l’examen même des Livres saints, dont ils avaient constaté l’accord et la vérité Intrinsèque. Le P. Chérubin de Saint-Joseph, en particulier, avait examiné ct résolu toutes les con­ tradictions apparentes des Livres saints. Les théologiens du xix· siècle n’ont pas eu une autre doctrine. Nous citerons seulement le cardinal Franze lin. 11 n’établit pas une thèse spéciale sur la vérité in faillible ct l’inerrance de l’Écriturc, il la déduit de la doctrine catholique de l’inspiration. Pour lui, l’action de Dieu, auteur principal des Livres saints, sur les écrivains sacrés, causes instrumentales, confère aux écrits ainsi rédigés une véracité Infaillible. 11 n’a pas besoin de prouver autrement l’exemption d’erreur dans les Livres saints. Tous les théologiens de son école ont suivi le même procédé. Le docteur Schmid a traité ex pro/esso la question de l’inerrance serif) lu rai re. Dès le début de son ou vrage, il a prouvé qu’au sentiment unanime de l’Église ct d’pprvs la notion même de l’Écriturc, celle-ci était exempte de toute erreur. De inspirationis biblica vi et ratione, Brixen. 1883, p. 2-8. Il constate ensuite que, selon les Pères et les docteurs, l’inspiration, qui préserve d’erreur les hagiographes, s’étend à tout le contenu de l’Écriturc, p. 26 29. Pour déterminer exactement 1rs limites extrêmes, de l’inspiration, il examine longuement ct minutieusement, à la fin de son ouvrage, cc qu’il faut attribuer à l’autorité in­ faillible de Dieu, auteur principal de l’Écriturc, dans cc que la Bible rapporte des choses, directement étran gères ù la révélation, telles que les questions scienti­ fiques, touchées dans le récit de la création, p. 310340. De même, pour répondre aux opinions modernes relatives Λ l’étendue de l’inspiration scripturaire, dom Crets, prouve que, si, de sa nature, l’inspiration a existé en vue de l’enseignement religieux des hommes. 2235 INSPIRATION cependant le reste de son contenu, intimement lié à cct enseignement, a été inspiré, accessorie ct in ordine ad res fidei et morum. De divina Bibitorum inspiratione dissertatio, Louvain, 1886, p. 296-307. Il étudie ensuite les rapports de l’Écriture avec les sciences profanes, p. 307-311, puis la manière commune ct vulgaire do parier des écrivains sacrés, p. 311-323. Au sujet du concept véritable de l’inspiration, il avait examiné, d’une part, cc que les hagiographes disaient d’euxmêmes et dc leur propre autorité, ct, d’autre part, comment ils rapportaient les dicta aliorum, p. 179-203. A cc dernier sujet, il distinguait les personnes qui, en parlant dans l’Écriture jouissaient d’une autorité divine, Dieu, les bons anges, les hommes dotés de ^instinct prophétique, ct ceux qui avaient proféré des chants ou des hymnes inspirés, des autres qui avaient parlé sans aucun secours humain. Il recherchait enfin ceux dc cette dernière catégorie, dont les paroles, rapportées dans la Bible, avaient été approuvées ou non par le Saint Esprit. Aussi les questions nouvelles qui avaient été soulevées au sujet dc l’incrrancc bi­ blique, recevaient une solution catholique, qui ex­ cluait l'existence d’erreurs formelles sur ces différents points dans la sainte Ecriture. Mais une autorité supé­ rieure à celle de simples théologiens devait intervenir dans cc débat et affirmer solennellement l’absence dc toute erreur dans la Bible. ///. DANS L'ENCYCLIQUE PROVIDENTI381 MUS DEUS. — La Question biblique posée par Mgr d’IIulst, voir coi. 2188, n’eût pas reçu une solution suffisante par la simple condamnation de l’article du Correspondant, d’autant que l’auteur ne sc présentait que comme un rapporteur d’opinions diverses. Considérant l'aflaire dc plus haut, Léon XIII préféra donner une réponse positive, en traitant dans une encyclique Des saintes Écritures en général, 18 novembre 1893. Dans la seconde partie, après avoir exposé la méthode à suivre pour interpréter les Livres saints, le souverain pontife invitait les catholiques à une autre tâche, aussi im­ portante que laborieuse, consistant à venger très énergiquement ct intégralement l’autorité de ccs livres. Or, ccttc défense pleine ct entière ne pourra être faite que par le magistère vivant ct propre de l’Église, dont la mission divine est prouvée par elle-même, iodépendamment de l’Écriture. Mais comme ce magis­ tère infaillible s’appuie aussi sur l’autorité dc l’Écrilurc, il faut tout d’abord que la foi au moins humaine dc ccttc Écriture soit affirmée ct justifiée, afin que les livres bibliques, comme témoins absolument sûrs dc l’antiquité, mettent à leur tour en sûreté et en lu­ mière la divinité ct la mission dc Jésus-Christ,l'ins­ titution hiérarchique dc l’Église, la primauté de Pierre ct dc ses successeurs. Des apologistes bien armés sont donc nécessaires. Lc papo esquisse ensuite les moyens appropriés à ccttc défense. 11 cite notamment la cri­ tique supérieure dont abusent les adversaires dc la Bible, qui s’en parent pour élaguer des Livres saints les prophéties, les miracles et tous les éléments qui surpassent l’ordre naturel, et dont les catholiques doivent s’armer pour lutter contre eux. 11 faut lutter aussi contre ceux qui, abusent dc leur science de la nature, accusent les hagiographes d’ignorance en ccttc matière et blâment les Écritures elles-mêmes. Π est d’autant plus nécessaire d’étudier ces sciences de la nature que, tombant sous les sens, elles sont ac­ cessibles à tous ct peuvent, si elles sont mal présentées devenir dangereuses pour la foi du peuple et dc la jeunesse. « Sans doute, aucune contradiction réelle ne pourrait exister entre le théologien ct le naturaliste, si l’un ct l’autre sc renfermaient dans leurs limites ct sc gardaient, selon l'avertissement de saint Augustin, < de rien affirmer témérairement ct dc donner l’inconnu pour le connu ». Dans le cas dc conflit, il y a lieu d»* DE L’ÉCRITURE 2236 rappcller la règle tracée par saint Augustin, De Genrd ad litteram, 1. I, c. xxi, n. il, P. L., t.xxxiv, col. 262. Léon XIII montre ensuite la justesse uc cette règle, en considérant d'abord « que les écrivains saerb ou plus exactement que l’Esprit divin, qui parle par eux, n’a point voulu enseigner aux hommes ai faits (c’est-à-dire la constitution intime des choses visibles), qui n’auront aucune utilité pour le salut. » (S. Augus tin, ibid., 1. Il, c. rx, n. 20, col. 270). (’.’est pourquoi, les hagiographes, au lieu d’entreprendre directement l’explication de la nature, décrivent ct traitent par­ fois celte sorte de choses d’une certaine façon meta phorique ou comme on en parlait communément dc leur temps, ct comme à présent encore, même parmi les hommes les plus savants, on parle de beaucoup de choses dans la conversation journalière. Et comme le langage vulgaire exprime premièrement ct propre ment ce qui tombe sous les sens, ainsi l’écrivain sacre, selon l’observation du docteur angélique, « a énoncé cc qui apparaît sensiblement (Sum. theol., I», q. lxx, a. 1, ad 3»m) ou cc que Dieu lui-même, parlant à des hommes, a exprimé suivant l’usage humain, afin d’etre compris par eux. > Le souverain pontife exclut ensuite certaines interprétations des Pères qui, en ces matières physiques, n’ont peut-être pas jugé des textes bibliques selon la vérité, ct qui ont pu proposer certaines explications qui ne sont plus guère approu­ vées aujourd’hui. Il termine ce sujet par cc sage conseil : « Dc fait, quoique l’exégète doive montrer que la Bible b ien expliquée n’est menacée par rien dc ce que les investigateurs dc la nature affirment, avec des preuves certaines, être désormais certain, qu’il n'ou­ blie cependant pas que parfois il est arrivé que des sys­ tèmes, enseignés comme certains par ccs savants, ont été depuis révoqués en doute ct répudiés. Que si les écrivains qui traitent dc la nature transgressent les limites dc leur science ct envahissent le domaine des philosophes en y portant des opinions perverses, que l’exégète théologien renvoie celles-ci aux philosophes pour en être réfutées, d Denzinger-Bannwart, n. 19461919, Cavallcra, Thésaurus, n. 81-S7. Passant ensuite aux matières historiques, Leon XIII employa ccttc transition, qui a été plus tard mal com­ prise ct dont il faut par suite reproduire le texte ori­ ginal: IIice ipsa deinde ad cognatas disciplinas, ad his­ toriam prœsertim, juvabit transferri. 11 déplore que beaucoup d’érudits étudient ct publient les monu­ ments dc l’antiquité, les mœurs ct les institutions des peuples trop souvent dans le dessein de surprendre des taches d’erreur dans les Livres saints et d’affaiblir ou d’ébranler ainsi leur autorité en bien des points? D’autres se flent tellement aux livres profanes ct aux monuments dc l’antiquité qu'on dirait que même on ne peut les soupçonner d’erreur ct ne veulent pas accorder la même confiance aux Livres saints dès qu’il y conjecturent une simple apparence d’erreur, que, du reste, ils ne discutent meme pas comme 11 faudrait. Lc pape écarte les erreurs des copistes dan· la transcription du texte sacré, les passages bibliques dont le sens est demeuré incertain ct qu’il s’agit dc bien interpréter. At nefas omnino fuerit aut inspira­ tionem ad aliquas tantum sacræ Scriptura! partes coan­ gustare aut concedere sacrum ipsum errare auctorem. Nous voici au cœur dc la question d’inerrance. Aussi Léon XII1 réfute une des principales raisons Invoquées pour justifier l’opinion condamnée .· On ne peut en effet, tolérer le procédé de ceux qui, pour sc tirerdcccs difficultés, n’hésitent pas à concéder que l’inspiration divine s’étend aux choses dc la foi ct des mœurs, mais à rien de plu parce qu’ils pensent faussement que, quand il s’ h; L d« Jn vérité des pensées dc la Bible, Il ne fau*. p » tant chercher ce que Dieu a dit, que peser la raison pour laquelle il l’a dit. » 2237 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE Ccttc refutation sert nu souverain pontife d’occasion d'affirmer, de tous les livres canoniques, dans toutes leurs parties, l'exemption dc toute erreur : Tantum vero abest ut divirur inspirationi ullus error subesse possit, ut ta per seipsa, non modo errorem excludat omnem, sed tarn necessario excludat et respuat, quam necessarium est Deum summum Veritatem, nullius omnino erroris auc torem esse. Telle est la fol ancienne et constante dc l’Église, solennellement définie par les conciles dc Florence, dc Trente et du Vatican.VoIr col 2095. C’est pourquoi, continue le pape en réfutant un nouvel ar gument des critiques modernes, il n'importe absolu­ ment en rien que le Saint-Esprit ait employé des hom­ mes connue scs instruments pour écriic, ct l’on n’en saurait conclure que, si l’auteur principal n’a pu com­ mettre aucune erreur, les écrivains Inspirés l’ont bien pu. Et pour prouver qu’ils ne l’avaient pu, Léon XIII expose la nature de l’inspiration, voir col. 2160, ct le sentiment des Pères, en citant saint Augustin ct saint Grégoire le Grand. < C’est pourquoi, conclut-il, si quelques-uns pensaient que quelque chose dc faux peut être contenu dans des passages authentiques des Livres saints (pour exclure les fautes des manus­ crits), ou bien ils pervertiraient certainement la no­ tion catholique dc l'inspiration divine, ou bien ils feraient de Dieu même l’auteur dc l’erreur, » Aussi tous les Pères ct docteurs ont-ils eu la persuasion que les lettres divines, telles qu’elles sont sorties des mains des hagiographes, sont absolument Indemnes dc toute erreur. Ils se sont occupés dc concilier tous les textes bibliques qui, en assez bon nombre, semblent pré­ senter des contradictions ou des divergences, ct qui sont à peu près les mêmes que ceux qu’on objecte aujourd’hui au nom de la science nouvelle. Ils ont unanimement professé que les livres dc la Bible, dans leur ensemble et dans leurs parties, étaient également sortis du souille divin ct que Dieu luimême, ayant parlé par les auteurs sacrés, n’avait absolument rien pu énoncer d’étranger à la vérité. On observera donc toujours la règle que traçait saint Augustin, dans une lettre à saint Jérôme, de porter aux seuls livres canoniques cet honneur dc penser fer­ mement que nul dc leurs auteurs n’a commis aucune erreur en les écrivant. Aussi en face dc quelque chose qui paraît contraire A la vérité, « je n’hésite nullement à dire ou que le manuscrit est fautif, ou que le tra­ ducteur n’a pas saisi ce qui a été dit, ou que je n’ai pas compris. » Denzinger-Bannwart, n. 1949-1952; Cavallera, n. 89-91. On ne saurait trouver un enseignement plus formel sur l’incrrance biblique tant dans les choses qui touchent aux sciences de la nature que dans les récits historiques. IV. A PRÈS L* ENCYCLIQUE PRO Vi DEN T/SSl M US DE VS. 1° I.es premiers commentaires. L’enseignement pon­ tifical était si clair que les théologiens qui le commen­ tèrent l’adoptèrent pleinement ct en tirent ressortir la signification ct la portée. Ainsi, M. Didiot distingue d’abord avec Léon XIII, dans le contenu de la Bible: les choscsqul apportion lient ù la foi et aux mœurs, Λ savoir les mystères révé­ lés et les vérités religieuses et morales qui, bien qu’ac­ cessibles Λ la raison humaine nous ont été enseignées par Dieu, afin dc nous les faire connaître avec plus de fermeté et les dégager dc toute erreur; ct, d’autres choses, qui ne sont pas dc nécessité dc foi, parce qu’elles ne sont pas utiles au salut, ct que Dieu n’a pas voulu enseigner, bien qu’il ait ordonné aux hagio­ graphes dc les faire entrer dans les Livres saints, qui sont donc inspirées ct parfaitement indemnes dc toute erreur. Dc ce nombre, Léon XIII indique les choses qui ont rapport aux sciences dc la nature. Or, sur elles, Dieu n’a pas voulu donner formellement un 2238 enseignement, les faire connaître expressément, en communiquer la science. Il a seulement voulu faire parler d’elles, c'est-à-dire non en donner la science proprement dite ni exiger dc l’esprit une adhésion forme lie Les écrivains sacrés, ou plutôt le Saint-Esprit qui parlait par eux, n’ont pas enseigné la constitution Intime des choses de la nature, ils en ont parlé seule ment; Ils ont décrit parfois cet ordre de choses, mais d’une façon métaphorique, ou comme on en parlait dc leur temps, comme on en parle couramment encore aujourd’hui. II n’y a donc pas dans la Bible un ensci gnement sur les choses naturelles, on y ht seulement une description imagée ou faite dans le langage fa miller de l’antiquité. Cette description est donc faite suivant les apparences extérieures; elle n’atteint pas Je fond des choses, ct il faut l’interpréter telle qu’elle existe, comme les choses tombant sous les sens. Lc théologien n’a donc pas ù chercher dans la Bible une physique révélée, ct encore moins à l’imposer au physicien ct au naturaliste, comme si elle avait été Illuminée par la lumière divine qui est bien supérieure à celle des savants. Cct élément secondaire de la Bible, sans être enseigné, est cependant Inspiré, mais, en le prenant tel qu’il est, il n’est pas erroné; Il n’enseigne pas d’erreur, puisqu’il n’est pas l’objet de l’enseigne­ ment divin. En vertu dc la transition : Bæe tpsa, etc., M. Didiot voyait dans la Bible, un autre élément se­ condaire, qui n’était pas non plus l’objet dc l’ensei­ gnement divin, qui était effleuré plutôt qu’enseigné. C’était « l’histoire ct la biographie profanes, telles que l’archéologie, la mythologie, la linguistique, etc. Sur ce double objet secondaire dc la Bible, nous n’a­ vons donc qu’une conversation. Mais si la conversa­ tion humaine est exposée à bien des erreurs, · com­ ment douter que l’infaillible conversation de Dieu avec nous dans les saintes Lettres, encore qu’elles n’ait pas toute l’importance dc ses enseignements ! proprement dits, touchant la fol ct les mœurs, ne soit la source inspirée et toujours féconde d’une mul­ titude dc bienfaits pour les âmes? » Traité de la sainte Écriture, p. 161-170. Avec Léon XIII, M. Didiot excluait donc toute er­ reur dc l’Écriture, même dans son objet secondaire ct accessoire. Traitant, d’ailleurs ex professe, la ques­ tion dc l’incrrance biblique, après avoir exclu les actes absolument mauvais, simplement rapportés, mais non approuvés dans la Bible, les fautes de copies ou d’im­ pression, il sc demande si tout ce qui est réellement entre dans la Bible par l’inspiration divine est abso­ lument exempt d’erreur si tout ce qui est inspiré exige dc nous un assentiment de fol divine ou un acte de croyance motivée par l’autorité de Dieu révélateur, qui ne peut sc tromper ni nous tromper. Dans la Bible telle qu'elle est sortie des moins des hagiographes, il n’y a aucune erreur d’aucun genre. L’inspiration exclut essentiellement et nécessairement toute erreur, non seulement dans l’excitation ct la motion commu­ niquées par Dieu aux hagiographes, mais encore dans la façon dont ceux-ci ont compris cc qu’ils avaient ù dire, dont ils l’ont voulu rendre ct dont Ils l’ont rendu avec l’assistance dc l’Esprit Saint qui les empêchait d’employer des expressions erronées ou ineptes. Celte Inspiration s’étend â toute la Bible, non seulement aux matières de foi et dc mœurs, mais à tout ce que les hagiographes ont compris, voulu écrire, ct réellement écrit, lors meme qu’il s’agissait de chose que Dieu ne sc proposait pas dc nous enseigner. Or, d’après la notion dc l’inspiration telle que Léon X111 l’a exposée, fl est impossible d’admettre une erreur quelconque dans un texte authentique de la Bible, sansque cette erreur rejaillisse sur Dieu même, qui est responsable dc tout ce que les instruments dont il s’est servi ont j pensé, voulu, écrit. 11 leur a laissé leur caractère indivi- 22 · INSPIRATION DE 1/ÊCR1TI RE dud. leur tournure d’esprit, leur méthode logique, leur manière dc parler et d’écrire, mais il a employé les i ndivt dualismes Λ la composition des ouvrages Inspirés, et, si du fait des hagiographes quelque erreur, quelque fausseté, quelque contre-vérité s’était glissée dans le texte divinement inspiré, c’cst sur Dieu même qu’en rejaillirait la faute. Une telle hypothèse est aussi ab­ surde que sacrilège, ct en fin dc compte, il n’y a pas d’erreur dans la Bible telle que les hagiographes l’ont composée. Les dissemblances Jes oppositions, les contradictions qui sembleraient indiquer quelque erreur dans la Bible, doivent être l’objet d’un travail de conciliation ct d’harmonisation, que les Pères ct les exégètes ont largement accompli. Voir Antilogies bibliques, t. i, col. 1382-1389. Le pape a même tracé, à l’occasion, la méthode de prudence à suivre dans ce travail de conciliation. Jbid.,p. 231-238. En exposant la part que les écrivains sacrés ont eue dans la composition des Livres saints, M. Vacant pensait que, si Dieu leur a inspiré les choses qu’ils devaient écrire, il leur avait laissé presque tout le soin dc Jes exprimer. Quoiqu’il ait agi sur leur intelligence ct meme sur leur imagination, ils avaient le soin de trouver l’expression des vérités manifestées. Aussi leur style est-il différent. Les dogmes eux-mêmes sont énon­ cés dans l’Écriture sous des formules concrètes, qui n’ont pas la précision du langage théologique. Pour ce qui est des choses d’ordre naturel,comme le mou­ vement du soleil, iis s’expriment d’une manière con­ forme à la croyance commune des Hébreux ct de leurs contemporains, en métaphores ou selon les apparences. 11 faut donc interpréter IcsÉcritures d’après les croyan­ ces d’un autre ûgc. Néanmoins, Dieu a assisté les ré­ dacteurs pour que leur langage rendît exactement la pensée divine, quoiqu’il fût conforme aux apparences (Xtérieurce. Éludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, t. i, p. 485-187. L’exemption d’erreur,qui résulte de cette assistance n’est pas rcs freinte aux vérités qui concernent la foi ct les mœurs; elle s’étend à tout le contenu des Écritures,' aux énon­ cés historiques ou physiques eux-mêmes. La raison de ccttc inerrance totale est l’inspiration totale de la Bible. J bid, p. 492, 500. Quant aux prétendues erreurs qu’on oppose à Finerrance bib lique au nom de l’histoire ct de la science, elles ne sont qu’apparentes. Léon NIH a indiqué trois régies principales pour les résoudre. Deux s’appliquent aux objections historiques, ct la troisième aux difficul­ tés de l’ordre physique. Les deux premières expriment que certains textes ont pu être altérés, ou que le sens qu’on leur donne n’est pas certain. La troisième rappelle qu’en matière dc science les écrivains sacrés se sont exprimés souvent d’une manière métapho­ rique ou dans le langage reçu de leur temps. 11 ne faut donc pas interpréter leurs expressions au sens littéral propre ni reconnaître des formules scientifiques dans les termes qu’ils ont empruntés au langage courant de leur temps. M. Vacant développe seulement cette I troisième règle les deux autres résultant suffisamment , de l’extension totale dc l’inspiration biblique. Ibid., p. 500-507. Son exégèse de l’encyclique est identique à celle de M. Didiot, quoiqu’elle soit moins précise. Elle exclut de la Bible toute erreur scientifique. Le P. Semeria ne concluait pas du langage des ap­ parences à l’existence d’une erreur dans le texte sacré. A son Jugement, il suffisait, pour que l’auteur sacré fût à l’iibri de tout reproche d’erreur, qu’il eût correctement décrit les apparences ct non qu’il eût personnellement connu La nature des choses. Cos­ mogonie mosaïque, dans la Revue biblique, 1894, p. 186, note 2. Voir aussi F. Valente, S. Girolamo, etc., p. 8S-96. 2240 2· Attaques directes. — Nous nous bornerons è si gnalcr deux attaques que l’encyclique subit en Angle­ terre ct en Italie, peu de temps après sa publication, ct que le P. Brandi a réfutées dans la Civiltà cattohea, puis en un volume. 1. L’anonyme qui, en 1893, avait attaqué la poli­ tique dc Léon XIII dans la Contemporary review, critiqua l’encyclique, Providentissimus Deus dans le même périodique, Londres, avril 1894, n. 32, p. 576608, au sujet de l’incrrance biblique. Tout en se disant < Ills dévoué de l’Église », il crut, après un exposé dc principes, démontrer par des «faits concrets », qu’il y avait dans la Bible d'innombrables erreurs ct dc réelles contradictions. Il signala donc un certain nombre dc prétendues contradictions entre différents auteurs de la Bible ct, qui plus est, dans le même livre, ct de véritables erreurs historiques. Son article fut traduit en français ct publié en brochure, sous cc titre : L'encyclique ct les catholiques anglais ct américains, Paris, 1894. Les exemples cités avaient été maintes fois expliqués par les exégètes ct les apologistes ca­ tholiques. Le P. Brandi discuta les principaux cl montra, une fois dc plus que les contradictions n’é­ taient qu’apparentes ct que les erreurs historiques signalées n’existaient pas au regard d’une saine inter­ prétation des textes. La question biblique, trad. Mazoycr, Paris, s. d., p. 122-164. Le P. Lagrange a déclaré que l’auteur, que certains pensaient être un prélat austro-hongrois, < a eu le tort de traiter par le pcrslfflagc de graves questions. » Penne biblique, 1895, p. 64. Voir la Réponse à « L'encyclique ct les call/oliqucs anglais cl américains » dc l’abbc Robert, Paris, 1894. 2. Un catholique italien, sous le pseudonyme d’Eufrasio, nia aussi, dans la Rasscyna nationale, 1er nui 189 I, l’incrrance absolue dc la Bible. Selon lui, l’Écriturc, quoique inspirée tout entière, contient cepen­ dant des erreurs historiques et scientifiques. Il pré­ tendit même que Léon XIII a reconnu l’existence d’erreurs scientifiques dans la Bible, quand il décla­ rait que l’autorité de Dieu n’était nullement engagée en ces matières et qu’alnsi les passages où il s’agit de la nature des choses, peuvent renfermer des erreurs. En d’autres termes, tout ce qui est inspiré n’est pas nécessairement vrai; l’inspiration est totale, quant ù son objet, mais son effet n’exclut pas toute erreur. Le texte de l’encyclique ct le commentaire dc M. Dl diot montrent clairement que Je souverain pontife a exclu la possibilité dc l’erreur, même dans les matières scientifiques, que Dieu n’a pas voulu enseigner, ct qu’à cc sujet les écrivains sacrés ont parlé selon les apparences, comme on le fait dans la conversation journalière, mais sans aucun détriment de la vérité, puisqu’ils n’afflrmaient pas la nature intime des choses et puisque ni Dieu ni eux ne nous Instruisent là-dessus. Il peut bien y avoir contradiction réelle entre certaines explications des Pères et des commentateurs ct les conclusions certaines des sciences physiques et, à plus forte raison, avec les hypothèses des savants modernes; il n’y a pas contradiction réelle entre les conclusions vraiment scientifiques ct les textes authentiques des Livres saints. Le P. Brandi confirme sa réfutation d’EufrasIo, en examinant quelques exemples, que ccr tains savants modernes sc plaisent à citer comme erro­ nés au point dc vue scientifique. Ibid., p. 58-121. 3° Vues nouvelles, discussions et décisions dc l'autorité ecclésiastique, — 1. Au sujet des sciences physiques. — a) La formule dc l’encyclique:< Les écrivains sacrés, en matière scientifique, ont parlé selon les apparences, » acceptée par les exégètes catholiques, n’avait pas fait l’accord parfait entre eux. Puisqu’il n’y a pas d’ensei­ gnement scientifique dans la Bible, il ne saurait y avoir d'erreur scientifique concluait rigoureusement le P Brucker, L'apologie biblique d'après Γencyclique INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 224! Prwldeniisiimus Drus, dans les Études religieuses, Paris, 1891, t. lxi, p. 515 sq. En effet, on ne convain­ cra jamais d’erreur scientifique un auteur qui prétend ne rien affirmer de scientifique ct qui fait abstraction de la science. On peut penser qu’il n’est pas au cou­ rant des choses dc la nature; on ne peut l’accuser d’er­ reur. Le P. Brucker ajoute que, tout en parlant comme leur contemporains, les écrivains inspirés n’ont pas pu croire nécessairement des faussetés. D’autres exégètes pensaient que ces écrivains n’en savaient pas plus que leurs contemporains, que Dieu n’était pas tenu de leur donner une révélation scientifique, ct qu’il a suffi que, sous l’action Inspiratrice, ils fissent abstraction des théories scientifiques dc leur temps, et qu’alnsi, ils fussent préservés dc toute affir­ mation fausse. Lagrange, dans la Revue biblique, 1895, p. 51-52; F. de Jluminckiucr, Exegelisches zur Inspirationslclirc, Fribourg-cn-Brisgau, 1901, p. 55-58. L’abbé Robert allait plus loin. Dans sa Réponse pré­ citée, p. 31, il écrivait; < Les assertions dc la Bible sur les choses dc la nature représentant les croyances scientifiques dc ccs époques reculées, sont généra­ lement erronées. ». Ccttc formule ne paraissait pas « parfaitement exacte» au P. Lagrange qui préférait dire: «Les allusions de la Bible aux choses dc la nature reflétant dans leurs termes les opinions dc ccs époques reculées, ne sont pas toujours conformes ù l’expression exacte dc la vérité scientifique. » Ibid., p. 55. Avec le Père Brucker, il avait excepté peut-être < l’histoire des origines » du c. Fr dc la Genèse, p. 50. Mais dans sa conférence sur la Notion de Γ Inspira­ tion d'après les /ails bibliques, lue à l’institut catholi­ que dc Toulouse, le 7 novembre 1902 ct publiée dans la Méthode historique, 2e édit., Paris, 1901, p. 71-109, le P. Lagrange, a été beaucoup plus précis. Ilseproposait dc constater, en lisant les Livres saints eux-mêmes, quel rapport l’inspiration a avec l’enseignement divin et quel est le mode dc cct enseignement, p. 72. Le rapport de l’inspiration avec renseignement divin est étudié à partir dc la page 88. Or, l’inspiration s’étend plus loin que l’enseignement religieux; elle s’étend à tout, même aux mots tandis que l’enseignement reli­ gieux n’est pas partout. On peut sc demander dès lors si le but dc l’inspiration est d’enseigner, et il semble bien au moins que cc ne soit pas son but immédiat. La vérité religieuse a été enseignée par Dieu au moyen de la révélation qui n’est pas nécessairement contemporaine dc l’inspiration. Celle-ci a pour but dc fixer ct de conserver une connaissance antérieurement acquise : le souvenir dc vérités antérieurement lévélécs ct des faits dc l’histoire qui permettent dc com­ prendre l’ordre ct la suite dc la révélation. Or, même dans l’ordre des vérités du salut, la doctrine n’est pas nécessairement parfaite, Dieu ayant résolu peut-être dc conserver la mémoire des dées Imparfaites qu’on avait sur la divinité dans un stage donné dc la révé­ lation. Toutefois, «il est impossible que Dieu enseigne l’erreur. 11 est donc impossible, non pas que la Bible où tout le monde prend la parole, contienne des erreurs mais que l’examen Intelligent dc la Bible nous force â conclure que Dieu a enseigné l’erreur, » p. 92. Or, la Bible n surtout pour but la vérité religieuse, ct tout cc que les auteurs sacrés enseignent. Dieu l’enseigne, ct cela est donc vrai. Mais qu’enseignent les écrivains inspirés? Ils n’ont pas toujours l’intention d’instruire au nom dc Dieu. On ne peut · pas considérer comme affirmation de Dieu ccq uc l’auteur récite ct ne sc soucie pas de prendre à son compte. Si l’enseignement reli­ gieux lui-même, qui est le principal, n’est pas toujours parfait, à plus forte raison en est-il ainsi dc ccs élé­ ments secondaires, qui ne figurent dans l’Ecriture que pour servir dc vêtement à la vérité, » p. 95. < Mais comment concilier ces expressions inexactes avec la PICT. DE THÉOL. CATHOU 2242 ■ dignité dc l’Esprit Saint? » p. 9fi. Ce pédagogue, ce prédicateur, pour instruire les hommes, a parlé comme le peuple, il a bégayé, il a épelé les mystères du ciel, il s’est appuyé sur des Idées fausses, tout en glissant dessus; mais il ne faut pas le charger dc tous ccs bégaiements ct dc toutes nos inconséquences. Des faits bibliques prouventqu’Hen a été ainsI.Toutefois, « Dieu n’enseigne rien dc faux, ne s’appuie sur rien dc faux comme élément essentiel de son enseignement. Il est libre de se servir de nos Idées scientifiques ou dc l’his­ toire comme d’un simple procédéde préparation, ainsi qu’il mènerait vos idées au point voulu par une com­ ’ paraison ou une parabole, » p. 101. Les apôtres ont pu se servir des idées des Juifs sur les sciences et l’histoire sans les rectifier, si ccttc manière d’ensclgner convient à Jésus lui-même, « pourquoi ne pas supposer le même procédé, lorsque l’enseignement divin est donné par un écrivain sacré quelconque? » p. 103. Léon XIII n répété < ccttc règle excellente » dont saint Augustin a fourni l’idée ct à laquelle saint Thomas a donné son expression lapidaire. Quand la Bible parle des phénomènes naturels selon les appa­ rences, elle n’est ni vraie, ni fausse. Les anciens au­ teurs n’en savaient pas plus qu’ils n’en laissent pa­ raître. Dc leur temps, personne ne soupçonnait le fait scientifique. En ces matières, les écrivains inspi­ rés n’émettaient pas dc proposition, qui fût vraie ou fausse. « Quand on s’en tient aux apparences, on ne juge pas au fond; il n’y a ni affirmation, ni négation; or la vérité ct l’erreur ne sc trouvent formellement que dans un Jugement formel, ■ p. 106. Donc, quand l’é­ crivain sacré n’en sait pas plus que les autres, dût-il en conséquence employer une expression matériellement fausse, il sc peut très bien que Dieu ne lui apprenne rien dc plus. » Ibid. Le progrès des sciences ecclésias­ tiques consistera à appliquer aux cas particuliers, se­ lon les exigences dc la critique, ce principe traditionnel que les écrivains sacrés parlent selon les apparences, p. 109. Dans la 4· conférence, application dc ccs principes était faite aux données scientifiques dc la Bible. Depuis l’échec du concordismc, il faut expliquer celles-ci par la science ancienne ; ct cette science est imparfaite, insuffisante, fausse même. Assurément Mais Dieu ne l’a pas enseignée. Non seulement il n’a pas révélé ccs données, il n’a pas même voulu que figurant dans la Bible, clics fussent présentées comme venant dc lui, dites par lui, dictées par lui. Lorsque les écrivains sacrés font allusion ù ccs theories. Ils suivent les appa­ rences. Voilà la parole libératrice, p. 137. Tous les catholiques l’admettent maintenant, après la parole dc Léon XIII, mais quelques-uns hésitent encore sur l’application. Le principe dc solution est applicable aux sciences comme Λ l’histoire, p. 144-115, où le langagedes apparences maintient dans la Bible des données matériellement fausses. La conclusion n’était pas expressément tirée ici; mais elle était tellement évi­ dente que dans un résume publie dans la Revue bi­ blique, 1903, p. 13G-137, ct assurément fidèle, on di­ sait ; « Il n’est pas rare qu’une opinion reçue dc tous soit reconnue comme fausse. » b) Reserve avait clé faitcduc. l Lc rédacteur du journal appliquait h cas aux récits bibliques, qui parieraient ainsi des Égyptiens ou des Assyriens, « quand il dit d’eux cc qui ·.c raconte autour de lui, ce que scs con- » temporoins ct lui-même tiennent pour vrai; mais il peut b en sc faire qu’au moment où il parle ct croit uin> s parole et la croyance d'où elle dérive corda lésa n elles des Égyp­ 2265 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2246 tiens ct des Assyriens. Par suite, une inscription trou­ Dans les notes ajoutées en 1903, à ses Études bi­ vée en Égypte ou en Assyrie ct qui contredirait un bliques, M. Loisy reconnaissait que Léon XIII, dans récit biblique ne prouverait rien contre l'espèce de l’encyclique Prouidentissimus Deus · affirmait avec vérité admise par le Saint-Esprit. » Le P. Lagrange autorité la doctrine traditionnelle de l’Église, qui a en­ rapprochait de ccttc théorie celle du P. de llumme- seigné simplement que la Bible est inspirée tout en­ laucr, 7n libros S amue lis, Paris, 1886, p. 451, d'après tière ct qu’elle ne contient pas d’erreur. » Au fond, laquelle les écrivains sacrés, dans l'histoire des Rois, l'encyclique n'a pas modifié l'état delà question théo­ sc seraient servis parfois de documents authentiques logique; elle n’a fait que la formuler clairement. < La ct auraient reproduit des chiffres exacts; mais, quand liberté de l’exégèse catholique n’a été ni augmentée, ils ont parlé suivant l'opinion des hommes ou selon ni diminuée par les déclarations pontificales, » p. 38, des documents moins authentiques, on ne saurait note 2. Nous dirons comment M. Loisy a usé de cette serrer d'aussi près les nombres qu’ils reproduisent,à liberté. Ajoutons seulement ici, que, selon lui, l'ency­ supposer que le texte n’ait pas été corrompu. A propos clique nous prémunissait contre la tendance qui porte de Γ encyclique, dans la Revue biblique, 1895, p. 53. Plus les critiques modernes A retrouver, dans chaque en­ loin, dans le même article, p. 58-59, rendent compte droit de l’Écriturc, toute la somme de vérité que l’on du Traité de la sainte Écriture de M. Didiot, voir plus est capable de connaître actuellement sur le point qui haut, col. 2161, il remar que une fols de plus, « depuis y est traité, comme si la Bible avait été écrite spéciale­ l'encyclique, la tendance à mettre l'histoire dans l’É- ment pour notre époque et comme si la science de criture sur le même rang que les sciences. Il ne semble notre temps était la règle immuable de la vérité. pas cependant, ajouta-t-il, que le souverain pontife Lc P. de I lummelauer de son côté, a interprété dans ait voulu les assimiler complètement en disant d’ap­ le même sens la transition, devenue célèbre, de l'ency­ pliquer les remarques relatives ù la physique aux scien­ clique ct il a appliqué à l’histoire et aux sciences appa­ ces de la nature, à l'histoire. » Il faudrait du moins, rentées les trois principes de solution que Léon XIII avec M. Didiot, distinguer l'histoire profane de l’his­ avait exposés au sujet des sciences physiques et natu­ toire sacrée. relles, à savoir que le but divin de l'inspiration est de En 1902, le P. Lagrange est plus affirmatif. Dans la nous instruire des choses du salut plutôt que des scien­ conférence analysée plus haut, il met résolument l’his­ ces profanes, que les expressions des écrivains sacrés toire sur le même rang que les sciences physiques et, sont accommodées à l'intelligence des contemporains, à deux reprises, La méthode historique, p. 104 et 106, ct par suite conformes aux apparences et au langage il reconnaît que le Saint-Père, dans une toute petite populaire, enfin que dans les matière scientifiques, les phrase, dit « que le même critérium devait s’appliquer exégètes catholiques ne sont pas tenus d’adopter les à l'histoire.» lise plaît à réciter cette règle, tracécpar explications des Pères, mais gardent la liberté de pro­ le P. Comely interprétant la parole de saint Augustin, poser de nouvelles interprétations. Exegclisches zur que Léon X111 a prise pour guide au sujet des sciences Inspirations!rage, dans Btblische Sludien, Fribourgphysiques. Mais l'illustre exégète de la Compagnie en-Brisgau, 1904, t. ix, fasc. 4, p. 50-54. de Jésus ne parle que de la chronologie ct de l'histoire Lc P. Bonaccorsl, Questione bibliche, Bologne 1904, profane et sacrée, comme si elles avaient été voulues p. 103, donnait le même sens A l'encyclique pontificale. directement ct dans leur entier par le Saint-Esprit. Par suite, il pensait que la direction et l'assistance du Introductio generalis, 3· édit., Paris, 1894, p. 603-604. Saint-Esprit, souvent ignorées de l'hagiographe, nw C’est cc compendium d’histoire sacrée et profane, que changeaient pas la nature des choses. A priori, il no Dieu n’a pas voulu donner aux hommes, parce qu’il répugnerait pas que l'assertion de l’hagiographe, dans n’était pas utile au salut Aussi Comely qui a admis des choses purement profanes, pût, nonobstant celte 1* inerrance biblique, ibid., p. 595-597, recommandait direction ct cette assistance, être objectivement erro­ seulement aux critiques modernes de n’avoir pas une née. De fait, il est vrai, la tradition constante de l’Ési grande confiance dans les systèmes chronologiques glise nous assure la pleine véracité des Livres saints. ct historiques qu'ils bfitissaient eux-mêmes, d'après Le théologien ct l'exégète catholique doivent donc des chiffres ct des textes, qui ne nous sont pas par­ tenir comme théologiquement certain que l'erreur ne venus sans de nombreuses altérations. Il n'est pas peut sc rencontrer dans les livres inspirés, ct si la question d’expressions bibliques, qui seraient maté­ véracité de la Bible était un jour définie de foi catho­ riellement fausses. Lc point de vue du jésuite était lique, ils devraient condamner comme une hérésie le donc tout différent de celui du dominicain. refus d'ajouter foi à une affirmation proprement dite La 6e conférence de Toulouse appliquait ces prin­ des écrivains sacrés. Cc nonobstant, ccttc affirmation cipes à l'histoire primitive, p. 183-220. demeura toujours entitativcinent humaine et elle ne En 1903, dans scs Études sur saint Jérôme, Bruxelles- pourra par conséquent Jamais être objet direct et imméParis, p. 154, dom Sanders ne citait encore du P. La­ dial de foidivinc. Ibid., p. 250 sq. Cette explication ne grange quc la reniarqucdc la Revue biblique, 1895,p. 38, parait pas absolument conforme Λ la tradition ecclé­ Il ajoutait : · 11 faut donc discerner ce qu’affirme l’Écri- siastique, ct elle laisse place ù la possibilité de l'erreur turc sainte en matière d'histoire. 11 est nécessaire de dans les assertions entitati venient humaines des hagio­ savoir si les auteurs sacrés ont rapporté un fait histo­ graphies. Cf. Revue biblique, 1905, p. 288-289. LcP. Lagrange, pour revenir à lui,proposaiten faveur rique, ou si, sous une formemétaphorique, ils ont voulu donner quelque enseignement. Lorsqu'ils ont fait de de son sentiment un autre argument, tiré du témoignage l'histoire. Il faut examiner s’ils veulent affirmer la vérité de saint Jérôme sur la façon dont les faits historiques du faithistorique, avec toutes ses circonstances, ous'ils sont souvent racontés dans la Bible suivant l'opinion nous le relatent tel qu'il est connu par la tradition. commune du temps ct non juxta quod rei veritas conti­ 11 est vrai, toutefois, que Je sens des Livres saints nebat. La méthode historique, ρ. 107-108. InJer., xxvni, s'étend par l'allégorismc, ct que la vérité historique 10, L xxiv, col. 855. Lc P. Cornely, auquel cette étant sauve, il convient d'interpréter le texte d'une citation était empruntée, op. cil., p. 604, en concluait manière spirituelle, » p. 154-155. Puis 11 prouve que seulement qu'il ne fallait pas interpréter ces passages saint Jérôme fait toujours précéder l’interprétation de rÉcriture, selon l'état actucldcs sciences historiques, spirituelle de l’Écriturc de l’explication historique, mais conformément ù l’intention qu'avaient eue les p. 155-161. Nous verrons que, selon dom Sanders, écrivains sacrés en relatant ces faits : règle d'exégèse saint Jérôme n'admettait pas l'inexactitude appa­ qui, bien appliquée, aurait écarté beaucoup de difficul­ rente de certains faits bibliques. tés d’interprétation, par la considération du langage 2247 INSPIRATION DE L'ÉCRITURE vulgaire ct de l’opinion du temps. Le P. Comely ne reconnaît pas d’erreurs, même purement matérielles, dans les nombreux passages de l’Ecriture, où les hngiogmphes ont parlé suivant Je langage et l’opinion corn· munedu temps où ils écrivaient. Le P. Lagrange en tirait une règle différente d’interprétation : « Qu’cst-cc à dire, si cc n’est que les récits historiques, ceux memes qui ont pleine ment le caractère de l’histoire, ne doivent pas être compris d’après la science de Dieu, qui sait tout, mais d’après l’horizon de l’homme, qui est borné, ct que,quand l’écrivain sacré n’en sait pas plus que les autres, dùt-il en conséquence employer une expres­ sion matériellement fausse, il sc peut très bien que Dieu ne lui apprenne rien de plus. » Ibid.,p. 108. Le témoignage en question de saint Jérôme avait été rendu ù propos du ti tre de prophète donné à Anania par Jérémie, Jcr.,xxviii, 10sq., qui ne lui reconnaissait pas une mission divine. La vérité est sauvée, concluait Jé­ rôme puisque le fait est énoncé non selon la réalité, mais tciqu’ilétaitgénéralcmcntcruàccite époque.On aurait pu citer d’autres exemples. Dom Sanders les rassem­ bla dans ses Éludes sur saint JMmt, p. 161-162, comme exemples de l’inexactitude apparente de certains faits bibliques. · Jérôme répète, dit-il, que les auteurs sa­ crés sc sont conformés souvent ù la façon de parler du vulgaire, n’élaguant pas les circonstances erronées dont le peuple entourait ces faits, mais les rapportant tels quels. » Ainsi encore, dans les Evangiles, Joseph est appelé le père de Jésus, même par Marie, Luc. n, 40, qui pourtant noenaissait la conception virginale de son enfant. Sauf un petit nombre, tous les autres esti­ maient que Joseph était le père de Jésus, et les évan­ gélistes ont exprimé l’opinion du vulgaire quæ vera his­ torice lexest. Cont. Helvidium, i, 4, P.L., t. xxm,col. 187. A propos de la tristesse qu’IIérode manifesta de la dé­ collation de saint Jean-Baptiste et que saint Jérôme pense être non réelle, mais feinte, il dit : Consuetudinis Scripturarum est ut opinionem mullorum sic narret historicus quomodo eo (empore ab omnibus credebatur, ln Matth., xiv, 8, t. xxn, coi. 98. Saint Jérôme ad­ mettait encore que les apôtres et écrivains du Nou­ veau Testament sc servirent de récits, tirés de la ver­ sion des Septante ct répandu chez les Gentils, quoique ces récits ontinssent des erreurs, comme le discours de saint Étienne. Act. vu. Liber quæslionum hebraicarum in Genesim, t. xxm, col. 1001. Dom Sanders, op. cil., p. 162-163. Suivant la remarque faite dans la Revue biblique, 1903, p. 636, dom Sanders opinait contre M. Poeb, (prêtre hollandais, dont je ne connais l’ouvrage que par le titre : Crdiek en traditie, of de Üybel voor de Roomschen, Anvers.) que, dans les passages où les écrivains sacrés relataient des faits tels que la tradi­ tion populaire les admettait et où 11 reconnaissait luimême des « inexactitudes », < le saint docteur ne sup­ posait pas une erreur matérielle dans l’esprit » de ces écrivains. Le rédacteur de la Revue ajoute, p.636-637 : < Il est certain que saint Jérôme a fait son possible pour résoudre les difficultés proposées sans jamais accuser l’écrivain d’erreur, mais il n’a pas dit non plus que l’écrivain qui relatait une tradition populaire, était mieux éclairé que les autres ct les laissait volontaire­ ment dans l’erreur. 11 s’est préoccupé surtout de dé­ fendre les apôtres et les disciples du Christ, auxquels on attribuait une science suréminente; quant aux autres cas, il les laisse volontiers sans les résoudre, ce qui était aussi une manière d’exprimer sa pensée. > Ainsi, cc n’était pas saint Jérôme qui admettait des erreurs dans la Bible; cc sont les modernes qui ex­ pliquent ainsi les passages dont 11 a défendu ou présu­ mé la véracité. Voir encore Chr. Pesch, De inspiratione sacræ Scripturæ, p. 532-536. Ces vues nouvelles sur l’existence d’erreurs, au moins 2248 [ matérielles dans les textes authentiques de la Bible. • furent discutées par plusieurs jésuites. Le P. A. Delat­ tre ouvrit le feu dans un assez fort volume très touffu ct très diffus : Autour de ta question biblique, Liège. 1904. Il examine successivement les deux arguments, tirés l’un de l’encyclique Providentissimus Deus, l’au­ tre des témoignages de saint Jérôme. Par une analyse exacte de la m· section : La défense des Livres sainh de la IIe partie : Méthode pour les eludes bibliques de l’encyclique, il montre que les subdivisions de ccttc section sont nettement marquéesdans le texte ponti­ fical par les mots : primum, secundo, deinde. Or, la fameuse transition qui relie la troisième subdivision concernant l’histoire ct les sciences connexes à la seconde qui traite des sciences physiques, signifie seulement : « Ensuite certains principes précédem­ ment formulés concernant les rapports de la Bible avec les sciences de la nature pourront s’appliquer aux sciences voisines, notamment ù l’histoire. > Cette transition porte sur l’ensemble des deux subdivisions, et non pas sur les dernières considérations de la dé­ fense des Livres saints contre les attaques des physi­ ciens et des naturalistes. Or, même dans celles-ci, le souverain pontife, en parlant des apparences sen­ sibles d’après lesquelles les écrivains sacrés exposent d’ordinaire les phénomènes physiques, n’a pas admis que cc langage fût erroné. Si donc sa transition avait le sens exclusif qu’on lui donne, elle ne signifierait pas que les faits historiques racontés eux aussi selon les apparences, pourraient être erronés. Le patronage de saint Jérôme invoqué en faveur de l’existence d’er­ reurs au moins matérielles dans les récits historiques, où les faits sont rapportés conformément aux opinions des contemporains, est rejeté par une longue exégèse des passages, cités par dom Sanders. Saint Jérôme n’admet pas d’erreur de la part des écrivains sacrés qui relatent ainsi ces faits ct s’il a cru feinte la tris­ tesse qu’IIérode ressentit de la décapitation de saint Jean-Baptiste, saint Matthieu ne l’a pas pensé ct il a simplement narré cc qu’admettaient tous les contem­ porains. Il n’a donc pas commis d’erreur, en disant que tous avaient alors la conviction que la tristesse du roi avait été réelle. Quant au discours de saint Étienne, Jérôme l’attribue ù l’auteur des Actes, qui a suivi la version des Septante ct qui, malgré la différonce des chiffres dans les texte hébreu ct grec, n’a rien dit de faux. En fait, tout cela est affaire d’exé­ gèse, ct l’interprétation des passages signalés exclut toute erreur des auteurs bibliques. D’autres Jésuites abondèrent dans le sens du P. Delattre ct déclarèrent que ni l’encyclique Providen­ tissimus Deus ni saint Jérôme ne favorisaient l’admis­ sion d’aucune erreur, fût-elle purement matérielle, dans les textes authentiques de la Bible. Voir L. Mu­ rillo, Critica y exegesis, Madrid, 1905; L. Fonck, Dtr Kampf um die Wahrheit der heiligen Schri/t seit 25 lahren, Inspruck, 1905. Voir encore. Chr. Pcsch, De inspiratione sacræ Scripluræ, Fribourg-cn-Brisgau, 1906, p. 519-528. Le P. Lagrange ct dom Sanders répliquèrent, chacun pour sa part, au P. Delattre. Dans un Éclair­ cissement sur la méthode historique à propos d'un livre du R. P. Delattre S. J., Paris, 1905, qui n’a pas été mis dans le commerce (Bibliothèque nationalcde Paris, A. 21843), le premier reprend, pour lescxpliqucrlesdcux arguments empruntés, l’un à l’encyclique Providen­ tissimus Drus, l’autre ù saint Jérôme. Si l’on étudie le fond, le contex te, le style ct la grammaire, LéonXI II n’applique pas lui-même aux sciences voisines les règles qu’d a tracées relativement aux sciences na­ turelles; Il s'adresse aux catholiques, ct 11 leur dé­ clare αν 1 s» rn utile d’appliquer x\ ces sciences voisi­ nes, notamment à l’histoire hæc ipsa, cette méthode. 2249 INSPIRATION DE L'ÉCRITURE Sa phrase n’est pas une transition; c’est une recom­ mandation, p. 7-18, Cette recommandation a des points d’attache dans la tradition ecclésiastique. Les Pères, il est vrai ont affirmé unanimement ct sans aucune hésitation que la Bible ne contenait aucune erreur, mais Ils ne la considéraient pas comme livre d'histeire; ils la considéraient comme livre Inspiré, qui contenait un enseignement divin. Ils n’admet­ taient pas qu’une erreur fût Imputable ù l’écrivain sacré ct ù Dieu ; mais ils ne se souciaient pas au même degré d’établir la réalité des faits scientifiques ou historiques, énoncés par les auteurs sacrés sous les apparences extérieures, pourvu que l’écart entre les faits ct leur expression pût ètre justifié. Plusieurs re­ couraient à l’allégoi isinc. Le principe libérateur fut posé par saint Jérôme. Le problème en effet, est celuici : Etant donnée la véracité de l’Écriture, comment faut-il expliquer certains phénomènes bibliques? S’il n’y a pas d’erreur formelle, y a-t-il erreur matérielle? S’il y a erreur matérielle, quelle explication peut-on en donner? Saint Jérôme a déclaré que certains faits étaient racontés secundum opinionem mullorum vulgi illius temporis, il a dit qu’en rapportant l’opinion d’autrui, on n’en fait pas nécessairement son opinion personnelle; c’est la loi de l’histoire. La chronologie est-elle Inspirée. Littera occidit, dit saint Jérôme. Les chiffres n’ont pas une exactitude diplomatique. Par­ fois un nom a été mis pour un auLrc, etc., p. 12-60. Au sujet de l’histoire antérieure à Abraham, le P. La­ grange affirmait l’incrrance de la Bible, non celle des écrivains sacrés. Il ne lui importait pas de savoir ce que ces écrivains croyaient en leur particulier, il Importe seulement de constater ce qu’ils enseignent, ce qu’ils affirment. 'Près souvent, le plus souvent, la réalité des faits énoncés sert de base à l’histoire reli­ gieuse. Mais le contraire peut être vrai, dans les para­ boles et les allégories, par exemple. D’autres fois, le rapport des faits avec renseignement peut être très éloigné ct très général. Il faudra voir si l’auteur a attaché une importance décisive à la réalité des faits. Comment juger de son intention? Nous le croirons quand il voudra être cm, mais ne supposons pas tou­ jours qu’il veut être cru. Nous jugerons qu’il veut être cru, lorsqu’il raconte un fait qui va directement à son thème, un fait dont la réalité sert de base à son enseignement, un fait grave dont on savait qu’il avait pu être attesté, transmis, surtout s’il s’agit d’un fait révélé, car ce sont ces faits que l’écrivain a ù cœur. 11 ne veut pas être cm sur les faits, q uand il expose une parabole, raconte une histoire édifiante ou prophé­ tique. 11 laisse au lecteur ù juger, quand il s’agit de faits, dont tout le monde sait qu’ils sc perdent dans la nuit des temps, ou qu’il emprunte ù l’opinion com­ mune sans la garantir autrement. Ce canon objectif adopté, nous n’avons pas Λ sonder le plus ou moins de crédulité naturelle de l’auteur. Encore une fois, cequl importe ce n’est pas cc qu’il a cru, mais cc qu’il n voulu que nous crussions. 11 peut arriver cependant par suite de certaines façons de son style, que nous constations clairement qu’il était, pour son compte, dans l’erreur, mais dans une erreur, que, grâce à l’ins­ piration, il ne nous a pas enseignée formellement. Cela paraît tout à fait élémentaire, p. 68-70. L’exégète peut donc constater, dans la Bible, des erreurs pure­ ment matérielles, que les écrivains sacrés ont laissées / sans les corriger, mais qu’ils n’ont pas enseignées. Dom Sanders, de son côté, répondit au P. Delattre, nous l’avons déjà constaté, col. 2248, que saint Jérôme tout en reconnaissant que les auteurs inspirés par­ laient parfois, ordinairement même, selon les opinions du temps, pensait qu’ils n’avaient cependant jamais commis d’erreur. Revue biblique, 1905, p. 281-287. Le saint docteur n’a donc pas partagé le sentiment 2250 de quelques exégètes modernes. Tl leur a seulement fourni < le principe libérateur. » Beconnaltre dans la Bible l’erreur matérielle mais non formelle, c’est affaire d’interprétation. L’interprétation nouvelle est-elle légitime, et le critère objectif, proposé par le P. Lagrange, est-il fondé? Toute la question est là. Dans un compte rendu de i’ouvrage du P. Fonck, le P. Lagrange est revenu encore, sur le sujet de Γ iner­ rance biblique. Les Pères ct Léon XIII dans son ency­ clique ont affirmé la vérité ou la véracité de l’Écriture comme une conséquence de l’inspiration. Cette affir­ mation doctrinale s’impose à tous et pour sa part, le P. Lagrange sc refuse à distinguer théoriquement entre les dogmes ct les faits. 11 ne restreint donc pas l’inspiration ni le champ de la véracité qui est la consé­ quence logique de l’inspiration. · Plus la véracité de l’Écriture est entière dans le sens de l’étendue, plus il importe de préciser les cas où il peut vraiment être question de vérité ou de véracité, c’est-à-dire où Dieu par l’écrivain sacré nous enseigne quelque chose. Et cet enseignement doit toujours être juge d’après le caractère même de l’ouvrage qu’il s’agit d’interpréter. Car, si l’on parle spéculativement ct dogmatiquement de la véracité de l’Écriture, il ne peut être question d’une vérité particulière y contenue sans qu’on entre nécessairement dans la sphère de Γinterprétation. » C’est sur cc principe que sc sont appuyés les prétendus novateurs. Il est sans doute conditionné aux genres littéraires par exemple,'légendes ou traditions popu­ laires rapportées. Or, la tradition des Pères n’est pas à invoquer pour l’interprétation de l’Écriture. 11 faut donc toujours distinguer entre l’affirmation tradition­ nelle de la véracité de l’Écriture et Γinterprétation de celle-ci. « La decision pontificale n’empêche pas plus de reconnaître en fait une tradition populaire non enseignée qu’un énoncé scientifique ne correspon­ dant pas à la réalité des faits. » La vérité entière de l’Écriture, c’est la vérité formelle. Il est permis, en respectant ccttc vérité, de se demander si tout ce qui paraît être de l’histoire est bien de l’histoire. Sur ce point l’interprétation des Pères, même unanime, ne s’impose pas, ù moins qu’un dogme ne soit en Jeu. Revue biblique, 1906, p. 151-15*3. Puisque sur les faits historiques, les écrivains sacrés n’ont pas reçu de révélation, ils ont donc été réduits aux traditions hé­ braïques; celles-ci, peuvent-elles prétendre à représen­ ter exactement les faits depuis Adam pour le fond ct pour les détails? P. 156. Il est difficile de le penser. L’erreur peut donc se rencontrer en elles, mais clic n’est que materielle; elle n’est pas for­ melle, puisqu’on les rapportant les écrivains sacrés n’ont rien voulu enseigner. Si liberté est laissée aux exégètes catholiques de choisir entre les interpréta* tions des Pères et même d’en proposer une nouvelle, si l’histoire biblique n’est pas complète ni parfaite, est-il loisible de l’interpréter de façon à laisser place ù des erreurs, même purement matérielles, dans les textes authentiques de la Bible? M. J. GÔtsbcrger, professeur ù Munich, dit son senti­ ment sur la polémique dans un article intitulé en français: < Autour delà question biblique », quoiqu’il fut rédigé en allemand dans la Biblische Zeitschrift, Fribourg-cn-Brisgau, 1905, L ιπ,ρ. 225-250. Il traita de l’incrrance biblique en matière scientifique ct historique. Pour donner aux hommes sou enseigne­ ment, Dieu s’est accommodé aux idées du temps auquel il s’adressait. Depuis l’encyclique Providentissimus Deus, on ne peut plus contester que les écri­ vains sacrés ont décrit les phénomènes naturels d’après les apparences extérieures de sorte que leurs paroles ne seraient pas seulement justes relative­ ment, mais qu’elles ne seraient pas justes au point de vue objectivement scientifique. Les exégètes progrès- 2251 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE sistes s'appuient sur fencydiquc pour appliquer cc principe à l'histoire ct aux autres sciences. Leurs adversaires pourraient bien avoir r.’.ison contre eux, car l'encyclique ne le dit pas expressément. Mais l'application du principe à l’histoire scientifique va dc soi et par suite l'affirmation dc la valeur relative des énoncés scientifiques. · Cc serait un caprice dc restreindre la relativité à la connaissance de la nature. » Le langage selon les apparences est dc tous les temps, parce qu'il est conforme à la nature humaine, mais il s'étend à tous les genres dc connais­ sance, et il faut lesupposerdans tout genre dcdiscours. Dieu a laissé les écrivains sacrés l’employer pour qu'ils fussent compris dc leurs contemporains ct de tous leurs lecteurs. Cc langage sc rencontre donc dans beaucoup de pages de la Bible. Dieu aurait pu dicter une Écriture plus parfaite; mais telle qu’elle est avec ses imperfections actuelles, l’Écriturc est digne dc lui ; Dieu a bien créé un monde imparfait. L’accommoda­ tion des Livres saints nu sens apparent, Λ la manière de comprendre la nature, aux idées du temps,quelles que soient leurs imperfections ct leurs inexactitudes, n'est pas incompatible avec la dignité de la parole de Dieu. Par suite, une plus grande liberté d’inter­ prétation est laissée aux exégètes. L’encyclique Providentiss imus Deus affirme l’inerrancc complète de l’Écriture, ct pourtant clic admet le langage conforme aux apparences. Les deux choses ne sont donc pas incompatibles, p. 214-250. Cf. Revue biblique, 1905, p. 622-623. Dans un compte rendu dc l’ouvrage du P. Fonck, M. Norbert Peters, dc Paderborn, a trouvé l’explica­ tion du P. dc Hummcauler plus juste que celle de M. Gôttsbergcr. Léon XIII applique directement Λ l’his­ toire profane les quatre principes qu’il a établis pour l'interprétation des phénomènes naturels dans la Bi­ ble. 11 y a, d’ailleurs, une analogie entre ces phéno­ mènes ct les faits historiques racontés selon les appa­ rences extérieures. Theologische Revue, du 31 janvier 1906, col. 46-48. De son côté, le P. Prat étend aux sciences histo­ riques les principes admis pour les sciences dc la na­ ture. · L'analogie nous y invite ct l’encyclique pon­ tificale semble nous y autoriser ». La Bible et Γ histoire, Paris, 1904, p. 27. Celte analogie avait été expliquée plus clairement par M. Pocls, professeur à l'Univcrsité catholique dc Washington, dans The catholic University bulletin, Janvier 1905, p. 59-60. Les trois principes, que Léon XIII avait énoncés dans l’encyclique Providentissimus Deus au sujet des choses dc la nature s’appliquent aussi ù l'histoire. Dans les deux cas, l’auteur parle le langage de son temps. L'auteur d’un livre quelconque doit nécessairement dans sa manière dc parler des questions scientifiques suivre les opinionsdcson temps, s'exprimer dc façon que scs contemporains puissent le comprendre ct dans les termes auxquels lis sont habi­ tués. Ses affirmations, impliquées dans les expressions de sa génération, ne sont pas des affirmations person­ nelles, celles des écrivains inspirés comme tels, mais celles de leur temps; elles représentent les opinions dc leur génération. Appliquant ces principes à l’his­ toire, il faut dire que Dieu n'a pas voulu enseigner les choses historiques, qui ne sont d’aucune utilité pour le Sidut; que l’interprétation des Pères dans des ma­ tières purement historiques n'alfccte en rien la liberté des exégètes catholiques modernes ; que le terme (ransterri, appliqué au principe :ra secuti sunt quæ sensibili­ ter apparent, ne doit pas naturellement être entendu d'une façon mécanique. « Dans les matières histo­ riques, les témoins oculaires sont les plus hautes auto­ rités. Neanmoins, la distinction entre « apparence ex­ térieure » cl réalité dans l’histoire est claire. C’est la 2252 distinction entre les faits ct événements ct les tradi­ tions ou sources. Au temps des historiens bibliques, les faits eux-mêmes qu’ils rapportent, ou du moins un grand nombre, d'entre eux, avaient disparu depuii longtemps. Ils ne pouvaient les percevoir, si cc n’est au moyen dc sources écrites ou de traditions orales, qui sont les « apparences sensibles » dc la réalité historique. Cc principe de l'encyclique appliqué à l'histoire n’est autre chose que cc que saint Jérôme nommait la loi dc l'histoire. » Avant de reproduire la traduction de cc passage, la Revue biblique, 1905, p. 452-453, l’inlcrprélait en ces termes : « Personne n'a songé à transporter dans le domaine dc l’histoire une métaphore (celle des apparences) cjui ne lui sied pas. Ses phénomènes affectent la vue ct constituent une apparence; l'historien écrit d'après le témoi­ gnage : ici il n'y a plus, du moins en général, d'ap­ parences proprement dites. Du sens de la vue on passe à celui dc I’ouie; entre les deux lumières, il y a certainement analogie mais il a fallu tout le parti prit d’une critique passionnée pour prétendre qu’un exé­ gète quelconque ait prétendu que toute l’histoire bi­ blique était écrite selon les apparences. · C’était ù peu près abandonner l'expression « apparences sen­ sibles > même appliquée à une partie seulement de l'histoire biblique, expression d'ailleurs fort impropre etque Léon XIII n’avait pas employée, même indirec­ tement, au sujet dc l'histoire. La polémique sur les prétendues « apparences sen sibles » de 1'histoirc biblique, qui avait été si vive en 1904 et en 1905 cessa, si on omet la réponse tardive du P. Delattre à V Eclaircissement du P. Lagrange : Le critérium de ta nouvelle exégèse biblique, Liège, s. d. (1907). La commission biblique avait résolu néga­ tivement la question, dans son décret du 23 Juin 1905. Au doute ainsi posé : Utrum admitll possit tanquarn principium reclw exegeseos, sententia, quæ tenet sacræ Scripturæ libros qui pro historicis habentur, sive totali­ ter sive ex parte non historiam proprie dictam et objec­ tive veram quandoque narrare, sed speciem tantum historiæ præ sc /erre ad aliquod significandum a proprie litterali seu historica verborum significatione alienum? elle répondit: Negative, excepto tamen casu,non jacile seu temere admittendo, in quo, Ecclesiæ sensu non retra­ çante, ejusque salvo judicio, solidis argumentis probatur, hagiographum voluisse non veram cl proprie didam historiam tradere, sed sub specie ct forma historic parabolam, allegoriam, vel sensum aliquem a proprie litterali seu historica verborum significatione remotum proponere. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1980; Ca vallem, Thesaurus, n. 104. L’histoire biblique < selon les apparences » avait vécu. Aucun exégète « progressiste », à ma connais­ sance du moins, ne chercha plus à indiquer quelque passage historique dc la Bible qui remplit les conditions posées par la Commission biblique. II ne restait plus qu’à discuter les trois arguments, que les tenants dc l’histoire biblique · apparente » avaient invoqués en faveur dc leur sentiment. Le P. Brucker l’avait fait avant la décision de la Commission biblique. L'Église et la critique biblique, p. 54, 65. Le P. Chr. Pesch a ré­ futé cette opinion par morceaux : en expliquant que la vérité dc l’Écriture est avant tout logique ct con­ forme à la vérité objective dc cc que les hagiographes ont compris et voulu écrire. Dc inspiratione sacræ Scripturo, p. 503 501 ; qu'il y a une différence entre les phénomènes de la nature ct les faits historiques, où 11 Interprète l.i fameuse transition de l'encyclique Providenti iimus Dey,, eu ce sens qu'il faut résoudre les objections tiré- sde ! histoire, comme le pape a dit dc résoudr · les difficultés provenant des sciences phy­ sique , < > dire sans restreindre nullement l'insP* on b ) .que, p. 519-528; enfin, en prouvant que 2253 , INSPIRATION DE L’ECRITURE certains Pères, entre autres saint Jérôme, n’ont pas ad­ mis dans la Bible des récits qui n’étaient pas vraiment historiques, p. 532 538, Le P. Durand a exposé et discuté avec précision ces arguments d’abord, celui qui a été mis en avant le dernier ct qui est tiré de l’a­ nalogie des matières. Des sources non critiques ne donnent-elles que les apparences des faits et, s'il peut arriver que les apparences renferment la réalité des choses, ne peut-il se faire aussi qu'elles ne le représen­ tent pas ou ne la représentent qu'imparfaitement? Bien plus, certains événements, comme ceux de l’his­ toire primitive n’échappent-ils pas depuis longtemps au contrôle dc la critique, ct l’historien sacré ne doit-il pas se contenter de la forme concrète qu'ils ont prise dans la tradition humaine, comme il l’a fait pour les choses dc la nature? Mais entre ces deux ordres dc choses, il y a trois différences principales. Les notions d'histoire naturelle ne sont pas doom es dans la Bible pour elles-mêmes comme si renseignement divin, auquel elles sont mêlées dépendait dc leur vérité ob­ jective. Les faits historiques en général, surtout ceux qui appartiennent â l’histoire religieuse sont direc­ tement affirmés par les écrivains sacrés qui, en les rap­ portant, ont l’intention de les attester, bien que les faits dc l’histoire profane soient relatés en vue du but religieux, qui est le principal. SI, en second lieu, la réa­ lité objective des phénomènes de la nature, n'a, dc soi, aucun rapport avec l’économie du salut, l'histoire sainte n’est que le récit des Interventions de Dieu dans l’œuvre dc la rédemption du genre humain. Enfin, tandis que ni l’Écriture ni l’Église ne proposent à notre fol un seul des phénomènes naturels, relatés dans la Biblc,bcaucoup dc faitshistoriques sont proposés dans les Évangiles, par exemple, et dans les symboles ecclé­ siastiques s’imposent à la foi des chrétiens. Sans doute, ils ne sont pas dc foi, en tant qu'ils sont du domaine de l’histoire, mais bien dans leur rapport avec la reli­ gion, car leur réalité historique est inséparable dc la vérité religieuse dont ils sont le support nécessaire. Le rapport entre les uns ct les autres n’a pas toujours la même importance religieuse ; il est néanmoins réel. Bien que les faits dc l'histoire ne rentrent pas par euxmêmes, per se, dans l’objet de la révélation chrétienne, ils en font partie per accidens, entant qu’ils sont ratta­ chés à la vérité religieuse. Devenus ainsi l'objet secon­ daire dc l’inspiration, ils ont été relatés sous l'influence dc cette action divine ct Ils participent dès lors à l’inerrancc, qui en est l'effet nécessaire. Quant ù saint Jérôme, 11 a tracé une règle d’interprétation, qui per­ met aux exégètes dc fixer le degré d’exactitude dc quelques faits, relatés dans la Bible, ct les exégètes ont, à l’occasion, appliqué ccttc règle. Saint Jérôme d’ailleurs n’a pas reconnu d’erreur dans les passages bibliques, où les faits sont racontés selon l'opinion dutemps. Le P. Durand estimait enfin que la phrase de Léon XIII, jetée à la dérobée, était grosse dc consé­ quences, qu'elle a été exagérée en sens contraires et que le problème cxégêtiquc qu'elle soulève n’est pas encore complètement élucidé. Voir Inerrance biblique, dans le Dictionnaire apologétique de la fol catholique, t. π, col. 77G-779. Pour mon compte personnel, j'ai toujours pensé, ct j'ai manifesté plusieurs fois par écrit cc sentiment, que l'analoglccntrc Icsapparencesscnsiblesdesphênoinènes delà naturect des faits historiques était forcée, que saint Jérôme, sans avoir ni excédé dans l’expression, ni usé dc concessions oratoires, avait simplement dit que les faits, rapportés secundum opinionem temporis, vrais ou faux en eux-mêmes, avaient été vraiment estimés par les contemporains, tels qu'ils avaient été racontés; enfin qu'on avait attribué ù la phrase dc l’encyclique une portée qu'elle n'avait pas dans l'intention du pape ct qu'elle ne pouvait pas avoir, 2254 car l'interprétation qu’^n en donnait était en contra­ diction formelle avec l'inerrance complète, que Léon XIII avait expressément et énergiquement re­ vendiquée comme un effet nécessaire de l’inspiration. Ccdcmicrargumcntdcscxégètes «progressistes», que le P. Durand déclarait cncoren*êtrepas«uncpure affaire dc mots », aétédiscutépar Benoit XV, dans l’encyclique Spiritus Paracldus du 30 septembre 1920. La doctrine de l’Église sur l’inerrance de la Bible, doctrine confir­ mée par saint Jérôme ct les autres Pères, est méconnue, dit le pape, par ceux qui pensent que les parties histo­ riques des Écritures s’appuient non sur la vérité absolue des faits mais sur la manière générale et populaire de penser » (des contemporains des faits). « Ils ne craignent pas de sc réclamer, pour soutenir ccttc théorie, des paroles mêmes du pape Léon XIII, qui aurait déclaré qu'on peut transporter dans le domaine dc l'histoire les principes admis, en matière de phénomènes naturels. Ainsi, de meme que, dans l'ordre physique, les écri­ vains sacrés ont parlé suivant les apparences, de même, prétend-on, quand il s’agissait d'événements qu’ils ne connaissaient pas, ils les ont relatés tels qu’ils paraissaient établis d’après l’opinion commune du temps ou les relations inexactes d'autres témoins; en outre, ils n'ont pas mentionné les sources dc leurs informations ct ils n’ont pas personnellement garanti les récits empruntés à d’autres auteurs. A quoi bon réfuter longuement une théorie Injurieuse à notre pré­ décesseur en meme temps que fausse ct pleine d’er reurs? Quel rapport y α-t-il en diet, entre les phéno­ mènes naturels ct l’histoire? Les sciences physique? s’occupent des objets qui frappent les sens et doivent dès lors concorder avec les phénomènes tels qu’ils paraissent, l’histoire, au contraire, écrite avec des faits, doit, c’est sa loi principale, cadrer avec ces faits tels qu'ils sc sont réellement passés. Comment, si on admettait la théorie dc ces auteurs, sauvegarderait-on au récit sacré cette vérité pure dc toute fausseté, à la­ quelle noire prédécesseur déclare, dans tout le con­ texte dc sa lettre qu’il ne faut pas toucher? Quand II affirme qu'il y a intérêt ù transporter en histoire et dans les sciences connexes les principes qui valent pour les sciences physiques, il n'entend pas établir une loi générale et absolue; il Indique simplement une mé­ thode uniforme à suivre pour réfuter les objections fallacieuses des adversaires ct défendre contre leurs attaques la vérité historique dc la sainte Écriture. » Après ccttc réfutation des arguments tirés de l'en­ cyclique Providentissimus Deus ct dc l'analogie entre les faits historiques, ct les phénomènes naturels, Benoît XV montre que le patronage dc saint Jérôme ne peut être revendiqué par les partisans de la théorie des apparences historiques. Après avoir Indiqué les références aux trois passages de saint Jérôme cités par eux en faveur dc leur sentiment, Benoit XV ajoute : « Qu'ils s’entendent bien ù déformer, pour les besoins dc leur cause, les paroles du saint docteur ! Sa véritable pensée ne peut faire don te pour personne; Jérôme ne dit pas que, dans l’exposé des faits, l’écrivain sacré s'accommode d'une fausse croyance populaire Λ propos dc ch oses qu’il ignore, mais seulement que, dans la dési­ gnation des personnes et des objets, il adopte le lan­ gage courant. » Le pape fait l'application dc cet te Inter­ prétation ù l’exemple de saint Joseph, père dc Jésus. « Dans la pensée de saint Jérôme, ajoute-t-il, la vraie toi de C histoire demande, au contraire que, dans l’em­ ploi des dénominations, l’écrivain s'en tienne, tout danger d’erreur écarté, à la façon générale dc s’expri­ mer, car c’est l’usage qui est l’arbitre ct la règle du langage. Eh quoi ! notre docteur va-t-il mettre les faits que la Bible raconte au même rang que les dogmes que nous devons croire dc nécessité dc salut ! » Le pape cite alors le passage du commentaire de l'Épltre à Philé- 2255 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE mon, dans lequel saint Jérôme dit qu’il n’est pas pos­ sible que quelqu’un croie au créateur, tant qu’il ne croit pas cc que l’Écriture contient au sujet de ses saints, et où, après avoir fait une longue série de cita­ tions de l’Ancien Testament, il conclut : < Quiconque refuse d’ajouter foi à tous ccs faits et aux autres sans exception rapportés au sujet des saints ne pourra croire au Dieu des saints. > In Epist. ad Philem. 4 (P. L., t. xxvr, col. 609.) Ainsi saint Jérôme est-il d’accord avec saint Augustin,qui assure la vérité de tout cc que l’Écriture raconte au sujet d’Hénoch, d’Élie, de .Moïse, aussi bien que de l’incarnation du Verbe. Contra Faustum, 1. XXVI, c. m-vn, P, L., L xlu, col. 450-151. Acta apostolica sedis, 1920, t. xii, p. 395-397. 3. Vérité relative de Γ Écriture. — La théorie des apparences historiques admettait implicitement que l’Écriture n’avait pas une vérité absolue, mais seule­ ment une vérité relative. D’autres exégètes distin­ guaient expressément ces deux genres de vérité et n’attribuaient ù la Bible qu’une vérité relative. Voir Gôtsberger, col. 2250. La théorie sur la vérité relative de l’Écriture, que M. Loisy avait exposée en 1893, avant la publication de l’encyclique Providentissimus Deus de Léon XIII, avait été condamnée par Pic X, en 1907, dans le dé­ cret lamentabili, a. 58, comme application de cc prin­ cipe général : Veritas non est immutabilis plus quam ipsehomo,quippequiccum ipso, in ipso et per ipsum evol­ vitur, Denzinger-Bannwart, n. 2058, et aussi dans unede scs conséquences particulières en tant qu’elle restrei­ gnait l’inspiration à uncparticdclaBible.Voircol.2192. En 1903, dans les Notes de scs Études bibliques, M. Loisy déclara que Léon XIII, en enseignant l’im­ munité totale d’erreur dans la Bible, n’avait ni aug­ menté ni diminué la liberté des exégètes catholiques, p. 38, note 2. Il usait donc de cette liberté pour main­ tenir son opinion sur la vérité relative de l’Écriture. 11 constatait cette relativité, non seulement en cc que les écrivains sacrés disent du système du monde, con­ formément ù la science de leur temps, p. 51, note, mais encore dans l’histoire biblique, qui n'a pas une exactitude absolue. Les livres de la Bible sont adap­ tés aux conditions historiques de leur temps. De cc fait résulta nécessairement l’existence dans ces livres d’un élément relatif, dont il ne faut ni exagérer ni contester l’importance au point de vue de l’Iiiterprétatlon. Tous les récits vraiment historiques de la Bible sont historiquement vrais, dit le P. Lucas, jésuite anglais, The Guardian, 25 avril 1894. Mais on pourrait en trouver d’autres, qui seraient rédigés conformé­ ment à une façon de parler et ne seraient pas rigoureu­ sement vrais, p. 52, note. Des exemples sont indiqués dans la note de la page 57. Léon X111 a résolu la ques­ tion théologique, la question économique, qui est la véritable question biblique reste posée. C’est à l’exé­ gèse qu’il appartient de fixer l’élément relatif de la Bible, cc qui est délicat et difficile. Le P. Zanecchia, qui, avec Léon XIII et l’opi­ nion commune des catholiques, admettait l’étendue de l’inspiration à tout le contenu de la Bible, préten­ dait cependant que,pour résoudre toutes les difficultés soulevées contre les Livres saints, à la suite des progrès faits dans l’étude des sciences naturelles et de l’his­ toire ancienne des Égyptiens et des Assyriens, il ne fallait pas perdre de vue le caractère à la fols divin et humain de ces Livres. Les hagiographes, même ins­ pirés par le Saint-Esprit, restaient des hommes et écrivaient sous l’inspiration divine pour sc faire com­ prendre des hommes auxquels Ils destinaient leurs ouvrages, par conséquent à la manière humaine. L’en­ seignement divin qu’ils donnaient gardait nécessaire­ ment les caractères de leur esprit, de leur culture et de 225G leurs dispositions individuelles et elle reflétait les connaissances scientifiques, les traditions, les légendes, etc., telles qu’elles existaient alors dans leur milieu. Quoiqu’il soit aujourd’hui difficile de connaître exactement toutes ces circonstances de la composi­ tion des Livres saints, la solution des difficultés dé­ pendra at> moins toujours de ce principe générai qu'il faut interpréter renseignement divin d’après l’inten­ tion et la volonté qu’ont eues les hagiographes d’en­ seigner, car Dieu enseigne ce que les écrivains sacré ont eu l’intention et la volonté d’enseigner eux-mêmes c’est pour cela qu’il les inspirait. Or tout ce qu’il enseignent est réellement Inspiré et vrai, non pas tou­ tefois absolument et de toutes manières, mais de la manière dont ils l’ont entendu et enseigné. Par suite, la simple présence d’une assertion dans la Bible ne fait pas que cette assertion soit inspirée et vraie telle qu’elle est littéralement énoncée, il faut rechercher si 1’hagiographc l’enseigne réellement ou bien s’il en use seulement pour enseigner la vérité qu’il a conçue et voulu écrire sous l’inspiration divine. Dans le premicrcas, l’assertion est absolument et intrinsèquement inspirée et vraie, telle qu’elle est exprimée littérale­ ment, dans le second cas, elle est seulement inspirée et vraie relativement, c’est-à-dire par rapport à la vérité que 1’hagiographc entend et veut enseigner par son moyen. Ainsi l’écrivain sacré sc sert-il de paraboles, de métaphores, de légendes ou de récits, destinés à enseigner une vérité concernant la foi ou les mœurs, ces paraboles et ccs récits, quoique présentés par lui comme des histoires n’ont pas la vérité d'histoires, puisqu’il n’a pas l’intention de les enseigner comme des histoires considérées en elles-mêmes et absolument mais qu’il s’en sert pour enseigner la vérité qu’il a conçue et qu’il a l’intention d’enseigner. Par suite, ccs récits ne sont pas l’objet de son enseignement; ils sont seulement un moyen ou une manière d’ins­ truire, et ils ne sont pas enseignés comme des histoires quoiqu’ils soient tels dans le texte, ni comme des histoires inspirées. Ils n’ont pas non plus de vérité historique; ils ont seulement la vérité relative aux choses que 1’hagiographc a en vue, qui sont inspirées par Dieu et qui sont transmises par l’un et par l’autre. Ce qui vient d’être dit des métaphores,des récits fictifs et des locutions figurées peut être dit, toute proportion gardée, des généalogies, des faits et des événements racontés, des personnes, des notions cos­ mographiques, astronomiques, physiques, etc., et aussi des sources dans lesquelles 1’hagiographc a puisé scs récits. Tout cela dépend uniquement de l’intention de l’écrivain. Si dans les généalogies et la chronologie, il n’a pas en vue la généalogie immédiate des personnes, mais seulement leur dépendance généalogique, si dans scs récits H n’a pas l’intention de suivre l’ordre réel des événements, mais l’ordre qui lui paraît convenir mieux à la vérité qu’il a l’intention d’exprimer, il n’enseigne cependant pas de fausseté historique, et il n’y a pas ainsi d’erreur historique dans la Bible. Dans le premier cas, en effet, l’écrivain n’a pas eu l’in­ tention d’indiquer la génération immédiate de tous les personnages qu'il nomme. Ainsi saint Matthieu a omis trois rois entre Joram et Osias. 11 est probable qu’il y a eu de pareilles omissions dans les généalogies des patriarches de la Genèse. Dans le second cas, l’hagiogrnphc n'a pas eu l’intention de décrire les faits suivant l’ordre réel des événements, comme saint Tho­ mas le contastc pour l’ordre des tentations de NotreSclgneur, dans les Évangiles de saint Matthieu et de saint Lue Sum. theol., 1113, q. xi.i, a. I,ad 5um. L'ordre adopté par c· ; deux évangélistes était celui qui con­ venait \ l.i v rité morale qu’ils voulaient enseigner. On peut probablement en dire autant de quelques 2257 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE noms de personnes, qu’on lit dans les généalogies des fils de Noé. Il semble bien que tous ne désignent pas des personnages réels, mais que quelques-uns désignaient dans le langage vulgaire des peuples diffé­ rents de la même race. Donc, dans les livres historiques de la Bible, on n’a pas toujours la véritable histoire des faits racontés, ni leur ordre de succession, les hagiographes ne s’é­ tant pas toujours proposé de raconter la véritable histoire des hommes. Mettant ordinairement en œuvre les notions historiques telles que le vulgaire les con­ naissait, ils les adaptaient à l’enseignement des véri­ tés religieuses et morales. Prendre leurs récits à la lettre serait s’exposer ù adopter au lieu de l'histoire véritable, des erreurs historiques, que, ni les hagio­ graphes, ni Dieu qui les Inspirait, n’ont voulu enseigner. Le P. Zanecchia a appliqué ensuite le même prin­ cipe aux notions de cosmographie et d'astronomie qu'on lit dans la Bible, qui étalent empruntées au langage courant, conforme lui-même aux apparences, vraies ou fausses. Même dans les premiers chapitres de la Genèse, l’écrivain sacré a pu utiliser des docu­ ments ou des traditions pour enseigner des vérités dogmatiques. Ses récits sont véridiques pour le fond des choses, mais la forme poétique n’est pas absente de scs descriptions. Il les a reproduits tels qu'ils étaient reçus dans le peuple et en les insérant dans son livre, il ne les a pas approuvés par son autorité d’écrivain Inspiré, surtout quant à leur forme littéraire, mais uniquement en vue de prouver les vérités religieuses, qui en ressortent. Toute l’Écriture est donc inspirée et vraie, mais les critiques ont à déterminer si sa vérité est littérale ou seulement relative. Le progrès actuel des sciences et de l'histoire, leur fournit des moyens autrefois Incon­ nus, de distinguer dans les Livres saints l’enseignement religieux visé par les hagiographes et Dieu qui les Ins­ pirait, de la forme extérieure qui leur a servi de revê­ tement Ils n’en concluront pas avec les rationalistes que l’Écriture enseigne l'erreur, mais seulement qu’il n’en faut pas prendre toutes les assertions absolument en elles-mêmes et abstraction faite de leur vilement antique. Ils les prendront dans un autre sens et ils les Interpréteront relativement à d'autres vérités que les hagiographes voulaient enseigner. Les exégètes et les apologistes catholiques, qui torturent vio­ lentent les textes bibliques pour les interpréter comme exprimant de l'histoire véritable ou les conci­ lier avec les sciences naturelles d'aujourd’hui, ne sont pas moins blâmables que les rationalistes qui méprisent la Bible et pensent y découvrir des erreurs historiques et scientifiques. Ils font enseigner aux ha­ giographes ce que ceux-ci n’ont pas eu le moins du monde l'intention d’enseigner. Les récits bibliques n'ont pas tous la vérité histo­ rique pas plus que tous n'en sont destitués. Beaucoup ont un fondement véridique et racontent des faits historiques, mais la forme dans laquelle les faits ont été transmis et leurs circonstances proviennent de l’art poétique. De même, toutes les assertions bibliques sont vraies, mais leur vérité n'est pas toujours abso­ lue ni toujours relative; elle est quelquefois absolue et quelquefois relative. L'interprétation de l’Écriture exige donc beaucoup d'érudition pour faire cc départ; quand l’exégèse est insuffisante, il faut attendre le jugement de l’Église, juge infaillible du véritable sens des Écritures. Scriptor sacer sub divina inspiratione, Rome, 1903, p. 84-91. Dorn Ilœpfl, Das Buch der Bûcher, Fribourg-enBrisgau, 1905, a accepté les idées de Zanecchia sur l’enseignement des sciences et de l’histoire dans la Bible. 11 s’est par suite posé la question : y a-t i) des données Inexactes dans l’Écriture? Il a répondu qu'il 2258 ne peut y avoir d’erreur, quand rhaglographe ne se propose pas formellement d’enseigner. Dans ce cas, l'erreur n’est pas formelle, elle n’est que matérielle; par conséquent, il n'y a pas proprement d’erreur. Il y a même alors une certaine vérité relative, puisque les expressions bibliques répondent aux idées du temps et sont un moyen propre Λ faire pénétrer la révélation parmi ceux auxquels elle était destinée. Ces considé­ rations faites à l’occasion des sciences naturelles, s’ap­ pliquent aussi à l’histoire. Norbert Peters les a expri­ mées à peu près de la même manière. C’est un tort d'interpréter les auteurs sacrés d’après les Idées scien­ tifiques des temps modernes, N. Peters, dans le supplément scientifique de la Germania, 1902, η. 1, p. G, cité par dom Hœpfl. La distinction entre ccs deux éléments est difficile à faire, mais cc n’est pas une raison de ne pas la tenter. Il y a diflérentes sortes d’histoires; mais, même dans l’his­ toire proprement dite, l’hagiographe n’est pas un hostorien critique; c’est un oriental, qui emploie les sources qu’il avait sous la main qui puisait dans la tradition orale autant que dans les documents écrits, le plus souvent sans s’assurer de leur valeur scienti­ fique, se contentant fréquemment de mettre les docu­ ments bout ù bout sans y rien changer. Il écrit beau­ coup de choses d’après ce qu'il a ouï dire, sans exa­ miner, ù proprement parler, la crédibilité de cc qu'il dit Ainsi la mort d’Antiochus Épiphanc est racontée trois fois dans les livres des Macchabées, I Mac., vî, 4 sq. ; 11 Mac., i, 13 sq. ; ix, 1 sq. Or, ce dernier récit ne fait que reproduire un bruit erroné, qui avait cours alors. Saint Jérôme reconnaît que l’Ecriture a cou­ tume de rapporter l’opinion du temps. En général, conclut dom Hœpfl, il faut admettre que 1'hagiographe a garanti la vérité de cc qu'il emprunte ù une sour­ ce, mais cc n’est pas certain en chaque cas particulier. Le caractère du document n’est pas alors changé, et son contenu ne gagne pas plus de crédibilité par le fait de son insertion dans un écrit inspiré, si l’hagiographe n’a pas porté sur lui un jugement. La critique biblique peut alors s’exercer et distinguer cc qui est indubita­ blement exact et cc qui est moins digne de creance. On ne nie pas pour autant l’inerrancc biblique, car il n’y n de vérité infaillible qu*autant et pour cc que l’hagiographe enseigne. Des raisons exégeliques et critiques serviront ù faire le départ nécessaire. D'a­ près la Bevue biblique, 1905 p. 448-450. Au rapport de la même Berne, 1906, p. 490-491. Mgr Horace Mazzella a admis très expressément et Λ plusieurs reprises la vérité relative de l’Écriture, quand elle parle d'après les opinions populaires, sui­ vant les genres littéraires adoptés par les écrivains sacrés, notamment dans l’histoire primitive. Prslec­ tiones scholastics dogmatics breviori cursui accommo­ data·, 3· édit., Rome, 1904, t. i, p. 355, 363. Tout en admettant très nettement que la vérité de l’Écriture est divine et infaillible. De inspiratione sacræ Scripturs, p. 489-491, le P. Chr. Pesch, en étu­ diant la nature de cette vérité, ne sc borne pas à re­ connaître qu’elle n’est pas la même dans tous les livres de la Bible, qu'elle peut se concilier avec le re­ cours de quelques auteurs à un pseudonyme et avec des récits fictifs, p. 504-507; il a posé la question de savoir si, malgré le silence de Léon XIII, il n'y aurait 2259 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE 2260 termes. Une analyse plus pénétrante est nécessaire; pas, dans l’histoire biblique, des récits rédigés selon mais les théologiens n’ont pas encore réussi à employer les apparences historiques. Il distingue d’abord Ja vérité des Livres saints ct l’omniscience divine. La une terminologie uniforme ct ils ne donnent pas tous vérité divine y est transmise par des hommes. Cer­ le même sens au terme : vérité relative qu’ils emploient. Le P. Pesch l’entend d’assertions qui, Λ un titre ou tains auteurs en concluent qu’elle n’est pas absolue, à un autre, n’expriment qu’imparfaitement la vérité. mais relative seulement. Celte manière de parler est Praelectiones dogmatical t. i, n. 629. De inspiratione ambiguë. Dieu seul connaît la vérité absolue au sens plénier du mot Toutefois h connaissance humaine est sacro: Scriptura:, p. 527-528. Le P. Prat, Eludes, dite elle-même absolument vraie, quand elle ne diffère 5 novembre 1902, p. 302, et le P. Brucker, ibid., 20 jan­ aucunement dc la vérité objective, non seulement vier 1903, p. 232, disent que le terme de relatif, quand dans les axiomes mathématiques ct philosophiques, 11 s’agit de vérité, n’est qu’un euphémisme pour dési­ mais même en histoire. La vérité humaine est donc gner l’erreur. La vérité relative, c’est-à-dire propor­ absolue toutes les fois que les termes expriment exac­ tionnelle et économique, comme l’entendait M. Lolsy tement l’ordre ontologique. D’autre part, la vérité est condamnée à juste titre : c’est le principe de Renan relative est ou bien celle qui mêle le vrai et le faux, ou que la vérité d’aujourd’hui est l’erreur dc demain. bien celle qui n’est qu’approximative ou encore celle Les exégètes progressistes, qui no voient l’erreur que qui n’est vraie que sous un rapport. Un récit relati­ dans l’erreur formelle, reconnaissent, dans la Bible, vement vrai rapportera exactement la substance du des erreurs ou inexactitudes purement matérielles, fait, mais non toutes scs circonstances, n’en relatera que ni les hagiographes, ni l’esprit inspirateur n’ont qu’une partie peut-être encore approximativement voulu enseigner ct qui, par suite, ne sont pas Im­ ou avec des sous-entendus. Or, la vérité biblique n’est putables à la Bible. Le. P. Pesch lui-même l’entend pas toute la vérité possible en tout ordre dc choses. On ainsi ; mais 11 n’en fait l’application qu’aux mensonges peut dire qu’elle est absolument vraie puisqu’elle ct aux erreurs simplement rapportés dans la Bible, n’exprime aucune erreur formelle ct que les erreurs (dicta aliorum), ce qui est assez impropre. Nous avons matérielles qu’elle contient ne sont que les mensonges signalé des exégètes catholiques, qui admettent des qu’elle rapporte. Cette vérité absolue ne signifie pas erreurs purement matérielles dans la Bible sous le nom que l’Écriture contient toute la vérité révélée, à plus de vérité relative. Le P. Schiiïinl a entendu cette ex­ forte raison toute la vérité rationnelle. pression dans le sens d’une assertion, dans laquelle Ainsi l’histoire biblique est relativement vraie, en l’hagiographc mêlerait, per modum unius, le vrai et le cc qu’elle ne rapporte pas tout ce que les hommes faux. Divinitas Scripturæ, Trêves, 1905, p. 110. Tel d’alors et les hagiographes eux-mêmes connaissaient. n’est pas assurément le sens, donné par eux à ce terme, Les hagiographes n’ont écrit que cc que Dieu voulait puisque, pour eux, l’erreur, pour être imputable aux leur faire écrire. Elle est encore relativement vraie, hagiographes ct à Dieu, devrait être formelle, ct ils en ce que scs auteurs ont employé des locutions indé­ n’admettent pas dc telles erreurs dans la Bible. Voir terminées ou sommaires. Enfin, elle l’est encore en cc Inerrance biblique, dans le Dictionnaire apologétique que certains auteurs, comme celui du II· livre des de la foi catholique, t. n, col. 766-767. Macchabées n’ont eu l'intention dc rapporter que cc Toutefois, Benoît XV, dans l’encyclique Spiritus qu’ils trouvaient dans certaines sources, qu’ils ju­ Paraclitus a déclaré qu’ils méconnaissaient la doctrine geaient véridiques. Ce nonobstant, l’histoire sainte de l’Églisc, confirmée par saint Jérôme ct les autres est une histoire vraie. On ne lui attribue pas quelque Pères, les critiques modernes < qui pensent que les fausseté, en disant que la substance des faits est vraie, 1 parties historiques des Écritures s’appuient non point quoique la manière dc les écrire soit celle des temps sur la vérité absolue des faits, mais seulement sur leur anciens, non celle des historiens modernes. Ainsi les vérité relative, comme ils disent, ct sur la manière géné­ hagiographes ont attribué antliropomorphiqucment à i rale ct populaircdcpenscr. » Acta aposto licte sedis, 1920, Dieu des paroles qu’il n’a pas prononcées, mais qui t. xn, p. 395. Le souverain pontife vise bien ici, non expriment sa volonté, les évangélistes n’ont pas re­ seulement la théorie moderne des apparences exté­ produit textuellement les discours dc Notre-Seigneur, rieures, appliquées à l’histoire, qui admet implicite­ ils en ont rendu le sens. Ibid., p. 524.528. Dc ces prin­ ment la vérité seulement relative des Écritures, mais cipes, le P. Pesch conclut que les hagiographes, n’ont i encore ct premièrement, celle qui emploie explicite­ reproduit ni légendes ni mythes, p. 528-531. 11 admet ment ccttc expression, en l’entendant d’erreurs au donc la vérité historique de toute l’Écriture. moins matérielles, existant dans l’Écriture (ce qu’ex­ Pendant compte dc la discussion, soulevée par Mgr clut le P. Pesch). Le sens dc Ja condamnation parait Egger, Absolute und relative Warhheit der heiligen être que la distinction entre vérité absolue ct vérité Schrift,Brïxcn, 1909, et reprise par M* Holzcy, Fûnf- relative dans la Bible ne peut être employée pour ré­ undsiebzig Punkte sur Beanlioortung der Frage : Abso­ soudre les problèmes critiques, que soulève le texte lute oder relative Wahrheit der heiligen Schrift? Munich, sacré. Ccs problèmes doivent être résolus par d’autres 1909, M. N. Peters a jeté dans le débat pour sa part, procédés. Ainsi, Benoit XV ne semble pas admettre un certain nombre de textes de saint Jérôme, qui dans la Bible, d’erreurs, même simplement matérielles. recourt à l’allégorie pour expliquer des passages his­ La doctrine dc l’Églisc sur l’inerrancc biblique, con­ toriques de la Bible, qui admet la fabula Samsonis firmée par le doctor maximus lui-même, qu’on sc plai­ et les fabula: Suzannœ Belique ac draconis, qui recon­ sait à citer en sens contraire, s’y oppose. naît l’existence d’erreur même dans les Evangiles et 4. Citations implicites ou tacites de documents non dans les Actes (voir plus haut, col. 2213), qui pose la inspirés. — Λ côté des citations expresses ou explicites loi de raconter l’histoire d’après les opinions du temps, des paroles d’autrui, qu’on a toujours remarquées enfin qu’il y a dans l’Écriture beaucoup de contradic- dans la Bible ct pour lesquelles on n’exige dc l’haglofions Insolubles, Theologische Bevue, 12 juillet 1910, i graphe que la fidélité du rapporteur ct non pas néces­ col. 329-335. Le doctor maximus in interpretanda Scrip· sairement ct dans tous les cas l’approbation des tura serait donc ainsi un partisan de la vérité relative choses dites, n’y aurait-il pas lieu dc reconnaître d’autres citations, tardes celles-ci et implicites, dc do­ seulement dc l’Écriture. cuments entiers, de pièces étrangères, intégralement En comparant la vérité ct l’erreur comme principes de solution des difficultés scripturaires le P.Durand a fait I reproduits? Le P. F. Prat a posé le premier la question» justement observer qu’en matière d’inerranccbiblique native A une époque où la pro· prlété litt * dre et dt ignorée, l’emprunt était fait sans on ne peut se contenter des notions sommaires de ccs 2261 INSPIRATION être signalé. Il y n do ccs emprunts qui sautent aux yeux : tels, les c. xxxvi-xxxix d’Isaïe, qui sont repro­ duits presque mot pour mot ct avec les mêmes parti­ cularités, IV Reg., xvni-xx; tels encore, les passages des livres des Rols, qui sc retrouvent dans les Parai!· pomènes, dans le même ordre, avec les mêmes traits ct les mêmes expressions caractéristiques, ct sans au­ cun signe dc référence. Tous les livres historiques dc la Bible utilisent des sources, dont ils citent les titres, sans Indiquer toujours les emprunts qu’ils leur ont faits. Les contemporains, qui connaissaient les docu­ ments utilisés, reconnaissaient les emprunts. Nous ne pouvonsy arrivcrqucdifficilemcntctavccsimplcprobabilité. Le travail dc démarquage est donc délicat. Certains Indices, comme les anomalies dc chronologie, peuvent parfois faire reconnaître une différence dc points dc vue ct dc documents utilisés. Le P. Prat exa­ mine des exemples, qu’ils serait trop long dc rapporter ici. L’important est dc savoir quelle garantie î’haglographe donnait aux références tacites qu'il faisait dc lasortc. Garantissait-il l’exactitude parfaite ct intégrale jusqu’au dernier mot, si longtemps après les événe­ ments qu’il racontait? Ne suffisait-il pas à son but que le document cité fût véridique, sans être infaillible? Enfin, si on admet l’inerranccdes passages ainsi copiés, sera-ce en vertu du témoignage de i’hagiographe? Études religieuses, 1901, t. lxxxvi, p. 475 sq.; La Bible et Γ histoire, Paris, 1904, p. 40-56. Le principe des citations tacites avait été admis déjà dans quelques cas particuliers. Aussi la théorie du P. Prat fut-elle bien accueillie par plusieurs critiques. D’autres lui firent mauvais accueil. I>c P. Delattre, Autour de ht question biblique, p. 53, 307, notes, la regarda comme dangereuse, car elle pouvait enlever à la garantie des hagiographes une bonne partie dc la Bible, celle qui contenait des citations. Le P. Schifflni fut du même sentiment. Divinæ Scripluræ,p. 162. La question fut donc examinée par la Commission biblique. Au doute ainsi libellé : Utrum ad enodandas difficultates, quæ occurrunt in nonnullis sacræ Scripturæ textibus, qui facta historica referre videntur, liceat exegetæ catholico asserere agi in his ae citatione tacita vel implicita documenti ab auctore non inspirato conscripti cujus asserta omnia auctor inspiratus minime approbare aut sua facere intendit, quaeque ideo ab errore immun ia haberi non possunt? elle répondit, le 13 février 1905 : Negative, excepto casu in quo, salvis sensu ac judicio Ecclesia, soliuis argumentis probetur : Ie hagiographum alterius dicta vel documenta revera citare, et 2° eadem nec probare nec sua facere, ita ut jure censeatur non proprio nomine loqui. DenzingerBannwart, n. 1979; Cavallcra, Thesaurus, n. 103. 11 faut observer que le P. Prat n’avait pas présenté Ia théorie des citations implicites comme un procédé apologétique, applicable ù tous les textes historiques dc la Bible, qui paraissent rapporter des faits histori­ ques, mais seulement aux passages, qui, au jugement d’une saine critique, reproduisaient un document profane. 11 ajoutait que,par le fait même do l’emprunt, on ne pouvait conclure que le document cité n’avait pas la garantie dc I’hagiographe, mais qu’il fallait examiner avec soin si celui-ci approuvait ct faisait siens les faits cités. C’était, au moins, l’esprit dc son article. Par suite, tout en rejetant la théorie des cita­ tions implicites comme moyen universel ct vraiment trop facile de résoudre des difficultés historiques de la Bible, la Commission biblique la restreignait aux citations de documents profanes, qui remplissaient les deux conditions posées. Elle reconnaissait donc à l’exégète catholique le droit d’y recourir et elle sau­ vegardait seulement dans chaque cas particulier le sentiment ct le Jugement de l’Églisc. Ainsi restreinte ct comprise, la théorie des citations implicites était 1 DE L’ÉCRITURE 2262 reconnue et pouvait être appliquée. Ces passages n’a­ vaient donc pas nécessairement la veritas reit ils avalent au moins la veritas rei eitatæ, et ainsi la véracité abso­ lue dc la Bible était sauvegardée. Cependant M. Gôttsbergcr, Autour de la question biblique, dans Biblische Zeitschrift, 1905, t. ht, p. 237242, avait critiqué la théorie du P. Prat. Puisque, di­ sait-il, dan$ les citations explicites, l’auteur sacré approuve parfois ct présente a scs lecteurs comme vraies les paroles citées, on n’a pas dc raison de dire que, dans les passages où il cite tacitement un docu­ ment profane, il ne garantit pas la vérité de la chose citée. En tout cas, rares seraient les cas, où il n’a en vue que la veritas citationis. Supposer des citations tacites non approuvées, c’est transporter dans l’anti­ quité des procédés modernes, dont on n’avait pas autre­ fois l’idée; c’est supposer que l’Ancien Testament n’est qu’une compilation dc documents, que les auteurs ins­ pirés ne garantissaient pas de leur autorité. On peut supposer qu’une citation implicite ne garantit que la veritas citationis, il est très difficile d’en fournir la preuve. La Revue biblique, 1905, p. 621, a résumé cette critique dc M. Gôttsbergcr, ct elle l’a fait suivre dc ces paroles : < On s’associe d’autant plus volontiers à ccs réserves que jamais la Revue biblique n’a vu dans cet artifice un peu précaire la solution d’un problème très général » Le P. Pescli ne connaît que deux exemples certains dc citations tacites, mentionnés par les critiques moder­ nes, à savoir 11 Reg., xxiv, 9; Gen., xlvi, 21, ct il re­ marque qu’il ne manque pas d’autres explications pour résoudre les difficultés qui découlent de quelques passages dc la Bible, soupçonnés d’être des citations dc ce genre. Quant ù la théorie récente des citations implicites elle n’est pas à rejeter, lorsque la citation est prouvée; mais on ne pourra l’appliquer qu’à dc trés rares passages ct non à tout propos comme solu­ tion d’une difficulté, à plus forte raison dans la suppo­ sition que l’Ancien Testament est un recueil de cita­ tions explicites ou implicites, dont les écrivains sacres n’auraient pas pris la garantie. Les citationstacitesdolvcnt donc être admises si elles sont manifestes ou si elles fournissent l’unique ou la meilleure explication du texte biblique, mais elles ne peuvent servir de principe universel d’appréciation du caractère histo­ rique dc l’Ancien Testament ou dc solution dc toutes les difficultés historiques qu’on y rencontre. De inspira­ tione sacræ Sertpluræ, p. 539-543. Le P. Brucker a examiné le problème sous sa forme plus générale en le rattachant à l’emploi dc documents antérieurs, fait par les historiens bibliques. Ces histo­ riens prennent-ils entièrement à leur compte les docu­ ments qu’ils emploient ou n’cnlcndcnt-ils pas assumer la responsabilité totale des emprunts qu’ils font? Personne ne nie qu’ils ne s’en rendent responsables, dans une certaine mesure. Si ces documents forment la trame dc leur récit, c’est qu’ils les ont crus véridi­ ques ct sûrs. Mais cette sorte d’approbation implicite signifie-t-elle nécessairement qu’ils font leur et qu’ils certifient tout ccqu’ils ont empruntés à leurs sources? Quelques exégètes dc notre temps pensent que, quand l’auteur nomme sa source d’informations, il lui laisse, la principale responsabilité deses récits. On ne peut le dire en général en dehors des cas où l’écrivain se ré­ serve, sinon cxplicitvmeut, du moins clairement. Une saine herméneutique ne le permet pas car il est évi­ dent que l’historien sacré, qui remanie scs sources, endosse la responsabilité dç cc qu’il emprunte. Appli quée trop largement, la théorie des citations implicites est un moyen de solution plus expéditif que sûr; elle diminuerait notablement la garantie de l’inspiration des livres historiques et elle jetterait la suspicion sur l’ensemble des récits dc la Bible. rct expédient apo- 2263 INSPIRATION DE L’ÉCRITURE logétlque est donc à rejeter absolument sous la forme générale qu’on lui adonnée. La théorie toutefois peut être légitimement utilisée dans quelques cas particu­ liers, non pas sans doute en vue d’harmonlser certaines divergences des livres historiques, mais au moins, Λ titre d’hypothèse, dans les tableaux généalogiques de la Genèse, du début du Ier livre des Paralipomènes et ailleurs. La forme spéciale, conventionnelle, hiéra­ tique dc morceaux, que l’auteur met, pour ainsi dire, en marge ou en appendice de ses récits, permet suffi­ samment dc les considérer comme des pièces repro­ duites à raison dc l’intérêt général qu’ils avaient pour le peuple j uif, mais sans contrôle ct sansq u’on attrib uû t d’autre autorité que celle dc la tradition ou des regis­ tres publics, d’où ils étaient tirés. Cette hypothèse serait peut-être légitime encore, si on l’appliquait, pour certaines informations chronologiques ou statis­ tiques. L'Église ct la critique biblique, p. 67-71. Le P. Knabenbaucr en a fait l’application à cer­ tains récits des livres des Macchabées. Comment, in duos libros Macchabœorum, Paris, 1907, p. 273, 305306. Des théologiens, après Pcsch, cité plus haut, ont admis la légitimité dc son application dans une mesure restreinte. \’an Noort, De fontibus revelationis, Ams­ terdam, 1906, p. 63-69 ; J. V. Bainvel, De Scriptura sa­ cra, Paris, 1910, p. 147, 151-155. La difficulté d’ap­ plication est d’ordre pratique : à quels signes certains peut-on reconnaître qu'un écrivain sacré a cité taci­ tement un document profane, sans lui donner la ga­ rantie dc son inspiration? Au -si les exégètes catholi­ ques sont-ils rarement tombés d’accord dans l’emploi de la théorie. Cf. A. Durand, art. Incrrancc biblique, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. π, col. 781-782. Quelle attitude l’autorité ecclésiastique a-t-elle prise ù cc sujet depuis le décret précité dc la Commission biblique? On a remarqué un blâme discret de la théorie des citations implicites dans l’encyclique Pascendi de Pie X contre les erreurs des modernistes. Après avoir dit que les modernistes affirmaient que rien dans la Bible ne manquait dc l’inspiration telle qu’ils l’enten­ daient, le souverain pontife ajoute : Quod cum affixmani, magis eos erederes orthodoxos quam recent lores alios, qui inspirationem aliquantum coangustant, ut exempli causa,cum tacitas sic dictas citationes invehunt. Sed haec illi verbo tenus ct simulate. Denzinger-Bannwart, n. 2090. Pie X déclare ironiquement moins or­ thodoxes que les modernistes les catholiques plus ré­ cents qu’eux, qui restreignent l’inspiration à une par­ tie de la Bible par le moyen dc cc qu’ils appellent les citations tacites? Veut-il dire que l’admission des cita­ tions tacites aboutit toujours ct nécessairement à la li­ mitation dc l’inspiration biblique? Cela est peu vrai­ semblable car 11 ne semble pas que le pape ait voulu déroger au décret dc la Commission biblique qui ad­ met la légitimité des citations bibliques dans des cas particuliers, où sont remplies les conditions détermi­ nées. Dans l’encyclique Spiritus Paraclitus, Benoît XV a reconnu, du reste, la justesse de cc principe dans cer­ tains cas et n’a réprouvé que les abus de la théorie. « 11 est encore, dit-il, (en dehors dc ceux qui contestent l’historicité des récits sacrés, reproduisant seulement les croyances populaires du temps), une autre catégorie de déformaleurs de l’Écriturc sainte : nous voulons dire ceux qui, par aims de certains principes, justes lu reste s’ils sont renfermés dans certaines limites, en arrivent à ruiner les fondements dc la véracité des Écritures ct à saper la doctrine catholique transmise par l’ensemble des Pères. S’il vivait encore, Saint Je­ rome dirigerait à coup sûr ses traits acérés contre, ces imprudents qui, au mépris du sentiment ct du juge­ ment dc l’Églisc, recourent trop aisément au système 2261 qu’ils appellent système des citations Implicites ou des récits qui ne seraient historiques qu’en apparence ou qui prétendent découvrir dans les Livres saint s certains genres littéraires inconciliables avec 1’absoluc et par­ faite véracité de la parole divine, ou qui, sur l’origine des livres bibliques professent une opinion qui ébranle ou même réduit à néant leur autorité.» Actaapostolicæ Sedis, 1920, L xir, p. 397. Ces derniers mots visent d’autres erreurs que celles dont nous nous occupons présentement. Quant au système des citations impli­ cites, il n’est réprouvé que dans ses abus et dans scs conséquences, contraires à la véracité absolue ct par­ faites des Livres saints. La distinction des genres lit­ téraires dc la Bible n’est elle-même condamnée que quand elle imagine certains dc ces genres, qui sont Inconciliables avec cette véracité. 4® Exposés théologiques. — Après que les discussions, précédentes furent assoupies, après que les opinions nouvelles eussent été réprouvées ou endiguées par l’autorité ecclésiastique les théologiens catholiques en tinrent compte et établirent plus clairement l’inerrancc de la Bible. Si le P. Pcsch, comme nous l’avons vu, a discuté longuement les opinions modernes, le futur cardinal Billot s’est tenu davantage dans la sphère des prin­ cipes théologiques pour expliquer 1’inerrance biblique. A son jugement, l’inerrance absolue de l’Écriture est un dogme très ferme dc l’Église catholique, bien qu’il ne soit défini ni par un concile ni par un souverain pontife. Elle a toujours été clairement ct universelle­ ment affirmée par les Pères ct docteurs ct le sentiment des fidèles y adhère pleinement. L’admission d’erreurs dans la Bible a été notée d’hérésie. Le P. Billot rejette ensuite énergiquement l’inspiration économique, ima­ ginée par M. Loisy, ct la restriction de l’inspiration et de scs effets aux vérités concernant la foi ct les mœurs. Il examine les causes qui ontprovoquéeette fausse opi­ nion, il discute les arguments invoqués par scs tenants, ct il conclut avec raison qu’elle a été condamnée expressément par Léon XIII dans l’encyclique Prooiderüissimus Deus. C. m, p. 9G-116. Le c. iv, p. 117-139 est consacré aux opinions récentes sur les formes littéraires dc la Bible. Des systèmes différents sont exposés pêle-mêle : l’admission do mythes, de citations implicites dc faux documents, de fictions ct d’accommodations artificielles d’événements histo­ riques, sans détriment dcl’inerrance,slon lient compte des formes littéraires des anciens livres, aux diverses époques dc l’antique Orient, p. 117-126. La réfutation qui suit, très animée ct plus convaincue que convain­ cante» répond uniquement à un seul genre littéraire dit primitil-mythique ou historico-oriental, extrait de quelques phrases de M. Loisy. Les explications des critiques modérés, sans aucunes références, manquent dc précision. Au jugement du théologien, l’Écriturcest un genre littéraire singulier, transcendant ne pou­ vant être comparé avec aucun autre. Deux arguments suffisent à réfuter tous les novateurs. A priori, il est digne dc Dieu que les livres, dont il est l’auteur principal, manifestent dans leur manière de parler quelque chose qui leur soit propre ct qui ne sc trouve pas dans les autres livres. A posteriori, la Bible, défait, ne peut être comparée, même dc loin, à aucune autre littérature, beaucoup moins encore à la littérature dc Babylone, à laquelle on l’assimile. Plus sévère que la Commission biblique, qu’il ne cite pas, plus sévère que Benoît XV, lui-même, le P. Billot condamne absolument la théorie des citations Impli­ cites et n’admet pas son application à des cas par­ ticuliers. L’enseignement du P. Bainvel sur l’inerrancc bi­ blique est bien plus nuancé, parce qu’il distingue mieux I les systèmes modernes. Avec tous les catholiques H 2265 INSPIRATION DE L’ECRITURE — INTEMPERANCE pose en principe que l’erreur, non seulement en ma­ tière dc foi et de mœurs» mais encore en matière dc sciences et d’histoire est Incompatible avec l’inspira­ tion, car toute parole dc Γécrivain sacré doit être tenue pour parole dc Dieu, ct précisément selon le sens que l’hagiographc a voulu exprimer ct a exprimé. Il est parfois difficile d’appliquer ce principe au texte sa­ cré. mais il faut Je retenir absolument ct s’en servir comme dc tessère pour écarter tout sens qui aboutirait à attribuer une erreur à l’écrivain sacré. Notre théo­ logien indique de bonnes règles pour determiner le sens objectif que l’hagiographc a voulu exprimer. Mais il ne me parait pas qu’au sujet du manteau, laissé à Troas, il y ait lieu d’imaginer l’hypothèse suivant laquelle saint Paul sc serait trompé, en écrivant cc détail; c’est assez d’étudier les cas réels sans s’occuper des cas chinu riques. J’en dirais autant dc la distinc­ tion établie entre le sens de l'homme ct le sens objec­ ti/ de l'écrivain; celui-ci nous pouvons le déterminer d’après son texte; l’autre nullement; nous ne savons rien dc cc qui, vrai ou faux, pouvait être dans l’esprit de l’écrivain sacré, nu moment où il écrivait. L’inter­ prète catholique ne doit donc reconnaître aucune er­ reur formelle dc l’écrivain, tant dans les textes qui concernent la foi, les mœurs, que même dans les passagesh istoriques. Il scsou viendra pourtant que,dans ces derniers, l’hagiographc apu.dans sa manière dcparler, s’accommoder davantage au langage courant de son temps. Mais l’histoire racontée doit toujours être vraie au sens où elle est racontée. L’auteur traite briève­ ment des dicta aliorum, des citations dc l’Écriture ct des documents utilisés, des fables comme genre litté­ raire. Au sujet des passages où l’hagiographc parle dc sa personne, dc scs sentiments, des mouvements dc son âme, des préceptes ou des conseils qu’il donne. Il faut distinguer, nous dit-on encore, entre l'écrivain ct l'homme. Le que dit l’écrivain est divin ct par con­ séquent vrai et divin. S’il rapporte seulement ce qu’il a dit, cc qu’il a fait ou ressenti, il suffit dc tenir son récit comme vrai ct honnête. D’autres cas du même genre conviennent plutôt ù l'herméneutique qu’ù la théologie de l’inspiration. De Scriptura sacra, Paris, 1910, p. I l I 158. Dans le Dictionnaire apologétique de la /ol catholique, Paris, 1911, t. n, col. 759-787, le P. A. Durand, a longuement parlé de Γ inerrance biblique au point dc vue apologétique. Avant de donner les renseignements que nous avons déjà signalés au sujet des rapports dc i’inerrance avec les sciences physiques et l’histoire, Il avait, au préalable, exposé l’état de la question ct des principes ct procédés généraux dc solution des dif­ ficultés que présente le texte sacré ù cc double point dc vue. Les principes ct procédés généraux relèvent ù la fois dc la théologie ct de la critique. Le théologien sc borne ù démontrer I’inerrance dc la Bible, il laisse à l’apologiste le soin dc montrer en détail qu’il n’y a pas d’erreur dans l’Écriture. Ces deux points de vue difTérents n’ont pas toujours étêb ien distingués, ct, dans les temps modernes, des exégètes ont tenté de déterminer lanature de l’inspiration, voir col 2163, et parsultcdes effets et conséquences d’après les textes eux-mêmes. Le champ propre dc l’exégèse déborde notre sujet. Les données rat lonnelles ont fourni la distinction dc l’erreur formelle et de l'erreur matérielle, dc l’expression et de l’assertion, celle-ci provenant seule du Jugement dc l’auteur ct donnant Λ l’expression son sens réel ct objectif. Les écrivains sacrés ne sont donc responsa­ bles que dc leurs assertions, celles que Dieu n voulu leur faire exprimer par les termes employés, soit qu’ils parlent d’autrui soit qu’ils expriment leurs propres sentiments. Toutes ces précisions ct d'autres encore tendent à mettre exactement au point cette impor­ tante, délicate ct difficile question dc I’inerrance bi­ 2266 blique. Les exégètes ct les apologistes ont donc ainsi à leur disposition des principes solides ct des procédés généraux, qui les aident à prouver, dans les cas par­ ticuliers, I’inerrance dc la Bible, que le théologien a établie solidement sur la croyance perpétuelle ct unanime dc l'Églisc catholique. Noui no dresserons pas tel la liste des nombreux ouvrages qui traitent dc Γinspiration ct qui ont été cités au cours de l'article. Comme nous avons étudié chacune des questions distinctessuivant l'ordre historique,nous n’indiquerons que les ouvrages catholiques, qui traitent de l’histoire de Γins­ piration. Sans parler des monographies sur la doctrine dc tel ou tel Père, qui ont été signalers ù l'occasion, nous cite­ rons : P. Dausch, Die Schriftinspiration, fine bibllschgcschlchtliche Studle, Fri bourg-en-Bnsgau. 1891 ;K.IÏofrey, Die Inspiration drrhl. Sehi/ten tnder Ansrhauung des Mitielallers vonKarldrm Grasse bis:umJion:ilvon Trient, Munich, 1895; F. Incliner, Die prophttische inspiration, dans les Blbltsche Stud ien, Fribourg-en Brisgau, 1896, t. i, fasc. 4 et 5; Chr. Prsch, De Inspiratione sacrae Scripturæ, Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 11-375;cf. E. Mangenot, L'ins­ piration de la sainte Écriture (extrait de la Iteoue des sciences ecclesiastiques et la Science catholique, mal 1907), Arras, Paris, 1907. E. Mangenot., INTÉGRITÉ (ÉTAT D’). Ce terme est entendu diversement, dans un sens plus ou moins compréhensif, par les auteurs anciens et modernes. Jusque dans les derniers temps dc la scolastique, il désigne tout l’ensemble des dons préternaturels ac­ cordés à nos premiers parents, avec ou sans la grâce sanctifiante. Dans l'opinion aujourd’hui communé­ ment admise dc la grâce élevante octroyée ù Adam dès l’instant dc sa création, on ne la sépare pas d’or­ dinaire de cct ensemble. Quoique d’essence infini­ ment supérieure aux autres dons, la grâce primitive dans l’ordre dc la réalité n’allait pas sans eux. Ce qui nous ramène au fond ù l'état d’innocence. Voir Innocence (Étal d*). Au mot intégrité les modernes ont donné le sens particulier d’exemption dc la concu­ piscence. Est-ce parce que la convoitise est-ce par quoi le désordre consécutif du péché s'accuse davantage, ou parce que l’immunité qui en préserve révélait d’une manière sensible l’état privilègié d’Adam? La concupiscence s’entend ici dans sa relation avec l’ordre moral ct non précisément au sens psychologique. C’est la tendance de l’appétit sensitif ou dc toutes les passions à se porter vers le bien sensible avant ct contre le jugement de la raison. Antérieurement ù la chute, les sens ne subissaient que les mouvements autorises par la raison ct la loi morale. Ne pesant jamais sur les décisions dc l’intel­ ligence ct dc la volonté par l’attrait excessif des plaisirs sensibles, ils ne portaient pas nu mal, ils ne retardaient pas d’accomplir le bien. Telle était l’harmonie parfaite dc la raison et des puissances inférieures, maintenue par le lien de la justice origi­ nelle, per justitiam originalem perfecte ratio continebat anirnx vires. S. Thomas, Sum theoL, I* II», q. lxxxv, a. 4. C'est en cc bel ordre de la région basse dc Pâme humaine que les modernes font consister plutôt l’état d’intégrité. Voir Concupiscence, t. ni, col. 803811. Les ouvrages à consulter ont été signalés ù la suite de l’art. Innocence (Étal d'J. A. Thouvenin. INTEMPÉRANCE. — 1* Notion.— Entendue dans un sens large, l’intempérance est un défaut dc mesure. On qualifiera d’intempérance de langage, des paroles prononcées sans retenue ni discernement; d’une activité qui sc répand sur tout, qui ne compte ni avec les obstacles ni avec les forces disponibles, on dira qu’elle est Intempérante. Mais cc terme désigne très spécialement le vice opposé à la vertu do tempérance. Cc vice porte ù rechercher, contrairement aux pre- 2267 INTEMPÉRANCE scrfptions de la raison ct de la loi divine, parmi les plaisirs sensuels,ccux qui sc rapportent au goût ct nu toucher. Il consiste donc, en premier lieu, dans l’amour déréglé du boire ct du manger. Tous les excès con­ damnables, en matière dc nourriture ct dc boisson, sont désignés sous le nom particulier dc gourmandise. Si l’usage immodéré du boire détermine, en outre, la perte de la raison, c’est le péché d'ivresse; ct, quand Il est passé en habitude, le fait dc s’enivrer s’appelle le vice dc l'ivrognerie. Voir Gourmandise, t. vj, col. 1520-1525; Ivresse, Ivrognerie, L’intempé­ rance comprend, en second lieu, la recherche cou­ pable des plaisirs dc la chair. Les voluptés charnelles, en dehors du mariage, sont formellement défendues par Dieu. Dans le mariage même, on ne peut en user sans règle, contrairement aux défenses de la raison ct dc la loi divine. Les infractions, dans l’un ct l’autre cas, se rapportent nu péché ou nu vice dc l’intempé­ rance. Voir Luxure ct Époux (Devoirs des), t. v, col. 374-386. 2· Malice. — Saint Thomas a dit dc l’intempérance qu’elle représente le péché, non assurément le plus grave, mais le plus honteux, maxime exprobrabile. Et il en donne deux raisons. Et d’abord, cc péché est le plus contraire ù la dignité dc l’homme, maxime repu· gnat excellentia: hominis, puisque c’cst la recherche aveugle dc plaisirs qui nous sont communs avec les bêtes. Dc celui qui sc livre au vice dégradant dc l’intem­ pérance, n*cst-il pas juste d’avancer, avec le psalmistc: Homo cum in honore esset, non intellexit; comparatus est jumentis Insipientibus, et similis /actus est illis?, Ps. xlviii, 21. L’intempérance est encore la négation, en quelque manière, du glorieux privilège dc la raison. Dans les délectations qui sont l’objet passionné dc ce vice. Il n’entre pas le plus faible rayon dc lumière Intellectuelle, dccettc hnnièrcd’où la vert u tire tout son lustre ct toute sa beauté: in delectationibus circa quas est intemperantia, minus apparet dc lumine rationis, ex qua est tota claritas et pulchritudo virtutis. Sum. theol., II· II», q. exui, a. 4. L’intempérance est un thème que les moralistes ont souvent exploité, en en montrant les turpitudes ct les conséquences désastreuses. La santé qu’elle détruit dans l'individu ct les tares congénitales qu’elle trans­ fuse à sa postérité, la desunion ct la ruine qu’elle occa­ sionne dans les familles, les facultés mentales qu’elle hébète, l’énergie du caractère qu’elle détend, les vices qui en sont le cortège habituel : mensonges, tromperies, blasphèmes ct incrédulité, la triste fin de ceux qui en sont victimes; ils n’ont rien omis dc cc qui pouvait en donner une impression terrifiante. Non moins redoutables, capables davantage d’émou­ voir le chrétien, sont les avertissements, les menaces et les condamnations que contiennent nos saints Livres. · Faites donc attention à vous, recommande le Sauveur, dc peur que vos cœurs ne s’appesantissent par l’excès des viandes ct du vin, par les soucis dc ccttc vie, et que cc Jour ne vienne soudainement sur vous. » Luc., xxi, 34. < Malheur à vous qui êtes rassasiés! · a déclaré Jésus-Christ. Luc., vr, 25. Et saint Paul affirme que les ivrognes n'entreront pas dans le royaume des deux, I Cor., vi, 10, que celui qui sème dans sa chair, recueillera dc la chair la corruption. Gai., vi, 8. S. Thomas, Sum. theol., II*-II», q. cxlti, n.4 ; Lchmkuhl, Theologia mnralls specialis, t. I. port. I. I. II, div. II, sect, xv, n. 716; Marc, Institutiones morales alphonstana·, L 1, part. I, tr. V, c. n, a. 1, n. 407, n. 2. A. Thouvenin. INTENTION. — L Notion. II. Espèces. III. Source dc moralité. IV. Source dc mérite. V. Dans l’administration et l’usage des sacrements. L Notion. — L’intention, au rapport dc saint INTENTION 2268 Thomas, est un des trois actes dc la volonté qui regardent la fin. Λ la différence du simple vouloir qui s’y complaît ct y adhère d’une façon absolue sous la raison dc chose aimable, de la fruition ou jouissance qui s’y repose délicieusement comme dans un bien possédé en quelque manière, l'intention la poursuit comme un terme â atteindre ct par les moyens qui y acheminent. L'intention est essentiellement une Impulsion, un élan, ou le ressort dc la volonté tendue vers un but. Elle Implique cependant un acte dc l'intelligence. 11 appartient à ccttc faculté dc fixer le terme dc la poursuite ct, avant tout mouvement, d'arrêter l’ordre dc marche. D’où la définition qu'en donne saint Thomas : Unde hoc nomen intentio nomi­ nat actum voluntatis, prasupposita ordinatione rationis ordinantis aliquid in finem. Sum. theol., 1·-!1®, q. xii, a. 1, ad 3Qm. La conscience du but où clic tend, a fait désigner l’intention par les termes d’en/ et dc lumière, par application dc la métaphore scripturaire; st oculus tuus fuerit simplex..., si ergo lumen quod in te est tene· bræ sunt, Matth., vi, 22, 23. Par cet œil intérieur qui nous éclaire, qu’il faut empêcher dc s’enténébrer, entendons l’intention, dit saint Augustin commen­ tant ce passage dc l’Évangile. Ce n'est pas seulement la fin dernière que fixe le regard dc l’intention; avec elle ct au-dessous d’elle il vise quantité dc fins intermédiaires, étapes où la volonté sc porte en vertu dc l’impulsion première et toujours agissante qui l'entraîne vers la béatitude. Ccs objectifs particuliers sc multiplient même ù l’infini. Considérés dans leur rapport avec une fin qui les commande, ils deviennent autant dc moyens propres â l’obtenir. · Comme nous l’explique encore saint Thomas, la fin et les moyens sont l’objet d’un seul ct même acte intentionnel dc volonté. Dans l’acte d’intention les moyens sont, non pas déterminés ct voulus avec précision, mais connotés, au moins d’une façon confuse, en même temps que la fin. C’est un acte spécial ct distinct de la volonté, autrement Γ élec­ tion, qui les arrêtera définitivement. Car il y a celte différence entre l’élection ct l’intention que « l’élection porte premièrement sur les moyens tandis que l’inten­ tion porte premièrement sur la fin; ct cependant la fin est connotée dans l’actc d’élection, comme les moyens sont connotés dans l’acte d’intention. > Th. Pègucs, Commentaire français littéral de la Somme théo­ logique, t. vi, p. 360. Voir Élection, t. iv, coL 2212. La philosophie dc l’intention est à peine soupçonnée dans la notion qu’en donnent les manuels, notion d’ailleurs suffisante pour les applications théolo­ giques que ceux-ci ont en vue : l’intention est l’actc volontaire par lequel nous décidons dc faire ou d’omettre une chose. IL Espèces. — On peut envisager l’acte même dc l’intention, son objet ou la façon dont la volonté s’y porte. Dc h\ diverses sortes d’intention que les auteurs dc théologie morale ont pris soin de définir. 1° Considérée en soi, l’intention est actuelle, vir­ tuelle, habituelle, ou interprétative. Elle est actuelle ou du moment, lorsqu’on veut avec attention, con­ sciemment, cc que l’on fait ou décide. Elle est virtuelle, quand on agit en vertu d’une décision anté­ rieure, sans y songer présentement, ou en état dc distraction. Les intentions actuelle et virtuelle ont ceci dc commun qu’elles déclanchent toutes deux le mouvement dc la volonté: elles diffèrent par la façon dont s’exerce leur influence. Dans l'une, tout s’accom­ plit au moment d» la décision et avec la vue directe ou réflexe ; dans 1’ intre la décision a précédé, mais per­ siste, ou même s’exécute par une sorte d’automatisme : · Chômas entendait l’intention habituelle pu smc que nous donnons maintenant à l'intente?1 · luelle. Sum. theol., II· II», q lxiv, a. 8, INTENTION 2269 ad 3am. Pour les modernes Γintention habituelle est celle qui, d’abord virtuelle, a cessé de l’être en perdant toute action sur le mouvement volontaire. Plusieurs causes, en dehors d’une décision opposée, peuvent Inhiber une décision antérieurement prise: un laps dc temps suffisamment considerable, un état psycholo­ gique différent du sujet, tel celui qu’entraîneraient le somnambulisme, l’hypnotisme, l’ivresse ou la démence. L’intention interprétai ioc est l’intention présumée ou qu’on prête à quelqu’un, avec raison ou gratuitement. Si la personne en cause n’a jamais voulu une chose ni en soi, ni dans une autre qui l'implique en quelque façon,on aura beau dire qu’elle l'aurait voulue si elle l’avait connue ou soupçonnée, son intention est irréelle. 11 en serait autrement si, à l’intention présumée, on trouvait des at taches avec une intent ion plus générale, qu’elle a certainement eue. Entendue en cc dernier sens, l’intention interprétative tient dc l’intention habituelle. 2· Envisagée du côté de son objet, l'intention est claire ou confuse, déterminée ou indéterminée, explicite ou implicite. La diversité dc l’intention ici provient du mode différent dc présentation par l’intelligence de la chose voulue. 3· En Un, le mouvement dc l'intention vers son objet tantôt ne dépend d’aucune condition, tantôt est subordonné à quelque circonstance ou événement. D’où deux autres sort es d’intention, l'intention absolue ct l’intention conditionnelle. III. L’intention source de moralité. — On sait que la moralité des actes humains procède dc trois sources, dc leur objet, dc leurs circonstances ct dc la principale d’entre elles, qui est la fin. La fln en ques­ tion, dite finis operantis, est celle précisément qui sc superpose à la chose voulue, ou finis operis, lui con­ férant une bonté ou une malice accidentelle. La fin, la dernière dans l’ordre dc l’exécution, est la première dans l’intention : elle la déclanche, elle l’oriente, elle la spécifie. Fin ct intention sc compénètrcnt et sc confondent à cc point, qu’on transporte aisément toutes les propriétés dc l’une à l’autre. D'où ccs règles dc moralité où l’on démêlera sans peine cc qu’on affirme ailleurs dc la fin : 1· Un acte bon en soi, accompli dans une bonne intention, contracte en dehors dc la bonté fondamentale dc son objet une bonté accidentelle, qu’il tient de l’intention; 2· pour le même motif, un acte objectivement mauvais, inspiré par une mauvaise intention, contracte une double malice;3· un acte, indifférent dc sa nature, tire toute sa bonté ou sa malice dc l'intention qui a fait agir; 4e une intention gravement mauvaise corrompt tou­ jours ct dans sa totalité une action, la rendant mau­ vaise, quelle qu’en soit d’ailleurs la bonté objective; 5· une intention légèrement mauvaise, si c’est la cause tout Λ fait déterminante d’une action, la rend abso­ lument mauvaise, bien que vénicllcmcnt ; 6· une Intention légèrement mauvaise, qui sc mêle ù une action objectivement bonne, soit qu’elle l’accom­ pagne, soit qu’elle la précède, sans en être cependant la raison totale et immédiate, ne la rend qu’en partie mauvaise. Telle cst.cn résumé, l'influence de l’inten­ tion soit bonne, soit mauvaise, sur la moralité dc l’acte humain. Entendons une intention qui déter­ mine vraiment un mouvement dc la volonté, donc au moins virtuelle ct non pas seulement habituelle ou Interprétative. IV. L’intention source de mérite. — Une des conditions requises pour qu’une œuvre soit méritoire delà vie étemelle, ou de condigno, est qu’elle ait Dieu pour fin. On a pu entendre diversement le texte dc saint Paul aux Corinthiens : Sive ergo manducatis, sive bibitis, sive aliud quid facitis, omnia in gloriam Dei facite, I Cor., x, 31. Qu’il s’agisse d’un précepte M 2270 positif ou négatif, ou simplement d’un conseil, ccttc phrase demeure le programme des actions à accom­ plir en vue dc Dieu. Ne représente-t-elle pas encore, d’une manière concrète, l’intention même, une inten­ tion générale qui fixe la fin suprême, qui lui subor­ donne ensuite les intentions Immédiates, ct qui les entraîne dans son mouvement pour l’atteindre? Mais cc rôle est précisément celui de la charité. Dans l’ordre dc la grace, l’ordonnance universelle de notre activité volontaire, le mouvement inten­ tionnel dc l’âme humaine vers le souverain Bien, est l’actc propre dc cette vertu. Il lui appartient, en outre, ct c’est un privilège, que saint Thomas lut conserve jalousement, dc rendre méritoires les œuvres des justes, pour autant qu’elle les rapporte à Dieu On peut donc parler dc l’intention comme d’une source de mérite surnaturel. La charité n’absorbe pas assurément les autres vertus, qui gardent chacune, en sa présence ct dans son rayonnement, leur nature spécifique ct leur fin propre. Mais tout en leur laissant leurs propriétés particulières, tout en respectant leur autonomie, la charité les perfectionne, ù la façon d'une forme exté­ rieure, ct elle les emporte dans son élan vers la fin suprême. C’est par un effet dc la souveraineté et grâce à la direction plus haute dc la charité-intention, que les autres vertus, sans perdre de vue leurs fins spéciales, s’orientent avec leurs actes vers la béatitude qui est Dieu. Voulons-nous dire que l'action d’un juste ne sera méritoire que moyennant un acte de charité, qui la commande ct la coordonne avec la fin dernière? Tout au moins, sera-t-il nécessaire de pro­ duire des actes d’amour dc Dieu très fréquents, tout pleins d’élan surnaturel, tels que l’âme en garde une vertu réelle et positive, quelque chose comme une force d’impulsion, capable de sc communiquer ù toute l’activité volontaire et dc l’entraîner vers la fin dc la charité? 11 nous semble que non, quoique des théo­ logiens l’aient prétendu. Voir Charité, t. n, col. 22462250. Voici, pensons-nous, l’enseignement magistral ct plus humain dc saint Thomas, tel qu’il résulte, non dc quelques passages isolés, mais d’un ensemble dc textes clairs ct concordants. « Il n’est pas plus pos­ sible, en cette vie, nous dit-il, dc rapporter tout ù Dieu, qu’il n’est en notre pouvoir dc penser toujours à Dieu ; c’est la perfection dc la patrie. Mais rapporter vir­ tuellement tout à Dieu, c’est la perfection dc la charité strictement obligatoire pour tous. » S. Thomas, De caritate, q. un., a. 11, ad 2““. Rapporter virtuellement tout à Dieu, qu'est-cc Λ dire? La doctrine dc saint Thomas sur l'action de la charité, dans l’ordre du mérite, peut ainsi sc résumer. Il est nécessaire d'abord que l’homme, en état dc grâce et possédant 1*habitus dc la charité, ait rapporté ù Dieu comme ù sa fin dernière par un acte dc cette vertu, tout ce qu’il est, tout cc qu’il a ct tout ce qu’il fait. Les œuvres qu’il accomplit ensuite, doivent être des actes honnêtes, moralement bons, conformes à la définition que le saint docteur a donnée de l'acte vertueux. Dès l’instant que l'homme s’est offert à Dieu, lui ct tout cc qu’il a, par un acte dc charité, ct tant qu'il en garde l'habitus ainsi que la grâce sanctifiante, scs actions honnêtes, pour autant qu'elles tendent dc leur nature vers la fin suprême, sont méritoires dc la vie éternelle ou de condigno. Elles le sont, même si, en agissant, il ne pense pas â Dieu ni ù la charité, se préoccupant seulement dc bien faire, sans autre objec­ tif que l'honnêteté particulière dc l’actc accompli, ou même si, conduit par une vue confuse du bien moral, il n'aperçoit en cc qu'il fait aucun désordre. Accomplies dans ccs conditions, nos œuvres sont-elles, en réalité, rapportées virtuellement à Dieu? Oui; elles le sont en vertu d’une causalité dc la fin dernière sur les fins 2271 IN T E N TIO N intermédiaires, objet de nos actes bons. < Il faut con­ sidérer, ajoute encore saint Thomas, que, si la vertu de la cause première demeure dans les causes subor­ données, l’intention de la fin principale demeure aussi virtuellement dans toutes les fins secondaires; ct voilà pourquoi quiconque poursuit une fin secondaire, par le fait même dirige virtuellement son intention vers la fln principale. Lors donc qu’un homme s’est ordonné lui-même à Dieu, comme à sa fin dernière, l’intention de ccttc fin qui est Dieu, la bonté souveraine, demeure virtuellement dans tout cc qu’il fait ·ρθυΓ lui-même (propler se); ct, par conséquent, il peut mériter en tout, s’il a la charité. Et c’est en cc sens que l’apôtre nous fait une loi de toutxapportcr à la gloire de Dieu. » S. Thomas, ibid. Ainsi donc il y aura relation virtuelle, au sens de saint Thomas; si la fin particulière de nos actes s’harmonise ou sc coordonne avec la fin suprême, ct si, après nous être donnés à Dieu, nous ct tout ce qui est à nous, par un acte de charité, nous lui demeu­ rons habituellement (habitu) ordonnés,autrement dit, slnous possédons sa grâce dans notreâmcct sa charité dans notre cœur. Aurons-nous besoin de renouveler souvent l’acte de charité qui nous ordonne à notre fin? L’offrande et Ja donation de tout nous-mêmes à Dieu, ne pourront-elles être maintenues qu’à cette condi­ tion? A parler absolument ct au point de vue du mérite, non. Il suffira que nous soyons fidèles, en temps voulu, au précepte de l’amour envers Dieu. S. Thomas, Sum. theol., I· II®, q. exiv, n. 4; IIMI®, q. cxxiv, a. 2, ad 2«®; q. clxxxh, a. 2; Quiust. disp., De potentia, q. vî, a. 9; De malo, q. n, a. 5; q. xx, a. 2; In IV Sent., 1. II, disL XL, q. ï, a. 5; De caritate, q. un., a. 5, 11. Les auteurs de théologie morale et d’ouvrages ascétiques ont raison d’encourager la pratique et de pousser au renouvellement de cc qu’ils nomment la bona intentio. Leurs exhortations vont à procurer davantage la gloire de Dieu, à faire pratiquer aux fidèles une vie plus parfaite, à amplifier la valeur méri­ toire de leurs œuvres. Qu’ils se gardent cependant de transformer en conditions rigoureuses du mérite, ce qui n’est que conseillé ou cc qui simplement intensifie cc dernier. V. L’intention dans l’administration et l*usage des sacrements. — P Du côté du ministre. — 1. Néces­ sité. — Le concile de Trente a défini contre les pro­ testants la nécessité, dans le ministre qui confère un sacrement,de l’intention de faire cc que fait l’Églisc: SI quis dixerit in ministris, durn sacramenta conficiunt et conferunt, non requiri intentionem saltem faciendi quod Jacit Ecclesia, anathema sit. Sess. VII, can. 11. Par cette déclaration solennelle une seule erreur était condamnée, mais tout le bloc des conceptions sacramentaires de la Réforme était logiquement atteint· — L’intention du ministre n’importe aucunement, sui­ vant Luther; car le rite sacramentel, prétend-il, n’a point de valeur propre ou d’efficacité objective. Sorte de prédication évangélique en action, il ne sert qu’à éveiller la confiance dans les promesses du Sauveur. Ce n'est donepoint un acte sacré du Christ, qui exige, pour être valable, en celui qui le représente et agit en son nom, un caractère officiel, ni même Ja volonté de sc conformer à scs intentions. Le sacrement, ne dépendant que de la foi du sujet, n’a pas besoin d’être donné, mais d’être reçu, au nom du Seigneur. Que le ministre soit prêtre ou laïque, quoi qu’il fasse ou ne fasse pas, qu’il agisse par feinte ou par dérision ostensible, si le rite est accompli, la promesse divine suffisamment rappelée à la mémoire de qui le reçoit et la fol éveillée dans son âme, l’effet du sacrement est tout entier produit. L’Églisc, en opposant à ces théories protestantes sa doctrine de l’intention, faisait revivre du même coup la notion véritable du sacre- 2272 I ment, le rôle nécessaire du ministre, ct sa mission à elle, mandataire fidèle des volontés du Christ, Le ministre du sacrement doit avoir l’intention de faire au moins ce que fait l'Église. Qu’est-ce à dire? Cette intention en celui qui confère un sacrement ne suppose pas forcément, ni qu’il en sait la nature, ni qu’il croit à son efficacité, ni même qu’il reconnaît la véritable Église du Christ. C’est la volonté de faire ce que le Christ a voulu, de suivre la pratique de la société fondée par lui, quelle qu’elle soit, ou même d’accomplir un rite religieux en usage parmi les chré­ tiens. Rien donc n’empêche qu’un protestant qui nie la vérité de l’Églisc romaine, qu’un païen qui en ignore absolument l’existence, qu’un impie aux yeux de qui les sacrements ne sont rien, n’ait l’intention implicite et confuse de faire ce que fait l’Église. Avant que le concile de Trente eût défini le dogme de la nécessité de l’intention, l’Église, en plus d’une circonstance, avait dû le proposer à la croyance des fidèles et surtout le défendre contre les hérétiques· La profession de foi que le pape Innocent III obligeait les vaudois de souscrire, lorsqu’ils revenaient à l’Églisc catholique, affirme très clairement la nécessité de l'intention, dans le prêtre qui consacre l’eucharistie. Être prêtre et prononcer les paroles du canon de la messe avec une intention fidèle, telles sont trois condi­ tions nécessaires à la consécration eucharistique, y est-il rappelé. Voir Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 424. Le pape Marlin V, dans sa bulle Intereundas ( 1418), prescrit qu’on interroge les gens suspects d’être tombés dans les erreurs de Wicleil et de Jean IIu>s, leur demandant s’ils croient qu’un prêtre indigne, accomplissant comme il faut le rite sacramentel avec V intention de faire ce que fait Γ Église, consacre, absout, baptise, administre les sacrements d’une manière valable. Ibid., n. 672. Selon le pape Eugène IV, dans le Decret aux Arméniens, les sacrements se composent de matière, de forme et de la personne du ministre, conférant le rite avec 1*intention de faire ce que fail Γ Église; faute de quoi le sacrement n’est pas accompli. Ibid., n. 695. Le dogme de la nécessité de l’intention, si nettement exprimé, n’est que la mise en relief ou l’explicitation d’une doctrine contenue dans l’enseignement ct la pratique des premiers siècles, à savoir, que le ministre des sacrements, évêque ou prêtre, représente le Christ ct son Église. Des apôtres qui baptisaient ct faisaient baptiser « au nom de Jésus », qui célébraient < le repas du Seigneur », à la controverse donatiste qui précisa les rapports du ministre avec l’Églisc ct de l’Églisc avec le Christ, la même affirmation sc reproduit à la façon d’un écho. L’évêque ou le prêtre ne sont que des fondés de pouvoir. Leur fonction dans la célébration des rites dont le Christ est déclaré l’auteur, est sim­ plement ministérielle. D’oû, l’obligation pour eux, dans la collation d’un sacrement, d’agir dans la dépen­ dance de l’autorité qu’ils incarnent, d’observer cc que le Maître a fait lui-même ou ordonné de faire, autre­ ment, de conformer leurs intentions aux siennes. Cette conclusion les docteurs du xn· et du xm· siècle la tireront immédiatement ct sans trop de peine, de la donnée scripturaire ct patristique. A l’argument traditionnel s’ajoutent les raisons théologiques que la spéculation a assemblées ct que répètent à peu près tous les manuels. Dieu respecte Ja nature des instruments dont il se sert. L’homme étant un être raisonnable ct libre, si Dieu l’emploie dans l’administration des sacrements, cc ne peut être à la manière d’une force aveugle. 11 lui demande, au con­ traire, de subordonner son action propre à l’action divine, d’agir avec une volonté, à la fols dépendante ct autonom- autrement dit, avec une intention.— Au reste, lu cotation d’un sacrement est un acte moral INTENTION 2273 2274 et de l’ordre le plus élevé; elle requiert aussi, de cc titre : De necessaria intentione in perficiendis sacra­ chef, une application des facultés d’intelligence ct de mentis, ct qu’il écrivit en 1547, A Trente même, soutint volonté, une intention vraie. - La nature ct la lin que l’intention intérieure n’est pas requise, que la volonté d’accomplir sérieusement le rite extérieur du du rite sacramentel la supposent non moins néccs saircincnt, La matière d’un sacrement, en soi, est sacrement suffit pour sa validité. On n’avait pas encore Indifférente à signifier ou A ne pas signifier reflet sacré; défini le problème avec autant de précision, ni défendu l'ablution, par exemple, peut servir à diverses fins, la position adoptée, par des raisons aussi impression­ à laver ou A rafraîchir Sans doute, la forme ou les nantes. L’opuscule de Catharin parut A Rome, en 1552, paroles déterminent le sens sacramentel de la matière, dans son ouvrage De intentione ministri, et ne souleva mais non parfois avec autant de précision et de relief pas de protestation. L’opinion de Catharin a rallié de nombreux défen­ qu’il le faudrait : l’intention du ministre contribue é 1 rendre impossible toute équivoque. Au surplus, bien seurs ; probablement le jésuite espagnol Salmeron que les paroles de la forme oient un sens objectif, (t 1585), certainement l’augustin F. Farvaques, pro­ elles n’expriment réellement cc sens, que si on le leur fesseur à Louvain (t 1689), Gaspar Juenin (t 1713), donne par l’intention. Cette raison fera plus d’impres- . le P. Serry (f 1738), Contenson (t 1764), Drouin slon, si l’on songe que les paroles de la forme n’ont (t 1742), et de nos jours, le docteur allemand Oswald, Les divers tenants de la pensée de Catharin ont cru pas, comme l’ont prétendu les théologiens de la Réforme, le sens précisément d’une exhortation ou cependant devoir la rendre plus acceptable. 11 en est d’un appel à la foi du sujet, mais bien une valeur résulté parmi eux, sur plus d’un point, des nuances consécratoirc ct pratique, qu’elles doivent opérer cc ou même des divergences d’opinion. Les uns n’admet qu’elles signifient. Elles ont besoin, A cause de leur tent, par exemple, que pour le baptême la théorie de efficacité même, d’une volonté qui leur fasse atteindre l’intention extérieure, parce que le baptême peut *tre leur but, en d’autres termes, d’une intention en celui conféré par un ministre sans caractère sacré. Les autres pensent que l’intention externe suffit dans les qui les prononce. Ne serait il pas ridicule de soutenir, conformément A la thèse protestante, que si un prêtre, sacrements, où la forme exprime une action accomplie ayant devant lui du pain ct du vin, récite le chapitre par le ministre, mais non pour l'eucharistie, la formule xxvi de saint Matthieu, il consacre; ou que si une mère consécratoirc, Ceci est mon corps, ne signalant pas la lave son enfant en invoquant la Trinité, elle le bap­ fonction ministérielle du prètre. Selon d’autres encore, l’opinion ne s’applique pas au sacrement de mariage, tise? L’intention dans le ministre de faire cc que fait qui ne peut être valide sans une Intention Intérieure l’Église, est nécessaire pour qu’un sacrement soit des contractants; car les contractants remplissent validement conféré. Le concile de Trente l’a défini chacun un rôle d’agent principal, ct non de simple ins­ contre Luther, mais sans sc prononcer sur les qualités trument. Même ceux qui tiennent l’intention exté­ que doit avoir ccttc intention, sans préciser, en parti­ rieure pour suffisante, en n’importe quel sacrement, culier, si elle doit être intérieure, il a donc laissé sub­ sc divisent au sujet des circonstances qui doivent sister le problème, que peut-être saint Augustin, marquer l’accomplissement sérieux du rite. Pourvu quoique d’une façon un peu différente, avait posé, que le ministre accomplisse sérieusement tout le rite, il est sans interet pour la validité du sacrement, que qu’avaient résolu différemment au xu· siècle Roland Bandinclli ct Hugues de Saint-Victor, qu’avaient cc soit dans un lieu ct avec une solennité déterminés, remis en honneur, avec une acuité nouvelle, peu aprèo soutient un groupe plus avancé. Non, contestent la le concile de Trente, Catharin ct quelques autres, ct plupart; car la volonté dans le ministre d’accomplir au sujet duquel l’ensemble des théologiens modernes sérieusement le rite a besoin de s’affirmer par un ensemble de circonstances, telles que la présence dans s’est nettement prononcé. 2. Qualités, -L’intention de faire ce que fait l’Églisc une église, le cérémonial accoutumé, sur invitation peut être de deux sortes. Le ministre du sacrement de conférer un sacrement. A l’appui de leur opinion Catharin ct ses partisans veut en accomplir intégralement ct sérieusement le rite extérieur, c’est-à-dire appliquer la matière requise ont allégué des raisons qui ne sont pas sans valeur. ct prononcer les paroles indispensables de la forme, Celui qui opère sérieusement le rite sacré leur semblait ngir comme ministre du Christ, faire vraiment cc que sans songer A autre chose, ou même avec l’intention positive, dans son for intérieur, de s’amuser, de ne I veut l’Églisc, c’est A dire appliquer la matière ct la pas conférer le sacrement; il n’a alors que l’inten­ forme au sujet, comme ils l’ont prescrit. L'effet suivait de là, indépendamment de l’intention du ministre, tion dite extérieure. Ou bien le ministre, non content d’accomplir l’acte sacramentel dans sa matérialité, comme l’effet d’une cause naturelle en certaines cir le veut comme un rite du Christ et de l’Églisc, ou constances déterminées sc produit nécessairement. comme un rite religieux en usage parmi les chré­ ; On aurait beau, approchant le feu d’un paquet tiens, et c’est l’intention dite intérieure. Évidemment d’étoupes, ne vouloir point que l'incendie s’allume, l’opposition entre ces deux formes d’intention pro . on ne l'arrêterait pas. Ainsi en est-il du rite extérieur vient, non du sujet, puisque toute intention est un ' que le ministre a posé, vis-A-vis de la grâce que ce rite confère ex opere operato, La même conclusion décou­ acte intérieur de volonté, mais de l’objet, qui est dans lait si l’on tenait compte, d’autre part, de la constituun cas la réalité visible du rite ct dans 1’aulrc, la réalité Invisible que le Christ ou l’Églisc ont en vue. I tion de l’Églisc. Quelle forme le Christ lui a-t-il donnée, NI l’une ni l’autre, l’intention extérieure pas plus que sinon celle d'une société extérieure et visible, faite pour unirentre eux,non des anges,mais des hommes? l’intention intérieure, n’ont rien de commun avec Or une société de ce genre est régie par une adminis­ celle que Luther préconisait, ostensiblement bouffonne, simple parodie de la pensée du Christ ct de l’Église, tration qui expédie toutes les affaires extérieurement, ct que le concile a condamnée. On peut donc sc bien que d’une façon sérieuse. Pourvu que les for­ demander si l’intention intérieure est absolument malités légales qui règlent les conventions soient nécessaire pour que le sacrement soit valable, si observées, les dépositaires de l’autorité n’ont cure de l’intention extérieure ne suffirait pas. Telle est une l’intention intérieure. Une signature régulière est question que le concile n’a pas tranchée, l’abandon­ valable, même si quelqu’un l’a donnée en sc riant, nant aux discussions des théologiens. i en protestant dans son for intime qu’il ne s’engage Ambroise Catharin, de l’ordre de saint Dominique à rien. La sentence qu’un juge, dans l’exercice de ses et théologien du concile, dans un opuscule qui a pour I fonctions a prononcée avec toute la solennité requise. PICT DE THÉOL. CATIIOU VI f. —72 2275 INTENTION aura son plein effet, quoi qu’il ait pensé et voulu Λ part soi. Pareillement donc un sacrement dont Je rile extérieur fut sérieusement accompli était valide; en aucun cas on ne pouvait le considérer comme nul. par défaut d’intention intérieure dans le ministre. Au surplus, l’intention mentale du ministre était chose qui échappe à l’observation, au contrôle. Si clic est Indispensable à la validité, comment les fidèles sauront-ils s’ils ont vraiment reçu un sacrement quel conque? Est-il impossible qu’un prêtre de mauvaise foi, baptise, absolve sans intention ou même avec une intention contraire, ct, par conséquent, d’une manière nulle? Ne peut-on imaginer un évêque conduit par un esprit pervers ct faisant des ordinations invalides? Quelle source perpétuelle de perplexités ct d’appréhen­ sions chez les fidèles sur i’état de leur âme, par rap­ port Λ leur salut I Quel danger que la hiérarchie d’ordre ne soit plus assurée, que le sacerdoce ne soit tari dans sa sourceI Voilà, disaient les défenseurs de Catharin, les désastreuses conséquences auxquelles expose l’intention mentale, si elle est requise. Ils alléguaient, en outre, des textes d’auteurs anciens â qui ccs difficultés n’avaient pas échappé tout Λ fait. Il leur semblait que saint Augustin, Λ propos de deux cas de simulation du baptême, l’un dans l'assemblée religieuse, l’autre sur la scène, avait * résolu Je premier dans le sens de leur opinion, décla­ rant valide le rite extérieur accompli sérieusement, quoique sans intention mentale. Voir De baptismo contra donatistos, J. VII, c. un, n. 101, P. L., t. xun, col. 212. Ils n’avalent garde de négliger une réponse d’Innocent IV qui leur paraissait favorable à leur thèse, bien qu'il l'ait donnée avant son ponti­ ficat ct qu’on puisse y voir le cas d'une intention inté­ rieure implicite : Non est necesse quod baptizans gerat In mente facere, quod facit Ecclesia; imo si contrarium gereret in mente, scilicet non facere, quod facit Ecclesia, sed tamen facit, quia formam seroat, nihilominus bap­ tizat, dummodo baptizare minister intendat. Enfin iis prétendaient que saint Thomas lui-même tenait l'intention extérieure pour suffisante; ct ils citaient à l’appui de cette assertion plutôt nouvelle, un pas­ sage de la Somme théologique : Minister sacramenti agit in persona totius Ecclesiæ, cujus est minister. In oerbis autem quæ profert, exprimitur Intentio Eccle­ siæ, quæ sufficit ad perfectionem sacramenti, nisi con­ trarium exterius exprimatur ex parte ministri uel recipientis sacramentum, III·, q. Lxrv, a. 8, ad 2xun. L’intention de l’Église exprimée par l’accomplisse­ ment extérieur du rite sacramentel suffirait donc, excepté dans le cas où, soit le ministre, soit le sujet manifesteraient extérieurement qu’ils agissent par dérision. Cependant personne entre les thomistes, avant Contenson, n’avait soupçonné saint Thomas d’être partisan de l'intention purement extérieure; bien au contraire. Dans son opuscule De sacramentis, d’où le pape Eugène IV a extrait à peu près littéralement VInstruction aux Arméniens, Je saint docteur men­ tionne, outre la matière ct la forme, le ministre avec l’intention de faire ce que fait l’Église. Une intention si nettement distinguée du rite extérieur, qui s’y ajoute, ne peut être que mentale. Dans le texte en cause, saint Thomas ne dit pas qu’il suffit d’avoir l'intention de proférer les paroles, mais quo c’est assez de l'intention que les paroles expriment. Lors donc que la forme signale Γaction ministérielle : je te bap­ tise, je te confirme, Il suffit que le ministre ait l'inten­ tion que la forme signifie, pourvu qu’elle soit réelle ct nullement fictive. Cette intention est intérieure, mais non exclusivement, car elle s’extériorise et prend corps dans les paroles du rite. L’opinion de Catharin, aussitôt publiée, détermina 2276 I une polémique des plus vives, non sur le terrain dti définitions de Trente, mais sur celui de la théologie s aeramen taire. La doctrine de l'intention intérieure fut défendue par des auteurs de marque, tels que BcJInrmin, Suarez, Vasqucz, de Lugo, Toumély, Benoît XIV, De sijnodo diœcesana, L VU, 4, 8, 9. Ét aujourd'hui elle est devenue renseignement presque unanime des théologiens, tandis que l'opinion de l’intention externe, qui avait d’abord souri â beau coup, n’a conservé que très peu de probabilité. Les raisons théologiques qui ont servi â prouver h nécessité d’une intention dans le ministre, pour peu qu’elles soient poussées, vont à établir qu’une Inten­ tion mentale est non moins indispensable. S'il est nécessaire d’opposer à Catharin ct à scs défenseurs des arguments spéciaux, tout d’abord, leur manière de concevoir l’œuvre du Christ, Église ct sacrements, ne semble-t-elle pas s’arrêter à la superficie des choses, manquer de profondeur? Les mandataires du Sauveur ne sont pas de simples messagers de son action sanctifiante, ou des notaires qui enregistrent l'acte accompli par Dieu, accusent réception de la grûce par le sujet, sans plus. L’action sacramentelle, tout en demeurant une œuvre divine, est une œuvre profondément hum.dnc, où l’homme entre tout entier et dont il est hautement responsable. La collation d'un sacrement suppose deux agents, qui conjuguent leur action pour une opération essentiellement une, un agent principal, qui est le Christ, un agent secondaire, le ministre. Mais le Christ emploie son ministre, à la manière non d’un instrument inconscient ct sans vie, mais d’une cause raisonnable, sollicitant l'acte de son libre vouloir: et le ministre, s'il veut entrer dans son rôle de coopérateur, épouse la volonté supérieure qui le meut, y conforme exactement la sienne. Et il doit s’y conformer dans tout son objet. Le rite extérieur du sacrement peut affecter le caractère ou d'une chose profane ou d'un acte religieux ct sacré. Le Christ l’a institué de telle manière, qu'il peut revêtir cette dernière forme, sans l'avoir néces­ sairement. Qu’il soit, en fait, cc que le Christ n voulu qu’il fût, une réalité d’ordre surnaturel ou religieux, cela dépend du ministre. Le ministre doit vouloir user du pouvoir ministériel, qu'il tient du Christ, agir en son nom ct par sa vertu. Or cette acceptation pleine ct entière du vouloir divin, cette volonté qui a pour objet le rite sacramentel considéré, non dans sa maté­ rialité, mais formellement comme un acte surnaturel ou religieux, c’est précisément ce qu'on appelle Y intention interne. N'y a t-il pas lieu de s’inquiéter de cc pouvoir quasi discrétionnaire du ministre? Et n’cst-cc pas ce qui faisait appréhender À Catharin d’innombrables cas de sacrements invalides? Non ; on ne peut affirmer, avec preuve à l'appui, qu’un évêque, un prêtre ail Jamais manqué de l’intention requise. Cc qu'on exige du ministre est chose minime I 11 faudrait avoir une âme bien dépravée pour refuser de parti pris cc mini­ mum. Du reste, il y a tant d’autres moyens de frustrer un sacrement de son effet, ct sans que les fidèles s’en doutent. 11 est nécessaire de s’en remettre, en fin de compte, à la providence surnaturelle de Dieu, qui no permettra pas que la source du sacerdoce vienne à sc tarir par une suite d'ordinations invalides, ni que les fidèles perdent toute confiance dans les sacrements qu’ils reçoivent. L'assistance que le Christ a promise à son Église ne saurait être vaine. Les documents ecclésiastiques antérieurs ù Catha rin, si l’on y r< r le de près, ne sont pas favorables à sa thèse. 1 i bulle Int· r cunctas » de Martin V, ainsi que le .lécrct · ■ I· ’ ·£<.' ne IV aux Arméniens, requièrent, ot’trr 11 itl·. . · < t la forme, l’intention du ministre. sc confondant avec l'accomplis- 2277 1NTENTION sèment du rite extérieur, ne peut, par conséquent, lufilre. Cette conclusion se dégage surtout d'un pas sage du chapitre vi de la session XIV· du concile de Trente : < Que le pénitent ne présume point de en fol, Λ cc point qu'il pense être absous, lors même que le prêtre n’a pas l’intention d’agir sérieusement ct d'absoudre en réalité. » La volonté d’absoudre repré­ sente sans doute l'intention interne, ou celle dont l'objet comporte autre chose que Je rite extérieur, la rémission du péché, Mais pourquoi les deux Incises : animus serio agendi et vere absolvendi? Ou bien elles se complètent, ou bien elles sont synonymes; si elles ont même signification, agir sérieusement Ici revient ά absoudre; si elles se complètent, il est nécessaire que l'intention d’absoudre s’ajoute au rite sérieuse ment accompli : dans les deux cas l’intention Interne est requise. La condamnation par Alexandre VIII, en 1G90, d'une proposition de Êarvaques : « Valide est le bap­ tême conféré par un ministre qui observe tout le rite extérieur ct garde la forme du sacrement, mais dit fermement à part soi : Je n’ai pas l'intention de faire ce que fait l’Eglise, » porta à la doctrine de Catharin un coup à peu près décisif. A’oir Alexandre VIII, t. j, col. 761. Catharin n’avait jamais rien avancé d'aussi catégorique touchant l'intention du ministre en son for Intime; la condamnation ne le visait donc pas personnellement, comme Home l’a d’ailleurs déclaré. Toutefois son opinion, depuis lors gravement atteinte, ne cessa de perdre de son crédit, ct « presque personne aujourd’hui, dit Pourrat, n’ose l’adopter franchement. » La théologie sacramcntaire, p. 357. Assurément 11 ne peut être question de la suivre en pratique. Cnr, lors même qu’elle demeurerait pro­ bable, il est prescrit dans l’administration des sacre­ ments d'opter pour le parti le plus sûr. SI donc, contrairement ù cc grave précepte, un sacrement a été conféré sans intention intérieure, il doit être réitéré sous condition, s’il est un de ceux qu’on ne reçoit qu’une seule fois ct qui sont d’une suprême Impor­ tance, comme le baptême ou l’ordination, à moins qu'on ait tout le temps de consulter le Saint-Siège sur la conduite à tenir. Le P. Pcsch. estimant l’opinion de l’intention externe ù peu près dénuée de toute probabilité, pense même que, si l'intention intérieure a fait certainement défaut, on pourra réitérer cc sacre­ ment absolument. De sacramentis, 1.1, th. I, n. 287. L’intention doit être intérieure. Elle requiert encore d'autres qualités sans lesquelles un sacrement ne peut être valide. Comme nous les avons précédemment définies, il nous suffira de formuler les principes. L’intention actuelle est fort désirable, mais non indis­ pensable à la validité d’un sacrement, personne ne pouvant se promettre de conférer le rite sans distrac­ tion. L’Intention virtuelle suffisante est requise. Un ministre même distrait agit encore avec une volonté raisonnable ct libre. C’est assez d’une décision anté­ rieure qui continue d’influer sur l’action sacramentelle ct sur son effet. Pourvu que la distraction n’cmpèchc pas le ministre d’accomplir tout l'essentiel du rite, le sacrement qu’il confère est valide. Ni l’intention habituelle ni l'intention interprétative, telles qu’elles ont été définies plus haut, ne suffisent; car elles ne comportent ni l'une ni l’autre une action ou réelle ou raisonnable du ministre. Parce que les sacrements ne sont conférés que d’une façon concrète ct particulière, il faut que l'intention soit déterminée, ou se rapporte sans confusion possible ù une personne et ù une matière distinctes. Les paroles mêmes de la forme : je le bap­ tise, je /’absous, ceci est mon corps, l’exigent. 11 est nécessaire enfin que l’intention soit absolue, au moins équlvalcmmcnt. Autrement dit,si quelqucconditionest apposée, elle ne doit en aucun cas empêcher l'intention d’être absolue, au moment oh le sacrement se confère. La condition pourra donc être un fait passé ou pré sent, mais non, si toutefois on excepte le cas parti culier du mariage, un fait futur qui tiendrait en suspens l'effet sacramentel. L’intention conditionnelle, ainsi définie, est licite si le ministre a un motif sérieux d’y recourir, ct qu’il s'agisse d'un sacrement nécessaire ou grandement utile. 2· Du côté du sujet. L Nécessité. - Pour recevoir les sacrements dont ils sont capables, aucune inten­ tion n'est requise des enfants qui n’ont pas encore la raison, ni des adultes qui ne l’auront jamais. C’est l'enseignement de tous les théologiens et la pratique universelle ct constante de l’Église. Ces créatures destinées au bonheur du ciel, ne peuvent produire aucun acte humain qui le leur assure. Cependant voici les sacrements, qui agissent ex opere operato en tous ceux qui n'y mettent pas d'obstacle. Le Christ donc, par le ministère de l’Église, remet à ccs sujets Incon­ scients, un péché qu’ils n’ont point personnellement commis, et il leur fait don de sa grâce. Le baptême, la confirmation, l’eucharistie ct Tordre sont les quatre sacrements qu’on peut leur conférer, au moins validemenL A un adulte qui a l'usage de la raison, un sacrement ne peut être validement conféré, s’il n’a l’intention de le recevoir. La justification pour les adultes a lieu «parune réception volontaire de la grâce et des dons>, per voluntariam susceptionem gratiæ et donorum, comme le déclare expressément le concile de Trente. Sess. VI, c. vu. La justification exige aussi, de leur part, une préparation; or,.parmi les dispositions préparatoires le saint concile mentionne entre autres : « le propos de recevoir le baptême, dum proponunt suscipere baptismum. > Ibid., c. vi. L’intention est donc néces­ saire. La doctrine des théologiens est, on peut dire unanime, sur ce point, ct l’Église l’a sanctionnée au moins pratiquement. Et l’intention requise suppose un acte positif de volonté. Autrement, l’attitude de neutralité passive qui consiste À sc prêter ù l’adminlstratoin du rite sacramentel, sans le repousser ni le vouloir, ne suffit pas. Cajétan avait soutenu la théorie de la voluntas neutralis; son opinion singulière fut communément rejetée par les docteurs. On objecte à la doctrine de la nécessité de l’inten­ tion dans le sujet, un certain nombre de faits histo­ riques contraires, par exemple, des ordinations ImpoI sécs de force. Combien de saints personnages, que l'honneur du sacerdoce ou le fardeau de l’cplscopat ' épouvantaient, il a fallu contraindre à sc laisser ordonnerl On ne triomphait souvent de leur résis tance prolongée que par la rusc ct la violence. Même alors, répondrons-nous, on ne leur imposait pas les mains sans une intention suffisante de leur part Saint Augustin, qui les avait expérimentés pour luimême, a dit de ccs procédés violents, qu’ils avaient pour but d’amener ceux qui en étaient dignes, ù accepter volontairement l'ordination sacerdotale. Si parfois des ordinations ont été sans valeur, à cause du refus persistant des élus, ce sont là des exceptions regrettables dont l’Église n’a pas à répondre, ct qui n’infirment pas la doctrine de l’intention. - Plus dif­ ficile ù résoudre est le cas de certains baptêmes reçus par contrainte, soit au vu· siècle, en Espagne, où le pieux roi des Wisigoths Sisebut, forçait les juifs à sc convertir, soit, au vin· siècle, chez les Saxons que Charlemagne obligeait au baptême sous peine de mort, soit enfin au début du xin· siècle, alors qu’on sévissait contre les infidèles ct les Juifs. Le IV· con­ cile de Tolède et le pape Adrien 1er ont conclu, chacun de leur côté, à la validité des baptêmes conférés sous l'empire d'une crainte grave. La réponse du pape Inno cent 111 ù la consultation de l’archevêque d’Arles, est 2279 INTENTION dans le même sens et elle expose, en outre, les principes dc solution du cas de conscience. Il s’agissait de savoir si le baptême administré Λ des sujets endormis ou atteints d’aliénation mentale, est valide; le cas pro posé sc rattachait apparemment encore à des faits de conversions forcées. Lc pape distingue deux cas : celui où la violence ne fut que relative, où le sujet, par conséquent, consentit à être baptisé, bien que devant la menace des supplices (lanquam conditionaliter); celui, au contraire, où la violence fut absolue, c’cst-à dire où le baptême fut conféré par force ou par sur prise, malgré le refus formel ct persistant du sujet (nunquam consentit, sed penitus contradicit). Puis, Il résout la question par application dc ccs principes. N’est pas valable le baptême des adultes qui, avant leur sommeil ou leur folie, ont protesté ne vouloir pas être baptisés, car ils sont censés persister dans leur refus. Est valide,au contraire, le baptême de ceux qui, suivant les exercices du catéchuménat, avaient formé le désir d’être baptisés. Voir Baptême, t. n, col. 279. , M. Pourrai remarque que le pape Innocent III assimile les premiers aux sujets qui s’approchent du sacrement, flctl, c’est-à dire en refusant le baptême dans leur for Intime,sans manifester extérieurement leur refus (fleti, qui quamvis non ore, corde tamen dissentiunt). Et cet auteur se demande : < Innocent III reconnaîtrait donc la validité du baptême administré à un sujet, qui a intérieurement l’intention de n’être pas baptisé, mais qui ncdt voile pas extérieurement l’opposition de sa vo Ionic? · Le cardinal Gasparri le pense, Tractatus canoni­ cus dc sacra ordinatione,Paris, 1893, t. i, n. G13. Quoi qu’il en soit, les partisans dc Catharin n’auraient pas lieu de s’en féliciter outre mesure ;caril s’agit ici d’une intention externe, non dans le ministre, mais dans le sujet.Le texted’ Innocent IIIdansDcnzlngcr-B.n. 110. 2. Qualités. - Une difïércncc est à faire, sous le rap­ port dc l’intention, entre le ministre ct le sujet. Le ministre a surtout un rôle actif; il intervient ù la façon d’une cause, non seulement dans l’accomplissement du ritc, mais vis-à-vis de l’effet à produire. Le sujet a un rôle plutôt passif; s’il est adulte et conscient, H sc dis pose. Delà vient qu’une intention moins parfaite est exigée de sa part. D’une manière générale, selon la doctrine commune, l’adulte auquel on confère un sacrement, doit avoir l’intention intérieure dc le recevoir comme une chose sacrée. SI l’on excepte le mariage et la pénitence, qui exigent une intention au moins virtuelle, il suffit d’une intention antérieurement formée ct non rétractée. C’est l’intention habituelle, nécessaire, mais suffisante pour la libre acceptation d’un don ou d’un bienfait, donc aussi pour la réception d’un sacrement. L’inten tion est expresse ou implicite. Elle est expresse, lorsqu’elle a été positivement exprimée; clic est hnplr cite, si elle est contenue dans une autre intention suffi­ samment manifeste, telle que serait la volonté d’em brasser la religion chrétienne, d’accomplir tout cc qui est nécessaire au salut, ou de vivre ct dc mourir en catholique. Ccttc dernière, parce qu’elle implique la volonté de recevoir les sacrements nécessaires au salut, ou du moins les sacrements que l’Église a cou tume de conférer aux malades en danger de mort, suffit pour le baptême, la confirmation, le viatique ct l’extrême-onction ; la précédente est exigée pour le sacrement dc l’ordre. L’intention s’entend encore dc l’application que le prêtre fait à une ou plusieurs personnes déterminées des fruits de la sainte messe. Voir Fruits de la messe, t. vi, col. 933-913. S. Thomas, Sum. theol., I*-II®. q. xn, exiv, a. 4 ; De malo, q. Il, n. 5; q. ix, n. 2; De carttale, q. iv, n. 5. 11; Drouin. De re sacramentarta, dons Migne, Cursus theol., t. XX, col. 1479-1555; Franzclin, De sacramentis (n gencrr. INTERDIT 2280 Home» 1878; A. BaUcrinl, Opus theol. morale, Prato, 1889, 1.1, tr. I, c. vm, n. 157-1G5, 190 217 ; Lchmkuhl, Theotofa moralis, Fribourg-cn-Brisgiiu, 1890, t. 1, 1,8, 9,30-33;t.n, 24-30,48,49, n. 258, 202-204 ; Terrien, La grâce el la gloln, Paris, 1901, t. n, 1. VU, c. iv; Billot, Dc Ecclesia lacramtu tls. Home, 1906, th. xvin, xix ; Chr. Pcsch,De sacramenlù, Fribourg-cn-Brisgau, 1908, 1.1, tr. I, sect, v, n. 3; sect, vi, a. 2; Pourrat, La théologie sacramcntaire, Paris, 1910, c. vu; Noldin, Sum. theol. moralis, t. m. De sacramrnUi, Inspruck, 1911,1. I, q. m, a. 2, 3; q. iv, a. 1. A. Thouvlmn. INTERDIT. L'interdit est une des trois sorlesde censures qui peuvent être portées par l’Église; les deux autres sont l’excommunication ct la suspense. Voir ccs mots L Définition ct espèces. II. Ancien ncté ct usage. III. Interdits en vigueur. IV. EiTeU. V. Levée de l’interdit. 1. Définition et espèces. Ie Définition. - Lc Code de droit canonique, can. 2268, § 1, définit l’inter dit une censure par laquelle des fidèles, tout en demeu­ rant dans la communion de Γ Église, sont privés de certaines choses sacrées qui sont énumérées dans les canons suivants. - 1. C’est une censure, donc une peine médicinale. L’interdit n’a pas pour but principal de punir, mais dc corriger et dc guérir; il est une mesure dc rigueur, mais destinée à ramener le pécheur à rési­ piscence. Cela est vrai des interdits lancés contre des particuliers; mais aussi des interdits qui frappent une région, un État; dc telles mesures atteignent inévi­ tablement des sujets innocents en voulant punir le péché du prince; mais l’Église veut que les plaintes des sujets fassent pression sur le coupable et le déci­ dent à renoncer à son désordre. Nous aurons l’occasion de citer diverses preuves historiques dc l’efficacité dc ccttc sanction, une des plus graves que l’Église ait à sa disposition. De cc caractère médicinal dc l’interdit, il résulte que le repentir est la condition nécessaire pour en obtenir la levée ; l’interdit sera porté, non pour un temps déter miné, mais sans limitation dc temps; il pèsera plus ou moins longtemps selon que le coupable s’opiniâtrera dans sa faute ou au contraire sc repentira plus promp­ tement et demandera l’absolution. Dans certains cas seulement, l’interdit est porté comme peine vindicative, ayant surtout pour but de punir, can. 2255, § 2. On le reconnaîtra à cc que h sentence porte l’interdit pour un temps détermine, proportionné à la gravité dc la faute que l’on veut châtier. Can. 2291, 1· ct 2e. Ferraris, Prompta biblio­ theca, édit. Migne, 18G5, t. iv, col. 763. En cas dc doute, on considérera l'interdit comme une censure ct on le traitera comme tel. 2. L’interdit laisse ceux qui en sont frappés dans la communion de l’Église, ct par là il sc différencie dc l’excommunication. Celle-ci, plus grave dc sa nature que l’interdit, rompt en tout ou en partie les liens qui rattachent à la société des fidèles ; elle place hors de la communion dc l’Église ceux qui en sont atteints. Can. 2257, § 1. L’interdit, au contraire, laisse subsister les liens qui unissent les fidèles entre eux ou avec le centre social; il défend seulement certains actes de culte, il ferme seulement certaines sources dc grâces. Cela explique que l’excommunication ne peut jamais tomber que sur des coupables, tandis que l’interdit, quand il est porté en général sur une personne morale, sur une région ou un pays, atteint indirectement des innocents. Il arrive d’ailleurs parfois qu’avec l’interdit sur le collège ou Je pays, l’excommunication soit pro­ noncée contre h s principaux coupables. Ainsi en 1198, Innocent III. par son légat Balnler, moine dc Cttcaux, jette l'interdit sur le royaume dc Léon pour punir le mariage ill· ,itime contracté par le roi Alphonse avec Bérangèn ■’· tille; mais en même temps le roi ct ' t rcl m son' p ci.nellemcnt excommuniés; ct quand 2281 INT EK DIT Bérangére eût été renvoyée à son père, la sentence d’absolution visa simultanément l'excommunication des coupables cl l’interdit du royaume. Innocent III, Regesta,}. II, epist. lxxv; 1. VU, epist. lxvii ct xerv; P. L., I. ccxiv, col. 612; t. ccxv, col. 345 ct 376. 3. L’interdit prive ceux qui en sont frappés de certaines choses sacrées que le Code énumère en parlant des effets dc l’interdit. Nous examinerons en détail ccs effets. D’une manière générale, la sentence peut être plus ou moins sévère ct porter plus ou moins d’interdictions; mais les choses qui peuvent être prohibées par l’interdit sc ramènent à trois groupes dc biens spirituels : la réception des sacrements, la parti­ cipation aux offices divins ou leur célébration, la sépulture ecclésiastique. Ferraris, loc. cit., col. 759. 2· Espèces. — L'interdit peut être jeté sur des lieux ou sur des personnes; ct dans les deux cas, il est par­ ticulier ou général. D’où quatre espèces d’interdits : L’interdit local particulier atteint un Heu, nous pour­ rions dire un local déterminé, par exemple un cime­ tière, une église ou même un autel L’interdit local général atteint un groupe plus ou moins important dc lieux particuliers, un royaume par exemple, ou une province ou un diocèse, ou encore une ville, une paroisse. Innocent III, Regesta, L I, epist. ccccuv, P. L., t. ccxiv, col. 506 ; reproduit dans les Décrétales dc Grégoire IX, L V, tit. xl, c. 17; Friedberg, Corpus juris canonici, Leipzig, 1881, L n, col. 916-917. Nous avons vu et nous verrons des exemples d’interdit porté contre des pays par Inno­ cent III; pour nous en tenir au même pape,en 1198, Il interdit la ville de Crémone coupable d’avoir sou­ tenu l’usurpateur Markwald, L I, epist. cccclxi, P. L., t. ccxiv, col. 433; ct en 1203, il menace dc frap­ per d’interdit la province dc Normandie, si le roi d’Angleterre, Jean Sans Terre, refuse dc recevoir l’évêque dcSécz. L. III, epist. lxxiii, P. L., t. ccxv, col. 69. L’interdit personnel particulier frappe directement une ou plusieurs personnes spécialement désignées, ou coupables du crime visé par la sentence. L’interdit personnel général, que l’on pourrait appeler aussi collégial ou collecti/, atteint un groupe de personnes dont plusieurs peuvent être innocentes, par exemple, les habitants d’une ville, ou encore une personne morale comme une université, un collège, un chapitre, un couvent. Ferraris, loc. cit., col. 760-761. II. Ancienneté et usage. — H est difficile d’assi­ gner une date précise au premier emploi dc cc genre dc pénalité. L’interdit personnel est sans doute aussi ancien que l’Église, sinon dans sa forme juridique actuelle, du moins dans son principe. 11 était naturel que, pour punir certaines fautes ct ramener un coupable au droit chemin, on songeât à l’exclure des assemblées dc fidèles; ct cette exclusion pouvait être une excom­ munication, si clic brisait le lien intérieur; elle pouvait aussi bien n’ètrc qu’une interdiction de se mêler aux assemblées liturgiques. La sanction posée en prin­ cipe par Jésus-Christ : Sil libi sicut ethnicus el publi­ canus, Matth., xvm, 17, s’interprète également dc l’une ct dc l’autre manière. C’était un véritable interdit que la discipline qui n’admettait pas les pénitents nux assemblées religieuses; ct le geste par lequel saint Ambroise aurait arrêté sur le seuil dc l’église dc Mi­ lan l’cmpcrcur Théodosc après le massacre dc Thés· saloniquc, était également un interdit. Cf. S. Ambroise, Epist., u, P. £., t. xvi, col. 1160 sq. Vers l’époque dc saint Ambroise, la correspondance dc saint Basile (329-379) contient une mention d’un interdit collégial ct d’un interdit local. Un évêque avait demandé nu saint docteur cc qu’il convenait dc faire pour punir le rapt d’une jeune fille Saint Basile 2282 répond, Epist., cclxx, P. G., t. xxxn, col. 1002-1003, que le ravisseur doit être excommunié, scs complices avec toute leur famille exclus des prières pendant trois ans (cc qui vraisemblablement veut dire que pendant cc temps on ne les admettra pas à prier avec les fidèles), et que, dans le lieu où le ravisseur sc sera réfugié, on ne doit pas célébrer les offices tant que les habitants n’auront pas chassé le coupable ou que la jeune fille n’aura pas été rendue à ses parents. Que ccttc sentence ait été suivie d’effet ou non, peu importe; mais la manière dont saint Basile répond ne permet pas dc penser qu’il fût lui-même l’inventeur de cette pénalité; il a dû la trouver en usage autour de lui et avant lui. Interdire un village, une ville ou interdire une pro vince ou un royaume sont des mesures qui ne diffèrent que par le degré dc gravité ct non par la nature. Cc degré fut-il vite ct souvent franchi? Les documents font défaut pour répondre; ct en tout cas il faut attendre plusieurs siècles pour trouver un interdit lancé contre un royaume, une province ou même un diocèse. Grégoire VII (1073-1085), aurait prononcé un interdit contre la Pologne, Ferraris, loc. ciL, col. 764. Une lettre de saint Yves dc Chartres (f 1115) au pape Pascal III, Epist., xov, P. L., t. L. I, epist cclxxxvh, P. L., ibid., col. 244. Plus tard, en 1203,11 permet aux moines dc Salnt-Gcrmaiu-rAuxcrrois, au cas où l’un d’entre eux mourrait en temps d’interdit, « de sonner une seule cloche à scs obsèques, au jour même de l’enter rement pourvu que les sonneries ne soient ni très espacées, ni prolongées. > L. VI, cplsL xxin, P. L., t. ccxv, col. 27. En 1208, la ville dc Ferraro ayant été mise en interdit, et la sentence portant que tout sacre­ ment était défendu, hormis le baptême des enfants ct la pénitence pour les mourants, il déclare que l’on pourra également donner la confirmation. L. XI, epist. ccLXvn, P. L., t. ccxv, col. 1582 sq. Si rigoureuse que fût cette discipline dc l’interdit, elle semble douce en comparaison d’une sentence que porta Alexandre 111 en 1173 à propos des démêlés entre Henri 11 d’Angleterre ct scs fils. Elle est terrible dans sa brièveté. Le roi doit, dans les quarante Jours, rendre à scs fils leurs épouses; sinon, toute la province où il les tient prisonnières sera mise en interdit de telle sorte que < tout office divin y cessera, hormis le bap­ tême des enfants ct la pénitence des mourants. ■ Epist., Mvn, P. L., t. cc, col. 966. Les plus importantes mitigations furent apportées par Boniface VIH (1293-1303) : avec lui la discipline commence vraiment à se modifier ct on ne sc sent plus très loin dc la discipline actuelle. Il permet, en temps d’interdit, de consacrer le saint chrême au Jour du jeudi saint, Sexte, 1. V, tit xi, c. 19, Friedberg, t. n, col. 1104 ; dans toutes les églises ou couvents, on dira les messes, on fera les offices comme auparavant, mais portes closes, sans sonnerie de cloches, ct à voix basse; bien plus aux quatre grandes fêtes, c’est-à dire à Noël, à Pâques, à la Pentecôte ct à l’Assomption, les portes seront ouvertes, on sonnera les cloches, on célébrera solennellement les offices : seuls les excom­ muniés n’y seront point admis. Ibid., c. 24. Friedberg, t. n, col. 1106. Plus tard, à ccs quatre fêtes, furent ajoutées l’octave du Saint-Sacrement, bulle Ineffabile dc Martin V, 1429, ct Excellentissimam, d’Eugène IV, 1433, Magnum Pultarium romanum, Luxembourg, t. n, p. 308 et 323. D’après Ferraris, Prompta bibliotheca, éd. Mignc, t. iv, col. 769, Léon X aurait dc plus excepté dc l’interdit la fête de la Conception dc la sainte Vierge avec son octave; mais nous n’avons pas trouvé la bulle qui contiendrait ccttc disposition. Telles furent les principales mitigations qui furent apportées à la discipline des interdits : clics consti­ tuèrent le droit jusqu’au Code de droit canonique qui les renouvelle, les complète ou sur certains points les modifie. C’est celte discipline actuelle, qu’il nous reste à étudier. 2* Discipline actuelle. — 1. Effets de Γinterdit local. — 2287 INTERDIT a) Quels offices sont détendus en cas (Γinterdit local? Canons 2270,2271 ct 2272. Aucun interdit local, soit général, soit particulier ne doit empêcher de donner aux mourants les sacre­ ments ct les sacramentaux, surtout pénitence, eu­ charistie, extrême-onction ct bénédiction aposto­ lique in articulo mortis, pourvu que les conditions requises par ailleurs soient remplies D’autre part tout interdit local est suspendu aux fêtes de Noel, Pâques, Pentecôte, Fête-Dieu ct Assomp­ tion; il n'y a que l'ordination ct la bénédiction solen­ nelle des noces qui soient défendues même en ces jours. En dehors de ces règles absolues auxquelles il semble que toute sentence d’interdit doive se plier, le prin­ cipe est que l'interdit local, général ou particulier, défend de faire aucun office divin, ou aucune fonction sacrée, sauflcs exceptions suivantes ou les dispositions expresses que contiendrait le sentence. L'interdit local général sera interprété ct observé de la manière suivante : a. les clercs, Λ moins qu’ils ne soient personnellement interdits, pourront accom­ plir tous les offices divins ct toutes les fonctions sacrées dans quelque église ou oratoire que cc soit; mais sans assistance ni solennité, portes closes, à voix basse ct sans sonnerie de cloches; b. dans les églises cathédrales ou paroissiales, dans l’église unique de chaque village qui ne serait pas paroisse, ct là seulement, 11 est permis de célébrer une messe où les fidèles puissent assister, de garder le saint sacrement, d’administrer le baptême, l’eucharistie ct la pénitence, d'assister aux mariages, mais sans donner la bénédiction nup­ tiale, de donner aux défunts la sépulture ecclésias­ tique, mais sans aucune solennité, de bénir l'eau baptismale ou les saintes huiles, de prêcher la parole de Dieu. Mais dans toutes ces fonctions, il est défendu de chanter, d’user d'ornements précieux, de sonner les cloches, de jouer de l’orgue ou d’autres instru­ ments de musique. On portera le saint viatique aux malades sans solennité. L'interdit local particulier comprend les prohibitions ou permissions suivantes : a. si l’interdit est porté sur un autel ou une chapelle d’une église, il est défendu d’y faire aucun office ou aucun rite sacré; b, s’il tombe sur un cimetière, on peut y enterrer les corps des fidèles, mais il n’y aura aucune cérémonie de l’Église; c. s’il tombe sur une église ou un oratoire, — ou bien il s’agit d'une église capitulaire; dans cc cas, si le chapitre lui-même n'est pas mis en interdit, ct si la sentence d’interdit ne fixe pas une autre église ou chapelle pour la messe capitulaire et les heures canoniales, le chapitre pourra faire ses offices dans son église, même interdite, mais sans assistance, sans cloches, sans chant ct portes closes; — ou bien il s'agit d’une église paroissiale, ct il faut sans doute étendre cette disposition à l’unique église, même non paroissiale, d’un village; on y fera les fonctions parois­ siales énumérées ci-dessus, à moins que le décret d'interdit ne substitue à l'église paroissiale une autre église ou chapelle ;— ou bien il s'agit d’une église qui ne rentre dans aucune de ces catégories; il n’y a alors qu'à appliquer la règle générale qui interdit tout office divin ou rite sacré. b) A guets lieux s'étend l'interdit local? Can. 2273. -Quand une ville est interdite, sont interdits tous les lieux accessoires qui y sont contenus, même s'ils sont exempts, ct aussi l’église cathédrale. Quand une eglise est interdite, sont interdites aussi les chapelles qui y sont contiguës, mais non le cimetière qui l’entoure. Si une chapelle est interdite, l’église con­ tiguë ne l’est pas pour cela. Si un cimetière est interdit, l'église qui y est attenante ne l’est pas, mais bien chapelles érigées dans le cimetière. 2288 c) Quelles personnes sont atteintes par Γ interdit local? Can. 2269, § 2 et 2276. L'interdit local tombe dlrcc i tement sur un lieu, mais indirectement il atteint les personnes, soit parce qu’elles habitent le territoire interdit, soit parce qu'elles doivent s’abstenir des choses sacrées dans le lieu interdit. Cc dernier point ne soutire pas d’exception, à moins de privilège spe cial; l’interdit doit être respecté par tous, même 1« étrangers ou les exempts. Quant aux habitants du territoire Interdit, il ne leur est pas défendu de sortir de cc territoire pour échapper à l'interdit; ils peuvent, s'ils ne sont pas coupables du fait qui a motivé la sen teneo, s’ils ne sont atteints personnellement par aucune censure et s’ils sont dans les dispositions requises, recevoir les sacrements, sans avoir besoin de se faire absoudre de l’interdit ou de sc soumettre à aucune satisfaction. 2. E//cis de Γinterdit personnel, — a) Interdit ad ledit. Can. 2274. - Quand une communauté ou un collège a commis un délit sanctionné par l’interdit, cet interdit peut être porté, soit sur chacune des personnes coupables, soit sur la communauté en tant que telle, soit à la fois sur les personnes coupables ct sur la communauté. Dans le premier cas, chacun des coupables sera personnellement interdit et devra observer les prescriptions de l’interdit strictement per­ sonnel; dans le second cas, la communauté ou le col lège ne peut plus exercer les droits spirituels qui lui appartiennent, par exemple le droit d’élection; dans le troisième cas, les deux sortes d’cllets qui précèdent sc cumulent. 11 faut donc avant tout bien examiner la teneur de la sentence pour savoir si c’est la commu­ nauté qui est directement frappée ou si c’est chacun de ses membres. II y n lieu d'ailleurs, d'après le canon 2276, de faire la remarque qui a été faite à propos de l'interdit local. Les membres de la communauté interdite, à moins qu’ils ne soient interdits eux-mêmes comme cou­ pables du délit qui a motivé la sentence, can. 2338,§ 4, ou qu'ils ne soient indignes par ailleurs, peuvent rece­ voir les sacrements sans avoir besoin de se faire absoudre de l’interdit et sans se soumettre ù aucune satisfaction du fait de l'interdit. b) Interdit strictement personnel. Can. 2275. a. Les personnes atteintes directement par l’interdit ne peuvent célébrer les offices divins. Elles n’ont même pas le droit d'y assister, sauf à la prédication de la parole divine. Si cependant elles voulaient y assister passivement, il n’y a pas obligation de les expulser; mais on doit les empêcher d'y prendre une part active quelconque, s'il y a une sentence les frappant ou les déclarant frappées d'interdit ou si elles sont notoi­ rement interdites. - b. Un interdit ne peut recevoir les sacrements; il ne peut même recevoir les sacra mentaux s’il y a une sentence le frappant ou le décla­ rant frappé d’interdit. Un interdit ne peut non plus licitement administrer les sacrements ou les sacra­ mentaux; toutefois les fidèles peuvent demander à un prêtre interdit les sacrements ou les sacramentaux s'ils ont des raisons sérieuses de le faire, surtout s'il n'y a pas d'autre prêtre; le prêtre interdit peut alors sc plier à la demande des fidèles sans qu’il ait À s’enquérir de leurs motifs; il en serait autrement s’il y avait une sentence d’interdit : les fidèles ne pour · raient qu’en cas de péril de mort demander au prêtre ainsi interdit l’absolution de leurs péchés ct s'il n'y a pas d'autre prêtre h autres sacrements ou sacra­ mentaux. Can. 2260, § 1 et 2261. - c. Un interdit ne peut ni user du droit d’élire, de présenter ou de nommer ù une fonction ecclésiastique, ni obtenir dans l’Église une dignité, charge, bénéfice ou pension; de tels ict s î»c « ou de telles nominations obtenues maigre I n t ' cr dent nuis en eus de sentence, de 2289 INTENTION INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE même qu’en pareil cas serait nulle toute grâce obtenue du Saint-Siège à moins de mention spéciale. Un inter­ dit ne peut non plus licitement être promu aux ordres Can. 2265. Dans son encyclique, il a fait justice de ces dange reuses témérités. < Tout en encourageant nos exégètes ù se tenir au courant des progrès de la critique, nous avons fermement maintenu les principes sanctionnés en cette matière par l’autorité traditionnelle des Pères ct des conciles, renouvelés dc nos jours par le concile du Vatican. » Ibid. Dans scs lettres apostoliques, du 27 mars 1906, sur l’enseignement de l’Écriturc dans les séminaires, Pic X rappelle dans le 13· article du règlement qu’il trace ct impose, les sages règles dc son prédécesseur relatives à l’interprétation dc la Bible : Doctor sacræ Scripluræ tradendæ sanctum habebit nunquam a com muni doctrina ac traditione Ecclcsirc vel minimum dis cedere. Utique vera scientiæ hujus incrementa, qua­ cumque rccenliorum sollertia peperit, in rem suam con vertet, sed temeraria novatorum commenta negliget. Idem eas dumtaxat quæstiones tractandas suscipiet quarum tractatio ad intelligcnliam et defensionem Scrip lurarum conducat; denique rationem magisterii suiadeas normas diriget, prudentia plenas, quæ titieris ency elicis Providcntissimuscontinenlur. Acta Pii X,t.in,p.75 Nous signalerons plus loin plusieurs propositions des modernistes, qui concernent l’interprétation dc l’Écriturc ct que le Saint-Ofllcc a condamnées dans Son décret Lamentabili, du 3 juillet 1907. Enfin, dans la conclusion dc l’encyclique Spiritus Paraclilus, du 15 septembre 1920, Benoit XV déclare qu’il n’a pas seulement renouvelé ct complété les enseignements dc Léon XIII sur l’inspiration dc l’Écriture ct l’inerrancc biblique, il recommande encore au clergé ct au peuple chrétien d'observer avec grand soin les principes qui sont exposés par Léon X111 dans l’encyclique Providenlissimus ct par lui-même dans cette cncyliquc. Acta aposlolicæ sedis, 1920, t. xm, p. 122; Denzinger-Bannwart, Enchiridion, 1921, n. 218S (à la tin). 2e Signification ct portée de celte règle. — Elles résul­ tent des déclarations des conciles de Trente ct du Vati­ can ct des déclarations des souverains pontifes, Pie IV, Léon XIII et Pie X. 1. Le 5 mars 1546, les Pères de Trente, réunis en congrégation générale, avalent nommé une commis­ sion pour signaler les abus qui existaient alors tou­ chant les Écritures ct les remèdes qu’il fallait y apporter. Les théologiens désignés s’assemblèrent, le 8 ct le 9 du même mois,et échangèrent de nombreuses observations. L’une d’elles porte sur Γinterprétation ct l’enseignement de l’Écriturc faite par des indocti sans autorité. A. Theiner, Acta concilii Tridentini, Agram, 1874, t. î, p. 63-64; S. Merkle, Concilium Tri dentinum, Fribourg-cn-Brisgau, 1.1, p. 36. Le 17 mars, l'archevêque d’Aix lut, en réunion pléniére, le texte des abus signalés ct des remèdes proposés. • Le troisième abus rst que. dans 1rs choses de In fol ct des mœur qui entrent duns l’édlfh · dr la doctrine chrétienne, sous prétexte que I » parole dcDlcu est facile, n’importe qui, sans autre ippi icMiprnpn > ·. - ··. pliant l’É< r! ■ <·· Il s’agissait de l’interprétation des écrits évangéliques d’après la fol postérieure de l’Église. < On n’alléguera pas le symbole de Nicéc pour déterminer le sens de la formule « fils de Dieu ·, dans les Évangiles synoptiques. Le sens des textes évangéliques est indépendant de ^’interprétation qui en a été donnée plus tard, au moyen d’une philosophie religieuse qui n’est pas dans la prédication de Jésus. ■» Ibid., p. 15-16. Dans Simples réflexions sur le décret du Saint-O/flce Lamentabili et sur l'encyclique Pascendi dominici gre­ gis, Paris, 1908, p. 32-33. M. Loisy a cherché ù jus­ tifier sa pensée : » L’Église exploite à son gré l’Écriturc pour l’instruction religieuse ct l’édification morale de ses fidèles. Mais les opinions que l’Églisc a pro fessées ct professe touchant... sa façon de les Inter­ préter (les Livres saints)ct le sens qu’elle leur attribue ne s’imposent pas au critique comme des jugements qui fixeraient l’histoire de ces livres ct leur sens orl gmaL... Cc qu’elle a prêché, en s’autorisant de l’Écri ttire, est tout autre chose qu’un commentaire pure ment historique de la Bible.... Entre la pensée dci DE L’ÉCRITI HE 2312 écrivains sacrés cl l’enseignement ecclésiastique de nos jours, se place tout le travail de la pensée chré­ tienne depuis dix-huit siècles. L’historien en fait abstraction. » La critique ayant gagné son droit d’interprélcr la Bible comme elle l’entend, droit que l’Église lui refuse pour la Bible, elle ne le lâchera plus. Il s’agit donc de l’interprétation courante, pratique, que l’Eglisc a donnéeâ l’Écriture,plulôlquede l’inter­ prétation officielle de quelques textes en particulier. C’est celle interprétation quo M. Loisy ne tenait pas pour un jugement définitif sur le vrai sens des Écri­ tures, et que la critique avait droit d’examiner, de contrôler et de rejeter. La 4· proposition vise les interprétations officielles de l’Écriture par l’Église. 4· Magisterium Ecclesiæ no per dogmaticas quidem definitiones genuinum sacrarum Scripturarum sensura determinaro potest. Denzinger-Bannwart, n. 2001; Cuvalicrn.n. 98,4. Dans la lettre à un supérieur de grand séminaire M. Loisy, Autour d'un petit livre, p. 221, avait écrit : « L’histoire sc fait, disais-je, avec des témoi­ gnages historiques, cc que ne sont pas les décrets du concile de Trente, si ce n’est en cc qui regarde la pensée de ceux qui les ont rédigés.... Vous me citiez un décret qui définit le sens historique de ce texte du quatrième Évangile (Jean., ni, 5) : Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'esprit. Le concile veut que l’on entende au sens propre le mot eau. Je vous répliquai que le concile avait parfaitement raison, mais que le vrai sens du texte ne résultait pas de la définition et que le concile défendait qu’on tournât la parole en métaphore pour éluder la nécessité du baptême réel; il ne visait directement ni l'authenticité du passage en tant que parole du Seigneur, ni la forme particu­ lière de sa signification dans l’esprit de l’évangéliste. > Après avoir cité ces paroles dans Simples réflexions, p. 35-36, M. Loisy ajoute : « L'histoire est cc qu’elle est ct l'on ne voit pas cc que les définitions des conciles cl des papes pourraient changer à l’état des témoignages ct des faits. Nonobstant les apparences, l’Église n’a Jamais défini le sens historique d’aucun passage, mais elle a interprété sa propre tradition sur le sens de tels et tels passages, ct cette interprétation ne tend pas à représenter strictement la pensée des auteurs, mais.... tout le travail des siècles chrétiens sur les données pri­ mitives. Ce que le Saint-Office entend par le c sens propre * de l’Écriture n’est pas, au fond, le sens histo­ rique, dont la S. Congrégation n’a nul souci, et qui ne dépend d’aucune autorité, mais la signification que telle donnée biblique doit prendre pour la foi. » Assurément, ni l’Églisc ni le pape ni un concile ne font le sens d'un passage biblique; cc sens est déter­ miné par le texte du document: ils le constatent uni­ quement. S’ils le trouvent conforme à leur foi, ils ne l'y adaptent pas. Mais voilà cc qu’un · critique », tel que M. Loisy, ne peut plus comprendre. 5· Cum In deposito fidei veritates tantum revelate contineantur, nullo sub respectu nd Ecclesiam pertinet judicium ferre de assertionibus disciplinarum humanarum. Dcnzlngcr-Bnnnwnrt, n. 2003; Cava liera, n. 200. M. Loisy a commenté ainsi celte proposition : < Je ne sais d'où vient celte proposition Si on l’a déduite de mes livres, je ne proteste pas contre la conclusion. Mal ’ d < L’ maul·t< rv de l’Église ayant pour ob]< renseignement pratique de la religion ct de la morale. Il ne lui appartient pas de porter des juge­ ment définitifs en matière de science. * Simples réflr xion p. 36-37. ■ nnt-Ofnce a eu en vue une proposition tend vd < .nier ;;1 Eglise le droit d’interpréter l’Écriture 2313 INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE dans les matières scientifiques (pic celles ci contient, sa condamnation a rapport à notre sujet. 12· Exegetro, il velit utiliter «tudlli bibllcls Incumbere imprimit, quemlibet pr.rconccpluin opinionem de supernaturuli origine Scripturio sacra seponere debet, enmque non aliter Interpretari quam codera documenta mere humana. Deiuingcr-Bunnwnrt,η. 2012 ; Ca vallem,η. ÜS, 12. M. Loisy n commenté ccttc proposition en ces termes : « L’intelligence d’un livre, quoiqu’il soit, ne peut être que faussée, si, avant tout examen, l’on se fait une idée de son caractère ù laquelle les conclusions de l’examen postérieur devront, coûte que coûte, se conformer. C’est cc qui arrive si l'on apporte à la lec­ ture de la Bible l’idée commune du livre inspiré, exempt de toute erreur, ct rempli de toute vérité. Il faut torturer les textes pour en adapter l’intcprétatlon à ce concept absolu ct sans réalité. Les livres de l’Écriture, ayant été rédigés par des hommes ct pour des hommes, sont à interpréter selon les régies que l’on applique aux produits ordinaires de l’esprit humain. Et l’on ne voit pas bien, d’ailleurs quel autre principe on pourrait employer. Les prescriptions de l’Église touchant l’obligation d’interpréter l’Écriture selon la tradition des Pères ct l'analogie de la foi ne concer­ nent pas l'investigation du sens historique, qu’elles empêcheraient plutôt de découvrir, mais la prédica­ tion chrétienne ct l’enseignement théologique. » Simples réflexions, p. 45-56. Comme nous l’avons dit au début de cet article, les règles ordinaires d’herméneutique s'appliquent aux livres inspirés, ct à leur texte entier en tout ct avant tout, comme aux livres ordinaires de l’antiquité, puis­ qu’ils ont été écrits par des hommes, en langage humain, ct pour des hommes. Mais la fol nous apprend qu’ils sont aussi divins par leur origine ct qu’ils contiennent sans erreur des vérités surnatu­ relles. que Dieu a enseignées aux hommes par les h agiograph es ct dont il a confié la garde ct l’interpré­ tation à l’Églisc. Et c’est à ce titre que leur interpré­ tation est sujette à des règles spéciales, qui ne s’appli­ quent pas directement à tout le contenu de l’Écriture, mais seulement aux vérités révélées, ct indirectement aux vérités secondaires ou purement humaines, qui sont en connexil é avec la révélation. Cc secours d'inter­ prétation surnaturelle, quand il est donné, cc qui est rare, comme nous le dirons bientôt, loin d’empêcher de découvrir le sens véritable des pensées que Dieu a révélées aux hommes, en facilite, au contraire, la découverte, sans péril d’erreur. Ces considérations justifient l’emploi des règles catholiques d’interprétalion de l’Écriture, que nous exposons dans cet article. 6. Enfin, dans l'encyclique Spiritus Paraclilus, du 15 septembre 1920, Benoit XV, exposant les disposi­ tions que saint Jérôme apportait Λ l’étude de l’Ecriturc sainte ct les proposant comme modèles à tous les chrétiens, signale, à côté du culte de la tradition catho­ lique, l’amour docile ct dévoué que saint Jérôme por­ tait à l’Église romaine, Λ la chaire de Pierre. « Persé­ véra minent fidèle, dans l’étude de l’Écriture sainte à ccttc règle de fol, il Invoque cc seul argument, pour réfuter une fausse interprétation du texte sacré : * Mais l’Églisc de Dieu n’admet point celte opinion. » In Daniel., ni, 37, P. L., t. xxv, col. 510. Acta apos tohuc sedis, 1920, L xn, p. 403. L’invitation du pape à Imiter saint Jérôme dans l’étude de l’Écriture ct dans sa soumission Λ la règle de foi du siège apostolique, confirme tout cc que nous avons dit de l’obligation d’interpréter l’Écriture conformément au sens qu’a tenu ct que tient notre sainte mère l’Église. Cf. F. Valente, S. Girolamo e I'encyclica Spiritus Paracl itu s del S, ponteflee Benedetto XV sulla sacra Scril· tara, Borne, s. d. (1921), p. 130-134. 2314 3· Application de cette règle. — Elle est tout entière dominée par les principes généraux relatifs au magis têre ecclésiastique, dont l’interprétation des Écritures est un aspect ou une fonction. Il suffira de rappeler Ici ce qui a trait àcc cas spécial. Pour le reste, voir Éouse, t. iv, col. 2175-2200. 1. Interprétation par le magistère extraordinaire. Chargée de proposer au monde la vérité surnaturelle dont elle a reçu le dépôt, l’Église le fait de diverses façons. La plus saillante, sinon la plus importante, est le magistère extraordinaire, qui s’exerce par l’organe autorisé des conciles œcuméniques ou des papes pro­ nonçant ex cathedra. Il a pour caractère distinctif de s’exercer dans des circonstances rares ct avec des formes solennelles, généralement pour trancher des controverses urgentes, ct d’aboutir en conséquence à des documents officiels, où l’Église consigne sa pensée sur les erreurs à écarter ou les vérités à tenir. On con­ çoit dès lors que l’interprétation de l’Écriture soit particulièrement de son ressort. a) Compétence du magistère extraordinaire. — Du moment que l’Églisc, comme tout catholique fait pro­ fession de le croire, a qualité pour garder ct interpréter la révélation divine, il faut lui reconnaître les moyens nécessaires à ccttc fin. C’est pourquoi, avec la révéla­ tion elle-même, elle doit avoir juridiction sur les sources qui la contiennent L’Écriture rentre donc, au premier chef, dans le domaine de son enseignement Étant inspirée ct, par conséquent, parole de Dieu, elle appartient directement, par sa nature même ct dans tout son contenu, au dépôt doctrinal. Sans lui attribuer l’importance excessive que lui donnent les protes­ tants, il s’ensuit du moins qu’elle devient pour les croyants une autorité vénérable en matière d’ensei­ gnement religieux, un guide de leur conduite ct de leur pensée. Cc principe est surtout vrai du Nouveau Testament, où est résumée la prédication de Jésus et la doctrine de ses témoins Immédiats. Par conséquent, i) est capital d’assurer aux fidèles la vraie signification de l’Écriture et de prévenir les erreurs qui pourraient sc couvrir de son nom. C’est dire que l’Église manque rait à sa mission théorique et pratique si scs pouvoirs ne s’étendaient jusque-là. Voilà pourquoi le concile de Trente et, après lui, le concile du Vatican, voir plus haut col. 2294 sq., posent comme une sorte de postulat le droit qui appartient à l’Église de sc prononcer, soit, d’un point de vue exté­ rieur, sur l'interprétation des Écritures, soit, d’un point de vue objectif ct intérieur, sur leur véritable sens : Ecclesia cujus est flidicare de oero sensu et inter­ pretatione Scripturarum sanctarum, privilège lié à tout le dogme de l’Églisc, ct dont la justification a pris un grand développement en théologie depuis la contro­ verse protestante Or le magistère extraordinaire est, à n’en pas douter, un des moyens les plus autorisée par où se manifeste l’enseignement de l’Églisc. Λ cc titre, il bénéficie d’une assistance spéciale du Saint-Esprit ct peut, dans les conditions voulues, offrir le caractère d’infaillibilité. Comme, par hypothèse, I) entre en action dans des circonstances déterminées et s’exprime en documents précis, il a tout cc qu’il faut pour sc prononcer avec la clarté désirable. Si donc le besoin sc fait sentir d’éclai­ rer sur quelque point le sens de l’Écriture ou do tran­ cher quelque controverse soulevée à son sujet, le magis­ tère extraordinaire est apte à le faire tout à la fols avec précision ct avec autorité. C’est évidemment à l’Église qu’il faut laisser le soin d’apprécier s'il est pour elle opportun ou non d’inter­ venir; mais 11 est certain qu’en intervenant elle reste dans son rôle. El si l'on suppose que le pape ou un con­ cile interprète officiellement le sens de tel passage scripturaire, ne pas accepter ccttc interprétation 2315 LXTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE serait mettre en cause fautorltè même de l’Église. Seul un protestant peut avoir l’idée d’opposer un texte mort au magistère vivant. Pour un cathôliquc, dès IA qu’il tient l’enseignement spéculatif de l’Église comme règle de foi, l’exégèse de l’Église ne peut pas ne pas être regardée comme fixant lésons authentique des Écritures, qui sont un des éléments ct une des sources de la foi. b) Diverses /ormes du magistère extraordinaire. — En matière d’interprétation scripturaire, comme dans l’enseignement doctrinal proprement dit, le magistère de l’Église peut prendre et a pris de fait des tonnes diverses. Non seulement les documents ecclésiastiques ne sc présentent pas tous suivant le même moule exté­ rieur, mais ils diffèrent considérablement par la manière plus ou moins catégorique d’affirmer la doc­ trine qui en fait l’objet. Sans prétendre énumérer toutes les modalités que l’étude des cas particuliers fait appa­ raître au lecteur attentif, il est Indispensable d’indi­ quer nu moins les principales. Quand il s’agit de textes officiels, les moindres nuances de rédaction ont leur prix. Ici elles ne vont à rien de moins qu’à nous donner la mesure dans laquelle l’Église entend s’enga­ ger. On peut supposer tout d’abord que l’interprétation d’un texte scripturaire fasse l’objet direct ct formel d’un acte conciliaire ou pontifical. Dans cc cas, il est évident que le magistère de l’Église revêt le maximum de valeur. Un vague rappel des Écritures ne pourrait donner que des indications générales : les cas de cc genre, s’il s’en présente, manquent nécessairement de nettetéctd’efficacltépratiqucs. Mais il en va autrement quand il s’agit d’un texte circonscrit dont l’Église affirme le sens. Le cas peut se produire, ct il s’est pro­ duit, pour des textes d’une particulière importance au point de vue dogmatique. Dès lors, l’objet étant nette­ ment déterminé, si l’Église de son côté exprime claire­ ment son intention de définir, on est en présence d’un véritable enseignement doctrinal, d’une définition stricte, qui ne difière des autres que parce qu’elle repose sur une base documentaire. C’est, en effet, là ou jamais que l’Église remplit sa fonction de juge des Écritures, en arrêtant le sens contesté d’un texte qui est son bien, en interprétant d’une manière officielle sa signification dans l’ensemble d’une doctrine dont il contient partiellement l’expression. Peu importe, en principe, que la formule de l’ensei­ gnement ecclésiastique soit positive ou seulement négative. Sans s’interdire les affirmations quand elles sont nécessaires, l’Église semble affectionner de préfé­ rence cette dernière méthode, qui s’oppose plus direc­ tement aux variétés de l’erreur. Mais toute négation comporte une affirmation correspondante, surtout quand la forme négative, comme il arrive le plus sou­ vent, n’est qu’une manière de suggérer la contradic­ toire affirmative. Dans le cas d’une Interprétation scripturaire, l’affirmation donne le sens à tenir, tandis que la négation se contente d’écarter un ou plusieurs sens inexacts· Quand le sens vrai en ressort immédia­ tement, le résultat est à peu près le même. Et s’il n’en ressort pas, c’est que l’Église a voulu manifester sa réprobation pour une erreur certaine, sans fixer à l’exégète sa vole parmi les interprétations librement reçues. Car la logique oblige d*admettre qu’il y a bien des moyens dillércnts de se mettre en garde contre une erreur donnée. De toute façon, l’enseignement de l’Église demeure, avec la nuance spéciale que celle-ci a juge à propos d’y attacher. A ces diverses manières d’interpréter directement le sens de ΓÉcriture faut-il ajouter le cas de ce qu’on n parfois appelé les définitions Indirectes? Il sc pro­ duirait lorsque l’Église rapporte un texte scripturaire comme preuve d’une vérité dogmatique, sans cepen 2316 I dont proprement le définir. Patrizzl, Institutio de interpretatione Bibliorum, Rome, 1876, p. 103 et I Corluy, L'interprétation de la sainte Écriture, dans la Controverse, juillet 1885, p. 421, ont pensé qu’il y avait f là une interprétation de fait équivalente à une défi nition. Là-contre on a fait observer que, d’après la jurisprudence universellement admise, il est entendu que l’autorité de l’Église ne porte que sur la définition proprement dite, sans garantir les arguments qu’elle peut Invoquer à son appui. Tout en reconnaissant « la justesse de cette raison », M. Vacant essaie de sauver la thèse au nom de » l’ensei­ gnement du magistère quotidien et universel, que la conciles et le pape supposent lorsqu’ils invoquent lo sens d’un texte en preuve d’une définition Invoquer ce sens, c’est dire, en effet, équivalemincnt qu’il est admis comme indubitable par l’Église. Études thâ>logiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 549. Sans doute; mais cc n’est pas dire s’il est admis à titre dogmatique et comme Inté­ ressant la foi ou simplement utilisé à titre théologique, suivant les convictions personnelles de l’auteur ou la science du moment. Le principe est donc insuffi­ sant en lui-même pour garantir une certitude. Au sur­ plus, il serait difficile, de l’accommoder avec tant de cas où l’on voit un enseignement du magistère appuyé sur des arguments notoirement caducs. Qui voudrait soutenir, par exemple, que l’autorité de la bulle Unam sanctam couvre l’allégorie des deux glaives ou les autres adaptations scripturaires qui en forment le dispositif? « Par conséquent, conclut le même théo­ logien, les textes invoqués par un concile ou un pape en preuve d’une vérité définie doivent être considérés comme prouvant cette vérité. > Ibid. On ne peut ad­ mettre celte conclusion qu’en ajoutant : dans l’esprit de leur auteur. · Un texte apporté comme argument, même dans un document ex cathedra, n’est pas censé, par cc Prit seul, être authentiquement défini, bien qu’il jouisse, de cc chef, d’une autorité particulière. » Alfred Durand, S. J., Dictionnaire apologétique., art. Exégèse, 1.1, coL 1838. Au lieu de chercher une solution de principe appli­ cable à tous les cas, peut-être serait-il d’une meilleure méthode de distinguer les espèces. Il arrive quelque­ fois qu’un texte biblique soit invoqué par l’Église comme base unique d’une vérité ct presque identique avec elle. Dans ce cas, Il est juste de dire que la garan­ tie de la vérité s’applique aussi à cette première énon­ ciation scripturaire ct que le texte en question béné­ ficie d’une définition implicite. Il n’en est plus de même pour les textes introduits entre bien d’autres et pour ainsi dire à titre d’explication, en tout cas sans· rapport Immédiat, nécessaire ct exclusif, avec la vérité sur laquelle porte la déclaration dogmatique. Peut-être pourrait-on trouver d’autres modes d’in­ terprétation implicite en dehors du dossier Justificatif plus ou moins compact qui précède généralement les définitions. Ce serait le cas lorsque la pensée de l’Église, sans être formellement exprimée, sc déduit nécessai­ rement d’un autre acte doctrinal autorisé. De même qu’il y a des conclusions théologiques plus ou moins rattachées à la foi, i l peut y avoir des conclusions exégétiques plus ou moins imposées comme prémisses ou conséquences d’une manifestation plus générale du magistère où elles sc trouvent comprises. Π n’y a pas H u, bien entendu, de faire état des textes allégués <1 ns les documents officiels à titre d’exhortatiun u c ou de formule littéraire : l’Église s’en »crt alors i d< » fins toutes pratiques et leur laisse leur u: usuel ..ms autrement le garantir. Autant faut-Γ en dh de tour le textes cité:* en passant, sans u^rienir»d»qu^^ofoirt^(Ha^lénnlr. « C’est pour nt P. Corluy, lo< cit., p. 425 ct 2317 INTERPRÉTATION 426, que l'illustre commentateur Mgr Beelen n'a pn% cru manquer de respect aux Pères du concile de Trente en interprétant de l'amour de Dieu pour nous ces paroles de l'apôtre : Charltas Del diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum, Korn., v, 5, quoique le concile (Sess. vi, c. 7. Denzinger-Bannwart, n. 800) les eût employées Incidemment dans le sens de l’amour que nous portons ù Dieu. »» Vacant, op. clL·, p. 550. Cc qu’il y a lieu de retenir de cette analyse, c’est que l’autorité du magistère ecclésiastique, en matière d’interprétation scripturaire comme en toute autre forme d’enseignement doctrinal, doit être vérifiée de près sur les textes eux-mêmes, sans autre souci que de recueillir la pensée de l’Église avec les diverses nuances dont il lui a plu de l'entourer. c) Quelques exemples. Tous les auteurs admettent que les interprétations authentiques de l’Écriturc par le magistère extraordinaire sont rares. Ainsi Corncly, Introductio in U. T. libros sacros, Paris, 1894, 1.1, p. 610 : Textus quorum sensum directa definitione determinavit (Ecclesia) non admodum multi sunt; Vacant, op. cit., p. 552 et le P. Lagrange, Revue biblique, 1900,p. 140. Corluy croit pouvoir préciser: < Nous doutons qu'il soit possible d’en énumérer une vingtaine. >Loc. cit., p. 426. Encore cc chiffre est-il sans doutebien approximatif. « Onpcutdire, écrit le P. Alfred Durand, que le nombre des textes directement définis par l’Église ne dépasse pas la douzaine. > Op. cit., col. 1838. Les interventions ecclésiastiques sont parti­ culièrement rares dans les premiers siècles. Elles se sont surtout produites avec ct après le concile de Trente, lorsque les protestants émirent la prétention de trouver dans l’Ecriturc une arme contre l’Église. Sans vouloir les énumérer toutes, nous en relevons ici quelques-unes à titre d'exemple, suivant les prin­ cipales catégories que nous avons essayé de distinguer plus haut. Le symbole de Nicée-Constantinoplc ofTre un spé­ cimen de déclaration tout ù fait générale, quand il écrit que le Christ est ressuscité le troisième jour selon les Écritures : citation de saint Paul, I Cor., xv, 4, qui s’applique sans doute plutôt ù Γ Ancien Testament, sans qu’il soit aisé de dire à quel texte exact, ct que l’Église ne précise pas plus que l’apôtre. Il est évident qu’aucune exégèse ne saurait ressortir d’enseigne­ ments aussi indéterminés. D’autres portent sur des textes précis, mais seule­ ment d’une manière négative. Ainsi le concile de Car­ thage décide contre les pélagiens que des paroles telles que Matth., vi, 12 et I Joa., i, 8 ne doivent pas être entendues comme de simples formules d’humilité, Denzinger-Bannwart, n. 106 et 108. mais signifient que chacun de nous a vraiment des péchés sur la conscience, sans d’ailleurs dire lesquels. Λ l’encontre de· protestants, le concile de Trente, Ibid., n. 930, enseigne que le chapitre sixième de saint Jean ne donne pas comme étant de précepte divin la communion sous les deux espèces. Cet enseignement vise surtout les versets 51, 55 et 57, mais uniquement pour réprou­ ver l'interprétation protestante,sans préjuger, comme le concile s'en explique formellement, aucune des opi­ nions exégètlqucs accréditées par les Pères ct les doc­ teurs, utcumque juxta varias sanctorum Patrum ct doctorum interpretationes intelligatur. La condamna­ tion de la doctrine luthérienne sur la concupiscence a la même portée par rapport ù Rom., vi, 12 sq. Sess. V, eau. 5 ; ibid., n. 792. « Ainsi en condamnant cette proposition de Bains: Quamdiu aliquid concupiscentia*carnalis in diligente est, non facit pracepium: Diliges Dominum Drumextotocorde luo. Prop. 76, Denzinger-Bannwart. η. 1076, l’Église nous n laissés libres de choisir entre les divers autres DE L’LCRITLRE 2318 sens que les exégètes catholiques donnent aux mots : ex loto corde (uo. » Vacant, op. cit., 1.1, p. 548. Et l'on peut en dire autant des propositions 22, 50 ct 75. Denzinger-Bannwart, n. 1022,1050 et 1075. Ces sortes de décisions ecclésiastiques ont moins pour but de déterminer le vrai sens de ΓÉcriture que de condamner l'abus que des hérétiques ou des théologiens mal ins­ pirés en faisaient indûment au profit de thèses ten dancicuses ou fausses. Mais il est aussi des cas où la condamnation d’une interprétation erronée s’accompagne d’un enseigne ment positif, directement destiné aux croyants. Le plus ancien ct le plus complet serait un symbole du concile de Sardique (343), qui rejette d’abord comme blasphématoire ct Insensée l’exégèse d’après laquelle les Ariens ne voient dans le texte : Ego et Pater unum sumus, Joa., x, 30, qu’un accord des volontés entre le Père ct le Fils. < Quant à nous, continue-t-il, nous croyons, affirmons ct pensons que cette parole divine est dite ù cause de l’unité d’hypostasc qui existe entre eux. > Mansl, Concil., t. in, col. 85. Malheureusement cette profession de fol, qui n’est connue que par Théodorcl, Dist. reel., n, 6, P. G., t. lxxxii, coL 1013 ct 1016, est regardée comme apocryphe. Voir la note de Severin Binius, dans Mansi, col. 85-88. il faut donc renoncer a s’en servir, comme on avait cru pouvoir le faire dans le Dictionnaire de la Bible, art. Hermé­ neutique, t. n, coL 621. Le concile de Trente fournit des exemples non moins topiques ct d’une incontestable authenticité. Ainsi le texte de Joa., ni, 5, doit s’entendre d’une < eau véri­ table ct naturelle », c’est-à-dire du rite baptismal, ct non pas d'un sens métaphorique quelconque. Sess. vu. De bapl., can. 2, Denzinger-Bannwart, n. 858. De même faut-il lire la présence réelle dans les paroles de l’institution eucharistique, cum propriam illam ci apertissimam significationem præ se ferant secundum quam a Patribus intellecta sunt, sess. xm, cap. 1, ibid., η. 874; le sacrement d’extrême-onction dans le texte de Jac., v, 14-15, avec l’indication de ses cfiets ct de son ministre, sess. xiv, cap. 1-3, ibid., n. 908910; le pouvoir sacramentel de remettre les péchés ct non le droit de prêcher l’Évangile dans Joa., xx, 22, même session, can. 3, cf. can. 10 ibid., η. 913 ct 920; l’institution du sacerdoce dans les paroles : Hoc facite in meam commemorationem, prononcées par le Christ à la dernière cène, sess. xxn, can. 2. ibid., η. 949. Beaucoup plus nombreuses seraient les définitions indirectes, si l’on pouvait accorder cc titre à tous les arguments bibliques Invoques dans les documents con­ ciliaires ou pontificaux. Mais on a vu plus haut qu’il faut apporter ù cc principe de sérieuses atténuations. Tout nu plus peut-on retenir les cas où un texte biblique est tellement Incorpore au dogme qu*affirmer celui-ci équivaut â définir celui-là. Ainsi le célèbre pas sage de saint Paul, Rom., v, 12, déjà cité par le concile de Carthage comme preuve du pêché originel, Denzinger-Bannwart, n. 102, ct repris dans ce même sens par le concile de Trente, sess. v, can. 2 ct 4, ibid., n. 789 ct 791. Ou encore les textes évangéliques, Matth., χνι, 17-19 et Joa., xxi. 15-17, rapportes par le concile du λ at lean pour légitimer la primauté uni­ verselle et Immédiate de saint Pierre, sess. iv, cap. 1, Ibid., n. 1822. Plus lâche est déjà le lien que le concile d'Orange établit entre ses définitions dogmatiques ct les textes scripturaires qu’il invoque pour les justifier. Can. 1 sq., ibid., n. 174 sq. De la grâce en particulier il est dit : Innumerabilia sunt sanctarum scripturarum testimonia qurc possunt ad probandam gratiam proferrri, sed bre­ vitatis studio prerlcrmissa sunt. Ibid., n. 199. Ce qui tend à suggérer que Je dossier scripturaire du concile 2319 INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE est plutôt une Indication d’ordre théologique qu’une véritable interprétation. A plus forte raison en est-il ainsi pour Innocent III s’appuyant sur Boni., xiv, 23, en vue dc définir la nécessité de la bonne foi dans la prescription. Cône. Lateran. ZF, c. 41, ibid., n. 439, ou pour le concile du Vatican lorsqu’il applique à la crédibilité le rationabile obsequium que saint Paul, Bom., ΧΠ, 1, disait du culte dû à Dieu. Ibid., n. 1790. Comme exemples d’interprétations implicitement comprises dans des actes ecclésiastiques d’un autre ordre, on peut citer la quatrième session du Ve concile œcuménique (553) où furent lus divers extraits théolo­ giques ct exégétlques dc Théodore dc Mopsueste, qui, tous ensemble, furent frappés d’une réprobation col­ lective très véhémente. Mansi, Concit., t. ix, col. 202230. Les tendances nestoriennes reprochées à l’auteur avaient inspiré maints détails dc son exégèse. En con­ damnant celles-là, le concile Invitait par là-même Λ rectifier celle-ci : Il faut d’ailleurs tenir compte du fait que la condamnation demeure tout à fait indétermi­ née. Quelques passages précis sont Insérés dans le canon 12, relatif aux Trois Chapitres, comme Infectés dc nestorianisme, Denzingcr-Bannwart, n. 224 : l’exé­ gète croyant y trouvera marquée la pensée dc l’Église sur la portée christologiquc dc Joa., xx, 22ct28. Plus récemment, les censures sévères dont le pape Ple VI a frappé l’ouvrage d'Isenbiehl sur la prophétie dc l’Emmanuel, Bref Diclna Christi Domini voce du 20 septembre 1779, Cavallcra, Thésaurus, n. 109, sont bien faites pour accréditer l’interprétation tradition­ nelle d’Is., vn, 14. Voir Didionn. de la Bible, t. i, col. 395. Encore faut-il observer que le docteur vien­ nois est condamné pour avoir refusé à cct oracle une signification messianique quelconque, ullo sensu sive litterali sive tynlco. On voit, en conséquence, que le bref laisse une réelle latitude à l’exégète catholique, pourvu que cct extrême soit évité. d) Valeur du magistère extraordinaire. - Quelle que soit la forme sous laquelle se présente le magistère extraordinaire, Il faut lui reconnaître une portée double. Il a d’abord et à tout le moins une valeur négative, en ce sens qu’on n’a plus le droit d’attribuer au texte scripturaire ainsi interprété une signification contraire à celle qu’impose l’Églisc. Mais cela ne suffit pas ct 11 faut lui accorder une valeur positive, c’est-à-dire une autorité propre à nous fixer sur le vrai sens du texte ct qui exige l’adhésion intérieure dc notre esprit. Par hypothèse, en effet, la définition ecclésiastique ne con­ siste pas seulement ù déclarer vraie telle doctrine, mais à la déclarer contenue dans tel passage de l’Écriture. Dès là que l’autorité dc l’Église est formellement exprimée» elle s’étend à la question dc fait non moins qu’à la question dc droit. Voir Franzelln, Tractatus de divina traditione et Scriptura, 3· édition, Rome, 1882, p. 219. Celte doctrine n’est qu’une conclusion des principes catholiques sur l’autorité enseignante dc l’Églisc. Mais son application pratique reste également sou­ mise aux règles générales posées par la théologie et qui sc ramènent à une étude minutieuse dc chaque docu­ ment, de manière à réaliser, sans excès ni défaut, tout renseignement qu’il contient. 2. Interprétation par le magistère ordinaire. - Avec le magistère extraordinaire, faut-il (aire Intervenir dans Γinterpretation des Écritures l’autorité du magis­ tère ordinaire? Il paraît que cc point aurait été con­ testé. Vacant, op. cit., p. 516. Contre quoi il est facile de taire observer que le magistère ordinaire repré­ sente, en principe, aussi bien que le magistère ext raor dinalre. la pensée dc l’Église. Dès lors, Il faut lui rccon naître lu même qualité pour fixer le croyant sur le vrr •cni de l'Écriture. Si Ton suppose qu’un texte scr’r 2320 f turairc puisse être formellement Interprété par ces voix diffuses où s’expriment la pensée ct la vie de l’Église, il n’y a plus aucune raison valable qui em­ pêche dc reconnaître cc sens pour is.... quem tenuit ac tenet sancta mater Ecclesia. La question, si tant est qu’elle ait sérieusement existé, a d’ailleurs été résolue par Léon XIII, qui rap pelle expressément que le sens des Écritures est authen­ tiquement déclaré pnr VÉgUsc, sensus authentice decla­ ratur, suivant les principes posés au concile du Vati . can, n. 1792, sive solemnl judicio sive ordinario et uni­ versali magisterio. Encyclique Providenlissimus, dans Cavallcra, Thesaurus, η. 73. Aussi bien celte minime divergence est-elle sans doute le fruit d’une équivoque. Tout ce que voulaient dire les théologiens qui ont l’air dc s’opposer à la com­ pétence du magistère ordinaire, c’est qu’il ne figure pas propris terminis dans le décret promulgué par le concile dc Trente et renouvelé nu concile du Vatican. La raison dc cette omission, telle qu’elle résulte des délibérations conciliaires, est simplement celle-ci: que le magistère ordinaire est équivalemmcnt désigné par les mots qui suivent sur le consentement unanime des Pères. Pratiquement donc cc deuxième mode d’ensei­ gnement ecclésiastique se confond avec les règles dont il nous reste à parler. Du moins ne saurait-il en être autrement avec la conception du magistère ordinaire communément admise par les manuels. Peut-être cependant y auraitil lieu dc faire entrer dans cette catégorie les formes secondaires du magistère ecclésiastique, c’est-à-dire les enseignements des conciles ct des papes qui ne revê­ tent pas un caractère définitif, puis encore lesdécisions doctrinales des congrégations romaines. Tous actes qui sc réfèrent Jusqu’à un certain point au magistère extraordinaire par la précision de leur teneur ct la solennité relative dc leur exercice, mais qui s’en dis­ tinguent par une moindre autorité. Quoi qu’il en soit de la nomenclature, on ne saurait oublier que ccs sortes d’actes renferment des enseigne merits importants dans l’ordre dc l’interprétation scrip­ turaire. Pour ne rappeler que les plus directs, le décret Lamentabili, publié par le Saint-Office en date du 3 juillet 1907, outre certaines indications générales, par exemple sur le caractère historique du quatrième Évangile, prop. 16, Denzingcr-Bannwart, n. 201 G, sur la preuve évangélique dc la divinité du Christ, prop. 27 ct 30, ibid., n. 2027 ct 2030, sur le sens dc ses miracles, prop. 28, ibid., η. 1028, en donne aussi de plus précises sur la fol primitive en la résurrection comme fait historique, prop. 37, ibid., η. 2037, sur l’idée dc mort rédemptrice dans l’Évangile, prop. 38, ibid., η. 2038. ct la fondation dc l’Églisc par le Christ, prop. 52, ibid., η. 2052, sur l’usage apostolique dc la confirmation, prop. 44, ibid., η. 2044. Il promulgue enfin des enseignements tout à fait déterminés sur le récit de l’institution eucharistique dans saint Paul, prop. 45, ibid., η. 2045, le fondement scripturaire des sacrements de pénitence, prop. 47. ibid., η. 2047 ct d’extrême-onction, prop. 48, η. 2048. Dans la suite, la commission biblique a tranché plu­ sieurs questions relatives, non seulement à l’authen­ ticité des livres saint s, mais à l’explication de quelques passages jugé', plus importants ou plus actuels. L’n décret du 29 mal 1907 condamne l'application, tota­ liter vet ex pa/’c, ·'_ la méthode allégorique au qua­ trième ■ ••:ri,e et confirme le caractère historique, affirm· de. ι n tr le décret Lamentabili,des récits ct des dlscoui · ’’ 1 contient. Denzingcr-Bannwart, n. 2112. I · - ‘ 1’· 1 a commission Impose d’admettre que 1« or · ’ nous lisons au livre d* Isaïe ct dans les tn 1 Ecriture, ptmfm tn Scripturis, sans l’,L· Boni 1 ri nominis vati- 2321 IN 1ERPRÉ 1 ATI ON DE L’ÉCRITURE 2322 cinia, c'est-à-dire de vraies predictions de l’avenir ct prétation dc l’Églisc ct l’accord unanime des Pères. Ce qui dépassent les Intuitions naturelles du voyant. rapprochement indique assez que ccs deux règles ne Ibid., n. 2115. A la date du 30 juin 1909, la commission sont pas étrangères l'une à l'autre : la voix des Pères, sc prononce, dans un décret très circonstancié, sur le dans les conditions voulues, n'est qu'une autre manière caractère historique des trois premiers chapitres dc dc faire entendre la voix même dc l'Églisc. Le concile la Genèse, en précisant qu’il faut se tenir au sens lit­ venait dc consacrer, à l’encontre des protestants, téral ubi agitur de /adis... qua Christiana· religionis l’autorité dc la tradition comme source dc la révéla­ fundamenta attingunt et indiquant en même temps la tion. Sess. iv, Decret. de can. script., Denzlngcr-Bann part dc symbolisme qui reste autorisée. J bid., n. 2121- wart, n. 783. Il était normal qu’il fit à cette tradition, 2128. Dans le décret du lrf mai 1910 sur le Psautier, exprimée par le consensus des Pères, une place officielle la dernière question fournit l'occasion dc proclamer dans l'interprétation des Écritures, qu'il y a plurcs psalmi prophetici d mcssianici ct qu'il Ccttc règle n’avait, au demeurant, rien que de ira faut absolument rejeter l'opinion dc ceux qui les vou­ dilionnel. 11 est inutile de démontrer ici l’autorité pré­ draient entendre tous du peuple juif ct dc son avenir. pondérante dc la tradition dans l'ancienne Église. Ibid., n. 2136. Plus tard, la commission s’est encore Contre les hérétiques du temps, saint Irénéc déjà, expliquée, d'une manière générale, sur la valeur histo­ Contra hier., L IV, c xxvi, 5, P. G., t. vu, coL 1056, et rique de l'Évangile dc saint Matthieu, ibid., n. 2153, Tertullien, De prescript. hoer.,c. xvix-xix, font profes­ de saint Luc, ibid., n. 21G3 ct du livre des Actes, ibid., sion d’y subordonner l'intelligence dc l'Écriture sainte. n. 2170-2171. D’une manière plus précise, le 18 juin Ainsi en est-il des grands exégètes catholiques du 1915, elle interdit dc voir, au détriment dc l'interpré­ iv· siècle. Convaincu qu'on ne peut rien comprendre tation traditionnelle, l'affirmation dc la parousic pro­ aux «Écritures sans la grâce dc Dieu ct la doctrine des chaine dans les écrits dc saint Paul. Ibid., n. 2179- anciens, » saint Jérôme porte sur ce terrain cc souci 2181. habituel qu’il exprimait à Théophile : Nobis nihil Ccs divers décrets portent tous in rebus fidet vel esse antiquius quam Christi jura servare nec Patrum morum ct appartiennent, par conséquent, ù l’objet transferre terminos, Epist., lxiii, 2. P. L., t. xxn, sur lequel s'exerce d’une matière incontestable la juri­ coi. 607 En conséquence, il sc préoccupe de connaître diction dc l’Églisc en matière d’exégèse biblique. Il est ct se fait un devoir de suivre, dans scs études scrip­ aujourd’hui reconnu qu’il n'en était pas de même turaires, la doctrine des anciens. Epist., xlviii, 15 ct pour le célèbre décret du saint-office qui condamne Lxxxiii, 3, col. 505 ct 745. A la même époque, saint les théories dc Galilée comme contraires à l'Écriture, Basile ct saint Grégoire dc Nazianze, au rapport dc et qu’un théologien prudent appelle notissimus casus Ru tin, cherchaient dans leur solitude la science des erroris. Bainvel, De Scriptura sacra, p. 39. Voir Gau­ Écritures ex majorum scriptis et auctoritate..., quos et lée, t. vi, col. 1075-1082. ipsos ex apostolica successione intelligendi regulam Or le pape Pic X, par un motu proprio en date du suscepisse constabat. Rufin, Hist, ecd., il, 9, P. L·, 18*novcmbrc 1907, a confère à la commission biblique t. xxi, col. 518. la même autorité qu’aux congrégations précédemment Pour justifier ccttc intelligendi re gula, saint Augustin établies ct, partant, imposé à tous les fidèles un devoir en appelle au bon sens. Si, pour apprendre la moindre formel de soumission, sous peine dc désobéissance ct science humaine on a besoin d'un maître, c'est folie de témérité. Denzingcr-Bannwart, n. 2113-2114. La de vouloir s’en passer pour la science divine. Quid théologie analyse la nature exacte dc cette autorité temerariæ superbue plenius quam divinorum sacramen ct le genre d’adhésion qui en est la conséquence. Voir torum libros ab interpretibus suis nolle cognosceret De Congrégations romaines, t. ni, col. 1108-1111 ct util. credendi, c. χνπ,35, P.L.,l. xlu, coi. 91. Saint Vin L. Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disci­ cent dc Lérins soumet l’interprétation des Écritures plinaires du Saint-Siège, Paris, 2· édition, 1913. Il à son système général dc la tradition, synthétisé dans suiHt de noter ici que cette source n'est pas à négliger l'adage : Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus pour connaître l'interprétation ecclesiastique des créditâmes!. Commonitorium, 2 ct 27, P.L.,t.L,col.640, Ecritures ct que l’exégète doit tenir compte, dans la 671. En pleine controverse christologlque saint Léon mesure prescrite par les principes généraux du droit, rappelle contre Eutychès le principe qui Interdit aliter de Scrijduris divinis sapere quam beati apostoli d patres des enseignements qu’elle fournit II. Règles auxiliaires : Le sentiment des Pères nostri didicerunt atque docuerunt. Epist., lxxxii, 1, P. I.. t. uv, coi. 918. Aux juifs et aux hérétiques voués de l'Église. — Après avoir étudié en détail la règle fondamentale d’interprétation catholique, qui consiste à un individualisme ruineux, saint Grégoire, ou du à suivre le sens tenu par l’Église, il reste peu à dire sur moins l'auteur du commentaire sur le livre des Rols qui porte son nom, oppose la securité du catholique. les autres règles, qui ne sont, au total, que des aux! liaircs dc la precedente et se réfèrent nu même prin­ Securi sumus... quia per auctoritatem sanctorum prodi cipe sans guère soulever dc problèmes nouveaux. On catorum Seriptunc intellectum agnoscimus. In I Reg. se contentera de rappeler ce qui est propre â cha­ expus., I. IV, c. v, 13, P. !... t. lxmx, coi. 290. De cette règle traditionnelle l’autorité cccléslas cune. La première est fournie par la tradition patristique, dont l’autorité devait se retrouver dans la pré­ tique ne manqua pas, à l’occasion, de faire une loi. Le concile dit in Trullo, où l’Église d’Oricnt a fixé sente matière comme dans le reste de la théologie. ses plus chères traditions, ordonne aux pasteurs Voir Pères de l’Église. d’âmes de prêcher surtout d'après l'Écriture, mais sans 1· Principe dc cette règle. ■ - 1. Elle est formellement énoncée dans le décret du concile de Trente cité plus franchir les bornes fixées et la doctrine reçue des Pères. « SI une controverse sur l’Écriture, continue-t-il, vient haut. Il est même à remarquer, d’après la construe tion du texte, qu'elle est mise exactement sur le même à surgir, qu’ils ne l'interprètent pas d’une autre pied que l'autorité de l’Église proprement dite : Nemo manière que les lumières de l'Église et les docteurs dims sacram Scripturam... contra eum sensum quem tenuit leurs écrits. Ils en retireront plus de gloire qu'à s'exer d tenet sanda mater Ecclesia... aut etiam contra una cer à des compositions personnelles. » Can. 19, Mansi, nimem consensum Patrum ipsam Scripturam sacram Concil., t. xi, col. 952. Comme on le voit, ccs disposi­ interpretari audeat. Désireux de contenir 1rs petu­ tions sont d’ordre tout pratique, mais elles indiquent lantia ingenia dont l’esprit de la Réforme a multiplié bien le sentiment commun de l’Églisc sur le respect les audaces, le concile oppose aux initiatives désor­ dû aux Pères. On les retrouve en termes presque Idcn données du libre examen une double barrière : l’inter­ tiques au seuil des temps modernes. Dans la bulic 2323 INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE Supernie majestatis, qui termine le cinquième concile dc Latran, ie pape Léon X, s’adressant à tous ceux qui euangelicam veritatem populum docturi essent, leur demande ut... S, Scripturam juxta declarationem, inter­ pretationem d ampliationem doctorum quos Ecclesia oel usus diuturnus approbaoil explanarent. Mansi, L xxxn,col. 946. L’Église elle-même, dans les grandes circonstances, sc conforme expressément à cc principe. Avant de condamner la fausse interprétation donnée par Olivi dc Joa., xix, 33 sq., le pape Clément V sc réfère ad tam præclarum testimonium ac sanctorum Patrum et doc­ torum communem sententiam, Denzinger-Bannwart, n. 480. En affirmant la primauté de saint Pierre, le concile du Vatican s’appuie sur la doctrine de l’Écriture, ut ab Ecclesia catholica semper intellecta est, Denzinger-Bannwart, η. 1822 : ce qui est une manière indirecte d’en appeler aux Pères, dont il est fait men­ tion expresse un peu plus loinàpropos de l’infaillibilité. Ibid., n. 1836. Plusieurs des décrets déjà cités dc la commission biblique invoquent nommément l’auto­ rité des Pères. Voir par exemple n 2122, 2126, 2136, 2181. Sans parler de ccs faits plus récents, il est facile dc voir, en tout cas, que le concile de Trente, en donnant comme règle d'interprétation l’accord unanime des Pères, ne formulait pas précisément une règle nou­ velle. Il ne faisait que consacrer, avec Je relief spécial que demandaient les circonstances, un principe depuis longtemps accrédité et parfaitement conforme à l’esprit de l’Église. 2. Dc lâ ccttc règle est passée dans la profession dc fol de Pie IV, sauf qu’elle s’y présente sous une forme positive, résultant elle-même d’une double négation qui en accentue la vigueur ct la portée. Après avoir affirmé sa pleine soumission au sens dc l’Égllsc, le croyant continue, comme pour tirer une conséquence de cette position initiale : A'ec eam (Scripturam) un­ quam nisi juxta unanimem consensum Patrum acci­ piam et interpretabor. Denzinger-Bannwart, n. 995. Le formule conciliaire n’est pas sensiblement modi­ fiée; mais la construction affirmative qu’elle rcçoit> l’adverbe nec unquam qui en précise la stricte univer­ salité, la conjonction nisi qui en marque le caractère absolu contribuent certainement à en mettre en plus grand relief la plénitude doctrinale ct Λ rendre Incon­ testables les obligations pratiques qu’elle impose. 3. En renouvelant le Decretum Tridentinum, le con­ cile du Vatican s’est préoccupé d’en conserver inté­ gralement la teneur. Cependant l’introduction dc la clause relative au sentiment des Pères a eu toute une histoire, dont les actes du concile ont gardé longue­ ment la trace Dans le premier projet, œuvre dc Frnnzelin, le con­ sentement des Pères figurait à côté du jugement dc l’Église ct sur le même plan positif : Ilium s. Scrip tura sensum verum habendum esse, quem ab Ecclesia... pel unanimi consensione Patrum declaratum aut deft nilum esse constiterit. Coll. Lac., t. vn, coi. 509. Une note justificative expliquait que ce parallélisme était voulu, parce que le consentement unanime des Pères n’est pas autre chose dans ce cas que le consentement même dc l’Église : Quad prrrter judicium Ecclcsiæ etiam unanimis consensus Patrum statuitur tamquam norma interpretationis, /acile patet hujusmodi... con sensum... esse consensum ipsius Ecclesia!, tbld., coL 523. C’cst peut-être pour cela que ccttc mention fut jugée superflue. Toujours est-il que, dans les séances d’études tenues par la députation dc la foi. les 4 et 6 murs, divers amendements furent présentés en vue de supprimer ce passage. Ibid., col. 1653 ct 1655. Il fut, en eflet, supprimé dans le nouveau texte soum. 2324 aux délibérations dc rassemblée. Ibid., col. 72. Une note additionnelle exposait le mutif dc ccttc suppres­ sion. Elle avait été demandée par la majorité des Pères, plurium non omnium Patrum sententia, parce que cette règle paraissait faire double emploi avec le Jugement de l’Eglise qui précédait. In idem recidunt quod, cognito unanimi Patrumconsensu, Ecclcsiæ sensum cognoscitur. Etenim unanimis ille consensus Patrum Ecclesuc sensum et fidem testatur et Ecclesia semper pro­ fessa est sc Patrum vestigiis inhrcrcre. Ibid., col. 80. Battue en commission, la minorité prit sa revanche dans la discussion publique. Cinq amendements pro posaient avec des nuances diverses de rétablir, sous une forme ou sous une autre, l’idée, sinon le texte, du concile de Trente. La raison principale était qu’on ne voulait pas avoir l’air de corriger un document aussi vénérable. Mais il y avait en outre des scrupules théologiques : les uns tenaient cc critère pour insuffi­ sant, practice non est regula interpretationis adaquato, tandis que d’autres semblaient le donner comme néces­ saire, tessera ad cognoscendum quid Ecclesia teneat. Ibid., col. 124. Renvoyée à la commission, la question y fut l’objet de longs ct vifs débats. Nulla de re, témoigne le rapporteur, Mgr Gasser, toties et (am acriter in deputatione fidei disputatum cl decer­ tatum est quam de hac re. La formule positive insérée dans la première rédaction paraissait acceptable au regard des principes; mais elle semblait imposer une nouvelle limite h la liberté des savants catholiques ct instituer pour ainsi dire deux tribunaux : l’un offi­ ciel, celui de l’Église, l’autre soumis à l’appréciation privée, le sentiment des Pères. D’autre part, la « for­ mule tronquée » dc la deuxième rédaction soulevait des oppositions Irréductibles de la part dc la minorité. Cela étant, in tanta difficultate rerum, on aboutit à une transaction. Lc rapporteur proposa une formule double, jormula quasi duplicata. Elle affirmait d’une part le sens tenu par l’Église comme positivement obligatoire ct par là précisait la pensée du concile dc Trente contre les erreurs du jour. D’autre part, elle ajoutait, à titre dc complément, la formule négative adoptée à Trente, où le consentement des Pères est inscrit à côté du sens de l’Église, le tout formant la double règle qu’il est interdit à l’exégète dc violer. I bid., col. 144-146. Mgr Gasser concluait modestement: In tanta penu­ ria boni concilii, nihil aliud possum jacere quam hanc jormulam commendare. Cct eilorl dc conciliation ne fut pas vain. La formule ù double étage ainsi éla­ borée donna satisfaction à la quasi-unanimité des Pères, a b omnibus admissa est paucissimis exceptis. Ibid., col. 147. C’cst elle qui est entrée dans le projet définitif, ct qui votée en congrégation générale, est devenue le texte officiel. Il ressort des Actes conciliaires qu’on vicùt d’ana­ lyser que ces discussions n’eurent jamais pour cause une incertitude, ou seulement une hésitation, sur le bien fondé de ccttc règle, mais uniquement l’opportu­ nité d’en faire mention expresse ct, dans cc cas, la manièredc la libeller Lc problème était dc conserver l’affirmation traditionnelle sur l’autorité des Pères, sans avoir l’air dc la mettre en concurrence avec l’assertion relative à l’autorité dc l’Église. 11 fut résolu par une distinction des plans logiques, où les deux élé­ ments sont pi ai m . m< nt sauvegardés ct spéculati­ vement équilibre ’ La règle fondamentale d’interpré­ tation cri} .m positivement obligatoire pour le catholic; ue- e t de s’en tenir au sens reçu par l’Eglise : s o p" o /lu ./ 1Λ catur qucmti nuit ac tenet. ..Eccle­ sia '' 4 lien ;Htc comme conséquence qu’il n’est i» me d’aller. soit contre cc sens, soit coiκι Βπυ r·· unanime des (’ères : atque ideo όπ' ό hunc sensumautetiam contra unani- 2325 INTERPHÉTATION DE L’ÉCRITI KE mem consensum Petrum ipsam Scripturam sacram interpretari. Ce qui tend à suggérer, une fois admis le principe dogmatique dc la juridiction ecclésiastique sur l'interprétation des Écritures, qu'à défaut du magistère l'accord unanime des Pères est une des formes sous lesquelles le sentiment dc ΓÉglise sc mani­ feste à nous. Telle est, au regard même dc l'Égllsc la raison d’être dc ccttc règle. C’est dans cc sens également que la théologie en comprend la valeur. « Souveraine, écrit Léon XIII, est l’autorité des Pères chaque fols qu'ils expliquent tous d’une seule ct même manière quelque témoignage biblique comme appartenant à la doctrine dc la foi ou des mœurs. Car de cct accord même 11 ressort nettement que, selon la foi catholique, ce point vient des upôtres par tradition. » EncycL Prooideniissimus, Denzinger-Bannwart, n. 1944. < En matière dc doctrine dogmatique ou morale le consentement unanime des Pères n'est qu'un mode particulier de manifestation dc la fol dc l’Église ct dc son magistère ordinaire, de telle sorte que ccttc règle ne diffère dc laprécédcntc que pour la forme suivant laquelle l’ensei­ gnement ecclésiastique est donné, et non pour le fond. » Diet, dc la Bible, art. HbrmÊNBUTIQUB, t. n, coL626. 2· Application de cette règle. — Pour remplir son rôle dc règle efficace en matière exégétique, le con­ sentement des Pères est soumis aux conditions géné­ rales que le traité De locis theologicis établit pour leur autorité. La vérification doit en être ici d’autant plus stricte qu’il s’agit d’un objet d’ordre plus précis. 1. Cet accord, suivant la formule conciliaire, doit être unanime. Alors seulement il exprime la pensée de l’Église, tandis que des voix isolées, à plus forte raison si d’autres les contredisent, ont chance dc ne repré­ senter que des opinions particulières. Bien entendu, il suffit d’une unanimité morale : l’autre serait prati­ quement inconstatable ct n’existe pour ainsi dire jamais. Cette unanimité morale est, du reste, assez dif­ ficile à vérifier. On peut en acquérir une assurance suf­ fisante nu profit d’une interprétation scripturaire quand elle apparaît notablement répandue, ferme­ ment affirmée chez des Pères d’écoles différentes cl d’incontestable autorité, sans soulever nulle part d’opposition. Λ ccs critères il faut toujours ajouter celui du temps. Il ne suffit pas que l’unanimité existe à un moment donné : il faut encore qu'elle s’affirme ct qu'elle dure. Si elle venait à fléchir ou à disparaître, ce serait la preuve qu’elle procédait dc quelque motif accidentel. Vacant, op. cit., 1.1. p. 552 ct t. u, p. 115. Dc toutes façons, l’unanimité des Pères ne doit pas être affirmée à la légère. C’est un fait positif, ct qui demande à être établi preuves en mains. « Il sera utile dc ne pas sc fier aveuglément aux commentateurs lorsqu’ils allèguent l'autorité des Pères. Il y en a. en effet, qui donnent des conjectures de quelque Père pour un monument dc la tradition ou pour un dogme réel. · Trochon, Introd. gén., Paris. 1901. t. r, p. 522. « C’est à une facilité indiscrète d’écrire : Omnes Patres con­ sentiunt que nous devons le discrédit qui s’attache de nos Jours à l’argument dc tradition, tel qu’il a été pratiqué par beaucoup dc théologiens et d’exégètes depuis le xvi· siècle. » Λ. Durand. S. J., Dictionnaire apologétique, art. Exégèse, t. I, col. 1839. 2. Λ l'unanimité dc consentement 11 faut Joindre VIdentité de son objet. Condition élémentaire de logique, mais que des exégètes compétents n’ont pas cru Inu· ile de rappeler. • Le seul fait du consentement des Pères, surtout en matière d’exégèse, autorise à présumer qu’il n’a pas eu sa cause dans une opinion purement humaine... Cependant cc n’est là qu’une présomption. Il faudra considérer encore l’objet précis sur lequel porte le con­ sentement.-. : il peut arriver qu’il n’y ait pas réelle­ 2326 ment accord sur un seul et même objet. » A. Durand, loc. cit., col. 1838-1839. Suit un exemple caractéris­ tique rappelé par le même auteur d’après Cornely. » I>e P, Patrizi : Jn Aclus Ap., vm, 33, a fait une enquête complète de la tradition exégétique au sujet d’h., un. 8 : Generat Ionem ejus quis ennarablt? A l’exception de trois auteurs seulement, avant le xvr· siècle, tous les auteurs ont interprété ce texte de la génération du Christ, mais 39 de la génération éter­ nelle, 4 de la génération temporelle, 20 de l’une et de l’autre. » D'où il suit qu'il n’y a pas de consentement réel ct que les exégètes ont le droit, jusqu'à nouvel ordre, de revendiquer leur liberté. 3. Même unanime ct univoque, l’autorité patristique n'a dc valeur absolue que dans les limites fixées par le décret conciliaire, c’est-à-dire in rebus fidei et morum. Ce qui exclut les questions qui relèvent dc la science profane, où les Pères ne pouvaient avoir que les lumières de leur temps, ct réserve leur compétence aux doctrines qui intéressent la révélation. « En effet, écrit le P. Cornely, le témoignage des Pères est à recevoir parce que ct dons la mesure où ils sont les témoins de la foi apostolique... Rien n'em­ pêche, par conséquent, que, dans les matières qui ne louchent pas la foi ou les mœurs, comme l’histoire, les sciences naturelles et autres questions dc cc genre, nous puissions nous écarter de leurs explications, w Op. cil.,p. 611-612. « De l’aveu de tous, l’obligation créée par le décret du concile ne s'étend pas, du moins direc­ tement, aux explications philologiques, scientifiques, purement historiques, sans connexion nécessaire avec la doctrine catholique, ni aux applications morales d’un caractère simplement édifiant, alors même que, pour des raisons étrangères à la révélation, les Pères s’accorderaient à entendre, de cc point de vue, un tfxte dogmatique. » A. Durand, loc. cit., col. 1837. Les progrès de l’exégèse ont rendu les esprits con­ temporains plus attentifs à marquer ccs limites; mais le principe en appartient à la théologie la plus tradi­ tionnelle. Saint Thomas a pris soin de bien distinguer cc qui appartient à la substantia fidei et cc qui n’y louche que per accidens. A la différence du premier, ce dernier domaine a toujours autorisé la liberté des opinions. In his quse de necessitate fidei non sunt, licuit sanctis diversimode opinari, sicut el nobis. In II Sent., dist. II, q. i, art. 3. Ccttc diversité, assure ailleurs le docteur angélique, sauvegarde parfaitement la vérité des Écritures. Ibid., dist. XII, q. r, art. 2. Léon XIII cite le premier de ccs textes, Enc. Pro­ videntissimus. Denzinger-Bannwart. n. 1943, ct plus loin il reconnaît lui-même que les Pères ont parlé quel­ quefois prout erant opiniones artatis in tocis edisserendis ubi physica aguntur. Ibid., n. 1948. Dans les contro­ verses récentes sur l’autorité exégétique des Pères, on a vu plus haut quel grand rôle ont Joué les principes de saint Thomas. Voir col 2306. 4. Dogmatique dans son objet, le consentement des Pères, pour s’imposer à nous, doit cire encore caté­ gorique dans sa jorme. Cette nouvelle condition est une conséquence dc la précédente. La doctrine révélée est, en effet, dc celles qui ne permettent pas d’hésitation. Si donc les Pères s’expriment avec une constante fer­ meté, on peut croire qu’ils s’appuient sur l’autorité de la révélation. Mais, quand ils se contentent d’énoncer une opinion ou une conjecture. 11 est évident qu’ils ne traduisent plus que leur sentiment personnel. A cct égard il y a lieu de distinguer entre le caractère des ouvrages. Cornely, op. cit., p. 614. place au premier rang les commentaires proprement dits, puis les traités dogmatiques, enfin les écrits ascétiques et les sermons. Il est clair que, pour avoir la pensée ferme ct réfléchie des Pères, ccs derniers écrits offrent une moindre garantie que les précédents. 2327 INTERPRÉTATION DE 1/ÉCRITIRE Voilà pourquoi, dans les gloses qui accompagnaient le premier schéma de la constitution De Fide, Fran­ zelin parle d’un unanimis consensus Patrum non opi nando sed certa ac firma sententia opinantium. Coli. Lac., t. vn, coi. 523. Le P. Comely précise quelques cas où cette condition n’est pas vérifiée. < S'ils parlent d’une manière hésitante ou hypothétique, s’ils expo­ sent comme probables diverses explications du même texte, s’ils touchent à un texte seulement en passant ct sans en marquer la signification avec soin, ils ne Jouent plus Je rôle de témoins, mais de docteurs privés. ... Il peut sc faire aussi que les Pères soient unanimes à rejeter une certaine explication, mais qu’ils diffèrent entre eux sur l’exégèse positive du texte. Dans cc cas, il est clair que nous n’avons pas le droit d’admettre l’explication rejetée, mais que nous sommes libres de suivre pour la solution une voie différente de la leur. » Op. cit., p. G12. 5. Enfin il ne suffît môme pas de vérifier isolément ces deux dernières conditions, il faut qu’elles soient réalisées simultanément. Le consentement des Pères doit présenter une exégèse ferme, ct non seulement sur un objet de foi ou de mœurs, mais qui soit donné ex­ pressément comme tel ct comme contenu dans tel texte donné. < C’est la circonstance la plus difficile à déterminer, mais aussi celle qui, malheureusement, retient le moins l’attention des auteurs. » A. Durand, loc. cil., col. 1839. 11 n’en est pourtant pas de plus nécessaire. Car si les Pères n'établissent pas une connexion directe ct réfléchie entre telle interprétation scripturaire ct telle affirmation doctrinale, nous n’avons pas le droit de l’établir en leur nom. On peut toujours, dans cc cas, supposer que l'uniformité de leur interprétation est duc Λ des traditions d’école ou à toute autre cause accidentelle, que leur témoignage doctrinal provient d’autres sources ct ne s’appuie sur le texte en question qu’à titre subsidiaire ct scientifique. Il en va autre­ ment lorsqu’ils font reposer expressément sur tel texte ou tel fait la foi même de l’Église. C’est dans ce sens que s’exprime Léon XI II. « 11 faut soigneusement dis­ cerner dims leurs interprétations cc qu’ils enseignent en réalité comme appartenant à la foi ou tout à fait connexe avec elle, qutvnam reapse tradant tamquam spectantia ad fidem aut cum ea maxime copulata, t* Enc. Providentissimus, Denzingcr-Bannxvart, n. 1948. Suivant que ccttc connexion est plus ou moins mar­ quée, divers cas se présentent. « 11 nous semble qu'un fait peut avoir avec le dogme une connexion plus ou moins claire. Il est clair aussi qu’un fait peut être connexe avec le dogme sans que ccttc connexion soit nécessaire... En fin un fait peut paraître certainement historique à une époque sans l'être en réalité. Ceci posé, il peut se faire que les Pères aient considéré un récit comme historique en notant clairement sa con­ nexité avec le dogme : si le fait n’était pas réel, le dogme n’existerait pas. Il est clair que, dans ce cas, le consentement des Pères oblige, non seulement à recevoir renseignement dogmatique, mais aussi à admettre l’objectivité du fail. Mais il se peut aussi que tous les Pères qui ont traité d’un récit l’ont considéré comme historique pour des raisons indépendantes d'une connexité nécessaire entre les faits ct le dogme,.. Les Pères ont suivi ici, non pas le sens de l’Église, mais le sens critique du temps. » Ces distinctions que le P. Lagrange, Revue Biblique, 1900, p. 140-111, énonce à propos des récits ou faits dogmatiques peuvent et doivent s’appliquer à toute autre espèce d’interpré­ tation. Ainsi les Pères anciens lisaient dans Prov.,vin. 22, d’après la traduction des Septante: Κύριος με et, pour répondre à l’objection des Ariens, appli q aaient généralement ce texte au Verbe en tant 2328 qu'incarné. Apologétique de circonstance cl qui reposait même sur une version inexacte. En sup­ posant donc qu’il faille prendre Λ la lettre cc qu'en dit Toumcly : Patres unanimiter hune locum intelll· gunt de Sapientia incarnata, d’après le témoignage d'Eusèbc au concile de Nicée, dans Gélose de Cyziquc, JZ/sf. cône. A7c.,n. 18,P. G.J.nxxxv, col. 1265, on ne saurait conclure d’une exégèse dont le carac­ tère relatif est aussi évident que cc texte est dog­ matiquement interprété, beaucoup moins encore invoquer ccttc interprétation, comme on a voulu le faire, en faveur de la thèse scoliste sur la prio­ rité de l’incarnation. Voir P. Chrysos tome, Le moti/ de ΓIncarnation, Tours, 1921, p. 60-66. Quand l’une ou l’autre de ces cinq conditions vient à faire défaut, le consentement des Pères ne peut plus s’imposer d’une manière absolue. Sans doute, suivant la remarque de Léon XIII, «il faut faire grand cas de leur opinion, alors même qu’ils se prononcent en ces matières comme docteurs privés » Enc. Providentis· simus, dans Cavallera, Thésaurus, n. 75. Car ils sc recommandent ù nous tant par leur science que par leur sainteté. Mais ce ne sont là que des titres humains ct qui n'interdisent pas la discussion, si elle est rai­ sonnablement motivée par ailleurs. La Commission biblique réserve formellement la liberté de l’exégèse, à propos des premiers chapitres de la Genèse, in inter­ pretandis illis horum capitum locis quos Paires et Doctores diverso modo intellexerunt, quin certi quippiam definitique tradiderint. Décret du 30 juin 1909, dub. jv, Denzinger-Bannwarl, n. 1924. On reste dans 1’csp‘it de l’Église et dans la ligne de la bonne théologie en appliquant à des cas analogues le principe officielle­ ment posé pour cc cas particulier. 3° Quelques exemples. - - « Si le nombre est très petit des textes dont le sens a été défini par l’Église, ils sont moins nombreux encore, saut erreur de notre part, ceux dont l’explication est garantie par l’accord unanime des Pères.» Comely, op. cit., p. 615. Cf. La grange, loc. cil., p. 110 et Vacant, op. cit., t. i, p. 552. Voir col. 2317. La raison de cc fait parait double. C'est que, d’une part, les décisions du magis­ tère officiel s'ôtant de plus en plus multipliées au cours des âges, la place se lait d’autant plus restreinte à l’exercice isolé de cette forme du magistère ordinaire D’autre part, celui-ci, par sa nature même, peut diffi­ cilement avoir une autorité décisive, sauf sur les points essentiels de la foi, tant qu’un enseignement formel de l’Église n’est pas intervenu. C’est sans doute pour cc motif qu’on sc contente le plus souvent d’énoncer la règle sans entreprendre d’en montrer l’application. Sous peine d’énoncer un prin­ cipe en l'air, Il faut cependant essayer de voir quelques cas où il ait chance d’entrer en jeu. Une enquête à tra­ vers le dossier scripturaire de la théologie courante en fait apparaître quelques-uns, dont l’importance ct la certitude sont d’ailleurs fort inégales. Aussi les exem­ ples cités le seront-ils surtout à titre d’indication, sans qu’on prétende en épuiser la série ni Interdire d’en contrôler la valeur. Un certain nombre de textes de l’Ancien Testament sont à peu près unanimement invoqués en faveur de certains dogmes du Nouveau. Ainsi le ÏTotévangllc, Gcn., m, 15, est regardé comme contenant la première promesse d'un rédempteur; la conception virginale du Sauveur cil établie sur l’oracle d'Isaïe, vu, 14 : Eccc uirgo concipiet; le chapitre un du même prophète est appliqu· à la passion du Christ et au caractère (tpiUolr de !>· s oullr.mces; les descriptions de la !»agc , ; x viii-îx ct Eccli , xxiv, au Fils éternel de D*·’’. h ii \t· b Malachlc, ï, 11, au sacrifice cucharisliqu.k fiH de la prière pour les morts dont témolh ,χιι, i l iq., à l’existence du purgatoire. Il 2329 IN 'l'E R P R É T Λ T 10 N est vrai qu’il n’est pas une seule de ces vérités qui ne soit attestée par ailleurs ct dont, par suite, on puisse dire qu’elle dépende strictement de l’interprétation de ces textes. Cependant la tradition cxégéllquc est assez ferme sur ces points pour qu’il semble bien qu’on ne puisse rompre avec elle sans quelque apparence de t (mérité Plus topique sans doute est l’accord des Pères à voir la création ex nihilo dans le premier verset de la Genèse. Voir Hurter, Thcol. dogm. compendium, Ins­ pruck, 10* édit., 1900, t. n, p. 203 et Curation, t. in, col. 2046 oui Iexam6ron,L vi,col. 2317.Car il s’agit ici d’une vérité qui découle de la notion de Dieu et qui put appartenir dès lors à la première forme de la révé­ lation. De fait, tout le monde s’accorde à en faire une des caractéristiques de la religion juive. Λ plus forte raison doit-on en dire autant de l’exégèse qui voit dans les premiers chapitres de la Genèse l’élévation de l’humanité à un état vraiment surnaturel, accom­ pagnée de l’épreuve et suivie de la chute. Lc dogme du péché originel postule la réalité historique ct la signification traditionnelle de cet antique ct unique témoignage. Ces divers points ont été précisément consacrés par le décret de la Commission biblique en date du 30 Juin 1909. Denzinger-Bannwort, n. 2123. Le Nouveau Testament est pour nous une source beaucoup plus riche ct plus directe de révélation. Aussi avons-nous vu que le souci de veiller sur l'origine de certains dogmes particulièrement contestés a inspiré plusieurs actes du magistère ecclésiastique. Ces déci­ sions furent précédées ct préparées par l’enseignement traditionnel du magistère ordinaire, auquel Je concile de Trente sc réfère ex professo, Denzinger-Bannwart, n. 874 et 938, et tout de même le concile du Vatican, Ibid., n. 1822. On peut également citer quelques exemples de textes, non encore canoniquement interprétés par l’Église, où le sentiment des Pères semble bien réunir toutes les conditions pour s’imposer d'une manière indiscutable. Ainsi en est-il pour la consubstantialité du Verbe au Père dans Joa., ï, 1, Trochon, op. cit., p. 521, ou encore pour la connaissance naturelle de Dieu dans Rom., ï, 20-21 ct pour l’universalité d’un minimum de conscience morale chez tous les hommes, Rom., n, 14-15. La tradition a fixé de meme cc qu’il pourrait y avoir d’un peu incertain dans les declara­ tions évangéliques sur le feu étemel. Voir Hurter, t. ni, p. 592-598. Elle a explicité la pleine portée des paroles : Hoc est corpus meum en invitant à y lire la transsubstantiation, que certains scolastiques, Scot notamment, ne trouvaient pas suffisamment exprimée daiu le texte seul. Voir Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis l'origine jusqu'au concile de Trente, Paris, 1901, p. 311. Aux pseudo-mystiques qui atten­ daient la révélation du Saint-Esprit pour remédier ù la corruption de l’Église, on a toujours opposé les pro­ messes du Christ, Matth., xvi, 18, comme signifiant l’indéfectlbllité autant que l’infaillibilité. Nul doute qu’il n’y eût une véritable imprudence à ne pas voir le sacrement de confirmation dans l’imposition des mains mentionnée par Act., vm, 17 ct xix, 6. Les sub­ tiles échappatoires de l’augustinisme sc heurtent ù la grande tradition catholique, qui a toujours entendu la parole de l’apôtre : Deus vult omnes homines salvos fleri, I Tim., π, 1, d'une volonté effective en Dieu de fournir ù tous les hommes les moyens suffisants du Sftlut. Voir Hurler, t. n, p. S1-82. Chacun de ces cas et autres similaires doit faire l’objet d'un examen approfondi. Mais ces exemples suffiront sans doute ù montrer que le consentement unanime des Pères en matière d’exégèse doctrinale est encore une règle qui a un sens, au moins ù titre sub sidlaire, à côté du rôle principal qui revient au magis- DE L’ÉCRITURE 2330 tère officiel de l’Église. Pour diffuse ct parfois flot­ tante qu’en puisse être l’expression, ccttc forme du magistère ordinaire est aussi pour l’exégète catho­ lique, non seulement une autorité dont il doit tenir compte, mais une source dont il peut tirer parti. 4· Valeur de celte régie. - En théorie, cette règle possède, comme la précédente, une valeur positive aussi bien que négative. Lc consentement des Pères, n’étant, quand il se présente dans les conditions requises de précision et d’unanimité, qu’un aspect du magistère ecclésiastique, il ne suffit pas d’éviter de le contredire : il faut le considérer comme apte A nous fixer sur le vrai sens des Écritures et donc suivre ses indications, sous peine de manquer à l’cspnt même de l’Église Mais, ù le considérer d’un point de vue pratique. Il faut bien reconnaître que les services de ce magistère ordinaire ne sauraient égaler ceux du magistère extraordinaire. Sa nature même l'empêche d’avoir jamais la même netteté. Franzelin en fait justement la remarque. · De même que le pontife romain et le con­ cile peuvent définir le véritable sens d’un texte, le sentiment de l’Église se manifeste dans le consente­ ment unanime des Pères, quand ils s’accordent tous, ctrla et definita sententia, dans l’interprétation d’un passage dogmatique ou moral. Cependant la première manière fait ressortir le sentiment ecclésiastique plus clairement et plus facilement que la seconde. » De divina trad, el Script., p. 218-219. On ne peut, en effet, vraiment connaître la tradition patristique qu’au prix d’une enquête toujours longue et dont le résultat est parfois loin d’être clair. Ce défaut tient au caractère propre du magistère ordinaire et se retrouve en toute autre matière doctrinale sur laquelle on veut interro­ ger son témoignage; il est seulement accru ici d’un degré, ù raison de la précision même de l’objet sur lequel on lui demande de se prononcer. 11 faut ajouter que les conditions indispensables auxquelles il est soumis sc trouvent, quand on y regarde de près, moins souvent réunies qu’on ne pour rait le croire. Or l'absence ou l’insuffisance d’une seule en infirme la valeur, suivant l’adage : Bonum ex integra causa, malum ex quocumque defectu. A supposer qu’on puisse arriver ά une certitude spéculative, il suffit que subsiste une raison de douter, même dénuée de fon­ dement, pour que la règle perde en fait son efficacité. Seule une décision officielle peut exclure toutes les hésitations, tandis que le consentement des Pères reste toujours, comme on le fit observer au concile du Vati­ can, un critère relevant du Jugement prisé ct qui ne porte pas en lui-même de quoi s’imposer en cas de con­ testation Aussi a-l-on pu dire que. « pratiquement, le recours aux commentaires des Pères de l’Église fournit le plus souvent une direction plutôt qu’une règle de fol. · A. Durand, toc. cit., col. 1839. « On pourrait même soutenir, comme règle pratique, que l'exégète catho­ lique qui respecte les termes des deux conciles ne peut être convaincu de manquer à celle règle qui dérive des principes généraux que si scs adversaires font réelle­ ment la preuve, au lieu d’alléguer vaguement : tous les Pères... qu’ils n’ont pas lus. · Lagrange, loc. cit., p. 111. C’est surtout le cas pour les questions nouvelles que la controverse fait surgir ou qu’on peut croire n’avoir pas été envisagées par les Pères sous le même jour. < Même dans le cas où le commentaire traditionnel des anciens se présente avec un caractère dogmatique bien defini, s’il s’agit de questions controversées aujour­ d’hui entre catholiques, une Intervention de l’Église sera le plus souvent nécessaire pour le faire accepter de tous. » A. Durand, ibid., col. 1840. Et l’on peut en dire autant des textes pour lesquels la tradition d’abord hésitante a fini par se fixer. Témoin le juge 2331 INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE ment que le P. Lebreton porte en historien sur les fon­ dements patristique de la doctrine dc saint Thomas quant à la science humaine du Christ, à propos de Marc., xm, 32. t C’est une théologie fondée sur une tradition très authentique ct dont le témoignage, depuis le vu· siècle du moins, est sur les points essen­ tiels moralement unanime. » Les origines du dogme de la Trinité, 4· édit., Paris, 1919, note C, p. 543-544. Il s’en suit donc qu’avant le vu· siècle cette unani­ mité n’existait pas, voir ibid., p. 515. La précédente édition du môme ouvrage, p. 449-158, marquait mieux la diversité des interprétations anciennes sur cc point. Dès lors, la question se pose de savoir si l’on peut encore s’en tenir aux positions des Pères du iv· ct du v· siècle ou s’il faut accepter l’exégèse des âges suivants. La règle tirée du consentement des Pères ne peut toute seule en décider. 11 reste que l’exégète comme Je théologien catho­ lique doit avoir à cœur do connaître exactement la tradition patristique ct, pour autant que la fol est en cause, de se conformer en toute loyauté à son ensei­ gnement. 5® Autorité des autres commentateurs. Jusqu’ici il n'a été question, suivant les termes stricts des i décrets conciliaires, que des Pères proprement dits. Qu’en est-il des commentateurs plus récents? A mesure qu’ils s’éloignent des origines, ils ont dc moins en moins qualité pour être des témoins de la foi même. On ne peut oublier cependant, môme mise à part leur valeur scientifique, qu’ils expriment dans une cer­ taine mesure la tradition de l’Eglise. C’est à ce titre que Léon XIU invite l’exégète catholique à en tenir compte. «Leur autorité assurément est moindre (que celle des Pères). Étant donné cependant que les études bibliques ont suivi dans l’Église un progrès continu, il faut accorder également à leurs commentaires l’hon­ neur qui leur est dû. On peut y trouver beaucoup d’élé­ ments très heureux pour résoudre les objections ou débrouiller les points difficiles. » Enc. Prouidentissi- î nuis, Denzinger-Bannwart, n. 1945. En pratique,* il faut garder son indépendance visà-vis des auteurs et n’accepter leurs explications que si elles sont conformes aux règles de la critique et de l'herméneutique. 11 ne faut pas s’attacher obstiné­ ment à un interprète en particulier, mais consulter les principaux et les comparer entre eux. En agissant dc cette façon, il sera difficile de ne pas y trouver quelque profit. Les divergences que l’on remarquera entre leurs opinions seront elles-mêmes fort utiles; car elles for­ ceront à réfléchir. » Trochon, op. cil., p. 522. Dans les diverses disciplines humaines, les travailleurs ne sui­ vant pas d’autres principes à l’égard des spécialistes qui les ont précédés. L’Église met très justement ses fidèles en garde contre Jes commentateurs hétérodoxes, sans mécon­ naître toutefois les services qu’ils peuvent rendre à qui les consulte avec la prudence voulue. Cette pré caution s’impose surtout à l’égard des protestants, dont les travaux bibliques, pour importants qu’ils puissent être, restent si souvent tendancieux. · 11 est particulièrement inconvenant, a dit Léon XIII, d’ignorer ou négliger les œuvres remarquables que les nôtres nous ont laissées en abondance pour leur pré­ férer les livres des hétérodoxes, au péril dc la saine doctrine ct souvent même au détriment de la foi. » Enc. Prooidentissimus, Ibid., n. 1945. S'inspirant dc ces principes, le décret Lamentabili a condamné la proposition suivante : Heterodoxi excgetas fidelius expresserunt sensum verum Scripturarum quam exegclx catholici. Prop. 19, Dcnzingcr-Bannwart, n. 2019. Toutes choses égales d’ailleurs, il est certain que les exégètes catholiques, parce que fils dociles dc l’Église, sont plus qualifiés pour interpréter le vrai sens 2332 des Écritures qui sont un bien d'Églisc, tandis que la adversaires restent exposés â l'esprit dc secte ou aux caprices du libre examen. Cc qui n’empêche pas qu’on ne puisse utilement les consulter en matière de phi lologic, de critique ct d'histoire, où leur compétence scientifique peut beaucoup servir à mieux entendre le textesacré. Comely,op. c/7., p. 612-013. III. Règles auxiijaibes : L’analogie delà foi. Bien qu’elle ne soit pas expressément mentionnée par les conciles de Trente et du Vatican, cette troi sième règle n’en doit pas moins être comprise dam le magistère ordinaire de l’Église. 1 · Signification dc cette règle. Mot à mot, l’expres­ sion « analogie de la foi » est prise de saint Paul, qui, parmi les divers charismes répartis aux chrétiens, signale en premier lieu προφητείαν κατά την αναλογίαν της πίστεως, Rom., xn, G: texte que laVulgate a traduit par prophetiam secundum rationem fidei. Par où l’apôtre entend sans doute cette sorte de prophétie qui se con forme au caractère de la foi ct a pour but de la corn mentor au Heu de la détruire, ù la différence de celles qui diraient anathème ù Jésus, I Cor.,xn, 3.Telle est du moins l'interprétation des théologiens récents. Comely, In Bom., p. 656. Quoi qu’il en soit de sa signification originelle, l’ana­ logie de la fol est devenue un terme d’école pour signi­ fier la solidarité qui unit entre elles les vérités chré­ tiennes. Son acception dans ce sens paraît d’ailleurs avoir été assez tardive; mais elle est acquise au mo­ ment dc la Réforme et la controverse contribue à la propager. Car cette formule a la chance d’être acceptée dans les deux camps. Voir Bellarmin, De verbo Dei, in, 10, édit. Vivès, L i, p. 190, qui la recueille chez les protestants, ct les frères Walcnburg, De controv., i, 4, 1, dans Mignc, Thcologiæ cursus, t. i, col. 1043. Depuis longtemps elle a pénétré dans tous les manuels, où elle tient une place plus ou moins grande, plus ou moins explicite, au traité De locis theologicis. Sous ce nom on désigne, non plus le rapport de la foi avec son objet transcendant, voir Analogie, 1.1, col. 1142-1154, mais la cohésion Intime du christia­ nisme, due à l’harmonie dc ses dogmes entre eux. C’est dans cc sens que le concile du Vatican a parlé, dans un contexte où il est précisément question d’analogie, du mysteriorum ipsorum nexu inter se el cum fine homi­ nis ultimo. Const. Det Filius, cap. iv, Denzinger-Bann­ wart, n. 1796. L’élude de ce nexus est une des res­ sources que le concile offre aux théologiens pour acqué­ rir l’intelligence dc la foi ct l’on sait que ceux-ci en ont toujours usé pour établir, soit la synthèse générale des dogmes chrétiens, soit l'analyse spéciale dc chacun. Ccttc méthode sc justifie par un postulat dogmatique élémentaire, savoir que la révélation, étant l’œuvre du Dieu dc vérité, doit porter en elle la marque suprême du vrai, c’cst-à-dire l’unité logique dc ses éléments constitutifs, dc telle façon que notre raison, puissance dc vérité parce que fille de Dieu, a le droit ct le devoir d’en découvrir la loi. On peut chercher l’analogie dc la fol, soit dans l’ordre scripturaire, soit dans l’ordre proprement dog­ matique. Dans le premier cas il s’agit dc comparer entre eux les divers livres dc l’Écriture, pour retrouver l’unité profonde qui les régit au nom dc leur origine divine et dc leur commune inspiration. En termes d’école, on obtient ainsi l’analogie de la foi biblique. C’était la méthode favorite des anciens protestants, pour qui la Bible est la source unique dc la révéla lion. Sans la dé cc que M. Loisy dit de · la vérité de la science > en général. Et ceci montre que le décret ne vise pas un état d’esprit absolument imaginaire. De même la proposition 24 « pourrait avoir été déduite de ce qui se lit dans l’introduction (T Autour A. Durand, loc. cit., ou sc déclarer incapable de comprendre plutôt que d'admettre aliquid... quod videatur contrarium veri­ col. 1830. Et si c’est une raison pour montrer dans les applications le discernement nécessaire, cc n’en est pas tati. Epist., Lxxxn, 1,3, P. L., t. xxxm, col. 277. Ou une pour abandonner une règle que la tradition catho­ bien, guidé par le mémo principe, il avait recours au lique et la méthode scientifique s’accordent à justifier. sens figuré : quidquid insermone divino neque ad morum 3e Quelques exemples. — Plus encore que pour le con­ honestatem neque ad fidei veritatem proprie referri potest, sentement des Pères, les auteurs sont généralement dis­ figuratum esse cognoscas. De doctr. christ., 1. Ill, c. x, n. 11, P. L., t. xxxiv, coi. 71. Cette fidei veritas, cettc crets quand il s’agit de montrer des exemples où catholici dogmatis regula ne sont pas autre chose que ce s’applique l’analogie de la foi. Sous le bénéfice des mêmes réserves que précédemment, on essaiera d'en que la théologie moderne devait traduire en termes indiquer ici quelques-uns. techniques par l’analogie de la foi. 1. Interprétation de ΓAncien Testament par le Nou­ La raison théologique de cette régie est fort bien dégagée par Léon XIII. « Étant donné que les livres veau. — On peut d'abord y faire entrer, au moins dans une certaine mesure, l’interprétation de l’Ancien saints ct la doctrine déposée dans l’Église ont le mime Dieu pour auteur, il ne peut se faire qu’on tire de Testament par le Nouveau. C’est le cas ou jamais de sc ceux-là, par voie de légitime interprétation, un sens qui rappeler qu’il y a continuité dans le développement contredise celle-ci. D’où il suit, continue le pape par providentiel de la révélation, à tel point que, d'après manière de conséquence, qu’il faut rejeter comme saint Thomas, quoad substantiam articulorum fidei, la inexacte ct fausse toute interprétation qui aboutit à foi des anciens était identique à la nôtre. Sum. th., mettre les écrivains inspirés en conflit quelconque, soit IP Ilæ, q. i, art. 7. Novum Testamentum in Veteri entre eux, soit avec la doctrine de l’Église. » Cavallera, latet, Vetus in Novo patet : cet adage auaustinien a tou Thesaurus, n. 73 et Dcnzinger-Bannwarl, n. 1943. jours été de règle dans l’Église. Les Evangiles ct les Ces principes s’imposent tellement bien à l’exégète écrits apostoliques attestent que le Christ et ses pre­ croyant que, parmi les premiers pro lestants eux-mêmes, miers disciples n’eurent rien plus à cœur que de relier quelques-uns faisaient profession de ne pas s’en la nouvelle économie à l’ancienne. Jésus déclare être écarter. Illam dumtaxat interpretationem pro ortho­ venu pour « accomplir > la Loi, Matth., v, 17; il sait doxa recipimus, quæ ex ipsis Scripturis est pehla... que les Écritures lui rendent témoignage, Joa., v, 39; cum regula fidet et curitatis congruit et ad gloriam Dei d’une manière plus générale, saint Paul enseigne que hominumque salutem eximie facit, proclamait la tout l’Ancien Testament tend vers le Christ : Finis deuxième confession helvétique. Niemeyer, Collectio legis Christus, Rom., x, 4, ct l’épîtrc aux Hébreux y confessionum, Leipzig, 18-10, p. 469. Les presbytériens trouve < l’ombre des biens à venir ». I Icbr., x, 11. d*Écosse affirmaient en termes tout semblables : De cette conviction fondamentale est issu tout un Nullam interpretationem admittere audemus, quæ alicui dossier d’interprétations messianiques, commencé par principali articulo fidei aut alicui plano textui Scripturic Jésus lui-même, élargi par les Évangélistes, achevé aut caritatis regulæ repugnat. Coni, Scotica, i, 18, par les premiers apôtres, dans le but de justifier par lbid.,p. 351. l’Ancien Testament la personne ct l'œuvre du Sau­ Déclarations tendancieuses et quelque peu con­ veur. Personne ne conteste que, dans l’ensemble, le tradictoires, quand il s’agissait de vérifier un système Nouveau Testament ne soit la clé de l’Ancicn. « Il est doctrinal censément fondé sur l’Écriture seule. Les aisé de constater, l'histoire en main, l’unité profonde controvcrsistcs catholiques ont bien relevé la pétition de l’action divine mettant tout en œuvre pour con­ de principe qu'elles recélaient, sans en méconnaître server cc monothéisme qui doit être la religion de toute l'inspiration traditionnelle. « Ceux-ci désirent traiter la terre ct pour en préparer la diffusion. Il est aisé de les Ecritures suivant l’analogie de la foi réformée : saisir les liens qui unissent les deux Testaments comme nous, suivant l'analogie de la fol qui s’est continuée les deux parts d’un seul et même tableau. > J. Toudepuis les apôtres jusqu’à nous. Ceux-ci, suivant l’ana­ zard, art. Juif (peuple), dans Dictionnaire apologé­ logie établie par les confessions des Églises réformées tique, t. n, col. 1650. Mais avant d’étendre cettc cer­ de France; nous, suivant l’analogie des confessions titude à tous les détails, il faut sc rappeler que « l’exé­ garanties par le consentement unanime des Pères. · gèse des auteurs du N. T. ne présente aucun caractère Walenburg, De controv., 1, 4, 1, dans Aligne, Theologlæ qui soit réellement nouveau ; elle a seulement accentué cursus, L i, col. 1043. certains traits de l'exégèse communément reçue des Au point de vue scientifique, l’analogie de la foi Juifs ct pratiquée par le Christ en personne. * Ainsi rentre dans une loi générale bien mise en évidence par font-ils tous · au sens spirituel une large place » ct saint le P. Lagrange:· Nous suivons une excellente méthode Paul, en particulier, porte la marque de son éducation en pratiquant la critique sans jamais perdre de vue rabbinique : d’où il arrive que · le raisonnement perde l’autorité de l’Église, parce que la règle même de la parfois quelque peu de sa portée absolue. » A. Durand, critique c’est de tenir compte du milieu, ct que l’Église loc. cit., col. 1817-1819. est précisément le milieu où a paru l’Écriture, · La En négligeant les traits qui peuvent tenir aux méthode historique, Paris, 1903, p. 19, ct aussi,faut il méthodes exègétiques du temps, il reste néanmoins ajouter, le milieu où l’Écriture n’a cc^sé de vivre cl de incontestable que le christianisme dégage ct précise fructifier. D’après les seules vraisemblances humaines, les grandes ligne de l’économie religieuse qui l’avait préparé, que, dès lor>, le Nouveau Testament nous c’est en sc jetant en plein courant du fleuve qu’on n toutes les chances de recueillir les eaux de la source, aide à déchiffrer la signification de l’Ancicn. Sur la notion du Dieu unique. Père des hommes ct Provi­ tandis que vouloir chercher celle-ci sans tenir compte de celui-là est toujours une entreprise risquée et que di icc du monde sur le caractère spirituel et universel prétendre 1rs mettre en opposition ne saurait être ' ·’um promis au ·/ \braham·; sur I la vrmn du Messie Rédempteur ct son double avène­ qu’un paradoxe aussi fragile que séduisant. 2337 INTERPRÉTAT ION ment, l’un dans l'humilité, l'autre dans la gloire, les textes ct plus encore les faits du Nouveau Testament jettent une lumière décisive 1 Il faut en dire autant pour l'abrogation des parties caduques de l'ancienne alliance. Jésus hii-mêmc a marqué, dans le discours sur la montagne, l'opposi­ tion de son idéal moral ct religieux avec l’esprit ou les pratiques de la Loi, Matth., v, 21-48; il a prononcé l'abolition du divorce cl ramené le mariage à sa pureté nrimitivc, ibid., xix, 3-10. Après lui, les apôtres ont annulé la circoncision ct autres observances légales, proclamé la decheance du temple ct de son rituel. Ces positions fondamentales du christianisme fixent la valeur toute relative de la Loi ct interdisent d’en con­ cevoir, soit la perpétuelle conservation caressée par les judaisants du premier jour, soit a fortiori la restau­ ration rêvée par quelques visionnaires protestants. Ici l’analogie de la foi aboutit Λ des conclusions péremptoires, parce qu’elle sc confond avec le dogme de l'Église et de sa surnaturelle mission. 2. Analogie de la foi biblique. — Sur le terrain plus proprement exégétique, l’analogie de la foi autorise et invite à expliquer les uns par les autres les écrits du Nouveau Testament. Chacun est incomplet ct tous sc ressentent plus ou moins de leur origine occasion­ nelle : cc qui interdit d'y chercher une doctrine abso­ lument systématique ct arrêtée. D'autre part, tous furent reçus par Γ Église comme des expressions variées de la commune foi : ce qui permet de les considérer comme un tout moral, dont les diverses parties sont faites pour se compléter ct s’éclairer. La Réforme a voulu établir entre eux des préférences exclusives con­ formes ù son système doctrinal; moins dogmatique, mais non moins individualiste, la critique moderne y a cherché des courants ct des tendances qu’elle pousse volontiers jusqu’à l’opposition. Avec un sens plus exact des réalités, l'Eglise reconnaît l'identité fon­ damentale de leur inspiration et les reçoit dès lors comme un témoignage de ses croyances ct un moment de sa vie. Cette conviction prescrit au t héologlcn de ne jamais admettre aucune interprétation susceptible de rompre le lien de solidarité historique ct religieuse qui les unit. La commission biblique a consacré le principe de ccttc méthode, lorsque, pour déterminer le vrai carac­ tère de renseignement eschatologiquc dans saint Paul, elle invite à faire entrer en ligne de compte, avec le dogme de l’inspiration ct scs conséquences, la notion exacte de l'apostolat ct la fidélité incontestable de l’apôtre aux doctrines du Maître, puis encore les textes de ses Épitres où il se conforme au langage du Sei­ gneur. Decret du 18 juin 1915, Denzinger-Bannwart, n. 2180. Cc qui revient ù mettre saint Paul d’accord avec lui-même et avec la position générale de témoin qu'il adopte partout à l’égard de l’Évangile. Ainsi faut-il maintenir qu'il n'y a rien dans son enseigne­ ment qui ne concorde parfaitement avec cette igno­ rance du jour du Seigneur que le Christ lui-même pro­ clamait être le lot des hommes ici-bas. La solution du problème très actuel des rapports entre Jesus et Paul lient pour une large part ù une application géné­ ralisée de cette analogie de la foi néo-testamentaire cl de meme en est-il pour la relation de nos trois Synoptiques avec l’Évangile de saint Jean. Il n’est pas jusqu’à certaines questions de critique textuelle qui ne puissent être tranchées par là. Le P. Lagrange vn donne un exemple tout à fait précis. «Serait-ccd’un bon critiqued’admettrecomme génuine la leçon du sinaltlquc Lewis (de Matth., i, IG), à suppo­ ser qu’elle compromet te la conception surnaturelle de Jésus*? Je ne parle même pas de l’opposition de tous les autres endroits. Je dis qu'un pareil texte n’a pas pu 1 naître dans l’Église à l’origine. Nous ne devons, en effet, I D1CT. DE THÉOL. CATIIOU DE L’ÉCRITURE 2338 Jamais perdre de vue les rapports réciproques de l’Écriture avec l’Église, de l’Église avec l’Ecriture. Un texte authentique des apôtres faisait loi ; mais par cela même il devenait donc la foi de l'Église. Un texte dont l’authenticité n’était pas certaine — à supposer qu’il pût prévaloir, comme l’admettent certains cri­ tiques — c'était donc qu’il était conforme à cc qu’on croyait déjà. > La méthode historique, p. 19-20. Ici 1*affirmation nette de la conception virginale dans tous les textes évangéliques prouve à elle seule que la leçon divergente du manuscrit Lewis n’a pas d’autre portée que celle d’un accident isolé. On Invoque un semblable critère pour établir l’authcnticité, dans le récit de la Cène au troisième Évan­ gile, des versets 19Ô-20 omis par Je Codex Beza et quelques autres manuscrits. Leur présence ferme dans tous les manuscrits grecs connus fait légitimement conclure à un accident de la tradition occidentale· Mgr Batiffol, L'Eucharistie, 5· édition, Paris, 1913, p. 121-126 et Mgr Ruch, art. Eucharistie, L v, col. 2063-2064. Sous cet empirisme de la critique tex­ tuelle sc trouve latent le principe qu’un texte obscur ou contesté ne saurait prévaloir contre les textes for­ mels où s’accuse en trails precis la primitive tradition. A plus forte raison l’analogie de la foi est-elle de mise en matière d'interprétation théologique. « On regardera donc saint Joseph comme le père putatif, et non comme le père réel de Jésus, conçu d’une vierge par l’opération du Saint-Esprit. » Vigouroux-Brassac, Manuel Biblique, 14· édition, Paris, 1917, 1.1, p. 254. La parole : Pater major me est, Joa., xiv, 28, doit être accordée avec cette autre non moins formelle : Ego ct Pater unum sumus, x. 30. Cc fut à maintenir et com­ biner les deux que consista le principal effort de la christologie orthodoxe contre l’exclusivisme arien. De même les passages où s'énonce l’unité divine ne sau­ raient entrer en conflit avec ceux qui affirment la mul­ tiplicité des personnes, ct vice versa. A l'encontre de l’ancien modalisine ou de l'unitarisme moderne, tous s’harmonisent dans le dogme chrétien de la Trinité. C'est surtout La con·reverse protestante, avec sa tendance à jouer des Écritures comme d’une arme contre la tradition catholique, qui a donné lieu à de fréquentes applications de l’analogie de la foi. Le luthéranisme primitif sc plaisait à mettre en opposi­ tion saint Paul et saint Jacques sur la justification. Seul l’esprit de système prétendrait immoler les œuvres préconisées par celui-ci ù la foi réclamée par celui-là, quand 11 est élémentaire de les synthétiser en une harmonie supérieure, dont chacun d’eux contient du reste les éléments. Il est pareillement chimérique et tendancieux d’opposer le magist ère unique du Christ, Matth., ΧΧΠ1, 10, ù la mission d’enseignement dévolue aux apôtres, ou les pouvoirs collectivement distribués aux douze, Matth., xvm, 18, à la primauté personnelle de Pierre, ibid., xvi, 18-19. Le sacerdoce universel dont il est question dans I Petr., il, 5, 9 et Apoc., I, 6 ne peut s’entendre que d’un point de vue mystique, dès là qu’il appert que les fonctions proprement sacer­ dotales sont réservées aux apôtres et à ceux qui ont reçu d’eux l’imposition des mains. Beaucoup moins encore peut on admettre une con­ tradiction chez le même auteur. Ainsi la fameuse exception nisi ob fornicationem, Matth., xix, 9, ne saurait-elle autoriser le divorce, qui est formellement exclu quelques lignes plus haut comme contraire an plan divin primitif, f 4-6. Il est également contre toute methode de vouloir réduire la solériologie entière de l’Évangile au pardon gratuit qui s’affirme dans les paraboles, quand Jésus lui-même parle ailleurs de sa mort comme d’une rançon donnée pour nous, Matth., xx. 28, ou d’un sacrifice offert pour nos péchés, ibid., xxvi, 28. Et si saint Paul parle d’achever dans sa VU. — 74 2339 INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE chair cc qui manque à la passion du Christ, Col., i, 21, ce ne peut être pour mettre en doute la valeur de l’œuvre rédemptrice dont il souligne tant de fois la souveraine efficacité. Dans tous ces cas et autres semblables, l’analogie de la foi est une condition die— men taire de saine exégèse et, même au seul point de vue psychologique, une garantie de venté. 3. Analogie de la fol catholique. — Enfin, au nom du même principe, on peut et doit faire intervenir l’ensei­ gnement dogmatique postérieurement développé par l'Église. C’est pour le croyant une simple conclusion du rôle qu’il reconnaît â celle-ci dans l’interprétation de la vérité révélée. Mais, à ne considérer les choses qu’au regard humain, n*cst-cc pas sagesse que de compter avec cet esprit de conservation et de con­ tinuité dont l’Église se fit toujours une loi? Établie sur la foi en Jésus précitée par les apôtres, elle se pose historiquement comme tout à la fois soucieuse de maintenir Je contact avec ces vénérables autorités et indépendante de leurs textes. Double condition pour que sa doctrine soit le commentaire vivant de leur pensée. S’il est vrai qu’en bonne logique les effets révélent Ια cause, qu’cst-cc qui pourrait mieux que le symbole catholique et la vie de la chrétienté naissante nous faire connaître le sens authentique de l’enseigne­ ment du Maître et de scs premiers représentants? C’est au nom de cc principe que les historiens les plus avertis de nos origines chrétiennes ont franchi l’abîme que la critique a prétendu creuser entre l’Évangile et l’Église. Π est Impossible de concevoir que le dogme, la hiérarchie et la liturgie, dont on constate partout l’existence et l’importance dès l’Église apos­ tolique, soient le produit d’une générât ion spontanée qui n’aurait pas son germe dans l’Evangile ou, à plus forte raison, qui le contredirait. Dans l’Évangilc lui-même, la predication du royaume qui en forme la base doit garder cc caractère complexe que l’Église y a toujours vu, sans se croire tenue de choisir entre ses divers aspects. Non moins qu’à ccs grandes questions fondamen­ tales, l'analogie de la foi préside légitimement à maints détails d’exégèse théologique. Personne n’est tenté de prendre à la lettre les anthropomorphismes dont la Bible enveloppe si souvent la notion de Dieu et de ses attribut^ quand l’Église, d’accord avec la saine philo­ sophie, proclame le caractère éminemment spirituel de l’être divin. Des déclarations comme celles de saint Paul: Cujus vult miseretur etquemvult indurat, Rom., ix, 18, ne peuvent se comprendre que sous le bénéfice de la réserve, bien établie par ailleurs, que Dieu ne saurait être l’auteur du péché. Et le Verbum caro fac­ tum est, Joa., i, 14, ou le Semetipsum exinanivit de saint Paul, Philip., n, 7, doivent être Interprétés en fonction du dogme de Chalcédoinc qui condamne le monophysisme. De même l’eschatologie bien connue de la primitive Église empêche de lire dans Apoc., xx, 5 et 12, l'enseignement d’une double résurrection ou d’entendre la «seconde mort· dont il est ici question, comme aussi la destruction dont parle saint Paul, 11 Thess.,1,9, de cet anéantissement effectif du pécheur qu’ont imaginé les modernes tenants d’une Immorta­ lité conditionnelle. La pratique pénitentlclle constatée dès la première heure commande l’interprétation de llebr., vi, 1-6 : Impossibile est cos qui semel sunt illuminati... et prolapsi sunt rursus rennvari ad pirnitentlam et le renouvellement du sacrifice eucharistique éclaire ce qui est enseigné dans cette même épttre, ix, 28 et x, 12, sur l’unique oblation du Christ. Au demeurant, ccs diverses formes de l’analogie de In fol, que l’on vient de distinguer pour les besoins de l’analyse, sont rarement séparées en fait. Les enseigne­ ment· dogmatiques de l’Église, bien qu’ils puissent à la rigueur s’appuyer sur une tradition purement orale, 2340 répondent en général à des passages formels de l’Écri­ ture, et alors son autorité s’ajoute à celle du bon sens pour nous rappeller qu’il faut interpréter les textes obscurs et équivoques par les textes clairs, les obiter dicta par les endroits où la doctrine s’énonce ex professo, les déclarations occasionnelles ou polémiques par les enseignements sereins, les particularités indi­ viduelles par les témoignages qui nous font connaître la croyance de tous. De même, l’interprétation de l’Ancien Testament par le Nouveau ou l’harmonie dw livres du Nouveau Testament entre eux n’ont leur pleine valeur que soutenues par la doctrine postérieure de l’Église. L’exemple des protestants anciens et modernes prouve tout ce qu’on peut tirer de la Bible, au nom d’un système préconçu. Dans l’Église catho­ lique, au contraire, l’analogie de la foi est un préserva­ tif contre l'arbitraire des créations personnelles ou la tyrannie des systèmes exclusifs, parce qu’elle invite à contrôler toutes les conceptions privées, fussent-elles les plus plausibles ou les plus séduisantes, par l’ensei­ gnement du magistère public, qui seul a qualité pour prononcer en dernier ressort. Là où l’Église ne sc prononce pas, l’analogie de la foi reste encore un secours précieux et un guide nécessaire pour la science théologique, sans que pourtant scs résultats puissent dépasser le domaine de l’opinion. 4e Valeur de celte règle. — Cet aperçu, bien que forcé­ ment très incomplet, montre pourtant la grande place que tient pratiquement l’analogie do la foi dans l'inter­ prétation catholique des Écritures. 11 faut egalement avoir ces exemples présents à l’esprit pour en apprécier la valeur théorique. Elle est à tout le moins et sans conteste d’ordre négatif. Du moment que l’inspiration garantit pour nous la vérité de l’Écriture, que renseignement de l’Église a le privilège de l’infaillibilité, tout cc qui con­ tredirait la doctrine certaine de l’une ou de l’autre doit être écarté comme faux. « Aucune Interprétation ne peut donc être vraie, qui attribuerait à un texte quel­ conque des Écritures couvert par le jugement formel de l’auteur sacré un sens contraire à la règle prochaine de la foi. Car la vérité ne peut pas être en conflit avec la vérité. · Franzclin, op. cit., p. 221. Faut-il aller plus loin et lui attribuer également une valeur positive? Certainement l’analogie de la foi peut très utilement servir d’auxiliaire pour éclaircir le sens des passages obscurs. Le même auteur cite comme exemple le secours que fournit à l’exégète la doctrine catholique du sacrement du mariage pour comprendre le texte de Eph., v, 23 remis dans son contexte, la notion du caractère sacramentel pour expliquer II Cor., i, 22 et Eph., i, 13, ou encore les lumières que jette le pouvoir reconnu à l’Église d'accorder des indul­ gences sur Matlh., xvi, 19, le dogme de l’union hypos­ tatique sur Joa., x, 36 et xiv, 28, la théologie de la science du Christ sur Luc., n, 53, la sainteté parfaite de la Vierge immaculée sur Luc., I, 28. J bid., p. 221. Il ne faut pourtant pas oublier que la vérité du dogme n* entraîne pas nécessairement qu’il soit con­ tenu dans tel texte, même s’il s’est créé une tradition d’école pour l'invoquer à cet cflct. De même un théo­ logien catholique ne doit jamais perdre de vue que l’Écriture n’a point prétendu tout dire et que la tra­ dition bien constatée est par elle-même une preuve qui se suffit. Lorsqu’il s’agit d’interpréter l’Écriture, l’analogie de la foi peut suggérer que tel sens est pos­ sible, probable pi ul c Ire îles des raisons d’ordre cxêgéllquc peuve d de fa t. Autant il est imprudent d’en faire 1 a. autant Π serait abusif de s’en contenter et de i l’appliquer indbrtinctement à tous les cas. lérés plus haut, on 2341 INTERPRÉTATION DE L’ÉCRIT! RE peut constater que la plupart, .surtout les plus péremp­ toires, ne vont guère qu’à exclure des interprétations tendancieuses ou erronées, qui me liraient l’Ecriture en contradiction flagrante avec c Ile-meme ou avec l'enseignement authentique de I*Église, 11 reste, au demeurant, bien des moyens d’échapper à l'erreur, entre lesquels la proscription de celle-ci laisse le choix, A cet égard l’analogie de la loi ne peut guère fournir qu’une direction générale que les lois de l’herméneu­ tique serviront ensuite à préciser. . Théologiens et exégètes sont d’accord sur la portée qu’il convient, en dernière analyse, d’attribuer à cette règle. < Comme norme négative, pour écarter un sens erroné, l'analogie de la foi sc suffit â clle-mtme;mais, s’il s’agit d’en faire une norme positive, on n’avancera Ici qu’à bon escient, avec toutes les précautions com­ mandées par la nature même du procédé. » A. Durand, lue. cit., col. 1834. Franzclin aboutit à une semblable conclusion : « La règle de foi sc recommande comme canon nécessaire el universel de Γ interprétation des Écritures aussi bien que de toute autre science, si on comprend ce canon dans un sens seulement négatif. 11 ne faut pourtant pas le donner sans distinction comme canon positif, en ce sens qu’il serait une source d’où l’on puisse tirer toutes les vérités de la science humaine ou l’interprétation de tous les passages de l'Écrilure. » Op. cit., p. 223. Enfin il y a lieu d’appliquer à l'analogie de la foi cc qui est vrai pour tous les arguments d’autorité. S’ils imposent des conclusions, ils ne déterminent pas la manière de les démontrer et cc serait une erreur de confondre leur valeur doctrinale avec leur portée scien­ tifique. t ne même idée peut se présenter sous des formes bien différentes : au point de vue logique, elle peut être plus ou moins explicite et, au point de vue lilstorique, plus ou moins associée à des nuances indi­ viduelles d'expression. Autant il serait excessif de sacrifier à ces contingences de forme l’identité du fond, autant il serait illicite d’étendre à celles-là la fixité de celui-ci. C’est dire qu’avec l’analogie de la foi il faut faire entrer en ligne de compte la loi du déve­ loppement. On a pu sc plaindre qu’elle fût parfois négligée. « Le danger le plus sérieux que la formule actuelle du dogme fait courir à l'interprétation des anciens textes est de méconnaître le développement doctrinal qui s’est fait de l’Ancien Testament au Nouveau et de celui-ci jusqu’à nos jours. Si l’on n’y prend garde, on ne tient pas compte de la distance qui sépare deux textes l’un de l’autre, on voit dans le premier une plénitude de sens qui n’est en réalité que dans le second. » Pour parer à ce « danger », l’cxégêle, tout en s’attachant avec raison aux certitudes de la foi. doit se préoccuper de suivre une méthode strictement historique, de manière à ne pas confondre « la signification absolue d’une proposition avec le sens qu’elle pouvait avoir raisonnablement sous la plume de tel auteur, étant donné l’époque et les circonstances où il vivait. » A. Durand, foc. et/., col. 1832-1833. La même règle s’applique également aux textes définis par le magistère ordinaire ou extraordinaire. « Même dans ce cas, observe le P. Lagrange, la critique pourrait suivre ses méthodes propres, a J.a méthode historique, p. 18. C’est-à-dire qu’en tenant pour vrai le sens imposé par le magistère, elle garde le droit de chercher dans quelle mesure et sous quelle forme il est contenu dans le texte en question. Tout le travail scientifique est là. Le même auteur en cite un exemple frappant. « C’est ainsi, dit-il, que le P. Comely, auteur classique, après avoir cité dans son introduction le textu de saint Paul aux Romains sur le pèche originel. Horn., v, 12, comme défini directement par l’Église, dans son commentaire de cette Épîlre écarte la Ira- i , j [ ' | 2342 ductlon in quo récitée par le concile d’après Ια λ ulgate. Commentaire, ad h. loc. » Ibid., note L t ne fois admise, quand il y a lieu, la certitude de la these, cette pré­ cision critique de la preuve est tout cc qu’il y a de plus conforme aux principes de F Église et aux traditions de la saine théologie. Dans celte voie, on s’est demandé si l’Église, au moins dans certaines circonstances, ne s’attacherait pas À un sens spirituel qui relevc des méthodes dog­ matiques mais d< borde la compétence de l’exégèse. Léon XIH a écrit des auteurs sacrés: < Sous leurs paroles l’Esprit Saint, auteur des Écritures, a caché bien des choses qui dtpassent de beaucoup la portée et le regard de la raison humaine : savoir les mystère* divins et les multiples éléments qui s’impliquent. Ce sont là des vues plus étendues et plus profondes que he semble l’indiquer le sens littéral et que les lofs de l'herméneutique ne suffisent pas à dégager. » Enc. ProoiderUissinuis, dans Cavaliers, n. 7L Après avoir relevé ce passage, le P. Lagrange con­ tinue : «Ces paroles semblent faire allusion à un sens en quelque sorte supra-littcral qui ne peut être déter­ miné que par une autorité competente... Mais, le saint Père nous le fait remarquer, il peut arriver que cette interprétation depasse de beaucoup le sens obvie tel qu’il résulterait des règles de l'herméneutique... Et dans ce cas le simple exégète ne pourrait-il pas le faire remarquer? Il en résulterait qu’en admettant le sens fixé par l’Église, il pourrait constater que cc sens ne résulte pas d’une simple explication littérale du texte pris en lui-même; que par conséquent l'expli­ cation grammaticale du texte pourrait par exemple être différente de b forme donnée par un concile d’apres 1a Vulg.de. S’il en était ainsi, on serait frappé d’une harmonie parfaite entre l’enseignement divin infaillible donné au moyen des hommes.·· et... l'interprétation Infaillible de l’Église qui saisirait cet enseignement divin à travers Vêlement humain des instruments que Dieu a employés, laissant aux exé­ gètes le soin de le déterminer, en usant eux aussi, et sous sa surveillance, des facultés humaines. Ne seraitce pas l’accord de l’autorité et de b liberté? » Revue biblique, 1900. p. Il l-l 12. Celle suggestion que le P. Lagrange rattache à l’Ency clique Providentissimus appuie et complète très à propos la doctrine classique formulée par Je cardinal Franzclin : Si quando disciplina humante interpreta­ tionis scopum suum non assequeretur, non ideo sensus ecclesiastica definitione determinatus minus certus red­ deretur ; sed humana scientia proderetur detextus, et scientia ipsa ac be/ie consulta ratio postularet ut fatere­ mur aliquid ad veram inlelligenliam assequendam necessarium nos lalcre. Op. cit., p. 218. Au moyen de ccs principes et à l’exemple des maîtres qui s’y sont conformés, l'exégète catholique trouvera dans la pleine soumission au magistère de l’Église, tant ordinaire qu’extraordinaire, la direction à la fois large et sûre pour découvrir le vrai sens de l’Écriture sans manquer aux exigences ni de la science ni de la foi. Il lui revient ainsi de vérifier les promesses de Léon XIII : « Par scs règles pleines de sagesse, l’Église ne retarde ni n'arrête nullement les investiga­ tions de la science biblique. Tout au contraire, elle la prémunit contre l’erreur et contribue puissamment à son x crilable progrès. Car devant chaque docteur privé s’ouvre un vaste champ où il peut en toute assurance sc distinguer dans l’art de l'interprétation et servir utilement l’Église. Pour les endroits de la sainte Écri­ ture qui attendent encore une exposition certaine et définie, il peut, suivant les desseins de la Providence, mûrir, par scs études préparatoires, le jugement de l'autorité ccclvsii^tiquc. Quant aux textes déjà définis, H peut également rendre des services, soit en les 2343 INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE INTERSTICES 2344 passant par les degrés préliminaires, s’il en est digne. • Il lui faut rester assez longtemps dans chacun de ces degrés, pour que l’on puisse être fixé sur sa foi, sur ses mœurs, sur son caractère ct sur son talent ct pour qu’il soit honoré de la plus haute dignité après avoir été jugé digne du sacerdoce. Car il n’est ni convenable, ni prudent, ni de bonne administration dc procéder d’une manière hardie ct légère ct d’installer trop faci­ lement un évêque, un prêtre ou un diacre. Il pourrait être comparé Λ un néophyte, ct on sait que saint Paul, l’apôtrc des nations, a fortement insisté pour que l’on évitât de pareils choix. Une épreuve durable fera con­ naître les habitudes ct les mœurs de chacun. » Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, 1.1, p. 791. Le principe ainsi posé ne semble pas avoir été dis­ cuté, tant il était sage ct en harmonie avec les recom­ fois 1rs théologiens ct 1rs exégètes. On la trouve étudiée ; mandations de l’apôtre. Mais quand on voulut donner 1· Dans toutes les Introductions à ΓÉcriture Sainte. La des réglementations dc détails, Il fut plus difficile plus substantielle reste encore celle de Comely, Historica ct critica Introductio in U. T. libros sacros, I : Introductio gene­ d’arriver ù une pratique uniforme ct constante. ralis, Paris, LethkUcux, nouvelle édition, 1891.— 2° Dans Le pape saint Sirice, 384-399, exposant divers points tousles traitésDeZoci.if/ieologicfa.LeplusimportantcstErandc discipline ù Himerius, évêque de Tarragone, établit zclin, Tractatus dc divina traditione ct Scriptura, 3· édition, ainsi les délais entre les ordinations : < S’il s’agit d’un Rome, 1882, dont les conclusions sont passées dansBainvcl, De magisterio vivo ct traditione, Paris, 1905 ct Dc Scriptura homme qui a été, dès son enfance, voué au service dc sacra, Paris, 1910. — 3® Dans les commentaires consacrés l’Église, il faut, avant l’âge dc puberté, lui donner le baptême ct l’admettre parmi les lecteurs; à l’âge dc ex professo à l’étude des documents ecclésiastiques. Les plus importants sont: Vacant, Études théologiqucs sur les trente ans, s’il en est digne, Il devra être acolyte ct Constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895; Th. Gran- sous-diacre; puis après un temps d’épreuve, il sera derntli,Consttlutionesdogmatlca:ConcilHvaticanÎ,Fril)oiirg- ordonné diacre; si, pendant cinq ans, il s’est bien en-Brisgau, 1892; J. Dldiot, Traité de la sainte Écriture acquitté de scs fonctions, il recevra la prêtrise;et (Γaprès Sa Sainteté Lion XI II, Paris, 1891. enfin après un nouveau délai dc dix ans, s’il a montré II. Monographies. — E. Moirnt, Notion augustinienne de Γherméneutique (thèse), Clermont-Ferrand, 1906;Corluy. pendant ce temps l’intégrité de sa vie ct dc sa foi, il L'interprétation dc la sainte Écriture, dans La Controverse, pourra être élevé à l’épiscopat. La règle est un peu juillet 1885; J.-B. Nishi·*, S. J., Kirchliche Lchrgeumll und différente s’il s’agit d’un homme qui sc destine sur le Schriftauslcgung, dans Zeitschrift fur kathollsche Théologie, tard à la sainte milice : aussitôt après son baptême, 1899, avec analyse ct mise nu point dc toute la littérature on le mettra au nombre des lecteurs ou des exorcistes; antérieure. Cet article est résumé ct commenté par le P. Laapres deux ans, H sera fait acolyte ct sous-diacre; il grange, L*interpretation de la sainte Écriture par ΓÉglise, restera cinq ans dans ces fonctions; après quoi, Il dans la Revue biblique, 1900, t.xx, p. 135-112, critiqué par pourra être élevé au diaconat ct ensuite plus haut, en Dessallly, La science catholique, 1900, t. xiv, p. 385-400, observant les délais précédemment indiqués. » Epist., 197-512. Voir encore lAgrangc, Lu méthode historique, Paris, 1903 ct Bonaccorsi, L* interpretatione della Scrillura, dans 1,9, 10, P. L., t. xni.col. 1142,1143. Questioni bibliche,Bologne 1904. La même distinction ct des prescriptions analogues Les cncyclopéaies récentes donnent l’état actuel des opi­ sc retrouvent dans une lettre du pape Zozime, 417-418. nions, et la bibliographie détachée du sujet. Kihn, art. Après avoir rappelé avec force les motifs de la loi qui lÎermeneutik,dm\sKirchenlexicon,t. v,col. 1844-1875; Man- ordonne de garder les interstices, il prend les décisions genot.nrt. Herméneutique, duns Vi^ouroux, Dictionnaire dc la Bible, t. m, col. 612-633; Alfred Durand, art. Critique suivantes. Celui qui dès son enfance est destiné au biblique ct Exégésc, dans le Dictionnaire apologétique de la ministère ecclésiastique, restera au nombre des lec­ fol catholique, t. i, col. 760-819 et 1811-1841 · teurs jusqu’à l’âge de vingt ans; si au contraire 11 E. Manqenot et J. Rivière. s’agit d’un homme qui s’y destine & un âge déjà mûr, INTERSTICES. On entend par Interstices les on le placera tout dc suite après son baptême parmi délais que l’Église prescrit d’observer entre la réception les lecteurs ou les exorcistes. Λ partir dc cc moment, des différents ordres. Nous étudierons I. la loi des il semble que les progrès dc l’un ct dc l’autre dans la interstices; II. les raisons de cette loi; III. les hiérarchie, doivent suivre une marche semblable: ils dispenses qui en peuvent être données. resteront lecteurs ou exorcistes pendant cinq ans, puis I. La loi des interstices· — 1° Avant les Décré­ pendant quatre ans acolytes ou sous-diacres : on pourra tales.— 1. Formation de la loi.—La loi des Interstices alors les admettre à la bénédiction du diaconat, s’ils en sont dignes; ct si, pendant cinq ans, ils ont accompli a ses racines premières dans les conseils de saint Paul à Timothée. Quand l’apôtrc ordonnait ù son disciple sans reproches les fonctions de diacre, ils pourront être promus au sacerdoce ct même, s’ils remplissent les dc ne pas choisir pour évêque un néophyte, ou quand il lui recommandait la circonspection avant d’imposer conditions voulues, espérer le pontificat suprême, c’cst à-dire l’épiscopat. Epist., ix, 3, P. L., t. xx, col. 672les mains à quelqu’un, I Tim., m, 6; v, 22, il posait le principe duquel devait sortir ce point de discipline. I 673. Pour éprouver le futur chef, on jugea vite nécessaire Une discipline aussi rigoureuse devait cependant d’imposer des délais pendant lesquels il aurait le temps présenter des Inconvénients de plus d’une sorte et il dc donner sa mesure dans les degrés inférieurs de la i fallait y apporter dc temps à autre des adoucisse­ hiérarchie avant d’être admis aux degrés plus élevés; ! ments. Nous en avons un exemple dans une lettre dc saint Gélose, 492 196, aux évêques de Lucanie, du or toute la loi des interstices se résume en cette Brutlum et de. Sh‘l· Le pape constate les ravages épreuve. eau*· $ par la gu« rrc c l la famine en Italie. Devant les La première prescription concernant les interstices difficulté·» du recrutement eaccrdotal, H décide dc a été formulée par le concile dc Sardique, en 343 ou p ή un temps les pn criptlons sur : 344. Le canon 10, ordonne dc faire passer par les diverses fonctions dc lecteur, dc diacre ct dc prêtre ln‘»r*’lr· fin attendant que l’on puisse revenir à la sévi rit* d< > c · nons, il fait une exception en faveur des celui qui, de laïque, est demandé pour être évêque ordres· S'ils rem11 faut qu’il monte au sommet dc la hiérarchie en expliquant d’une manière plus cidre aux fidèles, d’une manière plus ingénieuse aux savants, soit en les défen­ dant mieux contre les adversaires... Sa mission est d’employer toutes les ressources dc sa science ù mon­ trer que, d’après les lois d’une saine herméneutique, ccttc interprétation est la seule qui convienne au texte sacré. > Enc. Providenlissimus, dans DenzingerBannwart, n. 1942 ct Cavallera, n. 72-73. S’il est vrai qu’< il est peu de pages plus honorables... que l’intervention du magistère dc l’Église en matière d’interprétation biblique», Lagrange, La méthode his­ torique, p. 13-14, il appartient à scs serviteurs d’en prolonger le bienfait en suivant scs enseignements ct sc pénétrant dc son esprit. I. Sources générales. — Cette question intéresse x\ la 2345 INTERSTICES plissent par ailleurs les conditions exigées par les lois de l’Église, conditions que le pape énumère, ils pour­ ront tout dc suite « être lecteurs, ou notaires, ou défen­ seurs »; au bout de trois mois, ils seront acolytes, s’ils ont l’âge suffisant; trois mois après, on les admettra nu rang des sous-diacres; puis, s’ils sc montrent dc mœurs modestes ct dc volonté droite, après un nou­ veau délai de trois mois, ils seront diacres, ct, après trois autres mois, prêtres. Epist., îx, 2; P. L., t. xx, col. 49. 2. Infractions d la loi des interstices. — Si sage qu’elle fût, ct bien que tempérée par des adoucissements comme celui que nous venons dc citer, la loi des interstices subit bien des infractions. Dans certains cas, elles étaient légitimées par le mérite exceptionnel du candidat ou par les besoins urgents dc l’Église. La hâte fut parfois si grande qu’on omit quelques-uns des ordres inférieurs. Mais devant la nécessité ou la valeur éclatante de l’élu, les protes­ tations n’osaient se faire entendre. C’est ainsi que d’après le diacre Pontius, il semble que saint Cyprien reçut la prêtrise sans passer par les premiers degrés dc la cléricaturc, presbyterium et sacerdotium statim acccpil. De vita ct passione sancti Cypriani,c. 3, Ρ.Λ., t. in, col. 1484. Il en fut probablement de même pour saint Augustin, Possiditis, Vita sancti Augustini, c 4, P. L., t. xxxii, col. 37. Le cas de saint Ambroise est encore plus significatif. En quelques jours, Ambroise simple catéchumène reçoit le baptême et les ordres majeurs, y compris l’épiscopat. Mais d’autres fois, de semblables dérogations à la loi étaient motivées surtout par des ambitions per­ sonnelles ou par des intrigues de parti; elles furent alors causes dc troubles parfois très graves. Rien d’ail­ leurs ne démontre mieux la persistance dc la loi que de semblables violations, à cause des protestations véhémentes qu’elles soulevèrent. Nous ne citerons que quelques faits, parce qu’ils sont plus connus et parais­ sent plus significatifs, et surtout parce qu’ils mani­ festent l’état rudimentaire où est restée longtemps la théologie du sacrement dc l’Ordrc. A la mort du pape Paul I, 28 juin 767, le duc de Népi, Tolo, sc met ù la tête du parti militaire romain ct fait proclamer pape son frère Constantin qui n’était même pas clerc. L’évêque dc Frénésie, Geo-ges, lui confère immédiatement la tonsure; le lendemain, on l’ordonne sous-diacre, puis diacre et prêtre; le 5 juillet, il est consacré évêque dc Rome. Les lois de l’Église avaient été violées; d’abord la coutume qui réglait la forme des élections pontificales, ensuite cl surtout la règle relative aux interstices à garder. Quand, l’année suivante, une réaction du parti ecclésiastique, excitée par le primicicr Christophe, eut, avec le secours des Lombards de Spolète, renversé Constantin pour élever ù sa place Étienne III (juillet-août 768), on s’occupa tout ensemble dc régler les querelles de parti et en même temps de venger les lois ct d’empêcher qu’elles fussent dc nouveau violées. Vn concile, où siégeaient avec les évêques italiens, un cer­ tain nombre de prélats francs, envoyés par Charle­ magne, se réunit au Latran après les fêles de Pâques 769. On fit sortir de sa prison Je malheureux pape déchu, dont les yeux avaient été crevés parle peuple révolté, ct les juges lui demandèrent compte de sa conduite. Parmi les reproches qui lui furent faits, | celui d’avoir été ordonné hâtivement était certaine- | ment en bonne place d’après la réponse dc Constantin et d’après les mesures prises. L’accusé essaya de sc justifier en alléguant la violence qui lui avait été faite pour l'élever au trône pontifical; il invoqua Γexemple d’autres évêques, en particulier ceux de Ravenncet dc Naples, qui étaient encore laïques à la veille dc leur élection. Pour toute réponse, on Je frappa ct on le 2346 chassa dc l’église. Puis le décret de son élection fut brûlé; les ordinations ct autres actes accomplis par lui furent déclarés nuis ù l’exception des baptêmes; on défendit, sous peine d’anathème, d’élever un laïque nu souverain pontificat; il fut même spécifié que le pape ne pourrait désonnais être choisi que parmi les cardi­ naux diacres ou prêtres. Voir Liber pontificalis, édit. Duchesne, 1.1, p. 468 sq; Duchesne, Les premiers temps de rÉlal pontifical, Parte, 1904, p. 114 125; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. m, p. 727-737; Hemmer, art. Constantin II, t. ni, col. 1225. Pour résoudre la question théologique que soulève l’annu­ lation des ordinations faites par Constantin, voir Sallet, Les réordinationi, étude sur te sacrement de l'ordre, Paris, 1907, p. 104 106. Un autre fait non moins typique est l’élection ct la condamnation de Photius. Lorsqu’il fut choisi par le César Bardas pour remplacer sur le siège de Constan­ tinople en 857, le patriarche Ignace exilé, Photius était simple laïque, ct ses fonctions précédentes ne l’avaient nullement préparé aux dignités ecclésiastiques. Son élé­ vation fut entachée dc plusieurs irrégularités. Avant tout, Ignace était en vie cl avait refusé d’abdiquer; Photius était donc un intrus. Mais de plus il fut ordonné avec une précipitation que condamnaient les lois de l’Église, puisque, tonsuré le 20 décembre, il reçut les ordres inférieurs les jours suivants, fut proclamé pa­ triarche le 23, dans un conciliabule tenu au palais Impé­ rial, cl reçut la consécration épiscopale le 25 des mains dc Grégoire Asbesta, archevêque de Syracuse, dont la situation ecclésiastique était loin d’être claire. Les divers documents qui critiquèrent ou condamnèrent Photius relèvent en particulier le caractère précipité dc scs ordinations. Au concile du Latran de 863, on lui reprocha d’avoir été tonsure trop tôt après avoir quitté le service dc l’État cl les rangs de l’armée, et le qualificatif de néophyte, qui soulignait l’opposition entre sa conduite ct la prescription de saint Paul, I Tim., III, 6, lui fut appliqué à diverses reprises. Analhem. 1 ct 3, Hefele Leclercq, op. cil., t. iv, p. 327 ct 329. Le même reproche, mêlé à beaucoup d’autres, sc retrouve dans une lettre du pape Nicolas Ier à Photius, 13 novembre 866 : le pape lui oppose les lois du concile dc Sardique qui ont prescrit les interstices ct les ordres même de saint Paul. Epist., xeix, P. L., t. exix, col. 1051. Au concile dc Constantinople, 869870, un disciple dc Photius, Zacharie, évêque de Chalcèdoinc, s’efTorça d’écarter de son maître la condam­ nation qui le menaçait: il rappela divers exemples célèbres d’évêques pris dans les rangs des laïques ct élevés sans retard ù l’épiscopat; il essaya d’interpréter les lois de l’Église ct dc démontrer que, si elles exigent des délais avant les ordinations, elles n’exigent pas qu’on dépose ceux qui ne les ont pas observes. HefeleLeclercq, loc. cit., p. 506. Malgré les efforts de scs défen­ seurs, Photius fut condamné ct le 5· canon rappela ct précisa dc nouveau la loi des interstices. Il est ainsi donné par Hefele, loc. cit., p. 523 : · Aucun sénateur, ct en général aucun laïque qui reçoit la tonsure dans l’espoir d’arriver à un évêché ou Λ un patriarcat ct devient ainsi clerc ou moine, ne doit être promu à cette dignité qu’il ambitionne, ou bien on attendra qu’il ait passé un temps d’épreuve suffisant dans tous les degrés ct fonctions ecclésiastiques.... Par contre, celui qui, sans aucune ambition, abandonne une haute dignité du monde, devient clerc ou moine et passe dans chaque degré le temps requis, c’est-à-dire qui est un an lecteur, deux ans sous-diacre, trois ans diacre et quatre ans prêtre, peut être élevé à l’épiscopat. Pour ceux qui, n’étant que clercs ou moines, sc sont pendant longtemps acquittés dc leurs fonctions d’une manière exemplaire ct qui paraissent dignes de l’épiscopat, les évêques pourront abréger le temps 2347 INTERSTICES 2348 d'épreuve prescrit par les canons. » La lo! des inters­ c.3; Innocent III, ibid.,]. I, tit. xi, c. 13; Honorius III, ibid., 1. J, tit. xi, c. 15. I | tices demeure donc la même dans son fond, malgré des 3· Le concile dc Trente. — Les interstices avalent variations de détail; les décrets dc Constantinople sont un écho fidèle de ceux de Sardique. j été réduits par les Décrétales Jusqu’à n’être plus Une nouvelle infraction notable ù la loi des inters­ qu’une formalité sans but ni résultat pratique, comme tices, suivie également d’une condamnation, fut com­ un organe témoin dc l’ancienne législation. La modi· mise dans la première élection du pape Léon λ’J11. Un llcation n’était pas heureuse, ct on jugea bientôt concile réuni Λ Saint-Pierre par l’empereur Othon Ier nécessaire dc revenir en arrière. Ce fut l'œuvre du déposa le triste pape Jean XII à cause des désordres i concile de Trente. La XXIII* session, de re/ormatlone, de sa vie privée ct dc sa politique brouillonne, 4 dé­ I fut consacrée Λ rechercher les mesures les plus efficaces cembre 963. Séance tenante, on élut le protoscrinialrc j pour ramener ct maintenir dans Je clergé la dignité de Léon qui n'était encore que laïque. En deux jours il la vie ct la sainteté des mœurs. Elle édicte surtout lo reçut tous les ordres et fut sacré ù Saint-Pierre le règles qui doivent présider au choix des ministres dc 0 décembre. Mais A peine l’empereur avait-il quitté l'Eglise» aux qualités qu'ils doivent présenter, à la Rome que Jean XII y rentra. Un nouveau concile se préparation par laquelle ils doivent sc former; Λ cette réunit au Latran nu début de février 961 qui cassa occasion le concile prescrit l’institution des séminaires, tout ce qu'avait fait le concile dc décembre 963. qui devait avoir de si féconds résultats pour la réforme Jean XII posa à l’assemblée la question suivante : du clergé. Chemin faisant, le concile est amené ù réta­ « Que décidez-vous au sujet de Slco, ordonné par moi blir, en l’adoucissant, l'ancienne loi des interstices. Il évêque, ct qui, sans aucun délai, a ordonné l’employé le fait au chap, xi, pour les ordres mineurs et le sousde la curie, Léon, cc néophyte et cc parjure, portier, diaconat, au chap, xm pour le diaconat, au chap, xiv lecteur, acolyte, sous-diacre, diacre ct prêtre, ct l'a pour la prêtrise.Nous négligeons, pour le moment.ee ensuite sacré pour ce siège, sans observer les Interstices qui concerne les dispenses possibles, et aussi les motifs nécessaires? · Le concile répondit : « Tous deux, celui par lesquels le concile Justifie ses prescriptions, pour qui a donné ct celui qui a reçu les ordres, doivent être nous attacher seulement aux dispositions législatives. déposés. >IIefclc, Histoire des concita, trad. Leclercq, Entre un ordre mineur et le suivant,on doit garder t. îv, p. 813. Le pape prononça, en conséquence, la des interstices. Aucun laps de temps n’est déterminé : déposition dc Léon ct y ajouta la dégradation dc ceux il faut que le clerc minoré sc soit exercé dans les fonc­ qui avaient été ordonnés par lui. Voir Duchesne, Les tions do son ordre ct ait progressé dans les vertus ecclé­ pruniers temps de CÉtat pontificat, p. 350; Ilefele- siastiques avant d'être promu A un ordre plus élevé. Leclercq, foc. cit., p. 809-815; Saltet, Les réordinations, Un an doit s'écouler entre la réception du dernier p. 169-171. La déposition dc Léon VI II ne fut d'ailleurs ordre mineur ct les ordres sacrés; un an encore entre pas plus durable que ne l’avait été celle dc Jean XII : le sous-diaconat ct le diaconat ; un an entre le diaconat cc dernier mourut le 14 mai 964; son successeur, et la prêtrise. Et si Je concile permet que l’évêque Benoit V, fut déposé presque aussitôt que nommé; abrège ces délais quand il le juge possible et opportun, cl Léon VIII fut reconnu pape le 23 juin 964. il lui interdit absolument de conférer au même sujet Ainsi non seulement les textes des canons, mais deux ordres sacrés le même jour, ct cela privilegiis ac même les faits qui sembleraient en opposition directe I induitis quibusvis concessis non obstantibus quibus­ avec la loi des Interstices montrent quo cette loi cumque. n’avait pas cessé d’être en vigueur : ccs faits n’étalent | Ccs dispositions législatives, qui, tout en mainte­ souvent qu’une occasion dc la rappeler avec quelque nant l’obligation des interstices en principe, la tempé­ sévérité. raient en pratique par de larges pouvoirs de dispenses Cette revue historique, que nous avons poursuivie accordés aux évêques, étaient très sages. Elles ont été, jusqu’à la fin du x· siècle, nous a conduits presque en somme, maintenues dans le Code de droit canonique, jusqu’à la législation des Décrétales. La loi y prendra avec quelques mitigations. une forme plus stable ct moins sujette aux variations, 4° Le Code de droit canonique. — Les prescriptions il nous suffira d’en noter les principaux points. relatives aux interstices sont énoncées au canon 978. 2· Les Décrétales. — Les règles concernant les Le § 1 rappelle le principe : il faut observer les interstices sont contenues surtout dans les titres De interstices entre les différents ordres, afin dc permettre temporibus ordinationum ct qualitate ordinandorum, ct à ceux qui ont reçu un ordre dc s’y exercer avant d’être De eo qui furtive ordinationem suscepit. Decret. Gregopromus à un ordre supérieur. ril IX, lib. i, lit. xi et lib. V, tit. xxx, Friedberg, Le § 2 énonce la loi proprement dite avec scs détails. t. n, col. 118-121 ct 834-835. Les décrets insérés dans Il appartient à l'évêque dc déterminer les interstices ccs passages émanent des papes Alexandre III, 1159à observer entre la tonsure ct l’ostlariat ou entre les 1181, Célcstin III, 1191-1198, Innocent III, 1198- divers ordres mineurs. On laissera passer un an au 1216 cl Honorius III, 1216-1217. En général, la dis­ moins entre le dentier ordre mineur et le sous-dia­ cipline des Décrétales au sujet des interstices sc dis­ conat, trois mois au moins entre le sous-diaconat et le tingue dc la discipline antérieure non seulement parce diaconat, comme entre le diaconat et la prêtrise. qu’elle y devient plus stable, mais aussi par les points L’évêque ayant un large pouvoir dc dispenser s’il le suivants : les quatre ordres mineurs y sont définitive­ juge nécessaire ou utile à l'Église, le § 3 détermine ment fixés tels que nous les comptons actuellement; les limites qu’aucune dispense ne doit dépasser sans le sous-diaconat en est séparé ct compte désormais permission spéciale du souverain pontife. Jamais on parmi les ordres sacrés; enfin la loi est moins sévère ne conférera le même jour les ordres mineurs avec le soit sur le nombre, soit sur la durée des Interstices. sous-dlnconal, ni deux ordres sacres, reprobata quavis En voici les principales dispositions : il est permis contraria consuetudine. Bien plus, il est interdit dc dc recevoir en un seul jour les quatre ordres mineurs, donner ni la tonsure avec quelqu'un des ordres Alexandre ill dans les Décrétales,]. I,tlt. xi,c.3;mais mineurs, ni 1rs quatre ordres mineurs ensemble. on ne doit pas recevoir le même Jour les ordres mi­ Iles» utile· ur doute d< faire remarquer la manière neurs et le sous-diaconat, Célcstin HI, ibid., 1. V, dont est ndigé c dernier La restriction reprobata Ut. xxx, c. 2; 11 est également défendu dc donner deux quart1 contraria ton titludinc ne s’applique qu’au fait ordres sacrés, soit le mémo jour, soit même deux Jours île donner ensembh ou le· ordres mineurs avec le sousconsécutifs, et cela, sous peine de suspense pour l’êvêdiaconat ou deux ordre .cri .. Pour les cas énumérés que violateur de la loi,Célcstin III, (bid., I. V,tlt. xxx, i ensuite, à s >!r la collation dc la tonsure avec un 2349 INTERSTICES onire mineur ou des quatre ordres mineurs ensemble, on n’a pas à appliquer la même restriction ; donc avec une coutume légitime, remplissant les conditions indi­ quées au canon 5, il serait licite de continuer d’agir comme on le faisait avant le Gode. C’est l’interpréta· lion formelle de Prummer, Manuale juris ecclesiastici, quæst. 320, Fribuurg-cn-Hrisgau, 1920, p. 387, et de Blat, Commentarium textus codicis juris canonici, 1. Ill, de rebus, part. 1·, Borne, 1920, p. 406. II. Les raisons de i.a loi des interstices. — La plupart des documents qui ont porté la lol en ont éga­ lement indiqué les raisons. « Il faut, disait le concile dc Sardique, canon 10, que (celui qui est promu aux ordres) reste assez longtemps dans chacun dc ccs degrés pour que Γόη puisse être fixé sur sa fol, sur ses mœurs, sur son caractère ct sur son talent... Une épreuve durable fera connaître les habitudes ct les mœurs dc chacun. » Hefelc-Leclcrcq, t. 1, p. 791. La même raison est donnée en quelques mots par le pape saint Sirice. On veut éprouver les ministres de Dieu ct ne les faire monter plus haut que s’ils sc sont montrés, par leur fidélité dans un ordre inférieur, dignes ct capables de supporter les charges que sup­ pose un rang plus élevé : c’est cc que signifient les incidentes qui reviennent à chaque détail des prescrip­ tions: St probabiliter vixerit... st se ipse primitus conti­ nentia prireunte dignum probari!... st laudabiliter ministrant... si integritas vitæ ac fidei ejus fuerit appro­ bata, etc. P. /... t. xm, c«d. 11 12-J 1 13. Saint Zozimc est plus explicite. Il répondait à un évêque qui, témoin dc faits où était violée la loi des interstices, lui demandait la conduite à tenir; cl, avant dc formuler la loi, il voulait d’abord en mon­ trer le bien-fondé. 11 le fait en ces termes : < Si, dans les fonctions séculières, on appelle ù la première place, non pas celui qui entre dims le vestibule dc la vie publique, mais celui qui a longuement prouvé sa valeur dans dc nombreux emplois, trouvera-t-on quel­ qu’un assez arrogant, assez prétentieux pour vouloir être tout dc suite un chef dans la milice du ciel... sans y avoir fait d’apprentissage, pour vouloir enseigner avant d’apprendre? Qu’il commence par s’exercer dans le camp du Seigneur, par s’instruire des rudi­ ments du service divin dans le rang des lecteurs; qu'il n’ait pas honte d’être successivement exorciste, aco­ lyte, sous-diacre et diacre, ct cela non pas d’un bond, mais aux époques établies par les décrets dc nos pères; et seulement ensuite, qu’il parvienne au sommet du sacerdoce, quand l’âge aura complété le tilrc, quand les servires rendus auront attesté le mérite de sa vertu. » Epist., ix, 1, P. L., t. xx, col. 671. Dans tous ccs documents primitifs, c’est donc la meme raison qui sc retrouve : il faut avoir fait ses preuves dans un ordre avant d’aspirer plus haut; 11 faut se former ù la science, ù la vertu, aux obligations des charges ecclesiastiques pour être digne d’exercer des fonctions plus élevées; il faut faire un apprentis­ sage, selon le mot du pape Zozimc : les interstices ne sont autre chose que l’apprentissage progressif du métier dix in qu’est la conduite des Ames et do l’Église. Temps dc probation, temps de formation, c’est encore le sens que le concile de Trente donne aux interstices ct la principale raison qu’il invoque pour les prescrire. 11 y ajoute l’utilité et la convenance qu’il y a ù cc que le clerc sc soit bien exercé dans les fonctions dc son ordre avant de recevoir l’ordre suivant. Les textes du concile sont assez suggestifs pour que nous les citions. • Les ordres mineurs seront conférés en observant des Interstices... pour que (ceux qui les reçoivent) puissent par là être instruits avec plus dc soin dc l’importance dc cet apprentissage et s’exercer dans chacune dc ces fonction·', selon les ordres dc 1 évêque... 11 faut qu en 2350 eux le mérite dc la vie ct la science croissent avec l’Agejll faut qu’ils prouventleurs progrès par l’exemple d’une bonne conduite, par l’assiduité de leur service dans l’Églisc, par un plus grand respect pour les prê­ tres et pour les ordres supérieurs, par une commu­ nion, plus fréquente qu’auparavant, du corps du Christ. Et comme c’est par les ordres mineurs qu’on entre aux rangs plus élevés et aux très saints mystères, on ne doit y admettre que ceux dont on peut espérer qu’ils seront dignes des ordres majeurs. » Sess. XXIII, de reform., c. xi. Les motifs qui Justifient ces pre­ miers interstices sont vrais également des suivants; le concile sc contente aux chap, xm ct xrv de brèves allusions qu’il est inutile de relever. Le Code suppose ccs motifs sans les reproduire. Il n’en exprime qu’un au § 1 du can. 978 : on doit observer les Interstices « pendant lesquels les promus puissent s’exercer dans les ordres reçus scion les pres­ criptions dc l’évêque. » III. Dispenses des interstices. — La discipline primitive ne semble pas avoir comporté de dispenses, du moins prévues dans les textes dc lois. Dans la pra­ tique, il y eut certainement de fort nombreuses excep­ tions: exceptions individuelles;nous en a ons signalé quelques-unes; clics n’excitèrent aucune protestation quand cllesé talent justifiées par la valeur exceptionnelle des élus;elles furent quelquefois cause de troubles très graves quand elles avaient pour origine l’intrigue ou l’ambition. Exceptions générales aussi : nous en avons vu un exemple dans les règles provisoires portées par saint Gélose en raison des circonstances critiques que traversait l’Église. Le IV· concile dc Constantinople, 869-870, can. 5, après avoir rappelé la loi, prévoit des dispenses pos­ sibles : < Pour ceux qui, n’étant que clercs ou moines, se sont pendant longtemps acquittés de leurs fonctions d’une manière exemplaire ct qui paraissent dignes de l’épiscopat, les évêques pourront abréger le temps d’épreuve prescrit par les canons. » Hefcle, trad. Leclercq, t. îv, p. 523. Cc pouvoir discrétionnaire de l’évêque, le concile de Trente ct le Code dc droit canonique le reconnaissent. La loi prévoit ct prescrit les interstices; mais dans l’application de la loi, l’évêque est seul juge, ct il ne doit considérer que la nécessité ou l’utilité de son Église et subsidiairement, par voie dc conséquence, le mérite et la capacité du candidat. Le concile dc Trente prescrit des interstices entre les divers ordres mineurs nisi aliud Episcopo expedire magis videretur; entre le dernier ordre mineur ct le sous-diaconat nisi necessitas aut Ecclesiae utilitas, fudicio Episcopi, aliud exposcat: entre le sous-diaconat et le diaconat, nisi aliud Episcopo videatur: entre le diaconat et le prêtrise, nisi ob Ecclesia? utilitatem ac necessitatem aliud Episcopo videretur. 11 en est de même dans le Code. Les interstices â garder avant ou entre les ordres mineurs sont laissés prudenti Episcopi fudicio; les interstices avant ou entre les ordres majeurs sont fixés, mais avec ccttc réserve : nisi necessitas aut utilitas Ecclesiæ, fudicio Episcopi, aliud exposcat, can, 978, § 2. En réalité, ce n’est pas un droit de dispense qui est accordé à l’évêque; car le mot de dispense n’est jamais prononcé; c’est un pouvoir d’appliquer, comme il le jugera bon dans l’intérêt de son Église, la loi géné­ rale. Il y a des limites que l’évêquo ne doit pas fran­ chir, can. 978, § 3 ; mais en deçà dc ces limites, l’évêque est maître absolu. L’Églisc lui montre l’idéal, ct rend cet Idéal obligatoire; mais elle laisse l’évêque juge des possibilités; il agira comme il lui semblera meilleur dans l’intérêt de son Église, ct dc son jugement ou de sa conduite, il ne doit dc comptes à personne. Ce pouvoir officiellement reconnu à l’évêque ôte à la 2351 INTERSTICES — INTUITIVE (VISION) 2332 Dieu en sc considérant soi-même. Bien que non toi des interstices cc qu'elle pourrait avoir dc trop gênant, si clic était .appliquée dans sa rigueur. Elle discursive, ccttc connaissance demeure encore, reste un idéal; les motifs sur lesquels clic est fondée comme toute connaissance dc Dieu propre fi l’état gardent toute leur valeur et l’évéque doit en tenir présent, une connaissance médiate. Enfin, la connais* compte; elle doit être appliquée dans les cas ordinaires sancc de Dieu en lui-même, exclut le mode abstracti/ ct normaux; elle impose un minimum qu’on ne doit dont notre intelligence se sert nécessairement ici-bas pas franchir, même dans des cas exceptionnels, sans pour former, en les tirant des premières données sen­ la permission du pape; mais elle est assczsouplc pour sibles, les concepts analogiques sc rapportant à Dieu. n’vtre Jamais une gêne pour l’administration, moins ---- 1. Les mots clairement, immédiatement, ne font que encore un péril pour le recrutement du clergé ou pour le préciser ccs notions, sans y ajouter rien de nouveau. le ministère des âmes. La distance infinie qui sépare l’intelligence créée n’em­ L. Godefroy. pêche pas la vision intuitive d’être un acte de con­ naissance aussi claire que possible de Dieu : la lumière INTUITIVE (Vision). — I. Définition. II. Possibilité. III. Existence. IV. Nature. V. Objet. VI. divine n'éblouit pas, mais éclaire ct fortifie l'intelli­ gence humaine ou angélique. Enfin, la vision Intui­ Caractères ct propriétés. I. Définition. — I· Nominale. — Étymologique­ tive ne connaît pas d’objet intermédiaire : elle atteint ment, le mot vision désigne l’acte du sens de la vue. Dieu directement : elle est donc immédiate. Par analogie, on en étend la signification à toute Chez les auteurs catholiques, le terme intuitive est espèce de connaissance. S. Thomas, Sum. theol., 1·, souvent remplacé par bêatifiquc, bienheureuse, béati­ q. i.xvn, a. 1. L’idée dc vision, en toute espèce de fiante : visio beati flea, beata, beati flea. On exprime par connaissance, suppose l’influence directe, immédiate là que la vision intuitive est la cause du bonheur des de l'objet perçu sur la faculté qui l’atteint: illa videri élus. En parlant de vision face ά face, tout en remémo­ dicuntur, quæ per sc ipsa movent intellectum nostrum rant I Cor., xiii, 12, on insiste sur le caractère immé­ vel sensum ad sui cognitionem. Id., ibid., Il* II*·, q. i, diat de la connaissance de Dieu dans la vision intui­ a. I. L’idée de vision exclut donc toute connaissance tive : Dieu est vu sans intermédiaire et en lui-même. indirecte, médiate, par mode d'analogie, d’abstrac­ IL Possibilité. — 1® Impossibilité radicale pour tion ou dc raisonnement. Même confuse, la vision toute creature d'arriver d la vision intuitive par les atteint l’objet en lui-même. Le mot intuitive n’ajoute seules forces de sa nature. — 1. Sens dc cette affirmation. rien par lui-même au concept dc vision. Toute vision — Le sens exact de celte affirmation est bien précisé atteignant directement son objet est par là même une par les derniers mots : par les seules forces de sa nature. intuition. L’épithète intuitive ne fait donc que pré­ S’en tenant à l’ordre dc la Providence actuelle, on ciser le caractère immédiat, excluant l’analogie, veut dire que nulle créature, existante ou possible, ne l'abstraction, le raisonnement· Toutefois, par l'usage peut, par scs seules forces, s’élever jusqu’à cette qu’en ont fait les théologiens, ce mot sert à mieux dis­ vision. C'est d’ailleurs sous cette forme expresse que tinguer la connaissance surnaturelle qu’auront de saint Thomas entend proposer la solution à cette Dieu, dans le ciel, les bienheureux, des divers moyens, question : utrum aiiquis intellectus creatus per sua ou manifestations surnaturelles par lesquels Dieu, naturalia divinam essentiam videre possit? Sum. theol., dès cc monde, peut sc faire connaître ou faire con­ IB, q. xn, a. 4. Or, dans l'ordre actuel de la Provi­ naître scs volontés: visions intellectuelles, imagina­ dence, tel qu'il est connu dc nous, la question posée tives, sensibles. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I*, q. xan, ne concerne que les anges ct les hommes. Et ni l’ange a. 6, ad 4; Vision, dans le Dictionnaire de la Bible, de ni l’homme, par les seules ressources dc leur nature, M. Vigoureux, t. v, col. 2139. ne sauraient atteindre Dieu en lui-même dans un acte 2e Réelle. — La vision Intuitive peut se définir : de connaissance intellectuelle. Restreinte à cette ques­ Cacte de Γintelligence par lequel les bienheureux con­ tion dc fait, il n’est pas exagéré de dire que c’est une naîtront Dieu en lui-même, clairement et immédiate­ vérité de fol catholique qu'il est impossible à une créa­ ment. — 1. Acte à9intelligence : plusieurs actes cons­ ture quelconque d’atteindre naturellement à la vision tituent, dans son intégralité, la béatitude des élus : intuitive. En effet, celle vérité sc trouve clairement vision, amour, Jouissance, voir Béatitude, t. n, enseignée dans l’Écriturc, et authentiquement pro­ col. 512; Gloire, t. vi, col. 1395-1101. Quelle que mulguée. comme appartenait à la révélation, par le soit l’opinion professée sur l’élément formel dc la béa­ magistère de l’Église. titude ou dc la gloire essentielle, tous les théologiens 2. Données de ΓÉcriture. — Celte vérité sc trouve reconnaissent que l’acte dc l’intelligence, la vision, enseignée par l’Écriturc sous plusieurs formes : a) est requis pour la béatitude ou la gloire. — 2. 11 s’agit parce que la connaissance naturelle qu’ont les hommes d’un acte d'intelligence des bienheureux, en tant que dc Dieu est présentée comme un raisonnement par­ tels. On exclut, par là, tout acte d’intelligence apparte­ tant des choses visibles pour aboutir aux Invisibles. nant à la condition des hommes encore sur celte terre. Rom., i, 20; Sap., xm, 1,5;— b) parce que la vision La connaissance par la foi est, dc cc premier chef, intuitive de Dieu est présentée comme appartenant éliminée du concept de la vision Intuitive. On exclut en propre aux personnes de la trinité. Joa., vi, 16; cf. aussi toute connaissance intellectuelle d’ordre natu­ j, 18; Matth., xr, 27; I Cor., ii, 11 ; — c) parce que la rel, telle que la connaissance infuse propre nux finies vision intuitive, concédée aux créatures, est dite séparées, bienheureuses ou non. — 3. Cet acte dc con­ appartenir à l’ordre de la grâce, I Joa., ni, 1-2; Rom., naissance, propre à l’état des bienheureux, atteindra vi, 23; cf. Joa., xvn, 3; - - d) parce qu’en fin Dieu est Dieu en lui-même : par là se trouve exclu tout mode de présenté comme essentiellement invisible, 1 Tim.,1,17, connaissance médiate ct analogique. Noire connais­ Imbitant une lumière Inaccessible, où nul œil créé n’a jamais pu l’atteindre, I Tim., vi, IG; Joa., i, 18. sance actuelle de Dieu ne peut être qu'analogique, 3. La tradition des Pères. — Dans leurs discussions parce qu’elle prend comme point dc départ les créa­ avec les Anoinéens, voir t. i, col. 1325, et Eunomius, tures pour s’élever ensuite au créateur, dont elle conçoit l’être, la nature, les perfections, d’après les i t. v, col. 1508-151t, les Pères ont rappelé le caractère éminemment surnaturel de la vision intuitive, inac­ relations de cause à effet, par analogie avec l'être, la nature, les perfections des choses créées. Dans l'autre cessible aux seule· forces de la nature. Pour réfuter Eunomius, ils accentuent même l’impossibilité où sc vie, la connaissance naturelle de Dieu, propre à l’état des âmes séparées, ne sera pareillement qu’analo- trouve la creature d’atteindre Dieu. Voir l'exposé de leur doctrine a 1 article Du u (sa nature d'après les lique, puisque, comme l’ange, l’âme séparée conn ut 2353 INTUITIVE (VISION) 235 ainsi Jusqu’à lui la créature qui ne peut d’elk-même P?res>, I. IV, col. 1069 sq.,ct spécialement 1082-1098. Voir également Thomassln, De Deo Deique proprteta~ ι s’élever jusque-là. Certains théologiens ont cependant tibus, 1. VI, c. xix; Pelau, Dc Deo Dclque proprleta- ! défendu l’opinion contraire, à savoir que, de puis­ tibus, 1. VII, c. ι. I sance absolue, Dieu peut créer un esprit à qui la 4. Documents du magistère ecclésiastique. — La doc­ vision intuitive serait naturellement due. C’est la trine catholique a été promulguée sur cc point à plu­ question de l’être créé substantiellement surnaturel, sieurs reprises, mais notamment au xiv· siècle, contre soulevée par Bipalda, De ente supernaturali, disp. IcsBéghards, prop. I et 5, Denzinger-Bannwart, n. 17-1, XXIII. On comote panni les partisans dc cette opi­ •175. Voir t. jt, col. 532; au xvi· siècle, contre Bains, nion théologiquement improbable ct philosophique­ celui-ci affirmant, pour l’ange fidèle et pour l’homme ment fausse, Suarez, De Deo, 1. H, c. xvi, n. 5-7 ; Moli­ dans l’état d’intégrité, la caractère naturel et dû de la na, In / Sum. S. Thonur, q. xn, disp. I; Vasquez, félicité éternelle, prop. 3, 4, 5, Denzinger-Bannwart, id., disp. XLVI; Becanus, Summa lheologix scholas· n. 1003, 1001, 1005; cf. t. ii,col. 74, 76, 77; enfin, au tiex, t. i, c. ix, q. v, etc. Voir la discussion de cette xix® siècle, dans la condamnation dc l’ontologisme, opinion à Surnaturel. Une controverse récente à prop. 1, 2, 3, 4, 5, Denzinger-Bannwart, n. 1639-1663, signaler sur cc point est celle de MM. Mortals ct Bel­ ct du rosminlanismc, prop. 1, sq., id., n. 1891, sq.; lamy, dans la Pevue du Clergé Français, 1902, t. xxxi, p. 464 ; 1903, t xxxv, p. 419. Parmi les disciples de saint voir Ontolooismk; Bosmini. 5. La raison théologique. ·— La raison démontre Thomas, voir la défense de l’opinion communément péremptoirement que l’intelligence, soit humaine, reçue dans les Salmanticenses, De visione Det, disp. 111, soit angélique ne saurait par scs seules lumières dub. n; disp. IV, dub. iv; Gonet, De Deo, disp. Ill, s’élever jusqu’à la connaissance Intuitive dc la divi­ a. 3; Jean dc Saint-Thomas, De Deo, disp. XIV,a. 5, nité. Pour connaître, en effet, (’intelligence doit étre Billuart, De Deo, dissert. IV, a. 5, § 4. touchée, excitée, c actuée », comme dit l’école, par la 2e Possibilité surnaturelle de la vision intuitive. — forme intelligible de l’objet à connaître : autrement, L’Églisc s’appuyant sur la révélation a défini le fad, c’est-à-dire l’existence dc la vision intuitive chez les comment pourrait-elle passer à l’acte intellectuel qui doit précisément lui donner la connaissance de cet esprits bienheureux. Cette existence certaine, vérité objet? Mais il faut de toute nécessité que ccttc forme dc foi divine et catholique, emporte évidemment la intelligible reçue dans la faculté intellectuelle lui soit possibilité. proportionnée et pour ainsi dire s’adapte à ses condi­ Au simple point dc vue de la raison, la démonstra­ tions d’existence ct d’opération : quidquid recipitur, tion dc la possibilité surnaturelle dc la vision intui­ quidquid concipitur, recipitur ad inoduni recipientis, tive ne peut être strictement établie. 11 s’agit Ici, en concipientis. De là, il est facile de conclure que Dieu, effet, d’un mystère proprement dit. Toutefois, la possibilité de la vision Intuitive peut dépassant infiniment toute condition d’être et d’opé­ ! ration des créatures, ne pourra jamais être représenté faire l’objet d’une démonstration rationnelle dc con­ naturellement dans une intelligence créée par une venance. Et ccttc démonstration peut ici revêtir deux forme intelligible proportionnée d’une part aux con­ formes, soit qu’elle prenne comme point dc depart la ditions d’etre et d’opération de ccs créatures ct d’autre ’ notion dc 1*objet adéquat de notre intelligence, soit part aux conditions d’être de la divinité. Toute forme qu’elle s’appuie sur le désir naturel de voir Dieu. De Intelligible reçue dans une Intelligence créée sera néces­ plus, Il appartient encore à la raison dc démontrer sairement la représentation d’un être créé ct Oui. Voir • négativement la possibilité de la vision intuitive en Billot, Dc Dco uno, Home, 1910, p. 141. Et d’ailleurs, l’exposant dc manière à éliminer dc son concept toute aucune forme intelligible distincte de l’essence divine contradiction. 1. Convenance de la vision intuitive, eu égard à la elle-même ne saurait représenter Dieu adéquatement. A cc raisonnement on ne saurait objecter le désir notion de Γobjet adéquat de notre intelligence. — Voici la forme sous laquelle, après saint Thomas, Sum. naturel que possède l’intelligence créée dc voir Dieu en lui-même, désir sur lequel insistent à maintes theol., I», q. xn, a. 4, ad 3, les commentateurs tho­ reprises, après saint Thomas, Sum. theol. I*, q. xn, mistes dc ce passage, présentent 1’argumcnt. Il y a a. 1; P-ll··, q. m, a. 8; Cont. Gent., L III. c. i.;De en nous, une puissance obêdicnlielle qui nous permet veritate, q. vin, a. 1 ; Qiiodlibet., vu, a. 2, la plupart dc d’atteindre la connaissance des réalités qui dépassent l’objet p'up’T, loris ne dépassent pas l’objet adéquat ses commentateurs In /am, q. xn,a. 1, surtout Jean de de notre intelligence. Or. Dieu, envisagé sous l’aspect Saint-Thomas, les Salmanticenses, Gonet.Billuart, ct, d’autre part. Sylvestre de Ferraro dans son commen­ même de la divinité connue en elle-même, ne dépasse pas l’objet adéquat de notre Intelligence, lequel est taire sur la Somme contre les Gentils, 1. Ill.c.ia. Ona résolu celte objection à Appétit, 1.1, col. 1698. Aux l’être pris dans toute son extension, bien qu’il dépasse auteurs cités à cet endroit, on ajoutera l’excellent com­ l’objet propre de cette intelligence, lequel est l'essence des choses sensibles. Donc, il existe dans l’homme une mentaire du P. Garrigou-Lagrangc, soit dans Dieu, son existence cl sa nature, Paris, 1920, p. 393, soit dans De puissance obédicntielle lui permettant d’atteindre surnaturellcment la vie intime de Dieu, c’est-à-dire de revelatione, Paris, 1918, 1.1, p. 376-103. G. Conclusion : caractère essentiellement surnaturel connaître Dieu en lui-même. Cet argument demande de la vision intuitive. — Cc qu’on vient dc dire sur quelques éclaircissements.— a) Puissance obédienl’impossibilité naturelle où se trouve tout esprit créé ticlle. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ill*, q. xi, îl 1; q. i, a. 3; De virt. in communi, a. 10, ad 2, ad 13; d’atteindre par ses seules forces la vision intuitive, semble démontrer le caractère essentiellement surna­ Compend. theotogiæ, c. αν, Rappelons quelques no­ turel de ccttc vision. Il sera toujours contradictoire, en I tions. On divise la puissance en puissance objective eflet, d’admettre que l’acte pur puisse être représenté ou simple possibilité n’impliquant aucune répugnance, comme tel dans un être fini ct borné comme la créa- | cucune contradiction dans les termes, ct puissance turc. Aucune exigence de la vision béiitiflquc ct dc subjective, qui est déjà un principe réel d’existence, l’ordre surnaturel qui la prépare ne peut sc concevoir j d’action ou de passion. A son tour, la puissance sub­ en une créature, quelle que soit l’hypothèse qu’on jective se divise en puissance active, principe d’action émette ù son sujet ct dût-on invoquer la puissance ou d’opération, ct en puissance passive, simple apti­ tude à recevoir d’un agent extérieur une détermina­ absolue de Dieu. Il faudra toujours, en effet, que Dieu lui-même vienne combler par une perfection d’ordre tion à l’être ou a l’opération, La volonté est une puis­ divin l’abîme qui sépare le fini de l’infini ct attire I sance active, l’intelligence, en tant que déterminée 2355 INTUITIVE (VISION) par 1'objct Λ son acte, est une puissance passive. D’autre part la puissance passive sc divise en puis­ sance passive naturelle, et en puissance passive obédientitïle; celle-là est ordonnée à un acte, à une per­ fection qui lui est proportionnée; celle-ci, qui n’existe que par rapport à l’intervention de la cause première, est ordonnée à un acte, à une perfection excédant sa nature, et en raison même de l’intervention de Ja cause première Λ laquelle die obéit. Ainsi, dit saint Thomas, « dans toute créature, il existe une puissance obédienticlle, en tant que toute créature obéit à l’action divine pour recevoir en sol tout cc qu’il plaît à Dieu. · De virtutibus, q. ï, a. 10, ad 13. Sur la con­ ception contradictoire d’une puissance obédienticlle active, admise par Suarez, In ///·“, disp. XXXI, sect, vj, n. 98, voir Billuart De Deo, diss. IV, a. 5, § 3 ct Jean de St-Thomas, In /·“, q. xn, disp. XIV, a. 2, n. 10. Cf. L. Mathieu, François Suarez, sa philoso­ phie et les rapports qu'elle a avec sa théologie, Lille, 1921, p. 115-118. Enfin, Ja puissance passive, obédienticlle par rapport Λ l’intervention de Dieu, peut être encore envisagée sous un double aspect : ou bien par rapport à Dieu, auteur de la nature, et ainsi, en toute espèce de créature, une puissance obédienticlle existe, parce que Dieu peut produire, en toute espèce de crea­ ture, des effets miraculeux; ou bien par rapport à Dieu, auteur de la vie surnaturelle, ct ainsi sous cct aspect, seules, les créatures Intelligentes, susceptibles d’être élevées à la vie surnaturelle, possèdent une puissance obédienticlle véritable.— b) Objet propre de Γ intelligence humaine. — C’est l’essence Intelligible existant objectivement dans les réalités sensibles, ct connue par voie d’abstraction. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I·, q. xn, a. 1 ; q. lxxxv, a. 1 ; q. i.xxxiv, a. 7; q. i.xxxvn, a. 3; II· IIM, q. vm, a. L—c)Objet adéquat de Γ intelligence humaine. — L’objet propre est la réalité Intelligible directement atteinte par notre Intelligence ; l’objet adéquat ou extensif ajoute à l’objet propre. Tout cc qui possède l’être, cl, par là même, l’intelli­ gibilité, fait partie de l’objet adéquat de notre Intel­ ligence, alors même que nous ne l’atteindrions pas directement, par la voie de l’abstraction, dans les données sensibles. Toute connaissance, même sim­ plement analogique ct par voie de raisonnement, sc rapporte à Vétrc, objet adéquat de notre Intelligence. Et par là Dieu, dans sa réalité même, ne dépasse pas l’objet adéquat de notre esprit. Toutefois on ne sau­ rait démontrer que l’être, considéré dans toute son extension, et surtout dims ce qu’il peut présenter de transcendant par rapport aux créatures que nous pou­ vons naturellement connaître, peut être atteint, sous son aspect transcendant et mystérieux, par notre esprit même fortifié par une lumière surnaturelle. — d) Convenance de l'intuition surnaturelle de Dieu, objet adéquat de notre intelligence. — Seul, un argument de convenance peut ici être invoqué. C’est celui que pro­ pose saint Thomas, Sum. theol., 1·, q. xu, a. 4, ad 3, com­ parant le sens de la vue à la faculté de l’intelligence, par rapport à une élévation possible de l’une ct de l’autre à une connaissance d’ordre surnaturel : « Le sens de la vue, étant absolument materiel, ne peut être élevé d’aucune manière jusqu’aux choses Immaté­ rielles. Mais notre intelligence, ainsi que celle des anges, étant naturellement placée au-dessus de l’ordre matériel, peut être élevée par la grâce au-dessus de sa propre nature. Une Indication (signum ) de la vérité de celle affirmation, c’est que la vue ne peut connaître aucunement d’une manière abstraite ce qu’elle con­ naît concrétement : elle ne perçoit les objets qu*autant qu’ils sont individualisés. Mais notre intelligence peut considerer abstracti voment ce qu’elle perçoit con­ crètement; car, bien qu’elle connaisse des choses dont la forme est inhérente à la matière, clic peutlcsdccom- 235G poser ct ne s’occuper que de la forme prise en ell«méme. Pareillement l’ange, apte naturellement Λ con­ naître l’être concret existant en une nature indivi­ duelle, peut cependant considérer à part cct être, sachant par lu connaissance qu’il a de lui-même qu'il n’est pas lui-même son être. Et ainsi, l'intelligence créée, étant naturellement apte à saisir lu forme con­ crète ct l’être concret dans une abstraction par une sorte de décomposition de l’objet, peut par la grâce être élevée jusqu’à la connaissance de Ja substance séparée subsistante ct de l’être séparé subsistant. » C’est donc parce que l’homme et l’ange sont doués d’intelligence, ct d’une intelligence qui ne parait pas limitée à un ordre déterminé d’objets intelligibles, que l’on peut avec vraisemblance inférer Ja possibilité surnaturelle de la vision intuitive. C’est ccttc puis­ sance, surnnturellement illimitée, qui constitue la puissance obédienticlle de l’intelligence humaine et angélique par rapport à la vision Intuitive. Pour le développement de cet argument voir GarrlgouLagrange, De revelatione, t. ï, p. 376-382. 2. Convenance de la vision intuitive, eu égard à notre désir nature! de voir Dieu. — Sur cc désir élicite ct non inné, voir Ai'PÉrrr, col. 1698. a) L'argument de saint Thomas : « II y a dans l’honune Je désir naturel de connaître la cause des effets qu’il aperçoit, ct c’est là cc qui provoque en lui l’admiration. Si la pensée humaine ne pouvait s’élever à la cause première des choses, cc désir de la nature ne serait qu’une chimère. » Sum. theol., I·, q. xn, a. 1. — « Quand l’honune count il un effet ct sait que cct effet a une cause, il lui reste toujours naturellement le désir de connaître ce qu’est ccttc cause. Si l’entendement humain qui connrit l’essence d’un effet créé ne sait de Dieu qu’une chose, son existence, se perfection ne s'est pas encore absolument élevée jusqu’à la cause première ct il lui reste toujours le désir naturel de connaître cette cause : il n’est point encore pleinement heureux. Pour obtenir la béatitude parfaite, il lui faut s’élever jusqu’à l’essence même de la cause première. » Id., I· II··, q.ni, a. 8. — «Dans la connaissance natu­ relle ct imparfaite qu’ont de Dieu les anges, leur désir naturel ne trouve pas le repos, mais il est bien plutôt excité à voir la substance divine. » Cont. Gent., 1. Ill, c. L. Quelle que soit la portée de cct argument, sur lequel on reviendra, il convient présentement de remarquer que saint Thomas s’y proposait de défendre la doctrine révélée touchant Ja félicité suprême de l’homme, contre les négations absolues émanées prin­ cipalement des philosophes arabes. 11 entend donc simplement démontrer qu’il n’existe naturellement aucune répugnance, qu’au contraire il y a une sou­ veraine convcnaiicc, à cc que la vision intuitive soit accordée surnaturellement à l’homme. Il pnrle de simple possibilité, non de nécessité ou de réalité. Voir Billot, De Deo uno, Prato, 1910, p. 113; Gardeil, art. Ai’pî.tit, 1.1, col. 1698. b) Exagération de la portée de cct argument. — C'est la position théologique de Bains ct des Jansénistes, qui admettent un désir naturel, mais efficace de la vision intuitive, de telle sorte que ccttc vision serait due à la nature humaine, ct en quelque manière natu­ relle d l'état d'intégrité. Voir plus haut, ct Baius, t. n, col. 74 sq.; cf. Baius, prop. 3, I, 5, 21, 23, 26; Den­ zinger-Bannwart, n. 1003, 1001, 1005, 1021, 1023, 1026; Quesnel, prop. 34, 35, 37, ibid., η. 1384, 1383, 1387; Synode de Pistole, prop. 16, 18, ibid., η. 1516, 1518. Cette exagération nous permet de fixer un aspect limitatif de Γ argument apporté par saint Thomas. C’c st qu’i n partant de désir naturel de voir Dieu, saint Thomas n’entend pas un désir c/TTcacs· Sa pensée sur ce point ne pe malo, q. v, a. 3, ou encore deux biens, l’un projiortlonnê, l’autre disproportionné à In nature humaine» De ventule, q. xiv, a. 2. Il enseigne nettement que Ja vision intuitive c>t surnaturelle par rapport à n’im- . porte quel esprit créé : in I V Sent., 1. Ill, disL xxm, q. ï. a. 4, q. 3. Il n’hrsitc pas à dire que, par rapport Λ l’état de nature pure, ne pas être ordonné a la vision intuitive constitue |>our l’honune, non pas une pri­ vation, mais un simple manque de proportion, un défaut Inhérent h toute nature créée, De malo, q. iv, η. 1. ud IL En consequence, lo secours surnaturel de la grâce est absolument necessaire, en toute hypo­ thèse, à l'homme pour parvenir A la vision Intuitive, Sum. theol., 1·, q. i.xn, a. 2; cf. 1*-II«, q. αχ, a. 5,6; cxn, a. 3; exiv, a. 5. S’il existe donc dans l'itommc un appétit naturel de la béatitude, cct appétit ne l>orte pas sur la vision intuitive elle-même, mais sur la béatitude eu général, De veritate, q. xxn, 1. 7. •'La vie étemelle est, en eflet, un bien qui depasse en proportion toute nature créée, parce qu’il est audessus de sa connaissance ct de son désir, » Sum. theol., 1* 11*·, q. exiv,a. 2;ct celte disproportion naturelle est la cause que les enfants morls sans baptême ct non admis au bonheur de la vision intuitive ne ressen­ tiront de leur situation inférieure arc’tne peine spiri­ tuelle. In IV Sent., 1. 11, dist. XXX111, q. n, a. 2. C’est donc d’un désir inefficace que le docteur angé­ lique entend parler lorsqu’il s’appuie sur le désir naturel de voir l’essence divine pour démontrer la possibilité de la vision intuitive. c) Comment les théologiens exposent Γargument de saint Thomas. — a. Question de terminologie. — La distinction de l’amour surnaturel ct de l’amour natu­ rel de Dieu, admise de tout temps par la théologie catholique, a été consacrée par l’Églisc dans la con­ damnation de Baius, prop. 43, Denzinger-Bannwart, n. 1031, du synode de Pistole, prop. 23,24 ; id., η. 1523, 1524. L’amour naturel peut être inné ou élicite. Cf. S. Thomas, Sum. theol., 1*, q. xix, a. 1, 9; ux, a. 1; i.xxx, n. 1. Inné, s’il s’agit de l'inclination naturelle que possède tout être, même inanimé, vers le bien qui lui est propre. Cct amour inné ne constitue pas une puissance spéciale de l’être. Voir Appétit, L ï, col. 1692. L’amour (licite suppose, au contraire, l’exercice de la connaissance, qui propose le bien, ct de l’appétit, quel qu’il soit, qui recherche cc bien et tend vers lui. Cet amour élicite est nécessaire ou libre : nécessaire, s’il procède d’une connaissance indélibérée : cet amour est commun aux hommes ct aux animaux; libre, s’il procède d’une connaissance raisonnée, précédant ct justifiant le choix de la volonté; cet amour est propre aux êtres doués de raison. Enfin, il convient encore, dans le présent sujet, de distinguer dans l’amour élicile, l’amour efficace ct l’amour inefficace ou condi­ tionnel. L’amour efficace présuppose le jugement de la raison touchant la bonté de l’objet désiré et la possi­ bilité d’y atteindre; l’amour conditionnel ou inefficace suppose le même jugement sur la bonté de l’objet Λ atteindre, mais Inclut aussi lo sentiment de l’impuis­ sance où l’on se trouve d’y atteindre. C’est donc plutôt une velléité qu'une volonté ferme. Et ccttc velléité elle-même peut être simplement confuse, si l’objet désiré et Impossible Λ atteindre naturellement n’est connu que confusément; ou explicite, si cct objet est connu distinctement· — b. Opinion des Augustmiens. — Voir Kuoustinianisme. 1.1 col. 2485. Pour Berti, l'homme possède naturellement un appétit, en quelque sorte efficace, de la vision Intuitive, mais non nu sens de Baius. La vision intuitive est notre fin naturelle quant nu désir que nous en avons; mais elle demeure néanmoins une fin surnaturelle soit dans l’acte qui ! 2358 nous met en sa possession, soit dans le* moyens par lesquels nous y pouvons parvenir. Ces moyens, tout surnaturels qu’ils soient, Dieu se doit à lui-même, il doit a sa bonté, de ne les pas refuser à l’homme. Aussi, l'état de nature pure, théoriquement possible, en fait devient impossible. Berti, Optra, t. v, diss. II, c. ï, n. 1, 8. Dans celte théorie, on aboutit à cette antino­ mie, au moins apparente, de Dieu, auteur de la nature, donnant à l’homme un appétit inné vers une fin qu’il lui est Impossible de lui faire atteindre naturellement. La théorie proposée côtoie ici les erreurs de Baius, et Ton ne volt pas bien comment en rigueur de logique H hd est possible de ne pas tomber sous le coup des réprobations qui ont frappé ces doctrines. —e. Opinion de Scot. — Voir Duns Scot, L iv, coL 1936. Scot admet en nous un désir inné, naturel et cependant inefficace. La souveraine beatitude, parce que per­ fection et ûn nécessaire de toutes choses, fonde cet appétit naturel inné; mais parce qu’eu fait Γobjet bea­ ti tique n’est connu ct saisi en lui-même que dans l’acte essentiellement surnaturel de la vision Intuitive, le désir naturel inné demeure nécessairement inefficace. Celte opinion est également attribuée à Durand de Saint-Pourçain, à Dominique Soto, ct Grégoire de Valencia semble y Incliner. Cf. Baôcz» In Sum. theoL S. Thoma, I*, q. xn, a. 1 ; Jean de Saint-Thomas, In bB, q. xn, disp. XII, n. 3. Cette Ihéone, comme le remarque Jean de Saint-Thomas, loc. cit., semble inadmissible à plusieurs points de vue. Comment admettre un appetit inné, là où il n’existe aucune habi­ tude, aucune convenance, aucune proportion de nature à nature? Et puis, n’y a-t-il pas contradiction à concevoir un appétit à la fois essentiellement natu­ rel (puisque, par là même qu’il est Inné» il résulte des tendances même de la nature) ct essentiellement sur­ naturel, vu raison de l’objet formel auquel U est or­ donné? — d. Opinion de Cafetan. — Elle est diamé­ tralement opposée à celle de ScoL Le désir naturel de la créature ne saurait avoir un objet d< passant l’ordre naturel; mais une fois supposée la connaissance de cer­ tains effets appartenant à l’ordre surnaturel, la créa­ ture peut avoir le désir « connature! > de la vision intui­ tive. Voir In /*», q. xn, a. I, n. 9» 10; — Celte opinion a été l’objet de la part des meilleurs interprètes de saint Thomas, de critiques serrées. On objecte d’abord à Cajétan que saint Thomas, dans sa doctrine du désir naturel du surnaturel, ne suppose nullement la nature déjà élevée à la connaissance du surnaturel. Voir Syl­ vestre de Fcrrarc. In Sum. cont. Genies, 1. 111, c. u ; cl, dans leurs commentaires In 1 q. xn, a. 1, Baûez, Jean de S. Thomas, les carmes de Salamanque, Gonct, Billuart, le cardinal Gottl, etc. On remarque ensuite qu’un tel désir ne serait plus à proprement parler un désir naturel, mais un désir conforme à la nature. lui théorie de Cajétan simplifie la difficulté en la supprimant, mais elle ne la résout vraiment pas. — e. Explication admise communément par les thomistes. — Les erreurs de Baius obligèrent les thomistes à pré­ ciser sur cc point la pensée du Maître. Celle precision fut l’œuvra principalement de Baùez ct de Jean de Saint-Thomas, reprenant la voie déjà tracée par SyIvestre de Fcrrarc. Voici comment le P. G arrigo uLagrange expose celte opinion : « Ce désir naturel est celui que nous éprouvons surtout lorsque nous nuus interrogeons sur la conciliation intime des perfections divines. L’agnosticisme nous objecte que ces perfec­ tion· sont inconciliables entre elles. Nous résolvons sans doute les antinomies, nous évitons la contradic­ tion, mais le mode intime selon lequel se fait la conci­ liation des attributs divins nous échappe, nous ne l'atteignons que négativement ct relativement; ainsi parions-nous de l’éminence de la Dèité. S'il était possible de voir la Déité telle qu’elle est en soi, alors 2359 INTUITIVE (VISION) toutes les obscurités disparaîtraient. C’est là, en nous, un désir naturel. Désir naturel conditionnel : si Dieu nous donnait le moyen de le voir comme 11 sc voit; car il est manifeste que les seules forces naturelles dc notre esprit ne suffisent pas. Étant conditionnel, cc désir est inefficace : il ne constitue pas une exigence, comme l’ont pensé à tort Balus ct les Jansénistes. C’est à vrai dire une velléité, qui pourrait être frustrée sans qu’il en résultât pour nous une souffrance. Ainsi en serait-il si nous avions été créés dans un ordre pure­ ment naturel. Mais, dira-t-on, comment une velléité naturelle peut-elle avoir un objet surnaturel? (C’est que) son objet n’est pas formellement surnaturel, car c’est par un moyen naturel qu’il est connu comme dési­ rable. Il n’est surnaturel que matériellement, au sens métaphysique du mot : c’est-à-dire une réalité sur­ naturelle connue d’un point dc vue naturel. En d’autres termes, cc que naturellement nous désirons voir, c’est l’essence divine, en tant qu’elle est principe des attributs divins naturellement connaissables, pour avoir l’évidence intrinsèque de leur intime conci­ liation : notre désir naturel ne porte pas sur l’essence divine en tant qu’elle est le principe des relations trinitaircs, ou fondement de l’ordre surnaturel dc la grâce ct dc la gloire. Plus simplement, l’homme peut naturellement désirer voir l’essence de Dieu, auteur de l’ordre naturel, et non pas l'essence dc Dieu, en tant qu’il est l’auteur dc l’ordre surnaturel, puisque les réalités de cct ordre ne nous sont connues que par révé­ lation. Mais l’csscncc divine est une, absolument simple, et l’on ne peut la voir en tant qu’elle est prin­ cipe des attributs divins, sans la voir en même temps en tant qu’elle est principe des relations trlnitaircs. Ainsi la velléité dont nous parlons nous manifeste la possibilité de notre élévation à la vision surnaturelle.» Dieu, son existence et sa nature, Paris, 1920, p. 392393. Cf. De revelatione, Rome-Paris, 1918, t. i, p. 384-398. Cf. J.-B. Terrien, La Grâce ct la Gloire, Paris, s. d. ( 1897), t. n, appendice ix, Les preuves ration­ nelles de la vision béatifique en présence du caractère surnaturel dc la même vision. Dc plus, les thomistes admettent d’ordinaire cl, conformément à la doctrine formulée plus haut, que cette preuve n’est qu’un argu­ ment dc convenance, comme ceux qui sont allégués en faveur dc la possibilité des autres mystères surna­ turels. Cf. Billuart, Dc Deo, diss. IV, a. 3, appendix; Salmanticenscs, Dc visione Dei, disp. I, dub. 3, n. 44. Sur toute cette discussion, on lira, des mêmes auteurs, dub. 4 ct 5; Jean dc Saint-Thomas, Cursus theolo­ gicus, De existent ta Dei in rebus, q. xn, disp. XII, a. 3; Gonet, Clypcus theologicus, tract. II, a. 5, etc. — t. Divergences secondaires dans Vexposé de l'argument. — En dehors dc l’école strictement thomiste, notons quelques divergences dans l’exposé des éléments de l’argument dc saint Thomas:») Vasquez. In l*m 11^, q. v, a. 8, disp. XXII; Suarez, De attributis divinis, I. Π, c. vu, η. 10-11, ct Grégoire dc Valencia, In h* //e>, q, v, a. 8, disp. I, punct. 1, suivant en cela l'interprétation de Sylvestre de Ferrare, n’admettent pas que le désir naturel élicitc dc la béatitude suprême soit libre dans sa spécification. Cette liberté est admise par la plupart des thomistes. Cf. Salmanticenscs, loc. cit., dub. 5, n. 78; β) Les thomistes tiennent générale­ ment que le désir naturel dc voir l’essence divine se termine à l'essence divine, principe des attributs natu­ rellement connaissables et non pas principe dc la tri­ nlté des personnes ct fondement dc l’ordre surnaturel. Suarez, Vasquez, Grégoire de Valencia, loc. cit., pré­ tendent que cc désir sc termine à l’essence divine envi­ sagée aussi bien comme principe des attributs natu­ rellement connaissables, que comme source des mys­ tères de la vie intime dc Dieu ct dc l’ordre surnaturel. Cf. Salmanticenscs, loc. cil., n. 73, 75, 77. 2360 3. Démonstration négative de la possibilité de la vision intuitive. — Il s’agit uniquement ici de présenter le concept de la vision intuitive dc façon à en éliminer toute contradiction. Il y aurait, avons-nous dit, unr évidente contradiction à supposer qu'une créature puisse connaître Dieu tel qu’il est en lui-même, par une représentation intellectuelle de Dieu, reçue en son esprit. Il faut donc, pour éviter ccttc contradiction, que l’csscncc divine devienne elle-même, par rapport à l’esprit bienheureux, sa propre représentation, rem­ plaçant ainsi d’une manière surémlnentc toute repré­ sentation reçue en l’esprit et proportionnée à sa fai­ blesse. Dieu n’est pas vu dans une idée que s’en forme l’intelligence bienheureuse, mais il attire ct élève jus­ qu’à lui, sans intermédiaire, cette intelligence et l’unit intentionnellement ù sa substance, qui est la souve­ raine Intelligibilité. Union mystérieuse, qui n’a qu’un parallèle, l’union substantielle du Verbe ct de l’huma­ nité. Et, c’est précisément par l'idée que la théologie catholique s’est faite de l'union hypostatique, que notre esprit peut parvenir à mettre quelque ordre dans sa façon de concevoir la vision intuitive. < Par le fait que Dieu a voulu sc faire homme, dit saint Thomas, il a fourni à l’homme un exemple dc cet te union bienheu­ reuse par laquelle l’esprit créé est uni à l’esprit incréé dans un acte d’intelligence. Il n’est point d’ailleurs Incroyable que l’esprit d’une créature puisse être uni à Dieu dans la contemplation de son essence, puisque Dieu s’est uni à l’homme, en prenant sa nature.» Com­ pendium theologiæ, c. cci. En quoi consiste le parallélisme des deux unions, ct comment de ce parallélisme bien établi résulte la démonstration négative de la possibilité de la vision intuitive : tel est le point sur lequel il importe d’insister. a) Parallélisme de la vision intuitive ct de Γ union hypostatique. — La similitude entre la vision intuitive ct l’union hypostatique s’affirme dans les conditions requises pour l’une ct pour l’autre. Dans l’union hypostatique, voir cc mot, col. 525-529, la substance divine donne à l’humanité l'existence que cette huma­ nité n’aurait naturellement possédée que par un acte créé; dans la vision intuitive, l’être divin supplée la forme intelligible ct donne à l’intelligence créée la perfection que naturellement elle ne pourrait acquérir que par la représentation intellectuelle de son objet, c’est-à-dire par l’espèce impresse. Sans doute, l’union hypostatique est une union substantielle, puisque la divinité constitue l’humanité dans son être même; ct la vision intuitive n’est qu’une union accidentelle, puisqu’elle suppose la créature déjà existante. Cepen­ dant quelle similitude dans l'une et l’autre union, en ce qui concerne le rôle joué par Dieu à l’égard dc sa créature! Dans l’union hypostatique, en effet, en don­ nant à la nature humaine dc subsister dans le Verbe, Dieu sc substitue pour ainsi dire à l’être créé ct donne à l’humanité la perfection qu’elle aurait naturellement possédée par l’acte dc l’existence. Dans la vision intui­ tive, Dieu sc substitue à la forme intelligible, et donne à l'intelligence la perfection qu’elle aurait naturelle­ ment eue par l’impression faite par l’objet intelligible dans la puissance de son esprit. b) Cc parallélisme éclaire Vidée de vision intuitive ct en élimine toute contradiction. — L’union hypostatique n’est pas une union de nature, d’où résulterait comme une troisième chose, différente à la fois dc la divinité et de l’humanité C’est une union dans l'être. Or,l’être comme tel. ne dlveislfle pas, ne modifie pas l’essence, mais lui donne simplement d’exister réellement selon fordre et 1rs péri. étions qu’elle comporte. Mais parce que l’être ri modifie pas l'essence, il s'ensuit immédia­ tement qu’aucune impossibilité évidente n*apparaît à cc qu’une natur.· puisse exister en vertu d’un être 2361 INTUITIVE (VISION) différent qui n’est pas reçu en elle, comme l’acte l’est dans sa puissance p-opre. Dans l’union dc la vision intuitive, la forme intelligible qui s’unit À l’esprit créé, s’unit non physiquement, mais intentionnellement, non dans l’ordre des réalités, mais dans celui de l’intelÜgibUité. SI l’union était physique, dans l’ordre des réalités, la forme donnerait au sujet une manière d’être nouvelle, et, dans cc perfectionnement du sujet, elle ne pourrait être suppléée par quelque chose qui ne serait pas reçu dans cc sujet comme l’acte l’est dans sa puissance. Mais dans l’union intentionnelle, la forme intelligible, comme telle, ne fait que rendre pré­ sent à l’esprit, sans le modifier dans sa nature, l’objet intelligible que cct esprit doit atteindre. Donc, il n’apparait pas impossible que cette présentation puisse sc faire par une forme intelligible non inhérentcà l’esprit. Il faudrait, pour établir la contradict*on, faire la double hypothèse, ou que ccttc forme intelligible n’est pas subsistante en soi, mais déjà reçue dans un esprit fini, dont la capacité bornée épuise toute sa vertu; ou qu’elle n’a aucune proportion d’habitude avec l’esprit créé avec lequel elle doit être mise en contact. Or, Dieu, intelligibilité souveraine ct subsistante, contenant éminemment toute intelligibilité créée, exclut cette double hypothèse. En effet, du côté de notre Intelli­ gence, il faut observer que · la divine substance n’est pas absolument étrangère Λ notre faculté intellective, comme le son est étranger à la vue ou l’esprit au sens. La substance divine est le premier intelligible et le principe de toute connaissance intellectuelle. ■ S. Tho­ mas, Cont. Gent., 1.111, c. uv. Et donc, de même que du du côté dc la nature humaine en Jésus-Christ ne sc trouve aucune répugnance à la subsistence divine, puisque toute nature est appelée à subsister; ainsi, rien, du côte dc notre esprit, ne s’oppose à une union avec la substance divine comme forme intelligible, puisque l’essence divine est le premier intelligible qui se trouve dans l’objet adéquat dc l’intellect créé. Voir col. 2355. Du côté dc l’essence divine, aucune répu­ gnance non plus. La transcendance dc l’acte pur subsistant suffit à nous faire entrevoir pour cet acte pur la possibilité de sc substituer à l’existence créée pour faire participer la nat urc humaine de Jésus-Christ à sa subsistence divine, sans cependant être reçu en ccttc nat ure, à la façon d’un acte propre dans sa propre puissance; ainsi, la transcendance de l’acte pur inlclli· gible suffit à nous faire entrevoir la possibilité pour cct acte pur de devenir la forme intelligible de notre esprit, sans cependant lui devenir Inhérent à la façon d’un accident. Voir S. Thomas. Coni Gent., 1. 111, c. u. Con­ sulter sur le parallélisme de l'union hypostatique ct dc la vision intuitive, Jean dc Saint-Thomas,/n I*®, q. xn, disp. NUI, a. 4, n. 11; Billot, De Deo uno, thèse xm, § 2. III. Existence. — 1® Doctrine de ta sainte Écriture — 1. Doctrine de saint Paul. — La sainte Écriture, en maint endroit, nous représente la vie éternelle comme la récompense, la béatitude vers laquelle il faut tendre. Celte béatitude est la gloire même de Dieu, mani­ festée dans les élus élevés ù la vision de la clarté que le Père communique au Fils. Joa., xvn, 22, 24; Hom., v, 2; vm, 18; 11 Cor.,iv, 17;Col., Ill, I ; 1 Pet., v, 4. Cette doctrine générale reçoit de l’apôtre saint Paul une explication remarquable touchant le moyen par lequel sera réalisée la possession de Dieu, la parti­ cipation ùla divine gloire,essencedc notre future béa­ titude. C’est dans I Cor., que nous rencontrons cette explication, m, 8-12. « La charité ne finira jamais, pas même lorsque les prophéties s’anéantiront, que les langues cesseront, ct que la science sera détruite. Car c’est Imparfaitement que nous connaissons, ct impar­ faite mont que nous prophétisons. Mais quand viendra ce qui est parfait, alors s’anéantira ce qui est impar­ 2362 fait... Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme; mais alors nous verrons face d face. Main­ tenant Je connais imparfaitement; mais alors je con­ naîtrai aussi bien que fe suis connu moi-même, » Le sens dc ccs versets est clair. Saint Paul exalte la cha­ rité par-dessus toute autre communication dc l’Esprit saint, ct surtout il en marque la pérennité. Les dons ou charismes temporaires ne dureront que cc qu'il est nécessaire pour l'utilité ou l'édification du corps du Christ, I Cor., xn, 7; Eph., iv, 12. Ici-bas. c’est la fol, non la claire vue qui nous guide. II Cor., v, 7. A cette fol sc rattachent, comme son complément, la science, par laquelle l’homme devient apte à la prédication de l'évangile, parce qu’il saisit les mystères dc la fol, et peut les exposer efficacement aux autres, et la prophétie, par laquelle l’homme, éclairé de l’Esprit saint, acquiert une intelligence plus élevée des mys­ tères dc la foi ct révèle les choses cachées aux autres hommes, ct principalement aux fidèles, pour leur édi­ fication, leur exhortation et leur consolation. Toute ccttc connaissance est encore imparfaite, elle doit disparaître et faire place à la connaissance parfaite lorsque l’état parfait sera atteint. La différence entre la connaissance parfaite ct imparfaite, l’apôtre nous la fait saisir par des comparaisons. L’état présent, impar­ fait, est l’état dc l’enfance; la vie future est l’état dc l’âge mûr; la connaissance < à travers le miroir », < en énigme » indique, dans la vie présente, la connaissance médiate ct obscure des choses divines. A cette con­ naissance médiate et obscure, Paul oppose La connais­ sance par laquelle, dans l’autre vie, nous verrons Dieu « face à face ». Cct hébralsme, précisé par le verbe voir, signifie l’intuition immédiate d’une personne. L’oppo­ sition qu’on a signalée entre la connaissance d’ici-bas ct celle de la vie future renforce encore ccttc significa­ tion.’ Dans saint Paul, l'expression : voir Dieu face à face signifie nettement la vision lntult*vc dc l’essence divine, en raison non seulement de l'opposition avec la connaissance imparfaite d’ici-bas, mais encore à cause des précisions que saint Paul donne sur la nature do cette vision, qu’on ne peut exprimer en langage humain, 11 Cor., xn, 2, 4 : par laquelle l’homme connaî­ tra Dieu comme il est connu lui-même, I Cor., xm, 12; ct qui dépasse tout ce que l’œil peut voir, l’oreille entendre, et le cœur désirer, I Cor., n, 9. L’apôtre reprend la même doctrine dans II Cor., v, 6-8 : « Pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur car c’est par la foi quo nous marchons, et non par une claire vue; pleins de con­ fiance, nous préférons sortir de cc corps, et aller jouir de la présence du Seigneur».— Ici, la pensée de saint Paul sc rapporte immédiatement à la vue du Christ, dont, enfermés dans nos corps mortels, nous ne pou­ vons Ici-bas voir la gloire, cc privilège étant réservé à ceux qui habitent, dans l’autre vie, près du Seigneur. Sur Jésus-Christ, Seigneur, voir Prat, La théologie de saint Paul, t. n, p. 171 sq. Toutefois celte vision do la gloire du Christ nous amène ù conclure, pour ceux qui en jouiront, à la vision intuitive de Dieu; car ceux qui jouiront de la vue de la gloire du Christ jouiront de la vue des biens dont jouit le Christ lui-même, y compris la vision Immediate dc Dieu. Cf. Comely, Commentarium in S. Pauli epistolas, Paris, 1892, t. ni, p. 151. L’opposition dans le ÿ 7 de la fol ct de la claire vue accentue encore le sens de celte conclusion. Seule, l’expression per speciem, διά είδους, qui caractérise le mode de connaissance de l’autre vie, pourrait faire ici quelque difficulté. La connaissance per speciem n’exclut-cllc pas la vision face à face? Un certain nombre d’inlerprètes, Hervé, P. L., t. clxxxi, col. 1014, S. Thomas, Benoît Giustinlani, Maier, Bisping, entendent είδος dans le sens ό’βψ’.ς; mais le sens lit­ téral ά’βψις s’oppose ù cette interprétation. Inexacte 2363 INTUITIVE (VISION) 2364 aussi rinterprétailon de Cajétan, d’Estius, de Corne- , 3. Doctrine des autres écrivains inspirés. — En fius a Lapide, qui entendent par είδος la nature propre dehors de saint Paul ct de saint Jean, les autres écri­ où fesscnce même de la chose. Dans les autres usages vains inspirés ne parlent de la vision intuitive qu’eu que Je Nouveau Testament fait du mol είδος,cc terme passant et sans en préciser les rapports soit avec la vie est toujours employé avec le sens de manifestation éternelle promise aux justes, soit avec la filiation visible des choses, cf. Joa., v, 37; Luc., ni, 22; jx, 29; adoptive.—a) Notons tout d’abord l’assimilation faite 1 Tbcss., v, 22. Appliqué à Dieu, comme dans Joa., par Jésus-Christ des élus ct des anges, Matth., xxn, v, 37, il ne peut sc rapporter, en fait, qu’à la vision 30; Luc., xx, 36, Or, les anges élus ont précisément intuitive, seule façon visible pour Dieu de se mani­ pour prérogative de contempler la face du Pêro qui est fester en lui-même aux hommes. C’est le sens dans les deux, Matth., xvxn, 10. — b) L’énumération qu’adopte finalement saint Thomas. Sum. theol., IP des béatitudes, Matth., v, 3-10, amène Notre-Seigneur H®, q. xxvnr, a. 1, ad 1. Cf. Cornély, op. cil., p. 150; à promettre la vision de Dieu, >' 8,à ceux qui ont le Zorcll, NoDi Testamenti lexicon gracon, Paris, 1911, cœur pur. En réalité, toutes les béatitudes sont iden­ v® είδος. La métaphore per speciem ambulare, appliquée tiques quant à leur consommation dans l’autre vie, à l’état des bienheureux, n’a donc rien d’imparfait, cf. S, Thomas, Sum. theol., 1* II®, q. i.xix, a. 2, ad 3. quoi qu’on pense Estius : saint Jean ne dit-il pas que La vision promise aux cœurs purs peut déjà sc réaliser les bienheureux marchent dans la lumière? Apoc., dès cette vie, cf. S. Thomas, Comm., in h. I., mais elle xxj, 24. En résumé, le sens du texte de Paul n’autorise n’aura sa consommation que dans la vision intuitive. pas une distinction entre le vision faciale ou intuitive j — c) H n’y a pas lieu d’insister sur tous les passages de de Dieu cl la vision de Dieu per speciem. Cf. S. Augus- l’Ancien Testament, où il est question de rechercher • tin : Videmus nunc perspecu'um in a nigmate, cl turc la face du Seigneur, Ps. xxm, 3-6, de Dieu qui voile est fldes : tunc autem facie ad taciem et turc est species. sa face, au temps de l’épreuve. Job., xni, 24, qui la Scrm , cccxlvi, n. 2, P. L., t. xxxix, coi. 1523; cf. manifeste au temps de la bénédiction ct du salut Serin., xxvm, n. G, P. L., t. xxxvin, cnl. 180. Ps. iv, 7, etc. Ccs expressions qu’on pourrait multiplier 2, Doctrine de sain' Jean. — L’enseignement de saint n’ont aucun rapport avec la vision intuitive, dont Jean sur la vision béat! tique sc trouve condensé dans l’idée semble absente des perspectives de l’Ancien la première épltre, ni, 1-2. Au fl, l’apôtre rappelle Testament. « quel amour nous a témoigné le père pour que nous 2’ Doctrine des Pères. — 1. Difficulté relative ά soyons nommés ct que nous soyons en réalité fils de l'exposé de la tradition touchant ta vision intuitive. — Dieu ». Cette filiation divine, affirmée à plusieurs Cette difficulté a été signalée déjà par saint Grégoire reprises par l’Écriturc, ne se conçoit que dans la société le Grand : » Il faut savoir, écrit-il, que certains auteurs de Jésus, c’est-à-dire par une participation de sa accordent que, dans le séjour bienheureux, Dieu est filiation ct de son droit ù l’héritage du Père. En quoi vu dans sa gloire et non dans sa nature. C’est la subti­ consistera cet héritage, auquel donne droit la filiation lité d’une recherche excessive qui les a trompés. Dans divine adoptive? « Mes bien-aimés, continue saint l’essence divine, simple et immuable, la gloire et la Jean, nous sommes maintenant fils de Dieu et ce que nature ne se distinguent pas : la gloire est la nature, la nous serons un jour n’apparall pas encore, οδπω έφχ- nature est la gloire ». Moral., 1. XVIII, C.LXV, n. 90, νερώΟη. Nous savons que lorsque cela paraîtra, nous P. Λ., t. rxxvi, col. 93. De cette subtilité excessive, les lui serons semblables (à Jésus, Dieu ct homme), parce Grecs orthodoxes, dont l’opinion a été fixée au que nous le verrons tel qu’il est. » Cette manifestation xive siècle par Gregoire Palamas, voir Palamas, pré­ de cc que nous serons, c’est bien ce qui révèle notre tendent tirer une tradition contraire à la tradition filiation, telle que nous l’attendons ici-bas en gémis­ catholique. Cette prétention s’est affirmée jiolaminent sant, Rom., vin, 19, 23. Et précisément c’est dans la au concile de Florence, dans les discours de Marc vision de Dieu tel qu’il est, que se manifestera notre d’Éphèse, Patrolngie orientale, t. xv, p. 161. La vision filiation divine ct la participation de la nature divine promise aux bienheureux ne saurait, en aucun cas, dont la grâce est dès ici-bas le principe : curn appa­ dit-il, être la vision de Dieu lui-même, car celte vision ruerit, similes ci erimus, quoniam videbimus cum si cuti est forcément compréhensive, et aucune créature, est. Remarquons toutefois que le pronom tum se rap­ même surnaturcllcmcnt, ne peut comprendre Dieu. porte ici, dans la pensée de saint Jean,à Jésus-Christ, Et ce n’est pas seulement sur l’autorité des Grecs que Dieu ct homme. Mais précisément la preuve que nous s’appuie le métropolitain d’Éphèse pour démontrer cherchons dans cc texte en faveur de l’existence de la qu’aucune créature ne peut connaître Dieu en luivision intuitive de Dieu s’en trouve renforcée : l’oppo­ même, il cite encore le Uber soliloquiorum anima ad sition que saint Jean exprime touchant l’état de la vie Drum, c. xxxix, P. L., t. xi., col. 889-890 faussement présente ct celui de la vie future par rapport à la con­ attribué à saint Augustin. Que voient donc les élus naissance que nous avons de l’Homme-Dieu marque et les anges en Dieu? ('.’est cela même qu’ils partici­ bien que la supériorité de l’autre vie sc manifestera pent de Dieu, non pas Vcsscnee, mais la gloire. On ren­ dans un état glorieux, analogue à celui du Christ glo­ contre déjà avant Florence, pareille doctrine chez rifié, similes ei erimus, et qui nous permettra d’at­ certains Arméniens, doctrine condamnée par Be­ teindre Jésus dans le plus intime de sa réalité divine. noît XII, voir cc mol, t. n, col. 699. ('.’est donc sur N'esl-ce pas précisément dans saint Jean que Jésus celte question très particulière de la vision intuitive lui-même a déchiré que la vie éternelle, c’est la con­ quant à l'essence même de Dieu qu’il convient de sou­ naissance du vrai Dieu ct de celui qu’lia envoyé, ligner dons l’Église la continuité de la tradition, en Jésus-Christ, Joa., xvn, 3? Et encore ne promet-il pas, montrant que l’interprétation des Grecs orthodoxes ne à ceux qui l’aiment, qu’ils seront aimés du Père et de sc rattache pas à un solide fondement. Sur la question lui-même et que lui-même se manifestera à eux? Joa , générale de la vision intuitive, on a déjà, à propos de la xiv. 24. Cf. Apo·., xxn, 3-4 ; car, < qui voit le Fils, voit constitution JJenrJh'fiK Deus, l. n, col. 673, apporté de nombreux textes sur lesquels il est Inutile de revenir. aussi le Père, » Joa., xiv, 6-9. Après des affirmations 2. Sens général de la solution de celle difficulté. — aussi nettes, 11 n’est donc pas permis d’interpréter pie/, Jn p. Sum. theol., drp. XXXVl^ d’une impossibilité pour l’autre monde la négation c î-iv · proposé une · oint ion radicale : Je dogme de absolue de toute vision de Dieu dans la vie présente, · suIRsamment que S. Jean introduit I Joa., iv, 12, Dcum nemo vidif I la vision i iluitlve n’ét in expHci'e. noud; d< I' r< % ulout parmi les Oricnunguam. < f. Ilugucny, A quel bonheur sommes-no us ix m r: nt sur ce p, Int, encore mal défini, post. destinés ? Ilevuc thomiste, t. xn, p. 663-672. JB 2365 I INTUITIVE (VISION) tlvement erré. En principe, la solution our objet la substance divine (sans quoi cette substance n’aurait pas été vue de différentes façons), mais seulement des similitudes, des représentations de l’essence de Dieu. Voir Théophylactc, P. G., t. exxm. col. 1164-1165; Eutlnimus, P. G.t L cwix.col. 1127. Les deux seuls Pères dont les idées soient contes­ tables sur ce point sont saint Jean Chrysostomc ct TlKodorct. 11 semble d’ailleurs que Théodoret ait accentué la doctrine de son maître et oit dépassé une mesure que celui-ci avait encore observée. Saint Jean Chrysostume parait nier la vision intuitive, même pour les anges bienheureux, dans scs homélies De Incomprehensibili, homil. i, n. 6; ni, n. 3, 5; iv, n. 3, P. G., t. xlvhi,co1. 707, 721,721. 730-731, et dans ses homélies In Joa., homil. xv(xiv).P. G., t. ijx, col. 97. Dieu n’est pas vu dans sn substance mais grâce ù une accommodation, un tempérament de ce qu'il est, ct cette vision est celle des anges bienheureux aussi bien que des prophètes. Il convient de ne pas faire dire à Jean Chrysostomc plus qu'il n’a affirmé. Ce tempera­ ment exprime vraisemblablement la mesure finie et proportionnée ù l’état des anges comme des prophètes, 2367 INTUITIVE (VISION) selon laquelle ils peuvent les uns cl les autres atteindre Dieu. Cc que saint Jean Chrysostomc leur refuse, c’cst « la parfaite compréhension de l’essence, » ou encore « la connaissance selon une perfection totale, > ou encore, « la connaissance, telle que le Fils l’a du Père, » cf. De Incomprehensibili, homil. iv, n. 3, col. 730-731 ; In Joa., homil. xv, n. 2, col. 99. Celui qui est dit voir simplement Dieu, ne peut être que celui qui a dc Dieu une connaissance parfaite, De Incomprehensibili, homil. v, η. I, col. 711 ; In Joa., homil. xv, n. 2, col. 98. C’est donc, en termes encore hésitants, la formule devenue classique, chez les théologiens scolastiques, de la distinction entre la vision ct la compréhension. D’ailleurs, on a déjà rappelé Ici la parfaite orthodoxie d’autres textes dc Chrysostomc touchant la vision intuitive, voir Benoît XII, t. n, col. 682. Théodorct n’a pas gardé la mesure de son maître. Très nettement, en effet, il oppose la vision de la sub­ stance à la vision dc la gloire. La gloire est l’accommo­ dation ou le tempérament de la substance. « Les anges, écrit-il, ne voient pas la divine substance, laquelle est au-dessus de toute limite, dc toute compréhension, mais seulement une certaine splendeur accommodée à leur nature; Ού γάρ την Θείαν ούσίαν όρώσι, την άτεώ(γραπτον, τήν «καταληπτόν, τήν άπερινόητον,... άλλα δόξαν τινά τη αύτών φύσει συμμετρουμένην. Eranistes, dial, ι, Ρ. G., t. lxxxhi,co1. -19. Malgré les efforts dc certains théologiens pour expliquer ce texte en bonne part, il semble bien qu’on doive renoncer à consi­ dérer comme orthodoxe surcc point la pensée de Théo­ dorct. On Invoque, il est vrai, pour corriger lesensdu dialogue De Immutabili, deux textes tirés, l’un du com­ mentaire Inepist. adEph. ,c.n, f.7, l’autre du commen­ taire In I Cor., c. xm, 1.12, P. G., t.i.xxxn, col. 521, 337 ; mais c’cst à tort, car ccs deux textes, parlant dc la vision intuitive, face ά/acc, assignent pour objet à ccttc vision faciale l’humanité dc Jésus-Christ. Voir Petau, De Deo Deique proprietatibus, 1. VII, c. vi. Sur la discussion des assertions dc Vasquez, on consultera avec profit Suarez, De Deo, I. II, c. vu, n. 15-19; Didacc Buiz, De scientia Dei, disp. VI, sect, vu; Dc Lugo, Theologia scholastica, Dc Deo, 1. I, disp. XIX, c. n; Ysambert, In I*m, q. xu, a. 1, 2; Wirccburgenses, Dc Deo, n. 99; et, parmi les auteurs plus récents, Franzelin, De Deo uno, thèse xix. c) L’époque de Théodorct marque le point dcdépart en Orient d’une tendance doctrinale, opposée à la vraie tradition sur la possibilité ct la réalité dc la vision béatifique, comme vision dc l’essence même de Dieu. Cc courant n’est ni assez fort ni assez universel pour justifier les prétentions dc Marc d’Éphèse au concile dc Florence; mais il constitue cependant un élément non négligeable de la théologie grecque. On trouve la vision dc la gloire, ct non dc l’essence indiquée chez Basile dc Séleucie, Orat., xl, n. 1-2, P. G., t. lxxxv, col. 451 sq. ; plus fortement affirmée chez Anastase le Slnaïte, qui établit précisément par là sa distinction entre lapersonne,/, ccs hétérodoxes avançaient, prop. 5, conclusion toute logique, que « toute nature inlcllec tuelle est naturellement bienheureuse en elle-même, et (que) Γhomme n'a pas besoin de la lumière dc gloire pour s'élever à la vision ct à la jouissance béatifique de Dieu. » Denzinger-Bannwart, n. 474, 175. En condamnant ccttc assertion, le concile impose dc croire à l’existence dc la lumière dc gloire, qui permet à l’homme de s’élever jusqu’à la vision béatifique. « II a voulu, dit Bancz, In I**t Sun,. theol,, q. xu, a. 5, condamner l’erreur des béghards, qui affirmaient que J’honune pouvait, par scs seules forces naturelles, voir Dieu. Donc, quiconque admet l’cxislcncc d’un secours VIL - 75 2371 INTUITIVE (VISION) surnaturel de Dieu, ct appelle cc secours lumière de gloire, selon l’expression du concile, celui-là n’afflnne rien contre la foi. · Cette réflexion est fort juste, et Suarez, en des termes différents, la formule de son côté. De attributis negativis Dei, c, χιν, η. 4. Elle doit nous empêcher de jeter trop sommairement le discré­ dit sur certaines théories de la lumière de gloire, théo­ ries peut-être assez peu conformes à l’esprit de la déci­ sion desPères de Vienne, mais qui en tout cas ne sont point directement condamnées par la lettre de cette I décision. b) Précision du sens de la condamnation portée à Vienne. — a. La sainte Écriture. — Nous pouvons ' trouver quelque éclaircissement sur le sens ct la portée de la décision de Vienne en interrogeant récri­ ture et la tradition. Tout d'abord, l’Écriturc nous montre Dieu comme une lumière éclairant les bienheu­ reux dans la Jérusalem céleste. Cette Jérusalem a la clarté de Dieu, Apoc., xxi, 11; elle n’a besoin, ni du soleil, ni de la lune, pour s’éclairer car la gloire de Dieu l’illumine, ct sa lampe est l’agneau. Id. 23; ct les ser­ viteurs de Dieu verront sa face ct son nom sera sur leur front; ct il n’y aura plus de nuit, ct ils n’auront pas besoin de la lumière du soleil, car le Seigneur les illuminera, xxn, 4-5; cf. Is., i.x, 19-20. Cette illumina­ tion amène-t-elle un changement dans l’âme ellemême? L’Apocalypse ne le dit point. b. La tradition. — Mais il n’y a dans ces données de l’Écriturc qu’une indication, non une doctrine cer­ taine. La tradition apportera-t-elle quelque lumière? C’est surtout en commentant le mot du Ps. xxxv, 10, In lumine tuo videbimus lumen, que les saints Pères expriment leur sentiment touchant la lumière divine inondant les élus dans la vision bienheureuse. Or, ici encore, bien qu’on ait voulu opposer le sentiment des Pères à la doctrine scolastique de la lumière de gloire, Il ne semble pas que les témoins de la tradition aient pris une position assez nette pour qu’on en puisse dégager un système précis. Deux affirmations princi­ pales sc retrouvent sous la plume des Pères, autour desquelles gravitent toutes leurs pensées sur la lumière de la vision béatiffque. D’une part, c’est Dieu lui-même qui est représenté comme la lumière qui illuminera les élus. Cf. Petau, De Deo, Deique proprietatibus, I. VII, c. vm, n. 3-4; Thomassin, De Deo, Deique pro· prietatibus, 1. VI, c. xvj, n. 8. Bien plus, l’inter­ prétation assez fréquente chez les Pères grecs est que le Saint-Esprit par sa lumière, nous fera voir Dieu dans le Verbe. Cf. S. Basile, De Spiritu sancto, c. xvm, n. 47, P. G., t. xxxîi, col. 154 ; S. Grégoire de Nysse, In S. Stephanum oratio, P. G., t. xlvi, coi. 715. Lc Saint-Esprit est l’image du Fils, et c’est donc par la lumière de l’Esprit que l’âme bienheureuse voit Dieu dans le Verbe. Sur le Saint-Esprit, image du Fils, voir les textes dansThomassin, loc. cil., n. 11. D’autre part, il ne serait pas difficile de montrer, dans ces textes mêmes où la lumière incrééc nous est décrite comme illuminant les élus, que cette illumination meme produit une élévation véritable de la puissance intellective des élus. Cf. S. Épiphanc, livres., lxx, n. 7, P. G., t. xliî, col. 319; S. Irénéc, Ado. Hier., L IV, c. xx, P. G., t. vu, col. 1035; Origène, De prin­ cipiis, I. I, c. T, P. G., t. xi, col. 121. S. Basile, loc. cit.; S. Grégoire de Nysse, loc. cit., etc. Mais les Pères ne disent pas expressément que cette élévation de la puissance intellective soit due à un principe perfec­ tionnant intrinsèquement la puissance elle-même. Ils se contentent d'énoncer le dogme de l’élévation de l’élu à la sie divine et ne font pas la théologie de cc dogme. Lc concile de Vienne, sans doute, n’a pas voulu i dire plus que les Pères; néanmoins des affirmat ton· de l’Écriturc, des Pères ct de la condamnation portée 2372 par le concile, la raison sc croit en droit de déduire la nécessité d’une élévation intrinsèque de l’intelli­ gence dans la vision béatiffque, élévation duc à la lumière de gloire, principe créé par Dieu et reçu dans l’âme élue. c. La raison théologique. La· raison théologique, exposée par saint Thomas, apporte trois preuves de la nécessité d’une lumière de gloire créée ct reçue dans l’intelligence bienheureuse, ainsi perfectionnée intrin­ sèquement — Première preuve :Sum. theol., q. xn,a.5; Cont. Gent., 1. Ill,c.i.in; cf. S. François de Sales, Trailt de l'amour de Dieu, 1. 111, c. xiv. Aucune faculté ne peut produire une operation supérieure aux ressources de sa nature, à moins d’y dire élevée par une force supé­ rieure. Or, la vision béatiffque surpassant toute opé­ ration naturelle de l'intelligence créée, il faudra, pour que ccttc intelligence y puisse atteindre, qu’elle reçoive un surcroît de force cl de vertu. · Ce complément peut lui venir, il est vrai, d’un simple accroissement d'inten­ sité de son énergie propre. Ainsi la chaleur, par cela seul qu’elle devient plus vive, produit des effets de plus en plus violents. Mais ces effets, pour grands qu’ils soient, ne changent pas de nature ct smit toujours de même espèce. Veut-on avoir des opérations d'un ordre incomparablement plus élevé, ce n’est pas seulement la même force, rendue plus intense, qu’il faut appli­ quer; c’est une vertu nouvelle qu'il faut surajouter à l’énergie primitive... Or, la vertu naturelle de l’intelli­ gence est absolument impuissante à voir Dieu face à face. Donc, elle a besoin de recevoir un complément de lumière intellectuelle, et ce complément doit être d’une nature supérieure, puisque la raison dernière de son impuissance tient à l’essence même de sa vertu native, a — Deuxième preuve : Cont. Gent., loc cit. : La vision béatiffque suppose, comme élément néces­ saire, une union très spéciale de Γintelligence avec la lumière incrééc, principe et ternie de cette vision. Or, la même union, loin de rendre oiseuse la lumière de gloire, ne peut s’expliquer sans elle. En effet, deux choses qui n'étalent pas unies, ne peuvent s’allier intimement l’une â l’autre, sans que l’une des deux, pour le moins, subisse quelque changement... Si donc aucune intelligence créée ne peut aspirer à la vision de Dieu, sans que l’essence divine soit en elle comme une forme infiniment intelligible qui l’enveloppe ct la pénètre, il faut une modification du côté de la créa turc; car l'immuable stabilité de la nature divine s’oppose ù toute idée de changement dont elle devien­ drait le sujet. Or, ccttc transformation de l’intelli­ gence humaine, où la trouverons-nous, si la lumière de gloire, au lieu d’être une réalité, n’est qu’un vain mot? » Terrien, La grâce cl la gloire, 1. IX, c. m, Troisième preuve, Cont. Gent., ibid., : Comment m forme intelligible (qu’est Dieu), pourrait-elle devenir la forme d'une intelligence créée, si celle intelligence ne recevait pas, en elle-même, une participation plus profonde ct plus sublime de l’intelligence à qui celle forme est naturellement propre. » Terrien, ibid. La gloire, en effet, achève ct consomme l’œuvre de la grâce. Ici-bas, la grâce est le principe de notre con­ naissance surnaturelle do Dieu par la foi. Mais la foi est propre à ccttc vie. Si dans l’autre vie, la foi doit être remplacée par la claire vision, il est de toute néces­ sité que la vertu de fol fasse place à une qualité pro­ portionnée à l’acte de vision béatiffque. Voir Gloiiif., t. vi, col. 1 122-1125. Cf. Franzelin, op. cil., p. 201. r) Application. — Celte démonstration théologique faite, il ihmism mble désormais facile d’en faire l'appli­ cation aux différentes théories proposées pour expli­ quer ce qu’esl la lumière de gloire. — a. Théories fausses d erroné* < — Fausses, parce que philosophiquement Inson’vn ibl< s; erronées, parce qu’en contradiction que nous considérons comme une ccr- 2373 INTUITIVE (VISION) titudc thêologlque. Ce sont des opinions, la plupart antérieures aux condamnations du concile de Vienne, ct dont nous trouvons encore quelques échos chez des théologiens postérieurs à 1318. Dans cette opinion, la béatitude serait quelque chose d’incréé, ct, dans la vision béatiffque, l’âme serait purement passive. Ces théologiens admettaient l'existence de la lumière de gloire,mais ils la concevaient comme quelque chose d’incréé, se confondant avec l’acte meme de la vision intuitive, lequel n'est que l’acte même Op. cit., t. n, p. 167. b. Théories insuffisantes. — Cc sont les théories de Thomassin ct de Berti, fortement apparentées avec les précédentes, mais que nous n’osons pas noter aussi rigoureusement, tant ά cause de la valeur théologique de leurs auteurs, qu’en raison de certaines nuances qui permettent de les interpréter dans un sens orthodoxe. Berti aussi bien que Thomassin posent en principe que la lumière de gloire est un don incr&, Dieu luimême, illuminant de sa clarté l’intelligence bienheu­ reuse intimement unie à lui. Et c’est en cela que ces auteurs s’apparentent aux théologiens dont il nous semble impossible de concilier l'opinion avec la con­ clusion théologiquement certaine qu’on doit déduire de la condamnation de Vienne. Franzelin, op. cit., р. 209-210, n'hésite pas â englober dans la même répro­ bation Thomassin cl les anciens partisans de la vision 1 incrééc. Toutefois, Berti et Thomassin enseignent explicitement que l'intelligence élue est /ortifiée, éle­ vée, par la lumière de gloire ainsi entendue, ct ces expressions semblent quelque peu corriger cc qui serait nettement répréhensible dans la première affirmation. On pourrait donc dire de ces auteurs qu'ils se sont insuffisamment exprimés. Thomassin, De Deo, Deique proprietatibus, L Vf, c. xvx; Berti, De theologicis disciplinis, L 111, c. ni. On a pu également repro­ cher Λ Pctau, De Dco Deique proprietatibus, 1. \ il. с. vm, n. 4, d'avoir laissé percer un sentiment qui ne serait pas très éloigné de celui de Thomas sin. Mais cc dernier auteur mérite une recension un peu plus longue, Λ cause de la synthèse théologique qu’il a voulu tirer des assertions relevées par lui chez les Pères. Suivant Thomassin, la doctrine des Pères sc résumerait en deux affirmations principales. ITemièremcnl, la forme intelligible qui rend Dieu visible ù l’âme bienheureuse, est le Verbe; de là, celle expres­ sion si connue : « voir dans le Verbe ». En second lieu, la lumière de gloire n’est autre que le Saint-Esprit, uni très présentement à l'intelligence du voyant. C’est donc par Dieu qu’on voit Dieu ct Je Fils est l'espèce dans laquelle on voit. Ainsi sc trouvent conciliées les affirmations en apparence contradictoires des Pères, que Dieu seul peut se voir, ct cependant que les élus voient Dieu. • Ces deux affirmations, dit Terrien, op. ciL, p. 1G6. 2375 INTI ITIVE (VISION) expliquant en bonne part l’opinion de Thomassln, même en supposant qu'elles expriment bien la pensée des Pères, ne vont nullement contre notre doctrine. On en sera pleinement convaincu, pour peu qu’on sc rappelle les caractères hypostntiques du Fils et du Saint-Esprit, et les lois de V appropriation. Puisque Je Fils procède par voie d’intelligence, comme Verbe, ct, par conséquent comme lumière et comme vérité, quoi 1 dc plus naturel que d’attribuer singulièrement au Fils ce qui convient à l'essence divine, en tant qu’elle est lumière cl vérité? Dc plus, qu’est-cc que le Verbe, si i cc n'est l’image, la ressemblance, le visage, la parole, la manifestation vivante ct substantielle de Dieu? Donc, il y a là un nouveau titre pour que le rôle d’image ct la fonction de forme idéale que remplit la divinité dans la vision béatiflque, lui soient appropriés, plutôt qu’au Père ou au Saint-Esprit. D'autre part, ne faut-il pas voir dans le principe -supérieur d’activité qui doit relever l’intelligence ct la rendre apte â la contemplation dc Dieu, le suprême et dernier perfectionnement dc la créature raisonnable, le don par excellence qui soit fait à l’homme, la cause pro­ chaine dc son union bienheureuse avec Dieu? Or, si je ne me trompe, c'est là précisément le caractère des effets divins que nous attribuons singulièrement à celui qui sc manifeste comme le complément de la Tri­ nité, le Don personnel, l’Union du Père et du Fils, c’cst-â-dirc, à l’Esprit Saint. » c. Doctrine commune. — Il serait possible, théori­ quement, dc concevoir la lumière de gloire, par laquelle l’intelligence est élevée à la vision de Dieu, comme un secours actuel, d’ordre surnaturel, ct reçu dans l’intel­ ligence à la façon d’une grficc actuelle suppléant la grâce habituelle. Cette conception doit être mise en relief, pour expliquer, non la vision intuitive des élus dans la patrie, mais certains actes dc vision intuitive passagère, accordée parfois aux hommes encore sur ccttc terre, et dont saint Thomas reconnaît tout au moins la possibilité, De veritate, q. x, a. 11; In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. n, a. 7. Mais, en cc qui concerne le fait dc la vision intuitive dans l’autre vie, 11 faut dire, avec l’ensemble des théologiens, que la lumière de gloire, requise pour cette vision, est une qualité créée, divinement infuse dans Γ intelligence du voyant. H s’agit, en effet, d’un état permanent ct qui ne peut s’expliquer d’une façon conforme à la nature des choses que par un secours permanent. Les tho­ mistes ajoutent généralement, que cette qualité doit être ramenée à la catégorie des habitus, quoique agis­ sait Λ la manière delà puissance. Ce n’est évidemment qu’un habitus, puisque la lumière dc gloire n’est aceor- I déc qu'en vue d’un acte bien déterminé ; niais c’est un habitus, jouant le rôlede puissance, à l’instar des vertus infuses, puisqu’il est reçu en un sujet qui n’csL nullement disposé à cet acte ct n’a par rapport à lui qu'une puissance obédenticllc. Les thomistes pensent qu'il n'est possible d’interpréter logiquement la i décision dc Vienne que de cette manière. Baüez fn/*m,q. xn,a 5; D. Solo, In IV Sent., 1. IV, dist. XLlX,q.n,a. 4. El leur doctrine fait loi dans l’ensei­ gnement actuel. Cf. Suarez, op. cil., 1. H, c. xiv, n. 7; Franzelin, loc. cit.; Mazzella, De Deo creante, Rome, 1880,disp, IV,a. 7. n. 852; l’esch, De Deo uno, n. 78. 3° Dole de la lumière de gloire et de Γ essence divine dans Γacte de vision intuitive: psychologie de cet acte.— Suarez, foc. cit , fait remarquer fort Judicieusement que l’interprétation consciencieuse du concile de Vienne nous oblige à admettre que la lumière de gloire est une qualité créée ct infuse dans l'intelligence; mai qu’en dehors dc cette conclusion, < rien n’est certain >. Toutes les spéculations théologiques relatives à la psychologie de l’acte dc vision sont donc dans le domaine des pures opinions théologiques. On com­ 237G prendra que nous nous contentions d’indiquer briè­ vement le sens de ccs théories et dc relever les princi­ pales références. 1. Rôle de la lumière de gloire. - La lumière dc gloire rend l’esprit apte à voir Dieu en lui-même; elle l'élève jusqu’à l'essence divine, à laquelle elle l’ap­ plique comme à son objet actuellement intelli­ gible. Elle remplit donc une triple fonction. Pre­ mièrement, elle élève l’intelligence créée à l’ordre de la vision intuitive et la rend physiquement capable d’atteindre l’essence divine. Deuxièmement, la vision ne pouvant se produire que par l’union immé­ diate dc l’essence divine ct dc l'intelligence, la lumière dc gloire dispose l’intelligence à cette union. Troisiè­ mement, elle concourt activement avec l’intelligence à l’acte meme dc la vision. Sur le premier point. Il n’y a pas dc difficultés cnl re théologiens : cc n’est que l’expres­ sion même de la doctrine catholique. Sur le second point, il y a des divergences sur le rôle de « disposition » que joue la lumière de gloire parrapport à l’union immé­ diate dc l’intelligence avec l’essence divine. Vasquez, op. cit., disp. XLI11, c. ni, semble nier cc rôle; Suarez paraît assez hésitant, op. cit., c. xv, n. 21. Cependant, les thomistes enseignent que la lumière de gloire joue le rôle d’une cause dispositive par rapport à l’union avec l’essence divine. Jean de Saint-Thomas, In 1*™ p., q. xn, disp. XIV, a. 3; Gonet, op. cit., disp. III, a. 2; Salmanticenses, op. cit., disp. IV, dub. n, § 2. Voir dans les Salmanticenses les autres références aux auteurs thomistes. La lumière dc gloire agit ainsi, dans l’intelligence, à la façon dont l’espèce impresse dispose naturellement l'intelligence à comprendre Gonet, loc. cit., n. 9. Il s’ensuit, ajoutent les théolo­ giens de Salamanque, que, médialement du moins, la lumière de gloire est aussi disposition à recevoir l'acte dc vision béatiflque dans l’intelligence bien heureuse; loc. cit., dub. ni, § 2. Sur le troisième point, il y a dis­ sentiment entre Suarez ct son école d’une part ct l’école thomiste dc l’autre. Conformément à ses théories de la puissance obedient idle active ct dc la non-rêpugnancc absolue d’une vision béatiflque sans lumière de gloire, Suarez, op. cil., c. xvi, n. 2, cf. In lit*™ Sum. S. Thonuc, disp. XXXI, sect, v ct vî ; enseigne que la lumière de gloire, principe actif dc la vision, n’est cependant pas un principe total. C’est un principe partiel, l’intelligence étant un autre principe actif partiel : l’intelligence donne à son acte d’être un acte vital; la lumière de gloire, élevant instrurnentalemerd l’intelligence, lui donne d’être un acte de vision divine. Des deux causes partielles actives résulte un seul pria ripe prochain total et actif dc la vision béatiflque, l'intelligence élevée Inslrumcnlalcmcnt par la lumière de gloire. Cf. Vasquez, In I*m Sum. theol., disp. XLI II c. vî, vu. Les thomistes enseignent une doctrine, moins simple au premier aspect, mais bien plus pro fonde en réalité. On ne la trouvera nulle part mieux exposée que chez Jean de Saint-Thomas, op. cil., disp. XIV, a. 2. Billuart en a donné un fort bon résumé op. cil., dissert. IV, a. 5, § 5 : «Lavision béatiflque est un acte vital de l'esprit bienheureux; bien plus c’est la vie bienheureuse de cet esprit. Donc, elle doit effec­ tivement procéder d’une puissance vitale qui lui est Intrinsèque et qui sc meut par un principe intérieur, et il s’agit en l’espèce de son intelligence. Mais l’intel­ ligence n’est pas cause instrumentale de la vision béatiflque : elle en est la cause principale. L’intclligence, é< Hin·.· p ir 1 i lumière de gloire, est à la vision lié » ihcue t < que 11 volonté, informée par la charité, c >t l· 1 anioiH dc Dieu. Or, la volonté n’est pas cause ni ·’. de l’iimour de Dieu, mais bien sa cause j‘e .. ·. int< lljgcnce et la lumière de gloire con­ courent ’’ icte de vMon intuitive comme deux causes agissant sous un aspect particulier· 2377 INTUITIVE (VISION) La lumière de gloire est la raison totale, formelle et prochaine qui élève et proportionne la faculté intellec­ tive ù l'acte de vision. Mais l'intelligence (ainsi élevée ct proportionnel·) devient la cause totale de l’acte de vision. » Et Jean dc Saint-Thomas ajoute, avec sa clarté habituelle : < Cc que nous voulons dire, c'est que, dans la vision béatilique, bien que l'intelligence concoure l'acte comme son principe vraiment vital, vraiment agissant, cependant toute sa raison dc con­ courir à cct acte lui vient uniquement de la lumière dc gloire. L’intelligence est élevée ct perfectionnée, dc façon que sa vertu propre n’est pour rien dans l’acte dc vision qui tout entier vient de l’intelligence, mais en tant qu’élevée par la lumière : ratio influendi est unica, scilicet desumpta ex lumine gloria, qua ita intel­ lectum t>crflcit el elevat, quod non concurrit per propriam virtutem naturalem, ut in suo naturali ordine manentem, sed ut elevatam, » n. 13. Si l’intelligence était Instru­ ment dc la lumière dc gloire, elle apporterait dans son opération une part de son action propre. C'est dc cette façon qu'il faut comprendre les thomistes affir­ mant que l'intelligence est le principe total radical ct éloigné, la lumière dc gloire le principe total, ct pro­ chain dc la vision. CL Gotti, Theologia scholastico· dogmatica, tract. Ill, q. iv, dub. ni ; Salmanticenses, op. cil., disp. IV, dub. iv, n. 62; Gonet, op. cit., disp. Ill, a. 3, n. 37. Ils ne se refusent pas à dire, si l'on veut bien entendre cette expression dans le sens de leur opinion, que la lumière dc gloire ct l'intel­ ligence s'unissent pour former un principe actif unique dc la vision. Cf. Salmanticenses, loc. cit.; llugon, Dc Deo uno, p. 132. 2. Rôle de l'essence. divine. - L'intelligence, éclairée et proportionnée à l’actc dc vision par la lumière dc gloire, doit, selon la définition de Benoit XII, < voir la divine essence d'une vision intuitive ct même faciale sans aucune créature dont la vue s'interpose, mais immé­ diatement, grâce à la divine essence qui se manifeste elle-même ù nu, clairement ct ouvertement. » Il est trop clair que la foi catholique, exprimée dans cette décrétale, ne supporterait pas une explication où la vision intuitive aurait pour terme une représentation idéale créée de la divinité. Son acte doit sc terminer à l’essence divine elle-même. Toutefois, voulant expli­ quer la psychologie dc la vision intuitive d'après la psychologie de l’actc naturel dc l'intelligence créée, les théologiens ont adapté leurs formules et leurs sys­ tèmes à la vision intuitive. Dc là les questions relatives au rôle que joue l’essence divine dans l'actc dc la vision. a) L'essence divine seule joue le rôle d* « espèce im­ presse ». — Pour comprendre, l'intelligence doit être impressionnée par l'objet vers lequel son acte sc dirige. Cette impression ne peut être qu'une représen­ tation idéale de l’objet. Mais cette représentation est essentiellement objective; elle n'ajoute rien à la puis­ sance même de comprendre, et ne fait que lui rendre présent son objet. C’est l’espèce c impresse ·, que, dans la théorie scolastique, ù peu près universellement admise, les philosophes conçoivent comme le produit de l’abstraction opérée par l’intellect agent sur les données des sens. Ce premier principe rappelé, on com­ prendra facilement les assertions suivantes : a. Dans la vision intuitive, aucune espèce impresse créée n'est possible. —· Créée, ccttc représentation Intellectuelle ne saurait reproduire idéalement 1*essence divine : une représentation créée est essentiellement finie et bornée. Tous les théologiens conviennent en fait de celte vérité. Là où les théologiens ne sont plus d'accord, c’est dans la solution du problème très spé­ culatif. si, dc puissance absolue de Dieu, une espèce créée pourrait être représentative dc l'essence infinie. Les anciens théologiens, à part Auriol ct quelques | commentateurs de Scot, ne sc préoccuppèrcnt pas 2378 d'une telle question. Elle n’a été soulevée qu’au xvi· siècle par Suarez, Molina, Vasquez, selon qui il n'y aurait pas contradiction à admettre une représentation créée dc l’essence fncréée. Voir, en sens inverse, la doctrine communément admise, dans Jean dc Saint-Thomas, op. cit., disp. XIII, a. 3, η. 1 ; Gonet, op. cit., disp. II, a. 1 ; ct le catéchisme du concile de Trente, part. I·, c. xm, n. 8. b. L'essence divine joue le rôle d'espèce impresse. C’est l'opinion de saint Thomas, Cont. Gent., I. III. c. xj ;Sum. theol., Is, q. xn, a. 5; III*, q. xx, a. 3, ad 3, Et l'opinion dc saint Thomas est universellement admise, sauf par Suarez, qui ne peut concevoir com­ ment l’essence divine peut être espèce impresse sans Informer physiquement l'intelligence humaine, et conclut en conséquence a un concours spécial de la part de l'essence divine, sans déterminer d’ailleurs en quoi réside précisément ce concours, op. cit., c. xn, n. 14 sq. Vasquez, plus radical que Suarez, n'accorde à l’essence divine qu'un concours d'ordre général, ana­ logue à celui qui sc produit dans tout acte d'intclli gcnce, op. cit., disp. XLIII, c. ni. On a vu, plus haut, la solution de la difficulté qui arrêta ces théolo­ giens. Pour l'exposé dc l'opinion commune, on con­ sultera avec profit Gonet, op. cit., disp. H, a. 3; Salmanticcnscs, op. cit., disp. 11, dub. n ; Billuart, op. cit., dissert, iv, a. 7, cl, spécialement pour la solution des difficultés, Jean de Saint-Thomas, op. cit., disp. XIII, a. 4. Parmi les auteurs contemporains, voir Jannssens, De Deo uno. In q. xn, a. 2, 3. p. 428 sq. ; Pesch. De Deo uno, n.80; Palmieri, De Novissimis, Prato, 1908, § 68; Satolli, In Summam theologicam Divi Thomae Aqui natis (a Q. I ad Q. XIII), Borne, 1884, q. xn, a. 2; llugon, Dc Deo uno, q. iv, a. 2, p. 110. c. L'essence divine concourt-elle activement à l'acte de vision? — La tonne interrogative sous laquelle nous présentons ce nouvel aspect du problème psy­ chologique dc la vision intuitive montre que les théo­ logiens sont ici dans un désaccord assez accentué. Et le désaccord franchit même le seuil du sanctuaire tho­ miste. La difficulté dc la solution affirmative. proposée par la plupart des grands théologiens de l’école dc saint Thomas, Cajétan, dans son commentaire, les Sal­ man licenses, op. cit., disp. 11, dub. m ; Gonet, op. cit., a. 4 ; Jean de Saint-Thomas, loc. cit., etc., c'est d’expli quer comment l'essence divine, concourant active­ ment à l’acte dc vision, n’est pas, par le fait même, subordonnée à l'intelligence. Aussi, non seulement d’autres théologiens, libres de toute attache vis-à-vis du thomisme, Suarez, Vasquez, Tolcl, mais encore des dominicains comme Bafiez, dans son commentaire sur la Somme, ct quelques autres thomistes de moindre renom, ont pensé qu’il suffisait de concevoir l'csscncc divine comme principe formel dc la vision intuitive, sans lui accorder un concours actif dans cette vision. La logique voudrait que cc concours actif fût accordé à l’essence divine; la difficulté inhérente à ccttc solu­ tion logique doit être résolue conformément aux prin­ cipes posés plus haut, voir col. 2360, dans le parallé Usine de la vision intuitive ct dc l’union hypostatique : la transcendance de l'acte pur intelligible suffît à nous faire entrevoir la possibilité pour cet acte pur de devenir la forme intelligible dc notre esprit (cl partant, dc concourir activement à la production dc l’actc), sans cependant lui devenir inhérent à la façon d’un accident (cl pariant dc lui être subordonné). On com­ prend mieux d’ailleurs, dans la formule rigoureuse­ ment thomiste, comment, dans la vision intuitive, l’esprit créé devient vraiment participant dc la vie divine dans la pleine acception du mol. Cf. Hugon, op. cil., p. 111-113. b) L'essence divine, espèce expresse · dans la vision béatiflque. — La psychologie thomiste distingue, dans 2379 INTUITIVE (VISION) l’opération Intellectuelle, l’opération dle-mdmc par laquelle l’esprit comprend, saisit, forme une Idée, ct l’idée elle-même qu’elle appelle le verbe mental, ou l’espèce expresse. Saint Thomas, distingue très certai­ nement, d’une distinction réelle, l’acte même de com­ prendre, ct l’idée formée par cette opération. L’acte de l’intelligence est cc par quoi, id quo. l’esprit corn prend; le verbe mental est cc en quoi, in quo, il com­ prend. Voir un bon exposé de la théorie thomiste dans Billot, De Deo (rino, prooemium, § 2. — Suarez no pouvant distinguer l’un de Γ autre le mouvement de la puissance ct son terme, est obligé de confesser que l’opération de l’esprit ct le verbe ne sont qu’une seule ct même réalité. Voir Suarez, Metaph., disp. VIII, sccL îv, n. 2. Quand donc on demande si, dans la vision intuitive, Il y n production d’un verbe créé, les tho­ mistes répondent négativement. L’opération de l’intel­ ligence sc termine nécessairement à l’essence divine qui joue, Ici encore, le rôle d'espèce expresse, comme elle jouait le rôle d’espèce impresse. Suarez au con­ traire admet un verbe créé, c’est-à-dire une opération de l'intelligence, acte vital complet, sc terminant d'ailleurs à l’essence divine, vue en elle-même· Ques­ tion assez secondaire, on le voit, ct sur laquelle les théologiens sont en désaccord pour des motifs d’ordre philosophique, sur lesquels nous n’avons pas à insister Ici. Voir, du côté des thomistes, Gonct, loc. cd.;Billuart, loc. cil.; Sahnanticenscs, disp. II, dub. ix; et parmi les contemporains, Billot, De Dco uno, th. χτπ, corollarium; Tab ar elli, De Dco uno, p. 303 sq. ; Jannssens, op. cil., p. 434; Van der Mecrsch, De Deo uno et Irino, Bruges, 1917, n. 304. Dans l’autre école, Sua­ rez, op. ciL, c. xx ; Mazzclla, De Dco créante, n. 820 sq. ; Pcsch., op. cit., n. 81 ; Piccirelli, De Dco uno ct trino, Naples, 1902, p. 318 sq.; 393 sq. — Nous ne faisons qu’indiquer une opinion moyenne, jadis assez en faveur même, près de certains thomistes : l’essence divine pourrait être vue dans l’acte de vision intuitive sans verbe mental créé; mais, en fait, cc verbe créé existe. On cite, parmi les principaux tenants de cette opinion Capréolus, Sylvius, S. Bonaventure Scot, Syl­ vestre de Fcrrare, Vasquez ct Molina. Voir les réfé­ rences dans les Salmnnticcnscs, loc. cil., § 2. Les autres thomistes font valoir, à l’égard de l’espèce expresse représentative de l’essence divine, les mêmes argu­ ments d’impossibilité qui militent contre l’espèce impresse* Le fini ne peut représenter l’infini. Et, d’autre part, Ils affirment qu’une opération de rintclligoncc n’aboutit pas nécessairement à la production d’un verbe créé. Toute diction de verbe, est une intel­ lection, mais la réciproque n’est pas vraie, dès là que l’essence divine, par sa transcendance même, supplée le verbe créé. 3. Conclusion.— On peut condenser en quelques mots toute cette théorie psychologique de la vision intui­ tive. «Dans tout acte d’intellection,écrit Mgr Jannssens, loc. cil., p. 429, on doit distinguer trois choses : l’espèce impresse, la faculté agissante, et le terme de son action... Dans la vision Intuitive, Dieu lui-même joue le rôle d’espèce impresse en sc présentant à l’intelligence; Dieu fortifie la faculté, en lui rendant possible la réception même de cette présence divine; Dieu, en tin, vu en lui-même est le terme de l’action du voyant. Seule la lumière divine, fortifiant ct éle­ vant la faculté est quelque chose de créé en dehors de Dieu. · Toute explication qui tendrait à substituer à l’essence divine une espèce ou un verbe créé, repré­ sentatifs dedica lui-même, que cette explication se présente d’une façon absolue, ou d’une manière sim­ plement hypothétique (comme chez ceux qui n» l'envisagent qu’au point de vue de la puissance absolue de Dieu) est une explication entachée de rationalisme, Λ laquelle on peut appliquer l’apprécia­ 23S0 I tion portée contre l’hypothèse suarézlcnnc par M. Mahieu, Suarez, Sa philosophie cl les rapports qu'elle a avec sa théologie, Lille, 1921, p. 221 : « Ccttc théorie atténue sensiblement la difference entre la vision bèatiflquo et la connaissance surnaturelle que l’on peut avoir de Dieu ici-bas. Au fond, elle ne met entre l’une ct l'autre qu’une différence de degré et ceci au préjudice de la vision bèatiflquo qui n’est plus avec la même rigueur une vision puisqu’elle n'atteint Dieu que par l’intermédiaire d’une species et que laspedes n’est jamais qu’une imago imparfaite de l’objet. Dam ce système, les expressions scripturaires qui concernent la connaissance des bienheureux sc Vérifient moins exactement : nous ne voyons pas Dieu précisément « comme il est, » < face à face »; nous ne le voyons pas comme il sc voit hü-mème; nous n’avons pas avec lui cette similitude dont parle saint Jean; nous n’avons pas cette < participation à la nature divine », c’est-àdire Λ la manière d’opérer de Dieu dont parle saint Pierre : car la nature c’est l’essence comme principe d'opération. Et il devient moins aisé de répondre à ceux qui, pour nier la possibilité de la vision bèatiflquo, objectent que Dieu dépasse la capacité de l'intelli­ gence créée, si élevée qu’on la suppose par les dons sur­ naturels, tandis que dans le système opposé, la con­ naissance revêt un caractère tout particulier : l’objet connu n’entre pas dans le connaissant pour se rapetis­ ser à sa mesure; c’est au contraire le connaissant qui se hausse jusqu’à son objet. » V. Objet. Ie O b(et principal ; Dieu, lui-même, tel qu'il est. - Cette détermination de l’objet principal de la vision intuitive résulte des définitions mêmes de l’Église : vident divinam essentiam, dit Benoit XII; et, plus explicitement encore, intueri clare ipsum Deum trinum ct unum, dit Je concile de Florence. Atteignant par la vision Intuitive l’essence divine telle qu'elle est en elle-même, les élus ne peuvent pas ne pas en con­ naître ct les attributs et les relations subsistantes.qui s’identifient dans la réalité avec cette essence. < Il ne faudrait pas s’imaginer, écrit avec raison le P. Terrien, op. cil., 1. IX, c. îv, p. 170, que Dieu puisse sc montrer h qui le contemple, à demi, comme par fragments. 11 est l’unité pure : par conséquent, le voir, c’est le voir tout entier >. Et c’est à dessein que le concile de Flo­ rence définit que Dieu sera vu, non seulement dans son unité, mais encore dans la trinilé adorable des personnes. Et pourtant, une formule si simple donne lieu à deux graves controverses dogmatiques ct à plusieurs dis­ cussions théologiques. Il faut nous arrêter sur les premières et signaler tout au moins les secondes. 1. Première controverse dogmatique : incômpréhensibilité divine ct vision intuitive. — Il est de foi que Dieu est incompréhensible, cf. concile de Latran de G49, can. 1; IVe concile de Latran, can. Firmiter; concile du Vatican, sess. I II,c. i ; Denzinger-Bannwart, n. 254, 428, 1892. Le terme latin comprehendere a deux significations. Il peut être employé tout d’abord, dans un sens général, pour exprimer la connaissance Intuitive, par opposition à la connaissance médiale, abstraite ou Indirecte. En cc sens, les élus admis à la vision béat Ilique, sont dit comprchcnsores. Mais II peut être employé S. Bernard, De consi· deratione, 1. V, c. ι, η. 1, P. L., t. clxxxii, col. 7; Terrien. La grâce et la gloire, 1. IX, c. îv, p. 176-177. Voir aussi Monsabré, Exposition du dogme catholique, 1889, 100* conférence. On trouvera de longs dévelop pements dans les Salmanticenses, op. cit., disp. VII, dub. v. Avant dc terminer, il convient cependant de faire observer qu’en raison même de ccttc transcen­ dance divine, plus la connaissance est extensive, plus elle est intensive; parce qu'à une somme plus grande dc créatures possibles ou réelles connues en Dieu cor­ respond nécessairement une connaissance plus pro­ fonde dc la divinité. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. x. a. 2. 3. Quelles réalités les bienheureux connaissent-ils, par la vision intuitive dans Γessence divine. — 11 ne s'agit pas ici évidemment des réalités divines, attri­ buts et personnes, dont la connaissance est certaine­ ment l’objet dc la vision intuitive, voir plus haut, col. 2386. La question ne concerne que les réalités distinctes de Dieu, mais connues dans l’essence divine, en vertu même de la vision intuitive. 11 est assez diffi­ cile dc tracer rigoureusement la théologie d'un pro­ blème si difficile et qui échappe à nos moyens actuels dc raisonnements. On peut cependant poser deux prin­ cipes certains : 1® Jamais aucune créature, pas même l'humanité sainte dc Notre-Seigneur n’arrivera à con­ naître en Dieu tout cc que la toute-puissance pourrait réaliser en dehors dc lui : car, il serait tout un dc con­ naître en Dieu tous les êtres possibles, ct dc < com­ prendre > la toute-puissance c’est-à-dire la perfection infinie dc Dieu; 2· Mais, d’autre part, il n'est pas moins indubitable que chacun des élus contemplera, dans la lumière divine, toutes les choses existantes qui Γintéressent, tout cc qu'il pourra légitimement désirer savoir. On cite, à cc sujet, le décret d'un concile de Paris (1528), justifiant l’invocation des saints par la considération suivante : Beatis pervium esse uniforme illud divinitatis speculum, in quo qvidquid IIMRUM INTEREST illucescat. Mansi, Conctl., t. xxxn, col. 1174 De ce principe on lire un certain nombre de conclu­ sions. 2388 n) L'âme du Christ a connu, par l’intuition de h divinité, tout l'objet de la science de vision de Dieu. Voir Jfcsvs-CinusT. Après la résurrection, tout 1'objct de cctto science pourra être connu des élus, mais non de chacun d’eux en particulier. S. Thomas, In IV Sent., L IV, dist· XLIX. q. in, a. 5, ad 12; Sum. thcol., HP,q.x,a. 2. b) Il est vraisemblable que ta vierge Marie nous a présents sous scs yeux d’une manière continuelle. < N’est-ce pas un désir bien légitime pour une mère de connaître, autant du moins que faire sc peut, tous les pas, toutes les démarches, tous les sentiments, tous les besoins de scs enfants, surtout quand ces fils sont d’un Age plus faible ct dans une condition plus péril­ leuse? » Terrien, op. cit., p. 178. Cf. La dévotion au Sacré-Cœur, Paris, 1893,1. IV, c. îv, p. 311 sq. c) Pour les élus en général, nous pouvons les consi­ dérer soit en tant qu'ils sont appelés à la vie surnatu­ relle, soit en tant qu’ils font partie du monde créé, soit en tant qu’individus particuliers. — a. En tant qu'appelés à la vie de la grâce, les élus devront con­ naître les mystères de notre foi qu'ils ont crus en cette vie. La vision ne peut être inférieure à la foi. Ainsi tout ce qui concerne l’Église comme société surnatu­ relle, l’économie ct l'efficacité des sacrements, la pré­ sence réelle de Jésus dans ΓEucharistie, les voies admirables de la Providence par rapport à leur propre salut ou au salut des êtres qui leur sont chers, tout cela sera connu d’eux dans la vision dc Dieu. Nous ne parlons pas évidemment des mystères concernant la vie intime de Dieu, ces mystères appartenant à l’objet principal dc la vision intuitive. — b. En tant qu’ils font partie du monde créé, les élus connaîtront des merveilles de ce monde cc qui leur sera utile pour accroître leur amour ct leur reconnaissance envers le créateur. Il est assez difficile dc dire avec précision jusqu’où s’étendra cette connaissance : jusqu’à la satiété du désir naturel, pouvons-nous répondre avec saint Thomas, Sum. thcol., 1% q. xn, a. 8, ad 4 ; Cont. Gent., L III, c. j.ix. - c. En tant qu’individus parti­ culiers, les élus connaîtront soit dans Ja vision intui­ tive, soit par des révélations particulières, tout cc qui peut les concerner dans leur propre personne ou dans leurs affections ct leurs œuvres. Beau thème dc con­ solation pour ceux qui pleurent des personnes chères·. • Mourant dans la paix du Seigneur, elles nous quittent pour un temps; mais grâce à l’éternelle extase où les jette la vue toujours présente dc leur Dieu, nous ne sommes pas absents de leur pensée, puisque, suivant la mesure que le demandent et notre propre intérêt ct le plein rassasiement de leurs désirs, elles nous voient dans le miroir Infiniment clair de la lumière divine. > Terrien, op. cit., p. 178-179. C’est aussi en vertu de la règle que rien de ce qui les intéresse person­ nellement n’échappera aux élus, (pic saint Thomas assure que 1rs saints du ciel ont en Dieu l'intuition immédiate des prières que nous faisons monter vers eux, comme aussi des honneurs que nous rendons à leurs glorieux mérites. Sum. theol., Il* II·®, q. i.xxxm, a. 4, ad 2; Suppl., q. i.xxn, a. 1; In IV Sent., 1. IV, dist. XII, q. n. a. l,q. u,etc. C'est en vertu du même principe que les théologiens accordent aux bienheureux une connaissance spéciale relative aux œuvres aux­ quelles ils sc sont intéressés sur terre. Voir Gloihe, col. 1107-1108. A consulter sur ce point spécial, Sua rez, op. cit., c. xxvm; Lesslus, Dc summo bono, I. IL c. x; Gonet bu rit., a. 7t J '1 ; Jean de Saint-Thomas, disp. XV. v .·. n Hi-la; et, parmi les auteurs contentpoi in -, LV/r i n, foc. < it ; Monsabré. loc. cit.; Mgr Chol­ let I a pv/rhologie des élus, Paris, 1900, c. vi, sq. 4 ( ommrni la même < enrr peut-elle produire des c» n iîsj r' «/ c- cht·: l^i itu'? Nous avons déjà l huai rr de gloire, parilcipéc d’une façon plus 2389 INTUITIVE (VISION) ou moins intense, est hi cause dc visions plus ou moins parfaites. L'essence divine reste évidemment la même pour tous les élus; mais cil»· est vue selon les exigences de la lumière dc gloire propre à chacun des élus. Et cette lumière dc gloire infusée par Dieu sc diversifie, scion la volonté de Dieu, conformément à l’état dc chacun d'eux, c’est-à-dire à leur charité tout d’abord, mais aussi aux situations diverses dans lesquelles les élus ont manifesté leur charité ct acquis des mérites pour le ciel. Cf. . Dc quelque côte qu’on regarde cet acte de vie, soit qu'on le considère en lui-même, soit qu’on en examine Je principe ct l’objet, on ne trouve rien qui donne l’idée dc succession, rien même qui rappelle la possibilité du changement. Voir dans saint Augustin un admirable développement sur la félicite immuable du ciel, là où < nos pensées ne voltigeront plus, passant d'un objet à l'autre, et revenant sur cc qu'elles ont quitté : un coup d'œil embrassera tout notre science. » De Trinitate, 1. XV, c. xvî, P. L., t. xua, col. 1079. Mais précisément si l’acte de vision est, comme le dit saint Thomas, « un Instant qui ne passe ni ne s'écoule >, Cont. Gent., I. Ill, c. lxh, cet acte demeure éternelle­ ment Identique à lui-même ct ne comporte, à propre* ment parler, pour les élus, aucun progrès dans la con­ naissance des perfections divines. Il y a là une vérité sur laquelle il est bon d’insister en face dc certaines descriptions du bonheur étemel, où l’imagination a plus dc part que la raison théologique. « S'il faut en croire certains auteurs. Dieu ne s’arrêtera pas dans la manifestation qu’il fait dc lui-même à scs élus. Con­ templant sa face adorable. Ils ne cesseront d’y décou­ vrir des perfections nouvelles; ct, leur amour croissant à proportion de la connaissance, cc sera le progrès continu, le progrès indéfini dans la béatitude, sans autres limites que celles dc l’éternité. Deux conside* rations, l’une tirée de la nature de Dieu, l'autre, de celle de la créature Intelligente, leur paraissent déci» sives en faveur de cette opinion. Dieu ne serait pas le souverain bien, s'il ne tendait à se répandre... D’autre part, la nature créée ne peut se contenter d'une félicité qui serait toujours la même. Une vie sans progrès ct comme immobilisée ne peut être la vie parfaite; car la vie c'est le mouvement... » Mais ccs raisons sont loin d'être concluantes. < Au ciel, c'est l'ctat de l’homme pariait....Dès le premier abord, le voyant a mis dans son regard toute l'énergie, toute l'ampleur dont le jugement de Dieu l’a rendu capable. Pour étendre le champ dc Ja vision, il faudrait un accroissement dc grâce sanctifiante, un perfectionnement dans la lumière dc gloire : car l'acte est adéquat à son prin­ cipe. La flèche est entrée dans l’océan de lumière aussi loin que Ja portait la poussée de l'amour, cl cet amour lui-même n’augmente pas, puisque les élus sont arrivés au terme. Du reste, les prodigalités dc Dieu, loin de s’arrêter, continuent plus que jamais à couler à flots : car cette splendeur de gloire, il la conserve; ccttc per­ fection suprême de la connaissance, elle est constam­ ment de lui ...Vainement nous objectez-vous encore qu’une vie sans mouvement n’est pas une vie. Je l’avoue, pus de vie sans mouvement; mais avouez, à votre tour, que le mouvement qui fait Ja vie par­ faite, n’emporte avec lui ni changement, ni succession, ni progrès, puisque tout cela n’est autre chose que le 2'291 INTUITIVE (VISION) piissagc dc la puissance à l’acte, ct suppose l’imper­ fection même de la vie. S’il y a une vie souveraine­ ment pleine ct souverainement parfaite, c’est bien la vie divine, Dieu lui-même étant sa propre vie. Mou­ vement infiniment parfait, parce que c’est un acte infi­ niment pur; mouvement infiniment immobile, puis­ qu’il est l’éternel ct l’immuable par excellence. L’immo­ bilité du cadavre, c’est la totale privation dc la vie; l’immobilité dans la contemplation dc la beauté suprême en est la possession la plus complète. Donc, pour conclure, la vie des élus sera d’autant plus par­ faite qu’elle sera moins mobile, moins changeante, et moins progressive >. Terrien, p. 188-192, La grâce et la gloire, t. n, cf. Monsabré, op. cil.,2· point ; S. Tho­ mas, Cont. Gent., 1. Ill, c. lxii. En conséquence dc cc principe, il ne peut y avoir d’accroissement dans la» gloire substantielle, voir Gloire, col. 1115. Cet accroissement, en effet, ne pourrait provenir que d’un accroissement dc lumière de gloire : mais, l’âme arrivée à son terme, ne peut plus mériter, ni par conséquent accroître la grûcc qui est en elle, ct la lumière dc gloire proportionnée à cette grûcc. Autre conséquence, tout cc que les élus voient dans Je Verbe formellement, c’est-à-dire en raison même dc la vision béatifique, ils le voient d’un seul acte, simultanément et non successivement. Cela résulte de la notion même d’acte éternel qui est essen­ tielle à l’acte dc vision. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I·, q. xn, a. 10, ct les commentateurs dc cet article. Mais les vérités connues par les élus en dehors de la vision intuitive, par des révélations spéciales et des espèces infuses, peuvent être connues successivement. Cette connaissance n’est plus réglée par l’éternité, mais par Vœvum, S. Thomas, id., ibid.;Cont. Gent., 1. ill, c. ux. 3° La vision principe d’impeccabilité. — La grâce et la charité, considérées dans l’état présent, sont réglées par la foi; mais dans le ciel, elles seront réglées par la lumière de gloire ct la claire vision dc Dieu. Aussi, tan­ dis qu’ici-bas, leur mesure est le temps, qui leur fait partager les imperfections du sujet dans lequel elles se trouvent, et les expose aux changements inhérents à cet état d’imperfection, changement en bien, accrois­ sement, ou en mal, perte totale; dans l’autre vie,leur mesure est l’éternité. Cette raison métaphysique, jointe à la raison morale dc l’attachement indéfectible de la volonté parvenue à sa fin suprême, démontre l’Inainlssibilité dc l’état dc grâce et dc charité dans l’autre vie. La gloire entraîne l’impcccabilité. Voir 1 ' peccari u té, col. 1275. 4® La vision intuitive, inamlssible. — C’est le même principe qui détermine cette conclusion. La lumière de gloire, étant réglée par l’éternité, ne peut dispa­ raître dc l’âme glorifiée. Comment d’ailleurs concevoir la disparition de la lumière de gloire? Forme spiri­ tuelle, elle n’est pas naturellement sujette à la corrup­ tion. Forme spirituelle reçue dans l’âme spirituelle, elle n’est pas appelée à disparaître par la disparition de son sujet. L'annihilation par Dieu serait un acte contraire à la sagesse, à la Justice, à la bonté divines ct tout à fait en dehors des voies dc la Providence. Quant à la possibilité dc pécher de la part de l’âme, nous venons dc voir qu’on ne saurait envisager cette hypothèse. Il ne se peut donc jamais faire que la vision intuitive, réglée par la lumière dc gloire, soit enlevée à celui qui en jouit. Tout autre serait la condi­ tion de l’âme, appelée à jouir de la vision dc Dieu par un acte transitoire, réglé non plus par la lumière de gloire, mais par un secours actuel, tel que Dieu l’ac­ corda peut-être à la vierge Marie et à saint Paul. Cet acte serait concédé d’une façon miraculeuse et prêlernaturcllement, même par rapport à la condition d’un juste encore sur terre. Voir ci-dessus et Sum. theol , IP 11«. q. clxxv, a, 3; Cont. Gent.. 1. Ill, c. lxii. 2392 5° La vision intuitive, source du bonheur des élus. Considérée par rapport au bien suprême qu’est Dieu, ct dont la possession marque la béatitude de l'homme, la vision intuitive est ά la base et au principe même de cette possession; elle en est même, dans l’opinion tho­ miste, l’élément essentiel, et formel. Voir sur ce point déjà traité, Béatitude, t. n, col. 50G; Gloire, t. vi, col. 1395-1401. Considérée par rapport aux désirs que peuvent avoir les élus et dont la béatitude parfaite doit apporter la satisfaction complète, la vision intui tive est la source et Je principe dc cette satisfaction. Saint Thomas a admirablement exposé cette vérité dans le Cont. Gent., 1. ill, c. lxiïi, Cf. Sum. theol., 1», q. XXVI, a. 3-4. La raison prendra pleinement cons­ cience de sa force : dans son union avec Dieu, elle trou­ vera une satisfaction bien plus haute que celle des honneurs et des louanges d’ici-bas. La gloire qu’elle retirera de ccttc sublime intimité dépassera toute gloire humaine; ct la suffisance du bien éternel lui fera oublier les richesses terrestres. La délectation de h volonté, mise en possession du bien suprême, sera pour l’élu de Dieu une jouissance bien plus affinée ct bien plus appréciée que les jouissances grossières des sens. La certitude de posséder la vie, d’une façon défi­ nitive ct au plus haut degré où la vie peut être pos­ sédée, couronnera cet état de béatitude parfaite. Et, loin que la privation momentanée du corps affecte l’âme encore séparée, cette privation deviendra, grâce à la vision intuitive, une source de joie par la certitude qu’aura l’âme de se réunir au corps dans une résur­ rection glorieuse. D'ailleurs, Vatlenle n’existe pal au ciel : la gloire est la vie éternelle; la vision béatifique est toute en un acte, toujours identique, perpétuelle­ ment présente· Le corps ressuscité lui-même n’appor­ tera aucun changement substantiel à cet état dc satis­ faction de tous les désirs. 11 n’aura plus en effet d’appé­ tits se manifestant dans un sens différent dc celui qui est réglé par la vision bienheureuse; parlant, plus dc désirs déréglés ct plus de désillusions. Tous les actes de la vie céleste seront réglés par la vision intuitive. Et c’est ce qui fait qu’aucune peine, aucune douleur ne sera possible. La vision intuitive, faisant connaître aux élus la souveraine vérité ct le souverain bien, toute connaissance, même reçue en dehors dc la vision, par révélation particulière ct par espèces infuses, sera nécessairement accueillie con­ formément aux exigences de la souveraine vérité et du souverain bien. C’est sous l’angle dc la justice, dc la miséricorde, de la bonté, ct des autres perfections divines, que les élus apprendront, sauront, jugeront, apprécieront tout. 11 n’y a donc point à craindre de jalousie ou de tristesse, parce qu’il y aura beaucoup dc demeures dans la maison du Père, aucune peine, aucun regret, parce qu’il y aura des manquants à l’appel de Dieu, ou que ccs manquants souffriront et expieront. « Bien ne viendra troubler cette douce ct pacifique intimité : ni le regret des éternels absents, ni la compassion de notre amour dont ils sc sont rendus indignes en outrageant, par un volontaire renonce ment, le Dieu qui a (ait de nos pensées ct dc nos sen timents les pieux esclaves de scs sages desseins ct dc ses justes volontés. » Monsabré, op. cit., 2· point. Cf. Sam. theol., Suppl., q. xcv. Le ciel, réglé tout entier par la vision intuitive, même ct jusque dans les biens qu’apporte, en dehors de cette vision, la gloire acci­ dentelle des élus, sera vraiment la réalisation parfaite de la paix. H tranquillité dans l’ordre : Cœhs/i urb Jerusalem, beata pacis visio... < ΙνηφΚΓΐ d ns It bibliographie, lout d’nbord les is auxquels il convient dc so rêlércr, didactiques des meilleurs common •ι n omr igi . plu* actuels où la docu a n < q «je bonséclaircissements. 2393 INTUITIVE (VISION) - 1· S. Thomas : Summa theologica, 1·, q· xn; q. lvî, n. 3; q. lxii, n. 7; q. xosttio in omnes S. Pauli epistolas, I Cor., xm, Icct. m, ïv; II Cor., v, lect. n; xn, lect. i, n; Compendium theologia- (édit. Panne, opusc. i), pars I, c. civ-cvn, cxlix, cl, clxiii-clxvi, ccxvi; pars II, c. vm, ix ; In symbolum Apostolorum, (opusc. vn), a. 12; In lib. Doelit dc Trinitate (opusc. i.xm),q. i, n. 2; q, vx, n. 3. Cf. Dr natura bealiludinls, question éditée par le P. Mandonnet, Revue thomiste, 1918, p. 366-371. 2· Pour la partie positive, Petau, Theologica dogmata, t. î, Bar-le-Duc, 1861, De Dro Delque proprietatibus, I. VII entier; ci. édition Passnglia-Schrader, Home, 1857; Thornassin, Dogmata theologica, t. 1, Paris, 1864, De Dca Deiquc proprietatibus, I. VI, entier. - - Commentateurs dc saint Thomas : Cnpréolus, Libri defensionum theologiie divi doctoris Thoma· de Aquino tn libros Sententiarum, I. TV, dist. XLIX, Tours, 1908, t. vu; Cajétan, Commentarii fn 7*“ partem Angelici doctoris D. Thomar, Padouc, 1698, q. xn ; Summa cont. Gentes... cum commentariis Sylvestri Ferrariensis, Lyon, 1617,1. HI, c. l-lxiii ; Bancz, Scholastica commentaria in Z*m partem angelic! doctoris D. Thomar, Douai, 1614, q. xn; Jean dc Saint-Thomas, Cursus theologicus, t. i, Paris. 1870, tr. I, q. x, disp. X, a. 1 ; q. xn, disp. 1-VII; Gonct. Clypeus theologtar thomisticic, Paris, 1875, t. I, tr. IT. disp. I-Vl; Salmanticenses, (Antoine tic la Mère de Dieu), Cursus theologicus Paris, 1870, t. i. tr. II, disp. I-VIl; Gotti, Theologia scholasllco-dogmatica juxta mentem D. Thoma· Aquinatis ad usum discipulorum, Venise, 1783,1.i, In partem Diui Thomn·, tr. 111 ; Billuart, Summa S. Thoma·, hodiernis academiarum moribus accommodata, Paris, 1878,1.1, Tractatus de Deo, dissertatio, IV, n. 1-11; Brennus. Opera omnia, Mayence, 1619, tr. T, c. ix; Sylvius, Commentarii in totam Pm partem S, Thomn* Aquinatis, Anvers-Paris, 171 l.q. xn; Sunrcz, Tractatus dc divina substantia cjusque attributis, 1. If, De attributis negativis Dei, c.v-xxx,dans Opera omnia, Paris, 1856, t. i, p. 58-181; L. Lessius, Opuscula, Anvers. 1626, De summo bono» L 11, c. x-ix ; Vasqurz, Commentarii ct disputationes In parfont S. Thomtr, 1.1, Lyon. 1700, disp. XXXVI-LVI; Molina, Commentaria in primani Divi Thomar, Venise» 1594, q. xn; Ysambrrt, Disputationes in primam partem S. Thonuv, Paris, 1643, q. xn, disp» I-X; De Lugo, Opera omnia, Venise, 1718; tr. iv. De mysterio incarnationis, disp. XIX; Didace Buyz de Montoya, Com­ mentarii ac disputationes. De scientia, de ideis, de veritate ac dc Dita Dei, Paris, 1629, disp. VI (spécialement sur rincompréhcnslbilité), Cf. Fnisscn, Scotiis acudtmicus, 1.1, Home, 1720, tr. I.disp. Ill, a.7,8. On consultem aussi, en plus dc ccs grands nutcurs, les manuels modernes de théologie, soit nu traité De Deo uno, soit nu traité De novissimis, do La fosse (Cursus dc Mignc). Liebermann, Knoll, O. M., Stentnip, S. J., Kilbcr, S. J. (Wirccburgenscs); Perrone, S. J., Satolli, II ont helm, S. J., Franzclln, S. J.,Tcpo, S. .L, J'inig. Klcutgcn, S. J., Hurter. S. J., Palmieri. S. J.. Billot. S. J.. Pesch» S. J.. Piccirclli, S. J., Bu on pondère, O. P., do Munnynck, O. P., Prcvel, SS. CC., Lépiclcr, S. M., Tabarelli, Hugon, O. P., Van der Mccrsch, Tanqucrcy, S. S.» et les commentaires plus déve­ loppés de Mgr Jnnnssens, Summa Theologica, 1.1, Fribourgcn-Brisgnu, 1899, et du P. Pègucs, Commenta ire littéral delà tomme théologique, t. 1, Toulouse 1907, q. χιι,ρρ. 314-373. 3e S. François do Sales, Traité de l'amour dc Dieu, L III, c. xi-xv; Monsabré, Exposition du dogme catholique, carême 1889, Paris, 1898, 100· conférence; J.-B. Terrien. S. J., La grâce et la gloire, Paris, 1897, I. IX, ct nppcndicesVII et IX. J. Soubcn. O. S. B., Nouirclle théologie dogmatique, IX, Les fins dernières, c. IV, Paris, 1906; Hugucny, O. P., Critique ct catholique, Paris, 1914, t. n, n. 108; t. ni, n. 168; 245-258; A q •cl bonheur sommes-nous destinés, dans la IRÉNÉE (SAINT) 2394 Rruue thomiste, janvier et mars 1905; HHnrlch-GutbcrJct, Dogmatische Théologie, t. x, Mûnstrr-cn-Wrstphalle. 1904, $ 629-633 ; Schechen. Dogmatique, trad, fr., Paris, 1881. t.n, S 80; t. in, § 164 ; Sch wane, II Is to ire des Dogmes, trad, fr., Paris, 1903, $ 103; D. Facchtni, Corne l beati vedranno Jddio nel clelo e conosceranno le anime compagne nella gloria, dans Ressarione, avril-juin 1912, p. 156-166; Mgr Chollet, La psychologie des élus, Paris, 1900, c. vî. A. Michel. INVOCATION DES SAINTS, voir Saints (Culte des). IRENDAEL (Chrétien d’), pseudonyme sous lequel se dissimule un groupe de théologiens et Par­ ticulièrement Joseph Navæus (t 1705.) 1. I RÉ NÉE (Saint), évêque de Lyon.— L Vie. IL Œuvres. III. Doctrine. IV. Place dans l’histoire dc la théologie. I. Vie. — 1° Lcj origines. — Tout ce que nous savons des origines dc saint Irénéc, c’est que tout jeune, παΐς ών, lettre à Florinus, dans Eusèbc, H. E., 1. V, c. xx, P. G., t. xx, col. 485, έν τη πρώτη ημών ήλικίχ. Cord, hxr., I. III. c. hl n. 4, P. G., t. vn, coL 852, il vît saint Polycarpe vieillard et recueillit scs paroles. Polycarpc mourut en 155; d’autre part, le sens élas­ tique donné par Irénéc au mot enfant, le souvenir très vif qu’il a conservé des discours de Polycarpe ct l’assu­ rance d’avoir pénétré dans sa pensée, dont témoigne la lettre à Florinus, cc qui ne saurait être Je fait d’un petit enfant, s’ajoutant Λ ceci qu* Irénéc a pu connaître Polycarpc quelques années avant la mort du vieil évêque, enfin l’afllrmation d’Irénéc que l’Apocalypse n’est pas de beaucoup antérieure à son temps, ConL h.Tr., 1. V, c. xxx, n. 3» col. 1207» tout cela invite à ne pas reculer trop avant vers le milieu du n· siècle la date de sa naissance. Peut-être pourrait-on la fixer aux environs dc 130-135. Eusèbc» H. E.> 1. V, c. v, P. G., t. xx, col. 44 I, faisant écho à la lettre à Florinus» dit qu’Irénéc entendit Polycarpe κατά την νέαν ηλικίαν. Saint Jérôme, Epist., lxxv, P. L.t t. xxn, col. 687» l’appelle vir apostolicorum temporum, ct saint Basile, Liber de Spiritu Sancto, c. xxix, n. 72, P. G., t. xxxn, col. 201, « voisin des apôtres, » expressions qui. même prises dans un sens large, ne permettent guère de dépasser le premier tiers du n· siècle. Mais Irénéc ne fut ni disciple dc saint Jean, ni l’évéque (l’ange) de Thyatirc dc l’Apocalypse, n, 18, comme l’ont supposé quelques anciens écrivains lyonnais. Cf. Massuct, Dissertationes, P. G.,t. vn, col. 175, 178. Et c’est ù tort que Dodwcil, Dissertationes in Irenieum, 111. § 10-12, p. 237-242. a voulu conclure qu’il na­ quit en 97. ou 98, du passage de la lettre à Florinus où Irénéc dit qu’il a vu Florinus, dans l’Asie Mineure, < brillant par son emploi À la cour » ct cherchant à acquérir l’estime de Polycarpc. Irénéc naquit probable ment dans cette Asie Mineure qui fut le théâtre de sa rencontre avec Polycarpe. Son nom, la langue dans laquelle II écrivit, sa culture trahissent une origine grecque. L’hypothèse d’une origine sémitique ct s\ rienno est sans fondement solide. 2° trente en Occident avant Γépiscopat. — Nous ignorons l’époque où Irénéc vint en Occident. Les Asiates étaient nombreux à Rome et à Lyon. Irénéc arriva-t-il directement ù Lyon dc l’Asie, ou passa-t-il par Rome ct y séjounia-t-il quelque temps? La evr titude manque là-dessus. Grégoire dc Tours, Hist. Franc., L 1, c. xxvn, P. L., t. lxxi, col. 171. dit, sans plus, qu’il fut envoyé ù Lyon par Polycarpc. I n texte plus récent, l’appcndlco des actes de saint Polycarpe dans le manuscrit dc Moscou (xm· siècle), dans IL1 Icmmer et P. Lcjay, Les Pères apostoliques, Paris, 1910, t. ni, p. 158, avance qu’ Irénéc, « à l'époque du martyre dc l’évêque Polycarpc, était ù Rome, où il instruisit 2395 IRÉNÉE (SAINT) beaucoup d’âmes. » La manière dont Irénée parle du séjour de Polycarpc à Rome, dans sa lettre au pape Victor conservée par Eusèbe, //. E., I. V, c. xxiv, P, G., t. xx, c. 508; cf. Cont. hier., 1. III, c. ni, n. 4, col. 853, bien qu’elle ne suppose pas nécessairement un témoin oculaire, s’explique mieux s’il s’est trouvé lui-même à Rome. Et sa dépendance de saint Justin, sur laquelle nous aurons Λ revenir, n’exige pas qu’il ait connu Justin personnellement, mais apparaîtrait toute naturelle s’il avait été à Rome au moment où Justin y enseignaiL A plus forte raison faudrait-il admettre qu’il a vécu à Rome s’il était établi qu’il eut pour disciples directs saint Hippolyte ct Caius dc Rome, ainsi qu’on l’a prétendu; mais nous verrons que rien n’est moins sûr. Irénée se montre en pleine lumière, en 177, Λ Lyon. A ccttc date, il est prêtre. Vraisemblablement il a été promu au sacerdoce par saint Pothin : Pothini episcopi, qui Lugdunensem in Gallia regebat ecclesiam, presbyter, dit saint Jérome, Dc viris illustribus,c. xxxv, P. L., t. xxm, col. 649. Les < martyrs » de Lyon, en partie originaires dc l’Asie comme Irénée, instruits de l’agitation produite par le montanisme naissant, écrivirent aux frères d’Asie ct de Phngie, parmi les­ quels le mouvement inontanistc s’était d’abord dessiné ct, en même temps, au pape ÉIcuthèrc, afin dc ra­ mener la paix dans les communautés atteintes. Ils chargèrent Irénée dc porter leur lettre à Rome. « Nous vous supplions, mandaient-ils au pape, de le consi­ dérer comme un homme tout à fait zélé pour le tes­ tament dc Jésus-Christ. · Eusèbe, JL E., 1. V, c. iv, P, G., t. xx, col. 440. Irénée s’acquitta-t-il dc cette mission? Saint Jérôme l'affirme, loc. cit.; il n’y a pas dc bonnes raisons d’en douter, ct cette absence pour mit expliquer qu’Irénée n’ait pas péri dans la persé­ cution. Rien n’autorise à soutenir, avec Valois, dans scs notes sur Eusèbe, P. G., t. xx, col. 439-440, que la mort de Pothin empêcha cc voyage, l’Église de Lyon n’ayant pas voulu se priver des lumières d’Irénée dans ces circonstances critiques, pas plus qu’à supposer, avec F. Fvuardent, De vita Jrenon, en tête de son édition de saint Irénée, Cologne, 1625, p. (ni), et P. Hallolx, De vita S. Jrcntri, dans scs Ecclesiie orientalis scriptorum viiæ et documenta, Douai, 1636, t. n, p. 437, qu’il porta également les lettres aux chrétiens d’Asie ct dc Phngie, ou du vivant dc Pothin (Fcuardent), ou après sa mort(I lalloix). Saint Jérôme ajoute qu’ Irénée, prêtre de Pothin qui gouvernait alors l’Église dc Lyon, envoyé par les «martyrs» de Lyon à Rome ob quasdam Ecclestæ quantioncs. honorificas super nomine suo ad Elculhcrum episcopum perfert litteras. Postea, jam Pothino prope nonagenario ob Christum martyrio coro­ nato. in locum ejus substituitur. P. Quesncl, Disserta­ tiones m S. Leonis Magni opera, V. c. xm, n. 12, P. L., t. lv, coi. 477-480, et Massuet, Dissert., P. G., t. vn, coi. 183-185, croient que saint Irénée alla à Rome, non seulement pour porter la lettre relative nu montanisme, mais encore pour y recevoir l’ordination épiscopale du pape ÉIcuthèrc, ct que c’cst dans ccttc vue que les « martyrs » de Lyon parlaient si avantageusement dc lui au pape ct lui demandaient « de le préférer à tous », ίχειν στ αύτύν έν παραθέσει. D’un mot Tillcmont, Mémoires, t. iu, p. 619, a montré le côte faible de l’hypothèse de Qucsncl ct de Massuet: si les Lyonnais avaient sollicité du pape l'ordination épiscopale d’Irénée, « ils auraient assurément témoigne plus clairement cette pensée, et, s’ils l’avaient fait, Eusèbe n’aurait pas manqué de le remarquer. Car, pour le mot ίχειν έν παραθέσει, je ne vois pas qu’il puisse signi 11er autre chose en cet en droit que habere commendatum, comme le traduit XL Valois.» En outre, le postea de saint Jérôme signifie manifestement qu* Iréncc partit pour Rome avec les 2396 lettres qu’on lui avait confiées pour le pape, ct qu’en suite, Pothin ayant subi lo martyre, il fut nommé à sa place, c’est-à-dire après son retour dc Rome, que Pothin ait été martyrisé après cc retour ou, chose plus probable, pendant l’absence. L’argument nils en avant par Qucsncl ct Massuet, à savoir qu’il n’y avait alors, dans les Gaules, point d’autre évêque quccchiidc Lyon, ct qu’il fallait recourir à Rome pour le sacre d’Irénée, ne porte pas. Ce n’est pas le lieu dc traiter la question ardue de l’organisation chrétienne des Gaules dans le dernier quart du n· siècle. Qu’il suffise de rappeler que, d’après unepremièreopinion,à laquelle s’cstrnngéc A. Harnack, Die Mission und Ausbrcilung des Chris­ ten!ums in den ersten drei Jahrhunderten, Leipzig, 1902, p. 319-332, il y eut plusieurs évêchés; s’il en fut ainsi, le sacre dc l’évêque dc Lyon n’eut rien dc difficile. D’après une seconde opinion, les chrétiens épars depuis le Rhin jusqu’aux Pyrénées formaient une communauté unique, avaient un seul centre ct ne reconnaissaient qu’un évêque, celui dc Lyon. Cf. L. Duchesne, Les fastes épiscopaux de Γ ancienne Gaule, 2· édit., Paris, 1907, t. i, p. 40-46. Mais, alors même qu’il serait établi que Lyon fut le seul siège épiscopal des Gaules,le texte de saint Jérôme aurait le sens que nous avons indiqué; tout ce qu’on aurait le droit d’ajouter, c’cst qu’il ne nous apprend pas comment Irénée reçut la consécration épiscopale, 3° L'épiscopat. — De l’épiscopat d’Irénée, en dehors dc la composition dc ses écrits, nous ne connaissons bien que son rôle dans la controverse dc la Pâque. Tandis que les Asiates célébraient la Pâque le 14 nisan, les autres Églises, Rome en tête, la renvoyaient au dimanche suivant. Déjà, en 154, la question avait été discutéccntre le papcAnicetet le maître d’Irénée, saint Polycarpc; ils ne purent s’entendre, mais, malgré cette divergence de vues, la paix subsista entre eux. Le débat reprit sous le pontificat dc Victor, vers 190. Le pape jugea l’heure venue d’en finir en excommu­ niant les Asiates. Irénée s’interposa. Tout en estimant, pour son compte, que la Pâque devait être célébrée le dimanche, il demanda au pape, conformement aux exemples d’Anicet ct de scs autres prédécesseurs, de ne pas rompre la communion avec les Eglises d’Asie fidèles à la tradition qu’elles avalent reçue. La crise s’apaisa, le pape s’adoucit ct les Asiates adoptèrent ultérieurement l’usage de Rome. Cf. Eusèbe, JL E., 1. V, c. xxni-xxv, P. G., t. xx, col. 489-510; le pseudo-Anatole d’Alexandrie, Canon paschalis, c. x, J9. G., t. x, col. 217. Dans son récit dc ccttc affaire, Eusèbe, citant les lettres des évêques qui prescrivirent à leurs diocésains dc fêter la Pâque le dimanche, mentionne, c. xxiv, col. 497, la lettre qu’ Irénée écrivit « au nom des frères qu’il présidait, ηγείτο, en Gaule, » c. xxm, col. 493, la lettre « des Églises de la Gaule que dirigeait Irénée, καί των κατά Γαλλίαν δέ παροικιών άς Ειρηναίος έπεσκόπει. » Cf. le pseudo-Anatole : Quæ ab Jrenieo, tune Galtiœ partis præsule, rectissime pacata esi. Qu’ Irénée ait exercé une véritable primauté sur d’au très évêques dc la Gaule ou qu’il ait été à la tête de l’unique Église épiscopale, il fut le chef «lucatholicisme gaulois. Même dans la première opinion, il n'y a pas à faire état de deux conciles, l’un (199), dc douze évê­ ques, contre Marcion, l’autre (197, ou après 199),de treize évêques, au sujet dc la Pâque, qui auraient été présidés par Irénée. Cf. J. B. Martin, Conciles et bullairc du diocèse de Lyon, Lyon, 1905, p. 3. Sur l’action épiscopale d*Irénée ù Lyon nous avons un text t udiî, dc Grégoire de Tours, JJ 1st. Franc., 1. I, c. xxvn, P. L., t lxxi, col. 171 : Dcatissimus vero Jrmtus ... admirabili virtute enituit, qui, in modici témoins spolio, pricdtcatione sua maxime in integro cii itaL n eddidit clirhltanam. Ce chapitre ne figurait 2397 IRÉNÉE (SAINT) pas dans la première rédaction. Cf. Grégoire de Tours, Histoire des J runes, texte des manuscrits de Corbie ct dcBruxelles, publié par IL Omont cl G. Collon,2· édit, par H. Poupardin, Paris, 1913, p. vi, 20. Les Actes des saints Félix, prêtre, Fortunat ct Achllléc, diacres, fondateurs dc l’Église dc Valence, Acta sanctorum, 3· édit., Paris, I860, avril, t. in, p. 99-101, ct ceux des saints l’erréol, prêtre, et Fcrrucion, diacre, fonda­ teurs de celle de Besançon, Acta sanctorum, 3· édiL, Paris, 1867, juin, L xv, p. 6-7, donnent ces saints pour des disciples cl envoyés d’Iréncc. Quoi qu’il en soit dc l’exactitude historique des détails que présentent ces documents, qui ne sont pas de tout repos, nihil tamen est, dit Massuet, Dissert., II, a. 1, n. 18, P. G,, t vn, col. 191, quod de missione sanctorum illorum dubitationem movere queat, cum mai ime consentientem habeamus carum ecclesiarum traditionem. Plus énigma­ tique est le saint Clément, prêtre de Lyon, qui aurait été aussi disciple d* Irénée. Cf. Acta san torum, 3· édit., Paris, 1863, janvier, t. n, p. 616. Les saints Félix, For­ tunat ct Achilléc, que le pseudo-Flavius Dexter, Chronlcon,an.255, P. L., t. xxxi, col.379-380, dit en­ voyés par Irénée Λ Valence dc Portugal, in Lusitania urbe Vectonum Valentia, et que d'autres disent envoyés Λ Valence d’Espagne, cf. la noie de l’éditeur, col. 380381, ne sont évidemment qu’une réplique des trois saints de Valence dc France. Cf. T. Raynaud, Hagiologium lugdunense, 2e édit., Lyon, 1662, p. 61. -1° Le martyre. — Il n’y a pas à s’arrêter au dire de Jean Fisher, évêque dc Rochester, De veritate corporis ct sanguinis Christi in eucharistia, 1. IV, c. xxr, Cologne, 1527, fol. 108 a, qu’Irénéc sievienlibus arrianis(s\c) oculum alterum amisit paratus etiam pro fide Christi mortem subire quantumvis molestam. Mais des textes plus graves qualifient Irénée dc martyr. Sans parier des martyrologes historiques du ιχ· siècle cl de leurs dérivés, ni de certains textes se rattachant au martyrologe hiéronymlcn, tel celui que donne Massuet, Dissert., II, a. 1, n. 30, P. G., t. vu, col.205, ni des Actes du saint, cf. trois rédactions dc ces Actes dans les Acta sanctorum, 3· édiL, Paris, 1868, juin, t. vu, p. 699-701, qui ne sont pas antérieurs au vu· siècle ct que Ruinart a exclus dc son recueil, cf. ses Acta martyrum, Ratisbonuc, 1859, p. 118, nous avons trois témoignages Intéressants. L’un est de Gregoire dc Tours, Hist. Franc.,}. l.c.xxvu, P.L.,l. lxxi,col. 175, cl Miraculorum, 1. I, Dc gloria martyrum, c. u P. L., I. lxxi, col. 752; un autre du pseudo-Justin, Respon­ siones ad orthodoxos, cxv. P. G., t. vi, col. 1361 (du iv* ou du v<’siècle); le troisième dc saint Jérôme, Comment, in Isaiam, I. XVII, c. lxxv, P. L., t. xxiv, col. 623. En dépit dc ces textes,divers historiens, entre autres DodxwW. Dissertationes in Irtnwum,ll I, §21-23, Oxford, 1689, p. 259-267, et B. Aubé, Les chrétiens dans Γcm· pire romain dc la fin des Antonins au milieu dut//9 siècle, Paris, 1881, p. 97-105, ont rejeté le martyre d*Irénée. Ils arguent du silence de Tcrtulllcn, dc saint Hippo Ivte, dc saint Épiphane, surtout d*Eusèbe si attentif à recueillir les noms des martyrs illustres. Iis notent quo les meilleurs manuscrits du Martyrologium hiero· nyndanum, édit. J. B. do Rossi et L. Duchesne, Acta sanctorum, Bruxelles, 1891, novembris t. n a, p. (83), portent seulement : llcrenei episcopi, cum ahis. Cf. L. Duchesne, dans le Bulletin critique, Paris, 1886, t. vu, p. 329; les Analecta bollandiana, Bruxelles, t. xm, p. 167. Et ils écartent les témoignages dc Gré­ goire dc Tours, dc saint Jérôme, du pseudo-J us tin. Celui de Grégoire, disent-ils, est ruiné par une erreur grossière : il brouille si bien l’ordre chronologique que, après avoir distingué le massacre dc 177 dc celui où succomba Irénée, il place après la mort d’Irénéc celle dc quarante-huit des martyrs dc 177. Saint Jérôme ne souffle mot du martyre d’Irénée dans le De vins 1 2398 illustribus, où il lui consacre une notice; l’appellation dc « martyr > se trouve dans ses commentaires sur Isaïe, où il ne mentionne Irénée qu’en passant, cl il y a des chances pour que les mots et martyr, ajoutés en marge par un lecteur, aient glissé de là dans Je texte. Cf. G. Cave, Scriptorum ecclesiasticorum historia litteraria, Bâle, 1741, t. i, p. 67. Lc pseudo-Justin a écrit trop tard pour inspirer confiance. Si impressionnants qu’ils soient, ces arguments ne forcent pas la conviction. Le pseudo-Justin, qu’il ait écrit au iv· ou au v« siècle, s’il ne fournit pas une preuve décisive, n’est pas né­ gligeable. Saint Jérôme ne dit pas, dans le De viris illustribus, qu’Irénéc ait été martyr; il ne le dit pas non plus dc saint Clément ct dc saint Hippolyte. Ma s cc qu’il n’a pas fait pour ces derniers dans cet ouvrage, 11 l’a fait ailleurs, pour saint Chinent à travers une citation dc Bu fin, Apologia adversus libros Ru fini, 1, II, c. xvn, P. L., L xxm, col. 439, et, pour saint Hippolyte, dans le commentaire sur saint Matthieu, prol., F. L., t. xxvi, col. 20, postérieur ct dans une lettre nu pape Damasc, Epist., xxxm, P. L., t. xxn, col. 4G0, anterieure au De viris illustribus. Pourquoi n’aurail-il pu omettre la mention du martyre d’Irénéc dans le De viris illustribus ct l’inscrire dans le commcn taire sur Isaïe, qui lui est postérieur d’une vingtaine d’années? Dans 1* Adversus Helvidium, c. xvn, P. L·, t. xxm, col. 201. Jérôme allègue Jgnatium, Polycarpum, Irenn-um, Justinum martyrem. Qu’est-ce à dire? Que seul, des quatre, Justin a été martyr? Jérôme sait bien que non, ct, dans le De viris illustribus, c. xm, xmi, col. 635, il parle du martyre d’Ignace ct dc Polycarpc. L’argument e silentio demande, pour être probant, des conditions qui ne sc réalisent pas danslc cas pré­ sent. Dc mime en cc qui regarde Eusèbe. Son silence est difficile ù expliquer; mais ne sc tait-il pas sur le martyre dc saint Hippolyte, qu’il nomme à plusieurs reprises? Le Martyrologe hiéronymlcn n’omet pas seulement pour Irénée, mais encore pour un certain nombre dc martyrs indiscutables, l'indication du martyre. Cf. L. Lévêque, Lc martyre de saint Irénée, dans La science catholique, Paris, 1892-1893, L vu, p. 799-800. Enfin, la phrase qui place après celle d*Irénée la mort dc quarante-huit victimes dc la per­ sécution de 177 sufflt-cllc ù vicier à fond le témoignage dc Grégoire dc Tours? Elle prouve seulement que Grégoire, qui avait sous les yeux, d’une part, la rela­ tion des événements de 177, cl, d’autre part, un récit de la mort d’Irénéc. a interverti maladroitement l’ordre des faits. Encore pourrait-on sc demander si l’anachronisme ne serait pas dù plutôt à la maladresse d’un copiste» car Grégoire fournit le moyen dc corriger l’erreur en donnant ailleurs ù sa vraie place la liste des compagnons de martyre de Pothin. CL Miraculorum, 1. 1, De gloria martyrum, c. xux-L, col. 751-752. Bref, conclut P. Allard, Histoire des persecutions pendant la première moitié du Ht· siècle, Paris. 1886, p. 156-157, < si tous les doutes ne sont pas leves ndatlvcment au mari) re d’Irénéc, cependant on a de fortes raisons d’y croire. » D’après P. Allard également, p. 157, selon toute apparence, cc martyre est du temps du séjour de Sévère en Gaule, en 208. La donnée du fragment syriaque publie par I ïarvey, dans son édition d’Irénée, Cambridge, 1857, t. n, p. 451, d’après laquelle, il au­ rait été tué par les hérétiques, mérite peu dc confiance. Peut-être a-t-elle son origine dans une erreur dc co­ piste (pii, là où il y avait : < Irénée, qui tua, c’est-à-dire vainquit, détruisit les hérétiques, > aurait écrit : · qui fut tué par les hérétiques. · Cf. A. Harnack, Geschichte der altchndlichcn Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1897, t. χία, p. 322, n. 2. Travaux D'r.Nsr.Miux. — Il y a toujours Heu dc consulter sur Irénée les ouvrages très généraux sur l'histoire ancienne dc l’Église ct l'nncicnne littérature chrétienne et sur- 2399 IRÉNÉE (SAINT) tout : THIcmont, Λ fémoircs... etc., Paris, 1695, t. m, p. 77-90, 619-629; EUlcs du I*in, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastique*,3' Mit., Paris, 1698, t. î, p. 160-178; Fabri caK-Harlcs, Bibliotheca graca, t. vn, p. 75-87, t. x, p. 713 711; Oudin, Commentarius, Leipzig, 1722, t. 1, p. 266203; B. CeUller, Histoire générale des auteurs sacrés, Paris, 1730, t. n, p. 135-190; J. J. Ampère. Histoire littéraire de la France avant le Xll· siècle, Paris, 1839, t. I, p. 166 191 ; A. Harnack, Geschichte der altchristtichcn Lilteratur bis Eusebius, t. i, p. 263-288; t. n. a, p. 320 sq., 517 sq., O. Bardenhewer, Palmhgie, 3® édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1912, p. 96, sq., ct Geschichte der altkirchllchcn Litcratur, 2* édit., Fribourg, 1913, t. I, p. 399-130. Voir aussi les articles des diverses encyclopédies : .4 dic­ tionary of Christian biography, 1882, t. m, p. 253-279, (art. dc Lipsius); Kirchcnlexlcon, 2e édit., 1889, t. vi. p. 867872, (Strcbco); Rcalcncyklopàdic, 3e édit., 1901, t. IX, p. 401-411 (très remarquable article dc Zahn). Parmi les ouvrages spéciaux consacrés â Irénéc citons : P. Halloix, De vita S. 1 rena i, dans Ecclcsiœ orientalis scriptorum uita·. Douai. 1636, t. n, p. 102-691 ; II. Dodwell, Dissertationes (n Iraucum, Oxford, 1689; J. E. Grabc, Prologomena de vita cl scriptis Ircnæi,cn tète dc son édition. Oxford, 1702, reproduits dans P. G., t. vu, vol. 1351-1361; Dom Massuct, Dissertationes prœvla· in Ireniri Itbros, en tète dc son édition, i bld., col. 23-382; S. Dey ling, S. Ircnæus, 2400 dnns le Bulletin d'ancienne littérature et d'archéologie chri· tiennes, Paris, 1012, t. n, p. 128-131. II. Œuvres. - 1° Œuvres authentiques. \. Le traité contre les hérésies. — a) Titre. — Le titre inscrit par Irénéc, ci. 1. I, c. xxn, n. 2; 1. II, præf., η. 1 ; 1. IV, præf., η. 1 ; 1. V, præf., col. 670, 709, 973, 1119, nous a été conservé en grec par Eusèbc, H. E., I. V, c. vn, η. 1, P. (λ, t. xx, col. 4 15 : Έλεγχος καί ανατροπή της ψευδωνύμου γνώσεως. Le vieux traducteur armé nicn dc la Démonstration dc la prédication apostolique, c. xax, P. O., t. xn, p. 730, et quelques modernes, par exemple, Feuardcnt, dans la Commonitio préliminaire dc son édition d*Irénéc, Cologne, 1625, p. (14), ont traduit Έλεγχος par Critique ou Reprehensio. L’an­ cienne traduction latine du traité porte à meilleur droit, col. 709, 973 : · Manifestation, » De detectione et ever­ sione falsæ cognitionis ; c’est le sens qui résulte du but dc l’auteur et de la division dc l’ouvrage. Cc titre est parfois cité sous des formes abrégées ou équivalentes : Πρός τάς αΙρέσεις, dans Eusèbc, IL E., 1. Il, c. xm, P. G., t. xx, col. 168, et saint Basile» Liber de Spiritu Sancto, c. xxtx, n. 72, P. G., t. xxxn, col. 201; Καθ’ evangcliae veritatis confessurae testis a R. Masxucti prauis I αΙρέσεων, dans saint Maxime le Confesseur, Scholia explicationibus vindicatus, Leipzig, 1717, 2e édit., 1721; in lib. B. Dionysii De eccles, hier., c. vu; in lib. De diü. J.-B. Prilczky, Acta et scripta S. ireniri, Kascbau, 1765; nomin., c. ix, P. G., t. iv, col. 176, 377; Adversus J. Bcavcn, An account on the life and mrilingso/S. Irenaeus, hærcses, dans saint Jérôme, Dc uiris illustribus, c. xxiv, Londres, 1811; C. Graul, Die chridlichc Kirche an der P. L., t. xxiii, col. 6 19; Contra luvrcticos, dans l’auteur Schwclle des irenaischcn Zcitalters, Leipzig, 1870; d’un prologue du traité (Florus dc Lyon?) publié par Mgr Freppcl. S. Irénéc, Paris, 1861; II. Ziegler, Irenaus J.-B. Pitra, Spicilegium Solesmensc, Paris, 1852, t. î, der Bischof von Lyon, Berlin 1871; B. A. Lipsius, Die Zelt dtt Irenaut von Lyon, dans V Ilistorische Zeitschrift, Munich, p. 8 ; έν τοΓς κατά Ούαλεντίνου, dans la Doctrina Patrum 1872, t. xxviTi, p. 241-295; A. Gouilloud, S. Irénéc et son de incarnatione Verbi, publiée par F. Dickamp, Munster, temps, Lyon, 1876; J. Quarry, S. Irrmcus and early Chris­ 1907, p. 265, etc. Photius, Bibliotheca, cod. exx, P. G., tianity, dans la British quarterly review, Ixjndrcs, 1879, t. an, col. 401, juxtapose le titre complet et le titre t. Lxx, p. 96-311; A. Dufourcq, L'avenir du christianisme, abrégé : Contre les hérésies. Les éditeurs ont employé, t. m. Le Christianisme primitif: S. Paul, S. Jean, S. Irénée, les uns le titre Adversus hærcses, les autres Contra Paris, 1909; S. Irénéc (collect. Les Saints), Paris 1901; hærcses. Nous nous en tenons à cc dernier titre adopté S. Irénéc (collect. La pensée chrétienne), Paris, 1905; F. B. Montgomery* Hitchcock, Irenaeus of Lugdunum, a par Massuct. — b) Authenticité. — L’authenticité est study of his teaching, Cambridge, 1914. certaine, ct il a fallu un véritable prurit de négation Biographie. —■ Outre ccs ouvrages consulter : D. Papour amener J. S. Scmlcr, Dissert. I, dans son édition dc pcnbrocck (Papebrochius J,dans 1rs Acta sanctorum, Anvers, Tertullien, Halle, 1776, t. v, à s’inscrire en faux contre 1709, junii t. v. p. 335-342; C. .fanning, dans les Acta l’attribution de cct ouvrage à Irénée. G. F. Walch, sanctorum, Anvers. 1715, junii t. vi, p. 263-272; L. LcimCommentatio de αύΟεντία librorum Iremet Adversus bach, Warm 1st Irenaus ge baren? dans la Zeitschrift hærcses, P. G., t. vn, col. 381-404, n’a pas eu de peine à fur die gesamte lutherlsche Théologie und Kirche, 1873, démontrer contre lui que l’authenticité s’appuie sur des t. xiv, p. 611-629; B. Aubé, Les chrétiens dans l'empire romain de la (in des Antonins au milieu du HP siècle, Paris, arguments tels que, si on ne les tenait pas pour pro 1881, p. 97-105; P. Allard, Histoire des persécutions pen­ bants, vereor sane ne nulla sit veteris historiæomnis fides, dant la première moitié du HP siècle, Paris, 1886, p. 150-157 ; nullum pretium, coi. 398. Cf. plus brièvement, Frcppd, T. Zahn, Zur Biographie des Polykarpus und des lrendus, Saint Irénée, 2° édit., Paris, 1870, p. 196-198. — dans scs Forschungcn zur Geschichte des neutestamentiiehen c) Objet. - Le titre indique l’objet du livre. Le gnosti­ Kanons und altkirchlichen Litcratur, Erlangen, 1891, t. iv, cisme était venu d’Oricnt en Italie ct en Gaule. Le p. 217-283; Apastel und Apostelschûlrr in der Provint As ten, op. cit., 1900, t. vi, p. 27-40, 53-91; A. Harnack, Geschichte gnosticisme dc Valentin, modifié par Ptoléméc ct ses der allchristlichen Litcratur bis Eusebius, Leipzig, 1897, disciples, « la fleur de l’école Valentinienne, > 1. I, t.na, p. 320-358 ;C. Nnrbcy, Supplément aux Acta sanctorum præf., n. 2; cf. c. xn, n. 1, col. 141,569, ct par le magi­ pour des Vies dc saints de l'époque mérovingienne, Paris. 1899, cien Marc, 1. I, c. xin, n. 1, 7, col. 577, 592, ravageait p. 330-372; L. Lévèquc, Le martyre de S. Irénéc, dans La science catholique, Paris, 1892-1893, t. vu, p. 791-801; la vallée du Rhône. Cf. A. Stcycrt, Nouvelle histoire de Lyon, Lyon, 1895, 1.1, p. 418, sur des amulettes gnos P. Corsscn, Zur Chronologie des Irenaus, dnns la Zeitschrift tiques trouvées à Lyon. Or, « les gnostiques ne mon fur die neutestamrntllche IVissenschaft und die Kunde des traient pas leur erreur pour ne pas sc découvrir ct ne Urchristentums, Giessen, 1903, t. iv, p. 155-166; P. dc Labriolle, La crise montani.de, Paris, 1913, p. 230-211. — Sur pas être pris. » Irénée résolut de les faire connaître, l'organisation des Églises des Gaules et la primauté d'Irénéc: persuadé que « c’était déjà les vaincre que de révéler L D. Koclcrus. Dissertatio Illustrans testimonium S. Irenæi leurs doctrines. » L. I, c. xxxi, n. 3 (tenir compte dc de Germanis Christianis in streulo li post Christum natum, la conjecture dc Feuardcnt, édit, dc 1625, Cologne, Gùttingue, 1712; O. Ilirwchfcld, Zur Geschichte des Chrisp. 1 10, qu’il faut lire : detectio autem eorum, au lieu tentums in Lugdunum vor Konstantin, dans les Sitzungsbcrichtc der k. prcussischen Akademle der Wlssenschaflen tu de delectatio); cf. c. xv, n. G, col. 705, 627. Mais, en Berlin, Berlin, 1895, p. 381-409; L. Duchesne, Les fastes même temps, il ne laissa pas de prouver que ces doc épiscopaux de Γancienne Gaule, 2* édit., Paris. 1907, t. t, trines étaient contraires A la vérité, ut simus non tan­ p. 10-16, cf. J. Turmcl, dons la Revue du clergé français, tum o tendent·-, s· d et vulnerantes undique bestiam. Paris. 1907, L u, p. 49« i <· l'exposition du gnosticisme. p. 47-113; A. Harnack. Die Mission und AusbrcHunq die • disciples, surtout Chrhtentums in den erstm drel Jahrhunderten, Leipzig, 1902, ’’ d V kc -ui> il remonte à Simon le p.319-332;E. Vacandard. L'indistinction des Egliscsde Lu a • d dérivent toutes les hérésies,» et de Vienne au temps de la persécution de yiarc-Auréle 2401 IRÉNÉE (SAINT) 2402 c. XXIII. n. 2. col. 671, ct lui rattache les diverses ( la plupart du temps, employons un langage barbare, » sectes gnostlques. Dans les livres suivants il réfute le (sans doute le latin, plutôt que le celtique), læ desti­ nataire du traité n’habite donc pas vraisemblablement gnosticisme, d’abord, 1. Il, par la raison, ex ratione, dans la Gaule, mais dans un pays où le grec est ci. 1. V, præf., col 1119, ensuite par l’Écriture, ex Scrip* turis, ex Scripturis dominicis, diidnis, 1. IV, præf.; usage, où sévit le valentlnianlsmc, probablement en 1. ΠΙ, c. xxxv, n. 4, col. 813, 842; en premier lieu, Égypte ou dans l'Asie Mineure. Λ-t-il été évêque? 1. 111, par in docl rinc des apôtres, apostolorum doctrina, L'auteur du prologue publié, sous le nom de Horus 1. V, præf., col. 1119; en second lieu, 1. IV, par les de Lyon, par J.-B. Pi I ra, Spicilegium Solesmense, paroles du Seigneur, per Domini sermones,}. III, c.xxv, Paris, 1852,1.1, p. 8, lui en donne le titre. Toutefois, η. 7, col. 972, par quoi il entend l’Ancien et le Nouveau le Quemadmodum postulasti a nobis obedteniibus prêt­ Testament, < car les écrits dc Moïse ct des autres erpto luo, quoniam ct in administrafione sermonis positi prophètes sont les paroles du Christ,» L IV, c, n, n. 3, sumus, L V, præf., coi. 1119, n’lndiquerait-il pas une col. 977; enfin, 1. V, par d’autres paroles du Christ et diflérencc de fonction entre Irénée chargé du minis­ des apôtres, ex reliquis doctrinœ Domini nostri el ex tère dc la parole ct celui qui lui a demandé d’écrire, apostolicis epistolis, 1. V, præf., col. 1119, surtout de ct n'invilcrait-il pas à voir dans cc dernier un prêtre saint Paul; cf. 1. IV,c. χι,ι,η. 4,col. 1117.— c) Date,— I dc marque ou même un laïque influent? A mentionner, L’ouvrage fut publié en quatre (ois: d’abord les!. I-Il, pour mémoire, le pseudo-Havius Dexter imaginant. Chronic., an. 185, P. L., t. xxxi, col. 531-532 que le puis successivement les 1. Ill, IV, V. Il s’est allongé destinataire dc l’ouvrage d’Irénéc fut Turibius, évêque au delà des prévisions dc l'auteur. Irénée croit, quand il va entreprendre le L Il, qu’il ne sera pas besoin dc dc Tolède. — g) Traduction latine. — Qu’en est-il du longs discours pour réfuter la doctrine exposée, 1. I, texte grec dc l’ouvrage, qui aurait été vu à In biblio­ c. xxxi, n. 4, col. 706; mais il constate déjà que enar­ thèque dc Venise, ou à la Vaticane? La question a été ratio in longum pergit, et, à mesure qu’il avancera, agitée. Si cc n'est à Venise et à la Vaticane, le texte les développements prendront une ampleur imprévue. grec exista au xvj· siècle, dans un monastère de Vers la fin du 1. II, c. χχχι, η. 1, col. 824, il annonce I Pathmos ct, au xvn·, dans un monastère de l’Athos. < les livres suivants, » ct, malgré le souci dc ne pas | Cf. A. Harnack, Geschichte der altchnsthchen Littcraiur faire trop long, 1. III, c. m, n. 2, col. 848, < pour n'avoir I bis Eusebius, Leipzig, 1893,1.1, p. 264-265, et voir, à pas l’air de fuir la preuve scripturaire annoncée, > la bibliographie, les travaux de T. Zahn et de P. Mes er. 1. II, c. xxxv, n. 4, col. 842, « pour que rien ne manque D’aucun de ccs manuscrits, on n'a retrouvé les traces, dc cc qu’on attend de lui, » 1. III, præf., col. 843, fl ct le texte grec est perdu, sauf cc qui en a été publie un III0 livre, puis un IV·, 1. IV, præf., n. 1, conservé par les citations, dont quelques-unes sont col. 973, puis un Ve, 1. V. præf., col. 1119, tous dc vaste I importantes, qu’en a faites l’antiquité chrétienne dimension. Le 1. 111 fut écrit du vivant du pape Élcu- | Mais nous en possédons une traduction latine, très thère (175-189). Cf. c. m, n. 3, col. 851. Irénéc y cite complète, très littérale (à signaler pourtant quelques la version dc Théodotion, c. χχι, η. 1, col. 946. Si brèves gloses du traducteur, par exemple,!. Il, c. xxt, Théodotion avait publié sa traduction dc l'Écriture Ίj n. 2, col. 780; cf. la note 62), d’une latinité fruste, et en 184, comme l'ont cru Massuct, Dissert., II, a. 2, ! certainement antérieure à saint Augustin, qui la cite n. 47, P. G., t. vn, col. 222-223, et d’autres savants, fort exactement. Contra Julianum, 1. L c. n, n. 5, nous aurions là le terminus a quo de la composition du P. L., t. xuv, col. 644. Cf. Cont. h,rr., 1. IV, c. n, n. 7; 1. III, le terminus ad quem étant fourni par l’année dc 1. V, c. xix, n. 1, col. 979, 1173-1176. Elle n’est pas la mort d'Éleuthère. Mais, en réalité, la date de Théo­ d*Irénéc lui-même, comme l'a supposé, avec plusieurs dotion est inconnue. Reste donc qu’Irénéc a écrit le autres, Feuardcnt, dans la Commonitio qui est en tête 1. II l du temps du pape Éleu there. Contrairement à cc de son édition d’Irénéc, Cologne, 1625, p. (14), car elle que dit T. Zahn. llcalcncyklopddie, t.ix, p. 401, le Contra contient des contresens qu’Irénéc ne pouvait com­ hærcses fait allusion à un état dc persécution dc mettre. Elle ne saurait être non plus dc Tertullien l’Eglise: tola die (Rom., vm, 36) pro omni hoc tempore dont elle ne reproduit ni le vocabulaire, ni la syntaxe. dictum est in quo persecutionem patimur et ut oves occi­ Cf. Massuct, Dissert., II, a. 2, n. 53, P, G., t vn, dimur, lisons-nous, L II, c. xxn, η. 2, col. 782. Cc lan­ col. 233-231. Elle est, d’autre part, en relation évi­ gage est impressionné par la persécution dc Marc- dente avec VAdi*crsus valentinianos de Tertullien. Cf. Aurèle et ne convient pas au temps de Commode. Au A. d’Alcs, La date de la version latine de saint Irenee, contraire, un passage du 1. IV, c. xxx, η. 1, col. 1065, I dans les Recherches de science nligicuse, Paris, 1916, cadre avec cc que nous savons dc l'influence que t. vi, p. 133-135. Pour expliquer ccs rapports, deux Marcia exerça sur Commode, à partir de 181, en fa­ hypothèses ont été émises. La première, proposée par veur des chrétiens : hi qui in regali aula sunt fideles Dodwcll, Dissertationes in Irenæiun, V, § G, ct reprise nonne ex cis qttæ Ctrsaris sunt habent utensilia? Le par IL Jordan. Das Alter und die Herkun/t der latei11° livre semble donc antérieur, le IV· parait posté­ nisehen Uebcrsdzung des iiauphrerkes des Irenuus, rieur à 181, et l’œuvre totale gravite autour de 180. dans les Thcologischt Studien dédiées à T. Zahn, — I) Destinataire, — Irénéc envoie son écrit à un per­ Leipzig, 1908, p. 133-192, veut que le traducteur sonnage qui hd est « très cher, » L I, præf., n. 2;c. ix, d’Irénéc ait reproduit la traduction faite par Tertul­ η. 1, col. 411. 537, etc.; qui depuis longtemps cherche lien de plusieurs passages d’Irénée; sa traduction se­ à étudier la doctrine Valentinienne; qui a demandé, rait du iv· siècle. La deuxième, défendue par Grabe, < commandé » (ce second mot est synonyme du pre­ Prolegomena, I, § 2, n. 3 » G,, t. vn, col. 1356, mier) à Irénéc de la lui faire connaître, î. Ill, præf.; Massuct, loc, cil,, et, dc nos jours, par F. R. Montgo­ 1. IV, præf., η. 1 ; 1. V, præf., col. 813, 973, 1119, ct mery Hitchcock, Irenaeus o/ Lugdunum, Cambridge, qui, dit Irénéc, L I, præf., n. 3, col. 444-445, · plus 1914, p. 44, 311-347, et A. d’Alès, loc. cil., p. 136, habile que lui, montrera avec force à ceux qui l’en­ estime que Tertullien a utilisé la version latine, laquelle tourent ce qui lui aura été indiqué faiblement, rivali­ se trouve reportée par là vers l’an 200. L'invraisem­ sant avec In née au service des frères, selon la grâce blance qu'un traducteur du iv· siècle soit allé em­ qui lui a été donnée par le Seigneur. » Cf. encore, 1. I, prunter à Tertullien des bribes dc traduction ct des c. xxxi, n. 4 ; I. 111, præf. ; L IV, præf., η. 1 ; 1. V, præf., archaïsmes d'expression, l’abondance dc ces archaïsmes col. 706, 843, 973, 1119-1120. Irénéc écrit en grec. dans tout le cours dc l’ouvrage, explicable seulement « Tu n’attendras pas, dit-il, I L præf., n. 3, col. 444, par l’enfance du latin ecclésiastique, font que la l'art du style dc nous qui vivons parmi les Celtes et qui, seconde hypothèse confine à la certitude. Sur quclnrcT. db tiiéol. cathoi. VIL — 76 2403 IRÉNÉE (SAINT) 2404 qucs particularités littéraires ct grammaticales de , t. vm, p. 226-233, a repris ct développé celte idée, ce latin, cf. Hitchcock, op. cit., p. 3-19-353. Cette tra­ signalant dans cct écrit un ancêtre du De calcehizandii duction a été conservée dans de nombreux manuscrits ; rudibus de saint Augustin. Pour U. Mannued, La dix-neuf sont connus, la plupart incomplets des der­ dldascalia della Chicsa primitiva, dans la Rivlda niers chapitres, 1. V,c. xxxn-xxxvi, où Irénéc patronne storlco-critica delle sciente tco logiche, Rome, 1907, t.m,p. 134-140,c’est une sorte de catéchèse supérieure, le millénarisme. Grabe, Prolegomena, I, § 2, n. 6 = P. G., t. vu, col. 1358, a prétendu ά tort que nous le schéma d’une didoscallc transmise fidèlement à travers les générations chrétiennes et fixée partielle­ n’avons pas la finale du traité. Cf. Massuet, Dissert», II, a. 2, n. 54, P. G., t. vn, col. 235. De cc que nous ment dans les écrits des Pères. O. Borde nhewer, Gelisons dans Agobard, De judaicis superstitionibus, seh.der altkirchlichcn Lit, t.i,p. 410-411, se refuse à y c. ix, P. L., t/ αν, col. 85, une citation du Contra voir une simple catéchèse; ce serait plutôt une apo­ h.erescs diiércnte du texte de l’antique traduction logie. Cf. S. Weber, Sancti Ireruri episcopi Lugdunensis latine, G. Mercati, D'alcuni nuovi sussidi per la critica Demonstratio apostolicæ pra dicationis, Fribourg-cndel testo di san Cipriano, Rome, 1899, p. 100-108, avait Brisgau, 1917, p. 13-22. La qualification la meilleure a été donnée par J. Lebreton, Le nouveau traité de d’abord cru pouvoir conclure à l’existence d’une seconde version latine ;mais,plus ta^d, Notedi Idteratura saint Irénée, dans la Bevue de Γ Institut catholique de biblica e cristiana antica, Rome, >001, p. 241-243, il · Paris, Paris, 1907, t. xn, p. 131 : < Cc n’est point une reconnut que la citationd*Agobard provient non d’une discussion savante, comme Γ Adversus htereses; c’est traduction intégrale du traité contrôles hérésies, mais un exposé populaire de la foi chrétienne et de scs de la traduction, par Rufin, d’un des fragments preuves. » Sans apporter des révélations sensation­ d’Irénéc insérés par Eusèbe dans son Histoire eccle­ nelles sur la théologie d’Irénéc, la Démonstration est siastique. Le grand ouvrage d'Irénée fut également un témoin précieux de la doctrine ct de la théologie traduit en arménien. Nous possédons les 1. 1V-V de du n· siècle, remarquable par un sens du christianisme ccttc version. Nous avons aussi des fragments syria­ simple, sûr ct profond, d’un accent très pur. Quelques ques; probablement cc ne sont pas des restes d’une traits complètent ou corrigent le Contra hœreses. traduction complète. 3. Les autres écrits d’Irénéc sont perdus. Il reste des 2. La Démonstration de la prédication apostolique, dont fragments de plusieurs, dont a) trois contre Florinus. l’existence était connue par Eusèbe, ILE., 1. V>c.xxvj, C’était un prêtre de Rome qui, avec Irénée enfant, P. G., t. xx, coL 509, était, jusqu’à ces derniers avait été l’un des auditeurs de saint Polycarpe. Flo­ Lrnps, considérée comme perdue. Une traduction rinus enseigna que Dieu est l’auteur du mal; Irénéc arménienne en a été découverte en décembre 1904, Je combattit dans une lettre Περί μοναρχίας ou dans un manuscrit de l’église de la Mère de Dieu, Περί τού μη είναι τδν Οεδν ποιητήν κακών, Sur Ια ù Énvan (Arménie russe), par Karapet Termonarchie ou Que Dieu n*est pas raideur du mal. Puis, Mekerltschian, alors vicaire du catholicos, ct publiée, Florinus étant tombé dans le valcntinianisme, Irénée ù Leipzig, en 1907, avec une traduction allemande écrivit le Περί όγδοάδος, Sur Γogdoade, Eusèbe, H. E., de K. Ter-Mekcrttschianet d’ErwundTer-Minasslantz I. V, c. xx, P. G., t. xx, col. 484. Irénéc demanda, ct des notes d’A. Harnack, Des hell. Irendus Schri/l par lettre, la déposition de Florinus au pape Victor. lum Enveise der apostolischcn Verkûndigung. Le ma­ On a dépensé beaucoup d’encre en pure perte pour nuscrit est de la seconde moitié du xm· siècle. La tra­ identifier Florinus avec Tcrtulticn. Voir la bibliogra­ duction est antérieure ct, sinon du v·, du moins du phie. — b) Florinus fut le chef d’une petite Église vn· ou du vin· siècle. Elle est très littérale. On ne sait schismatique de Rome, en compagnie d’un certain si elle a été faite directement sur l’original grec ou sur Blastus. Irénée adressa à Blastus une lettre Sur le un intermédiaire syriaque. La Démonstration est pos­ schisme, Περί σχίσματος, cf. Eusèbe, H. E., L V, c. xv, térieure au livre III du Contra hæreses, qu’elle cite. xx, P. G., t. xx, col. 464, 484, dont nous avons un Cf. c. xax, P. O., L xn, p. 730. Π n’est pas impossible fragment dans une traduction syriaque.— c) Dans que le passage sur les rois qui «haïssent maintenant la question de la Pâque, Irénéc écrivit une lettre au (le Christ) et persécutent son nom, » c. XLvm, p. 696, pape Victor, une autre aux fidèles, d’autres à plusieurs Lusse allusion à la persécution de Sévère, commencée évêques. Cf. Eusèbe, IL E., 1. V,c. xxm, xxtv, P. G., en fait vers 198 ct officiellement en 202. La Démon­ t. xx, col. 493, 500, 508. Le pseudo-Justin, Bespon* stration delà prédicatlonapostolique était-elle intitulée: stones ad orthodoxos, cxv, P. G., L vî, col. 1364, cite ΕΙς έπίδειξιν του άποστολικου κηρύγματος, comme un traité d’Irénéc sur la Pâque, Περί τού Πάσχα semble le dire Eusèbe, ou Έπίοειξις του άποστολικου λόγος, qui pourrait bien être une de ces lettres. — κηρύγματος, comme l’indiquerait la traduction armé­ d) Eusèbe a connu de lui un «court mais nécessaire» nienne, ou Λόγος εις έπίδειξιν τού άποστολικου traité Περί έπιστημης. De la science, adressé aux κηρύγματος, comme le suggère Harnack? Rien de sûr Grecs, H. E., 1. V, c. xxvr, P. G., t. xx, col. 509, dont là-dessus· Le destinataire est un Marcicn, qu’on a la perte est bien regrettable. 11 semble que saint Jé­ d’autant moins de raisons valables d’identifier avec rôme, De viris illustribus, c. xxxv, P. L., t. xxm, l’auteur des Actes de Polycarpe, c. xx, dans 11. Hem- col. 649, l’ait dédoublé de la sorte : Scripsit.... contra mer et P. Lejay, Les Pères apostoliques, Paris, 1910, gentes volumen breve, et de disciplina aliud.—e) Eusèbe t. m, p. 155, que cc dernier s’appela! t très probablement mentionne aussi, loc. cit., un livre de Discours ou Mardon, non Marcicn. I>c but d’Irénéc est d’exposer Traités variés, βιβλίον τι διαλέξεων διαφόρων, qui « en abrégé la prédication de la vérité » et de fournir parait avoir été un recueil d’iiornélics, et dont nous t les preuves des dogmes divins, » afin que Marcicn possédons des fragments. — f ) Irénéc avait annoncé, s’afTermisse lui-même dans scs convictions ct puisse Cont. har., 1. I, c. xxvn, n. 4; 1. III, c. xn, n. 12, instruire les autres ct « confondre tous ceux qui sont col. 689, 906, un traité contre Marcion. A lire Eusèbe, dans l’erreur. » C. ï, p. 659. Λ In dlITérenco du traité II. E., L IV, c. xxv, P. G., t. xx, col. 389, on croirait contre les hérésies, la Démonstration n’est donc pas d’abord que cc dessein fut exécuté. Mais, dans ce pas­ directement un livre de polémique. A. Harnack, Des sage, Eusrbc fait nu une confusion ou une allusion heil. Irenûus Schrlft xum Erweise der apostollschen aux chapitre t Contra h/rreses contre cet hérétique; VerkQndigung, p. 65, y a vu une œuvre de catéchèse; on s’en rend compte quand on Je volt, plus loin, 1. V, P. Drews, Der literarische Character der neuentdcckb n c. xxn, col. 452, s’expliquer sur lo projet «l’innée. Sehrtfl des Irmaus xum Enveise..., dans la Zeitschrift, ·' (‘ z * i ft apocryphes, — 1. Maxime far die ncutestamrntliche Wissenschaft, Giessen, ’.907, questionibus a Theodoro monacho 2405 IRÉNÉE (SAINT) illi propositis, P. G., t. xa, col. 276, cite un fragment d‘un traité d’Irénéc Sur la foi, Περί πίστεως, Adressé ADémétrlus, diacre de Vienne, dont il Indique Vincipii: < Toi qui cherches Dieu, écoute David qui dit. » D’au­ tres fragments de ce traité ont été publiés. L’nttribulion ά Irénéc peut être légitime, et il n’y n pas lieu, en particulier, de lui enlever ce traité pour le donner à Méiiton. Cf. T. Zahn, JUalencyklopôdie, t. rx, p. 405. Mais, en l’absence d’une attestation plus ancienne, la paternité d’Irénéc reste douteuse. —2. (Ecuménlus, Comment, in Epist. 1 S. Petri, c. in, P. G., t. exix, col. 536-53", donne un fragment d’un écrit où Irénée parlait des martyrs de Lyon Sanctus et Blandine. Cc fragment appartenait sans doute à la partie de la lettre lyonnaise sur les martyrs de 177 qui n’a pas été reproduite par Eusèbe. Que saint Irénée ait été fau­ teur de ccttc lettre, c’est cc que beaucoup ont admis nu moins comme probable. Les preuves positives manquent; à l’appui de cette hypothèse 11 y a non seulement ceci · qu’on ne connaît personne qui fût plus digne que lui et plus en état » d’écrire cette admi­ rable lettre, ainsi que l’a remarqué Tillcmont, Afémoires, t. m, p. 2, mais encore une ressemblance d’esprit ct d’idées entre l’auteur de la lettre ct Irénéc. Cf. E. Reitan, hiare-Auréle, p. 339-340, note. Sur les futiles attaques de l’américain J. W. Thompson contre la valeur de la lettre, voir à la bibliographie. — 3. Théodoret, Jlœrctic. /abut, compendium, 1. I, c. xxm, P. G., t. lxxxih, col. 372, dit que, les prêtres romains Florinus ct Blastus ayant passé au valcntinlanisme, Irénéc, qui déplorait ccttc perte, écrivit contre Va­ lentin. S’agit-il là d’un écrit spécial contre Valentin, ou d’un des écrits adressés à Florinus et à Blastus? Cette dernière hypothèse est plus vraisemblable. — 4. Quand saint Jérôme, De viris illustribus, c. ix, P. L., t. xxm, col. 625, dit que saint Irénéc, comme saint Justin, a «interprété» l'Apocalypse, entend-il par là un commentaire spécial de l'Apocalypse? Cc n’est pas probable,car, plus loin, c. xxm,xxxv,col. 641,649, dans ses notices sur Justin et sur Irénée, où il donne la liste de leurs œuvres, Il n’est pas question de cc commentaire. Sans doute il fait allusion aux explica­ tions de l'Apocalypse qui se trouvent au 1. V du Contra hærcses, à moins qu’il n’ait voulu dire toutsimplement. Ainsi que l’a supposé l’éditeur de saint Jérôme, P. L., t. xxm, col. 625, que Justin et Irénée ont appelé « Apocalyp e » la vision de saint Jean.Sûrement Irénéc n’est pas l'auteur du commentaire sur l’Apocalypse qui lui est attribué dans le Voyage littéraire de deux religieux bénédictins(E. Martène ctü. Durand),Paris, 1717,1. n, p. 250.—5. Le ΠερΙτης αγίας Τρίαδος, men­ tionné comme l’œuvre d’Irénéc par un manuscrit des Sacra parallela attribués à saint Jean Damascene, cf. Λ. Harnack, Gesch (chie der altehristUchen Litteratur bis Eusebius, 1.ï, p. 264, n’a pas été composé par lui. — G. Les schollcs d’Irénéc, qui sc trouvent dans un manuscrit de Moscou, du xi· siècle, cf. A. Harnack, op. cit., t. ï, p. 264, ne sont vraisemblablement pas authcntlqu s. — 7. Le Περί του παντός,que quelquesuns, au rapport de Photius, Bibliotheca, cod. xlvhi, P. G., t. cm, col. 85, attribuaient à irénéc, n’est pas de lui, mais de saint Hippolyte. Cf. A. d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. iv, xxrx, ΧΧΧΠΤ, !.. — 8. Sous le nom d’Irénéc ont été publiés en grec, en syriaque, en arménien, un certain nombre de fragments d’un llcpl του μή είναι άγέννητον τήνδλην, de commentaires sur l’Écriture, de traités théologiques. L’authenticité do la plupart de ces mor­ ceaux n’est rien moins que sûre. Cf. A. Harnack, Geschichte der altehristUchen Litteratur bis Eusebius, t. I, p. 264, 281-288, t. no, p. 518-522. Leur Importance, en général, n’est pas grande. Parmi les plus impor­ tants seraient les trois textes chrlstologiqucs (le 1<* 240& avec une traduction latine d’E. Renan) publiés par J.-B. Pitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1852, t. r, p. 3-7, ct les sept fragments également chrlstologiqucs récemment publiés par Karapet Tcr-Mckcrttschlan, évêque d’Azerbijan, d’après un manuscrit du monas­ tère de Saint-Étienne à Darashambi (Arménie russe), P. O., t. xn, p. 732-744. Le l p. 741-744. 11 y a là des réminiscences du Contra hæreses; mais la rédaction est postérieure au concile de Nlcée et, sans doute, du temps des grands débats sur le monophysisme. Les expressions suivantes sont significatives : « Dieu de Dieu, Fils du Père, » Pitra, p. 4, ct P. O., p. 733; « le Verbe de Dieu toujours con­ substantiel a été fait chair, » P. O., p. 744. L’utilisation d’un passage dé la Démonstration montre comment on s’y est pris. Là où saint Irénée disait, P. O., p. 683 : « Il (Îe Verbe incarné) a uni l’homme à Dieu ct opéré la communauté de société entre Dieu ct l’homme, car 11 nous serait impossible autrement de participer à l’immortalité si..., » le nouveau texte porte, p. 733 : < Il unit la nature divine et la nature humaine, car H nous serait impossible autrement de participer à l’im­ mortalité si... a D'autre part, les 1er ct 3· textes du Spicilegium Solesmense, p. 3-4, 6-7, se lisent dans Timotheus Ælurus des Patriarchen von Alexandrun Widerlegung der au/ der Synode iu Chalcedon /cstgesclcen l^hrt, texte arménien publié par Karapet TerMckcrttschlan ct Ervrand Ter-Minossiantz, Leipzig, 1308, p. 256-258. Cf. F. Cavallera, Ledosster patristique de Timothée Adure, dans le Bulletin de littérature ecclé­ siastique, Paris, 1909, p. 355. il est probable que tous ces textes se rattachent à l’entreprise monopliysilc de falsification patristique sur laquelle Anastase le Sinallc, Vite dur, c. x. P. G., t. lxxxix, col. 184-185, ouvre un jour éclatant. — 9. En 1715, apris les avoir communiqués à S. Maffcl, qui les avait publiés, des 1713, dans le Giornale de* letteratt d'Jtalta,un professeur protestant de Tublnguc, C. M. Pfaff, édita, sous le nom de saint Irénée, d'après, disalt-II, des manuscrits des Clialncs des Pères de la bibliothèque de Turin, quatre fragments assez courts, mais non sans Impor­ tance, surtout Je 2· qui concerne l’éplclêsc eucharis­ tique, ct le 4· qui sc rapporte au salut universel, P. G., t. vu, col. 1255, 1256-1257. L’authcntlcite de ces frag­ ments fut combattue par Maffcl ct le conventuel Maria Leoni; Pfaff la défendit énergiquement. L’opi­ nion leur fut plutôt favorable. Cf., par exemple, doni H. Ce llier, Histoire générale dcsautcurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1730, t. n, p. 178. Quelques-uns hési­ tèrent; ce qui les décida à se tenir sur la réserve,c’est que les manuscrits allégués par Pfaff restèrent Introu­ vables. Puis, d’autres, tel A. Harnack, Geschtehte der altehristUchen Lilierafar bis Eusebius, 1.1, p. 760; cf. P. Batiffol, La littérature grecque, 2· édit., Paris, 1898, p. 105, Jugèrent que ces fragments ne semblent pas d’Irénéc, dont ils portent le nom, mais peuvent être du n· siècle et sont dans la même nuance doc­ trinale qu’innée. F. X. Funk, Kirchengeschichtlic!c Abhandlungen und Cntersuchungen, Paderborn, 1897, t. n, p. 198-208, approfondit la question ct crut pou­ voir conclure que l'authenticité du l«r fragment est probable, celle du 3· douteuse, que le 4· ne soulève aucune objection et quclc2· fragment est du s^sltclc. Enfin, une étude retentissante d’A. Harnack, Die Plaflsclun Irenùus/ragmcnte als Eàlschungcn Pfa/Js 2407 IRÉNÉE (SAINT) nachgeudcsen. Leipzig. 1900, a démontré que les fragments sont d’un faussaire, que ce faussaire est PfafT lui-même, et que la tendance théologique des quatre fragments en question est piétiste et antiortho­ doxe, c’est-à-dire conforme à la position religieuse de Pfaff. I. Éomoss. — 1· Le Contra ha-rests. — 1. Texte grec. — L'original est perdu. Nous en possédons des fragments. Une partie considérable du 1. I (præf., c. i-xxi. ct quelques autres passages) n été conservée dons le Panarium de saint Épiphane. D’autres fragments des cinq livres nous sont connus par saint Hippolyto, Eusébo (ct Nicéphore Callisto), saint Athanasc, saint Basile. Théodorct, saint Anastase le Sinaitc, André dc Césaréc, Procope de Gaza, saint Maxime le Confesseur, saint Jean Damascene et les Sacra parallrta qui lui sont attribués, Nicétas Scrronius, Arétas, Œcuménius ct les Chaînes des Pères. Presque tous cos textes grecs sont reproduits dans l'édition dc Massuet, sauf, bien entendu, ceux qui ont été fournis par les Pnilosophoumena dc saint Hippolyto publiés longtemps après Massuet (1851); ils sont donnés dans les éditions Harvey et Mannucci. Dc nouveaux fragments ont été publiés par A. Pnpadopoulos-Kcnimms, Άνάηχτχ Ιζροσολνμιτιχής στχχυολογίας, Saint-Pétersbourg, 1891, t. i, ρ. 387-389; J. I Inuslcl ter, dans \a Zeitschrift furKirchcngeschlchtc,Golha, 1894, t. xiv, p. 69-73; C. Dlobouniotis ct A. Harnack, Die Scholienkommcntar des Orlgencs zur Apokahjpse Johannls nebst einem Stùck aux /rendus (Texte und Untersuchungrn, t. xxxvm, 3),Leipzig. 191 l.p.41-11.—2. Traduction latine. — L'édition princeps n été publiée à Bâle, chez Froben. par Érasme, 1526; nouvelles éditions, 1528, 153*1.ct,après la mort d’Érasme (1536), 1515,15-18,1551,1560,1563,1567, Autres éditions par le protestant N. Desgai lard s (Gallas (us), Genève, 1570; lo pasteur J. J.Grynéc.BAlc, 1571 ; le corde­ lier F. Feuardcnt, 1575-1576,1596 (édition améliorée), 1625, 1639, 1675, 1677, Cologne ct Paris; lo protestant J. E. Grabc, Oxford, 1702; le bénédictin H. Massuet (très belle édition), Paris, 1710; Venise, 1734; Taris, 1857, P. G., t. vu; D. A. B. Caillau, Tatianl assyrll et sandi Hippolyti episcopi et martyris opera. Paris, 1842,1.1, p. 217-552; t. n, p. 1-58 (édition partielle); A. Stleren, Leipzig, 1853; W, I larvey, Cambridge, 1857; U. Mannuccl, dans la Bibllo- theca sanctorum Patrum ct scriptorum ecclesiasticorum. Series II. Scriptores gnrcl anteniarnt. t. iit. Borne, 1907 ; cf. E. Biuonaiuti), dans In Riuista storico-critica délit sctenzc teologlehe.Home, 1907-1908. t. m.p.482-183; t. iv, p. 63-66. Feuardcnt, le premier, publia les cinq derniers chapitres, absents dc la plupart des manuscrits à cause dc leur millé­ narisme; il montra aisément leur authenticité. Cf. son édi­ tion dc Cologne, 1625, ρ. 491-K». Les chapitres \ . par saint Epiphane avaient paru dans la traduction du Panarium par J. Hngcnbut (Cornarius), Bûlc, 1513, ct ccttc traduction passa dans l’édition do Grynée. J. dc Billy (ΒίΠιu.t),abbé de Saint-Michel en l’IIcnn (Vendée),publia uno nouvelle traduction. Interpretatio latina XV ΠI (XXI) priorum libri I 8. Ireniri advenus harrescs capitum. Paris, 1575, qui fut reproduite par Feuardcnt ct par Massuet. Enfin, dans son édition d’Épiphnne. Paris, 1622, P. G., L XLi, D. l’étau donna uno quatrième traduction do ccs chapitres. — 3. Traductions syriaque ct arménienne. — Nous avons des fragments syriaques et arméniens du Contra horreses, dans l’édition Harvey, t. n, p. 431-153, et dans J.-B. Pitra, Spicilegium Salesmens*, Paris, 1852,1.1, p. 1-2; Analecta sacra, Paris, 1882, t.n, p. 18-26; 1881, t. iv (édité par P. Martin)» p. 17-25, 33, 292-299. 304; H. Jordan. Armenlsch* Irenàus-Fragmcntc, dans Texte und Untersuchungcn, 1913, t. xxxvi, fnsc. 3. Nous possédons depuis peu 1rs 1. IV-Vcn entier dans une traduction arménienne.du vu· ou du vm· siècle, publiée, d’après lo mémo manuscrit qui n livré la Démonstration de la prédication apostolique, par Erwand Tcr-Mhuissianlz, Irendus gegen die Hdretiker, Buch 1V* und V in armtnischer Version (Texte und Untersu· chungen, t. xxxv,2), Leipzig, 1910. — 4. Traductions mo­ dernes.— Il existe uno traduction française médiocre par l’obbédeGcnoude(A. E. Genou), dans Ix s Pères de TÉglise, Paris, 1837, ct une bonne traduction partielle par A. Lufourcq. Saint Irénée (collection 1m pensée chrétienne). Paris, 190o;une traduction allemande d’E. Kîcbbu.dnns la Bi­ bito ek der Kirehenvatrr,Kempten. 1912. Cf. P. deL(obrioll·'), dans le Bulletin d'ancienne littérature et d'archéologie chré­ tiennes. Pan*. 1912. t. il, p. 315-316. — 2· La Démon tra- | lion de la prédication apostolique. — Elle a été publice, pout 2408 la première fols, par Karapet Ter-Mckcrtlschlan ct Envand Tcr-Minasslantz, Des heiligen /rendus Sdirift :um Eruvi < I der apostollschen Vcrkündigung ( Texte und Untersuchungen, t. XXXI. 1), Leipzig, 1907; 2· édit, améliorée, 19O8;nouvdl0 édit., par K. Tcr-Mckcrttsclilnn ct Wilson, dans la Patrologia ortentalis,(P. O.),Paris. 1919, t. xii,fasc. 5,p. 659-731. Traductions allemandes par les éditeurs des deux première» éditions, à In suite du texte arménien, ct par S. Weber, A la suite de la traduction par E. Klcbba du Contra lurraes, dans Jn Blbliotck der Kirchcnudter, Kempten, 1912, t. il Traduction latine par S. Weber, N. Irenartepiscopi Lugdu­ nensis Demonstratio apostoUcat pnrdicatlonis, Fribourgcn-Brisgau, 1917. Traduction française par J. Barthoulot, avec une Introduction par J. (Fixeront· dans les Recherches dc science religieuse, Paris, 1916, t. vr, p. 361-432, repro­ duite dans In Patrologla orientalis, t. xn, p. 747-802. Tra­ duction anglaise par Wilson, avec la collaboration du prince Max do Saxe, P. O., t. xu, p. 659-731. Sur une traduction russe, cf. P. O., t. xrr, p. 655. — 3® CPuures dont notisn'aDom que des fragments. — Eusébo nous n conservé des fragmenti dc deux écrits adressés à Florinus, H. E., 1. V,c. XX, et de la lettre nu pape Victor sur la Pâque, c. xxrv, P. G., t. XX, col. 484-185, 501-508. Voir les autres fragments grecs, au­ thentiques ou douteux, dims P. G., t. vit. col. 1231-1248, 12m7-1264, 2017-2018; les fragments syriaques ct armén.cns, dans l'édition Harvey, t. ii, p. 454-169; J.-B. Pitra, Analecta sacra, t. n, p. 200-201 ; t. iv, p. 26-35, 299-305; P. O., t. xu, p. 732-744 (avec la traduction française do Bnyan pour les trois premiers fragments ct di Mnxudlan pour les autres); K. Ter-Mekcrttschian et E. Ter-Mtnav siantz, Timotheus jElurus des Patriarchal von Alexandnen Wîuerlegung der auf Synode zu Chalcedon fcslgesclzlcn Lehrt, Leipzig, 1908, p. 256-258. Un fragment copte dans P. dc La­ garde, Catena: in Euangelia ccgyptiaau qua supersunt, Gœttingue, 1886, p. 220. La lettre sur les inart>ts dc Lyon, qu'Eusêbo avait Insérée intégralement dans son Recueil d'anciens Actes des martyrs perdu, ligure, par très larges extraits, dans H. E., I. V, c. ι-iv, col. 408-140.—P Iss frag­ ments dc Pfaff. — Publiés, d'abord, par S. MnfTcl, Giornale dclctlerati d'Italia, Venise, 1713. t. χνι,ρ.226-228; puis, par C. M. PfafT, S. Ireniei fragmenta anccdota. La Haye, 1715; reproduits dans les éditions d’Irénéc, notamment P. G., col. 1248-1257. IL Travaux. — 1· Le Contra hicrcscs. — 1. Questions générales. H. Dodwell, Dissertationes in Iremrum, p. 286389; C. G. Walch, Dc αυθεντία librorum Ircnad advenus hu reses commentatio, dans 1rs Nopî commentarii societatis rcyto: scientiarum Gottingensis, Gœttingue, 1775, t. v b, p. 3-3G « P. G„ t. vu, col. 381-401; A. Sticrcn, De Irenal aduersus lurrescs operis fontibus, indole, doctrina ct dignitate commentatio historico-critica, Gœttingue, 1836. — 2. Texte grec· — IL O. Duysing, Disputatio de textu Irrmrl grirco. Marbourg, 1747; T. Zahn. Der gricchlsche Irenaus und de.r ganze Hcgcslppus im XVI Jahrhundcrl, duns la Zeitschrift fur Klrchengcichlchte. Gotha. 1878. t. n, p. 288-291; Der grit chixche Irenaus und der ganze Hcgesippus im XVI undXVII. Jahrhunder/.dans Thcologlsehcs Lucraturblatt, Bonn, 1893, n. 43, col. 495-197; P. .Meyer, Der griechische Ircnaus und der ganze llegesippus im XVII. Jahrhundert.dnns la Zeitschrift fur Kirchrngeschtchle.GoUtA, 1890, t. Xi. p. 155-158; IL Lictznumn,Der lenacr Ircnauspapyrus, dans les Nachrlchten von der Ic. Gessellschafl drr Wissenschaftcn zu Gollingen, Pliilol.-hlst. Klassc,Gœttingue, 1912, p. 291-320. — 3. Traduction latine. — H. Dodwcll, Dissertationes In Ircnœum.X ,Dc latino interprete, e/us n tate capitumque partitione. Oxford, 1689. p. 390-112; IL O. Duyslng, Dhpulalio dc uerstone Ircturl latina. Marbourg, 1745; A. Stleren,Dccfxf/ce Vossfanoseu Burellianoquo continentur Ireniri libri V adversus Iu· resex, Leipzig. 1817 ; les Prolego­ mena de son édition d’Irénéc «— P. G., t. vu, col. 405-111; J.-B. Pitra, Analecta sacra, Paris, 1882, t. il, p. 188-193, 211-217; F. Loofs, Die Handschrlften der lateinischcn Ucometzung des Jn · und ihre KaplUlii dung, dani ! KirchengeschtchtltcheStudicn, ofïcrtcs Λ 11. Bcuter, Leipzig, 1888, p. 1-93, tirage ù part. Leipzig, 1890; W. Sunday, The mss· of Irenaeus, dans The journal of philology, Londres» 1888, t. xvn» p 81-94; IL Jordan, Dus Aller und die lier· k>mfl der taleinlschen Uebersetzung des llauptiverkes des che Sludlen offertes à I. Z.ilni, J.rlp/· , 1)08, p. 133-192; G. Mercati, D'alcuni nuovl u pr- ia criti a dei t' to dl S. Cipriano, home, 1899, .Voir di h Urratura bibllca e cri.aicu.a ani.ca, m· , J r., p 24t-243;L H. Turner, Λ îercati on Cyp, ιαη j 2409 IRÉNÉE (SAINT) and ïrrnarus, duns The journal of theological studio, Cambridgc.lOOl.t.ll, P· 143-148; A. d'Alês, Ixi date delà version latine de S. Irénée, duns les Recherches de science religieuse, Paris, 1910, t. νι,ρ. 133-137. —4. Traduction arménienne. — F. C. Cony heure, The age of the old arnicnian version of Irenaeus, dans 1c Festschrift pour le centenaire des Mékhltnristes, Vienne, 1911, p. 103-202; K. Kastner, Das IV und V Buch des hell. Irenùus Adversus htvreses, dans Théo­ logie und Glaubc, Paderborn, 1911, t. in, p. 738-759. — 2· 1.a Démonstration de la prédication apostolique.— A. Har­ nack, bfachiDort und Anmerkungen, à In suite dc l'édlt'on princeps dc lu Démonstration, Leipzig, 1907, p.53-06; A.DcgGrt» Une a-livre inédite de S. Irénée, dans le Bulletin de litté­ rature ecclésiastique, Paris, 1907, p. 57-76; J. Lcbrcton, I^e nouveau traité de S. Irénéc sur la Démonstration delà prédica­ tion apastollqur ,dnns la Revue del’ Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xu, p. 127-142; M. Jacquin, duns la Revue des sciences philosophiques et théologiques, Knin, 1907, t. i, p. 373-375; IL Koch, Zur neuentdecklcn Schrift des Irenùus, dans la Zeitschrift fur die neuteslamentliche W issenschaft und die Kunde des Urehristentums,Giessen, 1907, t. vu:, p. 68-69; P. Drews, Der literarlsche Charakter der neuentdeJden Schrift des Jrendus, ibid., p. 226-233; (E. van Lank), Inlorno all* opera di S. Ircnco testé scopertu, duns la CÎvilhi cutlolica, Home, 1907, t. ni, p. 580-589; J. Bendel Harris, Irenaeus on the apostolical Preaching, dans The Expositor, mars 1907, ρ. 246-258; F. Conybcarc, The neivly recovered treatrise of Irenaeus, dans The Expositor, Londres, juillet 1907, p. 35-44; N. Sagnrda, Novo-olkryloe proizvedcrte Sv. Irincia Llouskago (Un traité de S. Irénéc de Lyon récem­ ment découvert), dans la Khristianskoe Tchténie (Lecture chrétienne), Saint-Pétersbourg, 1907, 1.1, p. 476-491,664691, 853-881 ; F. B. Montgomery Hitchcock. The apostolic Preaching of Irenaeus, dans The fournal of theological studies, Cambridge, 1908, t. ix, p. 28-1-289; S. Weber, Zum armcnischen Text der Έπίδιιξις des hcil. Irendus, dans la Thcologischc Quartalsc/iri/t,Tubinguc, 1909, t. xci,p. 559573; L. T. Widen, Irenùus gcschrlfl Ten bcudjze der apostolische prediking, Utrecht »1909 ; P. N. Aklninn, Ixi Doctrina pra-dicationis aposlollca de S. 1rénée est-elle traduite du latin en arménien? dans l'IIandcs Amsorya, Monalschrifl fur armenische Philologie, Vienne, 1911, t. xxv, p. 305-310; E. Tcr-Minasslantz, Zu des Irenùus Erwels der apostollschen Verkündigung, dans la Zeitschrift fur die ne.utestamcntllche W issenschaft und die Kunde des Urchristentums, Gicsscn, 1913, t. xiv, p. 258-262; J. Tixcront, Introduction A la tra­ duction française, dnns les Recherches de science religieuse, Paris, 1916, t. vi,p. 361-367 - P. O., t. xu, p. 749-755. — 3· Œuvres dont nous n'avons que des fragments. — Sur Ho· 2410 Nysse.cf.il. Jordan. TheologischesLiteraturblatt,Bonn.lM 1, p. 288. — 4* Les fragments de Pfaff. — S. Maffei, dans le Giornale de1 letbratl d'Italia, Venise, 1713-1716, t. xvi, p. 229, t. xxvi, p. 51 ; C. M. Pfaff, S. Irenal fragmenta anecdota quar... duabus dissertationibus de oblatione ct cnnsecralione eucharistia· illustravit, La Haye, 1715; nouvelles édition» A Tubingue, 1718, Leyde, 1743; F. X. Funk. Die Pfaffschen Irenùusfragmente,dans scs KIrehengeschieldlld.e Abhandlungtn und Untersuehungen, Paderborn. 1X97, t. n, p. 198-208; cf. D. Ixnnin, dans la Revue (fhldotre et de litté­ rature religieuses, Paris, 1900, t. v,p. 560-561 ; A. Harnack, Die Pfaffschen Irenùusfragmente als Fûlschungen Pfaffs nachgeivtesen, Leipzig, 1900; H. Achelis. dans le Theolo­ gische Literatune itung, Leipzig, 1901, col. 267 sq.; P. Ba­ tiffol, Le cas de Pfaff d'après des pièces nouvelles, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1901, p. 1X9-200. cf. Aktcn des 5. international™ Kongresses katholischer Gelchrtcn zu München (1900), Munich, 1901, p. 265; E. Preuschen.dans la Rcalencyklopadie, 3·édit.,Leipzig, 1904, t. xv; р. 234-235. III. Doctrine. — /. srsT/iitsz POCTMNALXh'n.ÊhLE. — De tous les anciens écrivains ecclésiastiques, Irénéc est le seul qui ait écrit une dogmatique rela­ tivement complète. La plupart des œuvres de l’anti­ quité chrétienne sont nées des circonstances, selon les besoins de la polémique, en vue d’un résultat partiel. Deux fols Irénée a tracé une somme dc la doctrine catholique. Dans la Démonstration il l’a fait directe­ ment, mais d'une façon brève. C. i, P. O., t. xu. p. 659. Lc Contra hæreses est directement l’exposition et la réfutation du gnosticisme; m.ds, parce que le gnosti­ cisme avait dénaturé tout l’enseignement chrétien, Irénée en vient à défendre contre lui tout cct ensei­ gnement. Il nous avertit que c’cst du « corps entier dc la vérité > qu’il s’agit. L. 1, c. tx, n. 4; 1. II, c. xxvu, n. 1,P. G., L vi, col. 548, 8U2. A coup sûr cct ensemble il ne l’expose selon un plan rigoureux ni dans le Contra hærescs, où le carac­ tère polémique de l’œuvre explique cette absence d’un développement méthodique, ni dans la Démons­ tration, où l’on s’attendrait davantage à le rencontrer. La pensée Irênécnne sc plaît aux méandres les plus imprévus. Avec un peu d’attention, parmi des détours et des retours sans fin, on arrive à la suivre. Quircumque... dixerint omnes turret ici in ultimum ad hoe rlnus, voir t. vi, col. 52-53, et, en plus des travaux qui y sont deveniunt ut blasphement fabricatorem, et contradicant indiqués : K. Kastner, Ircnaus von Lyon und der romtsche Presbyter Florinus, dans Der Katholik, Mayence, 1910, t. n, saluti plasmatis Del quod quidem est caro, propter p. 10-54, 88-105; P. dc L(abriolle), dans le Bulletin d'an­ quam omnem dispositionem fecisse Filium Det multis cienne littérature ct d'archéologie chrétiennes, Paris, 1913, modis ostendimus, dit-il, 1. IV, pnef., n. 4, coi. 975. t. in, p. 157-158, 169. Sur la lettre du pape Victor relative Négation d’un seul Dieu créateur, négation du Verbe A In PAque, cf. T. Zohn, Sendschreibcn des Irenùus an Viktor von Rom, dans scs Forschungen zur Gcschtchle des incarné et rédempteur, négation du salut dc l’hornnic neutcstamcntliches Kanons und allkirchlichcn Litrratur, dans sa chair, A cela sc ramène le gnosticisme. Toute la doctrine de vérité sc réduit, nu contraire, A admettre Erlangen, 1900, t. vi. p. 31-35. Sur PArchæus sous le nom do qui parut un fragment do la lettre ù Victor dans uno qu’il y a un seul Dieu créateur, un seul Christ. Fils traduction arabe ct dans une autre éthiopienne, cf. H. Jor­ de Dieu, Incarné pour nous racheter, et le salut de dan, H t r ivar Archdus? dans la Zeitschrift fur die neutestarhonune total, corps et Ame, salut qui vient du Christ mcntliche WIssenschaft und die Kunde des Urchrlden'ums, ct qu’on reçoit par le Saint-Esprit : integrum corpus Giessen, 1912, t. xm, p. 157-160. Sur l'authenticité do la operis Filii Dei ostendens, semper eumdem Deum sciens, lettre des martyrs de Lyon : J. W. Thompson, The alleged persecution of the Christians at Lyon tn 177, dans The atncrl- cl semper eumdem Verbum Dei cognoscens etiamsi nunc can fournal of theology, 1912. t. xvi, p. 359-381; The alleged nobis manifestatus est; et semper eumdem Spiritum Det persecution of the Christians al Lyon in 177. Λ reply to certain cognoscens, etiamsi in novissimis temporibus nove criticism, ibid., 1913, t. xvn, p. 219-258; P. Allard, Une effusus est in nos, et a conditione mundi usque ad finem nouvelle théorie sur le martyre, des chrétiens de Lyon en 177, in ipsum humanum genus, ex quo qui credunt Deo et dans In Revue des questions historiques, Paris, 1913, t. XCIII, sequuntur Verbum ejus percipiunt eam quæ est ab eo p. 53-67 ; Encore la lettre sur les martyrs lyonnais de 177, Ibid., salutem. L. IV, c. xxxm, n. 15; cf. c. vi, n. 7; 1. V, 1914, t. xcv, p. 83-89; A. Harnack, dans la Theologische Lilcratuneitung, Leipzig, 1913, col. 74-79; P. de luibriolle, с. xx, n. 1, coi. 1083, 990, 1177. C’est le cadre dc cc qu’on nomme maintenant la théologie spéciale. Irtaée A propos de la lettre des chrétiens dc Lyon en 177. Une difjl culté résolue, dans lo Bulletin d'ancienne littérature ct d*ar- nous offre également une partie importante de la théo­ chéalogle chrétiennes, Paris, 1914, t. iv, p. 110-141. Ont été logie fondamentale. A l’encontre des gnostiques, qui attribués faussement A Irénéc des fragments de saint Hippo­ appuient leurs doctrines fausses et chang antes sur lyte, voir t. vi, col. 2498; cf. Bonwctsch, Drci georgisch erhaltene Schruten i»on Hippolytus, Leipzig, 19Ot, p. xm- l’Écriture, puis, sc sentant battus sur le terrain dc l’Écriture, en appellent A la tradition, et finissent par xiv, 49-50, 94-95; do S. Grégoire dc Nazianzc, cf. J. Vitcau, rejeter la tradition ct sc déclarer supérieurs à clic, Note sur un fragment grec attribué <15. Irénée, dans la Revue de philologie, Paris, 1910, t. χχχιν,ρ. 146-148; de S. Grégoire do 1. III, c. n, col. 846-847, Irénéc, dans chacun des cinq 24il IRÉNÉE (SAINT) 2412 livres du Contra hœreses, même dans le I. I, qu’il donne fausses, blasph matoircs. L. II, præf,, n. 2, c. xix, n.s; pour un simple exposé des doctrines gnostiqucs, 1. J, c. xxxv, η. 1 ; 1. III, c. xi, n. 3; c. xvi, n, 1, 5; 1. IV, c. xxxr, n. 4 ; I. II, præf., col. 706, 707-709, même dans præf., n. 2, 3; c. ΛΛχν, n. 2, col. 709, 775,837,882. le L H, qui est une réfutation du gnosticisme par la 920, 921, 973, 974, 1087. Le synonyme est γνώμτ, raison, L 11, c. xt, n. 2 ; c. xxv, η. 1 ; 1. V, præf., col. 737, sententia, L I, c. xi, η. 1 ; c. xxxi, n. 3; 1. lll,c. xi,n.£ 798, 1119, établit que la règle de foi nécessaire, sûre Λ quoi s’oppose sententia apostolorum, 1. IV, præf., d. 3, et Inébranlable, est dans l’Écriturc ct dans la tradition, col. 560, 705,882, 974. Un autre synonyme,c’est argu­ l’une ct l’autre possédées et garanties par l’Église, menta, argumentatio, ύπόΟεσις, 1.Ί, c. vm, η. 1 ; eux, c’cst-à-dirc, en langage moderne, que la règle de foi n. 2, 3, 4 ; c. x, n. 3 ; c. xx, n. 3, col. 520,540,541,544, immédiate est Je magistère de l’Église, ct que i’Écri- 515,553,556, 656. Cf. J. IV, præf., n. 2, col. 973-074: turc ct la tradition sont les règles de foi éloignées prin­ regulas sive argumenta ipsorum.., regulam ipsorum.., cipales, la raison étant la règle de fol éloignée, subsi- doctrinam eorum.., omnibus qui sunt malæ scnltnlht. diairc.Avcc celle du magistère de l’Église, il aborde les Par contraste, la règle de vérité, c’est la doctrine chré­ diverses questions qui sc posent au sujet de celle-ci. tienne, ferme ct véritable. Mêmes indications dans la Demonstration en cc qui Cette < règle immobile de vérité a été reçue au bap­ regarde la théologie tant fondamentale, c. xcvm, que tême. > L. I, c. ix, n. 4, col. 545. La Démonstration spéciale, c. vr, xax, p. 730, 661, 730-731. Voici donc nous livrerait-elle le canon baptismal connu d*Irénée» les grandes lignes de sa synthèse doctrinale. I. Théo· ’ quand elle dit, c. ni, p. 662, que la foi < tout d’abord logie fondamentale. I® Règle de foi immédiate : l’Église, nous oblige à nous rappeler que nous avons reçu le Cont. hær., J. I, c. x; 1. II, c. ix; 1. III, c. πι-iv; 1. IV, baptême pour la rémission des péchés, au nom de Dieu c. xxvi, xxxî-xxxm; 1. V, c. xx; Dern., c. xcvm. — le Père, ct au nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu, 2° Règles de foi éi Jgnecs. 1. Principales, a) L’Écriture, qui s’est incarné, est mort ct est ressuscité, ct dans Cont. hier., 1. I, c. m, χνπι-χχ, xxvn-xxvni ; 1. III-V; l’Esprit Saint de Dieu? > Peut-être. Cf. Λ potiles Dern., c. xcvm. — b) La tradition, Cont. hier., 1. I, (Symbole des), 1.1, col. 1670, la formule de saint Cyrille c. x, n. 2;1. II,c.ix; 1. Ill, c. ι-ιν;1. IV, c. χχχι,η. 1; de Jérusalem. Quoi· qu’il en soit, la règle de vérité c. xxxn, η. 1 ; 1. V, c. xx, n. L — 2. Subsidiaire : la n’est pas seulement le canon baptismal. Irénée dit, raison, Cont. hrr., 1. II, en particulier, c. xi, n. 2. — 1. I, c. ix, n. 4, col. 545-548, que, quand les gnostiqucs IL Théologie spéciale. 1® Lc Dieu unique ct créateur, cousent bout à bout des passages épars dans l’Écriturc L II,c. ι-xxvni, xxx-xxxn, xxxv;l. III, c. v-xv, xxv, ct les détournent de leur sens naturel pour les tirer à n. 1; I. IV, c. i-vi, ix, xiv-xvji, xix-xx, xxix-xxxn, eux, celui qui garde immobile la règle de vérité reçue xxxrv-xxxvi; J. V, c. iv; Dem., c. iv-xxx. — 2° Lc au baptême reconnaît les mots, les phrases, les para­ Verbe incarné ct rédempteur, I. H, c. xx-xxm, xxxn; boles scripturaires, mais n’y reconnaît pas l’enseigne­ 1. III, c. xvi-xxii; 1. IV, c. vi-χιπ, xvn-xvnr, xx-xxvi, ment impie des gnostiqucs, ct, remettant chaque texte xxxm-xxxiv; 1. V, c. i-π, vn, xvi-xix, xxi, xxm-xxiv, ù sa place et l’accommodant au corps de la vérité, xxxr, xxxin; Dem., c. xxx, xxxvn, xl-xcvi. — 3° προσαρμόσας τώ της άληΟείας σωματείω, découvre L’Esprit Saint sancti (lenteur ct le salut de l’homme, | la fiction ct montre son inconsistance. Cela suppose 1. II, c. xix, xxxei-xxxiv; 1. III, c. xxm, xxv, xxxm, plus que la connaissance du canon baptismal. Aillcun n. 15; 1. IV, c. vii-vm, xxi-xxn, xxvu-xxvm, xxxvn- manifestement la · règle de vérité » est la fol chrétienne, xu; J. V, c. ι-xvn, xxv-xxvr; Dem., c. v-νπ, xxxvula foi véritable, 1. I, c. xxn, n. 1 ; c. xxvn, n. 2; 1. Ill, xxxix, xcvn-c. c. π, n. 1 ; c. xi, n. 1 ; c. xn, n. 6, l’ensemble des vérités de foi, la vérité tout court, 1. II, c. xxvni, n. 1; cf. Sur l'ensemble de la doctrine, voir, en plus des travaux c. xxv, n. 1 ; 1. Ill, c. iv, n. 1, col. 669, 803, 847, 8S0, d'ensemble sur saint Irénée indiqués plus haut, J Schwa ne· Dogmengctchlchte, Munster, 1862, t. ï, trnd. française par 898, 804, 70S, 855. Et ccttc vérité, c’est celle qui est P. Bélct. Paris, 1886. p. 121-135,283-209,412-151,658-676; enseignée par Γ Église, l. Le. ix, n. 5, col. 549; c’est h The witness of St. Irenaeus to catholic doctrine, dans la Dufol que l’Eglise, répandue par toute la terre, a reçue Win reuiew, Dublin, 1876, t. xxvii, p. 117-155; F. Boni fas. des apôtres et de leurs disciples, 1. I, c. x, n. 1 ; 1. IV, Histoire des dogmes de ΓÉglise c/inWcnne, publiée par C.Bois, c. xxvi, n. 2-6, col. 549, 1053-1050; c’est la tradition Paris, 1886,1.1, p. 161-163; cf. l'index alphabétique, p.3S0; des apôtres, 1. Ill, c. in, n. 1, 3, col. 818, 819, la fol Λ. Harnack, Lchrbuch der Dogmengeschlchle, 3· édit., Frlbourg-cn-Brisgau, 1894-1897» 1.I, p. 507-583; cf. le Sachre- qui a été livrée par les apôtres, qui vient des apôtres, gistcr, t. ill, p. 827; A. Domer, Grundriss der Dogmcnqc- L II, c. ix, n. 1 ; 1. III, præf.; c. ni, n. 3;c. v, n. 1; 1. V, Jchfc/ifr.Bcrlln.l899,p.66-71 ;V. Gourde veaux Saint Irénée, præf.; c. xx, n. 1, col. 731, 843, 850, 857, 1119, 1177; dans la Revue de Tnlstolre des rcllg.oni, Paris, 1300, t. xxr, Dern., c. ni, xcvm, p. 662, 730; c’est la tradition do la ρ. 119-175; F. Cabrol, La doctrine de S. Irenée et la critique vérité, Conl. hær., 1. Ill, c. in, n. 3, 4, col. 851, 852; de Ai. Courdaveaux, dans La science cutiunique, Paris, 1890- c’est la tradition apostolique de l’Église, 1. III, c.ni, 1891. t. vil, p. 97-117, 211-256, 301-315; J. fixeront. His­ toire des dogmes, Paris, 1905, t. ï, p. 217-262; F; Loots, n. 3, col. 850; c’est l’enseignement, la proclamation Lcitfaden fur seine Vorlesungen über Dogmengeschlchle, de l’Ég’isc, 1. III, c. xn, n. 13; I. V, præf.; c. xx, n. 1, 4· édit.. Halle, 1906, p. 139-151 ; R. Secberg, Lehrbuch der col. 916,1119,1177; c’est « la prédication de la vérité... Dogmengeschichle, 2· édit.; Leipzig, 1908, t. J, p. 235-382; Les prophètes l’ont annoncée, le Christ l'a établie, les P. Beuzart. Essai sur la théologie d*Irénée, Paris, 1903, apôtres l’ont transmise, partout l’Église l’olTrc ù scs cl. U. Mannuccl, da.»s la Rlvis.a storico-crlltca délie sclcnze enfants. •Dem.,c. xcvm, p. 730; cf. Cont. tuer., I. II, (eotogiche, Rome, 1909, t. v, p. 613-614 ; P. Gnltlcr, L'évéque c. xxx, n. 9, si bien qu’être hors de l’Égbsc,c’est être docteur; saint L^.ce de Lyon, dans les Études, Paris, 1913, t. CXt.%vi. p. 5-28, 211-223; les ouvrages qui traitent do hors de la vérité, I. IV, c. xxm, n. 7, col. 1076. Des principaux points de ccttc règle de la vérité l'histoire des dogmes. Irénée a fait, à plusieurs reprises, I. I, c. x, n. 1 ; 1. Ill, It. LA RÈGLE DE FOI ET L* ÉGLISE. —*1® La régie de c. iv, n. 2, col. 519-552, 855-856; Dern., c. v-vi, p. 66366 L un exposé global qui ressemble passablement foi. — c L’afiaire de notre salut dépend de la foi; » il au symbole des apôtres. La question des origines faut donc avoir < une règle de fol inaltérable, » « règle de notre salut. » D τη., c. m, xcvm, p. 662,730. L’expres­ de l i formule romaine du symbole des apôtres et de Srü n ort i\ c tint Irénéeaétédébaltue.durantces sion < règle de fol > ne se retrouve pas dans le Con/ru drnièi v aée\5 ms aboutir, semble-t-il, à des condu­ htereses. L’expression « règle de vérité · y est frequente. it! f< ï i< Cf. t. i, col. 1669-1670; A. Harnack, Quel en est le sens? Irénée oppose la < règle de vérité ■lins la Realencykloà la « règle » ou aux « règles ■ des gnostiqucs. Or, Il en ’ > kdpzlg, 1896, p. 731-752,1·. . \ Λtend par là leurs doctrines, Instables, infirmes, vaines, 2 '.13 IRÉNÉE (SAINT) candard, /zs origines du symbole des apôtres, dans scs Études de critique et <Γhistoire religieuse, Paris, 1905, t. ï, p. 39-40, etc. Certaines expressions d’Irénée se rapprochent, plus que celle» de scs prédécesseurs, du symbole romain. Par contre, d’autres, cl plus caracté­ ristiques, se rapprochent du texte oriental du symbole. La variété de ces exposés prouve qu* Irénée ne s'attache pas à reproduire tel quel un symbole ayant cours dans son milieu. En plus de ces exposés d’ensemble, Irénée a des exposés moins complets, moins méthodiques: 1. I, c. xxn, n. 1 ; 1. Ill, c. ï, n. 2;c. ni, n. 3;c. χνι,η. 6; 1. IV, c. xxxm, n. 15; 1. V, c. xx, η. 1, col. 669-670, 845-846, 850, 925, 1083, 1177. Sous des divergences le fond est le même, ct le cadre est toujours found par le canon baptismal. La chose apparaît plus nettement encore, dans Dem., c. vr, p. 664. · Voici l'enseignement méthodique de notre foi... Dieu le Père.., créateur de tout, c’est le premier article de notre foi. Quant au sc• coud article, le voici : c’est le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui... Quant au troisième article, c’est le Saint-Esprit, qui.... * Cf. c. χαχ-c, p. 730-731. G. Voisin, dans la Revue (Γhistoire ecclésiastique, Louvain, 1901, t. n, p. 9G, a justement maintenu, contre Kattcnbusch, Das apustolische Symbol, Leipzig, 1897-1900, t. n, que la formule trinltaire du baptême est le cadre du symbole ; saint Irénée, dans le Contra hœrcses, menait à cette conclusion, ct les textes de la Démonstration la confir­ ment. Du reste, Irénée va par delà les formules du symbole des apôtres. F. B. M. Hitchcock, Irenaeus of Lugdunum, Cambridge, 1914, p. 340-311» a tiré du Contra hœrcses un Credo très riche, qui çà ct 1Λ est une anticipation du symbole de Nicée. Aurions-nous, dans l’œuvre d’Irénée, l’écho d’une catéchèse ancienne, superposée au symbole, qui se serait transmise, par l’enseignement officiel, oralement ct fixée en partie dans la littérature patristique? On l’a pensé, dès avant la publication de la Démonstration. Voir t.i, col. 1670; t. n, col. 1877-1881. LaDémonstra­ tion a paru appuyer cette hypothèse. U. Mannuccl, La didascaUa delta Chiesa primitive, dans la Rivista storico-critica dette scien:e teologiche, Rome, 1907, t. ni, p. 137-139, a émis la supposition que cette catéchèse ou didascalie aurait compris « une large application de passages de l’Ancivn Testament aux articles du syniboloet constituerait la traîne de\t\ Démonstration. Mais l’existence même de ccttc catéchèse tradition­ nelle n’est pas sûre. En tout cas, la Démonstration n’est ni une sim pic catéchèse ni un exposé intégral de ce qui aurait été l’objet de lu catéchèse : le thème de ce que l’on prêchait aux fidèles « comprenait certai­ nement, sur les sacrements ct la liturgie, sur la morale ct la vie chrétienne surtout, des instructions qui, pour n’êtrc pas complètement omises ici, n’y sont touchées qu’en passant.» J. 'Fixeront, P. O., t. xn, p. 752. Le passage du Contra Inverses, 1. I, c. x, n. 3, col. 553-558, où Mannuccl, p. 136, a signalé ingénieusement l’idéo et comme la canevas de la Démonstration est, en toute hypothèse, d’extrême importance. Irénée dit que l’Église, répandue partout, a partout la même et uni­ que règle de foi, et donc que celui qui peut en parler longuement n’y ajoute pas ct que celui qui saurait moins en parler n’y retranche rien, car le plus ou le moins de connaissance en cette matière ne consiste pus à changer ce qui est de fol, mais uniquement Λ creuser le sens des vérités de foi et Λ exposer Jes desseins et la conduite de Dieu envers le genre humain. Et Irénée énumère quinze questions parmi celles qui peuvent se poser aux doctes, questions, comme l’a bien vu Mannuccl, qu’il développe, ù peu près dans le même ordre, au cours de cette Démonstration de la prédication apostolique, qui est destinée, y lisons nous, c. ï, p. 659, non seulement à présenter l'ensemble du 2<.I4 corps de la vérité, mais encore à « fournir les preuves des dogmes divins. » En d’autres termes, la fol du théologien est la même que celle du simple fidèle, car • celle qui est l’Église universelle a une seule ct même foi dans tout le monde. » Cent, tuer., 1. I, c. x, n. 3, col. 560. S. Badiner, Das apostoltsehe Glaubcnsbckenntnfss, seine Grschlchle und sein Inhall, Mayence, 1893; C. Elume, Das apostoltsche Glati bens bekcnntn bx J'ribourg-cn-Brlsgau. 1893 ; T. Zahn, Das apostollsche Symbolum. Eine Skizze seiner Gesdilchle und cine Prufung seines tnhaltrs, Leipzig, 1893; A. Harnack, article ApoxtolUcha Symbolum,dans la Realcncykopddic, 3· édit., Leipzig, 1896, t. I, p. 711-755; Malerialirn sur Gcschiehte und Erkldrung des alien rômischen Symbols ans der chrlstltchcn Llteratur der rxeei ersten Jahrhundrrtcn.cn appendice â A. Hahn, Bibllothek der Symbole und Glaubcnsrcgdderapostolisch-kaihotisehf n KIrche,3·édiL Breslau, 1897, p. 364-390. A. Burn, An introduction to the Credo and to the Te Drum, Londres, 1899, p.41-41 ; J. Kunze, Gluubensregel, Heilige Schrifl und Taufbekcnntn iss. Entersuchungen liber die dogmatisehe Autoritàl, (hr XVrrdcn und Hire GeschIchtc.vomehmHch in der allen Kirchc, Leipzig, 1899 ; F. Kattcnbusch, Das apostolische Symbol, Leipzig, 18971900, t. II, p. 25-53. Das σωμζτιίον τήζ ά)ηθι:ζς bel Jrcnâus, dans la Zcibchrtft fur die neutes(amentliche Wtssenschajt, Giessen, 1909, t. x, p. 331; T. Bornes, A study on the marcos tan heresy dans The journal o/ theological studies, Cambridge, 1906. p. 304-411 ; F. R. M. Hitchcock, Creeds of SS. Irenaeus and Pairik, dans 1*Hermathena, Londres, 1907, t. xxi. p. 163-182; U. Man­ nuccl, Im dldascalia della Chiesa prfmfttna. A proposito dt un* opera recenlcmcnte scoperta di S. 1reneo, dans la Riotsta storico-critica delle scltnze teologtche, Rome, 1907, t. m. р. 134-140; A. Becker, ‘Ο χζνών τής άλν/ηιχς, Regula veritatis filer Sandhedens Regel et Bidrag Ut Belysning c/ dette Udtryks Forekomst og Betydnlng hos Irenaeos, Copenliague, 1910. 2° ΓÉcriture, — Les gnostiqucs, simulateurs des catholiques, dit Irénée, simulantes nostrum tractatum, 1. Ill, c. xv, n. 2, col. 918, se servent de ΓÉcriture, mais abusivement. Ils rejettent des parties de récri­ ture ct ils donnent comme étant de l’Écriturc des écrits qui n’en sont pas. Valentin ct son école ont un Évangile qui ne s’accorde point avec celui des apôtres ct qu’ils appellent · l’ÉvangiIe de vérité. » L. III, с. xi, n. 9, col. 891. Les marcosiens apportent une mul titude d’Écritures bâtardes ct apocryphes, qu’ils ont fabriquées eux-mêmes. L. I, c. xx, n. 1, col. 653. Voir 1.1, col. 1498-1500; cf. E. Jacquier, Le Nouveau Tes­ tament dans ΓÉglise chrétienne, Pans, 1911,1.1, p. 2932. Un de leurs récits sur Jésus enfant est probable­ ment puisé dans l’ÉvangiIe de Thomas. Cf. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, р. 68. Marcion rejette en bloc Γ Ancien Testament, ct, sans exclure positivement les écrits du Nouveau Tes­ tament, opère panni eux un triage, ne gardant que ce qu’il croit pouvoir accommoder ù scs doctrines; su Bible comprend deux parties : l’ÉvangiIe, qui n’est qu’une édition mutilée de saint Luc. et le < livre apos­ tolique, » édition abrégée ct incomplète de saint Paul. L. 1,c. xxv»,n. 2,4; I. Ill, c. xt, n. 7, 9; c. xn, n. 12; с. xm, n. 1 ; c. xiv, n. 3-4, col. 688-689, 884, 890, 966, 910, 916. λ’οΪΓ t. v, col. 1634-1635. Les éblonites ne gardent que saint Matthieu ou plutôt l’ÉvangiIe aux Hébreux ct récusent saint Paul. L. I, c. xxvi, n. 2; I. IH,c. xi, n. 7, col. 686-687,884. Voirt. rv, col. 19911092; t. v, col. 1633. Quant à ceux qui, · séparant Jésus du Christ, ct, disant que le Christ est resté impassible pendant que Jésus était passible, préfèrent ΓEvangile selon Marc, » 1. 111, c. xi, n. 7, coi. 884, il n’est pas sûr que ce soient des cérinthicns, comme on l’a supposé, et ils demeurent énigmatiques. Au contraire, le pas sage sur ceux qui · n’admettent pas celte forme d’Evangile, dite · selon saint Jean », L III, c. xi, n. 9, col. 890-891, n été éclairci. Cf. P. de Labriolle, La crise montaniste, Paris, 1913, p, 231-238. 11 n’y est question 2415 IRENEE ni des ophites, mis en avant par R. A. Lipsius, Die Quellen der ûltesten Kdzergcschichte, Leipzig, 1875, p. 214, note 1, ni des montanistes, mais des aloges. Voir 1.1, col. 899-901. Sur cc que, d’après Irénée, les ophites admettaient des Écritures, cf. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 77-78. Les coin! tes sc réclamaient d’un Évangile de Judas. L. I,c.xxxi,n. 1, col. 704. Voir t.n, col. 1308. En second lieu, les gnostiques altèrent le sens des Écritures qu’ils gardent; ils les < calomnient » ct les « diiTament ». L. I, c. rx, η, 1,3, col. 537,543. Ils pren­ nent des textes de l’Ancien ct du Nouveau Testament, ct en particulier les paraboles ct les prophéties, ct les adaptent ù leurs fictions. L. I, c. I, n. 3; c. ni; c. vm, n. 1, col. 449-451, 465-478, 521. Ou bien Ils assem­ blent des textes épars ct leur prêtent, par Fossemblage, un sens qu’ils n’ont pas. CL, pour les Valenti­ niens, 1. I, c. mit, col. 519-538; pour les marcosiens, 1. I, c. χνι, η. 1, c. xx, n. 2-3, col. 628-629, 653-658. Ou encore ces derniers jonglent avec les nombres qui sont mentionnés dans l’Ecriturc ct en tirent leurs rêveries doctrinales. L. I, c. xvm, col. 641-650. CL encore, sur les carpocraticns, 1. I, c. xxv, n.4, col. 682684; sur les barbéliotes, !. I, c. xxix, n. 4, col. 694; sur les ophites, 1. I, c. xxx, n. 6-14, col. 697-703; sur les cérintinlcns ct les ébioniles, 1. I, c. xxvi, n. 1-2, col. 686-687. Voir t. n, col. 384, 1801, 2155. Certains gnostiques opposent les divers noms que l’Écriturc donne à Dieu ct en concluent l’existence de vertus di­ verses ou de plusieurs dieux, ù moins qu’lrénéc sc borne à prévenir cette objection comme possible : si autem quidam... opponant. L. 11, c. xxxv, n.3, col. 838. Il y a plus fort encore. Quand lis sont embarrassés par les Écritures, les gnostiques en deviennent les accusateurs : elles sc trompent, elles sont sans autorité, leur enseignement n’est pas uniforme, les apôtres au­ raient mêlé aux paroles du Seigneur des idées léga­ listes. L. III, c. n, n. 1-2, col. 846-847. Jesus aurait eu un enseignement ésotérique, au dire des carpocraticns. L. I, c. xxv, n. 5, col. 685. Le Seigneur ct les apôtres, d’après les « très vains sophistes » que sont les gnosti­ ques, auraient enseigné non pas conformément à la vérité, mais conformément ù la capacité des auditeurs. L. Ill, c. v, n. 1, col. 858. Saint Paul, selon quelquesuns, aurait seul connu la vérité complète, ct cette vérité aurait été connue seulement en partie de son disciple Lue. L. lll,c.xm, n. l;c.xiv,n. 3, col. 910-911,915. Enfin, le Seigneur aurait parlé tantôt au nom du démiurge, tantôt au nom du Dieu suprême, tantôt au nom des éons intermédiaires, ct co seraient les gnostiques qui connaîtraient certainement, exacte­ ment, sincèrement, le mystère caché. L. III, c. n, n. 2, col. 847. 1. Le canon des Écritures. — Contre ccs errements gnostiques Irénée défend, d’abord, les véritables Écritures. Ni il n’a le mot « canon des Écritures » ni il ne trace le canon de l’Ancien ct du Nouveau Testament. Mais cette liste nous pouvons l’extraire de scs œuvres; 11 y cite de nombreux passages de presque tous les Livres saints. Pour l’Ancien Testament, il accepte le récit légendaire du IV· livre d* Esdras, voir L il, col. 1569-1570, tout comme l’authenticité de la lettre d’Aristee sur la traduction des Septante, faite, d’après lui, sous Ptolémée fils de Lagus, ct qui aurait embrassé toute l’Écriturc ct non pas seulement le Pentateuque. L. 111, c. xxi, n. 2, col. 947-948. Il cite tous les livres, sauf Judith, Esther, les Paralipomênes, 1’Ecclesiaste, le Cantique des cantiques, l’Ecclésiastique, Job, Tobic, Abdias, Nahum, Sophonlc, Aggée ct les Mac­ chabées; encore mentionne-t-il Tobie, Nahum, So­ phonlc ct Aggée, de manière à montrer qu’on les clas­ sait parmi les « prophètes ». L. I, c. xxx. n. 11, col 701. 11 ne met pas de distinction entre les deutérocano niques (SAINT) 2416 ct les protocanoniques, ct cite la Sagesse, l’histoire de Susanne ct celle de Del ct du dragon, et Baruch sous le nom de Jérémie. L. IV, c. xx vi, n. 3 ; c. xxxvni, n. 3 ; 1. V, c. v, n. 2 ; c. xxxv, η. 1, col. 1054, 1108,1135* 1209; Dcm., c. xcvn, p. 729. Important surtout est son témoignage sur les écrits du Nouveau Testament. Dans le Contra hirreses 11 le cite plus d’un millier de fois. Voir les chiffres, légèrement différents, à cause de l’incertitude de plusieurs emprunts, donnés par F. R. M. Hitchcock, Irenaeus o/ Lugdunum, p. 221, ct par E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans Γ Église chrétienne, Paris, 1911-1913, t. i, p. 181-182; t. n, р. 309. CL, pour les citations de la Démonstration de la prédication apostolique, P. O., t. xn, p. 802, et, pour la lettre des Eglises de Lyon et de Vienne, E. Jacquier, op. cil., t.i, p. 178. Irénée at teste l’existence des quatre Evangiles, ou plutôt de l’Évangile unique à quatre faces, du « tétramorphe, » et déclare qu’il n’y en a pas davantage. L. IH,c.i, n. 1 ;c. xi,n.8-l 1, coî. 844-845, 855-891. Ce n’est pas le moment d’insister sur son témoignage capital pour l’attribution & saint Jean du IV· Évangile. Voir Jean (Évangile selon saint). Quoi qu’on en ait dit, le passage sur F Évangile de saint Marc, 1. III, c. i, n. 1, col. 845, met la compo­ sition de cet Évangile après la mort des apôtres Pierre ct Paul. Cf. la note de Massuct et M. J. Lagrange, Évangiie selon saint Marc, Paris, 1911, p. xxn-xxm, xxx-xxxj. A côté des Évangiles, Irénée placée la doc­ trine des apôtres,» · les lettres des apôtres, » surtout de saint Paul. L. IV, c. xu, n. 4 ; 1. V, præL, col. 1117, 1119. Peut-être apostolus, qui s’applique d’ordinaire à la collect ion des É pitres pauliniennes, a-t-il parfois un sens plus ample et signi iie-t-il, par opposition à Dominus, qui désigne l’Evangile, toute la seconde partie du Nouveau Testament. CL E. Jacquier, op.cil., t. i, p. 185. Sûrement cette seconde partie est bien connue de lui. Il en elle tous les livres, à l’exception de la lettre de Paul ù Philemon, de celle de Jude, de la III· de saint Jean; un emprunt à la II· lettre de Pierre et deux emprunts à celle de Jacques sont dou­ teux. L’Épître aux Hébreux est utilisée, mais peu litté­ ralement, ilix fois, sans être nommée. Eusèbc,J/.E.,l.V, с. xxvi,P. G.,t. xx, col.510, nous apprend qu’lrénéc la mentionnait et l’utilisait, ainsi que la Sagesse, dans le livre perdu des Discours ou Traités variés; au dire de Photius, Bibliotheca, cod. ccxxxn, P. G, t. au, col. 1104,il niait que l’Épîtrc fût de saint Paul. En ce qui regarde les Actes des apôtres et l’Apoca­ lypse, Irénée, le premier, désigne Luc, disciple de Paul ct auteur du 11 Ie Évangile, pour auteur des Actes 1. III, c. xiv, n. 1, col. 913-914, ct Jean, disciple du Seigneur, pour auteur de l’Apocalypse, 1. V, c. xxm, n. 1, col. 1192. Ajoutons qu’il cite, entre la Genèse ct Malachie, sous cette forme : « l’Écriturc dit, » le Pas­ teur d’Hemias, ainsi que beaucoup le firent jusqu’à la fin du iv· siècle. L. IV, c. xx, n. 2, col. 1032. Dcm., c. iv, p. 662-663, il l’utilise sans en avertir. Cf. A. Lclong, Le Pasteur d*Hermas, dans IL Hemmer ct P. Lejay, Les Pères apostoliques, Paris, 1912, t. iv, p. Lxxxix-xcii. Quant à la lettre de saint Clément aux Corinthiens, qui fut, elle aussi, parfois considérée comme une « Ecriture sainte, » il ne semble pas qu’ Irénéc l’ait tenue pour telle, en dépit de l’Ex ipsa scrip­ tura du traducteur. L. III, c. ni, n. 3, col. 849-850. « Irénée dit, en cet endroit, que l’Église romaine écrivit aux Corinthiens Ικανωτάτην γραφήν, cc que l’ancien interprète latin traduit par : potentissimas litteras. Quelques lignes plus loin, Irénée renvoyait à la mèm< ’ ptlr. · m ds cette fois l’interprète a traduit γ αφή par 'criplura: ex ipsa scriptura qui velint discere po sent. < a ne prou> c pas que l’Église de Lyon ait I cette Épttre comme iture divine* » , Π aire da canon du Nouveau Testament, 2417 IRÉNÉE (SAINT) Paris, 1891, p. 107, n. 4. Qu’lrénéc n’ait pas connu les écrits des deux Testaments à l’état de dispersion, mais recueillis ensemble, c’est cc qu’on pourrait conclure des passages où il distingue quatre groupes d’écrits, d’un côté les évangéliques et les apostoliques, Nouveau Testament, cl, de l’autre, la loi ct les pro­ phètes, Ancien Testament. Cf. 1. I, c. m, n. 6; 1. II, c. xxx, n. 9; c. xxxv, n. 4, col. 477, 822-823, 841, etc. « La mise en face de l'un avec l’autre prouve que le premier était dans le même état que le second, c’està-dire réuni en collection. » E. Jacquier,op. cit., t.i,p. 84. 2. Le texte ct les citations des Écritures, — Il n’est pas possible de connaître avec certitude le texte scrip­ turaire d*Irénée; les citations que nous avons en grec ont pu être modifiées par ceux qui nous ont conservé des fragments de son œuvre ct les traducteurs latin du traité Contre les hérésies ct arménien de la Démons· tration de la prédication apostolique ont pu ne pas suivre de près l’original ou se conformer au texte des versions latines ou arméniennes de leur temps. Pour l’Ancien Testament Irénée suit généralement les Septante; parfois il se rapproche davantage de l’ori­ ginal hébreu. Il connaît ct cite, pour leur reprocher leur traduction d’Is., vu, 14, les versions de Théodotlon ct d'Aquila· L. III, c. χχι, η. 1, col. 946. Pour le Nouveau Testament, il semble supposer que les textes autographes ne subsistent pas, au moins en entier : dans sa discussion sur le chlfirc 6G6, Apoc., xm, 18, désignant le nom de la bête, il oppose à des copies, altérées ut fieri solet, les copies anciennes ct exactes, in omnibus antiquis ct probatissimis ct veteribus scrip­ turis, 1. V, c. xxx, n. 1, col. 1203-1204, non les textes autographes. Autant qu’on peut en juger, les citations du Nouveau Testament qu’on relève dans ses œuvres représentent un texte du type dit occidental, non Influencé par le Diatcssaron grec de Tatlen. Cf. E. Jac­ quier, Le Nouveau Testament dans Γ Église chrétienne, L n, p. 297, 303, 345, 362-363, 519,526. Le vieux tra­ ducteur latin d* Irénée est indépendant de tout texte latin connu. On ne sait si les nombreuses citations néotestamentaires ont été traduites directement sur le grec ou empruntées à une version latine. Elles ont des rapports avec le texte du Vercellensis, ct on a re­ marqué leur affinité plus grande avec la version ’otine africaine qu’avec l’européenne· · Faut il conclure que la version africaine était prépondérante meme en Gaule..., ou plutôt que le traité de saint Irénée a été traduit en Afrique ct que le traducteur a conformé son texte néotestamentaire à celui qui était courant en Afrique? » E. Jacquier, op. cit., t. n, p. 332; cf. 131, 151. Irénée allègue deux agrapha, 1. V,c. χχχιπ,η. 3-4 (d’aprèsPapias),c.xxxvi,n. 2 (inspire de Matth.,xxv, 15). Cf. E. Jacquier, Les sentences du Seigneur extracanoniques (les Agrapha), dans la Revue biblique, n· série, Paris, 1918, p. 129-131. 11 ne sc sert pas des apocryphes, sauf peut-être du livre d’IIènoch. L. IV, c. xvi, n. 2, col. 1016; cf. la note de Massuct. Comme tousles anciens, Irénée cite parfois de mé­ moire. Par là s’expliquent des transpositions, des combinaisons «le textes, des changements de construc­ tion, l'usage de mots équivalents, des variantes dans les ci tat ions successives d'un même texte. Ccs variantes, quand il s’agit des citations latines, peuvent être le fait du traducteur. Voici quelques-unes de scs citations intéressantes à divers points de vue. De deux cita­ tions données comme de Jérémie, Dem., c. xun, p. 692, l’une est, en réalité, du psaume αχ, 3, l’autre n'a pu être identifiée. Irénée prête à Jérémie deux longs pas­ sages de Baruch. Dcm., c. xen, p. 729; Cont. hier., 1. V, c. xxxv, η. 1, col. 1219. Il n Jusqu’à six fols, ct presque toujours avec des variantes, ducs peut-être au traducteur, deux fois sous le nom de Jérémie, Dcm., c. lxxvhi, p. 717; Cont, hier., 1. IV, c. xxn, η. 1, 2418 col. 1046, une fols sens le nom d*Isaïe, L III, c. xx, n. 4, col. 945, trois fols avec une attribution Impré­ cise aux prophètes, I. IV, c. χχχπτ, n. 2, 12; 1. V, c. xxxi, η. 1, col. 1072,1081,1208-1209, un texte apo­ cryphe sur la descente du Christ aux enfers, voir L iv, col. 579, qui est de ceux que saint Justin, Dialogus cum Tryphone judæo, c. Lxxn, P. C., t. vi, col. 645, déclarait disparus de l’Écriturc par la fraude des Juifs. Cf. Justin, Dialogue avec Tryphon, édit. G. Arch; mbault, Paris, 1909, t. i, p. 349-350, note. Il applique au fils de Marie, I. III, c. xxm, n. 7 ; 1. IV, c. xl, n. 3 ; L V, c. xxi, n. 1, col. 964,1114,1179, le Conteret caput tuum de Gen. ru, 15. Il transporte quatre fois, Dem., c. xx, xxi, p. 673-674 ; Cont. hier., 1. IV, c. xxxi. n. 1, col. 1068, à Cham la malédiction de Canaan, qui se lit Gen., ix, 25-27. Un mot écrit < dans les douze pro­ phètes, > cité dans la Démonstration c. Lxxvn, a été Identifié, P. O.,t. xn, p. 717, avec Os., x, 6, texte des Septante. Irénée, parlant de la généalogie du Christ, dit que Matth., i, 18, ne dit pas : Jcsu vtro generatio sic erat, mais: Christi autem generatio sic erat, L III, c. χνι, η. 2, col. 921, en quoi il s’accorde avec la Vul­ gate, non avec nos manuscrits grecs. Il connaît et utilise, comme parties Intégrantes du texte, les généalogies et les récits de l'enfance qui sont propres à saint Luc, 1. Ill, c. ix, n. 2; c. x, n. 1-5; c. xxn, n. 3, col. 870-871, 872-878, 958, et aussi la finale de Marc, 1. III, c. x, n. 6, col. 879. Sur la manière dont il cite Marc,i, 1, cf. E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans rÉglise chrétienne, t. n, p. 363. Il cite, 1. 1II, c. xvn, η. 1, col. 929, Matth., xxvm, 19, sur la formule trinitaire du baptême. Dans un même chapitre, 1. IV, c. vi, n. 1,3, 7, col. 986, 988, 990, Il cite de trois manières le verset sur la connaissance que le Fils a du Père. Matth., xi,27; Luc., x, 22, dit que cc verset se lisait aussi dans Marc (qui ne l'a plus aujourd'hui, si tant est qu’il l’ait Jamais eu), ct combat le texte qu’allé­ guaient les gnostiques, η. 1, col. 986-987. Cf. J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, 1.1, p. 474-475. 11 parle de la sueur de sang. L. Ill, c. xn, n. 2, col. 957; voir t. i, col. 617, 618. 11 cite Joa.,i, 3-4, 12-13, 14, 18, autrement que la Vulgate. L. I, c. vin, n. 5 ; 1.111, c. xi, η. 1 ; c. χνι, n. 2. c. xix, n. 2, col. 533-537,880,921 -922,940. Il rapporte ainsi le décret du concile de Jérusalem, Act., xv, 29 : Ut abstineatis a b idolothytis, ct sanguine, et fornicatione, cl qiurcumque non vultis fieri vobis aliis ne faciatis, a quibus custodientes vos ipsos bene agetis, ambulantes in Spiritu Sancto, 1.111,c. xn, n. 1 I, coi. 908-909. L. 1II, c. ix, n. 1 ; c. xn, n. 15; col. 86J-910, Irénée a mani­ festement sous les yeux un codex, qu’il feuillette pour en extraire les textes qui prouvent qu’il n’y a qu’un seul Dieu et un seul Seigneur, Fils de Dieu. Or, dans son manuscrit, les Évangiles sont disposés dans l'ordre suivant: Matthieu,c.ix,n. 1-3; Luc,c. x,n. 1-5; Marc, c. x, n. 6 ; Jean, c. χι, η. 1 -6. Cet ordre est encore marqué, LUI, c. xi,n.7; 1. IV, c. ni, n. 1,coL 884,9SG. Le livre des Actes, dont sont cités des versets apparte­ nant aux quatorze premiers chapitres 1.111, c. xn,n. 1-15, col. 892-910, suit immêdiatvmcntle quatrième Évangile. En fin, nu c. xi v, η. 1, col. 913-914, Irénée mentionne ou analyse, de In seconde partie decelivre de saint Luc, tous les passages, que les modernes appellent les Wirslûcke. Il fait commencer le premier Winlock à Act., χνι, 8. Il n’en résulte pas que Luc ait été témoin oculaire de tous les événements qui suivent dans son récit, car, au n. 2, col. 914-915, Irénée rapporte le dis­ cours que saint Paul avait prononcé à Mllct comme un fait que Luc avait appris des autres. Les Épltrcs homonymes n’étaient sans doute pas séparées dans son texte. Cont. lurr., I. I, c. vm, n. 2, col. 523-524, la traduction latine a : in prima ad Corinthios, mais le grec a simplement : έν τη πρδς ΚορινΟίους. Il y a des 2419 1R É N E E chances pour que l’in secunda ad Corinthios, qui sc lit plus loin, 1. III, c. vn, η. 1, col. 861, soit également du traducteur. Ce qui invite à le croire, c’est que, 1. III, c. xm, n. 5,8, col. 925,927, les expressions : Joannes... in epidola sua, Joannes in prædicla epistola, cl rursus in epistola, rursus in epistola clamai (celte fols nous avons l’original : έν τη επιστολή φησί), désignent, la seconde fois, Ia II* lettre de saint Jean, ct les trois autres foisla Illettré. C’est donc que les Épilrcs homo­ nymes n’étaient pas distinguées. Dans Gai., ni, 5, Irénée, 1. III, c. xm, n. 3, col. 912, supprime la négation : neque ad horam cessimus, admise par Mardon ct les principaux manuscrits et réclamée par le contexte. Ci. A. d’Alès, La théologie dc Tertullien, Paris, 1905, p. 210-2-11. Cf., sur quelques autres cita­ tions, F. R. M. Hitchcock, Irenaeus o/ Lugdunum, p. 353-357. 3. L*interprétation des Écritures. — Si, dans les choses humaines, tout ne nous est pas connu, il n’est pas étonnant que les Écritures, toutes spirituelles, nous échappcntcn partie. Il faut se contenterdecoque nous atteignons et, pour le reste, s’en remettre à Dieu et pour cc monde ct pour le monde futur, en telle sorte que Dieu enseigne toujours ct que l’homme apprenne toujours cc qui est do Dieu. L. II, c. xxvui, n. 3, col. 805-806. Un esprit sain, ferme, religieux ct ami de la vérité, que Dieu a livrée au pouvoir des hommes et soumise à notre science, est celui qui profitera. Il ne faut pas expliquer l’obscur par l’obscur, mais par cc qui est clai r. Et donc les paraboles, qui sont susceptibles de sens divers, ne doivent pas être adaptées ù des choses douteuses au gré des rêveries de chacun, sinon il n’y a pas de règle dc vérité possible, mais autant de pré­ tendues vérités contradictoires que de fabricateurs de dogmes,ct l’homme, cherchant toujours, ne trou­ vera jamais eo quod ipsam inventionis abjecerit disci­ plinam. L. II, c. x, n. 1; c. xxvn, col. 735, 802-801. Mieux vaut l’ignorance aimante que des prétentions scientifiques Impies.L. II, c. xxn, n. 1, col. 800. Pour connaître Dieu, il n’y a pas à jongler avec les nombres, les syllabes et les lettres, mentionnés par l’Écriture, car on peut leur faire dire tout cc qu’on veut, mais à rapporter les nombres et tout cc qui a été fait à la i doctrine de vérité, non enim regula ex numeris sed numeri ex regula nec Deus ex Jadis sed ea quæ fada sunt ex Deo. L. 11, c. xxv, n. 1, coi. 798; cf. c. xx-xxvj, col. 77G-802. Défense encore dc combiner des textes épars et disparates ct de les détourner dc leur sens naturel; respect du sens naturel ct attachement au texte. L. I, c. ix, col. 537-550. Tenir compte des pro­ cédés dc style, par exemple, des hyperbates dont saint Paul use fréquemment propter velocitatem ser­ monum suorum ct propter impetum qui in ipso est Spi­ ritus. L. III, c. vn, n. 1-2, col. 8G1-865. Tenir compte aussi de la ponctuation. Ibid. En un mot, < avoir pour règle la vérité même· » L. II, c. xxvni, n. 1, col. 801. Tout cela est sagesse. Ce n’est pas que, dans le détail, Irénée ne se soit trompé plus d’une fois. Précisément dans le chapitre où il demande dc tenir compte des procédés de style, Irénée voit une hyperbato là où cita n’existe pas. Cf. Λ. d’Alès, Lu théologie de Tertullien, p. 247; J. Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis Γorigine jusqu'au concile dc Trente, Paris, 1901, р. 16. Çàct là son exégèse peut sembler aventureuse, par exemple, quand, d’accord avec tant d’autres, il volt des anges dans les < fils dc Dieu » dc Gcn., vi, 2. Nous retrouverons le texte sur l’àgc du Christ, 1. II, с. xxn, n. 3-6, col. 782-786, où il conclut bien, de suint Jean, que le ministère publie a duré plus d’une année, mais mal que le Christ mourut vers cinquante ans. Mais pour cc dernier point II invoque la tradition des presbytres d’Asie. Ne pourrait-on pas surtout lui re­ procher de tomber dans des travers qu’il condamne 2420 chez les gnostiques, d’abuser de l’allégorismc, d’ac­ corder trop d’importance aux nombres, de subtiliser à l’excès? La critique ne serait pas tout à fait injuste, à condition toutefois dc s’appuyer sur le sens véritable du texte Irénécn· Quand J. Pédézert, Le témoignage des Pères, Paris, 1892, p. 213, dit qu* Irénée semble avoir pour le nombre cinq < une préférence fondée sur l’Écriture, » ct cite, en preuve, 1. II, c. xxiv, n. 4, col. 794, il ne s'est pas aperçu qu’Irénée affirme seule­ ment que l’usage des nombres par les gnostiques n’est pas justifié, ct que tout autre nombre dont ils ne sc servent pas, par exemple, cinq, si on admettait leurs procédés d'éxégèse, paraîtrait avoir une grande valeur d’après l’Écriture, et alia quoque mulla millia hujus­ modi et in hoc numero et in quo quis voluerit sive ex Scriptura sive ex subjacentibus natura: operibus colli­ gere potest, coi. 795. Mais ailleurs, par exemple, I. V, c. xxix, n. 2, col. 1202-1203, il attribue aux nombres une valeur dc signification fantaisiste. Et,un peu par­ tout, partant de cette idée très juslcquc l’AncicnTes­ tament est la figure du Nouveau, que « le Christ est le trésor caché dans les Écritures, que signifiaient les types ct les paraboles, » il en fait — lui ct d’autres Pères — une application inconsistante et tout au plus valable contre les gnostiques comme argument ad hominem. Où il excède encore, c’est quand, sous le couvert d’un presbytre et sous le prétexte que rien n’est inutile dans l’Écriture et que, là où elle raconte sans blâme des choses inexcusables, nous ne devons pas devenir accusateurs, sed typum quicrcre, il excuse Lot ct scs filles, Gen., xix, 31-38, en cc que per verba earum significabatur neminem esse alterum qui possit filiorum generationem majori et minori synagogue præslarc quam Patrem nostrum. L. IV, c. xxxi. n. 2, col. 10G9. Nous verrons tout ù l'heure que cct allégori.sme intem­ pérant a été influencé, sinon produit, par la notion dé­ fectueuse qu’avait Irénée de l’inspiration de l'Ancien Testament. Les gnostiques n’avalent pas à s’en plain­ dre, car il était conforme à leurs principes. Et Irénée avait autre chose que ccs allégories ténues. Son pro­ cédé le plus habituel de démonstration fut aussi simple qu’efficace. Il consista à rapporteriez textes dc 1* Ancien Testament cités parles auteurs inspirés,ainsi que les endroits où Notrc-Scigneur avait Invoqué l’autorité des Écritures ct à montrer aux gnostiques, opposant le Dieu dc l’Ancicn Testament ct celui du Nouveau, que le Sauveur lui-même ct les apôtres idenlifiaient le Dieu créateur avec le Dieu rédempteur, et qu’alnsi le dualisme gnostique, qui sc réclamait de l’Écriture, était condamné par elle. Ajouterons-nous que les protestants allégueraient à faux saint Irénée pour soutenir que l’Écriture sc suffit, qu’elle est parfaitement claire? Il en est qui l’ont prétendu, tel P. du Moulin, Le bouclier de la foyt Sedan, 1621 ; cf. J. Jaubert de Barrault, Bouclier dc la foy catholique, Paris, 162G, t. i, p. 177-179; tels encore Grabe, cf. P. G., t. vu, col. 255-256, ct, plus ré­ cemment, des auteurs at tardés l'ont répété, tel F. Bonifas, Histoire des dogmes dc Γ Église chrétienne., publiée par C. Bois, Paris, 1886,1.1, p. 227, qui appelle Irénée < le représentant le plus fidèle du principe protestant. » Cont. har., I. 11, c. xxvn, n. 2, col. 803, ne signifie pas, ainsi que le paraphrase F.Bonlfas, p. 22G : ■ Le sens des Écritures est facilement Intelligible pour tout esprit droit ct simple. S'il est des passages obscurs, ils s’expli­ quent par d’autres plus clairs, de telle sorte que l’Êcriture s’explique par ΓÉcriture, ct n’a besoin, pour être Interprétée, d’aucun secours étranger.» Irénéen’affirme p is que Para - h-s ÉcritnrcH ont ccttcclarté—il affirme plusieurs • le cm train· notamment au chapitre suivont ,c. x u’cllcs enseignent avec ccV d \rt c que h Dieu unique a fait toutes choses m on Verbe· F. Bonlfxs, p. 227, cite de la 2421 IRÉNÉE (SAINT) 2422 sorte un second texte d*Irénée, 1. III, c. ïv, η. 1, furent écrites; que Dieu parlait non pas tant aux col. 855 : « S’il y n quelque question secondaire, modica contemporains du prophète qu’à tous les hommes, ct, quæstio,qpc l’Écriture ne puisse résoudre, Il faut s’en en particulier, aux chrétiens à qui la croix a livré la rapporter à la tradition des plus anciennes Églises clef du mystère; que nous avons dans les prophètes apostoliques. Mais, sur les grandes questions dc la foi tout ce qu’il y a dans l'Évangile écrit par les apôtres, ct du salut, il n’y a pas d’incertitude possible: la Bible toute l'action, toute la doctrine, toute la passion du est claire et la tradition la confirme. » Voilà une tra­ Christ, annoncées d’avance : legite diligentius id quod duction bien large et bien tendancieuse 1 Irénée dit a b apostoli* est Evangelium nobis datum et legile dili­ que les apôtres « ont déposé dans l’Église la plénitude gent ius prophetas, ct invenietis universam actionem, et de la vérité, qu’en dehors d’elle tous sont des voleurs omnem doctrinam ct omnem passionem Domini nostri ct des brigands, qu’il faut donc éviter ceux-ci, aimer prædietam in ipsis. L. IV,c. χχχιν,η. l,coL 10S3. Cela extrêmement celle-là et saisir la tradition dc la vérité, explique avec quelle assurance Irénée allegorise, · avec et que, si quelque petite question provoque une que­ quelle facilité il trouve dans l’Ancicn Testament des relle, il n’y a qu’à recourir aux Églises les plus antiques textes sc rapportant nu Père, au Fils ct au Saintct, sur la question débattue,prendre les certitudes Esprit, ou à la condition du Fils avant et après l’incar­ qu'elles ont. Pourquoi ? Parce que les apôtres y ont vécu nation. » W. S. Reilly, L'inspiration de Γ Ancien Tes­ ct leur ont livré ce qui est certain. S’ils ne nous avaient tament chez saint Irénée, dans la Revue biblique, 1917, pas laissés des textes écrits, n'aurait-il pas fallu suivre р. 499 sq. Évidemment, avec dctcls principes, Irénée l’ordre de la tradition qu’ils ont communiqué à ceux sera un guide peu sûr quand il s’agit de déterminer le auxquels ils confiaient les Églises? · Dans ce remar­ sens historique exact de l’Ancicn Testament- L'allé­ quable passage l’Écriture, loin d’être au premier plan, gorie érigée à ce pointen système aura de la valeur n’intervient que d’une façon incidente. L’idée exposée comme argument ad hominem; mais c’cst tout. par Irénée, c’est que toute la vérité est dans l’Église; 11 en va tout autrement du Nouveau Testament. Ici que, sur les grandes questions de la fol et du salut, nous avons la distinction entre la révélation et l’inspirenseignement de l’Église et la tradition de la vérité ration. L’inspiration accordée ài’écri vain sacré n’est pas ne font pas dc doute, mais que, des doutes pouvant accompagnée de révélation. Elle n’en vient pas moins s’élever sur des questions moins Importantes, pour dc Dieu, et l'autorité des écrits du Nouveau Testa­ les trancher on a le reçours aux Églises d’origine apos­ ment est Identique à celle des écrits de Γ Ancien, étant tolique; que, à la rigueur, les apôtres auraient pu ne divine. Dans saint Irénée, les mots · Ancien Testa­ pas écrire, mais que dans tous les cas II est nécessaire ment » ct < Nouveau Testament » désignent directe­ et il sufllt de suivre l’ordre de la tradition, à preuve ment les deux révélations, les deux alliances : duo « les nations barbares devenues chrétiennes, qui n'ont testamenta dicit, vetus quidem, quod ante fuerat, tegispas les Écritures, mais qui gardent diligemment la datio·, novum autem, quæ secundum Evangelium est, vieille tradition, ct, sans livres, ont la foi ct plaisent à conversatio. L. IV, c. ix, n. 1, coi. 996. Pour désigner Dieu. » Cf. 1. IV, c. xxvi, n. 5, col. 1056, Sommes-nous les deux parties de la Bible, tantôt il oppose la Loi ct les prophètes aux Évangiles ct aux écrits des apôtres» à distance du principe protestantI 4. L’Écriture ct la règle de foi. — Irénée professe ou les prophètes au Seigneur ct aux apôtres; tantôt l’inspiration des Écritures. Il a deux fois le mot · inspi­ Il oppose simplement les prophètes ct les apôtres. ration, * pour caractériser l'œuvre des Septante ct celle L. 111, c. xxiv, η. 1, col. 906. Quelle que soit l’appella­ d’Esdras; Dieu, dit-il, inspira, ένέπνευσεν, à celui-ci tion employée, elle sc rapporte clairement à un corps de recueillir les écrits des prophètes ct la Loi, ct ceux- d’écrits apostoliques placé au même rang que le corps là traduisirent les Écritures par l’inspiration de Dieu, des anciens livres juifs Inspires, Les uns ct 1rs autres κιτ’ έπίπνοιαν του θεού. L. Ill, c. χχι, η. 2, col. sont compris sous le nom commun d’< Écriture · ou 910, 048. Aussi Dieu fut-il glorifié et les Ecritures • Écritures ·. Introduits dc la même façon : « Il est — non pas seulement la traduction des Septante, mois écrit », « selon qu’il est écrit », « l’Écriture dit », ils ont les écrits qu'ils traduisirent — furent-elles « crues la même force probante : omnes clamant Scripture?. vraiment divines. * Que les livres de l'Ancien Testa­ L. II, c. ix, n. 1; cf. c. xxx, n. 7, col. 733, 818. Cf. ment aient été tenus pour divinement Inspirés par с. xxvn, n. 2, col. 803 : universae Scriptura et prophetia Irénée, comme par tous scs contemporains, cela ne et Euangelia; c. xxvni, n. 7, col. 810 : Dominus mani­ fait pas dc doute. Quant à sa notion de l’inspiration feste docuit cl rcliquæ demonstrant Scriptura, etc. Us dc l’Ancicn Testament, nulle part elle n’est formulée sont également parfaits, Scriptura quidem perfecta d’une manière complète ct précise. Autant qu'on peut sunt, quippe a Verbo Dei et Spiritu ejus dicta. L. II, la dégager de l’ensemble des textes, il semble que, j c. xxvur, n. 2,‘coi. 805. Ils sont également la parole du pour lui, l’écrivain sacré de l’Ancicn Testament, aussi Saint-Esprit, unus cnim ct idem Spiritus Dei, qui in bien celui du Pcntatcuquc ct des livres sapientiaux prophetis quidem praco naviI.., ipse el in apostolis ou historiques que celui des livres prophétiques pro­ nuntiavit. L. Ill, c, χχι, η. 4, col. 950. Les apôtres prement dits, est un < prophète ». Dc là vient que, s’il ont d’abord prêché l’Évangile dc vive voix, postea vero, distingue la Loi ct les prophètes dans l’Ancicn Testa­ per Del vuluntutem, in Scripturis nobis tradiderunt. L. Ill, c. i, η. 1, col. 844. Le Verbe nous a donné ment, par opposition à l'Évangile ct aux écrits des apôtres dans io Nouveau, plus souvent il englobe tous l'Évangile tétrainorphe ένΐ δέ Πνβύματι συνεχόμενον; les Écrivains de Γ Ancien Testament sous l’appellation I le Christ réside, έγχαΟέζεται, dans les Évangiles. de prophètes, ct II se plait à la trilogie : prophetæ, Do- | L. Ill, c. xi, n. 8, col. 885, 887. En eux pas de fausseté ni d'ésotérisme, ni dc la part du Christ, qui ne minus, apostoli. L. I, c. vî, n. 6; c. νιπ, η. 1 ; 1. 11, c. n, n. (>;c. xxxv, n. 4; 1. V, præf., col. 477, 520, 716, 841, j ment pas, ni de la pari des apôtres ct de saint Paul, 1119; Bc/n., c. xcvm, p. 730, etc. La conséquence, c'est qui ont reçu du Saint-Esprit la connaissance parfaite que l’écrivain dc l’Ancicn Testamcntestl’o.gancdcDleu et qui ne sont pas menteurs. L. Ill,c. I, η. 1, c. ν,η. 1 ; dans ses écrits do la même manière qu’il l'est dans h s c. xiv, n. 2-4; c. xv, η. 1, col. 814, 857-858, 914-918. D’un mot, toutes les Écritures sont divines, L II, discours proplu tiq les, et il n’y a pas de dist inet Ion entre l'inspiration ct la révélation. C’est dire que le rôle dc c. xxvn, η. 1, col. 802 (le mot « divines », absent de la la personnalité humaine du prophète est tout à fait se­ traduction, est dans l’original grec), les écrits du Nou­ condaire; qu’il n’y a pas à sc préoccuper dc la limita­ veau Testament comme ceux de l’Ancicn, c. xxxv, tion donnée à scs paroles par le milieu qu’elles traver­ n. 4, col. 842. Voir Inspiration pe la sainte Écri­ sent et les circonstances de temps cl dc lieu où elles ture, col. 2980 sq. 2423 IRÉNÉE (SAINT) Divines, les Écritures sont la règle de la fol. Les gnostiques, qui enseignent une doctrine non contenue dans l’Écriture, se réclament έξ άγραφων, ou faisant, selon la formule consacrée, des tissus, des ficelles, avec des grains de sable, appliquent l’Écriture à leurs ima­ ginations, afin que celles-ci ne paraissent pas sans témoi­ gnage. L. I, c. vm, η. 1 ; cf. c. x, η. 1, col. 520-523, 735. Mais l’Écriture est contre eux. C’est elle qu’il faut croire, « non les gnostiques, qui ne disent rien de sain ct délirent avec une instabilité continuelle. » L. il, c. xxix, n. G, col. 818. Et Irénéc consacre les 1. 11I-V à recueillir contre eux le témoignage des Écritures, < fondement ct colonne de notre foi. » L. IV, c. ι, η. 1, ol. 814. E. A. Frommnnn, Interpretationes Novt Testament! ex 1rentra, Cobourg, 1766;J. G. Taust, Summa probabilitatum hypothesis sancti Irena:I de numero Apocalgpsls 666 argu­ mento adstruitur, Halle, 1769; H. Ziegler. Des Irend us Lehre uon der Autorital der Schrifl, der Tradition und der Kirdic, Berlin, 1868; T. Znhn, Die Tlersymbole der Evangelist™, dans scs Forschungen sur Geschlehte des neutestamentlichen Kanons und altklrchllchm Likratur. Erlangen, 1883, t. n, p. 257-275; Geschlehte des neutestamentlichen Kanons, t. x, Das Neue Testament vor Orlgenes, Leipzig, 1888 1889; art. Kanon der Neuen Testaments, dans la Rcalcncgklopddle, 3· édit., Leipzig, 1001, t. ix, p. 768-796; J. Wcmcr, Der Paulinlsnuis des Irendus. Eine kirchrn-und dogmengeschichtliche Untcrsuchung uber das Verhültniss des Irendus ru der paulinlschen Rrlefsammlung und Théologie (Texte und Unlcrsuchungcn,t. vî, 2), Leipzig, 1891 ; A. Loisy, His­ toire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 61-81, 102-107,121; I*e quatrième Évangile, Paris, 1903, p. 7-1*1, 21-28; A. Camcrlynck, Saint Irénée ct le canon du Nouveau Γcstamrnt, Louvain, 1896; J. Labourt, De la valeur du té­ moignage de saint Irénée dans la question fohannlne, dans la Revue biblique, Paris, 1898, t. vu, p. 59-73 => Compte rendu du IV congrès scientifique International des catholiques tenu à Fribourg (Suisse), Paris» 1S98, t.n, p. 118-131 ; J. Bclscr, Zur Datierung der Evangclicn, dans Theologischc Quartalschri/l, Tubingue, 1898; H. von Sodcn.Die Schriftcn des Neuen Testaments tn Hirer âltesten erreichbaren Texlgcstalt, Berlin, 1902-1910, t.i.p. 1615-1620; J. Tunnel. Histoire de la théologie posltivcdcpuis l'origine Jusqu'au concile de Trente, Paris, 1901,p.497(tab le anal y tique);J.Lcipoldt, Geschlehte des neutestamentlichenKanons, Leipzig, 1907,1. 1 ; M. Lopin, L'orlginedu quatrième Évangile, Paris, 1907, p. 77-82,96-99, 116-118,155-161,190-192,223-228; U. Mannuccl,Ein unbca(htetes Ircndusfragmcnl,dnns Théologie und Gtaube, Pader­ born, 1909, t. i,p.291 ; J. Denk, Dos « unbcachtclcs Irenüus· fragment » Mannuccl'sund ltula,dnns Théologie und Glaube, Paderborn, 1909,1.1, p. 618-619; E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans l'Église chrétienne, Paris, 1911-1913, t. x, p. 118-162, 178-189; t. n, passim (utilise le travail de W. Sunday sur les citations du Nouveau Testament par Irénéc, dont la partie imprimée lui a été communiquée par l’auteur, cf. p. 297); ce Novum Testamentum S. Irente t, dont la publication a été retardée par la divergence de vue sur la date de la traduction latine du Contra luvrcses, est annoncé par IL Turner, The study o/ the Nciv Testa­ ment, 1SS3 and 1920, Oxford, 1920; cf. Revue biblique, 1921, p. 409; W. S. Reilly, L'inspiration de l'Ancien Testa­ ment chez saint Irénée, dans la Revue biblique, Paris, 1917, p. 489-507; J. Chapman, St. Irentras on the dates o/ the Gospels, dans The tournai of theological studies, Cambridge, 1905, t. vi, p. 363-569; Λ. Harnack, Nrue Unters uch un gen zur Aposlelgeschichte, Leipzig, 1911, p. 90-92; Die Enbtchung des Neuen Testaments und die Uflchtlgsten Folgcn der neuen Schùpfung, Leipzig, 1914, p. 43, 6t; J. Hoh, Die Lehre des hell. !rendus uber das Ncue Testament, Munster, 1919; XV. S. Reilly, Le canon du Nou­ veau Testament et la critère de la canonicitê, dnnsln Revue biblique, Paris, 1921, p. 195-205 (A contrôler ct à recti­ fier); E. Mangcnot, Le témoignage de S. Irénée sur saint Luc et le livre des Actes des apôtres et ton auteur, dans la Revue des sciences religieuses, Paris, 1921, t. i, p. 97-117. 2424 sans fin. L. I, c. vin, η. 1 ; c. xxi, η. 1,5; c. χχνπι, η. 1; L III, c. xi, η. 1; c. xr, n. 9; I. IV, c. xxxv, η. 4, col. 520, 657, GG8, G90, 84G, 891, 1089. Irénéc, lui aussi, sc ré­ clame de la tradition; il n’a pas inventé l’argument de tradition, « mais il en a déterminé le principe, défini l’emploi ct expliqué la valeur. > A. Dufourcq, Saint Irénéc(collectIon LcjsafnZs),29édit., Paris, 1904, p. 113. La tradition dérive des apôtres, répète-t-ll souvent, ab apostolis traditionem. L. V, c. xx, n. 1, col. 1177. L’Écriture n’est pas toujours claire; la tra­ dition l’interprète. L’Écriture ne dit pas tout, la tra­ dition supplée Λ son silence. L’enseignement oral c4 antérieur aux textes écrits; ceux qui nous ont transmis l’Évangile l’ont prêché, · ct c’est plus tard que, par la volonté de Dieu, ils l’ont confié à l’écriture. » S’ils n’avaient pas écrit, nous ne serions pas absolument déshérités pour cela; il suffirait de suivre l’ordre de la tradition qu’ils laissaient à ceux qu’ils préposaient aux Églises. < De fait, c’est la règle que suivent beau­ coup de nations barbares qui croient au Christ, ayant la doctrine du salut écrite dans leurs cœurs par le Saint-Esprit, sans papier ni encre, et gardant fidèle­ ment l’ancienne tradition. > La tradition orale peut donc remplacer l’Écriture là où elle manque, la com­ pléter là où elle est insuffisante, sc substituer à elle auprès des illettrés. Cont. lucr.t 1. Ill, c. ι, η. 1; c. îv, η. 1 -2, col. 844, S55-85G. P. Bcuzart, Essai sur la théolo­ gie d* Irénéc, Paris, 1908, p. 143-145. En d’au très termes, la tradit ion est une règle de foi distincte ct, comme on le dira longtemps après Irénéc, un lieu théologique distinct de l’Écriture. Irénée ne traite pas ex pro/esso la ques­ tion de la manière dont la tradition est représentée ct maintenue. On ne sera point surpris qu’il mentionne à peine les Pères; mais il met en avant les presbyties, qui étaient pour scs contemporains à peu près cc que les Pères sont pour nous. < Voici cc que nous assure la fol, telle que les presby très, disciples des apôtres, nous l’ont transmise» · dit-il, Dem., c. in, p. GG2. Cf. la lettre à Florinus, dans Eusèbc, H. E., 1. V, c. xx, P. G., t. xx, col. 485, ct cc que nous dirons des presbyties en nous occupant des sources d* Irénéc. Surtout il demande la tradition à la succession apostolique, Il l’aperçoit dans l’Église. Traditionem itaque ajiostolorum, in toto mundo manifestatam, in omni Ecclesia adest respicere omnibus qui uera velint videre, ct habemus annumerare eos qui ab apostolis instituti sunt episcopi ct successores eorum usque ad nos. Cont. hœr., I. Ill, c. m, n. 1, coi. 848. L’Église détient ia pensée ct renseignement apostoli­ ques; aux yeux d’Irénéc, nous le verrons, le magistère de l'Église est la règle de foi immédiate et suprême. IL DochvcIL Dissertationes (n Ircmrum, p. 1-218; H. Ziegler, cf. la bibliographie de PÉcriture; M. Winkler,Der Tradilionsbcgriff des I rchristentums bis Tertullian,Munich. 1897; J. Kunzc.cf. la bibliographie de la règle de fol. 4° La raison. — Irénée, qui a très bien saisi que le gnosticisme est une combinaison de christianisme ct d’hellénisme, dénonce, dans les philosophies païennes, l’origine partielle de la gnose. L. II, c. xvi, n. 1-6, col. 749-754. Il semble éprouver quelque embarras devant le problème des rapports de la philosophie avec la fol. Cf. A. Dufourcq, op. cil., p. 119-120. Du moins, ni II n’anathématisc les philosophes, comme'l’afalt Tcrtullien, ni il ne s'applique à intégrer la philosophie dans la foi, comme firent saint Justin et Clément d’Alexandrie. Il ne sc sert guère de la philosophie pour construire, mais 11 y recourt pour démolir les théories de scs adver­ saire' Il ne montr» pas directement les harmonies qui 3° La tradition. — Les gnostiques ajoutent la tra­ exist· rd ntre 1* dogme catholique et la raison, si cc dition A l’Écriture, ou en appellent de l’Écriture A la n’e t. ç t t 'a, d’un mot, par exemple, quand 11 dit, à tradition oralc, tradition demeurée secrète ct qui J Ion, L ΙΙ,ο x v, n. 3, col. 758 : quam serait en leur possession, tradition dont ils font un q> rm ^onwnattonem ) nos de conditione enuntiantes, Évangile, tradition arbitraire et fantasque, variant huic rhijthmizationi. En revanche, 2425 IKÉNÉE (SAINT) Il multiplie les formules qui taxent de déraison les < très vains sophistes > du gnosticisme, 1. Il, c. xvn, n. 10; 1. Ill, c. v, n. 1, col. 7GG, 858 : irrationabile est, K II, c. xxn, n. G, col. 785 : irrationabile eut ct Impium.,.; impiumest similiter ct demens,}. 11,c. νπι,η.3, col. 733; perquam irrationale est, L II, c. x. η. 1, col. 731 ; mutts animalibus irrationabiliores, I. 11, c. vi, n. 3, col. 725; ridiculum vero apparebit, ibid.; digna irrisione et vere ridicula..., et incredibile ct fatuum ct impossibile ct inconstans, I. II, c. x, n. 3, 1, col. 73G; irrationabile est ct omnino rusticanum, I. II, c. xxiv, n. 3, coi. 793; in vanum la burans ct delirus ct irrationabilis.., insanus ct stupidus (·inquam fulmine percussus, 1. 11, c. xxvi, n. 3, coi. 802; irrationabiliter inflati, 1. II, c. χχνπι, n. 6, coi. 80S; Impudorate audent dicere, \. II,c. xn,n.3, coi. 739 ; vanissimum est quod dicunt, L 11, c. xix, n. 4, coi. 772; feroces ct horribiles et irrationabiles, 1. II, c. xxxi, n. 1, coi. 82 i, etc. Puisqu’il s'agit des vérités religieuses, Il les combattra principalement sur le ter­ rain de la foi, ct 11 renversera par l’Écriture leurs fausses interprétations scripturaires : telle sera la lâche des livres II1-V. Mais, au préalable, parce que les gnostiques sont des ergoteurs ct des sophistes, bene hœc arbitrati sumus, dit-il, primo interrogare eos e con­ trario de suis dogmatibus, ct quad non est verisimile ipsorum ostendere, et temeritatem ipsorum excidere..., ut..., propter hoc quod non possint ad ea quæ interro­ gantur ratione respondere, dissolutam suam videntes argumentationem, aut, revertentes ad veritatem, etsemetipsos humiliantes ct cessantes a multifaria sua phan­ tasia, placantes Deum de his quæ adversus cum blasphemaverunt, salventur, aut, si perseveraverint in ea quæ præoccupavil animum ipsorum vana gloria, argumen­ tationem suam immutent. L. II, c. xi, n. 2, coi. 737. Et Irénéc consacre à ccttc discussion tout le livre II, qu’il résumera de la sorte, 1. V, præf., col. 1119 : eversis quoque his qui irreligiosas adinvcncrunt sententias, aliquid quidem ex propria uniuscujusque illorum doc­ trina quam in suis conscriptis reliquerunt, aliquid autem ex ratione universis ostensionibus procedente. La place qu’il accorde ù la raison est donc assez consi­ dérable; mais elle ne vient qu’en seconde ligne, ù titre subsidiaire, ct le rôle qu’il lui attribue consiste surtout ù établir ce que l’erreur a d’invraisemblable ct d’absurde. 5° L'Église. — Finalement les gnostiques rejettent ct l’Écriture ct la tradition, evenit itaque neque Scrip­ turis jam neque traditioni consentire eos. L. Ill, c. n, n. 2, coi. 817. L’Écriture et la tradition, c’est euxmêmes, eux qui sont supérieurs aux presbytres ct aux apôtres, et même au Seigneur, lequel n’a pas toujours parlé parfaitement, tandis qu’eux ils connaissent le mystère sacré indubitate et intaminate et sincere. Et, ramenant tout ù leur sens propre, sc livrant à des spéculations déraisonnables, toujours en quête de nouveautés, chacun sc faisant à soi-même sa d ictrlne. Ils vont cherchant, cherchant toujours, sans trouver Jamais. · L’inconstance des doctrines est le lot des gnostiques : sophistes ù jamais condamnés Λ toutes les variations, roulés par les îlots de leurs erreurs, sans pierre où fonder leur édifice, rien que du sable mou­ vant. Cf. 1. 111, c. xxiv, n. 2, col. 9G7. Irénéc esquisse déjà l’histoire des variations. » P. Batiffol, L'Eghst naissante et le catholicisme, 3· édit., Paris, 1°09, p. 255. Dans ces conditions, les gnostiques n’ont que faire de l’Église. Ils blessent son enseignement, præconiutn Eccleslæ hrdunt. L. I, c. xxvn, n. 4, col. G89. Ils sc séparent d’elle, absistunt ab Ecclesia. L. I, c. xvn, n. 3; cf. c. χχνπι, η. 1, col. G33, G90. Ils méprisent, sauf à tenter de les séduire, ceux qui · sont d’Églisc, » ct les appellent < gens du commun, communes ecclesiasticos, grossiers, psychiques, ne comprenant rien â la vérité, » pendant qu’eux sont les · pneumatiques, parfaits ct 2426 semence d’élection. > L. I, c. vî, n. 2, 4 ; I. 111, c. xv, n. 2, col. 50G, 509,918. Ils discréditent l’Église. L. I, c. xxv. n. 3, coL 682. Iis faussent sa notion. Dans l’école de Valentin, elle devient un éon, le dernier terme de l’ogdoade, invisible, comme toute l’ogdoade, qui est dans le plérôme,ct dont l’Église visible est limage. L. 1, c. ι, η. 1; c. v, n. G; c. vm, n. 4; eux, n. 2; c. xi, η. 1; 1. II, c. xn, n. 5; c. xm, n. 10, coL 448-449, 501, 513518, 540, 561-564, 740, 748-749. Voir 1. I, c. xn, n. 3, coL 573-576, une variante introduite par ceux des disciples de Valentin qui prudentiores putantur. Pour les ophites, l’union du Père et du Fils ct du Christ (fils du Père et du Fils) est La vraie et sainte Église. L. I, c. xxx, n. 2, coL 695. Pour les disciples de Marc cnf.n, l’éon Église est l’archétype de la Vierge, mère de Jésus par l’opération de la virtus Allissimi qui est l’éon Homme conjoint à l’éon Église dans le plérôme. L. I,c. xv, n.3;cf.c. xiv, n. 5;c. xv,n. l;c. χνπ,η. 1, col. 620-621, 601, 613, 637. Vraie notion de l’Église, rôle de son magistère, nécessité de lui appartenir, autant de points que le gnosticisme méconnaît et que l’évêque de Lyon expose fortement. L’cccléslologic est une des maîtresses pièces de la théologie irénéenne. 1. Les notes de l'Église. — La théorie des notes de l’Église a été formulée plus tard; les éléments de cette théorie existent chez Irénéc. a) La sainteté. — Elle est tellement caractéristique de l’Église véritable que les gnostiques appellent sainte leur pseudo-Églisc. L. I, c. xxx, n. 2, coL G95. Les prêtres doivent être saints. L. I V,c. xxvi, n. 4,col. 1055. La vraie Église a l’amour « plus précieux que la science, plus glorieux que la prophétie, plus excellent que tous les autres charismes. > L. IV, c. xxni, n. 8. col. 1077-1078. Du reste, ces autres charismes elle les possède également. L. 11, c. xxxi, n. 2 ; 1. V, c vn, η. 1, co. 82-1825, 1137. Λ cause de son amour pour Dieu, seule l’Église chrétienne a des martyrs. L. IV, c. xxxm. n. 9, col. 1078. Seule elle n les miracles. Les gnostiques sc livrent à des Incantations magiques ct peuvent, par là, illusionner; ils accomplissent des prestiges, mais non in virtute Dei, neque in veritate, neque ut benefici. L. 11. c. xxxi, n. 2, coi. 824. Cf., sur le gnostique Mare, 1. I,c. xm, coi. 577-592; sur Simon le magicien, c. xxm, n. 1,4, coi. 670, 672-673; sur Basi Ude, c. xxiv, n. 5, coi. 678 ; sur Carpocrale, c. xxv, n. 3, cot 681-682. Les miracles de 1 Église sont réels, utiles, compatis ants» gratuits. L. H, c. xxxi, n. 3, col. 825. Les gnostiques. soi-disant pneumatiques et non susceptibles de s< uilluro, s'autorisent tous les crimes, — au moins thét rlqucment,car Irénéc refuse de croire, quand U traite des carpocratlens, 1. I, c. xxv, n. 5, coL 684, qu’ils com­ mettent tousccs méfaits,—ils déclarent que la retenue ne s’impose qu’aux psychiques. L. Le. νί, n. 3; c. xm, xxm, n. 2-1; c. xxv, n. 3, 5; c. xxn,n. 3; c. xxvn. n. 3; c. xxMii, n. 1-2, c. xxxi. η. 1, col. 508-509,577-592, 672,682,685,687,689,691,704. Les enfants de l’Église craignent de pécher non seulement en actes, mais encore en pensées et en paroles.L. I,c. vî. n. Lc d. 509. b) L'units. — L’Église est une dans sa fol ct dans son organisation. A la dlITérvncc des gnostiques, < qui n'ont jamais pu présenter un corps de doctrines uni­ forme ct harmonique, » des gnostiques, « débris épars sans lien d’unité, qui n’ont jamais les mêmes sentiments sur une même chose, ■ l’Église professe partout ct toujours la même foi, comme si, < dispersée dans le monde, elle habitait une maison unique. · Elle n’a • qu'un cœur, qu’une âme, qu’une voix,qu’une bouche. Le soleil est le même pour l’univers entier; ainsi de la prédication de la vérité. » L. I,c. x,n.2;l. III,c. xxiv, n. 2; 1. V, c. v, n. 2. col. 552-553, 967, 1178. L’Église est un corps organique; elle a le caractère du coq>s du Christ! Malheur aux schismatiques, qui n’ont pas l’amour de Dieu ct qui, considérant leur utilité plutôt 2.27 IRÉNÉE (SAINT) 2428 que l’unité de l’Église, lacèrent et, pour autant qu’il I En y regardant do plus près, on s’aperçoit que l’origine et l’inspiration divine de l’Écriture sainte sont affir­ dépend d’eux, tuent le grand et glorieux corps du ClirlsL L. IV, c. xxxm, n. 7-8, col. 1076-1077. Les mées par l’Église, de sorte qu’elle repose sur l’Église. > hérétiques aveugles, qui laissent la parole do l’Église C’est l'Église qui, par l’organe des successeurs des et s’abandonnent Λ des doctrines changeantes et apôtres, nous transmet les Écritures et nous livre leur contradictoires, font fausse route. Il faut les fuir, et véritable sens. L. IV, c xxxm, n. 8, col. 1077. se réfugier auprès de l’Église, paradis terrestre. L. V, 2. La hiérarchie ecclésiastique. — La tradition des apôtres est venue par leurs successeurs, par leurs dis­ c. xx, n. 2, col. 1l78;Z)em.,c. n, p. 661. c) La catholicité. — Irénée n’a pas l’expression ciples immédiats, puis par les disciples de leurs disci­ • Église catholique, > employée dans les Actes de saint ples. Ces disciples peuvent n’ètrc pas des chefs ecclé­ Polycarpe. H. Henimcr et P. Lejay, Les Pères apos­ siastiques; c’est le cas de tel ou tel de ccs presbyties toliques, Paris, 1910, t. nr, p. 128/138, 150, 154, cf. dont Irénée invoque Je témoignage. Cf. 1. H, c. xxn, p. Lxxi-Lxxni. Καθολικός appartient à la langue n. 5; 1. IV, c. xxvn, n. 1 ; 1. V, c. xxx, n. 1, col. 785, d’Irénéc, mais n’a point passé dans la traduction 1056, 1203. Mais II n’y a pas seulement, pour trans­ latine sous la forme catholicus. Le traducteur rend met Ire l’enseignement des apôtres, des individualités τέσσαρα καθολικά πνεύαατα, par quatuor principales Isolées, malgré tout faillibles; 11 y a la succession épis­ spiritus, et τεσσαρες έδόΟησαν καΟολικαΙ δισΟηκαι, | copale dans l’Église, il y a l’Église infaillible par l’assis­ par quatuor data sunt testamenta. L. Ill, c. ni, η. 8, tance du Saint-EspriL L. Ill, c. ni, n. 1, col. 848 : col. 885, 889. Il est possible que communes ecclesias- I traditionem itaque apostolorum in toto mundo mani­ ticos, 1. III, c. xv, n. 2, col. 918, corresponde festatam in omnf Ecclesia adest respicere omnibus qut au grec (perdu) καθολικούς έκκλησιαστικούς. Cf. * vera velint videre, et habemus annumerare eos qui ab A. Harnack, Lehrbuch der Dogmcngcschicldc, 3· éd’t., apostolis instituti sunt episcopi et successores eorum Fribourg-en-Brisgau, 1894, t. r, p. 371, note. L’idce de usque ad nos..., suum ipsorum locum magisterii tra­ l’Église catholique apparaît fortement, 1. I, c. x, η. 1, dentes. Cf. 1. IIl,c.iv, n. 1 ; 1. IV, c. xxxn,n. 5,coi. 855, col. 519, et presque le mot: Ή μέν γάρ Εκκλησία 1056. C’est ΙΛ-dessus qu’Irénée insiste. καίπερ καθ’ όλης της οικουμένης. L’Eglise a la Il emploie, pour désigner les successeurs des apôtres, double catholicité de temps et d’espace. Elle a existé les mots έπίσκοπος, 1. Ill,c. m, n. 3,4; c. iv,n. 3; I. IV„ déjà dans l’Anclen Testament. C’est la xdgnc du genre c. xxvr, n. 2,5; c. xxxm, n. 8; 1. V, c. xx, n. 1, col. 849, humain, que Dieu planta d’abord per plasmationem 851,852, 857, 1053-1054, 1055,1077, et πρεσβύτερος, Adx et electionem patrum; c’est la semence d’Abraham. L III, c. n, n. 2; 1. IV, c. xxvj, n. 2, 5;c. xxxn, n. 1; L. IV, c. vin, n. 1; c. xxxvr, n. 2; 1. V, c. xxxiv, n. 1, 1. V, c. xx, n. 2, col. 817, 1053, 1055, 1071, 1077, et col. 993, 1091, 1215. Disséminée dans le monde, sur lettres à Florinus et au pape Victor, dans Eusèbe, toute la terre, elle parle des langues diverses, mais a Ji. E., 1. V, c. xx, xxiv, P. G., t. xx, col. 486, 506. une seule et môme fol, une seule et même tradition. Chez lui, la distinction du sens entre ces deux termes L. I, c. x, n. 2-3; 1. II, c. ix, n. 1 ; c. xxxi, n. 2; 1. III, n’est pas encore faite. Nous lisons, 1. IV, c. xxvi, n. 2, c. m, n. 1 ; c. xi, n. 8; c. xv, n. 1, col. 552-553,560,734, col. 1053-1054 : Quapropter iis qui in Ecclesia sunt 825, 818, 885, 918. Celte doctrine est pour tous. Elle presbyteris obaudire oportet, his qui successiorum ha­ n’est pas cachée Λ certains, à la différence de ce qui bent ab apostolis, sicut ostendimus, qui nunc episcopatus sc produit dans le gnosticisme L. IV, c. xxxm, n. 9; successione charisma veritatis certum.... acceperunt. c. xxxvt, n. 2; 1. V, præf.;c. xx, n. l,col. 1078, 1091, I Cf. 1. V, c. xx, n. 1,2, col. 1177. Dans la lettre à Victor, 1119,1177; Dem.,c. xevin, p. 730. Voir t. n, col. 2001. il appelle πρεσβύτεροι les évêques de Rome qu’il d) L'apostalicité. — L’Église est apostolique. Les appelle έπίσκοποι, 1. Ill, c. in, n. 3; c.iv,n. 3,col. 849, apôtres sont le support à douze colonnes, firmamentum 851, 857, et, dans In lettre à Florinus, il range parmi duodecastylum, de l’Église. L. IV, c. xxî, n. 3, col. 1045. les πρεσβύτεροι Polÿcarpe, nommé έπίσκοπος, Conl. D’eux elle a reçu la foi qu’elle garde avec soin et dis­ hier., 1. 111, c. in, n. 4, col. 852. Έπίσκοπος et tribue ù ses enfants. L. I, c. x, n. 1*1. ΠI, præf.; c. ni, πρεσβύτερος sont donc Interchangeables. Cf. C. de n. 3; 1. V, præf., col. 549, 843, 849-850, 1119. Sa doc Sinedt, L9organisation des églises chrétiennes jusqu'au trine est la doctrine des apôtres. L. IV, c. xxvr, n. 4. milieu du lit· siècle, dans le Compte rendu du congrès c. ΧΧΧΠ, n. 1; c. xxxm, n. 8, col. 1055, 1071, 1077. scientifique international des catholiques tenu d Paris A elle il faut demander la vérité, car les apôtres la lui (1888), Paris, 1889, t.n,p.334. ont livrée. L. 111, c. m, n. 4; c. iv, n. 1, col. 852, 855. Mais, si la distinction de l’épiscopat et du presbyTradition de la vérité, traditio ab apostolis, 1. 11, c. ix; térat ne ressort point de l’emploi de ces noms, die n. 1;L III, c. n,n.2;c. m.n. 1,2,3,4;c. v, n. 1 ; 1. V, résulte de toute l’argumentation d’Irénéc. Ce ne sont c. XX, n. l,col. 734,847,848, 850,851,852,857,1177; pas tous les prêtres qui sont dépositaires, au même traditio apostolorum, 1. Ill, c. in, n. 1, 3, 4, col. 848, litre, de la tradition apostolique, mais ceux qui, dans 855; apostolica Eceleslœ traditio, 1. Ill, c. ni, n. 3, les Églises, sont les successeurs des apôtres, cc sont col. 850;ancienne tradition des apôtres, 1. III, c. iv, les chefs; cc sont, ù Rome, les papes dont Irénée dresse n. 2, col. 856; enseignement de l’Église que les apôtres la liste, L JII, c. ni, n. 3, col. 849-851, et, dans les plus ont livré, 1. V, præf., col. 1119, autant de synonymes. anciennes Églises, ceux dont il pourrait donner la liste, En même temps que de l’enseignement oral des apô­ ce qu’il ne fait pas pour ne pas être trop long, n. 2, tres, l’Église est la gardienne des Écritures, cette tra­ col. 848, sc bornant, après avoir établi celle de Rome, dition écrite. 11 faut lire l’Écriture apud eos qui in Λ mentionner celles de Smyme et d’Éphèse, n. 4, Ecclesia sunt presbyteri, apud quos est apostolica doc­ col. 852-853. Irénée détache ceux qui commandent trina. L. IV, c. xxxii, n. 1, coi. 1071. On doit fuir les dans les Églises. L. I, c. x, n. 2; 1. IV, c. xxvr,col. 553, hérétiques, sc réfugier auprès de l’Églbc, y être nourri 1055-1056. Par opposition aux successeurs authen­ des Écritures du Seigneur. < En recherchant la pensée tiques des apôtres, Il signale et stigmatise ceux qui d’Irénéc sur la tradition,observe P.Bcuzart, Essai sur absistunt a principali successione, L. IV, c. xxvi, la théologie Dc cecumenico pontifice, c. xxn, n. 12 sq., dans Panstratiæ calholiav libri XIII, Genève, 1626; cf. Chamierus contractus sive Panstratlæ catholic* D. Chamieri epitome, Genève, 1642, p. 551; CL dc Saumaisc (Salmas lus), De primatu papre, c. v, Lcydc, 1645, p. 65, plus proche des catholiques. Sur les traces dc Charnier, l’éditeur protestant d’Irénéc, J. E. Grabe recourut ù une Interprétation réservée à un brillant dwbtin: le texte d’Irénéc vise Γaffluence des gens en­ voyés dc toute l’Églisc à Rome jiour y traiter la cause des chrétiens auprès des empereurs, lesquels avalent le pouvoir suprême. Massuct, Dissert., Ill, a. 4, n. 33-35, P. G., t. vu, col. 280-283, montra ce que cette explication a dc factice ct d’impossible, cl, n. 31, col. 278-279, expliqua dc la sorte le passage d’Irénéc: l’Églisc romaine est 1° la plus grandedc toutes;2°celle qui est à la tête dc toutes; 3° qui est connue de tous; 4° qui a été fondée par les apôtres Pierrect Paul ;5° avec laquelle il est nécessaire que s’accordent les fidèles du monde entier, à cause dc son autorité souveraine, car, bien que les autres, dans leurs limites, exercent la principauté sur les fidèles qui leur sont soumis, bien plus excellente est la principauté dc l’Églisc romaine, ulpotc quœ principatus ac primatus jure omnibus domi· netur, omnibus prœsit omnesques ibi subditos habeat; 6° dans ccttc Église a toujours été conservée, par ceux qui sont dc partout, la tradition apostolique en ce sens que, les fidèles dc l’univers entier étant tenus d'adhérer à sa doct rinc, la tradition apostolique confiée à cette Église a pu s’y conserver beaucoup plus sûrement ct facilement que dans les autres Églises considérées séparément, dont la juridiction avait des limites plus restreintes. Avec des nuances, tantôt atténuées, tantôt renfor­ cées, les interprétations dc Massuct ct dc Grabe sc sont partagé les esprits jusque vers la fin du xix* siècle. Bossuet, Sermon sur T unité de. L'Église, II· point, Œuvres, t. xi, p. 610, traduisit : « C’est avec ccttc Église que toutes les Églises ct tous les fidèles, qui son* par toute la terre, doivent s’accorder, à cause de sa principale ct excellente principauté, ct... c’est en elle que ccs mêmes fidèles répandus par toute la terre ont conservé la tradition qui vient des apôtres. » Cf. sa Defensio declarationis cleri gallicant, part. Ill, 1. X, c. vi, xiv, dans ses Œuvres, Paris, 1879, t. xxn, p. 269, 289; P. dc Marca, De concordia sacerdotii et imperii, 1. I,c. π, n. 6; 2· édit., Paris, 1669, p. 8;dom R.Ccillicr, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1730, t. n, p. 156. Si les gallicans ont admis que le texte d’Irénéc prouve la primauté de l’Église romaine, les ultramontains, allant au delà, l’ont em­ ployé pour établir rinfaillbiililé du pape, alors que Bossuet, Defensio, p. 290, affirmait concludi causas fidei ad cam sedem referendas non autem propterca infallibili fudicio finiendas. Saint Alphonse dc Liguori prouve par cc texte 1 infaillibilité du pape, dans sa Dissertatio de R. pontificis auctoritate, parue en 1748. 11 le cite exactement, § 2, De auctoritate ponti ficis supra concilium, dans sa Theologia moralis, édit. L. Gaudé, Rome, 1905, t. i, p. 113, en réponse à l’ob­ jection tirée dc Math, xvm, 17 ; mais, là où il traite ex profMO de l’iiifailbbih L··. § 1, De ÜifaUlbilU papse, p. 96, ne prenant pas garde que les mots qu’il allègue soi Λ non pas ceux d'Irénée, mais la glose dc Bell’' rr, »i ' »i* <Ιικ· i saint Irénée: Omnes a Romana Ecrit t r. est ut pendcant tanquam a fonte et a ''· * (r rvs Ballerinl, De vi ac ratione primatus i!, Vérone, 1766, reproduit dans Mignc, IRÉNÉE (SAINT) 2633 2634 Theologice cursus completus, Paris, 1839, t. m, s'ap­ caractérisa cette importance avec force en disant que puient fréquemment sur le texte d’Irénéc, col. 1014- les 21 ln-fol.de la Bibliotheca pontificia maxima dc Roc1019, 1135, 1138-1139, 1144-1145, 1146, 1155, 1157, cabcrtl, in hac S. Irenæi phrasi implicite continentur 1161-1162, 1165, 1171, 1172, 1181, 1228, 1237-1239, et ab ea logice quoad substantiam fluunt. La phrase 1242, 1245. Cf. Maur Capellari (Grégoire XVI), Tri­ d’Irénéc eut la plus haute des consécrations. Le omphe du saint-siège ct dc l'Église, c. xn, n. 1, paru concile du Vatican, sess. IV c. n, affirma la perpétuité en 1799, tmd. Jamrncs, dans Migne, Démonstrations dc la primauté dans les successeurs de Pierre, ct dé­ évangéliques, Paris, 1843, t. xvî, col. 942; J. dc Maistre, clara que, pour ce motif, ad Romanam Ecclesiam, Du pape, 1. I, c. vi, 8* édit., Lyon, 1845, p. 47 : il forge propter potenliorem principalitatem, necesse semper fuit bravement le mot grec perdu traduit par principali- omnem convenire Ecclesiam, hoc est eos qui sunt undique talem, disant qu’Irénée » en appelait déjà à la chaire fideles. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1821. dc saint Pierre comme à la règle dc lu foi ct confessait L'agitation tomba peu à peu et, avec le progrès cette principauté régissante, ηγεμονία, devenue si des études historiques, l'interprétation du texte d'Irécélèbre dans l’Église, » Frcppcl, Saint Irénée, 2· édit., néc entra dans une phase nouvelle. L’initiative vint Paris, 1870, p. 429, 432-437, 441, etc. Du côté des d’A. Harnack qui, sur cc point comme sur plusieurs protestants, mentionnons J. L. Mosheim, Institutiones autres, a montré que la position historique du protes­ historia christianæ antiquioris, n sæc., §21,1 Telmstadl, tantisme ne tenait pas. Le mémoire qu’il publia sous 1738; cf. Bergier, Dictionnaire dc théologie, Toulouse, cc titre : Das Zeugniss des 1 rendus Qber das Ansehen 1819, t. iv, p. 349-351; A. Ncander, Allgcmeine Ges- der rômischen K irehe, dans les Sil-ungsberichle derkôn. chichte der chrisilichen Religion und Kirche, Gotha, preussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin. 1856, t. i, p. 111-112; C. Graul, Die christliche Kirche 1893, p. 939-955, a fait date. Cf. son excursus : Kathoan der Schtvelle des irenàischen ZeHalters, Leipzig, 1860, lisch und rdmisch, dans le Lehrbuch der Dogmengesp. 138, etc. chichte, 3· édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1894,1.î. p. 446. Le concile du Vatican donna au texte un regain note. Toute une série d’études, dc catholiques et de d’actualité. InfailfibilisLcs ct nnli-infaillibllhUs le protestants, ont paru depuis lors.L’unanimité n’existe discutèrent. Les premiers en élargirent parfois la signi­ pas sur toute la ligne; mais dès à présent, si 'on né­ fication véritable; les autres s’obstinèrent à l’amoin­ glige des essais retardataires ou aventureux comme drir. Saint Alphonse dc Liguorl fut accusé dc l’avoir celui dc L. Salvatorelli, La « principalitas » delta Chiesa falsifié. La publication, par le rédemptoriste Jules romana in J reneo ed in Cipriano, Rome, 1910, certains Jacques, sous le titre : Du pape et du concile, Toumay, résultats sont acquis ct l’on conteste de moins en 1870, de la Dissertatio de R. pontificis auctoritate, tra­ moins que l’évêque de Lyon affirme la primauté de duite ct complétée par des extraits des autres ouvrages l’Église romaine. c) Critique. — En premier lieu, convenire, c'est bien du saint, found t un aliment à la discussion. On object a que Liguorl attribuait à Irénée le passage où Bcllarmln • s’accorder avec » et non · sc rendre à ». La traduction : conclut du texte d’Irénéc qu’il est nécessaire que tous «Chaque église doit venir à l’Églisc romaine » n’est dépendent dc l’Églisc romaine ainsi que dc la source « pas supportable, » dit A. Harnack, Lehrbuch der ct dc la tète; à quoi, pourcorser l’accusation dc fraude, Do gmen ges chichte, t. i, p. 4 16, note. Les efforts dc on ajouta que le texte d’Irénéc est mutilé dans le bré­ F. X. Funk, Der Primat der rômischen Kirche nach viaire romain, qui supprime les derniers mots, limi­ Ignatius und Irenâus, dans ses Kirchengeschichtliche tatifs dc sa portée. Le bréviaire, Officium S. Irenéei, Abhandlungen und Untersuchungen, Paderbom, 1897, lect. vi, arrête sa citation ù : eos qui sunt undique t. i, p. 19, pour la légitimer sont vains. Cc qui fideles. Grâce à la suppression dc cc qui suit, « il faut décide Funk à rejeter la traduction « s’accorder avec », en appeler à l’Églisc de Rome non pas seulement, qui serait dc tout point la plus satisfaisante, c’est la comme le veut Irénée, pour établir la vraie tradition, difficulté que présente, dans ce cas, la finale : in qua mais pour tout, » dit J. Pédézert, Le témoignage des semper,..; nous verrons que cette difficulté n’est pas Pères, Paris, 1892, p. 43-44, écho des antl-lnfallllbi- Insurmontable. Les chrétiens venus à Rome pour lislcs, notamment du P. Gratry,3/our leurs affaires du texte, ct jamais l’Églisc n’a prétendu qu’on doive temporelles, ils sont en dehors de laqucstion.Cequ’Irênéc dit, 1. 111, c. ni, n. 3, coL 849-850, immédiatement recourir ù Rome < pour tout ». Quant à saint Alphonse, nous savons que, s’il a pris la glose de Bellarmin pour après notre texte, dc saint Clément et de sa lettre aux la lettre même du texte d’Irénéc, une seconde fois il Corinthiens est manifestement un exemple du rôle a reproduit avec exactitude le texte du Contra hitrcses. constant attribué en général à l’Églisc romaine : or, Mais cc n’est pas tout; Dœllinger, Der Mûnehener les Corinthiens ne sont pas venus à Rome, mais l’Église Hirtenbrief vom S. Januar 1S71, dans V Allgcmeine romaine, reparuns fidem eorum ct annuntians quam in Zeilung, n. 22, 1871, reproduit dans scs Kleinere recenti ab apostolis acceperat traditionem, a maintenu l’accord dc leur croyance avec la sienne. Trois expres­ Schr iften, publiés par F. IL Rcusch, Stuttgart, 1890, p. 427-128, 432-433, prétendit que le texte d’Irénéc, sions parallèles, cl qui s’expliquent mutuellement, sc < l’Achille du parti, » « le seul témoignage des premiers lisent dans Irénée. D’abord, oportet confugere ad siècles qui, au premier coup d’œil ct détaché du Ecclesiam, ct il s’agit dc l’Églisc qui embrasse le inonde contexte, sc laisse employer au service du nouveau entier, circumiens mundum universum, quippe firmam dogme, » loin d’être favorable ù l’infaillibilité ponti­ habens ab apostolis traditionem, 1. V, c. xx, n 2, 1, ficale, lui serait contraire, « la tradition apostolique coi. 1178, 1177. Puls, 1. III, c. îv, n. 1, coi. 855 : Non n’y apparaissant pas conservée à Rome par les évê­ oportet adhuc qua rere apud alios veritatem quam facile ques, mais par les fidèles venus dc tout l’univers ct est ab Ecclesia sunure, et la suite : Et,si de aliqua mo­ conduits par leurs affaires ù la capitale, qui était le dica quiestione disceptatio esset, nonne oporteret in grand emporium ct le centre du monde connu. > Cc antiquissimas recurrere ecclesias, in quibus apostoli retour Λ l'inlerprétation surannée de Grabe, s’il était conversati sunt? Ou, plus simplement —et c’est notre Impuissant à sauver une cause perdue, indiquait dc texte — il n’y a qu’à sc réfugier auprès dc l’Églisc moins l’importance exceptionnelle du témoignage romaine, qu’à chercher auprès d’elle la vérité, qu’à d’Irénéc. Dans son De Ecclesia Christi, 2· édit., Paris, recourir à elle, qu’à s’accorder avec elle, omnem conve­ 1878 (1Γ· édition en 1873), p. 118, note, L. F. Brugérc nire Ecclesiam. DJ CT. DE TllÆoi. CATIIOL. VII. 77 IRÉNÉE (SAINT) En dure, il est désormais admis que la potentior principalitas ne vise pas l'autorité civile, mais le prin­ cipal, l’autorité dc l’Eglise romaine. Convenire marque l'unanimité de Jn fol, qui doit sc réaliser dans tout le monde à cause de ccttc autorité. La cause ne peut être que du mêmeordre que son effet, splrilucllccommc lui. Ccttc autorité est « principale. » Toutes les Églises apostoliques ont la principalitas. Cf. L IV, c. xxvi, n. 2, col. 1053-1054 : Obaudire oportet his qui successionem habent ab apostolis....quiabsislunl a principali suc­ cessione... Ce qui distingue l’Égliseromaine, c'cst que sa principalitas est potentior. Pourrnit-on préciser la nature de celle principalitas? Le mot grec le permet­ trait sans doute, mais nous ne le connaissons pas. Il est impossible de savoir si c’était αύΟεντία, ci. I Tarnack, op. c//., t. i, p. 446; P. Batiffol, L*Église naissante et le catholicisme, p. 252; ou πρωτεία, comme 1. IV, c. xxxvm, n. 3, coL 1108; ou ηγεμονία, comme 1. Ill, c. xi, n. 8, col. 886 (ces deux derniers mots sont rejetés par P. Batiffol, op.cit.,p. 252); ou άρχή, cf. F. B. M. Hitchcock, Irenaeus of Lugdunum, p. 252-253. Le mot principalitas figure aussi dans des passages de la traduction latine. Il y désigne le plérôme gnostlque, I. I, c. xxvi, n. 1 ; c. xxxi, n. 1 ; 1. IV, c. xxxv, n. 2, 4, coi. 686,704,1087,1089;ou les « quatre esprits prin­ cipaux, » c’est-à-dire les quatre vents, 1. I H, c. xi, n. 8, col. 885;ou, 1. IV.c. xxxvi, n. l,col. 1090, « l’autorité principale » du Fils qui, venant du Pêro, s'exprimait de la sorte : Ego autem dico vobis ; tandis que les sers ltcurs disent serviliter, au nom du Seigneur : Hœc diett Dominus »; ou l’antériorité chronologique, 1. V, i. xiv, n. 1,2, col. 1161,1162. Les trois premières acceptions impliquent une excellence qui, pour n’étre pas sur le même plan que celle de la principauté de l'Église dc Rome, n'en Invite pas moins Λ concevoir une grande Idée dc ccttc dernière. La quatrième acception ne convient pas à l'Église dc Rome : la priorité chronolo­ gique et le prestige qui en résultent appartiennent à l’Eglise dc Jérusalem, qu’Irénéc nomme, 1. III, c. xn, n. 5, col. 897, «l’Église dc laquelle toute Église n eu son commencement, la métropole des citoyens du Testament Nouveau. » Le sens de ces paroles, inexac­ tement rendu par F. R. M. Hitchcock, op. cit., p. 252, et par L. Salvatorclli, op. cit., n’est pas douteux. Elles ont une valeur purement historique : « relatives aux origines du christianisme ct visant le rôle dc Jérusalem avant que la fol fût prêchée à Rome, elles constatent dans le passé un fait, sans y fonder pour l’avenir aucun droit; cc serait le cas dc parler dc prestige ou dc dignité, » non d'autre chose. C’cst dc tout autre chose qu'il est question pour l'Église dc Rome. Le contexte Implique t une primauté effective, pas seu­ lement de prestige et dc dignité, puisque saint Irénée en fait le ressort du gouvernement ecclésiastique, » A. d’Alès, dans les Recherches dc science religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 127, puisqu'elle oblige tous les fidèles du monde entier à conformer leur croyance à celle de l'Église romaine, que seule l'Église romaine jouit dcccltc prérogative. En effet, ôtezcclteprlmauté effective; H n'est pas plus nécessaire de sc mettre d’accord avec l'Église dc Rome qu'avec celles dc Smyrna ct d'Éphèsc, par exemple, dont saint Irénée parle Immédiatement après. Or, lut qui a pulsé la fol dans l’Église dc Smymc, auprès des disciples dc saint Jean, dit que les fidèles du monde entier, y compris conséquemment ceux d'Éphèsc et de Smyrna, doivent nécessairement convenir dans la fol avec l’Église dc Rome. C'cst donc que la primauté dc l'Église de Rome renferme le pouvoir de garantir dans son intégrité b tradition apostolique. Cf. Freppel, Saint Irénée, p. 434, 438-439. Un ralxmncmcnt esquissé par J. Chapman, Le témoignage de taint Irénée en faveur de la primauté romaine, dans la Revue bénédictine, Marcdsou-, 1895, 2436 I. xn, p. 56, achève de trancher la question de la nature de la suprématie romaine. Irénée veut « faire admettre aux gnostiques, sans autre vérification, que la fol romaine est identique en fait aux traditions de toutes les autres Églises, que tout désaccord entre eux et la foi romaine équivaudra donc à un désaccord avec l’Église universelle... 11 faut donc que la nécessité de l’accord entre Rome ct les autres Églises soit une nécessité rigoureuse ct, pour cela, il faut que la raison de cette nécessité ne soit pas une bienséance, mais une autorité.» F. X. Rolron, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. vu, p. 48-49. La troisième expression discutée est Vin qua de la phrase finale. Communément on l'a rapportée à l’Église romaine, ad hanc Ecclesiam. A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. i, p. 146, note; L. Duchesne, Autonomies ecclésiastiques. Églises séparées, 2· édit., Paris, 1905, p. 119; F. X. Funk, Kirchcngeschichllicht Abhandlungcnund Unlcrsuchungcn, 1.1, p. 19; P. Ba­ tiffol, L1 Église naissante ct le catholicisme, p. 251, etc., pensent, au contraire, que in qua se rapporte aux autres Églises, omnem Ecclesiam. Dès lors,on pourrait traduire dc la sorte : « Avec ccttc Église (romaine), à cause de son autorité principale, il est nécessaire que s'accorde toute Église (c'est-à-dire les fidèles qui sont de partout), dans laquelle a toujours été conservée, par ces fidèles qui sont dc partout, la tra­ dition apostolique. » Et l’argument d’Irénéc serait celui-ci. La tradition apostolique est visible dans toute l’Église, in omni Ecclesia. On la connaîtrait en consultant les listes des évêques qui sc sont succédé dans les différentes Églises, in ccclcsiis, à partir des apôtres, et en recueillant leurs enseignements. Mais, parce qu’il serait trop long d'énumérer les successions épiscopales dc toutes les Églises, omnium ecclesiarum, il suffira dc citer une Église, celle dc Rome, qui a une prééminence telle que nécessairement l’Église entière, omnem Ecclesiam, s’accorde avec elle-, que savoir cc qu'elle croit, c'est savoir cc que croit l’Église entière dans laquelle a été conservée la tradition apostolique. L'argument est parfaitement conduit, et la phrase, un peu chargées comme il arrive souvent à la phrase Irénécnne, est grammaticalement irréprochable. Que si l’on réfère in qua à l’Église romaine, on traduira : « Il est nécessaire que toute l’Église (c’est-à-dire les fidèles qui sont dc partout) s'accorde avec cette Église (romaine), gràcc à qui a toujours été conservée, par les fidèles qui sont dc partout, la tradition apostolique.» Ce qui signifie que « les fidèles dc tous pays ont tou­ jours conservé la tradition des apôtres dans l’Églisedc Rome, comme dans l’Église centrale, qui en a la garde ct le dépôt ; absolument comme l'on dirait : C’cst dans la royauté, dans le pouvoir central, que la France a conservé pendant des siècles cc qui a fait son unité ct sa force. » Frcppcl, Saint Irenée, p. 441. Ce sens est acceptable, un peu tiré toutefois ct moins naturel grammaticalement, le relatif s'y rapportant non au substantif le plus proche, mais à un antécédent loin­ tain. Encore convlcnt-ll d’observer que ce ne serait pas le seul exemple d’une reprise en un relatif d'un mot déjà lointain qui porte l'idée maîtresse. Cf. F. X. Rolron, dans les Recherches de science religieuse, t. vn, p. 42, note. Et, si in qua désigne l'Égliseromaine, la phrase qui vient après, n. 3, coL 849, ct où l’Église tout court est l’Église romaine, n'cst-cllc pas meil­ leure grammaticalement que si in qua concerne les nuire- Églises : Fundantes igitur ct instruentes beati apo doli l^crh -iam, Lino episcopatum administrandae d.· rnnf? Bref, les deux traductions sont pl usibh <. 1 i première parait préférable. Selon qu’on ulopb l’uneou l’autre, le sens de necesse ' varie. D nu le pn ntfer c is, la nécessité est logique : pa sc faire que les autres Églises, où est 2437 IRÉNÉE (SAINT) conservée la tradition apostolique, ne s’accordent pas avec l'Église romaine. Dans le second cas, la nécessité est morale : les autres Églises ont Je devoir dc s’accorder avec l’Église de Rome. Pouvons-nous avancer plus loin? La primauté de l’Église de Rome est effective. Est-elle souveraine? Irénée ne le dit pas explicitement; il oriente vers cette conclusion. S’il est nécessaire que toutes les Églises particulières s’accordent avec celle dc Rome à cause dc sa primauté, c’cst que la croyance dc Rome est la règle suprême dc la fot universelle. Indiquer la fol qu’elle annonce aux hommes, c’est confondre tous les fauteurs d’hérésie ou dc schisme, omnes eos qui quoquo modo... pnrterquam oportet colligunt. N. 2, col. 849; cf. 1. IV, c. xx vi, n. 2, col. 1054. Et si une Église fondée par les apôtres entrait en conflit avec Rome? L’hypo­ thèse est étrangère à la perspective hénéenne; chez lui aucune allusion à la possibilité d’un désaccord doc­ trinal de cc genre. Mais, si le cas sc présentait — en fait il s’est produit dans l’histoire — Irénée sûrement n’hésiterait pas à donner la préférence à Rome; l’accord qu’il conçoit ne consiste point en ce que Rome aille vers les autres Églises, mais en cc que les autres Églises aillent vers Rome. C’cst Rome qui aurait le der­ nier mot. Cf. G. Scmeria, Dogma, gerarchia e culto netlci Chiesa primilioa, Rome, 1902, j. 304. Enfin, quand il parle du principal spécial dc l’Église romaine, Irénée entend qu’il réside dans le pape, son chef. C’est de la succession épiscopale, qui va des apôtres à nous, cos qui ab apostolis insti­ tuti sunt episenpi el successores eorum usque ad nos, col. 848, que dépend la transmission de la tradition apostolique. Aussi, à défaut des autres listes qu’il serait trop long dc dresser, Irénée donne-t-il la liste des chefs de l'Église qui a cette autorité principale ct qui a été fondée par les apôtres Pierre ct Paul. 11 n'y a pas ù s’arrêter ici à son témoignage sur la venue dc saint Pierre à Rome, ni à montrer que la place qu’il fait à saint Paul n’est pas au détriment de la primauté de saint Pierre, quoi qu’en ait dit, après tant d’autres, J. Vrai (C. dc Mcissas), Éphéméridcs de la papauté, Paris, 1904, p. 160, 213, 343. Voir Pape. Relevons seulement qu’il souligne que, par les successeurs des apôtres Pierre ct Paul, la foi prôchéc par les apôtres est parvenue jusqu’il nous, eam quam babel a b apostolis traditionem ct annuntiatam hominibus fldem per suc­ cessionem episcoporum peroenientem usque ad nos. N. 2, col. 818. Et, quand il a terminé cc catalogue des évê­ ques de Rome, depuis Lin jusqu’à ÉIcuthèrc, Irénée conclut, η. 3, col. 851 : · C’cst dc cet ordre ct par cette succession qu’est arrivée jusqu'à nous la tradition des apôtres ct renseignement de la vérité. El est plenissima hæc ostensio unam cl eamdem vivificateicon fidem esse quæ in Ecclesia a b apostolis usque nunc sit conservata cl tradita in veritate. » N’cst-cc pas dire équivalcmmcnt que le pape est le gardien suprême dc la fol véritable? En résumé, la supériorité que saint Irénée proclame n’est point due à l'importance civile dc Rome ni à l’importance dc l’Église romaine en tant qu’elle résulte dc l'importance dc la ville de Rome; c’cst une supério­ rité dc l’Église romaine due à un caractère intrinsèque. Ce n’est pas seulement une proéminence commune aux Églises apostoliques en raison de leur origine, qui seraitpolenûor dans l'Église de Rome,une prééminence honorifique qui la rendrait prima inter parcs. Cc n’est pas même seulement une supériorité dc primauté indéterminée, cl nous n’avons pas une affirmation seu­ lement implicite de la primauté juridique de l’Eglise de Rome. Mais nous avons une affirmation explicite, affirmation qui, parce qu’Irénéc traite une question d’ordre doctrinal, porte uniquement sur la primauté juridique envisagée au point de vue doctrinal. Cf. Hamion, Rapport sur les travaux du séminaire historique 2438 ( lêtrt- /399), dans Γ Annuaire dc Γ Université catholique de Louvain, Louvain, 1900, p. 384-389. Saint Irénée affirme, en termes clairs, une primauté effective. De son texte il est légitime de conclure qu’elle est souve­ raine et qu’elle réside dans le pape. d) La conduite Ce n’est pas tout à fait la définition du concile du Vatican; c’en est la préparation. L’Églisc possède le charisme de la vérité, charisma veritatis certum. L. IV, c. xxvi, n. 2, col. 1053. Cf. H. Bôhmer, Zu dem Zeugnisse des Ire· nüus von dem Ansehcn der ràmischrn Kirche, dans la Zeitschrift fùr neutestamentliche Wissenscha/t, Giessen, 1906, t. vn, p. 193-201 ; U. Mannucci, dans la Rivista slorico-critica delle scicnre teologiche, Rome, 1907, t. ni, p. 699-700. Le mot veritatis et fidei nunquam deficientis charisma sc lit dans le concile du Vatican, const. Pastor œternus, sess. IV, c. in. Cf. Denzinger-Bannvart, Enchiridion, n. 1837. Tout cela étant, l’Églisc est le critère suprême dc la vérité, la règle dc fol ultime. Pas de règle de la vérité possible chez les hérétiques qui suivent leurs pensées propres, leurs opinions particulières ct aboutissent, dc la sorte, à une incroyable diversité de doctrines. L. III, c. xn, n. 6, col. 898. « La prédication dc la vérité, la règle dc notre salut, la voie qui mène à la vie, les prophètes l’ont annoncée, le Christ Ta établie, les apôtres l’ont transmise, partout l’Églisc l’ofirc à ses enfants. > Dem., c. xcvni, p. 730. « Là donc où ont été placés les charismes du Seigneur, c’est là qu’il faut apprendre la vérité, chez ceux qui ont dans l’Églisc la succession apostolique... Ils gardent notre foi au Dieu unique, créateur dc toutes choses; ils aug­ mentent notre amour pour le Fils dc Dieu, qui pour nous a disposé dc si merveilleuses choses; Ils nous ex­ posent les Écritures sans péril d’erreur, sans blasphé­ mer Dieu, sans insulter les patriarches, sans mépriser les prophètes. *Cont.hær.,\. IV, c. χχνι,η. 5, col. 1056. Non oportet adhuc quaerere apud alios veritatem quam facile est ab Ecclesia sumere, cum apostoli, quasi in depositarium dives, plenissime in eam contulerint omnia quæ sint veritatis, uti omnis quicumque velit sumat ex ea polum uitæ. L. 111, c. i v, η. 1, coi. 855. 5. Nécessité d'appartenir ά ΓÉglise. — Elle découle dc tout cc qui précède, notamment de VUbi Spiritus Del illic Ecclesia cl omnis gratia, Spiritus autem veritas. Être hors de l’Églisc, c’est être hors dc la vérité, omnes eos qui sunt extra veritatem, id est qui sunt extra Ecclesiam. L. IV, c. xxxin, n. 7, col. 1076. Quotquot autem absistunt ab Ecclesia.... vere a semetipsis sunt damnati. L. I, c. xvi, n. 3, coi. 633. Et, 1. IV, c. xxvi, n. 2, coi. 1051 : Omnes autem hi deciderunt a veritate. Et hxretici quidem.... a cielesti igne comburentur, quemadmodum Nadab et Abiud. Qui vero exsurgunt (contra) veritatem el alteros adhortantur adversus Ecclesiam Dei remanent apud inferos, voragine terrie absorpti, quemadmodum qui circa Core, Dathan ct Ablron. Qui autem scindunt et separant unitatem Ecclesiæ eamdem quam Jéroboam pænam percipiunt a Deo. Cf. 1. III, c. iv, n. 1 ; 1. V, c. xx, coi. 855, 1177-1178. Hors de l’Église, pas dc salut. Elle est la seule mère légitime des fidèles. L. III, c. xxiv, n. 1, col. 966: | Cujus (Spiritus) non sunt participes omnes qui non currunt ad Ecclesiam, sed semetipsos fraudant a vita* per sententiam malam el operationem pessimam... Qua­ propter qui non participant eum, neque a mamillis ma­ tris nutriuntur in vitam, neque percipiunt de corpore Christi procedentem nitidissimum fontem. Cf., sur 2440 Γ Ecclesia mater, Λ. Harnack, Lehrbuch der Dognungeschichte, 1.1, p. 373, note; J. Lebreton, Mater Ecclesia, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1911, t. π, p. 572-573; I*, de L(abriolle), Le style de la Idin des chrétiens de Lyon, dans le Bulletin d'ancienne littérature et d'archéologie chrétiennes, Paris, 1913, t. ni, p. 199; P. Galtier, La Vierge qui nous régénère, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1914, t. v, p. 138; IL Leclercq, dans le Dictionnaire (Jurchéologk chrétienne ct de liturgie, Paris, 1921, t. iv, col. 223h2238. Elle est le paradis du monde présent, le paradis dans lequel on fructifie, hors duquel on n’est bon que pour le feu. L. V, c. xx, n. 2; cf. c. x, η. 1, col. 1178, 1117-1148. 6. L'Église et VÉtat. — Une théorie complète des rapports entre l’Églisc ct l’État n’entrait pas dans le sujet d* Irénéc. Il en esquisse pourtant quelque chose. Lui, contemporain dc la persécution de Marc-Aurèle, Il parle dc l’autorité impériale en des termes qù, pour n’avoir pas la chaleur de ceux des apologistes du ni· siècle, n’en témoignent pas moins d’un respect et d’un loyalisme impeccables. < L’empereur notre maî­ tre, » dit-il, 1. II, c. VT, n. 2, col. 725. Le pouvoir vient de Dieu, non du démon. L. IV, c. xxxvi, n. 6; 1. V, c. xxiv, n. l.col. 1096-1097, 1186-1187; ci. Bossuet, Defensio declarationis clcri gallicani, part. 1,1. I,sect.!, c. x; sect, n, c. ni, Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1879, p. 161, 190-191. L’autorité civile a des droits ct des devoirs. « Les magistrats qui suivent la justice ne seront pas punis pour ce qu’ils auront prescrit de juste ct dc légitime; mais tout cc qu’ils auront fait d’injuste, d’inique, d’impie, contre la loi, à la manière des tyrans, les perdra, le juste jugement dc Dieu par­ venant également à tous ct ne manquant jamais. » L. V, c. xxiv, n. 2, col. 1187. · L’homme, éloigné de Dieu, est devenu furieux; comme il ne connaissait pas la crainte divine, Dieu lui a imposé la crainte humaine, afin que, soumis aux hommes, contraint par leurs lois, il atteignit quelque justice ct quelque modération envers les autres. Le royaume terrestre a donc été constitué pour l’utilité des gentils, par Dieu (non par le diable, qui nunquam omnino quietus esi, imo qui nec ipsas quidem gentes vult in tranquillo agere), en telle sorte que, craignant l’autorité, les hommes ne sc mangent pas entre eux vice piscium, mais par la vigueur des lois repoussent la multiple injustice des gentils. Et, en cela, ceux qui exigent dc nous les tributs sont, d’après le mot dc saint Paul, Rom., xm, 6, les ministres dc Dieu et le servent. ■ L. V, c. xxiv, n. 1, col. 1187. Irénéc assimile les princes à des agents dc police; « un peu plus il dirait que les princes sont faits pour les seuls païens, comme chez nous les agents dc police servent seulement à maintenir les coquins en respect. > Était-ce là, nu fond, l’idée dc saint Irénéc, connexe avec son millénarisme qui lui aurait fait regarder l’empire « comme une construction provi­ soire destinée à s’écrouler bientôt pour laisser la place au règne du Christ ct des élus? ■ P. Allard, Histoire des persécutions pendant la première moitié du IJfsiècle, Paris, 1886, p. 152. Peut-être. En tout cas, la phrase suivante, n. 3, col. 1187-1188 : Cujus jussu homines nascuntur hufus jussu ct reges constituuntur apti his qui illo tempore ab ipsis regnantur, formule heureusement la thèse dc l’origine divine du pouvoir. Jamais Iréncc n’a, à la diflérence d’autres partisans du millénarisme, une parole de eolère ou de résistance contre l’autorité impériale. Et meme il vante, dans un chapitre fort curieux. I I\ , c. xxx, n. 3, col. 1066» les bienfaits de In II ation romaine : · par les Romains le monde nous pouvons sans crainte voyager par : e ci par nn r partout où nous voulons. » Voir les t < ; <»· ir ne dans I: Preuschcn, Anale Ida. K Ursere ri r G sduchtf der allen Kirche und des Kanons, 24Λ1 I RÉNÉE (SAINT) l.i.Slaal und Christentum bis auf Konstantin. Kalendarien,2' édit., Tublngue, 1909. 1· Im notion de l'Église. —G. B. vnn Hoêvell, De Irrntrl dogmate de unitate Eccleshr cum Pauli notione comparata, Groiilngue, 183G; Λ. Hitachi, Die Enbtehung der allkalho· Ibchen Kirche ,2· édit. ,1857, Bonn, l.i.p.312 sq. Jlngcmiinn. Die rômbche Kirche in der rrslen dret Jahrhunderbn, Fri- 2442 tur bls Eusebius, Leipzig, 1897. t.na. p. 70-260; A. Michicls L'origine de l'épiscopat, I»uvaln, 1900, p. 306-336; J. Flamion, Ixs anciennes U des épiscopales des quatre grandi sièges, dans la Revue d'histoire ecclésiastique, Louvaic, 19001901,1.1. p. 645-678; t. n, p. 209-238, 503-52«; J. Chap­ man, /xi chronologie des premières listes éplseof>ales de Rome, dans la Revue bénédictine, Marcdsous. 1061-1902, t. xvnr. p. 399-417; t. xix, p. 13-37, 145-170; H. Bôhmer, Zur altrômlschai Blschofsltste, dans la Zeitschrift fur die neutesta- bourg-en-Brisgnu, 1861. p. 598-627 ; H. Ziegler, cf. fa biblio­ mmtllche Wisienschaft und die Kunde des Urehrlsfentums, graphie des travaux d'ensemble ct celle dc F Écriture; HamGiessen, 1906, t. vn. p. 333-389. Voir t. v, col. 1675-1676. boulllct, &if/it Irénéc et l'infaillibilité. Parti. 1870; J. CozzaLuzl, S. Ireneo, Studi sull' autoritâ del R. ponte flee, Home, I/l. LZ D/EÜ V.NiqVF. ET CRÉATEUR. — 1® Dieu un. 1870; K. Ilackenschmldt.D/e Anfdnge des kathollschen KIrchenbcgri/fs, 1874, Li, p. 83; H. Secbcrg, Der Bcgrlf] der — Voir t.IV, col. 1036-1039, 1054. chrbtlichcn Kirche, 1885, t. f. p. 1G; J. Werner, cL la biblio­ I 2° Dieu trine. — 1. État de la question. — La doc­ graphie de l'Écriturc; IL Mono 1er, La notion de 'apostolat des origines d J rénée. Parts 1903; J. Tunnel, Histoire de la trine trinltaire d'Irénéc a été souvent présentée comme théologie positive du concile de Trente au concile du Vatican, Paris, 1906, p. 15-16.21.29,40.115.116,118,126,221.226; P. Batiffol, Le gnostichme, dans lo Bulletin de littérature ecclésiastique, Parts. 1907, p. 167-175; L'Eglise naissante cl le catholicisme, c. iv. Le catholicisme de saint Irénée, Paris, 1009,p. 195-276; N Bonwestch, DcrSchrlft- beuteis fur die Kirche aus den Helden als das ivahre Israel bts au/ Hippolyt, Leipzig, 1908. — 2· Le texte sur la primauté de l'Eglisc romaine, — Frcppcl, Saint Irénée et la primauté du pape, Home, 1870; G. Schnecmann, S. Irenxi de Ecclesiæ romance principatu testimonium commentatum cl defensum, Fribourg-cn-Brisgau, 1870; Acta cl decreta concil. recent., Fribourg-cn-Brisgnu· 1873, t. xv, p. v-xxxxv; anonyme, Das Zeugniss des /rendus fur den Primat und die narmgebende LehrautoriUtt der rômischen Kirche, dans les Hlstorisdipolilbehe Blatter fur das katholhehe Deutschland, Munich. 1871, l. Lxxin, p. 233-26G, 333-360; IL, Das Zeugniss des hell. 1rendus fûr den Primat des rômischen Bischofs, ibid,, 1881, t. xerv, p. 875-896; A. Harnack, Das Zeugniss des /rendus über das Ansehen der rômischen Kirche, dans les Sitsungsbcrlchte der kôn. prcusstschen Akademie der Wissenscha/len Berlin, 1893, p.939-955;J.Chapman,Letémoignage de S. Irénée en faneur de la primauté romaine, dans la Revue bénédictine, Marcdsous, 1895, t. xn, p. 49-61; F. X. Funk, Der Primat der rômischen Kirchcnach Ignatius und Irendus, dans scs Kirchengcschtchtllche Abhandlungcn und Untersuchungcn, Paderborn, 1897, t. x, p. 12-13; Flamlon. Rap­ port sur les travaux du séminaire historique ( /S9S-1999) plans I*Annuaire dc l* Université catholique de Louvain, Louvnin, 1900, p. 381-389; G.Scjncrln, Dogma, grrarchia c culto nclla Chlesa primitiva, Home, 1902, p. 297-304; L. Duchesne, Autonomies ecclésiastiques. Eglises séparées, 2* édit., 1905, Paris, p. 118-121 ;cf. p. 141-115; Π. Bôhmer, Zu dem Zeug­ nisse des Irendus, von dem An^ehen der rômischen Kirche, dans la Zeitschrift fur die neutestamentliche Wissenscha/t und die Kunde des Urchrlstcntums, Giessen, 1906, t. vn, p. 193-201; (Sinthcrn), Il testimonio dt S. /reneo sulla Chlesa romana c sull'autorità del B. pontefier, dans la Clviltd cattoltca, Home, 1908, t. n. p. 291-306; t. ΙΠ, p. 33-47; J. Tunnel, Histoire du dogme de la papauté des origines d la fin du ZF· siècle, Paris, 1908, p. 39-1 t;cf. p. 73-79; G. Morin. Une erreur dc copiste dans le texte d'/rénée sur ΓEglise ro­ maine, dans In Revue bénédictine, Marcdsous, 1908, t. xxv, p. 515-520; C. A. KnclIcr.Dcr hell, /rendus und dit rvmbche Kirche, clans les Sllmmcn aus Maria-lMUch, Fribourg-cnBrtsgau, 1909, t. i.xxvi, p. 402-421 ; Dôrlholt. dans la Thcologbche Revue, Munster, 1909, col 91-95; Peters ct Mausbach, tbtd., col. 126; Gousscn, /Md., col. 190; Dôrholt, Ibid., 1910, roi. 255-250 (sur l’hypothèse dc G. Morin); J. Stlglmayr, /rendus Ado. ha r., //I. Hl, 2, immei noch crux inter­ pretum, dans Der Kalholik, Mayence. 1909, t. XL, p. 401-405; Gutberlct. ibid., 1910, t. xu, p. 237-238; M. d'llcrblgny. Sur le second *Qul sunt undique· dans Irénée,/11,1//,2.dans la Rcvut bénédictine, Marcdsous. 1910, t.xxvn.p. 103-108; L. Salvatorclli. Im principally! della Chlesa romana in Ireneo ed In Cipriano, Home, 1910; B. Walklcy, The testi­ mony of S. Irenaeus in favour of the roman primacy, dans The Irish theolsglcal Quarterly, Dublin. 1913. t. vin, p. 284299; X. Boiron, Sur l'interprétation d'un passage de S. Irénée, Cont. hær., //1JH.2, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. vu, p. 3G-51 ; G. Euer, Das /rc- ndusrrugniss fûr den Primat der rômischen Kirche,dans Der ; Kathollk, Mayence. 1917; L. Saltet, dans lo Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1920, p. 180-186. — 3· lxi liste des papes et les anciennes listes épiscopales des grands t(éffcs._ A. Harnack, Gcschichte deraltchristUchcn Littera- en désaccord plus ou moins accentué avecPorthodoxIe catholique. Cf., par exemple, les centuriateurs de Magdebourg. Ecclesiastica historia, cent. Il, c. x, Bâle, 1559, L π, col. 227; parmi les modernes, V. Courdavcaux, Saint Irénée, dans la Revue de Chistoire des religions, Paris, 1890, t. xxi, p. 172; J. Pédézcrt, Le témoignage des Pères, Paris, 1892, p 234-235; A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3· édit., Fribourg-en-Brisgau, 1.1, p. 539-542; Des hell. Irendus Schrift zum Ermeise der apostolisehen Vcrkündigung, Leipzig, 1917, p. 61, etc. On a dit qu*Irénéc fait le Fils inférieur au Père ct le Saint-Esprit au Fils; qu’il pro­ fesse une sorte dc modalismc; que la personnalité du Verbe ct surtout celle du Saint-Esprit sont atténuées ou même disparaissent. Voir encore t. v, col. 697, sur Nflsgen, Gtschich/e der Lehre vom Ilciltgen Geiste, Gutersloh, 1899; Λ. Dupin, La Trinité et la théologie des hypostases dans les trois premiers siècles, dans la Revue Dieu le Père, le Verbe de Dieu, le Saint-Esprit, se développent dans celte régie de foi dont Irénée trace la formule avec des variantes qui n’altèrent pas l’identité du fond, 1. I, c. x, η. 1 ; c. xxn, η. 1 ; L IV, c. vi, n. 7;c. ix, n. 9;c. xxxui, n. 15; L V, c. xx, n. 1, col. 549-552, G69, 990, 997-998, 1083, 1177; surtout Dcm., où, coup sur coup, il la donne d’abord sous sa forme baptismale, c. ni, puis sous deux formes plus complètes, c. v-vi, et, enfin, la reprend au moment de clore sa démonstration, c. c, p. 662, 663-601, 731. Nous avons vu qu’elle sert de cadre au Contra lurrescs. Il ramène constamment l’attention sur les trois per­ sonnes divines. Cf. 1. III, c. vr, n. 1, 4; c. xvn, n. 3; c. xvm, n. 3;1. IV, c. ι, η. 1 ;c. xx, n. 1,3,5;c.xxxm, n. 7; c. xxxvm, n. 3; 1. V, c. vin, n. 3; c. xvni, n. 2; c. xxxvr, n. 2 (finale du traité), col. 860, 863, 930,934, 975,1032,1033,1035,1077,1108,1143-1144,1173,1223. Il voit la Trinité dans le Faciamus hominem de la Genèse, ï, 26. Cf. I. IV, præf., n. 4, c. xx, η. 1 ; 1. V, c. I, n.3;c. xv, n.4,col. 975,1032,1123,1166; J. Le­ breton, Les origines du dogme de la Trinité,Paris, 1910, р. 111-442, note. Pour lui, les trois personnes divines sont figurées par les espions que Josué envoya ct grâce Λ qui fut sauvée Rahab qui les avait reçus L’Écriture n’en mentionne que deux, Jos., n, 1 ; Irénéc, par Inadvertance ou parce qu’il avait en mains un texte différent du nôtre, dit qu’ils étaient trois. L. IV, с. xx, n. 12, col. 1043. Le mot Dominus, qui sc lit deux fois, Gcn., xix, 24, lui parait signifier la première fols le Père ct la seconde fols le Fils. L. III, c. vî, η. 1, col. 860. 3. Le vie des personnes divines ad inlra. — Irénéc marque la distinction ct la consubstantialité des per­ sonnes divines. Quand II nomme < Dieu » tout court, 11 désigne le Père, conformément au langage de l’Écriture ct de l’ancienne littérature chrétienne. 11 écrit donc : Qui et solus est Deus et Pater. L. III, c. xxv, n. 7; cf. 1. I, c. x, n. 1; 1. III, c. vî, n. 4-5, col. 972, 550, 863; Dem.,c. ici, p. 662, etc. Le Verbe de Dieu ou Fils de Dieu, car Irénéc emploie Indistinctement ces noms, cf. 1. II, c. xxvm, n. G;c. xxx, n. 9; 1. III, c. xvni, η. 1 ; 1. IV, c. vî, n. 3 ;c. xx, n. 3, col. 809,823,932,987,1033; Dem., c. vn, p. 664-665, etc., est appelé encore Verbe du Père, Fils unique de Dieu. L. I, c. ix, n. 3, col. 541 ; cf. 513. L’Écriture qui ne nomme < Dieu > tout court, definitive et absolute, que celui qui est vraiment Dieu — ne nommant pas < dieux » tout court, in totum, ceux qui ne sont pas vraiment dieux, sed cum aliquo addita· menlo ct significatione per quam ostenduntur non esse dii — l’appelle Dieu ct Seigneur, et n’appelle Dieu et Seigneur que le Dieu et Seigneur de tous ct son Fils Jésus-Christ, notre Seigneur. L. III, c. vr;cf. c. ix, η. 1 ; c. xvi;c. xix; 1. V, c.i, n. 1, col. 860-864, 868, 919-929, 938-941, 975. Sur l’argument qu’il tire de Rom., ix, 5, cf. J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 317-318, note. Mais, de même que < Dieu · est dit principalement du Père, · Seigneur · est dit ordinairement du Fils. Quant au Saint-Esprit, parce que l’Écriture ne l’appelle pas Dieu, mais n’appelle Dieu que le Père ct son Verbe, cl, dans un sens large, ceux qui reçoivent l’Esprit d’adoption, 1. IV, c. ï, n. 1, col. 975, Irénée ne l’appelle pas Dieu, mais Esprit de Dieu, Esprit du Père, Esprit du Fils. L. II, c. xxvm, n. 2; 1. IV, c. xxxm, n. 7, 15, col. 805, 1077, 1083, etc. Cette manière de parler fut adoptée par quelques-uns des Pères qui défendirent le plus fortement la divinité du Saint-Esprit. Mal· une fols, Irénéc comme s'il oubliait scs affirmations sur 2444 l’application exclusive du nom de < Dieu » au Père et au Fils, citant Is., lvh, 16, dit que le prophète met proprement en Dieu l’Esprit, τό Γί πνεύμα ιδίως H του Θεού τάξας, que, dans les derniers temps, il a répandu, par l’adoption des fils sur le genre humain, l’Esprit sempiternel, l’Esprit qui vivifie.!.. V, c. xn, n. 2, col. 1152, 1153. Ailleurs 11 dit que de sang que le Christ a reçu dans son Incarnation ne vient pas de l’homme, mais de Dieu qui l’a formé,· Dcm.,c. lvh, disant d’autre part ù trois reprises, c. xl, u,ux,p.7(M, 689, 698, 705, que le coq>s du Christ a été conçu par l’opération du Saint-Esprit. Le Verbe est engendré parle Père. Comment? Nul ne le sait. Prolationem istam, sive generationem, sive nuncu­ pationem, sive adapertionem, aut quolibet quis nomine vocaverit generationem ejus incnarrabilrm[cxistcnltm, nemo novit. Irénéc repousse, avec l'émission des gnos­ tiques, les explications qui assimilent la production du Verbe à celle de la parole humaine. Ceux qui essayent de raconter l'inénarrable non sunt sut corn potes, ct ils sont tournés en dérision, quasi ipsi obste­ tricaverint. L. II, c. xxvm, n. G, col. 809; cf. Dcm., c. lxx, p. 713. Cette génération est éternelle : semper autem coexistens Filius Patri. L. II, c. xxx, n. 9, col. 823; cf. Dcm, c. xxx, un, p. 683,699. Nonenlm infectus es, o horno, neque semper existebas Deo sicut proprium ejus Verbum. L. II, c. xxv, n. 3; cf. 1. Ill, c. xvm, n. 1 ; 1. IV, c. xiv, n. 1 ;c. xx, n. 3, coi 799,932, 1010, 1033. Irénéc traduit Gen., i, 1 : < Le Fils était au commencement, Dieu créacnsuitc le clclct la terre. > Dem., c. xuii, p. 692. Le Verbe est consubstantiel au Père. Le mot όμοούσιος, employé plusieurs fois par Irénéc dans l’exposé des théories gnostiques, 1. I, c. v, n. 5; c. xi, n. 3; 1. II, c. xvn, n. 2, G, 7 (1’originnl grec manque pour ccs trois derniers textes, qui portent, dans la traduction : ejusdem substantial) n’est pas appliqué au Verbe; mais tout cc qui est dit de la divi­ nité du Verbe en inclut l’idée. Citons seulement deux merveilleux textes. Cont.hœr.,\. lV,c.iv,n.2,col. 982: Et bene qui dixit ipsum immensum Patrem in Filio mensuratum, mensura enim Patris Filius, quoniam capit eum; sur quoi Petau, De Trinitate, præf., c. m, n. 2, t. n, p. 267 : Tanta est horum verborum majestas ct dignitas ut, ad commendandam Patris et Filii omni ex parte absolutam mqualilatem, instar sint amplissimi voluminis. Nam, si immensus est Pater ct infinitus, tl hunc tamen capit ac metitur Filius, ada quari hunc cum illo neccsse est. Et celui-ci : Dcm., c. xi.vn, p. G95 : « Le Père est Seigneur, et le Fils est Seigneur. Le Père est Dieu, ct le Fils est Dieu, car celui qui est né de Dieu est Dieu. Ainsi donc, si nous considérons son être et sa puis­ sance, nous devons confesser un seul Dieu.» Le Pèrect le verbc sont l'un dans l’autre jusqu’à l'identité de substance; Irénée affirme cette Inexistence mutuelle des divines personnes, surtout du Père ct du Verbe, l’une dans l’autre, la πκριχώρησις de saint Jean Damascène, la circuminccssion des scolastiques. Voici quel­ ques textes. L. III, c. vî, n. 2, col. 861 : Per Filium itaque qui est in Putre et habet in sc Patrem. L. IV, c.xiv, n. l,col. 1010: Ante omnem conditionem glorifica­ bat Verbum Palrem s uum manens ineo.I.. lV,c.xx,n.3, col. 1033 : Verbum, id est Filius, semper cum Patre erat... Spiritus erat apud cum ante omnem constitutio­ nem. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 2424-2426. Après cela, il est aisé de comprendre des expres­ sions d’apparence subordinaUcnnc,telles que: Filium, qui dominium aeeeplt a Paire suo omnis conditionis, (conditio - cr< itlon)l. III,c. vi,n. l;col. 860;cf.Z)e/n., Leipzig, 1907, p. 15, et la col. 702-701. Ici la terminologie Irênéennc pourrait traduction anglaise de Wilson, P. O., t. xn, p. 679-680. prêter à des confusions qu’il importe d’éviter. Alors Le traducteur français, J. Barthoulot, ibid., p. 769, que la plupart des Pères ont identifié la Sagesse des note, pense que ccttc traduction n’est pas jus­ Livres sapientiaux avec le Verbe, Irénée, après Théo­ tifiée parle contexte,ct traduit obscurément: < Par phile d’Antioche, Ad Autolycum, J. I, c. xn, P. G., le doigt de Dieu H faut entendre ce qui est étendu t. vî, col. 1036, l’identifie non avec la deuxième, male par le Père dans le Saint-Esprit. > Un texte, Cont. herr., avec la troisième personne de la Trinité. En sol la I. IV, c. vn, n. 4, col. 993, où il est dit que Dieu n’avait chose est explicable, car toute la Trinité n’est pas pas besoin, pour créer, du ministère des anges, car H affirmée dans les textes sapientiaux : c seule la Sagesse avait copiosum et inenarrabile ministerium, ministrat sc distingue de Dieu, ct encore n’a-t-elle point tout le enim ei ad omnia sua progenies et figuratio sua, id est relief d’une personnalité vivante; l’Esprit ne s’en dis­ Filius ct Spiritus Sanctus, devrait sc lire très proba­ tingue pas plus que le Logos.» J. Lcbivton, Les origines blement :et figuratio eius, et signifierait que le Verbe est du dogme de la Trinité, p. 118. Quand I) appelle le Saint- le Fils du Père et le Saint-Esprit l'image du Fils. Esprit Sagesse, 1. II, c. xxx, n. 9; LIV,c. vm, n. 4; CL Massuct, note Λ cc texte, et Dissert.. Ill, a. 5, η. 59, c.xx, n. 1,3, col. 822,993,1032,1033; Dem., c.x, p.667, col. 308. On a rapporté aux processions divines les Irénéc, loin d’entendre que le Verbe ct le Saint-Esprit textes sur l’onction que le Père fait du Fils dans le soient une personne unique, marque nettement leur Saint-Esprit; Irénéc les entend du Fils de Dieu Incarné, distinction : Verbum, id est Filius, semper cum Patre Filius Dei filius hominis factus, col. 934, ct, coL 871 ; erat... Et Sapientia, qua est Spiritus, erat apud eum Secundum id quod Verbum Dei homo erat..., ungebatur ante omnem constitutionem. La confusion pourrait ad ciHingelizandum. 4. Les oeuvres de la Trinité < ad extra » et les missions provenir encore de ce qu’il arrive ù Irénée d’appeler le Fils de Dieu Esprit, 1. III, c. x, n. 2, col. 874-875, divines. — · Dieu a tout fait par lui-même, c’est-â-dire disant que ct salus et Salvator et salutare aere et dicitur par le Verbe ct sa Sagesse (le Saint-Esprit). » L. Il, et estest enim Saloalor quidem quoniam Filius ct c. xxx. n. 9, col. 822. Cette phrase exprime énergi­ Verbum Dei, salutare autem quoniam Spiritus, · spi­ quement l’unité de nature dans la trinité des personnes, « le Verbe ct le Saint-Esprit sont cc qu’est le Père ritus enim, inquit, faciei nostra Christus Dominus, » satus autem quoniam caro. Cf. Dcm., c. lxxi, p. 713. mémo; ct cependant les personnes ne sont pas confon­ Irénéc est Influencé par la traduction défectueuse du dues, puisque l’une agit par les autres. » T. de Règnon, verset des Lamentations, xv, 20, qu’il cite. D'autres Études de théologie insitive sur la sainte Trinité, t. ï, qu'Irénéc ont appelé Esprit le Fils de Dieu Incarné. р. 350. Dieu a tout fait par le Verbe qui est sa main, Cf. L. Tonet ti, L'anima dl Cristo nella leologta del par le Verbe ct le Saint-Esprit qui sont scs mains. Nuooo Testamento e del Padri, I, Anima, spirito e L. I,c. χχιι,η. l;l. II, c. xxx. n. 9; L III, c. xxn, η. 1; dhdnitâ, dans la RMsta slorico-critica dette science ( J. IV, praL, n. 4; c. xx, n. 1, 4; c. χχχπ, η. 1 ; L V, leologiche, Home, 1909, t. v, p. 102-103. Quoi qu’il с. ï, n.3; c. vî, n. 1 ; c. xv. n. 2; c. xm, η. 1 ; c. xxvm, faille penser de la correction théologique de leur lan­ n. 4, col. 669, 822, 956, 975, 1032, 1031, 1070-1071, 1123, 1137, 1165, 1167, 1200. T. de Régnon, op. cit., gage, en ce qui regarde Irénéc, tout sc réduit Λ une Indécision fâcheuse de terminologie; le fond de son lu, p. 350-353, u mis en lumière cet te théorie delà créa­ enseignement n’en est pas atteint, ct la distinction tion, commune A Irénée ct Λ beaucoup de Pères grecs. < Il semble que le rôle du Père soit de commander, entre le Verbe et l’Esprit Saint éclate tout le long de son œuvre. C’est ù tort également qu’on n conclu la j dans cc sens qu’H est la source d’où part l’ébranlement négation de la personnalité du Saint-Esprit de la for­ créateur. Quant aux deux personnes procédantes, elles mule ; In Christi nomine subauditur qui unxit, et (pse obéissent, dans cc sens qu’elles exécutent, qu'elles qui unctus est, ct ipsa unctio in qua unctus est. Et unxit ' cÎTcctucnt, qu'elles accomplissent; car elles sont Ici quidem Pater, uncius est vero Filius in Spiritu, qui est deux mains du Père. Mais, de plus, 11 semble que l’on unctio. L. HJ, c. xvîh, n. 3;cf. c. i.x, n. 3,col. 871-872, ( distingue le rôle de chacune de scs mains, ct que, dam 93 I ; Dem., c. XLvm, uî, p.695-69G, 700. Bien des Pères l’exécution de l’ordre paternel, chaque personne con­ dont l’orthodoxie est sûre ont employé ccttc formule. serve le caractère de sa procession distincte. » Lo Ailleurs, 1. 1 H, c. vr, n. 2. col. 860-861, Irénéc lui-même Fils est, par sa génération, l’expansion du Père; 1) s’exprime de ’a sorte : Utrosque enim Del appellatione , est celui par qui le Père a établi toutes choses, « l’ar- 2447 IH É N É E (SA I NT) 2448 tantôt tout par le Saint-Esprit, 1. IV, c. xxxi, n. 2, tiste de toutes choses. · L. ΠΓ, c. xi, n. 8, cot. 885. col. 1070, etc., dc même, d’une part, Irénéc dit que Quant à l’Esprit, « fin » de la Trinité, il finit tout, il perfectionne toutes les œuvres du Créateur. < Dans les Écritures ont été dites par le Verbe cl l’Esprit la création de l'homme, dit saint Irénée, 1. IV, Saint, 1. II, c. xxvni, n. 2, coi. 805, et, d’autre part, Il c. xxxvnr, n. 3, col. 1 ί 08, le Père se complaît et or­ dit tantôt que les prophètes ont reçu du Verbe le cha­ risme prophétique, 1. IV, c. xx, n. 4; cf. n. 12; c. vj, donne, le Fils opère ct fabrique, l’Esprit nourrit ct accroît, et l’homme doucement progresse ct monte vers n. 6, col. 1034, 1041, 989, tantôt, ct plus souvent, que la perfection,c'est-à-dire devient proche del’Étemel.» l’Esprit a parlé parles prophètes, 1. I, c. x, n. 1 ;1. III, Et, Dem., c. v, p. 663 : < Un seul Dieu, le Père, in- | c. vi, n. 5; c. xi, n. 8; c. xxi, n.4, col. 549, 864, 888, créé, invisible, créateur de tout... Cc Dieu est intelli­ 950, etc. Parfois les deux points dc vue alternent dans gent, et c'cst pourquoi il a fait les créatures par le le même chapitre. L. IV, c. xx, n. 4, col. 1034, nous Verbe. Et Dieu est esprit; aussi cst-cc par l’Esprit lisons : Verbum... homo in hominibus /actus est ut qu'il a embelli toutes choses... C’est le Verbe qui pose finem conjungeret principio, id est hominem Deo; ct la base, c’est-à-dire qui travaille pour donner à i’èlrc propterea propheta:, ab eodem Verbo propheticum occi­ sa substance ct le gratifie de l’existence, ct c'cst pientes charisma, prmdicaverunt... uti, complexus homo l’Esprit qui procure à ccs différentes forces leur forme Spiritum Dei, in gloriam cedat Patris; c’est l’ordre ct leur beauté. » Ou, plus brièvement, 1. III, c. xxiv, descendant. Et voici l’ordre ascendant, n. 5, col. 1035: n. 2, col. 967 : Verbo suo confirmans et Sapientia Deus visus quidem tunc per Spiritum prophelix (lire (l’Esprit-Saint) compingens omnia hic est qui est solus probablement, avec plusieurs manuscrits, prophetice), Deus verus. Parce qu’il est le terme, le Saint-Esprit est visus autem et per Filium adoptive, videbitur autem el le principe dc repos, dc stabilité, de perfection. < Aussi in regno eidorum paternaliter. Voir tout le chapitre; n‘cst-ce pas διά I (νεύματος, poursuit T. dc Régnon, cf. Dem., c. vi, xux-l, p. 664, 697, 698. р. 352, mais έν Πνεύματι, qu’a lieu toute perfection Dans ccttc œuvre dc descente dc Dieu vers l’homme physique, c’cst-à-dire toute beauté, ct plus spéciale­ ct d'élévation de l’homme vers Dieu, le rôle principal ment toute perfection morale, c'est-à-dire toute sain­ du Verbe est d’être le révélateur du Père. Irénéc a été teté. » Dc là les formules des Pères grecs sur le Père frappé par le texte dc Matth.,xi,27,ct dcLuc.,x,22, faisant tout ct donnant tout parle Verbe dans l’Esprit. sur la parfaite réciprocité dc connaissance entre le Père De là cc magnifique passage d* Irénéc, I. V, c. xvni, ct le Fils. L. IV, c. vi-vn, col. 986-993. 11 en déduit la n. 2, col. 1173 : Pater enim conditionem simul cl Verbum divinité du Fils ct sa communauté dc nature avec le portans et Verbum portatum a Patre prostat Spiritum Père. A. Harnack, Lchrbuch der Dogmengeschicblc, omnibus, quemadmodum vult Pater, quibusdam quidem 3e édit., Fribourg-cn-Brisgau, t. î, p. 539-510; ct.Des secundam conditionem, quod est factum, quibusdam heil. /rendus Schri/t zurn Envcise der apostolischen autem secundum adoptionem, quod est ex Deo, quod est Verkûndigung, Leipzig, 1907, p. 61, qualifie de modageneratio» Et sic unus Deus Pater ostenditur, qui est lismc la doctrine dc la manifestation du Père par le super omnia, et per omnia, et in omnibus. Super omnia Fils : l’existence du Fils en tant que Fils serait condi­ quidem Pater, ct ipse est caput Christi; per omnia autem tionnée par la volonté du Père dc sc révéler, ct le Fils Verbum, et ipse est caput Ecclesia:; in omnibus autem ne serait Fils que dans la sphère dc la rédemption, nobis Spiritus, et ipse est aqua viva quam pnvslat Do­ au point dc vue dc l’homme. Or, nous l’avons vu, minus in se recte credentibus et diligentibus se. Filius ct Verbum sont entièrement sxmonvmcs. « Pour * * Dieu s'inclinant vers Ia créature, i i y a cette marche : Dieu, le Fils était au commencement, avant la création du Père au Fils, ct du Fils au Saint-Esprit. C’cst l’ordre du monde. » Dcm.. c. xun ; cf. c. xxx, p. 692,683. Et, des missions divines : le Père envoie le Fils, 1. IV, c. x, p. 6G7 : « Dieu est glorifié par son Verbe, qui est с. χχχνι, η. t, 2, 5, col. 1090, 1091, 1092, 1094, ct le son Fils éternel; » Cont. hivr., L II, c. xxx, n. 9, col. 823: Fils envoie le Saint-Esprit, don du Père, 1. III, c. xxn, Semper autem coexistons Filius Patri, olim ct ab initio n. 2, col. 930 : Quod Dominus accipiens munus a Patre, semper revelat Patrem, ct angelis, et archangelis ct po­ ipse quoque his donavit qui ex ipso participantur, (n testatibus, ct virtutibus, et omnibus quibus vult revelare universam terram mittens Spiritum Sanctum. Inverse­ Deus. Donc le Fils a toujours coexisté au Père, il a été ment, pour remonter de nous à Dieu, par l’appro­ Fils toujours, et, dès la création, il a été celui qui a priation du salut, nous allons dc l’Esprit au Fils ct du révélé le Père aux anges et à tous ceux que le Père a Fils au Père, Spiritu quidem préparante hominem in voulus. Quand Irénée dit que le Père est l’invisible Filio {in Filium, d’après certains manuscrits) Dei, du Fils et le Fils le visible du Père, invisibile etenim Filio autem adducente ad Patrem, Patre autem incorrup­ Filii Paler, visibile autem Patris Filius; que agnitio telam donante in adernam vitam. L. IV, c. xix, n. 5: Patris est Filii manifestatio; que agnitio Patris Filius, cf. n. 6; 1. V, c. xxxvi, n. 2 (finale du traité), col. 1035, 1. IV, c. vi, n. 6, 3, 7, coi. 989, 988, 990, Il n’entend pas 1036, 1223. Les deux ordres, descendant et ascendant, que le Fils n’a été tel qu’à partir du moment où il a •ont décrits, Dent., c. vn, p. 664-665 : · Quand nous manifesté le Père, mais que, coexistant éternellement sommes régénérés par le baptême, qui nous est donné, avec le Père, à partir du moment où il y a eu des créa­ au nom dc ccs trois personnes, nous sommes enrichis, tures, anges ou hommes, capables dc connaître Dieu, dans cette seconde naissance, des biens qui sont en c’est lui qui l’a révélé, que Pater... per cum revelatur Dieu le Père, par le moyen de son Fils, avec le Saint- et manifestatur omnibus quibus revelatur, 1. II, c. xxx, Esprit. Car ceux qui sont baptisés reçoivent l’Esprit n. 9, col. 873, que le Père ne se manifeste que par le de Dieu, qui les donne au Verbe, c’est-à-dire au Fils; Fils. ct le Fils les prend ct les offre à son Père, ct le Père Le Fils n’a pas attendu de s’incarner pour mani­ leur communique l’incorruptibilité. · fester le Père; dès le commencement, ab initio assis­ Le rôle du Verbe n’est pas toujours bien distingué tens Films suo plasmati, il l’a révélé à sa créature, dc celui dc l’Esprit Saint, ou plutôt il y a forcément quibus vult et quando vult et quemadmodum vult Pater. L. IV. c. vi. n. 7, col 980. En premier Heu, aux anges, rencontre ct communauté dc rôles, puisque, selon le onunes : nmnes qui ab tmlio point dc vue où l’on se place, < le Verbe sert de lien à col. 823; l’Esprit » ou c’est » l’Esprit qui montre le Verbe. » cognitam I ibuerunt Deum... revelationem acceperunt Dem,c. v, p. 663. Par exemple,dc même que tantôt il <111 ab ip ο 1 dto. C. vn, n. 2, col. 891. Irénéc met sur le compte du 1 ils, selon une opinion courante à ccttc que Dieu a tout créé par le Verbe ct l’Esprit Saint, < h 1. théophanlcs de l’Ancien Testament : à tantôt tout par le Vurbe, I. I, c. xxn. η. 1 ; I. IL c u, r a Abnünun, à Moïse, aux trois enfants. L. 111 n. 4; I. III, c. vni, n. 3, col. 669, 71 1, 867-368. etc.. 2449 IRÉNÉE (SAINT) 2'<5O c. XI, n. 9; 1. IV, c. vu; c. xx, n. 9, 11, col. 888-889, on doit entendre son corps, car, comme l’ombre vient 990-992, 1038-1040; Dem., c. xn, xxiv, xuv-xlvi, ! du corps, ainsi le corps est venu de son Esprit. » Selon р. 668, 677-678, G92-695. Aucune trace, chez lui, d’une qu’il l’avait promis par les prophètes, le Saint-Esprit révélation naturelle par les philosophes pour les gen­ ! est descendu sur le Christ, à son baptême, secundum tils connue par la loi mosaïque pour les juifs. Tout au id quod Verbum Del homo erat, afin qu’il allât prêcher plus ccs affirmations générales que le Fils du Père l’Évangile, ut de abundantia unctionis ejus nos perci­ glorifie le Père aux yeux du genre humain ct dispen­ pientes salvaremur. L. Ill, c. ix, n. 3; c. xvn, n. 1, sator paternœ grati w {actus est ad utilitatem hominum, coi. 870-871, 929. Le Saint-Esprit l’a ressuscité. 1. IV, c. xx, n. 7, col. 1037; que multis modis compo­ L. 111, c. xm, n. 3,9, coi. 922,928. nens humanum genus ad consonantiam salutis.., per Les textes sur le rôle du Saint-Esprit à l’égard de omnes illos transiens Verbum, sine invidia utilitatem l'Églisc ont été utilisés plus haut : il l’assiste, la pro­ pxstabat cis qui subjecfl sibi erant, omni conditioni tège, lui garde une jeunesse toujours renouvelée, lui congruentem et aptam legem conscribens. L. IV, c. xiv, assure une doctrine indéfectible et toutes les grâces. n. 2, coi. 1011. Pour couronner le tout, le Verbe a Ubi enim Ecclesia ibi et Spiritus Dei, et ubi Spiritus révélé le Père par son Incarnation, où il a donné davan­ Del illic Ecclesia et omnis gratia. L. III, c. xxiv, n. 1, tage, plus aulcm non quod alterius Patris agnitionem coL 966. ostendit.., sed quia majorem donationem paternae gratior Ce qu’il est pour l’Église entière, il l'est pour ses per suum adventum effudit in humanum genus. L. IV, membres : l’Esprit vivificateur. L. V, c. ix, η. 1 ; c. xn, с. xxxvi, n. 4, coi. 1093-1094. n. 2, col. 1144,1153. Dès le commencement, dès Adam, Le rôle principal du Saint-Esprit est dc sancti­ a conditione mundi usque ad finem, il est celui ex quo fier. Irénée le montre comme sanctificateur dans qui credunt Deo et sequuntur Verbum ejus percipiunt scs rapports avec le Christ, avec l’Église, avec les eam quæ est ab eo salutem. L IV, c. xxxni, n. 15, fidèles. coL 1083. C'est lui qui, dans tous les temps, · a conduit Du Christ, par les prophètes, le Saint-Esprit a an­ les justes dans la voie de la justice; c’est lui qui,dans noncé la venue et la vie entière. L. J, c. x, η. 1 ; L 111, la plénitude des temps,a été répandu d’une manière c.xxi,n.4;L IV,c.xi,n.l,col. 519,950,1001.«LeVerbe 1 nouvelle sur l’humanité. * Dem., c. vi; cf. c. lxxxix, р. 664, 723. Il est descendu sur le Fils de Dieu fait de Dieu..., par qui tout a été fait, celui qui a parlé avec fils dc l'homme, cum ipso assuescens habitare in genere Moïse, celui-là est venu en Judée, a été divinement humano, et requiescere in hominibus, et habitare in conçu par l’opération du Saint-Esprit ct est né dc la plasmate Dei, voluntatem Patris operans in ipsis ct reno­ Vierge Marie. » Dem.,c. xn; cf. c. u, lvii, ijx,p.689,698, 704, 705. Dans le Contra hiereses, une première fois, vans eos a vetustate in novitatem Christi. L. Ill, c. xvn, n. 1, coL 929. 11 s’est répandu extérieurement suries I. III, c. xvi, n. 2, col. 921, Irénéc applique clairement apôtres ct l’Églisc naissante, ct cette cfludon sc con­ au Saint-Esprit le texte dc Matth., î, 18 : inventa est tinue par les charismes.E I,c. xm, n. 4;L II,c. xxxii, in utero habens de Spiritu Sancto. Entendait-il, une n.4; 1. 111, .xi,n.9 ;c.xn ;L V,c. vi, n. 1, col. 585,829, deuxième fois, I. V, c. î, n. 3, col. 1122, avec plusieurs 891,892-910, 1137. 11 y a de plus une effusion inté­ anciens Pères, le Fils par le Spiritus Sanctus dc Luc., î, 35, ct par le superveniet in te l’incarnation? J. Lc- rieure dans les âmes, temples du Saint-Esprit. L. V, breton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 252, с. vi, n. 2 ;c. vm, n. 1-2,col. 1138-1139,1141-1142, etc. « Le Dieu dc tous accordera la vie éternelle, par la l’a pensé. Λ étudier le contexte, on sc prend à hésiter. résurrection des morts, ct cela en vue des mérites Après avoir dit, η. 1, col. 1121, que le Christ a répandu Spiritum Putris in adunitionem et communionem Det dc celui qui est mort et ressuscité, Jésus-Christ, » ù et hominis — c’est l’union dc Dieu et dc 1’honune par ceux que les apôtres ont Instruits à garder leur corps pur pour la résurrection ct à conscner leur âme sans la grâce — il dit maintenant, n. 3. COL 1122-1123 : Vani autem ct ebionœi, unitionem Dei et hominis per souillure. « Mais, pour que les croyants sc gardent tels, Il faut que l’Esprit Saint reste étroitement uni à fidem non recipientes in suam animam, sed in veteri eux.Donné par Dieu au baptême, l’Esprit Saint demeure generationis perseverantes fermento, neque intdligere en celui qui le reçoit aussi longtemps que ce dernier volentes quoniam Spiritus Sanctus advenit in Mariam vit dans la vérité et la sainteté, dans la justice et la ct virtus Allissimi obumbravit eam. L’Esprit Saint, patience. Car c’cst par la vertu de cct Esprit que les dans les deux cas, est la même personne, distincte du l·ils. La suite le prouve encore : dc ccs èbionites, qui croyants rcssusc’tcrunt quand le corps sera dc nouveau uni â l’âme ct entrera dans le royaume de Dieu. » rejettent l’incarnation et la génération nouvelle qui en résulte pour nous, Irénée dit qu’ils ne voient pas Dem., c. xu-xui, p. 690-691: cf. Cont. hxr., L V, que, quemadmodum, a b milio plasmationis nostra:, in i c. xn, n. 2; c. xui, n. 4, coL 1141,1159. Et ainsi, à travers toutes les différences entre lo Adam ca qua fuit a Deo aspiratio viter, unita plasmati, animavit hominem et animal rationale ostendit, sic in concept grec ct la théorie latine des opérations divines fine Verbum Patris ct Spiritus Dei, adunitus antiqua: ad extra, Irénéc aboutit, comme les Pères latins ct substantiae plasmationis Ada:, viventem ct per/ectum les scolastiques, à approprier, tout en les déclarant effecit hominem, capientem per/ectum Patrem. Verbum communes aux trois personnes, les œuvres de la puis­ Patris ct Spiritus Dei : toujours le Verbe ct l’Esprit sance au Père, celles de la science au Fils, celles dc l’arnour nu Saint-Esprit. Le Père est créateur par le distincts. Un dernier trait marque cette distinction : Verbe et par le Saint-Esprit, ses deux « mains » : vuilà Aon enim effugit aliquando Adam manus Dei, ad quas Pater loqueris dicit: Faciamus hominem ad imaginem pour la puissance. Voici jx>ur la science : le Fils est le ct similitudinem nostram. El propter hoc in fine, non révélateur, celui qui sait; mais le Père et l’Esprit pos­ ex voluntate carnis neque ex voluntate viri, sed ex placito sèdent également ct donnent la lumière ct le savoir. Patris, manus ejus vivum perfecerunt hominem, uti flat I L. 111, c. xxxiv, n. 2; 1. IV, c. xi, η. 1 ; c. xxxiii, n. 7; Adam secundum imaginem et similitudinem Dei. Nous ; c. xxxv, n. 2, col. 967, 1001, 1077, 1087-1088. Et, si savons que « les mains » du Pèrc.cc sont le Verbe ct le salut, œuvre de l’amour divin, est donné par lo l’Esprit Saint. Comme dans tout le contexte, le Spi­ Saint-Esprit, le Père est bonus, et misericors et patiens, ritus Sanctus superveniet in le sc rapporte donc à la et salvat quos oportet, L III, c. xxv, n. 3, col. 969; le personne du Saint-Esprit, non au Fils. Mais ailleurs, Père per Verbum, per quod Deus perfecit conditionem, Dem., c. i.xxi; cf. ux, p. 713. 905, Irénéc appelle le in hoc ct salutem his qui in conditione sunt praestitit Christ « Esprit de Dieu », ct, sans doute par allusion hominibus, 1.111, c. xi, η. 1,col. 880 ; ct.Dem.,c. un, p.699, à Vobumbrabif tibi dc Luc., i, 35, Il dit que « par ombre sur l’incarnation < œuvre du Père » etc., et les trois 2451 IRÉNÉE (SAINT) personnes divines Interviennent dans le salut dc l'homme. Dijujiihltio de fcntcntia Iren/rl dc Spiritus Sancti divinftnfe,Gct que «ces deux ont ù leur service une armée (d’esprits angéliques) appelée les chéru­ bins cl les séraphins, qui glorihcnt Dieu par leur chant perpétuel » Nous arrivons ainsi, pour la première fols, à dresser la liste des neuf ordres angéliques. 5· L'homme. — 1. La terminologie d'Irénée. — Irénée n'a pas un traité systématique sur la création dc l’homme, sur la distinction dc l’ordre naturel ct dc l’ordre surnaturel et l’élévation dc l'homme à cc der­ nier, sur la chute de l’homme. 11 prend l'homme tel qu’il fit, en fait, crééparDicu, et, parce que l'homme ne resta pas longtemps sans déchoir, il traite de son état surnaturel moins de façon directe qu’en exposant que le Christ, c récapitulateur universel, > rendit au genre humain cc qu’Adam lui avait fait perdre, il y a à tenircomptcdcccs particularités pour reconstituer l’anthropologie de l’évêque de Lyon. Les incertitudes du vocabulaire accroissent la difficulté. Par exemple, les termes «mort»ct «vie«sontemployés tantôt dans le sens dc vie ct dc mort naturelles, tantôt dans celui dc vie surnaturelle, ou vie dc la grâce, ct de mort surna­ turelle, par le péché mortel, tantôt dans celui dc vie ct de mort étemelles, du corps ct dc l'&me, tantôt, quand il s’agit dc la mort venue par Adam ct de la vie donnée par le Christ, dans un sens qui englobe un peu tout cela. CL 1. 111, c. χχιη, η. 1, 6-7; 1. IV, c. xxxvm, n. 4:1. V,c. i, n. 3;c. ni, n.2-3 : c. xm, η. 1; c. xv, η. 1; c. xxni; c. xxvn, n. 2, coL 960, 964-965, 1109, 1122-1123, 1153-1154, 1156-1157, 1163-1164, 118 51186, 1196; Dan., c. xxn, p. 683-684. D’autres fois le sens est plus difficile encore à préciser. 2452 Le mot « nature », (liez Irénée, pas plus que chez les anciens Pères, n’a le sens d'ordre naturel par oppo­ sition Λ l’ordre surnaturel. H désigne couramment la condition dc créature, Irraisonnnblc ou raisonnable, l’origine, la naissance. L. IV, c. v, n. 3, col. 983 : Fnirnentum quidem et palcæ, inanimalia cl irrationabilia existcntia, naturaliter talia facta sunt; telle est leur condition. L. IV, c. xxxvm, n. 4, coi. 1108 : Irratio­ nabiles igitur omni modo qui... sua natura· infirmi­ tatem ascribunt Deo; la condition dc l'homme, c’cst d’être imparfait, mortel, libre, capable de péché, ni naturaliter bonus, 1. IV, c. xxvn, n. 2, col. 1100, ni naturaliter similis Deo, 1. III, c. xx, n. 1, col. 943. L. V, c. xu, n. 2, coL 1115 : Secundum naturam, quæ est secundum conditionem, ut ita dicam, omnes filii Del sumus, propter quod a Deo omnes facti sumus; Ici la nature, c’est l'origine. Cf. I. V, c. i, n. 1, col. 1121. Mais, sans opposer expressément la « nature » ct la « grâce », Irénée s’achemine vers celle opposition. L. II,c. xxix, n. 1, col. 812-813, natura a pour synonyme substantia, cl s’oppose ù justitia ct fides, qui sauvent seules. Cf. 1. IV, c. xxxvm, n. 4 ; 1. V, c. vm, n. 2, col. 1109,42.11 Ailleurs, 1. 11, c. xxxiv, n. 3, col. 836, natura s’oppose même ù gratia, non pas, ù vrai dire, à la grâce sancti­ fiante, mais à un don gratuit de Dieu : non enim ex nobis neque ex nostra natur t vita est, sed secundum gratiam Dei datur. Et comme la vie, don dc la grâce dc Dieu, cc n’est pas seulement la vio terrestre, ni seulement la vie immortelle, mais la vie impérissable des sauvés, Patre omnium donante et in sæculum sœcull perseverantiam lits qui salvi fiunt; cf. L V, c. n, n. 3 ; c. x, col. 1127, 1147-1149, etc., nous abordons â l’ordre surnaturel. Du reste, gratia, au sens dc grâce actuelle et même dc grâce sanctifiante, n’est pas inconnu à Irénée. Comment P. Beuzarl, Essai sur la théologie d'irénée, p. 104, a-t-il pu prétendre que « le terme grâce, gratia, χάρις, ne sc trouve pas dans son ou­ vrage? » La grâce y est souvent nommée, L. I, c. vî, n. 4 (χάρις); 1. Ill, c. xvi, n. 9; c. xvn, n. 3; c. xix, η. 1 ; c. xx, n. 3 ; c. xxi, n. 3 ; c. xxm, n. 8 ; c. xxrv, n. t ; L IV, c. ix, n. 2, 3, col. 509, 928, 930, 939, 94 I, 949, 965, 966, 997, 998, etc. Une formule fréquente ct ù signification variable, c’est ad imaginem ct similitudinem Dei. Tantôt les deux mots sont rigoureusement synonymes, par exemple, Dcm., c. x, p. 667 : < Il imprima sa propre ressem­ blance à sa créature, afin que l’on vit bien qu’elle est â l’image dc Dieu; » cf. c. xxn,p.670; ou bien l'un des deux tenues seulement est employé, en sorte que la sy­ nonymie parait supposée ou est possible; pour imago seul, cf. 1. III, c. xvn, n 3; I. IV, c. xx, n. 1; L V, c. xm, n. 4, col. 930, 1032, 1155, ct, pour similitudo scul,l. IV,præf., n. 4; 1. V, c. i, n. 1 ;c.v,n. 1,col.975, 1121, 1137 ; Dcm., c. v, p. 663. Tantôt « l’image » ct « la ressemblance · conviennent à l’homme naturel, raisonnable ct libre : homo rationabilis, el secundum hoc similis Deo, liber in arbitrio factus, 1. IV, c. iv, η. 3, col. 983; cf. c. xxxvu, n 4, coL 1102 (il n’y est question que dc la ressemblance); 1. Ill, c. xxn, η. 1, col. 956 (il y est question des deux). Tantôt, ainsi que plusieurs Pères, Irénée oppose imago â simili· (udo, et entend par imago la nature et ses biens, par similitudo la surnature, l’homme surnaturel. U V, c. vî, η. 1, coL 1138 : si defuerit animæ Spiritus, animalis est vere qui est (alis.., imaginem quidem habens (n plasmate, similitudinem vero non assumens per Spi­ ritum. Cf c. xvi, n. '2, c. 1168. Tantôt, sans ahusion Λ ΓοηJre naturel. In formule sc réfère aux biens surnatur* ’ i n<· r»i· . Admi ct perdus en lui, â la nou'L '· ’·< qui procure la vie surnaturelle alors qu< ;u ί·ι némion d’Kdarn entraînait l’héritage dc la 4 6 » De ., Int irnü’ih r d ..ut quod pcrdlderaecundum imuglncmclsimilitudinem 2453 IRÉNÉE (SAINT) esse Dei, hoc in ChrhtoJesu reciperemus. L. IH,c. xvm, η. 1 ; ci. c. xxn, η. 1 ; 1. IV, c. xx, η. 1 ; 1. V, c. x, n. 3; c. π, η. i ;c. vi, η. 1 ; c. x, η. 1 ; c. χνι, η. 1 ;c.xxi, n 2; c. χχνιιι, n. 4, col. 932, 956, 1032, 1123, 1124, 1137, 1148,1167,1180,1200. Tantôt 11 s'agit non delà grâce, mais c’est-à-dire non encore arrosée par la pluie et non travaillée. Dcm., c. xi, xxn, p. 667, 684. Cont. hær., 1. Ill, c. xxi, n. 10; 1. V. c. xiv, n. 2, col. 954 955, 1162. La création dc la première femme est ra­ contée comme dans la Genèse, avec cc detail que, * pour l’accomplissement de son chef-d’œuvre, Dieu voulut qu'Adam tombât dans le sommeil, qui aupa­ ravant n’existait pas au paradis. » Dcm., c. xui, p. 669. Sur l’âme dc l’homme, voir Ame, t. i, col. 983-986. L’homme « fut créé libre ct maître dc scs actes, ct fut destiné par cc meme Dieu à commander à tout cc qui serait sur la terre, > car « Dieu fil l’homme maître dc la terre ct dc tout cc qu’elle renferme; > toute la créa­ tion était pour lui. Dem., c. xi, xn, p. 667, 668; Cont. har., 1. IV, c. v, η. 1 ; c. vit, n. 4, col. 983.992. 3. L'élévation de Γhomme d Vétat surnaturel· — Des gnostiques valcntmleiu, ct Valentin lui-même, distin­ guaient trois catégories d’hommes : les spirituels ou pneumatiques, les psychiques, enfin ks terrestres ou Indiques ou cholqucs ; les spirituels destinés au salut,les psychiques susceptibles de sulut ou de perdition, ks terrestres voués à la ruine. L. I, c. vn, n. 5; c. v:, η. 1 ; I. IV, c. xxxvn, n. 6, coL 517-520, 504-505, 1103; cf. E. dc Fûyc, Gnostiques et gnosticisme. Étude critique des documents du gnosticisme chrétien aux H9 et ttl9 siè­ cles, Paris, 1913, p. 45-18, 67-76. C’était le tricholomisine platonicien transporté de l’homme individu à l’homme espèce ou humanité. Irénée rejette celte distinction entre pneumatiques, psychiques et hyliques. Voir Amc. t. ï, col. 983. Tous les hommes ont même nature Tous peuvent sc sauver ou sc perdre. Mais l’homme, composé de corps ct d’îune, peut être plus que corps ct âme : il peut être spirituel ou pneu­ matique, c’est-à-dire divin. En tenues modernes, la vie naturelle peut être complétée par la vie surnaturelle. « Notre substance, c’est-à-dire l'union dc l’âme ct du corps, en recevant l’Esprit de Dieu, constitue l'homme spirituel. · L. V, c. vm, n. 2, coL 1142. Le πνεύμα n’est pas une partie de la nature humaine; c’cst la grâce do l’Esprit-Saint, qui déifie l'homme. L’homme qui ne fait pas la volonté dc Dieu ne l’a pas en lui. » L’homme parfait est composé dc chair, d’âme ct d’esprit, de l'esprit qui sanctifie cl informe, dc la chair 2455 IRÉNÉE (SAINT) qui «t unie ct formée, de Pâme qui est cni re les deux.» L. V, c. ix, η. 1, col. 1 1 1 1. Irénée ne parle pas de tous les hommes, mais de l'homme parfait, de celui qui est en état de grâce. La preuve, c'est qu’il ajoute aussitôt : « L’âme suit quelquefois l’esprit ct est élevée par lui; quelquefois elle suit la chair ct devient esclave des passions sensibles. Or, tous ceux qui n’ont pas le prin­ cipe qui sauve ct informe, ct qui n’ont pas l’unité, sont ct s’appellent justement chair ct sang, car en eux Ils n’ont pas l'esprit de Dieu. Le Seigneur a dit qu’ils sont morts, car ils n'ont pas l'esprit qui vivifie l'homme. » Voir la suite du chapitre, n. 2-1, col. 11 Μ­ Ι 147. I nc preuve encore, entre plusieurs autres, est cc qu’il écrit de la résurrection générale, 1. 11, c. xxxm, n. 5, col. 834 : · Tous ceux qui ont été désignés pour la vie (éternelle) reprendront leur corps propre, leur âme propre, leur esprit propre, dans lesquels ils ont plu à Dieu, tandis que ceux qui méritent le châti­ ment Iront le recevoir en leur âme propre, en leur corps propre, dans cette âme et dans cc corps qu’ils ont détournés de la grâce de Dieu, > in quibus abstiterunt a Dei bonitate, d’après la traduction, άπδ τής του Θεού χάριτος porte l’original. Cf. A. Dufourcq,Saint Irénée (collection Les saints), p. 163-164. Adam fut élevé à cet état surnaturel. Vérité capitale, ainsi que celle de la déchéance de cet état, qu’lrénéc développe surtout de façon Indirecte en traitant de la récapitulation par le Christ, qui restitua au genre humain cc qui avait été perdu en Adam, mais qu’il indique aussi directement avec une netteté suffisante. 11 le fait, en particulier, quand il s'inspire du Faciamus hominem ad imaginem ct similitudinem nostram sans Je citer, quand 11 le elle ct le commente. L'étude des passages d’Irénée relatifs ù cc verset de la Cicnèsc nous a démontré que si, une fois, il y trouve la simple ressemblance avec Dieu par la possession de la liberté et l’usage de la raison, il y aperçoit d’habitude ou, dans V imago, la ressemblance par les biens naturels, ct, dans la similitudo, la ressemblance par les biens surnaturels, ou, dans l’une et l’autre, l'image et la res­ semblance divines par la grâce. Il ramène l'image et la ressemblance dix Inès, quand il parle du « Fils de Dieu, existant toujours auprès de son Père, qui s'est incarné et, fait homme, a récapitulé en lui la longue suite des hommes, cl, résumant en lui l’humanité, nous a donné le salut, afin que nous recouvrions dans le Christ Jésus cc que nous avions perdu en Adam, à savoir d'être à l’image ct à la ressemblance de Dieu. » L. 111, c. xvni, n.l, col. 932. Les formules analogues sc pressent sous la plume d’Irénée. Le Christ nous a rendu l’adoption surnaturelle d’enfants de Dieu, I. 11, c. xi, n. 1; 1. Ill, c. xix, n. 1; c. xx, n. 2; 1. IV, c. 1, n. 1 ; 1. V, c. xn, n. 2, col. 737,939,943,975, 1152, non la simple filiation naturelle, qu* Irénée déclare commune ù tous de par la création, secundum naturam quæ est secundum conditionem, ut ita dicam, omnes filii Del sumus, propter quod a Deo omnes facti sumus. L. IV, c. xu, n. 2-3; 1. V, c. xvm, n. 2, coi. 1115-1117,1173; Df/n.,c.m,col. 662. Il a été «médiateur entre Dieu et les hommes, étant avec tous deux chez lui, afin de rétablir entre eux l’amitié et la concorde, afin de placer l'homme près de Dieu, afin de faire connaître Dieu à l'homme. Comment aurions-nous pu participer à l’adoption filiale, si le Fils ne nous avait pas donné communion avec lui?... Et c’est pourquoi il a traversé tous les âges rendant à chacun la communion avec Dieu. » L. 111, c. xvni, n. 7, coL 937. Par le Christ nous sommes rede­ venus fils adoptifs de Dieu, ses amis. L. III, c. xix, n. 1 ; c. xx, n. 2; 1. IV, c. xm, n. 4 ; c. xi., coi. 939,943, 1009-1010, 1112-1114. Nous sommes parfaitement unis à Dieu. L. IV, c. xx, n. 4 ;l. V, c. i, n. 1, col. 1034, 1121 ; Dem., c. vi, xxxi, XL, p. 664, 683, 689. Nos corps sont les temples de Dieu, du Christ, de l’Esprit Saint, 2456 « des temples purs qui charment l’Esprit de Dieu, comme l'épouse charme l’époux. » L. III, c. xvw, n. 3; I. V,c. vi, n. 2; c. vm, n. 1 ; c. ix, n. 3;c.xn, n. 2 ; c. xm, n. 4,col 930, 1138-1139, 1141, 1145, 1153, 1159. Par le Christ, « notre lot permanent ct continuel est departlcipcr ù la vie divine ct de nous élever au-dessus des choses terrestres. » Dem., c. ni, p. 662. Avec le don proprement surnaturel, la grâce, Adam reçut des biens préternaturels. Irénée fournit sur cc point, Λ défaut d’une thèse rigoureuse comme on la I rencontre chez les théologiens modernes, d'utiles in­ dications. Il n'attribue pas à Adam la science par­ faite, ou presque parfaite, que lui ont prêté des théo­ logiens. Adam, enseigne-t-il, fut créé enfant, Cont. hær., 1. IIl,c. xxn, n. 4 ; 1. IV, c. xxxvm, n. l,col. 959,1105; Dem., c. xn, pî 668, ce qu’il entend surtout d’une enfance spirituelle, Adam n’étant pas confirmé en grâce, voir Adam, t. i, col. 370, mais aussi d’une cer­ taine enfance Intellectuelle et physique : « L'homme était un enfant; il n'avait pas encore le parfait usage de scs facultés, > lisons-nous, Dcm., c. xn, p. 668, ct, Cont. lurr., col. 959 : Paulo ante facti, non intellectum habebant filiorum generationis, oportebat enim illos primo adolescere, dehinc sic multiplicari. Mnis si, tandis que les animaux < étalent dans toute leur force, le maître, c’est-à-dire l’homme, était encore petit.., pour qu’il pût vivre ct croître dans la joie ct le bien être Dieu lui avait préparé » le paradis terrestre. « Le Verbe deDieu s'y rendait tous les jours, s’y pro­ menant, s’entretenant avec l’homme des choses de l'avenir, ct s'appliquant avant tout à lui faire com­ prendre qu’il habiterait ct s’entretiendrait avec lui, ct qu'il demeurerait avec les hommes pour leur ensei­ gner la justice. > Dcm., p. 668. Adam ct Ève furent créés exempts de la concupiscence. « Ils étaient nus ct lis ne rougissaient pas, car ils étalent innocents ct n'avaient que des pensées pures comme celles des enfants. Rien n'entrait dans leur esprit ct leur intelli­ gence qui pût faire naître dans l'ûine des désirs mau­ vais ct des mouvements honteux. C'est qu'alors Ils gardaient l'intégrité de leur nature, car ce qui leur avait été insufflé au moment de la création était un souffle de vie. Or, tant que cc souffle conservait son intensité et sa force, il mettait leur pensée ct leur esprit à l’abri du mal. > Dem., c. xiv, p. 669. Cc pas­ sage laisse entendre qu'Adam ct Ève, s'ils étalent restés fidèles, auraient gardé l’immunité de la concu­ piscence. Le Contra hæreses, au contraire, semble supposer que l'exemption de la concupiscence tint à la condition d'enfants où ils furent créés ct que la fougue de la concupiscence aurait coïncidé avec la perte de 1’ indolem et puerilem sensum. Cf. 1. Ill, c. xxn, n. 4 ; c. xxm. n. 5, col. 959, 963. Encore est-il possible que, s’attachant à décrire l'homme historique, Irénéc songe à dire cc qui fut, non cc qui sc serait produit si Adam cl Ève n'avalent pas désobéi. L’immunité de la douleur concédée à nos premiers parents est alfinnée d'un mot, 1. V, c. xv, n. 2, eol. 1165 : propter inobedientiæ peccatum subsecuti sunt languores hominibus. Cf. 1. III, c. xxm, n. 3, coi. 962; Dem., c. xvn, p. 671. Enfin, Adam cl Ève étalent Immunisés contre la mort. ■ Dieu traça quelques limites à Adam, afin que, s’il gardait les commandements divins, il pût rester toujours dans l'étal où II était, c'est-à-dire Immortel, tandis que, s’il n'y restait pas fidèle, il devint sujet à la mort. » Dem., c. xv, p. 670. Irénéc nomme presque toujours à la suite < l’incorruptibilité » ct · l’immor­ talité » sans l< s distinguer explicitement. Mais cette distinction sc dégage de scs textes. < 11 ne les sépare pas pim qu le péché ct hi mort; entre elles, comme entre ccvx- Le legs d'Adam, ce n'était donc pas seulement la privation des biens préternaturels, cc n’était pas uni­ quement la mort du corps; c'était encore la mort de l’âme, la privation du don surnaturel de la grâce. < Nous étions dans les liens du péché, devant naître coupables ct sujets à la mort. »Dem.,c. xxxv n, p. 687. L incarnation a eu lieu uti, quemadmodum per priorem generationem mortem hærcdilavimus, sic per genera­ tionem hanc (la génération nouvelle par le Christ) hæ.I reditaremus vitam, 1. V, c. i, n. 3, col. 1122-1123; uti, quemadmodum per hominem victum descendit in mor­ tem genus nostrum, sic iterum per hominem vietorem ascendamus in vitam, c. xxi, n. 1, cuL 1179; ut quod perdideramus in Adam, id est secundum imaginem et similitudinem esse Dei, hoc in Christo Jesu reciperemus, 1. Ill, c. xvm, n. 1, coi. 932. Les formules abondent qui disent que, par le ait d’Adam, nous naissons pé­ cheurs. Voici deux textes allégués par saint Augustin, Contra Julianum, 1. I, c. ni, P. L., t. xuv, coL 644, ct par Bossuet, Défense de la tradition et des saints Pères, part. II, 1. VIH, c. xxi-xxn, Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1862, t. iv, p. 307-309. Le premier, par allusion au serpent d'airain, parle de « la plaie de l'ancien ser­ pent » guérie par Jésus-Christ, qui · donne la vie aux morts. » L. IV, c. n, n. 7, coL 979. < Voudra-t-on dire, remarque Bossuet, p. 307, que le Fils de Dieu, lors­ qu’il donne la vie aux morts, ne guérit que la mort du corps? N'cst-cc pas à l’âme qu’il donne la vie? C’était donc à la vie de l'âme que celte plaie de l’an­ cien serpent portail le coup. » Quant au deuxième texte, 1. V, c. xix, n. 1, col. 1175 : Quemadmodum astrictum est morti genus humanum per virginem (Ève), sulvatur per Virginem (Marie), Bossuet dit, p. 308 : « Chica­ ;nera-t-on en disant que ce lien nous astreignait à la 2459 IB É N É E (SA INT) pcîne et non Λ la coulpc, ct que l’obéissance de Marie n'a fait qu'ôter les mauvais ctTets de la désobéissance d'Ève? Mais, s'il ne s'agissait que des cflcls, ct que le péché d'Ève ne fût pas le nôtre, pourquoi cc Père avait-II appelé, un peu au-dessus, la désobéissance d'Ève « notre désobéissance, > que Marie a guérie en obéissant? » Et Bossuet renvoie au J. V, c. xvn, où nous lisons, η. 1, col. 1169 : Cujas ct præceptum (runsgredientes, inimici jacti sumus ejus. El propter hoc, in novissimis temporibus, in amicitiam restituit nos Domirus per suam incarnationem, mediator Dei et homi­ num jactus, propitians quidem pro nobis Patrem in qrem peccaveramus, ct nostram inobcdientiam per suam obedientiam consolatus. De ce meme chapitre Bossuct,p.380,citeencorcccttcphrase, n. 3, coi. 1170: uti, quemadmodum per lignum facti sumus debitores Deo, per lignum accipiamus nostri debiti remissionem, ainsi que ce mot du 1. Ill, c. xxn, n. *1, fur Ic Christ : initium viventium factus quoniam Adam initium ma­ rientium factus est, et 11 fait observer, que · toute la suite du discours ct l’esprit meme de la comparaison entre Jésus-Christ ct Adam, tant inculquée par cc saint martyr (Irénée) après saint Paul, fait voir que, comme ce ne sont pas les seuls fruits de la justice, mais la justice elle-même, que nous possédons en JésusChrist, cc ne sont pas aussi seulement les peines du péché, mais le péché même, dont nous héritons en I Adam. > L. Il, c. xxn, n. 4, col. 781, Irénée dit que le Christ omnes vaut pt:r semetipsum salvare., omnes, Inquam, qui per aim renascuntur in Deum, infantes, et parvulos, cl pueros, ct juvenes, cl seniores. J deo per omnem venit ætatem, et, infantibus infans factus, sancti­ ficans infantes. Sauver les enfants! « De quoi, argu­ mente Bossuet, p. 307-308, sinon du péché par la grâce du baptême? Voilà donc un véritable péché, qui ne peut être remis aux enfants qu'en leur donnant le sacrement do renaissance, qu’on ne peut donner ct qu'on ne donne Jamais qu’en rémission des péchés. » Cf. 1. III, c. xvm, n. 7; 1. IV, c. xxn, η. 1 ; J. V, c. xn, n. 3; c. xiv, η. 1 ; c. xvi, n. 3 : Deum, quem in primo quidem Adam offendimus, non facientes ejus pricccptum, in secundo autem Adam reconciliati sumus, obedientcs usque ad mortem facti, neque enim alteri cuidam eramus debitores sed illi cujus ct pncccptum transgressi fueramus ab initio; I. V, c. xxxiv, n. 2, coi. 937-938, 1046, 1154,1161,1168, 1216. Quand on a lu ccs textes, on sc demande comment P. Bcuzart, Essai sur la théo­ logie d'J rénée, p. 110, a pu écrire: · Nous ne rencontrons pas cher, lui l'idée d’hérédité, de transmission du péché par la filiation, de péché d'origine. » Et l'on re­ connaît qu'ils incluent non pas seulement une chute en général, un rejaillissement quelconque de la faute d’Adam sur le genre humain, non pas seulement des pénalités auxquelles tous les hommes sont soumis à cause du péché d’Adam ct d'Ève, mais encore l'cxis- | tcnced’un péché originel proprement dit. «Nous avons offensé Dieu dans le premier Adam, » < nous avons transgressé son précepte,» « nous avons péché contre le Père, » h désobéissance d'Adam est < notre désobéis­ sance, » par suite de « l’antique désobéissance» nous étions « dans les liens du péché, devant naître coupa­ bles et sujets ù la mort : » ccs expressions vont au delà de la transmission à la jx>slérilé d’Adam des peines encourues par notre premier père. Sur ce point J. Tunnel, Lc dogme du péché originel dans saint Au­ gustin, dans la Revue d'histoire et de littérature re'd· gituses, Paris, 1901, t. vi, p. 425-426, manque d'exac­ titude. Très explicite en ce qui regarde l'existence du péché originel, Irénée ne s’attache pas à préciser sa nature. j Dans l’ensemble il professe un certain optimisme ct, | selon la ligne des Pères grecs, il Insiste plus sur la liberté de l'homme que sur la nécessité de la grâce. | 2460 Il n’est pas frapoé, au même degré que saint Augustin, par l'emprise de la concupiscence; suivant saint Paul sur le fait de notre solidarité avec Adam, il s'inspire rarement des textes de l'apôtre sur Je caractère Ira· Cique de la lutte entre la chair ct l'esprit qui sc passe en nous. Il atténue, plutôt qu’il ne l’aggrave, la culpa­ bilité d'Adam. Adam « n’avait pas encore le parfait usage de scs facultés; aussi fut-il facilement trompé par le séducteur. » Dem., e. xn, p. 668. Le péché com­ mis, Adam sc cacha, non point pour fuir Dieu, mais parce qu’il sc jugeait indigne de paraître devant lui, ct sc vêtit de feuilles de figuier, non d'autres feuilles quæ minus corpus efus vexare potuissent, par esprit de pénitence. Aussi Dieu maudit-il non pas lui, mais la lcrrc ct le serpent. Irénée s'indigne contre Tatlcn ct tous ceux qui refusent d'admettre le salut d'Adam, semper seipsos excludentes a vita in eo quod non credant inventam ovem quæ perierat. Car ncccsse fuit Dominum ad perditam ovem venientem, et tanlæ dispositionis recapitulationem facientem et suum plasma requirentem, illum ipsum hominem salvare qui factus fuerat secun­ dum imaginem et similitudinem ejus, id est Adam.., uti non vinceretur Deus neque infirmaretur ars ejus. Voir 1. Ill, c. xxui, col. 9G0-965. Quant à la postérité d’Adam, Irénée n'est pas de ceux qui supposent qu’elle a été blessée dans sa nature en tant que telle. LÀ des­ cendance d’Adam fidèle aurait-elle hérité des privi­ lèges du premier père? Oui, d'après Irénée, en cc qui concerne la grâce ct l’immortalité, ct même, semblet-il, l'exemption de la douleur. Mais, muni de ccs privilèges, chacun aurait eu à les conserver par le bon usage de la liberté; l'abus aurait entraîné leur perte. De par sa nature d'être créé, l'homme ne pouvait naître parfait ct confirmé en grâce. L. IV, c. xxxvm, n. 1, col. 1105. En fait, Adam n'a pas été fidèle; nous héritons de sa désobéissance, et nous naissons privés de la grâce, débiteurs de la mort, condamnés à souffrir, sujets à la concupiscence, mais libres toujours, ct, parce que libres, potentes retinere et operari bonum et potentes rursum amittere id ct non facere. L. IV, c. xxxvn, n. 2, coi. 1100. Ainsi le péché n'est pas seulement héréditaire, mais individuel, pas seulement une consé­ quence de l’acte d'Adam, mais un acte qui nous est propre, ct le devoir nous incombe de faire le bien ct d'éviter le mal, de faire certaines choses quasi bona et egregia, de nous abstenir de certaines autres, non solum operibus sed etiam his cogitationibus quæ ad opera ducunt quasi malis et nocivis ct nequam. L. II, c. xxxn, coi. 826-827. La liberté n'a pas subi de dommages par suite du péché originel. Il est faux qu'on ait le droit de · taxer de pélagianisme avant la lettre » la doctrine d'Irénée, avec P. Bcuzart, Essai sur la théologie d'Irénée, p. 64; nous verrons que la nécessité de la grâce n'est pas méconnue par lui. 11 est vrai qu'il se prononce fortement en faveur de la liberté. C'est un trait qui lui est commun avec les Pères grecs, cl qui s’explique par la nécessité de main­ tenir le libre arbitre contre la prédestination fataliste des gnostiqucs. La liberté de l’homme étant restée Intacte, dira-t-on que sa nature est amoindrie du fait de la captivité sous l'empire du démon où il est tombé dans la personne d'Adam? On a cru pouvoir le conclure de ccs mots : Non eral possibile eum hominem qui simul victus fuerat et elisus per Inobcdientiam replasmarc et obtinere bravium victoriae. L. III, c. xvm, n. 2, coi. 932; cf. J. Chaîne, Le Christ rédempteur d'après saint /rénée, Le Puv, 1919, p. 57. Mais cet homme vaincu, c’est dan· l’ordre surnaturel qu’il ne peut v dncrc < ‘ l’immortalité, dont il est déchu par sa ’ 943, cpi'llnepeut : il ne s'agit point là Ce qu'il ne pouvait P-K 1 ‘'r 11 le peut pai k Christ. Le Christ est 2461 IRÉNÉE (SAINT) 2462 venu, adversus Inimicum nostrum bellum provocans el ' invenietis universam actionem, et omnem doctrinam et elidens cum qui. In initio, In Adam captivos duxerat omnem passionem Domini nostri pnrdictam (n Ipsis. nos, cl II ft refaçonné l'homme surnaturel, destruens L. IV, c. xxxiv, n. 1, coi. 1083; cf. c. x, coL 999-1001 ; adversarium nostrum el perficiens hominem secundum Dem., c. iz-i.xxxvr, p. 693-721. Il la prouve en établis­ imaginem et similitudinem Dei. L. V, c, χχι, n. 1,2, sant que l'incarnation est une condition nécessaire de coi. 1179, 1180. Qu’est-cc donc, au Juste, que cette la rédemption. L. III, c. xvm, n. 7; c. xrx, n. 1 ; I. V, captivité diabolique? Le péché : quoniam enim in c. xiv, n. 2-3, col. 937-910, 1161-1163. Nous retrou­ initio homini suasit transgredi praerptum Faetoris, verons cet argument et nous en dirons la valeur quand Ideo eum habuit in sua pointai , potcslai autem ejus nous traiterons de la nécessité de l’incarnation ct de est transgressio, etapoitasia, et his colligavit hominem. la redemption d’après Irénée. Une tendance commune Qu’cst-ec que la délivrance de cette captivité? La ά tous les gnosliquea était le besoin de rédemp­ délivrance du péché, le salut : qui ante captivus ductus tion; on s’explique qu* Irénée ait considéré l’incar­ fuerat homo extractus est a possessoris potestate, secun­ nation du Verbe comme un postulat de l’œuvre rédemp­ dum misericordiam Dei Patris, qui miseratus est plas­ trice. 11 la prouve par le dogme de la résurrection : mati suo, et drdtl salutem ei, per Verbum, id est per < si donc 11 n’est pas né, il n'est pas mort non plus, et, Christum, redintegrans, ut experimento discat homo •’il n’est pas mort, il n’est pas non plus ressuscité des quoniam non a semetipso sed donatione Dei accipit morts, et, s’il n’est pas ressuscité des morts, il n*a pas incorruptelam, n. 3, coi. 1182. triomphe de la mort et n'cn a pas détruit l'empire, et, s’il n’a pas triomphé de la mort, comment pourronsE. Girard, Exposé critique des opinions d'Jrtnée sur le ptché, Strasbourg, 1861 ; É. Klebba, Dlc Anthropologie des nous nous élever jusqu’à la vie, nous qui, dès les com­ hell. /rendus.Leipzig, 1891 ; cf. IL Koch, dansla Theologlsche mencements, sommes tombe s sous les coups de la mort? Or, ceux qui n’admettant pas le salut de l’homme, Quartalschri/t, Tub Ingu e, 1896, t. Lxxvni, p. 325-327. qui ne croient pas que Dieu doive les ressusciter d’entre IV. LE VEUHE ISCAJINA ET EÊDEMPTEUP..—Ie Le les morts, ceux-là méprisent aussi la naissance de Verbe incarné. — En combattant les gnostiqucs, Irénée Notre-Seigncur. » Dem.. c. xxxix, p. 688-689. Enfin, a réfuté d’avance toutes les hérésies christologlques pour prouver l'existence de la nature humaine du des premiers siècles. Les gnostiqucs se classent en deux Christ, Irénée part du dogme de l’eucharistie : ri le catégories. Les uns niaient la divinité du Christ et Christ ne s’est pas fait homme, le cal ce de l’eucha­ voyaient en lui un homme, supérieur au reste des ristie n’est pas son sang et le pain que nous rompons hommes, mais uniquement homme, né de Joseph et n’est pas son corps. L. IV, c. xvm, n. 4-5; c. xxxm, de Marie : c’était le cas de Carpocrnte, L I, c. xxv, 1 n. 2; 1. IV, c. ï, n. 2; c. n, n. 2, col. 1026-1029,1075, n. 1; de Cérinthe, 1. I, c. xxvi, n. 1; des éblouîtes, , 1122, 1124-1125. Voir Eüghawstïe, t. v, coL 1129. I. I, c. xxvi, n. 2; 1. Ill, c. χχι, η. 1 ; 1. IV, c.xxxin, Pas de distinction entre le Christ et Jésus. Il n’y n. 4; 1. V, c. 1, n. 3, coL 680, 686, 946, 1074-1075, n qu’un Christ Jésus, homme véritable. L. Ill, c. xvn, 1122-1123. Les autres refusaient nu Christ une | n. 6 ; c. xvm, col. 925-926,932-938. Vrai homme, Il eut humanité véritable. Distinguant de l'hommc-Jésus I un corps comme le nôtre, un corps passible; cl une le Christ, non divin, intermédiaire entre Dieu et les Ame semblable à notre âme. 11 eut un vrai corps, hommes, ils admettaient, non sans variétés dans la né d’une femme comme le nôtre, né de Marie, quæ manière d’entendre cette théorie, que le Christ s’était ex hominibus habebat genus, quæ et ipsa erat homo, uni a Jésus, pour un certain temps, dans de certaines i. Ill, c. xïx, η. 3, col. 941, de la race juive, de la circonstances, en vue de l’œuvre rédemptrice, mais famille d’Abraham, de la tnbu de Juda, de la maison sans Jamais être l’un de nous, vraiment homme ct de David; sa généalogie est connue, il est Dé À passible; ou bien, convaincus que le Sauveur n’avait Bethléem, il a été enfant, dans les langes, Il a grandi pu s’unir même accidentellement à la matière mau­ ct passé par tous les âges,il a fui en Égypte, il a subi la vaise, ils enseignaient que le Christ,soulTrant seule­ condition humaine, parlant, donnant, ayant faim ct ment en apparence, n’eut qu’une apparence de corps, soif, mangeant et buvant. L. II, C. xxn, n. 4; 1. III, ou tout nu plus un corps de matière céleste, ct qu’alnsl c. χνι, n. 2-4 ; c. xvm, n.3,7; c. xïx, n. 2 ; c. xx, n. 4 ; il a pu traverser Marie, mais non point naître d'elle. c. xxi, n. 3-5; c. xxn; I. IV,c.rv,n. 1 ; c. vi, n. 7; c. xx, Cf. 1. I, c. vu, n. 2 ; 1. III, c. χχι, η. 1 ; 1. IV, c. xxxm, n. 2; c. xxxi, n. 2; c. xxxm. n. 2,11 ; L V, c. ï, n. 2; n. 3, col. 513-516, 920, 1073-1071 (Valentin ct son c. χχι. n. 1-2» coî. 784.921-924,933, 937,940-941,945, école); I. I, c. xv, n. 3, coL 620-621 (Marc); c. xxiv, 949-952, 955-960, 98t, 990, 998, 1069, 1073, 1080, n. 2, col. G7 I (Satumil) ; η. I, col. 677 (Basilidc) ; c. xxvn, 1122, 1179-1181; Dan., c. xxx, xxxv-xl, xlv, ldi, n.2; 1. IV, c. χχχπι,η. 2, col. 688.1073 (Marvion); L 1, lvu-lxvi, p. 683. 686-689, 694, 699-700, 703-709. c. xxx, n. 12-13, coL 702 (les ophites); E. de Faye, Son corps était passible : il a été las, il a pleuré, il a Gnostiqucs ct gnosticisme. Paris, 1913, p. 41, 44-45, souffert, il a sué le sang, il a été crucifié sous Ponce60-66,86-87, 91-92, 108-109, 111-112, 139-146, 161- Pilate, il est mort sur la croix, de son côté ouvert ont 163, 243-214,323, 438· 113. Contre eux Irénéc démon­ jailli l’eau et le sang, Il λ été enseveli. L. I, c. ix, n. 3; tre que le Christ est vraiment Dieu cl homme. c. x, η. 1, 3; c. xx, n. 2; 1. IL c. xx;c. xxxu, n. 4; L La nature humaine. — Que le Christ soit homme, 1. III, c. xn, n.9; c. xn, n.5-9; c. xxm; c. xïx, n.2-3; c’est un des principaux articles de la foi. » L’Église c. xx, η. I; c. xxn, n. 2; 1. IV, c. n, n.4; c. xn, n.2; a reçu des apôtres ct de leurs disciples la foi que xuici : c. ix. n. 2; c. xx, n. 8; c.xxm, n. 2; c. xxiv; c. xxv; elle croit en un seul Dieu, Père tout-puissant..., et n. 1-2; c. xxxm, n. 1-2,12; I. V,c. xoi, n. t;c. xvi, n.2; en un seul Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui s’est fait c. xxiu. η. 1; c. xxxi, n. 1-2, col. 541, 549, 553, 653, chair pour notre salut. » L. I, c. x, η. I, col. 549; 776-779, 829, 902,921-929,932-938, 9 40-941,945,957, cf. Dern., c. vi, p. 661. Irénée prouve ccttc vérité par 978, 991,998.1038.1048-1051, 1072-1073, 1081.1139, le Nouveau Testament, 1. III· c. xvx-xxn, coi. 919- 1168, 1172, 1208-1209; Dem., c. in, xxv, xxxix, xu, 960, ct passim : nectssc habemus universam aposto­ Χ1.ΧΊ1Ι, Lxi-Lxxxn, xcv, xcmi, p. 662, 678, 688, 690, lorum de Domino nostro Jcsu Christo sententiam adhibere 696,706-719,726,728. Le Christ eut une Ame humaine» ct ostendere. L. III, c. XVI, n. 1, coi. 920. Il la prouve sensible et raisonnable ; puisque « l’homme est composé par l’Ancicn Testament; les prophètes ont annoncé de corps ct d'Ame, » 1. IV, prurf., n. 4, col. 975, nous dans tous leurs détails les actes de l’humanité du saurions, même s’il ne le disait pas, qu’Irénée attribue Christ : legite diligentius id quod ab apostolis est Evan­ une âme au Christ. Mais il le dit expressément» LUI» gelium nobis datum et legite diligentius prophetas, et c. xxn, η. 1, coL 956 : Nos autan quoniam corpus su- 2463 IRÉNÉE (SAINT) mus de terra acceptum, et anima accipiens a Deo spiri­ tum, omnis quicumque confitebitur; hoc itaque lactum est Verbum Dei, suum plasma in semetipsum récapitu­ lons, d propter hoc filium hominis se confitetur. Cf. 1. I, c. xv, n. 1 ; 1. I i, c. χχχπ, η. 1,3, coi. 680, 826, 828. P. Bcuzart, Essai sur la théologie d* Irénée, prétend, p. 100,qu’ « Irénéc ne sc rend pas très bien compte de la nécessité d’une Ame humaine, de 1Λ une tendance au docétisme qui demeure toute logique et bien in­ consciente, » et, p. 98, que < lui qui prend soin d’ajou­ ter l’esprit, πνεύμα, aux deux composants de l’homme naturel, corps ct Ame on esprit, ne parle point de l’âme, anima ou ψυχή, de la personne du Christ. > Nous avons constaté qu’ Irénée est très hostile à tout docétisme ct parie de l’âme du Christ, anima. Le mot ψυχή se lit dans deux fragments grecs du Contra hrreses : dans l’un, 1. V, c. i, n. 1, col. 1121, il dit que le Christ « a donné son âme, ψυχήν, pour nos âmes, ψυχών; a dans l’autre, 1. Ill, c. xxn, n. 2, col. 957, il cite Matth, xxvi, 38 : « Mon âme, ψυχή, est triste. > Il a cette formule saisissante, 1. V, c. xiv, n. 3, col. 1162 : Si quis igitur secundum hoc alleram dicit Domini carnem a nostra carne quoniam ille qui­ dem non peccavit, neque inventus est dolus in anima ejus, nos autem peccatores, recte dicit. S’il n’a point péché, le Christ a connu la tentation. L. III, c.xix, n. 3; I. V, c. xxi, n. 2, col. 911, 1180-1181. Et même, d’après Irénéc, si étroite est la similitude, sauf le péché, entre le Christ ct nous, entre l’âme du Christ ct la nôtre, que le Christ, dans sa nature humaine, n’a pas été exempt d’ignorance; Irénéc, 1. II, c. xxvr, n. 6-8, col. 808-811, entend au pied de la lettre Marc ,xm, 32, sur l’ignorance du jour du jugement. Cf. J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. i 19. Notons enfin, avec D. L. Tonetti, L9anima di Cristo nella teologla del Nuovo Testamento e deiPadrt, III, Verbum caro jactum est, dans la Riolsla slorico-crilica dclle scienze leoloqiche, Rome, 1910, t. vr, p. 262, que l'existence parfaite de l’âme, être spirituel, raison­ nable, doué de volonté, est très évidente dans la doctrine de la descente ad inferos; nous trouverons cette doctrine chez Irénée. Ne quittons pas cc sujet sans nous arrêter â la chro­ nologie de la vie du Christ. Irénée met sa naissance, vers la 41· année d’Auguste,!. III, c.xxi, n. 3, col.919, qu’il compte sans doute ù partir de la mort de César (donc la 4 i· année 11 de l’ère chrétienne !). Plus loin, J. IV, c. vî, n. 2, col. 987,11 le fait naître a temporibus Tiberii (date sensiblement concordante), mais place en­ core sous Tibère son ministère, 1. IV, c. xxn, n. 2, col. 1047. On connaît aussi l’opinion d* Irénée sur l’âge du Christ .A sa mort. L. II,c.xxxn, col. 781-786. Λ l’encon­ tre des gnostiques, suivant qui le Christ ne prêcha que pendantuncannccaprèsson baptême et subit la Passion le douzième mois, Irénée dit que l’Évangile de saint Jean commémore trois célébrations de la Pâque par le Sei­ gneur aprèsson baptêmect, de la sorte, renverse l’opi­ nion gnostique. L. I, c. m, n. 2; 1. 11,c. xx,n. 1 ;c. xxn, n. 3, col. 472,777-778,782-783. Irénéc dit encore que le Christ fut bapt iséà trente ans. L. 11, c. xxn, n. 4, col. 783. On s’attendrait à cette conclusion qu’il mourut trois ans après son baptême. Eh bien ! pas du tout. Distinguant cinq âges dans la vie humaine : infantes, et parvulos, et pueros, et juvenes, ct seniores, et précisant que tri­ ginta annorum alas prima indolis est juvenis et exten­ ditur usque ad quadragesimum annum.., a quadrage­ simo autem et quinquagesimo anno declinat fam (η edatem seniorem. Ii avance que ctt âge senior était celui qu’avait le Seigncùr quand 11 enseignait, quam habens Dominus noster docebat, n. 4, 5, col. 784, 784. 785. Il suppose donc que le Christ n’enseigna pas tout de suite après son baptême, mais qu’il continua sa vie cachée jusqu’à ce qu’il eut atteint l’âge parfait 2465 du maître. Tel serait le sens de ces mots, n. 4, col. 783, 784 : Triginta quidem annorum existent (le commen­ cement de l’âge du juvenis) cum veniret ad baptismum, deinde, magistri relatem perfectam habens, venit Hieru­ salem... : magister ergo existent, magistri quoque habebat irtatcm...,senior insonioribus ut sit perfectus magister in I omnibus. Cl. Massuet, Dissert., Ill,a. 7, n. 72, coi.321322. A l’appui de ccttc opinion que le Christ enseigna i entre 40 et 50 ans, Irénéc cite l’Évangile de saint 1 Jean et tous les presbytres réunis en Asie, auprès de Jean,disciple du Seigneur, qui attestent id ipsum tra­ didisse eis Joannem, n. 5, col. 785. Nous nous expli­ querons sur la portée de ce témoignage des presbytres, lorsque nous examinerons les sources d’Irénéc. Quant à l’Évangile, Irénée vise le Quinquaginta annos nondum habes, .Joan., vm, 57 : dicitur ci qui jam quadraginta annos excessit, quinquagesimum autem nondum attigit, non tantum multum a quinquagesimo anno absistat, n. 6, coi. 785. Évidemment l’erreur sur l’âge du Christ vient de cc qu’on a donné à cc verset une interpré­ tation stricte. Cet te erreur a influé sur une autre erreur d’Irénéc, d’après laquelle Ponce Pilate aurait été procurateur de l’empereur Claude. Dem., c. lxxiv, p. 715; cf. A. Harnack, Des hell. 1 rendus Schrifl zum Erwcisc der aposlolischcn Verkûndigung, Leipzig, 1907, p. 62-63. Ajouterons-nous qu’A. Pagi, Critica hislo"ieo-chronologica in universos Annales ecclesiasticos Baronii, Anvers, 1705, t. I, p. 24, a émis, d’une façon purement gratuite, l’hypothèse que le passage d’Irénic sur l’âge du Christ n’est pas authentique? A. Du­ fourcq, Saint Irénée (collection Les saints), 2· édition, Paris, 1904, p. 130, a élargi le sens dccc passage, quand il écrit qu’Irénéc a prolongé le ministère du Christ « jusque vers cinquante ou soixante ans. > 11 fait égale­ ment dire, p. 131, à Irénée que le Christ ressuscité passa dix-huit mois avec ses disciples avant de monter au ciel; c’cst là une opinion gnostique rapportée, non approuvée, par l’auteur du Contra hareses, 1. I, c. m, n. 2, col. 469. Cf. J. Chapman, dans The Journal of theological studies, 1908, t. ix, p. 42-61 ; J. Hoh, Die Lehre des he il. J rendus Qbcr das Neuc Testament, Munster, 1919, p. 160-166. 2. La nature divine. — « Voici l’enseignement mé­ thodique de notre foi.... Quant nu second article, le voici : c’cst le Verbe de Dieu, le Mis de Dieu, JésusChrist Notre-Selgncur..., par lequel tout a été fait ct qui, dans la plénitude des temps, pour récapituler et contenir toutes choses, s’est fait homme, né des hommes, s’est rendu visible ct palpable, afin de dé­ truire la mort ct de montrer la vie, ct de rétablir l’union entre Dieu et l’homme. > Dem., c. xn, p. 664. Toute la christologie et toute la sotériologic sont dans ces lignes, en particulier l’affirmation de l’existence de la nature divine cl de la nature humaine du Christ. Dire que Jésus-Christ, c’cst le Verbe de Dieu fait homme, c’cst dire, puisque le Verbe est Dieu,consub­ stantiel au Père, que la nature divine, tout comme la nature humaine, appartient nu Christ. Voyons comment Irénéc présente cette vérité. « 11 faut croire qu’il y a un Fils de Dieu, ct qu’il existe non pas seulement au moment où 11 va paraître au monde, mais même avant la création du monde.... Celui qui, au commencement, était le Verbe auprès du Père, celui par qui tout a été fait, c’cst bien le même qui est son Fils. > Dem., c. xun, p. 691-692. Préexistant à son avènement terrestre, préexistant nu monde, il est celui par qui le monde a été créé, et il n tout pouvoir sur la création. L. III, c. xi, n. 1; I. IV’, c. xx, n. 2, col. 860, 1033. 11 est le « seul JésusChrist, Π! ce Dieu, Incarné pour notre salut, » dont les prophètes ont annoncé la naissance, la vie, la mort, li · AT» ctlon, l’ascension et le second avènement, ■ nmc juge supreme du inonde. 2465 IRÉNÉE (SAINT) L. I,c. x, η. 1, col. 549-552; cL 1. JH, c. v, n. 3;c. xvî, n. 2, 3; c. xix, n.2; c. xxi, n.1, 3; L IV, c. ix, n. 2; c. x-xi, xxin-xxiv, χχνι, η. 1 ; c. xxxm, col. 859, 921, 922, 910-941, 916, 949, 998, 999-1003, 1047-1050, 1032-1053, 1072-1086; Dem., c. xxv, χχνπι, xxx, xxxv, xu, surtout xuv-lxxxvt, où l’argument sc déroule avec ampleur ct s’achève de la sorte : < Si les prophètes ont annoncé d’avance que le I-’ils de Dieu sc manifesterait sur la terre, en quel lieu du monde, de quelle manière ct dans quelles conditions il appa­ raîtrait ici-bas, si le Seigneur a vérifié toutes ces pro­ phéties en sa personne, notre foi en lui repose sur un fondement inébranlable, » c. xevu, xcvm, p. 679, 682, 683, 686, 689, 692-721, 728, 730. Lui, qui a été prophétisé, il a parlé par les prophètes. Cont, hrrr., 1. III, c. χνπ, η. 1 ; 1. IV, c. xx, n. 4, col. 929, 1034; Dem., c. v, xxxiv, p. 664, 685. Il a conduit toute l’his­ toire d’Israël par ses théophanies (voir les textes plus haut). Dans tout le passé antérieur ù son existence terrestre, il a été l’unique révélateur du Père et celui par qui seul les justes étaient .sauvés. L. IV, c. v-vn, xi, xxn, n. 2, col. 983-993, 1001-1003, 1047. Quand il s’est fait homme, il est né d’une Vierge, Marie, conçu non d’un homme, Joseph, niais par l’opération du Saint-Esprit. L. I, c. x, n. 1; I. Ill, c. xvî, n.2; c. xvin, n. 3; c.xix, η. 1, 3; c. xx, n.3; c. xxi-xxn; 1. IV, c. xxin, η. 1 ; c. xxxm, n. 4; 1. V, c. i, n.3; c. xix, n. 2 ; c. χχι, η. 1, col.549, 921,933,938, 941, 944, 946-960, 1018, 1075, 1080, 1122-1123, 1176, 1179; Dem., c. χχχπ, xxxv-xxxvn, xxxix-xl, u, lui, I.IV, LVIÎ, ux, LXI1I, p. 681, 686-687, 688-689, 698, 700-701, 703, 704, 705, 708. 11 a été reconnu Dieu par Jean-Baptiste, les anges, les mages, Siméon. Dem., c. xu, i.vm, p. 690, 701 ; Cont. turr., 1. III, c. xm, n. 4, col. 923. Il a été appelé Fils de Dieu par les Écritures, il s’est appelé Fils de Dieu lui-même. !.· HI,c.vi, n. 1-2; c. ix-xi, n. 1-6; c. xn, xvi-xix, col. 860-861, 868-884, 892-910, 919-941. Irénée n’a pas creusé cette notion de < Fils de Dieu » comme l’a fait l’exégèse récente : Il n’a pas classé les textes, dégagé toutes les nuances de leur contenu, montré que tantôt la divinité y est sous-entendue ct implicite, tantôt expressément affirmée. Mais il a su mettre à profit quelques-uns des textes les plus probants. Il note soigneusement que le Christ est le Fils par excellence, ipsum solum esse Filium Dei, 1. II, c. χχχπ, η. 4, col. 828; cf. 1. IV, c. xxxvi, n. 1, col. 1090-1091, sur la parabole des vignerons : A quo igitur missus est Filius ad eos eclonos, qui interfecerunt cum, ab hoc ct serui; sed Filius quidem, quasi a Patre veniens, principali auctoritate dicebat : Ego autem dico vobis; servi autem quasi a Domino ser­ viliter, ct propter hoc dicebant : Hac dicit Dominus. II relève la grande nouveauté de la venue du Christ ct de son affirmation qu’il est le Fils de Dieu, I. IV, c. xxxiv, n. 1, col. 1083 : SZ autem subit vos hujusmodi sensus ut dicatis9. Quid igitur Dominus attulit veniens? cognoscite quoniam omnem novitatem attulit, semel ip­ sum afferens qui fuerat annuntiatus. II professe que Ic Fils est Dieu, comme son Père, ct Identique au Verbe. Le Christ a exerce « la vraie ct souveraine Justice. » 11 est, ù la fois, < le tout premier-né au conseil du Père, le Verbe parfait, gouvernant tout et réglant tout par lui-même sur la terre, » et · le premlcr-né de la Vierge, homme juste, saint, adorateur de Dieu, bon, agréable â Dieu, pariait en tout. » Dem., c. lx, xxxrx, p. 706, 689. Il remettait les péchés. Cont.hcr., I. V, c.xvn,n. 1, col. 1 ICO. 11 faisait des miracles ct lesolcil s’est mira­ culeusement obscurci ù sa mort. Cont. hsvr., 1. II, c. xxxi, n.2; 1. IV, c. xxvn. n. 2; c. xxxm, n. 12; I. V; c. xvn, n. 2, col. 824-825. 1058, 1081, 1169-1170. I Dem., c. lxvh. p. 709-710. 11 est descendu aux enfers. Cont. luer., 1. H Le. xx, n.4 ; 1. 1\ , c. xxn, η. 1 ; c. xxvn, n. 2; c. xxxm, η. 1 ; L V, c. xxxi, n. 1-2, col. 945, 1046- | nier. DE TltéOL. CATHOL. 2466 1017, 1058, 1072, 1081, 1208-1209; Dem., c. txxvm ι p. 717. Voir ici t. iv,col. 579-580,603.11 est ressuscité, in carne, corporaliter, d’entre les morts, le troisième Jour. L. I, c. x, n.l ; 1. II, c. χχχπ, n.3; 1. III, c. xm, , n. 3, 5, 6, 9; c. xvm, n. 3; c. xix, n. 3; 1. IV, c. n, n. 4; c. ix, m 2 ; c. χχνι, η. 1 ; c. xxxn, n.2; c. xxxm, n. 13; 1. V, c. vn, η. 1 ; c. xxxj, col. 549, 822,922, 924, 925, 928, 929, 933, 934, 911, 978, 997, 1053, 1073, 1082, 1139, 1208-1210; Dem., c. ni, χχχμπ-χχχιχ, uni, I.xxn-Lxxm, i.xxm, i.xxxm, p. 662, 637-689, 707708, 714-715, 716, 719. Il a donné ù scs disciples le pouvoir de régénérer les âmes. L. 1H, c. xvn, η. 1, col. 929. Il est monté au ciel. L. I, c.x, η. 1 (in carne in cretos ascensionem); L II, c. xxxn, n. 3; 1. III, c. xm» n. 8 (carnalem assumptionem), 9; c. χππ, η. 3; c. χιχ, n. 3; 1. IV, c. xxxn, n. 3; I. V, c. xxxi, η. 1,2, col. 549550, 828, 927, 928, 934, 941, 1082, 1092, 1210; Dem., c. xu, lxxxiii, lxxxmiî, p. 690, 719. 722. Il est assis ù la droite du Père. L. 111, c. xm, n. 3,9, col. 923,929; Dem.,c. lxxxv, p. 720. Il a envoyé le Saint-Esprit aux apôtres, ct il l’envoie à toute la terre. Cont. here., 1. Ill, c. xmi, n.2-3,col. 929-930; Dem., c. xu, p.690. Il est la résurrection, lui, Je premier-né des morts, il est la paix et le rafraîchissement des morts, le prince de la vie de Dieu. Cont. htrr., 1. Il, c. xxn, η. 1 ; 1. III, c. xvî, n. 4 ; c. xxx, n. 3 ; !. IV,c. v,n.2; c. xx. n. 2; c. xxiv, η. 1 ; 1. V, c. xxxi, n. 2, col. 784, 923, 941, 935,1033, 1019, 1209; Dem., c. xxxvm-xxxix, p. 687-690. Son nom triomphe des démons, des esprits mauvais ct de toutes les forces rebelles, Dem., c. xcm-xcmi, p. 728, ct procure les charismes. Cont. haT.,1. II,c. xxxn, n.4, col. 829. Il donne la vie étemelle; Je salut vient de lui. !.. IV, c. x, η. 1 ; c. xxn, n. 2, col. 1000,1048; Dem., c. u, p. 698. Il a la primauté en toutes choses, au ciel et sur la terre. Cont. hor., 1. Ill, c. xm, n. 3, 6; 1. IV, c. xx, n. 2, col. 922, 926, 1033; Dem., c. xl, xlvhi, p. 689,696. Il est le maître de l’heure. L. Ill, c. xvî, n. 7, col. 926. Il est la lumière du monde. L. J11, c. xvî, n. 4, col. 925. Sa présence remplit le monde, il a changé le monde, il est le roi de J’univers, le Seigneur de tous, le roi de tous les sauvés, le roi de tous, le roi éternel· Dcm.,c. xxxiv, xu, xux, u, ui, lvï, ιλίπ, i xi. xcv, p. 677, 690, 697, 698-699, 701-702, 704, 706-707, 709, 726; Cont. hxr., J. Ill, c. xxi, n. 9, col. 934. 11 est l’F.tre. Dem., c. xcv, p. 726. Il est exalté au-dessus de tout. Dem., c. Lxxxvni, p. 722. Il reviendra, dans la gloire, juger le genre humain, vivants et morts. Cont. har., J. I, c. x, η. 1 ; 1. III, c. xvî, n. 6,8; c. xix, n. 2; 1. IV, c. xx, n. 2; c. xxn, n.2; c. xxx, n. 1, col. 549, 925, 928, 1033, 1047, 1073; Dcm.,c. xu, Lxn, lxxxv, p. 690, 708, 720. Son règne n’aura pas de fin. Cont. har., 1. IV, c. xx, n. 11, col. 1010; Dem., c. xxxvi, lxiv, p. 687, 708. Pourralt-on marquer avec plus de force la nature divine du Christ ? 3. L'union hypostatique.— Irénée n’a pas la formule • union hypostatique », mais U en expose Ja réalité mystérieuse. Voir Hypostasi:, co J. 374; Hypostaiiqî l (Union), col. 451-452, non seulement Λ l’encontre de ce qui sera Je monophysisme, mais aussi de manière ù battre en brèche les futures affirmations de Nesto­ ri us, que, dans certains milieux,«on se complaît Δ rat­ tacher ù Irénée. Cf. P. Galticr, L'Mque docteur : saint Iràùe de Lyon, dans \cs Eludes, Paris, 1913, t. cxxxvi, р. 213 214. In née emploie le mot » incarnation, » σάρκωσις. L. I, c. ix, n. 3; c. x, η. 1 ; J. JH, c. xmi, n.4; c. xvm, n. 3. c. xix, η. 1 ; J. V, c. v, η. 1 ; c.xvu, η. 1, col. 541, 549, 931, 933, 939, 1121, 1169 (1. HI, c. xxi, n. 8, col. 953, il parle de Ja verge de Moïse incarnata). Dim., с. ix, xxxn, un, xevu, p. 666, 684, 699, 728. 11 dit que le Verbe, le Verbe de Dieu, s’est incarné, est chair, est né dans Ja chair, s’est fait chair, est venu dans la chair. Cont. tuer., 1. H I, c.ix, η. 1 ; c. xvm, n. 7; c. xix, VU. — 78 2467 IRÉNÉE (SAINT) n. 9; L IV, c. xx, n. 2-4, c. xxxm, η. 1 ; 1. V, c. xiv, η. 1, col. 8G9, 937, 910, 1033, 1034, 1080, 1161 ; Dem., c. un, xav, p. 699, 725-726. Ou encore que Dieu s’est fait homme, Cont.h&r., L lll,c. xxr, n. l,col. 946; que le Fils de Dieu s’est fait cc que nous sommes, quad et nos, I. IV, c. xxxm, η. 1, col. 1080; qu’il s’est fait homme, 1. IV, c. xx, n. 8, col. 1038; qu’il s’est fait fils de l’homme, 1. III, c. xvi, n. 3, 8; 1. IV, c. xxxm, n. 11, col. 0L6,929,1080; Dem., c. χχχπ, xai, p. 687, 725; qu’il est fils du Très-Haut et de David, Cont. hœr., 1. III, c. xvi, n. 3, col. 923; que le Fils de Dieu, qui est le Verbe du Père, s’est fait Ills de l’homme, I. III, c. xvm, n. G; c. xix, n.3, col. 936, 941 ; que le Verbe, le Verbe de Dieu, le Verbe de Dieu le Père, s’est fait homme, I. III, c. xvi, n.6; c. xvm, n. 7; c. χιχ, η. 1 ; c. xx, n.2; I. V, c.xiv, n. 2; c.xvi, n.2; c. xvn, n.3, col. 926, 938, 939, 944, 1162, 1167, 1170; Dem., c. vi, i.XM, p. 664, 709; qu’il s'est fait homme parmi les hommes, Cont. hier., 1. IV, c. xx, n. 4, col. 1034; qu'il s'est fait la substance de l'homme, 1. V, c. n, n. 2, col. 1125. Ou bien que Dieu s'est répandu, effudit semetipsum, 1. V, c. ιι, η. 1, col. 1124; qu’il y a eu avènement du Seigneur selon l’homme, I. IV, c. xx, n. 11, col. 1093; avènement du Fils de Dieu selon l’homme, 1. IV, c. χχνι, η. 1, col. 1053 (lire : ή κατ’ άνθρωπον (non : ούρανόν) παρουσία του ΥΙου του θεοδ): avènement du Verbe du Père comme homme, Dem., c. un, p.699-700; avènement visible de Notre· Sclgneur, c. xcvn, p. 728; avènement du Fils de Dieu et économie de son incarnation, c. xax, p. 730, 731. Le mot < économie, » οίκονομία, est familier ù Irénée et, en général, aux Pères grecs; H désigne la grâce de l'incarnation et l’ensemble du plan divin pour le salut des hommes par le Verbe incarné. La traduction latine le rend par dispositio. Cf. Dem., c. vi, xi.vii, р. 664, 695; Cont. hier., 1. I, c. x, n. 1, 3; 1. Ill, c. xvi, n. 6, 8; c. xvn, n. 1, 4, col. 549, 556, 925, 926, 929, 931, etc. Une particularité de celte traduction, extrê­ mement curieuse au point de vue de la langue, c'est qu'habituellement elle met au masculin les mots qui sc rapportent au Verbe incarné. Cf., par exemple, L III, c. xvi, n. 2, col. 921 : Quoniam Joannes unurn et eumdem novit Verbum Dei, et hunc esse Unigenitum, et hunc incarnatum esse pro salute nostra Jesum Christum Dominum nostrum sufficienter... demonstravimus. 11 a même, n. 7, coi. 926 : Dominus noster.., cum sil ipse, et Unigenitus Patris, et Christus qui pnrdicalus est, et Verbum Dei incarnatus. La raison de cette anomalie est sans doute qu’il calque le relatif du mot Verbum sur le grec, où il est masculin; cf., par exemple, 1. III, с. xix, n. 1, col.939, où Verbo Det qui incarnatus est traduit τω σαρκωΟέντι Λόγω του Θεού. Parfois le relatif du mol Verbum s'accorde en genre avec lui, par exemple, 1. V, c. xvm, n. 1, col. 1172: Jpsum Verbum Dei incarnatum suspensum est super lignum. Cette dernière phrase, comme toutes celles qui pré­ cèdent, et bien d'autres, contient l’idée de l’union hypostatique. Celui qui est le Verbe de Dieu, consul)stantlel au Père,étemel, celui-là,dans le temps, sans cesser d’être le Verbe de Dieu, s’est fait homme, a grandi, mangé, parlé, souffert et a été cloué à une croix. L'union de l’élément divin et de l’élément humain dans le personnage unique du Verbe est affirmée sans ambages. Aux gnosliques distinguant Jésus, le Christ, le Sauveur, le Verbe ou Logos, le Fils unique ou Mono­ gène,le Principe, 1.1, c. ix, n. 2; 1. IV, præf., n. 3, col. 539, 974. Irénée dit, 1. 1, c. ix, n. 2, cul. 539, qu’ils dénaturent la pensée de saint Jean unum Deum expo­ nente et unum Unigenitum Christum Jesum annun­ tiante, per quem omnia facta esse dicit, hunc Verbum Dei, hunc Unigenitum, hunc factorem omnium, hunr lumen verum illuminans omnem hnminem, hunc mandi fabricatorem, hunc in sua oenitse, hunc eumdem car­ I i ’ j | , [ | 2468 nem factum, et inhabitasse in nobis. Et 11 conclut u réfutation des gnostlqucs, n. 3, coi. 513 : Unus et idem ostenditur Logos, et Monogenes, et Zoe, et Phos, et Soler, et Christus Filius Dei, et hic idem incarnatus pronobii. Plus loin, 1. IV, c. vr, n. 7, coi. 990 : Unus et idem, omnia subjiciente ei Patre, et ab omnibus accipiens testi­ monium, quoniam vere homo, et quoniam vere Deus. Et, L Ill, c. xvr, coi. 919-929, notamment le passage déjà cité, n. 2, col. 921 : Joannes unum et eumdem novit Vrr­ bum Dei.., et hunc incarnatum esse... demonstravimus; et, n. 7, col. 926 : Dominus noster,unus quidem el idem existens, dives autem et mullus, diviti enim et multie voluntati Patris deservit, cum sit Ipse Salvator.., et Do­ minus.., et Deus.., et Unigenitus Patris, et Christus qui privdicatus est, et Verbum Dei incarnatus, cum adve­ nisset plenitudo (emporis in quo filium hominis fleri oportebat Filium Dei. Cf., entre beaucoup de beaux textes, 1. Ill, c. xvm, n.6-7; r. xix, n. 2-3; c. xxi,n.4 (la prophétie d'Isaïe), col. 936-938,940-941, 950-951, et tous ceux, déjà mentionnés, où l'on volt que qu'< Il veut sauvegarder avant tout la possibilité et la réalité du salut ; or, le salut n'est possible et réel qu’avec un Christ qui appartienne à la fois à la divinité et à l’humanité. » P. Beuzart, Essai sur la théologie d*Irénée, p. 85; cf., р. 85-94. Une citation de Dem., c. lxh, p. 707-708; suffira : · Tous ccs témoignages de l’Écriture établis­ sent donc que le Christ qui. selon la chair, doit être de la race de David, sera le Fils de Dieu, qu'après être mort il ressuscitera, qu’avec la forme et l’aspect d'un homme il sera cependant le Dieu tout-puissant, qu’il jugera lui-même tout l’univers. » Cf. c. xxx, xxxix, XLViii, ijî, I.XX1, lxxxjv, χαι, p. 683, 689, 696, 699, 713, 720, 725. L'idée qu’exprimera plus tard la formule de l’unité de personne dans la dualité des natures, est ainsi ren­ due, 1. 111, c. XVI, n. G, col. 925: hujusVerbum unigeni­ tus, qui srmper humano generi adest, unitus et consparsus suo plasmati secundum placitum Patris, et caro fac­ tus. Consparsus aurait été, dans le grec, πεφυρμίνος, c'est-à-dire commistus, id est intime unitus, d’après la conjecture de Grabe, acceptée par Massuct. L. III, с. xix, n. 1, col. 939, la t reduction latine porte : Propter hoc enim Verbum Dei homo et qui Filius Dei est filius hominis factus est, commistus Verbo Dei, ut, adoptionem percipiens, flat filius Dei, ce qui n'offre guère de sens à moins de lire : factus est ut homo, commistus Verbo Det cl adoptionem percipiens, fiat filius Dei. Théodorct cite ce passage autrement, Eranistcs,Dialogus 1, Im­ mutabitis, P. G., t. Lxxxm, coi. 85-86, et donne le texte grec ; Propterra enim Verbum Del est homo ul homo, · Verbum capiens (χωρήσας) adoptionemque consecutus, filius Dei efficiatur, il y a des chances |>our que Théodorct ne cite pas de mémoire ni d’après un manuscrit interpolé, mais fournisse le vral texte d’Irénéc; la supposition contraire de Massuct, P. G., t. vn, col. 939-940, semble arbitraire et inutile et l’expression : homo capiens Deum ou Verbum est dans le style irenéen. Cf. 1. 11, c. xm, n. 5; 1. I H,c. xvi, n. 3; 1. IV, c. xx, n. 2, 5, c. xxxvmi, n. 1 ; 1. V, c. i, n. 3, col. 745, 922, 1033, 1035, 1107, 1123. Du reste, qu’il faille lire ; commistus Verbo I)ri, ou : ut homo commistus Verbo Dei, ou : ut homo Verbum capiens, il ne s’agit pas de l'union hypostatique des deux natures dans le Verbe incarné, mais de l’union du chrétien avec Dieu et de sa filiation divine; Érasme, dans son Argumrn· turn du III· livre, Bàlc, 1534, p. 136 » P. G., t. vu, col. 1328 n donc été Inexact en disant que, dans cc p i” i J « «· dicit Christum juxta humanam naturam ad q I >1 m De même les mots commlstio et communio f) < f t onum , 1 IV, c. xx, n. 4, coi. 1034, ont été c l appliqués à l’union du Verbe et de l’huma» s h Christ; i’. \iscnt l'union de Dieu et de 2469 IRÉNÉE (SAINT) l’homme opérée par le Christ. Mali un passage qui se rapporte bien à l’union hypostatique est celui, 1. IV, c.xxxm,n. lt col. 1080,où Irénée dit que les prophètes, annonçant la naissance d'Emmanuel d'une Vierge, manifestaient τήν ίνωσιν του Λόγου του Θεού πρδς τί | πλάσμα αύτού. Cf. Théodorct, Eranistes, Dialogus Π, Inconjusus, P. G.t t. lxxxiii, cob 172. Le même mot, L III, c. xvm, η. 7, col. 937 : H/rrerc itaque fecit et odunivit, ήνωσευ, hominem Deo, s’entend de l'union do l’homme Λ Dieu par la grâce. Bref, Irénée ne nous donne pas la formule de l’union hypostatique; mais 11 nous en donne la doctrine. Irénée est étranger nu kénotlsmc que G. Thomasfus, Christi Person und Werk, 2· édit., Erlangcn, 1857, et d’autres théologiens protestants ont cru découvrir dans saint Paul cl les anciens Pères. Il dit, 1. Ill, c. xix, n. 3, col. 911, que le Christ fut homme pour être tenté, Verbe pour être glorifié, requiescente (ήσυχάζοντος) quidem Verbo ut posset tentari, et inhono­ rari, cl crucifigi et mori. Si le Verbe · sc repose », cc n’est pas qu’en devenant vrai homme il ait cessé d’être ce qu’il était ou qu’il ait abdiqué de façon tem­ poraire scs al t ributs divins ; c'est qu’il a pris une nature humaine véritable, donc capable de souffrance et de tentation, invisibilis visibilis factus, et incomprehensi­ bilis factus comprehensibilis, et impassibilis passibilis, el Verbum homo. L. III, c. xvi, n. G, cob 925-926. C’est qu'il s’accommode à notre faiblesse et cache sa gloire que nous ne pourrions supporter. L. IV, c. xxvui, n. 1-2, col. 1105-1107. Cf. Loofs, art. Kcnosls, dans la Realencyklopâdie, 3· édit., Leipzig, 1901, t. x, p. 252. 2° Le Verbe rédempteur. — Les gnostiques ont formé un rêve de rédemption. Ils avaient l’idée « qu’il y a dans le cosmos, notamment chez certains hommes, un principe divin. Cette étincelle divine est comme une étrangère ici-bas. Elle s’est égarée dans un monde de ténèbres. Le problème est de savoir comment elle pourra remonter aux réglons supérieures d’où elle est venue. La rédemption consistera dans le retour ù Dieu, · retour non pas simplement individuel, mais aussi cosmique. E. de Faye, Gnostiques et gnosticisme, р. 433-13-1; ci. p. 45-16, 62, 67-78, 106, 139-146, 163164, 217-218,239-210. Irenée relève la théorie rédemp­ trice du gnosticisme. L. I, c. vi, n. 1-2; c. xm, n. 6; с. xxi, col. 501-508, 588-589, 657-669. A la conception du gnosticisme il oppose la conception orthodoxe. Il y a donc à tenir compte de scs préoccupations de combat et du contraste qu’il vise ù faire éclater entre le rédempteur des orthodoxes cl celui des hérétiques pour comprendre la sotériologle d’Irénéc. Cf. P. Galticr, La rédemption et les droits du démon dans saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1911, t. ii, p. 5 sq. ; J. Rivière, La doctrine de saint 1 rénée sur le rôle du dé mon dans la rédemption, dans le liulletin d'ancienne littérature cl d'archéologie chrétiennes, Paris, 1911, t. T, p. 178, 188. Mais la pensée de l'évêque de Lyon déborde celte polémique. Nulle part peut-être elle n'est si riche et si originale que dans celle ques­ tion. Pour la saisir tout entière, voyons comment II envisage la rédemption du côté du Christ, du côté de l’homme, du côté de Dieu, du côté du démon. 1. Du côté du Christ. — La théologie de la rédemp- , Bon s'est développée selon deux directions maîtresses. Les uns, surtout quelques Pères grecs, s’inspirant par­ ticulièrement de saint Jean, laissent la mort du Christ ( au second plan, insistent sur le mystère de l'incarna- 1 tion et expliquent par la vertu du contact du \ erbo divin avec la nature humaine la résurrection du genre ti humain; sur cc fondement s’élève la théorie dite phyeiqucou mvsliqucde la rédemption. D’autres, surtout parmi les Latins, s’inspirant davantage de saint Paul, I mettent l’accent plutôt sur la mort rédemptrice et sur le grand effort d’amour par lequel le Fils de Dieu s'est 2470 livré pour nous et s'est acquis d’infinis mérites qu'il déverse sur Je genre humain; d’où la théorie dite morale ou réaliste de la rédemption. Ces appellations ne sont pas également heureuses. Peut-être scrail-ll préférable de ne garder que l'épithète < mystique > j»our la première, et «réaliste» pour la seconde théories. Les deux tendances coexistent dans Irénée. C'est ù tort qu’A. Ritschl, Die Lehre von der Rechtlertigung und Venôhnung, 3· édit., Bonn, 1889, t. î, p. 7, a pré­ tendu qu’Irénée, d'accord avec ses prédécesseurs, ne voit dans le Christ que son rôle de docteur et l’exemple qu’il donne. Parmi ceux qui ont adhéré aux idées de Ritschl, P. Beuzart, Essai sur ta théologie d9Irénée. р. 93, 102, 104, 148, opposant l'incarnation a la rédemption, comme si la première n’était pas pour la seconde, dit qu'Irénée n’emploie pas souvent les mots redemptio et redimere et qu'ils sont loin de sa pensée, qu’il « n'attache pas Indissolublement à la personne de Jésus-Christ la notion de salut ou de rédemption. » a) La (héoris mystique de la rédemption. — Pourquoi le Verbe de Dieu s'est-11 Incarné? Les réponses d’Irénée se ramènent à quatre formules. — a. 11 s'est incarné pour nous, pour l'homme, pour les hommes. L. I, c. xx, n. 3; 1. lll,c. χνπ,η. 4;c. χιχ, η. 1;1. IV, c. xxn, n. 2, col. 541, 544 , 931, 939,1047; Dem. c. xxxi, p. 683.— b. Il s’est incarné pour nous unir à Dieu, factus est quad sumus nos uti nos perficeret esse quod est ipse, L V, præf., col. 1120; ad hoc ut et homo fieret filius Dei, L III, с. x, η. 2, col. 873; ut et homo fieret particeps Dei, b IV, c. xxvm, η. 1, col. 1062; quomodo homo transiet tn Drum si non Deus in hominem? b IV, c. xxxm, n. 4, cob 1074; ut adoptionem percipiamus, 1. Ill, c. xvr, n. 3; c. xvm, n. 7;c. xix, n. 1, cob922, 937,939, etc.; ut quod perdideramus in Adam, id est secundum ima­ ginem et similitudinem esse Dei, hoc in Christo Jesu reciperemus, 1. Ill, c. xvm, η. 1, cob 932, etc.; Dem., c. xxn, xcvn, p. 676, 729; pour offrir à son P^re eum hominem qui fuerat inventus, primitias resurrectionis hominis in semelipso faciens, 1. 111, c. xix, n. 3, cob 941 ; in adunitionem el communionem Dei et hominis, L V, c. t, n. 1, coi. 1121 ; ut nos colligeret in sinum Patris, b V, c. n, n. 1, col. 1124 ; nobis donans eam quie est ad /actorem nostrum convtrsationem et subjectionem, b V, c. xvn, n. 1, coi. 1169; ut finem conjungeret principio, id est hominem Deo, I. IV, c. xx, n. 2, cob 1033; om­ nibus restituens eam qux est ad Deum communionem, 1. III, c. xvm. n. 7, coi. 937; Dem., c. vi, xxxi, xl, xcvn, p. 661, 683, 689, 729; pour enlever à l'homme son ignorance et lui donner la connaissance de cc qui est de Dieu, 1. 111, c. xm, n. 4 ; L IV, c. m, n. 5-7 ;c. vn!x; 1. V, c. i, n. 1, col. 923, 989-998, 1119-1121; ut assuesceret hominem percipere Deum cl assuesctret Deum habitare in homine, 1. III, c. xx, n. 2, cob 944; hominibus quidem ostendens Deum, Deo autem exhibens hominem, I. IV c. xx, n. 7, cob 1037; pour nous rendre l'amitié de Dieu, oportuerat enim mediatorem Dei et hominum, per suam ad ulrosque doniesticitatem, in amicitiam et concordiam utrosque reducere, et facere ut et Deus assumeret hominem et homo se dederet Deo, I. III, c. xvm, n. 7, coi. 937; pour nous réconcilier avec Dieu, L V, c. xiv, n. 3, cob 1162-1163; ut pretiosus homo fiat Patri, I. V, c. xvi, n. 2, cob 1167; pour notre ascension qme est ad Dominum, 1. HI, c. xix, n. 1, col. 939; pour nous donner la vie, nous montrer la vic, ht vie éternelle, l’incorrupllbilité, l'immortalité, b III, c. xxx, n. l;c. xxrn, n. 1, 7; L IV, c. x, n. 2, c. xx, n. 2. 5; I. V. c. i, η. 1, cob 938,939, 960, 964-965, 1001, 1033, 1035, 1121 ; Dem., c. xxxi, XL, p. 683, 689; pour nous donner l’héritage, b 1V, c. xxx, n. 3;c. χχιι,η. 1; c. χχνι, η. 1, cob 1016, 1053; pour nous donner la vision béatifiquc.l. IV,c. xx.n. 1-11,cob 1034-1041; pour que, apponens semetipsum caput Ecclesut, uni- 2471 IRÉNÉE (SAINT) 2472 versa attrahat ad scmctipsum apto in (empore, L III, l’autre aspect : le Christ récapitule l’humanité en ce c. xvi, n. 6 ; cf. c. xix, n. 3, col. 926,941. Donc Je Verbe sens qu'il la reproduit, qu'il la résume, par exemple, Incarné est médiateur : in amicitiam restituit nos Do1. V, c. xiv, η. 1, 2, col. 1161-1162; ou bien 11 la récapi­ minus per suam incarnationem mediator Det ct homi­ tule en cc sens qu’il ramène l'humanité ù son premier num factus, 1. V, c. xvn, n. 1, coi. 1169. Cf. I. III, état et la restaure, par exemple, 1. III, c. xvm, n 7; c. xvn, n. 7, coi. 937, cité plus haul. — c. Il s'est In­ L V, c. xxi, η. 1, col. 938, 1179 ; Dem., c. xxxn, xxxm, carné pour notre salut, pour notre rachat. Pour notre xxxvii, p. 684, 685, 687. Les principaux synonymes, salut, 1. I, c. ix, n. 3;c. x, n. 1; 1. III, c. xvi, n. 2, i dans cc dernier sens, sont reformare, 1. IV, c. xxiv, col. 5-11,549,921 ; pour nous sauver, pour nous sauver η. 1, col. 1049; suscipere, c. xxxm, n. 4, col. 1075; tous, 1. II, c. ΧΧΠ, n. 4, col. 784; Dem., c. xxxvin, restaurare, L V, c. ιι, η. 1, col. 1121 ; reconciliare, c. xiv, р. 687; pour le salut des hommes, dc l’humanité, 1. III, n. 3, col. 1162: redintegrare, c. xxi, n. 3, col. 1182. с. xvm, n. 7; I. IV, c. xxxm, η. 1 ; 1. V, c. xvn, n. 2, Parfois les acceptions diverses sc mêlent ct sc fondent col. 938,1072,1170 ; Dzm. c. xax, p.730 ; quia per semel· si intimement que l’on perdrait son temps à vouloir ipsos non habebant salvari, 1. I H, c. xx, n. 3, col. 944 ; les dissocier, par exemple, 1. 111, c. xvm, η. 1, col. 932 : pour apporter le salut aux justes détenus dans les Quando incarnatus est, ct homo factus, longam hominum limbes, 1. IV, c. xxxm, n. 1, col. 1072. Pour notre ra­ expositionem in seipso rccapitulavil in compendio nobis chat, pour ramener au bercail la brebis perdue, præstans ut quod perdideramus in Adam, id est secun­ 1. III, c. xix, n. 3; c. xxx, n. 1,8; cf. 1. I, c. vm, n. 4, dum imaginem et similitudinem esse Dei, hoc in Christo col. 941, 960, 965, 529, etc.; Dcm., c. xxxm, p. 684; Jesu reciperemus. En définitive, le mot dc « récapitu­ pour donner l’eau dc la vie étemelle il la Samaritaine lation » désigne cc travail de reconstitution ct de res­ prévaricatrice, 1. III, c. xvn, n. 2, c. 930 ; pour la gué­ tauration de l’humanité selon le plan primitif dc Dieu, rison du blessé dc Jéricho, 1. 111, c. xxxm, n. 3, col. 930 ; dont le Verbe incarné est lui-même l'exemplaire par­ pour nous purifier, 1. IV, c. χχπ, η. 1 ;c. xxvn, n. 1, fait, avant de devenir le principe ct l’instrument d’un col. 1046, 1057; pour détruire le péché ct la mort ct, semblable travail accompli par Dieu dans les indi­ par son obéissance, donner la rémission des péchés ct vidus. A. d'Alès, loc. cil., p. 189. Une doctrine, moins le salut cl réparer la désobéissance qui nous valut la propre ù saint Irénée que celle de la récapitulation, et mort, 1. III, c. xvm, n. 7; c. xx, n. 2; c. xxi, n. 10; qui lui est connexe, est celle du Christ, nouvel Adam, c. xxH, n. 4; c. xxin, n. G, col. 937-938, 944, 954, chef dc l'humanit* selon Dieu, restaurant en lui telle 959, 964, etc.; Dan., c. νι, χχχι, xxxiv, xxxxvn, parfaite sujétion de la chair â l’esprit que conqiorlalt р. 664, 683, 685, 687; pour mettre fin à notre exil, le plan primitif du créateur, restituant à l'homme celle 1. 111, c. xxm, n. 6, col. 964 ; pour t riompher du démon, ressemblance avec Dieu que le péché du premier Adam arracher l'homme à son pouvoir, à la captivité dans nous avait fait perdre. Cf. 1. III, c. xvi, n. 6; c. xvm, laquelle il gémissait,!. lll,c. χνηι,η. 7;c.xxm, η. 1, 2; n. 7; c. xix, η. 1 ; c. xxi, n. 10; c. xxn, n. 1-3; L IV, 1. IV, c. iv, η 1 ; c. xxn, η. 1 ; J. V, c. xxr, col. 938, 960- c. vi, n. 2; c. xx, n. 4 ; c. xxxm, η. 4 ; c. xi., n. 3; L V, 961, 981, 1046,1179-1182; Dcm., c. xxxi, p. 684 ; pour c. j, n. 2-3; c. xvi, n. 3; c. xvn, n. 1-3; c. xx, n. 2, le salut de la chair, qui avait péri en Adam, 1. I, c. x, coi. 925-926, 937-938, 939-940, 954-955, 956-958, 987, η. 1; 1. Ill, c. xvi, n. 6; 1. IV, præf., n. 4; 1. V, c. xiv, 10o4, 1074-1075, 1113-1114, 1122-1123, 1168, 1169η. 1, col. 549, 925, 975, 1161. Ainsi le Verbe Incarné 1170, 1178, etc.; Dcm., c. xxxi-xxxm, p. 683-685. est sauveur, rédempteur. Lc mot « Sauveur » est fré­ Lc Christ est venu pour nous unir à Dieu, pour nous quent : qui et salus ct Salvator verc et dicitur ct est. sauver, pour nous racheter : autant d'autres aspects L. III, c. x, n. 2; ci. c. xvi, n. 7; c. xvn, n. 4; de la doctrine de la récapitulation. · Médiateur dc с. xvm, n. 4, col. 874-875, 926, 929, 935, etc. Irénéc Dieu ct des hommes, étant dc la maison des deux, il dit que les Valentiniens donnaient à l’éon Horus le les ramène tous les deux à l’amitié ct à la concorde, nom de < rédempteur, b L. I, c. n, n. 4; c. ni, n. 1, col. j/our qu'il puisse présenter l'homme ù Dieu ct Dieu ù 460, 465. Il applique au Verbe incarné les mots redi­ l’nomme. » L. III, c. xvm, n. 7, col. 937. Verbe fait mere ct redemptio, mais toujours unis à l'idée de la homme, Il récapitule tout en lui, Ver bum homo, uni­ passion et dc la mort. — d. Lc Verbe s'est incarné versa in semetipsum rccapitutans, uti, sicut in super· pour · récapituler toutes choses, » έπΐ τύ άνακεφαλαιώ- aclcstibus, et spiritalibus, et invisibilibus princeps est Verbum Dei, sic ct in visibilibus cl corporalibus princi­ σασΟαιτά πάντα. C'cst le mot desaint Paul, Eph., I, 10, qu’Irénéc clic encore en exposant l’erreur gnoslique, patum habeat, in semdipsum primatum assumens et c. m, n. 4, col. 476, et, pour son propre compte, 1. V, apponens semelipsum caput Ecclesiœ, universa attrahat c. xx, n.2, col. 1178.il trouve également cc mot dans ad semelipsum apto in tempore. L. Ill, c. xm, n. 6, un texte dc saint Justin qui ne nous est connu que par coi. 926. Sauveur, il sc fait cc qui avait péri : homme. le Contra hareses, 1. IV, c. vi* n. 2, col. 987. On a dit Nunc autem quod fuit qui perierat homo hoc salutare qu'< il en a fait l'axe dc sa solériologic ». A. d'AIès, La /actum est Verbum, per semetipsum cam quæ esset ad doctrine de la récapitulation en saint Irénée, dans les cum (le Père) communionem et exquisitionem salutis Recherches dc science religieuse, Paris, 1916, t. vi, ejus efficiens. Quod autem perierat sanguinem ct carnem р. 185. Ce mot, comme il arrive si souvent dans la habebat... Habuit ergo et ipse carnem ct sanguinem, non terminologie d’Irénéc, est complexe ct de significa­ alteram quamdam sed illam principalem Patris plas­ mationem in se récapitulant, exquirens id quod perierat. tion variable. C’cst, d'abord «répéter» s’il s'agit des L. V, c. xiv, n. 2, coi. 1162. CL c. x, n. 2, coi. 1122. termes, par exemple, L V, c. xxxm, n. 4, col. 1214, b) La théorie réaliste de la rédemption. — Jusqu’Ici ou « reproduire » s’il s'agit des choses, par exemple, 1.1V, Il n'a pas été question dc la passion du Christ ct dc с. XL, n. 3; 1. V, c. xxi, n. 2, col. 1114, 1179. C’est, en sa mort sur la croix. Sans doute clics sont à l'arrièreoutre «résumer» par exemple, 1. V, c. χχν,η. 1 ;c. xxix, plan de la pensée d’Irénéc alors qu il ne parle que de n. 2, col. 1189, 1201 ; en ce sens le gnosticisme est « lu l’inrarnalion et dc la vie; le salut ct la rédemption ne récapitulation dc toutes les hérésies. » L. IV, præf., n.2,col.973.C'cst aussi Et, c. xlv, p. 693 : passus est ut eos qui erraverunt a Patre ad agnitionem < C’cst par la croix que ceux qui croient en lui mon­ ct juxta eum adduceret, 1. II, c. xx, n. 3, col. 777-778; tent au ciel. > Cf. c. XLVT, lvi, p. 695, 70.. De même, per passionem nos reconciliavit Deo, 1. III, c. xvi, n. 9, Cont. hier., 1. IV, c. n, n. 7, cob 979 : .Von aliter salvari col. 929; c le Fils de Dieu est venu pour subir la hommes ab antiqua serpentis plaga nisi credant in eum passion, il nous a réconciliés avec Dieu et rendus qui, secundum similitudinem carnis peccati, in loco capables dc lui plaire. » Dcm., c. lxxxvï, p. 721. — martyrii exaltatur a terra, et omnia trahit ad se, et vivi­ c. Il a souffert, il est mort pour notre salut, pour notre ficat mortuos. Et, 1. V, c. xvi, n. 3, col. 1163 : Dissolvens rachat. Pour notre salut, c. lxxii, p. 711; il nous a enim eam quæ ab initio in ligno facta fuerat hominis sauvés par son sang, par sa mort volontaire, lvti, inobeduntiam, per eam quo: in tigno fuerat obedientiam sanans.Ct. I. III,c. χνιη,η.3; 1. IV.c.x. n.2:c. xxvm, lxix, lxx xvm, p. 703-704,712,722 ; nobis autem Domi­ nus passus,agnitionem Patris conferens,salutemdonavit, n. 3; 1. V, c. xvn, n. 4, coi. 935-936, 1001, 1063, Cont. hirer., 1. 11, c. xx, n. 3, coi. 778 ; dispensationem 1171-1172. Ailleurs, 1. IV, c. xxn, n. 1, coi. 1053, consummans salutis nostræ, 1.111, c. xvm, n. 2, coi. 932 ; du trésor dc la parabole, qui a été caché dans un il a enduré toutes scs souffrances pour descendre vers champ, Il dit que cruce Christi revelatus est, et expla­ les justes détenus dans les limbes, uti erigeret, ad sal­ natus, et ditans sensus hominum, et ostendens sapien­ vandum illos, 1. IV, c. xxxm, n. 12, col. 1081 ; cf. Dem., tiam Dei, et eas quæ sunt erga hominem dispositiones c. Lxxvm, p. 717 :« La cause dc sa mort est indiquée; I ejus manifestans, el Christi regnum præformans, et sa descente aux enfers était le salut des trépassés. » hærrditatem sancta? Hierusalem prrerangelizans, el Nous avons vu qu’il a dit exactement la même chose praenuntians quoniam in tantum homo diligens Deum d’un motif de son avènement en cc monde par l'in­ proficiet ut etiam videat Deum. Nous ne citons pas le carnation. Pour notre rachat, < pour abolir la mort fragment sur la vraie gnose, laquelle est · la science ct nous ressusciter un jour, a Dem., c. lxxxvï, p. 721 ; dc la croix, > P. G., t. vn. col. 1247-1254; c’cst le pre­ afin, ayant pris un corps semblable à celui de notre mier des fragments pseudo-irénéens publiés par Pfnff. premier per»·, « dc le sacrifier dans sa lutte en faveur Sur ia difficile question dc l’obéi.sancc du Christ dans de nos premiers parents, et dc triompher ainsi en la mort ct sur 1a conception irénéenne dc l’altitude Adam (’.e celui qu. en Adam nous avait mortellement du Christ, cf. P. Galtier, · Obéissant jusqu'à la mort, · frappés, » Dcm.,c. xxxi, p. 683; afin de nous apprendre dans la E^vue cTascétique et de mystique, Toulouse» 1920, ά souffrir, lui qui a souffert, lutté, vaincu, erat cn*m t. I, p. 123. 133-1 19. Le salut vient de la croix. La mort sur la croix est homo pro patribus certans et per obedientiam inobedientiarn persolvens, alliqavilcnim fortem, ct solvit infirmos, un sacrifice. Le Christ offre le sacrifice, 11 est prêtre; ct salutem donavit plasmati suo, destruens peccatum, le Christ s’offre en sacrifice, il est victime. Il est prêtre: Cont. liter., I. Ill, c. xvm, n. 6, coi. 036-937; afin dc Jean, disciple du Seigneur, (n Apocalypsi sacerdotalem nous racheter par son sang, Christum passum, ct ipsum et gloriosum regni ejus videns adventum, a vu. dans une esse Filium Dei, qui pro nobis mortuus est et sanguine première vision, x, 13, similem Filio hominis indutum suo redemit nos, 1. 111, c. xvi, n. 9, coi. 928;cf. 1. Ill, poderem (ou podere), et, dans une seconde, v, 6, (n c. xn, n. 7; L IV, c. xx, n. 2,12;c. xxv, n. 2; I. V, c.i, , medio presbytenirum agnum stantem quasi occisum. n. 1, 2; c. n, n. 1, 2; c. xiv, n. 3, coi. 900,1033,1013, ! L. IV, c. xix, n. 11, coi. 1040,1011. llest p^tre encore 1051, 1121-1122, 1121-1125, 1163; afin de terminer I p n rcc q u e 5 ununi sacerdotis operam perficiens, propiiians notrccxil.l. IV, c. νιπ,η. 2, col. 991.— d. Ila souffert, 1 pro hominibus Deum, et emundans leprosos, infirmos il est mort < pour récapituler toutes choses. · L. L c. x, curans, cl ipse moriens uti exsiliatus homo exiret de n. 1, col. 519. Et, J. V, c. xiv, η. 1, col. 1161 : Hecapl- condemnatione et reverteretur intrepide ad suam hære(ulationem effusionis sanguinis ab initio omnium jus­ dilatcm. L. IV, c. ντπ, n. 2, coi. 994. Il est donc juste torum et prophetarum in scmctipsum futuram indicans, I que, ayant la même fol qu’Abrabam, portant la croix, ct exquisitionem sanguinis ipsorum per scmctipsum; ( Λ la ressemblance des bois qui devaient servir au sacri­ fice d*Isaac, nous suivions le Christ; en Abraham non autem exquireretur hoc nisi ct salvari haberet, nec in semetipsum recapitutatus esset hæc Dominus nisi cl l’homme avait préappris el s’vtait accoutumé à suivre ipse caro el sanguis secundum principalem plasmatio- | le Verbe Dieu, car Abraham, suivant, selon sa foi, le 2475 IRÉNÉE (SAINT) 2476 surnaturels. Le Christ les lui restitue; c’vlt le mérite pré opte du Verbe de Dieu, livra promptement son • A ceux qui croient, qui aiment le Seigneur ct qui fils unique ct aimé en sacrifice ù Dieu» ut cl Deux bencphcilum habeat, pro universo semine efus, dilectum vivent dans la sainteté, lu justice et la patience, le ct unigenitum Filium suum pr.rstarc sacri fidum in nos­ Dieu de tous accordera la vie éternelle par la résurrec­ tram redemptionem. L. IV c. v, n. 4, coi. 986. tion des morts, ct cela en vue des mérites dc celui qui Concluons. Dieu ct homme, le Christ est médiateur, est mort ct ressuscité, Jésus-Christ, auquel il a donné sauveur, rédempteur, récapitulateur, par sa vie, par la royauté univen-cllc ct le pouvoir de juger les vivants scs soutlranccs. Il est tout cela excellemment, prêtre ct les morts. » Dcm., c. xi i, p. 690-691. Et Conl.hxr., ct victime, par le sacrifice dc la croix. I. III, c. xvm, n. 1, col. 932 : Verbum... unitum suo 2. Du côté de Γ homme.— Par le péché originel l’homme plasmati, passibilem hominem factum..., ut quod perdi­ avait contracté une dette envers Dieu. Le Christ en deramus in Adam, id est secundum imaginem et simi­ fournit le payement; c’est la satisfaction. Le mot litudinem esse Dei, hoc in Christo Jcsu reciperemus. manque dans Irénée, ct il y manque aussi les dévelop­ Ici nous pourrions reprendre les textes dans lesquels pements dc la théologie ultérieure sur l’expiation du Irénéc montre que, par suite dc notre union avec Dieu péché ct la substitution pénale du Christ innocent à dans le Christ, la chair est sauvée, l’incorruptibilité l’homme pécheur. .Mais Irénée a l’idée, et pose les ct l’immortalité nous sont rendues, l’homme recon­ prémisses d’une conclusion que d’autres tireront. quiert la ressemblance divine, redevient fils adoptif L’homme était incapable de sc sauver par scs propres de Dieu. moyens; « il n’était pas possible que celui qui était Enfin, en péchant, l’homme était tombé, jusqu’à un tombé sous le péché opérât son salut. » L. III, c. xvnr, certain point, au pouvoir du démon ct réduit en capti­ n. 2, col. 932. C’est la première prémisse. La seconde vité. Le Christ nous libère; c’cst la rédemption. Le mot est tirée dc la souffrance ct de la mort que le Christ a < rédemption » ou « nichât > n’est pas pris par Irénée endurées pour nous. Il a été l’homme dc douleurs au sens strict d’une rançon ù payer à une tierce per­ annoncé par Isaïe, lii-ijii, « bafoué, tourmenté ct à sonne ; nous verrons qu’il n’y a pas ù strictement parler, la fin mis à mort, » mal», comme l’ajoutait le prophète, dcrançon payée à Satan,ct donc, < si l’on voulait pousser nous avons été guéris par scs plaies : < il est évident la métapnorc jusqu’au bout c’cst ù Dku lui-même que cela lui est arrivé par la volonté dc son Père pour que serait acquitté le prix dc notre rachat, car c’est notre salut. Il est allé volontairement à la mort. » Dieu que l’œuvre rédemptrice apaise ct rend propice, Dem., c. lxvhi-lxix, p. 710-712. Et Cont. hier.. 1. V, mais rien ne permet d’affirmer que la métaphore soit c. i, η. 1, col. 1121 : Quoniam Verbum potens et homo poussée si loin, > pas plus chez Irénéc que dans saint verus, sanguine suo rationabiliter redimens nos, redemp­ Paul. Cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, tionem semeptisum dedit pro his qui in captivitatem 1912, t. n, p. 280. En style biblique, «racheter», c’est ducti sunt. « De ccs deux prémisses lar conclusion « délivrer », « sauver ». De même dans l’ancienne litté­ logique, dit fort bien J. Chaîne, Le Christ rédempteur rature patristique. « A une époque où régnait partout d'après saint Irénée, Le Puy, 1919, p. 87-88, étant l’esclavage, dit J. Rivière, Le dogme de la rédemption. donnée notre solidarité avec le Sauveur, est que Jésus Étude théologique, Paris, 1914, p. 193, il était assez a pris notre place ct a offert à Dieu pour nous la véri­ naturel de sc représenter sous ccttc forme le malheur dc table expiation. Mais saint Irénée ne pousse pas si l’humanité et, par conséquent, dc considérer la déli­ loin son raisonnement; il se contente de dire que Jésus vrance des âmes sous l’imagcd’un rachat. Voir plus loin, a souffert et est mort pour nous, ù notre profit. Si on col. 2479. Ainsi les expressions «satisfaction », «mérite», met ccttc vérité en regard de l'insuffisance de l’homme « rédemption », sont ù peu près synonymes. Cc sont à opérer son salut, on a les deux éléments dc la substi­ trois métaphores qui expriment l’un ou l’autre des tution; mais Irénée ne les relie pas entre eux ct ne aspects dc l’œuvre du Christ. Distinguée dc la satis­ nous montre pas comment le Christ expie à notre place. » faction ct du mérite, la rédemption désigne la libéra­ 11 est plus explicite sur la réparation du péché. Le tion de l’homme captif du démon, c’est-à-dire, ainsi péché consiste dans un déni d’obéissance à Dieu; la que nous l’avons vu, la délivrance du péché : parce réparation doit consister dans une parfaite obéissance. que le démon in initio homini suasit transgredi prœctpIrcnce revient indéfiniment sur la satisfaction que le turn Factoris, ideo eum habuit (n sua potestate; potestas Christ offre h son Père par la soumission à sa volonté. autem ejus est transgressio, ct apostasia, et his colligavit Il le montre obéissant au désert, triomphant trois fois hominem. L. V, c. xxi, n. 3, coi. 1182. Cf. P. Galticr, du tentateur, cl soluta est ea qutr. fuerat in Adam pre­ Les droits du démon ct la mort du Christ, dans les Re­ cept i Del pnrvaricatio per praxeplum legis quod servavit cherches de science religieuse, Paris, 1912, t. ni, p. 347Filius hominis, non transgrediens præceptam Dei. 319. Tout cc chapitre xxi, qui commence, n. 1, L. V, c. xxi, n. 2, coi. 1181. Cf., sur le sens juridique col. 1179, par : Omnia ergo récapitulons rccapitulatiis du mot pr&'varicatio, H. E. Oxenham, Histoire du est, montre bien ces trois aspects dc l’œuvre dc salut dogme de la rédemption, trad. J. Bnmeau, Paris, 1909, accomplie par l’effusion du sang du Christ. Ils y appa­ p. 113, n. 3. Surtout le Christ a obéi sur la croix, dis­ raissent dans une série de textes fort remarquables, solvens enim cam qutc ab initio in ligno facta fuerat par exemple, n. 2, col. 1180,1181 : Pnrceptumefus per­ hominis inobedientiam, obediens /actus est usque ad fecit Dominus, /actus ex muliere, ct destruens adversa­ mortem, mortem autem crucis, cam, qme in ligno facta rium nostrum (rédemption), ct perficiens hominem fuerat inobedientiam, per cam qua in ligno fur rat secundum imaginem ct similitudinem Dei (mérite)...; obedientiam sanans. L. V, c. xvi, n. 3, col. 1168. Et, ct soluta.est ea, qmc fuerat in Adam, prircepti Dei præparce que nous avons hérité du péché d’Adam, parce varicatio, per pnvccplum legis quod servavit Filius que nous sommes solidaires avec lui, avec celle d’Adam hominis non transgrediens pncceptum Dei (satisfac­ il répare toute désobéissance : per obedientiam inobe­ tion). Λ neuf reprises, η. 2-3, col. 1179-1182, Irénée dientiam pcrsnlvens.., salutem donavit plasmati suo, souligne l'obéissance du Christ rédempteur au pré­ destruens peccatum; mediator Dei ct hominum /actus, cepte du Père. Arrêtons-nous à cc point de vue, qui propitians quidem pro nobis Patrem in quein peccavera­ complète toute l’explication possible du mystère. mus, ct nostram inobedientiam per suam obedientiam 3. Du >'Ûté de Dieu. — Deux attributs divine expli­ consolatus. L. Ill, c. xvni, n. 6; 1. V, c. xvn, n. 1. quent ht ί’i? ion rédemptrice : ce sont la bonté et la sagesse de Dieu. coi. 937,1169. u ) Lu mti dt Dieu. — Irénéc met en relief la bonté I/hommc pécheur, en même temps qu’il avait contracté une dette envers Dieu, avait perdu les biens I divin ·- I η’ ' i pas dc Dieu où il n’y a pas dc bonté, 2477 dit-il, 1. UL c. xxv, n. 3, col. 968, Drus non est cul bonitas desit. · Un Dieu bon, des êtres libres, c’est à quoi se ramène pour lui le problème dc l’évolution morale et religieuse du monde. L’histoire en est l’his­ toire des bienveillances divines pour la créature. · P. Galtier, L’évéque docteur : saint Irénée de Lyon, dans les Études, Paris, 1913, L cxxxvi, p. 21. Où la bonté dc Dieu, son amour, sa miséricorde, sa béni­ gnité, sa patience, sa longanimité, sa magnanimité — autant de mots à peu près synonymes — éclatent surtout, c’cst dans la chute ct Je relèvement de l’homme. Cf. 1. III» c· xx, n. l-2;c. xxm, n. 6-7 ;1. IV, c. xxxvn-xxxix; 1. V, c. xxi, n. 3; c. xxn, n. 2, col. 912 911, 9G4-965, 1O5G-1O64, 1181-1182, 11831184, ct, parmi dc nombreux textes, L III, c. xvm, notamment, n. 5, 6, col. 936, 937 : Longanimitas, cl patientia, ct misericordia ct bonitas Christi ostenditur, ut ct ipse pateretur, et ipse excusaret eos qui se male (raclassent... Vere magister Dominus noster, et bonus vere Filius Dei, et patiens Verbum Del Patris filius hominis jactus... Est enim piissimus ct misericors Do­ minus et amans humanum genus; 1. V, praf., coi. 1120: Qui, propter Immensam suam dilectionem factus est quod sumus nos, uti nos perficeret esse quod est ipse. Parce qu’il aime le genre humain, Il prend en main sa cause contre celui qui se l’était asservi; le Verbe sc fait chair pour procurer à l’homme sa revanche contre le démon. L. Ill, c. xvm, n. 2; c. xx, η. 1, col. 932, 912. < Le Christ a restauré sa créature scion la pre­ mière institution de l’homme, à l’image ct ù la res­ semblance de Dieu, non pas en ravissant perfidement le bien d’autrui, mais en reprenant son bien en toute justice ct bonté : justice à l’égard dc l’apostasie, dont Il nous racheta par son sang; bonté à l’égard dc ncusmémes, qu’il racheta. Nous ne lui avions rien donné, Il n’attend non plus rien de nous, comme s’il éprouvait quelque besoin; c’cst nous qui avons besoin dc lui être unis. C’est pourquoi il s’est prodigué, afin dc nous réunir dans le sein du Père. » L. V, c. n, n. 1, col. 1121. C’est bien l’amour dc Dieu qui, par son Verbe, achemine l'homme Jusqu’à lui, secundum dilectionem ejus, luce est enim qinr nos per Verbum ejus perducti ad Deum. L. IV, c. xx, n. 1, col. 1032. Tant dc bonté divine doit aboutir ù la gloire dc Dieu. Non que Dieu ait besoin de nous; Il n’en a nucuncmcnl besoin. Mais l’homme a besoin dc Dieu, ct Dieu veut que l’homme se sauve, étant soumis à Dieu, reconnaissant cl aimant envers lui, ct le glorifiant. Cf. 1. IV, c. n, surtout n. 2, col. 1002 : Erccptorium enim bonitatis, cl organum clarificationis ejus, homo gratus ct qui se jccit; et le beau c. îv, surtout n.l, col. 1010 : Servitus erga Deum Deo quidem nihil prostat, nec opus est Dio humano obsequio.., est enim dives, per­ fectus, ct sine indigentia. Propter hoc autem exquirit Deus ab hominibus servitutem ut, quoniam est bonus et misericors, benefaciat cis qui perseverant in servitute ejus. In quantum cnimDcus nullius indigens, in tantum homo eget Dei communione, liare enim gloria hominis perseverare ac permanere in servitute ejus. Ces quel­ ques mots résument l’histoire du monde dans l’Anclcn Testament,c.xiv-xvn,n. 4,col. 1010-1023, surtout dans le Nouveau,où Dieu et l’homme sont glorifiés par le Christ, quod est autem aliud nomen quod in gentibus glori fleatur, quam quod est Domini nostri, per quem glori­ ficatur Pater ct glorifleatur homo ?c. xvn, n. 6, col. 1024 ; où nous o (Irons le aneri lice du corpse t du sangdu Christ, pur et agréable Λ Dieu, non quod indigeat a nobis sacrifi­ cium, sed quoniam is qui offert glorificatur ipse in co quod offert si acceptetur munus ejus, per munus enim erga regem ct honos et affectio ostenditur.... Offerimus enim ei, non quasi indigenti, sed gratias agentes domi­ nationi (des manuscrits portent donationi) ejus, et sanctificantes creaturam..., qui enim nullius indigens 2478 est Drus In te assumit bonas opt ratfont i nostras, ad hoc ut prieslct nobis retributionem bonorum suorum. C. xvm, η. 1,6, col. 1024,1029. Dieu magnanime a prépare, dès Je commencement, le saint dc l’homme par le Verbe, u/, insperabilem homo a Deo percipiens salutem, resurgat a mortuif, cl clarificet Drum.., et semper permaneat glorificans Deum, ct sine intermissione gratias referens pro ea salute quam consecutus est ab eo. Le résultat de la magnanimité divine doit être que l’homme, experi­ mento discens unde liberatus est, semper gratus existât Domino, munus incorruptela: consecutus ab eo, ut plus diligeret eum, cui enim plus dimittitur plus diligit.... Gloria enim hominis Deus ; operationes (lire operationis) vero Dei, et omnis sapientire Del et virtutis re eplaculum homo. Quemadmodum medicus in his qui e grotnnt pro­ batur, sic et Deus in hominibus probatur.... Et Thomme manens in ditedione ejus, et subjedione, et gratiarum actione, majorem ab eo gloriam percipiet, provectus ace plens, dum consimilis fiat ejus qui pro eo mortuus est. L. III, c. xx. n. 1,2, coi. 912’941. 11 faut lire en entier cc chapitre. Rarement on a expose en aussi bons termes cc qui est sans doute l’explication la meilleure du mj stère : la rédemption est l'œuvra de l’amour dc Dieu qui a voulu conquérir l’amour de l’homme, ct, par là, elle prépare la béatitude dc l’homme ct procure la gloire de Dieu. b) La sagesse de Dieu. — La justice ct la bonté Interviennent dans l’œuvre rédemptrice. Pro nobis igitur omnia hire sustinuit Dominus.., uti et bonitas os­ tendatur d justitia perficiatur. L. IV, c. xxxvn, n. 7; cf. J. V, c. n, n. 1, coi. 1104, 1124. Ici, et dans les pas­ sages parallèles, Irénéc entend la justice dans un sens large, non dans un sens Juridique quelconque : est Juste cc qui est conforme à l’ordre, à la nature dc l’homme, ce qui est convenable, cc qui est en harmonie avec la raison, rationabile. La-dcssus nous avons un texte capital, 1. Ill, c. χχχιπ, η. 1-2,col. 961-962,où Irénéc dit que i toute l’économie du salut dc l’homme s’accomplit scion le bon plaisir du Père, en telle sorte que Dieu ne fût pas vaincu et que son art ne fût pas en défaut. Si l’homme, que Dieu avait fait pour la vie, avait été totalement jeté à Ja mort, Dieu aurait été . vaincu ct la méchanceté du serpent aurait triomphé ! dc la volonté divine. Mais Dieu est Invaincu ct magna­ : nime. C’cst pourquoi, par le nous cl Adam, il enchaîna i le démon ct vivifia l’homme qui était mort. » Cela . étant, Il ne serait pas raisonnable, nimis irrationabile est, dc libérer les fils d’Adam nés dans la captivité et non Adam lui-même. Dans cc cas, l’ennemi ne sem­ blerait pas pleinement vaincu. Ce ne serait pas agir justement, non tamen juste faciei. Or neque infirmus est Deus neque injustus, qui opitulatus est homini et in * suam libertatem restauravit eum. Cette justice n’est pas une Justice rigoureuse; en rigueur dc droit le libérateur ne doit rien Λ ceux qu’il liln rc. Mais le rôle de libérateur veut qu’il fasse grandement les choses, II sc doit à lui-même de ne pas s’arrêter à mi-chemin. Qu’Adam soit sauvé, c’cst donc < juste » ct « raisonnabic. » Sur le mot * raisonnable, » cf. encore L IV, c. χχχνιι,η. 7;1. V,c.i,n. l,3;c. χνπτ,η. 3. col. 1104, 1121, 1123, 1174 ; P. Gall 1er, La rédemption et les droits du démon dans saint Irénéc, dans les Ilecherchfs de science nligieuse. Puris, 1911, t. n, p. 15-22; J. Ri­ vière, La doctrine dc saint Irénéc sur le rôle du démon dans la rédemption, dans le Hullctin d'ancienne litté­ rature et d’archéologie chrétiennes, Paris, 1911, t. i, p. 173-171, 193, 196-197; A. d’Alès, La doctrine de la récapitulation en saint Irénéc, dans les Pecherchcs de science religieuse, Paris, 1916, t. vr, p. 204-206. Sur le sens du mot · justice, » cf. J. Wirtz, Die Lehre von der Apolqtrosis, Trêves, 1906, p. 104-105; II. E. Oxen­ ham, Histoire du dogme de la rédemption, (rad. J. Brunemi, Paris, 1909, p. 99-101 ; P. Gultlcr, loc. cit., p. 3- 2479 IRENEE (SAINT) 15, 22-21 ; J. Rivière, loc. cit., p. 173, 176-178, 197-198, 200; A. d’Alèt, loc. cit., p. 206-210. En somme, avec des nuances que le contexte permet dc déterminer, • ce terme, conclut J. Rivière, p. 200, n’a Jamais, dans la langue cl l’esprit dc saint Irénée, que le sens moral dc sagesse. » 4 Du côté du démon. — Irénée passe communément pour être le père de la théorie des droits du démon. Quand on lit, par exemple, I. V, c. ι, η. 1, col. 1121, que Dieu non deficiens in sua justitia JUSTE ctiam adver­ sus ipsum conversus est apostasiam (le démon), eu quæ siMsua redimens abca, et encorec. χχι, η. 1, col. 1179: nequccnim J uste victus fuisset inimicus nisi ex muliere homo esset qui vieil eum,on peut sc demander si,dans l’œuvre dc la rédemption, I énéc n’accorde pas au démon des droits en stricte justice,ou, tout au moins s’il ne Je présente pas comme traité par Dieu selon les règles d’une justice au sens large du mot, d’une haute convenance, qui u’cxlstcralt pas seulement du côté de Dieu et de l’homme, mais aussi du côté du démon lui-même, a) Le démon a-t-il des droits en justice stricte ? — On n prétendu qu’Irénéc les lui reconnaît. D’aucuns lui prêtent l’idée d’une entente préalable ct bénévole entre le Christ ct le démon. Développée jadis par M. Mftnscher ct réfutée aisément par le vieil ouvrage dc K, B;ihr, Die Lehre der Kirche vom Todc Jesu in den ersten drci Jahrhunderlcn, Sulzbach, 1832, p. 65-66, cette hypothèse a été reprise denos jours par A. Saba­ tier, La doctrine de l'expiation ct son évolution histo­ rique, Paris, 1903, p. 47-19. D’après lui, Irénée ima­ gine entre Dieu et le démon un contrat d’échange, < lui offrant ù titre dc rançon l’âme de son Fils en échange des âmes humaines... n Le diable se laissa prendre au piège, Il accepta le marché; il relâcha les hommes pour recevoir à leur place l’âme du Fils de Dieu. Mais il ne fut pas assez fort pour la retenir. Le Fils de Dieu sortit dc l’enfer après en avoir brisé les portes. Le contrat n’en restait pas moins valable. Cc n’est pas la faute de Dieu. Le grand dupeur s’étalt dupé lui-même.» — Sans aller aussi loin, bon nombre dc critiques prêtent à Iréncc la théorie dc la rançon que l’on retrouve chez des écrivains posté­ rieurs : la mort du Christ serait comme une rançon payée ù Satan pour l’humanité captive, de sorte que Satan put sc convaincre que la Justice n’avait pas été violee à son endroit. Telle est l’opinion de quelques catholiques, entre autres de H. E. Oxenham, Histoire du dogme dc la Rédemption, p. 142-1 13. Voir Descente de JÉSUS AUX ENFERS, t. ni, col. 603. Elle est com­ mune chez les protestants. Voir Rédemption. Celte théorie suppose au démon des droits en stricte justice. Or Irénée a grand soin dc dire que, de même que, en la personne du premier Adam, le genre humain avait offensé Dieu, par la mort du second Adam, Il s'acquitta ù l’égard de Dieu : «Nous n'avions contracté de dette qu’envers celui-là même dont nous avions transgressé le précepte à l’origine.» L. V,c. xvi, n. 3, col. 1168. C'cst dire nettement que le démon n’a pits de droit proprement dit. Quant à la construction théologique d’A. Sabatier, c'cst un pur roman qui a bien moins encore dc fondement dans les textes. U reste néanmoins que, dans son œuvre de rachat, le Christ use non de contrainte, mais dc persuasion, à la différence dc l’apostasie (c’est-à-dire Satan). Non cum vi, quemadmodum ilia (apostasia) initio dominabatur nostri, ca quæ non eranlsua insatiabiliter rapiens, sed secundum suadelam, quemadmodum drecbat Drum suadentem, et non vim afferentem, acciperequæ vellet. L. V, c.i,n. l,col. 1121 Mais qui est celui que le Christ entend persuader? Est-ce Γapostasie (la puissance satanique) vlle-mênu L’idée serait déraisonnable; que pourrait-on lut per- 2480 suader? Mais fl s’agit des homme# victimes de la puissance apostate, et qui sont accessibles à la per­ suasion. b) Le démon a-t-il des droits au sens large du mot? — Dans Le dogme de. ta rédemption. Essai d'étude histo­ rique, Paris, 1905, J. Rivière, étudiant « la question des droits du démon, · montra, p. 373-386, que la doc­ trine des droits du démon ne fut ni exclusive chez un seul des Pères dc l’Église ni prédominante chez ceuxlà même qui l’ont le plus complètement adoptée. Irénée, le premier,aurait accordé au démon < une sorte dc droit sur les hommes, exposé le principe que le démon devait être traité selon les règles dc la justice, et tiré les deux principales conséquences : qu’il devait être vaincu par un homme ct, d’une certaine façon, dédommagé do SCS droits, » ct ainsi Irénée ne serait pas tombé dans l’erreur grossit re qui prétend que le sang du Christ fut donné au démon comme prix de notre rachat, mais « il était dlfllcilo d’en côtoyer plus dangereusement les bords, » p. 376, 377; cf. 381,386. P. Galticr, La rédemption et les droits du démon dans saint Irénée, dans les Recherches dc science religieuse, Paris, 1911, t. n, p. 1-24, reprit cette question. «Saint Irénée, dit-il, p. 24, proclame la justice dc l’œuvre du Christ. Mais, à l’endroit du démon, cette justice n’est qu’objective ct négative : » en arrachant lis hommes à sa tyrannie, il ne hd fait point dc tort, car il met fin seulement à l’injuste détention d’un bien usurpé. « Qu’on ne parle donc pas ici dc ména­ gement, dc dédommagement ou dc persuasion. Du Christ au démon saint Irénée ne conçoit pas d’autres rapports que ceux du maître à l’esclave contraint d’avouer son larcin .L’idée d’un arrangement ou d’une entente quelconque est aux antipodes dc sa pensée. · Continuant à tenir que l’idée de justice purement né­ gative ne suffit pas à rendre compte des expressions d’Irénéc, J. Rivière exposa que la justice, dont parle Irénée, « ne signifie pas une sorte dc contrat ou dc transaction quelconque entre le Christ et Satan, mais un des aspects dc la loi providentielle qui préside ù toute l’économie de notre salut » et signifie tout sim­ plement « sagesse », « haute convenance ». La doctrine de saint Irénée sur le rôle du démon dans la rédemption, dons le Rulletin d'ancienne littérature ct d'archéologie chré­ tiennes, Paris, 1911 ,t. i, p.199-200; Le démon dans la théo­ logie rédemptrice de saint Irénée, dans les Recherches dc science religieuse, Paris, 1913, t. iv, p. 269-270. Voir aussi Le dogme de la rédemption. Etude théologique, Paris, 1914, p. 91 19. Dc son côté, P. Galticr dans l’article cité plus haut interprète la justice dont parle Irénée dans le sens de « suprême convenance. » Que «justice · soit synonyme de « convenance» » conve­ nance par rapport à Dieu, qui sans cela serait vaincu par le démon, convenance par rapport à l'homme, qui prend de la sorte sur le démon une noble revanche, telle est la conclusion commune aux deux théologiens et h· gain assuré de la controverse. Mais que signifie cette justice à l’egard du démon, dont parle très certainement Irénée? Pour J. Rivière, Rullctin d’ancienne littérature et d'archéologie chrétiennes, t. i, p. 196-199 ; ci. Recherches de science religieuse, t.iv,p.267-269, Irénée envisage une convenance posi­ tive par rapport au démon en ce que Dieu voulut tenir compte de lui dans toute l’économie du plan ré­ dempteur; en ce que le Christ,en consentant pour nous une rédemption onéreuse à laquelle il n’était pas tenu, voulut opposer sa générosité à la perfidie de Satan, peut-être mime en ce que la mort est comme une province de l’empire de Satan; « dès lors, souffrir la mort import Ile, n’est-ce pas tomber, au moins matéri- lb ni ut, en la puissance du démon? Voilà 1 |ov-ovo le aïs, en acceptant dc mourir, sc soumeti jusqu'à un certain point nu prince dc la mort. » 2481 IRÉNÉE (SAINT) Cette dernière conclusion paraît inacceptable à P. Galticr. Loin d’admettre que l'acceptation spon­ tanée d’une rédemption onéreuse constitue, aux yeux d’Irénéc, d’une façon quelconque, même purement matérielle et passive, une soumission Λ l’empire dc Satan, il pense que « la théorie rédemptrice qu’on attribue nu grand docteur dc Lyon aurait froissé son sens du Christ· » Recherches dc science religieuse, t. iv, p. 71. La question est délicate pour qui la considère dans son ensemble. Il semble bien, d’une part, que toute la justice observée par Dieu dans la défaite dc Satan soit une justice qui s’exerce contre lui. D’autre part, Irénée concevait comme on l’a dit que le Rédempteur en faisant rendre gorge au voleur • y avait mis des formes », A. d’Alès, Recherches de science religieuse, 1916, p. 209-210. En tout cas il ne saurait être question dc droits stricts du démon. Il faut reconnaître néanmoins que les formules embar­ rassées d’Irénéc où entre le mot « justice >, ont pu, mal comprises, influer sur la théorie des droits du démon, élaborée dans la suite par certains Pères. 3° La nécessité de Γincarnation et de la rédemption. — 1. La nécessité de Γ incarnation. — Le Verbe se seralt-ll Incarné si Adam n’avait point péché? Irénée ne traite pas directement cc sujet. Mais des trois classes auxquelles les théologiens ramènent les motifs dc l’incarnation : glorification dc Dieu, bien de l’homme, victoire sur Satan, les deux premières, remarque IL E. Oxenham, Histoire du dogme de la rédemption, trad. J. Bruncau, Paris, 1909, p. 108, ne perdraient rien, ou à peu près, dc leur valeur, même si Adam n'avait pas désobéi; le bien dc l’homme, en particulier, serait toujours procuré par l’exemple ct la doctrine du Christ ct, sinon la rédemption du genre humain, du moins la sanctification ct la rédemption dc l’homme individuel. Or, Irénée insiste sur la néces­ sité du Verbe Incarné comme docteur, sanctificateur cl délflcateur des hommes. L. V, c. i, n. L col. 1120, 1121 : Non cnitn aliter nos discere poteramus quæ sunt Dei nisi magister noster Verbum rxistens homo /actus fuisset... Neque rursus nos aliter discere poteramus nisi, magistrum nostrum videntes et per auditum nostrum vocem ejus percipientes, uti, imitatores quidem operum lactores autem sermonum ejus /actt, communionem habeamus cum ipso. L· III, e. xx, n. 2, coi. 944 : Capere Patrem donans Verbum Dei quod habitavit in homine, ct filius hominis /actus est ut assuesceret homi­ nem percipere Deum et assuesceret Deum habitare in homine, secundum placitum Patris. L. IV, c. xxxvni, n. 1-3, col. 1105-1107: Quasi infantibus ille qui erat panis perfectus Patris (ac nobis semetipsum pnvstavit, quod erat secundum hominem ejus adventus.... Et propter hoc coin/antiatum est homini Verbum Det, cum esset per­ fectus, non propter sc, sed propter hominis infantiam, sic capax effectus quemadmodum homo illum eapeer potuit. L. IV, c. xx, n. 4, coi. 1031 : Homo /actus est ut finem conjungeret principio, id est hominem Deo. Dans le même ordre d’idées sc présentent les textes sur le primat du Christ, surtout 1. III, c. xxn, n. 3, col. 958. Il afllnnc que le Sauveur précède, par ordre dc dignité, ceux qui lui devront le salut, ct en tire ccttc conséquence : loin d’être conditionné par le fait de la chute, le décret dc l’incarnation commando toute l’économlo actuelle dc la Providence. Ayant voulu le Sauveur, Dieu décida de lui donner des hommes à sauver; avant même d’être le type d’une humanité régénérée, le Christ est le prototype d’une humanité parfaite selon Dieu. · kl, dit A. d’Alès, La doctrine de la récapitulation en saint Irénée, dans les Recherches dc science religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 191, nous reconnaissons les futures positions dc l’école scot Isle. 2482 Mais, ailleurs, Irénée dit expressément que, si la chair n'avait pas eu besoin de salut, le Verbe ne sc fût pas Incarné : si enim non haberet caro salvari, nequa­ quam Verbum Del caro factum esset. L. V, c, xiv, n. 1, coL 1161. Voir le chapitre entier. El 11 est à noter que, même dans les passages les plus favoranles à l’opinion scotislc, Intervient d’ordinaire la quest Ion dc salut tout de même que de l'œuvre de la rédemption ne se sépare pas celle dc l’incarnation. Faut-il en conclure à un certain flottement dc pensées dans une question mystérieuse et qui, du reste, n'était pas abordée ex professo? Peut-être. Peut-être aussi pourralt-on sup­ poser qu’Irénéc distingue dans les conseils divins plusieurs plans ct plusieurs ordres, à savoir, dit A. d’Alès, loc. eit., p. 192, « d’abord un ordre idéal ou d’intention première, selon lequel Je type du Verbe Incarné, présent à la pensée divine, domine la concep­ tion de l’humanité possible, el puis un ordre réel ou d’exécution, scion lequel le décret efficace de l’incar­ nation est subordonné a la prévision du péché. Et l’on expliquerait, par la superposition dc ces deux plans dc perspective divine, qu'en préludant, par l’ensemble dc scs déchirai ions, à renseignement dc saint Thomas, saint Irénée ail pu exceptionnellement parler comme Duns Scot. · 2. I.a nécessité de la rédemption. — Irénée expose que l’homme ne pouvait, de lui-même, parvenir à l’adoption divine et, mortel ct corruptible, être uni à l’immortalité cl à l’incorruptibilité, ct que le Verbe s'est fait homme pour lui donner l'incorruptibilité et l'adoption de tils de Dieu. L. III, c, xix, n. l,coL 939910. Cela pourrait convenir Λ l’élévation dc l'homme ù l’état surnaturel aussi bien qu’à la reprise de l’état surnaturel perdu. C'cst de la réintégration dans l’état surnaturel seule qu’il parle quand il dit que l'homme déchu ne pouvait, livré à scs propres ressources, sc sauver cl retrouver cc qu’il avait perdu en Adam, ct que le Verbe s’est incarné pour suppléer à noire insuf­ fisance. L. III, c. xvm, r. 1, col. 932. L'homme était Incapable dc remonter, dc lui-même, à l’état surna­ turel. Irénée ne sc demande pas si Dieu aurait eu d’autres moyens pour le relever; il sc borne à constater que Dieu l’a relevé par l’incarnation du Verbe. Mais voici une autre question : le relèvement dc l’homme élalt-il nécessaire? Irénée ne l’a guère abordée» de façon directe, pour l'ensemble dc l’huma­ nité, si cc n’est d’un mot. en passant, Dent., c. xxxiv, p. 685 : ·Par le Verbe de Dieu, tout est sous l’influence dc l’économie rédemptrice, el le Fils dc Dieu a été crucifié pour tout, ayant tracé cc signe dc croix sur toutes choses. Car il était juste ct nécessaire que celui qui s’est rendu visible amenât toutes les choses visi­ bles à participer ù sa croix. · Mais 11 pose directement la question à propos d’Adam, et les motifs pour les­ quels il revendique le salut d’Adam « semblent bien avoir une ;>ortêc générale, » selon la remarque dc J. Rivière, Rultetin d'ancienne littérature et d'archéo­ logie chrétiennes, Paris, 1911,1.1, p. 173. Or, il n’hésite pas à employer le mot de nécessité, tant dans la Dé­ monstration, c. xxxn, p. 685 : · il était juste et néces­ saire qu’Adam fût restauré dans le Christ, » que dans le Contra lucreses, I. Ill, c. xxm. η. 1, col. 960 : Neccsst fuit Dominum, ad perditam ovem venientem et tantie dispositionis recapitulationem facientem..., illum ipsum hominem salvare qui /actus fuerat secundum imaginem elsimilitudinem ejus, id est Adam.., quoniam ct omnis dispositio salutis, quæ circu hominem fuit, secundum placitum fiebat Patris, uti non vinceretur Deus neque infirmaretur ars ejus. Si cnim qui factus fuerat a Deo homo ut viveret hic, amittens vitam licsus a ser­ pente.., jam non reverteretur ad vitam..., victus esset Deus et superasse! serpentis nequitia voluntatem Dei. Ce passage est à rapprocher dc celui qui se lit un 2483 IRÉNÉE (SAINT) peu plus bas, n. 2, col. 961 : Cum salvetur homo, gportd saliari cum qui prior formatus est homo. Quo­ niam nimis irrationabile est illum quidem qui vehe­ menter ab inimico Isesus esL·. dicere non eripi ab coqui vicerit inimicum, ereptos cero filios ejus.... Neque enim infirmus est Deus, neque injustus, qui opitulatus esi homini et in suam libertatem restauravit eum. · Les termes positifs qui traduisent ia logique divine, dit J. Rivière, p. 173-174. s’éclairent par les termes né­ gatifs destinés à la faire ressortir par contraste : ne· cesse fuit - oportet, quoniamnimisirralionabileest stion fuste. Et ccttc question dc vocabulaire peut avoir son importance pour l’interprétai ion dc textes sem­ blables. Il suffit dc retenir ici qu'aucune dc ces for­ mules ne signifie une nécessité proprement dite ct que l'idée dc présomption rationnelle, dc haute conve­ nance, épuise parfaitement le contenu des plus vigou­ reuses. » Dans l’économie providentielle dc la rédemp­ tion, dispositio salutis qnæ circa hominem fuit, l’ex­ plication ultime est celle du bon plaisir dc Dieu, secundum placitum fiebat Patris; ci. encore 1. 111, c. xx, n. 2; L IV, c. xx, η. 4, col. 944, 1034. Et Dieu agit, en meme temps que par amour, conformément ù sa sa­ gesse : Je mot < nécessaire > est un nouveau synonyme des mots « juste · ct raisonnable » et « désigne les dispositionsde la sagesse divine. Notons, toutefois, que, s’il n’enseigne pas la nécessité stricte dc la rédemption, Irénéc a des expressions qui, pour peu qu'on les presse, impliquent, plus que les convenances, les exigences dc la sagesse de Dieu. Quand il assigne à la rédemption ce motif : uti non vinceretur Deus neque infirmaretur ars ejus, il est tout proche d’engager l'honneur dc Dieu aussi fortement que saint Anselme le fera plus tard, Cur Deus homo, 1. I, c. xi-xm, P. L., t. clviii, col. 376379; cf. J. Rivière, Le dogme de la rédemption. Essai d'étude historique, p. 295; Bulletin d'ancienne littéra­ ture cl d'archéologie chrétiennes, Paris, 1911, t.i, p. 171 ; ct il n'y aurait pas beaucoup à faire pour aboutir à la nécessité dc l’incarnation rédemptrice préconisée par Anselme. Voir Dictionnaire de Théologie, art. An­ selme, du P. Bainvel, 1.î, col. 1346. 1’ Ιό christologie ct la sotériologlc. — F. C. Baur, Die christltche Lehre von der Versôhnung in ihrer gesihichtlichrn Entwlckelung, Tubingue,1838; L. Dunker, Des heil. Irendus Christologie in Zusammenhange mit drsscn thcologischcn und anthropologlschen Grundldiren darqestellt.Gœttingue, 1843; I. A. Domer. 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Gidller. 2484 •Obéissant jusqu'à la mort, · dans lu Demie d’ascétique et de mystique, Toulouse, 1920. 1.ι, p. 133-1 49. — 2· La question des droits du démon. — J. Rivière. La dogme dc la rédemption. Essai d'étude historique, p. 375-377; La doctrine de saint Irénéc sur le rôle du démon dans la redemption, dans le Pub letin d'ancienne littérature et d'archéologh chrétiennes, Paris, 1911, t. r. p. 169-200; Le démon dans la théologie rédemp­ trice de saint Irénéc, dnns les Dt cherches de science religieux, Paris, 1913, t. iv. p. 57-60, 263-270; P. Gnllier, Im rédemp­ tion ct les droits du démon dans saint Irénéc, dans les Hecherches dc science religieuse. Puris, 1911. t. u, p. 1-21; Ixs droits du démon et la mort du Christ, ibid., 1912, t. m, p. 345· 355; La mort du Christ et la justice envers le démon, Ibid., 1914, p. 60-73; 263-270, en notes. 4° La vierge Marie. — 1. Marie mère de Dieu. — Contre le docétisme gnostique, Irénée défend la mater­ nité dc Marie, la naissance véritable dc Jésus. Il tire scs preuves dc l’Écriture, 1. III, c. xxn, n. 1-2; 1. IV, c. xxxni, n. 2, col. 955-956, 1073; dc l’économie de Ja rédemption, qui ne serait pas réelle si Jésus n'était né dc Marie réellement, 1. HI, c. xvni, n. 7; c. xxi, n. 10; c. xxn, η. 1 ; 1. V, c. 1, n. 2, col. 937, 955-956, 1122; Dem., c. xxxiii, xxxvm-xxxix, p. 684-685,688689; dc la fol traditionnelle de l’Églisc, Cont. hxr., 1. I,c. x, η. 1 ; 1. 1 U,c.iv, n.2; 1. IV,c.ix, n.2,col.549, 856, 998. L'expression « maternité divine > ne sc lit pas dans Irénéc, mais bien l’aillmiatlon que ces mots enveloppent. 11 établit souvent ct longuement que l’enfant né dc la Vierge est Dieu, ce qui revient à dire que la Vierge est mère dc Dieu. Cf. E. Ncubert, Marie dans l'Église anténicéenne, Paris, 1908, p. 125. Le mot Οεοτόκος, absent de l’œuvre irénéenne, y a des équivalents. Des expressions telles que : · Le Fils dc Dieu est né de la Vierge, · · le Christ né de Marie est l’Emmanuel, · · il n’y a qu’un seul et même JésusChrist Notrc-Selgncur, celui qui est né dc Marie, » I. III, c. xvi, n. 2-3, col. 921, 922, sont, < non seule­ ment, par rapport ù l'union hypostatique, dit E. Ncu­ bert, op. cit., p. 130, mais même par rapport ù la ma­ ternité divine, tout aussi compréhensives que l’ex­ pression « mère de Dieu. » Ailleurs, 1. V, c. χιχ, η. 1, col. 1175, saint Irénéc écrit : « L'ange annonça ù Marie qu'elle porterait Dieu, ut portaret Deum, expression qui est manifestement synonyme, pour la question qui nous occupe, dc celle d'< enfanter Dieu, a Οεοτόκος, Deipara. » Irénéc démontre que la maternité divine s'harmonise avec la mission du Sauveur, ct, dit, J. -B. Terrien, La mère de Dieu ct la mère des hommes d'après les Pères ct la théologie, Paris (1900), 1.1, p. 72; cf. p.CS, 69,73,80, il est «celui des Pères qui a peut être le plus fortement exposé ccs hautes harmonies. » La virginité perpétuelle dc Marie est pareillement admise par Irénéc. Saint Jérôme, De perpetua virgi­ nitate B. Marias, c. xvn, P. L., t. xxin, col. 201, allé­ guait,contre Helvidius, son autorité ct celle d’Ignace, dc Polycarpc, de Justin, ct de beaucoup d’autres hommes apostoliques et éloquents Nous avons eu l’occasion d’indiquer les textes d* Irénéc sur la concep­ tion virginale. L’enfantement virginal est affirmé dnns le commentaire de l’oraclcdc l'Emmanuel, Is.,vn,l4. Cf. Cont. hier., 1. III, c. χχι,η. 4-0, col. 950-953; Dem., c. ijh-ijv, p. 699-701. G. Herzog, La sainte Vierge dans Γhistoire, dans la Revue d'histoire ct de littérature religieuses, Paris, 1907, t. xn, p. 484, note, prétend qu’Irénéc soumit la naissance du Christ à la loi com­ mune, ct s’appuie sur le passage suivant : Filius Del filius hominis purus pure puram aperiens vulvam,!. IV, c. xxxni. n. 11, coi. 1080, reproduit dans le VII· frag­ ment publié par Karapet Tcr-Mekerttschian, P. O., t. xn, p. 7 11 Or remarque A. d’Alès, dans le Diction­ naire apologétimif d< (a fol catholique, Paris, 1916, t. m, ■ ur< puram forment un bloc homng it · a ‘ i disjoindre. Surnaturel est ί p i ·. ncontcstable d’irénée; 2485 I IRENEE (SAINT) surnaturelle en conception dnns le sein virginal; donc surnaturel aussi, sauf preuve évidente du contraire, Je mode d’enfantement. Le sens très clair des adjectifs purus, puram, dicte l’interprétation de l’adverbe qu’ils encadrent. » Non seulement la < preuve évidente du contraire» n’existe pas; mais encore le commentaire du verset d’Isaïe sur l’enfantement virginal ct la place qu’Irénéc assigne Λ la naissance du Christ ex Virgine entre l’incarnation du Verbe ct le passion, la résurrection d’entre les morts ct l'ascension corpo­ relle. Cont.hier,, I. I, c. x, η. 1, col. 549, cc qui indique que ce sont là, pour lui, événements dc même ordre, également surnaturels, tout confirme que l'adverbe pure désigne la virginité de Marie in partu. Sans doute il y a les mots aperiens vulvam, qui, pris tels qu’ils sonnent ct Isolément du reste, feraient croire que la naissance du Christ a subi la loi commune. Mais il faut sc rappeler que les Pères, du iv* au vn siècle, habi­ tués à confesser très nettement la virginité in partu, sur laquelle on ne discutait plus entre catholiques, employaient sans aucun embarras la même expression, consacrée par Incitation dc Luc., n, 23; ils rattachaient à la loi de l’Exode, xm, 2,12, rappelée par saint Luc, la présentation au temple dc Marie, exempte, dans leur pensée, du rite purificatoire imposé aux mères Israé­ lites, mais qui voulut s’y soumettre. Pourquoi Irénéc ne serait-il point dans le même cas? Aurait-il tant appuyé sur la pureté transcendante de cct enfantement, purus pure puram, pour lui attribuer, tout dc suite après, la souillure légale commune? < A tout le moins, dît A. d’/Xlès, Dictionnaire apologétique de la foi catho­ lique, t. m, col. 202, une accumulation dc mots si extraordinaire nous avertit qu’il y a là une question réservée, que le texte présente une nuance délicate, ct qu’à y vouloir appliquer une exégèse brutale, nous le fausserons infailliblement. Ou l’adverbe pure ne signifie absolument rien, ou Irénéc a voulu faire en­ tendre que ccttc naissance ne ressemble pas à toutes les naissances. » Un mot seulement sur la sainteté dc Marie. Massuct n’a pas eu dc peine à démontrer, Dissert., III, a. 6, n. 69, col. 319, contre Grabe, qu’Irénéc ne taxe pas Marie d’imperfection, quand il écrit, à propos du miracle de Cana, 1. Ill, c. xm, n. 7, col. 926 : Properante Maria ad admirabile vini signum d ante tempus Dolente participare compendii poculo, Dominus, repellens ejus intempestivam festinationem, dixit... Le sens est que la demande dc Marie était prématurée : ne sachant pas l’heure marquée par le miracle, elle la croyait venue, ct intempestivam festi­ nationem répète l’idée contenue dans les mots : prope­ rante... ante tempus. 2. Marie mère des hommes. — Trois textes ou groupes de textes mettent en rJicf le rôle dc Marie. D’abord s^oflre à nous un parallèle entre Marie et Eve. \rolr Eve, t. v, col. 1652; Immaculée conception, t. vn, col. 859 861. Dc même que le Christ est le nouvel Adam, qui récapitule en lui l’humanité tout entière ct répare l’œuvre du premier Adam, Marie est l’Eve nouvelle, associée à la rédemption. Sa virginité s’accorde avec la mission du second Adam. · Comme le premier-né Adam a tiré sa substance d’une terre nouvelle et encore vierge, car Dieu n’y avait pas encore versé sa pluie cl l’homine ne l’avait pas encore travaillée, ainsi, en naissant de Marie qui était encore vierge, le Verbe, qui allait récapituler en lui Adam, a juste­ ment choisi la naissance d’Adam. » L. Ill, c. xxi, η. 10; cf. c. xvin, n. 7, col. 954-955, 938; Dem., c. xxxn, p. 684. Cc n’est pas tout. Marie a une part directe à l’œuvre rédemptrice. Il n’est pas exact, ainsi que l’avait prétendu Pusey, An Eirenicon, in a letter to the author of « The Christian year, » Oxford, 1865, p. 155-156, qu’Irénéc et les anciens Pères « parlent dc la sainte Vierge comme dc l’instrument de notre 2486 salut en ce qu’elle donna naissance au rédempteur » et uniquement en cela. Newman, dans sa lettre, à Pusey à l’occasion dc V Eirenicon dc ce dernier, nouvelle édition de la traduction parue sous ce titre · Du culte de la sainte Vierge dans Γ Église catholique, Paris, 1908, p. 54-56, montre que, pour Irénéc — et aussi pour Justin ct Tertullien — Marie ne fut pas un simple instrument physique de la rédemption, mais coopéra positivement à notre salut. Voici quel­ ques passages caractéristiques. U Ill, c. xxn, n. 4, col. 959 : « Comme Eve, ayant Adam pour époux, mais vierge encore, fut, par sa désobéissance, pour elle-même ct pour tout le genre humain, une cause de mort, inobediens fada, et sibi d universo humana generi causa fada est mortis, ainsi Marie, ayant un époux prédestiné ct cependant vierge, fut, par son obéissance, pour elle-même ct pour tout le genre hu­ main, une cause dc salut, obediens d sibi d universo generi humano causa fada est salutis, » Et, col. 959960 : · Le Seigneur est devenu le principe de ceux qui vivent, comme Adam était devenu le principe de ceux qui meurent. Ainsi Je nœud de la désobéissance d’Eve a été défait par l’obéissance dc Marie, car ce que la vierge Eve avait lié par son incrédulité la vierge Marie l’a délié par sa foi, quod enim alligavit virgo Eva per incredulitatem hoc virgo Maria solvit per fidem. > L. V, c. xix, n. 1, col. 1175-1176 : * De même que le genre humain a été lié à la mort par une vierge (Eve), c’est par une Merge qu’il est sauvé. Ainsi les plateaux sont en équilibre : la désobéissance virginale est contrebalancée par l’obéissance virginale; le péché du premicr-né est réparé par le premier-né; la prudence du serpent est vaincue par la simplicité dc la colombe, ct les liens sont défaits qui nous enchaî­ naient à la mort. > Massuct Ht la première phrase, d’après le Claro montanus ct d’autres manuscrits : Quemadmodum astrictum est morti genus humanum per virginem, salvatur per Virginem. Certains manuscrits portent : solvatur, au Heu dc salvatur, et c’est ainsi que la lisait saint Augustin, Contra Julianum, 1. 1, c. in, P. L., t. xuv, col. 644. La* sens est le même. Cf. encore Dem,, c. xxxm, p. 684-685. Dans cc dernier passage, Cont. turc., col. 1175; Dem., p. 685, un mot sc détache qui mérite qu’on s’y arrête un Instant : Et si ea (Eve) inobedierat Deo, sed hfte (Marie) suasa est obtdirc Deo, uti virginis Evre virgo Maria fleret advocata. Massuct, Dissert., Ill, η. 6, η. 65-68, col. 316-319, a vu, dans cc mot advo­ cata, le pouvoir d’intercession dc Marie au ciel. C’est vraisemblablement à tort. Advocatus emporte, dnns Irénée, soit l’idée de consoler, 1.111, c. ix, n. 3, col. 871, soit, plus souvent, celle de venir au secours, 1. III, c. xvni, n.7;c. xxm, n. 8; 1. IV.c. xxxiv,n.4,col.937. 965,1085. Cette dernière signification est la véritable : Mario est venue au secours d’Eve en réparant cc que la première femme avait détruit, Cf. E. Ncubert, Marie dans ΓÉglise anténicéennc, p. 263-26 I.Quc si l'original était « paniclct · au Heu d’« avocate, » comme l’ont supposé Grabe et plusieurs critiques, « on devrait se rappeler, fuit observer Newman, op. cit., p. 56, quand on nous accuse d’attribuer à la sainte Vierge les titres et Je rôle de son Fils, que saint Irénéc lui attribue le propre rôle ct le nom même du SaintEsprit. » (X O. Bardenhewer. Geschichte der altkirchlichcn Litcratur, 2* édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1913, t. î, p. 428. Irénéc. enfin, ne redoute pas dc parler de notre régénération par la mère du Christ, 1. IV, c. xxxm, η. 4. col. 1074-1075 : datam, quiv est ex Virgine per fidem, regenerationem; n. 11, col. 1080 : purus pure puram aperiens vulvam, eam qiur regenerat homines in Deum, quam ipse puram fecit; Dem., c. xxxm, p. 684. Cf. P. Galtier, L'évéque docteur : saint Irénéc 2487 IRÉNÉE (SAINT) de Lyon, dans les Études, Paris, 1913, t. cxxxvr, p. 215; La Vierge qui nous régénère, dans les Bccherchu de science religieuse, Paris, 1914, t. v, p. 136-145. A rencontre de Massuct, col. 1074, note, pour qui c’est l’Église qui, dans les deux phrases du Contra h.creses, est désignée comme la Vierge qui nous régénère, P. Galtier tient, Recherches, p. 136-139, que cette Vierge est la mère du Christ. Le passage parallèle de la Démonstration met hors de doute cette interprétation. Qu’elle soit en parfait accord avec renseignement de saint Irénéc sur la manière dont s’est accomplie notre restauration dans le Christ, c’est cc que P. Galtier prouve clairement. Si l’œuvre de notre régénération s’est consommée dans la mort ct la résurrection du Christ, elle a été commencée ù l’heure même de sa conception virginale. · Dans le Christ qui naît de Marie, c’est toute l’humanité qui renaît â la vie; par suite de la solidarité établie entre le Christ cl les hommes, sa conception et sa naissance â lui, c’cst déjà leur régénération à eux, > et donc la mère qui l’enfante les régénère. En acceptant de devenir la mère du nouvel Adam, « Marie a engendré à la vie tous ceux qui la recouvrent en lui ct avec lui. » P. 141,143. Cf., entre autres textes, I. III, c. χιχ, η. 1 ; 1. IV, c. xxxni, n. 4 ; J. V, c. ï, n. 3, col. 938-939,10741075, 1122-1123. « Toute cette théologie mariale complète heureusement la doctrine du Verbe incarné ct rédempteur. > Saint Irénée, dit A. d’Alès, Diction­ naire apologétique Uni, col. 160, l’emporte sur scs contemporains ct ouvre à la pensée chrétienne des voies fécondes; il est vraiment, en même temps que le premier théologien de la rédemption, le premier théologien de la Vierge mère. > J. II. Newman. Certain difficulties felt by Anglicans in catholic leaching considered in a letter to the Beu. E. B. Pusey on occasion o/ his Eirenicon of 1861, nouv. édit., Londres, 1900; trad, par G. du Pré de Saint-Maur, sous ce titre : Du culte de la sainte Vierge dans l'Église catholique, Paris, 1866 ; nouv. édition do la traduction revue ct corrigée par un bénédictin (dom H. Cottincau), Paris, 1908, p. 48-59, 212214 ; A. Kiguct, Les principales dates de la vie de saint Irénée. Sa théologie mariale, dans les Annales de philosophie chré­ tienne, Paris. 1905. VP série, t.vi.p. 111-125; A. d’Alès, Pour Phonneitr de Notre-Dame, dans les Études, Paris. 1908, t. exiv, p. 462-464 ; Dictionnaire apologétique de ta fol catho­ lique, Paris, 1917. Lin. col. 159-160,201-202; E. Ncubcrt, Marie dans VÉglise anténicéenne, Paris, 1908, p. 19-21, 9194. 124-130, 172-173. 215-215. 241-247, 2G3-267. Voir, en outre, les ouvrages indiqués à la bibliographie de Ncubcrt, p. xiv-xv. V. LE SALUT, — 1° Les moyens de salut. — 1. La grâce. — a) Nécessité de la grâce. — Le salut des hommes a été voulu de Dieu. I.. IV, c. xiv, n. 2, col. 1011. Détruit par le péché, il a été rendu par le Christ rédempteur, quia per semelipsos non habebant salvari. L. Ill, c. xx, n. 3, col. 914; ct. Dcm., c. xcvn, p. 728. Il nous est conféré par le Saint-Esprit, et par sa grâce, qui s’épanouira en gloire. Cont. hœr., I. V, • c. vm, η. 1 ; c. ix,n. 3, col. 1141-1142, 1145. Cf. L. Atzberger, Gcschichte der christlichcn Eschatologie innerhalb dcrvornicânischenZeit, l7ribourg-cn-Brisgau, 1896, p. 231-233. Irénéc affirme la nécessité de la grâce, implicite­ ment ct explicitement, dans tout cc qu’il dit de l’œuvre rédemptrice ct du Verbe incarné, hominis antiquam plasmationem in se récapitulons, ut occideret ejusdem peccatum, evacuaret autem mortem et vivificaret hominem. L. 111, c. xvm, n. 7, coi. 938; cf. le contexte, ct c. xx, n. 2-3, coi. 943-94 t : quoniam non a nobis sed a Det adjumento habuimus salvari, qu’il conclut de Kom., vu, 21-25. Comment en serait-il autrement ? La vie de Dieu ne peut être donnée à l’homme que par Dieu. Cf. 1. III, c. xvn, n. 2-3, col. 929931. Aussi implorc-t-il la grâce de Dieu, pour résoudre les difficultés qu’opposent les gnostiques. L. I, præf., n. 2; 1. II, c. xxvm, n. 3; 1. III, c. vî, n. 4, col. 444, 806, 862-863. Sur les dons du Saint-Esprit, voir l. iv. col. 1756. b) Les charismes. — Avec la grâce qui vivifie ct rend capable d’accomplir les œuvres de salut, il y a les charismes, les gratiæ gratis dalæ des théologiens. Ils étaient communs aux origines de l’Églisc; Irénée rapporte qu’ils n’étaient pas inconnus de son temps. Cf. 1. I, c. xm, n. 4; 1. II, c. xxxn, n. 4; 1. Ill, c. xi, n. 9; c. xxiv, η. 1 ; 1. IV, c. xxvi, n. 5; c. xxxvu, n. 2; I. V, c. vî, η. 1, col. 585,829,891,966,1056,1101,1137. On sait la grande place des charismes dans le système montaniste, ct l’on connaît, l’intervention des martyrs lyonnais dans la crise montaniste. .Sur cc fait les di­ vergences d’appréciation ont été profondes. Plusieurs critiques ont admis une approbation formelle du mon­ tanisme par les Églises des Gaules. D’autres croient û une désapprobation expresse. D’autres enfin adop­ tent un moyen terme : approbation mitigée ou cri­ tique adoucie. Cf., sur les tenants de ces diverses opinions, P. de Labriolle, La crise montaniste, Paris, 1913, p. 221, n. 3. Les premiers arguent du choix du négociateur chargé de porter au pape Élcuthèrc les lettres des martyrs. Irénéc, disent-ils, était l’ami des solutions bénignes, ct le Contra hœreses témoigne de ménagements extrêmes à l’égard du montanisme et même de certaines affinités doctrinales avec lui. P. de Labriolle, op. cit., 1. II, c. ï, a repris l’examen de la question, ct conclu, p. 213, que les martyrs de Lyon désapprouvèrent très nettement le mouvement montaniste, < mais sans colère, sans appel aux sévé­ rités de la hl r i·, hic, dans un esprit de pacification. Eusèbe qv drile Jeux consultation de · pieuse ct très orthodo .- i t il n’aurait pa: décerné « un tel brevet donnant g Un do cause aux partisans ■ aoiuygi» n, lui qui Je jugeait d’essence 2489 IRÉNÉE (SAINT) démoniaque. · Quant au jugement d’Irénéc, P. de Labriolle étudie, p. 231-240; cf. Les sources de Γ histoire du montanisme, Fribourg, Paris, 1913, p. 6-8 (texte ct traduction), le texte capital du J. ill, c. xî, n. 9, col. 890-891. Cc texte controversé lui parait exiger une correction, qui, « paléographiqucmcnt, n’a rien de choquant » ct que la structure de la phrase, le parallé­ lisme des deux exemples cités, Ja suite du raisonnement, l’esprit général du morceau, imposent d’une façon évidente. Là où les éditions portent : infelices utro qui pseudopropheta: quidem esse volunt, propheticam vero gratiam repellunt ab Ecclesia, le texte véritable serait : qui pseudoprophetas esse nolunt. Il ne saurait être question, dans cc passage, quoi qu’on en ait dit, des montanistes, qui ne rejetaient pas l’Évangilc de saint Jean, ct, loin d’exclure la grâce prophétique, l’exaltaient outre mesure, ni des ophites, dont les doctrines exposées ailleurs par Irénéc ne cadrent pas avec celles qui sont indiquées ici. Irénéc viserait les a loges; contre eux il se poserait en champion du cha­ risme prophétique, et le sens de son admonestation serait que cc n’est pas une raison, parce qu’il y a de faux prophètes, pour récuser toute prophétie, de même que ce n’est pas une raison, parce qu’il y a des hypocrites, pour récuser les lois de la confraternité chrétienne. Ci. Dem., c. χαχ-c, col. 730-731. L’argu­ mentation de P. de Labriolle est Impressionnante. En tout cas, rien, dans cc chapitre, ne trahit une sympathie spéciale à l’endroit du prophétisme montaniste; rien, à plus forte raison, ne laisse découvrir une adhé­ sion implicite. Et volontiers en dirait-on autant du Contra hœreses tout entier. Un adepte du montanisme n’aurait pas excité les catholiques contre les faux prophètes, 1. IV, c. xxxni, n. 6, col. 1076, en un temps où les catholiques dénonçaient le mensonge de la prophétie montaniste. Il n’aurait pas stigmatisé les schismatiques, 1. IV, c. χχχηι,η. 7, col. 1076, alors que l’attitude de l’Églisc tendait à acculer les monta­ nistes au schisme. 11 n’aurait ni expliqué le rôle du Paraclet sans nommer celui en qui on voulait que le Paraclet sc fût incarné, 1. III, c. xvn, n. 2-3, col. 930, ni cité avec honneur le Pas/eurd* Hermas, 1. IV, c. xx, n. 2, col. 1032, suspect aux montanistes à cause de certaines de ses indulgences. Aussi Tertullicn, énumé­ rant ceux qui, avant lui, ont combattu l’hércsie gnostique, Adversus Valentinianus, c. v, P. L., t. n, col. 548019, mentionne-t-il le montaniste Proculus, Proculus noster, et, immédiatement avant. Irénéc omnium doctrinarum curiosissimus explorator, sans insinuer qu’il le considère comme sien. Cf. P. de Labriolle, op. cit.. p. 241-212. c) Un iversalité de ta grâce.— Le salut est pour tous; Dieu est « le Dieu de tous.* Dcm., c. vin, p. 665. Le Christ est venu pour sauver tous les hommes : omnes enim venit per semetipsum salvare..., ideo per omnem venit n t Dans cette histoire Irénéc distingue. 1. Ill, c. xi, n. 8, col. 889-890, par parallélisme avec les quatre Évangiles, une quadruple < disposition » ou économie divine, quatre testaments, d’Adam, de Noé, de Moïse, du Christ. A Adam, Dieu donne la loi naturelle, formulée dans le décalogue. Irénée ne parle guère du testament de Noé. Cc qu’il a de plus explicite se lit, Dem.. c. xxn, p. 675-676. Sa caractéristique est, avec l’engagement de Dieu de ne plus détruire par un déluge cc qui naîtrait sur la terre, la permission de se nourrir de la viande interdite Jusqu’au déluge. N'était qu’il a voulu que l’Évangilc tétramorphe eût sa correspondance dans · une dispo­ sition tétramorphe du Seigneur, » col. 890, il n’aurait sans doute pas distingué les testaments d’Adam ct de Noé. Au point de vue du salut, il les confond, 1. IV, c. xm, n. 2; cf. c. xxxm, n. 4, col. 1016-1017, 1093, mettant sur la même ligne omnis multitudo eorum qui ante Abraham fuerunt justi et eorum patriar­ charum qui ante Moysem fuerunt, coi. 1017. Et il ne compte que trois temps. 1. IV, c. xxxm, n. 2, coL 1091 : celui de la plasmatio Adsr et de Yelectio Patrum; celui de la législation mosaïque, qu’il appelle · le milieu des temps, > Dem., c. vin, p. 665; Cont. hxr., 1. 111, c. xxiv, η. 1 ; 1. IV, c. xxv, n. 1, col. 966,1051; celui du Christ, qu’il nomme, avec ΓÉcriture, les anciens au­ teurs ecclésiastiques ct les gnostiques, · la plénitude des temps, · « la fin, > « les derniers temps. » Cont. lurr., L I, c. vm, n. 2; c. x, n. 3; 1. IV, c. xxn, η. 1 ; c. xxv, η. 1 ; c. xxxin. n. 15; 1. V, c. xv, n. 4, col. 524, 557, 1016.1051,1083,1166, etc. ;Dem.,c. xxn, xxx, lxxxix, p. 676, 683, 723. La législation mosaïque aggrave, pour les Juifs qui ont oublié Dieu cl se sont révoltés contre lui, la loi naturelle. Cont. lurr., 1. IV,c. xv-xvi, col. 10121019; Dem., c. vm, xxvi, xxvm, p. 665, 680, 682. Quant aux gentils, non soumis à Ja loi mosaïque, on pourrait croire qu’Irénéc considère leur salut comme impossible, ù lire Dcm., c. lxxxix, p. 723 : · Avant la vocation des gentils, c’était un désert aride; le Verbe n’avtül pas encore passé parmi eux; l’Esprit- 2491 IRÉNÉE (SAINT) Saint ne les avait pas encore abreuvés* » Mais cc texte contredit ce qui sc lit un peu partout ailleurs : que Jésus-Christ n'est pas mort seulement pour scs contem­ porains ct ceux qui naissent sous l'ère chrétienne, mais pour les homines de toutes les générations, « pour tous ceux, sans exception, qui dés le commencement, par son secours, craignirent ct aimèrent Dieu, pra­ tiquèrent la justice ct la bonté envers le prochain, désirèrent voir le Christ ct entendre sa voix, » que « le même Dieu dirigea les patriarches en ses desseins et justitia les circoncis ct les incirconcis. > Cont. hær., 1. IV,c.xxn,n.2;cf.c.xiv,n.2,col. 1017, Î011 ;De/n., c. lvt, p. 702; cf. L. Capéran, Le problème du salut des infidèles. Essai historique, Paris, 1912, p. 69-70, 512. Pour les mêmes raisons il semble conforme Λ l'esprit d’Irénéc d’admettre le salut des infidèles de bonne fol après le Christ. Les païens qu’il écarte du salut sont ceux qui ne voulurent point voir la lumière de la vérité, neque lumen veritatis videre voluerunt, sed si­ cut mures cæcl absconditi in profundo sapientiæ. L. V, c. xxix, η. 1, coi. 1201. Il dit que Dieu < est le Dieu de tous · ct que, pour les gentils comme pour les juifs ct les croyants, il est < Providence, (Père) nourricier, roi ct juge. » Dem., c. vin, p. 665. Ji parle des préceptes de la loi naturelle, per quæ homo justificatur, quæ etiam ante legisdationem custodiebant qui fide justificabantur et placebant Deo. Cont. hær.,1. IV, c. xm, n. 1, coi. 10061007. N'cst-cc pas, en germe, la thèse développée dans la suite par les théologiens, que l'observation de la loi naturelle, suffisante pour tous avant la loi mo­ saïque, est restée suffisante pour les infidèles et après Moise ct après l’Évangilc? Le difficile est d’cxpliouei comment ccs infidèles peuvent atteindre au minimum de fol indispensable au salut et, selon l'expression d'Irénée e désirer de voir le Christ et d'entendre sa voix. > L’accord n'est pas encore fait là-dessus entre théologiens. 11 n'est donc pas étonnant que saint Irénée n’offre pas une solution définitive. Voir, plus loin, son opinion sur la descente du Christ aux enfers, en cc qui concerne les justes morts avant lui. Reve­ nons aux croyants*. Dans les derniers temps, le Christ est apparu. A la loi de crainte a succédé la loi d’amour. Les géniteurs ont été des enfants. La vocation des gentils, annoncée par les prophètes, a eu finalement sa réalisation : « à ceux qui croient, qui aiment le Seigneur ct qui vivent dans la sainteté, la justice ct la patience, le Dieu de tous accordera la vie étemelle par La résurrection des morts, ct cela en vue des mérites de celui qui est mort et ressuscité, Jésus-Christ. > Dem., c. xu; cf. i.xxxvi-xcvu, p. 690, 720-729; Cont. hær., 1. IV, c. jv, vm-ix, xm, coL 981-983, 993-999, 1006-1010, etc. Cc que le Christ a apporté ce sont moins des vérités nouvelles— Irénée minimise les nou­ veautés dogmatiques du Nouveau Testament — que de nouvelles richesses d’amour, de nouvelles effusions de grâces. Quid igitur Dominus attulit veniens? Cogno­ scite quoniam omnem novitatem attulit, semetipsum afferens,qui fuerat annuntiatus... Semetipsum enim attu­ lit, et ca quæ prædicta sunt bona, in quæ concupiscebant angeli intendere, donavit hominibus. L. IV, c. xxxiv, n. 1, coL 1083, 1084. CL, entre autres textos, 1. IV, c. xi, n. 3, 4; c. xxxvi, n. 4, coi. 1002-1003, 1094 : majorem donationem paterna gratiæ per suum adven­ tum effudit in humanum genus. Plus de grâce, c’est plus de facilité pour le salut; mais c'est aussi plus d’invitation à aimer, plus de responsabilité, une obli­ gation morale plus impérieuse, ct, pour les contemp­ teurs de l'avènement du Christ, pour ceux qui meu­ rent dans leur péché, une punition plus sévère. L. IV, c. xm, n. 3; c. xxvn, n. 2-4; c. xxvm; c. xxxvi, n. 4, coL 1009, 1058-1063, 1093. De même que sa doctrine de la récapitulation a conduit saint Irénéc à considérer comme une vérité 2492 catholique le salut d’Adam, père du genre humain, I. I, c. χχνπι, η. 1 ; 1. III, c. xxm, col. 690, 960-965, de même qu'elle l'a jeté dans ia chimère millénariste, clic devrait, en bonne logique, aboutir à la théorie du salut universel, toujours, dans cc dernier cas ainsi que dans les précédents, nu nom de l'honneur de Dieu, qui sc doit à lui-même de faire triompher scs desseins ct de ne pas céder nu mal. Mais, dit P. Beuzart, Essai sur la théologie d'Irénée, Paris, 1908, p. 110, < l'instinct ecclésiastique, In règle de foi, la tradition, l’évêque enfin, l’empêchent d'aboutir à la conclusion logique. > Irénée professe qu'il y a des damnés. Godts, De pau­ citate salvandorum, 3· édit., Bruxelles, 1899, le range même parmi les partisans du petit nombre des élus; mais les textes qu'il allègue à l'appui de ccltc opinion ne sont pas probants. Voir Élus (Nombre des), t. iv, col. 2364, 2369. Et Irénéc admet, 1. II, c. xxvni, n. 7, col. 809, que, si des créatures transgressent la loi de Dieu, quædam, imo plurima, perseveraverunt et perse­ verant in subjectione ejus. K. Passnglln, De partitione divina voluntatis in primam et secundam deque universali reparati ordinis amplitudine, c. cxvn-cxxi, dans ses Commentar, théologie., part. Ili, Rome, 1851, p. 276-291; J. Korhcr, Sanctus Ircnirus de gratia sanctifteanfr, Bamberg, 1866; L. Atzbcrgcr, Geschichte der chrlslUchcn Eschatologie innerhalb dcr vornicanischtn Zeti, Fribourg-cn-Brisgau, 1896, p. 231-236; L. Fonde, /rendus uber die Sprachcngabe, dans la Zeitschrift fur die katholtsche Théologie, Inspruck, 1895, t. xix, p. 377-380; P. de Labrlollc, La crise montanistc, Paria, 1913, p. 207-211. 2. Les conditions subjectives du salut. — Sauvés par les mérites du Christ, nous ne le sommes pas sans des dispositions personnelles, qui se ramènent à deux: la foi et l’amour avec ses œuvres, «l’unité simple de la fol et de la charité.» Dcm., c. i.xxxvn; cf. xu, lxxxix, xcv, p. 721, 690, 723, 726-727. a) La foi. — a. Nécessité de la foi. — Elle est expli­ citement indiquée à propos de la foi d'Abraham : fides enim, quæ est ad Drum altissimum, justificat hominem. L.iv,c. v,n.4,5;c.xxvm; 1. V,c. xxxn,n.2, col. 985,1061-1063,1211,etc.; Dem.,prol.,notamment c. n, p. 660 : « L’homme étant un é‘rc vivant, com­ posé d'une âme ct d’un corps, il est juste ct nécessaire de tenir compte de ccs deux éléments. Et, comme de ccs deux côtés peuvent provenir des chutes, on dis­ tingue la sainteté du corps, consistant dans la conti­ nence, qui réprime tous les appétits honteux et proscrit tous les actes mauvais, ct la sainteté de l'âme, laquelle consiste dans l’intégrité de la foi en Dieu, sans y rien ajouter ni en rien retrancher; » c. m, p. 662 : « Comme l'affaire de notre salut dépend de la foi, Il est juste ct nécessaire que nous mettions tous nos soins à la défendre; » c. xxxv, xr.m, p. 686, 725, etc. Cf. ce qui a été dit, plus haut, de l'unité de l’Église ct des hérétiques. b. La notion de la foi. — «Si nous prenons hi notion de la fol que nous a laissée la réformation, ct qui se décoinixjsc en notitia, assensus ct fiducia, dit P. Bcu­ zart, Essai sur la théologie d'Irénéc, Paris, Î908, p. 125, nous voyons que, chez Irénée, la foi ne comprend guère que les deux premiers éléments ct que c'est la notitia qui l’emporte. Lu fol est, avant tout, créance. » La fol est, en effet, avant tout, un assentiment à la vérité révélée par Dieu, annoncée par les prophètes, établie par le Christ, transmise par les apôtres ct offerte par l’Église à scs enfants; or · en toutes choses ilestju · «aire de croire à la . >>lc de Dieu, car Dieu est véridique en tout. » Dcm., c. m, xun, ? · vm, p. · 62, 691,730. i a volonté a sa part dans l’acte de fol 1 née 1 affirme dans une formule qui, ά pre: I m· ; -mbitt a p· h nne, L IV, c. xxxix, n. 2, i >feu) quod est Ilium, f r f dem m cum cl iUbftcUonem, recipies ejus artem 2493 IRÉNÉE (SAINT) 2494 et eris perjectum opus Det. Le contexte Immédiat ct I consensu Patrum de sola fide justificante, cité par les pages qui précédent montrent qu*Irénéc entend P. Fcunrdcnt, P. G., t. vm, cot 1599, dans saint par là seulement que la foi est libre. Cf. c. xxxvn, n. 3, Irénéc · la connaissance» la fol cl les œuvres sont étroicol. 1101 : De us adhortaris nos ad subjectionem sibi et tement unies... Ιλ foi ct l'action sont également indlsavertens ab incredulitate, non (amen de violentia cogens. ! pensables au salut. » P. Beuzart, Essai sur la théologie Et, η 5, coL 1102 : Et non tantum in operibus sed etiam d’Irénée, p. 127. Citons 1. IV, c. vi, n. 5, col. 989 : in fide liberum ct sine potestatis arbitrium hominis Crcdcre cl(h Dieu) est jacere ejus voluntate rrL C. xxvm» servavit Dominus. Irénéc n’a garde de méconnaître le η, 3, col. 1063 : Quibus ergo est (le Christ) odor mortis rôle de la grâce dans la possession de la fol. La foi est in mortem nisi his qui non credunt neque subjecti sunt un don de Dieu» Dei munus, 1. HI, c. χχιν, η. 1 ; cf. Verbo Dei ? C. xxxm, n. 15, col. 1083 : Qui credunt Deo I. IV, c. XXIX, η. 1 ; c. xxxix, n. 3, col. 966,1063-1064, et sequuntur Verbum ejus percipiunt eam quæ est ab eo salutem; qui vero abscedunt ab eo, et contemnunt præ1110-1111. c. Le progrès de la connaissance de la jol. — La foi cepta ejus, et per opera sua inhonorant eum qui se jecit..., est assent huent et connaissance. Par suite de sa théorie justissimum adversus se coacervant judicium. C. xu, sur l’inspirât ion des livres de l'Ancien Testament, coL 1116,1117 : Apud Deum qui nonobtdiunl ei, abdi­ Irénéc avance que, non seulement la vie, mais encore cati ab eo, desierunt filii ejus as e... Verum, quando la doctrine entière du Christ sont annoncées par les credunt et subjecti esse Deo perseverant, et doctrinam prophètes. L. IV, c. xxxiv, n. 1, col. 1083. Souvent ejus custodiunt, filii sunt Dei. Dem., c. π-m, p. 660-662 : il parle d*Abraham ct de sa foi, à cause de Joa., vm, 56, « C'est la foi qui mène ù l’action. » Voir encore les textes ct de Rom., iv, 3, cités ensemble, 1. IV, c. v, n. 3, sur le Christ confirmant ct étendant les prescriptions col. 985; il appelle Abraham patriarcha nostrx fidel de la Jol naturelle, I. IV, c. xm: c. xvi, n. 5; c. xvni, et veut que una cl eadem illius ct nostra sit fides, n.3; c. xxvm, n. 2-3, col. 1006-1010,1019,1025-1026, c. xxi, n. 1, col. 1013, 1011. Non moins souvent il 1062-1063. Toute la morale d’Irénée pourrait être proclame que, dès le commencement, le salut ne fut étudiée à cette place. Voir, sur le décalogue, L iv, possible que par le Verbe, qu’Abraham suivit le Verbe, i coL 167, 169; sur les idolothytes, t. vn, col. 679, que les apôtres le suivirent ct que nous aussi, qui sur le carême, t. n, coL 1725; sur le jeûne, un avons la même foi qu’Abraham ct les apôtres, nous passage obscur de la lettre à Florinus, P. G., t. vu, suivons le Seigneur, ocr quem ipse quoque, et omnes coL 1229; cf. 2018; sur divers reproches faits par qui similiter ut ipse cralidit credunt Deo, salva ri inci­ Barbeyrac, Traité de la morale des Peres de l’Église, perent. L. IV, c. v, n. 3-5, col. 985-986. Il semblerait, Amsterdam, 1728, à la morale d’Irénée, Bcrgicr, dès lors, qu’il n’y n pas ù parler du progrès de laconnais- Dictionnaire de théologie, Toulouse. 1819, t. iv, p. 352sancc de la foi. Pourtant Irénée en parle. Le Christ 353, 613-614. Sur l’interdiction de la prière à genoux est partout dans les Écritures, inseminatus est ubique le dimanche, dont il pariait, d'après le pseudo-Justln. in Scripturis ejus Filius Del, 1. IV, c. x, n. l,col. 1000; Responsiones ad orthodoxos, c. xv, P. G., t. vi, coL c’est un trésor déposé dans les Écritures, mais caché, 1364, dans son livre De la Pâque, cf. H. Dumalne» unde non polecat hoc quoi secundum hominem est tn- art. Dimanche, dans le Diction, d’archéologie chrétienne lelligi priusquam consummatio eorum qua consummata ctde liturgie, Paris. 1920, t. iv, coi. 959. D’autre part sunt veniret, quæ est adventus Christi. La prophétie n’a Dcm.,c. xevi, p. 728.«La Loi... n’a pas à commander un sens clair qu après l'événement qui la réalise. de chômer un jour fixe à celui qui observe chaque jour Thesaurus est absconsus in agro, cruce vero Christi le sabbat, > continue ce que nous savions par ailleurs, revelatus est, et explanatus, ct ditans sensus hominum, cf. IL Dumaine, loc. cit. coL 943, à savoir que le rt ostendens sapientiam Dei, et eas quæ sunt erga homi­ chômage du dimanche n'étnit pas encore d’un usage nem dispositiones ejus manijestans. C. xxvi, n. 1, général;cf.Cont. tucr.fl. lV,c.xvi,n. l.col. 1015-1016: coi. 1052» 1033. Avec le Nouveau Testament l’objet Cf. encore Dumaine, col. 925, sur les œuvres sen lies de la fol s’est donc augmenté : in Novo Testamento prohibées le jour du sabbat. Sur l’esclavage, voir t. v, quæ est ad Deum fides hominum aucta est, additamentum col. 464. b. L’amour. — Les œuvres, pas plus que la fol, ne accipiens Filium Dei. C. xxnu, n. 2; cf. c. xm, n. 1 ; c. xxxm, n. 14, coi. 1061-1062, 1007, 1082. L'accrois­ doivent aller sans l’amour. Le grand commandement sement de la foi ne consisterait, en conséquence, qu’en est d’aimer. Dcm., c. xcv, p. 727; Cont. hær., I. IV, deux points : croire que le Christ est venu, et atteindre c. xn, n. 3-5, coL 1017-1019. Le salut est pour les la connaissance des vérités cachées dans l’Ancien justes et præcepta ejus servantibus, ct in dilectione ejus perseverantibus, quibusdam quidem ab initio, quibus­ Testament. Un texte d’Irénée, 1. Il, c. xxvm, n. 3, coL 806, dam autem ex pænilcnlia. L. 1, c. x, n. 1, coi. 551. Et paraît entendre 1 Cor., xm. 13. de la permanence, dans Dcm., c. m, p.G6l : « Tel ne sera pas notre sort (il vient le ciel, de la foi et de l’espérance, ainsi que de la charité. de parier des hérétiques) si nous axons une règle de fol Le contexte montre que la foi n’implique pas ici obscu­ inaltérable, et si nous observons les commandements rité ni l’espérance absence de l'objet, mais seulement, de Dieu, croyant en lui, le craignant parce qu’il est dit Massuct, Dissert., ill, a. 8, n. 107, col. 361, que maître, l'aimant parce qu’il est pere. » Le résumé de altera firmus est rebus cognitis assensus, altera certa in la Loi nouvelle, continuation et perfectionnement de la Loi ancienne, est ic suivant, 1. IV, c. xm. n. 4, Deum fiducia. b ) L'amour cl ses oeuvres. — a. Les œuvres. — La foi col. 1009 : assentire Dco, cl sequi ejus Verbum, cl super Justice, non la foi seule, mais la foi ct l'obéissance, omnia diligere eum. ct proximum sicut scipsum, homo la foi ct les œuvres. Les gnostiques prétendaient que autem homini proximus, et abstinere ab omni mula ope­ les bonnes œuvres, inutiles pour eux spirituels, étaient ratione. Cf. 1. Ill, c. xx, n. 2; 1. IV, c. vi, n. 2; c. xn, nécessaires pour les chrétiens orthodoxes qu’ils quali­ n. 2; c. xxvi, n 1, 5; c. xxvui, n.2, 3; c. xxxiu» n. 7; fiaient de psychiques. Cf. 1. I, c. vi, n. 4 ; c. xxv, n. 5, c. xxxvn, n. 7; 1. V, c. m, n. 1, coi. 9 (3, 987, 1001col. 512, 685. Et Simon le magicien aurait enseigné 1005, 1053, 1056, 1062, 1063, 1076, 1104, 1129, etc.; secundum ipsius gratiam salvari homines sed non secun­ Dem., c. Lxxxvn. lxxxix, p. 722, 723 : · C’est par ia dum operas justas, c. xxm, n. 3, coi. 672. Cf. E. de have, fol et l’amour envers le Fils de Dieu qu’il faut désor­ Gnostiques et gnosticisme. Élude critique des documents mais vivre d’une vie nouvelle avec l’aide du Verbe. > du gnosticisme chrétien am IP elHV siècles, Paris. 1913, Tout cc langage est d’un authentique disciple de saint p. 10, 34, 106. 391-896, 109-410. Quoi qu’en ait dit le Jean. Irénée qui estime tant la connaissance déclare, protestant Hermann Humehnann, De unanimi J. IV, c. xxxm, n. 8. col. 1077-1078, que l’amour est 2495 IRÉNÉE (SAINT) meilleur, ot,c. xn, n. 2, col. 1005, que sans l’amour (out est vain et inutile, dilectionem vero perficere per­ lectum hominem, et eum qui diligit Deum esse perlectum et in hoc avo et in futuro. Nunquam enim desinimus diligentes Deum; sed, quanto plus eum intuiti fuerimus, tanto plus eum diligemus. L. Atzbcrgcr, Geschichte der chrlstlichcn Eschatologie tnnerhalb der uarnlcanischen Zeli, Fribourg-cn-Brisgau, 1896. p. 221-231 ; V. Ammunscn. The rule of truth In Ire­ naeus, dan* The journal o/ theological studies, Cambridge, 1912, t. χιπ,ρ. 574-580. 3. Les sacrements. — La doctrine des sacrements est relativement cflacée dans la théologie d’Irénée. Il en dit assez pour montrer qu’il · leur donne une grande Importance » ct qu’il admet · trois moyens d'appro­ priation du salut : le salut par la foi, le salut par les œuvres et le salut par le rite. Ccs trois moyens ne sont pas exclusifs l'un de l’autre, n’opèrent que dans l’Église et avec son concours. » P. Bcuzart, Essai sur la théologie d'Irénée, p. 128, 121. La grâce sauve ceux qui ont les dispositions requises, ct les sacre­ ments communiquent la grâce. Quant au mot < sacre­ ment, > on ne sera pas surpris qu'Irénée lui prête seulement Je sens d'opération mystérieuse. L. II, c. xxx, n. 7 ; 1. 1V, c. xxxv, n. 3, col. 820, 1088. E. Re nan, Marc-Auréie cl la fin du monde antique, 3° édit., Paris, 1882, p. 144, a prétendu que les sacrements furent en grande partie la création des gnostiques. Irénée signale certains rites gnostiques qui ont des analogies avec le baptême, la confirmation, l’cucharistic, l’extrême-onction, mais ne laisse pas supposer que les sacrements de l’Église en dépendent d'aucune façon. a) Le baptême. — Irénée s’occupe du baptême sur­ tout à l’occasion du baptême et dc la rédemption des gnostiques, qui sont, à scs yeux, une invention de Satan ad negationem baptismatis, ejus quæ est in Deum regenerationis et universæ fulci destructionem. L. I, c. xi, n. l,col. 658. T.Bamcs, A study on the rnarcosian heresy, dans The journal o/ theological studies, Cam­ bridge, 1906, p. 394-411, a vu dans la formule baptis­ male adoptée par les marcosiens ct rapportée par Irénée, 1. I, c. xxi, n. 3, col. G61, une contrefaçon de la formule catholique, laquelle aurait eu, en consé­ quence, six membres, affirmant le Père, le Fils, le Saint-Esprit, une Église, la rémission des péchés, la communion des saints, U. Mannuccl, Hivista storicocritica dclle science teologiche, Rome, 190G, t. n, p. 70G, a objecté que, dans la fonnulc marcosienne, l’unité, la rédemption et la communion sont des concepts étroitement liés ct sc réfèrent tous au même sujet, εις ένωσιν καί άπολύτρωΦ.υ καί κοινωνίαν των δυνάμεων, tandis que, dans notre symbole, clics sc réfèrent à des sujets différents, l’unité à l’Église, la rémission aux péchés ct la communion aux saints. Nous avons dit, ù propos dc la règle de fol, que le canon baptismal connu d’Irénée pourrait bien avoir été conservé dans la Démonstration de la prédication apostolique, c. m, p. 662. Cf. Cont. hær., L III, c. xvn, η. 1, coL 929. Irénée indique la matière, le sujet, les diets du bap­ tême. La matière est l’eau. Cf. Dcm., c. xu, p. G90, ct, sur la matière du baptême gnostique, Cont. har., L I, c. χχι, n. 3, 4, col. G61, GG4. Les enfants peuvent recevoir le baptême; Irénée le suppose, 1. Π, c. xxn, n. 4, coL 784; cf. L V, c. xv, n. 3, col. 1166, quand il dit que le Christ est venu sauver tous les hommes, omnes, inquam, qui per eum renascuntur in Drum, in­ fantes, cl parvulos, et pueros, et juvenes, cl senlores. Or, ' c'est par le baptême que se produit cette régénération. Donc le baptême est pour les enfants comme pour les adultes. Le baptême, en effet, régénère, remet les I péchés, purifia le corps ct l'âme, fait l’homme enfant j 2496 dc Dieu, lui donne le Saint-Esprit. L. III, c. xvn, n. 1-2, col. 929-930; Dcm., c. m, vn, xui, p. 662,664G65,691. Cf. P. G., t. vn, col. 1248, le fragment xxxv. Les gnostiques admettaient l’efficacité régénératrice de leur baptême. Cf. i. 1, c. xxi, n. 2, col. G58-659. Sur le baptême par le feu ct le baptême pour les morts, voir t. n, col. 355-362. b) La confirmation. — Voir Confirmation, t. in,· col. 1028-1029; Chrême (Saint), t. n, col. 2396, 2403. c) L'eucharistie. — Voir Eucharistie, t. v, col. 11281130; Eucharistiques (Accidents), t. v, coi. 13701371 ; Épiclèse, t. v, col. 233. d) La pénitence. — La pénitence est nécessaire aux pécheurs. Irénée distingue deux catégories dc sauvés : les uns n'ont jamais perdu la vie de la grâce, les autres l’ont recouvrée par la pénitence. Cf. 1. I, c. x, n. 1; 1. IV, c. XL, n. 1 ; I. V, c. xi, η. 1, col. 552, 1112,1159. Quant ù ceux qui persévèrent dans les opérations dc la chair, dans l’apostasie, c'est-à-dire dans l’in fidélité à Dieu, le feu éternel les attend. Cf. 1. Ill, c. xiv, n. 4; c. ΧΧΙΓΙ, n. 3; 1. V, c. xi, η. 1 ; c. xxvr, n. 2, col. 917, 9G2,1150,1194, 1195. Y a-t-il des péchés irrémissibles endroit? On pourrait le croiresi on lisait superficielle­ ment, 1. IV,c.xxvni,col. 1056-1061 .les pages où Irénée rapporte les paroles d’un presbytre qu’il avait entendu ct qui avait lui-même entendu des contemporains des apôtres. Cc presbytre disait que les péchés commis avant le Christ curent leur guérison ct leur rémission dans la mort du Christ, niais que propter eos vero qui nunc peccant Christus jam non morietur, sed veniet Filius in gloria Patris, exquirens ab adoribus et dis­ pensatoribus suis pecuniam quam eis credidit, cum usuris, et quibus plurimum dedit plurimum ab eis exiget; non debemus ergo, inquit ille senior, superbi esse neque reprehendere veteres, sed ipsi timere, nc forte, post agnitionem Christi agentes aliquid quod non pla­ ceat Deo, remissionem ultra non habeamus delictorum, sed excludamur a regno ejus. Faut-il en conclure que certains péchés ne peuvent être remis? Non, car cc texte vise tous les péchés commis après la connaissance du Christ, ct Irénée enseigne qu’on arrive au salut par la pénitence, même après le péché d’apostasie que pourtant il accable des anathèmes dc l’Écriture, 1. V, c. x xvr, n. 2, col. 1195 : Post autem adventum Domini ex sermonibus Christi... discens manifeste quoniam ignis æternus præparatus est ex sua voluntatcabsccdcntiaDco cl omnibus qui sine pænilentia perseverant in apostasia. Quelle est donc l’idée de saint Irénée et du presbytre qu’il allègue? Contre les marcionitcs qui discréditaient l’Ancicn Testament, opposaient au Dieu dc l’Ancicn Testament celui du Nouveau et ne pariaient que dc la miséricorde du dernier, gardant le silence sur son jugement, cf. L IV, c. xxvi, n. 5; c. xxvm, n. 1, col. 105G, 1061, Irénée maintient qu’il n’y a qu’un Djeuauteurdel’unet de l’autre Testament ct déclare, en sc réclamant de l’autorité du presbytre, que nous nc devons pas infliger aux pécheurs de l’Ancicn Tes­ tament un blâme plus sévère que celui qui sc trouve dans l’Écriture, laquelle raconte leurs fautes pour notre amendement, que les péchés, parce que nous avons plus de lumière et recevons plus d’amour, ont une malice plus grande ct qu’un compte plus rigou­ reux en sera rendu sous le Nouveau Testament que sous l’Ancicn, que maintenant, comme alors, l’injus­ tice, l’idolâtrie, la fornication entraînent la perle des hommes, que le jugement dc Dieu est encore plus à craindre. Le mot d’Irénée, à propos de la descente aux < nier », n. 2, col. 1058 : remissione peccatorum existent* hi< qui errdunt in tum,n une portée générale; du Christ valent pour la remise dc tous les péchés. 1 aucune allusion au ministère de l’Église r 1 ( »' oïlî >ion de? pvch< < Voici des textes qui sc IRÉNÉE (SAINT) 2497 rapportent à la pénitence sacramentelle, Irénée ra­ conte, L III, c. ni. n. 4; c. iv, n. 3, col. 852, 856-857, que Polycarpc, lors dc son séjour à Rome, ramena à l'Église de nombreux hérétiques, ct que Cerdon, étant revenu à l’Église, ébaucha à plusieurs reprises une cxomologèsc, ou pénitence, qui ne s’acheva Jamais. Voir Confession, t. n, col. 860. Il parle, I. I, c. vî, n. 3, col. 508, de femmes qui tombèrent dans le valcntinlanisme et, avec la foi, perdirent les mœurs, ainsi que beaucoup le confessèrent dans leur cxomologèsc, après leur retour à l’Église de Dieu : il peut s’agir dc péchés secrets avoués par ces femmes. Des femmes pareille­ ment furent séduites par les marcosicns. Les unes, dit Irénée, I. I, c. xm, n. 5, 7, col. 588, 592, avouaient leurs fautes cachées; d’autres, qui n’avaient pas cc courage, « désespéraient dc la vie dc Dieu · ct sc reti­ raient dc la communauté chrétienne ou adoptaient une attitude équivoque. Irénée ne mentionne pas le pardon accordé aux premières. On peut néanmoins conclure de toutcc qu’il dit, que cc pardon leur a été donné, au moins au moment de la mort, qu’elles ont été réconciliées avec Dieu ct avec l’Église. Cf. J. Tixeront, Le sacrement dc pénitence dans Γantiquité chré­ tienne, Paris, 1914, p. 28. Cc dernier texte a trait à la pénitence publique, et sans doute il faut en dire au­ tant du texte relatif aux adeptes du valcntinianlsme, puisque c’est des memes faits qu’il parle ici et là. Irénée témoigne de l’existence < d’une pénitence pu­ blique à base dc confession, » selon l’expression dc P. Galtier, L'évêque docteur : saint Irénée de Lyon, dans les Études, Paris, 1913, t. cxxxvi, p. 211; mais on ne volt pas qu’il témoigne dc la pratique dc la confession secrète, quoi qu’en ait pensé Massuet, Dissert., III, a. 7, n. 75, col. 32 i. e) L'extrême-onction. · Voir Extrême-onction. t. v, col. 1931-1932. /) L*ordre. - - Nous avons vu cc qu* Irénée a dc plus important sur cc point, en traitant de la hiérarchie ecclésiastique. Voir col. 2128. g) Le mariage. — Irénée défend la sainteté du mariage quand il condamne les débauches de certains gnostiques. L. I, c. vî, n. 4; c. xxvm, col. 509-512,690691. Sur l’accusation d’avoir rabaissé le mariage, formulée par Barbeyrac, Traité dc la morale des Pères de CÉglise, Amsterdam, 1728, p. 22, ct reprise par J. Pédézert, Le témoignage des Pères, Paris, 1892, р. 313, cf. Bcrgier, Dictionnaire dc théologie, Tou­ louse, 1819, t. iv, p. 352-353. Qu* Irénée sc soit affirmé défavorable à la réitération des noces, 1. I, c. xvm, n. 2, col. 691, c’cst cc qu’on a dit et ce qui est loin d’être clair. Cf. P. dc Labriullc, La crise montaniste, Paris, 1913, p. 210-241, n. Des sacramcntaux il n’est guère question dans l’œuvre d’Irénée. A signaler ce qu’il a sur les exor­ cismes, 1. II, c. vî, n. 2; c. xxxu, n. 4, col. 725, 829; cf. la note de Feuardcnt, col. 1535-1536; Dcm., с. xcvi-xcvn, p. 728, cf. la note dc J. Tixcront, p. 798. 1· Les sept sacrements. -- F. Fcunrdent, D. Ircntrl ad­ versus Valentini ct similium gnosticorum hazreses Ubrl V, Cologne, 1625, p. 113-114 « P. G., t. vit. col. 1192-1493.— 2· Le baptême. C. K Wcmsdorf, De Irenal testimonio pro pirdobaptismo,Leipzig, 1775 ; W. R. Powers.SL Jretiariis and infant baptism, dans VAmerican prcsbytcrtaji review, New York, 1867, t. xvi, p. 239; T. liâmes. A study on the marco^ian heresy, dans The journal oj theological studies, Cambridge, 1906. p. 304-411 ; 11. Wlndbch. Tauje und Sûndc tm allesten Christcntum bis auf Ortgenes, Tubingiie.lOOO; cf. U. Mannuccl, dans la lUvista storico-critica dclle setenze teologiche. Home. 1909, t. v. p. 632-635. - 3· L'cucharlstle. - Voir Euchajustib, t. v, col. 1130, 1182-1183, et, cn outre. B. Aubcrtin. L'eucharistie de l'ancienne Église, Genève. 1633, p. 65-87; Thiersch, Die Ixhre des Ircnàus von der Eucharistie, dans la Zeitschrift fur die gesamte luthertsehe Théologie und Kirche, 1841, p.40 sq. ; .J. W. F. Hôlling, Die Lehre des Jrendus win Opfer des christlichen Cultus, DICT. Dl TllfcOL. CATIIOb. 2498 Erlangen. 1840;Die Lehre der dllesten Kirche pom Opfer im Leben und Cultus der Christen, Erlangen. 1851, p. 71-107; A. Ebrard, Das Dogma oom hell. A bendmahi und seine Ges­ chichte, Francfort-sur-le-Mein. 1815; K. F. A. Knhnls, Die Lehre vom A bendmahl, Leipzig, 1851; L- J. Huckcrt, Das Abendmahl. Sein Wesen und seine Geschichte in der alien Kirche, Leipzig, 1856; L. Hopfenmdlkr. Sanctus Jrenor us de eucharistia, Bamberg, 1867; cf. J. B. Kraus, dans Theolaglsches Literalurblall, Bonn, 1868, t. m, p. 466-471; A. Vacant, La conception du sacrifice de la messe dans la tradition dc l'Église latine, dans L'Université catholique, Lyon, II· série, 1894, t. XVI. p. 197-204; F. S. Benz, Die Geschichte des Messopfer-Begriffes, Fretsing, 1901 1.i. p.209219; J. Brinktrine, Der MesiopferbegrifJ tn den trsten zwcl Jahrh underten, Fribourg-en-Brisgau, 1968; F. Wiehnd.Dcr vorincrdische OpftrbegrlfJ, Munich, 1909; D. Stone, A his­ tory of the doctrine of the holy eucharist, Londres, 1909, 1.i. --- 1· Ixi pénitence. — Voir Confusion, t. nr. col. 893-894, et, en outre. II. Koch, Die Siindcnnergcbung bet Irenaus, dans la Zeitschrift fur die ncutrstamentliche Wissrnsehaft und die Kunde des Urchrlstentums, Giessen. 1908. t. ix, p.3546; J. Stullcr. Die Sundenvergebung bet Irendus, dans la Zeitschrift fur katholische Thcedogte, Inspruck, 1908, t. xxxi, p. 488-497; Z. Garcia. El perdôn de los pecados cn la primi­ tiva Iglesia, dans Καζόη y fe, Madrid, 1909; A. d’Alès. La discipline pénitentielle au I!·siècle en dehors d'Hermas,dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1913, t- iv, p. 207211 ; Dédit de Calliste. Étude sur les origines de la pénitence chrétienne, Paris, 1914, p. 120-124. 2e Les fins dernières. — 1. En attendant le second avènement du Christ. — a) L*immortalité de lâme. L’àme est immortelle. Cf. 1. II, c. xxxm, n. 5 ; c. xxxiv; 1. V, c. iv, η. 1 ; c. vn, η. 1 ; c. xm, n. 3, col. 834-837, 1133, 1140, 1158-1159. On a prétendu que, d’après Irénée, elle ne l’est pas par sa nature, mais par la grâce de Dieu; que les âmes des méchants seront finalement anéanties ct que celles-là seules jouiront dc la vie sans fin qui auront reçu le Saint-Esprit dans le bap­ tême et auront persévéré dans la justice. Tel a été le sentiment de Dodwell, cf. Massuet, Dissert., III, a. 8, n. 104-106, col. 358-364; de Ellies du Pin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1686, t. i, p. 121-123; cf. M. Pctitdidicr, Remarques sur la Bibliothèque ecclésiastique de M. du Pin, Paris, 1691, p. 157, ct Tillcmont, Mémoires, Paris, 1695, t. m, p. 626-628; dc M. Kirchner, Die Eschatologie des Irendus, dans les Theologische Studien und Kntiken, Hambourg. 1863, p. 321, etc. C’est une erreur, due à un examen trop rapide des textes d’Irénée.Tillemont, op. cit., p. 626-627, a rétabli la véritable pensée d* Irénée. 11 y a une double immortalité, observe-t-ii : celle dc l’être ct celle du bonheur, laquelle, «selon le langage dc l’Écriture, est la seule immortalité ct la seule vie. » Dans le chapitre qu’on objecte, il est d’abord ques­ tion dc l’immortalité dc l’être. L’intention d'iréme est de réfuter les adversaires disant que les âmes qui ont commencé d’être doivent mourir avec le corps. L. II, c. xxxiv» n.2, col. 835. Il répond que la volonté dc Dieu est maîtresse de toutes choses, que, différentes dc Dieu immortel essentiellement ct par lui-même, les âmes ne sont pas immortelles par elles-mêmes; que les âmes ct tous les êtres vivent ct persévèrent cc que Dieu veut qu’ils vivent ct persévèrent. Sur quoi il allègue le ps. cxLvm, 5-6 : Ipse mandavit ct creata sunt, statuit ca in saxulum et in sa culum saxuli. « II paraît assez par là avoir voulu attribuer l’immor­ talité à toutes les .âmes : au moins jusque-là II ne dit rien qui y soit contraire. » Puis, il passe de l’immor­ talité dc l'être à l'immortalité bienheureuse, de sal­ vando homine, η. 3, col. 836, ct allègue le ps. xx, 5 : Vitam peint a te ct tribuisti ei longitudinem dierum in steculum sœcull, qu’il commente dc la sorte : (anquam Pâtre omnium donante ct in saxulum saxuli perseve­ rantiam hts qui salvi fiunt, non enim ex nobis neque ex nostra natura vita est sed secundum gratiam Dei datur; ceux qui sont fidèles, ajoute-t-il, recevront ccttcimmorVII. — 79 2499 IRÉNÉE (SAINT) tali té bienheureuse, mais ceux qui sont Ingrats à leur créateur s’en privent par leur faute, ipse se privât in sxculum sæcull perseverantia. Dc l’immortalité bien­ heureuse 11 revient ensuite, n. 4, col. 837, à Flmmortall té de l’être, ct, bien loin d’y faire aucune excep­ tion, Il s’exprime en des termes qui attribuent égale­ ment l’immortalité à toutes les âmes aussi bien que l’être : Deo itaque vitam et perpetuam perseverantiam donante, capit et animas primum non exsistentes dehinc perseverare, eum eas Deus ct esse et subsistere voluerit, principari enim debet in omnibus ct dominari voluntas Del. Cf. 1. IV, c. xxxvni, n. 3, coi. 1107-1108. Cc qui pourrait subsister d’imprécision dans ce passage s’éclaire, d’une part, des textes où Irénéc affirme, tout court, que les âmes sont immortelles, ct même Immortelles parleur nature que Dieu vivifie, I. V, c. ïv, n. 1, col. 1133, immortalia... quoniam vivificantur a Patre..., natura immortalia; cf. Massuct, coi. 359-360, sur l’abus qucDodwcll a fait de cc texte, et, d’autre part, des textes sur l’éternité des peines dc l’enfer. Bref, sur l’immortalité dc l’âme la doctrine d’Irénée se réduit aux points suivants. L’âme est naturellement Immortelle, en cc sens que Dieu l’a dotée d’immor­ talité; clic n’a point Fimmortalité par sa nature, en cc sens qu’elle n’a point par elle-même le pouvoir dc persévérer toujours dans son existence. Les élus auront, avec Fimmortalité dc l’être, l’immortalité dc la béa­ titude. Les damnés n’auront pas l’immortalité du bonheur, mais garderont l’éternité dc l’être. C’est cc que reconnut Elites du Pin, à la suite des observa­ tions que lui valut son opinion sur l’anéantissement des âmes coupables; dans la 3· édit, de la Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1698, L i, p. 173, Il ne prête plus ccttc croyance à Irénéc, ct se contente d’écrire qu* Irénéc · prouve que les âmes subsistent après la mort ct qu’elles sont immortelles. « b) Le jugement particulier. — Le mot ne sc lit pas dans Irénéc. Chez lui, le «jugement ·, c’est le jugement universel. Mais l’idée du jugement particulier n’est i pas absente. L’homme, dit-il, a été créé libre pour se faire, en collaboration avec la grâce divine, l’artisan de son sort éternel. En attendant le jugement universel, le «juste jugement »dc Dieu à la fin du monde, il passe sur ccttc terre ct, après la mort, subit les conséquences dc son libre choix. Merito omnes fastum judicium inci­ dent Del.... Alii quidem laudantur ct dignum percipiunt testimonium electionis bonæ et perseverantia:, alii vero accusantur cl dignum percipiunt damnum eo quod /us­ tam et bonum reprobaverint. L. IV, c. xxxvn, n. 1,2, coi. 1100. Irénée marque deux temps : celui du juge­ ment universel, celui d’une « louange » ou d’une « accu­ sation > qui le précédera et qui correspond au juge­ ment particulier. Dans le récit du riche ct de Lazare il note, 1. II, c. xxxiv, n. 1, col. 835, manere in suo ordine unumquemque ipsorum : chacun a cc qui lui convient, Lazare les opulences de la table et le mau­ vais riche la punition, locum pœnæ, ce qui démontre que l’âme a une immortalité individuelle et dignam habitationem unamquamque gentem percipere etiam ante fudicium. Donc, dès avant le jugement universel, chacun recevra le juste châtiment ou la juste récom­ pense dc ses actes. Donc un jugement particulier sera Intervcnq. c) L'étal des âmes des justes en attendant le second avènement du Christ. — Le salut commence en ce monde. L. V,c. xxvm, n. 1, col.1197-1198. Son achève­ ment ne se réalise point ici-bas, ni tout dc suite après la mort. Irénée enseigne que les âmes des justes ne seront admises à la béatitude qu’aprèe le jugement dernier. La tentative de Bcllarmin, De Ecclesia trium­ phante, 1. I, c. ïv, dans le De controversus christ ta me fidei, Paris, 1620, t. n, p. 686; cf. J. dc La Servièrc La théologie de Dellarmin, Paris,! 908, p. 299, démettre 2500 ladoctrinc d’Irénée d’accord avec les définitions ulté­ rieures de l’Églisc a été malheureuse : prorsus infeli­ citer, dit Massuct, Dissert., Ill, a. 10, n. 121, col. 379, tam aperta siquidem Ircnæiopiniaesl.... ut eam ad recep­ tam hodie in tota Ecclesia catholica sententiam revocare velle laterem crudum lavare sit. Cf. D. Pet au, De Deo Deique proprietatibus, 1. VII, c. xiv, n. 1-5, dans ses Dogmata theologica, édit. J.-B. Fournials, Paris, 1865, t. i, p. 617-619. Voir Benoit XII, t. n, coi. 672-676. Vain également l’essai dc justification dc F. Fcuardcnt, P. G., t. vn, col. 1835-1836. C’est en réfutant le gnosti­ cisme qu* Irénéc a dévié. L.|V, c. xxxt, col. 1208-1210. LcsgnostiqucsméprisentlacréaturcdeDlcuet n’admet­ tent pas le salut de la chair; aussi disent-ils que, dès la mort, se supergredi cælos ct demiurgum, et ire ad Matrem vel ad eum, qui ab ipsis affingitur, Patrem. Cc n’est pas étonnant qu’ils ignorent « l’ordre dc la résur­ rection, · puisqu’ils réprouvent toute résurrection, ct, autant qu’il dépend d’eux, la suppriment. Mais, de l’avis d’Irénée, ceux-là aussi ont hœreticos sensus qui méconnaissent l’ordre dc la promotion à la béatitude ct ignorent les degrés par lesquels on s’élève à la vision bienheureuse, cl motus meditationis ad incorruptelam ignorant. Le Christ a gardé la loi des morts; après avoir expiré sur la croix, il n’est pas allé de suite au ciel, mais il est descendu aux enfers, puis, ressuscité le troisième jour, il est resté avec les apôtres avant dc monter au Père. Dc même les âmes dc scs disciples, après la mort, vont dans un lieu Invisible, fixé par Dieu, et y séjourneront dans l’attente de la résurrec­ tion; lors dc la résurrection, elles seront unies à leur corps, comme le Christ est ressuscité, ct viendront en la présence dc Dieu. Le disciple n’est pas au-dessus du Maître. Le délai que le Christ a consenti pour luimême s’impose à nous. La « digne habitation > déter­ minée par Dieu pour les justes en attendant la résur­ rection n’est pas le paradis terrestre de l’Églisc. habité par les justes do la terre, 1. V, c. x, η. 1 ; c. xx, n. 2, col. 1147, 1178, ni le paradis supramondial, mais un lieu inframondial, le « sein Le début de la lettre des du Cont. hær.91. IV, c. χχνπ, n. 2, col. 1058, dont nous Églises de Lyon et dc Vienne, dans Eusèbe, H. E^ avons cité le commencement : evangeli:antem et illis 1. V, c. î, P. G., t. xx, coL 609, témoigne dc la même adventum suum, remissione peccatorum existente his qui persuasion que la venue de l’Antéchrist s'approche : credunt in eum, exige la foi au Christ avant la descente • De toutes ses forces sc jeta contre nous l'adversaire, aux enfers : crediderunt autem in eum omnes qui spera­ préludant déjà à sa parousie, dans laquelle 11 rava­ bant in cum, id est qui adventum ejus pronuntiaverunt, gera le monde. » et dispositionibus ejus servierunt, fusti, et prophetx et b) La résurrection de la chair. — C’est, Ici, une des patriarcha*. Cf. F. Boni fas, Histoire des dogmes de thèses capitales d’Irénée contre l’erreur capitale du ΓÉglise chrétienne, Paris, 1886,1.1, p. 352. gnosticisme que la matière est essentiellement mau­ d) L'état des âmes des pécheurs en attendant le second vaise ct ne peut, par conséquent, être l’œu\re d’un avènement du Christ. — Dieu a préparé aux bons et Dieu bon. L. 1, c. vr, n. 2; c. xxn, η. 1 ; c. χχνπ, n. 3; aux méchants un séjour convenable, aptas habitationes, I. V, c. i, n. 2, col. 505, 669-670, 689,1122. Irénéc éta­ dit Irénéc,!. IV, c. xxxix, n. 4, col. 1111 : aux ennemis blit fortement l’identité du Dieu dc la révélation de la lumière les ténèbres; à ceux qui fuient Dieu, en chrétienne ct du créateur du monde sensible, ct prouve qui sont tous les biens, la privation de tous les biens. que le monde des corps est du domaine du Verbe, que Cf 1. V, e. χχνπ, n. 2, col. 1196. En outre, il y aura « la matière est susceptible de salut. > L. I, c. vi, η. 1; une punition positive : le feu étemel. La privation des J. V, c. n, n. 2, 3;c. xx, n. l,coL 505,1124,1126,1177. biens, inaugurée, dès la vie présente, par le fait même Contre les hérésies nées ct à naître, Irénéc maintient que le pécheur fuit Dieu, sera consommée à Ja mort. • le salut de l’homme total, corps ct âme, » coL 1177. Quant à la peine du feu, elle sera inévitable, fraudati La résurrection dc la chair, don de Dieu, 1. II1, c. xx, n. 2, autem omnibus erga Deum bonis consequenter in Dei col. 943, est l’œuvre dc la puissance et dc la justice justum judicium incident, col. 1111, mais, semble-t-il, divines. Le corps, formé de la terre, · retourne à la liée nu jugement universel, non immédiate. Voir Dé­ terre, à l’instar d’une très bonne semence > qui germe par l’action dc Dieu. Fragment conservé dans les mon d’après les Pères» t. i v, col. 345; Enfer d’après les Pères, t. v, col. 54, 93. Sacra parallela attribués à saint Jean Damascène, 2. A partir du second avènement du Christ. - a) Le P. G., t. vn, col. 1236; cf. Cont. tuer., 1. V, c. vu, n. 2, second avènement du Christ. — Après le déluge de feu col. 1140-1141. Nos corps ressusciteront non ex sua ct l’anéantissement de Γ Antéchrist, le Christ reviendra substantia sed ex Dei virtute, c. vi, n. 2, col. 1139, car dans la gloire, avec le même corps qu’il eut à son pre­ « Dieu, meilleur que Ja nature, a le vouloir, le pouvoir mier avènement. Cf. I. III, c. xv, n. 2; c. xvi, n. 6, 8; ct le parfaire. · L. IL c. xxix. n. 2, col. 813-814. Tirer с. xix, n. 2; 1. IV, c. xxxm, n. 1, 11, 13; L V, c. xxx, l’homme de la terre était plus difficile que de le ressus­ n. 4, col. 856, 925, 927, 941, 1073, 1079, 1082, 1207; citer. La puissance dis inc éclate û vivifier non seule­ Fin du monde, t. v, col. 2519. La fin ne sera pas immé­ ment J’xhne, qui de sa nature est immortelle, mais diate, du moins si l’on accepte le texte de Massuct, aussi le corps naturellement mortel. La longévité 1. V, c. xxvi, n. 1, col. 1192, sur les dix rois de l’Apoca­ donnée par Dieu aux patriarches, cc qu’il a fait pour lypse. xvn. 12 : manifestum est itaque quoniam ex his Éllc ct I lénoch, Jonas et les trois enfants dans la four­ 1res Interficit ille qui venturus est (l'/tntéchrisl), ct reli­ naise, attestent qu’il peut ressusciter nos corps. L. V, qui subjicientur ei, et ipse octavus in eis; une variante c. >n-v,coL 1128-1136. Puis, n’est-il pas juste que le de deux manuscrits : et subjiciuntur, si elle représen­ corps, qui n participé, avec l’àme, au mérite, ait sa tait Je texte véritable, avancerait l’événement. En part de la récompense? Les attributs divins appellent tout cas la fin est relativement proche. Nunc autem, la résurrection des corps. !.. 11, c. xxix, n. 2, 813-814. dit-il, 1. IV, præf., n. 4, col. 975, quoniam novissima col. < sunt tempora, extenditur malum in homines, non solum Les Écritures l’affirment : l’Anden Testament, apostatas eos jaciens, sed ct blasphemo* in plasmatorem 1.1 V, c. xv, n. 1. col. 1163-1161 ; cf. le fragment xxxn, instituit multis machinationibus, id est per omnes | .P. G., t, vn, col. 1248, ct le Nouveau, Nous avons les hir reti cos qui prit dicti sunt. J.’expression novissima j paroles du Christ cl ses actes. Les paroles : celles, par tempora, à elle seule, ne seruit pas probante, puisqu’elle c exemple, qu’il adresse aux sadducéens. L. IV, c. v, 2503 IRÉNÉE (SAINT) n. 2, col. 984-985. Irénée fait bonne justice de l’argu­ ment que les gnostiqucs tiraient de I Cor., xv, .50 : Caro ei sanguis regnum Dei hærcditare non possunt, L V, c. ix-xn, col. 1144-1156; · la chair ct le sang » doivent s’entendre de ceux qui pèchent en s’adonnant à des œuvres chamelles, et le sens est que les pécheurs n’entreront pas au ciel. Les actes du Christ : d’abord, les guérisons et les résurrections qu’il opère, c. xn, n. 5;c. xm, η. 1, col. 1155-1157; elles laissent pres­ sentir la résurrection générale. Ensuite, sa propre résurrection, qui garantit la nôtre, c. vn, η. 1 ; cf. 1. IV, c. n, n. 4, 7; c. v, n. 2, col. 1139-1140, 978, 979, 985. La preuve fondamentale est dans l’incarnation. Si le Verbe a pris notre chair, c’est pour la sauver. L. V, c. xn*, col. 1160-1163. Il a institué l'eucharistie; nourris du corps et du sang du Christ, nos corps sont divinement immortels. L. IV, c. xvnn, n. 5; 1. V, c. n, col. 1027-1029, 1123-1128. Enfin, l’Écriturc nous apprend que nous sommes les membres du Christ, lequel est notre tête; comme la tête est ressuscitée, les membres ressusciteront. L. III, c. xïx, n. 3, col. 94L Nos corps sont les temples du Christ, les temples du Saint-Esprit, les temples de Dieu. Templum igitur Dei, in quo Spiritus inhabitat Patris, el membra Christi non participare salutem sed in perditionem redigi dicere, quomodo non marirnæ est blasphemiæ? L. V, c. vi, n. 2, coi. 1139; c. xm, n. 4, 1159-1160. En quoi consistera la résurrection? Il y aura identité personnelle. L’âme retrouvera son corps, le corps son âme, non enim aliud est quod moritur et aliud quod vivificatur. L. V, c. xu, n. 3, col. 1153; cf. 1. II,c.xxxm, n. 5; I. V, c. m, n. 2;c. χπι,η. 3; fragment xn,col. 833834, 1130, 1158-1159, 1235. La résurrection sera gé­ nérale, ad... ressuscitandam omnem carnem. L. I, c. x, η. 1, col. 549; cf. c. xxn, η. 1 ; 1. II, c. xxxm, n. 5; I. III, c. xvi, n. 6, col. 669-670, 834, 925, etc. Mais elle ne sera pas simultanée. Les justes ressusciteront, en premier lieu, au début du royaume terrestre du Christ ; les méchants ressusciteront, à leur tour, â la fin du royaume. L. V, c. xxvi, n. 2; c. xxn, n. 2; c. xxxm, n. 4; c. xxxiv, η. 1 ; c. xxxv, η. 1,2, col. 1194,1211, 1214,1215,1218,1220; Dem., c. xu, xui, p. 690, 691. c) Le royaume terrestre du Christ. — La résurrec­ tion des justes n’est pas le dernier stade de la fin des choses. 11 faut qu’ils s’accoutument peu à peu à conte­ nir Dieu, paulatim assuescunt capere Deum; que, dans cette création renouvelée, ramenée à l'état primitif, ipsam conditionem rcintegratam ad pristinum, ils reçoi­ vent la récompense des efiorts et des peines dont la création fut le théâtre; qu’ils aient l'héritage de la terre promis à Abraham et, en lui, à tous ceux qui seront scs fils par la foi, accipient autem eam in resur­ rectione justorum. Cont. hier., 1. V, c. xxxn, coi. 12101211. Le Christ a annoncé qu’il boira, avec scs disciplcs, du vin nouveau dans le royaume de son Père, Matth., xxvi, 29, ce qui indique ct la résurrection de la chair ct l’héritage de la terre, car, on ne boit pas du vin,au ciel,ni sans uncorps C. χχχπι,η. l,col. 1212. Ceux qui ont tout laissé pour lui auront le centuple en ce siècle ct la vie étemelle au siècle futur, Matth., xïx, 12 : ils auront ce centuple · dans le temps du royaume, c’est-à-dire au septième jour, jour sanctifié où le Seigneur s'est reposé de toutes ses œuvres, vrai sabbat des justes pendant lequel ils ne sc livreront à aucun travail terrestre, mais seront assis à une table préparée par Dieu même ct servie de tous les mets les plus délicieux. · C. xxxm, n. 2, col. 1212. Cc septième jour, vrai sabbat des justes, représente un millé­ naire d’années, comme aux six jours de la création correspondent les six mille ans de la durée du monde actuel; Papias, de qui saint Irénée sc réclame, dit ex­ pressément que le règne temporel du Christ durera mille ans. Ci. Eusèbe, 11. E., 1. III, c. xxxix, P. G., 2504 t. xx, col. 300. Irénée, en effet, allègue, c. xxxm, n. 3, 4, col. 1213, 1214, l'autorité des < presbyties qui ont vu Jean, le disciple du Seigneur. · Parlant de ccttc tradition, qu’il croit apostolique, Il inter­ prète dans le sens millénariste la prophétie d'Isaac bénissant Jacob, ct de nombreux passages des pro­ phètes qui sc rapportent au Messie. C. xxxm, 3-xxxv, col. 1213-1220. 11 sc refuse à entendre ccs passages allégoriquement : nihil allcgorizarl potest, sed omnia firma, et vera, et substapliam habentia, col. 1220. Voici les principaux traits de la description du royaume. Irénée n'imagine pas un grossier paradis, tel que celui qui hanta l'esprit de plus d'un millénariste. Son rêve comporte toutefois des festins, col. 1212, 1217, ct il admet, col. 1213, sur la fol de Papias, l'au­ thenticité du discours du Seigneur annonçant des vignes, du froment, des arbres fruitiers merveilleux: « des vignes naîtront, dont chacune contiendra dix mille ceps, ct dans chaque cep il y aura dix mille bras, et dans chaque bras dix mille rejetons, ct dans chaque rejeton dix mille grains, ct chaque grain pressé don­ nera vingt-cinq mille muids de vin; ct, quand un des saints saisira une des grappes, une autre criera : < Je suis meilleure, prends-moi, ct bénis Dieu à mon sujet. > Les animaux, devenus herbivores ct pacifiques, seront soumis à l'homme, col. 1214, 1215. Plus de douleur. Les justes seront rois, col. 1210, 1213, 1218. Ils croî­ tront en grâce ct en force par la vision du Seigneur, ct, par son secours, ils sc prépareront à porter la gloire de Dieu le Père; ils vivront dans la communion ct la société des anges et des justes, en la ville de Jérusa­ lem réédifiée à la ressemblance de la Jérusalem du ciel, col. 1218-1220. Certes voilà un millénarisme qui n’est pas timide. Mais la pensée d'Irénée a connu des fluctuations. L'ex­ ception en faveur des martyrs passant directement au Père après leur supplice posait, au point de vue du millénarisme, un problème ardu, car, dit L. Lagulcr, La résurrection de la chair dans saint Irénée, dans la Revue du clergé français, Paris, 1905, t. xun, p. 234, « si, comme les justes ct avec eux, Us ressuscitent, vont-ils jouir en corps ct en âme de la vision béatlfiqucou en faire sur terre un apprentissage qui serait superflu? »Cc problème Irénée avait évité de le résoudre. Puis, il avait donné, 1. IV, c. xxxm, n. 14; c. xxxiv, n. 4, col. 1082, 1086, pour des textes analogues à ceux qu’il cite en faveur du millénarisme une interpré­ tation étrangère au millénarisme. En outre, là mêmeoù il prend parti ex professo pour le royaume terrestre de mille ans, il y a, non pas la « sourdine > à scs affirma­ tions, que L. Lagulcr, op. cit., p. 235, a cru y décou­ vrir— Irénée dit nettement, c xxxv, η. 1,2, col. 1218, 1220 : si autem quidam tcntaverinl allcgorizare hæc quæ ejusmodi sunt, neque de omnibus poterunt conso­ nantes sibimetipsis inveniri, ct convincentur... El nihil allcgorizarl potest — mais cet aveu que le milléna­ risme est rejeté par des chrétiens qui putantur recte credidisse, c. χχχι, η. 1, coL 1208. Cf. J.-B. Franzelin, Tractatus de divinatraditionc et Scriptura, Borne, 1870, p, 102. Irénée n'est pas de leur avis; à l'en croire, ils ont des « sentiments hérétiques, > car nicr cet état intermédiaire de résurrection, c'est fournir des armes aux gnostiqucs ct dénaturer la résurrection de la chair. Telle est < la seconde raison qui, avec son respect pour l'autorité prétendue apostolique de Papias, l’a rendu millénaire, et celte raison est une erreur. · L. Lcscœur, Le régne temporel de Jésus-Christ. Élude sur le millé­ narisme, Paris, 1868, p. 220.Or, ni ccttc erreur ni le millénarisme ne reparaissent dans la Démonstration de la prédication apostolique, Irénée y retrouve, c. i.xi, p. 706-707, les textes qui lui avaient paru imposer le mlllénr.rjsinc. Cette fois il n’accordc pas même une men'ion l'interprétai ion littérale; il ne voit dans les 2505 IRÉNÉE (SAINT) 2506 textes qu’une chose, qui est l’annonce du « change­ vement dans le royaume des cicux), Filio autem addu­ ment qu'opère la fol de Jésus-Christ, Fils de Dieu, cente ad Patrem, Patre autem incorruptelam donante in dans ceux qui croient en lui » et du pouvoir que le ælernam vitam, quæ unicuique evenit ex eo quod videat Christ ressuscité n exercé sur les gentils. Si l’eschato­ Deum. L. IV, c. xx, n. 5; cf. n. 6-7; c. xxxvn, n. 7; logie d*Irénée ct, en particulier, son millénarisme sont c. χχχνπτ, n. 3; 1. V, c. xxxi, n. 2, coi. 1035-1037, en connexion avec le reste de sa théologie, le milléna­ 1104, 1108, 1209. Tous ne verront pas Dieu de la risme ct les parties défectueuses de l'eschatologie même manière; la mesure de notre amour sera celle peuvent disparaître sans que la théologie soit cornpro de notre gloire céleste, col. 1104. H y a · beaucoup mise. Lc millénarisme sc présente contre les gnosli- de demeures > auprès du Père; selon qu’ils auront ques, qui nient tout retour du Christ, ct résulte de la produit cent, soixante ou trente pour un, quidam in récapitulation, telle qu'Irénée l'a entendue. Mais, de cælum assumenhrr, alii in paradiso conversabuntur, même qu’il a pu, parce qu’il maintenait la liberté de alii in civitate inhabitabunt. L. V, c. xxxvi, n. 2, l'homme, abandonner la thèse du salut universel, coi. 1223; cf. n. 1, coL 1222, surtout dans le texte plus autre conséquence de la récapitulation irénéenne, il a complet, et qui a des chances d’être le texte véritable, pu renoncer au millénium terrestre ct s’en tenir au conservé par Anastase le Sinaite, interrogationes et triomphe des desseins de Dieu ct à la restauration des responsiones de diversis capitibus, q. lxxjv, P. G., t. i.xxxix, col. 701. Il y a donc trois séjours pour les choses dans la vie future, qui suivront le retour du élus : le ciel proprement dit, le paradis terrestre, la Christ à la consommation des siècles. et qui monde, t. v, coL 2519. La date du jugement dernier est inconnue. Lc juge sera le Dieu bon, notre créateur correspondent aux caractères du Messie d’après Isaïe, xi, ct Père, jugeant par le Christ, Seigneur ct rédempteur. 2. < Tout ce dont les deux sont composés, ajoute-t-il, Tous les hommes, tous les actes des hommes seront c. x, p. 667, doit rendre gloire à Dieu, le Père de tous. » jugés. Lc but du jugement est que chacun reçoive N'est-ce pas indiquer que les élus feront dans le ciel, son dû solennellement, publiquement, pour sa gloire après le jugement, cc que font de tout temps les anges, « qui glorifient Dieu par leur chant perpétuel? · La ou sa confusion ct pour l’exaltation du Christ. e) Les damnés. — Voir Dam, t. iv, p. 13; Enfer Jérusalem nou\ellc, le paradis terrestre ct le ciel pro­ prement dit seront trois séjours distincts, et non pas d’après les Pères, t. v, col. 53-55; cf. 93, 102; Feu seulement trois degrés de béatitude dans un séjour de l'enfer, t. v, col. 2200. Irénée a trois mots pour désigner l’enfer : tartarus, inferi, gehenna. L. II, c. vi, unique; mais ce seront des séjours non séparés, n. 3; I. IV, c. xxvi, n. 2; 1. V, c. xxxv, n. 2, col 725, semble-t-il, par la distance, et comme des provinces 1054, 1220. contiguës de ce « royaume des vieux, » coL 1035, qui f) Les élus. — Voir Béatitude, t. n, col. 504; Ciel, englobe tous les élus. Ce qui Invite à le croire, c’est t. π, col. 2480; Corps glorieux, t. xn, col. 1894; qu’Irénéc accompagne, col. 1223, l'énumération des Gloire céleste, t. vi, col. 1397. Lc monde sera détruit, trois séjours de ccttc allusion au festin qui symbolise le royaume des vieux, Matth., xxn, 2-14 : El hoc est non la substance ni la mat 1ère, mais la figure du monde, voir Fin du monde, t. v, col. 2507, ct il y aura des triclinium, in quo recumbent il qui epulantur vocati ad cicux nouveaux ct une terre nouvelle, à l'instar de nuptias. Et il précise, col 1222 (au moins dans le texte l’homme renouvelé, ct hæc semper perseverabunt sine grec conservé par Anastase le Sinaite, car la version latine porte : ubique autem Deus videbitur) que par­ fine. L. V, c. xxxvi, η. 1 ; cf. 1. 1 V,c. xn, n. 1, col. 1221 1222, 980. Les élus vivront sans fin, avec Dieu, dans tout les élus verront le Sauveur, πχνταχού γάρ ό Σω ccs nouveaux cicux et celte nouvelle terre. Voir Dieu, τήρ όραΟήστται. Le Christ, à son ascension, est c’est vivre, c’est participer à sa gloire; les élus verront monté au ciel, où il séjourne à la droite du Père· L. I, Dieu, et la vision intuitive, naturellement impossible c. x, n. 1 ; 1. III, c. xn, n. 3; c. xvi, n. 9, col. 549, 895, à l’homme» sera le lot des élus rendus capables de cette 929. NI son humanité n’occupe des lieux différents, vision cl trouvant en elle leur béatitude. Dieu s’est ni la béatitude ne peut sc concevoir sans lui. Il faut fait voir prophétiquement par FEsprit, dans ΓAncien donc que les trois séjours des élus, tout en ne sc confon­ Testament, et, dans le Nouveau Testament, adoptlve­ dant pas, se continuent l’un l’autre ct participent ù inent par le Fils; il sera vu dans le royaume des cicux l’irradiation du Christ. Tout cela Irénée ne le dit pas paternellement et la vie éternelle résultera de cc qu’il explicitement; il le suppose. Les élus pourront-ils sera vu. Homo a sc non videt Deum. Ille autan volens s'élever de la ville sainte au paradis terrestre et de celuividetur hominibus, quibus vult, ct quando vult, cl quem­ ci au ciel? L’évêque de Lyon ne s’explique jioint làadmodum vult. Potens est enim in omnibus Deus : dessus. Mais il admet que la béatitude, loin d’être visus quidem tunc per Spiritum prophctiic (ou prophe­ stationnaire, sera toujours en progrès, L IV, c. xxvni, tice), visus autem cl per Filium adoptive, videbitur au­ n. 3, col. 1062 : hi semper percipiunt regnum ct profi­ tem ct in regno artorum patemaliter, Spiritu quidem . ciunt. Cf. 1. II, c. xxvxii, n. 3, coi. 806 : qutrdam com­ préparante hominem in Filio Dei (Massuct note que mendamus Deo, et non solum in hoc saeculo sed ct in quelques manuscrits portent à tort : in Filium, le sens juturo, ut semper quidem Deus doceat, homo autem étant que, dans le Fils de Dieu incarné, qu’il lui a été semper discat quæ sunt a Deo. Le passage d’un séjour permis de voir de scs yeux, ou par la vision du Fils de félicité inférieure à un séjour de félicité supérieure Incarné, l'homme s’est préparé à voir le Père intuiti­ serait assez bien dans la logique de ccttc croyance. 2507 IRÉNÉE (SAINT) Telle est l'eschatologie d’Irénéc : un mélange d’idées intéressantes, d'ailirmations qui contiennent la sub­ stance de renseignement de l’Église, ct dc théories contestables ou même franchement erronées. C'cst la partie la plus faible dc son œuvre. Lc millénarisme ct l'opinion, aujourd'hui hérétique, du délai dc la vision béatifique, qu'il eut en commun avec un cer­ tain nombre dc Pères, lui viennent surtout d’un excès de confiance aux dires, réels ou prétendus, de quelques prosbytres. Scs vues sur le travail dc prépa­ ration graduelle requis pour que l'homme soit rendu capable dc voir Dieu ont contribué à le maintenir dans une fausse route Tout cc qu'il y a de beau dans ccttc doctrine dc la < maturation, > qui précède l'en­ trée au ciel ct la vision dc Dieu, se retrouve, sans l'alliage qui la dépare en saint Irénéc, dans le dogme du purgatoire. Irénée ne nomme pas le purgatoire; le < lieu Invisible >où les Ames des justes attendent le royaume terrestre du Christ, qui disposera lui-même à la vision de Dieu, n'est pas sans lui ressembler, ct nombre de scs textes seraient suffisants à le fonder en raison théologique, celui-ci, par exemple, 1. IV, c. xxxvn, n. 7, col. 110-1 : m//... tandem aliquando ma­ turus flat homo, in tantis maturescens ad videndum et capiendum Deum. C. ROtthlngnuscn, De Apocalypsi ex Iremro L. V,c. JTXJT, Heidelberg, 1771 ; H. Corrodi, Krltische Gesehichte des ChiUasmus, Francfort, 1781 ; J. N. 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Lid sources, — I*» Sources païennes. — Irénéc fut un grand liseur. Son livre est la Bible. Mais il n'est pas Indifférent à la littérature profane. Tcrtuliicn, Adversus valcntinianos, c. v, P. L., t. u, col. 548, l’appelle < explorateur très curieux dc toutes les doctrines. » Il cite volontiers les écrivains grecs, littérateurs et philosophes. H a pu ne connaître tel ou tel d’entre eux qu’à travers un manuel. De plusieurs 11 a certainement une connaissance directe. C'est le cas d’Homère, qu’il allègue à plusieurs reprises en homme qui le connaît, ό δ’ έμπειρος της όμηρικής ύποΟέσεος έπιγνώσεται ; pour montrer que les gnos­ tiques altèrent l’Écriture en cousant bout à bout des textes épars, il donne un ccnton dc vers homériques choisis de manière à leur faire raconter l’envoi d’ 1 icrculc par Eurysthée à Cerbère, le chien infernal. L. I,c.ix,n.4 ; Mais tout cela il le trouvait, plus ou moins, dans l’Écriture, ct cc qu’il a pu en emprunter à la phi­ losophie grecque a été transformé sous l’influence dc sa foi. 2” Sources /nives. — Irénéc a quelque connaissance dc l’hébreu. Cf. 1. I, c. xxi, n. 3; 1. 11, c. xxiv, n. 2; c. xxxv, n. 3; 1. V, c. xxi, n. 2, col. 661, 664,788,789, 791, 838-810, 1181; Dcm.9 c.xun, un, p. 692, 700. Cc n’est pas assez pour rendre plausible l’hypothèse de W. Harvey, dans son édition d’Irénéc, 1.1, p. v. cun, que l’évêque dc Lyon aurait une origine sémitique. Tout au plus pourrait-on en conclure, avec T. Zahn, Realencyklopâdle, 3· édit., Leipzig, 1901, t. ix, p. 407, à la vraisemblance que, parmi les Asiates qui l’ini­ tièrent à la fol chrétienne, il y en eut qui étalent juifs dc naissance. Lui-même dit, col. 788, que le nom de Jésus, dans la langue hébraïque, a deux lettres ct demi, sicut periti eorum dicunt, cc qui Ic classe hors de la nationalité juive. Il tient compte du texte hébreu dc la Bible; Dent, c.xun,p. 692, il cite un texte probable­ ment corrompu. 11 connaît les versions des juifs Théodotion ct Aqulla. L. 111, c. xxi, n. 1, col. 946. Il cite Josèphe. Fragment xxxm, P. G., t. vu, col. 1245. 11 utilise, à l’instar dc saint Justin ct dc la plupart des exégètes de cd te époque, les croyances haggadiques. Cont. tuer., I IV, c. xxxi, n. 3, col. 1070, sur la femme dc Lot; Dcm , c. ix, bur le chandelier à sept branches ct les $r ni < i ux ; < . xvm, sur les maléfices ct recettes que 1< !» « fils de Dieu » auraient appris aux < 1 1 · ' < t-s »o nue,; c xxiv, sur le rôle donné à 2509 IRÉNÉE (SAINT) 2510 Abraham. Cf. A. Harnack. Des helUgen Irenùus Schrift raisonnement aussi simple. L’influence gnostique est Tum Enveisc der apostollschen Verkûndlgung, Leipzig, possible, non établie. 1907, p, 58; J. Lcbreton, Le nouveau traité dc saint 2. Emploi des sources gnostiques pour la connaissance Irénéc sur la Démonstration dc la prédication aposto­ du gnosticisme. - Pour combattre utilement et con­ lique, dans la Revue dc Γ Institut catholique de Paris, vaincre les gnostiques, il était nécessaire de les con Paris, 1907, t. xn, p. 136-138. J. Lcbreton note que naître ; adversus eos victoria est sententiæ eorum mani­ l'exégèse d’Irénéc, c. ix, xxiv, est apparentée à celle festatio. L. I, c. xxxi, n. 3, col. 705. Faute de cette dc Philon. Nous avons signalé, en traitant dc la règle connaissance, dit-il, 1. IV, præf., n. 2, col. 973, « ceux dc foi, l’hypothèse d’U. Mannucd sur le caractère qui ont été avant nous et meilleurs que nous n'ont catéchétiquc de\a Démonstration ; celui-ci a supposé, La pu suffisamment contredire les Valentiniens. » Irénée diduscalia della Chiesa primitiva, dans la Rloista storico- a conversé avec des hérétiques, il a lu leurs livres. criticadt lie scienzc teologiche, Rome, 1907, t. υι,ρ. 139, Cf. 1. I, præf., n. 2; c. xxv, n. 2; c. xxxvn, n. 4; L V. que cette catéchèse ou dldascalic primitive, dont la præf., col. 441, 684-685, 689, 1119. Il ne nomme ni Démonstration ne serait qu’un développement, pour­ les livres qu’il a lus ni les gnostiques qu’il a interrogés. rait bien avoir son origine dans le judaïsme, · comme Particulièrement documenté sur l’école de Valentin, on y trouve désormais avec certitude celle des Deux il multiplie, dans sa notice, 1. I, c. r-xn, les Indications voies par où commence la Διδαχή; » dans l'attente matérielles dc ses diverses sources d'information. Le du Messie, aurait été élaborée peu ù peu une sorte de mot ζέγουσι revient à chaque Instant, et II Introduit récapitulation de la tradition biblique, mise à profit les paragraphes par ces formules : ζέγουσι, ίνιοι μυΟοplus tard par les chrétiens. λογουσιν, φάσκουσιν, etc. Deux de ces formules, mal 3® Sources gnostiques. — 1. Emprunts doctrinaux au comprises, ont entraîné dans l’erreur saint Épiphane, gnosticisme. — Lc gnosticisme a-t-il exercé une action Panarium, hair, xxxn, c. m, P. G., c. xu, col. 548, directe sur la pensée et sur la liturgie dc l'Égllsc, par Théodorct, Ilæreticarum fabularum compendium,!. I, exemple, sur les rites eucharistiques, comme l’a cru c. v, P. G., t. Lxxxm, col. 352, et, à leur suite, une E. Buonaiuti, Lo gnosticismo. Storia di anliche lotte foule d'hérésiologues, par exemple, Massuet, DisserL, religiose, Rome, 1907, p. 264? Ci. P. Batiffol, Le gnos­ I, a. 2, n. 78-80, col. 103-105. Là où Irénée parle de ticisme, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, alius qui clarus est magister ipsorum, selon la version Paris, 1907, p. 174. La preuve n'est pas faite qu'il latine, ils ont transformé en nom propre l'épithète ait eu une in fluence sérieuse, surtout avant le m· siècle. έπιφανής, que rend le mot clarus, ct ce docteur Sur le « levain gnostique » qui imprégnerait < toute la Valentinien anonyme est devenu Epiphane, fils de littérature chrétienne du ni· siècle, > lire, avec des Carpocratc. Non content de ces désignations géné­ réserves, E. dc Fayc, Gnostiques et gnosticisme. Étude rales, Irénéc expose l'enseignement de Valentin, critique des documents du gnosticisme chrétien aux il· et c. xi, n. 1, col. 560; dc Secundus, n. 2, col. 564; des ttf siictes, Paris, 1913,p. 471-494. Avant le in· siècle, disciples de Ptoléméc, præf., n. 4 ; c. xn, n. 1,3, col. 441, ct tout spécialement chez saint Irénéc, certaines idées 569, 574; il reproduit peut-être un passage important dc scs docteurs ont pu être adaptées à l'exposition ou de Ptoléméc sur le prologue dc saint Jean, ù s’en rap­ ù la défense dc la doctrine catholique. Encore ne porter aux mots : Et Ptolemsrus quidem ita, c. vin, n. 5, faut-il pas soupçonner trop vite l'action du gnosticisme col. 538, qui manquent dans ce que nous possédons là où tout s'explique aisément par l'utilisation dc du texte grec. Plus d’un trait de l'exposé de la doctrine l’Écriture et de la tradition patristique. Quand irénéc des inarcosicns donne ά croire qu'il s’inspire d’un montre, dans Jésus-Christ, le docteur céleste qui document écrit. Il sc pourrait même qu’il fournisse apporte enfin la connaissance, la gnose, ù scs disciples, le titre dc cct écrit : Le silence de Marc, sans doute ou quand il désigne par le mot de connaissance, une sorte dc livre des revelations dc Marc, quand il agnitio, la révélation du Christ ct sc réfère aux paroles dit, c. xiv, n. 7, col. 608, cf. 609 : ώς φησιν ή Μάρκου d’un presbytre sur la connaissance du Christ, il ne dit Σιγή. Il connaît des écrits dc Marcion ct la Bible rien dont on ne trouve l'équivalent dans l'Évangilc des marcionites, 1. I, c. xxvu, n. 3; 1. Ill, c. xn, n. 12, et dans saint Paul ou dans saint Justin; évoquer à col. 689, 906, et, à peu près sûrement, un écrit héré­ cc sujet le gnosticisme ct supposer, avec A. Dufourcq, tique de Taticn, 1. I, c. xxvm, n. 1, col. 690-691. 11 a Saint Irénée (collection Les saints), p. 124, qu’il a pu eu entre les mains quelques-uns des livres des calnltes, suivre les leçons d’un maître « quelque peu teinté dc c. xxxi, n. 2, col. 704. lui notice qu'il consacre aux gnosticisme, > c'est sc lancer en plein arbitraire. De barbéliotcs, c. xxix, col. 691-694, avait donné l’im­ même, quand il se rencontre,!. IV.c.xvi,n.2;c.xxxvi, pression d'avoir été composée ùl'aide d'un document, n. 4, col. 101 G, 1093. avec lléracléon, P. G., t. vn, ct cette Impression a été conAnnée par la découverte col. 1316, pour voir des anges dans les · fils dc Dieu * du document lui-même, VÉvangile de Marie. Ct. dc Gen., vi, 2, ou quand il développe, Dem., c. ix, C. Schmidt, Ein vorircnûisches Originahrcrk in koptl· scher Spraehe, dans les Sitzungberichte der k. preusstр. 666, la conception des sept deux chère aux Valen­ tiniens, cela n'atteste point une influence gnostique; sehen Akademie der Wissensehaften, Berlin, 1896, Irénéc ct les gnostiques ont pu s'inspirer directe­ p. 839 sq. (sera publié dans le t. n des Koptisch-gnosllsche Sehriften). Enfin les renseignements, c. xxx, col. 694ment ici dc la littérature rabblnique, là de Josèphc, de Philon, dc saint Justin. Cf. A. d’Alès, La 704, sur une secte, non nommée, dc séthiens ou théologie de Tertullicn, Paris, 1905, p. 156-157, note; d'ophites, d’après Théodorct, Hnreticarum fabularum J. Lcbreton, dans la Revue de ΓInstitut catholique de compendium, 1. 1, c. xjv, P. G., t. x,xxxin, col. 364, ct Paris, Paris, 1907, t. xn, p. 137. Les ressemblances pour laquelle E. de Faye, Gnostiques et gnosticisme, notées par A. Dufourcq, Saint Irénéc (collection La p. 363, projwsc l’appellation d’« adeptes dc la Mère, · pensée chrétienne), Paris, 1905, p. 182, 192, 193, entre sont dus certainement à un ou à plusieurs documents Irénée, 1. IV, c. xu, n. 1,4 ; c. xv, n. 2, col. 1004, 1005, gnostiques. Cf. E. de Fayc, p. 361. Que vaut la documentation d’Irénée ct quelle est 1013, et Ptoléméc, dans son épître à Flora, P. G., t. vn, col. 1284, ne sont pas très caractéristiques; Irénée la portée de son témoignage sur les gnostiques? La n’avait pas besoin (remprunter nu docteur gnostique question a été longuement débattue au cours de ccs ce que l'Évangilc lui fournissait clairement. La dernières années. Un exposé exact ct clair des opinions phrase : « Celui qui est né dc Dieu est Dieu, » Dcm., émises est V Introduction d Γétude du gnosticisme au с. xi.vii, p. 695, avait été énoncée par Ptoléméc. 11 If et au tu· siècles, par E. dc Fayc, dans la Rruue de est évident qu’Irénée avait pu faire dc lui-même un Γhistoire des religions, Paris, 1912, t. xlv, p. 299-312, 2511 IRÉNÉE (SAINT) t. xlvt, p. 31-57,145-172, 363-399. L’auteur a dégagé, p. 369-399, cc qui lui paraissait résulter de ccttc vaste enquête. Il a repris ces conclusions dans Gnostiques et gnosticisme. Paris, 1913. Cet ouvrage remarquable, mais beaucoup trop favorable aux gnostiques, est loin de pécilcr par excès de bienveillance envers Irénéc, et quelques-unes de scs critiques de détail ne portent pas; le jugement d’ensemble est juste. Irénéc, passionné, mais non haineux, d’une loyauté non suspecte, nous fait bien connaître les gnostiques scs contemporains, moins bien ceux des générations antérieures. Les gnostiques qu’il a sous les yeux sont les disciples des disciples des grands fondateurs des sectes gnostiques. « Il est naturel que les défenseurs de l’Église soient surtout préoccupés des gnostiques qu’ils volent à l’œuvre..., qu’ils aient cc penchant de voir les ancêtres des sectes gnostiques à travers les épigones. Comment ne leur arriverait-il pas, sans même s’en douter, de confondre les temps, d'attribuer aux fondateurs les idées de leurs succes­ seurs, de rajeunir de deux ou trois générations cer­ taines doctrines que professaient des gnostiques de la fin du n· siècle? > P. 9-10; cf. p. 113-115, 314, 321. De la notice, importante entre toutes, 1.1, c. i-χπ, sur le valcntinlanisme, E. de Faye conclut l’examen, p. 85-117, par ccttc appréciation : · Telle qu’elle est, la notice d* Irénéc est fort précieuse. On y trouve en partie la spéculation de λ'ηΐοηίΐη, des échos de l’ensei­ gnement de Ptoléméc et d’Héracléon, ct enfin les élucubrations des Valentiniens du temps d’Irénéc. On peut dire que trois générations ont déposé leur alluvion dans ccttc notice. On y entrevoit soixante ans d’histoire. · Cc n’est pas peu de chose. Et, en comme, Irénéc a réalisé son programme, præf., n. 2, col. 441, qui était surtout de manifester la doctrine des Valentiniens de l’école de Ptoléméc, eorum qui sunt circa Ptolemœum. Sur les rapports entre la théologie qu*Irénéc attribue À l’école de Ptoléméc ct la théologie de la lettre de Ptoléméc à Flore, cf. A. Dufourcq, Saint Irénée (collection La pensée chrétienne), p. 82-84. Ln notice la plus complète, après celle du valentlnianlsmc, est celle du marcosianisme, c. xm-xxi; riche, mais moins sûre en cc qui regarde Marc, elle mérite confiance en cc qu’elle nous apprend des disciples de l’hérésiarque. Cf. E. de Faye, p. 321. Les notices sur Marcion, les caïnites, les ophites ou · adeptes de la Mère, ■ les barbéliotcs, sont puisées à de bonnes sources. Cf. E. de Faye, p. 124, 127, 350, 361, 374. Les notices sur les anciens gnostiques : Basilidc, Carpocratc, Simon le magicien, Satornil, Cérinthe, Cerdon, n’ofTrent pas les mêmes garanties; elles aident à bien connaître, sinon toujours ces hérétiques, du moins leurs succes­ seurs. Cf. E. de Faye, p. 37, 395, 409, 411, 414. Rele­ vons seulement, c. xxm, n. 1, col. 671, l’erreur, provenant de Justin relative à la statue de Simon le magicien qui aurait été érigée ù Rome. Sur une erreur attribuée à Irénée concernant l’existence du gnostique Colorbasus, voir Coloiujasus, t. in, col. 378. Concluons : la connaissance qu* Irénéc eut et l’usage qu’il fit des sources gnostiques rendent le Contra hxreses très utile pour l’étude du gnosticisme; mais tout n’y est pas d’égale valeur ni sans lacunes. 4° Sources chrétiennes. — 1. L9Écriture. — D’abord et par-dessus tout, Irénéc s’inspire de l’Écriture. Saint Jean ct saint Paul lui sont particulièrement familiers. • Λ vrai dire, on a l’impression, observe A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 185, noie, que saint Irénée est plus près de saint Jean que de saint Paul, > cc qui n’est pas pour surprendre de la part d’un disdplc de Polycarpe; mais la doctrine paulinienne du second Adam s’associe étroitement, dans son œuvre, à la doctrine jobannique du Verbe fait chair ct de la déification de l’homme par l’Esprit de 2512 | Jésus et du Père, ct la place qu’il assigne à la double théorie, mystique ct réaliste, de la rédemption, prouve qu’il dépend à la fois des deux apôtres. 11 a fallu les entraînements de l’esprit de système pour amener J. Werner,Der Paulinismus des Irenüus, Leipzig, 1889,à soutenir que, malgré les ressemblances extérieures, mal­ gré les formules ct lescitations paulinicnnes,aucun lien réel n’unit l’évêque de Lyon à saint Paul. 2. En dehors de Γ Écriture. — a) Ceux qu'il cite. — Irénéc cite saint Polycarpe, des presbytres ct des anonymes distincts des presbytres, Papias, saint Clé­ ment, Hermas, saint Ignace, saint Justin, Taticn. — a. Saint Polycarpe. — Cont. hier., 1. Ill, c. iu, n. 4, col. 851-855; lettres à Florinus ct au pape Victor, dans Eusèbe, H. E., 1. V, c. xx, xxiv, P. G., t. xx, col. 484-485, 508, Irénée cite des paroles de Polycarpe ct vante son épltrc aux Philippiens. Bien qu’il fût relativement jeune quand il le connut, il a gardé tout vivant renseignement de Polycarpe : < il me semble, dit-il à Florinus, encore l’entendre nous raconter de quelle manière il avait conversé avec Jean ct avec les autres qui avaient vu le Seigneur, nous rapporter leurs paroles ct tout ce qu’ils avaient appris touchant JésusChrist, scs miracles et sa doctrine. > Une pareille in­ fluence marque pour la vie. Cf., sur lescitations de saint Paul par Polycarpe ct par Irénéc, F. R. M. Hitchcock, Irenaeus of Lugdunum, p. 24 ; sur Irénéc ct Poly­ carpe, l’appendice des Actes de Polycarpe dans le manuscrit de Moscou (xm· siècle), dans H. Hemmeret P. Lejay, Les Pères apostoliques, Paris, 1910, t. m, р. 158, 160; sur les ressemblances entre les Actes de Polycarpe ct la lettre des martyrs de Lyon, œuvre probable d* Irénéc, A. Lelong, dans H. Hemmer et P. Lejay, op. cit., p. lxix. — b. Les presbytres. — Un peu partout Irénée se réfère aux vénérables presbytres, qui avaient vécu avec les apôtres ouavecleurs disciples. Le mot grec est πρεσβύτερος, ct, une fois, πρεσβύτης; cc dernier mot saint Éplphanc l’applique à Irénéc. Panarium, hær. xxxi, c. 33 ; hær. xxxiv, c. 21, P. G., t. xu, col. 538,623. La vieille traduction latine a les mots : presbyter, senior, vetus homo, veteres. Parmi ces presbytres, il en est qu’Irénéc a connus lui-même. C’est le cas, très probablement, de « cet homme meil­ leur que nous, « supérieur à nous, > dont il parle, 1. I, præf., n. 2;c. xm, n. 3; 1. III, c. xvn, n. 4, col. 440, 584, 931-932, avec un accent qu’on n’a pas quand il s’agit d’un étranger, ct dont on s’est demandé si cc ne serait pas saint Polycarpe ou saint Pothin. Cf. Tillemont, Mémoires, t. ni, p. 89, note. C’est sûrement le cas du presbytre— serait-ce le même? — qu’il a entendu, qui avait entendu les apôtres, ct dont il Invoque l’autorité sept fois de suite. L. IV, c. xxvni, n. 1,2; с. xxx, η. 1 ; c. xxxi, η. 1 ; c. xxxn, n. 1, col. 1056, 1058, 1059, 1064, 1068, 1070. Il en est qu’Irénéc n’a peut-être pas connus personnellement. D’abord, cc mystérieux poète, πρεσβύτης dans le grec, senior dans le latin, qui a écrit contre le gnostique Marc, 1. I, c. xv, n. 5, col. 628, et ceux qu’Irénéc caractérise simplement comme les transmetteurs de la vraie foi, 1. Π1, c. xxiii, n. 3; 1. IV, c. xxvim, n. 1 ; I. V. t. xvn, n.4, col. 961,1061,1171 ; lettre Λ Florinus, dans Eusèbe, P. G., t. xx, col. 485; Dem , c. ni. ι,χι, p. 662, 706, Ensuite, le groupe des presbytres asiates, qui sc trou­ vaient auprès de saint Jean, « qui le virent face à face, » ct dont plusieurs virent d’autres apôtres. L. I I,c. xxxn, n. 5; 1. V, c. v, n. 1 ; c. xxxm, n. 3; c. xxxvx, n. 1, 2, col. 785, 1135, 1203, 1213, 1223. On a souvent dit qu’Irénéc avait conversé avec eux. Rien ne le prouve H semble plutôt qu’ Irénéc ait eu en mains un recueil écrit de h urs témoignages, ainsi que l’indique la manière dont il les présente : < Ils disent, » « ils attes­ tent > Cf. W. S. Reilly, Ln presbytres asiates de saint réru dans la Revue biblique, Paris, 1919, 2513 IRÉNÉE (SAINT) 2514 р, 216. Cc recueil fut sans doute les Exégèses des discours insuffisante de sa doctrine. Dem., c i.vrn, p. 704, sup­ du Seigneur, de Papias, que nous savons avoir été un pose une tradition particulière sur l’étoile des mages : assemblage de traditions des presbytres au sujet « elle pénétra dans la maison où sc trouvait l’enfant des paroles du Christ. Irénéc, en effet, après avoir enveloppé de langes ct vint sc reposer sur sa tête, cité le témoignage de ces presbytres, 1. V, c. xxxm, pour montrer aux mages le Fils de Dieu, le Christ. » n. 3, col. 1213-1214, dit, n. 4, col. 1214 : « Tout cela — e. Saint Clément. — Nous avons vu qu’Irénee cite aussi Papias, auditeur de Jean ct compagnon de la lettre aux Corinthiens en des termes qui ont paru, Polycarpe, un homme des anciens temps, l’atteste, mais à tort, impliquer qu’il la considérait comme une Payant consigné par écrit au livre IV de son ouvrage, partie de l’Écriture. Serait-ce à Clément, I Cor., c. xn, car il en a écrit cinq, ταΰτα δέ καί ΙΙαπίας... έγγρά n. 7, ou à Justin, Dialogus, c. exi, P. G., t. n, col. 733, φως έπιμαρυρτεί » N*cst-cc pas laisser entendre qu’Irénéc emprunte, 1. IV, c. xx, n. 12, col. 1043, qu’il connaît les dires des presbytres asiates à travers l’idée de la cordelette rouge de Rahab, figure du sang Papias, et n’est-il pas permis d’en conclure qu’il en est rédempteur du Christ? Plutôt à Justin, d’après le de même des autres passages où il se réclame de ces contexte; mais Justin a dû utiliser saint Clément La presbytres, tant avant (sur le chiffre de la bête) qu’a vision d'Ezéchicl est Invoquée comme témoignage en près (sur les diverses demeures de la maison du Père) faveur de la résurrection par Clément, J Cor., c. L, ce passage, col. 1203, 1222, 1223, cf. 1135, ct, beau­ par Justin, Apol., I, c. ui, P. G., L m, col. 406, coup plus haut (sur l’Age du Christ), col. 785? — par Irénéc, 1. V, c. xv, η. 1, col. 1164; l'application с. Papias. - On s’est trompé en faisant d* Irénéc un était si naturelle qu’il n’y a pas â supposer qu’Irénee disciple de Papias, au meme titre que de Polycarpe. dépende Ici de Justin ou de Clément — /. Hermas. — Deux textes de saint Jérôme ont donné lieu à cette Voir cc qui a été dit à propos du canon des Écritures méprise : celui du De viris illustribus, c. xxxv, P. L., ct, sur des ressemblances entre Hermas et Irénée, t. xxm, col. 649 : constat autem Polijcarpi.... hune fuisse A. Hamack, Gcschtchte der altchristlichen Litteratur, discipulum, ct cet autre, Epist., lxxv, P. L., t. xxn, t. t, p. 52. Par ailleurs J. Lebreton, Le nouceau traité col. 687 : Irenaus.., Papiœ, auditoris evangelistæ de saint Irénée dans la Revue de Γ Institut catholique Joannis, discipulus. Massuet, Dissert., II, a. 1, n. 3, de Pans, Paris, 1907, t xn, p. 139, pense qu’on peut col. 176, a inféré de ces textes de Jérôme qu’Irénéc, retrouver, dans l’archange, « chiliarque administra­ après le martyre de Polycarpe, n’ayant pu fréquenter teur > ct chef de la milice céleste, Dem., c. xi, p. 468, longuement l’école du saint vieillard, sc rendit auprès < l’ange très vénérable » du Pasteur, Vis., V, n; de Papias, autre disciple de saint Jean, ct sc confia Mand., V, i, 7. La conjecture est ingénieuse; si à sa discipline. En réalité, le passage d* Irénéc,col. 1214, elle était fondée, elle appuyerait l’hypothèse qui duquel dépendent ct le mot de Jérôme et l’interpré­ identifie « l’ange vénérable, » « l’ange saint, » « l’ange tation de Massuct, prouve uniquement qu’Irénéc fut illustre > du Pasteur avec saint Michel. — g. Saint disciple de Papias dans un sens large : il fut un Ignace. — Irénéc cite, 1. V, c. χχντπ, n. 4, col. 12001201, sous cette désignation : « comme l’a dit l’un des lecteur, non un auditeur de Papias. Irénéc, le pre­ mier, s’était trompé sur le compte de Papias, quand il nôtres, > une phrase d’Ignace, Ad Rom.,iv, 1.— h. Saint en avait fait un auditeur de saint Jean, confon­ Justin. — Déjà Eusèbe avait noté, H. F.., 1. IV,c. xvm, dant 1’apôtrc Jean avec Jean le prcsbvtrc. Eusèbe, P. G., t. xx, col. 376, que les écrits de Justin furent H. E., 1. 111, c. xxxix, P. G.,t. xx, col.*296-297, fait tenus en si haute estime parles anciens qu’Irénéc s’est observer qu’ Irénéc a mal lu Papias ; que, dans la préface parfois servi de son témoignage, ainsi que l’attestent de son ouvrage, Papias ne sc dit pas auditeur des deux passages où l’auteur du Contra hxreses introduit, apôtres, mais de leurs disciples, ou, mieux, des disci­ par ces mots: καλώςΊουστϊνος, 1. IV, c. μ, η. 2; L V, ples de leurs disciples. Que cc soit parce qu’il a lu c. xxm, n. 2, coL 987, 1194, des citations de deux traités perdus de Justin, l’une d’un traité contre Mar­ Papias rapidement, qu’il le cite de mémoire, ou que, citant le livre IV des Exégèses, il n’ait pas un souvenir cion, l’autre d’un écrit Inconnu. Irénée dépend des exact de la déclaration du préambule, impressionné Apologies ct du Dialogue un peu partout dans le qu’il est, sinon hypnotisé, par le grand nom des pres­ Contra hxreses. Cf. l’index des œuvres de Justin, bytres, quel le que soit l’explication de l’erreur d’Irénée, édit. Otto, dans le Corpus apologetarum Christianorum l’erreur n’est pas douteuse. Impossible quand il sirculi secundi, léna, 1877, t. n, p. 595-596, ct aussi affirme que saint Polycarpe, qu’il a vu ct entendu, a dans la Démonstration de la prédication apostolique, connu l’apôtre saint Jean, elle s’est produite en cc qui ct. J. Lebreton, Le nouveau traité de saint Irénée dans la regarde Papias, qu’il n’a ni vu ni entendu, à la suite Revue de Γ Institut catholique de Paris, Paris, 1907, d’une lecture insuffisamment attentive. Par là, dispa­ t. xn, p. 133-136. Il a vraisemblablement mis à profit raît ccttc véritable impossibilité qu’il y avait à prêter le traité perdu de Justin contre les hérésies. Enfin, Il a pu suivre les leçons de Justin à Rome. Quoi qu’il en soit à F apôtre saint Jean, parlant «de la part du Seigneur,* le millénarisme effréné qu’Irénéc lui attribue, ainsi de cette dernière considération purement hypothétique, que la fausseté sur l’Age du Christ. Cc n’est pas de il est manifeste qu’Irénéc doit beaucoup à Justin. Il l’apôtre saint Jean, mais des auditeurs des presbytres a en commun avec lui ct sans doute il lui emprunte auxquels s’était fié Papias, homme crédule ct « très plusieurs particularités du texte scripturaire, notam­ petit esprit, autant qu’on peut en juger par son ou­ ment le texte apocryphe sur Ja descente du Christ aux vrage, » dit Eusèbe, que venaient ces Imaginations. enfers. Il relève grandement de lui dans sa preuve de Irénéc les accueillit parce qu’il les croyait de l’apôtre.— la religion chrétienne par les prophéties de l’Ancien d. 1 les anonymes dish nets des pres bytrès. — 11 n’y a pas de | Testament qui occupe une bonne moitié de la Démons­ raison qui oblige d'inscrire parmi les presbytres, avec tration, et. en général, dans ses interprétations de Λ. Harnack, Gcschtchte der altchristlichen Litteratur ! l’Écriture. Sa christologie, très supérieure à celle de bis Eusebius, Leipzig, 1893, t. i, p. 65, l’anonyme I Justin, n’est pas sans la rappeler. Peut-être cst-il dont Irénée cite, I. IV, c. îv, n. 2, col. 982, la belle ' tributaire du traité perdu contre Marcion pour sa doc­ parole sur le File mesure du Père Immense : ct bene qui trine de la récapitulation; du moins le fragment qu’il dixit..., ni celui qu’il cite sous celte forme, c. xu, n. 2, I donne de ce livre, col. 987, parle de la venue du Fils col. 1115 : quemadmodum ct quidam ar.te nos dixit, de Dieu en terre pour récapituler en lui-même sa créa­ pas plus que ceux qui ante nos luerunt, ct quidem multo ture. L’eschatologie d’Irénéc a des traits de famille nobis meliores, 1. IV, præf., n. 2, coi. 973, et qui ont avec celle de Justin, plus même qu’il ne faudrait : le combattu le valentinJanisme avec une connaissance ] délai de la vision béatlfiquc ct le millénarisme appa- 2515 IRÉNÉE (SAINT) paissent chez l’un et chez l’autre. Cf., sur d’autres res­ semblances, F. R. AL Hitchcock, Irenaeus of Lugdu­ num, Cambridge, 1904, p. 27-30. Du reste, Irénée ne reproduit pas Justin de façon servile. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 2426; cf. J. Lebreton, loc. cit., p. 134. — f. Tailen. — Si Taticn n’était qu’un chrétien ordi noire tombé dans le gnosticisme et dans l’encratisme, il suffirait de la mention que nous lui avons accordée parmi les sources gnostiques. Mais il a été d’abord un disciple de Justin, 1. I, c. xxvm, η. 1 ; cf. 1. 111, c. xxm. n. 8, col. 690, 965, dévoyé après le martyre de son maître, et l’âpreté des critiques d’Irénéc sc concilierait assez bien avec l’hypothèse d’après laquelle il aurait été lui aussi le disciple de Justin; ce serait la protesta­ tion indignée de l’élève fidèle ù la pensée du maître contre le renégat Dans son Discours aux Grecs, Ta­ ticn parle de l’âme en des termes qui l’ont fait passer pour un adepte du trichotomisme, et on a prêté ces mêmes idées trichotomistcs à Justin et à Irénée. Voir Ame, t. x, col. 981, 984-985. Irénée présente quelques ressemblances, mais ausj des différences marquées, avec Taticn. Cf. J. Leblanc, Entre la mort el la parousie avant Origène, dans les Annales de philosophie chré­ tienne, Paris, 1904, III· série, t. ni, p. 389-394. b) Ceux qu'il ne cite pas. — Nous avons ici en vue quelques écrits qu’ Irénéc ne cite point, mais avec les- , quels il offre des ressemblances. Ces ressemblances, parfois assez vagues, ne prouvent pas qu’il les ait lus; il peut sc faire que les auteurs de ces écrits et Irénée aient puisé à une source commune, ou qu’ils sc soient rencontrés dans l’interprétation d’un texte biblique. I — a. Le pseudo-Barnabé. — Voir Bærnæbé (Êptlre dite de saint), t. n, col. 416; cf. F. R. M. Hitchcock, Irenaeus o/ Lugdunum, p. 21-22. — b. La Didachè. — Les rapports signalés entre la Didachè et Irénéc ne sont pas très caractéristiques. Sur l’usage fait par l’une et l’autre, Did., xiv, 3, et Cont. hær., 1. IV, c. xvn, n. 5, col. 1023, de la prophétie de Malachlc, i, i II, 14, cf. E. Jacquier, La Doctrine des douze apôtres et ses enseignements, Lyon, 1891, p. 20-21. L’affinité signalée par E. Buonaiuti, Il millenarismo di Irenco, dans la Rivista storico-crilica dclle scienze teologlche, Rome, 1906, t. n, p. 911, entre Did., ix, 4, et Cont. tuer., 1. V, c. n, n. 3, col. 1127, n’est pas telle qu’on soit autorisé à admettre une influence de la Didachè sur le Contra hæreses. — c. La lettre à Diognète. — A. Domer, Die Lehre von der Person Christi, 2e édit., Stuttgart, 1815,1.1, p. 478, a cru voir dans cette lettre, C. vn, P. G., t. π, col. 1177, une source d’Irénéc. Cf. A. Harnack, Gcschichte der altchristllchcn Litleralur bis Eusebius, 1.1, p. 758. — d. Méliton de Sardes. — Irénée relève-t-il de Méliton, cf. son texte dans Eusèbe, II. E., 1. IV, c. χχνι, P. G., t. xx, col. 395, quand il dit, 1. IV, c. xxxiv, n. 4, col. 1086, que le Christ est l’auteur véritable de la paix romaine? A. Dufourcq, Saint Irénée (collection La pensée chré­ tienne), p. 199, n., pense que oui. — e. Théophile d'Antioche. - A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 65, avance également qu’Irénée a lu Théophile d’Antioche. C’est possible, mais non certain. Un indice en faveur de cette hypothèse, c’est que Théophile, avant lui, ainsi que nous l’avons noté, a identifié la Sagesse de l’Ancien Testament avec le Saint-Esprit, non avec le Verbe. — /. Itcgésippe. — Faut-il, avec P. Batiffol, Anciennes littératures chré­ tienne. La littérature grecque, 2· édit., Paris, 1898, p. 107, compter, parmi les sources d* irénée, les Com­ mentaires : d’Hégésippc, ou dire, avec A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 78-79, qu’ils « ne lui ont été peut-être d’aucun secours? Ils viennent ù peine de paraître (vers 170-180) en Palestine ou en Syrie; ils mentionnent sept sectes juives... dont Irénéc ne souffle mot; ils énumèrent sept sectes chrétiennes 2516 dans un ordre qu’Irénée semble ne pas connaître.* — g. Un recueil de textes de Γ Ancien Testament. — On se souvient qu’U. Mannucci a admis l’existence d’un recueil de cc genre, mais en lui assignant une origine juive. J. R. Harris avait, le premier, supposé qu’il exista, aux premiers siècles, un recueil de preuves tirées de l’Ancien Testament, en usage dans la polé­ mique antijuive. Cf. R. Harris et W. Burch, Testimo­ nies, Cambridge, 1920. La Démonstration de la prédi­ cation apostolique lui parut confirmer cette hypo­ thèse, La similitude de documentation scripturaire, l'emploi des mêmes passages des prophéties messiani­ ques dans Justin, Irénée, Hippolyte, etc., et même dans des écrivains ultérieurs, tel Athanase, forment le principal étal de cette supposition. F. C. Burkitt est venu, ù son tour, qui a conjecturé hardiment que cc recueil primitif ne serait autre que le livre perdu de Papias. Cf. Rivistastorico-critica délie scienu teologlche, Rome, 1910,t.xi,p. 492-493. Sous la forme que lui ont donnée U. Mannucci et F. C. Burkitt, la supposition est peu vraisemblable. Elle l’est davantage, telle que l’a développée J. R. Harris. Jusqu’à preuve du con­ traire pourtant, tout s’explique assez bien sans cc recueil, avec le seul Justin : dans le Dialogue avec Tryphon, celui-ci a comme imprimé sa forme classique à l’argument prophétique, et Irénéc, Athanase, etc., n’auront qu’à s’inspirer de lui. Cf. M. J. Lagrange, Saint Justin, Paris, 1914, p. 51. / La question des sources d’Irénéc sc ramène donc aux données suivantes. Au point de départ, une et même deux influences décisives : celle de Polycarpe, disciple de saint Jean, et celle d’un presbylrc, très probablement distinct de Polycarpe, qui avait entendu les apôtres. Ceux-ci ne l’ont sans doute pas initié à tous les détails du dogme; mais ils l’ont marqué à leur em­ preinte, ils lui ont fait une âme capable de tous les enrichissements doctrinaux. On a souvent parlé d’une école asiatique, d’une évolution théologique propre à l’Asie Mineure, dont Irénéc serait le représentant le plus connu. L’existence de cette école est un mythe, et, en tout cas, Irénéc n’a, avec l’Asie, d’attaches constatables que celles que nous venons de dire. Les autres presbytres asiates n’ont pas été scs maîtres; il les cite à travers Papias. Vraisemblablement il quitta l’Asie de bonne heure, vipt à Rome avec Polycarpe, y séjourna; il y suivit peut-être les leçons de Justin. Cc qui est sûr. c’est que Justin, que cc soit uniquement par scs écrits ou encore par son enseignement oral, a exercé sur lui une influence considérable, qui fut un peu en étendue cc que celles de Polycarpe et des presbytres avaient été en profondeur. La lutte avec le gnosticisme détermina l’orientation de ses Idées théologiques. La Bible, lue, méditée, convertie en sang et nourriture, < lui fournit, selon le mot heureux d’A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 63, la substance et la forme de sa pensée. » Il pro­ cède surtout de saint Paul et, plus encore de saint Jean. Les deux grands écrivains bibliques sont scs vrais maîtres. 1® Sources païennes. — J. A. Fabricius, Bibliotheca græca, édit. J. C. Hades, Hambourg, 1801, t. vu, p. 83-85; P.G., t. vn. col. 2019-2220 (les renvois se réfèrent aux chapitres des éditions antérieures à celle de Massuct). — 2e Sources gnostiques. - B. A. I Jpsius, Zur Quctlcnkritlk des Epipha­ nias, Vienne, 1863; Die Quellrn der dltesten Kctzcrgcschichle, Leipzig. 1875; A. Harnack. Zur Qucllcnkritik der Gcschichte des Gnosticismui, Leipzig, 1373; Zur Qucllcnkritik der Gcschichte des Gnostic mus, dans la Zeitschrift fur die hlstortschc Theologi r, Leipzig, 1874, t. XUV, p. 143-226; Geschlchh' di - altrt r»..Ui « le succes­ seur des apôtres, > « un homme apostolique, » < la lu­ mière des Gaules, » « la lumière de l’Occidcnt, > « l’ad­ mirable Irénée,» «une dc ces fontaines spirituelles qui nous apportent les caux ct la doctrine du ciel. » CL Harnack, p. 273-274. — 30. Timothée Ælure. - Cita­ tion dc trois textes, l’un authentique, les deux autres apocryphes. Cf. F. Cavallera, Le dossier patristique de Timothée Ælure, dans le Bulletin de littérature ecclé­ siastique, Paris, 1909, p. 355. — 31. Saint Prosper (ΓAquitaine.—-Reproduit la Chronique d’Eusèbe, dans Chronic., P. L., t. ij, col. 564. Dc même saint Isidore, Chronic., P. L., t. Lxxxm, col. 1044. - 32. Gennade. - Cf. I larnack, p. 272. — 33. Saint Orens (TAuch. D’après F. R. M. Hitchcock, Irenaeus o/ Lugdunum, p. 318, n., son Commonitorium dépend d’Irénéc. — 34. L*école de Lérins. Hitchcock, ibid., affirme l’in­ fluence d’Iri né* sur les écrits dc Lérins, par exemple, sur les · rmon. d'Hll dre et d’Honorat. Sur Vincent de L< r η Π i pu influer à travers le De proscriptione dc T< r’ulllcn que Vincent utilise. — 35. Saint Patrice. 1 I ·· Hitchcock, Creeds of SS. Irenaeus and 2521 IB EN EE (SAINT) Patrick, dans V Hermathena, Londres, 1907, t. χχχι, p. 168 182; Irenaeus of Lugdunum, p. 318 358. — 30. Proco pe de Gaza. Une citation. Cf. Harnack, р. 274. - 37. André de Césarée. Voici un relevé des citations du « grand Irénée, * plus complet que celui de 1 larnack. p. 275; elles sc trouvent dans le Commen­ tarius in Apoeahjpsin, prol., c. n, ni, x, xvm, xxxvn, uv, lxiv, P. G., t. cvi, col. 220, 228, 232, 256, 257, 274, 336, 337, 382, 420. Le passage non identifié, col. 382, et les deux passages similaires, col. 228, 232, peuvent maintenant s’identifier avcc/J/7n.,c.!X,p. 666667. 38. Cosmos Indicoplcustes. Une citation d’Irénéc, · homme illustre ct de vie éclatante, qui vécut peu après les apôtres. » Cf. Harnack, p. 274-275. 39. Saint Éphrem. — Deux citations. Il annonce ainsi la reproduction d’une page d’Irénéc, De virtute, с. vm, dans les Opera omnia, trad. G. Vossius, Anvers, 1619, p. 247 : ad quos pulchre et magni flee quidam sanctorum enuntiavit. Cf. Harnack, p. 270, 925. — 40. Léonce de Byzance. — Le mentionne parmi les « pères > ct les · maîtres, > après saint Ignace. Cf. Har­ nack, p. 276. — 41. Étienne Gobar. — Deux mentions, conservées par Pliotius. Cf. Harnack, p. 275, 276. — 42. Jean Malalas. — Attribue, Chronographia, 1. XI, P. G., t. xcvii, col. 408, â Irénéc ct ù Jules l’africain, < très savants chronographos, » cc détail légendaire que l’apôtre saint Jean disparut ct qu’on ne sait pas encore ce qu’il devint. — 43. Grégoire de Tours. — Deux passages, qui ont été cités col. 2397 en traitant du martyre d’Irénéc. Cf. Harnack, p. 274. 44. Marlyrologiurn hieromjmianum, édit. J.-B. dc Rossi ct L. Duchesne, dans les Acta sanctorum, Bruxelles, 1891, novembre, t. n a, p. (83).---- 15. Saint Grégoire le Grand. — A cherché en vain les œuvres d’Irénéc. Cf. Harnack, p. 275. — 46.Lemoine Antiochius.— Une citation. Cf. Harnack, p. 275. - - 47. Saint Maxime le Confesseur. Deux citations, l’une de la lettre à Victor, l’autre d’un écrit Sur ta foi perdu, attribué à • Irénéc, évêque dc Lyon, disciple dc saint Jean, apôtre ct évangéliste. · Cf. Harnack, p. 275-276. F. R. M. Hitchcock, Irenaeus of Lugdunum, p. 13, nomme par erreur Maxime dc Turin ct se trompe sur la se­ conde citation. - 48. Le pseudo-Anatole. — Une mention. Cf. Harnack, p. 596. — 49. Sébéos. — Une mention. Cf. Harnack, t. no, p. 324. — 50. Saint Anastase le Sinatte. Citations ct emprunts. Cf. Har­ nack, t. i, p. 276-277. 51. La Doctrina Patrum de incarnatione Verbe. - - Ce florilège, de la fin du vn· ou du commencement du vm· siècle, publié par F. Diekamp, Munster, 1907, contient, p. 265, une citation d’Irénée. — 52. Le pseudo-Germain dc Constantinople. — Reproduit, en l’abrégeant, mais sans nommer Irénée, Herum ecclesiasticarum contemplatio, P. G., t.xcvm, col. 413, la page sur l’Evangile tétramorphe, qu’il a connue peut-être à travers Anastase le Sinultc, Interrogationes ct responsiones, q. exuv, P. G., t. lxxxix, col. 797. Cf. Harnack, p. 284. — 53. Les Actes de saint Irénéc. Trois rédactions, dont la plus ancienne n’est pas antérieure au vu· siècle. Acta sanctorum, 3· édit., Paris, 1868, junii t. vu, p. 699-701.— 51. Saint Jean Damascéne. Une citation. Cf. Har­ nack, p. 277. 55. Les Sacra parallela. — Dans ce florilège, il y a dc nombreux textes d’Irénée, pris les uns dans le Contra furrescs, les autres dans des écrits perdus, quelque^*uns inauthentiques ou d’une authenticité douteuse. Le 1. III ne s’est pas conservé ù part. Les manuscrits attribuent le 1. 1 nu « prêtre ct moine Jean, ■ peut-être Jean Damascéne (c’cst le < prêtre et moine Jean » dc Massuct, P. G., t. vn, col. 1111, note), le l. H au prêtre Léonce, sans doute Léonce de Byzance, ou à Jean. Cf. Harnack, p. 277279.288; K. I Joli Fragmente oornMntscher Kirchenvdtcr aus den Sacre Parallela (Texte und Untersuchungen, 2522 ’ t. xx, fasc. 2), Leipzig, 1899,p. 58-84 (n. 58-82, authen­ tiques, 137-174, douteux; 175-179, inauthentiques). 56. Georges Synctlle, — Une citation et un éloge, Chronogr., P. G., t. cvnr, col. 1198, 1199. — 57. IzC Chronlcon paschale. — Cf. Harnack, p. 279.— 58. i Jean de Dara. Une citation. Cf. Harnack, p. 280. - 59. Saint Paschase Kadbert. — Deux citations, Expositio in Matlh&um, 1. IV, c. vi; De partu Virginis, i. I, P. L., t. exx, col. 307,1376. La seconde citation : neque ut Spiritus Sanctus sementivum esse credatur carnis (dans l’incarnation du Verbe), ut Irenreus vull, n’est pas exacte. Elle doit se référer à un passage mal compris, Cont. hier., LUI, c. xxi, n. 5, col. 952. — 6o. Agobard. — Une citation du « très antique ct aposto­ lique docteur, et martyr du Christ, et évêque de l’Eglisc dc Lyon, Irénée.* Nous èn avons parlé col. 2403. Cf. Harnack, p. 279-280.— 61. Le martyrologe du ms. latin 3879 de la Bibliothèque nationale de Paris. Composé ά Lyon, au commencement du ix· siècle. Voir les notices d’Irénéc, des saints dc Valence Félix, Fortunat ct Achilléc, ct des saints dc Besançon Fer réol ct Ferrudon, dans H. Quentin, Les martyrologes historiques du moyen âge. Paris, 1908, p. 175,168,205; cf. p. 213. 219-220. — 62. Le martyrologe du ms. 925 de la bibliothèque de Γ Université de Bologne. — Dc provenance lyonnaise, est un des accroissements du ms. latin 3879 de la Bibliothèque nationale dc Paris qui ont abouti au martyrologe dc Florus. Voir la notice sur Irénéc dans J. Condamln et J.-B. Vanel, Le martyrologe dc la sainte Église de Lyon, Lvon, 1902, p. 58. Cf. H. Quentin, op. cit., p. 222-223’ 231-233, 243-244. — 63. Florus de Lyon. — Cf., sur son mart> rologc, H. Quentin, op. cit., p. 222-408; la notice d’Irénéc, p. 309. J.-B. Pitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1852, t. x, p. 8-9; cf. p. ix-x =- P. G., t. vn, col. 431-432, a publié le prologue dc la traduction du Contra hæres es dans le codex Arundelianus 87 : c’est un résumé de l'ouvrage ct un exposé des raisons qui ont décidé à le transcrire. Il pense, à la suite de Sir mond, que l’auteur anonyme du prologue est le diacre Florus, L’attribution reste problématique. — 64. Le pseudo Bede, dit Bède de Cologne. P. L., t. xav, col. 960. Cf. H. Quentin, op. cit., p. 4, 468, n. — 65. Saint Adon de Vienne. — Brèves notices. Chronic., ct Marty roi., P. L., t. exxm, col. 84, 924-925. La notice du martyrologe reproduit celle du martyrologe de Florus; dc même pour la notice des saints Félix. For­ tunat et Achilléc, ct pour celle des saints Fcrréol ct Fcrruclon, col. 251, 288. qui mentionnent Irénéc. Cf. H. Quentin, op. cil., p. 482. — 66. Usuard. — Abrège, Martyrol., P. L., t. cxxtv, col. 203-204, la notice dc Florus. Adon. Cf. Harnack, p. 281.— 67. Méginhard de Fulda. Un mot contre le milléna­ risme d’Irénéc, dans son De fide, varietate symboli, ipso symbolo et pestibus hivresium, publié dans A. Hahn, Bibliotek der Symbole und Glaubensregtln. 3· édit., par L. Hahn, Breslau, 1897, p. 363. — 68. Photius. — 11 parle d* Irénéc dans scs lettres et dans Je De Sancti Spiritus mystagogia, et lui consacre une notice dans Ja Bibliotheca, cod. exx, P. G., t. an, col. 401. Cf. Har­ nack, p. 280. Après avoir analysé le Contra lurreses, il dit que « plusieurs autres écrits variés ct lettres de lui circulent. bien que, dans certains d’entre eux, l’cxac titude de Ja vérité des dogmes ecclésiastiques soit altérée par des raisonnements Illégitimes, cl καί έν τισιν αύτών ή της κατά τά έκκλησταστικά δόγματα άληΟείας dxplCcia νύΟοις λογισμοις κιίδελεύεται. * Conformément Λ la traduction latine de Pliotius par le jésuite André Schott : ecclesiasticorum dogmatum certa veritas spuriis rationibus fucari videtur, Ellies du Pin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1686,1.1. p. 199, avait entendu qu’lrénée aflaiblit quelquefois les choses certaines en les fondant 2523 IRÉNÉE (SAINT) sur des raisons peu solides; cf. 3· édit., Paris, 1698, t. j, p. 176. Tillcmont, Mémoires, t. m, p. 92, suivi par dom B. Ceiliier, Histoire générale des auteurs sacrés ct ecclésiastiques, Paris, 1730, t. n, p. 197, s’accorde mieux avec le texte grec en disant que, selon Photius, 11 y a, dans quelques-uns des écrits d*Irénée, < quelques fautes contre l’exacte vérité dc la doctrine de l’Eglise. » Où Tillcmont paraît sc trom­ per, c’est quand il ajoute ; · Il peut avoir voulu mar­ quer par là l’opinion des millénaires. · Cc n’est pas probable : la critique de Photius ne porte pas sur le Contra h/creses si carrément millénariste, mais sur les autres écrits qui circulaient sous le nom d’Irénéc. Photius aurait-il été trop difficile? Ou bien Irénée aurait-il donné prise à ce Jugement rigoureux par des affirmations qui ne nous sont point connues? Ou encore, chose plus probable, Photius aurait-il visé des écrits publiés abusivement sous le nom d’Irénéc? Bossuet, Mémoire sur ce qui est à corriger dans la Nou­ velle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de M. du Pin, dans ses Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1864, t. xx, р. 528, avança ccttc hypothèse, qu’Ellics du Pin, 3· édit., p. 176, accepta comme plausible; elle a pris quelque consistance maintenant que nous savons que les monophysites sc couvrirent de l’autorité d’Irénéc ct lui prêtèrent des textes de leur fabrication. — 69. Moïse bar Ccpha. — Une citation du Cont. tuer., 1. II, с. xxxiv, η. 1, est donnée par lui, dans son De anima, c. xxv, sous le nom d’Andronic, évêque dc Gugran. Cf. O. Braun, Moses Bar Kepha und sein Buch von der Secte, Fribourg-cn-Brisgau, 1891, p. 97; Harnack, p. 280. 70. Un manuscrit des Constitutions aposto­ liques. - Cf. I larnack, p. 280. — 71. A rélas de Césarée. • Plusieurs citations du < grand Irénée, > dans son Commentarius in Apocalypsin, prol., c. n, x, xvm, P. G., t. evi, col. 493, 516, 569, 571, 600. Cc common - j taire est une sorte dc décalque dc celui d’André dc Césaréc, et il se peut qu’Arétas n’ait connu qu’à tra­ vers lui les œuvres d’Irénée. Toutefois certains passages semblent attester une lecture directe des sources. Le plus notable est le commentaire dc l’Apocalypse, iv, 5, col. 569; cf. André, coL 256, où non seulement Arétas allègue, à l’appui dc son interprétation, Clé­ ment d’Alexandrie non cité par André, mais où il serre encore de plus près que lui le passage dc la Dé­ monstration de la prédication apostolique auquel ils se réfèrent l’un et l’autre. Sur la Démonstration, qui I n’était connue, que par un mot d’Eusèbe, nous aurions donc, sans parler dc l’extrait qui se trouve dans les sept fragments publiés, P. O., t. xn, p. 733-734; cf. p. 683, les deux témoignages d’André ct d’Arétas dc Césaréc. — 72. Simon Métaphraste. — 73, Le pseudoChrysostome. —71. Les Actes des saints Félix, Fortunat ct Achillée, de Valence. — 75. Les Actes des saints Ferréol et Ferrueion, dc Besançon. — 76. Les Actes de saint Timothée, d’Éphèsc. — 77. Les minées des Grecs. Pour ces six derniers n0·, cf. Harnack, p. 281. — 78. Œcaménius. — Cf. Harnack, p. 282. — 79. Nicétas Serronlus. Cf. Harnack, p. 279. — 80. Les Chaînes des Pères. — Nombreuses citations, d’une authenticité parfois douteuse. Cf. P. G., t. vn, col. 1239-1218,12571261, 2017-2018; Harnack, p. 281-283, 839, 840, 841, ctdans Je supplément, p. 12; P. Batiffol, dans Diction- ! nuire de la Bible, Paris, 1899, t. n, col. 486 (chaîne ' copte). Irénée y est appelé parfois « disciple des apô­ tres, > P. G., t. vn, col. 2017. — 81. Le Parisians S64. — Trois fragments du traité, perdu, Sur ta foi, attri­ bués à saint Irénée. Cf. Harnack, p. 283-284. — 82. Antoine Métissa. — Une citation, probablement à travers les Sacra parallela. Cf. P. G., t. vn, col. 996. — 83. Traductions. — Nous sommes inal renseignés sur les traductions des œuvres d’Irénéc. Le Contra hærc^cs fut traduit en latin, en arménien ct, fragmen­ 2524 t ai renient au moins, en syriaque; la Démonstration en arménien, peut-être en syriaque. Outre la version latine complète ct la version arménienne des I. 1V-V du Contra hivreses et la traduction arménienne de la Démonstration, nous avons des fragments, grecs ct syriaques, des œuvres diverses, d’une authenticité parfois douteuse, quelques-unes d’origine hérétique, ainsi que nous l’avons vu en traitant des œuvres d’Irénéc. Cf. I larnack, p. 284-288. Irénée y est appelé, çà ct là, < disciple ■ ou < voisin des apôtres. » — 84. Manuscrits. — Dc la vieille version latine un manus crit subsiste, le Claromontanus (maintenant Berollnensis), qui est du ix® siècle— Celte longue liste, quoique certainement Incom­ plète, permet d’arrêter les grandes lignes de l'influence irénéenne. Elle s’affirme de façon manifeste sur leshéréslologucs, surtout Hippolyte, Éplphane, Philastre ct Théodoret. Dogmatiquement elle est considérable sur les Pères grecs. Dans tous les débats trinilairesct christologiques, l’autorité d’Irénéc est mise en avant, ctlcs définitions dc l’Église, tout dc même que le développe­ ment de la théologie, sont dans le sens dc sa doctrine. Clément a trouvé ou introduit ses œuvres à Alexan­ drie. Origène, scion toute vraisemblance, les a utilisées. Saint Alexandre, saint Athanasc, saint Basile, saint Cyrille de Jérusalem, saint Éplphane s’inspirent de lui ou s’i n réclament. Au concile d’Éphèsc, les moines catholiques, dans leur requête contre Nestorius, nomment Irénée ct Grégoire le thaumaturge seuls entre les Pères qui composent la tradition. Un Marcel d’Ancyrc, un Théodoret, d’une orthodoxie moins sûre, veulent dépendre d’Irénéc. Les monophysites le tirent à eux ct, au besoin, forgent des textes qu’ils lui attribuent Les florilèges patristlques ct les chaînes bibliques lui font dc nombreux emprunts. Tous voient en lui le disciple des apôtres ou le voisin des temps apostoliques, ct il apparaît, scion le mot dc Théodoret, comme la lumière des Gaules ct dc l’Occidcnt, comme une dc ccs fontaines spirituelles qui apportent la lumière du ciel. Son millénarisme, qui suscite quelques réserves, n’amoindrit pas sensiblement son action doctrinale, ct il faut descendre jusqu’à Photius pour rencontrer une critique, assez vague du reste, dc scs enseignements. Irénée n’est pas connu seulement dans le rayon de la théologie grecque. Cet asiate qui, après avoir probablement vécu à Rome, s’est établi · parmi les Celtes » ct parle le plus souvent ce qu’il appelle « une langue barbare, » Cont. hier.. 1. I, præf., n. 3, col. 444, écrit, en grec, des œuvres qui sont traduites en latin, en arménien, en syriaque, ct qui ont des lecteurs, dc saint Patrice, en Irlande, à saint Éphrem, dans la lointaine Édcssc. Disons, pourtant, que son influence est moindre dans la théologie latine que dans la grecque, malgré qu’il ait été, en quelque sorte, naturalisé latin ct que la vieille traduction du traité contre les hérésies ait presque la valeur d’un original. A voir cette traduction utilisée par Tertullicn, peut-être par saint Cyprien, sûrement par saint Augustin, on croirait qu’Irénéc va s’emparer des esprits ct présider à l’essor théologique. Iln’cn fut rien. Augustin relégua dans la pénombre tous scs prédéces­ seurs. C’est lui qui fut le m dire incontesté dc la pensée occidentale. Irénée tomba dans un oubli relatif ct assurément regrettable. Λ Lyon même, on n’avait pas scs œuvres. Λ la Un du m® siècle, l’évêque Éthérius demanda au pape saint Grégoire le Grand de les lui procurer. On n’était pas plus riche à Rome; Gré­ goire répondit que, malgré toutes les recherches, les Actes ct les écrits d'Irénée étaient restés introuvables. Du temps d‘ Agobard.la ûtuatlonn’cst guère améliorée. Agobard cite un< fols Irénée , mais il n’a pas son texte, car II en donne un passage, non d’après l’antique ver­ sion latine mais d’après la traduction d’Eusèbc par 2525 IRÉNÉE (SAINT) Rufln. Le prologue, publié par J. B. Pitra sous le nom de Florus, indique cinq causes qui ont poussé à trans­ crire le Contra hæreses : la première, c’cst que perrarus est. Spicilegium Soles mense, t. i, p. 9. Cc prologue, s’il est vraiment dc Florus; deux citations, dont l’une Inexacte, dc Paschasc Radbert; la transcription, au îx· siècle, du Contra hæreses dans le Claromontanus, voilà, avec quelques textes hagiographiques, les seuls Indices dc la persistance du souvenir ct de l’action d’Irénéc en Occident. 2° Jusqu’à la Renaissance. — Il est fort probable que saint Anselme n’a point lu Irénée. On a pu écrire, pourtant, qu’< il renouvelle la réponse d’Irénéc à l’étemelle question que pose la raison à la foi : Cur Deus homo? > Λ. Dufourcq, L'avenir du christianisme. I. Le passé chrétien, 3· édiL, Paris, 1911, L vi, p. 137. Ce qu’il dit dc l’honneur dc Dieu ct d’une certaine nécessité dc la rédemption qui en résulte rappelle, en l’accentuant, cc que dit Irénée, et, plus clairement ct plus fortement que Irénée, mais un peu tout demême comme lui, Anselme expose la satisfaction du Christ pour l’homme pécheur. Du reste, entre la sotériologle de l’un ct dc Γautre, s’il y a des ressemblances, les différences ne manquent pas. Cf. F. R. M. Hitchcock, Irenaeus oj Lugdunum, p. 173-176. Le relief dc l’idée de l’incarnation est plus atténué dans saint Anselme que dans saint Irénée. Il indique ù peine cc qu’Irénée montre si bien, à savoir que l’explication ultime de l’œuvre rédemptrice est dans l’amour dc Dieu, qui a voulu se faire connaître de nous ct conquérir notre amour à nous. NI Anselme, ni les auteurs des grandes synthèses théologiques du moyen âge ne lui ont donné la place prépondérante qu’Irénéc lui assigne, en vrai disciple de saint Jean. Le moyen Age ne connaît guère Irénée. Quelques mentions dc lui existent, par exemple, dans la littéra­ ture syriaque, par Denys Bar Sallbl, cf. Harnack p. 280, et, parmi les Grecs, par Georges dc Corcyrc, Nicétas Acominat.MacaircChrysocéphalc.cf. Harnack, p. 280,271, et Nicéphore Calliste. On peutse demander si un seul dc ces écrivains a une connaissance directe des œuvres d’Irénéc. Nicétas semble lui faire des emprunts à travers saint Éplphane, ct Nicéphore Cal istc, qui en parle longuement, Ecclesiastica his­ toria, 1. IV,c. χιιι-χν, xxx, xxxix ; cf. c. ν,ιχ, xx, xxi, P. G., t.cxnv,col. 1005-1012,1019-1052,1065-1068,988, 997, 1029, 1032, et lui emprunte, comme Nicétas, des notices sur les gnostiques, c. π-xv, xx, col. 980-985,1001, le fait manifestement d’après Eusèbe. Des scelles lui sont attribuées dans un codex dc Moscou, du xx· siècle. Cf. Harnack, p. 264. Parmi les Latins, on o, en dehors des martyrologes dérivés d’Adon, en particulier dc celui de Notker le Bègue, P. L., t. cxxxx, col. 1111; cf. 1069, dc maigres notices, Inspirées surtout dc saint Jérôme : celles, par exemple, de Fréculphc, Chronic., J. II, c. xxn, P. L., L cvi.col. 1168; d’Honorius d’Autun, De scriptoribus ecclesiasticis, 1. I, c. xxxm, P. L., t. clxxii, col. 201 ; de Jean de Trittenheim (Trithème), De scriptoribus ecclesiasticis, Paris, 1494, foL 70; de La mer des histoires, Lyon, 1491, t. n, fol. 89a. Il n’y a pas une ligne dans les De scriptoribus ecclesiasticis dc Slgebert dc Gcmbloux ct dc l’anonyme dc Mclk; ct saint Antonin de Florence, pourtant si abondant, sc borne ù dire un mot dc lui, d’après Hélinand, à l’occa­ sion de Papias ct du millénarisme, Hister., I· pars, tit. vu, c. vi, n. 3, Lyon, 1517, fol. clxix a. Les ressem­ blances entre le texte d’Irénéc sur la primauté dc l’Église romaine ct Hugues Etcrlano, Dc hærcsibus græeorum, 1. HI, c. xm, P. L., t. cm, col. 376-377, sont trop vagues pour autoriser la supposition de J. Langen, Geschichte der rôniischen Kirche bis zum Pontificate Leo's I, Bonn, 1881, p. 173, que le passage d’Irénéc a été exploité par Hugues. Toutefois cc n’est pas l’insou­ i 2526 ciance totale. On transcrit les œuvres d’Irénéc. La traduction arménienne de la Démonstration et des livres IV-V du Contra hæreses nous est parvenue dans un manuscrit du xm· siècle, entre 1270 et 1289, et la plupart des manuscrits connus dc l’antique traduc­ tion latine du Contra hæreses sont du moyen âge. 3® Jusqu’à nos jours. — 1. En Orient. — Au xvn· siè­ cle, dans sa Réfutation de la Conjession de Cyrille Lucaris, Mélèce Syrigos cita des passages d’irénée sur l’cuchanstie. Mais on voit qu’il ne connaissait pas le texte original; car, au lieu de le reproduire tel quel, il le retraduisit du latin en grec. Cf. P. G., t. vu, col. 429. Plus ou moins oublié dans l’Église grecque, Irénée a bénéficié du retour aux études théologiques ct historiques, qui s’est dessiné au xjx· siècle. Pour ne parler que d’un ouvrage, qui compte parmi les plus importants dc la théologie russe moderne, ΓIntroduc­ tion à la théologie orthodoxe ct la Théologie dogmatique orthodoxe dc Macaire (Michel Boulgakow), trad, franç., Paris, 1857,1859-1860, fait une bonne place aux textes d’Irénéc, « dont le témoignage, cst-il dit, Introduction, p. 420, atteste la croyance non seulement de l’Église de Lyon, mais encore de toutes celles d’Occident, et même dc presque toutes les Églises du monde. » Cf. p. 419, 505-506, 559; Théologie dogmatique, L I, p. 45, 46, etc. 2. En Occident. — L’édition princeps du Contra hæreses parut, ù Bâle, en 1526, par les soins d’Érasme, qui appelait l’auteur < mon > Irénée : cur enim non meum appellem, disait-il, dans la dédicace â l’évêque dc Trente, édiL dc 1534, Bâle, fol. 2a ·= P. G., L vn, col. 1321, quem pene sepultum, absterso, quantum licuit, situ, luci restituimus, indignum projecto qui per­ petua oblivione obsolesceret? Que l’éloge de ces écrits, spirant enim Illius scripta priscum illum Evangelil vigorem, la recommandation que leur vaut leur anti­ quité, habes Irenæi commendationem ab antiquitate, ct le souhait que dc nouveaux Irénècs surgissent, animés dc son esprit dc paix, ulinam et, in his Ecclesiæ tumultibus..., exoriantur aliquot Irenæi qui spiritu euangelico mundum redigant in concordiam, aient cou­ vert la critique dc l’Église ct des théologiens du temps, c’cst possible ct même probable. Cf. A. Hum­ bert. Les origines de la théologie moderne. L La renais­ sance de Γantiquité chrétienne, Paris, 1911, p. 219-220. Quoi qu’il en soit, Irénée sortait définitivement de l’obscurité où il avait été enseveli. Les protestants, en principe, ne sc rattachaient pas aux Pères. C’est cc qui explique les dures paroles dc quelques-uns d’entre eux contre la doctrine d’irénée. Cf. P. du Moulin, Le bouclier de lafoy, Charenton, 1617 (dix éditions), parmi les calvinistes, ct, parmi les luthériens, les cenluriateurs dc Magdebourg, Ecclesiastica histeria, cent. 11, Bâle, 1559, t. n, dans Feuardent, Antidota adversus probra ci impias criminationes, en tête de son édition d’irénée - P. G., L vn, col. 1341-1352. Mais cette sévérité s’atténua ou disparut chez la plupart des défenseurs du protestantisme. Dès 1570, Nicolas Desgallards (Gallasius), publia, sous l’inspiration de Théodore de Bèze, une édition d’Irénéc, où, tout en avançant qu'on trouve, dans les écrits des anciens Pères, impuritatem nonnullam quam labantia jam illa tempora doctnnæ christianæ attulerunt, dédicace, P. G., t. vn, col. 1329, Il n’afllnnait pas moins I’utlUU d’irénée pour com­ battre ct les anabaptistes, que Desgallards nommait, ct les catholiques, qu’il ne nommait point, mais qu’il désignait en termes non douteux. L’année suivante, le pasteur Gn néc publia, à son tour, une édition d’Irénéc ct s’efforça dc le faire servir à la cause protestante. Le cordelier Feuardent, au contraire, dans les préli­ minaires et dans les notes dc son édition d’Irénée( 1575), le revendiqua, avec fougue et avec une critique en progrès sur celle dc Grynée ct de Desgallards, mois 2527 IRÉNÉE (SAINT) encore insuffisante, comme tin champion de la foi orthodoxe. Deux savants réformés, IL Dodwell, dans scs Dissertationes in Irenœum. Oxford, 1689, et J. E. Grabc, dans son édition d’Irénéc, qu*il prépara avec l’aide do Dodwell, Oxford, 1702, recommencè­ rent la tentative d’annexer Irénée au protestantisme. Massuct, qui rendait justice par ailleurs aux mérites de Grabc, ne craignit pas de dire, P. G., t. vu, col. 11-12: Ecclesiæ anglicanœ,cui se adjunxit, dum studet impen­ sius, potius illi cura fuisse videtur ut Irenœum etiam iiwllum et reluctantem angllcaruc scctæ adjungeret, quam ut opus castigatius daret et emendatius. L’édition de Massuet (1710) améliora le texte d’Irénéc ct donna un exposé de la doctrine exact dans l’ensemble, quoique incomplet. Les catholiques furent armés pour la défense de leurs dogmes. Bossuet qui, plus que personne, utilisa Irénéc, résumait ainsi leur pensée sur cc point : « Llsez-lc comme un témoignage authen­ tique de la fol de nos ancêtres, puisque c’est la foi d’un saint qui a conversé avec les disciples des apôtres, ct qui a Illustré le second siècle par sa doctrine ct par son martyre : l’Églisc gallicane a eu l’avantage parti­ culier de l’avoir pour évêque dans une de scs plus anciennes ct principales Églises, et cc nous doit être une singulière consolation de trouver dans scs écrits un monument domestique de notre foi. » II· instruc­ tion pastorale sur les promesses de ΓÉglise, c. ccxiv; cf. ///· sermon pour la fêle de Γ Annonciation, 1er point, Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1861,1863, t. xvn, p. 232; L xi, p. 167. En devenant plutôt historique après avoir été purement théologique, la polémique protes­ tante avait également perdu son caractère d’univer­ salité pour sc restreindre de préférence aux deux questions de l’eucharistie ct de l’Églisc. Irénéc les éclairait l’une et l’autre. Dans L'eucharistie de Γαηeienne Église, Genève, 1633, p. 65-87 (la lr· édition avait paru, en 1626, sous cc titre : Conformité de la créance de ΓÉglise et de saint Augustin sur le sacre­ ment de Γeucharistie), un des livres les plus forts écrits parles protestants, le ministre E. Aubcrtin prétendit, à l’encontre du Traité du saint sacrement de l'eucha­ ristie, du cardinal du Perron, Paris, 1622; 3® édit., 1633, p. 187-198, confirmer par saint Irénéc la thèse de la présence simplement figurative. Tous les controvcrslstcs protestants l’imitèrent. Du côté des catho­ liques, entre une multitude d’ouvrages, celui qui eut le plus de valeur fut la Perpétuité de la foi de ΓÉglise catholique sur l'eucharistie, Paris, 1669-1674, dû sur­ tout à Nicole. CL, en ce qui regarde Irénée, 111· partie, I. I, c. π, édit. Micnc, Paris, 1841, t. n, col. 678-690. Le débat sur l’Eglisc a été résumé quand on a retracé l’histoire de l’interprétation du passage sur la primauté de l’Églisc romaine. Le Contra hœreses servit à établir la notion de l’Églisc, non seule­ ment contre les protestants, mais encore contre les jansénistes ct les gallicans. Le De vi ac ratione primatus R. pontificum, Vérone, 1766, des frères BallerinI, un des traités qui ont le plus contribué à mettre en lumière le rôle du pape, est tributaire, pour une bonne part, de l’évêquo de Lyon. Au xix· siè­ cle, la faveur accordée à l’étude des origines chré­ tiennes ct à la théologie positive a ramené de plus en plus l’attention sur Irénéc. La controverse gallicane a pris On avec le concile du Vatican, qui Introduisit, dans la constitution Pastor œternus, la phrase d* Irénéc sur la principauté principale de l’Eglise romaine. Quant aux protestants du xix· et du xx· siècles, il y a eu des retardataires qui ont gardé, ou peu s’en faut, en tout cc qui touche l’auteur du Contra hœreses, les positions des ancêtres. D’autres les ont abandonnées partiellement, tout en continuant à dénoncer un cer­ tain désaccord entre la doctrine d’Irénéc ct le déve­ loppement dogmatique de l’Églisc catholique. A. Har- ! 2528 nack, Lehrbuch der Dogmengesehichtt, 3· édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1897, t. ni, p. 775, a dit que Luther, plus éloigné, en bien des points, d’Irénéc et d’Athanasc que les théologiens du xiv· ct du xv· siècles, vit, à certains égards, plus près d’eux. Et J. Lcilpoldt, Der neue armenische Irendus, dans la Zcitschrilt /Qr Kirchengeschichte, Gotha, 1906, t. χ.χνπ, p. 478-179, a opposé le catholicisme au christianisme primitif qu’il croyait retrouver dans lu Démonstration de la prédication apostolique. Ou bien des protestants ont prêté à Irénée des théories qui lui sont étrangères; qu’on se rappelle, par exemple, les affirmai Ions d’A. Sa­ batier sur le contrat d’échange entre Dieu ct le démon pour la rançon de l’homme pécheur. Ou encore Ils ont reconnu - ct ceci est d’importance — qu'en somme l’Églisc catholique continue Irénéc; mais ils ajoutent qu’ Irénée n’est pas fidèle A l’Églisc primitive, que les traditions apostoliques sc sont corrompues en passant parses mains, qu’il s’est écartédcs données paulinicnnes ct évangéliques, que « Borne est son but ct non le Golgotha. » C’est Ja thèse de J. Werner, Der Paulinimus des I rendus, Leipzig, 1889, ct, avec des nuances, d’A. Harnack ct de son école. CL, en particulier, L'essence du christianisme, trad, nouvelle, Paris, p. 248256. A tout prendre, les savants protestants rendent mieux justice A Irénée que leurs prédécesseur·· L'Essai sur la théologie (TIrénée de P. Bcuzart (1908) c\A' Irenacusof Lugdunumdc F. R. M. Hitchcock(1914); cf. ibid., l’introduction de M. B. Swetc, tranchent heureusement sur le ton hostile ou chagrin qui était fréquent. L’aveu de l’accord d'Irénéc avec Romo n’exclut pas toujours la sympathie. C'est dans une page pleine d’admiration que T. Zahn, Rcalcncijklopddic, 8· édit., Leipzig, 1901, t. IX, p. 410, écrit qu’Irénée est chez lui à Rome, er 1st in hom iule in Ephesus zu House. Et, si A. Harnack avance inexactement, Des hell. Irendus Schrift zum Envcisc der apostolischcn Verkdndigung, Leipzig, 1907, p. GG, que, dans la Démons­ tration, < l’autorité de l’Église ct la tradition ne sont pas mises en scène, l’argument biblique suffit, > Il a ces mots d’un accent ému : « Tous les traits princi­ paux de la doctrine religieuse de Γ Advenus hœreses sc retrouvent Ici : pour Irénéc ils n’étaient pas seule­ ment une théologie, mais la religion même, ct cela à bon droit, de son point de vue. Chaque membre de la communauté devait les connaître ct pouvoir dé­ fendre sa fol contre l’hérésie. Irénéc vit vraiment avec toute son ûme, avec sa tête ct son cœur, dans la fol de l’Églisc... Et c’est une grande Impression qu’on ressent à ccttc lecture : c’est donc ainsi qu’à Lyon, à la fin du n· siècle, le peuple chrétien était instruit ct gouverné! > /z/. LH3 RÉSULTATS immédiats. - « Saint Irénéc occupe une très grande place dafis l’histoire : il a tué le gnosticisme, Π a fondé la théologie chrétienne, » dit A. Dufoorcq, Saint J rénée (collection Les saints),^. 169 1° Il a tué le gnosticisme. - Non pas du coup, ni dans le sens rigoureux du mot. E. de Paye, Gnostiques et gnosticisme, Paris, 1913, p. 465, est allé trop loin en affirmant que «paganisme populaire,philosophie grec­ que, gnosticisme ct christianisme sont encore, au m· siècle, sensiblement de force égale; » mais il est vrai que le gnosticisme eut, au m· siècle, comme un sursaut de vie nouvelle, ct que la propagande clan­ destine du gnosticisme remporta encore de beaux succès même au iv· siècle. Cf. E. de Faye, p. 469-161. D’autre part, on ne saisit point les preuves d’une action directe de l’œuvre d’Irénéc sur les destinées du gnosticisme. Mais il est sûr quo le gnosticisme subit alors une transformation, qui marqua sa banqueroute ct prépara sa disparition complète, et de ccttc trans­ formation la chronologie invite à croire.qu’ Irénéc fut la nib»! principale. Un des attraits du gnosticisme i 2529 ! I j IRÉNÉE (SA INT) était le mystère. En exposant au grand Jour les doc trlnes gnostiques, Irénéc entamait leur prestige. Un autre élément de sa réussite, c’étaient la complication apparente du système et ses allures scientifiques. Au fond, cette espèce d'histoire de l’univers en propor­ tions colossales, avec multiplication de mondes ct multiplication d’êtres divins, était moins extraordi­ naire qu'elle n'en avait l’air, et 11 ne faudrait pas que l’abondance des détails abusât sur le caractère sim- ' ullsto de pareilles conceptions : « enseigner qu'il y a | trois cent soixante cinq deux et trois cent soixante cinq ordres d’anges, ce n’est pas imposer plus d’efforts à l'intelligence que de lui enseigner qu'il n’y a qu’un ciel ct qu’un Dieu. » Mais l'imagination trouvait à sc repaître dans ces fantasmagories, « ct en même temps l'on avait la flatteuse persuasion d'avoir dépassé le christianisme de la grande Église. » P. Roussclot et J. Huby, Christus, 2· édit., Paris, 1916, p. 1054-1055. En souillant sur ces bulles de savon, Irénéc les fit ; évanouir. Quant aux quelques Idées originales qu’il ; y avait, sous ces travestissements mythologiques du christianisme, Irénée montra non seulement qu’elles j ne résistaient pas à l’examen de la raison, mais encore qu’elles n'étalent plus du christianisme : le gnosticisme apparaissait tout au plus comme * une tentative d’in­ tellectuels chrétiens, quelques-uns d’une exception­ nelle vigueur, affirmant leur droit de spéculer et de systématiser, de dogmatiser, au sens propre du mot, à la façon des écoles païennes de philosophie, » et, si l’on veut, comme « la première grande tentative de sécularisation du christianisme. » P. Batiffol, Le gnosti­ cisme, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1907, p. 167. Les trois points sur lesquels Irénée établit que porte l'erreur gnostlque, en plus de la néces­ sité d’une règle de foi invariable ct sûre que fournit l’Église, à savoir l’unité de Dieu créateur du monde (d’où la réfutation du dualisme ct du panthéisme), le christocentrisme (péché originel, christologie ctsoté rlologle), le salut de tout l’homme, y compris le corps, c'est le christianisme tout entier. Le gnosticisme a donc fait fausse route sur toute la ligne. La démonstra­ tion d’Irénéc a été mortelle pour l'hérésie. Irénéc écrivit vers 180, ct c’est peu de temps après que fieu rirent Héracléon, Apelle ct le rénovateur de l’ophltlsmc. Nous savons, par ailleurs, que le Centra htrreses fut traduit en latin, en arménien ct, nu moins fragmen talrcmcnt, en syriaque, ct cela très vile en cc qui concerne la version latine, qu’il parut livre par livre (sauf les livres let I ï) : ce nous est une preuve de l'intérêt qu’il excitait, du retentissement qu'il eut, de rinffucncc qu’il exerça. L'Église prenait une offen slvo redoutable. Le gnosticisme sc sentit atteint. De là, selon toute vraisemblance, l’effort d’Hêraclêon, d'AppclIc, des ophites. Cf. A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Zzs saints),p. 169 176;(collection La pensée chrétienne),]}. 29-31 : il compare Γinfluence du Contra htrreses sur cette transformation à cello de V Histoire des variations de Bossuet sur l’évolution du protestan Usine. De là, peut être, à partir du m· siècle, chez les gnostiques, cette < prédominance de l’idéesaenunen telle, n celte Initiation aux rites ct aux mystères, qui avait prise sur la masse. Cf. E. do Faye, Gnostiques et gnosticisme, p. 456,-160. On atténua la doctrine gnos tique, on Imita la liturgie de l’Églisc. Le gnosticisme eut beau faire; il ne se releva pas de n'êtrc pas du christianisme ct de cc qu’on lo savait. Le libertinage acheva sa déconsidération. Cf. E. de Faye, p. 458-459. La Mani/estation et réfutation de la fausse gnose a réfuté d’avance toutes les hérés’cs en mettant à sa place l'autorité doctrinale de l’Église; elle a atteint directement toutes les hérésies plus ou moins gnosticisantes. C’est le cas de certaines sectes du protestan­ tisme, par exemple, les anabaptistes, de l’avis de Des ( DICT Dît THÉOL. CATIIOL. 2530 gallards, l'éditeur protestant d’Irénéc, P. G., t. vn, col. 1331. Et même P. Batiffol, Le gnosticisme, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1907, p. 166-167, a cru pouvoir expliquer la complaisance des critiques protestants allemands pour le gnosti­ cisme par ccttc raison que « le gnosticisme est bel et bien l’individualisme, le sectarisme, le libre examen, la libre critique, la libre spéculation, l’indépendance en face de la règle de foi, de la tradition ct du magis­ tère ecclésiastique. - d’un mot, le grand ancêtre du protestantisme. > 2° Il a fondé la théologie chrétienne. D'abord, non pas en innovant, mais en sc rattachant au passé, en le continuant, en l'enrichissant, en l’explicitant, sur­ tout en fixant, d’une manière si forte, la règle de fol, qui assure tout. On trouve en lui une doctrine et une méthode. La leçon de méthode est. dit P. Galtier, L* évêque docteur : saint Irénée de Lycn, dans les Études, Paris, 1913, t. cxxxvr, p. 220, « que le mépris ou la haine des novateurs ne suffit pas à la défense de la fol. Il y faut la connaissance de leurs procédés ct la péné­ tration de leurs sytèmes. Mais l’inconsistance de leurs pensées une fois mise au jour, il Importe surtout d'y pouvoir opposer l’harmonieuse simplicité de la doctrine transmise. L’avoir apprise de ceux qui ont mission de l'enseigner, la posséder dans toute son intégrité, la scruter ct la méditer sous le regard de l’Église qui en a reçu le dépôt, permet de dépister et de juger tous les docteurs de nouveautés. La confiance au « cha­ risme de vérité » qui rend l’Église indefectible, voilà, en un mot, cc que prêchent la vie ct les œuvres de saint Irénéc, · ct voilà pour la méthode. Voici mainte­ nant pour la doctrine. Le premier, et le seul, de tous les anciens, il a un exposé relativement complet du dogme catholique. Pour ne rien dire de scs écrits non connus ct qu'on peut espérer de lire un jour, en parti­ culier de ce traité De la science, qu’Eusèbe qualifie de « court mais nécessaire. » H. E., 1. V, c. xxn, P. G., t. xx, col. 509, le Contra hxreses ct la Démonstration de la prédication apostolique constituent une sorte de somme de théologie des origines chrétiennes. Ailleurs on glane; là on moissonne à mains pleines. Et non seulement Irénéc offre des anticipations de la dog matlque ultérieure, non seulement il aborde près que toutes les questions vitales; mais encore il a eu le mérite de donner au Christ la place à laquelle il a droit, h La doctrine du Christ, dit P. Bcuzart, Essai sur la théologie Quelle ferveur d’accent dans la suppli­ cation que. au cours d’un exposé sur le mystère de la Trinité, il adresse aux Trois, Père, Fils ct Saint-Esprit, L III, c. vi, n. 4, col. 8G2-863, pour les lecteurs de son ouvrage : Et ego igitur invoco te, Domine.,., da ornnt legenti hanc scripturam agnoscere te, quia solus Deus es. ct confirmari in te, et absistere ab omni hæretica et, qui est stne Deo, impia sentential Les menées grecques ont admirablement exprimé cc caractère aimant dc l’évéque dc Lyon : Έροτια γαρ τω πρδς ουρανούς πόΟω. Ρ. (λ, t. vu, col. 428. Auparavant Eusèbc, //. E., I. V, c. xxîv, P. G., t. xx, col. 508, ct saint Jérôme, De virls illustribus, c. xxxv, P. L„ t. xxin, col. 649, avalent noté qu’il fut pacifique comme son nom. E. Renan, Marc-A urïle ct la fin du monde antique, 3* édit., Paris, 1882, p. 341-342, injuste pour les qualités d’esprit d'Irénée, n’hésite pas à lui reconnaître «une conscience morale des plus saines » et « le plus rare sens pratique. A une foi exaltée il unit une modération qui étonne; h une rare simplicité il joint la science profonde de l’administration ecclésiastique, du gouvernement des Ames... Il a moins dc talent que Tertullien; mais combien il lui est supérieur pour la conduite ct le cœurl » 3° Le docteur. — P. Galticr, L'évéque docteur : saint Irénée de Lyon, dans les Eludes, Paris, 1913, t. cxxxvi, р. 220-223, présente Irénée« à La fois comme le plus an­ cien ct le plus actuel des évêques docteurs, «et poursuit : « Ce n'est pas assez cependant, et nous eussions voulu dire aussi : «le docteur dc l’Église. » L'Église de France lui donnait cc titre jadis. La messe qui lui est attribuée, le 4 Juillet, pro aliquibus locis, dans le missel romain, met uniquement en relief son influence doctrinale... Les deux conditions, par conséquent, requises d’après Benoit XIV, pour recevoir le titre de docteur, cette liturgie les proclame vérifiées dans saint Irénéc : l’émlncnccdeladoclrinc égale chez lui la sainteté dc la vie.» Et il appelle dc scs vœux le Jour où l’Églisc romaine insérera le nom d’Irénée au calendrier dc l’Églisc universelle ct ornera le front dc l’évêque dc Lyon dc l’auréole des docteurs. On ne peut que le souhaiter ct l’espérer avec lui. Pour l’heure, cependant, une diffi­ culté existe. Cc qui la crée, ce n’est pas, semble-t-il, le fait des deux ou trois opinions erronées qui apparais­ sent dans lo Contra hærcses, mais la solution proposée par Benoit XIV. P. Galticr a cité le De servorum Del beatifical lone et beatorum canonizationc, 1. IV, part. II, с. xi, n. 13, Prato, 1841, t. iv, p. 511. Un peu plus loin, c. xn, n. 9, p. 518, Benoit XIV dit que saint Irénéc, comme saint Ignace ct saint Cyprien, tout en ayant cc qui est exigé pour les docteurs, n’est pas honoré comme tel : statuendum esse videtur... sexto ss. Igna* tium, Irenæum ct Cyprianum, habentes requisita docto­ rum non colt tanquam ductores sed tunquam martyres, cum nunquam separetur officium ductoris ab officio confessoris. Remarquons l’expression : statuendum esse vtadur; Benoit XIV n’affirme pas carrément, Remarquons encore que, à l’appui de cette affirmation que l'office dc docteur n’est jamais séparé dc l’office dc confesseur, Il cite seulement l’autorité de C. Guyet, Heortologiasive de /estis propriis locorum d ecclesiarum, 1. II, c. VTi, q. 21, qui est celle d’un simple liturgistc. Le sentiment do Benoit XIV parait donc révisable. Il appartient à l’Église, si elle le juge utile, de sc prononcer là-dessus. Quoi qu‘fl en soit, le rôle dogmatique d’Irénéc fut de toute première Importance. Un des savants protes­ tants. qui ont le mieux connu Fanrtenne littérature chrétienne, T. Zahn l’a apprécié dc la sorte, Itcalen- 2533 IRÉNÉE (SAINT) — IRÉNÉE cyklopûdlc,39 edit., Leipzig. 1901, t. ix, p.410: « Irénéc est le premier écrivain do l’époque subaposlollquo à qui convienne le nom de théologien. S’il est vrai qu’une étude diligente des éléments et des monu­ ments de la fol chrétienne, comme celle où se sont distingués Eusèbc ct saint Jérôme, ne suffit pas à faire un théologien, mais qu’il y faut une vue synthétique, harmonieuse ct complète, des rapports dc Dieu ct du monde, Il n’y a qu’Orlgènc ct saint Augustin qui puissent être comparés à saint Irénéc. Ni saint Athanase ni saint Cyrille n’approchent dc ccs trois génies ct, pour ce qui est du dégagement de la théologie dc toutes les influences étrangères,c’est saint Irénée qui les dépasse tous. » Cf. A. Harnack, Lehrbuch der Dogme n geschichte, 3- édit., Fribourg-cn-Brisgau, t. >, p. 513. Et, parmi les catholiques, A. Dufourcq a inti­ tule le t. ni dc son grand ouvrage sur Le passé chrétien : Le christianisme primitif. Saint Paul, saint Jean, saint Irénéc. C’est bien cela. Quoique sur un autre plan que saint Jean ct saint Paul, ct quoique dc moindre vi­ gueur intellectuelle qu’un Clément d’/Xlcxandric ou un Origène, Irénée est, par la richesse dc sa doctrine comme par l’orientation qu’il donne à la théologie, le grand nom dc l’histoire du dogme entre saint Paul ct saint Jean, d’une part, ct, de l’autre, saint Augustin. F. Vernet. 2. IRÉNÉE, évêque dc Tyr (f vers 150). Sous Théodosc II ( 108-150), Irénée, l’un des comtes dcl’em­ pire, réputé pour ses qualités d’homme d’État ct plus encore pour scs vertus, s’intéressait particulièrement aux questions thcologiques. Il était l’ami dc Nestorius ct lui resta très attaché. Lorsque le patriarche dc Cons­ tantinople sc rendit au concile d’Éphèse, en 431, pour Justifier son enseignement quo l’on accusait d’hérésie, Irénéc l’accompagna par amitié ct, bien qu’il fût sans mandat officiel, 11 usa dc toute son influence en faveur de Nestorius, au grand déplaisir dc saint Cyrille, patriarche d’Alexandrie, qui lui reprochait dc cir­ convenir par scs manières séduisantes les évêques, simples d’esprit, ct d’intimider le concile par son ingérence et scs menaces. La hôte avec laquelle Nestorius fut condamné avant même l’arrivée des évêques orientaux souleva son Indignation. Aussi, à l’approche de Jean d’Antioche ct des évêques qui l’accompagnaient, se rendit-il au-devant d’eux avec quelques hommes dc troupe pour leur faire connaître l’injuste sentence prononcée par Cyrille contre Nes­ torius; et lorsque sc présentèrent les députés du concile, il les empêcha d’aborder Jean d’Antioche, non sans quelque brutalité, comme s’en plaignit Memnon, l’évêque d’Éphèse. Les Orientaux, réunis aussitôt entre eux, répliquèrent à la condamnation de Nestorius par la condamnation de Memnon et de Cyrille, puis ils chargèrent le comte Irénéc d’aller prévenir l’empereur des événements survenus ct d’empêcher la consécration de cc qu’ils regardaient comme une injustice. Mais, comme il nous l’apprend lui-même dans une lettre où il rend compte dc sa mission,Synod, adversus Tragoediam tremet, xxi, P. G., t. lxxxiv, col. 614, Irénéc arriva trois jours après les émissaires du concile, c’est-à-dire trop tard, parce que ceux-ci, dit-il, par le mensonge ct la calomnie, avaient déjà formé l’opinion à la cour impériale. Π n’en essaya pas moins dc faire prévaloir la vérité, mais non sans difficultés ct sans danger; et II aurait peut-être réussi sans l’arrivée inopinée d’un envoyé spécial dc Cyrille. Théodose, pour sc tirer d’embarras, prit l’étrange parti de ratifier à la fois la condam­ nation de Nestorius prononcée prématurément par le concile d'Éphèso ct celle do Cyrille et dc Memnon lancée par rassemblée do Jean d* Antioche ct des Orientaux,ct il envoya le comte Jean, son grand trésorier, avec pleins pouvoirs pour arrêter le conflit et ramener la paix. ’ I ' ; ! 2534 A partir dc ce moment, Irénée devint suspect à h cour; scs demarches restèrent vaines et la cause dc son ami fut perdue. La condamnation portée par Cyrille fut pleinement ratifiée par l’empereur en 435, et Nestorius dut prendre le chemin de l’exil. Mais en même temps Irénée, qui maledictum Nestorit cultum non solum secutus est, sed et instituit ct studuil multas cum eo provincias evertere, Synodicon, cLXxxvzn P. G., t. lxxxiv, col. 802, fut dépouillé de tous ses biens ct dc tous scs titres et exilé à Pétra. Loin dc se laisser abattre par une telle Infortune, il usa dc scs loisirs forcés pour composer, sous le titre de Tra­ gédie, un récit détaillé, avec pièces à l’appui, des événements qui avaient précédé ct suivi le concile d’Éphèse, y compris ceux dc la paix intervenue entre Cyrille ct les Orientaux en 433. Cet ouvrage n’étalt pas dc nature à lui ramener la faveur impériale. Et pourtant, par suite dc circonstances qui nous restent inconnues, un jour vint ou il put quitter son lieu d’exil; vers 441, il fut même élu évêque de Tyr par 1rs évêques de la province dc Phénicie pour rem placer Bcronicianus. Domnus, patriarche d’Antioche, la consacra ct fit part de cette consécration à Procluc (t 446), patriarche dc Constantinople. Devenu évêque, Irénéc n’était pas au bout dc ses épreuves; il fut victime d’un parti tout-puissant auprès dc Théodose, composé de l’eunuque Chrysaphe, de l’archimandrite Eutychès et du successeur dc saint Cyrille sur le siège d’Alexandrie, le fougueux Dloscorc. Ces trois conjurés entreprirent une guerre Impitoyable contre tous ceux qui sc réclamaient de la théologie antiochicnne ct s’étalent plus ou moins compromis avec le nestorianisme, notamment contre Irénéc. L’élection dc l’évêque dc Tyr fut attaquée, au nom dc l’orthodoxie, parce qu* Irénéc avait partagé l’erreur dc Nestorius, ct au nom de la jurisprudence canonique, parce qu’il avait été marié deux fois. Domnus d* Antioche, mis au courant dc ccttc intrigue, consulta Théodore t pour savoir la conduite qu’il avait à tenir lui-même, à titre de consécratcur dc l’évêque poursuivi. Écrivez, lui répondit Théodoret, EpûL, ex, t. Lxxxin, col. 1212, qu’Irénée est pleinement ortho­ doxe quant à la fol çt que, s'il a été ordonné malgré l’empêchement canonique dc bigamie, vous n’avez fait en cela que suivre l’exemple déjà donne en pareil cas par Alexandre d’Antioche, Aeace dc Bérée ct Praylc de Jérusalem, qui ont consacré eux-mêmes des bigames. Du reste son choix a été fait parles évêques de la province dc Phénicie ct son ordination a été approuvée par ceux dc la province du Pont ct dc Jérusalem ct dûment notifiée à Proclus de Constan­ tinople : il n’y a donc pas à y revenir. Domnus cxécuta-t-il cc sage projet? On l’ignore. Peut-être préféra-t-il compter sur un revirement dc l’empereur; il s’abusait, car Théodose, poussé par le parti dc Chrysapbe» d*Eutychès ct dc Dloscorc, déposa l’évêque de Tyr par un décret daté du 17 fé vricr 4 18, Concil. Ephes., part. Ill, c. 4 7, dans Labbe, Sacrosancta concilia, t. m, col. 1216, et Domnus fut mis en demeure dc procéder à son remplacement, cc qu’il fit en consacrant Photius, le 9 septembre dc la même année. Evagrius nous apprend, H. E., I, 10, P. G-, L lxxxvi, col. 24 18, que, l’année suivante, en 149, lors de la réunion du concile connu sous le nom de Brigandage cfÈphèse, Irénée fut frappé d’ana­ thème. Put-il du moins compter sur sa r«’habilitation lors du concile dc Chalcédolne, en 451 ? Cc concile, en effet, prit soin dc réparer les injustes condamnations du Brigandage d’Éphèse; mais, comme parmi ces réparations 11 n’est pas fait mention dc celle de l’ancien évêque de Tyr, il est à croire qu’à cette date Irénéc avait cessé dc vivre. 11 est regrettable que la Tragédie d* Irénéc ne nous 2535 IRÉNÉE - IRÉNÉE DE SAINT-JACQl ES soit point parvenue dans sa forme originale ct son texte grec : c’eût été une source précieuse de docu­ ments ct de renseignements sur les débuts du nestorianisme. Mais cet ouvrage ne nous est connu que par de larges extraits, qu’en fit, peu après Justi­ nien, dans la seconde moitié du vi* siècle, un auteur anonyme, vraisemblablement africain d’origine, par­ tisan résolu des Trois Chapitres, qui avait pris notam­ ment la défense de Théodorct, ct qui traduisit en un mauvais latin la plupart des pièces de la Tragédie, sc contentant de résumer les autres ou de les signaler ou même de les supprimer. Son œuvre, découverte dans un manuscrit du Mont-Cassin par Lupus (Chris­ tian Wolf) ct publiée par lui sous cc titre fort peu justifié : Variorum Patrum epistola: ad concilium Ephesinum pertinentes, Louvain, 1682, fut rééditée par Baluze et par Mansi, qui la divisa en 225 chapitres. Garnier l’intitula : Synodicon adversus Tragoediam !reneri, P, G., t. lxxxïv, col. 518-814. Tel quel, ce Synodicon nous apprend qu’lrénéc avait divisé sa Tragédie en trois parties, dont la dernière avait trait aux négociations de paix faites à Alexandrie entre les Orientaux et saint Cyrille. Synodicon, lxxix, P. G., L lxxxiv, col. 688. L’auteur de cc Synodicon qualifie Irénéc de homo Nestorii sequacissimus, Synodicon, cxvni, col. 732 : il lui reproche d’avoir combattu la doctrine catho­ lique en faveur de l’erreur nestorlenne et d’avoir condamné la déclaration de fol faite par les Orientaux. Il n’y a là rien qui doive surprendre de la part d’un ami de Nestorius, tel qu’lrénéc. Mais il ressort des passages de la Tragédie traduits par l’anonyme, qu’lrénéc, sans épargner Théodorct, qu’il accusait de légèreté ct d’inconstance, s’en était pris surtout à Cyrille d’Alexandrie ct même à Jean d’Antioche. Il disait qu’en dénonçant au pape Célestin le De his­ toria de Nestorius, l’évêque d’Alexandrie s’était adressé à un homme incapable de pénétrer la sub­ tilité des questions débattues, ut ad simpliciorim quam qui posset vim dogmatum subtilius penetrare, et qu’il avait falsifié cc document, en faisant dire à Nestorius : non peperil Maria Deum, alors qu’il avait écrit : non peperit Maria Deitatem, Synodicon, vi, col. 588-590. Il reproche lui-même à Cyrille d’avoir surpris par scs art l fiers la bonne foi du pontife romain, ct soutient que la paix conclue en 433 entre Orientaux ct Alexandrins était fausse ct que la division régnait plus que jamais. Synodicon, cxvm, col. 732. Il détes­ tait, quant à lui, le revirement simulé ou vrai de cet égyptien, Synodicon, cxxi, col. 734, et n’avait pas, au contraire, assez d’éloges pour Alexandre d’IIiérapolis, pietatis propugnator egregius, turris adaman­ tina, qui dut à son courage d’etre chassé de son siège. Synodicon, clxxi, col. 786. Ceux qui ont condamné Nestorius, ajoutait-il, ont erré, eux aussi, sur la doc­ trine ct ont constitué, sous la direction de Cyrille, une faction pire que les précédentes. Synodicon, cxcv, col. 809. Ces accusations, dont quelques-unes sont graves, étaient-elles fondées ? Cc qu’on peut dire, c’est que, si l’auteur du vie siècle cnit devoir les signaler, elles furent sans résultat sur la marche des événements et n’empêchèrent pas celui qui les avait formulées de recouvrer peu après sa liberté, de devenir évêque de Tyr ct d’entretenir avec Théodorct une correspon­ dance, qui témoignait de son respect ct de sa con­ fiance à l’égard de l’évêque de Cyr. Théodorct, en tout cas, ne tint pas rigueur à Irénéc de cc qu’il avait écrit contre lui dans sa Tragédie. C’est ainsi qu’il répond à scs consultations sur certains cas de con­ science, Théodorct, Epist., in, P. G., t. lxxxhi, col. 1176-1177; qu’il le console de la mort de son gendre, Epist.. xn. coL 1185; qu’il le remercie de 2536 l’envoi de deux ou trois de ses traités. Epist., xvi, col. 1193. Théodorct sc porte garant de l’orthodoxie de sa foi, vante son zèle, son mépris des richesses, son amour pour les pauvres, sa libéralité à l’égard de ceux qui d’une haute situation étalent tombés dans la misère. Epist., cx, col. 1305. 11 lui recom­ mande, entre autres, pour qu’il l’assiste, un sénateur de Carthage, chassé d’Afrique par les Vandales. Epist., xxxv, col. 1212. Bien que défenseur de Dio­ dore de Tarse ct de Théodore de Mopsueste, il n’avait pas joint leur témoignage à celui des Pères grecs ct latins qu’il avait cités dans l’un de scs Dialogua. Irénéc s’en était étonné avec une pointe de blâme; mais Théodorct remarque qu’il aurait eu tort de le faire, attendu que celui qui est accusé ne doit alléguer que des témoins non suspects à scs accu sateurs. Au reste, il honore ces deux évêques, puis­ qu’il mentionne l’ouvrage qu’il avait entrepris pour les justifier des crimes qu’on leur imputait. Epist., χνι, col. 1193. Il est à croire que s’il avait encore vécu, Irénée, dont l’évêque de Cyr vantait l’orthodoxie, aurait été réhabilité, au concile de Chalcédoine, comme Théodorct ct lbas;samort prématurée le laissa englobé dans la réprobation du nestorianisme. Evngrlus, Π. E., i. 10, P. G., t. lxxxvi, col. 2448; Synodicon adversus Traga:diam Irentcl, P. G., t. lxxxïv, col. 5-18 sq.; Actes syriaques du Brigandage d’Éphèse, pu­ bliés d'abord par Perry, An ancient syriac document pur­ porting to be the record, in its chiefs factures, of the second synod of Ephesus, Oxford, 1867,ont été traduits en allemand par G. Hoffmann, Verhandlungen dcr Kirchcnvcrsammlung m Ephesus am SX// August CDXLIX, Kiel, 1873; en fran­ çais, par l'abbé Martin dans la Revue des sciences ecclésias­ tiques, Amiens, 1874 (tirage ù part); ct en anglais par Perry, The second synod of Ephesus together with certains extraits relating to it. Dartford, 1881. Tillcmont, Mémoires,Paris, 1701-1709, t. xiv et xv; CcilJlcr, Histoire générale des auteurs sacrés ct ecclésiastiques, Paris, 1858-1868, t. x. p. 22-23, 64-65, 72; Martin, Le Bri­ gandage d’Ephèse, dans la Revue des questions historiques, Paris, 1874, t. xvn, p. 5-58; Duchesne, Histoire ancienne de ΓEglise, Paris, 1910, t. in, p. 344, 384.388, 395,400-402, 419;Smith et Waee, A dictionary of Christian biography, t.m,ρ.280-282.; U. Chevalier, Répertoire.Bio-bibliographie, 1.1, col. 2267. Des doutes ont été élevés sur l’authenticité ou du moins sur l'intégrité du Synodicum, cf. J. Tixeront, Précis de patrologic, Paris, 1918, p. 197, note 2. G. Βαπεπχε. 3. IRÉNÉE DE SAINT-JACQUES. théolo gien de l’ordre des carmes, né à Saint-Pol-de-Léon, mort à Parisle 3 septembre 1676. Jacquesdc Goasmoal fit profession de la vie religieuse à Rennes le 17 sep­ tembre 1634 et reçut le nom d’Irénée de Saint-Jac ques. Il fut appelé à enseigner la philosophie ct la théologie aux religieux de son ordre à Paris, et mou­ rut dans cette ville au couvent du Saint-Sacrement, dit des Billettcs. Il publia : Tractatus theologicus de singulari inunaculatæ Virginis protectione, Paris, 1650, traité dirigé contre l’ouvrage de Jean de Launoi : Dissertatio duplex, una de origine ct confirmatione pri vilcgiati scapularis carmelilarum; altera de visione Simonis Slockii, prioris ac magistri generalis carmelitarum, in-8°, Leyde, 1642; Philosophia: cursus ad mentem d. Thonur. cui adjungitur Appendix in sphe ram cum brevi annotatione de temporum caractcribus, calendarii reformatione, in-fol., Paris, 1655; Jacques de Saint-Irénée donna une autre édition de cet ou­ vrage sous le titre : Musicum philosophorum, seu P. Jrcnæus carmelila docens logicam, physicam, melaphysicam et moralem, in-fol., Paris, 1663; Theologia de Deo unn, de. Deo trino, de angelis, in-fol., Poitiers, 1661; Theologia de peccatis, de legibus, de gratia, de fide, spe ct claritate, in-fol., Poitiers, 1671; Tractatus de regulis [u: i, ir.-ful , Poitiers, 1671; Theologia de 2537 IRÉNÉE DE SAINT-JACQUES — IRRÉGULARITÉS 2538 Verbo incarnato, in-fol,, Paris, 1G76. Scion toute appa­ sous ce mot cc qui concerne les irrégularités propre­ rence, on peut aussi lui attribuer: Avis spirituels don­ ment dites ct les empêchements. — I. Fondements nez par sainte Marie-Magdeleine de Pazzi, carmélite, à scripturaires de la loi des irrégularités. — II. Sa for­ diverses religieuses, traduits de l'italien par le JL P. mation à l’époque patristique. — III. Étude des G. D. S. 1. R. C., in-16, Paris, 1G70. | irrégularités d’après la législation fixée par les Décré­ tales. — IV. Les modifications ct précisions apportées Cosmo do Vllllere, Bibliotheca carmelilana, in-fol., Or­ par le Code de droit canonique. léans, 1752, t. n col. 197; H. Kcrvilcr, Répertoire général I. Fondements scripturaires. — B est naturel de bio-bibliographie bretonne, fasc.XLV, In 8*. Bennes, 1900, qu’une religion, si Imparfaite qu’on la suppose, prenne p. 224 ; Hurler, Nomenclator, hnpruck. 1910, t. iv.col. 322, B. Heubtebizb. soin de la dignité, de la capacité, de la valeur de ses IR IN El (dans le monde Ivan Jakimovich Falkov­ ministres. Certaines difformités physiques, certaines sky), fils d’un prêtre du district de Pirlatlnc, naquit le tares morales, certains antécédents de personne ou 28 mai 17G2. Son père était un ancien élève de l’Aca- de famille, certaines indigences Intellectuelles ren­ démic ecclésiastique de Kiev. Après la mort de sa fem­ draient ceux qui en sont atteints Indignes d’exercer me, il embrassa la vie monastique dans le monastère le sacerdoce ou inaptes à i’exerccr avec honneur et Bratskii Λ Kiev, ct il emmena avec lui scs enfants, qui fruit. Une religion s'imposera à l’attention dans la suivirent les cours delà même Académie. En 177G, il I mesure où ses prêtres sc feront estimer; elle aura de fut envoyé par le saint-synode en Hongrie, ct établit l’empire sur les âmes dans la mesure où scs prêtres sa résidence à Tokai, où il fut nommé curé de l’église seront capables d’en acquérir; clic sera conquérante russe. Le jeune Ivan y fréquenta les écoles catholiques, dans la mesure où scs prêtres uniront au zèle aposto­ étudia aux gymnases ct universités dcPrcsbourg, Bu­ lique une valeur personnelle faite d’intelligence ct de dapest ct Vienne, ct en 1783 retourna à Kiev. En 1784, vertu. il enseigna l'arithmétique ù Γ Académie ecclésiastique, Les religions vraies doivent avoir cc souci comme et y occupa successivement les chaires de rhétorique, les autres* Tout en comptant sur les secours divins de mathématiques ct de théologie. En 1799, il fut pro­ pour se maintenir ct se développer, clics n’ont pas le mu archimandrite. Le 24 février de la même année, il droit de négliger les conditions naturelles du succès; fut consacré évêque de Chighirine, et auxiliaire du mé­ elles doivent veiller à la valeur de leurs prêtres. C’est tropolite de Kiev. Le 19 février 1812, il fut transféré au ce qu'a voulu le législateur de la religion juive; c’est siège de Smolensk. En 1813, il revint à Kiev, ct sc re­ ce qu’ont voulu aussi les premiers législateurs de la tira dans le monastère Zlatovcrskil jusqu’à sa mort, religion chrétienne. Leurs prescriptions contenues qui eut lieu le 29 avril 1823. dans l’Écriturc sont le germe qui s’est développé dans Falkovsky est l’auteur du meilleur abrégé de théo­ les lois de l’Église. logie orthodoxe, écrit en latin. Il résuma les traités Ie Ancien Testament — La Ici mosaïque Imposait théologiques de Théophanc Prokopovich, mais ne sui- à scs prêtres des conditions de famille, de tenue morale, X it pas son maître dans ses tendances protestantes. Son et d'intégrité corporelle. ouvrage est intitulé : Christianas orthodoxie thcologiæ 1. Conditions de famille. Les lévites ne pouvaient olim a Theophane Prokupotvicz adornatæ compendium, être pris que dans la tribu de Lévi, cl les prêtres dans adjectione sex ultimorum librorum juxta delineationem la famille d*Aaron. Num., χνιπ, 1-7. ejusdem Theophanis completum, Moscou, 1802, 1810; 2. Conditions de tenue morale. < Ils (les prêtres) Pétrograd, 1827. On a de lui aussi, en russe : 1° un abré­ j seront saints pour leur Dieu et ils ne profaneront pas gé de chronologie, Paschalia, Moscou, 1797; 2° Com­ le nom de leur Dieu; car ils offrent ù Jahvé des sacri­ mentaires sur ta lettre de saint Paul aux Romains, Kiev, fices consumés par le feu, le pain de leur Dieu; Ils 180G. Il a écrit aussi un grand nombre de traités sur les seront saints. Ils ne prendront point une femme pros­ sujets les plus disparates. Ils se conservent inédits dans tituée ou déshonorée, ni une femme répudiée par son la bibliothèque de ΓAcadémie ecclésiastique de Kiev. mari; car le prêtre est saint pour son Dieu. Tu le tiendras pour saint, car il offre le pain de ton Dieu; A. Smlrdln, Listes des Hures russes, Pétrograd, 1823, il sera saint pour toi, car Je suis saint, mol, Jahvé, n. 1G0 et 110; V. Serebrennikov» L*Académie ecclésiastique de Kiev depuis la moitié du X VH 1· siècle jusqu*à sa réforme qui vous sanctifie. » Lév., xxi, 1-8, trad. Crampon. — en 1319, Klcv,1897,p. 19-21 ; Shchegolev, Irénéc Falkovsky, Les conditions étaient plus sévères encore pour le évêque de Chighirine : ses sermons et sa biographie. Travaux grand prêtre : il n’avait pas le droit de prendre pour de l* Académie ecclésiastique de Kiev, 1867, t. i, p. 124-136, femme une veuve, mais seulement « une vierge du 271-280, 285-317; J. Bulnchcv, Irénéc Falkovsky, évêque milieu de son peuple. > Lév., xxi, 13-14. de Chighirine, Kiev, 1883; N. Pétrov, Notes autobiogra­ 3. Conditions d’intégrité corporelle. Le Lévitlquc phiques de Mgr Irénéc Falkovsky, éuéque de Chighirine, Travaux de Γ Académie ecclésiastique de Kiev, 1907, t. n,p.456- entre sur ce point dans de minutieux détails : « Nul homme de ta race, dans toutes les générations, qui 479; Dictionnaire biographique russe, lit. I-Κ., Pétrograd, aura une difformité corporelle n’approchera pour offrir 1907, p. 135-136; A. Palmieri, Theologia dogmatica orthodoxa, le pain de ton Dieu. Nul homme qui a une difformité Florence, 1911, t. i, p. 172. A. Palmieri. n'approchera : un homme aveugle, ou boiteux, ou qu! IRLANDE, voir Grande-Bretagne et Ir­ aura une difformité ou une excroissance, ou un homme qui aura une fracture au pied ou à la main, qui sera lande, t. χί, col. 1G91-1725. bossu ou nain;ou qui aura une tache Λ l’œil, la gale, une dartre ou les testicules écrasés. Nul homme de la IRRÉGULARITÉS. Ce mot peut être entendu au sens large ou au sens strict. Au sens large, il désigne race d’Aaron qui aura une difformité corporelle ne tous les obstacles, permanents ou temporaires, qui s’approchera pour offrir ù Jahvé les sacrifices faits d’après la loi de l’Église s'opposent ù cc qu’un homme par le feu; il a une difformité de son corps; qu’il ne soit admis ù recevoir un ordre ou ù exercer un ordre s’approche point pour offrir le pain de son Dieu... Il reçu. Au sens strict, on J’applique seulement aux ne profanera point mes sanctuaires; car je suis Jahvé qui les sanctifie.» Lév., xx!, 17-23. On trouverait des obstacles permanents, ct l’on donne aux obstacles qui sont de soi temporaires le nom d’empêchements. Cette exigences analogues dans les religions des peuples distinction, courante chez les théologiens ct les cano­ voisins; voir par exemple Dhonnc, Choix de textes religieux assyro-babyloniens, Paris, 1907, p. 143-145. nistes récents, n’était pas connue autrefois. Ccs prescriptions ont leur importance pour l’étudo Nous l’exposerons plus loin; mais nous prenons le mot d’irrégul; rités nu sens Inrcc afin de grouper des irrégularités; car plusieurs fols nous verrons les 2539 IRRÉGULARITÉS 2540 conciles ct les papes raisonner a fortiori pour prouver qui s’impose ù toute société religieuse. Des prêtres que ce qui était exigé du sacerdoce Juif doit l’être saints et instruits, irréprochables dans le plein sens davantage encore du sacerdoce chrétien. du mot, sont seuls capables d’exercer une action sur 2· Nouveau Testament. - L’Évangile ne contient les âmes, seuls dignes d’oflrir à Dieu le sacrifice très aucun texte qui corresponde pour les prêtres dc la pur de la loi nouvelle. Un sacerdoce moralement Loi nouvelle nux prescriptions dc l’ancienne. Les soins déchu ou intellectuellement incapable serait tans que Jésus a apportés à la formation intellectuelle, dignité auprès dc Dieu ct sans fécondité auprès des morale ct religieuse de scs apôtres prouveraient cepen­ Ames. dant que lui aussi veut des prêtres de valeur; ct C’est cc qu’expriment avec force deux lettres, fai­ c’est déjà une justification des exigences que formu­ sant partie des apocryphes clementius ct qui sc pré­ lera l’Église. sentent comme écrites par saint Clément dc Rome ù Les apôtres, après la mort du Maître, sont amenés Jacques, frère du Seigneur. Autant qu’il est possible par les circonstances à sc choisir des auxiliaires : cc dc dater les différentes pièces dc cc farrago, les lettres sont les diacres. Ils les veulent < dc bon témoignage, seraient, avec les Recognitiones, dont elles sont remplis dc l’Esprit Saint. » Act., m, 3. Plus tard, ils comme une préface, une production dc la première sc dispersent, organisent les Églises particulières, y moitié du ni· siècle. Dans la première, saint Pierre placent des chefs qui seront leurs successeurs; mais est censé apparaître à saint Clément et lui donner nous n’avons dc détails que sur l’apostolat de saint une ligne dc conduite pour son ministère. Il lui recom­ Paul et c’est lui qui, dans scs lettres à Timothée et à mande en particulier de bien choisir scs coopérateurs Titc, nous fait connaître les règles qui doivent pré­ ct scs successeurs. Qu’il ne prenne pas des hommes sider au choix des ministres sacrés. Des conditions sans jugement, sans prudence ou sans instruction, car physiques, il ne dit rien ; elles ont pourtant leur impor­ • si un ignorant est chargé dc la fonction de docteur, tance, puisque saint Paul lui-même a soutïert dans il est hors de doute que scs disciples et auditeurs, son apostolat de ses infirmités ct de son aspect chétif, ensevelis dans les ténèbres de l’ignorance, seront pré­ cf. II Cor., x, 10-14; xi, 29-30; xu, 7-9; Gal.,iv, 13-14. cipités dans Ja mort. > P. G., t. i, col. 472. De ces Cc sont les qualités morales qu’il exige, des vertus coopérateurs mêmes, il relève singulièrement la dignité solides, une formation religieuse afiermic, en un mot et leur inspire une haute idée de leurs fonctions afin tout cc qui constitue la valeur d’un ouvrier dc l’Évan- de leur faire mieux sentir quelle doit être leur sain­ gile, ct comme consécration de ccttc valeur, une répu­ teté : ■ l’évêque tient la place des apôtres, les prêtres tation intacte qui l’impose à la considération dc ceux celle des autres disciples;... la vie des prêtres doit même qui ne sont pas fidèles. I Tim., ni, 2-10 : être supérieure Λ celle des laïques, plus sainte ct plus c 11 faut que l’évêque soit irréprochable, qu’il n’ait élevée, parce que les prêtres, hommes spirituels, eu qu’une seule femme, qu’il soit dc sens rassis, cir­ doivent l’emporter sur les laïques, hommes charnels. » conspect, bien réglé dans son extérieur, hospitalier, Ibid., col. 476. — La seconde lettre donne les conseils capable d’enseigner; qu’il ne soit ni adonné au vin, suivants pour le choix des ministres inférieurs : ni violent, mais doux, pacifique, désintéressé; qu’il < Il faut choisir comme clercs des hommes qui puissent gouverne bien sa propre maison ct qu’il maintienne dignement toucher les mystères du Seigneur. Il vaut scs enfants dans la soumission avec une parfaite mieux que le prêtre du Seigneur ait peu de ministres, honnêteté; car si quelqu’un ne sait pas gouverner sa mais qui puissent dignement accomplir l’œuvre dc maison,commentprendra-t-ilsomderÉglisc deDieu? Dieu, plutôt que d’en avoir beaucoup d’inutiles, qui Qu’il ne soit pas un nouveau converti, dc peur que seront une lourde charge pour celui qui les aura or­ venant ά s’en fier d’orgueil, il n’cncourc le jugement donnés. » Ibid., col. 487. du diable. 11 faut encore qu’il jouisse dc la considé- I Les mêmes raisons seront invoquées tout le long ration de ceux du dehors afin de ne pas tomber dans dc l’histoire des irrégularités : c’est le souci de n’avoir l’opprobre ct dans les pièges du diable. Les diacres que de bons ministres qui a dicté la législation de aussi doivent être des hommes graves, éloignés dc l’Églisc. Ainsi saint Jérôme commente en ces tonnes la duplicité, des excès dc vin, d’un gain sordide, le mot sine crimine de saint Paul : · Il faut d’abord conservant Je mystère dc la foi dans une conscience que l’évêque soit sans crime, cc que l’apôtre exprime pure. Qu’on les éprouve d’abord et qu’ils exercent dans l’épilrc à Timothée par le mot irrépréhensible; leur ministère s’ils sont trouvés sans reproche. > - I cela ne veut pas dire seulement qu’au moment dc son Tit., i, 5-9 ; « Je t’ai laissé en Crète afin que tu achèves ordination il doit n’êtrc pas coupable de crime ct dc tout organiser et que, selon les instructions que avoir lavé scs péchés passés par une vie toute nouvelle, je t’ai données, tu établisses des Anciens (presbytres) mais qu’à partir du moment où il a pris une nouvelle dans chaque ville. Que cc soient des hommes d’une naissance dans le Christ, sa conscience ne doit lui réputation intacte, maris d’une seule femme, ayant reprocher aucun péché grave. Car comment le chef des enfants fidèles, qui ne soient ni accusés dc vie d’une Église peut-il enlever le mal du milieu d’elle dissolue, ni insubordonnés. Car il faut que l’évéque s’il a sombré lui-même dans le mal qu’il doit com­ soit irréprochable comme un économe dc Dieu; qu’il battre? Quelle liberté aura-t-il pour reprendre le ne soit ni arrogant, ni colère, ni adonné au vin, ni pécheur s’il peut sc faire à lui-même cc reproche violent, ni porté à un gain sordide; mais qu’il soit muet : tu as commis toi-même cc que tu reprends? ■ In Tit., i, 6; P. L., t. xxvi, col. 563-564. Sur les hospitalier, aimant à faire le bien, dc sens rassis, mêmes paroles de saint Paul, Isidore de Séville fait juste, saint, tempérant, attaché à la vraie parole telle les remarques suivantes : · Puisque Ja loi écarte du qu’elle a été enseignée afin d’être capable d’exhorter selon la saine doctrine ct de confondre les contradic­ sacerdoce les pécheurs, que chacun examine sa con­ science, sachant que les puissants seront puissamment teurs. * En exigeant ccs qualités des ministres dc tourmentés; ct, (s’il se reconnaît coupable,) qu’il sc l’Église, saint Paul exclut par le fait même ceux qui en retire de cc qui est un honneur, mais plus encore une sont dépourvus. Il dresse ainsi comme une première liste des cas d’irrégularités que l’Églisc va développer. j charge; qu’il n’ambitionne pas de prendre la place de ceux qui sont dignes. Car il faut qu’il soit saint ct IL Formation des lois d’irrégularités a irrépréhensible en tout, celui qui sera ù la tête des l’époque patristique. — Ie Raisons (Titre des irré­ peuples pour 1rs former cl les conduire à la vertu; il gularités. — L’Églisc, en sc montrant exigeante dans le choix dc scs ministres, en écartant du sacerdoce les j faut qu’il soit π péché, celui qui reprochera nux autres k-ur péCa ►. Comment aura-t-il le front dc Indignes ct les incapables, ne fait qu’obéir à une loi 2541 JHIIÉGULAHITÉS 2542 reprendre scs Inférieurs, quand celui qu’il reprend règles dc l’Église : celui qui s’est mutilé, même dc la pourrait lui répondre : Apprends d’abord ù faire tol- phalange d’un doigt, ne peut être clerc; Il en serait mèmo cc qui est bien? > Dc ccclesiasl. oflic Us, L II, autrement si la mutilation était la suite d’un acci­ c. v, P. L., t. lxxxîh, col. 784-785. Le pape llor- dent. Les bigames sont exclus par l’apôtre lui-même; mlsdns, écrivant nux évêques d’Espagne, justifie ainsi et on doit entendre par là non seulement celui qui a la loi qui exclut du sacerdoce les pénitents : · Aurait-il eu deux femmes, mais celui qui a épousé une veuve. la hardiesse d’absoudre un coupable, celui qui, devant On ne doit pas admettre non plus ceux qui ont fait tout le peuple, s’est déclaré lui-même coupable? Et la guerre, ceux qui ont plaidé, les curiales qui ne sont qui donc aurait du respect pour son pasteur après pas debarrassés dc leur charge, les hommes qui ont 1’avoir vu auparavant prosterné (avec les pénitents)? péché avec une concubine ou une prostituée. EpisL, Celui qui porte sur lui la tache d’un crime abominable xxxvn, P. L., L xx, col. 663-605. ne peut ambitionner l’éclatante dignité du sacerdoce. » Un concile dc Home, tenu en 465 par le pape Hi­ Epist., xxv, P. L., t. lxiïi, col. 424. Tous les docu­ laire (461-468), défend d’ordonner celui qui a épousé ments rendent le même son : l’Églisc veut des prêtres une veuve ou qui a été marié deux fois, de même les sans reproche, des prêtres capables ct utiles, ct c’est ignorants, les mutilés ct ceux qui ont été soumis à la pourquoi elle a été si exigeante dans le choix de ceux pénitence publique. Hefelc-Lcclercq, t. H, p. 903. Le même pape donne aux évêques dc la Tarraconnalse qu’elle appelle à ccttc dignité. 2° Listes d* irrégularités. — La liste esquissée par une liste absolument Identique. Epist., n, c. 4, P L· saint Paul appelait des développements ct des pré­ t. mn, col. 18. La liste est plus complète dans une lettre du pape cisions que les lois dc la vie sociale dans l’Église ne tardèrent pas à apporter. Cela sc produisit, non tout Gélose ( 192-196) aux évêques de Lucanie, du Brutium d’un coup ct par un acte d’autorité, mais pcuùpeu,à et dc Sicile. 11 veut, à cause de la difficulté des mesure que les circonstances faisaient sentir la néces­ temps, adoucir les lois dont la sévérité entravait le sité d’un progrès dans les lois. recrutement du sacerdoce. Il permet que l’on Avant d’étudier l’un après l’autre les divers cas prenne des clercs dans les monastères, mais aupara­ d'irrégularité ct la manière dont on les a interprétés, vant on devra examiner avec soin la vie anterieure Il sera intéressant dc voir dans l’ensemble le déve­ ct la situation du candidat : Imprimis ejus vita loppement de la législation en citant selon l’ordre proteritis acta temporibus inquiratur si nuito gravi chronologique les listes plus ou moins complètes qui facinore probatur infectus; si secundam non habuit en furent dressées. fortassis uxorem, nec a marito relictam sortitus osten­ La première en date semble être celle des Canons ditur; si pwnitentiam publicam fortassis non gessit, apostoliques, non pas que la compilation désignée dc nec ulla corporis parte vitiatus apparet; si servili aut cc nom soit extrêmement ancienne (elle daterait seu­ originariæ non est conditioni obnoxius; si assecutus lement dc la seconde moitié du ïv· siècle d’après esi litteras, sine quibus vix fortassis ostiarii possit Batillol, Anciennes littératures chrétiennes, i. La litté­ implere ministerium. Et le pape, pour être sûr qu’il rature grecque, p. 201), mais parce que les règles qui sera bien compris, reprend sous une autre forme la y sont contenues sont antérieures et que c’est peut- même énumération : « Qu'aucun évêque ne se être à elles que le concile dc Nlcée de 325 sc réfère permette d'admettre au service divin des bigames, comme à une législation déjà traditionnelle. Hctclc, des hommes ayant pris une femme répudiée, des Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. i, p. 529. Ces pénitents, des hommes sans lettres ou dont le corps canons excluent dc l’épiscopat, dc la prêtrise ct dc n’est pas intact, des hommes de condition servile ou toute fonction ecclésiastique celui qui, après le bap­ embarrassés dans des charges de curie ou d’autres tême, aurait été marié deux fois ou aurait eu une fonctions publiques, des hommes dont on n’aurait pas concubine, can. IG; celui qui a pris pour épouse une constaté la valeur dans un patient examen. > — Quant veuve, une femme répudiée, une courtisane, une aux laïques qui aspireraient à la dericaturc, les exi­ esclave ou une comédienne, cnn. 17; celui qui s’est gences sont les mêmes : qu'fis ne soient pas des Igno­ marié avec deux sœurs ou avec sa cousine,can. 18; rants, qu’ils ne manquent pas d’un membre ou d’une partie dc membre, qu'ils ne sc soient pas mu­ un homme qui s’est fait eunuque, mais non celui qui serait né tel ou aurait été mutilé par violence Injuste tilés, qu’ils ne soient ni des criminels, ni des démo­ ou par des persécuteurs, can. 20 et 21. Ils permettent niaques, ni des fous, qu’ils n’aient pas contracté deux de promouvoir, même ù l’épiscopat, s’il en est digne, mariages. Epist., ix, c. 2, 3, 16-19, 22, P, L., t. ux, celui qui est privé d’un œil ou de l'usage d’une jambe, col. 49 sq. Plus courte est une liste dressée par Je troisième mais non un aveugle ou un sourd, can. 7G et 77; ils écartent de la cléricature les possédés, cnn. 78, ct concile d’Orléans, 538. Il impose des conditions d’âge; aussi les esclaves s’ils n’ont pas recouvré une pleine i) exclut de la cicricature celui qui a été marié deux fois ou qui a épousé une veuve, celui qui a été soumis liberté, can. 81, Mansi, Concilia, 1.1, col. 31 ct 46. Le concile dc Nicée est moins complet. 11 renouvelle Λ la pénitence ecclésiastique, celui qui est eunuque avec les mêmes distinctions les règles qui concernent ou mutilé ou possédé du démon, can. 6. Ikfclc-Lcles mutilés, cnn. 1; Il exclut les néophytes, can. 2; elercq, t. n, p. 1158. Les Capitula de saint Martin de Braga (t 580), ne les grands criminels, can. 9; les lapsi, am. 10. liefclofont que renouveler ce que nous savons déjà sur les Lcchrcq, t. i, p. 528, 533.588,589. Innocent I, (402-117) répond à une question sou­ mutilés, les pénitents, les criminels, les néophytes et levée par Félix, évêque de Nocera. Celui-ci a informé les bigames, c. 20-28 Mansi, Concilia, t. ix, col. 852, le pape dc cc qu'il fait dans son diocèse : il relève les 853. Saint Grégoire le Grand donne cette courte énu­ ruines, répare les anciennes églises ct en construit de nouvelles; mais il manque dc clercs pour les y mération : Nec bigamum, aut qui virginem non est placer, ct parmi ceux qui se présentent, Il en est qui sortitus uxorem, aut ignorantem litteras, vel in qualibet sont mutilés ou qui ont été mariés deux fols, mutilos corporis parte vitiatum, vel pamitentem, vel cuilibet et digamos. Le pape s’étonne qu’un homme sage l’in­ conditioni obnoxium ad sacros ordines permittas acce­ terroge sur des points définitivement réglés par les dere. Epist., I. II, xxxvii, P. L., t. i.xxvn, coi.575. canons; Il veut supposer chez son correspondant, non Et enfin le IV· concile dc Tolède, 633, dresse cette dc l’ignorance, mais une distraction qu’excuse la liste la plus complète dc toutes : Ne doivent pas être multiplicité dc scs occupations. Il lui rappelle les I promus au sacerdoce qui in aliquo crinune delecti sunt 2543 IRRÉGULARITES qui scelera aliqua per publicam pænilentiam admisisse confossi sunt; qui in haresim lapsi sunt; qui in hæresi baptirati sunt vel rebaptizati noscuntur; qui scmetipsos absciderunt aut naturali delectu membrorum aut decisione aliquid minus habere noscuntur ;qui secundæ uxoris conjunctionem sortiti sunt aut numerosa con­ jugia frequentaverunt ;qui viduam vel marito relictam duxerunt aut corruptarum mariti luerunt; qui concu­ binas ad fornicationem habuerunt ; qui servili condi­ tioni obnoxii sunt; qui ignoti sunt; qui neophyti sunt vel laid sunt;qui srrculari militia: dediti sunt; qui curiæ nexibus obligati sunt ; qui inscii litterarum sunt; qui nondum ad triginta annos pervenerunt; qui per gradus ecclesiasticos non ascenderunt ; qui ambitu honorem quierunt; qui muneribus honorem obtinere moliuntur; qui a decessoribus in sacerdotium eliguntur. Can. 19. Mansi, t. x, col. 624-625. 3· Étude des principales irrégularités. — Certaines d’entre dies ne sont autre chose que la mise cn pra­ tique, plus ou moins étendue, des paroles de saint Paul; d’autres sont vraiment nouvelles. 1. Irreprehensibilem, sine crimine, testimonium bonum habentem. I Tini., nr, 2-7; Tit., i, 6-7. - Ccs expres­ sions de l’apôtrc excluent avant tout les grands cou­ pables, même repentants. Le concile de Nicéc, can. 9, les déclare indignes du sacerdoce ct prononce leur déposition s’ils ont été élevés à la prêtrise cn cachant leurs hontes passées. I Icfclc-Lcclcrcq, t. j, p. 588. Innocent Ier eut à se prononcer sur le cas d’un clerc, nommé Modeste, qui, ayant réussi ù cacher scs crimes, était entré dans les ordres ct ambitionnait mainte­ nant l’épiscopat; le pape ordonne d’enquéter ct, si le clerc est reconnu coupable, dc l’écarlcr dc l’épis­ copat ct mérne dc le chasser du clergé. Epist., xxxrx, P. L., t. xx, col. G06. Le pape Zacharie (741-752) semble cependant distinguer entre les divers cas : dans une lettre Λ saint Boniface, 11 déclare écarter de la cléricaturc tous les grands coupables; nul adul tère, nul fomicateur, nul homicide, nul pénitent infime ne doit être admis au ministère»sacré, Epist., x, P. L., t. lxxxix, col. 941; mais dans une autre lettre au même saint, il semble ne prononcer la déposition que contre ks prêtres qui, ayant commis des crimes, les ont cachés, ct non contre ceux qui les ont confessés, car, dit-il, non odit Deus peccantem et confitentem, sed peccantem et negantem. Epist., xm, Ibid., col. 952. Mais ceci apparaît comme une dérogation à la discipline primitive, laquelle excluait ceux qui avaient été soumis ù la pénitence. Quels étaient ccs grands crimes qui rendaient à jamais indigne du sacerdoce? Ce n’étaient pas les péchés ordinaires que tout le monde commet presque sans exception, selon le mot dc saint Augustin, contra duas epistolas Pelagianorum, 1. I, c. 14, P. L.,t. xliv, col. 653; sans quoi dit-il, ailleurs, omnis homo repro­ baretur, nullus ordinaretur. L’apôtre n’a pas dit : sine peccato, mais sine crimine, ct pour fixer les idées, saint Augustin donne des exemples : sicut est homici­ dium, adulterium, aliqua immunditia fornicationis, furtum, fraus, sacrilegium ct cetera hujusmodi. In Joan.Evang., tract, xli, n. 10, P. L., t. xxxv, coi. 1697. Nous avons trouvé dans les documents législatifs mention formelle de l’homicide, Capitula de saint Martin dc Braga, c. 26, Mansi, t. ix, col. 853; Zacharie, Epist., x, P. L., t. lxxxix, coi. 941; Nico las 1,858-867, epist. ad Hum/rcdum, epist. ad Osbaldum, JaiTé, Itegesta Pontificum romanorum, n. 2688 et 2854, dans le Décret dc Grnticn, part. I, disL LV, c. 5 et 6, édiL Friedberg, t. î, col. 179; — l’apostasie, concile de Nicéc, can. 10, Hcfcle-Leclercq, t. i, p. 589; — l’hé­ résie, IV· conc.de Tolède, can. 19, Mansi, t. x, col.624 ; — les péchés charnels, concile d’Elvirc, vers 300, can. 30, Hcfcle-Lcclcrcq, t i, p. 237; concile dc Néo- 2544 césarée, 314 ou 315, cnn. 9, I Icfclc-Lcclcrcq, t. r, \ p. 331 ; Zacharie, Epist., x, P. L , t. lxxxix, col. 941. Les Ordines romani mentionnent une cérémonie par ticullèremcnt significative ά cct égard : avant l’or dination, les futurs prêtresctiesfuturs diacres devaient jurer devant les plus hauts dignitaires dc leur Église qu’ils n’avaient pas commis les quatre péchés énormes que VOrdo VIII énumère ainsi : la sodomie, la bes­ tialité, l’adultère, la violation des vierges consacrées. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, p 341 etnote. Aux grands pécheurs sont assimilés tous ceux qui ont été soumis à la pénitence publique. Celle-ci était cn cfict une condition dc relèvement pour les péchés les plus graves; mais cn même temps elle cn était un aveu officiel. Le pape Siricc (381-399), écrit Λ Mimérius, évêque dc Tarragonc : < De même qu’un clerc ne doit pas être soumis ù la pénitence publique, de même un laïque ne doit pas être admis ά l'honneur dc la cléricaturc après qu’il a fait pénitence ct a été réconcilié. 11 est sans doute purifié dc scs péchés; mais il n’est pas digne dc revêtir les ornements pour les divins mystères, lui qui était auparavant un réceptacle dc vices. Epist., i, c. 14, P. L., t. xm, col 1145. La même exclusion est maintes fois rap­ pelée; ainsi au concile d’Agdc, 506, can. 43, I IcfclcLcclcrcq, t. n, p. 997; au concile d’Epaonc, 517, can. 3, ibid. p. 1036; dans les Capitula dc saint Martin de Braga, c. 23, Mansi, t. ix, col. 852. Un concile dc Chalon-sur-Saône, vers 650, applique la loi à l’ar­ chevêque d’Arles, Théodose : puisqu’il a été au nombre des pénitents avant son ordination, qu’il se considère comme déposé jusqu’au prochain concile qui pronon­ cera sur son cas d’une façon définitive. IIcfclc-Leclercq. t. m, p. 284. Le Ier concile dc Tolède, 400, contient une disposition un peu plus bénigne : tout cn excluant cn principe du clergé les pénitents, il autorise, s’il y a nécessité ou si la coutume est telle, à les accepter parmi les portiers ou les lecteurs, mais ù condition qu’ils ne lisent pas l’Évangilc ni l’Épîtrc, can. 2, Mansi, t π, col. 997. C’cst sans doute au meme souci dc la dignité dc vie exigée des futurs clercs qu’il faut rattacher l’exclu­ sion prononcée contre ceux que l’on a appelés les cliniques, c’est-à-dire ceux qui attendaient pour sc faire baptiser d’y être contraints par une maladie grave. Une telle conduite, assez fréquente en certains pays, ne pouvait guère s’expliquer que par le désir de retarder une conversion qui imposait d’austères devoirs : elle supposait peu de ferveur et beaucoup d'attachement à des désordres auxquels on n’avait pas le courage de mettre fin. Le concile dc Néocésaréc, vers 315, écarte du sacerdoce ccs retardataires à moins qu’ils ne prouvent la sincérité dc leur conver­ sion et qu’on ne manque dc sujets capables, can. 12, I Icfclc-Lcclcrcq, t. i, p. 332. Mais la loi existait déjà antérieurement ct le pape Corneille s’en faisait un argument contre Novation qui n’avait été baptisé qu’en danger de mort. Eusébe, II. E , 1. vî, C. 43, P. G., t. xx, col. 623 et 626· Pour la même raison, on écarta du elergé ceux qui, après leur baptême s’étalent enrôlés dans les rangs des soldats ou des gladiateurs. I n concile de Rome, cn 386, interdit d’agréer comme clercs < ceux qui, après la rémission de leurs péchés (par le baptême) ont pris le ceinturon de hi milice séculière. » Cnn. 3, Hcfelc-Leclercq, t. n, p. 69. Le 1er concile de Tolède, 400, fait à ce propos une curieuse remarque : < Si quelqu’un après son baptême est devenu soldat, a pris la chlamyde on le ceinturon, alors même qu’il n'aurait pnc. comn de faute plus grave, etsi graviora nonadmiserlt, iintp ut recevoir ladignllé du diaconat,» < ccîcrcq, ibtd., note 2. Le motif 2545 IRRÉGULARITÉS cette bizarre défense était la suspicion que faisaient planer sur la vertu des soldats les excès auxquels un grand nombre d’entre eux sc livraient: c’est cc qu’insinue le texte du concile dc Tolède, ct c’est ce que disent formellement les canons envoyés aux évê­ ques de Gaule par le pape Siricc : · Quant À ceux qui déjà chrétiens combattent dans les milices du siècle, Il est notoire qu’ils jouissent d’une liberté sans frein. Qui peut les garder? Qui peut attester qu’ils n’ont pas pris part à des spectacles ou que, poussés par l’amour dc l’argent, ils n’ont pas commis dc violences ou d’in­ justices? w Epist., x, n. 7, P. L., t. xm, coL 1186. Le texte du concile de 386 est reproduit par Innocent Ier, Epist.,u,i\ Victrice de Rouen, c.2, P. L.,l. xx, col. 472; ce pape prononce la même exclusion contre les gladia­ teurs, Epist.,mi, aux évêques réunis au concile de Tolède, c. 1, P.L., Ibid., col. 490. En plus dc la vertu personnelle, l’Église exigea que les futurs clercs n’eussent pas à rougir d’une tache dans leur naissance. Cc ne fut que tardivement qu’elle y songea, et il semble que cette mesure ait soulevé une réaction assez vive. Le Decret dc Graticn, part.I, dist. LV1, edit. Friedberg, 1.x, col. 219 sq., accumule un nombre considérable de textes pour démontrer que des fils dc prêtres ou des enfants nés dc l’adultère peuvent aspirer au sacerdoce : ces textes ne sont d’ailleurs que l’expression d’une vérité que les Pères ne songeaient pas à appliquer à ccttc question, à savoir que les fautes des parents ne doivent pas être Imputées aux enfants. Un concile de Meaux, 845, ne veut pas que l’on admette à la cléricaturc les en­ fants nés d’un mariage vicié par le rapt, can. 64. Ilcicic-Leclercq, t. xv, p. 124. C’est seulement plus tard, à l’époque des grandes luttes contre l’inconti­ nence des clercs, que fut prononcée la défense de recruter le clergé parmi les fils de prêtres Urbain II (1088-1099) dans une lettre à Pibon, évêque de Toul, déclare ceux-ci indignes d’être prêtres, à moins que, apiés avoir été éprouvés longuement dans les monas­ tères, ils n’aient montré une conduite exemplaire Mansi, t. xx, col. 676, 2. Unius uxoris virum, I Tim., m, 2, 12; Tit., i,6. - L’Église n’a jamais varié dans l’interprétation dc ccs mots que certains ont voulu croire amphibo­ logiques. Alors même qu’elle ne songeait pas à imposer à scs prêtres le célibat, cllo a voulu, avec l’apôtre, que s’ils avaient été ou étaient encore mariés, du moins ils ne l’eussent été qu’une fois. Elle n exclu les bigames. Sur cc point, tous les documents, aussi haut qu’on puisse les consulter, sont formels : c’cst un des rares cas où on ne trouve pas la moindre hésitation, ni la moindre discordance. Qu’il suffise de citer les Canons apostoliques, cnn. 16, Mansi, t. i, col. 31; les papes : Innocent P', Epist., xxxvn,c. 2, P. L., I. xx, col. 604; Zozime, Epist., xx, c. 3, Ibid., eel. G73; Hilaire, Epist., ir, c. 4, P. L., t. x.vm, col 18; Gélose, Epist., xx, c. 2,3,22, P. L., t. lix, col. 49 sq. ; le concile romain dc 4G5, can. 2, I Icfclc-Lcclcrcq, t. n, p. 903; le IV· con­ cile do Tolède, 633, Mansi, t. x, col. 624. — Cette discipline unanime ne vient pas, comme on pourrait le croire, d’une prévention de l’Église contre les secondes noces : c’est la remarque que fait le pape Gélasc, loc.cit., c. 22, col. 55; mais, dit-il, « autre chose est la permission générale accordée Λ l’humaine faiblesse, autre chose la perfection requise dans une vie que l’on consacre nu service des choses divines. · Il y eut cependant une hésitation dans la manière d’inter­ préter le cas de bigamie. Celui qui, marié une première fois, puis devenu veuf avant son baptême, contracte un nouveau mariage, mais un seul après le baptême, doit-il être exclu comme bigame? Oui, répond par exemple Innocent Ier, Epist., xvn, c. 2, P. L., t. xx, col. 529-530. Saint Jérôme est d’un avis contraire. 254G ct soutient son opinion avec sa véhémence coûta mlèrc. Epist., lxix ad Oceanum, P. L., t. xxn, col. 653 sq. Il est cn cela d’accord avec les Canons Aposto­ liques qui disent expressément : · Celui qui, après te saint baptême, n été marié deux fois ou a eu une con cubinc, ne peut être évêque, ni prêtre, ni diacre, ni faire aucunement partie de l’ordre sacerdotal. *Loe. cit. L’irrégularité prononcée contre les bigames reçut des applications ct des extensions inattendues. On traita comme bigame celui qui avait épousé une veuve, une courtisane, une femme répudiée, etc. C’était un souvenir des prescriptions du Lévltiquc relatives au grand prêtre, mais au^sl on voyait dans cc cas une vraie bigamie. Exemple: aussitôt après la loi portée contre ceux qui ont été mariés deux fois, les canons apostoliques ajoutent : < Celui qui a pris une veuve, une femme rejetée, une courtisane, une esclave ou une comédienne, ne peut être évêque, ni prêtre,etc. * can. 17, loc. cil. Le concile de Home dc 465, can. 2, déclare que celui qui épouse une veuve ou qui se marie lui-même une seconde fois ne peut être élevé aux saints ordres, Hcfele-Lcch rcq, t. xî, p. 903. En somme sont dans le cas de bigamie tous ceux qui ont con­ tracté deux mariages, ou qui se marient avec une femme qui a déjà été mariée, ou même qui épousent une femme qui officiellement n’est plus vierge : c’cst le sens du canon apostolique cité plus haut; c’cst l’affirmation du pape Hilaire, écrivant aux évêques dc la Tarraconnalse : < on n’élira quelqu’un à l’épis­ copat que s’il n’a pas épousé une veuve et s’il n’a épousé qu’une seule femme vierge, » Epist., xx, c. 4, P. L., t. Lvm, col. 18; et le p.ipe Innocent Ier présente cette discipline comme exactement conforme à l’exi­ gence dc l’apôtre : unius uxoris virum. Epist., xxxvn, c. 2, P. I. , t. xx, col. 604. Par analogie, on vit un cas de bigamie cn même temps qu’un péché grave dans la conduite d’un homme qui prenait une concubine, Canons apostoliques, can. 16, loc. ctt.; d’un homme qui après la mort de sa femme avait eu des enfants d’une dc scs servantes. Pélage II, 578-590, (ou Pélage I·* selon Jaffé, Itegcsta, n. 1006) accorde une dispense pour un fait dc cc genre, à un homme qui, pendant la vie dc son épouse, avait eu des relations coupables avec une autre femme. Ad Florentinam, P. L., t. xxn, col. 745. Bien plus, par une extension beaucoup plus large, mais qui continue la même ligne, le concile dc Néocésaréc, 314 ou 315, prononce l’exclusion contre un homme dont la femme a violé la fol conjugale. SI le mari est talque, il ne peut devenir clerc; et s’il est déjà clerc, il doit ou bien abandonner sa femme ou bien renoncer à toute fonction sacrée, can. 8, HefvlcLeclercq, t. x, p. 331. 3. Non neophytum, I Tim., ni, 6. — Saint Paul justifie ainsi ccttc condition : « dc peur que, venant ù s’en fier d’orgueil, il n’encoure le jugement du diable.» L’apôtre craint que le nouveau converti, élevé aux dignités dans une Église dont il n’a pas encore l’esprit, ne sc croie dispensé de la vertu fondamentale qui est l’humilité, ct que, renouvelant le péché d’or­ gueil du diable, il ne soit châtié connue lui. L’Église avait d’autres raisons dc ne pas précipiter les ordina­ tions : elle comprenait la nécessité d’étudier plus à fond le futur prêtre pour en connaître la valeur morale, dc le former aussi, lentement ct progressive­ ment, pour le rendre apte à ses fonctions ct capable d’etre, un chef cl un docteur. Nous trouvons ccs rai sons assez souvent exposées par les papes ou les con­ ciles qui renouvellent la prescription de l’apôtre. Les Canons apostoliques, par exemple, interdisent d’élever ù l’épiscopal un nouveau converti, car, ajoutent-ils, « il ne serait pas convenable qu’un homme qui n’a pas encore donné sa mesure devienne le chef des autres. 2548 lauf le cas d’une grâce spéciale de Dieu. » Cnn. 79, Mansi, 1.1, coL 46. Lc concile de Nicée ne veut pas que l’on appelle à l’épiscopat ou au sacerdoce des hommes * qui ont à peine passé de la vie païenne à la fol ct qui n’ont été instruits que pendant peu de temps ». Can. 2, Hefclc-Lcclcrcq, t. ï, p. 533. Lc pape Zozime écrit à Hésychius, évêque de Salone :< Oppose-toi à de semblables ordinations; résiste à l’orgueil ct à l’arrogance qui veulent entrer. Tu as avec toi les ordonnances des Pères ct l’autorité du Siège Aposto­ lique. Si en diet dans les affaires séculières, on donne la première place, non à ceux qui entrent à peine dans la carrière, mais à ceux qui ont fait leurs preuves dans les degrés inférieurs, y aurait-il un homme assez arrogant, assez impudent pour vouloir être maître sans avoir été apprenti dans la milice céleste... pour vouloir enseigner avant de s’instruire? > Epist., ix, n. 2, P. L., t. xx, col. 670-671. Saint Jérôme a de hardies antithèses pour faire ressortir cc qu’il y a de choquant dans l’élévation de ccs évêques improvisés : « Il était hier catéchumène, le voilà aujourd’hui pon­ tife; hier à l’amphithéâtre, aujourd’hui à l’église; hier soir au cirque, cc matin à l’autel; tout à l’heure 11 applaudissait les histrions, ct maintenant il con­ sacre des vierges. » Epist., lxix, ad Oceanum, n. 9, P. L., L xxn, col. 663. C’est que, malgré saint Paul ct malgré les lois de l’Église, nombreuses étaient les ordinations de néo­ phytes. Nous en avons cité quelques exemples en étudiant les interstices; voir col. 2345;on en trouvera d’autres dans I Icfcle-Leclcrcq, t. ï, p. 533 sq., note. Quelquefois ccs dérogations à la loi sc justifiaient par le mérite exceptionnel du candidat : elles étalent d’avance autorisées par l’Église : voir Je Canon apos­ tolique 79, cité plus haut. Mais assez souvent elles étaient le résultat de manœuvres ambitieuses, ct l’Église devait sévir d’une manière assez rude. Malgré tout, la loi subsistait. Saint Ambroise la rap­ pelle en racontant ù l’évêque de Vcrccll son élection : «Combien j’ai résisté pour n’être pas ordonné IA la fin, comme on me forçait, je voulais du moins que l’on différât l’ordination. Mais on n’eut pas égard à la loi; on n’écouta que l’impression. Les évêques d’Occidcnt approuvèrent mon ordination par leur jugement; ceux d*Orient l’avaient approuvée par leur exemple (allusion à l’élection de Nectaire à Cons tantlnople). Et pourtant il est défendu d’ordonner un néophyte pour ne pas exalter son orgueil. » Epist., LXin, n. 65, P. L., t. xvr, col. 1206. Maintenant qu’entendait-on au juste par neo­ phyte? 11 est difficile de le dire, les documents étant en général muets sur ce point. Lc V· concile d’Orléans, (549), can. 9, exige qu’un an se soit écoulé depuis Je baptême, ct que pendant ce temps, le futur clerc soit instruit avec soin sur la discipline ct les règles ecclésiastiques par des hommes savants ct éprouvés. Hefclc-Lcclcrcq, t. ni, p. 160. Aux cas d’irrégularité que nous venons d’exposer ct qu’on pourrait appeler apostoliques puisqu’ils ne sont que des applications des prescriptions de saint Paul, les circonstances en firent ajouter d’autres, tous justifiés par le même souci de la dignité des futurs clercs. 4. Défaut de liberté. — Lc clerc, voué au service de Dieu ct de l’Église, ne doit pas avoir d’autre dépen­ dance. On a donc exclu les esclaves ct les serfs. Les Canons apostoliques n’acceptent les esclaves dans le clergé que si leurs maîtres y consentent ct leur accordent une liberté complète : « Nous ne permettons pas qu’on élève à la clérical urc des esclaves sans la permission de leurs maîtres : cc serait molester ceux qui possèdent et ruiner les familles· Si un esclave paraît digne d’être admis dans la hiérarchie, comme notre frère Onédme, qu’on l’admette, mais à condition que les maîtres l’aient accordé ct affranchi et l’aient laissé sortir de leurs maisons. » Can. St, Mansi, t. ï, col. 16; CL l,r conc. de Tolède (100), cnn. 10, Hefclc-Lcclcrcq, t. n, p. 121 ; Capitula de saint Martin de Bniga, c. 46, Mansi, t. ix, col. 855; V*» concile d’Orléans (549), can. 6, Hefele-Leclercq, t. πι,ρ. 160. Lc pape Calixle 1er était un affranchi. Voir Calixte lrr torn.n, col. 1333. Par assimilation aux esclaves, Je pape saint Gélose exclut les serfs attachés à la glèbe ; c’est en effet le sens de l’expression qu’il emploie z si scruill aut originarite non est conditioni obnoxius. » Epist., >x, c. 2, P. L., t. ijx, col. 50; cf. Ducange, Glossarium mediæ ct (nflmœ latinitatis, au mot Original tus, Francfort-sur-lc-Meln, 1710, t. in, col. 75. Saint Léon donne la raison de ccs ordonnances en écrivant ù tous les évêques : < Laissez de côté ces gens-là (les esclaves) ct tous les autres qui sont tenus au service d’autrui, ù moins que ceux qui ont autorité sur eux ne le demandent ou n’y consentent. Car celui qui s’agrège à la milice de Dieu doit être exempt de toute autre obligation; il ne faut pas que le lien d’un autre devoir le retire du camp du Seigneur où son nom est inscrit. » Epist., iv, c. 1, P. L., t. uv, col. 611. Et pourtant devait-on fermer sans espoir la porte du sanctuaire aux esclaves, ou faire dépendre à jamais leur admission du consentement de maîtres avares ct intraitables? Tout en sauvegardant des droits légitimes selon la civilisation du temps, saint Grégoire le Grand adoucit autant qu’il est en lui la condition des esclaves, du moins des esclaves de l’Église, les seuls qui dépendissent de lui. En prési­ dant le concile romain de 595, il prononça ccs paroles qui marquent un pas immense dans la lutte contre l’esclavage : « Nous savons que parmi ceux qui appartiennent à l’Église ou à une famille du siècle, il y en a beaucoup qui, désirant échapper à la servi tude des hommes, courent au service de Dieu ct demandent à entrer dans les monastères. Si nous le permettons sans discernement, cc sera fournir à tous un moyen d'échapper à la propriété de l’Église. Et si, au contraire, nous retenons sans exception ceux qui veulent sc donner ù Dieu, il sc trouvera que nous re­ fusons quelque chose à celui qui nous a tout donné. Il faut donc que, si quelqu’un veut échanger l’escla­ vage de ΓÉglise ou du siècle contre le service de Dieu, on l’éprouve d’abord sous l’habit laïque. Puis, si scs mœurs ct sa conduite rendent témoignage à scs bonnes dispositions, qu’on ne lui refuse pas de servir le Sei­ gneur tout-puissant dans un monastère, de sorte qu’il soit libéré de l’esclavage humain, lui qui ambi­ tionne par amour pour Dieu un esclavage plus austère. Ensuite si, sous l’habit de moine, il sc conduit sans reproche selon les règles des Pères, on pourra, après les délais fixés par les saints canons, le promouvoir à toute fonction ecclésiastique, à condition qu’il ne se soit pas rendu coupable antérieurement des fautes que l’ancienne loi punit de mort. » P. L., t. lxxvu, col. 1337. La dernière phrase de cette disposition manque dans Mlgnc comme dans Mansi, t. ix, col. 1227 ; on la trouve reproduite dans le Décret de Gratien, part. I, dist. LIV, c. 23, édit. Friedberg, 1.1, col. 214; authentique ou non,elle correspond certainement à la pensée du saint pape : l’esclave, libéré par son entrée dans un monastère, ne rencontrait plus aucun obstacle à son admission ù la cléricature. Même avec ccttc large exception que décide saint Grégoire, le principe demeure entier : il faut que le clerc soit libre et complètement. Les affranchis même ne peuvent êtr» î-.dml dans le clergé s’ils sont encore tenus < çufum qui est un reste c· .μη ’ ou peut devenir une menace de 2549 IRRÉGULARITÉS servitude dans l’avenir IV· conc de Tolède (633), can. 73,1 Mele Leclercq, t. in, p. 275. La même volonté d’assurer la pleine indépendance de scs ministres n porté l’Église à fermer aux curiales l'accès du clergé, tant qu’ils n’étaient pas débarrassés de leurs fonctions. On connaît la pénible situation de ces magistrats municipaux, écrasés par lo poids de leur charge et ne pouvant s'en libérer, même s'ils étaient menacée de s'y ruiner. L’Église adopta ù leur sujet les prescriptions du droit civil. Aussi Innocent 1·Γ donne-t-il deux raisons de les exclure du clergé : d'une part ils ne sont pas libres puisqu’ils peuvent être à chaque instant pris par leur charge ct ils seraient | pour l’Église une cause de dés agréments, Epiât., xxxvn, ù Félix de Nocern, c. 3, P. £., t. xx, col. 601; d'autre part ils sont obligés par leurs fonctions de se faire les fournisseurs des plaisirs populaires, plaisirs Inventés par le diable, Epist, n, ù Victrice de Rouen, c. 12, Ibid., col. 477. Saint Grégoire le Grand revient sur le même sujet en 598; il communique aux évêques une loi de l'empereur Maurice renouvelant d’anciennes 1 dispositions et défendant aux euriales d’entrer dans des monastères ou de se faire ordonner pour fuir les ennuis ct les risques de leur charge ; le pape approuve cette mesure : impliqués dans les affaires du siècle, ceux-ci ne pourraient vivre dans l’Église autrement qu’ils vivaient dans le siècle; ils sont incapables de sc pénétrer de l’esprit qui convient aux clercs; on ne les I recevra donc pas, tant qu’ils ne seront pas libérés, ct encore conviendra-t-il de les éprouver longuement, Epist., 1. VIII, v, P. L.,t. Lxxvn,col. 909. Une autre catégorie de personnes avaient aliéné leur liberté, c'étaient les moines. Ils appartenaient ù Dieu, mais aussi à leur monastère; on ne peut les en enlever, même pour en faire des clercs» sans l’agré­ ment de leur supérieur. C’est cc que décide le VI· con­ cile de Carthage, 401, can. 14 (80 dans la collection de Denys le Petit); il punit l'évêque qui se permettrait de faire de telles ordinations ct les déclare non avenues. Hcfele-Leclercq, t. n, p. 129. Saint Grégoire le Grand renouvelle cette défense en 598, Epist,, 1. VI11, xv,P. L., t. Lxxvn, col. 919. Les gens mariés ne sont pas libres de se dévouer sans partage au service de Dieu. Lc 11· concile d’Arles, vers 450, défend d’élever nu sacerdoce un homme engagé dans les liens du mariage à moins qu’il ne se soit converti d’abord, c’est-à-dire évidemment qu’il ne se soit séparé de sa femme, llcîele-Leclercq, t. n, p. 462. Voir Célibat ecclésiastique, t. n, col. 2081. 5. Défaut (Tintégt ité corporelle. - - Sans aller jusqu’à faire des qualités physiques une condition d'admission aux ordres, l’Église tient à écarter ceux qu’une infir­ mité ou une mutilation rendrait incapables de servir A l’autel, ou exposerait à être pour les fidèles un objet de risée ou de répugnance. Elle avait d’ailleurs un exemple dans les exigences de 1*Ancien Testament. Elle n écarté du clergé ceux qui avaient perdu un membre ou une partie d'un membre. Il y eut cepen­ dant sur ce point certains flottements ct certaines distinctions. Les Canons apostoliques portent une règle très bénigne : can. 76. · Celui qui a perdu un œil ou qui a une jnmbe paralysée peut devenir évêque s’il en est digne; car cc n’est pas une infirmité cor­ porelle qui rend indigne, c’est la souillure de l’ftmc. » Can. 77. « Celui qui est aveugle ou sourd ne peut être évêque, non qu’il soit indigne, mais parce qu’il est Incapable d’accomplir les fonctions ecclesiastiques. · Mansi, t.i, col. 46. C’est la seule fols que nous trouvons cette distinction, ct les documents postérieurs ex­ cluent à peu près sans exception ceux qui ont subi une mutilation. Le pape Hilaire, défend de prendre pour le ministère sacré celui qui caret aliqua parte membrorum. Epist., n, c- 4, P. L., t. jlvjii, col. 18. Le 2550 concile de Rome tenu sous son pontificat en 465 est aussi radical, can. 3. Hcfele-Leclercq. t. n, p. 903. Le pape Gélasc, n’accepte pas dans le clergé ceux qui sont corpore aillait. Epist., ix. c. 2. 3. 16, P. L., t xx, col. 49, 50, 53; de même le III· concile d’Orléans, 538, can. 6, Hefcle-Leclercq, t n, p. 1158, cl saint Grégoire le Grand, Epist.,1. II, xxxvn, P. L.,t. lxxvh, col. 575. Cependant la mesure n’étalt pas toujours aussi radi­ cale; pour certaines mutilations tout au moins, peu considérables ou peu importantes, Innocent I dis­ tingue : il s’agissait d’hommes ayant perdu une pha lange d’un doigt; si la mutilation est volontaire, elle sera punie par l’excluUon du clergé; si elle n été pro­ duite par un accident, elle n’empêche pns d’être clerc. Epist., xxxvn, c. 1, P. L., t. xx, col. 603. Pelage I, (555-560), n'accepte pas une distinction semblable pour une mutiLtion importante comme la perte d’un œil : même celui qui a été victime en cela d’une vio­ lence injuste ne peut être élevé au sacerdoce. Jaffé, Regesta, n. 993 ; Decret. Gratiani, part. I, dist. LV, c. 13, édit. Friedberg, t.i, col. 218. Cette même distinction entre mutilation volontaire ct mutilation involontaire a été par contre à peu près constante pour le cas spécial des eunuques. L’Église se devait d’être sévère sur ce point. L’acte d’Origtne qui sc mutila pour échapper aux soupçons ct aux tentations eût été trop frequent si on n’y eût pris garde. Or l’Église veiU des prêtres vertueux; mais ce n’est pas de la vertu que de chercher à supprimer la lutte par la mutilation; ct d'ailleurs ceux qui cherche­ raient par cc moyen la tranquillité et le repos sc trom­ peraient, comme Origène le dépeint lui-même avec forccdansses Commentaires sur sa ini Matthieu,lom. xv, n. 8 sq., P. G., t. xm, col. 1259 sq. Contre la tenta­ tion, Il n’y a qu’un remède, ct saint Augustin le décrit en ces termes : Pfo proposito continentes, corpus usque ad contemptas nuptias castigantes, s'ipsos nnn in corpore sed in ipsa concupiscent ut radice castrantes.De sancta virginitate, c.24, P. L., t. xl, col. 409. L’Église a donc toujours réprouvé la mutilation volontaire ct les Pères mettent quelque insistance à en montrer l’inanité ct le danger; ainsi saint Jean Chrysostomc, Homel, sur saint Matthieu, lxu, n. 3, P. G., t. Lvnit col. 599; saint Jérôme, Adv. Jooinianum, 1. I, c. xn, P. L., t. xxm, col. 227 sq. Elle voulut faire plus. Tandis qu’elle admettait aux ordres ceux que la nais­ sance , la violence, les tortures des persécuteurs ou une nécessité d’urdre médical avalent rendus eunuques, elle en excluait impitoyablement ceux qui s’étalent mu­ tilés eux-mêmes. · Ils sont homicides contre eux-mêmes, et détruisent l’œuvre de Dieu, » disent les Canons apostoliques, eau. 20 ct 21, Mansl, t. ï, col. 31. Cf. concile de Nicée, can. 1, ! Mele-Ledercq, t. î, p. 528. Le II· concile d’Arles, vers 430, renouvelle la défense, en repoussant l’excuse que l’on pourrait tirer de la bonne intention : Hos qui se, carnali vitio repugnare nescientes, abscindunt, ad clerum pervenire non posse I Mele-Leclercq, t. u, p. 464. De même le pape Gélose, Epist., ix, c. 17, P. L., t. ux, col. 53, ct le IV· concile de Tolède, Mansl, t. x, col. 621. Les capitula de Saint Martin de Bniga commentent le canon 1 de Nicée et donnent la loi sous sa forme la plus complète : SI quis, pro causa aegritudinis, naturalia a medicis habue rit secta, similiter et qui a barbaris aut a dominis stultis fuerint castrati, et moribus digni fuerint visi, hos canon admittit ad clericatus officium promoveri. SI quis autem sonus, non per disciplinam religionis et absti­ nentite, sed per abscissioncm plasmati a Deo corporis, er istimans a se posse carnales concupiscentias ampu­ tari. castraverit sc, non eum admitti decernimus ad aliquod clericatus officium. Quod si jam ante fuerat promotus ad clerum, prohibitus a suo ministerio depo­ natur. Can. 21, Mansi, t. ix, coi. 852. Sur ccttc pra- 2551 IRRÉGULARITÉS tique ct les lois ecclésiastiques ct civiles qui l’ont condamnée, voir une longue note de Dom Leclercq, dans Histoire des conciles, L i, p. 530 sq. 6. Défauts de Γesprit.—■ Nous unirons sous ce titre les lois qui excluent du clergé, d’une part les possédés, les épileptiques et les fous, d’autre part les ignorants. Le 76· canon apostolique est ainsi conçu : < Si quel­ qu’un a un démon, qu’on ne le fasse pas clerc. » Mansi, 1.1, col. 46. Le concile d’Elvire, vers 300, défend tout ministère sacré à i’énerguméne qui ab erratico spiritu exagitatur. Can. 29, Hefclc-Lcclcrcq, 1.x, p. 237. Ccs canons visent expressément les possédés; mais les limites qui séparent la possession de l’épilepsie ou de la folie étaient assez vagues. Et d’autre part le pape Gélase range les fous purnl ceux que l’on doit écarter des ordres en tant que démoniaques. Voici en ciTet, comment il justifie l’exclusion de ccs derniers : Necessario removendi surd, ne quibuslibet pro quibus Christus est mortuus, scandalum generetur infirmis, Postremo, si corpore sauciatum fortassis aut debilem nequaquam sancta contingere lex divina permitiit, quanto magis doni cwleslis dispensatores esse non convenit, quod est deterius, mente percussos. Epist., ix, c. 19, P. L , t. ux, coi. 54. Il y a enfin une certaine ignorance que l’on ne peut tolérer, nu moins dans les degrés supérieurs de la hiérarchie, sans exposer ceux qui en soutirent nu mépris et sans les condamner à l’incapacité : le prêtre est un docteur, ct plus on s’approche du sacerdoce, plus on a une part directe à l’enseignement. l e pape Hilaire, ainsi que le concile qu’il tint ù Rome en 465, écarte du ministère sacré celui qui est litterarum ignarus. Epist., n, c. 4, P. L., t. lviiî, col. 18; Cône, rom., can. 3, Hefele Leclercq, t. n, p. 903. Le pape Gélase n’admet un moine dans le clergé que si asse­ cutus est litteras, sine quibus vix fortassis ostiarii possit implere ministerium; et pour les laïques, il rappelle que les hommes sans lettres, illitterati, sont exclus du service des autels, parce qu’ils ne peuvent être aptes aux fonctions sacrées. Epist., ix, c. 2 et 16, P. L., ) t. ux, col 49 ct 53. 4’ Questions supplémentaires sur les irrégularités à l'époque palristique. 1. Qui les prononçait? - De l’exposé qui précède, il résulte avec évidence que la législation sur les irrégularités n’est pas sortie toute faite des travaux d’un concile ou d’une commission. Cc sont les circonstances, les besoins, les abus qui, au Jour le Jour, ont provoqué soit des applications nou­ velles des principes posés par saint Paul, soit des exi­ gences nouvelles. Il est donc naturel que l’autorité centrale de l’Église ne soit pas intervenue ni toujours ni la première pour décréter de nouveaux cas d’irré gularité. C’étaient d’ordinaire les conciles particu­ lier, plus au courant des besoins locaux, qui prenaient l’initiative des mesures jugées nécessaires. La plus grande partie de Ja législation, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, est due à leur vigilance ct à leur décision. Le pouvoir souverain, celui du pape ou du concile général, n’avait qu’à prendre dans les lois particulières cc qui pouvait être d’une utilité géné­ rale. C’est seulement avec les Décrétales que l’on a réservé au pape ou au concile général le droit de fermer ù telle catégorie de personnes l’accès aux ordres. 2. Qui en dispensait? - Parmi les diverses irrégu­ larités, il en était qui tenaient de si près à la dignité du sacerdoce ct au bon renom de l’Eglise qu’aucune exception ne pouvait être tolérée : telle est, par exemple, l’exclusion des grands pécheurs non con­ vertis. Mais la plupart de ccs lois ont cédé une fois ou l’autre quand le mérite du candidat était assez excep­ tionnel pour que son ordination fût pour l’Église un nouveau lustre ct pour les âmes une source abon­ 2552 dante de lumière ct de sainteté. C’est nlnsi que l'ex­ clusion des néophytes, prononcée pourtant par saint Paul, devait être levée quand l’inspiration divine le demandait, Canons apostoliques, 79, Mans!, t. i, col. 46, ct l’a été de fait quand il s’agissait d’hommes comme saint Cypricn, saint Ambroise ou saint Augustin; que l’exclusion des pénitents prononcée par le con­ cile de Tolède de 400, admet cette restriction : nist tantum necessitas aut usus exegerit, du moins pour les ordres inférieurs, Hcfelc-Ledcrcq, t. n, p. 123; les esclaves sont déclarés incapables par les Canons apos toliques, à moins qu’ils ne sc montrent, par leur valeur personnelle, dignes d’etre clercs ct que leurs maîtres ne les affranchissent, can. 81, Mansi, t. j, col. 4G; les cliniques ne peuvent être élevés au sacerdoce, sauf le cas où, après leur rétablissement ils montreraient beaucoup de zèle et une foi affermie et où l’on man querait de sujets capables, cone, de Néocésaréc, can 12, Hcfcle-Lcclercq, t. i, p. 332; les enfants nés d’un rapt ne sont pas admis à la cléricature à moins que les besoins de l’Église ct les services rendus par eux ne permettent de faire une exception en leur faveur, concile de Meaux (845), can. 64, Ilefclc-Leclercq, t. îv, p. 124 ; les enfants de prêtres ne peuvent devenir prêtres eux-mêmes, ù moins que dans une longue probation ils n’aient montré une conduite exem­ plaire, lettre d’Urbain II à Pibon de Toul, Mansl, t. xx, col. 676. Dans tous ces cas, les exceptions sont prévues par la loi ct justifiées par les circonstances La même grande idée qui a fait porter les irrégula­ rités Inspire les dérogations particulières, à savoir le sentiment de la dignité des clercs et la recherche de la plus grande utilité pour l’Église. Nous n’avons rencontré, durant cette période, qu’un cas de dispense proprement dite. Pélage 11, 578-590, est consulté sur le cas d’un homme qui durant son mariage avait été infidèle à sa femme. Le pape rap pelle les règles canoniques; mais eu égard à la diffi­ culté qu’éprouvait Je recrutement du clergé ct à l’âge du candidat qui permet de bannir toute crainte pour l’avenir, il autorise son admission, au diaconat. P, L., t. lxxii, col. 745; Jaffe, n. 1006 (la lettre est attribuée à Pélage I.) 3. Quels en étaient les effets ? - L’irrégularité est surtout un obstacle à une ordination future : l’Église s’oppose à cc qu’on reçoive dans le clergé ceux qu’elle considère comme indignes ou incapables. Mais l’irré­ gularité est aussi un obstacle ù l’exercice de l’ordre reçu ct l’Église a dû déterminer la situation, soit du clerc ordonné malgré une irrégularité, soit du clerc contractant une irrégularité après son ordination Il fallait bien prévoir d’abord que les défenses seraient violées dans certains cas particuliers : ct dès lors que devrait-on penser d’une ordination faite et reçue en dépit des canons? Évidemment l’évêque contempteur de la loi doit êlre puni, ct l’Église décrète parfois des punitions très sévères ; par exemple le VI· concile de Carthage, 401, réduit à la communion des fidèles celui qui s’est permis d’ordonner un moine sans l’assentiment du supérieur du monastère, can. 14, Hcfcle-Lcclercq, t. n, p. 121. Quant à celui qui a été ordonné, il doit nu moins s’abstenir des fonctions de l’ordre reçu : c’cst un minimum que toutes les lois exigent; ainsi pour ceux qui sc sont rendus coupables de graves fautes d’impureté, le concile de Néocésaréc, can. 9, J bid.,t. i,p.331 ; pour les pénitents, un concile de Chalon vers 650. Ibid., Lin, p. 284; en général pour tous les irréguliers, le concile d’Agdc de 506, cnn. 43, Ibid., t. n, p. 997 ct celui d’Orléans de 538, t.n,p. 1158. Certaines décisions vont plus loin ct exigent que l’on exclue du clergé par un acte solennel celui qui a été ordonné en cachant son indignité; c’est le sens des mots ejiciatur, de ponatar qu’emploient certains canons; 2553 IRRÉGULARITÉS 2554 ainsi pour les grands coupables, Innocent Ier, Epist., n’ont créé de nouveaux cas d’irrégularité, ct que tous xxxix, P. L., I. xx, col. GOG; pour les eunuques se trouvent formulés et précisés dans le droit des volontaires, le concile de Nicéc, can. 1,1 Icfcle-Leclercq Décrétales. Suarez, De censuris in communi, dist. XL, t. i, p. 528 ct les Capitula de saint Martin de Braga, sect. îv, n. 14, édiL Vivès, t. xxm bis, p. 347. Il faut c. 21, Mu nsi, t. ix, col. 852; pour les néophytes ct . arriver au Code de droit canonique pour qu’une modi­ ceux qui se sont rendus coupables d’homicide, les mêmes fication appréciable soit apportée à cette législation. Capitula, c. 22 ct 2G, Ibid., col. 852 ct 853. Faut-il aller Nous abandonnons donc le terrain de l’histoire plus loin ct admettre que dans certains cas l’ordina pour étudier cette législation, telle que le droit l’a tton était considérée comme Invalide? Cela résulte­ formulée ct telle que les théologiens ou les canonistes rait du concile de Rome de 465, can. 3, d’après la l’ont exposée. Qu’il nous soit permis de ne pas en traduction donnée par Hcfcle-Lcclercq, t. π, p. 903; reproduire tous les détails qu’on trouvera dans les le texte est moins clair; il porte ordinator /actum suum manuels; nous insisterons surtout sur les points dissolvet, ce qui veut plutôt dire : il défera ce qu'il d’ordre plus général qui dominent davantage la ques­ a fait, il déposera celui qu’il a élevé. Cc pourrait être tion. aussi le sens d’une disposition du VI· concile de Car­ 1· Les irrégularités en général. — X. Le nom. — Il thage, can. 14, J bid., p. 129; il est dit que si un évêque est à remarquer que, durant toute la période que nous sc permet de prendre un moine pour le faire clerc avons parcourue, le nom d'irrégularité n’est pas une ou supérieur d’un monastère sans l’assentiment du seule fois employé dans les documents officiels. Cest supérieur duquel il dépend, celui qui est ainsi dans une lettre d’Innocent III que nous le rencontrons promu ne restera ni clerc, ni supérieur, ille neque pour la première fois; ct bien que la manière dont le clericus, neque peu positus perseveret, Mansi, t. iv, pape s’en sert indique que le tenue n’était pas nou­ coi. 493 (can. 47); mais ces mots peuvent aussi bien veau, on peut dater de cette lettre son emploi dans la s’entendre clans le sens d’une déposition. 11 paraît donc langue canonique. Innocent écrit à l’évêque de Cagliari vrai de dire que toute ordination reçue malgré une qui voulait se démettre de sa charge, ct il lui énumère irrégularité était valide; mais il était interdit d’exer­ les motifs qui pourraient légitimer une telle décision : cer les fonctions irrégulièrement assumées, ct, dans les cc ne pourrait être que conscientia criminis, debilitas cas les plus graves, la déposition d ι clerc ainsi ordonné corporis, de/edus scientiae, malitia plebis, grave scan­ sanctionnait la loi. On sait d’ailleurs combien il a dalum, et enfin irregularitas personae. Et pour faire fallu de temps pour séparer, quand il s’agissait comprendre ce qu’il entend par cette irrégularité. d’ordination, les deux concepts de validité et de Il en donne des exemples : ut si forte sit bigamus aut licéité. Voir Ordre, ct cf. L. Saltet, Les réordinations, viduce maritus, cc sont des cas où il convient de quitter Paris 1901. sa charge; d’autres cas ne constitueraient pas un motif suffisant : utpote si quis de legitimo matrimonio Si l’irrégularité n’était encourue qu’après l’ordina tion, elle rendait le clerc incapable ou indigne d’exer­ non sil natus. Decretal., I. I, tit. ix, c. 10, édit. Friedcer son ordre et l’Église lui imposait l’obligation de I berg, t. π, col. 109· Le sens du mot était donc à peu s’en abstenir. Ainsi les Canons apostoliques prononcent près celui qu’il a gardé dans le droit canonique. la déposition contre le clerc qui sc mutile, contre 2. Définition ct effets - La plupart des auteurs l’évêque, le prêtre, le diacre ou les autres clercs qui actuels distinguent les irrégularités des simples empê­ sc rendent coupables de fornication, de sacrilège ct chements. Cette distinction ne fut pas admise sans de vol, can. 22 ct 24, Mansi, t. i, col. 34 ; les Capitula conteste. Suarez la connaît, mais ne l’accepte pas, de saint Martin de Braga déclarent que les clercs de dist. XL, sect.i, n. 7 sq,édit., Vivès, t. xxm bis,p. 312, rang supérieur, qui commettent des fautes entraî­ ct il groupe sous le norn d'irrégularité tout empêche­ nant la pénitence publique, doivent prendre rang ment canonique rendanUlllicite la réception ou l’exer­ cice des ordres. Est inhabi lilas seu impedimentum parmi les sous-dlacrcs < de façon ù ne pas imposer les mains ct à ne pas toucher les saints mystères, » c. 23, canonicum ex se directe et primario impediens accep­ Mansl, t. ix, col. 852; le concile de Néocésaréc veut tionem ordinum ecclesiasticorum, et consequenter etiam que le clerc dont la femme est infidèle à la foi conju­ usum eorum. Ibid., n. 2, p. 310. A celte definition, II gale sc sépare d’elle, sinon il doit abandonner le minis­ suffit d’ajouter le mot empêchement perpétuel pour tère sacré, can. 8, Hcfcle-Lcclercq, t i, p. 331; le avoir la notion exacte de Γirrégularité. Le cardinal pape Martin I, 649-655, ordonne à saint Ainand de Gaspard mêlant d’autres cléments à cette définition, Maestrichl de déposer les prêtres qui sc rendraient aboutit à la formule suivante : impedimentum perpetuo coupables de crimes, Epist., n, P. L., t. Lxxxvu, prohibens collationem ct susceptionem cufusque gradus clericalis, ct consequenter etiam ordinum exercitium.. col. 136. Ainsi s’est formée peu à peu la législation cano­ jure canonico constitutum, ex aliquo defectu vcl delicto, nique sur les irrégularités, sc rapprochant toujours propter reverentiam divini ministerii. Tractatus cano­ davantage de Ja teneur définitive qu’elle n prise dans nicus de sacra ordinatione, n. 157, Paris, 1893, t. i, les Décrétales. Λ la fin de l’époque patristiqûe, nous p. 92. C’est un empêchement. L’irrégularité est un motif trouvons un code complet duquel il suffira de rctrnn cher quelques détails devenu; superflus, qu’il n’y pour lequel l’Église défend de conférer ou de recevoir aura plus qu’à préciser un peu ou à compléter, mais les ordres; elle n’est pas un obstacle tel que l’ordina­ qui ne variera plus en substance. C’est cette législa­ tion soit invalide. Un empêchement canonique. On ne rangera donc tion devenue définitive que nous allons exposer ’.ans au nombre des irrégularités, ni certains empêche­ ses grandes lignes. III. ÉTUDE DB LA LÉGISI-ATION SUR LES IRRÉGULA­ ments de droit naturel, comme serait une folie absolue RITÉS. — L’expesé historique que nous venons d’es­ ct permanente, ni des empêchements de droit divin, quisser nous n fait assister à la naissance et nu déve­ comme le cas d’un homme non baptisé. loppement des irrégularités. Avec les Décrétales se Un empêchement perpétuel. C'est ce qui distingue clôt la période de formation. Dans l’espace de moins les irrégularités proprement dites des simples empê­ d’un siècle qui s’écoule entre Alexandre 111 (1159-1 LSI) chements. Ceux-ci ont également pour origine la ct Grégoire IX (1227-1211), la législation sur les volonté de l’Église, mais ils sont de telle nature que irrégularités se trouve fixée, nu moins quant à l’essen­ par eux-mêmes ils peuvent disparaître sans inter tiel, ct fixée à tel point que Γο ι n pu poser en fait que vention de l’autorité; Ils sont transitoires. Ainsi on ni Je concile de Trente, ni les constitutions pontificales ne peut être ordonné sans avoir la science compétente; 2555 IHHÎ.GILAH I I ES 2550 ni «h II suffit de s'instruire pour que l’obstacle tombe; que l’on fosse uno enquête ct que l'on n’admelle pu c’est un empêchement, non un· irrégularité. Gcllo-d, nux ordres le candidat si le fait rit prouvé, car, dit II, au contraire, suppose un étal permanent, que nulle r/îf non s II nota drUcUt it tamen nola delcctut Impt form n·· pe ut empêcher d’exister, que l'Égllsc consl cllenUi ad nacra» ordlncA promovendum, dêrr comme une ration d'indignité ou d'Inc ipncltô . Entre ccs deux groupes les différences sont Impor­ et par conséquent comma un obstacle aux ordres; et tantes, môme pour In pratique. C’est d'abord une seule In volonté dc l’Église peut, non Je supprimer, • différence d’or/g/na. Ln irrégularités ex delicto vlcn mais dispenser do In loi général· qui en fuit un empô rient d'une faute pcmonnell·, imputable, a»ne/, grave rhrmrnL Ainsi celui qui est manchot le restera tout· pour rendre indigne du saint ministère, mémo quand t » vit; celui qui n commis un crime en ui n tmoarlr, L'Irrégularité Lc pape répond A une consultation ou sujet d'un ne inppour pu nê< dn nu ut que la faute ou le homme né so dehors d'un légitime maria g··; Il veut 2b'>7 IHKÎJ.I L A It ΓΙ ES déf «ni qui sont A bon origine soient publics : Il suffit qu'ils existent Muli p.ir contre II faut qu’ils soient certain*·, comme c'cst lu régie pour toutes l< 1 pres­ criptions de sévérité. Un doute sérieux sur l'existence do la loi, iur son application «u cas présent» sur la réalité du full, dubium luria aut 1<ι<119 doit faire con­ duro < n faveur 1 un homicide n été certainement commis, qu'un prêtre y ait cerini nrmrnt contribué < n frappant lui-même, mais qu'on Jgnon si h coup porté par lui a été ou non cause de la mort, h: prèles doit s'abstenir a Merit ordinibus, a sacerdotal! officio, a ministerio allasle. Decretal., L V, lit, xn, c. 12, 18, 2 I, édit. Fr h , n. 450. g) Étaient Irréguliers enfin les néophytes en cc sens que ceux qui avalent été baptisés ù i'Age adulte contractaient une Irrégularité qui leur fermait l'accès aux ordres Λ moins de dispense. Gasparri, n. 269. I DICT. DE TJIÉOL. CATHOl. 2562 2. Irrégularités ex delicto. — On rangeait sous cc titre les irrégularités qui atteignaient : a) Le fait d'avoir réitéré Je baptême ou de s’être prêté ù la réitération ; si les deux baptêmes étaient donnés publiquement et d’une manière absolue, qui­ conque sc rendait sciemment coupable dc la réitéra tlon, c’est-à-dire le ministre qui donnait le second baptême ct le sujet adulte qui s’y prêtait, étalent Irréguliers. Gasparri, n. 320 sq. b) Le fait d’exercer solennellement un ordre sacré qu’on n’a pas reçu. Cette irrégularité, contenue for incitement dans les Décrétales, 1. V, tit. xxvm, c. 1, I t. if, c. 833, ne s’applique probablement qu’aux clercs ct non aux laïques; elle suppose que le clerc, sachant qu'il n’a pas reçu tel ordre sacré, accomplit solennel­ lement une fonction qu'il sait être propre ûcet ordre. Des détails très complets sont donnés par les auteurs sur les cérémonies dont l’usurpation entraînerait une irrégularité, par exemple Gasparri, n. 239 sq. ; Nol­ din, n. 133. c) Le fait d’exercer solennellement un ordre sacré en violation d'une censure, excommunication, sus­ pense ou interdit. Gasparri, n. 353 sq. d) Le fait dc commettre Injustement un homicide ou une mutilation. Cette irrégularité est voisine de celle qui nous avons étudiée plus haut, en ce que. dans les deux cas, il y a mort d’homme ou mutilation réellement produite; mais, tandis que, dans l'irrégu­ larité ex defectu lenitatis, les auteurs dc la mort ou dc la mutilation agissaient au nom dc l'autorité publique ou en vertu du droit dc guerre ct étaient exempts de toute faute, dans l'irrégularité ex delicto Il y a homicide ou mutilation coupable. Cette Irrégu­ larité est encourue avant tout par ceux qui sont dircc teinent responsables du crime d*homicide, c’est-à-dire ceux qui le commettent, ceux qui le commandent, le conseillent ou l'encouragent; ils se rendent coupables d'un crime qui doit être puni à l’égal des plus grands; peu Importe d'ailleurs la manière dont Ils font mourir leur victime, en public ou en secret, par violence ou par ruse, par coups, par empoisonnement ou par d'autres moyens. Une des formes d’homicide que les mœurs trop païennes traitent avec une excessive indulgence, mais où l’Église voit toujours le meurtre d’une creature humaine, est l'avortement : ceux qui en sont coupables contractent l’irrégularité. Elle est encourue encore par ceux qui, sans avoir voulu tuer, provoquent un accident mortel, par suite d’une négli­ gence gravement coupable. Il en est de même de ceux qui, placés dans un cas dc légitime défense, tuent tenir agresseur, mais en dépassant notablement la mesure strictement nécessaire pour sc défendre, le moderamen inculpata tutela·; Gasparri, η. 433-434, cite un grand nombre de décisions dans ce sens ct conclut qu'en pratique il faut toujours demander dis­ pense ad cautelam quand on a tué un injuste agres­ seur, tant il est facile dc dépasser ce que demande 1e droit de défense. Et cc que nous avons dit dc l’homi­ cide est vrai de la mutilation, c’est-.'-dire de la violence injuste par laquelle on fait perdre au prochain un membre proprement dit. Les décisions dc l'Église sont particulièrement sévères pour ceux qui sc mu­ tilent eux-mêmes si la mutilation est coupable : alors même qu'ils ne sc seraient enlevé qu’un doigt, Ils sont irréguliers. Elles visent aussi très formellement ceux qui, même par un souci mal entendu de vertu, sibl amputarent aut amputari facerent virilia; ainsi Clé­ ment Illct Innocent III, dans Decretales, J. I, tit. xx, c. 3, 4 ct 5, t. n, col. 145. e) A ces irrégularités prévues par le droit des Décré­ tales, le décret Vigilanti de la S. Congrégation du Concile, 25 mai 1893, et le décret Ut debita dc la même Congrégation, 11 mai 1901, en ont ajouté une autre, VIL — 81 2563 IRRÉGULARITÉS 2564 ct les auteurs qui les ont expliquées. 11 suffira dc dans le but de punir ct d’empêcher le commerce en signaler au passage les points sur lesquels la nouvelle matière d’honoraires de messes. Les clercs non encore législation a modifié l’ancienne, ct les précisions qui prêtres qui s’en rendraient coupables étaient suspens de l'exercice des ordres reçus et inhabiles à recevoir ont été apportées uu texte du Code par des décisions postérieures. les ordres supérieurs. Le canon 983 déclare d’abord qu’il n’y a à garder 3· Les empêchements. — Les irrégularités ont pour | dc l’ancien droit que ce qui en est gardé dans le non but d’arrêter sur le chemin du sacerdoce ceux qui, veau; en passant, il donne une rapide définition dc en raison d’une faute qui les rend indignes op pour l’irrégularité, qui la distingue définitivement dc l’cm un défaut Irrémédiable qui les rend incapables, ne peuxent exercer avec honneur ct fruit les fonctions pêchcment simple. « Un ne contracte pas d’empêche­ ment perpétuel, que l’on appelle irrégularité, soit sacrées; elles sont dc leur nature perpétuelles, et on ex defectu, soit ex delicto, sinon ceux qui sont expri­ ne peut passer outre que si l’Église juge à propos d’accorder une dispense. Mais il y a certaines condi­ més dans les canons suivants. > Puis le Code énumère tions positives que l’Églisc exige dc ceux qui aspirent les irrégularités ex de/ectu, can. 984; les irrégularités à devenir ses ministres, ct elle arrête ceux qui ne les ex delicto, can. 985, en rappelant les conditions né­ ont pas remplies; il y a des situations qu’elle juge cessaires pour les contracter can. 98G; les simpla Incompatibles avec les devoirs des clercs, ct elie refuse empêchements, can. 987; il parle de l'ignorance de d’ncccptcr ceux qui ne s’en sont pas libérés : cc sont l’irrégularité, can. 988; dc la multiplication des irré­ dc simples empêchements ; dès qu’ils ont disparu, gularités, can. 989 ct enfin des dispenses, can. 990-991. ils laissent libre l’accès aux ordres sans que l’Eglisc 1. Les irrégularités ex defectu. - Cnn. 984. a Sont ait besoin d’intervenir par une dispense. Irréguliers ex defeclu : Ie les Illégitimes, que l’illégiti­ Avant le Code, très rares sont les théologiens ct mité soit publique ou occulte, à moins qu’ils n’alcnt canonistes qui aient songé à donner une liste dc ces été légitimés, ou n’aient fait profession solennelle; empêchements. Le cardinal Gasparri, n. -177 ct sulv., 2e ceux qui ont une infirmité corporelle et qui ne les énumère ainsi : Sont empêchés : peuvent avec sécurité, à cause dc leur faiblesse, ou avec Ceux qui n’ont pas reçu le sacrement de confirma­ décence, à cause de leur difformité, accomplir le mini­ tion, concile de Trente, sess. xxm, de reform., c. 4. stère dc l’autel. Cependant, pour empêcher l’exercice Ceux qui n’ont pas l'âge requis, J bid., c. 8. d’un ordre reçu légitimement, 11 faut un défaut plus Ceux qui n’ont pas reçu l’ordre inférieur ou laissé grave; ct û raison de cc défaut ne sont pas prohibés passer les Interstices voulus, J bid., c. 11, 13 ct 11. les actes qui peuvent être convenablement accomplis; Ceux qui sont engagés dans les liens du mariage. 3® ceux qui sont ou ont été épileptiques, ou fous, ou Un homme marié ne peut recevoir les ordres à moins possédés du démon; s’ils Je sont devenus après avoir dc conditions très sévères destinées à assurer sa persé­ reçu des ordres, et que leur guérison soit certaine, vérance dans le célibat, ainsi que celle de sa femme. l’ordinaire peut permettre à ceux qui sont scs sujets SI tous deux sont encore jeunes, l'un ct l’autre doivent d’exercer dc nouveau les ordres reçus; 4° les bigames, entrer dans des ordres religieux à vœux solennels, c’est-à-dire ceux qui ont contracté successivement et c’cst seulement après la profession des deux époux deux mariages valides ou davantage; 5° ceux qui sont que l'homme peut être ordonné. Ce n’est que dans notés d'infamie dc droit; 6® le juge qui a porté une le cas où tous deux seraient âgés ct où tout danger sentence dc mort; 7® ceux qui ont rempli les fonctions d'incontinence serait écarté que le mari pourrait dc bourreau ct leurs aides volontaires ct immédiats entrer dans le clergé séculier ct la femme faire vœu dans l’exécution d’une sentence capitale, λ dcchasteté dans une congrégation religieuse ou même Les principales modifications apportées par ce texto dans le inonde. Gaspard, n. 530 sq. sont les suivantes : la notion de bigamie est ramenée Ceux qui sont soumis au service militaire. On ne au sens direct et obvie du mot,ct l’irrégularité ex defeclu doit pas accepter ù une ordination celui qui est soldat. restreinte à Ja bigamie successive, la bigamie simul­ Depuis que les lois ont «oumis les clercs au service tanée étant atteinte par une irrégularité ex delicto; militaire dans plusieurs Hays d’Europe, les congréga­ l’irrégularité qui provient dc l’infamie n’existe plus tions romaines ont souvent rappelé cc principe. Peu que pour l’infamie dc droit, l'infamie dc fait produi­ de mois avant l’apparition du Code, 2 janvier 1917, sant seulement un empêchement; celle qui atteignait un décret de la Consistoriale défendait aux évêques les hérétiques est reportée parmi les irrégularités ex d'Italie d’admettre au sous diaconat le clerc qui fai­ delicto, ct celle qui atteignait leurs descendants, parmi sait son service militaire ou devait le faire bientôt, les simples empêchements ; celle qui est la conséquence quelque digne ct capable qu’il fût par ailleurs. Acta d’une sentence de mort n’atteint plus que le juge ct Apostollcie Sedis, 1917, p. 15. le bourreau avec ses aides; enfin celle qui atteignait Les esclaves tant qu’ils n’ont pas obtenu leur liberté. les soldats qui avalent tué dans un combat est sup­ Ceux qui sont engages dans des affaires séculières primée. qui les obligent à rendre des comptes, tant qu'ils ne 2. Les irrégularités ex delicto, can. 985 ct 986. v Sont sont pas quittes de toute responsabilité. Irréguliers ex delicto; 1® les apostats, les hérétiques Ceux qui n’ont pas la science ou la vertu suffisantes, ct les schismatiques; 2® ceux qui, sauf dans le cas concile dc Trente, sess. xxm, de reform., c. 4, 11, 12, d’extrême nécessité, ont permis de quelque manière 13 et 14. que le baptême leur fût conféré par des ministres Ceux qui seraient Inutiles nu service des âmes dans non catholiques; 3® ceux qui ont osé tenter de sc un diocèse trop bien fourni, J bid., c. IG. marier ou qui sc sont mariés seulement nu civil, Enfin ceux qui n’auraient pas le titre canonique alors qu’ils étaient eux-mêmes liés par le mariage, ou par un ordre sacré, ou par des vœux reli­ exigé pour les ordres sacrés. gieux même simples et temporaires, ou avec une IV. La LÉGISLATION ACTUELLE, D’APRÈS LE CODE DE DROIT CANONIQUE. ---- Toute l’étude qui femme liée par ccs mêmes vœux ou par un mariage précède représente la législation telle qu’elle a été valide; 4® ceux qui ont commis un homicide volon­ en vigueur jusqu’à la promulgation du Code de taire, ou cpil ont procuré l'avortement d'un fœtus humain, aln i

de douze membres, choisis par l’appel des prophètes. Cc collège forme le gouvernement suprême, qui doit révéler au monde l’Esprit de Dieu. Les communautés locales sont diri­ gées par un évêque, qui prend le titre d* < Ange >, et qui est entouré d’un corps de prêtres et de diacres. Ccs ministres ne sont pas élus par le clergé ou par les fidèles. Seuls les diacres, qui doivent être au nombre de sept pour chaque communauté, peuvent être, avec la permission des apôtres, choisis par le peuple. Pour être admis à l’oiïlce de prêtre ou d’évêque, il faut un appel des prophètes. La consécration, la nomination 2570 et l’administration des prêtres et des évêques sont entre les mains des apôtres. Une fois appelés et or­ donnés, ils reçoivent chacun une fonction particulière conforme à leurs dons respectifs, soit de prophètes, soit d’évangélistes, soit de pasteurs. Quand un apôtre vient à disparaître, les évêques et les prêtres gouver­ nent directement les églises qui dépendaient de lui, jusqu’à cc qu’un appel l’ait remplacé. Le culte, qui est très développé comporte des ceremonies empruntées aux diverses communions chrétiennes. Les communautés irvingicnnes ne semblent pas avoir fait de grands progrès en Angleterre. En 1907, on en comptait neuf à Londres» Il n’en est pas de même en Allemagne» où elles accusent à peu près dans toutes les régions, une progression constante. En 1906, la Prusse seule comptait 45 651 Irvingiens. Aux ÉtatsUnis, d’après la statistique de 1916, les anciens Irvin giens comptaient 13 communautés et 2 708 membres, tandis que les néo-Irvingiens avaient 20 communautés avec 3 828 membres. On n’a pas de renseignements précis sur leurs missions de Java et de l’Afrique du Sud. En Allemagne, ils disposent de plusieurs journaux et publications périodiques. Toute la littérature relative à la secte Iningienne an lé rieurrment à 1900 se trouve indiquée dans Th. Kolde, Edusard Irving, Leipzig, 1901; du même, art. Irviag, de U Rralrncgctopadie de Hauck, 3’ édit. Il faut y ajouter K. Ilandtmann. Die Xeu-lndngianer, Gûterdoh. 1907, et la publication du département du commerce d« État* Unis, Religious Mia, Part. Il, Separate denominations, p. 186 et p. 529 sq.